CENTRE DE FORMATION PROFESSIONNELLE
D'AVOCATS
Adoption des conclusions du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 306,
1996-1997) de M. Pierre Fauchon, fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale, sur la proposition de loi (n° 284, 1996-1997) de M.
Jacques Larché relative à la validation de certaines admissions à l'examen
d'entrée à un centre de formation professionnelle d'avocats.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de
loi que j'ai l'honneur de présenter, au nom de la commission des lois et sous
le contrôle vigilant de son auteur, le président Jacques Larché, a pour objet
de remédier à ce qu'on peut appeler une malformation législative et
réglementaire qui affecte le processus de formation des futurs avocats.
Ce processus, qui a été défini par la loi du 31 décembre 1971, prévoit trois
étapes : premièrement, un examen d'accès à un centre régional de formation
professionnelle d'avocats, le CRFPA ; deuxièmement, une formation juridique et
pratique d'une année dans un de ces centres, formation sanctionnée par le
certificat d'aptitude à la profession d'avocat, le vieux CAPA que j'ai connu et
auquel je suis sentimentalement attaché, comme sans doute certains d'entre
vous, mes chers collègues ; enfin, troisièmement, un stage de deux ans,
sanctionné par un certificat de fin de stage.
Il s'avère que les docteurs en droit accèdent directement aux épreuves du CAPA
et sont donc dispensés de l'examen d'accès au CRFPA et de la formation qui y
est dispensée, formation qu'ils peuvent néanmoins suivre en auditeurs
libres.
Par ailleurs, l'article 53 de la loi de 1971 dans sa rédaction de 1990 a
ouvert la possibilité de prévoir, par décret en Conseil d'Etat, des dispenses
de tout ou partie de l'examen d'entrée au CRFPA au bénéfice des détenteurs d'un
diplôme universitaire d'enseignement supérieur à finalité professionnelle.
Un décret a donc été pris en application de cette loi. Il a lui-même renvoyé à
un arrêté, lequel a été publié en 1993. Aux termes de ce dernier il a été
considéré, a tort ou à raison que pouvaient être considérés comme diplômes à
finalité professionnelle, d'une part, les diplômes d'études approfondies, DEA
et, d'autre part, les diplômes d'études supérieures spécialisées, DESS, en
sciences juridiques.
Ainsi, à partir de 1993, et ce pendant trois années, des jeunes étudiants -
ils sont plusieurs milliers dans ce cas - ont accédé au CRFPA après un examen
réduit parce qu'ils étaient titulaires d'un DEA.
Or, en 1995, le Conseil d'Etat, saisi d'un recours contre l'arrêté, a été
conduit à considérer que le DEA « ne saurait être regardé comme constituant un
diplôme d'enseignement supérieur à finalité professionnelle ». Seuls étaient
censés entrer dans cette catégorie les DESS.
De ce fait, les détenteurs de DEA qui ont accédé au CRFPA dans des conditions
dérogatoires pourraient voir leur titre contesté.
Pour bien montrer l'ampleur de la question, disons d'emblée que ce qui est en
jeu, c'est non seulement le sort de ces jeunes gens qui sont ensuite devenus
des professionnels, mais aussi le sort des affaires qu'ils ont eu à traiter
dans le cadre de leurs responsabilités. En effet, ceux qui sont devenus
avocats, en tant que tels, dans un certain nombre d'actes, ont représenté des
clients ; or cette représentation pourrait être considérée comme une cause
d'annulation.
Il paraît donc infiniment raisonnable - et il n'est pas surprenant que nous
devions cette initiative au président de la commission des lois, qui est tout
de bon sens, de sagesse et de raison - de remédier à cette situation. Pour ce
faire, nous proposons deux dispositions, l'une concernant le passé, l'autre
l'avenir.
Pour ce qui est du passé, nous vous suggérons de valider purement et
simplement la situation des avocats qui ont passé l'examen d'entrée à un CFPA
en étant dispensés de certaines épreuves parce qu'ils étaient titulaires d'un
DEA.
C'est l'objet de l'article 1er de la proposition de loi :
« Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont
validées, pour les sessions de 1993, 1994 et 1995,... » - nous ne sommes pas
allés au-delà parce que, à partir du moment où l'on a connu l'arrêt du Conseil
d'Etat, on a cessé de dispenser les titulaires de DEA de l'examen - « ... les
admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation professionnelle
d'avocats en tant que la régularité de ces actes serait mise en cause à raison
de l'annulation des dispositions des articles 1er et 2 de l'arrêté du 17
février 1993 incluant le diplôme d'études approfondies en sciences juridiques
ou politiques dans la liste des diplômes universitaires à finalité
professionnelle permettant d'être dispensé de tout ou partie de l'examen
d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats. »
Si, comme nous l'y invitons, le Sénat vote ce texte, il pourra être mis fin à
la fragilité juridique qui affecte actuellement un assez grand nombre de jeunes
avocats.
Mais il faut aussi penser à l'avenir, et il nous semble raisonnable de revenir
à l'esprit du texte : il convient, si j'ose dire, de corriger le tir et de bien
intégrer les titulaires d'un DEA dans les situations qui permettent de
dispenser de certaines épreuves.
En vérité, on peut être un peu surpris de la décision du Conseil d'Etat dans
cette affaire.
Tout d'abord, il paraît étrange d'affirmer qu'un diplôme d'études approfondies
n'est pas à finalité professionnelle sous prétexte qu'il peut être à finalité
purement scientifique ; un tel diplôme est au moins potentiellement à finalité
professionnelle.
En outre, le Conseil d'Etat - c'est peut-être en cela que sa position me
paraît le plus contestable - se fonde, pour justifier sa décision d'une manière
formelle, sur le texte de l'arrêté interministériel de 1992 qui définit les
diplômes d'études supérieures :
« Le troisième cycle de l'enseignement supérieur comprend :
« 1° Une voie à dominante professionnelle débouchant sur le diplôme d'études
supérieures spécialisées (DESS) ;
« 2° Une voie d'études doctrinaires permettant la préparation d'un doctorat
après l'obtention d'un diplôme d'études approfondies (DEA). »
Le Conseil d'Etat déduit de cette rédaction que, à partir du moment où il
existe une voie à dominante professionnelle, l'autre voie non seulement n'est
pas à dominante professionnelle mais n'est même pas à finalité
professionnelle.
On passe ainsi, d'une manière qui me paraît assez légère, de la notion de
dominante professionnelle à celle de finalité professionnelle.
Sans doute la voie des DEA n'est-elle pas à dominante professionnelle, mais,
pour autant, elle n'exclut pas la finalité professionnelle. Ainsi, comme je le
disais tout à l'heure, on peut fort bien avoir choisi cette voie, soit pour le
plaisir de faire du droit - et je ne connais pas de plaisir beaucoup plus grand
en ce bas monde !
(Sourires)
- soit en vue d'une carrière professorale ou scientifique,
c'est-à-dire dans un but professionnel.
Je crois donc que le Conseil d'Etat est allé un peu loin en assimilant la
notion de dominante professionnelle à la notion de finalité professionnelle.
M. Jean-Jacques Hyest.
Très bien !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Quoi qu'il en soit, il me paraît conforme à l'esprit de ces
dérogations d'admettre que les titulaires d'un DEA seront dispensés d'une
partie de l'examen d'entrée à un CRFPA.
Au demeurant, le législateur a par ailleurs prévu que les docteurs en droit
titulaires du DEA sont, eux, dispensés de suivre l'enseignement du CRFPA et
qu'ils peuvent se présenter directement au CAPA.
Dès lors, il est cohérent d'admettre que les titulaires d'un DEA en sciences
juridiques ou politiques pourront accéder au CRFPA en étant dispensés d'une
partie de l'examen d'entrée qui est actuellement imposé.
Pour cette raison, nous pensons qu'il faut placer dans la même situation les
titulaires de DEA et les titulaires de DESS, comme l'avait d'ailleurs fait
l'arrêté interministériel que je citais tout à l'heure.
C'est l'objet de l'article 2 de la proposition de loi.
Telles sont les suggestions de M. le président de la commission des lois, que
cette dernière a estimé tout à fait fondées et que, mes chers collègues, je
vous demande d'adopter.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de nous avoir fait découvrir la voie
première du plaisir, qui serait le droit !
(Sourires.)
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je serai très brève puisque M. le rapporteur
vient de décrire l'économie de cette proposition de loi que nous devons à M. le
président Jacques Larché.
Je me réjouis infiniment que, grâce à, cette initiative parlementaire, il
puisse être mis fin à une difficulté tout à fait préoccupante.
En effet, en raison d'un récent arrêt du Conseil d'Etat, qu'il ne nous
appartient pas de critiquer ici mais dont nous devons prendre acte, les
titulaires d'un DEA se trouvent en situation d'insécurité juridique et victimes
d'une discrimination par rapport aux titulaires d'un DESS. Dès lors, il
convient de garantir, comme le proposent M. le président Jacques Larché et M.
le rapporteur, tant la sécurité juridique du statut des personnes devenues
avocats et ayant bénéficié de dispenses sur le fondement d'un DEA que celles
des actes et procédures auxquels ces personnes ont participé.
Je ne peux, en conséquence, qu'approuver l'article 1er de la proposition de
loi, qui me paraît apporter la sécurité juridique nécessaire tout en
satisfaisant aux exigences définies par le Conseil constitutionnel en matière
de validation législative.
Cette même proposition de loi prévoit également une modification corrélative
du 11° de l'article 53 de la loi de 1971, afin que soit, pour l'avenir,
précisée la volonté du législateur sur cette question des dispenses.
En effet, le remplacement, au 11° dudit article 53, des termes « à finalité
professionnelle » par les mots « en sciences juridiques ou politiques » permet
de rétablir des dispenses en faveur des titulaires d'un DEA en sciences
juridiques ou politiques, ce qui était souhaité en 1993 par la majorité des
personnes concernées : étudiants, universitaires ou avocats.
Je précise que les titulaires de ces DEA, qui bénéficient d'une incontestable
formation juridique, acquise à l'occasion de leur maîtrise et dont ils vont
développer des aspects particuliers dans le cadre d'un troisième cycle, sont à
l'évidence tout à fait qualifiés pour bénéficier des dispenses prévues.
Je vous invite par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, à approuver
l'ensemble de la proposition de loi présentée par M. le président Larché.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je voudrais simplement dire, au nom du groupe socialiste, que nous sommes
toujours partisans, lorsqu'une erreur apparaît dans la loi, de la réparer
aussitôt qu'il est possible. C'est pourquoi nous soutiendrons, bien entendu,
cette proposition de loi, même si elle est, pour certains, de circonstance.
M. Guy Allouche.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
J'apporte mon appui total à cette proposition de loi, qui corrige ce qui
constitue peut-être un oubli de notre part mais aussi une interprétation un peu
particulière du Conseil d'Etat.
Comme M. le rapporteur l'a excellemment dit, un DEA est aussi un diplôme à
finalité professionnelle puisqu'il constitue la voie obligatoire pour accéder à
l'enseignement supérieur et à la recherche. Si l'enseignement supérieur et la
recherche ne sont pas des métiers, je me demande ce qu'ils sont ! Un apostolat,
peut-être !
(Sourires.)
Je précise en outre qu'il n'existe aucun DESS qui prépare à la formation
d'avocat. En réalité, un DEA correspond beaucoup plus qu'un DESS, en règle
générale, à l'examen d'entrée au centre de formation professionnelle des
avocats.
Nous ferons donc preuve de bon sens en votant la proposition de loi déposée
par M. le président Larché.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er