SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Questions d'actualité au Gouvernement
(p.
1
).
M. le le président.
ABANDON DU PROJET
DE LIAISON FLUVIALE RHIN-RHÔNE (p.
2
)
MM. Robert-Paul Vigouroux, Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement auprès du ministre de l'équipement, des transports et du logement.
MASSACRES EN ALGÉRIE (p. 3 )
Mme Danielle Bidard-Reydet, M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.
POLITIQUE FAMILIALE DU GOUVERNEMENT (p. 4 )
M. Michel Doublet, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
CRÉATION D'EMPLOIS-JEUNES
DANS L'EDUCATION NATIONALE (p.
5
)
MM. Jean-Louis Carrère, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
MISE SOUS CONDITION DE RESSOURCES
DES ALLOCATIONS FAMILIALES (p.
6
)
M. Bernard Barraux, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
SITUATION FINANCIÈRE DES FAMILLES (p. 7 )
M. Jean-Claude Carle, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
AIDE A L'EMPLOI DANS LE SECTEUR TEXTILE (p. 8 )
MM. Christian Poncelet, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
VÉRITÉ HISTORIQUE
ET DEVOIR DE MÉMOIRE (p.
9
)
MM. Guy Allouche, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
SITUATION DU SECTEUR TEXTILE-HABILLEMENT (p. 10 )
MM. Michel Bécot, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
AVENIR DE L'USINE DE RETRAITEMENT
DE LA HAGUE (p.
11
)
MM. Jean-François Le Grand, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
ACTIVITÉ LIBÉRALE
AU SEIN DE L'HÔPITAL PUBLIC (p.
12
)
MM. François Autain, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé auprès du ministre de l'emploi, et de la solidarité.
Suspension et reprise de la séance (p. 13 )
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
3.
Décès d'un ancien sénateur
(p.
14
).
4.
Transmission d'un projet de loi
(p.
15
).
5.
Modification de l'ordre du jour
(p.
16
).
6.
Candidatures à une commission mixte paritaire
(p.
17
).
7.
Dépôt d'un rapport en application d'une loi
(p.
18
).
8.
Candidatures à la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les
comptes
(p.
19
).
9.
Emploi des jeunes. -
Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
20
).
Discussion générale : Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité ; MM. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires
sociales ; Jean-Louis Lorrain, Guy Fischer, Mme Joëlle Dusseau, MM. André
Diligent, Claude Estier, Emmanuel Hamel, Jacques Habert, Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Clôture de la discussion générale.
10.
Nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et
d'apurer les comptes
(p.
21
).
11.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
22
).
12.
Emploi des jeunes. -
Suite de la discussion et rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
23
).
Question préalable (p.
24
)
Motion n° 1 de la commission. - MM. Louis Souvet, rapporteur de la commission
des affaires sociales ; Claude Estier, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi
et de solidarité ; MM. Alain Gournac, Henri de Raincourt, Mme Joëlle Dusseau,
M. Michel Mercier. - Adoption, par scrutin public, de la motion entraînant le
projet de loi.
13.
Renvoi pour avis
(p.
25
).
14.
Transmission d'un projet de loi organique
(p.
26
).
15.
Transmission d'un projet de loi
(p.
27
).
16.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
28
).
17.
Dépôt de rapports
(p.
29
).
18.
Dépôt d'un avis
(p.
30
).
19.
Ordre du jour
(p.
31
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte-rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle,
puisque c'est la première séance de questions d'actualité au Gouvernement de la
session ordinaire de 1997-1998, les bonnes habitudes que nous avions prises
afin que la télévision puisse couvrir complètement l'« événement » : deux
minutes et demie pour le questionneur, deux minutes et demie pour le
répondeur.
Je vous demande, avec beaucoup d'insistance et de gentillesse, de bien vouloir
respecter ces temps de parole.
Monsieur le Premier ministre, j'ai le plaisir de vous saluer. Nous sommes
sensibles à l'honneur que vous nous faites en étant présent aujourd'hui au banc
du Gouvernement.
ABANDON DU PROJET
DE LIAISON FLUVIALE RHIN-RHÔNE
M. le président.
La parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux.
Monsieur le Premier ministre, voyez dans ma question et dans ma position non
pas une opposition mais une demande.
L'annonce « couperet » de la suppression de la liaison fluviale Rhin-Rhône -
et donc celle de la mer du Nord et de la Méditerranée - a suscité bien des
émotions sur le territoire national et au-delà.
Marseille, le département des Bouches-du-Rhône et notre région se sentent très
concernés par cette décision, au-delà des sensibilités politiques et des
responsabilités publiques ou civiles. Nous savons tous les difficultés de notre
Sud méditerranéen où le pourcentage du chômage dépasse ou avoisine les 20 %.
Le développement, sinon déjà le rattrapage de nos ressources et des emplois
induits, demeure la préoccupation essentielle de ceux dont la volonté commune,
au-delà des clivages, est le souci majeur d'une évolution socio-économique
favorable.
Il nous faut, pour cela, tenir compte de notre position géostratégique
interface entre l'Europe et la Méditerranée.
De ce fait, beaucoup croient qu'un essor serait apporté par la finition d'un
ouvrage où ne manque plus qu'un maillon, alors que la liaison Rhin-Danube est
terminée et dépasse en rentabilité les prévisions.
S'agit-il réellement d'un problème écologique ? Je suis personnellement très
sensibilisé à l'avenir de notre planète, mais un canal ne détruit pas forcément
un environnement et peut même le valoriser. Que de peintres, écrivains,
musiciens ont célébré leurs charmes !
L'obstacle dépend-il des incidences financières que l'on croyait résolues
depuis les engagements pris entre la Compagnie nationale du Rhône et EDF,
ratifiés par la loi du 4 février 1995 ?
L'enjeu est-il un choix économique entre les transports fluviaux et les
transports routiers ou ferrés, avec étude de pollution, de coût à la tonne et
de faisabilité dans ce couloir du Rhône déjà tellement encombré dans ses
rétrécissements ?
Repousse-t-on seulement les échéances pour des raisons diverses, des prises de
positions personnelles, une impossibilité d'accord entre les sensibilités, les
appartenances, les intérêts locaux ?
Trop de questions pensez-vous, monsieur le Premier ministre, pour une brève
intervention et une brève réponse, alors que d'autres encore pourraient être
soulevées.
Aussi, finalement, je n'en pose plus qu'une : ne pensez-vous pas qu'une
décision aussi importante, d'intérêt national, nécessite réflexions,
estimations, discussions, suivies d'un débat parlementaire ?
Je sais, monsieur le Premier ministre, que votre réponse démocratique sera
positive.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement auprès du ministre de l'équipement, des
transports et du logement.
Monsieur le sénateur, vous me permettrez tout
d'abord d'excuser M. Gayssot, ministre de l'équipement, du transport et du
logement, qui est retenu par une réunion du conseil européen des transports à
Luxembourg, alors que, dans le même temps, Mme Voynet participe à Rome à une
réunion sur le thème de la désertification.
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Je suis néanmoins concerné par cette question au titre des prérogatives
qui sont les miennes dans le domaine de l'urbanisme, et vous accepterez sans
doute, monsieur le sénateur, que je réponde en lieu et place de mes deux
collègues et au nom du Gouvernement.
M. Henri Revol.
C'est aussi bien !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Comme vous le savez, le dossier relatif au canal à
grand gabarit Rhin-Rhône a été largement évoqué au cours de la dernière
campagne législative, après l'avoir été d'ailleurs précédemment à l'occasion de
la campagne présidentielle.
Au terme d'une réflexion collective, M. le Premier ministre, qui animait à
l'époque cette campagne, avait fait état de la conclusion qui s'était dégagée à
l'issue de cette réflexion collective : l'abandon de ce projet. Il n'y a donc
pas eu de décision qui n'ait été préalablement annoncée.
Cela dit, monsieur le sénateur, c'est en 1978, vous vous en souvenez, que ce
projet avait été déclaré d'utilité publique. Par une loi de 1980, la Compagnie
nationale du Rhône avait été chargée de sa réalisation. Si, en fait, rien ne
s'est passé pendant une aussi longue durée, c'est que, pendant tout
l'intervalle, de nombreuses questions se sont posées, des incertitudes sont
nées. Je peux même témoigner, étant originaire d'une région concernée par ce
projet, qu'on a constaté une sorte d'effritement progressif du nombre des
partisans de cette réalisation.
Du point de vue des transports, la sous-utilisation des capacités actuelles du
Rhône et de la Saône ne donnait pas à penser qu'il existait une pression telle
que l'addition d'un nouveau maillon allait accroître le trafic dans des
proportions qui soient à la hauteur de l'investissement à réaliser.
Du point de vue écologique, le bilan qui a été établi a fait apparaître que le
projet était plus destructeur que créateur.
Enfin, vous connaissez ses coûts. Il est apparu plus approprié de consacrer
ces dépenses à d'autres réalisations.
Cela ne signifie pas que le Gouvernement méconnaît l'intérêt des liaisons
fluviales. Le ministre de l'équipement, des transports et du logement a, vous
le savez, engagé une concertation pour définir le fuseau du futur tracé de la
liaison Seine-Nord.
M. Charles Revet.
Et Seine-Est ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Parallèlement, je souhaite appeler votre attention sur
un point. M. le Premier ministre a, dès sa déclaration de politique générale,
annoncé une révision de la loi d'orientation pour l'aménagement et le
développement du territoire.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Je termine, monsieur le président. Cette révision
donnera lieu à de nombreux débats, ne serait-ce que sur la modification de la
loi ou pour l'élaboration des schémas qui en découleront.
Bien évidemment, la politique des transports, avec une recherche de solutions
respectueuses de l'environnement et bien adaptées à un meilleur équilibre du
territoire, sera au coeur de ces débats. Je suis convaincu, monsieur le
sénateur, que vous aurez largement l'occasion d'y contribuer, et ce d'une
manière positive, compte tenu de l'attention que vous portez à ce dossier.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE ainsi que sur les travées
socialistes.)
MASSACRES EN ALGÉRIE
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les
ministres, mes chers collègues, de tout petits enfants que l'on égorge, de
toute jeunes filles enlevées, torturées et démembrées, des enseignantes
assassinées devant leurs propres élèves, des ouvriers, des paysans, des femmes,
des hommes, des enfants massacrés, cette succession macabre de tueries soulève
une émotion considérable.
C'est tout le peuple algérien que l'on veut faire taire, mais c'est tout un
peuple qui ne se tait pas et qui résiste.
Comment rester indifférent devant ces massacres quotidiens ?
Comment affirmer notre solidarité avec tous ceux qui, en Algérie comme en
France, refusent l'insupportable ?
Ma question comporte trois points.
Premièrement, quelle intervention pouvez-vous mettre en oeuvre auprès des pays
de l'Union européenne, notamment l'Allemagne et la Grande-Bretagne, pour qu'ils
cessent de laisser s'organiser sur leur territoire la propagande, la collecte
de fonds, l'achat des armes et le recrutement des intégristes qui tuent en
Algérie ?
Deuxièmement, comment pouvez-vous alléger, dans le respect de la sécurité des
deux pays, le dispositif de circulation entre la France et l'Algérie, d'une
part, pour permettre aux plus menacés de trouver momentanément repos dans notre
pays et, d'autre part, pour permettre aux familles algériennes ou issues
d'Algérie vivant en France d'aller apporter solidarité et réconfort aux leurs
?
Troisièmement, enfin, comment renforcer les actions des organisations non
gouvernementales tel le Secours populaire français qui organisent les aides
concrètes, notamment par l'accueil en France d'enfants algériens, l'équipement
de lieux d'urgence en Algérie pour soulager ceux qui fuient les massacres,
l'envoi de produits alimentaires, de médicaments, de fournitures scolaires et
universitaires, pour que la vie continue ?
Avec votre aide, monsieur le ministre, c'est le civisme quotidien du peuple
algérien que nous voulons saluer et soutenir.
C'est un devoir d'humanité.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des
affaires européennes.
Madame le sénateur, je réponds à votre question en
lieu et place de M. Hubert Védrine, actuellement retenu par une tournée
importante en Afrique, notamment en Afrique subsaharienne.
Nous sommes bouleversés par les actes de barbarie et les atrocités commis en
Algérie. Les derniers événements ont soulevé dans notre peuple une vague
profonde et unanime d'indignation et de compassion.
La société française, à travers le Gouvernement, exprime son entière
solidarité avec la population algérienne.
Face à une situation aussi dramatique et aussi complexe, la France est dans
une position particulière, liée à son histoire, à sa proximité avec l'Algérie,
aux liens denses et multiples que les peuples français et algérien ont tissés
ensemble depuis longtemps.
Dans ces conditions particulières, le Gouvernement souhaite agir utilement en
tenant compte des impératifs et des contraintes qui s'imposent à lui.
Les positions françaises sont connues. Comme nous n'avons jamais cessé de le
faire, nous dénonçons avec force le terrorisme et la violence aveugle qui
frappe l'Algérie. La population algérienne a légitimement droit à être
protégée. Sans nous ingérer en aucune façon dans les affaires intérieures
algériennes, nous réaffirmons l'importance d'une solution politique et
démocratique authentique élaborée par les Algériens eux-mêmes.
Comme M. le ministre des affaires étrangères l'a indiqué la semaine dernière,
nous sommes disponibles pour appuyer toute forme d'action de la communauté
internationale pour autant qu'elle soit de nature à favoriser la résolution
politique et pacifique de la crise algérienne en accord avec toutes les parties
qui refusent la violence.
Au-delà de cette prise de position générale, nous agissons concrètement pour
marquer notre solidarité avec l'Algérie. J'en donnerai quelques exemples.
Le premier exemple concerne la lutte contre le terrorisme islamiste en Europe
et la coopération policière.
La France condamne sans réserve le terrorisme sous toutes ses formes. Elle le
combat avec détermination, en liaison aves ses partenaires. Au niveau européen,
je peux vous assurer qu'une coopération et une concertation très étroites
existent entre les services de police des Etats membres afin d'identifier les
militants extrémistes et de déjouer les menaces terroristes. Nous travaillons à
renforcer encore cette coopération.
Le deuxième exemple vise la politique des visas. Le Premier ministre s'est
exprimé clairement sur ce point : le Gouvernement est favorable à un
assouplissement de la politique des visas pour tous ceux qui craignent pour
leur vie en Algérie. Je vous confirme donc que nous allons améliorer les
conditions dans lesquelles sont aujourd'hui examinées et instruites les
demandes de visa. Des dispositions administratives sont en particulier prises
pour accélérer les délais de traitement des dossiers.
Le troisième exemple a trait à l'asile politique.
Comme vous le savez, le Gouvernement déposera dans quelques jours sur le
bureau du Parlement un projet de loi sur l'entrée, le séjour des étrangers et
l'asile, qui fera suite aux propositions du rapport Weil. A cette occasion, le
Gouvernement proposera à votre assemblée de reconnaître le statut de réfugié
aux combattants de la liberté, c'est-à-dire à ceux qui sont menacés dans leur
vie en raison de leur action en faveur de la démocratie.
Enfin, le dernier exemple est celui de la coopération avec l'Algérie.
En dépit de l'évolution dramatique de la situation algérienne depuis 1992, la
coopération culturelle, technique et scientifique n'a jamais été interrompue.
Les actions de formation, en particulier, se poursuivent à un rythme soutenu.
Le Gouvernement entend poursuivre cette politique. L'abandonner reviendrait en
effet à infliger une souffrance supplémentaire à la population algérienne, déjà
profondément éprouvée, et à laquelle je renouvelle, au nom du Gouvernement, au
nom de la France, notre solidarité.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE et
de l'Union centriste.)
POLITIQUE FAMILIALE DU GOUVERNEMENT
M. le président.
La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet.
Mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre et
concerne la désastreuse politique familiale du Gouvernement.
(Murmures sur les travées socialistes.)
En effet, l'attitude actuelle du Gouvernement est fortement critiquable,
tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme, le Gouvernement a assené, en quelques jours, quatre mesures qui
bouleversent totalement ce pour quoi a été créée la politique familiale, et
cela, sans aucun dialogue !
Que sont devenues les affirmations selon lesquelles votre Gouvernement serait
celui du dialogue ?
Vous êtes d'ailleurs obligé de reconnaître que vous êtes allé trop vite,
puisqu'il semble que vous envisagiez maintenant d'ouvrir, peut-être dans un an,
le débat pour une remise à plat de la politique familiale.
Votre attitude est également critiquable sur le fond, monsieur le Premier
ministre.
Prenons, par exemple, le cas de l'AGED, l'allocation de garde d'enfant à
domicile, aide forfaitaire et donc égale pour tous. Pourquoi en diminuer le
montant de moitié ?
Vous affirmez haut et fort que l'Etat n'a pas à prendre en charge près de 80 %
du coût des emplois familiaux. Vous avez moins d'état d'âme pour les
emplois-jeunes qui pourtant ne correspondent qu'à des emplois et à des besoins
virtuels.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
En outre, les chiffres que vous avancez sont inexacts ! Selon vous, 30
000 familles seraient touchées par la diminution de l'AGED. En réalité, elles
sont 67 000 à en bénéficier !
M. Michel Charasse.
On va pleurer !
M. Michel Doublet.
De plus, les exemples que vous citez sont toujours extrêmes. Ils ne tiennent
pas compte des loyers ou des remboursements d'emprunt qui pèsent sur les
familles.
Peut-être une réforme est-elle nécessaire, mais ce n'est pas celle que vous
nous proposez, dont les conséquences sont catastrophiques en termes d'emplois
et de développement du travail au noir.
Plus grave encore, vous ne proposez aucune solution de substitution. Vous
remettez en cause l'aide à la garde d'enfants à domicile en arguant que les
familles n'ont qu'à mettre leurs enfants à la crèche. Or, vous savez très bien,
monsieur le Premier ministre, qu'il n'y a pas assez de places en crèche et
qu'un lit de crèche est considérablement plus coûteux pour la collectivité
qu'une garde aidée à domicile.
(Protestations sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux.
C'est évident !
M. Michel Doublet.
De plus, les horaires de travail des parents ne leur permettent pas toujours
de s'organiser autrement qu'en embauchant une personne à domicile.
Il me semble, monsieur le Premier ministre, que vous confondez la politique
sociale, qui est indispensable pour l'équilibre de la société, et la politique
familiale, qui est vitale pour l'avenir de la nation.
Ne dressez pas une partie de la France contre une autre !
Contre toute logique, entendez-vous maintenir ces décisions ou les modifier
pour que les familles ne soient pas pénalisées, comme le souhaite le Président
de la République, M. Jacques Chirac ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, pour
traiter le problème de la famille, il vaut mieux partir des réalités. Or nous
nous trouvons confrontés aujourd'hui à un déséquilibre de la branche famille de
la sécurité sociale de 13 milliards de francs et je dois dire que, si nous
devions appliquer la loi votée sous M. Balladur en 1994, il y aurait 10
milliards de francs de plus de déficit d'ici à la fin de 1999. En effet, cette
loi, qui est en grande partie la raison du déficit actuel, n'a pas été
financée. Telle est aujourd'hui la situation.
Dès lors, pour énoncer très simplement les choses, le Gouvernement - et M. le
Premier ministre l'a toujours dit - souhaite absolument poursuivre une
politique qui permette des transferts des non-familles vers les familles. C'est
cela la politique familiale !
Mais, dans notre pays, contrairement à beaucoup d'autres - cette remarque
figure d'ailleurs dans un récent rapport international - la politique familiale
entraîne des redistributions des familles les moins favorisées vers les
familles les plus favorisées.
M. Michel Charasse.
Et la Cour des comptes !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'en viendrai dans quelques
instants au rapport de la Cour des comptes ! Ainsi, une famille qui a trois
enfants et qui perçoit 100 000 francs de revenus annuels reçoit trois fois
moins de prestations familiales qu'une famille de trois enfants qui gagne sept
fois plus, c'est-à-dire 700 000 francs. Telle est la réalité.
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
J'en viens maintenant à l'AGED, puisque vous en avez parlé. A ce propos,
si vous le voulez bien, je m'attacherai à la réalité des chiffres, confirmés
par l'association des employeurs de personnes à domicile. Il ne s'agit donc pas
de chiffres que le Gouvernement invente, comme vous avez l'air de le dire.
Aujourd'hui, l'AGED bénéficie à 66 000 familles, mais, selon ce rapport, seule
la moitié d'entre elles va être touchée par la réduction à 45 000 francs du
plafond pour les emplois familiaux et à 50 % de l'exonération des cotisations
sociales pour l'AGED, soit 33 000 familles. Or la moyenne des revenus mensuels
de ces familles est de 30 000 francs.
M. Jean Chérioux.
C'est énorme !...
M. Jean-Louis Carrère.
Ce ne sont pas les plus malheureux !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non, ce n'est pas énorme,
monsieur Chérioux. Mais quand le déficit de la sécurité sociale est de 13
milliards de francs, trouvez-vous normal que l'Etat et la sécurité sociale
remboursent plus des trois quart du coût d'un employé de maison à domicile,
c'est-à-dire 85 000 francs sur les 115 000 francs que coûte un employé à temps
plein ?
(Applaudissements sur les travées socialistes et très vives exclamations sur
les travées du RRP.)
M. Josselin de Rohan.
Et les emplois-jeunes ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vais vous répondre tout de
suite sur ce point : un emploi-jeunes coûte 92 000 francs à l'Etat, mais il va
être utile à des dizaines, voire à des centaines de personnes...
(Nouvelle exclamations sur les travées du RPR.)
... et ne sera pas au
service unique - excusez-moi de vous le dire ! - de 2 % seulement des 3
millions de ménages qui, aujourd'hui, ont un enfant de moins de six ans,
c'est-à-dire 0,2 % des familles françaises. Voilà la réalité !
Je vais maintenant, sans entrer dans la polémique, vous lire ce qu'indique le
rapport de la Cour des comptes à propos de l'AGED.
M. le président.
Brièvement, madame le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
« L'AGED est le mode de garde
le plus coûteux en valeur absolue. Son coût est de 89 % plus élevé que celui
d'une place en crèche. L'AGED engendre une ségrégation sociale évidente ;
l'AGED, associée aux emplois familiaux, ne concerne que les familles qui
disposent de revenus élevés. »
Je pourrais vous lire les cinq pages que la Cour des comptes - et non pas le
Gouvernement - consacre à ce thème. Mais j'en termine en vous disant, monsieur
le sénateur, qu'après ces deux mesures relatives aux emplois familiaux et à
l'AGED une famille qui a un employé à domicile continuera à percevoir une aide
qui variera entre 40 % et 60 %.
Aucun pays au monde ne rembourse à l'employeur de gens de maison entre 40 % et
60 % de ses frais. Pourtant, il existe d'autres pays au monde qui défendent,
comme nous, les familles et la politique familiale.
(Très vifs
applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Carrère.
Bonne réponse !
M. René-Pierre Signé.
Ils ne savent que dire, ils sont K-O !
CRÉATION D'EMPLOIS-JEUNES
DANS L'ÉDUCATION NATIONALE
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Ma question s'adresse à M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale,
de la recherche et de la technologie.
M. Josselin de Rohan.
Voilà le mammouth !
M. Jean-Louis Carrère.
Je me félicite que les promesses faites, lors de la campagne des élections
législatives, au printemps dernier, de créer 700 000 emplois-jeunes se
concrétisent aussi rapidement en actes et que vous ayez été, monsieur le
ministre, le premier à reprendre la balle au bond en annonçant la création de
70 000 emplois-jeunes dans l'éducation nationale, dont 40 000 seront effectifs
dès la fin de l'année 1997.
(Applaudissements sur les travées socialistes. -
Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
Des fonctionnaires en plus !
M. Jean-Louis Carrère.
Cela vous dérange, mais c'est très bien !
Cette opération a connu un énorme succès dès le départ puisque, quelques jours
après l'ouverture de la procédure de recrutement auprès des rectorats, près de
150 000 jeunes s'étaient déjà portés candidats.
Vous aviez indiqué, lors du lancement des emplois-jeunes dans l'éducation
nationale, que les premières signatures de contrats pourraient intervenir au
mois d'octobre. Je souhaiterais donc aujourd'hui que vous me donniez des
indications sur l'état d'avancement du recrutement et sur ses modalités. Je
souhaiterais également savoir si certains de ces jeunes ont déjà pris leurs
fonctions dans les établissements scolaires et comment se passent leurs
premières expériences ?
M. Jean-Pierre Schosteck.
Et comment ces emplois seront-ils financés, aussi !
M. Jean-Louis Carrère.
Pour le reste, monsieur le ministre, je vous réitère mon entier soutien à
votre projet et vous remercie des précisions que vous voudrez bien m'apporter à
ce sujet.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe François.
Il en a bien besoin de votre soutien !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le sénateur, le plan emplois-jeunes qui concerne l'éducation nationale
est axé, dans sa première phase, de manière à répondre non seulement à des
problèmes d'emplois, mais aussi à des besoins de l'éducation nationale.
A ce sujet, permettez-moi de citer quelques chiffres. On dit parfois qu'il y a
trop de fonctionnaires. Or, je tiens à le préciser, nous ne sommes pas un pays
qui compte trop d'enseignants. Aux Etats-Unis d'Amérique du Nord, pour prendre
l'exemple d'un pays qui n'est pas particulièrement socialiste, 7,2 % de la
population active travaillent comme enseignants alors qu'en France ce taux est
de 5,9 %. De plus, dans les pays scandinaves, qui sont peut-être un peu plus
avancés que nous, ce taux est de 8 %.
Je ferai tout d'abord remarquer qu'il n'y a pas trop de personnel dans
l'éducation nationale. La preuve en est d'ailleurs que les entreprises de notre
pays créent des systèmes de formations parallèles à l'éducation nationale.
Les emplois-jeunes permettront de répondre à la satisfaction d'un besoin, à
savoir changer les rythmes d'éducation des enfants. Nous les avons concentrés,
d'abord, sur le primaire, qui bénéficiera, dans une première phase, de 30 000
postes.
L'embauche de ces jeunes se fera - je vous rassure tout de suite, monsieur le
sénateur - seulement après le vote de la loi.
(Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Par
conséquent, les premières signatures interviendront dès que la loi sera votée
(Ah ! sur les mêmes travées)
car l'éducation nationale, soucieuse
d'enseigner la morale civique, est la première à respecter les droits du
Parlement.
(Nouvelles exclamations sur ces mêmes travées.)
M. Josselin de Rohan.
C'est ce que l'on appelle la carte forcée !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Si nous voulons signer des accords, comme je ne doute pas que la représentation
nationale, soucieuse d'améliorer le fonctionnement de l'éducation nationale et
la situation de l'emploi, finisse par voter le texte relatif aux
emplois-jeunes, nous avons pris les dispositions pour être en mesure de
recruter.
Actuellement, 150 000 demandes ont été déposées. On peut cependant noter une
répartition quelque peu étrange puisque la région parisienne a répondu beaucoup
moins bien que la province...
M. Jean-Louis Carrère.
C'est à cause de leur ami Tiberi !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je me suis expliqué avec le maire de Paris à ce propos. Il reconnaît lui-même
que c'est une péripétie et non une marque de mauvaise volonté, monsieur le
sénateur.
Il existe un problème concernant la région parisienne, qui, selon moi, est
surtout lié au fait que les rectorats sont assez éloignés des endroits où se
trouvent les jeunes, qui ont donc beaucoup de mal à se manifester.
Globalement, la campagne se déroule dans des conditions favorables. Par
ailleurs, un sondage a montré que les enseignants y étaient favorables. Par
conséquent, je crois que nous allons pouvoir avancer dans le sens d'une
amélioration du travail et des tâches dans l'éducation nationale.
Je m'adresse maintenant tout particulièrement à certains élus de l'opposition
qui ont voté d'autres dispositions, qui ont contribué à lancer d'autres
expériences, en vue d'améliorer les rythmes scolaires, notamment. En
l'occurrence - c'est une grande différence - d'une part, cela coûtera moins
cher et, d'autre part, ce sera intégré dans l'école. En effet, toutes les
expériences précédentes consistaient à faire payer les collectivités
territoriales. Un peu partout, à Epinal ou ailleurs, la modification des
rythmes scolaires a coûté très cher.
M. Jean Chérioux.
Pourquoi Epinal ?
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Parce que je parle de faits !
Monsieur Carrère, jusqu'à maintenant le programme en faveur des
emplois-jeunes, qui correspond à des besoins, se déroule dans de bonnes
conditions. Naturellement, je tiendrai au courant la représentation nationale
au fur et à mesure.
M. le président.
Pouvez-vous conclure, monsieur le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mais je veux vous dire que nous avons décidé que, pour le suivi des
emplois-jeunes, nous mettrions sur pied des commissions dans lesquelles les
élus seraient associés.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
MISE SOUS CONDITIONS DE RESSOURCES
DES ALLOCATIONS FAMILIALES
M. le président.
La parole est à M. Barraux.
M. Bernard Barraux.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les
ministres, mes chers collègues, votre Gouvernement, en décidant de mettre les
allocations familiales sous conditions de ressources
(Exclamations sur les travées socialistes.)
vient de dénoncer un contrat
qui existait pourtant entre l'Etat et l'ensemble des familles de France depuis
plus de cinquante ans.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Claude Carrère.
Qu'est-ce que ça serait s'ils avaient des enfants !
M. Bernard Barraux.
Permettez à un fils et à un père de famille nombreuse de s'en offusquer.
M. Yann Gaillard.
Très bien !
M. Bernard Barraux.
Mais, comme si cela ne suffisait pas, vous venez également de décider la
suppression de la demi-part du quotient familial pour les personnes ayant élevé
seules leurs enfants. Franchement, est-ce cela le grand projet familial de la
gauche ? N'allez-vous pas disloquer un des rares fondements qui subsiste encore
dans notre société déjà si malade ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La famille ! Et le travail et la patrie ?
M. Jean Chérioux.
Et alors, cela n'existe pas pour vous ?
M. Bernard Barraux.
La suppression de la demi-part du quotient familial pour les personnes ayant
élevé seules leurs enfants est, selon moi, totalement inadmissible, tout autant
que la mise sous condition de ressources des allocations familiales. Ne
confondez-vous pas, monsieur le Premier ministre, la politique familiale, dont
le but n'est autre que de compenser en partie les charges engendrées par un
enfant, avec la politique sociale qui, elle, a pour but de mieux répartir les
richesses nationales entre les plus pauvres et les plus riches ?
Au point où en est la démographie française, les familles qui ont des enfants
assurent aujourd'hui un véritable service public. C'est l'avenir de la nation
qui est en cause.
(M. Jacques Nachet applaudit.)
M. Josselin de Rohan.
Eh oui !
M. Bernard Barraux.
Avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous condamnons
vigoureusement les mesures prises par le Gouvernement et touchant à la
politique familiale.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Bernard Barraux.
Nous vous demandons, en conséquence, monsieur le Premier ministre, madame le
ministre, de bien vouloir préciser, aujourd'hui, devant la Haute Assemblée, si
vous avez l'intention de vous acharner à poursuivre dans cette voie qui va
totalement à l'encontre de l'intérêt des familles et de la France.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur,
permettez-moi de vous dire que ce qui va à l'encontre de l'intérêt des familles
de France, c'est de faire voter des lois qui ne sont pas financées et de faire
des promesses aux familles que le Gouvernement n'est pas capable de tenir !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen. - Vives protestations sur les travées
du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je ne reviens pas sur les chiffres dont j'ai parlé tout à l'heure et que
personne ne conteste : 13 milliards de francs de déficit de la branche famille
aujourd'hui.
M. Jean Chérioux
Vous déformez la réalité !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement n'a pas de
leçon à recevoir sur l'aide aux familles.
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Depuis trois mois que nous sommes au gouvernement - le Premier ministre
l'avait d'ailleurs annoncé dans sa déclaration de politique générale - nous
avons pris des mesures en faveur des familles à hauteur de 10,5 milliards de
francs, que ce soit le quadruplement de l'allocation de rentrée scolaire,
l'augmentation de l'aide personnalisée au logement, l'APL, qui n'avait pas été
revalorisée depuis quatre ans
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. -
Voilà ! sur les travées socialistes.)
ou encore l'aide à la cantine
scolaire.
M. René-Pierre Signé.
Vous ne dites rien, là, messieurs !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Permettez-moi de vous le dire,
ce ne sont pas 30 000 familles qui sont touchées ; ce sont des centaines de
milliers de familles ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... qui vont vivre mieux, avec
des enfants qui vont vivre mieux, grâce à ces aides. Voilà la réalité des
choses !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé.
Que répondez-vous à cela, messieurs ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Alors, un petit mot maintenant
sur les allocations familiales. Là encore, M. le Premier ministre vous en avait
entretenu juste après sa déclaration de politique générale, mesdames, messieurs
les sénateurs.
Nous avons été disponibles tout l'été pour discuter avec les associations
familiales et avec les organisations syndicales afin de voir comment, dans
notre pays, la politique familiale pourrait permettre non seulement une
redistribution des non-familles vers les familles, ce qui est souhaitable et ce
qui est bien, mais aussi un équilibre entre les familles favorisées et celles
qui ne le sont pas. Et croyez bien que nous avons proposé d'autres systèmes que
certaines familles souhaiteraient, comme celui du quotient familial, par
exemple.
Peut-être parce que c'était l'été et qu'il était difficile à ces organisations
de prendre une décision, en tout cas elles n'ont pas souhaité exprimer une
préférence pour un autre système. C'est la raison pour laquelle M. le Premier
ministre a annoncé que nous travaillerions à nouveau avec elles, et elles le
savent très bien.
Sachez que la plupart d'entre elles, que je reçois en permanence, n'emploient
pas pour les discussions le ton sur lequel vous parlez dans cet hémicycle !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées socialistes. - Exclamations sur
les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
De plus, les associations familiales ne regroupent pas seulement les familles
qui perçoivent l'allocation de garde d'enfant à domicile, l'AGED, ou celles qui
sont concernées par les allocations familiales. Elles recouvrent aujourd'hui
les 16 millions de familles qui, pour beaucoup, ont des problèmes, y compris
pour payer la cantine scolaire de leurs enfants !
Elles n'ont donc pas le même discours que vous, et c'est dans un climat
totalement apaisé que nous allons continuer à travailler sur cette politique
familiale qui, je dois le dire, ne touchera pas uniquement les prestations
familiales. Elle concernera aussi l'ensemble des aides à la famille,
l'éducation, le logement que vous avez malheureusement laissé tomber ces
dernières années !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
SITUATION FINANCIÈRE DES FAMILLES
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les
ministres, mes chers collègues, c'est une véritable douche froide que les
familles ont subie depuis votre prise de fonctions.
(Protestations sur les travées socialistes. - Tout à fait ! et
applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Brusquement, et sans concertation, vous leur assénez une mise sous
condition de ressources des allocations familiales, une réduction de l'AGED et
vous divisez par deux l'abattement fiscal maximal pour l'emploi de personnel à
domicile.
M. Jean-Louis Carrère.
C'est la révolte des grands-parents !
M. Jean-Claude Carle.
Indépendamment du véritable matraquage que constituent ces trois mesures
conjuguées, vous allez, monsieur le Premier ministre, développer le travail au
noir et tuer les emplois familiaux.
(Protestations sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ils sont mal organisés quand même !
M. Paul Raoult.
Ils manquent vraiment d'idée !
M. André Rouvière.
Ils pourraient varier les questions !
M. Jean-Claude Carle.
Je m'attacherai aux emplois familiaux.
Où est la logique de votre action, alors que, dans le même temps, vous
engloutissez les fonds publics dans la création
ex nihilo
de 350 000 emplois-jeunes, dont la pérennité et la solvabilité
sont très hypothétiques ?
Vous nous expliquez que ne seront concernées que quelques dizaines de milliers
de ménages, en réalité essentiellement des familles que vous considérez comme
des « privilégiées », pour reprendre vos propos du 29 septembre dernier.
M. René-Pierre Signé.
On vous a répondu !
M. Jean-Claude Carle.
Mais, monsieur le premier ministre, comment irez-vous expliquer à telle
employée de maison licenciée qu'elle travaillait en réalité pour une famille de
« privilégiés » ? Par cette mesure, vous ne contribuez qu'à « opposer les
catégories sociales entre elles », pour reprendre les propos mêmes de Mme la
secrétaire d'Etat au tourisme.
M. Paul Raoult.
Il nous ennuie !
M. Jean-Claude Carle.
Vous nous expliquez que l'Etat n'a pas vocation à prendre à sa charge les
emplois à domicile.
M. André Rouvière.
Variez vos questions !
M. Jean-Claude Carle.
Mais pourquoi donc un tel employeur, à la différence de l'artisan, du
commerçant ou du chef d'entreprise, ne pourrait-il pas imputer sur ses revenus
les salaires qu'il verse ?
Le scandale, monsieur le Premier ministre, est aussi dans la rétroactivité de
ces mesures.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
Comment les contribuables pourraient-ils avoir confiance en l'Etat,
lorsque celui-ci change les règles du jeu et revient sur sa parole ?
(Protestations sur les travées socialistes.)
M. Claude Estier.
Vous ne l'avez jamais fait ?
M. Paul Raoult.
Vous avez donné l'exemple ! Deux cents milliards !
M. Jean-Claude Carle.
Ils ont engagé et payé des salariés sur la base de règles fixées par l'Etat ;
or, le 24 septembre, vous leur annoncez que celui-ci n'honorera pas ses
engagements.
Aussi, monsieur le Premier ministre, ma question
(Enfin ! sur les travées socialistes)
est double.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous n'avez droit qu'à une !
M. Jean-Claude Carle.
Aurez-vous la sagesse de revenir sur une mesure fallacieuse, injuste et
contre-productive d'un point de vue économique ou, à tout le moins, de ne pas
l'appliquer aux revenus de 1997 ?
Par ailleurs, depuis votre arrivée au pouvoir, vous avez manifesté, notamment
dans cet hémicycle, votre volonté d'associer le Parlement aux débats qui
précèdent ou accompagnent la mise en oeuvre des orientations du Gouvernement.
Où est donc passé ce souci permanent ? Allez-vous engager rapidement un débat
devant le Parlement sur la politique familiale ?
(Très bien ! sur les travées des Républicains et Indépendants.)
La place et l'importance de la famille dans notre société méritent mieux
qu'une série de mesures comptables pénalisantes prises à la va-vite. La famille
doit être le domaine d'investissement prioritaire de la nation.
(Très bien ! sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, je ne
crois pas que ce soit à nous qu'il faille dire que la famille est
essentielle...
(Murmures sur les travées du RPR.)
... comme lieu de cohésion sociale,
comme lieu de repères, comme lieu de définition des valeurs, toutes choses que
nombre de familles aujourd'hui, à cause de leurs difficultés financières, à
cause du chômage, à cause de l'exclusion, n'arrivent pas à transmettre à leurs
enfants.
Nous, c'est bien pour tous les enfants de France que nous souhaitons une
famille composée, qui puisse apporter effectivement ces valeurs et ces repères
sans passer son temps à se demander comment elle va terminer la fin du mois.
Je voudrais vous redire les chiffres, même si je sais qu'ils vous
gênent,...
MM. Josselin de Rohan et Philippe François.
Pas du tout !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... car la démocratie veut, je
crois, qu'on les donne.
Ce sont 3 % des familles françaises qui seront touchées par la mise sous
condition de ressources des allocations familiales
(Exclamations sur les travées du RPR.),
alors que 0,25 % d'entre elles
seront concernées par la baisse des emplois familiaux.
M. Jean Chérioux.
C'est de la démagogie !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
De la démagogie ? Non, c'est la
réalité ! Cela vous gêne, je le regrette, mais c'est ainsi.
(Vifs applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - Vives exclamations sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
En fait, 0,25 % des familles seront touchées au niveau de l'allocation de
garde d'enfant à domicile, celles qui gagnent plus de 30 000 francs nets par
mois ! Voilà celles que vous défendez ! En France, il existe 12 millions de
familles et nous, nous souhaitons les défendre toutes !
Nous sommes convaincus qu'une partie de celles qui sont concernées par ces
mesures seront d'accord pour être solidaires de celles qui aujourd'hui
souffrent et sont en difficulté.
M. Jean Chérioux.
On en reparlera !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Effectivement, on en
reparlera.
Permettez-moi de vous dire un dernier mot.
La concentration des questions que vous posez, comme d'ailleurs la
concentration des critiques que l'opposition porte sur le Gouvernement
(Vives exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.),...
M. Jean Chérioux.
Sur quoi ?
M. Henri de Raincourt.
Normal !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... ne touchent que la famille,
comme si vous n'aviez aucune critique à formuler parce que nous avançons sur
l'emploi, parce que nous avançons sur la santé, parce que nous avançons sur le
logement
(Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées socialistes. - Vives
exclamations sur les travées du RPR.),
parce que nous avançons sur
l'éducation et parce que la France est en train de trouver sa voie au sein de
l'Europe et de montrer un nouveau modèle de développement !
M. Josselin de Rohan.
Des incantations !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ne faites pas de votre
incapacité à trouver un mode de positionnement politique par rapport à nous une
affaire politicienne de la famille.
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Nous la défendons aussi bien que vous !
(Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées socialistes ainsi que
sur celles du groupe communiste, républicain et citoyen. - Nouvelles
protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
AIDE À L'EMPLOI DANS LE SECTEUR TEXTILE
M. le président.
La parole est à M. Poncelet.
M. Christian Poncelet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'avoue ne pas comprendre la politique du
Gouvernement dans le domaine de l'emploi.
(Marques d'approbation sur les travées du RPR. - Exclamations sur les travées
socialistes.)
Je m'explique démocratiquement.
Vous supprimez les aides à l'emploi du secteur marchand, du secteur productif,
au bénéfice de l'aide à l'emploi public, à l'emploi qualifié de non solvable
par les uns et par les autres.
Dans le projet de budget pour 1998, vous freinez très fortement l'allégement
des charges sociales patronales sur les bas salaires mis en oeuvre
courageusement par le gouvernement Juppé dans tout le secteur productif. Vous
abaissez le seuil des salaires concernés de 1,33 fois à 1,30 fois le SMIC.
L'aide au secteur marchand, celui qui apporte des richesses au pays, est donc
réduite de 6 milliards de francs.
(Très bien ! sur les travées du RPR.).
Dans le secteur textile, la décision du Gouvernement est encore plus
grave, puisque le seuil des salaires touchés par la mesure passe de 1,50 fois -
il s'agissait, bien sûr, de l'application du plan textile que vous connaissez
bien, monsieur le secrétaire d'Etat - à 1,30 fois le SMIC. La recette pour
l'Etat s'élèvera de 2 milliards de francs.
Je tiens à préciser que les mesures Juppé ajoutées au plan textile ont permis
- je parle sous le contrôle d'un membre du Gouvernement, M. Christian Pierret -
de sauver dans le textile des milliers et des milliers d'emplois. Lui-même, à
une certaine époque, l'a reconnu.
Permettez-moi de vous faire remarquer que vous retirez du secteur marchand une
aide de 8 milliards de francs pour financer, à hauteur de 8 milliards de francs
dans le budget pour 1998, des emplois dits publics qui ne créent aucune valeur
ajoutée. Vraiment, non, je ne comprends pas.
Un sénateur du RPR.
Très bien !
M. Christian Poncelet.
De plus, dans le domaine textile, vous alourdissez les charges de ce secteur
industriel en supprimant le recours aux provisions pour fluctuation des cours.
Dans le secteur textile, je vous l'affirme, monsieur le secrétaire d'Etat, en
le regrettant - ce n'est pas mon souhait, et cela ne doit pas être le vôtre non
plus - de nouveaux licenciements vont être prononcés.
M. Adrien Gouteyron.
C'est certain !
M. Christian Poncelet.
Quelles mesures prévoyez-vous alors, monsieur le secrétaire d'Etat, pour faire
face, dans le secteur textile, à une évolution aussi pénalisante pour celui-ci
?
De grâce, n'invoquez pas par ailleurs la réduction négociée du temps de
travail. Celle-ci ne saurait être la panacée, le remède miracle à toutes les
questions posées !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie, auprès du ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie.
Monsieur le sénateur, il y a, de mon côté
aussi, une incompréhension. Je vous la livre amicalement, vous le savez.
Je ne comprends pas que les thuriféraires du marché, de la libre entreprise,
de la liberté d'entreprendre...
(Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants.)
M. Jean-Patrick Courtois.
C'est vous qui avez créé cela !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... soient systématiquement aussi acharnés à défendre
l'intervention de l'Etat, les subventions de l'Etat, les aides de l'Etat alors
que, par ailleurs, ils n'ont de cesse, sans doute à juste titre, de défendre
l'entreprise et les perspectives de la libre entreprise !
Je ne comprends pas vraiment pourquoi, chaque fois qu'on évoque les
difficultés d'un secteur économique, ce sont les plus libéraux qui en rajoutent
systématiquement, toujours plus, sur l'aide de l'Etat et les subventions
publiques que, par ailleurs, dans d'autres discours, ils fustigent !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Protestations sur les
travées du RPR.)
J'en viens plus directement au textile.
Vous le savez, monsieur le sénateur, il est impossible de renouveler le plan
textile provisoire qui a été mis en oeuvre par le précédent gouvernement et
dont l'application court, en prévision, jusqu'au 31 décembre 1997. Il s'agit
d'une aide sectorielle qui, chacun le sait, est prohibée par le traité de
Rome...
M. Emmanuel Hamel.
Libérez-vous du traité de Rome !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... et par les différentes directives de l'Union
européenne.
Je crois - et je le dis sans aucun esprit de polémique - que mon prédécesseur,
M. Borotra, avait mal évalué le risque qu'il faisait courir ainsi aux
entreprises en engageant plusieurs centaines d'entre elles à recevoir des aides
et des subventions qui, nous le savions dès l'origine, étaient radicalement
contraires aux règles européennes.
Aujourd'hui se pose donc un problème budgétaire lié au non-provisionnement de
cette somme dans le budget de 1997 par nos prédécesseurs. Mais il faut penser
aussi au remboursement éventuel des sommes perçues par les entreprises de
manière illégale au regard des lois de l'Union européenne.
M. Serge Vinçon.
Et Air France !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je répète qu'il n'est sans doute pas envisageable, de
manière sérieuse, et ce pour une raison évidente, d'élargir le système à
l'ensemble des secteurs économiques. Il en coûterait en effet 35 milliards de
francs. Chacun sait - et le gouvernement précédent qui ne l'a pas mis en oeuvre
le savait bien - que cette mesure est impossible à engager.
Il s'agit aujourd'hui de faire en sorte que les difficultés structurelles du
textile puissent être résolues grâce au dynamisme du secteur
(Ah ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
certes
encouragé par le Gouvernement et par l'Etat...
M. Jean Chérioux.
Comment ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... dans une heureuse harmonie d'actions.
C'est en effet un secteur important, qui occupe 330 000 employés, qui touche
toutes les régions et qui a montré son dynamisme en maintes occasions. Ce
secteur bénéficie aujourd'hui, il faut le rappeler, de l'évolution favorable de
la lire, de la peseta et du dollar, et il devrait profiter de la reprise de la
demande qui va nécessairement suivre les mesures qui ont été ou vont être
adoptées par le Gouvernement.
Eh ! oui, monsieur le sénateur, à ce propos on peut évoquer la baisse du temps
de travail ou, plus exactement, l'organisation différente du travail au cours
de l'année, laquelle permettra certainement à ce secteur de retrouver une
deuxième jeunesse grâce à une plus grande souplesse sans tomber dans une
flexibilité que je condamnerais.
(Murmures sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Il s'agit de faire en sorte que le secteur trouve lui-même en son sein
les ressources de son développement.
Toutefois, monsieur Poncelet, avec l'autorisation de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie, je peux vous indiquer que le
Gouvernement va engager dans les prochaines semaines, en liaison avec les
professions concernées, l'examen d'un dispositif d'appui à l'emploi dans les
industries de main-d'oeuvre, dispositif qui doit être conforme aux engagements
européens et internationaux de la France, et qui devrait être régionalisé pour
répondre aux problèmes spécifiques de certains bassins d'emplois. Je pense
ainsi vous donner pleinement satisfaction.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
VÉRITÉ HISTORIQUE ET DEVOIR DE MÉMOIRE
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les
ministres, mes chers collègues, pour la troisième fois depuis la fin de la
Seconde Guerre mondiale, la France a à connaître d'un crime contre l'humanité
qui mêle l'histoire d'un homme et la mémoire d'une nation.
Parce que la conscience se constitue d'abord par le souvenir, aucune société,
aucun individu ne peut vivre en paix avec lui-même sur un passé refoulé ou
mensonger. Et c'est parce que l'amnésie guette autant les êtres que les peuples
que les plus hautes autorités du pays ont rappelé l'impérieux devoir de mémoire
qui perpétue le sentiment d'appartenance à la nation.
Au devoir de mémoire s'ajoutent le devoir de justice et le devoir de
vérité.
Le devoir de justice a commencé hier, et il est juste qu'un homme accusé de
crime comme l'humanité - crime imprescriptible - puisse répondre de ses actes
devant une cour d'assises.
M. Jacques Larché.
Et la séparation des pouvoirs ?
M. Guy Allouche.
Le devoir de vérité va se poursuivre avec la recherche historique, essentielle
pour lutter contre l'oubli, la déformation de l'histoire et l'altération de la
mémoire, grâce à l'accès plus rapide et plus facile aux archives permis par une
récente décision de M. le Premier ministre.
Le devoir de mémoire, indispensable à la formation de la conscience morale et
civique des jeunes générations, s'impose plus que jamais. A cet égard, je veux
saluer le remarquable travail de notre corps professoral qui, bien au-delà des
programmes officiels, concourt, par des manifestations diverses et nombreuses,
à la sensibilisation de notre jeunesse aux dangers du racisme, lequel est
d'abord un crime contre l'esprit.
M'adressant à vous, monsieur le ministre de l'éducation nationale, je vous
demande quelles instructions nouvelles, quelles incitations, quelles actions
concrètes et permanentes, quelles manifestations le Gouvernement entend
promouvoir afin que chaque jeune de notre pays fasse sienne la célèbre formule
: « Plus jamais ça. »
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur
les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur
certaines travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le sénateur, il n'échappe à personne que la question que vous
m'adressez est particulièrement grave et alarmante pour l'ensemble de notre
pays.
M. le Premier ministre a annoncé dans son discours d'investiture son
intention, et nous l'avons mise en oeuvre, de restaurer l'enseignement de la
morale civique.
Dans ce cadre, nous avons indiqué aux enseignants - en continuité, je dois le
dire, avec ce qui avait été fait par mon prédécesseur - que chaque cas
d'actualité devait être saisi pour en dégager la valeur exemplaire, pour
rappeler le devoir de mémoire, mais aussi pour rappeler la rigueur du
raisonnement qui fonde les règles de la République, ce qui signifie qu'en aucun
cas l'école ne saurait se substituer à la justice.
M. Pierre Fauchon.
Ah bon ! Tout de même !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Le cas dont vous parlez, monsieur le sénateur, qui évoque une horrible période
qui a défiguré l'image de notre pays, met en relief des problèmes graves : le
racisme, qui est à la fois une abomination et une absurdité scientifique et
biologique, mais aussi le choix posé aux fonctionnaires entre l'exigence de
leur conscience et les ordres qui leur sont donnés. Il y a là matière à
débats.
Je le répète, sans se substituer à la justice, nos enseignants sont en train
de faire réfléchir les élèves en classes d'histoire, de philosophie, de
français, toutes matières qui se prêtent le plus à ce genre de travail.
M. Emmanuel Hamel.
Rappelez aussi la responsabilité du Front populaire dans la défaite !
(Vives exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - Marques de désapprobation sur certaines
travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Monsieur Hamel n'interrompez pas l'orateur.
M. Jean Chérioux.
Qui a voté les pleins pouvoirs ?
(Nouvelles protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je pense que cette période est trop grave
pour qu'elle nous divise.
M. Christian Poncelet.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je pense que nous devons être tous unis dans la réprobation de ce qui constitue
une tache dans notre histoire.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
SITUATION DU SECTEUR TEXTILE-HABILLEMENT
M. le président.
La parole est à M. Bécot.
M. Michel Bécot.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers
collègues, cette question s'adresse à M. Strauss-Kahn, ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie,...
Plusieurs sénateurs du RPR et des Républicains et Indépendants.
Il n'est pas là !
M. Michel Bécot.
... et à M. Christian Pierret.
Plusieurs sénateurs sur les mêmes travées.
Il est présent !
M. Michel Bécot.
Elle recoupe, en partie, celle de notre collègue M. Christian Poncelet.
A la lecture des dispositions du projet de loi de finances pour 1998, il
semble que la reconduction de l'allégement des charges sociales en vigueur pour
les industries des secteurs du textile, de l'habillement, de la chaussure et du
cuir, en l'élargissant aux secteurs à haute intensité de main-d'oeuvre, ne soit
pas prévue au-delà du 31 décembre 1997.
Il est pourtant incontestable que cette mesure d'allégement des charges,
spécifique à ces secteurs, a permis à ces industries d'enrayer l'érosion de
leurs effectifs. Elles sont ainsi passées d'un taux de perte d'emplois de 10 %
à une stabilisation complète et ont même, au-delà de leurs espérances, pu
reprendre des programmes d'embauche de jeunes.
Le coût du travail se révélant un élément majeur dans la compétitivité des
entreprises soumises à une forte concurrence étrangère, la non-reconduction de
ce plan, à laquelle s'ajoute l'augmentation du SMIC, va majorer leurs coûts
salariaux de 8 % à 10 %, ce qui risque de les pénaliser fortement et
d'entraîner un accroissement du recours aux délocalisations et de fortes pertes
d'emplois.
Cette destruction d'emplois, au-delà des drames humains qu'elle provoquera, se
traduira par un appauvrissement de nos collectivités locales.
Dans un département comme celui des Deux-Sèvres, que j'ai l'honneur de
représenter et où sont implantées un grand nombre d'entreprises du secteur
textile, cette mesure, si elle devait être confirmée, entraînerait la perte de
plus de 3 000 emplois.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de bien
vouloir me faire part des dispositions concrètes que vous entendez prendre.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie auprès du ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie.
Monsieur le sénateur, le secteur du textile, de
l'habillement, des cuirs et peaux, de la chaussure se bat, vous le savez, et ce
n'est pas dans cette enceinte, où l'on a à l'esprit l'action vigoureuse menée
depuis plusieurs années par M. Maurice Schumann, que l'on pourrait dire le
contraire.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Le secteur du textile-habillement organise sa réponse
à la mondialisation, dans des conditions difficiles, sous l'empire des règles
nouvelles de l'organisation mondiale du commerce, après la fin des accords
multifibres, après la fin de l'organisation internationale des marchés, qui
avait été pour ce secteur comme une sorte de ballon d'oxygène pendant quelque
temps. Il agit, mesdames, messieurs les sénateurs, avec de nouvelles armes,
celles de la technologie. Ce sont les entreprises françaises qui sont à la
pointe de la technologie dans le secteur du textile-habillement, à la pointe de
l'automatisation lorsque celle-ci est possible.
Dans ce secteur, l'investissement par personne est très élevée ; depuis dix
ans, il a crû de plus de 10 % par an.
Ce secteur est en train de développer son agressivité commerciale et son
organisation.
Il soutient remarquablement la création et la confection de nouveaux
modèles.
Mais aussi il ouvre progressivement - il faut souligner également ces
efforts-là - le dialogue social au sein des entreprises pour favoriser une
meilleure motivation des équipes.
Bref, le secteur du textile, de l'habillement, des cuirs et peaux se bat
réellement avec la volonté de retrouver un certain dynamisme et, dans bien des
cas, il se trouve en position de leader sur les marchés à l'échelle européenne,
voire à l'échelle mondiale.
Il ne faut donc pas avoir une vision passéiste ou restrictive de ce que ce
secteur peut encore apporter à l'économie nationale. Il est dynamique, et
l'Etat entend encourager son dynamisme en tant que celui d'une véritable
industrie fondant son développement sur ses propres forces et sur ses propres
capacités.
Dans un tel contexte, la réponse n'est jamais dans la frilosité sur le marché
intérieur. Elle ne doit jamais consister à se tourner trop facilement vers
l'Etat, qui ne peut pas et qui ne doit pas, dans une économie soumise aux
différents accords internationaux, se substituer à la dynamique
d'entreprise.
La réponse n'est pas non plus dans le protectionnisme ; je le redis ici avec
force. Nous gagnerons dans ce secteur beaucoup plus grâce à la qualité de nos
produits et à la capacité de réaction de nos entreprises que grâce à la
protection illusoire et temporaire que procurait autrefois un protectionnisme
systématique.
M. le président.
Pouvez-vous conclure, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
L'Etat fera son devoir : il aidera, dans le respect
des accords internationaux et européens, les entreprises à saisir toutes les
opportunités d'un nouveau développement. Le Gouvernement exprime ici
solennellement sa confiance dans le secteur du textile et de l'habillement.
(Applaudissements sur les travées socialistes.).
AVENIR DE L'USINE DE RETRAITEMENT DE LA HAGUE
M. le président.
La parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand.
Depuis plusieurs mois, l'usine COGEMA de La Hague est au coeur d'une polémique
sans précédent. Les populations riveraines et l'opinion publique en général
sont victimes d'une véritable pollution médiatique. Plus personne ne sait qui
parle vrai et qui désinforme.
Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, le Gouvernement lui-même
obscurcit le débat : alors que vous aviez confirmé La Hague et la COGEMA dans
leurs activités, Mme Voynet a, dans un hebdomadaire, affirmé le contraire voilà
quelques jours.
D'où cette première question : qui de vous deux exprime la position du
Gouvernement ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Par ailleurs, les habitants du Cotentin mais aussi tous nos concitoyens
veulent savoir précisément qui est en charge du contrôle de La Hague : l'office
de protection contre les rayons ionisants, la direction de la sécurité des
installations nucléaires ou Greenpeace ?
(Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Nous devons savoir qui dit la vérité, qui est au-dessus de tout
soupçon.
Greenpeace a annoncé clairement, en février dernier, son intention de réduire
à néant la filière française de retraitement des matières nucléaires.
Mes collègues ici présents mais aussi nos concitoyens, qui nous écoutent et
nous regardent, doivent savoir que cette technologie française est aujourd'hui
la plus surveillée, la plus contrôlée et probablement la meilleure du
monde...
M. Jean Chérioux.
Exactement ! C'est bien connu !
M. Jean-François Le Grand.
Elle permet aujourd'hui de disposer d'un nouveau combustible nucléaire, le
MOX, qui, outre son intérêt en termes d'indépendance énergétique, permettra à
terme de faire disparaître de la planète l'ensemble du plutonium civil.
La suprématie technologique française est évidente et écrasante.
L'action de Greenpeace n'est-elle pas tout simplement destinée à priver la
France de cette formidable avance technique et économique,...
M. Lucien Neuwirth.
Bien sûr !
M. Jean-François Le Grand.
... et cela, peut-être, en vue de satisfaire l'ambition hégémonique d'autres
puissances ?
Il serait inacceptable que le Gouvernement français se prête à une telle
manoeuvre.
Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement est
certes membre d'une majorité politique plurielle, mais cela ne veut pas dire
qu'elle a le droit de se considérer comme politiquement majoritaire au
singulier !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
Le Parlement est aussi en charge du contrôle de l'exécutif.
M. Jean-Louis Carrère.
Monsieur le président, le temps de parole n'est-il pas dépassé ?
M. Jean-François Le Grand.
A ce titre, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de tenir ici, au
Sénat, un débat public sur l'ensemble de la question nucléaire.
(Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie, auprès du ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie.
Monsieur le sénateur, les opérations de
détartrage qui ont été engagés à la Hague ont été constamment soumises à
l'observation et au contrôle des organes publics désignés pour ce faire,
notamment la direction de la sûreté des installations nucléaires, ainsi qu'aux
expertises de l'OPRI, l'office de protection contre les rayonnements ionisants,
qui dépend d'un organe public.
M. Paul Masson.
Parfait !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement confirme les engagements qu'il a pris
au regard de la convention OSPAR, relatifs à une diminution progressive et
raisonnable de tous les rejets d'effluents radioactifs dans le milieu marin.
Dans cet esprit, lors de la refonte totale des textes régissant le
fonctionnement de l'usine de la Hague, la COGEMA présentera à l'enquête
publique un dossier complet, comprenant plusieurs options et ayant pour
objectif ultime de ramener au minimum techniquement possible les rejets
liquides.
D'une manière générale, monsieur le sénateur, il n'y a pas, par là même, de
remise en cause de la politique énergétique de la France. Celle-ci s'appuie sur
l'idée de diversification entre l'énergie fossile, l'énergie nucléaire et
l'énergie renouvelable.
Une politique énergétique moderne doit prendre en compte les énergies
renouvelables, comme l'énergie éolienne, les bioénergies, les piles
photovoltaïques, qui sont et seront encore encouragées, car elle doit être une
politique énergétique attentive à l'environnement, soumise au contrôle
démocratique, notamment du Parlement, plus transparente et donc faire l'objet
d'une information complète et régulière de l'opinion publique.
M. Jean Chérioux.
En évitant la désinformation !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Les décisions récentes concernant le recyclage et le
retraitement sont parfaitement en ligne avec la réaffirmation de l'importance
de l'énergie électronucléaire dans l'ensemble de la politique énergétique de la
France.
M. Paul Masson.
Il faut le dire à Mme Voynet !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Les décisions relatives au site de Civaux et à
l'utilisation du combustible MOX dans une prochaine centrale confirmeront avec
éclat, s'il en était besoin, que notre politique énergétique est effectivement
diversifiée, ouverte notamment au secteur dans lequel la France est leader
mondial, c'est-à-dire l'électronucléaire, je tenais à l'affirmer très
clairement devant le Sénat.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
ACTIVITÉ LIBÉRALE
AU SEIN DE L'HÔPITAL PUBLIC
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Je souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur les
nombreuses dérives auxquelles donne lieu l'activité libérale des praticiens
hospitaliers à temps plein.
A l'origine - c'était en 1958 - il s'agissait par ce moyen d'encourager les
meilleurs spécialistes à exercer leur activité au sein d'un système hospitalier
qui n'avait pas, alors, bonne réputation. Aujourd'hui, force est de constater
que ce système a été complètement dévoyé par quelques médecins qui ont
transformé une activité libérale qui, dans son principe, ne devait revêtir
qu'un caractère subsidiaire, en activité principale. C'est, en tout cas, ce qui
ressort de la lecture du dernier rapport de la Cour des comptes sur les comptes
de la sécurité sociale et des nombreux contrôles effectués par les chambres
régionales.
Parmi les errements signalés, citons les plus graves : des patients du secteur
public qui sont refoulés pour permettre à certains médecins de soigner en
priorité leur clientèle ; d'autres qui se voient orientés, contre leur gré,
vers l'activité libérale ; les difficultés qu'ont les familles les plus
modestes, dans certains centres hospitaliers et universitaires, à Tours, par
exemple, à obtenir une consultation publique de pédiatrie le mercredi ou le
samedi, ces deux journées étant majoritairement réservées aux consultations
privées.
On évoque aussi le cas de ce médecin de l'Assistance publique de Marseille qui
aurait perçu pendant l'année 1996, en plus de son salaire de praticien
hospitalier, 2,5 millions de francs d'honoraires à titre privé, soit 50 000
francs par jour d'activité libérale...
A l'hôpital de Lorient, ce sont des radiologues qui auraient, en violation de
la législation en vigueur, transformé sans vergogne leur service hospitalier en
clinique privée.
Plusieurs sénateurs du RPR.
Oh !
M. François Autain.
Je pourrais multiplier les exemples, mais le temps me manque.
Ces errements coûtent très cher à la collectivité puisqu'il s'avère que la
redevance versée à l'hôpital par le médecin pour l'utilisation des lits, du
personnel et du matériel est loin de couvrir la charge financière que cela
représente pour l'hôpital.
Certes, les textes prévoyaient que, dans chaque hôpital, serait installée une
commission de l'activité libérale censée éviter ces débordements.
Malheureusement, ces commissions ne jouent pas leur rôle, et pour cause : elles
ne se réunissent jamais !
Il existe aussi des sanctions, mais elles sont rarement mises en oeuvre et,
quand elles le sont, elles restent sans effet tant elles apparaissent
dérisoires.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, quelles mesures
vous comptez prendre pour mettre fin à des pratiques qui, non seulement
dénaturent la mission des praticiens hospitalo-universitaires, mais risquent de
compromettre gravement leur réputation.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé, auprès du ministre de l'emploi et de la
solidarité.
Monsieur le sénateur, ce rapport de la Cour des comptes ne
nous avait pas échappé, et je vous remercie de me donner l'occasion d'exposer
clairement la politique que nous entendons suivre dans le domaine des activités
privées libérales dans l'hôpital public.
En préambule, il convient de rappeler que, si le législateur avait bien voulu
accepter, en 1987, que des activités libérales puissent s'exercer au sein de
l'hôpital public, mais de manière très encadrée, c'est parce que nous manquions
cruellement de praticiens dans certaines disciplines. J'ai d'ailleurs le regret
de vous dire que nous continuons de manquer de praticiens dans les mêmes
disciplines. Aujourd'hui, c'est vrai, en gynécologie, en radiologie, en
chirurgie, rares sont les praticiens qui consentent à passer le reste de leur
vie après leurs études à l'hôpital public. C'est un problème que nous avons
abordé voilà peu de temps dans cette enceinte et qu'il nous faut affronter.
Il n'empêche, et vous avez raison d'appeler l'attention sur ce point, monsieur
le sénateur, qu'il est des abus criants et que la lecture de ce rapport de la
Cour soulève parfois une véritable indignation.
En vérité, les règles d'encadrement qui ont été prévues ne sont pas
respectées. Il faut savoir, par exemple, qu'un praticien ne peut consacrer plus
d'un huitième de son temps hospitalier public à sa clientèle privée. De même,
la part des lits occupés par des malades privés ne peut excéder un cinquième
des lits. Tout cela doit être clairement affiché, connu. Or ça ne l'est pas du
tout.
La première des choses à faire est donc de rétablir cette transparence à
l'hôpital. On doit savoir très précisément quelles sont les deux demi-journées
que le praticien public peut consacrer à sa clientèle privée, car il est
absolument inadmissible que, comme vous l'avez dit, des malades soient chassés
de certaines consultations.
J'aurai, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous saisir du problème du droit
des malades. Ceux-ci, aujourd'hui, ne sont pas respectés puisque la
connaissance même du dispositif ne leur est pas accessible.
S'agissant des commissions dites de surveillance de l'activité libérale, je
crois qu'il convient de revenir sur le décret de 1987. D'abord, vous l'avez
dit, monsieur Autain, la plupart du temps, ces commissions ne se réunissent
pas. Mais, en tout état de cause, alors qu'elles sont chargées de surveiller
l'activité privée au sein de l'hôpital public, elles ne sont composées que de
praticiens du privé. Ce n'est pas acceptable. Il conviendrait au moins de mêler
les praticiens publics, ceux qui consacrent 100 % de leur temps à une activité
publique, et ceux qui acceptent - après tout, non seulement ce n'est pas
illégal, mais c'est aussi compréhensible - de réserver une part de leur temps à
une clientèle privée.
Nous veillerons donc, monsieur le sénateur, à revenir sur ce décret, au moins
pour modifier la composition de ces commissions, et à rétablir la
transparence.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur quelques travées
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, nous allons interrompre
nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze,
sous la présidence de M. Paul Girod.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR
M. le président. J'ai le regret de faire part du décès de notre ancien collègue Roland Bru, qui fut sénateur du Gabon en 1958 et 1959.
4
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec
modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au
développement d'activités pour l'emploi des jeunes.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 17, distribué et renvoyé à la
commission des affaires sociales.
5
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
J'informe le Sénat qu'à la suite du retrait de la question orale sans débat n°
20, la question orale sans débat n° 45 est inscrite à l'ordre du jour de la
séance du mardi 14 octobre 1997.
6
CANDIDATURES À UNE COMMISSION
MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de
vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion du projet de loi relatif à l'inscription d'office des personnes
âgées de dix-huit ans sur les listes électorales.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à
désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour à M. le président de l'Assemblée nationale une demande
tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : LIONEL JOSPIN. »
J'informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale
m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle
présente à cette commission mixte paritaire.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission
mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
7
DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI
M. le président.
M. le président a reçu de M. le président de la commission supérieure du
service public des postes et télécommunications le rapport d'activité de cette
commission pour l'année 1997, établi en application de l'article 35 de la loi
n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la
poste et des télécommunications.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
8
CANDIDATURES À LA COMMISSION SPÉCIALE
CHARGÉE DE VÉRIFIER
ET D'APURER LES COMPTES
M. le président.
L'ordre du jour appelle la nomination des membres de la commission spéciale
chargée de vérifier et d'apurer les comptes.
Conformément à l'article 8 du règlement, la liste des candidats remise par les
bureaux des groupes a été affichée.
Cette liste sera ratifiée s'il n'y a pas d'opposition dans le délai d'une
heure.
9
EMPLOI DES JEUNES
Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n°
17, 1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif
au développement d'activités pour l'emploi des jeunes. [Rapport n° 18
(1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici réunis en nouvelle lecture pour
débattre du projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi
des jeunes.
J'avais regretté devant vous, la semaine passée, l'adoption par le Sénat d'un
texte dénaturé et parfois même, me semble-t-il, incohérent. Je n'y reviendrai
pas. J'avais aussi, à l'époque, souligné la contradiction existant entre la
volonté de la commission des affaires sociales du Sénat, de son président et de
son rapporteur, qui s'était inscrite dans une logique d'amendement au texte, et
l'attitude d'une partie de la majorité sénatoriale qui avait préféré s'opposer
systématiquement à celui-ci, quitte d'ailleurs à se contredire d'un amendement
à l'autre.
Au terme de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, nous sommes parvenus,
je crois, à un texte équilibré, qui pourra demain s'appliquer dans l'ensemble
de nos départements, comme le souhaitent les élus, qu'ils appartiennent ou non
à la majorité parlementaire. Il est le fruit de nos travaux collectifs et il
reste, bien entendu, susceptible d'être encore amélioré, si vous repoussez
l'adoption de la question préalable. Je dois cependant avouer que je ne crois
pas beaucoup à cette éventualité...
Ainsi, le champ d'application du présent projet de loi traduit-il désormais un
équilibre entre la nécessité de répondre à des « besoins émergents » et la
volonté d'éviter que le nouveau dispositif ne vienne se substituer à des
emplois dans la fonction publique ou dans le secteur privé.
Pour marquer cette volonté, nous avons exclu le financement par les
collectivités locales d'emplois relevant de leurs « compétences traditionnelles
». L'appréciation des projets se fera au cas par cas et tiendra compte des
réalités du terrain.
Le texte qui vous est maintenant soumis présente un dispositif suffisamment
souple pour s'adapter à chaque situation, tout en créant les garde-fous
nécessaires pour que la souplesse introduite ne puisse s'apparenter à une
quelconque forme de laxisme.
Le projet de loi qui vous est proposé cible un public prioritaire, celui des
moins de vingt-six ans, mais concerne également, dans certains cas, les jeunes
de moins de trente ans.
Suite à l'adoption d'un amendement par le Sénat, le texte prévoit désormais
que les jeunes handicapés pourront contracter avec un employeur jusqu'à l'âge
de trente ans, sans autre condition.
Je m'étais engagée à trouver une formule pour favoriser la mise en place d'un
encadrement de qualité et d'expérience, dans la continuité de ce que suggérait
votre commission des affaires sociales : la possibilité pour les partenaires
sociaux de l'UNEDIC (l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans
l'industrie et le commerce) de participer au financement de ces postes par
activation des dépenses de cet organisme, c'est-à-dire par une extension des
conventions de coopération, a été ainsi introduite.
Ce dispositif s'appliquant, quant à lui, aux chômeurs de longue durée sans
condition d'âge, les plus anciens pourront donc contribuer à mettre le pied à
l'étrier aux plus jeunes. Cette main tendue entre générations est, me
semble-t-il, symbolique de l'esprit qui sous-tend l'ensemble de ce texte.
L'Etat s'est engagé à verser une aide d'un montant et d'une durée qui sont
sans précédent. Suite à la demande de l'ensemble des associations d'élus que
j'ai pu recevoir pendant l'été, cette aide sera forfaitaire et linéaire pendant
cinq ans. Cette contribution massive de l'Etat ne représentera pas un surcoût
pour la collectivité, puisqu'il s'agira d'un redéploiement à l'intérieur du
budget de l'Etat.
Par ailleurs, pour corriger les situations géographiques et de richesse, les
régions et les départements pourront cofinancer la part restant à la charge de
l'employeur. Le Fonds social européen, que nous sommes en train de mobiliser,
nous permettra sans doute aussi d'assurer cet équilibrage.
Pour inciter les conseils généraux à s'investir dans la mise en oeuvre de ce
plan ambitieux, il a été admis que les montants qu'ils verseront au titre des
emplois-jeunes puissent venir en déduction de la contribution légale aux fonds
d'insertion du RMI, chaque fois qu'il s'agira d'aider de jeunes RMistes à
sortir de la situation d'échec qu'ils connaissent. S'agissant des DOM, les
départements d'outre-mer, vous avez, mesdames, messieurs les sénateurs,
introduit un dispositif permettant le recours à cette faculté pour leurs
conseils généraux.
En ce qui concerne le temps de travail, nous avons là encore adopté, je
crois, une solution pragmatique et équilibrée. Ces contrats seront à temps
plein, mais pour accorder aux communes, notamment rurales, la souplesse
nécessaire à la concrétisation de leurs projets le recours au temps partiel
sera autorisé, sur dérogation.
Ces contrats seront dans leur très grande majorité des contrats à durée
indéterminée. Je demanderai là aussi aux représentants de l'Etat de privilégier
les projets qui favoriseront ce type de contrats.
Ce projet de loi me semble équilibré, parce qu'il incite, à côté du dispositif
principal relatif aux contrats « nouvelles activités », à la création
d'entreprises, comme nous y avait fortement invité l'Assemblée nationale, ou
parce qu'il permet le développement et la pérennisation de l'apprentissage dans
le secteur public, comme l'avait proposé votre rapporteur, M. Souvet. Il en est
de même du Fonds de péréquation de la taxe professionnelle - veuillez excuser
ce lapsus, je voulais évoquer la taxe d'apprentissage, mais il faudra bien
travailler aussi un jour sur la taxe professionnelle ! - il en est donc de même
du Fonds de péréquation de la taxe d'apprentissage, dont l'usage est désormais
rendu possible par le vote d'un amendement du Sénat sous-amendé par le
Gouvernement.
Le texte qui vous est soumis aujourd'hui prend également en considération la
nécessité de transposer, sur le plan législatif, l'accord intervenu entre les
partenaires sociaux concernant les conditions d'accès et d'exécution des
contrats d'orientation. Notre volonté allait, elle aussi, dans ce sens.
Chacun d'entre nous est maintenant placé face à ses responsabilités. Le
Gouvernement a pris les siennes en favorisant un débat large et ouvert et en
donnant un avis favorable sur de très nombreux amendements parlementaires.
Celles et ceux qui ont voulu donner davantage de densité au dispositif ont pu
le faire et, je crois, être entendus. Personne n'a été bridé sur ce plan, et
cette nouvelle lecture vous donnera encore l'occasion d'intervenir, si
toutefois vous n'adoptez pas la question préalable.
Pour ma part, je n'ai jamais fait dépendre mon jugement sur un amendement de
l'appartenance politique de son auteur. Je n'ai contesté que les amendements
qui me semblaient alourdir la loi, la rendre moins claire, moins souple ou
inapplicable, ou encore les amendements qui en changeaient la philosophie
générale.
Il appartient maintenant à chacun de dire en conscience si oui ou non ce
dispositif peut aider à casser la spirale de la résignation.
Ce dispositif, nous en sommes tous conscients, ne peut à lui seul répondre à
l'ensemble des questions que soulève le chômage. D'autres mesures viendront le
compléter, à commencer par le second volet du plan « emploi-jeunes » concernant
le secteur privé, dont nous discuterons dès demain avec les partenaires
sociaux.
Dans ce combat, je sais que nombreux sont celles et ceux qui, au-delà de la
majorité actuelle, partagent notre sentiment et approuvent la démarche
engagée.
Aux autres, je n'ai rien à dire, sinon que l'opposition systématique n'est
sans doute pas la voie qui leur permettra d'être mieux compris par nos
concitoyens. La seule opposition audible est, à mon avis, celle qui suggère une
véritable solution de remplacement.
A chacun, je rappelle enfin que, au-delà de cet hémicycle, plusieurs centaines
de milliers de jeunes attendent notre décision. Pour chacun d'eux, l'enjeu
n'est pas de savoir s'il existe en France une opposition ; le seul enjeu à
leurs yeux est de savoir si la communauté nationale est prête à les aider à
construire leur avenir.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - Mme Joëlle Dusseau applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame le ministre, mes chers collègues, nous voici donc à nouveau réunis pour
étudier le projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des
jeunes. Une semaine a passé depuis l'examen en première lecture de ce texte par
le Sénat. Vous vous souvenez sans doute que nous avions alors proposé un
dispositif étoffé, en vue d'amender le texte dans un sens plus conforme à
l'intérêt des jeunes. En substance, nous avions fait en sorte que le dispositif
n'organise pas une fonction publique
« bis »
qui aurait accueilli les
jeunes pour cinq ans sans prévoir de formation, d'encadrement et de perspective
claire au terme du contrat.
Trois axes guidaient notre réflexion : premièrement, organiser la
pérennisation dès que possible, au sein du secteur privé, des activités créées,
et pour cela réintroduire l'esprit d'entreprise à toutes les étapes du
développement des activités émergentes ; deuxièmement, organiser la formation
des jeunes à ces nouveaux métiers, notamment par la voie de l'apprentissage,
qui permet la meilleure professionnalisation ; troisièmement, enfin, organiser
l'encadrement des emplois par le recours à des cadres au chômage et à des
préretraités qui souhaiteraient faire part de leurs expériences.
Ces trois propositions essentielles permettaient d'assurer un transfert vers
le secteur privé des activités, et ce dans les meilleurs délais. Elles
donnaient une utilité et une direction claires au texte.
En conséquence, la commission avait considéré que les emplois strictement
publics, comme ceux qui sont relatifs à la police, à l'éducation nationale et à
la justice, devaient être isolés du dispositif initial, puisqu'ils n'avaient
pas vocation à rejoindre le secteur privé. Leur financement devait relever des
crédits de personnels, et non des subventions prévues pour les aides à
l'emploi.
Cela était d'autant plus nécessaire que l'éducation nationale, à travers les
dossiers distribués par les rectorats, a défini des exigences qui s'éloignent
très sensiblement du cadre du dispositif prévu par le projet de loi, comme de
celui qui a été défini pour les emplois d'adjoints de sécurité de M.
Jean-Pierre Chevènement, à savoir un an, et seulement un an, éventuellement
renouvelable, un salaire égal au SMIC et des exigences importantes en matière
de qualification.
En plus de ces modifications apportées au texte, le Sénat avait adopté des
mesures visant à la création d'un fonds de péréquation de l'apprentissage, à la
pérennisation de l'apprentissage dans le secteur public et à l'adaptation du
contrat d'orientation.
Le texte transmis à l'Assemblée nationale participait donc d'une logique
certaine : assurer le développement et la professionnalisation de vrais
emplois.
Il s'appuyait sur un principe simple, auquel avait souscrit Mme le ministre
lorsqu'elle avait été entendue par la commission et lors de ses interventions
en séance publique : il s'agissait de privilégier la qualité plutôt que la
quantité des emplois, afin d'éviter les effets de substitution et les effets
d'aubaine.
L'idée de « pépinière d'activités » résumait assez bien notre philosophie ; le
secteur non marchand était sollicité ponctuellement, pour mettre le pied à
l'étrier à de nombreux jeunes sans expérience et mal préparés aux exigences de
l'entreprise.
Je tiens à rappeler que notre travail de réécriture avait été complété par la
présentation d'amendements, adoptés en séance publique, qui allaient au-delà de
la volonté de la commission. Ces modifications traduisaient, à l'évidence, les
doutes de certains de nos collègues sur le dispositif lui-même, leur inquiétude
légitime quant à la prise en considération des jeunes les plus en difficulté,
ou encore leur impatience de voir rapidement mis en oeuvre le plan
emploi-jeunes dans le secteur privé.
Comment l'Assemblée nationale a-t-elle réagi à nos apports ?
Il faut bien constater que, derrière les manières courtoises qui ont prévalu
lors de la réunion, le 2 octobre, de la commission mixte paritaire, s'est
dessiné un certain état d'esprit qui, par le refus du débat entre nos deux
assemblées et le postulat que les entreprises ne devaient pas être associées au
dispositif, ne pouvait que mener à l'échec.
Cet échec étant constaté, nous pouvons d'ores et déjà regretter cette attitude
préjudiciable aux jeunes au chômage. Les travers du texte gouvernemental que
nous avions dénoncés persistent : non seulement les emplois créés pourraient
écarter durablement leurs bénéficiaires du marché du travail, mais, de plus, le
coût de ce dispositif lui-même, de par la charge fiscale qu'il implique,
constitue un obstacle à la création de vrais emplois dans les entreprises.
L'Assemblée nationale est allée au bout de sa logique en rétablissant
globalement sa rédaction. L'ouverture en matière de financement des postes
d'encadrement va dans la bonne direction, mais elle reste timide.
Je me permettrai de revenir brièvement sur les principales modifications
apportées par l'Assemblée nationale au texte voté par le Sénat.
Au sein de l'article 1er, la rédaction du nouvel article L. 322-4-18 du code
du travail exclut ainsi à nouveau les secteurs du logement, des nouvelles
technologies et de la coopération du champ des conventions. Il n'est plus fait
référence, dans la liste des employeurs possibles, à l'ensemble des acteurs du
secteur HLM, des sociétés d'économie mixte et des groupements associant des
entreprises.
Plus grave encore, il n'est plus obligatoire d'évoquer, dans les conventions,
les conditions d'encadrement et de formation des jeunes, ainsi que celles d'une
possible participation financière de l'usager, pourtant évoquée ici même par
Mme le ministre, ou d'un éventuel transfert des activités au secteur privé.
On peut ainsi douter de l'engagement du Gouvernement de ne pas créer une
fonction publique d'un nouveau type, puisque rien n'est prévu pour que ce
dispositif débouche sur autre chose au cours des cinq ans, ou même au terme du
contrat. Mme Martine Aubry a cité, à de très nombreuses reprises, des exemples
personnels relatifs à la pérennisation des emplois créés par la ville de Lille.
Je tiens à dire que tous les maires ne disposent ni de la même personnalité ni
des mêmes relations que le ministre de l'emploi et qu'il est très peu probable
que les partenaires privés fassent preuve de la même bonne volonté qui, dans le
cas précis qui est cité, pourrait s'avérer non dénuée de tout calcul.
L'Assemblée nationale a supprimé l'intervention en amont d'un comité local
agissant au nom du CODEF, pourtant proposée par notre collègue Mme Dieulangard
qui avait essayé, non sans succès d'ailleurs, d'améliorer notre dispositif.
Elle traduit ainsi une volonté de concentration des décisions dans les mains du
préfet et des administrations centrales.
Pourtant, j'ai relevé, en lisant le compte rendu analytique des débats de
l'Assemblée nationale, à la page 29, que Mme le ministre envisageait des
dispositions semblables à celles qui sont préconisées par votre commission. «
On examinera aussi, est-il écrit, les chances de pérennisation ainsi que les
conditions de professionnalisation ; mais il est important que les
collectivités et les associations puissent être aidées. Une de nos idées serait
de trouver dans chaque région deux ou trois organismes que nous agréerions, que
nous formerions... » On peut se demander pourquoi, dans ces conditions, le
Gouvernement s'est refusé au dialogue avec le Sénat sur cette question qui
aurait pu permettre de trouver un dispositif intelligent qui nous aurait tous
satisfaits.
(Mme le ministre s'étonne.)
J'ai le texte sous les yeux, madame le
ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ai tenu ces propos ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Absolument, ou alors le texte est faux.
On peut également noter que l'Assemblée nationale a supprimé une disposition
permettant aux collectivités territoriales d'employer des jeunes pour leurs
activités de représentation à l'étranger. Elle a également refusé que les
institutions représentatives du personnel soient consultées préalablement à la
signature des conventions, ce qui ne peut être que préjudiciable aux
employés.
Dans sa rédaction de l'article L. 322-4-19 du code du travail, l'Assemblée
nationale est revenue à des conditions limitatives pour les jeunes âgés de
vingt-six à trente ans, ce qui ne peut que pénaliser les jeunes titulaires d'un
doctorat qui auraient pu souhaiter rejoindre l'éducation nationale à cette
occasion.
Elle a maintenu l'âge de trente ans sans condition limitative, introduite par
le Sénat, pour les personnes handicapées sans remarquer que, en supprimant la
disposition qui permettait d'exclure ces emplois du quota de droit commun à
respecter, elle favorisait l'emploi des personnes handicapées dans le plan
emploi-jeunes au détriment de leur emploi sous statut normal. Le texte du Sénat
était, là encore, préférable.
L'Assemblée nationale a supprimé le bénéfice de l'aide financière de l'Etat
pour les postes d'encadrement sans condition d'âge, ce qui ne peut que réduire
un peu plus l'avenir de ces activités et notamment leur perspective de
pérennisation.
Elle a supprimé le principe même d'une priorité à l'embauche pour les jeunes
les moins qualifiés lorsqu'ils sont capables d'occuper les emplois proposés.
Cela ne pourra que créer des frustrations pour les jeunes surqualifiés alors
que les jeunes sans qualification seront exclus d'un dispositif que l'on aurait
pu croire leur être naturellement destiné.
L'Assemblée nationale a également supprimé toute référence au montant de
l'aide comme à celle d'une modulation en fonction du potentiel fiscal des
collectivités, et à celle d'une dégressivité, dans le temps, de l'aide.
Je rappelle que votre commission n'avait pas donné son accord à ces deux
dernières propositions, sans pour autant nier qu'il existait un véritable
problème concernant la pérennisation des activités et la situation des
collectivités locales les plus pauvres, auquel le Gouvernement n'apporte aucune
réponse.
Plus dommageable encore est la suppression du bénéfice de l'aide pour les
formations à ces nouveaux métiers par la voie de l'apprentissage. Cette
modification est incompréhensible : le Gouvernement persiste à considérer que
les jeunes au chômage ont une formation, sans se rendre compte que le diplôme
nominal peut ne présenter aucun intérêt professionnel. Sans formations solides
et structurantes, il ne pourra y avoir de nouveaux métiers.
Dans le texte proposé pour l'article L. 322-4-20, l'Assemblée nationale s'est
attachée à supprimer toutes les dispositions qui tendaient à permettre une
pérennisation dans le secteur privé. Cette attitude rigide est source
d'inquiétude.
Que va-t-il advenir de ces jeunes au bout de cinq ans ? Leur situation ne
sera-t-elle pas plus délicate encore s'ils ont été écartés du monde de
l'entreprise et maintenus dans des ersatz d'emplois ? En effet, certains jeunes
seraient âgés de trente ans voire trente-cinq ans au terme du contrat et ils
pourraient n'avoir jamais rencontré le monde de l'entreprise.
La seule avancée significative de l'Assemblée nationale réside dans
l'ouverture au bénéfice des conventions de coopération pour des postes
d'encadrement. L'Assemblée nationale reprend ainsi, sous une autre forme,
l'idée d'une activation des dépenses passives à travers le fonds paritaire
d'intervention pour l'emploi et le souci de valoriser les compétences des
cadres expérimentés. Il faut toutefois noter que ces cadres ne seront pas
éligibles à l'aide de l'Etat.
Ce geste traduit insensiblement une prise de conscience des insuffisances du
texte gouvernemental par l'Assemblée nationale, même si cette dernière n'en a
pas tiré toutes les conséquences quant à la formation et la pérennisation.
On peut faire la même observation sur l'article 2
bis
A relatif aux
contrats publics dans l'éducation nationale et la justice. Le ministre de
l'emploi et de la solidarité a déclaré à plusieurs reprises qu'ils s'écartaient
de l'esprit du texte. Comment se fait-il, dans ces conditions, que l'Assemblée
nationale maintienne le principe d'une « sous-fonction publique » sous contrats
privés, rémunérée par des subventions pour l'aide à l'emploi prélevées sur les
crédits du ministère pour financer ces emplois à concurrence de 80 % du SMIC
alors qu'ils devraient être financés en totalité par des crédits prévus en loi
de finances pour la rémunération des personnels, conformément aux principes des
finances publiques ?
Le désaccord entre l'Assemblée nationale et le Gouvernement, d'une part, et le
Sénat, d'autre part, est donc profond sur le projet de loi relatif aux
emplois-jeunes, la logique comme les objectifs sont différents. L'Assemblée
nationale et le Gouvernement privilégient coûte que coûte un objectif
quantitatif, sans se soucier véritablement de ce qu'il adviendra des jeunes,
alors que le Sénat a cherché à privilégier un dispositif souple, transitoire,
professionnalisé et proche des entreprises.
Les déclarations de certains organismes publics de gestion d'HLM constituent
un bon exemple des contradictions du texte présenté par l'Assemblée nationale.
Ces derniers viennent en effet de préciser qu'au terme de cinq ans la
pérennisation des emplois sera tout simplement assurée par une augmentation des
loyers. Dans ces conditions, on comprend mal pourquoi il serait nécessaire de
subventionnner pendant cinq ans des activités dont le financement pourrait
d'ores et déjà être assuré au moyen d'un relèvement des loyers.
Je tiens à ajouter que l'Assemblée nationale a accepté sans modification
l'article 4 relatif à la pérennisation de l'apprentissage dans le secteur
public et pour lequel votre commission avait beaucoup fait au printemps
dernier. Elle a également voté les dispositions introduites par le Sénat
concernant la création d'un fonds de péréquation de l'apprentissage et
l'adaptation du contrat d'orientation. Le parti que nous avions pris d'amender
le texte - ce qui est une preuve de bonne volonté - n'aura donc pas été tout à
fait inutile.
Vous comprendrez bien toutefois, monsieur le président, madame le ministre,
mes chers collègues, que notre accord sur des dispositions distinctes du texte
ne peut cacher une profonde divergence sur les politiques à mener pour créer
des emplois, notamment pour les jeunes.
Ce désaccord est d'autant plus fort qu'il s'accompagne d'un mode de
financement curieux puisqu'il sera comptablement assuré par une baisse des
crédits du ministère de la défense, qui, outre le fait qu'elle pourrait
fragiliser notre sécurité...
M. Emmanuel Hamel.
Elle la fragilise, c'est une certitude !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
... et notre capacité d'intervention, ne manquera pas de se
traduire par des licenciements supplémentaires dans les industries de défense.
L'armée, à tous les niveaux, a conscience d'avoir payé largement le coût du
dispositif emploi-jeunes. Les cadres militaires ne cachent pas leur inquiétude
quant à leur formation, ...
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
... à la modernisation de leurs matériels et donc à leur
carrière. Ils considèrent que des réactions vives pourraient accompagner
l'éventuel échec d'un dispositif emploi-jeunes qui leur a tant coûté.
L'attitude du Gouvernement et de l'Assemblée nationale étant par conséquent ce
qu'elle est, je vous propose, mes chers collègues, de mettre un terme à
l'examen de ce texte, qui conserve ses tares initiales, par l'adoption d'une
motion tendant à opposer la question préalable. J'avoue que, personnellement,
j'aurais préféré maintenir un texte complet, mais telle n'a pas été la volonté
de la majorité sénatoriale.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après une
longue réflexion, la majorité sénatoriale s'est résolue à présenter une motion
tendant à opposer la question préalable.
Nul doute que le Sénat a le devoir de débattre de tout texte qui lui est
soumis même si celui-ci est jugé irritant et symbolique. C'est ce que le Sénat
a fait, d'abord en commission des affaires sociales puis en séance publique, la
semaine dernière, pendant deux jours et deux nuits.
Vous avez tenu, madame la ministre, à déclarer l'urgence sur votre projet de
loi, ce qui est très significatif. Cette procédure, en supprimant la deuxième
lecture, enlève pratiquement tout espoir de conciliation, puisque le laps de
temps consacré à la réflexion, au mûrissement des idées - elles en ont besoin !
- au dialogue entre les deux assemblées est insuffisant et ne peut conduire
qu'à l'échec, nous le constatons.
Madame la ministre, le Sénat a joué son rôle d'assemblée complémentaire. Il a
apporté sa contribution sur un sujet qu'il considère comme étant
particulièrement grave. La majorité sénatoriale, acteur responsable, et en
particulier la commission des affaires sociales ont donc adopté une attitude
constructive. Elles se sont interrogées, ont fait part de leurs préoccupations,
ont mis en garde, ont émis des réserves et, surtout, ont formulé des
propositions.
Si nous avions d'emblée rejeté l'idée de recourir à une motion tendant à
opposer la question préalable, c'est parce que, d'une part, l'annonce des
emplois-jeunes avait suscité de nombreux espoirs et que, d'autre part, nous
considérions que la recherche d'emplois nouveaux n'était pas une solution à
rejeter
a priori.
La commission, en particulier, s'est donc appliquée à corriger le projet de
loi afin qu'il puisse atteindre son objectif avec plus de réalisme. La majorité
sénatoriale et la commission ont estimé, avec lucidité et clairvoyance, que la
direction donnée n'était pas la bonne et qu'il fallait changer d'aiguillage. Il
n'a jamais été dans l'objectif du groupe de l'Union centriste de rendre votre
projet de loi caricatural, madame la ministre. Nous étions sur un mode
différent.
Pourquoi ne pas avoir attendu la fin des travaux de la Conférence sur l'emploi
pour proposer un grand projet de loi d'ensemble destiné à lutter contre le
chômage, sans discrimination aucune, en dynamisant l'emploi vers le secteur
privé ? Au lieu de cela, vous vous êtes empressée, madame la ministre, de
proposer à une catégorie de jeunes des activités d'utilité sociale dans les
secteurs public et associatif, en faisant procéder à des recrutements avant
même que le Sénat n'ait eu son mot à dire et en alourdissant le poids des
finances publiques. Aujourd'hui, près d'un Français sur trois travaille pour
l'administration. La France est le pays de l'OCDE, à l'exception de la Suède,
qui compte le plus de fonctionnaires par rapport à la population active et où
les dépenses publiques sont les plus lourdes en pourcentage du PIB.
Une telle philosophie, qui consiste à augmenter les dépenses publiques par un
nouvel accroissement de la masse des personnels relevant des missions de
l'Etat, ne peut donc nous satisfaire.
Le dispositif est dangereux pour les collectivités locales, en particulier,
auxquelles sera imposée, encore une fois, une nouvelle charge financière. A
terme, il débouchera inévitablement sur une augmentation de la pression
fiscale. Et dans cinq ans, les collectivités locales seront contraintes de
financer elles-mêmes la pérennisation de ces emplois qui leur sera imposée par
la pression sociale.
Ce qui nous gêne également dans votre projet de loi, madame la ministre, c'est
que ces « métiers » ne s'adressent qu'à des jeunes diplômés et laissent sur le
bord de la route les autres, dont le taux de chômage est beaucoup plus criant
et qui auraient pu voir dans ces emplois-jeunes une véritable chance
d'insertion. Il ne faut pas oublier que, dans notre pays, un tiers d'une classe
d'âge sort de l'école sans aucune qualification.
Si de jeunes diplômés acceptent ces petits emplois payés au SMIC pendant cinq
ans, c'est que l'angoisse dépasse la révolte. Cela me rappelle l'affaire du
CIP, le fameux SMIC-jeunes : en 1994, les jeunes diplômés n'admettaient pas
l'idée d'être payés à 80 % du SMIC ; la dévalorisation du diplôme était, pour
eux, monétaire. Reconnaissez que la plupart des emplois-jeunes sont à la fois
surqualifiés pour les uns et sous-payés pour les autres.
Le plan que vous proposez repose sur une certaine logique d'assistance, et
c'est cette notion même d'assistance qui nous gêne car elle ne concorde en rien
avec la philosophie qui est la nôtre et qui se tourne résolument vers l'esprit
d'entreprise, vers la responsabilisation de notre jeunesse, vers la création de
richesses par l'entreprise.
Or, dans le contexte économique actuel, il nous faut une démarche stratégique
qui encourage l'innovation et stimule l'esprit d'entreprise des travailleurs
qui ont de l'expérience pour insérer les jeunes, en priorité, dans les
activités marchandes existantes.
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Jean-Louis Lorrain.
Non seulement le texte est ambigu quant à la nature des activités envisagées,
mais, de plus, ces emplois ne nous paraissent pas - dans l'ensemble - adaptés à
des jeunes âgés de moins de vingt-six ans, sans expérience professionnelle ni
expérience humaine, notamment en ce qui concerne la médiation familiale, la
réinsertion des détenus ou encore la prévention de la violence. Le risque
d'inutilité, voire d'échec, que nous déplorons, est donc malheureusement
probable.
La reconnaissance et le développement du tiers secteur, c'est-à-dire d'une
économie entre le marché et l'Etat, auraient mérité un autre débat. Ces
métiers, que l'on a qualifié de « métiers du lien social », consistent à
intervenir entre le fonctionnement ordinaire des institutions et les
comportements pour corriger, adapter individus et institutions. En fait, ils
remettent en cause le travail social. Après tout, pourquoi pas ? Mais il faut
le dire et s'interroger en amont sur son avenir.
Afin de clarifier le dispositif, il a paru essentiel à la commission des
affaires sociales de tracer une frontière bien nette entre les emplois-jeunes
et les assistants ou auxiliaires de la fonction publique. C'est l'un des points
qui nous opposent.
Les 20 000 adjoints de sécurité que vous avez prévu de recruter seront, en
fait, pratiquement intégrés à la police nationale, avec uniforme et arme de
service, mais après seulement deux mois de formation, ce qui nous paraît
inquiétant.
A l'exception de celles de la police judiciaire et du maintien de l'ordre, ils
pourront effectuer toutes sortes de missions : îlotage, patrouilles, etc. En
fait, ils remplaceront tout simplement les appelés du contingent servant dans
la police. Cela ne va pas sans critique des syndicats de policiers, qui
déplorent une formation bâclée et craignent une « police à deux vitesses » :
d'une part, 20 000 adjoints de sécurité, sous-payés et précarisés ; d'autre
part, 15 000 autres personnes, agents locaux de médiation, plus loin de la
police mais appelés dans les zones difficiles pour prévenir et désamorcer les
conflits par le dialogue et la discussion.
Certains emplois envisagés relèvent à l'évidence des missions régaliennes de
l'Etat et donc du secteur public comme ceux qui sont liés à l'éducation, à la
justice et à la police, relevant du ministère de l'intérieur.
Par ailleurs, considérant que seul le secteur marchand - des grandes
entreprises aux PME - est créateur d'emplois et que vous demeurez néanmoins
fidèle à la conception qui fait de l'Etat, c'est-à-dire de la puissance
publique, l'acteur principal, nous avons souhaité inclure dans le dispositif
les entreprises privées, en l'occurrence les PME de moins de 50 salariés, sous
certaines conditions bien sûr.
Nous avons été plus loin en permettant à ces petites entreprises, notamment
aux artisans, de conclure une convention pluriannuelle avec l'Etat pour
participer au dispositif des emplois-jeunes.
Nous sommes convaincus que seules de telles dispositions auraient pu permettre
de rendre votre projet de loi plus proche des réalités, c'est-à-dire plus
viable, et, surtout, de le placer dans la droite ligne d'une véritable
dynamique de l'emploi.
Fidèles à nos convictions, nous avons toujours privilégié la voie de
l'allégement du coût du travail et donc de l'allégement des charges sociales
sur les bas salaires.
Nous sommes donc en opposition avec le Gouvernement, qui vient d'annoncer,
pour 1998 la remise en cause de ces allégements.
Le Gouvernement va même jusqu'à remettre en cause le plan d'allégement des
charges sur les bas salaires. Tout à l'heure, des explications nous ont été
données s'agissant du plan textile, et je n'y reviens donc pas. Mais trouver là
un mode de financement au plan emplois-jeunes nous paraît difficile à
comprendre !
C'est à l'heure du premier bilan, en 1998, que nous vous donnons rendez-vous,
et nous verrons si les 150 000 emplois-jeunes qui doivent être créés pour cette
date auront eu un effet de substitution au sein des collectivités
territoriales. L'effet pervers aura alors joué. En effet, les finances locales
étant déjà fortement sollicitées, notamment au bénéfice de la solidarité, les
collectivités territoriales ne vont pas manquer de s'engouffrer dans cette
brèche qui est ouverte.
La majorité sénatoriale s'est donc rendue à l'évidence qu'elle n'avait pas
d'autre choix, aucune conciliation n'étant possible, que de rejeter ce projet
de loi, pour rester en phase avec ses convictions et ses engagements.
Nous sommes aussi préoccupés que vous du problème du chômage des jeunes. Toute
l'Europe l'est comme nous. Il est difficile de ne pas remarquer que des
nations, comme la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, commencent à réussir à
juguler ce problème en empruntant les moyens qui sont dédaignés dans notre
pays.
Aux Pays-Bas, le Gouvernement a misé sur le partage du travail par le temps
partiel. Le SMIC a baissé par rapport au salaire moyen et le poids des dépenses
publiques dans le produit intérieur brut a régressé très fortement. Le taux de
chômage y est comparable à celui des Etats-Unis.
C'est donc en conscience que le groupe de l'Union centriste votera la motion
tendant à opposer la question préalable. Il regrette que l'énorme travail
accompli par la commission des affaires sociales, saisie au fond,
particulièrement par son rapporteur et son président, n'ait pas été estimé à sa
juste valeur, alors que vous-même, madame le ministre, lui reconnaissiez des
mérites.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'incapacité
de trouver un accord entre les deux assemblées nous conduit donc, une semaine
après l'examen en urgence du projet de loi relatif à l'emploi des jeunes, à une
nouvelle lecture de ce texte.
Cela n'est pas pour m'étonner : le texte voté par la majorité sénatoriale,
passant au hachoir le texte adopté par les députés, aboutissait en effet à la
réécriture complète, presque systématique, du projet de loi.
Force est de constater que l'option affirmée par le Sénat était nettement
contraire à la volonté du Gouvernement, à celles des députés et, ai-je envie
d'ajouter, aux attentes et aux espérances de la jeunesse et de nos
concitoyens.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ça, c'est moins sûr !
M. Guy Fischer.
La majorité de la commission des affaires sociales a donc pris prétexte de ce
désaccord et du refus de l'Assemblée nationale d'étendre le champ du projet de
loi au secteur marchand pour lui opposer la question préalable.
La majorité sénatoriale se dévoile sous son vrai jour. Elle tire donc les
leçons de ses divisions et renonce à amender le texte comme elle s'y était
essayée lors de la lecture précédente.
M. Alain Gournac.
Vous prenez vos désirs pour une réalité !
M. Guy Fischer.
Ce faisant, elle fait preuve de son mépris pour ce texte, mais surtout d'un
incroyable mépris pour l'espoir qu'il a soulevé dans toute une partie de la
jeunesse qui sent - on le voit bien d'après les réactions des jeunes - qu'il
s'agit peut être d'un premier pas permettant enfin de rompre avec la logique
passée.
M. Alain Gournac.
Un faux pas !
M. Guy Fischer.
Eh bien, plutôt que de prendre la mesure de ces attentes et de ces espoirs,
vous leur opposez une motion de procédure !
Aux 630 000 jeunes chômeurs, aux centaines de milliers de jeunes qui alternent
petits boulots ou contrats emploi-solidarité, stages plus ou moins qualifiants
et périodes de chômage, vous répondez par la question préalable.
Bien sûr, ce projet de loi peut, dans son état actuel, soulever des questions
et mériterait, à notre sens, d'être amélioré.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ah bon !
M. Guy Fischer.
Je suis objectif !
M. Alain Gournac.
C'est bien !
M. Guy Fischer.
Je pense en particulier au maintien de la possibilité de recourir au temps
partiel. Si les affirmations de Mme la ministre en la matière nous rassurent
sur sa volonté de privilégier le temps plein, nous craignons néanmoins que, sur
le terrain, cette volonté ne puisse s'exprimer avec la même force et ne finisse
par laisser certains jeunes dans des situations de précarité.
Nous persistons à penser qu'il aurait été nécessaire de clarifier les rapports
entre le dispositif de emplois-jeunes et la fonction publique.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Tiens !
M. Guy Fischer.
Bien sûr, on peut regretter encore que l'Assemblée nationale n'ait pas intégré
certaines des rares améliorations apportées au texte par le Sénat : à cet
égard, je pense en particulier au maintien par les députés d'une simple
information sur les conventions et non pas, comme notre groupe ou d'autres
l'avaient proposé, d'une consultation des institutions représentatives des
personnels.
Il en est de même pour l'examen des conventions par une structure locale.
Bien sûr, on peut regretter certains ajouts effectués par l'Assemblée
nationale : je pense à l'ouverture aux bénéfices des conventions de coopération
pour les postes d'encadrement des emplois-jeunes en versant aux employeurs ce
qui est au bout du compte l'argent des chômeurs et des salariés. Nous avions
d'ailleurs refusé, en 1994, la création de ces conventions.
Il est symptomatique à cet égard que M. le rapporteur qualifie cette mesure de
« seule avancée significative ». Cela ne nous surprend pas.
Bien sûr, on peut toujours préférer, sur tel ou tel point - mais c'est bien
rare à mon sens - l'écriture proposée par le Sénat.
Mais aujourd'hui, avec le dépôt de cette motion tendant à opposer la question
préalable, il s'agit non pas de cela, mais de l'expression d'une opposition
entre deux logiques contradictoires.
D'un côté, nous avons un texte, celui de l'Assemblée nationale qui, même s'il
n'est pas parfait, s'inscrit dans la logique du projet de loi présenté par le
Gouvernement, apporte à ce dernier des améliorations et confirme la volonté
affichée de rompre avec un type d'aide à l'emploi qui a échoué jusqu'à
présent.
De l'autre côté, le texte de la majorité sénatoriale affirmait la volonté
d'aller toujours plus loin dans la flexibilité, dans la remise en cause du code
du travail, dans la baisse des coûts salariaux et de la protection sociale.
M. Alain Gournac.
Et dans la formation !
M. Guy Fischer.
Je pense à la proposition d'un sous-contrat à durée déterminée de cinq ans
pour les petites et moyennes entreprises, à la possibilité de conserver les
aides pour les emplois repris par le secteur marchand, au détournement du fonds
paritaire pour l'emploi, à la proposition formulée par un sénateur d'employer
sous contrat emplois-jeunes des gardiens d'immeubles en copropriété.
Ce texte prévoyait donc encore et toujours moins pour le salarié et encore et
toujours plus pour l'employeur : en bref, il visait à continuer dans une voie
qui, de loi quinquennale pour l'emploi et de contrat emploi-solidarité en
contrat initiative-emploi et en contrat d'insertion professionnelle, de loi sur
les négociations collectives en baisse du coût du travail, aurait, à défaut de
faire baisser le chômage, propagé la précarité par effet de substitution et
contribué finalement à la destruction d'emplois.
Ce texte, nous l'avions refusé. Et l'on peut se demander si le dépôt de la
motion tendant à opposer la question préalable ne montre pas, en fait, que la
droite ne croit même pas à sa proposition d'extension du dispositif au secteur
marchand ! Nous serons fixés demain.
Au reste, avec le futur texte sur l'emploi des jeunes dans les entreprises,
second volet de la lutte contre le chômage des jeunes, nous aurons l'occasion
de le vérifier encore.
Nous rejetons la motion tendant à opposer la question préalable - cela
n'étonnera personne - parce que nous rejetons la logique que la droite voulait
imprimer au dispositif des emplois-jeunes. Nous la rejetons, parce qu'il est
impossible de ne pas répondre à la situation d'urgence dont témoignent les 200
000 jeunes - on parlait naguère de 140 000 jeunes - qui se sont rués vers les
guichets des rectorats.
Pour nous, le projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi
des jeunes est non pas un point d'arrivée, mais un point d'appui à partir
duquel doit être combattu le fléau que constituent le chômage et la précarité
pour la jeunesse et pour la société tout entière.
Décidés à ne laisser passer aucune chance et ne voulant pas renoncer au défi
d'offrir un véritable emploi aux jeunes de notre pays, nous rejetterons la
motion tendant à opposer la question préalable déposée par la majorité de la
commission des affaires sociales.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette nouvelle
lecture est bien sûr symbolique : la commission mixte paritaire a constaté le
désaccord entre l'Assemblée nationale et le Sénat, et le dernier mot reviendra
à l'Assemblée nationale, laquelle a quasiment rétabli en nouvelle lecture, à
quelques détails près, le texte initial ; enfin, la majorité de la commission,
par la voix de son rapporteur, a décidé de déposer une motion tendant à opposer
la question préalable.
Certes, la distance était très grande et les conceptions totalement
différentes entre le projet de loi et le contre-projet sorti des débats de la
Haute Assemblée.
Il n'y a pas lieu de le regretter, et il est même positif que nous ayons sur
un certain nombre de points clés des clivages très marqués.
Toutefois, le fait de souligner ces clivages - c'était nécessaire, même s'ils
ont parfois été accentués un peu gratuitement - a forcément érodé, élimé des
interrogations fondées qui se retrouvaient, et se retrouvent toujours, sur
toutes les travées de cette assemblée.
A ce stade du débat, c'est sur ces interrogations que je veux insister.
Je souhaite vous demander, madame la ministre, d'être particulièrement
vigilante sur un certain nombre d'aspects, dans les prochains mois. J'ai en
effet des inquiétudes, comme nombre de mes collègues, notamment MM. Fourcade et
Souvet, sur la confusion qui s'est installée entre le projet de loi initial et
la mise en place d'un secteur parapublic, avec des embauches dans l'éducation
nationale et dans la police.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Ah !
Mme Joëlle Dusseau.
Mais je l'avais dit dans mon intervention lors de la précédente lecture,
monsieur le président !
A cela, deux raisons.
D'abord, ces emplois, payés à 80 % sur les crédits du ministère de l'emploi et
de la solidarité, ne peuvent pas, par leur nature même, devenir marchands, d'où
la question de l'avenir de ces emplois, des profils de carrière de ces jeunes,
de la distinction entre eux et les fonctionnaires sur les plans du statut, de
la rémunération et des heures de travail.
L'idée de leur intégration par concours n'est pas complètement satisfaisante.
Si j'ai bien lu les chiffres, 40 000 emplois-jeunes sont créés cette année dans
l'éducation nationale et 150 000 le seront d'ici à trois ans. Ces chiffres sont
sans commune mesure avec le nombre de postes mis habituellement aux concours
dans l'éducation nationale, hors recrutement d'enseignants.
De plus, cela sous-entendrait que les concours, dans les années à venir,
seraient exclusivement réservés à ces jeunes que l'on embauche maintenant, ce
qui n'est pas possible.
La deuxième raison de mon inquiétude quant à la mise en place de ce secteur
parapublic tient à son poids « psychologique » sur l'image des emplois que vous
souhaitez créer.
Pour ces emplois, qui sont, au sens strict du terme, les « emplois Aubry »,
vous faites appel à deux notions qui me paraissent tout à fait importantes.
La première notion, qui vous est chère comme à moi, madame la ministre, est
l'imagination, la reconnaissance dans le champ social de ces emplois émergents,
dont certains se dessinent déjà à partir de pratiques sociales innovantes, et
dont d'autres sont encore à imaginer.
La seconde notion, qui vous est également chère, est le basculement partiel,
progressif, mais organisé, de ces emplois vers des financements diversifiés en
partie ou totalement marchands.
Il est à craindre, à entendre telle commune faire état de 100 emplois ou tel
conseil régional de 500 emplois dont le financement serait déjà inscrit au
budget supplémentaire en cours d'adoption, que, fortes de ces effets d'annonce,
les collectivités locales ne s'engouffrent dans ce système comme elles l'ont
fait précédemment dans celui des CES. C'est un peu moins rentable, certes, mais
tellement plus qu'une embauche puisque ces emplois sont financés à 80 % par
l'Etat !
C'est dire, madame la ministre, à quel point ce chemin de crête dans lequel
vous vous engagez - et dans lequel je vous suis - entre le secteur marchand et
le secteur public comporte des limites, qui seront difficiles à saisir par
certains utilisateurs faute de volonté ou d'imagination. Quoi qu'il en soit,
les collectivités locales devront bien un jour ou l'autre pérenniser les
emplois créés dans une sorte de « sous-fonction publique », ce qui ne
correspond pas à l'esprit de votre projet de loi.
C'est dire également à quel point ce projet fort, ambitieux et nécessaire, qui
correspond à de réels besoins non satisfaits et à l'attente exigeante de la
jeunesse, doit, au-delà du vote même du texte, être appliqué dans un esprit
novateur.
C'est dire aussi à quel point il ne pourra porter vraiment ses fruits que s'il
est complété par le second volet concernant le privé que vous avez annoncé,
mais aussi par une politique volontariste qui s'attaque au chômage des autres
catégories d'une population qui subit la crise depuis plus de vingt ans et dont
toute une partie ne vit plus que sous le signe des trois D : déprime,
débrouille et désespérance.
Vous le savez, au moment où nous examinerons la question préalable, seuls les
représentants des groupes auront droit à la parole. Je ne pourrai donc pas
exprimer la position des sénateurs radicaux socialistes du groupe du RDSE ! Je
précise donc - mais ce n'est pas vraiment une surprise - que, dans la mesure où
ils soutiennent le projet de loi, ces derniers voteront contre la question
préalable.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Diligent.
M. André Diligent.
Avant d'en venir à mon intervention proprement dite, je voudrais, madame la
ministre, vous poser une question précise et, je vous le dis d'emblée, je
n'emploierai pas la formule habituelle qui consiste à dire que de votre réponse
dépendra le sens de mon vote car, de toute façon, je ne voterai pas la question
préalable. Non pas pour vous être agréable, non pas pour déplaire à mes
collègues, mais parce que, en conscience, je le dois.
M. Emmanuel Hamel.
Vous n'êtes pas le seul !
M. André Diligent.
Je tiens à rappeler auparavant que, à l'instar de certains de mes collègues -
de tous bords, d'ailleurs - je réclame une véritable justice fiscale entre les
différentes collectivités locales.
C'est bien à cette fin que le Sénat a adopté, en première lecture, un
amendement instaurant une modulation au bénéfice des communes les plus pauvres,
car nous en avons tous assez d'un système aux termes duquel plus on est pauvre
plus il faut payer.
L'Assemblée nationale n'a pas suivi le Sénat, mais un parlementaire très
proche de vous, madame la ministre, a publié, dans la presse dominicale, le
communiqué suivant : « Afin que soit rendu possible un financement de 90 % au
lieu de 80 % par l'Etat des emplois-jeunes au bénéfice des communes percevant
la dotation de solidarité urbaine ou rurale, j'ai saisi le ministre pour qu'il
utilise cette possibilité de financement pour rétablir la justice, puisque je
ne peux pas voter cet amendement ».
J'aimerais connaître la réponse que vous allez apporter à ce parlementaire,
madame la ministre, car ce point est capital : c'est un combat qu'avec un
certain nombre de parlementaires nous menons depuis longtemps, et nous espérons
vous convaincre.
Cela dit, m'exprimant à titre purement personnel, je vous confirme que je ne
voterai pas la question préalable. J'ai en effet rencontré, au cours de ce
week-end, un certain nombre de jeunes chômeurs - et ce n'est pas difficile dans
ma commune, où les records sont battus - et je peux traduire ici le message
qu'ils m'ont transmis : certes, ce projet de loi est plein d'imperfections ;
certes, il aurait sans doute fallu donner la priorité à l'emploi privé par
rapport à l'emploi public ; certes, un problème de philosophie est posé à la
base ; certes, nous ne sommes pas rassurés quant à la pérennité des emplois.
Mais nous sommes au bord de la route et nous ne pouvons plus attendre une autre
législature, c'est-à-dire cinq ans ! Nous sommes désespérés, certains d'entre
nous ont, osons le dire, faim.
C'est pourquoi, tout en reprenant à mon compte et en approuvant les remarques
qu'ont présentées les différents orateurs de la majorité sénatoriale, je me
vois dans l'obligation, après avoir longuement hésité - car c'est pour moi un
véritable cas de conscience personnelle, mais n'y voyez pas un quelconque
reniement de ma part - de ne pas voter, à titre personnel, la question
préalable.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la veille de
la Conférence pour l'emploi et les salaires qui réunira demain, à l'hôtel
Matignon, les partenaires sociaux sur l'invitation du Gouvernement, le Sénat va
mettre un terme, à sa manière, à l'examen du projet de loi relatif aux
emplois-jeunes.
La coïncidence de date permet de replacer l'ensemble de l'action du
Gouvernement pour l'emploi en perspective.
Un premier volet, dont nous terminons l'examen ce soir, est spécifiquement en
faveur de l'emploi des jeunes dans les structures publiques et parapubliques,
les collectivités territoriales et les associations. Puis se réunira une
conférence pour l'emploi, en vue notamment de déboucher sur la réduction du
temps de travail et la création d'emplois dans le secteur privé, y compris pour
les jeunes. Un projet de loi, enfin, interviendra en direction des plus
défavorisés afin de permettre leur insertion ou leur réinsertion sociale et
professionnelle. En effet, parmi eux, 250 000 jeunes sont en grande difficulté,
et leur situation retient toute notre attention. Elle nécessitera la mise en
oeuvre de dispositifs particulièrement bien ajustés.
Dans le passé, vous avez su, madame la ministre, agir en ce sens, et nous
savons qu'il en ira de même très bientôt.
Pour l'heure, c'est encore du projet de loi emplois-jeunes qu'il s'agit.
Le texte que nous a transmis l'Assemblée nationale nous convient globalement.
Nos collègues députés y ont intégré quelques éléments apportés par le Sénat,
notamment en faveur de l'apprentissage ou du contrat d'orientation. Nous notons
ainsi avec satisfaction la reprise de l'amendement ouvrant le bénéfice des
emplois-jeunes aux personnes handicapées jusqu'à l'âge de trente ans.
Par ailleurs, le texte a retrouvé la simplicité, la cohérence et la lisibilité
qu'il avait perdues ici en première lecture. Ce sont des éléments importants
pour le succès de cette opération auprès de tous les partenaires, surtout
localement.
Il a retrouvé aussi un coût budgétaire acceptable pour nos finances publiques.
En effet, ce ne fut pas le moindre paradoxe que la juxtaposition par la
majorité sénatoriale d'un discours alarmiste sur le coût supposé prohibitif des
emplois-jeunes et de l'incroyable extension de ce dispositif à de nouveaux
publics et à de nouveaux employeurs privés. Au demeurant, on se demande en
vertu de quoi ces employeurs percevraient une aide de l'Etat de 80 % par
emploi, alors que tant d'autres aides et exonérations leur sont déjà
accessibles par ailleurs !
Se proclamant gardienne sourcilleuse des finances publiques, la majorité
sénatoriale n'a pas hésité à proposer de considérables dépenses nouvelles. Tout
aussi surprenant, elle a adopté des amendements en direction du secteur privé
qui auraient provoqué de graves distorsions de concurrence nuisibles pour les
entreprises.
Pour ma part, j'ai le sentiment que, au-delà des péripéties politiciennes du
moment, cette confusion est le signe d'une distance - je ne veux pas dire d'une
incompréhension - par rapport aux mutations technologiques auxquelles nous
sommes confrontés.
Ces mutations induisent des transformations dans la société. Nous tous, en
tant qu'élus locaux, y sommes confrontés chaque jour lorsque nous en recevons
les victimes - chômeurs, personnes en difficulté - dans nos permanences.
Il est clair pour nous, socialistes, que nous ne pouvons laisser faire et que
nous ne pouvons nous contenter de panser les plaies individuelles. Une action
globale, prenant en compte l'ensemble de ces mutations, est plus qu'urgente.
Il n'y a plus, aujourd'hui, nous le savons tous, d'inépuisables réserves
d'emplois dans la production de biens d'équipement. La productivité acquise, à
laquelle vient s'ajouter la délocalisation massive de certains secteurs,
aboutit à une demande de main-d'oeuvre beaucoup plus faible que par le
passé.
Il ne suffit pas d'en prendre acte et de considérer, sans aller au-delà, que
les salariés sont la seule et unique variable d'ajustement pour maintenir la
compétitivité. Cela se justifie d'autant moins qu'après une période difficile
nos entreprises ont, pour la majorité d'entre elles, retrouvé une meilleure
santé, notamment financière.
Si des efforts demeurent à accomplir, c'est en direction des très petites
entreprises et des entreprises artisanales, d'ailleurs souvent victimes en tant
que sous-traitantes de la pression que des entreprises plus importantes font
peser sur elles.
Que ressort-il donc de ces mutations et comment les prendre en compte pour que
les conditions de vie demeurent acceptables pour le plus grand nombre ?
Il est clair aujourd'hui que, si l'entreprise est un moteur essentiel de la
croissance, elle n'est pas l'alpha et l'oméga de la vie d'une société. Comment,
d'ailleurs, une entité économique tournée par vocation légitime vers le profit
pourrait-elle prétendre répondre à l'ensemble des besoins sociaux ? Telle n'est
pas sa finalité.
S'il n'était orienté que vers un nombre de plus en plus restreint de personnes
en abandonnant le plus grand nombre à la précarité et à l'angoisse, le profit
réduirait en proportion son champ d'action : l'offre existerait, mais la
demande tendrait à disparaître. Dans ces conditions, l'appel à la croissance
serait sans effet, parce que sans rapport direct avec la vie de millions de nos
concitoyens.
D'un point de vue général, le mérite premier des emplois-jeunes - et nos
concitoyens l'ont, je crois, bien perçu - est de constituer le premier pas
important vers le retour à la confiance et à la croissance par l'expression de
la volonté collective et de l'action publique.
Pour la première fois, la convergence entre les nouveaux besoins sociaux
insatisfaits, la nécessaire professionnalisation de métiers nouveaux s'y
rapportant et la volonté des jeunes de s'insérer dans la vie active est prise
en compte de façon globale. Nous quittons le traitement social du chômage de
ces dernières années pour répondre à une demande nouvelle.
L'Etat reprend ainsi l'initiative et s'engage en première ligne, comme il est
de son devoir. Le groupe socialiste exprime, bien entendu, son soutien à cette
politique novatrice.
Nous aurions aimé, madame la ministre, vous exprimer ce soutien par un vote
positif, sans doute plus gratifiant pour vous et pour nous. Comme en première
lecture, nous serons malheureusement privés de cette satisfaction.
Après avoir dû voter contre un texte dénaturé, nous devrons évidemment voter
tout à l'heure contre la question préalable adoptée par la majorité de la
commission des affaires sociales, procédé qui laisserait penser, aux termes
même de la définition de la question préalable, qu'il n'y a pas lieu de
débattre d'un tel projet. Sur ce point, je comprends les remarques de notre
collègue M. Diligent !
Il est clair que tel est bien, pour la majorité sénatoriale, le seul moyen de
masquer ses divisions de fond sur la conduite à adopter, divisions qui se sont
manifestées aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat en première
lecture.
Vous concevrez aisément, madame la ministre, que notre vote contre la question
préalable soit effectivement l'expression de notre soutien total et de notre
engagement à vos côtés.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Sur ce projet de loi, tel que modifié par l'Assemblée nationale, je partage
les doutes, les inquiétudes, les incertitudes exprimées avec sa conscience et
son talent par notre collègue M. Souvet. Mais je partage également le sentiment
exprimé par notre collègue M. Diligent et, comme lui-même, en conscience, je ne
pourrai pas voter la question préalable.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, c'est avec
regret que nous avons constaté que, dans le texte tel qu'il nous revient, la
plupart des dispositions votées par le Sénat en première lecture ont été
abrogées, et ce à la demande du Gouvernement. Notre excellent rapporteur M.
Souvet a dit toutes les raisons que nous avons de le déplorer.
Mais, parmi ces dispositions, il en est une que les sénateurs des Français de
l'étranger regrettent plus particulièrement de ne plus voir figurer dans le
texte.
Cet amendement, qui recueillait l'approbation de tous les sénateurs
représentant les Français de l'étranger et qui prévoyait, en quelque sorte, le
recours au dispositif emplois-jeunes pour les emplois situés à l'étranger,
avait été proposé par notre collègue socialiste Mme Cerisier - ben Guiga. Je ne
reviens pas sur son plaidoyer, qui avait été excellent. Il figure au
Journal
officiel
.
Je rappelle, madame le ministre, que vous lui aviez répondu assez vertement. «
Je comprends bien le souci de Mme Cerisier-ben Guiga de faire en sorte que des
emplois à l'étranger puissent être proposés au jeunes Français. Toutefois, à ce
stade, il s'agit pour nous de répondre d'abord aux besoins de nos concitoyens
en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer, au prix d'un
investissement qui est déjà lourd. »
Vous estimiez donc qu'il convenait de répondre d'abord aux besoins en France
et dans l'outre-mer, ne voyant sans doute pas - ce sur quoi nous avons insisté
par la suite - que les deux choses sont très intimement liées.
Celle qui était notre porte-parole avait d'ailleurs dit : « Un emploi créé à
l'étranger, c'est d'abord un chômeur de moins en France, mais c'est surtout un
jeune qui acquiert des compétences nouvelles : la maîtrise d'une langue
étrangère, l'adaptation à des méthodes de travail différentes ... »
Bref, nous considérions tous que c'était une expérience extrêmement
enrichissante et tout à fait utile au pays.
Sur l'ordre qui lui était ainsi intimé, Mme Cerisier-ben Guiga avait retiré
son amendement. Naturellement, celui-ci avait immédiatement été repris par la
majorité sénatoriale, ce qui avait donné lieu à un débat intéressant dans
lequel plusieurs de nos collègues, notamment M. Marini, étaient intervenus, ce
dont je les remercie.
Je veux citer aussi M. Fourcade, président de la commission des affaires
sociales, qui avait très bien expliqué ce que nous souhaitions : « ... une
mesure que réclament depuis longtemps les entreprises françaises qui veulent
envoyer à l'étranger des jeunes, à savoir un contrat à durée déterminée
couvrant une période plus longue que celle que prévoit actuellement le code du
travail pour ce type de contrat. » Entendez plus de deux ans, car, à
l'étranger, il faut davantage.
Autrement dit, nous proposions que, à l'occasion de ce plan emploi-jeunes, un
dispositif profitable non seulement aux intéressés mais également et surtout au
pays soit mis en place.
La disposition avait été votée par la majorité sénatoriale, par l'ensemble des
sénateurs des Français de l'étranger et, me semble-t-il, par la grande majorité
de notre assemblée, des deux côtés de l'hémicycle.
Madame le ministre, je regrette beaucoup votre attitude - on vous a d'ailleurs
répondu. Je déplore que l'on oublie l'existence des 1 700 000 Français qui
vivent à l'étranger. Je ne voulais pas que tel soit encore le cas lors de cette
nouvelle lecture.
Notre assemblée tout entière, et son président le premier, est très attachée à
la promotion des emplois à l'étranger, pour lutter contre le chômage en France
et donner de nouveaux débouchés à notre pays. Voilà pourquoi nous aurions
vivement souhaité que la disposition figurât encore dans le texte.
Cela étant dit, je ne reprendrai pas la parole lors de l'examen de la motion
tendant à opposer la question préalable. Puisque cette disposition essentielle
a été supprimée, les sénateurs des Français de l'étranger et, plus largement,
les sénateurs non inscrits, pour marquer leur désapprobation, voteront la
question préalable.
(M. Durand-Chastel applaudit.)
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, mes chers collègues, après les explications qui viennent
d'être données, je tiens, en quelques mots, à bien marquer l'enjeu du débat.
Je respecte profondément le cri de conscience de mes collègues André Diligent
et Emmanuel Hamel, qui viennent de dire qu'ils ne pourraient pas voter la
question préalable. Je comprends leurs raisons et je respecte leur vote.
Je tiens toutefois à rappeler que le texte qui nous revient de l'Assemblée
nationale participe d'une philosophie qui consiste à isoler plus encore la
France de ses partenaires de l'Union européenne.
La France - je l'ai dit dès le début de la discussion - est le pays d'Europe
qui a le plus d'emplois publics après le Danemark et la Suède et, si l'on ne
modifie pas le texte pour favoriser un certain nombre de transferts vers le
secteur privé, il sera, dans cinq ans, celui qui en aura le plus. Par
conséquent, il aura le niveau de charges fiscales et sociales le plus élevé de
l'Union européenne.
M. Alain Gournac.
Et voilà !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Cette considération me paraît tout de même
avoir autant d'importance, à terme, que certaines impulsions ou certains
scrupules aujourd'hui, au regard du problème des jeunes chômeurs !
Madame la ministre - le débat l'a bien montré - la commission des affaires
sociales a essayé non pas de dénaturer, mais de modifier le texte, estimant que
votre idée était juste qui consistait à essayer de préfinancer, en quelque
sorte, des emplois émergents répondant à des besoins nouveaux. Car telle était
bien l'idée originale de votre texte.
La commission des affaires sociales a essayé de partir de cette idée, de cette
philosophie, en apportant quatre corrections essentielles au projet. Je
rappelle ces corrections afin d'éviter tout malentendu dans la communication
future.
Premièrement, il y a eu, selon nous, un mélange maladroit entre le recrutement
de jeunes pour tenir des emplois supplétifs dans la fonction publique et la
réponse au besoin d'emplois nouveaux dans des métiers émergents.
M. Alain Gournac.
Cela n'a rien à voir !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Il fallait soit bien séparer dans le texte
les deux filières, soit rédiger deux textes. C'est ce que nous avons essayé de
faire, et c'est ce que l'Assemblée nationale n'a pas accepté.
Tout à l'heure, dans cette enceinte, M. le ministre de l'éducation nationale a
bien précisé son intention de recruter 40 000 ou 50 000 jeunes dans le cadre
des emplois-jeunes. C'est dangereux, car non seulement cela ne donnera pas à
ces jeunes des garanties suffisantes pour l'avenir, mais cela contrariera
l'évolution normale, dans les cinq prochaines années, de tous les concours
administratifs. En conséquence, cela créera, demain, du chômage chez les jeunes
qui arriveront sur le marché.
J'en viens à la deuxième correction, à savoir l'organisation, avec tous les
acteurs économiques possibles, du transfert des emplois vers le secteur privé
dès le recrutement. Nous acceptons l'idée du préfinancement et celle de
l'utilisation des fonds publics pour essayer d'acclimater des emplois nouveaux,
mais nous pensons que tout doit être fait pour favoriser le transfert vers le
secteur privé.
A cet égard, la commission avait présenté un amendement essentiel qui avait
été adopté. J'en rappelle les termes, puisque je prends rendez-vous pour
l'avenir : « Les conventions précisent les modalités d'encadrement de
l'activité, les conditions d'une éventuelle participation financière de
l'usager, les conditions de l'éventuel transfert de cette activité au secteur
privé, fixent les objectifs de qualification et déterminent les conditions de
la formation professionnelle, ainsi que les modalités du tutorat. »
M. Alain Gournac.
C'est très important !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Ce point était fondamental. Nous n'avons
jamais dit qu'il fallait passer tout de suite au secteur privé ; nous avons
simplement dit qu'il fallait s'assurer dès le départ, au moment de la création
de ces emplois, de la possibilité de passer vers le secteur privé dans des
conditions de formation correctes.
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
La troisième correction tendait à remédier à
l'inexistence, dans le texte initial, de tout dispositif de formation et
d'encadrement.
M. Alain Gournac.
Incroyable !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
L'Assemblée nationale, sur ce point, nous a
largement rejoints, et je vous remercie, madame la ministre, de l'avoir aidée à
aller dans cette voie. Par conséquent, désormais, cette correction est moins
nécessaire.
Enfin, la quatrième correction portait sur le rôle exclusif donné au préfet et
au représentant des administrations de l'Etat pour détecter les emplois
émergents et pour définir dans quel secteur on pourrait aller.
L'expérience du RMI aurait dû vous convaincre que, lorsque l'on charge les
administrations publiques de trouver des passages vers le secteur privé, on est
sûr d'aller à l'échec.
Le fait d'associer, dans le CODEF, dans les missions locales ou dans les
comités de pilotage, comme l'avait proposé Mme Dieulangard, les professionnels,
les chefs d'entreprise et les artisans à la détection de ces métiers dès le
départ aurait permis au préfet, qui tranche en tout dernier ressort, de savoir
ce qui était bon et ce qui ne l'était pas, et d'avoir des avis motivés.
Voilà les quatre points sur lesquels nous avons non pas dénaturé, monsieur
Estier, mais corrigé le texte...
M. Alain Gournac.
Amélioré !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
... pour tenir compte de notre objectif :
comment arriver à préfinancer, aujourd'hui, pour faire face au problème du
chômage des jeunes, un certain nombre d'emplois qui, demain, pourront devenir
des métiers du secteur privé ?
Sur nos quatre propositions, l'Assemblée nationale en a repoussé trois, ne
faisant qu'un petit pas vers nous en ce qui concerne le dispositif de formation
et d'encadrement. Vous comprendrez donc qu'à nos yeux le texte ne puisse être
considéré comme ayant été corrigé !
Notre pays court ainsi le risque majeur de connaître, à terme, une
augmentation du nombre des emplois dans le secteur public et parapublic, car le
secteur associatif vivant du secteur public, c'est, hélas ! la même source de
financement !
Nous rattraperons alors le Danemark et la Suède et, face à la compétition au
sein de l'Union européenne, nous aurons des problèmes graves d'adaptation et de
concurrence.
Aujourd'hui, c'est donc une occasion manquée. Nous attendons, madame le
ministre, le second volet, qui résultera de votre négociation avec les forces
patronales et syndicales, pour voir comment vous pourrez insérer des centaines
de milliers de jeunes directement dans l'activité économique. C'est au vu de ce
second volet que nous porterons un jugement d'ensemble.
Dans cette affaire, il n'y a eu ni conflit idéologique ni dénaturation ; il y
a eu simplement jugement d'un texte généreux mais mal fait par des personnes
qui n'ont pas entendu celles qui ont l'expérience du terrain et qui, chez
elles, ont réalisé un certain nombre d'opérations tendant à orienter des jeunes
vers des métiers du secteur privé.
Il est dommageable qu'il n'ait pas été tenu compte des expériences concrètes
que chacun d'entre nous peut citer - mais encore aurait-il fallu qu'on nous le
demande ! - et que l'on s'en soit tenu à cette idée fallacieuse d'une
augmentation de l'emploi du secteur public et du secteur associatif.
Hélas ! ce n'est pas avec le secteur associatif et l'emploi public que l'on
gagnera la guerre économique qui nous est faite ; ce n'est pas de cette manière
que nous pourrons consolider l'euro ; ce n'est pas de cette manière que nous
pourrons faire face à la compétition américaine et asiatique.
Nous avions proposé les moyens de combiner le souci généreux d'aider les
jeunes dès maintenant et celui d'améliorer nos structures économiques dans les
prochaines années. Je constate que nos collègues de l'Assemblée nationale ont
peu tenu compte de nos propositions, ne retenant que celle qui concerne
l'encadrement.
Maintenant, il faut trancher le débat, afin que chacun prenne ses
responsabilités. C'est la raison pour laquelle la commission, dans sa majorité,
a adopté la question préalable.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union
centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
10
NOMINATION DES MEMBRES
DE LA COMMISSION SPÉCIALE
CHARGÉE DE VÉRIFIER ET
D'APURER LES COMPTES
M. le président.
Je rappelle qu'il a été procédé à l'affichage de la liste des candidats aux
fonctions de membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer
les comptes.
Le délai fixé par le règlement est expiré.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, la liste est ratifiée, et je proclame membres de la commission
spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes : M. René Ballayer, Mme
Marie-Claude Beaudeau, MM. Georges Berchet, Joël Bourdin, Luc Dejoie, Rémi
Herment, Philippe Marini, Marc Massion, Gérard Miquel et Jacques Oudin.
11
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept
membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à
l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes
électorales.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du
Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jacques Larché, Christian Bonnet, Patrice Gélard, Paul Girod,
Pierre Fauchon, Guy Allouche et Michel Duffour.
Suppléants : MM. André Bohl, Philippe de Bourgoing, Charles de Cuttoli, Michel
Dreyfus-Schmidt, Lucien Lanier, Georges Othily et Jean-Claude Peyronnet.
12
EMPLOI DES JEUNES
Suite de la discussion et rejet d'un projet de loi
en nouvelle lecture
M. le président.
Mes chers collègues, nous reprenons la discussion en nouvelle lecture du
projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes.
Question préalable
M. le président.
Je suis saisi par M. Souvet, au nom de la commission, d'une motion n° 1,
tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« Considérant que, en première lecture, le Sénat a souhaité insérer dans le
projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en première lecture une série de
dispositions de nature à favoriser dans les meilleurs délais et dans les
meilleures conditions le transfert vers le secteur privé des emplois que le
projet de loi se propose de créer dans le secteur public ou parapublic dans
l'intérêt des jeunes ;
« Considérant que l'Assemblée nationale a certes repris certaines des mesures
introduites dans le projet de loi par le Sénat sous forme notamment d'articles
additionnels ;
« Considérant que, en revanche, l'Assemblée nationale est revenue pour
l'essentiel au texte adopté par elle en première lecture s'agissant des
principales dispositions du projet de loi proposées par le Gouvernement ;
« Considérant que, ce faisant, elle a refusé de prendre en considération les
nombreuses dispositions insérées par le Sénat permettant de corriger les
défauts les plus manifestes du texte ; que ce dernier persiste, de surcroît, à
confondre dans un même régime, d'une part, des emplois qui auraient été
susceptibles, grâce aux modifications proposées par le Sénat, d'être transférés
vers le secteur privé et, d'autre part, des emplois de fonctionnaires
supplétifs recrutés en marge des règles de la fonction publique ;
« Considérant, dès lors, que le projet de loi se résume à la création de 350
000 emplois dans les secteurs public et parapublic qui, dans cinq ans, devront
être inéluctablement consolidés par l'apport de nouveaux fonds publics,
notamment de la part des collectivités locales, sauf à prendre le risque de
rejeter vers la précarité des jeunes qui n'auront acquis ni formation ni
qualification ;
« Considérant que, dans le cadre de la procédure d'urgence décrétée par le
Gouvernement, l'Assemblée nationale a ainsi dit son dernier mot » ;
« En conséquence, en application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le
Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet
de loi adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au
développement d'activités pour l'emploi des jeunes (n° 17, 1997-1998). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative
ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour
quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond
et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée
n'excédant par cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur, auteur de la motion.
M. Louis Souvet,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
En préambule à la
défense de cette motion, mes chers collègues, j'aimerais reprendre certaines
des expressions que j'ai entendues ici même.
Madame le ministre, vous nous avez dit que vous ne vous étiez jamais prononcée
sur un amendement en fonction de l'appartenance politique de son auteur. Nous
en faisons de même à la commission des affaires sociales. D'ailleurs, sauf
erreur de ma part, j'ai proposé un avis favorable sur plusieurs amendements qui
avaient été déposés soit par nos collègues du groupe communiste républicain et
citoyen, soit par nos collègues du groupe socialiste.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je ne le nie pas !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Tout cela pour expliquer que nous pris une position
politique sur ce sujet.
(Mme Dusseau sourit.)
Cela vous fait rire, madame Dusseau ? Rira bien qui rira le dernier !
M. Alain Gournac.
Ça oui !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
« La majorité sénatoriale se découvre sous son vrai jour en
opposant la question préalable », a dit M. Fischer. Mais il nous a expliqué
longuement que ce texte ne lui convenait pas tout à fait.
M. Guy Fischer.
Je n'ai pas dit cela !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Il a quand même eu beaucoup de mal à nous dire que ce texte
lui donnait entière satisfaction !
Il nous a indiqué qu'il y avait là deux logiques contradictoires et il a
critiqué notamment la position de la majorité sénatoriale et le recours à la
question préalable. Dès lors, je voudrais lui demander ce qu'il pense des
offres qui sont faites par l'éducation nationale : un contrat d'un an
éventuellement - j'insiste sur cet adverbe - renouvelable, payé au SMIC, avec
des exigences - minimum le bac. M. Fischer, ne s'agit-il pas là du SMIC-jeune
qu'on a tant combattu à certains moments, à d'autres périodes ?...
Je vous ai entendu dire, monsieur Estier, avec le respect que je dois à votre
fonction et à vous-même, que nous voulions masquer nos divisions de fond en
présentant cette question préalable.
Il y a eu, me semble-t-il, beaucoup d'occasions de masquer des divisions de
fond à certains moments. J'en ai relevé quelques-unes.
Le 13 février 1996, Mme Luc, qui préside un groupe qui soutient ce
gouvernement, avait présenté une motion contre la proposition de loi tendant à
favoriser l'expérimentation relative à l'aménagement et à la réduction du temps
de travail ; vraiment, cela ne devait-il pas être discuté ? Est-ce qu'on
masquait, là aussi, des divisions ?
Le 28 mai 1996, Mme Luc encore présentait une motion sur le projet de loi
organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale. Etait-ce
vraiment un sujet qui ne devait pas être discuté dans notre assemblée ?
Le 20 juin 1996, une motion était présentée par les membres de votre groupe,
monsieur Estier, sur le projet de loi relatif aux lois de financement de la
sécurité sociale. Ce texte devait être discuté. Vouliez-vous également masquer
des divisions ?
Le 1er octobre 1996, Mme Dieulangard, au nom de son groupe, déposait une
motion sur le projet de loi relatif à l'information et à la consultation des
salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension
communautaire ainsi qu'au développement de la négociation collective.
Le 9 octobre 1996, Mme Luc déposait une motion sur le projet de loi relatif à
la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville. N'était-ce pas, vraiment,
un thème dont nous devions discuter dans notre assemblée ?...
M. Claude Estier.
J'ai parlé du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui et de son vote en
première lecture : la majorité sénatoriale a éclaté en trois morceaux !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
J'entends bien, mais j'ai eu la courtoisie de ne pas vous
interrompre...
M. le président.
Les interruptions ne sont recevables qu'après acceptation par l'orateur ;
pardonnez-moi de vous le rappeler, monsieur Estier.
M. Claude Estier.
Je vous prie de m'excuser, monsieur le président.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Enfin, le 13 novembre 1996, Mme Luc présentait à nouveau une
motion...
M. Guy Fischer.
Décidément !
M. Louis Souvet,
rapporteur...
sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 1997.
M. Emmanuel Hamel.
Quelle constance !
M. le président.
C'est vrai pour vous aussi, monsieur Hamel !
M. Emmanuel Hamel.
Je ne vanterai plus les mérites de Mme Luc !
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Le dépôt d'une question préalable fait partie des procédures
qui ont été largement utilisées dans cette assemblée, mais c'est la première
fois que j'en présente une. On ne peut pas nous reprocher d'user de ce
moyen.
Cette motion est dirigée non pas contre l'emploi des jeunes - vous l'avez
compris - mais contre une philosophie qui n'est pas la nôtre. Après tout, en
déposer une était votre droit ; souffrez qu'à présent ce soit le nôtre !
Le texte de cette motion est le suivant :
« Considérant que, en première lecture, le Sénat a souhaité insérer dans le
projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, une série
de dispositions de nature à favoriser dans les meilleurs délais et dans les
meilleures conditions le transfert vers le secteur privé des emplois que le
projet de loi se propose de créer dans le secteur public ou parapublic dans
l'intérêt des jeunes ;
« Considérant que l'Assemblée nationale a certes repris certaines des mesures
introduites dans le projet de loi par le Sénat sous forme notamment d'articles
additionnels;
« Considérant qu'en revanche, l'Assemblée nationale est revenue pour
l'essentiel au texte adopté par elle en première lecture s'agissant des
principales dispositions du projet de loi proposées par le Gouvernement ;
« Considérant que, ce faisant, elle a refusé de prendre en considération les
nombreuses dispositions insérées par le Sénat permettant de corriger les
défauts les plus manifestes du texte ; que ce dernier persiste, de surcroît, à
confondre dans un même régime, d'une part, des emplois qui auraient été
susceptibles, grâce aux modifications proposées par le Sénat, d'être transférés
vers le secteur privé et, d'autre part, des emplois de fonctionnaires
supplétifs recrutés en marge des règles de la fonction publique ;
« Considérant, dès lors, que le projet de loi se résume à la création de 350
000 emplois dans les secteurs public et parapublic qui, dans cinq ans, devront
être inéluctablement consolidés par l'apport de nouveaux fonds publics,
notamment de la part des collectivités locales, sauf à prendre le risque de
rejeter vers la précarité des jeunes qui n'auront acquis ni formation, ni
qualification ;
« Considérant que, dans le cadre de la procédure d'urgence décrétée par le
Gouvernement, l'Assemblée nationale a ainsi dit son "dernier mot" »
;
« En conséquence, en application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le
Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet
de loi adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au
développement d'activités pour l'emploi des jeunes (n° 17, 1997-1998). »
M. le président.
La parole est à M. Estier, contre la motion.
M. Claude Estier.
Ayant assez longuement exposé, dans mon intervention liminaire, les raisons
pour lesquelles nous voterons contre la motion, je me bornerai, pour faire
gagner du temps à notre assemblée, à formuler une remarque à l'encontre de M.
le rapporteur.
Je ne lui dénie pas, bien entendu, le droit de déposer et de soutenir une
question préalable.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Encore heureux !
M. Claude Estier.
J'ai simplement dit tout à l'heure qu'elle était en fait le moyen qu'il avait
trouvé pour masquer les divisions de l'opposition qui étaient apparues sur ce
texte en première lecture tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Vous le
savez d'ailleurs très bien, puisque c'est la première fois que, sur un texte,
la majorité sénatoriale a éclaté en trois parties : ceux qui étaient contre,
ceux qui étaient pour et ceux qui se sont abstenus.
La question préalable vous permet, à quelques exceptions près, de réunir votre
majorité sénatoriale. C'est votre droit. Mais c'est aussi le nôtre de la
combattre et de souligner qu'il est quand même assez curieux que vous en
arriviez à dire qu'il n'y a pas lieu de débattre d'un texte tant attendu dans
notre pays.
M. Alain Gournac.
Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je suis très étonnée par
l'attitude de l'opposition nationale dans cette assemblée, qui a choisi
d'opposer la question préalable à ce texte. Sur ce point, je n'ajouterai rien à
ce que vient de dire M. Estier.
Effectivement - on l'a bien vu dans le travail de qualité mené par la
commission et par son rapporteur - cette question préalable a pour objet
essentiel de retrouver une unité que l'opposition, en première lecture, n'a pas
su dégager sur un projet de loi qui, il est vrai, concerne l'avenir des
jeunes.
Je peux comprendre que nous soyons en désaccord sur les modalités, sur la
philosophie de ce texte et que l'opposition, comme vous l'avez dit, affirme
sans complexe son attitude. Mais nous sommes face à un domaine nouveau. Nous
avons tous échoué dans la lutte contre le chômage, autant le dire clairement.
Or, ce projet de loi vise à créer des emplois en cherchant de nouvelles pistes.
Nous sommes ouverts à la discussion sur les modalités. Nombre d'élus
d'ailleurs, sur le terrain, essaient de monter des projets ; je ne le leur
reproche pas, même s'ils s'opposent à ce texte.
C'est pourquoi je ne comprends pas que vous utilisiez la procédure de la
question préalable au lieu de débattre de ce texte... sauf si, effectivement,
cela vous pose des problèmes politiques, l'opposition ne souhaitant pas que
certains de ses membres acceptent un texte - le premier déposé par le
Gouvernement - qui répond aux besoins du pays et dont l'objet est de trouver de
nouvelles pistes pour l'emploi...
M. Alain Gournac.
Des pistes ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ai le regret de vous dire que
l'attitude d'une partie de l'opposition parlementaire, ici comme à l'Assemblée
nationale, ne me paraît pas bonne en démocratie.
Opposer une question préalable sur un sujet aussi important, dont nous pouvons
discuter, ne m'apparaît pas être une bonne procédure, car personne dans cette
enceinte ne peut soutenir que l'emploi des jeunes n'est pas un problème
fondamental et que nous ne devons pas rechercher tous ensemble la satisfaction
de nouveaux besoins, c'est-à-dire les métiers de demain.
Opposer une question préalable à un texte alors que l'on n'est pas d'accord
sur ses modalités n'est pas sain ; je vous le dis très simplement.
M. Alain Gournac.
Madame le professeur, merci !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je viens d'entendre une leçon ;
j'ai le droit de répondre par une autre, monsieur le sénateur...
M. le président.
Laissez parler Mme le ministre, s'il vous plaît !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ai moi aussi le droit de dire
ce que je pense. Je viens d'entendre le président de la commission et son
rapporteur exposer leur position. J'ai le droit de vous expliquer ce que je
pense ; nous sommes face à nos concitoyens qui en jugeront. Vous avez défendu
une position, c'est votre droit ; je défends la mienne, c'est également mon
droit.
Claude Estier a raison, compte tenu de la situation actuelle du chômage des
jeunes dans notre pays, on ne peut pas s'opposer à ce texte sans proposer des
solutions pour résoudre ce problème. Or je n'ai pas entendu l'opposition
développer une stratégie de lutte contre le chômage.
MM. Alain Gournac et Michel Caldaguès.
C'est pourtant ce qu'a fait la commission des affaires sociales !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous sommes modestes et nous
serons attentifs. Mme Dusseau nous a expliqué, sur certains points, comment
nous devions l'être.
Dans les départements, dans les communes, nous travaillons actuellement avec
un certain nombre d'élus qui cherchent à dégager ces nouveaux besoins, qui
essaient de faire en sorte qu'ils ne relèvent ni du secteur public, ni du
secteur privé.
Ces dernières semaines, mes collaborateurs et moi-même avons, à l'occasion de
plus de 150 réunions, rencontré plus de 10 000 élus et responsables
associatifs. Certains ont posé les questions que vous vous posez, mais tout le
monde a accepté de jouer le jeu pour essayer de trouver une solution pour les
jeunes au chômage. Ils n'ont pas refusé toute discussion.
Aujourd'hui, ce sont des incohérences politiques qui amènent l'opposition à
refuser tout débat au Sénat, et je le regrette.
Je le répète, en dehors de nos oppositions fondamentales, j'avais apprécié le
travail réalisé par la commission, son président et son rapporteur.
Ce texte, tel qu'il ressort des travaux de l'Assemblée nationale, enrichi par
ceux du Sénat - je l'ai rappelé tout à l'heure - sur un certain nombre de
points, est aujourd'hui cohérent.
Sans entrer dans des considérations d'ordre politique, je ne suis pas étonnée
par la position de M. Diligent, car il connaît bien la situation du Nord -
Pas-de-Calais, et particulièrement celle de sa ville de Roubaix où les jeunes
sont totalement désespérés.
M. Emmanuel Hamel.
Roubaix n'est pas la seule ville où les jeunes so831int désespérés !
M. le président.
Monsieur Hamel, j'ai rappelé la procédure de l'interruption tout à l'heure ;
elle vaut pour tout le monde !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Oui, monsieur Hamel, mais M.
Diligent, qui s'occupe des jeunes dans sa ville, considère que toute piste que
nous ouvrirons ensemble sera sans doute bonne à saisir et qu'ensuite ce projet
de loi sera finalement ce que nous en ferons ensemble sur le terrain. Il ne
sera pas uniquement ce que nous aurons décidé dans une loi, car c'est en
l'occurrence la mobilisation des élus, les conditions de mise en place, la
vigilance que nous exercerons sur le terrain qui feront de cette loi un bon
instrument pérenne pour les jeunes, ou autrement un objet d'inquiétude, ce que
je peux tout à fait comprendre. A cet égard, je vous remercie, monsieur Hamel,
pour votre intervention.
J'en viens aux deux problèmes essentiels que M. le rapporteur et M. le
président de la commission ont soulevés.
S'agissant d'abord de vos inquiétudes concernant la pérennisation et le
passage vers le secteur privé, je souhaite à nouveau clarifier les choses. Il
n'est pas question de maintenir ces emplois dans le secteur public. Je l'ai dit
et répété, avant même que le projet de loi ne vienne devant le Sénat. Je
reconnais, car je souhaite dire les choses telles qu'elles sont, qu'il y aura
peut-être quelques exceptions, que peut-être les uns et les autres
constaterons-nous, au cours de cette période de cinq ans, que certains de ces
nouveaux métiers méritent de relever du service public parce qu'ils répondent à
des accès aux droits d'un certain nombre de nos concitoyens et qu'ils ne
peuvent pas être solvabilisés. Mais j'affirme que tel n'est pas l'objectif
central du dispositif.
Monsieur Souvet, puisque vous avez pris l'exemple de Lille, sachez que je ne
me suis pas inspirée de cette expérience pour la faire figurer dans une loi.
Consultez le document que nous avons remis à la presse lors de l'annonce de ce
projet de loi et vous pourrez constater que la plupart des modèles locaux que
nous avons choisis sont empruntés à des villes tenues tant par des élus de
l'opposition que de la majorité. C'est donc bien au regard de ce qui existe
aujoud'hui sur le terrain que nous avons essayé de traiter les problèmes.
En outre, je vous ferai remarquer très amicalement que je n'étais pas ministre
lorsque, avec Pierre Mauroy, nous avons lancé, voilà trois ans, ces opérations
dans la ville de Lille. Nous n'avons alors reçu l'aide d'aucun ministre. Nous
avons agi avec les moyens de la Ville, donc pas avec des moyens tellement
importants, mais en faisant des choix politiques, en élisant des priorités. Il
s'est ainsi agi, pour nous, d'arrêter les investissements pour aider les jeunes
qui n'avaient plus d'espoir dans notre ville. Les jeunes Lillois sont en effet
dans la même situation - ou quasiment - que ceux de Roubaix.
Comme je l'ai dit, notre objectif n'est pas de faire des emplois publics à
terme.
Je crois maintenant utile de revenir sur l'idée de « solvabilisation » qui me
paraît susciter une véritable incompréhension. Je m'adrese à cet égard à M.
Fourcade.
Que faut-il entendre par « solvabiliser » ? Cela signifie trouver les moyens
de financement de ces emplois en dehors de financements publics ou
majoritairement publics. Mais peut-être faudra-t-il finalement continuer à
financer 10 % ou 15 % d'entre eux.
« Solvabiliser », cela n'implique pas obligatoirement le passage au secteur
marchand lucratif. Ce qui m'importe c'est que, dans cinq ans, sous une forme ou
sous une autre - entreprises privées, entreprises d'un type nouveau,
entreprises d'utilité sociale dont certains nous ont déjà parlé, associations -
ces emplois puissent ête financés par des usagers, par des clients, voire par
des entreprises privées, c'est-à-dire qu'ils puissent être financés autrement
que par des fonds publics. Cela ne signifie pas pour autant qu'ils seront
obligatoirement à la charge du secteur privé.
Il serait par ailleurs incohérent de considérer, monsieur Fourcade, comme M.
Claude Estier l'a relevé, qu'à partir du moment où ces activités passent, une
fois « solvabilisées », dans le secteur marchand, c'est-à-dire dans
l'entreprise privée, l'Etat doive continuer à les financer. Par définition, si
vous considérez qu'elles deviennent solvables, elles n'ont plus de raison
d'être financées par le secteur public. En outre, vous recréeriez ainsi des
problèmes de concurrence.
De même, je crois qu'il n'est pas souhaitable qu'un comité départemental
décide d'un quelconque passage au secteur marchand. Nous sommes dans une
économie ouverte, ce n'est donc pas à un comité composé de fonctionnaires de
décider que, brutalement, des emplois sont solvables ou pas et doivent passer
au secteur marchand.
(M. Alain Gournac s'exclame.)
Je me permets de le dire, parce que j'entends très souvent des discours
sur l'économie privée et qu'il faut, me semble-t-il, en souligner les
incohérences quand il y en a.
Mme Dusseau s'est inquiétée à propos de l'éducation nationale. Je le redis,
sur les 350 000 emplois qui sont annoncés, seuls 40 000 auront pour cadre les
établissements de l'éducation nationale. Je comprends que le fait que les
embauches aient commencé avant l'adoption du texte de loi...
M. Alain Gournac.
C'est scandaleux !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non, ce n'est pas scandaleux,
parce qu'il s'agit de la préparation des embauches et non pas des embauches
elles-mêmes ! Néanmoins, je comprends que cela ait pu irriter les
parlementaires.
Encore une fois, notre souhait est d'aller vite et de réaliser des embauches
sur des critères précis et après des entretiens, ce qui prend du temps. Cela
explique que le dispositif ait été lancé auparavant.
La plupart de ces emplois - je pense notamment à tous ceux qui relèveront du
secteur périscolaire et qui, de ce fait, ne feront pas partie des 40 000
emplois-jeunes au titre de l'éducation nationale - seront solvabilisés à
l'extérieur.
Si un certain nombre de jeunes veulent passer des concours, ils pourront y
être préparés. Je rappelle à ce sujet que l'éducation nationale enregistre
chaque année 100 000 départs à la retraite. Il y a donc des postes qui se
libèrent.
Je le rappelle, notre objectif n'est pas de faire entrer tous ces jeunes dans
la fonction publique, même si un certain nombre d'entre eux, surtout parce
qu'ils auront travaillé à l'intérieur de l'école et auront goûté au service
public de l'éducation nationale, souhaiteront se former et passer ces
concours.
Votre seconde inquiétude, monsieur le rapporteur, concerne la création d'un
secteur public
bis
, et c'est la raison pour laquelle vous avez souhaité
deux dispositifs séparés tant pour la police que pour l'éducation nationale.
Ces emplois ne représenteront pas plus de 20 % de la totalité et, je le redis,
je serai excessivement vigilante pour que les projets qui seront retenus ne
soient pas ceux qui entrent dans les compétences normales, classiques des
collectivités locales.
Enfin, mais je crois que nous nous en sommes expliqués en aparté, lorsque j'ai
évoqué l'aide à l'ingénierie et à l'expertise à l'Assemblée nationale, je n'ai
pas voulu dire dans cette enceinte-là ce que je n'ai pas dit au Sénat.
Au Sénat, nous avons beaucoup parlé de formation et, à cette occasion, j'ai
effectivement dit qu'il n'était pas évident que tous ces jeunes soient formés,
mais que beaucoup le sont déjà et sont donc prêts à tenir ces emplois. Pour
ceux qui n'ont pas de qualification, nous devons soit les former à ces emplois,
soit, après un ou deux ans d'expérience professionnelle, leur montrer tout
l'intérêt à sortir du dispositif pour entrer en contrat de qualification ou
d'apprentissage.
C'est donc bien le suivi individuel avec le « raccrochage » à d'autres
dispositifs qui nous permettra de répondre à la question.
Au Sénat, nous n'avons donc pas évoqué l'ingénierie et l'expertise et j'ai
voulu indiquer à l'Assemblée nationale que nous réfléchissions actuellement à
la façon d'agréer deux ou trois organismes de consultants connaissant
particulièrement bien les problèmes d'emplois et d'organisation sociale, qui
pourraient d'ailleurs être formés par nous-mêmes, pour aider les collectivités
locales, les associations qui en auraient besoin à monter les projets qui ont
toutes chances d'être solvabilisés à terme.
Par conséquent, il n'y a pas eu double discours, l'un au Sénat et l'autre à
l'Assemblée nationale, et nous nous en sommes déjà expliqués.
Voilà les raisons pour lesquelles je ne comprends pas l'objet de cette
question préalable. J'ajoute que je trouve dommageable que, sur un sujet aussi
important et sur lequel nous avons, je crois, les mêmes objectifs - rechercher
de nouvelles activités et redonner de l'espoir aux jeunes - nous n'arrivions
pas, dans ce pays, à avoir un véritable débat démocratique pour de simples
raisons politiques.
Monsieur le président de la commission, vous avez dit que la France était
isolée. Je ne le crois pas. Le ministre des affaires sociales des Pays-Bas
vient en effet d'annoncer un programme beaucoup plus ambitieux que le nôtre,
puisqu'il touche aujourd'hui 35 % des chômeurs et qu'il vise, justement, à
créer des emplois exactement de même nature et financés par l'Etat. Or les
Pays-Bas ne sont pas un pays socialiste !
J'ai par ailleurs rencontré à Luxembourg, lundi et mardi derniers, le ministre
du travail espagnol et le ministre du travail italien. Tous deux m'ont demandé,
à l'occasion de leur venue à Paris pour une réunion de l'OCDE, la semaine
prochaine, d'organiser un séminaire, à la fois pour leurs collaborateurs et
pour eux-mêmes, afin qu'ils puissent, eux aussi, entreprendre des programmes
sur ces emplois nouveaux.
Par conséquent, je ne crois pas que nous soyons isolés en Europe. Nous
recherchons tous, avec la même modestie et le même réalisme, des solutions.
Nous savons tous qu'il existe des besoins dans nos pays et que si nous
n'accélérons pas, nous, Etat, l'investissement dans ce domaine, il faudra
attendre longtemps avant que la qualité de vie de nos concitoyens s'améliore et
avant que les jeunes retrouvent l'espoir.
Voilà ce que je voulais vous dire. Nous sommes, je le répète, dans un domaine
expérimental. Nous n'avons pas le droit de nous tromper. Je me sens donc un
double devoir de vigilance et de responsabilité par rapport à ce que j'ai dit,
notamment eu égard aux engagements que j'ai pris devant l'Assemblée nationale
comme devant le Sénat.
Croyez bien que c'est dans cet état d'esprit que nous appliquerons la loi
lorsqu'elle sera définitivement votée.
En conclusion, je dirai simplement que, malgré les divergences qui nous
opposent aujourd'hui, je remercie, encore une fois, la commission pour le
travail réalisé, ainsi que son président, M. Fourcade, et son rapporteur, M.
Souvet, pour leurs interventions tout au long de cette discussion.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Je rappelle qu'en vertu du dernier alinéa de l'article 44 du règlement la
parole peut être accordée pour explication de vote à un représentant de chaque
groupe politique, pour une durée n'excédant pas cinq minutes.
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Madame le ministre, vous avez beaucoup critiqué l'attitude du Sénat lors de
l'examen de ce projet de loi en première lecture. Nous sommes conscients que le
texte adopté par notre assemblée comportait des imperfections, imperfections
que nous pensions pouvoir corriger lors de la commission mixte paritaire.
Aujourd'hui, nous sommes terriblement déçus de ne pas avoir été entendus.
Nous sommes déçus quant à la forme de la discussion devant la Haute
Assemblée.
Vous avez prétendu que notre texte était incohérent, inconséquent, mais vous
avez refusé de dialoguer avec nous lors de l'examen du projet de loi.
Il vous est facile de vous déclarer ouverte au dialogue parce que nous n'avez
pas invoqué l'article 40 à l'encontre des amendements modifiant la charge de
l'Etat, alors que vous n'avez pas souhaité répondre sur le fond aux questions
que nous nous posions, y compris à celles que se posaient les membres de votre
propre majorité.
Nous aurions pu, ensemble, affiner ce dispositif. Vous l'avez refusé. Et vous
revenez devant notre assemblée, en nouvelle lecture, avec un texte identique, à
quelques détails près, à celui qui a été adopté en première lecture par
l'Assemblée nationale. Vous avez fait peu de cas du travail du Sénat.
Nous sommes également déçus quant au fond des débats.
Nous vous avions proposé un dispositif lisible et clair. Notre excellent
collègue M. Louis Souvet, rapporteur du projet de loi, avait beaucoup travaillé
pour présenter des dispositions constructives. Il s'agissait de former les
jeunes, de les encadrer, de les aider à migrer vers le secteur marchand.
Vous nous avez reproché d'avoir élargi le champ d'application du dispositif à
de nombreux employeurs, notamment du secteur marchand - ce qui est vrai - et,
en conséquence, d'alourdir le coût pour l'Etat - ce qui est faux !
Vous savez très bien que les préfets, qui sont chargés de la régulation de ce
dispositif, auraient pu, à l'intérieur de l'enveloppe attribuée par l'Etat,
gérer la dépense publique au mieux pour les jeunes en choisissant parmi les
projets proposés. C'est cela servir les jeunes !
A financement égal, on permettait ainsi d'ouvrir le dispositif vers de vrais
emplois, vers des emplois susceptibles de se pérenniser, eux, dans le secteur
marchand. En revanche, les emplois que vous créez risquent dangereusement de se
pérenniser dans la sphère publique.
Dans cette hypothèse, qui ne manquera pas, hélas ! de se confirmer, projeté
dans l'avenir, le coût pour l'Etat est effrayant. Notre pays ne pourra y faire
face.
Nous sommes, en outre, très inquiets que vous ayez systématiquement éludé nos
demandes d'informations relatives à l'absence totale de garanties pour les
employeurs pendant le contrat et au terme des cinq ans.
Vous avez systématiquement refusé les garde-fous que nous vous proposions de
mettre en place, notamment pour les collectivités territoriales. J'en citerai
quelques-unes : la participation des CODEF au dispositif - cette proposition
n'émanait pas de notre majorité - la rupture du contrat de travail si l'Etat
diminuait ou supprimait l'aide, la fixation dans la loi du taux de l'aide de
l'Etat.
En outre, vous avez critiqué la lourdeur du dispositif que nous mettions en
place. Mais, madame le ministre, ce n'est pas alourdir un texte sur l'emploi
des jeunes que de prévoir leur formation, leur encadrement et la pérennité de
leur emploi dans le secteur privé. C'est le strict minimum. Votre texte
l'ignore totalement. En cela, je le trouve bien léger et aussi peu réaliste que
les emplois virtuels que vous vous apprêtez à créer.
Concernant l'amendement de M. Jean Chérioux permettant aux entreprises de
moins de onze salariés de conclure des CDD de soixante mois, contrairement à ce
que vous affirmez, les chefs des petites et des très petites entreprises l'ont
souhaité.
Sans doute ne rencontrons-nous pas les mêmes chefs d'entreprise, madame le
ministre ! Nous, nous avons entendu les chefs de petites entreprises que nous
savons toutes potentiellement créatrices d'emplois et qui forment le tissu
économique de la France.
Enfin, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt notre éminent collègue M. Christian
Poncelet, lors des questions d'actualité au Gouvernement. Il a condamné votre
choix de supprimer l'allégement des charges sur les salaires propre au secteur
du textile pour financer vos emplois-jeunes.
M. le président.
Il vous faut conclure, mon cher collègue.
M. Alain Gournac.
Vous allez détruire des emplois dans le privé pour en créer dans le public
!
Vous n'avez absolument pas mesuré les conséquences désastreuses que votre
texte va engendrer pour l'emploi et pour notre pays.
Nous avons fait notre travail, madame le ministre. Vous l'avez méprisé. C'est
pour toutes ces raisons que le groupe du RPR votera la question préalable
présentée par la commission des affaires sociales.
M. le président.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le débat que
nous venons de vivre sur le projet de loi relatif au développement d'activités
pour l'emploi des jeunes présente l'avantage de démontrer que le clivage entre
la majorité et l'opposition parlementaires conserve toute sa légitimité, et il
est d'ailleurs très sain qu'il en soit ainsi.
Si les échanges ont été constructifs et attentifs, ils ont été aussi riches
d'enseignements sur les valeurs respectives de deux cultures politiques fort
différentes.
Pour notre part, nous avons été, dès le début de la discussion, en désaccord
profond avec la philosophie de ce texte, qui s'appuie avant tout sur la
puissance publique pour faire émerger de nouveaux emplois que l'on espère
pouvoir transférer par la suite vers le secteur marchand. Pour nous, cette
perspective est illusoire.
Madame le ministre, nous ne nous opposons pas sur les modalités ; nous nous
opposons sur la logique qui inspire l'élaboration de ce texte ! Nous ne sommes
pas dans une enceinte universitaire pour nous attarder à loisir sur les mérites
comparés de deux doctrines. Il s'agit d'essayer de trouver de véritables
solutions pour protéger les jeunes de ce fléau qu'est le chômage, leur redonner
confiance en eux et espoir en l'avenir.
Malheureusement, de notre point de vue, ce texte n'est pas susceptible de
répondre à cette attente, car il promet ce qui ne pourra être tenu.
Au terme des cinq ans, les employeurs se trouveront devant un rude dilemme :
se séparer des jeunes qui, pour la plupart, auront bien rempli leur mission, ou
les titulariser. Or la France est déjà - M. Fourcade le rappelait tout à
l'heure - en tête des pays occidentaux pour le poids de sa fonction publique et
elle ne peut se permettre d'accroître encore ses dépenses pour financer une
augmentation du nombre de ses fonctionnaires.
Néfaste pour les finances publiques, ce projet de loi l'est surtout pour les
jeunes que l'on va dévaloriser en légitimant des situations pour lesquelles le
niveau de formation sera, la plupart du temps, supérieur à celui de la
rémunération.
Vecteur de déception et d'amertume demain, ce texte est également facteur de
destruction d'emplois dans le secteur privé.
En matière de création d'emplois pour les jeunes, une voie, qui n'a pas été
suffisamment expérimentée par les gouvernements précédents, quels qu'ils
soient, nous semble porteuse et l'on devrait s'y engager résolument : c'est
celle de la réduction des différentes charges qui pèsent sur le secteur
marchand assortie de l'embauche et de la formation.
Je veux remercier M. le rapporteur d'avoir, voilà quelques instants, au nom de
la commission, parfaitement résumé les termes du désaccord qui existe entre le
Sénat, d'une part, le Gouvernement et l'Assemblée nationale, d'autre part.
L'Assemblée nationale campe sur ses positions. C'est son droit. Notre groupe
considère que le Sénat doit, à ce point du débat, s'opposer à ce texte, et cela
en accord complet avec les auteurs de la question préalable.
Contrairement à ce qui a été avancé tout à l'heure, le dépôt de cette question
préalable traduit une grande cohérence politique. Elle ne vise pas à masquer
nos divisions.
Je voudrais relever ici ce qui a été dit à plusieurs reprises, tant par M.
Estier que par vous-même, madame le ministre. Pourquoi avons-nous été
contraints à déposer cette question préalable ? Parce que le Gouvernement, en
choisissant la procédure d'urgence, a privé le Parlement, et donc le Sénat,
d'une navette qui aurait peut-être permis d'aboutir à un texte plus dynamique
et plus porteur tout en allant dans le sens que vous souhaitez.
C'est donc le choix de la procédure retenue par le Gouvernement qui nous
empêche de poursuivre et nous contraint à adopter cette question préalable.
Dans ces conditions, vous le comprendrez, le groupe que j'ai l'honneur de
présider la votera sans aucun état d'âme.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon
explication de vote au nom du groupe du RDSE - je ne pensais pas, je l'avais
dit, intervenir en son nom ! - sera brève puisque je me suis exprimée tout à
l'heure.
Au sein de notre groupe, nous nous sommes heurtés à la difficulté qu'ont
éprouvée les partis de droite de cette assemblée à adopter une position commune
sur ce texte en première lecture la semaine dernière. Mon groupe a donc «
éclaté » pour adopter des positions différentes allant du pour au contre en
passant par l'abstention. Cet éclatement se retrouve au moment du vote sur
l'ensemble.
La majorité des membres du RDSE s'est prononcée contre la question préalable :
14 voteront contre, quatre s'abstiendront et trois voteront pour. C'est vous
dire ! Même ceux qui ont voté contre l'ont fait pour des raisons tout à fait
différentes ! Ce vote illustre donc la diversité de notre groupe.
M. Michel Mercier.
Un groupe pluriel !
(Sourires.)
Mme Joëlle Dusseau.
C'est un groupe pluriel, c'est sûr ! Mais je pourrais aussi, je crois, parler
au nom de l'ensemble de mes collègues.
En effet, nous espérons tous vivement qu'à partir de ce texte, qui va être
adopté, le Gouvernement continuera de manière déterminée à faire preuve à la
fois de vigilance et d'imagination, notamment en accompagnant les collectivités
locales et les associations qui en auront bien besoin pour faire en sorte que
les emplois-jeunes correspondent effectivement aux souhaits du Gouvernement, en
particulier de Mme la ministre. Je voudrais vous faire part de mon étonnement.
Je suis en effet quelque peu surprise de ce thème qui revient régulièrement
dans notre assemblée, que l'on vient encore d'entendre à plusieurs reprises, et
qui consiste à s'inquiéter, voire à dénoncer l'importance du secteur public et
des emplois publics.
Le plus important, selon moi, est que les gens, les jeunes en particulier,
aient un emploi, quel que soit le secteur. C'est même, compte tenu de l'ampleur
du chômage et de la désespérance des jeunes, une chose tout à fait essentielle.
Sur ce point, je voudrais dire combien j'ai été sensible aux propos tenus par
M. Diligent.
J'ajouterai qu'à l'avenir ce n'est pas seulement à l'échelon français qu'il
faudra prendre de telles mesures. Il faudra le faire également au niveau
européen, car l'Europe compte plusieurs dizaines de millions de chômeurs et
l'extraordinaire richesse de ce continent s'accompagne de misère.
Les Etats qui composent l'Europe ne pourront que s'orienter vers des solutions
transitoires, des solutions mixtes, faisant appel à des financements aussi bien
publics qu'associatifs ou privés. C'est cette souplesse dans les solutions
trouvées qui permettra de faire réellement reculer le chômage, notamment celui
des jeunes. Il faut arrêter d'opérer cette division forcenée entre secteur
public et secteur privé pour s'attacher non seulement à faire reculer le
chômage, mais aussi à répondre aux besoins qui se développent, des besoins
sociaux que, pour le moment, ni le secteur privé ni le secteur public ne
peuvent satisfaire.
M. le président.
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier.
Madame la ministre, le souci qui est le vôtre de trouver des emplois pour les
jeunes de ce pays est partagé par tous dans cette assemblée.
Les solutions que vous nous proposez peuvent apparaître séduisantes dans leur
présentation et connaîtront probablement un certain succès dans les prochaines
semaines. Mais si l'on tient compte de l'ensemble des choix opérés par le
Gouvernement dans le domaine de l'emploi, on s'apercevra très vite qu'elles se
révéleront dangereuses pour le niveau même de l'emploi dans notre pays.
Le système que vous proposez s'inscrit après bien d'autres tentatives. Vos
propositions ont-elles une meilleure chance de réussir ? Nous pourrions être
tentés de faire avec vous ce pari - certains dans notre groupe le feront - et
d'essayer encore pour ne pas décourager notre jeunesse, qui espère trouver une
solution dans votre projet - tant ce dernier a bénéficié d'une bonne promotion
médiatique - et parce que votre échec serait un peu celui de la classe
politique tout entière.
Mais nous pouvons aujourd'hui examiner les propositions que vous nous
présentez à la lumière de ce qui est en train de se passer sur le terrain et
des choix qui sont globalement opérés par le Gouvernement et qui figurent dans
le projet de loi de finances pour 1998.
Que se passe-t-il sur le terrain ? Comme M. Allègre l'a rappelé tout à
l'heure, le ministère de l'éducation nationale a commencé à appliquer le texte
avant que nous l'ayons voté. Les emplois proposés aux jeunes sont des emplois
publics attribués après une sélection rigoureuse. Le projet de loi de finances
pour 1998 se caractérise, notamment dans son article 65, par un renchérissement
du coût du travail pour ceux qui ont un bas salaire.
Ces deux remarques nous amèneront à ne pas voter le texte tel qu'il revient de
l'Assemblée nationale. Les amendements que la commission des affaires sociales
avait déposés en première lecture pour tenter d'améliorer le projet de loi
ayant été rejetés, nous n'avons pas d'autre solution que de repousser
aujourd'hui le texte, et donc de voter la question préalable.
Permettez-moi de revenir brièvement sur le dispositif mis en place par ce
projet.
Les emplois qui nous sont proposés actuellement par le ministère de
l'éducation nationale relèvent du secteur public. En effet, les jeunes qui vont
être sélectionnés bénéficieront dans un premier temps d'un contrat de droit
public, puis d'un contrat résultant de la loi qui portera votre nom, madame le
ministre.
C'est donc bien reconnaître qu'il s'agit de la création d'une fonction
publique nouvelle, même si ces emplois ne correspondent pas à tous ceux que
vous nous proposez. Nous n'avons pas l'intention de vous faire, sur ce point,
de procès sous-entendant que vous voulez créer une fonction publique
bis.
N'empêche que c'est ce qui se crée actuellement sur le terrain.
Je voudrais insister sur le caractère très fortement sélectif du système. En
effet, les nombreux jeunes qui ont déposé leur candidature devront répondre à
de multiples entretiens. Cette sorte d'écrémage mis en place suscite des
interrogations. En effet, ceux qui ont échoué, parce qu'ils n'ont pas effectué
un bon parcours scolaire ou parce qu'ils ont des difficultés, seront rejetés et
nous « resteront sur les bras » demain à vous, à nous. Ce sont eux qu'il ne
faut pas rendre plus aigris encore !
Ce projet de loi pourrait être un texte parmi d'autres. Vous avez insisté sur
son caractère modeste. Nous sommes d'accord avec vous. Nombre d'essais et
d'échecs ont été enregistrés. Ce texte pourrait donc être une contribution de
plus à la résorption du chômage des jeunes par l'emploi public si
n'apparaissait en même temps une mise en danger des emplois privés par le
renchérissement de leur coût que le Gouvernement propose dans la loi de
finances pour 1998 ; M. Poncelet l'a rappelé tout à l'heure.
Nous croyons véritablement que baisser les charges sur les bas salaires est un
bon moyen de lutter contre le chômage. Le Gouvernement, en ramenant le seuil
des salaires de 1,33 fois à 1,30 fois le SMIC pour bénéficier du rabais sur les
charges sociales, renchérit au contraire le coût du travail. Je crois que, ce
faisant, il ne va pas dans le bon sens.
L'abandon du plan textile procède de la même philosophie.
Nous ne comprenons pas que, d'un côté, des efforts pour les jeunes soient
réalisés et que, de l'autre, on renchérisse le coût du travail dans
l'entreprise...
M. le président.
Il vous faut conclure, mon cher collègue.
M. Michel Mercier.
Je conclus, monsieur le président.
... on fasse financer par les emplois privés des emplois quasi publics. Cela
conduira la grande majorité du groupe de l'Union centriste à voter la question
préalable.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants, du RPR ainsi que sur certaines travées du RDSE.).
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable,
repoussée par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
6:
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 303 |
Majorité absolue des suffrages | 152 |
Pour l'adoption | 198 |
Contre | 105 |
En conséquence, le projet de loi est rejeté.13
RENVOI POUR AVIS
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi (n° 11, 1997-1998), relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale est saisie au fond est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires sociales.
14
TRANSMISSION
D'UN PROJET DE LOI ORGANIQUE
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi organique,
modifié par l'Assemblée nationale, déterminant les conditions d'application de
l'article 88-3 de la Constitution, relatif à l'exercice par les citoyens de
l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français,
du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales, et portant
transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994.
Le projet de loi organique sera imprimé sous le numéro 21, distribué et
renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
15
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'inscription
d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 25, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
16
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Louis Souvet, Michel Alloncle, Louis Althapé, Henri Belcour,
Jean Bernard, Jean Bizet, Paul Blanc, Mme Paulette Brisepierre, MM. Robert
Calmejane, Jean-Pierre Camoin, Gérard César, Jacques Chaumont, Désiré
Debavelaere, Jean-Paul Delevoye, Jacques Delong, Charles Descours, Gérard
Fayolle, Alain Gérard, Charles Ginésy, Daniel Goulet, Adrien Gouteyron,
Emmanuel Hamel, Bernard Hugo, Jean-Paul Hugot, Roger Husson, André Jourdain,
Christian de La Malène, Gérard Larcher, Jacques Legendre, Pierre Martin, Lucien
Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Victor Reux,
Jean-Jacques Robert, Michel Rufin, Maurice Schumann et René Trégouët une
proposition de loi visant à la protection du patrimoine géologique.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 23, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
17
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Louis Souvet un rapport, fait au nom de la commission des
affaires sociales, sur le projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au développement d'activités
pour l'emploi des jeunes (n° 17, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 18 et distribué.
J'ai reçu de M. Josselin de Rohan un rapport, fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan, sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture, d'orientation sur la pêche maritime et les
cultures marines (n° 437, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 19 et distribué.
J'ai reçu de M. Daniel Hoeffel un rapport, fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale :
- sur la proposition de loi de M. Nicolas About, tendant à modifier les
dispositions du code civil relatives à la prestation compensatoire en cas de
divorce (n° 151, 1996-1997) ;
- et sur la proposition de loi de MM. Robert Pagès, Michel Duffour, Mme
Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole
Borvo, MM. Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM.
Louis Minetti, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade relative à
l'attribution de la prestation compensatoire en cas de divorce (n° 400,
1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 20 et distribué.
J'ai reçu de M. Serge Vinçon, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom
de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme du service
national.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 22 et distribué.
18
DÉPÔT D'UN AVIS
M. le président.
J'ai reçu de M. Paul Masson, un avis, présenté au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale :
- sur le projet de la loi (n° 363, 1996-1997) autorisant la ratification de la
convention sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne
portant création d'un office européen de police (ensemble une annexe et quatre
déclarations) ;
- et sur le projet de loi (n° 364, 1996-1997) autorisant la ratification du
protocole établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne
concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des
Communautés européennes de la convention portant création d'un office européen
de police.
L'avis sera imprimé sous le numéro 24 et distribué.
19
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mardi 14 octobre 1997 :
A neuf heures trentes :
1. Examen d'une demande présentée par la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner
une mission d'information en Nouvelle-Calédonie, pour étudier les perspectives
de reprise des pourparlers institutionnels.
2. Questions orales sans débat suivantes :
I. - M. René-Pierre Signé appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie sur les problèmes que
rencontrent les psychologues scolaires dont l'identité professionnelle n'est
pas clairement définie.
Ces psychologues ont pour mission d'apporter un appui aux élèves du premier
degré. Ils font partie intégrante des équipes pédagogiques. A leur formation
initiale de niveau universitaire, la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 ajoute
l'exigence d'une expérience pédagogique préalable à leur recrutement.
Actuellement, ils sont assimilés à des enseignants avec les mêmes salaires et
des évolutions de carrière identiques. Ils sont inspectés, comme les
instituteurs, par des fonctionnaires de formation pédagogique ou
administrative. C'est une situation étonnante au regard de la loi de 1985 qui
protège le titre de psychologue.
Dans un souci d'affirmation professionnelle, ils souhaitent l'élaboration
négociée d'un texte leur conférant statutairement une fonction spécifique, dans
le premier degré, accessible à l'issue d'une formation sanctionnée par un
diplôme de troisième cycle en psychologie.
Ce statut protégerait l'usage de leur titre, garantirait aux enfants, à leur
famille ainsi qu'aux différents partenaires, les services de professionnnels
dotés de missions, dans le respect de la déontologie et de l'éthique, et
établirait une distinction entre celui qui enseigne et celui qui analyse une
situation pour tenter d'y apporter une solution.
Il lui demande de lui indiquer quelles mesures pourront être prises pour que
ces personnels de l'éducation nationale bénéficient de la reconnaissance qu'ils
méritent. (N° 5).
II. - M. Pierre Hérisson appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et
de la solidarité sur l'assujettissement des travailleurs frontaliers à la
contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS.
En application de l'article 7, alinéa 1 de la convention franco-suisse du 3
juillet 1975, les frontaliers travaillant en Suisse sont obligatoirement
couverts par le régime suisse de sécurité sociale.
Après avoir décidé de suspendre l'assujettissement des frontaliers à la
contribution sociale généralisée CSG, le Gouvernement les a assujettis, par
ordonnance du 25 janvier 1996, à une nouvelle contribution sociale, la CRDS.
La Commission européenne, ayant été saisie sur ce point, a confirmé qu'il
s'agissait là encore d'une « véritable cotisation sociale », qui ne pouvait en
aucun cas être applicable aux frontaliers des pays tiers. La CRDS a été créée
dans l'unique but de combler le déficit de la sécurité sociale, ce qui lui
confère indéniablement son caractère de cotisation sociale, quand bien même
cette dernière serait affectée à un organisme ne redistribuant pas directement
de prestations sociales.
En conséquence, il lui demande quelles mesures le Gouvernement entend
rapidement prendre pour corriger cette erreur manifeste, car il n'est pas
raisonnable de demander aux frontaliers de participer solidairement au
remboursement d'un déficit auquel ils n'ont, en fait ou en droit, jamais
participé. (N° 7.)
III. - M. Daniel Hoeffel appelle l'attention de M. le ministre de la défense
sur les incidences pour les personnels civils des mesures de restructuration
qui toucheront en 1997 et 1999 les forces françaises stationnées en
Allemagne.
Deux vagues concerneront ainsi en 1997 et 1999 plus de 3 600 civils, parmi
lesquels de nombreux personnels français particulièrement implantés dans les
zones frontalières.
Seuls les fonctionnaires et agents publics sont assurés d'un reclassement dans
les services et établissements relevant du ministère de la défense. En ce qui
concerne les personnels de droit privé allemand, les plans sociaux ont été
négociés. Les modalités de licenciement ainsi fixées ont été améliorées par
rapport aux règles propres aux établissements. Des mesures d'accompagnement
social ont, par ailleurs, été prévues.
Cependant, au vu des difficultés rencontrées lors des précédentes dissolutions
de garnisons, il est à craindre qu'un grand nombre de ces agents ne pourra
assurer sa reconversion en dépit des mesures prises en sa faveur.
Il lui demande si d'autres solutions de reclassement qui tiendraient compte
des années passées à oeuvrer au service de la France ne pourraient être
envisagées pour ces personnels. (N° 10.)
IV. - M. Ivan Renar rappelle à M. le ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation que de très nombreuses communes
appliquent, dans le cadre de leur politique municipale, des tarifs différenciés
selon le quotient familial pour certaines activités comme les activités
culturelles ou sportives.
Or une jurisprudence du Conseil d'Etat interdit cette pratique selon lui
discriminatoire en matière d'égalité d'accès aux services publics.
Cette conception très formelle de l'égalité ignore cependant la réalité d'une
situation sociale qui prive pour des raisons financières de très nombreuses
personnes, en premier lieu les enfants, de l'accès à la culture ou au sport.
L'application du quotient familial est dans l'esprit des municipalités un moyen
de dépasser les obstacles sociaux.
Dans une réponse à une question écrite déjà posée à ce sujet en juillet 1996,
le ministre de la culture alors en exercice annonçait qu'« en concertation avec
le ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de
décentralisation, il a été décidé d'entreprendre une réflexion de fond sur le
sujet, qui pourrait donner lieu au dépôt d'un projet de loi ».
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui faire part de l'état de la
réflexion du Gouvernement à ce sujet et des décisions qu'il entend mettre en
oeuvre. (N° 13.)
V. - M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra souligne auprès de Mme le ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement que le service public et plus
particulièrement en milieu rural constitue un élément fondamental de
l'aménagement du territoire et du maintien des populations dans des zones en
voie de désertification.
L'Etat est exclusivement compétent à l'égard des services publics nationaux et
le principe de l'égal accès de tous au service public a été réaffirmé par la
loi n° 95-115 du 5 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le
développement du territoire.
Les communes sont, quant à elles, très attachées aux services de proximité et
oeuvrent quotidiennement pour que ceux-ci soient maintenus dans les meilleures
conditions de qualité.
De plus en plus fréquemment, cette volonté des élus locaux se traduit par une
participation aux côtés de l'Etat au financement de ces services.
Face au désengagement toujours plus croissant de ce dernier, face à la logique
de rentabilité économique invoquée par les grandes entreprises nationales, les
collectivités locales ont-elles d'autres choix que d'accepter ce partenariat ?
Leur survie, quelquefois, en dépend.
Le manque de concertation que l'on a pu déplorer jusqu'à présent entre les
différentes parties aboutit à un transfert de charges toujours plus important
en direction des communes.
Le cas de La Poste illustre semble-t-il le mieux cette situation. Sur le
fondement d'un patenariat souvent déséquilibré, ce sont des conventions
hybrides au cas par cas qui sont proposées aux maires, dont les termes posent
divers problèmes juridiques (notamment en matière de responsabilité).
On assiste à une situation qui peut devenir préjudiciable, si l'on n'y prend
pas garde. Les communes ne pourront pas, à elles seules, assumer ces transferts
et les usagers pourraient avoir à en supporter les conséquences. Le service
public ne pourra plus répondre à ces missions, si tant est qu'on arrive à
conserver les réseaux déjà existants.
Il souhaiterait obtenir des précisions sur deux points : d'une part, quelle
sera la position du Gouvernement lorsque le moratoire sur la suppression des
services publics sera arrivé à son terme ? Et d'autre part, à quel moment sera
pris le décret d'application de l'article 29 de la loi du 5 février 1995, qui
pourrait constituer le cadre d'une procédure adaptée en matière de contrôle de
suppression ou de modification d'un service ? (N° 14.)
VI. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat
à la santé sur les difficultés rencontrées par les conseils d'administration
des hôpitaux franciliens pour préparer les budgets hospitaliers de 1998 et
l'établissement des orientations budgétaires.
L'absence de directives nouvelles sur la présentation du rapport d'orientation
budgétaire prévu par la loi hospitalière - article L. 71-466 du code de la
santé public - et obligatoire depuis 1992, conduit les conseils
d'administration à travailler en s'appuyant sur la circulaire ministérielle du
10 mai 1994 fondée sur la définition des objectifs suivants : application du
projet d'établissement, prévisions d'activités, présentation des objectifs
1998.
Elle lui rappelle que les conseils d'administration rencontrent des
difficultés importantes pour établir ce rapport compte tenu du taux négatif de
dotation, attribué en 1997, ayant nécessité des mesures drastiques et
immédiates afin d'éviter tout dérapage financier important.
Elle lui demande quelles directives et quels moyens financiers il envisage
pour permettre aux conseils d'administration des hôpitaux franciliens de
préparer les orientations budgétaires de 1998.
Elle lui demande enfin de lui préciser les mesures de rétablissement à un taux
positif des dotations pour les hôpitaux franciliens. (N° 16.)
VII. - M. Marcel Vidal rappelle à Mme le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement que le 25 février dernier, la commission de la
production et des échanges de l'Assemblée nationale adoptait un rapport
d'information sur l'application de la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992,
relative à l'élimination des déchets ainsi qu'aux installations classées pour
la protection de l'environnement.
Cette loi constitue, comme le souligne le rapporteur, une « révolution
culturelle » en matière de gestion des déchets ménagers. Pour la première fois
étaient posés les principes de la nécessité du traitement des déchets et de
leur élinination dans le but de prévenir et de réduire leur production et leur
nocivité, de limiter et d'organiser leur transport et de les valoriser soit par
le recyclage, soit par le compostage, soit encore par l'incinération avec
récupération d'énergie. Pour la première fois, était affirmée la nécessité de
supprimer les décharges brutes d'ici au 1er juillet 2002. Les attentes
légitimes de nos concitoyens pour un meilleur cadre de vie étaient enfin prises
en compte.
Cinq ans après l'adoption de cette loi, le rapport d'information de
l'Assemblée nationale en dresse un premier bilan. Il souhaite connaître son
avis sur les propositions énoncées dans ce rapport, et notamment sur
l'opportunité d'un report de l'échéance du 1er juillet 2002 pour l'interdiction
de la mise en décharge ainsi que sur les moyens techniques et financiers
qu'elle compte mettre en oeuvre pour revenir à l'esprit de la loi de 1992 qui
prône non pas le tout incinération, comme il est pratiqué aujourd'hui, mais une
gestion multi-filière des déchets ménagers. (N° 19.)
VIII. - M. José Balarello attire l'attention de Mme le garde des sceaux,
ministre de la justice, sur l'importance que revêt la mise en place d'une cour
d'appel à Nice.
En effet, le délai de traitement d'un dossier devant la cour d'appel
d'Aix-en-Provence, dont relèvent pour l'appel les juridictions de Nice et de
Grasse, est de 19,8 mois, alors que la durée moyenne de traitement d'un dossier
devant une cour d'appel est de 13,1 mois.
Ainsi, à titre d'exemple, en matière sociale, où les conflits doivent être
réglés au plus vite, un salarié licencié doit attendre pendant quatre ou cinq
ans après le premier jugement du conseil des prud'hommes ; dans le domaine des
travaux poublics, la durée des traitements est tellement longue qu'elle
entraîne souvent la disparition des entreprises avant que le jugement soit
rendu.
Cette situation anormale résulte en grande partie du fait que la cour d'appel
d'Aix-en-Provence, la deuxième de France, est assise sur un ressort territorial
tellement vaste que la population qui en dépend représente le double de la
moyenne nationale : 3 700 000 au lieu de 1 850 000, et ce alors que la plupart
des débats sur la justice en France sont centrés sur la nécessité d'un
rapprochement de celle-ci avec le citoyen. Plus concrètement, il faut faire 360
kilomètres aller-retour pour aller plaider en appel ! Situation d'autant plus
impensable lorsqu'on sait que 40 % des dossiers examinés par la cour d'appel
d'Aix-en-Provence proviennent du seul département des Alpes-Maritimes et que
Nice est la seule grande ville de France à ne pas avoir de cour d'appel soit en
son sein soit à proximité.
Cette proposition de création est d'ailleurs contenue dans le rapport Carrez
de février 1994, consacré à la réorganisation judiciaire, qui suggère de
scinder la cour d'appel d'Aix-en-Provence en deux, avec création d'une cour à
Nice.
Aussi, il lui demande s'il ne lui semble pas qu'il y a là, à la lumière de sa
réflexion, une anomalie à lever pour favoriser une justice plus rapide,
humainement plus proche et enfin moins coûteuse. (N° 22.)
IX. - Aujourd'hui, les impératifs de l'ouverture internationale et la
nécessité pour nos entreprises d'évoluer dans un cadre juridique compétitif
appellent une remise en cause du modèle français afin de laisser plus de place
à la liberté contractuelle, à l'exemple de plusieurs de nos partenaires
européens.
La loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales a plus de
trente ans. Elle privilégie une approche institutionnelle dans laquelle la
société est porteuse d'un intérêt social distinct de celui des associés. Elle
comporte de ce fait une forte proportion de règles d'ordre public sanctionnée
par un arsenal répressif très développé. Le dispositif qui en résulte est
certes garant de la sécurité juridique, mais souvent inadapté et rigide, par
défaut d'actualisation.
Dans quelques mois, notre pays entrera dans une nouvelle phase de l'Union
européenne, marquée par la création prochaine de l'euro. Dans le passé, chaque
étape importante de la législation sur les sociétés a correspondu à des
changements internationaux majeurs. Si la loi de 1867 était de faire le
libre-échange franco-anglais, celle de 1966 doit être mise en relation avec la
création du Marché commun. Il faut à présent envisager d'assurer la
compétitivité juridique de la France par rapport aux systèmes d'inspiration
anglo-saxonne d'un côté et germanique de l'autre, dans le contexte de marchés
financiers totalement interconnectés et d'une liberté de plus en plus large de
localisation des activités économiques.
De nombreuses propositions de réforme ont vu le jour ces dernières années et
témoignent d'une insatisfaction croissante. Ces propositions émanent aussi bien
des professionnels, des pouvoirs publics, groupes de travail de la
Chancellerie, rapports de la Commission des opérations de bourse, du Conseil
économique et social, des magistrats, notaires, avocats, experts-comptables,
commissaires aux comptes et parlementaires.
En conséquence, M. Philippe Marini demande à Mme le garde des sceaux, ministre
de la justice, quel est le devenir de la réflexion initiée par son prédécesseur
sur la modernisation du droit des sociétés. Il lui rappelle qu'un avant-projet
de loi inspiré du rapport qu'il avait remis au Premier ministre, le 13 juillet
1996, résultant de sa mission parlementaire, a été établi. Il lui demande aussi
le devenir de ce texte. (N° 24.)
X. - M. Léon Fatous souhaite interpeller oralement M. le secrétaire d'Etat à
la santé sur le retard en matière d'équipement hospitalier dont souffre le
département du Pas-de-Calais.
En effet, il lui demande que le dossier de l'imagerie par résonance magnétique
(IRM) mobile pour les hôpitaux de Calais, Montreuil et Arras soit réexaminé.
(N° 26.)
XI. - M. Gérard Fayolle appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement,
des transports et du logement sur la catastrophe de Port-Sainte-Foy et sur
l'aménagement de la liaison routière et ferroviaire Libourne-Bergerac. (N°
28.)
XII. - M. Jacques Valade rappelle à M. le ministre de l'éducation nationale,
de la recherche et de la technologie que l'évocation de la société de
l'information est devenue systématique. L'informatique et ses applications les
plus sophistiquées en constituent la base essentielle. Les étudiants, les
enseignants, les chercheurs, maintenant les chefs d'entreprises et tous nos
concitoyens en deviennent les utilisateurs.
Il convient, de ce fait, de mettre les enseignants, l'université et les
universitaires en situation d'affronter cette mutation inéluctable et rapide
des sciences et des techniques de l'information.
Actuellement, l'enseignement de l'informatique au lycée - même s'il est assuré
d'une façon satisfaisante - ne l'est qu'à partir d'un volontariat et de la
bonne volonté de professeurs d'autres matières. Il en va de même, trop souvent,
à l'université.
Il importe, par conséquent, de mettre en place rapidement une réelle formation
initiale pour l'enseignement de l'informatique au sens large du terme et de la
sanctionner par un CAPES et une agrégation en informatique, à l'image de ce qui
a été fait pour d'autres disciplines, pour certaines de moindre rayonnement.
Le développement de l'informatique n'est pas seulement lié à des
investissements et à des équipements. Il dépend de la bonne maîtrise de la
discipline et de la qualité des chercheurs et des formateurs dans ce domaine.
Ces nouveaux diplômes seraient une bonne voie pour assurer la qualité des
enseignements dispensés et permettraient un meilleur développement des
innovations pédagogiques et des animations interdisciplinaires. Ils seraient un
soutien considérable pour ces nouvelles technologies permettant à notre pays de
répondre au défi des nouvelles techniques de l'information et de la
communication.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui faire part de son sentiment
sur l'oppotunité de la création rapide de ces diplômes : CAPES et agrégation en
informatique. (N° 31.)
XIII. - M. Paul Masson attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la
santé sur la situation de l'hôpital de Pithiviers. L'hôpital de Pithiviers est
frappé depuis le 4 juillet 1997 par une décision du directeur de l'agence
régionale de l'hospitalisation du Centre. Les activités des services de
chirurgie et de gynéco-obstétrique sont suspendus. Les chirurgiens opèrent à
Etampes. Les personnels sont transférés. La maternité est arrêtée. Le
secrétaire d'Etat à la santé s'est rendu à Pithiviers le 8 septembre. Devant le
conseil d'administration de l'établissement, il a confirmé cette décision. Il a
cependant laissé beaucoup d'espoir pour la maternité « symbole pour une ville
», ainsi qu'il le déclara par la suite. Il serait heureux d'obtenir de M. le
secrétaire d'Etat à la santé quelques précisions sur les mesures nouvelles
envisagées en faveur de l'hôpital de proximité de Pithiviers et de sa
maternité. (N° 32.)
XIV. - M. Franck Sérusclat interroge M. le secrétaire d'Etat à la santé sur la
question de la stérilisation volontaire des sujets sains.
Une telle intervention est actuellement impossible à pratiquer en France, une
jurisprudence de 1920 condamnant cette pratique comme une mutilation
volontaire.
Pourtant, il s'agit, pour certaines femmes, du seul moyen de contraception.
L'impossibilité découlant de la jurisprudence aboutit alors à des grossesses
non désirées et à des interruptions volontaires de grossesse. C'est également
le mode de contraception le plus utilisé dans le monde.
Le comité consultatif national d'éthique a indiqué dans un rapport n° 50 du 3
avril 1996 que trois solutions sont envisageables, sans montrer de préférence
pour l'une d'entre elles : soit interdire toute stérilisation volontaire, soit
n'en pratiquer que sur proposition du corps médical, soit enfin, laisser la
possibilité à toute personne d'utiliser cette méthode contraceptive après
information et temps de réflexion.
Il lui demande quelle est sa position sur ce sujet et s'il ne serait pas
souhaitable, face à une question à laquelle les réponses de la société
apparaissent très divisées, de permettre à chacun de choisir en conscience la
solution qui emporte sa faveur. (N° 33.)
XV. - M. Georges Mouly attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat au budget
sur le problème régulièrement posé de la réglementation des débits de boissons
en milieu rural. Compte tenu des nombreuses contraintes actuellement en
vigueur, ce transfert se révèle toujour difficile alors que, dans les villages,
le café demeure souvent de nos jours le dernier lieu de vie. Il lui demande
donc s'il entend réformer cette réglementation ou tout au moins l'assouplir, ce
qui permettrait d'aller au-delà des lois de 1987 et 1995. (N° 37.)
XVI. - M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche sur la décision du groupe Nestlé de fermer son
unité girondine de produits laitiers implantée sur la commune de Carbon-Blanc.
Il lui rappelle que l'usine Chambourcy de Carbon-Blanc implantée depuis 1971
emploie 223 salariés. Seul, un repreneur dans le secteur laitier serait à même
de maintenir l'activité et les emplois sur place.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures qu'il
compte prendre d'urgence afin de sauvegarder le site de Carbon-Blanc et ses
emplois. (N° 39.)
XVII. - M. Jean-Claude Carle rappelle que Mme le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement semble très attachée à la défense du milieu
naturel et de notre environnement comme on a pu le constater par le biais de
plusieurs décisions récentes et largement médiatisées.
Notre territoire est confronté, au quotidien, à de multiples incohérences
d'aménagement, aux graves conséquences, auxquelles il conviendrait de
s'intéresser.
C'est le cas actuellement en Haute-Savoie, au nord d'Annecy, avec le projet de
construction d'une ligne électrique à très haute tension dite « ligne
Cornier-Onnex ».
Sans nier la nécessité d'assurer une meilleure sécurité d'approvisionnement en
énergie électrique du bassin annecien, le projet, en configuration totalement
aérienne, fait toutefois l'objet d'une désapprobation unanime des élus locaux,
de la population et du milieu associatif dont la fédération Rhône-Alpes de
protection de la nature (FRAPNA) depuis huit ans. Or, monsieur le secrétaire
d'Etat chargé de l'industrie vient de demander la réalisation de cet ouvrage
dans les plus brefs délais.
Cette double ligne électrique de 225 000 volts s'étendrait dans un cadre de
vie exceptionnel sur le territoire de huit communes et sur une distance de
douze kilomètres. En outre, elle serait associée à la construction d'un
transformateur sur une surface de 25 000 mètres carrés. Ces ouvrages seraient
situés, pour une part, sur des sites géologiquement instables ou sujets à des
crues, voire sur des massifs forestiers d'intérêt communautaire.
C'est pourquoi, il lui demande de bien vouloir examiner ce dossier de façon
toute particulière et de prendre les mesures adaptées et efficaces qui
s'imposent, face à un projet largement disproportionné, tout à fait
irrespectueux du milieu naturel et dont la réalisation en l'état constituerait
un très lourd héritage pour plusieurs générations. (N° 40.)
XVIII. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie sur le fait que le nombre de
postes offerts au CAPES de mathématiques a subi une forte baisse, soit 1 154 en
1997 contre 2 000 en 1996.
Le jury du concours a jugé aptes à enseigner 1 154 candidats auxquels il a
ajouté 230 personnes. Il a ainsi reconnu les compétences de 1 384 candidats.
Les capacités des 230 admis sur la liste complémentaire semblent remises en
cause dans la mesure où le ministère ne semble pas prêt à les intégrer dans
leur totalité.
Pour contribuer à une amélioration de l'enseignement dont le Gouvernement fait
un de ses objectifs prioritaires, elle lui demande ce qu'il compte faire pour
réintégrer la totalité des candidats admis sur la liste complémentaire. (N°
45.)
A seize heures :
3. Discussion du projet de loi (n° 427, 1996-1997), adopté par l'Assemblée
nationale, autorisant l'approbation de l'accord d'adhésion de la République
hellénique à la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin
1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la
République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la
suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen
le 19 juin 1990, à laquelle ont adhéré la République italienne par l'accord
signé à Paris le 27 novembre 1990 et le Royaume d'Espagne et la République
portugaise par les accords signés à Bonn le 25 juin 1991.
Rapport (n° 431, 1996-1997) de M. Nicolas About, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
4. Discussion du projet de loi (n° 428, 1996-1997), adopté par l'Assemblée
nationale, autorisant l'approbation de l'accord d'adhésion de la République
d'Autriche à la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin
1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la
République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la
suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen
le 19 juin 1990, à laquelle ont adhéré la République italienne, le Royaume
d'Espagne, la République portugaise et la République hellénique par les accords
signés respectivement le 27 novembre 1990, le 25 juin 1991 et le 6 novembre
1992.
Rapport (n° 431, 1996-1997) de M. Nicolas About, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
La conférence des présidents a décidé qu'il sera procéder à une discussion
générale commune de ces deux projets de loi, n°s 427 et 428.
5. Discussion du projet de loi (n° 363, 1996-1997), autorisant la ratification
de la convention sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne
portant création d'un Office européen de police (ensemble une annexe et quatre
déclarations).
Rapport (n° 430, 1996-1997) de M. Nicolas About, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Avis (n° 24, 1997-1998) de M. Paul Masson, fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale.
6. Discussion du projet de loi (n° 364, 1996-1997), autorisant la ratification
du protocole établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union
européenne concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de
justice des Communautés européennes de la convention portant création d'un
office européen de police.
Rapport (n° 430, 1996-1997) de M. Nicolas About, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Avis (n° 24, 1997-1998) de M. Paul Masson, fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale.
La conférence des présidents a décidé qu'il sera procédé à une discussion
générale commune de ces deux projets de loi, n°s 363 et 364.
7. Discussion du projet de loi (n° 388, 1996-1997), autorisant la ratification
de l'accord européen établissant une association entre les Communautés
européennes et leurs Etats membres, agissant dans le cadre de l'Union
européenne, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre part.
Rapport (n° 422, 1996-1997) de M. Michel Alloncle, fait au nom de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
8. Discussion du projet de loi (n° 392, 1996-1997), autorisant la ratification
de l'accord européen établissant une association entre les Communautés
européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Lituanie,
d'autre part.
Rapport (n° 429, 1996-1997) de M. André Dulait, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
9. Discussion du projet de loi (n° 393, 1996-1997) autorisant la ratification
de l'accord européen établissant une association entre les Communautés
européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Lettonie,
d'autre part.
Rapport (n° 429, 1996-1997) de M. André Dulait, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
10. Discussion du projet de loi (n° 394, 1996-1997) autorisant la ratification
de l'accord européen établissant une association entre les Communautés
européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Estonie,
d'autre part.
Rapport (n° 429, 1996-1997) de M. André Dulait, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
La conférence des présidents a décidé qu'il sera procédé à une discussion
générale commune de ces trois projets de loi, n°s 392, 393 et 394.
11. Discussion du projet de loi (n° 342, 1996-1997) autorisant l'approbation
de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement
de la République de Croatie sur l'encouragement et la protection réciproques
des investissements.
Rapport (n° 419, 1996-1997) de M. Michel Alloncle, fait au nom de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
12. Discussion du projet de loi (n° 371, 1996-1997) autorisant l'approbation
du protocole additionnel à la convention cadre européenne sur la coopération
transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (ensemble trois
déclarations).
Rapport (n° 420, 1996-1997) de M. Michel Alloncle, fait au nom de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
13. Discussion du projet de loi (n° 338, 1996-1997) autorisant la ratification
de la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique
des organisations internationales non gouvernementales.
Rapport (n° 380, 1996-1997) de M. Bernard Plasait, fait au nom de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
14. Discussion du projet de loi (n° 386, 1996-1997) autorisant la ratification
de la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est
(ensemble quatre annexes et deux appendices).
Rapport (n° 421, 1996-1997) de M. Jacques Habert, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
15. Discussion du projet de loi (n° 201, 1996-1997), adopté par l'Assemblée
nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la
République française et le gouvernement du Royaume d'Espagne concernant la
construction et l'exploitation de la section internationale d'une ligne
ferroviaire à grande vitesse entre la France et l'Espagne (façade
méditerranéenne).
Rapport (n° 252, 1996-1997) de M. André Rouvière, fait au nom de la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Avis (n° 253, 1996-1997) de M. Roland Courteau, fait au nom de la commission
des affaires économiques et du plan.
Délais limites pour le dépôt des amendements
Troisième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines
(n° 437, 1996-1997) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 14 octobre 1997, à dix-sept
heures ;
Eventuellement, nouvelle lecture du projet de loi portant mesures urgentes à
caractère fiscal et financier :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 octobre 1997, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures vingt.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
M. Jean-Jacques Robert a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 330
(1996-1997) de M. Louis Minetti et plusieurs de ses collègues tendant à
réprimer l'utilisation abusive de la location avec option d'achat et à relancer
la consommation populaire.
M. Philippe François a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 385
(1996-1997) de M. Roland du Luart et plusieurs de ses collègues relative à
l'organisation de la chasse en France.
M. Gérard Braun a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 412
(1996-1997) de M. Daniel Eckenspieller et plusieurs de ses collègues relative
au droit de préemption et modifiant les articles L. 211-1 et L. 213-4 du code
de l'urbanisme.
M. Henri Revol a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n° 438
(1996-1997) de M. Jacques Oudin sur la proposition de directive du Conseil
concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (n° E
211).
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
M. Jacques Bimbenet a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 11 (1997-1998) relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, dont la commission des lois est saisie au fond.
NOMINATION D'UN VICE-PRÉSIDENT
Dans sa séance du mercredi 8 octobre 1997, la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale a élu M. Georges Othily vice-président, en
remplacement de M. François Giacobbi, décédé.
Le bureau de la commission est ainsi constitué :
Président :
M. Jacques Larché.
Vice-présidents :
MM. René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre
Fauchon, Charles Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily.
Secrétaires :
MM. Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest,
Paul Masson.
NOMINATIONS DE MEMBRES D'UNE COMMISSION
Dans sa séance du jeudi 9 octobre 1997, en exécution de l'article 103 du
règlement, le Sénat a nommé membres de la commission spéciale chargée de
vérifier et d'apurer les comptes :
M. René Ballayer, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Georges Berchet, Joël
Bourdin, Luc Dejoie, Rémi Herment, Philippe Marini, Marc Massion, Gérard Miquel
et Jacques Oudin.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Avenir de la Caisse nationale de retraite
des agents des collectivités locales
60.
- 8 octobre 1997. -
M. Bernard Barraux
attire l'attention de
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation
sur l'avenir de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités
locales (CNRACL). Compte tenu des prélèvements effectués sur les réserves de la
caisse au titre de la compensation et de la surcompensation en faveur des
autres régimes d'assurance-vieillesse, la CNRACL connaît depuis plusieurs
années un déficit de trésorerie. En effet, ces transferts atteignent 19,4
milliards de francs en 1997, soit le tiers des recettes du régime et près de 50
% du montant des prestations servies par le régime. Conformément à l'article 30
de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, l'équilibre
financier de la CNRACL est assuré cette année grâce à la mobilisation d'une
partie des réserves structurelles du fonds des allocations temporaires
d'invalidité. Cependant, il s'agit d'un aménagement exceptionnel, qui ne résout
pas le problème de l'équilibre général de la caisse. Par ailleurs, en 1998, il
ne sera pas procédé à une augmentation des cotisations pesant sur les
collectivités locales. Une telle augmentation apparaît, en effet,
particulièrement inopportune, alors que les charges pesant sur les
collectivités vont connaître une augmentation très sensible l'année prochaine
avec, en particulier, la mise en place du plan emplois-jeunes. Un éventuel
allégement des contraintes liées à la surcompensation au profit des autres
régimes doit probablement être envisagé. Il lui demande donc ce que le
Gouvernement entend faire afin d'assainir de façon durable la situation
financière de la CNRACL.
Révision de la loi sur l'aménagement du territoire
61.
- 9 octobre 1997. -
M. Georges Mouly
demande à
Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement
de bien vouloir lui préciser quels sont les objectifs législatifs précis que le
Gouvernement entend proposer prochainement au Parlement en matière de «
toilettage », de « réécriture » ou de recomposition de la loi n° 95-115 du 4
février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire
et instituant un schéma national d'aménagement du territoire et une commission
nationale du débat public ainsi que les objectifs que celui-ci assigne à ces
divers textes.
Organisation de la filière laitière
62.
- 9 octobre 1997. -
M. Jean Bizet
attire l'attention de
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
sur l'organisation mondiale du commerce de la filière laitière. Les
propositions contenues dans le cadre du « paquet Santer » font état d'une
réduction progressive des prix de soutien de 10 % et parallèlement d'une prime
à la vache laitière du 145 écus. Cette approche ne semble guère satisfaisante
pour trois raisons : les prix pratiqués au niveau de cette filière sont
actuellement supportés par le consommateur et font l'objet d'une certaine
stabilité, ce qui n'entrave nullement la progression annuelle de la
consommation. Il semble donc logique de ne pas provoquer de baisse de prix sur
le marché intérieur, ce qui aurait pour conséquence un accroissement du budget,
même transitoire, du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole
(FEOGA) ; l'accroissement de la demande de consommation sur le plan mondial est
estimée à 2 % par an. Si l'on veut gagner des parts de marché à l'exportation,
objectif fondamental de nos entreprises de transformation, principalement au
travers de la production de fromages, ce n'est pas 10 % de baisse du prix du
lait qui permettront de positionner l'Union européenne favorablement ; l'Union
européenne détenant 45 % du marché mondial, est la seule à ne pas pratiquer un
prix différencié et sur le marché intérieur et sur le marché à l'export ; seule
opportunité pour maintenir le revenu des producteurs et le dynamisme de
l'ensemble de la filière. Ces trois considérations plaident précisément pour la
mise en place d'un système de prix différencié au sein de l'Union européenne.
Il souhaite savoir s'il a la ferme intention de soumettre cette proposition,
souhaitée par l'ensemble des acteurs de la filière, près de ses collègues
européens.
Développement des cultures de protéines végétales
63.
- 9 octobre 1997. -
M. Jean Bizet
attire l'attention de
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
sur la dépendance protéique de la France et de l'Europe. Actuellement, la
France importe près de 50 % de ses besoins en protéines végétales pour
l'alimentation des animaux. En 1990, elle en importait moins de 30 %. Au plan
européen, la dépendance protéique est encore plus manifeste puisque les
importations de protéines végétales représentent désormais plus de 80 % des
besoins. Nos seuls fournisseurs mondiaux de protéines végétales, en particulier
le soja, sont les Etats-Unis, le Brésil et l'Argentine. Il ne saurait trop
insister sur l'enjeu stratégique et non simplement financier que représentent
les protéines végétales, base de l'alimentation des animaux et donc des hommes
et souhaite rappeler certains faits : en 1974, l'embargo des Etats-Unis sur le
soja avait mis en évidence les risques d'une telle dépendance. La mobilisation
autour d'un plan national de culture des plantes riches en protéines avait
permis de faire nettement diminuer la dépendance française. Malheureusement,
certaines concessions faites aux Etats-Unis lors des négociations de Blair
House ont entraîné une limitation des surfaces d'oléagineux et une baisse des
surfaces en pois protéagineux. Tous les efforts entrepris depuis vingt ans ont
été réduits à néant puisque la France est de plus en plus dépendante du
continent américain pour satisfaire ses besoins. En conséquence, dans la
perspective des prochaines négociations mondiales, il est indispensable que la
France manifeste, par un amendement dans le cadre de la loi d'orientation
agricole, sa volonté de refuser une telle dépendance protéique et de lever les
freins actuels à l'accroissement des surfaces cultivées. Il est aussi
indispensable que la France puisse rallier ses partenaires européens à cette
cause légitime. Conscient du danger, les professionnels de la filière des
productions de plantes riches en protéines ont posé les bases d'un nouveau plan
protéines. Le Gouvernement apporte-t-il son soutien à ce plan et entend-il
l'intégrer en priorité dans sa politique agricole ?
Réaménagement de la route nationale 102
64.
- 9 octobre 1997. -
M. Adrien Gouteyron
attire l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur l'inadaptation de la RN 102 au trafic routier et sur les graves
conséquences que cette situation entraîne. Il lui rappelle la cruauté des
chiffres des accidents mortels : depuis le 1er janvier 1997, à la fin du
premier semestre, neuf accidents sont ainsi à déplorer (seize en tout pour
l'année 1996). Il tient à lui rappeler que la RN 102 est désormais
sous-dimensionnée et devient dangereuse en raison de la croissance du trafic
routier en raison de son rôle de liaison entre Le Puy et l'autoroute A 75 qui,
à Lempdes, relie la Haute-Loire à la capitale (axe Clermont/Paris). Il rappelle
également que cette route est vitale sur le plan économique comme liaison
d'aménagement du territoire et qu'elle devrait être classée comme telle. Face à
cette situation, des mesures urgentes doivent être prises et surtout un projet
et un programme d'investissement pour cet axe sont à envisager pour éviter de
nouvelles hécatombes. Citons par exemple le passage à quatre voies du tronçon
Brioude Lempdes compte tenu de l'importance de son trafic, le classement de ce
segment en bretelle d'autoroute pour en faire une pénétrante. Il souhaiterait
sur tous ces points connaître sa position, et le cas échéant, les mesures qu'il
entend mettre en oeuvre pour mettre fin à cette préoccupante situation.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 9 octobre 1997
SCRUTIN (n° 6)
sur la motion n° 1, présentée par M. Louis Souvet au nom de la commission des
affaires sociales, tendant à opposer la question préalable au projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au développement
d'activités pour l'emploi des jeunes.
Nombre de votants : | 315 |
Nombre de suffrages exprimés : | 303 |
Pour : | 198 |
Contre : | 105 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
3. _ MM. Jacques Bimbenet, Jean François-Poncet et Raymond
Soucaret.
Contre :
14.
Abstentions :
4. _ MM. Georges Berchet, Guy Cabanel, Georges Mouly et
Jean-Marie Rausch.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Paul Girod, qui présidait la
séance.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
92.
Contre :
1. _ M. Emmanuel Hamel.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Maurice Schumann.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
74.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Rouquet (député).
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (59) :
Pour :
52.
Abstentions :
5. _ MM. Bernard Barraux, Didier Borotra, Jean Cluzel,
André Diligent et Marcel Lesbros.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. René Monory, président du Sénat,
et François Mathieu.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
43.
Abstentions :
2. _ MM. Jean-Marie Girault et Michel Pelchat.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
Pour :
8.
Abstention :
1. _ M. Philippe Darniche.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Henri Collard
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jeambrun
Bernard Joly
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Georges Othily
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
André Vallet
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Abstentions
MM. Bernard Barraux, Georges Berchet, Didier Borotra, Guy Cabanel, Jean
Cluzel, Philippe Darniche, André Diligent, Jean-Marie Girault, Marcel Lesbros,
Georges Mouly, Michel Pelchat et Jean-Marie Rausch.
N'ont pas pris part au vote
MM. François Mathieu et Maurice Schumann.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la
séance.
Ne peut participer aux travaux du Sénat
(En application de l'article L.O.137 du code électoral)
M. René Rouquet.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.