SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Souhaits de bienvenue à une délégation du parlement hellénique
(p.
1
).
3.
Edification d'un monument au mont Valérien.
- Discussion des conclusions du rapport d'une commission (p.
2
).
Discussion générale : MM. Robert Badinter, rapporteur de la commission des lois
; Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants ; Mme Hélène
Luc, M. Maurice Schumann.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 3 )
M. Jacques Larché, président de la commission des lois.
Adoption, par scrutin public, de l'article.
MM. le secrétaire d'Etat, le président de la commission.
Renvoi à la commission des conclusions du rapport.
Suspension et reprise de la séance (p. 4 )
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
4.
Education nationale.
- Débat sur une déclaration du Gouvernement (p.
5
).
MM. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie ; Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires
culturelles.
PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
MM. le président, le ministre.
MM. Philippe Richert, André Maman, Jean-Claude Carle, Jean-Louis Carrère,
Pierre Laffitte, Mme Hélène Luc, MM. Joseph Ostermann, James Bordas.
Suspension et reprise de la séance (p. 6 )
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
MM. Franck Sérusclat, Ivan Renar, Jean-Pierre Camoin, Pierre Martin, Jacques
Legendre.
MM. le ministre, le président de la commission.
Clôture du débat.
5.
Dépôt d'une résolution
(p.
7
).
6.
Dépôt de propositions d'acte communautaire
(p.
8
).
7.
Dépôt de rapports
(p.
9
).
8.
Ordre du jour
(p.
10
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE
DÉLÉGATION DU PARLEMENT HELLÉNIQUE
M. le président.
Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune
officielle d'une délégation de la chambre des députés du parlementhellénique
conduite par son président, M. Iosif Micheloyiannis.
Cette délégation est parmi nous à l'invitation du groupe d'amitié France-Grèce
du Sénat, à l'occasion d'une visite officielle en France.
Je lui présente nos souhaits de bienvenue et je forme des voeux pour que son
séjour en France contribue à renforcer les liens d'amitié existant entre nos
deux pays.
(M. le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et
applaudissent.)
3
ÉDIFICATION D'UN MONUMENT
AU MONT VALÉRIEN
Discussion des conclusions
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 40,
1997-1998) de M. Robert Badinter, fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale, sur la proposition de loi (n° 362, 1996-1997) de M.
Robert Badinter et des membres du groupe socialiste et apparentés relative à
l'édification d'un monument au mont Valérien portant le nom des résistants et
des otages fusillés dans les lieux de 1940 à 1944.
Mes chers collègues, je tiens à signaler que deux commissions sont
actuellement réunies, la commission des affaires étrangères, de la défense et
des forces armées et la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
J'ajoute que la proposition de loi qui va être examinée relève de l'ordre du
jour complémentaire du Sénat et qu'elle n'a été inscrite qu'hier en conférence
des présidents, ce qui explique qu'un certain nombre de nos collègues n'en
aient pas été informés.
Je fais cette mise au point à l'intention de M. le secrétaire d'Etat, que nous
sommes heureux d'accueillir au Sénat.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
proposition de loi que j'ai l'honneur de rapporter aujourd'hui devant vous a
été signée par tous les membres du groupe socialiste. Mais elle a également
reçu l'appui de tous les sénateurs des Hauts-de-Seine, auxquels je l'ai fait
parvenir, et je pense qu'elle recueillera celui de la Haute Assemblée dans son
ensemble.
Cette proposition de loi ne revêt en effet aucun caractère politique. Elle est
un acte de piété, de mémoire. Elle exprime l'ultime hommage que nous tenons à
rendre aux héros qui ont donné leur vie pour que la France soit libre, aux
heures les plus noires de l'Occupation.
Chacun sait que, de 1940 à 1944, c'est au mont Valérien que furent fusillés le
plus grand nombre de condamnés et d'otages par les autorités allemandes.
Dès 1945, le Gouvernement provisoire de la République française avait arrêté
le principe de l'édification d'un monument aux morts pour la France, et un
décret du 6 novembre 1945 avait ouvert à cet effet une souscription
nationale.
Le 24 novembre 1958 a vu la concrétisation du projet, et le mémorial de la
France combattante a été inauguré le 18 juin 1960 par le général de Gaulle
lui-même.
Depuis cette époque, le site du mont Valérien est devenu le haut lieu de la
commémoration de la France combattante. Chaque année, le 18 juin, le général de
Gaulle, puis ses successeurs présidents de la République se sont rendus dans la
crypte où reposent un certain nombre de héros pour un hommage aux combattants
de la France libre et de la Résistance.
Au coeur de ce site ainsi consacré au souvenir, se situe la clairière des
fusillés. Or, nulle part dans le site ne sont inscrits les noms de ceux qui
connurent là l'ultime sacrifice.
Pourtant, chacun de nous a pu constater qu'en France, dans la plupart des
lieux où tombèrent des combattants, des martyrs de la Résistance, un monument,
une plaque, commémore leur héroïsme et conserve leurs noms. Pas au mont
Valérien.
Ce ne sont pourtant pas des morts anonymes - comme le soldat inconnu qui
repose sous la dalle de l'Arc de triomphe - qui sont tombés dans cette
clairière : les autorités allemandes ont relevé avec précision les jours, les
heures des exécutions et l'identité des fusillés.
C'est ce voile de silence et d'oubli que nous vous demandons de lever.
Nous vous demandons de le faire d'abord pour les héros eux-mêmes qui tombèrent
là : il est légitime que le marbre conserve leur nom. Nous vous demandons de le
faire ensuite pour leurs familles afin que celles-ci puissent, de génération en
génération, venir les honorer où ils tombèrent. Nous vous demandons de le faire
enfin pour les nouvelles générations, qui se rendent sur les différents sites,
souvent à l'instigation et en compagnie de leurs professeurs ; il est bon
qu'elles puissent retrouver, inscrits côte à côte, les noms de tous ceux qui
furent fusillés pour la France, qu'elles mesurent, à la lecture de ces noms, la
diversité de leurs origines, qu'elles puissent lire, côte à côte, le nom
d'Honoré d'Estienne d'Orves, de Gabriel Péri, le nom des cinq lycéens de Buffon
ou celui des hommes de la main-d'oeuvre immigrée de Manouchian. Il est bon que
les jeunes générations mesurent qu'il s'agissait de femmes et d'hommes qui
étaient animés de convictions politiques, philosophiques, religieuses
différentes, mais qui, tous, étaient unis dans le même amour de la France et de
la liberté et qui ont donné leur vie pour qu'elles-mêmes puissent vivre
libres.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat aux anciens combattants, auprès du ministre de la
défense.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, tout
d'abord je remercierai M. Badinter de l'initiative qu'il a prise avec ses
collègues du groupe socialiste, initiative relayée, il l'a dit, par les tenants
d'autres sensibilités politiques. Il est bien normal en fait que, sur une telle
proposition de loi, l'unanimité se fasse au Sénat. En effet, il s'agit d'un
devoir de mémoire à l'égard de celles et de ceux qui, dans les durs moments de
la période 1939-1945, se sont engagés, ont pris des risques, pour que la France
recouvre sa liberté et pour que soient garantis la dignité de l'homme comme le
respect de ses droits fondamentaux.
Celles et ceux qui ont ainsi engagé leur vie méritent cette reconnaissance.
Le mont Valérien, vous venez de l'indiquer, est associé à la barbarie nazie.
Des hommes, des femmes, parce qu'ils étaient juifs, communistes, socialistes,
francs-maçons, syndicalistes, gaullistes, résistants, ont été fusillés pour
leurs convictions républicaines, parce qu'ils croyaient à la liberté, à
l'égalité et à la fraternité, à ce socle de valeurs qui fait que la France est
la France et est reconnue dans le monde entier.
On a assassiné des Français, des étrangers, les MOI - vous avez vous-même
évoqué, monsieur le sénateur, celles et ceux qui, n'étant pas de nationalité
française, n'ont pas hésité à participer à la Résistance pour que la France et
ses valeurs retrouvent leur place.
Il était donc nécessaire, en effet, que, dans cette clairière des fusillés,
soit érigé un monument regroupant le nom de tous ces fusillés.
Vous avez l'appui du Gouvernement, je vous le dis d'emblée, monsieur le
sénateur, en ma qualité de secrétaire d'Etat aux anciens combattants, qui
parcourt régulièrement notre pays toutes les semaines afin d'honorer la mémoire
des hommes et des femmes qui ont combattu pour la sauvegarde des libertés
fondamentales de la République.
Eu égard à la profonde légitimité de cette initiative, si vous le voulez bien,
le Gouvernement reprendra à son compte la proposition de loi. Nous mettrons en
place un groupe de travail composé d'historiens, qui sera chargé d'établir la
liste des personnes dont le nom devra figurer sur ce monument. Nous lancerons
également un concours d'architectes pour déterminer la nature de ce monument,
ainsi que le meilleur emplacement pour l'ériger.
Mon département ministériel prendra bien entendu la dépense à sa charge, car
il s'agit d'un devoir de reconnaissance de la nation envers celles et ceux qui
ont été fusillés en ce lieu au nom de nos valeurs fondamentales.
Cela étant, le Gouvernement souhaite que l'article 1er de la proposition de
loi soit adopté par le Sénat, d'autant qu'il semble y avoir unanimité : la
Haute Assemblée marquerait ainsi l'intérêt que l'ensemble de ses membres
attachent à cette initiative, le Gouvernement s'engageant à, pour sa part, y
donner la suite concrète qu'elle mérite.
En conclusion, monsieur Badinter, je tiens, à la fois au nom du Gouvernement
et, je pense, au nom de tous nos compatriotes, à vous remercier de nous avoir
ainsi rappelé, à notre devoir de mémoire, car l'exigence de la République est
d'abord une exigence de vérité.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen approuvent évidemment la
proposition de loi déposée par M. Roger Badinter et ses collègues du groupe
socialiste.
Vous le savez, notre approbation n'est pas celle d'un jour : notre combat pour
que jamais l'horreur et les crimes de la Seconde Guerre mondiale ne tombent
dans l'oubli est permanent depuis 1945.
L'actualité est riche en débats et en polémiques à partir de la lecture de
l'Histoire.
Nous sommes de ceux qui estiment qu'un devoir de mémoire s'impose à notre
peuple, à ses institutions, à ses responsables politiques, économiques,
sociaux, et aujourd'hui plus que jamais, afin que les générations futures
vivent en paix dans notre pays.
Cette proposition va dans le sens de ce devoir de mémoire. Ce sera un honneur
pour notre groupe de contribuer, par notre vote, à faire vivre le souvenir des
martyrs du mont Valérien, le souvenir de la résistance à l'occupant nazi. Ce
sera un honneur pour nous de permettre à la jeunesse de France de connaître les
noms des héros qui sont tombés au mont Valérien pour notre pays.
(Applaudissements.)
M. Maurice Schumann.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Schumann.
M. Maurice Schumann.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
dernier survivant de l'ordre de la Libération sera enterré au mont Valérien.
Puisque j'ai l'honneur d'appartenir à cet ordre, vous comprendrez sans peine
que je prenne la parole pour remercier M. Badinter de son initiative et de ses
propos, ainsi que ceux qui, dans un instant, vont lui apporter le soutien
unanime du Sénat.
En écoutant les orateurs qui m'ont précédé, j'évoquais la mémoire d'un de mes
amis : Valentin Feldman. Nous avons su par un aumônier allemand, l'abbé Stock,
qu'au moment même où les fusils du peloton d'exécution s'abaissaient vers lui,
Valentin Feldman s'était écrié : « Imbéciles, c'est pour vous que je meurs ! »
C'est peut-être là le plus beau cri qui ait été poussé pendant la guerre.
Nous donnerons toute sa signification au vote que nous allons émettre en nous
rappelant ces paroles par lesquelles un grand intellectuel, une seconde avant
d'offrir sa vie, a lié l'amour de la patrie et de la liberté à l'espoir de la
réconciliation et à l'amour de la paix.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - II est édifié un monument dans les lieux dits « la Clairière des
Fusillés » au mont Valérien.
« Sur ce monument sont gravés les noms de ceux qui donnèrent en ce lieu leur
vie pour la France et la liberté. »
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, qui pouvait mieux que notre collègue et ami
Maurice Schumann rappeler ce que représente le mont Valérien dans la mémoire
collective ?
En adoptant, dans quelques instants, cet article 1er, c'est-à-dire en
concrétisant la volonté, que nous soutenons tous, cela va de soi, d'inscrire
sur un monument les noms de tous ceux qui ont été fusillés en cet endroit, nous
permettrons que soit constituée une sorte de garde d'honneur qui attendra, dans
la piété et le recueillement, que le dernier des compagnons de la Libération
prenne sa place parmi les héros qui sont tombés là.
Je pense que le Sénat s'honorera en manifestant, par un scrutin public, son
approbation unanime et sa volonté, que vous partagez, j'en suis sûr, monsieur
le secrétaire d'Etat, de voir érigé ce monument dans les meilleurs délais.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
8:
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Majorité absolue des suffrages | 161 |
Pour l'adoption | 320 |
Le Sénat a adopté à l'unanimité. (Applaudissements.)
Je me permets de préciser que, contrairement à l'habitude, compte tenu de l'objet de ce texte, le président de séance a pris part au vote.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, après l'adoption à l'unanimité de l'article 1er de la proposition de loi, je rappelle les engagements que j'ai formulés tout à l'heure, concernant la mise en place d'un groupe de travail chargé d'établir avec la plus extrême précision la liste des noms devant figurer sur la plaque et le lancement d'une consultation architecturale portant sur l'emplacement et la forme du futur monument. Je rappelle également que les dépenses engagées seront imputées sur le budget des anciens combattants. (Applaudissements.)
M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Monsieur le président, le Sénat vient d'entendre M. le secrétaire d'Etat réitérer les engagements du Gouvernement, et chacun est conscient du climat dans lequel ils interviennent.
Il nous reste maintenant à préciser certaines modalités juridiques et à attendre la constitution du groupe de travail, qui sera un pas déterminant dans la voie qui doit aboutir au but que nous nous sommes unanimement fixé.
Dans ces conditions, je propose que, si M. le rapporteur et le Sénat tout entier en sont d'accord, ce texte soit renvoyé à la commission.
M. Robert Badinter, rapporteur. Très bien !
M. le président. La commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale demande que lui soit renvoyée la proposition de loi relative à l'édification d'un monument au mont Valérien portant le nom des résistants et des otages fusillés dans les lieux de 1940 à 1944.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Le renvoi à la commission est ordonné.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. René Monory.)
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président. La séance est reprise.
4
ÉDUCATION NATIONALE
Débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président.
L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat,
sur l'éducation nationale.
Avant de vous donner la parole, je voudrais, monsieur le ministre de
l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, vous remercier
d'avoir accepté ce débat devant le Sénat, car vous savez l'intérêt que nous
portons aux domaines dont vous avez la charge.
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce nouveau ministère
de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie a été conçu par
M. le Premier ministre pour organiser ce qui devrait être notre force de frappe
dans la compétition du XXIe siècle, dans la bataille économique et culturelle
autour du savoir et de l'innovation, que l'on qualifie souvent de « bataille de
l'intelligence ».
En effet, il importe que la France, pays de culture, pays de science, de
tradition, industrielle et technologique, s'efforce d'augmenter son pouvoir
d'innovation, de prise de risques, et s'ouvre sur un espace désormais mondial.
Il importe aussi que ces innovations et cette prise de risques soient au coeur
même de l'enseignement.
D'où la nécessité de lier très étroitement la recherche, la technologie et
l'enseignement. Il s'agit de permettre l'intégration immédiate de la création
de savoir, de nouvelles technologies et de nouvelles disciplines scientifiques
dans les divers cursus. Il s'agit aussi de modifier, grâce aux nouvelles
technologies - terminologie un peu vague pour qualifier les technologies de
l'information et de la communication - la manière d'enseigner dans notre
pays.
La situation de la France, dans ce domaine, présente des caractéristiques
intéressantes, qui devraient nous permettre de relever ce défi.
Pendant des années, tous les ministres de l'éducation nationale ont eu à
répondre, d'abord et avant tout, au défi de l'accroissement continu des
effectifs. Cela a nécessité, année après année, l'adoption de dispositions qui
n'étaient pas toujours les plus orthodoxes ni les plus efficaces, mais qui
avaient pour vertu de faire face à cet afflux de lycéens et d'étudiants.
Il faut rendre hommage non seulement aux divers ministres de l'éducation
nationale qui se sont succédé pendant cette période - disant cela, je pense
notamment à M. le président du Sénat - mais également à l'ensemble du corps
enseignant qui a réussi à gérer cet accroissement fabuleux, et ce dans des
conditions tout à fait convenables. Il ne faut pas oublier, en effet, que
l'enseignement supérieur français a connu, en trente ans, un accroissement du
nombre d'étudiants non pas de 3 %, de 5 %, de 20 % ou de 40 %, mais de 500 %
!
Malgré cela, notre système d'enseignement - je le dis avec quelque fierté pour
ce dernier - a été amélioré. Il est incontestable que l'enseignement supérieur
actuellement dispensé en France est au niveau de celui des plus grands pays du
monde, ce qui n'était pas le cas voilà trente ans.
Telle était donc la situation dans le passé.
Nous bénéficions maintenant d'une situation bien meilleure puisque nous
constatons une stabilisation des effectifs ; ces derniers diminuent dans
l'enseignement primaire, se stabilisent avec une légère décroissance dans
l'enseignement secondaire, et décroissent dans l'enseignement supérieur, compte
tenu de l'arrêt de la tendance à l'allongement des études.
Si nous enregistrons une diminution du nombre d'heures d'enseignement et
d'étudiants/heure de 1,2 % dans l'enseignement supérieur, nous notons en
revanche, pour la première fois depuis cinq ou six ans, un accroissement dans
les enseignements technologiques courts, notamment dans les IUT, où
l'augmentation est de 4 à 5 %.
Cet accroissement est dû en particulier à une mesure prise lors de notre
arrivée au ministère : nous avons accordé une dotation différente aux IUT qui
intégreraient des bacheliers technologiques par rapport aux IUT qui
accueilleraient des bacheliers généraux. En effet, un élève d'IUT coûtant
environ quatre fois plus qu'un élève de DEUG, on ne voit pas pourquoi on
créerait des IUT si les élèves de ces instituts poursuivent leurs études
ensuite. Autant alors qu'ils s'orientent vers des DEUG !
Cette tendance est accélérée en cas de décentralisation des IUT : lorsque ces
derniers sont situés dans les villes moyennes, les élèves, à la sortie de ces
IUT, cherchent un emploi, alors qu'ils continuent leurs études lorsque les IUT
sont implantés dans les grandes villes.
Le plan Université 2000, qui a décentralisé les IUT, a donc eu un effet
bénéfique de ce point de vue.
Dans cette situation que je viens de décrire, notre appareil éducatif, après
avoir répondu au défi de la quantité, doit répondre à celui de la qualité. Nous
devons veiller non pas à fabriquer des centres d'excellence, mais à rechercher
l'excellence pour tous, c'est-à-dire l'excellence dans la diversité.
Naturellement, l'excellence dans la même discipline, dans le même type de
cursus n'existe pas. Mais les talents sont multiples. Nous devons donc dans
tous les domaines, s'agissant tant de la création de nouveaux établissements
d'enseignement supérieur que de notre approche des étudiants, chercher à offrir
des possibilités d'épanouissement à ces talents multiples.
Je pense, pour ma part, que la France recèle une infinité de talents qui, dans
le passé, ne se sont pas toujours développés parce que les cursus étaient
probablement un peu trop rigides et qu'ils étaient fondés sur un certain nombre
de disciplines extrêmement étroites.
Nous devons donc veiller à la recherche de la qualité et à la recherche de
l'excellence.
Nous nous devons aussi de rechercher la modernisation : notre appareil
éducatif ne s'est en effet pas modernisé, et ce pour deux raisons.
La première raison est administrative : il est ullusoire de vouloir gèrer plus
d'un million de fonctionnaires d'une manière centralisée.
M. Patrice Gélard.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Aucune entreprise, aucune structure ne peut y parvenir.
Par conséquent, le grand défi de modernisation administrative de notre
appareil éducatif consiste, s'agissant d'un grand service public national, à
déconcentrer la gestion.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
En effet, l'affectation d'un
professeur à Toulouse ne peut continuer à être décidée rue de Châteaudun ! Ce
n'est pas possible !
Nous sommes donc en train de mettre en oeuvre des mesures pour faire face à ce
grand défi de la déconcentration, et ce même si cela provoque, comme c'est
inévitable, des grincements ici ou là.
Par ailleurs, nous devons également moderniser notre appareil éducatif sur le
plan des matières.
Notre époque concentre 95 % des chercheurs de tous les temps. Contrairement à
une idée reçue, ces chercheurs produisent en permanence des découvertes
extraordinaires.
Il est permis de penser que, sur les plans scientifique et technologique, le
monde changera plus dans les vingt prochaines années qu'il n'a changé depuis
que la science s'est installée sur notre continent.
Comment avons-nous réagi face à cet accroissement des connaissances ? On a
empilé, à l'image du mille-feuilles... A force d'ajouter des programmes et des
horaires, on a fini par déstructurer progressivement notre enseignement.
De ce fait, actuellement, au niveau tant de l'enseignement secondaire que de
l'enseignement supérieur, les élèves sont très savants, mais pas nécessairement
dans les matières fondamentales, ce que l'on pourrait appeler « les
fondamentaux ». La vraie réponse à l'accroissement des connaissances passe à
mon avis par une réduction des programmes et des horaires, par une plus grande
exigence s'agissant des fondamentaux - c'est ce que j'appelle un enseignement
intensif, par opposition à un enseignement extensif - et par une modernisation
des contenus.
Cela signifie non pas qu'il faut revenir nécessairement sur les mathématiques
et le latin, mais qu'il faut adapter et introduire les nouveaux savoirs, et
donc choisir, ce qui va être une entreprise très difficile. En effet, le corps
enseignant, auquel je tiens à rendre hommage pour la qualité et de dévouement
de la quasi-totalité de ses membres, est organisé en tribus : or, tout
déplacement des frontières des tribus se heurte à des difficultés, comme ce
serait le cas si l'on voulait redécouper les départements ou les régions. Mais
vous connaissez bien ce problème, mesdames, messieurs les sénateurs !
Mme Hélène Luc.
Oh oui !
M. Ivan Renar.
Parce que nous fonctionnons nous aussi comme une tribu ?
(Sourires.)
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je ne me permettrais pas de dire cela à la représentation nationale !
Simplement, à partir du moment où s'est établi un régime permanent, la
modification de ce dernier pose des problèmes délicats. Les enseignants, qui
sont extraordinairement attachés à leur discipline - c'est d'ailleurs bien
normal, puisqu'ils ont choisi ce métier pour enseigner telle ou telle
discipline ! - ne seront pas d'une perméabilité totale à cette modification
!
Il importe également que l'innovation pénètre complètement dans notre système
éducatif, dans notre système de recherche et dans notre système de transfert
technologique.
A ce sujet, je voudrais relever une opinion parfois exprimée, mais que je
crois actuellement profondément inexacte, à savoir que la recherche française
est excellente en recherche fondamentale mais moins bonne en recherche
appliquée. C'était vrai voilà vingt-cinq ans, mais cela ne l'est plus
aujourd'hui. La recherche scientifique française est excellente dans les deux
domaines.
En revanche, le transfert de technologie entre la recherche appliquée et
l'exploitation industrielle fonctionne beaucoup moins bien.
L'avis couramment émis est que les chercheurs ne sont pas assez tournés vers
l'industrie. Or, la meilleure manière de transmettre de la technologie, c'est
que les étudiants ayant fait une thèse et ayant créé une nouvelle technologie
aillent eux-mêmes porter cette dernière dans l'industrie.
C'est pourquoi le Gouvernement met en place un système de bourses
post-doctorales qui permettra aux doctorants de passer dans l'industrie : ils
seront payés d'abord par l'Etat, puis par les entreprises.
Pourquoi ces bourses post-doctorales ? Parce que la créativité aura lieu
d'abord dans les PME et les PMI. Or, celles-ci n'ont pas suffisamment de
ressources pour amorcer la pompe. Par conséquent, nous allons les aider.
Le Gouvernement souhaite également instaurer un système de capital-risque qui
permette aux doctorants de créer des entreprises. Il a en effet été constaté au
Canada, pays qui, finalement, n'est pas si éloigné de nous sur certains
aspects, que, lorsque l'on mettait du capital-risque à la disposition de
chercheurs blanchis sous le harnais des organisations étatiques, ceux-ci
avaient beaucoup de mal à devenir des entrepreneurs, mais que, en revanche, de
jeunes doctorants étaient prêts à prendre ce risque.
Nous mettons donc sur pied un système de capital-risque pour les doctorants
avec - cela figure dans le projet de loi de finances pour 1998, et M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie vous l'expliquera donc -
un rétablissement pour les entreprises innovantes de ce que l'on appelle les
stock options.
Je ne comprends pas en effet - vous me permettrez de
faire un peu de politique, mesdames, messieurs les sénateurs - comment la
précédente majorité a pu les supprimer ! Sans ce système, il n'est pas possible
de monter une entreprise innovante : la masse salariale augmente, ce qui tue
pratiquement l'entreprise qui démarre.
En rétablissant ce système des
stock options,
ainsi qu'un système sur
l'imposition que vous exposera M. Strauss-Kahn, nous voulons favoriser ces
créations d'entreprises. Nous associerons le plus possible la représentation
nationale les collectivités territoriales à cette tâche.
A cet égard, je voudrais dire ici aux membres de cette assemblée, qui
représentent des collectivités territoriales de divers types, que le ministre
de la recherche que je suis ne souhaite pas que les collectivités territoriales
aident la recherche publique directement par des équipements ou des créations
de laboratoires. Je pense en effet qu'elles n'ont pas les moyens de
l'évaluation. Cette dernière, aujourd'hui, est non pas régionale ou nationale,
mais internationale.
En revanche, je souhaiterais que les collectivités territoriales mettent à la
disposition des PME et des PMI créatrices d'emplois et innovantes les sommes
consacrées actuellement à l'acquisition d'équipements de laboratoires
universitaires, qui relève de la compétence de l'Etat. Nous pourrions
développer un partenariat, de manière à aider ces jeunes à créer des
entreprises.
Si nous pouvions parvenir à mettre en place un système de partenariat dans ce
domaine, nous développerions largement l'innovation technologique et nous
pourrions résoudre plus facilement un problème qui nous préoccupe par-dessus
tout, à savoir celui de l'emploi.
Mais tout cela n'est possible que si nous acceptons collectivement la
quatrième donnée fondamentale, qui est l'évaluation.
Les projets doivent, en effet, être évalués et jugés. Il faut pour cela faire
appel à la communauté scientifique internationale et, en ce qui nous concerne,
européenne. Nous devons en tout cas faire passer dans les moeurs l'idée que
l'évaluation ne relève pas du compagnonnage, de l'amitié ou du « copinage »,
comme on le dit parfois : l'évaluation doit être largement ouverte sur la
communauté européenne, et c'est ce que nous allons nous efforcer de
réaliser.
Quoi qu'il en soit, nous devons préparer la grande compétition du XXIe siècle,
c'est-à-dire l'ouverture de la France sur le monde et la participation active
de notre pays à la construction européenne.
Je passe actuellement un temps important en rencontres bilatérales avec mes
homologues allemand, italien et britannique pour construire un système
universitaire européen permettant à tout étudiant européen, les cursus étant
basés sur la même trame, d'être formé dans un pays ou dans un autre. Il
faudrait, sans pour autant que ce soit une obligation, que chaque étudiant ait
passé, à la fin de son cursus, un an dans un pays étranger.
Cela nécessite, parallèlement, la mise en place systématique dans toutes les
universités d'un apprentissage des langues étrangères. Cela nécessite aussi
que, en partie grâce aux collectivités locales une partie des logements
étudiants construits en France soit réservée aux étudiants étrangers
européens.
Nous pourrons ainsi construire ce qui, à mon avis, est l'instrument de
l'avenir, à savoir une vraie université européenne qui, comme au temps
d'Erasme, permettra aux professeurs d'aller enseigner indifféremment dans les
grandes universités européennes et aux étudiants de se former
scientifiquement.
Parallèlement à cela, nous mettons au point un réseau de communication, un
Intranet européen, pour permettre aux PME-PMI d'être informées des découvertes
scientifiques qui se font dans toutes les universités européennes. En effet,
l'un des grands espoirs que peut susciter un espace scientifique et
technologique européen, c'est que telle découverte faite à l'université de
Bordeaux puisse être exploitée par telle PME-PMI de Dresde, ou que telle
découverte faite à Leipzig puisse être exploitée par telle entreprise située à
Lille ou à Hazebrouck.
Au travers de cet élargissement de notre espace, de notre offre
d'enseignement, nous allons essayer aussi de nous tourner plus largement vers
le monde.
A cet égard, permettez-moi de vous communiquer, mesdames, messieurs les
sénateurs, un chiffre que vous ne connaissez peut-être pas : l'Australie
perçoit actuellement 7 milliards de francs grâce aux inscriptions des étudiants
étrangers. Cette somme représente, pour ce pays, le deuxième poste en termes de
ressources extérieures ; en outre, grâce à cette offre d'enseignement,
l'Australie est en passe de devenir le maître à penser de l'Asie du Sud-Est.
J'étais la semaine dernière en Inde pour essayer, modestement, de formuler à
mon tour une offre de formation pour les étudiants étrangers. Actuellement,
ceux-ci, il faut bien le dire, sont nombreux en France, mais nous n'attirons
pas nécessairement les meilleurs. Or j'ai l'ambition que notre université et
nos grandes écoles forment les élites des grands pays qui, demain, seront nos
clients. Nous allons nous efforcer d'atteindre cet objectif, notamment avec
l'Ecole polytechnique, l'Ecole normale supérieure, l'Ecole centrale et les
universités, afin que, demain, un vendeur d'Airbus retrouve en Malaisie son
camarade de promotion, ce qui ne peut que l'aider à conclure sa vente.
Notre tâche est difficile, parce que nous devons mettre en place des
mécanismes spéciaux pour les concours de recrutement, les diplômes, etc., mais
il est nécessaire de l'accomplir. Il s'agit de l'un de nos grands projets en
matière d'ouverture de l'université.
Vous ne serez pas étonnés, mesdames, messieurs les sénateurs, si je conclus
mon propos en vous disant que le Gouvernement, qui a de grandes ambitions dans
ce domaine, en a fait une priorité de son budget.
Dans un budget contraint, nous avons décidé de limiter le déficit à 3 %, pour
satisfaire en particulier aux critères de Maastricht mais aussi pour cesser de
faire croître indéfiniment la dette publique.
Malgré cela, le budget de l'éducation nationale connaît une augmentation de
3,12 % ; quant au budget de la recherche, qui était en négatif ces dernières
années, il est de nouveau en positif, et croît de 1,4 %. Nous aurons
l'occasion, au cours du débat budgétaire proprement dit, d'étudier les grandes
orientations de ce budget, mais je ne vous apprendrai rien en disant que notre
priorité est la création d'emplois dans le domaine de la recherche, afin
d'enrayer un vieillissement de notre personnel de recherche qui, d'année en
année, se fait de plus en plus inquiétant.
Je ne vous apprendrai rien non plus si je vous dis que ce budget prévoit
également la création d'un fonds pour les étudiants post-doctorants avec un
transfert vers les entreprises, ainsi qu'une aide aux laboratoires plus qu'aux
programmes.
Sur ce point, permettez-moi d'ajouter une précision : il y a une illusion dans
les doctrines actuelles dans la mesure où elles sont dominées par l'économisme,
c'est-à-dire par l'idée que la recherche scientifique serait une machine à sous
dans laquelle on introduit d'un côté de l'argent alors que, après avoir tiré
sur une manette, les résultats tombent de l'autre côté.
Je suis au regret de vous dire que la recherche scientifique ne fonctionne pas
comme cela. Certes, des sommes d'argent sont bien nécessaires, mais certaines
conditions tout à fait particulières doivent être réunies.
A cet égard, les grands programmes comme le « plan calcul », autrefois -
j'aurai la pudeur de ne pas faire de commentaires - ou la filière électronique
- je n'en ferai pas non plus - sont une illusion. On n'a pas inventé
l'électricité en créant un programme pour développer la bougie : c'est un
manipulateur qui, faisant des expériences sur des tubes à vide, s'est posé la
question de savoir si l'on pouvait propager certaines propriétés dans de tels
tubes et qui a fini par découvrir l'électricité..., qu'en fait on connaissait
depuis les Grecs, qui frottaient une peau de chat sur de l'ébonite.
Vous savez sans doute aussi que notre compatriote Becquerel a découvert la
radioactivité parce qu'on lui avait offert un caillou de couleur jaune et qu'il
l'avait posé sur son bureau, dans un petit appentis du jardin des Plantes. L'un
de ses techniciens, développant des clichés pour des expériences de rayons X, a
failli perdre son emploi parce qu'un cliché sur deux était voilé. Désespéré, ce
dernier a commencé à faire lui-même des observations et il s'est rendu compte
que, lorsqu'il mettait le cliché dans le tiroir droit, il était voilé, tandis
qu'il ne l'était pas quand il le plaçait dans le tiroir gauche. Ce technicien a
alors fait preuve d'une méthode scientifique en répétant l'expérience. Il lui
est apparu ainsi que la cause venait de ce caillou jaune et il a eu l'idée
géniale de le déplacer. A ce moment-là, il a vu que la plaque était voilée de
l'autre côté. Il a donc sorti le caillou jaune et l'a placé sur la plaque en
disant à M. Becquerel que ce caillou était la cause de ces incidents. Comme M.
Becquerel était un bon scientifique - c'est-à-dire qu'il savait exploiter la
chance - il a compris qu'il s'agissait d'une grande découverte. Ainsi, il a mis
en évidence la radioactivité, le nucléaire et d'autres découvertes ont
suivi.
La recherche libre est à la base de tout. Or, ces dernières années, nous avons
sacrifié les crédits des laboratoires. Nous allons donc accorder une priorité à
des recherches plus libres, ce qui ne veut pas dire qu'elles ne seront pas
coordonnées, car nous avons en même temps décidé de mettre fin non pas à la
compétition, mais à la rivalité entre des organismes qui font quatre fois la
même chose en se faisant des crocs-en-jambe, ce qui n'est pas nécessaire.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
Quelle sera notre stratégie en la matière ? Nous allons relancer le plan
Université 2000 - comme nous entrons dans le troisième millénaire, ce plan
s'appellera d'ailleurs désormais U3M, Université du troisième millénaire - en
partenariat avec les collectivités territoriales.
Nous allons maintenir le plan de décentralisation de l'enseignement supérieur,
en évitant tout saupoudrage, je le dis ici avec fermeté car nous ne pouvons
pas, dans une période où le nombre d'étudiants décroît, nous mettre à créer une
université dans chaque village, quel que soit le désir dudit village.
Par ailleurs, nous réfléchissons à un certain nombre d'actions et, à cet
égard, je citerai trois missions particulièrement importantes, que nous avons
confiées à trois personnalités elles-mêmes fort importantes.
La première d'entre elles est une mission de réflexion sur l'appareil
administratif de l'éducation nationale, qui est un peu bizarre. Il y a ainsi
des recteurs, des inspecteurs d'académie dont la promotion ne dépend pas des
recteurs, ni leur notation d'ailleurs. En dessous, il y a des proviseurs qui,
eux, ne sont pas notés du tout et dirigent des établissements dans lesquels les
professeurs ne dépendent pas d'eux pour leur promotion. Par conséquent, il
s'agit d'un système dont la hiérarchie est extraordinairement mobile.
Nous avons donc demandé au recteur Claude Pair de réfléchir à ce problème car,
paradoxalement, dans cette hiérarchie un peu lâche, on constate en même temps
une absence quasi totale de démocratie, c'est-à-dire que chacun vit dans son
système autonome. Nous voulons donc plus de responsabilités et plus de
démocratie dans le système éducatif.
La deuxième mission, qui regroupe de nombreuses personnalités du monde de
l'industrie, de la recherche, de l'université et des grandes écoles, est animée
par M. Jacques Attali. Il s'agit de savoir comment l'on peut rapprocher les
universités et les grandes écoles - je dis bien rapprocher et non pas
fusionner, chacun gardant son autonomie - en faisant entrer dans l'enseignement
davantage d'innovation. Ce groupe de travail est très actif et il formulera, je
le crois, des propositions importantes.
La troisième mission a été confiée à M. Henri Guillaume, qui fut président de
l'ANVAR. Elle doit se pencher sur le financement de la recherche technologique
et sur les transferts de technologie, en particulier pour utiliser davantage
les fonds européens.
Jusqu'à aujourd'hui, le grand défaut des financements publics français, c'est
qu'ils allaient uniquement vers les grandes entreprises. Nous avons donc pris
la décision, avec mon collègue Dominique Strauss-Kahn, de ne plus financer la
recherche des grandes entreprises. Si celles-ci ne sont pas capables de voir
que la recherche est fondamentale et qu'elles doivent donc la financer, ce
n'est pas la peine de financer cette recherche de l'extérieur ! En revanche,
nous allons concentrer toutes les aides sur les PME-PMI, exception faite, bien
sûr, du programme aéronautique, qui est spécifique.
Le défaut que je viens de souligner est encore amplifié au niveau européen :
les PME-PMI ont les plus grandes difficultés à accéder aux fonds de
développement européen. L'une des missions de M. Guillaume est de nous proposer
des mécanismes susceptibles d'y remédier.
Telle est l'ambiance qui préside à la préparation du budget et telles sont les
orientations générales ; j'ai eu l'occasion d'en parler très longuement devant
les commissions sénatoriales. J'ai par ailleurs donné l'autorisation à tous les
missionnaires d'être entendus par les commissions parlementaires ou par leurs
rapporteurs s'ils en faisaient la demande. Vous serez donc informés.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à ce que
tout se passe dans la plus totale transparence. Vous êtes les représentants de
la nation et, par conséquent, rien ne saurait vous être caché, pas même mes
intentions : parfois vous les approuverez, parfois vous les critiquerez ;
peut-être les infléchirai-je en conséquence, peut-être ne le ferai-je pas, et
vous aurez alors l'occasion de me critiquer. Mais c'est là le débat politique
!
En tout cas, je le repète, tout se passera dans la transparence, et je puis
vous assurer que vous aurez toutes les informations pour préparer, discuter,
critiquer, amender et, je l'espère, approuver le projet de budget.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le
ministre, permettez-moi tout d'abord de me réjouir de ce débat, qui est
bienvenu.
Il est bienvenu parce que, dans quelque temps, vous allez avoir à défendre
votre projet de budget - vous nous avez donné, tout à l'heure, quelques
indications - et nous aurons à juger de l'adéquation des moyens à vos
intentions.
Le débat d'aujourd'hui doit vous permettre de tracer votre politique, d'en
tracer au moins les grands axes. Vous avez, tout à l'heure, ouvert des pistes
et indiqué des sujets de réflexion.
Je dois dire aussi que, depuis que vous avez pris vos fonctions, monsieur le
ministre, vous n'êtes pas resté inactif, et encore moins silencieux. Vous avez
annoncé de nombreuses mesures - certaines ont été prises, pour d'autres, vous
avez annoncé le financement - ainsi que quelques réformes fondamentales.
Je crois néanmoins - je vous le dis très franchement - que nous pouvons encore
vous demander où vous voulez aller et quelle est votre politique. Je souhaite
que ce débat vous permette de nous la présenter très clairement.
Je ne puis, dans ce bref propos, tout évoquer. Vous avez, tout à l'heure,
traité de sujets concernant la recherche et l'enseignement supérieur, avec une
incursion dans l'enseignement secondaire. Permettez-moi, monsieur le ministre,
de ne traiter, en cet instant, que quelques thèmes qui concernent
l'enseignement secondaire : je veux parler des programmes, je veux parler des
établissements, je veux parler des enseignants.
S'agissant des programmes, je rejoins largement les propos que vous avez
tenus. Vous avez parlé notamment d'empilement. Si vous me le permettez, je veux
développer ce propos devant notre Haute Assemblée.
En dépit des efforts déjà entrepris pour les programmes de l'enseignement
secondaire et de l'enseignement primaire, on peut encore se demander si nos
programmes sont suffisamment lisibles. Qu'ils puissent être lus par les
enseignants est bien la moindre des choses ! Peuvent-ils être facilement lus
par les parents, même le parent moyen, si cette espèce-là existe ? J'en doute
beaucoup. Il faut donc améliorer la lisibilité des programmes.
Malgré les efforts déployés, ces programmes sont-ils assez cohérents ? Je ne
le crois pas non plus. La cohérence n'est pas suffisamment assurée entre
l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire ; elle n'est sans doute
pas suffisamment assurée transversalement entre les disciplines, et, si je vous
ai bien compris tout à l'heure, monsieur le ministre, c'est aussi ce que, d'une
autre manière, vous avez dit.
Le Conseil national des programmes a fait, me semble-t-il, dans un passé
récent, des études, des travaux intéressants, et indiqué des directions.
Pensez-vous pouvoir recomposer les programmes par pôles disciplinaires pour
simplifier et donner plus de cohérence et de lisibilité ?
Monsieur le ministre, nous allons certainement beaucoup parler, dans ce débat,
de démocratisation et d'intégration. Je suis de ceux - très nombreux - qui
croient qu'il est devenu urgent de donner un véritable contenu à l'obligation
scolaire. Jusqu'à présent, l'obligation scolaire se définissait d'abord par
l'obligation d'aller à l'école jusqu'à un certain âge. Il est maintenant devenu
indispensable de définir ce que tout jeune Français doit savoir, comprendre,
savoir faire. On l'a beaucoup dit ; on n'a pas encore réussi à le faire.
Et puisque j'ai prononcé le mot « intégration », nul doute que, si l'on arrive
à bien définir ce fonds culturel commun, monsieur le ministre, et si vous
arrivez à faire en sorte que notre enseignement, en particulier dans sa partie
qui concerne tous les jeunes Français, permette de le transmettre, la politique
d'intégration aura fait un grand pas.
A la question : « Qu'est-ce qu'une nation ? », un sociologue du début du
siècle, Marcel Mauss, répondait : « C'est une société matériellement et
moralement unifiée. » « Matériellement », vaste sujet ! « Moralement »,
monsieur le ministre, cela dépend beaucoup de vous, et cela dépend beaucoup des
contenus de l'enseignement.
Après les programmes, j'en viens aux établissements.
Vous avez parlé tout à l'heure de la diversité, pour vous en réjouir, et aussi
de l'excellence : « Il faut viser l'excellence dans la diversité. » Ce que vous
avez dit au sujet de l'enseignement supérieur, des contenus d'enseignement,
vaut, me semble-t-il, pour les établissements secondaires.
On a sans doute trop parlé d'autonomie, à une époque. Cela ne veut rien dire :
les établissements d'enseignement secondaire ne sont pas autonomes, personne ne
souhaite qu'ils le soient et ils ne peuvent pas l'être. Mais au moins faut-il
leur permettre de s'adapter, de tenir compte de leur contexte.
Monsieur le ministre, voici une piste. Vous avez pris la décision de maintenir
en fonctions un nombre important de maîtres auxiliaires - entre vingt-cinq et
vingt-huit mille, je ne sais pas exactement. On me dit qu'ils ne sont pas
toujours bien employés. N'y aurait-il pas là quelque chose à faire ? J'ai même
lu dans un grand journal du soir, pour employer la terminologie habituelle, que
certains parlaient de « situations ubuesques ». Sans doute pourrait-on mieux
utiliser ces maîtres auxiliaires et à tout le moins éviter un gaspillage de
moyens. C'est affaire de marge, de souplesse, mais aussi d'état d'esprit.
Je veux parler aussi des chefs d'établissement. On ne peut pas ne pas en
parler dans ce débat.
Il faut d'urgence, monsieur le ministre, que vous preniez des mesures pour
donner aux meilleurs des enseignants qui ont la qualité requise pour exercer
cette fonction difficile l'envie de devenir chef d'établissement. Si nous
n'arrivons pas à choisir les chefs d'établissement, nous finirons par ne plus
les trouver, et je ne suis pas sûr que ce ne soit pas déjà un peu le cas !
Il faut également stabiliser les équipes. Loin de moi l'idée de contraindre
qui que ce soit à rester là où il a été nommé la première fois. Mais au moins
faut-il éviter cette noria qui déstabilise et rend si difficiles les débuts
d'année scolaire. Il y a sans doute, là aussi, beaucoup à faire.
J'en arrive aux enseignants.
Je ne veux pas relancer le débat sur leur formation et sur les instituts
universitaires de formation des maîtres, les IUFM. La première des exigences,
c'est de doter les enseignants d'une solide formation disciplinaire. C'est
grâce à elle qu'ils ont la liberté d'esprit nécessaire, l'aisance suffisante
pour affronter toutes les difficultés.
Je vous pose une question, monsieur le ministre - je ne suis pas sûr que vous
ne l'ayez pas posée autrement : est-ce le même métier en sixième et en
terminale ? N'y a-t-il pas là une piste de réflexion ? N'est-il pas urgent que
vous nous disiez ce que vous avez l'intention de faire ?
Je veux insister aussi sur la nécessité qu'il y a à informer de façon précise
les enseignants sur les situations extrêmement diverses qu'ils vont trouver.
Grâce à vous, grâce à votre administration, certains membres de la commission
des affaires culturelles ont pu se rendre dans un établissement scolaire des
Yvelines, à Chanteloup-les-Vignes pour être précis, dans une zone extrêmement
difficile, celle où a été tourné le film
La Haine
.
Nous avons interrogé les enseignants, nous avons passé de longues minutes avec
eux, avec beaucoup de plaisir et d'intérêt pour nous et, je le crois aussi, de
satisfaction pour eux. Ils nous ont dit que jamais au grand jamais on ne leur
avait parlé de situations comme celle qu'ils avaient trouvée dans cet
établissement. C'est vraiment là quelque chose de tout à fait anormal. Que
pensez-vous faire, monsieur le ministre ?
Vous avez parlé tout à l'heure de déconcentration, de la nécessité de gérer au
plus près les établissements. C'est le seul moyen de prendre en compte les
besoins des établissements. Je pose simplement la question - vous avez
d'ailleurs vous-même mentionné les obstacles : aurez-vous les moyens de cette
politique ? L'avenir le dira.
Monsieur le ministre, j'en arrive à ma conclusion.
Depuis votre prise de fonctions, monsieur le ministre, vous avez dénoncé, et
pas à tort, certains errements, et vos propos ont rencontré un certain écho
chez les Français, vous le savez bien.
J'aurais préféré que les compliments que vous avez faits au corps enseignant
tout à l'heure, vous les fissiez avant de dénoncer les errements. Sans doute
vos propos auraient-ils été mieux compris !
(Très bien ! sur les travées du RPR et de l'Union centriste. - M. André Maman
approuve également.)
Je vais reparler de Chanteloup-les-Vignes parce que je dois cet hommage
aux enseignants que nous avons rencontrés et qui, je crois, représentent ce
qu'il y a de mieux dans notre système éducatif.
La moyenne d'âge de ces enseignants était de trente-deux ans. Nous sommes
restés avec eux une demi-heure. Jamais je n'ai entendu prononcer aussi souvent
et avec autant de conviction le mot « République » : les lois de la République,
les valeurs de la République, la République. Nous en avons tous été très
frappés.
Monsieur le ministre, je crois qu'il faut encourager ces enseignants. Il faut
les encourager - tout en corrigeant, bien entendu, ce qui ne va pas dans notre
système - et se garder de les blesser.
Camus disait : « Mal nommer les choses, c'est ajouter du malheur au monde. »
Je préfère citer, à partir d'une critique littéraire récente, le livre de
Nathalie Sarraute
Ouvrez
, dont les personnages sont les mots : « Ne
dirait-on pas des contrevérités ? Elles ont cet air sûr de soi, rigide...
Chaque contrevérité est devenue une vérité enfermée dans la parole donnée. »
Méfions-nous, monsieur le ministre ! Dans notre société très médiatisée, vous
le savez bien, certains propos, même s'ils peuvent avoir un impact, frappent
juste, parce qu'ils sont reçus par toute une catégorie sociale, ces propos
peuvent blesser.
Voilà ce que je voulais dire, monsieur le ministre, en ouvrant ce débat. Je
vous remercie de vous y être prêté. Après nos rencontres en commission, où nous
avons longuement débattu, la discussion budgétaire prolongera ce que nous
dirons aujourd'hui, pour le plus grand bien de notre éducation nationale et,
surtout, pour le plus grand bien des enfants de France et de notre
enseignement.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Michel Dreyfus-Schmidt remplace M. René Monory au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE
M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 44 minutes ;
Groupe socialiste : 37 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 31 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe :
8 minutes.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le président, compte tenu du binôme que nous formons avec Mme Ségolène
Royal et de mon emploi du temps, je suggère que les intervenants posent en
premier lieu les questions qui me concernent directement ; je pourrai ainsi y
répondre, laissant à Mme Ségolène Royal, qui me remplacera, le soin de traiter
les autres sujets qui auront été abordés.
M. le président.
Effectivement, mes chers collègues, M. le ministre nous a fait savoir qu'il ne
pourrait pas rester jusqu'au terme de ce débat et qu'il serait remplacé par Mme
Ségolène Royal. Il paraît toutefois difficile, monsieur le ministre, de
demander aux orateurs de scinder leur intervention. Dans ces conditions, je
vous suggère de répondre, avant de partir, aux orateurs qui se seront
exprimés.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je procéderai ainsi que vous le suggérez, monsieur le président.
M. le président.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en exergue à
mes propos, je tiens à souligner que, pour moi, il n'y a pas d'enjeu plus
important pour la France, pour l'avenir du pays et de ses citoyens que
l'éducation. C'est un sujet sur lequel toute polémique est stérile et tout
dogmatisme dérisoire.
Après vous avoir écouté, monsieur le ministre, je dois vous dire que je suis
un peu perplexe. J'ai pris connaissance de vos déclarations dans les médias et
je vous ai entendu en commission d'abord, et aujourd'hui en séance : j'ai
parfois du mal à savoir sur quel terrain me situer, car il me semble difficile
de trouver toute la cohérence qu'il me paraît nécessaire de donner à l'action
du ministère dans un domaine qui, je le répète, est essentiel pour l'avenir de
notre pays.
Je reprends certains termes de votre intervention : « félicitations aux
enseignants... création de savoirs et de nouvelles technologies... exigence de
qualité... excellence pour tous... épanouissement des talents... recherche de
la modernisation... innovation... prise de risques... retour aux
fondamentaux... ».
Comment ne pas être d'accord ? Je ne puis que vous rejoindre. Chaque fois que
vous vous efforcerez de traduire en termes concrets ces objectifs louables,
nous serons attentifs et nous serons sans doute à vos côtés, car - j'y insiste
à nouveau - ce domaine est essentiel pour l'avenir de notre pays.
Cependant, force est de constater que les échos qui nous viennent de
l'extérieur ne sont pas toujours en phase avec les propos que j'ai entendus
aujourd'hui. C'est surtout vrai - M. le président de la commission l'a déjà
rappelé - en ce qui concerne les enseignants.
Puisqu'il est question d'éducation nationale, je voudrais, pour commencer,
rappeler les objectifs qui lui sont fixés ; ils sont multiples et intéressent
tant les acteurs, enseignants et élèves, que le pays tout entier.
Ces objectifs sont au nombre de cinq : élever le niveau d'instruction, en
particulier maîtriser le français et le calcul ; favoriser l'épanouissement
personnel de chacun ; assurer dans la société plus d'égalité - égalité des
chances - plus de solidarité et de cohésion sociale ; donner une formation
professionnelle qui facilite l'intégration sociale et le débouché professionnel
; enfin, vous l'avez vous-même ajouté, favoriser l'innovation et stimuler
l'esprit de prise de risque.
Depuis des années, le budget de l'éducation nationale est le premier du pays
et les moyens mis en oeuvre ne cessent de croître, souvent de façon
substantielle.
Les résultats, à l'analyse, sont-ils pour autant à la mesure des efforts que
le pays consent à cette cause essentielle ?
Est-on sûr que le niveau de connaissance, la maîtrise du français et des
mathématiques, ont réellement progressé dans les proportions souhaitables ? De
nombreuses études semblent prouver le contraire ou, en tout cas, en font
douter.
Sommes-nous convaincus que l'éducation nationale est encore, effectivement, le
meilleur outil pour assurer l'égalité des chances ?
De plus en plus de spécialistes en doutent. Dans un pays qui a le taux le plus
élevé en Europe de jeunes au chômage, peut-on affirmer que notre système de
formation assure comme il le faut le lien avec l'entreprise et facilite
l'insertion économique ?
Force est de reconnaître qu'il y a là des échecs éclatants, et la pertinence
du rapport Fauroux doit nous amener à nous interroger. Certes, et je tempère,
il ne faut pas jeter l'enfant avec l'eau du bain, et les domaines dans lesquels
l'éducation nationale excelle sont nombreux ! Vous en avez cité plusieurs,
monsieur le ministre, et je vous approuve totalement.
Ce qu'il convient de faire, dès lors, c'est moins poursuivre une fuite en
avant effrénée en matière de budget et d'effectifs que repenser les méthodes,
pour les adapter aux objectifs visés.
Il s'agit donc moins d'embaucher des dizaines de milliers d'agents
supplémentaires, qui grèveront davantage encore le budget et alourdiront les
structures, que de réfléchir aux changements clefs qu'il faut introduire.
Il ne s'agit pas non plus de s'évertuer à « casser » un système en fragilisant
au passage ce qui fait aujourd'hui encore sa force - à savoir la qualité de son
personnel - mais de le réorienter « politiquement », au sens noble du terme.
Favoriser l'initiative, encourager ceux qui réussissent, en particuler dans les
secteurs difficiles - les zones d'éducations prioritaires, l'enseignement
professionnel, etc., où les chefs d'établissement sont aujourd'hui confrontés à
des difficultés majeures, changer l'état d'esprit pour établir des ponts avec
l'économique, en finir avec le sectarisme et avec l'enfermement de l'éducation
nationale dans un champs clos et réservé, faire en sorte que l'énorme machine
administrative nationale soit davantage présente sur le terrain, pour plus
d'efficacité : voilà quelques pistes que nous devons explorer aujourd'hui, dans
le dialogue et avec la ferme volonté d'aboutir.
Je voudrais d'ores et déjà souligner ici, monsieur le ministre, que votre idée
de déconcentrer l'administration centrale mérite de retenir notre attention.
Que constatons-nous depuis votre arrivée rue de Grenelle ?
En commission et en séance publique aujourd'hui, vous avez fait valoir des
principes auxquels nous pouvons adhérer. Mais vous nous avez par ailleurs
abreuvé de déclarations fracassantes ! Vous avez « rué dans les brancards »,
pour reprendre un titre de la presse ! A tel point que si votre attitude a pu,
à certains, paraître salutaire, dans une maison peu habituée au franc-parler,
elle n'est qu'artifices et contradictions pour les autres.
Si votre volonté de réformer l'institution scolaire est louable, les moyens
que vous souhaitez mettre en oeuvre sont discutables. Quant à votre méthode,
elle est pour le moins ambiguë : ambiguë à l'égard de votre administration,
ambiguë à l'égard des syndicats, et parfois aussi, monsieur le ministre,
ambiguë à l'égard de la représentation nationale.
Pas un jour ne se passe sans que votre nom fasse les gros titres de la presse
quotidienne nationale, régionale, voire internationale. Une véritable boulimie
! Vous agissez sur tous les fronts : programmes, rythmes scolaires, examens et
concours, notation des enseignants, apprentissages, augmentation des effectifs,
développement des nouvelles technologies... Voilà un inventaire digne de
Prévert !
Quel ministre de l'éducation nationale ne l'aurait pas fait avant vous, s'il
ne s'était soucié du dialogue nécessaire, de la programmation des réformes, de
la contrainte budgétaire ? En tout état de cause, vous semblez libéré des
questions financières. L'alourdissement des charges de l'Etat et des
collectivités locales ne vous émeut pas. Au contraire, elle semble vous
stimuler. Malheureusement, l'accroissement des dépenses publiques a toujours
son revers. Et les contribuables en savent de plus en plus quelque chose !
Prenons l'exemple de l'emploi, dont vous avez fait une priorité. Voici les
données chiffrées : 40 000 emplois-jeunes - payés par l'Etat, donc des
fonctionnaires -, 350 créations de postes d'enseignant, réemploi de tous les
maîtres auxiliaires, ce qui vise environ 28 000 personnes, création de 2 500
postes de maître de conférence à l'université.
Votre prédécesseur disait se heurter aux restrictions budgétaires imposées par
la nécessité de limiter les dérives financières. Vous, vous prétendez pouvoir
financer à moyens constants les créations d'emplois. Comment, sauf à avoir
recours à des financements exceptionnels ou à compromettre les équilibres
futurs ? Vous agissez comme si les lendemains ne vous importaient pas !
Voilà quelques jours, les premiers recrutés dans le cadre du plan Aubry ont
pris possession de leur poste. A grand renfort de reportages télévisés ou
radiophoniques, leur utilité a été mise en valeur. Quel chef d'établissement,
en effet, peut se plaindre de voir arriver une main-d'oeuvre supplémentaire
affectée à des tâches d'encadrement ? Mais regardons la réalité en face !
Aujourd'hui, tout semble aller pour le mieux. Mais, dans cinq ans, que
deviendront ces emplois ? Seront-ils intégrés directement dans la fonction
publique, ou bien un concours spécifique sera-t-il nécessaire, et ce en
violation du principe élémentaire de recrutement des fonctionnaires ?
Il est vrai que cinq ans, c'est le temps d'une législature, et la
pérennisation de ces emplois constituera un excellent argument de campagne !
M. Jean-Louis Carrère.
Pas ça !
M. Philippe Richert.
Nous passerions ainsi du laxisme budgétaire à la démagogie.
Mais il y a aussi dans votre démarche une injustice flagrante et les germes
d'une immense déception qui s'annonce. Vous promettez à des milliers de jeunes
un emploi sans perspective réelle de carrière. En recrutant massivement
aujourd'hui des « fonctionnaires
bis
», des « fonctionnaires Canada-dry
», vous tarissez un gisement d'emplois qualifiés. Au terme des contrats « Aubry
», des milliers de jeunes resteront dans le giron de l'éducation nationale et
ne seront pas capable de remplir une autre tâche que celle pour laquelle ils
auront été recrutés. Vous limiterez ainsi l'embauche de personnels qualifiés
capables de répondre aux besoins qui se feront sentir à la suite des nombreux
départs à la retraite prévus.
Je soulignais à l'instant votre volonté de réemployer tous les maîtres
auxiliaires. Bravo ! Vous réglez en un tour de main un problème épineux qui a
empoisonné la vie de plusieurs de vos prédécesseurs. Qu'allez-vous faire des
titulaires académiques sans poste ?
Un certain nombre de ces enseignants, de ces diplômés, affectés dans une
académie particulière ont dû attendre la rentrée scolaire pour connaître leur
affectation. De la même façon, au concours du CAPES, des listes complémentaires
ont été ouvertes et certains diplômés, dits « reçus-collés », sont toujours en
attente de postes. Que comptez-vous faire pour ceux qui ont fait l'effort de
passer un concours, ce qui témoigne de leur motivation pour l'enseignement.
Monsieur le ministre, vous avez une curieuse façon de conduire votre
administration.
M. Jean-Louis Carrère.
Pas vous !
M. Philippe Richert.
Une fois vous tapez sur les syndicats, une autre fois sur les enseignants. Je
considère que ces attaques sont particulièrement choquantes. Certes, il faut
savoir parfois remettre les pendules à l'heure pour en finir avec certaines
pratiques néfastes.
M. Jean-Louis Carrère.
Il l'a fait !
M. Philippe Richert.
Pour autant, il me semble qu'il y a d'autres moyens. Pourquoi vous faut-il ces
boucs émissaires ?
Vos prises de parole sur l'absentéisme des enseignants ne sont à la hauteur ni
de vos fonctions ni de vos qualités, surtout lorsqu'elles maquillent les
chiffres ! Pourquoi ne pas avoir posé simplement la question de la gestion des
carrières des maîtres en fonction de leur investissement dans leur métier ? En
procédant par amalgame, vous démobilisez les enseignants, que vous faites
passer pour des irresponsables.
(M. Jean-Louis Carrère proteste.)
Vous mélangez tout : les femmes en
congé de maternité, les enseignants en formation et les quelques adeptes
professionnels de l'arrêt de maladie ! C'est difficilement acceptable, monsieur
le ministre.
Dans leur immense majorité, les enseignants font preuve de qualités
excellentes.
M. Jean-Louis Carrère.
Il l'a dit !
M. Philippe Richert.
Comme l'a relevé tout à l'heure le président de la commission, ce sont des
personnes dévouées, qui se sentent aujourd'hui attaquées. Or, ne nous faisons
pas d'illusion, les quelques adeptes professionnels de l'arrêt de maladie, -
qui existent dans l'éducation nationale comme ailleurs -, ne remettront pas en
cause leur comportement pour des paroles, fussent-elles celles d'un
ministre.
Je crois que nous avons assisté à un dérapage et je souhaiterais que les
propos que vous avez tenus tout à l'heure, monsieur le ministre, soient de
nature à rasséréner les uns et les autres, pour permettre que, demain, la
situation soit apaisée.
La méthode que vous avez appliquée a manqué de nuance. D'un côté, vous
considérez de manière trop globale l'absentéisme des enseignants ; d'un autre
côté, vous leur imposez des règles rigides et très contraignantes. Je ne
citerai à ce propos qu'un seul exemple, celui des obligations d'encadrement qui
sont imposées aux enseignants pour certaines activités sportives, culturelles
ou pour les sorties.
Ne vous méprenez pas, monsieur le ministre, je suis bien entendu favorable,
pour des raisons évidentes, à un minimum d'encadrement des élèves lors des
sorties. Pour autant, imposer les taux d'encadrement par voie réglementaire,
comme il est indiqué dans le
Bulletin officiel
n° 5 du 25 septembre
1997, est irréel et conduit à des blocages néfastes pour les enseignants et
pour les élèves.
Prenons une classe de vingt-cinq très jeunes élèves qui doivent faire une
sortie « nature », une visite à des viticulteurs au moment des vendanges, par
exemple ? Il faut trois personnes accompagnatrices, trois personnes formées
!
De deux choses l'une, ou bien on recourt à trois enseignants pour une classe,
mais
quid
des deux classes sans maître ? Ou bien on emploie du personnel
qualifié, titulaire des brevets requis, à charge pour les collectivités locales
d'en supporter le coût !
(M. le ministre s'exclame.)
C'est ce qui se passe sur le terrain, monsieur le ministre ! Je parle de
réalités tout à fait concrètes.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je ne crois pas que cette circulaire vienne de moi, monsieur le sénateur !
M. Philippe Richert.
Cette circulaire date du 25 septembre 1997, monsieur le ministre, et elle
émane du ministère de l'éducation nationale, dont vous avez la charge.
Sachez, monsieur le ministre, combien, aujourd'hui, les enseignants sont
perplexes !
Vous parliez tout à l'heure de libérer les initiatives. Pour ma part, je
constate que nous mettons en place des carcans !
Je sais bien qu'il y a eu des drames, des drames affreux, horribles, et qu'il
faut tout faire pour éviter qu'il ne s'en produise d'autres. Je constate
cependant que ce n'est pas en mettant en place de telles contraintes que nous
arriverons, demain, à mieux gérer l'éducation nationale.
M. Jean-Louis Carrère.
Comment faire alors ?
M. Philippe Richert.
Il faut faire en sorte que les enseignants soient stimulés lorsqu'ils prennent
des responsabilités, lorsqu'ils sont efficaces, lorsqu'ils doivent faire face à
des situations difficiles. Tel est notre objectif.
Heureusement, vos interventions, vos prises de décision ne sont pas toutes à
l'image de celles que je viens de passer en revue. Je ne nie d'ailleurs ni
votre détermination ni votre clairvoyance à l'égard de nombreux sujets
sensibles et importants. Les objectifs que vous avez annoncés dans votre
discours ne peuvent que nous convenir.
Je salue par ailleurs votre volonté de régler vite et bien le problème crucial
de la violence à l'école, problème qui n'est pas mince.
Je salue également la rapidité d'intervention de Mme Royal et les moyens mis
en place pour lutter contre la pédophilie. Il fallait être ferme et frapper un
grand coup, ce que vous avez fait sans sourciller.
Votre ambition pour l'école de la République, c'est de la faire entrer dans le
xxie siècle. Aujourd'hui, les nouvelles technologies de l'information et de la
communication doivent entrer dans les salles de classe.
La tâche à laquelle vous vous attelez ne sera pas facile. Notre pays n'est pas
encore entré totalement dans l'ère technologique. Certains comportements en
témoignent.
Ainsi, un philosophe connu a tenu des propos édifiants sur ce sujet, déclarant
: « A l'école, il vaut mieux étudier Shakespeare ou Descartes que d'apprendre à
se servir des outils informatiques - on en aura toujours le temps ! - que de
s'exercer à naviguer sur le web. » Selon lui, avec l'introduction des nouvelles
technologies, on parle non plus de l'école de la République, mais de l'école de
Microsoft.
Pourquoi l'arrivée des nouvelles technologies empêcherait-elle les élèves
d'apprendre à pénétrer les tourments de Bérénice ou la pensée de Platon ? C'est
nier les réalités que de raisonner ainsi. Les nouvelles technologies, traitées
sous un aspect pédagogique, offrent des outils performants d'apprentissage dans
les domaines culturel et linguistique.
Peu de métiers tertiaires peuvent aujourd'hui se passer de l'outil
informatique. Sa maîtrise sera un avantage déterminant pour les jeunes
demandeurs d'emploi, au même titre que la pratique de plusieurs langues
étrangères.
La France est en retard ; de nombreux rapports du Sénat l'ont souligné, comme
celui de notre éminent collègue M. Laffitte, notamment.
J'approuve votre engagement dans ce domaine.
Je suis, en revanche, plus réservé s'agissant de vos positions concernant
l'aménagement des rythmes scolaires.
En déclarant : « Je ne suis pas pour les samedis libres car mon problème n'est
pas de procurer de longs week-ends aux parents aisés », vous n'avez pas
contribué à éclaircir le débat.
Vous avez choqué les parents non seulement parce que vous les avez opposés les
uns aux autres, mais aussi parce que votre formulation était abrupte et quelque
peu méprisante. Quelle que soit leur situation financière, dans leur majorité,
les parents approuvent le samedi sans école, simplement pour profiter des joies
de la vie de famille.
Vous avez, me semble-t-il, confondu « semaine de quatre jours » et « samedi
libre ». Nos compatriotes veulent - les sondages le révèlent - une semaine de
cinq jours, avec moins d'heures de cours par jour et des vacances plus
courtes.
Aujourd'hui, ce sont d'abord les écoles publiques qui s'attachent au mercredi
libre. La raison en est simple : les associations sportives récupèrent une «
clientèle » importante et les mairies économisent une journée de cantine par
semaine.
Espérons que votre liberté de ton aura, pour une fois, un effet positif pour
faire évoluer la situation.
Tout le problème de votre politique réside dans le fait qu'elle part tous
azimuts. Votre ambition n'est pas condamnable, mais elle me semble
dangereuse.
A trop vouloir faire, vous risquez les échecs dans la précipitation. On peut
en effet relever : les emplois-jeunes, les ouvertures de classes, les réemplois
des maîtres auxiliaires, la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, le
fonds social pour les cantines, et j'en passe !
Monsieur le ministre, la politique, c'est choisir. C'est aussi votre discours,
et les objectifs que vous énoncez ne peuvent que séduire. Il s'agit maintenant
d'agir dans la cohérence pour faire bouger les choses sans démolir
l'existant.
La difficulté, me semble-t-il, c'est que vous voulez tout, tout de suite. A
force de vouloir trop faire rêver sur le changement, faites attention de ne pas
tromper.
Soyez assuré, monsieur le ministre, que le groupe de l'Union centriste sera
très attentif aux projets que vous serez en mesure de mettre en route. Sachez
que, sur les objectifs essentiels, sur les réorientations à venir et sur les
moyens à engager, nous sommes prêts à la discussion.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants. - M. Pierre Laffitte applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Maman.
M. André Maman.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat
jugera concrètement du contenu de la politique du Gouvernement lors de la
discussion budgétaire. Pour l'heure, je saisirai l'occasion offerte par ce
débat pour rappeler - comme je l'ai déjà fait, à maintes reprises, dans cet
hémicycle - quelques idées simples, quelques principes de bon sens, qui, je le
crois, pourraient recueillir l'assentiment de tous ceux qui, comme nous tous
sur ces bancs, ont à coeur de voir évoluer le système éducatif français.
Je présenterai donc quelques observations sur deux thèmes qui me paraissent
essentiels, en tant que parlementaire naturellement, mais également en tant
qu'ancien enseignant. Il s'agira, d'une part, de l'information et de
l'orientation et, d'autre part, du financement des universités.
Aujourd'hui, tous les observateurs en conviennent, l'université française est
fondamentalement malade de son premier cycle. Plus de la moitié de nos
étudiants s'y concentrent, et quatre sur dix n'accéderont jamais au deuxième
cycle. Ce chiffre est à la fois dramatique et symptomatique.
Dramatique, pour les étudiants, qui, faute d'avoir été informés et orientés
avant leur entrée à l'université, sont purement et simplement écartés à jamais
de la voie du succès universitaire et donc d'une carrière professionnelle
épanouissante.
Symptomatique, car il témoigne du grand paradoxe de notre système qui,
refusant obstinément toute idée de sélection, la pratique pourtant - et cela
sous la pire des formes - puisque nous sommes confrontés, en l'espèce, monsieur
le ministre, à ce qu'il faut bien nous résoudre à appeler la sélection par
l'échec, c'est-à-dire la sélection la plus injuste, la plus aveugle, celle qui
frappe presque systématiquement les plus démunis socialement ou les plus
faibles.
Pour remédier à ce drame, j'ai la conviction qu'il faut mettre en place une
politique d'orientation fondée sur une information complète et systématique des
lycéens, je dis bien des lycéens, et non pas des étudiants, car cette politique
d'information doit commencer dès le lycée, voire, serais-je tenté de dire, le
plus tôt possible au lycée.
En effet, l'université et le lycée sont deux mondes différents, dans leur
pédagogie, dans leur structure, dans leur façon de fonctionner, et j'ai le
sentiment, en écoutant les jeunes, que beaucoup de lycéens, notamment ceux qui
n'appartiennent pas à des familles culturellement favorisées, se trouvent
plongés, à leur entrée dans l'université, dans un monde nouveau et inconnu.
Or, c'est un réflexe humain : tout ce qui est nouveau fait peur. Je crois,
pour ma part, que c'est dans ce réflexe, en partie, que le malaise étudiant que
nous connaissons aujourd'hui prend ses racines.
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, qu'un effort particulier soit
accompli pour que le monde scolaire s'ouvre beaucoup plus qu'il ne le fait
aujourd'hui sur le monde universitaire.
Je souhaiterais que des ponts soient jetés le plus tôt possible entre le lycée
et la faculté, pour que tous les étudiants puissent, à partir de la classe de
seconde au moins, se faire une idée précise de ce que sera leur vie dans
l'enseignement supérieur.
Ce voeu, pour qu'il se réalise, nécessiterait que soient organisées, aussi
souvent que possible, des rencontres et des conversations entre lycéens et
universitaires, et que le rôle des conseillers d'orientation soit certainement
mieux défini et mieux apprécié par les lycéens eux-mêmes.
Cette idée d'une communication accrue entre deux strates de notre système
éducatif n'est pas une idée onéreuse, et les risques qu'elle puisse donner
naissance à un débat dogmatique et perverti par des querelles idéologiques
dépassées sont faibles.
Dans sa simplicité - peut-être devrais-je dire en dépit de sa simplicité -
cette idée me paraît tout à fait essentielle pour l'avenir de notre
jeunesse.
Il faut également que les parents - que l'on oublie souvent d'ailleurs ! -
bénéficient largement de ces informations, comme l'a dit M. Gouteyron, et
qu'ils soient impliqués dans la recherche des solutions aux problèmes qui
touchent à l'éducation de leurs enfants.
En effet, nous devons observer que, contrairement à certaines idées reçues,
l'offre universitaire s'est considérablement diversifiée - vous l'avez dit,
monsieur le ministre - et que, aujourd'hui, ce sont plus de 280 diplômes
nationaux différents qui sont délivrés chaque année.
Les parents, même lorsqu'ils sont eux-mêmes des produits du système
universitaire, ignorent donc souvent ces formations nouvelles et sont dans
l'impossibilité d'apporter à leurs enfants l'aide et les conseils dont ces
derniers pourraient avoir besoin.
C'est pour cette raison d'évidence qu'il conviendrait que les parents fussent
associés à cette vaste politique d'information.
Information avant, orientation après : telles me paraissent être, monsieur le
ministre, mes chers collègues, les deux phases qui permettront à notre pays de
faire l'économie de cet immense naufrage pédagogique qui marque chaque année,
pour notre jeunesse, le passage du premier au deuxième cycle.
Je souhaite également dire quelques mots sur les problèmes relatifs à la
formation professionnelle, c'est-à-dire sur la nécessité d'établir une
passerelle, stable et ouverte à tous, entre le monde du travail et celui de
l'enseignement supérieur.
A cet égard, il me semble que notre pays souffre d'un certain retard dans la
façon dont il appréhende les rapports qui devraient exister entre les
entreprises et l'université. Vous en avez d'ailleurs parlé, monsieur le
ministre. Ce retard s'explique sans doute par une certaine tradition académique
française, qui a toujours exagérément choyé le conceptuel au détriment du
concret.
Je crois, de ce point de vue, que l'expérience américaine - dont je connais
les vices et les vertus pour avoir enseigné pendant trente-cinq ans à
l'université de Princeton, tout comme vous, monsieur le ministre, qui avez
enseigné pendant plusieurs années au
Massachusetts Institute of
Technology,
le MIT, à Boston, et qui connaissez bien la
Harvard Business
School
- peut nous permettre de dégager quelques voies simples susceptibles
de faire évoluer positivement le système français tout en lui conservant son
âme.
Il faudra repenser les rapports entre universités et entreprises en
multipliant les rencontres et les contacts. Il faudra également imaginer, dans
certaines filières, des programmes dont le contenu sera susceptible de varier
en fonction des réalités économiques du moment.
Toutes ces questions relatives à la nécessité de renforcer le lien entre le
monde universitaire et le monde économique me paraissent tout à fait
essentielles.
Je veux à présent mettre l'accent sur une idée que certains redoutent, et
pourtant...
En tant que parlementaire, mais aussi en tant qu'enseignant - et un enseignant
qui a exercé son métier avec passion - j'ai la conviction que l'université de
demain, si elle veut exister, devra changer radicalement.
Tous les secteurs ont commencé leur conversion pour faire face aux exigences
du futur : l'aéronautique se prépare à relever le défi de la globalisation des
échanges, les télécommunications sont en plein bouleversement et l'université
elle-même ne pourra faire l'économie d'un effort pour s'adapter aux exigences
d'un monde nouveau, car ce monde nouveau appelle une université nouvelle.
Alors - j'ai conscience de pouvoir choquer en le disant - il nous faudra bien
débattre un jour, enfin, de la question des universités payantes.
Mme Hélène Luc.
C'est cela, la démocratisation ?
M. André Maman.
J'ai la conviction qu'un système dans lequel les familles aisées paieraient
normalement les droits de scolarité et où celles qui sont défavorisées
bénéficieraient de bourses dont le montant dépendrait de leur revenu n'irait
pas à l'encontre du principe d'égalité, qui doit demeurer le fondement du
système français d'éducation nationale.
Il faudrait donc que les étudiants paient leurs études selon leurs moyens. Il
n'y a aucune raison, selon moi, que les étudiants qui peuvent, grâce à leur
situation matérielle, assumer seuls le coût de leurs études profitent d'une
formation universitaire gratuite. Selon les revenus des parents, il serait
décidé des sommes à verser. Un tel système de bourses permettrait à tous nos
jeunes gens, sans exception, de suivre des études.
Je voudrais préciser que le financement privé devrait s'ajouter au financement
public. Je pense, par exemple, aux grandes compagnies qui vont profiter des
ingénieurs, des techniciens, des médecins, des juristes, etc. formés par
l'université. Il est évident, à mes yeux, qu'elles devraient contribuer à cette
formation. Cela n'entraînerait en aucune façon l'intervention de ces
entreprises dans la direction des études et dans l'organisation de
l'université.
Je pense également qu'on devrait faire appel aux anciens étudiants, qui, selon
leurs moyens, pourraient contribuer au financement des universités. Ce que je
dis risque de faire peur face à des situations acquises bien enracinées dans
notre pays. Nous avons un système qui favorise les élites au détriment des
couches socioprofessionnelles les moins élevées. Il suffit, pour le constater,
de noter qui sort de nos universités avec un diplôme, et qui se voit éliminé en
cours de route, avec toutes les frustrations et l'amertume que cela
entraîne.
Je pense avoir décrit, en gros, la manière la plus démocratique et la plus
juste d'organiser notre système universitaire.
Mme Hélène Luc.
La manière d'organiser la sélection !
M. André Maman.
Je ne le pense pas, madame Luc.
Pour moi, ce qui contrevient à ce principe d'égalité - auquel nous sommes tous
attachés, par-delà nos divergences intellectuelles et partisanes - ce sont ces
universités « salles d'attente », où les étudiants, faute d'avoir été orientés,
se perdent dans des filières obscures. Ce qui, pour moi, mine le principe
d'égalité, c'est ce taux éloquent des 31 % d'étudiants, souvent les plus
défavorisés, qui se retrouvent exclus de l'enseignement supérieur sans espoir
et sans diplôme.
Je voudrais également souligner l'importance du rôle que pourraient avoir les
anciens étudiants de l'université, dont on aurait établi des listes. Il est en
effet essentiel que ceux-ci, comme on le fait pour les grandes écoles, puissent
revenir dans leur université, faire des conférences, organiser des séminaires,
conseiller les étudiants, tout cela d'une manière bénévole. Les liens qui
existent entre un étudiant et son université devraient persister à travers
toute la vie de la personne. La solidarité entre tous les acteurs montrerait
que l'enseignement supérieur concerne la nation tout entière.
Ainsi, monsieur le ministre, je poserai deux questions.
Tout d'abord, pourra-t-on continuer de supporter plus longtemps les ravages
que produit, chez nos jeunes gens, le manque d'information et d'orientation ?
Pour ma part, je ne le pense pas, et je le dis avec fermeté : la sélection par
l'échec est la pire des sélections possibles, car elle exclut du système les
plus démunis.
Ensuite, pourra-t-on ne pas augmenter les droits d'entrée à l'université, en
faisant appel de façon nuancée aux capacités contributives de chacun ? Je ne le
crois pas non plus, car c'est un principe de bonne justice.
Je suis persuadé que l'université française retrouvera toute l'énergie et tout
l'optimisme qui devraient être les siens et qu'elle entrera dans le xxie siècle
une fois que nous aurons, sans esprit partisan, répondu à ces deux
interrogations.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que je ne saurais terminer mon propos
sans appeler votre attention sur la situation dans laquelle se trouvent placés
nos compatriotes expatriés.
Nous souhaitons que le ministère de l'éducation nationale reprenne les
responsabilités qui étaient les siennes en matière d'enseignement français à
l'étranger avant la loi du 6 juillet 1990, qui a créé l'Agence pour
l'enseignement français à l'étranger. Nous savons que vous êtes d'accord sur ce
point, monsieur le ministre, et que M. le ministre des affaires étrangères
partage également ces vues.
M. Jacques Habert.
Très bien !
M. André Maman.
Toutes les difficultés que j'ai essayé de mettre en lumière tout au long de
cette brève intervention, et auxquelles un étudiant hexagonal a du mal à
échapper, se multiplient naturellement dès lors que vous êtes éloignés de la
France : les informations sont plus difficiles à recueillir, les communications
sont souvent hasardeuses et les démarches les plus simples deviennent
soudainement beaucoup plus complexes.
Aujourd'hui, pour un jeune bachelier expatrié, l'entrée dans une université
française s'apparente encore trop souvent à un véritable parcours du
combattant.
J'espère donc, monsieur le ministre, que nos jeunes expatriés ne seront pas
oubliés, et que la vaste politique d'information que j'appelais tout à l'heure
de mes voeux franchira la porte de tous nos établissements scolaires à
l'étranger, ainsi que celle de toutes nos ambassades.
(Applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Monsieur le ministre, je souhaite que nous nous mettions d'accord : la séance
sera suspendue vers dix-neuf heures trente pour être reprise à vingt et une
heures trente ; compte tenu de vos obligations et de celles de Mme Ségolène
Royal, comment envisagez-vous la suite de ce débat ?
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Tout d'abord, je demande à la représentation nationale de bien vouloir
m'excuser, mais - je vous dis les choses telles qu'elles sont - j'étais en
voyage ; on ne m'avait pas informé de la longueur de ce débat. Par ailleurs,
Mme Ségolène Royal a des problèmes de maladie d'enfants.
(Murmures sur
diverses travées.)
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
On comprend cela
!
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Avoir des femmes ministres présente de nombreux avantages, même si, de temps en
temps, il y a un petit problème.
Mme Hélène Luc.
C'est vrai !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
De ce fait, Mme Ségolène Royal n'a pas pu faire d'intervention liminaire. Pour
ma part, j'ai une obligation entre dix-huit heures trente et vingt heures. Je
peux donc soit revenir à vingt et une heures trente pour répondre aux orateurs,
soit répondre dès maintenant à une première série de questions - celles qui
viennent de m'être posées - Mme Ségolène Royal répondant aux autres questions
qui seront posées.
Je suis à votre disposition.
Encore une fois, croyez bien que je suis navré de cette situation.
M. le président.
Monsieur le président de la commission, quel est votre avis sur la question
?
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Je suis pris au
dépourvu autant que l'a été M. le ministre !
Monsieur le président, nos collègues apprécieraient, je crois, que le ministre
répondît, à la fin du débat, à l'ensemble des questions, d'autant que les
nombreux orateurs qui doivent encore s'exprimer auront sûrement d'autres
questions à lui poser.
S'il en a la possibilité - et il semble que ce soit le cas - je préfère donc
qu'il revienne et réponde à la reprise de la séance.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Il y a des questions que je n'aurai pas entendues !
M. Ivan Renar.
Mais vous avez des collaborateurs fidèles, dévoués et efficaces !
(Sourires.)
M. le président.
Le mieux est en effet - je reprends votre suggestion - que vous soyez informé,
monsieur le ministre, des questions qui auront été posées en votre absence et
que vous reveniez y répondre à vingt et une heures trente, Mme Ségolène Royal
vous remplaçant dans l'intervalle.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le ministre, permettez-moi de saluer votre initiative de venir devant
notre Haute Assemblée débattre d'un sujet qui, depuis de nombreuses années,
constitue un domaine prioritaire de notre pays : l'éducation.
A son époque, Michelet, traitant de la politique, a écrit : « Quelle est la
première partie de la politique ? L'éducation. La seconde ? L'éducation. Et la
troisième ? L'éducation. »
Tony Blair en a fait l'un des thèmes principaux de son action. Bill Clinton a
placé cette question au centre de ses préoccupations. C'est aussi la première
préoccupation de nos concitoyens.
Cette préoccupation, monsieur le ministre, c'est aussi la vôtre. C'est
également celle de notre assemblée, le président Monory l'a très souvent
rappelé.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire combien je suis d'accord avec
vous lorsque vous déclarez que notre système éducatif doit s'adapter au monde
moderne : « L'évolution vers plus de souplesse est aussi inévitable que le
démantèlement du régime soviétique », avez-vous dit. Ou bien : « Il n'est plus
possible de laisser la technostructure gérer. » Ou encore : « Le ministère ne
sera plus cogéré par les syndicats. »
Je suis également d'accord avec vous, monsieur le ministre, lorsque vous
souhaitez remettre « l'élève et l'étudiant au coeur de toutes les priorités »
ou lorsque vous affirmez la nécessité de réhabiliter une éducation civique « à
l'ancienne ».
J'adhère également à votre volonté de faire bénéficier les élèves d'une
éducation à l'orientation, de l'instillation de la technologie dans la plupart
des filières, d'une participation d'intervenants extérieurs et de la nécessaire
implication des familles.
Avec tout cela, monsieur le ministre, nous sommes d'accord.
Ma question est simple : quand et comment ? Je vous l'accorde, monsieur le
ministre, la réponse n'est ni évidente ni facile. Car, dans ce domaine, les
conservatismes sont pesants et les corporatismes de tous bords sont puissants.
Des propositions ou des réformes moins importantes que les vôtres sont
aujourd'hui tombées aux oubliettes de l'histoire. Nombre de vos prédécesseurs
ont été contraints de dire qu'il était « urgent d'attendre ».
Or, aujourd'hui, la situation des jeunes est telle qu'il est urgent d'agir.
Vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, 28 % des moins de
vingt-cinq ans ayant achevé leurs études ne trouvent pas d'emploi, contre 10 %
seulement, si j'ose m'exprimer ainsi, en Allemagne. En d'autres termes, c'est
comme si, tous les quatre ans, l'ensemble d'une promotion, ou d'une classe
d'âge, était condamné à pousser la porte de l'ANPE.
Ce constat est d'autant plus intolérable que, depuis 1975, les crédits de
l'éducation nationale ont doublé en francs constants : ils représentent cette
année le quart du budget de l'Etat.
La dépense globale d'éducation, qui additionne le budget de l'Etat, celui des
collectivités locales et les dépenses des entreprises et des familles,
s'élevait à 445 milliards de francs en 1990, pour atteindre 588 milliards de
francs en 1995, soit une augmentation de près de 150 milliards de francs,
essentiellement dévolue à la revalorisation des salaires des enseignants.
Notre pays, je l'ai déjà dit maintes fois à cette tribune, consacre plus de 10
000 francs par an et par habitant à l'éducation de ses enfants. Nous sommes
au-dessus de la moyenne européenne. Autrement dit, plus qu'un défaut de moyens,
c'est une mauvaise utilisation de ceux-ci qui est en cause.
C'est d'ailleurs l'avis de nos concitoyens. Un sondage CSA révèle ainsi que 52
% des Français pensent que les difficultés que connaît notre système éducatif
sont dues à une mauvaise utilisation des moyens actuels, contre 34 % qui les
attribuent à un manque de moyens. Ils estiment dans la même proportion que,
dans l'ensemble, la qualité du système éducatif s'est plutôt détériorée.
Monsieur le ministre, 10 milliards ou 20 milliards de francs de plus ne
changeront pas fondamentalement les choses.
Vous le savez comme moi, le véritable problème est ailleurs : il est dans
l'hypercentralisation d'un système conçu pour 40 000 fonctionnaires et qui en
compte aujourd'hui plus de 1 400 000.
Ce système, dans lequel la décision est prise souvent trop loin de l'action,
est aujourd'hui englué dans des procédures et des cloisonnements
bureaucratiques sources de dysfonctionnements et de gabegies.
Le poids des corporatismes et la peur qu'ont ceux-ci de perdre leurs
prérogatives sont un obstacle à la déconcentration, comme ils sont un frein aux
réformes les plus évidentes ; votre prédécesseur en a fait l'expérience.
Et pourtant, ces réformes sont urgentes, car, si j'ai abordé la sortie du
système, la situation est la même tout au long du cursus. Chaque cycle n'a
souvent comme mission que de pallier les insuffisances du précédent.
Pour les raisons que j'ai évoquées, mais aussi pour d'autres, le système
éducatif n'a pas su, ou n'a pas pu s'adapter à une population scolaire
terriblement hétérogène. Ces propos sont confirmés par le rapport Fauroux, qui
lance un véritable cri d'alarme : un enfant sur sept qui entrent en sixième ne
sait pas lire et un sur quatre ne compte pas correctement ; un élève sur dix se
trouvera en situation d'échec scolaire majeur.
« L'école primaire les a maintenus en survie sans vraiment parvenir à les
remettre à niveau. Le collège les achève », tels sont les propos qu'a tenus
Alain Bentolila dans son excellent article sur le long couloir de
l'illettrisme. Et d'ajouter : « Lorsqu'ils sortent de ce couloir où ils n'ont
appris que la frustration, la rancune et le repliement, ils sont promis au
ghetto et à l'enfermement linguistique. Ils ont déjà renoncé à exercer ce
pouvoir propre à l'humain de transformer, quelque peu que ce soit, les autres
et soi-même par l'exercice pacifique de la langue orale ou écrite. »
Comment s'étonner d'une telle situation lorsque l'on sait que la plupart des
postes situés en ZEP sont dévolus à de jeunes maîtres sans expérience ?
Couloir de l'exclusion pour 15 %, couloir de la frustration pour 25 %
d'autres, qui, au terme de quinze ou vingt années d'études, sont confrontés à
l'angoisse du chômage : notre école de la République, qui pose pour principe
l'égalité des chances, s'éloigne chaque jour davantage de son objectif.
Cependant, il serait fallacieux et malhonnête de mettre au banc des accusés le
seul système éducatif. En effet, s'il est décrié à l'intérieur de l'Hexagone,
il est aussi envié par nombre de pays. Les Français reconnaissent à plus de 70
% que nos enseignants sont compétents, aiment leur métier, savent expliquer et
éveiller la curiosité des élèves. Ils leur reprochent, en revanche, leur manque
d'ouverture sur le monde extérieur, en particulier sur le monde de
l'entreprise. Mais est-ce vraiment leur faute ? Pour partie peut-être. Mais la
responsabilité est partagée. Trop longtemps, durant la période de croissance à
deux chiffres, l'entreprise s'est totalement désintéressée de la formation,
fut-elle professionnelle.
L'embauche était sa préoccupation majeure. La crise économique a totalement
inversé les choses. L'offre de formation est aujourd'hui largement
surabondante, ou mal adaptée. En fait, cette inadéquation est sous-tendue par
un problème culturel. Nous sommes dans une société qui ne reconnaît qu'une
forme d'intelligence : celle qui résulte des disciplines abstraites, oubliant
l'autre forme qu'est l'intelligence de la main, de l'acte.
Et pourtant, si notre longue histoire a retenu le nom de ses grands savants,
de ses grands mathématiciens et autres philosophes, elle est tout aussi fière
de ses grands architectes, jardiniers et ébénistes.
Cette attitude a conduit l'enseignement technique, l'enseignement
professionnel et l'apprentissage à être considérés comme les voies de l'échec,
tandis que, dans le même temps, d'autres pays nous montraient qu'ils pouvaient
être celles de la réussite.
Vous avez entièrement raison, monsieur le ministre, d'affirmer qu'une
formation professionnelle sans culture générale, c'est le désastre et
inversement.
Aujourd'hui, très souvent, ceux qui condamnaient les filières professionnelles
ou l'apprentissage les parent désormais de toutes les vertus. Je me méfie de
ces beaux penseurs. Leurs discours créent des modes, dans lesquelles le
politique et l'administration s'engouffrent, légifèrent et décrètent sans
discernement.
Or, ce n'est pas seulement par la loi, par décret, par circulaire que la
situation s'améliorera. Il faudra une volonté commune de toute mettre en oeuvre
pour que notre système éducatif puisse remplir sa mission, qui est d'intégrer
simultanément une réponse aux besoins des jeunes, aux exigences de notre
économie et aux contraintes de l'aménagement du territoire. C'est bien parce
qu'à un moment ou à un autre nous avons omis l'une ou l'autre des réponses, que
le système a dérivé.
Il est clair que la situation actuelle du système éducatif ne permet pas
d'aller dans cette voie. Cette réponse ne peut résulter que d'un projet, d'une
réforme, fondés sur le partenariat, la proximité, l'autonomie,
l'expérimentation.
L'Etat conserverait sa fonction régalienne de définition du projet
pédagogique. Il définirait les règles de gestion du personnel dans lesquels le
poids de l'ancienneté ne serait plus le critère premier pour l'avancement ou le
mouvement.
Le système actuel est, en effet, peu incitatif pour les plus méritants. L'avis
du chef d'établissement est souvent contesté. Le mouvement des enseignants ne
devrait-il pas être déconcentré à un niveau plus proche ? A ce sujet, nous
attendons avec intérêt le rapport que vous avez confié à Claude Pair, monsieur
le ministre.
Dans le même temps, l'Etat devrait abandonner un certain nombre de fonctions
périphériques en concluant des partenariats avec les collectivités locales. La
restauration, l'hébergement, l'entretien nécessitent du personnel et, malgré
l'effort fait par votre prédécesseur en 1996, les dotations en personnel ATOS
sont souvent déficitaires dans de nombreux établissements.
Je ne parle pas des universités, où la moyenne est bien inférieure aux
critères de San Remo. Pourquoi ne pas imaginer d'autres possiblités et ouvrir
des territoires d'expérimentation, même dans le domaine pédagogique ?
La diversité des situations et la nécessité de réagir face aux réalités
montrent les limites de la solution unique et le bien-fondé des mesures
contractuelles prises le plus près possible du besoin. Nous avons fait cette
expérience en Rhône-Alpe avec Charles Millon, à travers le « permis de réussir
» que nous avons initié en 1990.
L'objectif de cette initiative était d'offrir aux jeunes Rhône-Alpins autre
chose que l'alternative : le lycée ou la rue. Nous avons mis en place avec les
établissements des mesures de soutien scolaire, d'orientation, d'ouverture sur
le monde extérieur. Ces mesures sont amplifiées aujourd'hui par le plan
régional de développement des formations professionnelles des jeunes.
Je me garderai bien de tirer des relations de causes à effets trop directes.
Toutefois, force est de constater que, dans notre région, le recrutement dans
les lycées professionnels et dans les CFA connaît une recrudescence et que,
dans le même temps, le chômage des jeunes a diminué de 11,5 % d'une année sur
l'autre.
L'orientation devrait être une véritable priorité et non pas, comme à l'heure
actuelle, un moment réservé pour ceux qui sont en difficulté. Soixante-huit
pour cent des Français estiment que le système d'orientation n'est pas
satisfaisant, regrettant l'absence de contacts avec les entreprises et la
manque de conseillers d'orientation.
L'orientation relève d'abord de la responsabilité de la famille. Elle est
ensuite celle de l'instituteur, puis celle du professeur principal en collège
ou en lycée, enfin celle des professeurs d'université. Trente-huit pour cent
des jeunes de niveau Bac + 6 déclarent ne pas avoir de projet professionnel.
Mieux vaudrait pour le jeune une insertion plus rapide dans la vie
professionnelle et l'assurance de pouvoir revenir en formation s'il le
souhaite. Peut-être serait-il souhaitable que l'évolution de la carrière des
universitaires tienne autant compte de leur volonté d'ouvrir les étudiants sur
le monde extérieur que du nombre de leurs publications.
Les conseillers d'orientation ne peuvent être que des chefs d'orchestre entre
le jeune, l'entreprise et l'établissement. Il faut ouvrir l'école à d'autres
compétences, très souvent bénévoles, qui ne demandent qu'à s'exprimer.
En matière de connaissance des métiers, amplifions les partenariats avec les
professions, les chambres consulaires. Pourquoi ne pas demander aux retraités
ou préretraités de venir témoigner de leur expérience, de toute une vie
professionnelle ? Au-delà de leur expérience professionnelle, ils apporteraient
l'expérience de la vie, celle des aînés, des grands-parents, jouant un rôle
important pour le jeune qui, aujourd'hui, fait cruellement défaut. Leur absence
est souvent à l'origine des nombreux problèmes sociaux que nous connaissons.
Pourquoi, dans le domaine de la solidarité et des actions humanitaires, ne pas
s'appuyer davantage sur les ONG ?
Pourquoi, en matière de gestion de la cité, ne pas engager un partenariat avec
l'association des maires de France ?
Tout cela pourrait être mis en place sous l'égide des CIO, les centres
d'information et d'orientation, et des professeurs principaux, ces actions
étant ouvertes aux familles.
N'est-ce pas finalement cela, la pédagogie ?
En effet, monsieur le ministre, par-delà la frilosité des jeunes, leur
attitude de repli, leur angoisse compréhensible vis-à-vis de l'avenir, se cache
un mal plus profond que, jour après jour, nous leur transmettons : le défaut,
voire l'absence de civisme.
Le civisme, ce n'est pas la peur d'entreprendre par peur de l'échec ; ce n'est
pas la seule défense des droits acquis ; c'est le devoir de se remettre en
cause. Ce n'est pas le repli derrière l'égoïsme ; c'est l'ouverture vers
l'autre. Ce n'est pas accepter les réformes à condition qu'elles ne touchent
que le voisin. Tout cela n'est pas inné ; cela s'apprend, s'enseigne et se
comprend. Monsieur le ministre, c'est cela la véritable dimension pédagogique à
laquelle notre système éducatif doit répondre, aux côtés de la famille.
La loi, certes, permet des expériences et des initiatives. Comme je l'ai dit,
ce n'est pas la modification du cadre législatif seul qui fera avancer les
choses. Cependant, en référence au PRDF, issu de la loi quinquennale, il me
semble souhaitable que cette indispensable et urgente réforme fasse l'objet
d'une loi-cadre qui fixe les grands axes et laisse aux partenaires et aux
acteurs locaux le choix de la méthode.
Monsieur le ministre, l'emploi est la première préoccupation de nos jeunes.
Ils attendent que l'éducation et la formation qui leur sont dispensés leur
permettent d'obtenir ce premier passeport pour entrer dans le monde
professionnel. Comme je l'ai dit à cette tribune voilà quelques jours, la
première feuille de paie est aujourd'hui un signe de reconnaissance et de
dignité.
Cette dignité, 15 % des exclus très tôt ne l'auront peut-être jamais. Ils
seront révoltés. Cette dignité, 28 % des jeunes garçons ou jeunes filles qui
ont fait des études longues, peut-être trop longues, auront beaucoup de
difficultés à l'obtenir. Il seront aigris et frustrés.
Dans les deux cas, les parents ne nous le pardonneront pas, car si
l'éducation, avant d'être de la responsabilité de l'institution, des
professeurs, est d'abord celle des parents, la complexité du système éducatif,
celle des parcours de formation donnent certaines excuses aux familles.
A l'heure où les familles sont inquiètes et manifestent leur inquiétude, à
l'heure où le Gouvernement décrète des mesures en faveur de l'emploi, imposant
la réduction du temps de travail aux entreprises, fixant même des délais,
personne ne comprendrait que le Gouvernement n'ait pas la volonté d'engager la
réforme d'un système éducatif qui conduit un jeune sur quatre, au terme de ses
études, à pousser la porte de l'ANPE.
Il serait aberrant que, d'un côté, on impose et, de l'autre, on hésite, on
recule, face à ceux qui veulent camper sur leurs acquis ou leurs prérogatives.
Qu'ils n'oublient pas d'ailleurs que leur existence - je ne dis pas leur
mission - n'a de réalité que celle que leur donne le contribuable, c'est-à-dire
le citoyen.
C'est sur cette volonté, sur cet engagement, sur ces délais, sur
l'indispensable maîtrise des dépenses que mon groupe et moi-même fonderons
notre jugement.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Monsieur le ministre, vous n'en serez pas étonné, je préfère, moi, un ministre
qui fait ce qu'il dit et qui a un bon budget à un ministre qui promet beaucoup
et qui ne tient pas ses promesses !
M. André Maman.
Des noms !
(Sourires.)
M. Jean-Louis Carrère.
Nous verrons bien si vous tenez les vôtres !
(Eh oui ! sur les travées du
RPR.)
Ce débat pré-budgétaire me donne l'occasion d'évoquer les nombreuses avancées
enregistrées au sein du secteur de l'éducation depuis votre arrivée aux
commandes de ce ministère.
L'enseignement fait aujourd'hui peau neuve. On assiste à des améliorations
tant dans le système lui-même que dans l'organisation de l'administration et du
travail enseignant ou encore dans l'ouverture du système scolaire et
universitaire sur le monde extérieur.
L'enseignement est amélioré, à mon sens, de deux façons : grâce à un
engagement de l'Etat pour plus d'équité sociale, d'une part, par la mise en
oeuvre de différentes réformes des enseignements et des structures, d'autre
part.
Depuis le mois de juin, de nouvelles mesures sont, chaque jour, prises ou
annoncées ; elles vont dans le sens de plus de justice sociale et favorisent
l'égalité au sein de la communauté éducative.
Ainsi, à peine arrivé rue de Grenelle, vous avez pris toute une série de
mesures effectives dès la rentrée scolaire.
Dans les premier et second degrés, nombre de décisions sont prises afin de
permettre aux enfants issus de milieux défavorisés de poursuivre leurs études
dans des conditions décentes.
L'allocation de rentrée scolaire a été substantiellement revalorisée et
s'élève, cette année, à 1 600 francs ; il faut dire que la baisse à laquelle
avait procédé le gouvernement de M. le maire de Bordeaux était tout simplement
scandaleuse : en un an, cette allocation était passée de 1 500 francs à 1 000
francs, soit une amputation d'un tiers de son montant ! Il est aisé d'imaginer
le désarroi des familles surtout lorsque l'on se souvient que cette baisse de
crédits avait été accompagnée d'une réforme du mode de gestion de l'aide à la
scolarité.
A ce propos, je m'interrogeais sur la pertinence du maintien du système de
gestion réformée de cette aide. Ne trouveriez-vous pas opportun, monsieur le
ministre, de revenir à l'ancien système qui permettait d'éviter bien des
désillusions aux familles ?
Cette réserve n'enlève rien au caractère extrêment positif de la
revalorisation de l'allocation de rentrée scolaire à laquelle vous avez procédé
si rapidement.
J'ose espérer, d'ailleurs, que les mousquetaires de la famille, qui, dans cet
hémicycle, mènent charge sur charge à l'encontre du Gouvernement, apprécieront
cette mesure à sa juste valeur.
La deuxième avancée à saluer en tant que progrès social est l'instauration
d'un fonds social pour les cantines scolaires : vous avez réussi, monsieur le
ministre, grâce au décret d'avance du 10 juillet dernier, à dégager 290
millions de francs pour la création d'un tel fonds, dont le montant global sera
réparti, si j'ai bien compris, entre les établissements de second degré en
fonction de la situation sociale des élèves de ces établissements, à charge
pour ces derniers de fixer eux-mêmes les critères d'attribution des aides en
fonction des besoins.
Je crois qu'une telle mesure n'est pas loin de faire l'unanimité ; il faut
reconnaître qu'elle s'imposait compte tenu de la désaffection de plus en plus
fréquente des cantines par les enfants issus de familles n'ayant plus les
moyens de régler les frais de demi-pension.
Ce phénomène, que nous avions été nombreux à dénoncer sur les travées
socialistes, mais aussi communistes - que de fois j'ai entendu Mme Luc aborder
ce sujet au cours des derniers mois ! - s'était encore accru à la suite de la
baisse de l'ARS et de la réforme du mode de gestion de l'aide à la scolarité
dont je viens de parler.
Je souhaite de tout coeur que ce fonds soit à même de régler les très nombreux
problèmes de malnutrition souvent constatés chez des enfants scolarisés et je
vous saurais gré, monsieur le ministre - mais cette requête concerne surtout
Mme Royal - de bien vouloir me fournir des informations, si vous en disposez,
sur la répartition de ce fonds et sur l'efficacité de ce dispositif pour lutter
contre ce qui pourrait devenir le nouveau fléau du vingt et unième siècle : la
malnutrition d'enfants dans un pays développé, du fait de la désaffection des
cantines scolaires.
Autre grande avancée sur le plan social en milieu scolaire : la relance des
ZEP, promise par Lionel Jospin lors de la campagne pour les élections
législatives, aux mois de mai et juin derniers.
Je vous félicite de la rapidité avec laquelle vous procédez à cette relance.
Le rapport que vous ont remis deux inspecteurs généraux, Mme Moisan et M. Simon
nous donne déjà une idée de l'orientation des nouvelles ZEP, d'autant que vous
avez annoncé la tenue rapide d'assises sur ce sujet afin que la relance de ces
zones aux caractéristiques et missions spécifiques soit effective dès la
rentrée prochaine.
Tout donne à penser, que ce soit à travers vos propos ou dans les conclusions
du rapport, que la plupart des points d'interrogation quant à l'avenir des ZEP
trouveront une réponse adaptée.
Vous nous confirmerez, sans doute, que seront réglés les problèmes de
scolarisation précoce - j'ai bien noté que Mme Royal préconisait un plan de
rattrapage pour la scolarisation à deux ans, ainsi que différentes mesures pour
améliorer l'accueil des tout-petits - que les définitions de ZEP s'effectueront
dans le cadre d'établissements à dimension humaine - les expériences passées
ont démontré que les ZEP géantes étaient celles qui enregistraient les
résultats les moins bons - que les relations entre les familles et
l'environnement seront améliorées, comme le préconisent les auteurs du rapport,
et que les équipes pédagogiques bénéficieront de la reconnaissance et du
soutien nécessaires à de telles missions. On n'insistera jamais assez sur les
conditions très difficiles d'enseignement dans ces quartiers.
A cet égard, je remercie M. le président de la commission des affaires
culturelles d'avoir fait référence à la visite qu'a effectuée la commission
dans une cité, la semaine dernière.
Je pense qu'ainsi les ZEP réussiront à relever le défi qui a toujours été le
leur et qu'ont sans cesse, depuis qu'elles ont été créées, revendiqué, entre
autres, les socialistes : donner plus à ceux qui ont moins. Bien entendu, les
moyens budgétaires devront suivre, et j'espère qu'au cours des prochaines
années l'éducation nationale bénéficiera d'un aussi bon traitement qu'en
1998.
Beaucoup sera donc fait pour les premier et second degrés, pour améliorer les
conditions de vie à l'école. Mais l'enseignement supérieur a également des
besoins énormes en la matière.
J'ai bien noté que la rentrée universitaire de cette année se plaçait sous le
signe d'une augmentation des moyens destinés à l'aide sociale : les aides
directes ont été augmentées ; le nombre des logements a doublé et celui des
restaurants universitaires a triplé.
Cependant, monsieur le ministre, nombreux sont ceux, et j'en suis, qui
attendent l'élaboration d'un plan social étudiant. Cent fois annoncé par vos
récents prédécesseurs, un tel plan n'a jamais vu le jour.
Vous nous annoncez enfin un projet de loi posant les bases de ce plan, sans
doute pour le printemps prochain, période où le calendrier législatif et
électoral est déjà bien chargé. Il convient d'être vigilant si l'on veut que ce
plan soit effectif à la rentrée prochaine.
Les revendications syndicales portent sur un réel statut social de l'étudiant
et l'octroi d'une allocation d'études lui offrant une réelle autonomie ainsi
qu'une indépendance familiale et sociale.
J'ai cru comprendre que, pour votre part, monsieur le ministre, vous seriez
plutôt favorable à une aide différenciée en fonction des critères sociaux et
fondée sur les résultats des élèves. Je sais qu'une table ronde s'est récemment
réunie pour faire le point sur ce sujet. Je souhaiterais néanmoins que les
parlementaires puissent être associés à l'élaboration du projet de loi.
Une telle concertation serait bénéfique pour toutes les parties concernées. En
outre, elle ne peut qu'améliorer le débat démocratique entre l'exécutif et le
législatif. Nous vous avons demandé cette concertation lors de votre audition
par la commission des affaires culturelles, et je vous remercie d'avoir donné
votre accord à la commission pour qu'elle puisse entendre M. Goy et son équipe,
qui sont chargés de ce travail.
Je viens de montrer combien l'enseignement est amélioré grâce à de meilleures
aides sociales. Je souhaite insister maintenant sur les actions, en cours ou à
venir, tendant à moderniser l'école et l'université, tant dans leurs structures
qu'au regard du contenu des enseignements.
Cette modernité se traduit de différentes manières dans les réformes dont vous
prenez l'initiative.
Pour ce qui a trait au secteur scolaire, je reviendrai un instant sur la
volonté que vous affichez quant à la généralisation du recours aux nouvelles
technologies dans l'enseignement.
Vous avez souhaité qu'à terme chaque classe soit équipée d'un ordinateur et
que tous les établissements soient connectés à Internet. Je sais que plusieurs
sociétés ont d'ores et déjà répondu aux appels d'offres pour l'équipement et
qu'une table ronde s'est tenue à ce sujet. J'aimerais cependant que vous
m'apportiez des précisions sur le financement d'une opération d'une telle
envergure, car les chiffres les plus divers ont été évoqués concernant le coût
du projet, et que vous m'indiquiez l'état d'avancement de ce projet. Un
calendrier prévisionnel de mise en oeuvre a-t-il déjà été arrêté ?
La modernisation du système passe aussi par la réforme des enseignements. Vos
projets en la matière me semblent nombreux, monsieur le ministre. Ils
concernent, en premier lieu, l'enseignement supérieur.
Vous avez fait savoir que vous renonciez à créer la filière technologique
supérieure que souhaitait votre prédécesseur, car vous estimez que cela
engendrerait un enseignement supérieur à deux vitesses, à l'instar de ce qui
existe dans le secondaire.
J'ai cependant cru compendre que vous souhaitiez améliorer les formations
techniques supérieures puisque vous avez chargé M. Decomps d'une mission sur le
rapprochement entre IUT et STS et confié à M. Boucly une autre mission pour
relancer la formation en alternance, type de formation pour laquelle vous
nourrissez de grands projets, je crois, notamment en liaison étroite avec les
universités. Pour tout ce qui concerne ces sujets, je ne saurais trop insister
sur l'excellence des travaux - et je ne dis pas cela parce que j'y ai
participé, monsieur le ministre !
(Sourires) -
menés voilà quelques mois
par la commission des affaires culturelles du Sénat, travaux qui ont abouti à
un rapport sur les premiers cycles universitaires et la filière
technologique.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Merci de cet
hommage, monsieur Carrère !
(Nouveaux sourires.)
M. Jean-Louis Carrère.
Monsieur le ministre, permettez-moi, une nouvelle fois - je connais les vertus
de la répétition ! -, de vous en recommander vivement la lecture.
La modernité passe d'abord par des programmes bien adaptés aux étudiants, et
vous l'avez très bien compris. Vous prévoyez une réforme des programmes dans le
secondaire visant à les alléger et à simplifier le contenu des manuels
scolaires. Tiendrez-vous compte des propositions du Conseil national des
programmes, qui a déjà rédigé un ouvrage de référence sur l'enseignement des
sciences, discipline pour laquelle vous avez une faiblesse toute particulière
?
J'espère que vous nous ferez part de vos projets sur ces questions, et je me
réjouis de ce que vous rompiez avec la politique de certains de vos
prédécesseurs, qui n'ont eu de cesse de vouloir laisser leur empreinte en
introduisant de nouvelles disciplines dans les cursus, au mépris des capacités
cognitives des enfants.
Des réformes sont également à l'ordre du jour dans le supérieur puisque, en
collaboration avec le secrétaire d'Etat à la santé, vous préparez, je crois,
une réforme des études de médecine. Je ne sais pas, à ce propos, si le rapport
commandé par votre prédécesseur à plusieurs professeurs de médecine a été
publié et si vous comptez reprendre certaines des propositions qu'il contient.
J'ai cru comprendre que l'une des mesures qui pourrait être retenue aurait pour
effet de revenir sur la sélection par l'échec des médecins généralistes, ce
dont je ne peux que me réjouir puisqu'ils constituent le pivot de notre système
de santé.
Enfin, je note avec satisfaction que les structures seront elles aussi
modernisées. Le plan Université 2000 fut l'une des grandes réussites de M.
Lionel Jospin et, je le rappelle à ceux qui l'ignoreraient - mais personne ne
l'ignore ! -, vous y avez largement contribué : c'était, d'une certaine façon,
votre enfant ! Il est malheureusement tombé aux oubliettes, pour raisons
budgétaires.
Les engagements de l'Etat ont été, ici où là, malmenés. Vous connaissez le
sort de l'école supérieure du bois de Saint-Paul-lès-Dax : rayée des cadres !
La signature de l'Etat et celle des collectivités locales n'ont pas été
honorées.
Aujourd'hui, vous annoncez le lancement de « U3 M », l'Université du troisième
millénaire, « soeur cadette » du plan Université 2000 et des contrats de plan.
J'ai noté qu'un milliard de francs supplémentaires seront dégagés pour la mise
en oeuvre de ce nouveau schéma. Je sais que le plan concernera, pour une grande
part, le centre de Jussieu et son opération de désamiantage. J'espère cependant
que les établissements de province, souvent encore dans un état critique, ne
seront pas pour autant oubliés et, surtout, que vous disposerez des moyens vous
permettant d'engager un réel partenariat avec les autres niveaux de
collectivité. En disant cela, je pense en particulier au campus universitaire
de Bordeaux, mais il y en a d'autres !
J'en ai terminé avec le premier point que je voulais aborder : l'enseignement
amélioré socialement et modernisé.
J'aborderai maintenant la question de l'administration, des enseignants et des
autres personnels de l'éducation nationale.
Grâce aux réformes auxquelles vous procédez et à la politique que vous menez,
nous voyons cette administration renforcée, responsabilisée et rénovée.
Je suis d'ailleurs un peu surpris en découvrant dans un hebdomadaire que des
hauts fonctionnaires d'une institution respectable écrivent qu'il y a des
centaines de milliers de fonctionnaires de trop, mais sans préciser où. Est-ce
dans l'éducation nationale ? S'agit-il de personnels ATOS ou IATOS ? Est-ce
dans la santé ? Dans la police ? Ou à Bercy ?
Je vous laisse le soin de répondre, mais je ne crois pas, compte tenu des
chiffres que vous avez cités devant la commission des affaires culturelles,
que, par rapport à d'autres pays très souvent cités en exemple, il y ait trop
de fonctionnaires dans l'éducation nationale en France. Peut-être pourrez-vous
rappeler ces chiffres particulièrement éclairants devant l'ensemble du
Sénat.
Administration renforcée, ai-je dit. Tout d'abord, des moyens supplémentaires
substantiels vous permettent, monsieur le ministre, d'honorer très rapidement
de nombreux engagements pris lors de la campagne des élections législatives.
Des personnels de toutes catégories sont embauchés et des classes rouvertes.
J'évoquerai d'abord les maîtres auxiliaires, pour me réjouir d'emblée du sort
heureux qui leur est enfin réservé.
A cet égard, chers collègues de la majorité sénatoriale, convenez avec nous
que ce qui était impossible hier, est devenu possible aujourd'hui, alors que,
depuis de nombreuses années, nous expliquions en vain qu'une transformation des
heures supplémentaires pouvait permettre d'embaucher ces maîtres
auxiliaires.
La méthode semble faire l'unanimité. La souplesse que vous avez mise dans la
finalité de leur embauche permet de penser que toute erreur grave pourra être
réparée.
Monsieur le ministre, madame la ministre - je salue votre arrivée dans cet
hémicycle, madame la ministre -, ne recréez surtout pas des catégories de
personnels enseignants non titulaires, fût-ce pour pallier une absence de
création de poste ou une carence budgétaire. J'espère d'ailleurs que vous
n'aurez pas à pallier de telles carences.
Toujours en ce qui concerne l'administration renforcée, une autre avancée est
réalisée, surtout en termes de lutte contre le chômage : la création de très
nombreux emplois-jeunes.
Ceux qui, ici, au Sénat, se sont exprimés avec force, comme on pouvait s'y
attendre, contre ces emplois-jeunes - ceux de l'éducation nationale et les
autres -, je les côtoie aussi dans les régions, où ils sont les premiers à dire
: « On va aider, on va faire quelque chose ! » S'il le faut, chers collègues,
je donnerai des noms, j'apporterai des comptes rendus !
Soyons sérieux ! Ces emplois-jeunes correspondent à un besoin. Il y a une
intelligence dans leur mise en oeuvre. Faisons tous et toutes en sorte que
cette mise en oeuvre se fasse dans de bonnes conditions.
Vous prévoyez 40 000 emplois-jeunes dans l'éducation nationale dès la rentrée
et, à terme, 70 000. Les promesses sont honorées, et le succès de l'opération
démontre que les emplois proposés correspondent réellement aux attentes des
jeunes.
J'ai eu vent, monsieur le ministre, madame la ministre, de l'arrivée des
premiers de ces jeunes dans les établissements. Il me semble que tout s'y
déroule pour le mieux et que les jeunes « aides éducateurs » s'intègrent, dans
l'ensemble, sans problème.
Je souhaite que l'ensemble de cette opération constitue une réussite tant en
termes de lutte durable contre le chômage que dans la perspective du
renforcement du personnel au sein des établissements. J'espère que cette
expérience constituera aussi, pour les jeunes concernés, un véritable tremplin
vers le monde du travail et que la formation continue dont ils bénéficieront
pendant ces années sera adaptée aux exigences de qualification auxquelles ils
devront satisfaire dans la suite de leur carrière.
Participent également à ce renforcement les quelque 800 réouvertures de
classes opérées à l'école primaire. Il s'agit là d'une réelle gageure quand on
se souvient que, voilà un an, votre prédécesseur prévoyait la fermeture de 2
000 de ces classes ! Ces réouvertures vont de pair avec votre souci affiché
d'atteindre l'objectif a « pas une classe sans enseignant », un objectif que
vous revendiquez, monsieur le ministre, et qui fait l'objet d'une table ronde
dont vous avez confié la présidence au recteur de l'académie de Nantes.
Peut-être pourrez-vous nous apporter des précisions sur les axes de travaux de
cette table ronde.
Pour ce qui a trait au supérieur, je note avec satisfaction que vous avez
décidé de renforcer le taux d'encadrement à l'université et que vous vous êtes
fixé comme but de parvenir, à terme, à un rapport de quinze étudiants pour un
enseignant.
Vous améliorez, dès cette année, le taux, qui était de 21,1 en 1997 et sera de
20,2 en 1998. Nous allons donc dans la bonne direction ! Il faut dire que les
besoins des universités françaises en la matière étaient criants. Mais
attention au déficit, encore réel et déjà cité par mon prédécesseur à cette
tribune, en personnels IATOS et ATOS, particulièrement sensible dans certaines
zones.
Cette administration renforcée va, grâce à vous, madame le ministre, monsieur
le ministre, se voir attribuer de nouvelles responsabilités, qui incomberont
aux enseignants mais également à l'ensemble des autorités de l'administration
centrale, les responsabilités des uns et des autres étant dans le même temps
clarifiées et partagées.
La première avancée positive à ce sujet concerne la réglementation édictée,
dans les meilleurs délais, par les soins de Mme le ministre, pour lutter contre
la pédophilie : dès le 4 septembre dernier était adressée aux chefs
d'établissement une circulaire leur donnant obligation de signaler au procureur
de la République les cas constatés dans leur établissement, sous peine d'amende
ou de peines de prison. Différentes procédures, administratives pour les
enseignants et disciplinaires pour les élèves ayant établi de fausses
déclarations, ont aussi été prévues.
Espérons que ces dispositions permettront de retrouver un peu de sérénité pour
faire face à des situations qui peuvent avoir des conséquences dramatiques pour
toutes les parties concernées, élèves, familles et enseignants !
Contre la violence à l'école, il me semble que les choses évoluent également
de façon extrêmement positive. Le plan que vous êtes en train de mettre en
place implique aussi le ministre de l'intérieur. On parle d'une éventuelle
relance, ciblée aussi en fonction des besoins des établissements, du plan
Vigipirate.
L'ampleur du phénomène de la violence est telle qu'il empêche certains
établissements scolaires de fonctionner normalement. Il n'est pas récent : l'an
dernier, votre prédécesseur avait déjà « pondu » - pardonnez l'expression - une
circulaire de vingt-sept pages sur ce sujet. Son efficacité semble, c'est le
moins que l'on puisse dire, avoir été très relative. Je reste néanmoins
prudent. Un bilan a-t-il été dressé ? A ma connnaissance, non. A t-il été
publié par vos services ou peut-il l'être, madame le ministre ?
Il ne s'agit pas de polémiquer, mais d'améliorer les choses.
L'étendue du problème, il faut le reconnaître, est vaste : la violence peut
être tant verbale que physique ; elle peut concerner tant les élèves que le
personnel des établissements scolaires et elle peut être le fait d'acteurs
internes ou extérieurs à l'établissement concerné.
Aussi les solutions retenues doivent-elles l'être au cas par cas et
seront-elles multiples : elles devront, en tout état de cause, tendre à
rassembler en synergie les différentes autorités compétentes concernées par ces
problèmes et prévoir une formation
ad hoc
des enseignants et personnels
des établissements scolaires, qui n'ont, comme le rappelait tout à l'heure M.
le président de la commission, jamais été confrontés à de telles situations.
Vous devez d'ici à quelques jours, madame le ministre, dévoiler votre plan
contre la violence : peut-être accepterez-vous d'en dire d'ores et déjà
quelques mots aux élus de la Haute Assemblée ?
Vous tentez aussi, à l'occasion de cette rentrée scolaire, de trouver enfin
une solution pour lutter contre le bizutage.
Très nombreux sont les textes qui, depuis le début du siècle, ont visé à
mettre fin à cette pratique qui, si elle peut revêtir l'aspect d'un canular de
potache, prend parfois des allures de séance initiatique digne de la pire des
sectes. L'arsenal législatif en vigueur aujourd'hui semble être inefficace pour
enrayer ce qui peut être un fléau.
Je comprends donc votre embarras, madame le ministre, quant à la meilleure
manière de régler de façon radicale et définitive ce problème crucial et
persistant.
Souhaitons que le projet de loi que nous examinerons la semaine prochaine et
qui ne concerne d'ailleurs pas uniquement le secteur de l'enseignement, a
instauré un dispositif susceptible d'enrayer une fois pour toute cette
pratique. Mais je laisse aux éminents juristes de mon groupe le soin de vous
exposer, dans une semaine, leurs remarques sur la portée effective des mesures
que contient votre projet.
M. Ivan Renar.
Il faut tenir bon !
M. Jean-Louis Carrère.
Une chose est certaine : les abus générés par la pratique du bizutage
préoccupent tout le monde et il est urgent de trouver une solution.
M. Claude Estier.
Très bien !
M. Jean-Louis Carrère.
Enfin, autre point positif, la réglementation des sorties scolaires oeuvre
elle aussi en faveur de la clarification des responsabilités des différents
acteurs de l'enseignement. Sur ce point encore, madame le ministre, je vous
félicite de votre rapidité à réglementer. C'était absolument nécessaire.
Personne ne souhaite en effet que des drames comme celui de la vallée du Drac
se reproduisent. Nous savons tous cependant qu'il nous faut rester modestes,
car des dispositions législatives ne sauraient régler tous les problèmes.
J'attire en outre votre attention, madame le ministre, sur la complexité de la
mise en oeuvre de certaines modalités, qui pourrait nuire à l'ensemble du
dispositif.
Les différentes dispositions dont je viens de parler et qui concourent à une
plus grande responsabilisation de l'administration pour une plus grande
sécurité de l'ensemble des partenaires de la communauté scolaire s'inscrivent
dans le cadre du projet de rénovation que vous nourrissez pour l'administration
de l'éducation nationale.
A cet égard, il m'amuse un peu de voir certains se faire les défenseurs de ce
qui autrefois les choquait ! J'ai été longtemps enseignant et ce ne sont pas
les déclarations tonitruantes de quelque ministre que ce soit qui m'ont jamais
empêché de dormir !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Vous êtes une bonne
nature, monsieur Carrère !
M. Jean-Louis Carrère.
J'ai fait mon métier avec beaucoup de conscience et, je le répète d'une
manière nette à cette tribune, je préfère un ministre dont le budget est à la
hauteur de ses ambitions, au service de la République et de l'éducation de nos
enfants, qu'un ministre au langage châtié, qui ne « dérape » jamais, mais met à
mal notre système éducatif !
M. Claude Estier.
Très bien !
M. Jean-Louis Carrère.
Par ailleurs, madame le ministre, l'idée de réduire les dix-neuf directions
actuelles du ministère à dix directions et de confier éventuellement, même s'il
ne faut pas l'écrire, car ce serait peut-être inconstitutionnel, quatre
directions à des femmes me paraît bonne : elle apporte plus de lisibilité, une
meilleure compréhension en même temps qu'une simplification des choses.
Cependant, cet objectif va entraîner une réduction, de 3 200 à 2 000 ou 2 500,
du nombre des fonctionnaires. Le sort de ces derniers nous préoccupe, mais je
pense que la table ronde qui s'est réunie autour de ce dossier nous fera très
vite connaître ses conclusions, ce qui devrait dissiper tous les
malentendus.
Je souhaite également vous interroger, madame le ministre, sur la liste
complémentaire au CAPES. Non pas que je fasse, moi, une confusion entre les
admis et les inscrits, sur la liste complémentaire ; mais j'ai été très
sensible à la question qu'a posée la semaine dernière Mme Borvo. M. le ministre
s'étant engagé à fournir une réponse aux alentours du 1er novembre, ne
pourriez-vous pas, dès maintenant, nous en communiquer la teneur ?
Enfin, je veux aborder un dernier point qui concerne l'ouverture de
l'enseignement sur le monde : je veux parler de la place que doivent prendre
notre école et notre université sur la scène internationale.
Nombreux sont déjà les programmes et bourses d'études qui permettent les
échanges d'étudiants de différents pays ; particulièrement au sein de la
Communauté européenne.
Il est vrai en revanche - et vous avez bien fait de dénoncer cette carence -
que les grandes écoles n'exploitent pas assez leur situation et leur potentiel
à communiquer avec d'autres pays. Vous avez souhaité qu'à terme celles-ci
accueillent un tiers d'étudiants étrangers par promotion ; ce serait
effectivement un enrichissement pour tous. Il me semble qu'à l'heure actuelle
nous sommes loin du compte. Mais, comme le disait tout à l'heure M. Allègre,
l'exercice est difficile.
Sur le détail des mesures budgétaires, je me réserve pour le débat sur la loi
de finances qui aura lieu dans quelques semaines. Pour l'heure, je vous le
redis, madame le ministre, ma satisfaction de voir que les promesses
électorales faites lors de la campagne législative se sont si rapidement
traduites en actes, qui ont parfois même dépassé les espérances.
Certes, il reste encore beaucoup à faire mais, dans la poursuite de la
politique ambitieuse que vous nourrissez pour le secteur de l'éducation, je
puis vous assurer, madame le ministre, du soutien vigilant et déterminé des
sénateurs socialistes.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi
que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Robert Castaing.
Quelle présence !
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Madame le ministre, une partie de mon propos s'adresse au moins autant à M.
Allègre qu'à vous-même, et j'espère que vous voudrez bien lui faire part de mes
quelques remarques.
Votre ministère, dont le rôle prioritaire au plan national a été souligné sur
toutes les travées, constitue une institution exceptionnelle, ne serait-ce déjà
que par sa taille. Du temps de l'Armée rouge, il n'était que la seconde
organisation mondiale ; aujourd'hui, il est la première !
M. Allègre a qualifié la partie administrative parisienne de cette immense
entreprise d'un terme tiré de la paléontologie du quaternaire récent.
J'apprécie cette référence - qui, pour une fois, ne vient pas du jurassique sur
la forme et sur le fond.
M. Allègre a aussi indiqué son souci de voir les nouvelles technologies de
l'information et de la communication se développer en France, en particulier en
matière de pédagogie, mais aussi d'organisation interne de son ministère.
Sans doute savez-vous qu'en la matière le Sénat n'est pas en retard. Nous
disposons d'un serveur de qualité. Ainsi la commission des affaires culturelles
a-t-elle pu consulter les internautes du monde entier sur certains problèmes,
par exemple l'orientation des jeunes en terminale et pendant le premier cycle
universitaire, ce qui a enrichi nos auditions traditionnelles et le rapport
présenté par M. Gouteyron.
Le Sénat met en place son Intranet pour relier les services administratifs,
les groupes, les commissions. Plus important, nous commençons à développer des
liaisons avec les collectivités locales, ce qui nous permettra, d'ici peu, de
disposer d'un véritable réseau reliant les communes de France, les
départements, les régions et les sénateurs.
Mon groupe, le Rassemblement démocratique et social européen, dispose d'un
site
web
, dont je vous recommande l'accès, qui expérimentera ces
liaisons et permettra la consultation régulière, dans le cadre de forums sur
les problèmes d'actualité, de la base démocratique de nos institutions
françaises, c'est-à-dire les communes.
La société de l'information conduit à remettre en cause toutes les structures
hiérarchiques. Le rôle des chefs de service, des directeurs de département ou
des directeurs généraux change de nature. Le nombre de niveaux hiérarchiques
diminue. La fonction de commandement n'est plus liée à la détention du savoir
puisque celui-ci est désormais disponible et puisque les décisions peuvent être
prises plus vite et de façon décentralisée.
Madame le ministre, vous êtes en charge d'un ministère dont le budget est
considérable. Seule la dette publique égale, hélas ! son poids. Avez-vous
l'intention d'être un modèle pour les autres ministères dans cette croisade
pour la « numérisation de l'Etat », qui avait fait l'objet d'un rapport de
l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ?
Dans le cadre d'une mission du Sénat, j'ai participé à l'élaboration de ses
conclusions, qui ont, semble-t-il, été reprises, pour l'essentiel, par le
Premier ministre et devraient faire l'objet prochainement d'une traduction en
mesures concrètes.
Il importe certainement d'entreprendre des actions pour améliorer la
productivité de votre ministère, qui est le plus « dépensier », pour reprendre
les termes de Bercy. Cela nécessitera une formation spécifique au sein de
l'administration centrale, la mise en place d'un Intranet efficace, bref une
révolution culturelle qu'il faut s'engager à maîtriser.
S'agissant de l'utilisation des nouvelles technologies dans l'enseignement,
beaucoup reste à faire ; des expériences multiples existent, que j'évoquerai
tout à l'heure.
J'en viens au deuxième point essentiel, et je m'adresse ici tout
particulièrement à M. le ministre chargé de l'enseignement supérieur.
Il s'agit de savoir si vous voulez faire revivre la bataille archaïque entre
les grandes écoles et l'université. Vous avez, de façon liminaire, parlé de
rapprochement et non de fusion. C'est
a priori
une réponse négative à ma
question, ce dont je me réjouis.
Il fut certes un temps où l'université dispensait le savoir et la connaissance
sans avoir le moindre souci de leur utilisation effective, qui lui paraissait
vaine ou devant relever du domaine de l'industrie. A l'exception des facultés
de droit et de médecine, tournées vers les professions libérales, l'université
était réputée de gauche. Pour tout dire, elle était très influencée - je parle
des années cinquante - par une dictature marxisante dont l'idéologie était
véhiculée par la majorité des intellectuels de l'après-guerre.
Cette université Léviathan, pour évoquer la mythologie et non la paléontologie
(Sourires)
, était très différente du système multiforme et souple des
grandes écoles. Ce système à côté du Léviathan universitaire, ressemble plus à
l'Hydre de Lerne aux multiples têtes. A cet égard, je souhaitais demander à M.
Claude Allègre s'il entend couper toutes ces têtes à la fois - puisque c'est la
seule façon de procéder - si, au contraire, il veut utiliser cette
différenciation pour assouplir et modifier le Léviathan.
Le système des grandes écoles est tourné vers le monde économique dont les
préoccupations sont liées à l'efficacité, aux besoins de cadres pour les
entreprises. En effet, il faut bien, pour qu'une nation prospère crée ou
maintienne des emplois et paie des taxes et des contributions de sécurité
sociale, que les entreprises vivent.
La nécessaire solidarité entre les plus démunis et ceux qui ont des emplois ou
des ressources capitalistiques implique un tel fonctionnement, ce que désormais
tout un chacun comprend, du moins je l'espère.
Dans les années cinquante, le monde économique ayant tendance à considérer que
les grandes écoles lui fournissaient l'essentiel de ses cadres, il n'avait que
peu de relations avec le monde universitaire. A l'époque, les deux systèmes
étaient très séparés. Cela a provoqué un certain nombre de réflexions et de
discussions.
Depuis, les choses ont heureusement évolué.
La politique de développement des grands organismes scientifiques, tels le
CEA, la montée en puissance du CNRS, dont M. Maurice Schumann, grand ministre
de la recherche du général de Gaulle, peut témoigner, comme du développement
d'une politique de création scientifique, a touché en premier le système
universitaire.
Les grandes écoles dans leur ensemble ont ressenti beaucoup plus tard la
nécessité de s'équiper en matière de recherche. Je puis en témoigner, ayant, en
1963, lutté avec succès pour imposer une forte inflexion en faveur de la
recherche à l'Ecole nationale supérieure des mines de Paris, aidé en cela par
un confrère géologue de la DGRST de l'époque, la Délégation générale à la
recherche scientifique et technique. Il m'a permis d'inscrire une ligne de
crédits de l'enveloppe « recherche » sur le budget de l'Ecole nationale
supérieure des mines de Paris ce qui était le premier contact entre le
ministère de l'industrie et le ministère chargé de la recherche.
A l'époque, certains professeurs et certains industriels étaient réticents,
craignant le sacrifice de la formation au profit de la recherche. Le danger de
la dérive leur paraissait si fort qu'ils m'accusaient de vouloir transformer
leur noble institution, issue du siècle des Lumières, créée en 1783, en un
CNRS, ce qui constituait à leurs yeux une insulte. Pour eux, c'était en effet
synonyme de destruction du capital de confiance accordé par l'industrie à cette
grande école ; la qualité des ingénieurs, pensaient-ils, serait moindre
puisqu'ils seraient moins formés. Pour être naturellement rétrogrades, ces
accusations n'en étaient pas moins dans l'air du temps.
Il fallait, en l'occurrence, un pouvoir exécutif interne fort, volontaire et
continu pour que l'évolution puisse se faire et se confirmer. Il fallait une
responsabilité pleine et entière, avec, comme dans l'entreprise, un couperet en
cas de défaillance.
Ce point est essentiel parce qu'il différencie encore de nos jours le système
des grandes écoles du système universitaire. Tant dans les départements
d'université que pour les présidents d'université, ce type de responsabilité
n'existe pas.
Les conséquences d'une évaluation réelle, avec des sanctions, constitue
probablement l'un des points sur lesquels l'évolution me paraît indispensable.
J'y vois là une vraie réponse à la question que vous avez posée concernant
l'évaluation.
Dans le monde universitaire, seuls les pôles d'excellence, au niveau de
certains troisièmes cycles, ont une structure un peu analogue ; et je crains
qu'une incitation politique très forte ne soit nécessaire pour que la qualité
et l'excellence soient la priorité en matière de développement universitaire.
Cette incitation doit être forte, continue, tenace. Je sais que cela fait
partie de vos convictions. Pourrez-vous passer aux actes et comment ?
Depuis l'époque que j'évoquais tout à l'heure, la création de la Conférence
des grandes écoles a permis de développer dans d'autres écoles la fonction de
recherche et de mieux structurer les nécessaires complémentarités. Depuis les
années quatre-vingt, un développement certainement essentiel a rendu possibles
des rapports beaucoup plus étroits dans ce domaine. Les liens entre la
Conférence des grandes écoles et le système universitaire ont fait que,
actuellement, en matière de recrutement d'élèves sur titres et de délivrance de
doctorats, beaucoup de choses sont communes.
Aujourd'hui, les écoles membres de la Conférence des grandes écoles
représentent un peu plus de 22 600 diplômes délivrés par an, il y a 242
mastères avec 3 000 étudiants, dont 22 % sont des étudiants étrangers et dont
plus d'un tiers sont des universitaires français. Plus de 2 000 doctorats sont
soutenus chaque année. Cela signifie que la critique ancienne contre le système
des grandes écoles qui ne feraient pas de recherche, contrairement au système
universitaire, est désormais révolue.
En ce qui concerne l'innovation, qui est l'un des objectifs majeurs pour
l'enseignement supérieur que vous affichez à juste titre pour votre ministère,
il y a actuellement des formations à l'innovation dans la quasi-totalité des
écoles. En matière de pratique de l'innovation, notamment à l'Ecole nationale
supérieure des mines de Paris, il est interdit de délivrer un diplôme à un
étudiant qui n'aurait pas pratiqué une innovation au cours de sa scolarité.
Enfin, je voudrais tordre le cou à une idée souvent véhiculée souvent par vos
services et qui consiste à comparer les coûts annuels affectés à un étudiant
dans telle ou telle discipline. S'agissant du coût des études, plusieurs
facteurs doivent être pris en considération.
Peut-on comparer une année de onze mois de travail pédagogique effectif à une
année de cinq ou six mois ? Peut-on comparer une semaine de moins de vingt
heures de relations pédagogiques à une semaine de l'ordre de quarante heures de
relations pédagogiques ? La combinaison des deux multiplie par quatre le nombre
d'heures de relations pédagogiques et par conséquent les coûts. Peut-on
comparer aussi le nombre des étudiants qui sont bien connus et suivis avec
celui des étudiants qui sont inscrits et qui le sont parfois pour bénéficier
des avantages socio-culturels, tels que les places de cinéma, ou qui ont
procédé à d'une double inscription parce qu'ils travaillent ailleurs ?
Ne serait-il pas judicieux d'examiner les coûts non pas par étudiant, mais par
diplôme délivré ? A ce moment-là, on démontrerait que les diplômes d'IUT ou les
BTS, par exemple, coûtent moins cher que les DEUG ; on démontrerait que les
grandes écoles sont, par diplôme délivré, plus économiques que les filières
universitaires. Sur ce point, il faut regarder ce que représentent les systèmes
d'évaluation.
M. Claude Allègre a proclamé être le ministre de toutes les écoles. Est-ce à
dire qu'il va dépouiller ses collègues ministres des écoles dont ils ont la
charge ? D'ores et déjà, en tant que ministre chargé de la recherche, M.
Allègre a la possibilité de répartir les crédits de l'enveloppe recherche. Dans
tous les conseils intérieurs des écoles d'ingénieurs ou des écoles de gestion,
la direction de l'enseignement supérieur lui permet d'intervenir dans les
délibérations concernant la formation, les stages, les orientations ou les
évolutions. Il est vrai que ses représentants sont souvent absents ou
discrets.
La coordination améliorée qu'il souhaite me paraît certes nécessaire et utile.
En revanche, enfermer les écoles dans le moule et le mode de fonctionnement de
l'éducation nationale, introduire un système que vous condamnez par ailleurs et
où le mérite est peu récompensé, l'inertie voire un certain laxisme toléré,
cela serait catastrophique. Il faudrait, au contraire, développer une émulation
au sein du système universitaire, de façon qu'il tire profit de la diversité,
de l'originalité et de la compétitivité des grandes écoles en exportant dans
les départements universitaires leurs caractéristiques d'autonomie, leurs
capacités d'innovation pédagogique et leur facilité à établir des liens avec
l'industrie, ainsi que, comme je l'ai souligné tout à l'heure, la
responsabilité forte d'une équipe dirigeante. La question est importante, car
l'enfer est pavé de bonnes intentions
Sachez que, selon votre réponse, vous trouverez beaucoup d'appuis tant à
gauche qu'à droite de cet hémicycle, ou, au contraire, une opposition
déterminée.
Le troisième thème que je souhaitais évoquer est lié à la mise en réseau des
systèmes des écoles.
Dans la région de Sophia-Antipolis, nous avons créé, avec l'appui d'une
association de notre région, l'association Route des hautes technologies, et la
fondation Sophia-Antipolis, un groupe animé par Jean Céa, qui est un
universitaire éminent. Nous avons pu ainsi, avec des bénévoles et des mécènes
industriels, démocratiser l'accès aux nouvelles technologies. Nous avons équipé
des médiathèques et des écoles. Un programme qui concerne plus de cent écoles
sera terminé avant la fin de l'année 1997 ou au début de 1998.
D'ores et déjà, les résultats en matière de cohésion sociale dans les
quartiers difficiles - l'Ariane - sont très intéressants.
Le développement de programmes pédagogiques en liaison avec les instituteurs
et les inspecteurs d'académie est très positif. Cela n'a pas coûté un centime
au ministère : la formation a été assurée par des bénévoles et par la fondation
Sophia-Antipolis pendant les jours de congés.
Si l'on veut aller au-delà, il faudra veiller à ce qu'une certaine
participation ministérielle à cette action soit acquise. C'est essentiel car
cela permettrait au serveur spécifique - http://netday.essi.fr - d'établir une
base de données utilisable par tous. Cela permettrait de développer fortement
l'action et de bénéficier de nombreux appuis, notamment de mécénats. Il faut,
pour cela, avoir un appui, par exemple, de la diffusion de la culture
scientifique et technique et de jeunes mis à disposition par les rectorats.
Cela s'appliquerait en dehors du milieu scolaire et dans le milieu scolaire. Il
serait possible d'agir en utilisant, pour partie, des moyens qui existent et
qui sont payés par le ministère : des moyens en personnels importants, au
niveau tant de la Villette que du Centre régional de documentation pédagogique,
le CRDP, ou de l'Institut national d'études pédagogiques. C'est une question de
volonté politique. Je pense qu'il y aurait là, pour l'ensemble des régions de
France, un élément très important à poursuivre.
(Applaudissements sur les
travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Madame le ministre, de fortes attentes ont sous-tendu le changement de
politique voulu par les Français en juin dernier. Au premier rang de celles-ci
figure la grande exigence citoyenne d'une école de qualité et de l'égalité,
d'une école préparant notre jeunesse aux défis du xxie siècle, à commencer par
celui de la matière grise, que M. Claude Allègre met en exergue avec raison.
OEuvrant passionnément et sans relâche avec mes collègues du groupe communiste
républicain et citoyen dans notre assemblée et sur le terrain, je tiens à dire,
madame le ministre, la satisfaction qui est la nôtre de voir redonnée la
priorité à l'éducation nationale.
Ce qui est en jeu est fondamental puisqu'il y va de l'avenir économique et
humain de la France dans un monde de mutations accélérées.
Aussi, quelle ambition est plus essentielle aujourd'hui que celle qui consiste
à garantir le droit à la connaissance, à la formation de la plus haute qualité
et de la plus grande performance possible pour que chaque enfant, sans
discrimination, accède aux savoirs fondamentaux modernes, à la compréhension de
son environnement, à la capacité d'intégrer des évolutions incessantes,
imprévisibles ? Quoi de plus essentiel que de permettre à chaque jeune d'être
en situation de réussir son insertion intellectuelle, son parcours
professionnel et personnel, bref de mettre en valeur ses talents et sa
personnalité dans une société citoyenne et démocratique ? Ainsi, notre école de
la République retrouverait tout son sens, dans une acception moderne et
ouverte.
S'il est bien un secteur de la société qui ne souffre aucune imperfection, qui
doit atteindre le « zéro défaut », selon l'expression de M. le ministre à
laquelle j'ai moi-même recouru en mars 1994 lors du colloque organisé à
l'UNESCO par le prédécesseur de M. Allègre, après le puissant mouvement du 16
janvier, c'est notre service public de l'éducation nationale.
Il est vital et absolument urgent d'engager de profondes transformations,
d'opérer un changement radical d'échelle à la fois quantitatif et qualitatif,
ces deux plans étant étroitement interdépendants.
Les orientations et la politique que vous venez de présenter devraient
permettre d'engager les changements nécessaires et attendus - on a pu le voir
dimanche dernier dans les rues de Paris - et elles devront déjà se traduire
dans le budget de 1998. Sera-ce le cas, madame le ministre, avec l'ampleur
nécessaire ? Nous en jugerons dans quelques semaines.
Depuis le mois de juin, des mesures et des actions positives, que nous avions
souhaitées et que nous appuyons, ont été décidées ou amorcées : il en va ainsi
de l'annulation de la fermeture de 800 classes, du quadruplement de
l'allocation de rentrée scolaire, du rétablissement du crédit d'impôt pour les
parents d'élèves et d'étudiants, du réemploi de tous les maîtres auxiliaires,
des 40 000 emplois-jeunes qui suscitent de grands espoirs chez les jeunes mais
qui ne doivent pas se substituer aux autres emplois de l'enseignement et
surtout ne pas remplacer des heures d'enseignement ; il en va ainsi également
de l'action forte contre le bizutage, contre la violence et contre la
pédophilie, de l'annonce de la cantine scolaire pour tous les enfants qui en
ont besoin - les 290 millions de francs débloqués sont importants mais ne
suffiront pas ; il faudra faire beaucoup plus ensuite - de la redéfinition et
de la relance des ZEP à propos desquelles la création d'un groupe de travail a
été annoncée, de la scolarisation des enfants de deux et trois ans en
maternelle.
Cette liste, même incomplète, est longue de chantiers qui sont importants et
auxquels nous sommes parties prenantes, ainsi que M. le ministre l'a accepté en
commission ; nous tenons en effet à ce que ces chantiers soient menés à
bien.
Bien sûr, des dispositions restent à préciser, notamment quant au financement
; disant cela, je pense à Internet, qui doit respecter l'égalité des chances en
tout lieu du territoire et non dépendre des ressources inégales des
collectivités locales. C'est pourquoi, comme M. le ministre l'a déclaré, il
faut rétablir les conditions de l'équité.
Certes, nous ne partons pas de rien, avec un système éducatif reconnu comme
l'un des meilleurs au monde et comme l'attribution du prix Nobel au professeur
Cohen-Tannoudji en apporte une preuve de plus. En témoignent les progrès sur
les quinze dernières années avec le doublement du nombre de bacheliers, les 65
% d'une classe d'âge arrivant en terminale, la division par quatre du nombre de
jeunes sortant sans qualification et la scolarisation prolongée de 12 millions
d'élèves caractérisés par leur grande diversité.
Mais, derrière cette apparente démocratisation, de grandes inégalités
subsistent - vous le soulignez vous-même, madame le ministre - et c'est le
grand combat à mener tout de suite.
Ces transformations s'appuieront en premier lieu sur les enseignants et leurs
compétences avérées, sur les gisements d'idées, d'initiatives, d'enthousiasme
qui sont déployés par tous les acteurs de la communauté éducative et qu'il faut
soutenir.
Mais une nouvelle étape est à engager, car le
statu quo
serait le pire
danger pour l'école : il faut un va-et-vient permanent entre l'école, la vie et
la cité, entre tous les partenaires que sont les personnels, les parents, les
jeunes eux-mêmes et les élus.
La « semaine des parents » que vous venez de lancer est une initiative
intéressante, madame le ministre. Des synergies nouvelles doivent être
encouragées en rénovant, en revitalisant les instances de concertation à tous
les échelons, en leur redonnant de vraies prérogatives. Une application
pourrait être visible dès la rentrée prochaine : il s'agirait d'élaborer
ensemble la carte scolaire et de définir des moyens en postes qui soient
conformes aux besoins connus sur le terrain et non à la rigidité aveugle de la
calculette, qu'il faut vraiment abandonner. Il faut donc non seulement que les
maires et les conseils départementaux de l'éducation nationale donnent leur
avis, mais aussi qu'il soit tenu compte de celui-ci.
Il ne faut plus de jeunes sans place ni de postes non pourvus ou non remplacés
encore un mois et demi après la rentrée scolaire. Dans le Val-de-Marne, 600
jeunes n'avaient pas de place : grâce à « SOS Rentrée » du conseil général, à
votre aide, à celle de M. le ministre et à celle de M. le recteur, 550 places
ont été trouvées : mais il reste encore 50 élèves qui ne sont pas accueillis.
C'est donc dès maintenant qu'il faut préparer la rentrée prochaine.
De même, pour les élèves en difficulté, sujet de toutes nos préoccupations,
les nouveaux progrès passeront par des investissements éducatifs
proportionnellement bien plus importants que ceux qui ont été réalisés jusqu'à
présent. Conjugués à l'invention de solutions inédites d'insertion et de
formation, ils pourront endiguer l'exclusion scolaire et conduire à cet
objectif commun de la qualité et de la réussite dans la diversité des
cheminements.
Les mesures que M. le ministre et vous-même nous avez annoncées dans de
nombreux domaines suscitent beaucoup d'intérêt. Nous savons d'expérience qu'un
système n'évolue bien qu'en étant soumis à des tensions, dès lors qu'elles sont
non pas artificielles mais ancrées dans les défis auxquels il doit répondre.
Les défis lancés aujourd'hui à l'école et à la formation renvoient au pari de
l'intelligence et de l'enthousiasme que chaque enfant, chaque être humain est
en droit de pouvoir engager.
Avec vous, avec le Gouvernement, avec les enseignants, avec tous les
personnels, avec les parents et les jeunes eux-mêmes, avec les élus, dans une
démarche de coopération dynamique et constructive, les sénateurs du groupe
communiste républicain et citoyen veulent se rendre utiles à la réussite d'une
politique ambitieuse pour l'école. Nous voulons gagner ce pari pour notre
jeunesse et pour la France.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est avec
satisfaction que le Sénat débat aujourd'hui de l'éducation nationale, sujet
éminemment important pour notre pays. En effet, comme le souligne avec force
dans son excellent rapport M. Roger Fauroux, « dans un monde complexe et
souvent indéchiffrable, sollicité par des extrémismes renaissants et exposés à
toutes les violences de la concurrence, seuls des citoyens instruits sauront
préserver l'équilibre politique de notre République et consentir aux
nécessaires compromis sociaux ».
Ce débat est également pour nous l'occasion d'appréhender plus précisément la
politique menée par le Gouvernement et de poser les termes de la discussion
budgétaire des prochaines semaines.
C'est pourquoi, madame la ministre, je souhaiterais obtenir des
éclaircissements sur trois aspects de votre action : tout d'abord, sur votre
politique de gestion des effectifs ; par ailleurs, sur votre politique de
réforme de l'administration de l'éducation nationale ; enfin, sur la mise en
oeuvre par votre ministère du plan emplois-jeunes.
Concernant tout d'abord la politique de gestion prévisionnelle des effectifs,
il est à noter que le projet de budget pour 1998, en hausse de 3,15 % par
rapport à 1997, soit une augmentation de plus de 8 milliards de francs, renoue
avec plusieurs années de forte croissance des crédits auxquelles le précédent
gouvernement avait mis un terme dans le budget de 1997. Ce ralentissement
illustrait l'attention portée à la démographie dans l'enseignement scolaire et
aux adaptations correspondantes en matière d'effectifs d'enseignants.
Infléchissant cette politique, malgré la confirmation de la baisse du nombre
d'élèves cette année, vous avez annoncé, madame la ministre, la création de 1
320 emplois de personnels non enseignants et la fin des suppressions d'emplois
d'enseignants.
Vous prévoyez par ailleurs la réouverture de 1 262 classes ; en réalité, il
s'agit de 447 réouvertures et de 815 nouvelles ouvertures.
Cet effort est certes louable dans la mesure où il portera, en réalité, sur
les ZEP et sur les écoles rurales qui ont fait des efforts de regroupement
pédagogique et d'équipement et dans lesquelles la fermeture des classes
induisait un risque important d'accélération de la désertification. Il s'agit
de ne pas défavoriser des communes qui ont réalisé des efforts de
regroupement.
Néanmoins, outre les dépenses budgétaires qu'il induit, cet effort semble peu
compatible avec l'évolution démographique dont il est difficile de faire
abstraction.
De plus, cette mesure pose le problème de l'exposition à l'échec scolaire des
élèves issus d'établissements à faibles effectifs.
A cet égard, à la suite de la mission de contrôle de ces crédits, menée au
printemps dernier par le précédent rapporteur de la commission des finances
pour l'enseignement scolaire, M. Jacques-Richard Delong, il est permis de
s'interroger sur la manière dont le ministère compte remédier au problème des
collèges à trop faibles effectifs.
En effet, à la rentrée de 1996, 207 collèges comptaient moins de 100 élèves.
Evoluant pendant quatre ans dans un environnement surprotégé, ces élèves
risquent de rencontrer des difficultés d'adaptation à leur arrivée au lycée.
Enfin, permettez-moi de souligner quelques incohérences de la politique de
gestion des effectifs. S'il me semble louable de faire sortir 28 000 maîtres
auxiliaires de la situation précaire dans laquelle ils sont enfermés, ne
serait-il pas tout aussi légitime de régler la situation des « reçus-collés »
qui ont pris la peine d'emprunter la filière traditionnelle d'accès à
l'enseignement ?
Par ailleurs, n'est-il pas paradoxal de réemployer des maîtres auxiliaires en
surnombre dans des disciplines où ils sont souvent pléthoriques alors que
certains cours ne peuvent être assurés faute d'enseignants ? Ainsi, il manque
environ un millier de professeurs, essentiellement dans les matières
spécialisées des lycées professionnels, mais aussi dans des disciplines
générales comme l'espagnol.
Cet incroyable paradoxe ne serait-il pas résolu si une véritable politique de
gestion prévisionnelle du personnel à long terme était mise en oeuvre et si une
politique qualitative de redéploiement des effectifs existants était préférée à
une politique quantitative de recrutement en fonction des variations
démographiques ?
Enfin, il semble que les crédits d'heures supplémentaires soient un gisement
sans fin. En effet, dans votre budget, ces réserves permettraient de financer
les réouvertures de classes, le réemploi des maîtres auxiliaires et, selon le
SNES, le syndicat national des enseignements du second degré, une partie des
aides aux éducateurs. Cela n'est-il pas contradictoire avec la conviction
défendue par votre ministère selon laquelle les heures supplémentaires seraient
un gage de flexibilité et d'adaptation aux besoins ?
Le deuxième point sur lequel je souhaiterais attirer votre attention, madame
la ministre, a trait aux emplois-jeunes.
Votre ministère est l'un des principaux bénéficiaires de ce dispositif
puisque, d'ici à la fin de 1998, vous vous êtes engagée à embaucher 75 000
jeunes sur un total de 150 000 tous secteurs confondus, soit la moitié des
embauches.
Votre ministère doit prendre à sa charge 20 % du SMIC en complément des 80 %
financés par le ministère de l'emploi. Or le mode de financement de ces 20 %
n'apparaît pas clairement dans votre projet de budget. Pourriez-vous nous aider
à dissiper cette zone d'ombre ? Cela me paraît important, car le coût n'est pas
nul : il représente 306,6 millions de francs pour 1997 et 1,2 milliard de
francs pour 1998. C'est donc loin d'être négligeable !
M. le ministre et vous-même dites vouloir « agir dans la durée ». Dans cette
optique, comment anticipez-vous la reconversion des aides-éducateurs à l'issue
de leur contrat de cinq ans en gardant à l'esprit l'objectif d'une gestion
prévisionnelle des effectifs, ainsi que le délicat problème des maîtres
auxiliaires ?
Ces deux points me semblent essentiels dans le cadre du dispositif
budgétaire.
Enfin, le dernier point, et non des moindres, sur lequel je souhaite obtenir
des éclaircissements de votre part concerne l'intention résumée par la
désormais célèbre formule : « dégraisser le mammouth ».
Je vous donne doublement raison sur ce point.
Premièrement, il me semble urgent que l'éducation nationale poursuive son
effort d'adaptation à la société. Cela correspond d'ailleurs aux attentes
légitimes des parents qui, lorsqu'ils sont interrogés - c'est ce qu'a fait
l'institut CSA en août dernier - sont 69 % à estimer que l'école doit servir en
priorité à accéder au monde du travail.
Une collaboration plus poussée entre l'éducation nationale et les entreprises
est donc souhaitable pour que l'école demeure un vecteur d'insertion
professionnelle.
Les résultats de la mission effectuée par notre collègue Jacques-Richard
Delong dans plusieurs départements au printemps dernier sont, à cet égard,
révélateurs. Il en ressort qu'un certain nombre d'options offertes dans les
lycées professionnels ne débouchent sur aucun emploi.
Est-il, par conséquent, raisonnable et honnête de donner à ces jeunes de faux
espoirs dans des filières professionnelles qui ne leur offrent pas d'avenir ?
L'exemple de Sochaux-Montbéliard prouve au contraire que les élèves scolarisés
dans des BEP liés à l'automobile trouvent, pour la plupart, à s'employer dans
ce secteur.
N'y a-t-il pas là, madame le ministre, matière à réflexion pour procéder à de
nécessaires ajustements ?
Seules les entreprises sont susceptibles de créer des emplois durables - mais
le Gouvernement ne semble pas s'inspirer de cette réalité - et cela à deux
conditions : qu'elles en aient les moyens financiers, et qu'elles trouvent sur
le marché les compétences dont elles ont besoin. Il convient donc de poursuivre
les efforts déployés depuis dix ans pour développer l'apprentissage.
M. Allègre ne semble pas particulièrement apprécier l'apprentissage, ni les
entreprises qui acceptent de former des jeunes. N'a-t-il pas déclaré, en effet
: « L'amour passionné du patronat pour l'apprentissage, pour les stages
diplômants, c'est un moyen pour lui d'avoir de l'emploi et de ne pas le payer.
» ?
Je vis au quotidien l'apprentissage en Alsace, madame le ministre, où cette
affirmation est fortement démentie par la réalité.
Il me semble également important, pour les préparer au xxie siècle,
d'insuffler à nos enfants, dès leur plus jeune âge, l'esprit d'entreprise, de
forger les vocations d'entrepreneurs courageux et inventifs dont notre pays a
tant besoin. Il conviendrait pour cela de sensibiliser les enseignants à
l'enjeu que représente le goût du risque, à travers des modules d'initiation à
la création d'entreprise et à l'économie.
Le deuxième domaine dans lequel il me semble impératif de « dégraisser le
mammouth » réside dans la nécessité de débureaucratiser l'administration
centrale du ministère afin, comme vous l'avez vous-même dit à juste titre,
madame le ministre « qu'elle laisse respirer les enseignants, qu'elle
accompagne et non qu'elle réglemente ».
Nous disposons d'une grande majorité d'enseignants qui croient en la jeunesse
et aiment leur métier. La réglementation abusive ne leur permet pas toujours de
se sentir compris. Elle ne leur permet pas, surtout, la moindre initiative.
L'épisode récent de la circulaire sur les sorties scolaires démontre, madame
le ministre, que vous n'avez pas été entendue sur ce point et que,
malheureusement, beaucoup reste à accomplir.
M. Jean-Louis Carrère.
Cela montre que vous ne connaissez pas trop les enseignants !
M. Joseph Ostermann.
Avouez que cette affaire est caricaturale. En effet, cette circulaire
obligeait les instituteurs, en matière de transport scolaire à l'occasion des
sorties de classe, à vérifier, par exemple, que le conducteur « ne présente
aucun signe manifeste de fatigue ou d'ébriété ». On imagine ainsi aisément
l'instituteur monter dans le bus en premier pour vérifier si l'haleine du brave
chauffeur n'est pas trop chargée, si son oeil n'est pas glauque ou si son teint
n'est pas blafard, avant d'autoriser les enfants à grimper dans le bus !
M. Jean-Louis Carrère.
Oh !
M. Joseph Ostermann.
La circulaire impose des charges nouvelles à la surveillance des activités de
piscine et de patinoire, notamment. Les charges des collectivités locales en
seront ainsi accrues une nouvelle fois.
Ce type d'aberration, après avoir paralysé plusieurs jours l'activité des
enseignants, a conduit le ministère à revoir sa copie et à annuler ainsi
certaines dispositions de la circulaire. Vous nous en avez informés, madame le
ministre, et je vous en remercie.
En revanche, l'éminent géophysicien qu'est M. Allègre pourrait peut-être faire
plancher son administration centrale sur cette équation empreinte de bon sens :
« ordre + contre-ordre = désordre ». La concentration évoquée par M. le
ministre à l'instant pourrait éviter de tels écueils !
Pour terminer, madame le ministre, permettez-moi de livrer à votre réflexion
les résultats d'études comparatives internationales menées récemment par
l'OCDE.
Ces études concluent que les pays les mieux classés en ce qui concerne
l'enseignement ne sont pas ceux qui dépensent le plus : ainsi, les pays
asiatiques, qui affichent de meilleures performances que la France, consacrent
en moyenne 3,3 % de leur PIB à l'éducation, soit deux fois moins que la
France.
Aussi, l'augmentation de 3,15 % du budget pour 1998, dans l'état actuel des
finances publiques, peut laisser rêveur.
Ce sont en tout cas les réponses apportées à une série d'interrogations qui
permettront à la commission des finances, madame le ministre, de prendre
position par rapport au projet de budget qui nous sera bientôt soumis.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je dois tout
d'abord vous faire part de mon étonnement au moment où se déroule ce débat sur
l'éducation nationale, car je n'avais pas pensé un seul instant que
j'interviendrais après une manifestation comme celle qui a eu lieu, dimanche,
dans notre capitale !
Entendre les propos tenus par les nombreux fonctionnaires placés sous votre
tutelle était assez surprenant, mais aussi assez préoccupant dans la
conjoncture actuelle. Il est vraisemblable que tout ne va pas si bien que l'on
veut nous le faire croire et que, après tout, vous n'avez pas dû donner toutes
les garanties aux intéressés ni « révolutionner » le système !
M. Jean-Louis Carrère.
C'était moins important que la manifestation contre la loi Falloux !
M. James Bordas.
Vos propos concernant l'action de votre prédécesseur il y a quelques mois me
laissent plutôt penser que celui-ci n'avait pas si mal réussi et que les
réformes entreprises, quoi que l'on ait pu dire, avaient permis progressivement
de changer bien des choses et des comportements dans le monde de l'éducation
nationale !
Certes, il reste encore beaucoup à faire, tant il est vrai que l'enfant, au
coeur du système scolaire, nécessite non seulement une mobilisation forte de
celui-ci, mais également une réelle et forte implication de tous les acteurs
qui concourent à la formation première de toute notre jeunesse.
Les problèmes de violence dans de nombreuses écoles, collèges ou lycées ont
été largement mis en exergue et, s'il est indispensable d'y mettre un terme, il
ne faut pas que ce phénomène soit médiatisé avec une telle ampleur, occultant
les autres préoccupations.
Personne ne peut contester les effets de la violence, de la drogue, de
l'insolence envers le personnel enseignant. Mais ne généralisons pas et portons
une attention sur tous les établissements qui, majoritairement, très
majoritairement, ne connaissent pas avec la même acuité ces problèmes, grâce à
un dévouement sans limite des responsables, directeurs, principaux, proviseurs,
qui parviennent à faire face à bien des situations en assumant pleinement leurs
responsabilités.
Ils attendent de vous, madame le ministre, des instructions, des programmes
pédagogiques très précis et non pas des suggestions ou le lancement d'idées
nouvelles à répétition, ce qui perturbe les enseignants, certes, mais aussi les
parents d'élèves qui entendent, écoutent les ministres concernés, et se
retournent vers les chefs d'établissement pour savoir pourquoi telle ou telle
initiative n'est pas suivie d'effets.
M. Jean-Louis Carrère.
Et même les grands-parents d'élèves !
(Sourires.)
M. James Bordas.
L'allongement considérable de la scolarité, en conduisant 63 % d'une
génération au baccalauréat en 1995 contre 30 % en 1985, rend la population
scolaire de plus en plus hétérogène. Et, si votre volonté de donner de plus en
plus de moyens aux zones d'éducation prioritaire est louable, n'est-ce pas
l'occasion de mettre en place des équipes éducatives plus cohérentes dans tous
les types d'établissements ?
Ne conviendrait-il pas, puisque vous voulez transformer radicalement
l'organisation de votre ministère - M. le ministre y a fait allusion tout à
l'heure - de supprimer certains échelons administratifs qui freinent, voire
anéantissent les efforts des chefs d'établissement, qui seraient capables
d'agir beaucoup plus rapidement et efficacement s'ils n'avaient pas à franchir
de nombreux obstacles hiérarchiques ?
Beaucoup sont prêts à assumer leurs responsabilités, dans l'intérêt général du
système éducatif, et donc des enfants, qui ont besoin qu'on les aide à se
structurer tout en les obligeant à apprendre d'abord, et à respecter, ensuite,
les normes et les règles de la vie scolaire.
Depuis votre arrivée au pouvoir, vous avez ouvert un nombre de chantiers
impressionnant, multipliant d'ailleurs les annonces d'inégale importance.
Deux de ces chantiers sont programmés prochainement. Le premier, prévu fin
novembre, vise à associer les familles à des actions civiques et morales, dans
le cadre d'une « semaine d'initiatives citoyennes ». Vous déclarez que «
l'école est prête à répondre aux aspirations des parents, à condition que
ceux-ci jouent leur rôle ». Le second instaurerait une semaine nationale des
parents à l'école, en mars prochain.
Permettez-moi de douter de la crédibilité de ces deux projets. Vous nous
renvoyez là à la famille, fondement essentiel de toute éducation. Je crains,
hélas ! que la politique familiale de votre gouvernement n'aille à l'encontre
de celle que vous préconisez pour l'éducation.
M. Jean-Louis Carrère.
Allons ! Allons !
M. Jean-Claude Carle.
Eh oui !
M. James Bordas.
Engagée dans la précipitation et sans concertation aucune, elle pénalise
lourdement les familles.
M. Jean-Louis Carrère.
Et l'allocation de rentrée scolaire ?
M. James Bordas.
En effet, les allocations familiales se doivent de compenser, quel que soit le
niveau de revenus, une part des dépenses engagées par un foyer pour élever ses
enfants.
Paradoxalement, votre souhait d'amplifier, voire de rendre obligatoire
l'accueil des enfants dès l'âge de deux ans à l'école incitera les familles les
plus modestes à retirer leurs enfants des crèches. Ces dernières pourront, dans
certains cas, voir leurs effectifs diminuer d'une façon telle que leur
financement en sera mis à mal. Ces enfants trouveront-ils d'ailleurs autant
d'attention, eu égard à leur âge et à leurs différences de maturité, à l'école
?
Dans d'autres situations, la diminution - on ne sait plus si ce sera de 50 %
ou de 25 % - de l'allocation de garde d'enfant à domicile entraînera de
nouvelles demandes d'inscriptions dans certaines crèches, qui ne pourront les
satisfaire. De lourdes dépenses supplémentaires seront alors supportées par les
collectivités, donc par les contribuables, à condition que cela soit compatible
avec leur situation sur le plan de la fiscalité.
Sans remettre en cause le fonds social pour les cantines, doté dès cette
rentrée de 290 millions de francs, je tiens à vous indiquer, madame le
ministre, en tant que représentant des collectivités locales et maire moi-même,
que bon nombre d'entre elles avaient déjà mis en place des aides assurant
l'accès à la cantine aux enfants des familles les plus défavorisées.
Les déclarations de M. Allègre sur l'absentéisme et les congés formation ont
suscité l'indignation des syndicats. J'ai pourtant, et pour une semaine, deux
directrices d'école en stage dans ma propre commune depuis avant-hier. Une
semaine pour s'initier ou découvrir l'administration communale et son action en
matière scolaire ! Ces dernières vont ainsi avoir cinq stages à faire pendant
la période scolaire. Comme M. Allègre, je pense que les professeurs doivent
surtout se trouver devant leurs élèves et je me mets à la place des parents
dont les enfants vont connaître cinq remplacements d'une semaine en une
année.
Cependant, ne demande-t-on pas toujours plus à l'école ? Ainsi, dans le cadre
de la réforme du service national, l'éducation nationale va être amenée à
enseigner « les principes et l'organisation de la défense nationale et de la
défense européenne de sécurité commune ». Quel programme allez-vous concocter ?
A moins que cette démarche ne vienne compléter l'éducation civique, en panne,
semble-t-il, dans beaucoup d'établissements !
S'agissant de l'université, la poursuite du remodelage des premiers cycles
universitaires, la relance de la formation continue et « l'ouverture
internationale » doivent traduire la priorité que notre pays accorde au
développement d'un enseignement supérieur de qualité digne d'une grande nation
ouverte sur l'Europe et le monde.
Il y aurait pourtant beaucoup à dire, ne serait-ce que sur le taux d'échec
dramatique en DEUG, qui avoisine aujourd'hui 40 %, toutes disciplines
confondues.
Comment entendez-vous mener à bien la réforme coûteuse de l'aide sociale aux
étudiants ?
Le système d'enseignement supérieur tient-il suffisamment compte du potentiel
d'évolution du marché du travail ? Ainsi, votre projet de budget pour 1998 doit
permettre la relance de l'investissement universitaire grâce aux moyens dégagés
pour la préparation du futur plan « Université du troisième millénaire ».
Puis-je vous demander quel en sera le financement exact, madame le ministre ?
Les collectivités locales seront-elles mises à contribution, et dans quelles
proportions, comme ce fut le cas pour le schéma « Université 2000 » ? J'ai cru
comprendre tout à l'heure que telle était l'intention de M. le ministre.
A l'annonce du plan emplois-jeunes, 40 000 jeunes se sont déjà portés
candidats en septembre. Mais les établissements privés pourront-ils bénéficier
de ces emplois ? Si l'augmentation de la part des crédits destinés à
l'enseignement privé se situe à près de 3 %, le budget qui lui est imparti ne
représente que 13,20 % du budget total de l'enseignement scolaire,...
M. Jean-Louis Carrère.
Ce qui est mauvais pour le public est bon pour le privé !
M. James Bordas.
... alors que les effectifs recensés dans les écoles, collèges et lycées
privés sous contrat dépassent 16 % de la population scolaire de notre pays.
Je m'étonne d'ailleurs que le fonds de 40 millions de francs consacré aux
nouvelles technologies ne soit destiné qu'à l'enseignement public. En outre, là
encore, selon quel programme ? Les parents, comme les chefs d'établissement,
attendent vos instructions.
Assurément, si l'école tout entière ne familiarise pas nos enfants avec ces
outils, nous fabriquerons une nouvelle forme d'exclusion, les disparités entre
public et privé ne pouvant être que préjudiciables à notre pays.
Il ne peut y avoir de bonne économie avec une école médiocre. L'éducation ne
se réduit pas à l'école, c'est aussi l'affaire de la société tout entière. Bien
plus, le rôle de l'Etat est d'aider les familles dans leur décision en assurant
la transparence des formations et des procédures, afin que chaque enfant
effectue une scolarité dans les meilleures conditions.
Nous avons besoin d'autre chose que d'une nouvelle salve d'idées, comme celle
que vous avez annoncée dimanche, madame le ministre, à Lyon, pour l'extension à
mille nouvelles classes de l'expérience « Main à la pâte », basée sur
l'enseignement concret des sciences, lancée l'année dernière... et dont la
réalisation devrait être opérée entre la Toussaint - c'est dans huit jours - et
Noël !
Après toutes les écoles sur Internet, avouez qu'il y a de quoi s'interroger
sur les moyens à mettre en place, d'une part, et sur le manque de réflexion et
de concertation, d'autre part.
Pour améliorer le système éducatif, le groupe des Républicains et Indépendants
attend désormais avec impatience la concrétisation de vos déclarations.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du R.D.S.E.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une
heures trente, sous la présidence de M. Paul Girod.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La séance est reprise. Nous poursuivons le débat consécutif à la déclaration
du Gouvernement sur l'éducation nationale.
Dans la suite de la discussion, la parole est àM. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, brièvement
et bien que, dans la déclaration du Gouvernement, il n'ait pas été beaucoup
question de la période pré-élémentaire et élémentaire, je me permettrai de
développer quelque peu ces étapes, qui me paraissent assez fondamentales, pour
la raison très simple que, lorsque les responsabilités initiales ne sont pas
prises, on risque de retrouver tout le long du chemin des erreurs que l'on
aurait pu éviter.
Je commencerai mon propos, monsieur le ministre, en vous citant. Dans
La
Défaite de Platon
, que j'ai lu avec intérêt, deux affirmations ont retenu
mon attention.
La première est extraite de la conclusion. Il peut sembler bizarre que l'on
parte de la conclusion, mais c'est là que vous affirmez - et je vous suis sans
réserve - que le XXIe siècle sera technologique et culturel.
Par ailleurs, vous dites, dès le début, que l'ordinateur est l'outil
emblématique et symbolique, l'outil indispensable, le moteur de la science, et
vous lui donnez donc une place toute particulière, ensuite, dans votre
ouvrage.
Ces deux éléments mettent en évidence un accroissement, une diversification et
un approfondissement culturels qui auront, à n'en pas douter, des conséquences
sur l'évolution du modèle culturel que nous connaissons aujourd'hui.
C'est donc une obligation de trouver des moyens permettant l'accès de tous aux
nouveaux outils numériques, en inventant un parcours qui autorise une
progression semblable à celle de l'acquisition de la lecture et de l'écriture,
et ce dès l'école maternelle.
C'est nécessaire si nous voulons éviter une fracture culturelle - déjà
existante, d'ailleurs, dans le maniement de ces outils - qui viendrait
accroître la fracture sociale.
Tout récemment, lors d'un entretien avec Edgar Morin, vous avez dit qu'il
fallait initier à cette révolution culturelle. Pour ce faire, vous avez suggéré
que la révolution se fasse plutôt par le haut, estimant que la révolution par
le bas viendrait par la suite.
C'est vrai, les IUFM forment les enseignants, et il faut donc commencer par
là, c'est-à-dire accroître le nombre d'heures de formation, qui est aujourd'hui
insuffisant pour acquérir la maîtrise des subtilités de l'ordinateur, de
l'usage du cédérom et, surtout, pour naviguer sur Internet sans s'y noyer - j'y
reviendrai dans un instant.
Je remarque toutefois que dans le système pédagogique de l'école dite de Jules
Ferry mais commencée déjà sous Guizot, on n'a pas attendu, pour apprendre à
lire et à écrire, que les écoles normales d'instituteurs et d'institutrices
soient créées, puisque celles-ci l'ont été les premières en 1875 et les
secondes seulement en 1878.
Je pense - je ne sais si je vous en convaincrai - qu'il faut trouver les
moyens pour démarrer l'apprentissage très tôt.
Il faut également se méfier de ce que j'appellerai le « paradoxe d'Internet ».
En effet, on a tendance à dire que si l'on donne un mél - le
e-mail
des
Anglo-Saxons - à tout le monde sur Internet, on aura résolu le problème. Or, je
crains que, pour utiliser intelligemment ce réseau, on ne soit obligé de
prendre un certain nombre de précautions.
Permettez-moi de vous raconter une anecdote. Voilà quelques jours, dans une
école maternelle, on a branché les enfants sur le réseau Internet. Victoire !
On a trouvé de nombreuses informations. Puis, tout à coup, avec un lien, on est
tombé sur
X-Files
, les niaiseries du monde moderne, puis sur
Welcome
McDonald
. N'oublions jamais que tous ceux qui incitent à l'usage du réseau
sont aussi des vendeurs, et avant tout des vendeurs d'un peu n'importe quoi
!
Aujourd'hui, naviguer ainsi sur Internet, sans préparation, c'est un peu comme
si l'on envoyait dans une bibliothèque quelqu'un qui ne sait pas lire, ou à
peine, et qui ne sait pas comment choisir un livre parmi tous ceux qui
l'entourent.
Il faut donc - c'est l'essentiel de mon propos - commencer par l'usage banal
de l'ordinateur, et ce dès l'école maternelle, en faisant toutefois attention à
l'illusion que peut donner la capacité intuitive de l'enfant à savoir. En
effet, l'enfant peut savoir gribouiller avec des crayons, mais il lui faut un
certain temps pour apprendre à écrire et à lire correctement. Il faut donc
recourir à une démarche pédagogique progressive et graduelle pour aller petit à
petit vers le plus compliqué.
Ce nouveau stylo qu'est pour moi l'ordinateur, cet outil numérique ne
remplacera pas le stylo ordinaire et les livres, mais il modifiera les
capacités d'accès à la culture. Portable, il sera un cartable électronique avec
des cédérom. Mais on ne pourra pas toujours, j'en suis persuadé, lire sur
écran, car on ne peut pas analyser sur écran comme on le fait sur papier.
En revanche, il faudra instaurer une pédagogie de l'image, car il faut autant
d'attention et de recherche pour arriver à faire un travail correct sur une
image et apprendre à la décrypter qu'il en faut pour apprendre à décrypter les
textes, connaître la syntaxe, la grammaire, la place des mots, des adjectifs,
dont le sens varie selon qu'ils sont avant ou après le nom.
Aujourd'hui nous devons donc préparer rapidement, intelligemment, cette entrée
de l'ordinateur dans la vie de l'enfant. Il a fallu quelque quatre à cinq ans
pour qu'un instrument très banal, aujourd'hui supprimé d'ailleurs, à savoir
l'encrier sur les tables scolaires, trouve une forme qui permette de le fixer
de telle sorte qu'on ne puisse plus se le jeter à la tête en jouant dans la
classe !
Ensuite, il faudra apprendre à gérer effectivement Internet. De ce point de
vue, il y aurait besoin de quelques signes forts. De nombreuses expériences ont
eu lieu en France. Il conviendrait d'en rassembler les fruits et, à cet égard,
un déclic ministériel serait intéressant.
Le signe fort, ce serait décider d'équiper les écoles, comme lors du plan
Informatique pour tous, qui a ses mérites et qui a eu ses défauts, avec les
emplois-jeunes, faciliter la formation accélérée des enseignants, sans attendre
l'arrivée de ceux qui sortiront des IUFM, doubler les heures d'enseignement par
rapport à ce qui se pratique aujourd'hui dans les IUFM et, peut-être, créer
d'abord des réseaux Intranet entre les écoles de France, les écoles
européennes, si possible les bibliothèques et les musées, sans pour autant
exclure l'ouverture de fenêtres sur Internet.
Bref, je vous fais confiance quant à cette évolution. A ce propos, j'ai
regretté que vous ne soyez pas présent, le 9 octobre dernier, au colloque
organisé par le Sénat.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je ne peux pas me couper en trois !
M. Franck Sérusclat.
Vous étiez cependant présent dans le discours, car les propos tenus à la fois
par M. le Premier ministre, par M. le président de l'Assemblée nationale et par
M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et
sociales de l'Assemblée nationale étaient très proches de ce qu'auraient pu
être les vôtres.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées et
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
l'enseignement supérieur et la recherche ont été l'objet depuis plusieurs
années de maintes attentions et sollicitations. Celles-ci se sont
malheureusement bien souvent traduites par une aggravation des conditions de
vie, de travail et d'études des enseignants, chercheurs et étudiants, et par
une inadaptation des structures aux enjeux contemporains.
Je ne peux donc, monsieur le ministre, qu'approuver les avancées contenues
tant dans l'orientation des choix opérés que dans le projet de budget pour
l'Université et la recherche. Celles-ci peuvent permettre l'amorce d'une
nouvelle approche de ces questions fondamentales pour l'avenir de notre
société. C'est dans cette perpective que je veux situer cette brève
intervention.
Nous assistons depuis plusieurs années à une hausse très importante de la
demande sociale de formation supérieure. On peut toujours disserter sur les
différentes origines de ce phénomène ; l'essentiel est qu'il existe et qu'il
est durable. La formation initiale et continue de l'essentiel des salariés de
demain passera par l'enseignement supérieur.
La question de l'enseignement supérieur pour tous est donc posée. Nous vivons
une mutation de la société où le développement de la culture scientifique,
technique et sociale pose cette question. Quand on disait cela il y a quinze ou
vingt ans, monsieur le ministre, on nous riait au nez. Aujourd'hui, des gens
sont recrutés à bac + 2 pour un travail d'ouvrier parce que ce travail est
devenu très qualifié. Cela vaut aussi pour les employés. C'est un autre cas de
figure que celui que nous avons connu dans notre jeunesse.
La question d'une culture de haut niveau pour tous est à l'ordre du jour, sauf
à accepter une société à plusieurs vitesses dans laquelle des gens seront
assistés quasiment toute leur vie.
Cela dit, des questions d'une ampleur nouvelle se posent.
Est-il possible de concilier formation de masse et formation de haut niveau,
formation initiale de qualité et préparation aux métiers d'une société en
perpétuelle évolution ?
Est-il possible de continuer à former dans un même système supérieur ceux qui
devront occuper les postes avancés de la recherche et ceux qui occuperont la
grande variété des métiers et des qualifications nécessaires au pays ?
Si ces questions ne sont pas sans effrayer certains, je considère, au
contraire, que l'élargissement des missions de l'université et de ce qu'il est
de coutume d'appeler la « massification » est une chance historique pour notre
société.
C'est au niveau de ces enjeux considérables, essentiels pour l'avenir de la
nation et de la jeunesse, qu'il nous faut penser les missions de l'université
d'aujourd'hui et appréhender les moyens, humains et financiers nécessaires à
ces objectifs.
Les outils majeurs d'adaptation de l'enseignement supérieur à ces nouvelles
missions sont, à mon sens, monsieur le ministre, la rénovation et la
démocratisation du service public d'éducation et de recherche.
Je partage votre volonté de « débureaucratiser » le système. Ce n'est pas un
effet de mode, mais une nécessité pour l'efficacité, la qualité, la justice
dans le service rendu. Mais je pense qu'il faut la lier à la démocratisation
des structures de gestion, d'évaluation et de direction, et à une meilleure
participation des personnels dans leur ensemble.
Le temps me manquera pour évoquer les autres réformes de structures
nécessaires. Permettez-moi, cependant, d'évoquer l'amélioration de
l'orientation, de l'articulation entre enseignement secondaire et supérieur, du
lien recherche-enseignement, de la complémentarité entre universités et grandes
écoles et toujours la grande question de l'aménagement du territoire dans ce
domaine.
S'agissant maintenant de l'emploi, les besoins sont très importants, et les
chiffres que nous connaissons témoignent tous de l'ampleur du nombre de postes
à créer. Il est vrai que la création d'emplois d'enseignants-chercheurs, de
personnels IATOS sera le témoin-vérité de toute possibilité de développement de
l'enseignement supérieur et de la recherche.
Evidemment, cette université du troisième millénaire ne peut évidemment se
construire sur l'exclusion d'une grande partie de notre jeunesse.
La massification n'a pas fait disparaître la sélection sociale ; celle-ci
s'est même aggravée. L'égalité des chances, pensons-nous, doit être au coeur de
toute politique en matière d'enseignement supérieur. Une définition et une
adoption rapide du plan social « Etudiant » peuvent y contribuer avec
efficacité.
Enfin, la recherche et plus particulièrement l'emploi scientifique doivent
être fortement impliqués dans ces objectifs. Les avancées du futur budget sont
notables. Pour autant, certaines questions se posent.
Si je partage la priorité que vous donnez à l'emploi scientifique, celle-ci
est-elle contradictoire avec un essor des très grands équipements ? Or le
budget des très grands équipements régresse. Des projets sont arrêtés, comme
vous nous l'avez annoncé vous-même, monsieur le ministre, lors de votre
dernière audition devant notre commission des affaires culturelles. Je pense au
projet SOLEIL. Je suis élu, vous le savez, d'une région candidate à l'accueil
de ce projet. Son arrêt suscite une émotion certaine...
M. Jacques Legendre.
Très bien !
M. Ivan Renar.
... car l'accueil du LURE, tout en répondant à un besoin national, permettrait
de rééquilibrer un déficit en matière de postes et d'équipements. L'arrêt du
projet est un moins pour les régions candidates qui n'est pour l'heure pas
compensé par un plus significatif en matière d'emplois scientifiques.
Monsieur le ministre, voilà quelques réflexions que je voulais rapidement vous
soumettre à l'occasion de ce débat. Je l'ai fait en m'appuyant sur les avancées
politiques et budgétaires positives que vous avez annoncées pour contribuer à
la réflexion et à l'élaboration d'un enseignement supérieur et d'une recherche
modernes, aptes à affronter les défis et enjeux du troisième millénaire.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Camoin.
M. Jean-Pierre Camoin.
Je dois d'abord vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir permis ce débat
prébudgétaire, qui nous donne l'occasion d'échanger des idées et de vous faire
part de nos préoccupations.
Je voudrais vous livrer le sentiment que je ressens depuis maintenant quatre
ou cinq mois.
Les trois premiers mois, en congé un peu forcé, nous n'avions pour seules
informations que celles que nous pouvions lire dans la presse.
L'un de vos illustres prédécesseurs voulait faire passer la France des
ténèbres aux lumières : j'ai l'impression que vous, vous vous plaisez dans un
certain clair-obscur où il est très difficile de discerner les détails. Mais,
au bout d'un certain temps, l'oeil s'adapte et apparaissent des choses que l'on
ne voyait pas de prime abord.
Qu'avons-nous appris cet été par la presse ?
Je me souviens du premier article que j'ai lu et de la déclaration du comité
anti-amiante de Jussieu ; les syndicats des personnels de l'université de
Paris-VII avaient adressé un courrier au nouveau Premier ministre dans lequel
ils qualifiaient de « provocation inutile » votre nomination ! Le ton semblait
donné.
Dans le même article, les journalistes prenaient tout de même la précaution de
rappeler le programme socialiste et de bien préciser l'abandon des suppressions
de postes qui avait été promis pendant la campagne, surtout dans les premier et
deuxième degrés, les mesures d'urgence dans les zones difficiles, la relance
d'une politique ambitieuse pour l'université et la recherche, et cela avait
particulièrement attiré mon attention, monsieur le ministre, car je ne vous
parle que de l'enseignement supérieur, vous vous en doutez.
Puis j'ai découvert une interview à
Paris-Match
dans laquelle vous
disiez non pas que les choses allaient changer, mais que la réforme Jospin,
baptisée « Bayrou », avait été mise en route, que, de toute manière, vous ne
vouliez pas de cassure et que vous alliez faire du « bricolage » au sens noble
du terme, et vous ajoutiez : « La réforme Bayrou, nous allons la poursuivre,
mais la mettre en place dans la concertation. »
S'agissant de concertation, nous assisterons, dans les quelques jours qui
suivront, à un psychodrame affectant vos relations avec les syndicats, qui
présentent en vain des demandes d'audience,...
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Vous plaisantez !
M. Jean-Pierre Camoin.
... ce qui fera dire à un syndicaliste cité par
Le Monde
: « Cinq ans
qu'ils ont quitté le pouvoir, et ils croient tout savoir. » Mais passons...
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le sénateur, j'ai passé vingt-cinq jours à recevoir des syndicats !
M. Jean-Pierre Camoin.
Je cite la presse, c'est tout !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Excusez-moi de vous interrompre, mais je suis un scientifique, et je ne peux
pas écouter des informations fausses sans réagir !
M. le président.
Vous avez le droit de réagir, monsieur le ministre, mais vous devez demander à
l'orateur l'autorisation de l'interrompre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je vous prie de m'excuser, monsieur le président.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Camoin.
M. Jean-Pierre Camoin.
Il s'agissait donc d'une citation tirée du
Monde.
Je tiens l'article à votre disposition, monsieur le ministre.
Quoi qu'il en soit, le 24 juin, j'étais tout à fait rassuré, car était alors
rendu public le plan pour les universités. Comment ne pas applaudir à ce plan
visant à mener la bataille de l'intelligence du xxie siècle ?
Quinze points étaient détaillés, mais je n'en citerai que quelques-uns : faire
entrer l'innovation dans le système éducatif, replacer l'élève et l'étudiant au
centre de celui-ci et, surtout, donner la priorité budgétaire à l'éducation et
à l'enseignement supérieur.
Je passerai sur le fait que c'est alors que vous avez annoncé qu'il fallait «
dégraisser le mammouth » et déclaré que vous n'étiez pas le Père Noël.
Quelques jours plus tard, le 19 juillet, nous prenions connaissance du plan
social. Je vous cite : « Dans ce pays de comptables qui ne savent
qu'additionner des chiffres et aligner des statistiques, je veux que le sujet
principal de l'éducation soit l'enfant, l'étudiant, pas la situation des
enseignants. Cette priorité des priorités doit être posée non dans une
assemblée de syndicats, mais devant le pays tout entier. » Et vous ajoutiez : «
Entre la reconnaissance du principe d'autonomie dès dix-huit ans, qui se
traduirait par une forme de salaire étudiant, et l'attribution d'allocations
fondées sur le revenu des parents, il n'y a pas de solutions toutes faites »,
et vous envisagiez de saisir le Parlement dès 1998.
La confusion était alors à son comble et a fait dire à Arnaud Hurel, de l'UNI
: « Enfin un vrai ministre de droite. Que n'a-t-il été nommé plus tôt ! »
Le même jour, cependant, on pouvait lire dans les colonnes du
Monde
: «
L'exception Claude Allègre, le ministre aux mille et une idées. Il parle
beaucoup, de tout et partout, promet des emplois, des postes, des bâtiments,
des programmes, des chercheurs et des découvertes. Ce ministre à part adore le
contre-pied mais continue à buter sur une difficile équation budgétaire. » Et
l'auteur de regretter en conclusion que le statut étudiant soit renvoyé à plus
tard. Car, en fait, c'est de cela qu'il s'agit : lorsque vous étiez intervenu,
c'était pour annoncer que le statut étudiant était reporté à 1998.
Le mois d'août passe normalement, dans la quiétude de la chaleur de l'été et
d'une France en sommeil pour cause de congés.
Et nous voilà à reprendre nos travaux parlementaires !
Dans un premier temps, nous avons en quelque sorte régularisé des mesures que
vous aviez prises et pour lesquelles il était difficile de réunir le Parlement.
Je vous avais déjà posé la question en commission ; vous m'avez fort justement
répondu qu'il y avait une question de date et qu'il fallait se presser ; c'est
pour cette raison que vous n'aviez pas tenu compte des principes républicains,
qui, normalement, ne souffrent pas d'exception, mais qui, là, et cela peut se
comprendre, en ont subi.
Depuis, nous avons appris que la réforme de la relance de la formation
continue à l'université était reportée à 1998 et que, en revanche, la réforme
du recrutement des universitaires devenait un problème urgent. Il est vrai
qu'il ne s'agit que de la treizième modification de ces procédures depuis 1984
! D'ailleurs, les premières propositions que vous aviez présentées ont subi des
modifications ; mais vous affirmiez qu'il ne s'agissait que d'une étape
provisoire.
En fait, si tout cela participait d'une certaine ambiance, ce ne serait pas
grave. Mais nous avons reçu, voilà maintenant quelques jours, un dossier
d'information qui, lui, à mon avis, est assez parlant : il traite de la rentrée
universitaire de 1997 et des projets de budget.
Là, pour le coup, nous sommes passés de la pénombre à la clarté lumineuse : le
projet de budget de l'enseignement supérieur qui est présenté comme prioritaire
serait en progression de 3,05 % en 1998. Or, je vous rappelle que celui de
l'exercice précédent avait augmenté de 5,5 %. Votre effort en faveur de
l'enseignement supérieur doit donc être relativisé.
Ces crédits globaux, monsieur le ministre, restent d'ailleurs inférieurs au
total de la subvention d'équilibre et du déficit de la SNCF. Il n'y a donc pas
de quoi pavoiser s'agissant de l'effort que nous faisons en faveur de
l'enseignement supérieur dans notre pays !
Vous avez également annoncé 3 000 recrutements. Je vous rappelle que votre
prédécesseur avait lancé un plan de rattrapage de 4 000 emplois par an. En
réalité, l'idée sur laquelle j'étais resté à la fin de l'été - le recentrage
sur l'étudiant et sur les problèmes sociaux - avait disparu. En revanche,
l'effort que vous faites est inférieur à celui de votre prédécesseur, malgré
tous les beaux discours.
Si nous ajoutons à cela que ce budget, comme tous les budgets, risque d'être
en trompe-l'oeil, qu'il s'agit d'un budget prévisionnel fondé sur des recettes
qui, peut-être, ne seront pas toutes au rendez-vous, eh bien, monsieur le
ministre, sans vouloir être un oiseau de mauvais augure, je pense que les
difficultés sont devant nous et non pas derrière.
Mais nous n'allons pas entrer dans les détails budgétaires...
M. Guy Allouche.
C'est dommage !
M. Jean-Pierre Camoin.
Nous le ferons dans quelques semaines.
La conclusion que je tire de tout cela - c'est que le clair-obscur ne profite
pas toujours et que, autant nous étions prêts, avec vous, à « dégraisser le
mammouth », autant nous ne sommes pas prêts à vous aider à « repeindre la
girafe » !
(Rires et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Martin.
M. Pierre Martin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, loin d'être
un animal préhistorique fossilisé, l'éducation nationale constitue un enjeu
trop important pour que les sénateurs, représentants des collectivités locales
- en particulier les maires qui exercent des responsabilités dans le domaine
scolaire - soient absents d'un débat crucial pour l'avenir de ce grand service
public et pour notre société.
Depuis votre prise de fonctions, monsieur le ministre, vos déclarations
tonitruantes ont été largement entendues, bien accueillies par l'opinion et
différemment ressenties par les enseignants.
Cependant, au-delà de vos talents d'orateur, finement maladroit et
volontairement provocateur, je serais tenté de dire : « Paroles, paroles...
».
Il est vrai qu'il paraîtrait délicat de se montrer hostile à l'annonce de
mesures aussi alléchantes, bien que encore à l'état de projet pour
certaines.
Mais, n'en soyez pas étonné, l'ancien directeur d'école que je suis n'a pas
été vraiment convaincu !
En effet, monsieur le ministre, de nombreuses contradictions apparaissent dans
vos déclarations.
Vous avez gagné en popularité - cela a été longuement répété au cours de cette
séance - en déclarant, le 25 juin 1997, dans un quotidien du soir, vouloir «
dégraisser le mammouth » qu'est l'éducation nationale alors que, dans le même
temps, vous annonciez la titularisation progressive de 39 000 maîtres
auxiliaires et que vous promettiez la création de 40 000 emplois par an, pour
lesquels il faudra engager des procédures de titularisation au terme des cinq
ans. Où est la cohérence, monsieur le ministre ?
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Dans la définition du « mammouth » !
M. Pierre Martin.
J'y reviendrai !
Et avec votre verbe et votre verve, désormais légendaires, vous avez su
dénoncer les dysfonctionnements qui affectent l'éducation nationale.
Je citerai le cloisonnement bureaucratique et l'univers administratif et
syndical qu'il convient de débloquer, la gestion centralisée du personnel, qui
est un véritable casse-tête pour vos services, la procédure de remplacement des
enseignants partis en congés formation, qui est inefficace et qui concourt à un
absentéisme aux effets certainement déplorables pour nos enfants.
Le « zéro défaut » est encore loin !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Il est là !
M. Pierre Martin.
Non, monsieur le ministre, pas encore !
Que penser, par ailleurs, monsieur le ministre, de tous ces maîtres
auxiliaires envoyés en nombre dans les lycées dans l'attente d'un remplacement
- environ 10 % du personnel enseignant - et qui finissent par rester chez eux
parce qu'ils ne trouvent pas ou ne veulent pas trouver, en raison de leur
spécialité, de tâches de soutien à assurer.
Quant au personnel titulaire, il s'aperçoit qu'il peut être plus souvent
malade qu'avant : toute façon, il y a quelqu'un pour le remplacer.
J'imagine mal comment un fils, un époux et un père d'enseignant comme vous,
monsieur le ministre, peut tolérer plus longtemps un tel gâchis !
Il convient de réformer au plus vite cette administration qui est le premier
employeur mondial, avec plus d'un million de salariés, et qui est classée au
premier rang des postes budgétaires de l'Etat.
Il est par ailleurs inacceptable qu'un enfant sur sept ne sache pas lire à
l'entrée en classe de sixième, que deux enfants sur cinq ignorent la différence
entre un carré et un rectangle, que 10 % à 15 % de la population scolaire
empruntent le long couloir de l'illettrisme qui, de la maternelle à la classe
de troisième, traversent l'école de la République, qu'un jeune sur dix quitte
le système scolaire à seize ans sans aucun diplôme et qu'un conscrit sur dix ne
sache pas lire.
Si l'école ne peut ni faire disparaître les inégalités individuelles et
sociales, ni effacer les situations d'exclusion, nous ne pouvons nous résigner
à ce qu'elle soit le reflet fidèle de ces inégalités.
Alors oui, monsieur le ministre, le « mammouth » doit se remuer !
Permettez-moi de vous interpeller plus particulièrement, monsieur le ministre
- j'aurais cependant souhaité m'adresser directement à Mme le ministre - sur
des points qui me paraissent essentiels.
Il s'agit, en premier lieu, du fonds créé pour faciliter l'accès aux cantines
scolaires. Les enfants des écoles maternelles et élémentaires peuvent-ils en
bénéficier...
M. Guy Allouche.
Oui !
M. Pierre Martin.
... et, si oui, à quelles conditions ?
Il s'agit, en second lieu, de la reconduite du moratoire et de la réouverture
de huit cents classes sur quatre-vingt-un départements.
Décidées en fonction d'une convergence de critères qualitatifs et non
arithmétiques, privilégiant les zones rurales et urbaines difficiles, ces
réouvertures ont remis en cause une carte scolaire qui, finalement, était
presque acceptée par tous.
Pourquoi maintenir une solution transitoire qui retarde mais n'empêche pas des
fermetures rendues inévitables par la baisse des effectifs ?
Ne pouvait-on utiliser ces huit cents postes en les redéployant vers des
missions de soutien dans des zones difficiles, ou pour conforter en milieu
rural les regroupements centralisés voulus et créés ?
La Somme, mon département, avec 783 communes, connaît la ruralité, qui est un
« critère de difficulté sociale », selon vos propos.
En tant qu'élu local et national, j'ai la conviction que le moratoire n'est
pas, à terme, de nature à enrayer la désertification rurale. Peut-il contribuer
à améliorer l'enseignement ? Permettez-moi d'en douter !
En tant qu'enseignant, je peux affirmer que le système éducatif doit prendre
en compte les nouvelles technologies, considérer la démographie et l'espace
territoire et, plus simplement, s'adapter à notre temps.
Offrir les meilleurs services à nos enfants est un devoir. Cette possibilité
est-elle imaginable partout en l'état ? Je ne le crois pas !
L'intercommunalité, l'imagination et la volonté peuvent aider à la réalisation
de ces objectifs.
La réhabilitation et la transformation des écoles fermées en espaces de jeux,
d'animation, de lecture, par exemple, pour les jeunes d'un village, comme j'ai
pu l'expérimenter dans mon département, sont - croyez-moi - des facteurs de
valorisation et de réussite éducatives et culturelles et une façon de «
positiver » une fermeture.
Dans le cadre de l'ARVEJ, peut-on imaginer, monsieur le ministre, une prise en
compte des éducateurs qui assurent les activités périscolaires au titre des
emplois-jeunes ?
Vous avez décidé d'ouvrir de nombreux chantiers de rénovation. Je voudrais, à
cet égard, livrer quelques réflexions.
J'aurai certainement l'occasion d'intervenir ultérieurement sur des sujets
capitaux tel que le réemploi, lors de cette dernière rentrée scolaire, de 39
000 maîtres auxiliaires, enseignant parfois depuis dix ans, pour lesquels je ne
suis pas certain que le problème soit définitivement réglé.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le sénateur, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Pierre Martin.
Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le sénateur, vous avez employé un sigle, pourriez-vous le développer
?
M. Pierre Martin.
J'ai effectivement parlé de l'ARVEJ : il s'agit de l'aménagement des rythmes
de vie de l'enfant et du jeune.
Dans notre pays, de nombreux sites fonctionnent à titre expérimental,
c'est-à-dire que le matin est généralement réservé aux activités scolaires,
l'après-midi étant dévolu aux activités périscolaires, ces activités englobant
le sport.
J'interviendrai également sur la réintroduction, dès la maternelle, de cours
de morale et de civisme. Les bonnes habitudes abandonnées en 1969 apparaissent
aujourd'hui comme une action indispensable. Mais est-ce une découverte ?
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je vous dis oui !
M. Pierre Martin.
Voyez, nous sommes d'accord sur un point au moins !
J'évoquerai ensuite l'éradication de l'illettrisme que vous souhaitez mettre
en oeuvre pour lutter contre l'échec scolaire. Si l'intention est évidemment
bonne - très bonne même, monsieur le ministre - comment cependant comprendre
que des jeunes, après treize années de souffrance, finissent leur scolarité
sans maîtriser les apprentissages fondamentaux ? Ce n'est pas normal !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Non !
M. Pierre Martin.
Je me contenterai pour l'heure d'évoquer la loi sur les emplois-jeunes, par
laquelle vous créerez - au-delà des 40 000 emplois - un immense espoir, dont
j'ose souhaiter qu'il ne deviendra pas une désillusion.
Sans même attendre le vote définitif du texte par le Parlement, les rectorats
ont enregistré et sélectionné des milliers de candidatures ; ces demandes ne
pourront pas être toutes satisfaites.
Contrairement aux propos de Mme Aubry, ce plan exclut les jeunes n'ayant pas
de diplôme sanctionnant deux années d'études post-baccalauréat, au moins tant
que les 63 000 attributaires de contrats emplois-solidarité qui hantent les
établissements n'auront pas été réaffectés.
Les modalités de ce recrutement massif semblent poser de nombreuses questions
relatives à la mission dévolue à ces jeunes, au statut de ces derniers dans les
établissements et aux délais impartis aux équipes éducatives pour accueillir ce
personnel parfois surdiplômé par rapport à l'équipe d'encadrement.
Dans les écoles élémentaires, on attend une clarification des responsabilités
de même que des précisions sur les périodes et les durées de travail qui
devront être assurées par les personnes recrutées.
Ce projet sibyllin, que vous ne jugez pas utile de réglementer par une
circulaire mais pour lequel vous avez finalement adressé une note de service
aux recteurs, va-t-il créer une catégorie nouvelle d'emplois peut-être
précaires, les « sous-maîtres », qui remplaceraient les anciens pions de façon
durable et seraient en mesure de faire évoluer les rythmes scolaires ?
Par ailleurs, est-il utile de vous rappeler, monsieur le ministre, que, si les
enseignants sont favorables, sur le fond, à la présence d'aides-éducateurs, ils
n'en demeurent pas moins sceptiques sur la forme.
J'aborderai maintenant un dernier point : la délicate question financière, qui
a volontairement été éludée auparavant.
Depuis quatre mois, le Gouvernement introduit des innovations importantes, qui
tendent vers davantage de justice et plus d'efficacité dans notre système
éducatif.
Monsieur le ministre, vous êtes un ministre chanceux, puisque le projet de
budget que vous proposez disposera de 334,4 milliards de francs et demeure,
avec la justice - plus 4 % - et l'emploi - plus 3,6 % - celui qui progresse le
plus fortement, alors que les dépenses de l'Etat, dans leur ensemble,
augmentent, elles, de 1,36 %.
Cependant, monsieur le ministre, permettez-moi de m'inquiéter de savoir si les
idées qui foisonnent dans votre esprit correspondent aux chiffres du budget que
vous avez en tête.
Par quelle alchimie budgétaire parviendrez-vous à assurer effectivement la
réalisation de ce programme ambitieux et audacieux ?
Même les organisations syndicales, qui saluent - cela est à souligner -
l'inversion de tendance enregistrée dans le budget pour 1998, s'interrogent sur
la manière dont pourront être tenues ces promesses pléthoriques.
Monsieur le ministre, le moment est venu non plus de lutter contre l'échec
scolaire, mais de réunir les conditions pour la réussite scolaire.
Nous devons partir d'un principe primordial : l'enfant, l'élève, l'étudiant
doivent être placés au centre de la démarche pour la rénovation de ce service
public, que nous souhaitons moderne et efficace.
Je dirai que le devoir de l'éducation nationale, avec tous ses partenaires,
est de conduire nos enfants sur le chemin de la réussite, mais avec une même et
seule finalité : leur épanouissement, leur bien-être et leur avenir.
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre.
« Mammouth », vous avez dit « mammouth », monsieur le ministre, et la France a
souri.
La rentrée est arrivée et vous avez récidivé en dénonçant avec vigueur un
absentéisme enseignant supposé excessif. L'écho de vos paroles est allé très
loin, très au-delà des limites habituelles de votre champ politique. Un
hebdomadaire parisien vous a classé parmi les membres du Gouvernement qui
trouvent un accueil favorable aussi dans l'opposition.
On vous crédite d'un parler vrai, d'une pensée forte, d'une volonté de
réforme.
J'ai quelque scrupule, dans ces conditions, à vous dire ici ma gêne, un
certain sentiment de malaise, l'impression d'ambiguïté que me causent les
premiers mois de votre action.
Oh, j'ai des excuses ! Je suis un pur produit du « mammouth » : un professeur
de l'enseignement secondaire, enseignant de lettres, puis d'histoire. Mon
métier, je l'ai exercé avec passion et avec bonheur, mais je ne sais pas si ce
serait encore le cas, car il est de plus en plus difficile d'être professeur.
Les enseignants sont au coeur des contradictions, au bord des fractures de la
société française. Ils doivent en permanence s'adapter. Ils s'efforcent de le
faire, mais leur métier, ce beau métier que j'ai aimé, n'est plus le même.
Alors, il faut leur dire la vérité, leur parler vrai, en effet, monsieur le
ministre. Mais il faut aussi dire à tous nos concitoyens, à tous les Français,
combien ce beau métier devient difficile et combien les enseignants doivent
être soutenus. Or ils n'ont pas le sentiment d'être vraiment soutenus par leur
ministre.
J'écoutais, dimanche, les propos d'un syndicat enseignant proche de vous...
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
De moi ?
M. Jacques Legendre.
Disons de gauche. Je ressentais leur amertume.
Voici ce qu'écrit un autre syndicat dans un éditorial qui me parvient
aujourd'hui : « Chacun sait que les actes de violence morale et physique, les
injures, les insultes, les agressions physiques contre les professeurs, les
surveillants et les personnels d'éducation se sont multipliés à un tel point
qu'il est difficile d'en tenir un compte précis. Or, pour lutter vigoureusement
contre ces actes inqualifiables, nous n'avons jusqu'à maintenant qu'une
déclaration de M. Claude Allègre annonçant qu'il ne les tolérerait plus et
qu'il réagirait très fermement. Mais d'actes précis, de modification du décret
du 30 août 1985, qui donne au seul chef d'établissement le droit de réunir, ou
de ne pas réunir, le conseil de discipline, point. Mieux ou pire encore : nous
voyons se multiplier les propositions de médiateurs plutôt que de réunir le
conseil de discipline, les propositions de dialogue et les manifestations de
compréhension à l'égard de jeunes agresseurs...
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Pas de ma part !
M. Jacques Legendre.
... plutôt que le rappel de la nécessité de préserver l'intégrité physique et
morale des professeurs, et donc le rappel des sanctions disciplinaires et
pénales contre les auteurs des insultes, injures et agressions. »
Ce ne sont pas mes propos, ce sont les déclarations d'une grande organisation
syndicale enseignante parues aujourd'hui.
Si je les ai lues à cette tribune, c'est qu'elles correspondent au sentiment
de nombreux enseignants, monsieur le ministre. Si vous vous élevez contre ces
faits, et si vous indiquez au Sénat votre détermination à réprimer les auteurs
d'injures ou d'agressions contre les professeurs, alors, soyez-en assuré,
monsieur le ministre, nous serons derrière vous et au diapason.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré qu'il était urgent d'agir. Il est
urgent d'agir aussi dans le domaine de l'apprentissage des langues dans
l'enseignement scolaire, de le dire et de le faire sans ambiguïté.
Vous avez déclaré, le 30 août dernier, devant l'université d'été du parti
socialiste : « Il ne faut plus compter l'anglais comme une langue étrangère. »
N'en doutez pas, monsieur le ministre, cette déclaration a consterné beaucoup
d'amoureux de la langue française, particulièrement à l'étranger.
Je comprends tout à fait qu'il soit nécessaire, et presque inévitable, de
connaître l'anglais, ou plus exactement l'anglo-américain, dans le monde qui se
construit. Si c'est ce que vous avez voulu dire, nous sommes d'accord. Mais le
rapport de l'homme à la langue qu'il parle est un rapport qui est très fort et
qui modèle sa pensée. Celui qui s'exprime en français n'a pas exactement les
mêmes valeurs ni la même vision du monde que celui qui pense et qui s'exprime
en anglais. Voilà pourquoi il est redoutable de mettre sur le même plan le
français et une autre langue.
Monsieur le ministre, avez-vous songé un seul instant à ce qu'ont ressenti, en
entendant une telle déclaration, les Québécois, pour qui le français ne saurait
en aucun cas être mis sur le même plan que l'anglais, même si bien évidemment,
l'anglais ne leur est pas étranger ?
Je crois qu'il y a au moins une ambiguïté à dissiper dans vos propos, monsieur
le ministre. Si vous pouviez le faire publiquement devant le Sénat, et en
pensant à nos amis francophones des autres pays, j'en serais particulièrement
heureux. Je souhaitais vous en donner l'occasion.
Une telle remarque ne signifie pas, bien sûr, que nous ne soyons pas attachés
à la connaissance, par les jeunes Français, des langues étrangères, et je dirai
à la connaissance de deux langues étrangères plutôt que d'une seule.
Mon collègue et ami Alain Vasselle, sénateur de l'Oise, s'attache tout
particulièrement, depuis 1993, à suivre l'expérimentation de l'apprentissage
précoce de langues étrangères en CM 1 et en CM 2 dans le secteur rural de
Froissy. Deux postes ont été créés : un temps plein pour l'anglais, un mi-temps
pour l'allemand. Tous les acteurs de cette expérimentation reconnaissent les
résultats positifs qui ont été obtenus.
Avez-vous l'intention, monsieur le ministre, de généraliser cette initiation
aux langues étrangères à tous les enfants dès le cours préparatoire ? Avez-vous
l'intention, comme le souhaite M. Vasselle, de conforter cet enseignement
précoce dans les classes de CM 1 et de CM 2, avec, éventuellement, le concours
d'intervenants extérieurs ?
Plus généralement, quelles sont vos intentions par rapport à la proposition n°
7 du
Nouveau contrat pour l'école
qu'avait formulée M. François Bayrou ?
Plusieurs associations de linguistes tiendront ces jours prochains leur congrès
annuel : je pense en particulier aux germanistes, qui se réuniront bientôt à
Marseille.
Si l'enseignement de l'anglais se porte bien, une commission spécialement
créée au Sénat sur ma suggestion a marqué, à l'unanimité, sa vive inquiétude
devant la régression de l'enseignement de langues aussi importantes que
l'allemand, l'italien, le portugais, le russe ou l'arabe, pour ne rien dire du
polonais. Quand tiendrez-vous compte des suggestions de cette commission ?
Aurez-vous enfin une politique dynamique de l'enseignement des langues
étrangères ? Quand je dis « enfin », monsieur le ministre, ce propos n'est pas
un reproche à vous particulièrement adressé, il concerne également vos
prédécesseurs.
Monsieur le ministre, Camus disait qu'il faut espérer Sisyphe heureux. Je
crois que ce que nous devons attendre d'un ministre de l'éducation nationale,
c'est qu'il sache bientôt rendre le mammouth heureux et, si possible aussi,
polyglotte.
(Sourires et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de remercier tous ceux qui
sont présents à cette heure tardive pour entendre mes réponses.
Si vous le voulez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par
des remarques de méthode, et je vous prie instamment d'excuser la liberté que
je prends en vous parlant de méthode. Non que je veuille, en tant qu'ancien
professeur, donner des leçons à qui que ce soit, mais parce que je souhaite que
nos rapports soient fixés sans ambiguïté.
J'appartiens à un gouvernement dont le Premier ministre est l'un des hommes
politiques que je connais qui respecte le plus la démocratie. On l'a vu hier
encore à l'Assemblée nationale, lorsqu'il a fait une mise au point sur un
imbroglio créé par le président du RPR. Etant pourtant moi-même issu d'une
famille de résistants depuis la première heure, je n'ai rien compris à cet
imbroglio.
Je respecte profondément le Parlement, et je pense même que ses droits sont
encore insuffisants. Je crois pouvoir dire que M. le Premier ministre est du
même avis. Nous sommes donc extrêmement respectueux des droits du Parlement, et
nous viendrons, en toute occasion, nous exprimer devant les assemblées. Je suis
prêt pour ma part à avoir tous les débats que vous souhaiterez sur l'éducation
nationale. Mais, dans la société de médias qui est la nôtre, les déclarations
sont souvent déformées et les interprétations ne sont pas toujours dignes des
débats du Parlement. Par conséquent, de la même manière que je souhaite que
l'on respecte le Parlement - et je le respecterai - je vous demande de vous en
tenir à cette éthique qui consiste à ne se référer, entre nous qu'aux propos
tenus par le ministre en public ou aux déclarations écrites. Si vous ne le
faites pas, en public, je ne vous en tiendrai pas rigueur, mais je ne changerai
pas d'attitude.
J'ai entendu, dans un certain nombre de vos interpellations, des
interprétations de propos que j'ai peut-être tenus, mais qui sont des
interprétations de la presse et non les miennes !
Je n'ai jamais, par exemple - je veux le dire -, prononcé en public les mots :
« dégraisser le mammouth ». C'est un journaliste qui m'a attribué cette
expression à la suite de conversations privées. Que cela ait fait la une des
journaux, que cela ait pu être populaire, peut-être, mais je ne l'ai jamais dit
!
De même, je n'ai jamais prononcé, de quelque manière publique que ce soit, de
condamnation des enseignants ! Il s'est trouvé que, lors d'une visite d'école,
j'ai vu un enseignant assis sur une chaise. Lorsque je lui ai demandé ce qu'il
faisait, il m'a dit : « J'attends que quelqu'un soit malade pour le remplacer.
» Ce à quoi j'ai répondu : « C'est scandaleux ! » Et on a montré cet échange à
la télévision. Avais-je tort ?
Plusieurs sénateurs du RPR.
Non !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Il s'est trouvé qu'au cours d'une réunion privée du parti socialiste un député
m'a dit : « Les enseignants de ma circonscription sont venus faire la rentrée
scolaire, puis, au bout de huit jours, ils ont laissé leurs élèves pour partir
en stage de formation. » Je lui ai, là encore, déclaré : « C'est scandaleux ! »
Avais-je tort ? (
Non ! sur les mêmes travées.
)
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
C'était une réunion privée !
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais aussi
que vous preniez quand même la mesure de la situation dont j'hérite de mon
prédécesseur !
Chaque jour, des milliers d'élèves se trouvent sans professeur. Pourquoi ?
Parce que ces derniers sont quelque part ! Eh bien, cette situation, je ne la
tolérerai pas, je tiens à le dire solennellement ! (
Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du RPR
et des Républicains et Indépendants.
) Je prends d'ailleurs les mesures
nécessaires pour cela car, pour moi, c'est l'enfant qui est au centre du
système éducatif, et non pas l'enseignant.
De plus, je ne veux pas que l'on me fasse un procès alors que j'assume
l'héritage de quelqu'un qui a géré l'éducation nationale plus en fonction de sa
carrière que de l'intérêt des enfants de France. Je vous le dis clairement !
(
Applaudissements sur les travées socialistes. Oh ! sur les travées du
RPR
.)
Plusieurs sénateurs du RPR.
Ce n'est pas le seul responsable !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Vous avez raison, il n'est pas le seul responsable. Je pense que, s'agissant de
la gestion de l'éducation nationale, se sont accumulées un certain nombre
d'habitudes avec lesquelles je veux rompre.
Si j'ai accepté ce poste - après beaucoup d'hésitations, le Premier ministre
pourrait vous le dire - c'est pour changer les choses. Je n'ai pas besoin
d'être ministre de l'éducation nationale, je le dis comme je le pense ! J'ai
accepté ce poste par devoir, parce que je suis d'une famille républicaine. Je
pense qu'il faut changer la situation, ce qui signifie, pour moi, deux
choses.
La première, c'est mettre l'enfant au centre du système éducatif. Nous sommes,
mesdames, messieurs les sénateurs, le premier pays du monde à avoir éprouvé le
besoin d'affirmer, dans une loi, que l'enfant est au centre du système éducatif
! Personne d'autre n'a osé faire une chose pareille, parce que c'est tellement
évident... Mais pourquoi l'avons-nous fait, nous ? Parce que cela n'était pas
le cas !
La seconde, c'est mettre l'éducation au centre du débat politique de ce pays.
En dépit de ce que tel ou tel écart de langage laisse à penser, l'enseignement
est bien au centre du débat politique. Tout à l'heure, l'un de vous disait que,
tous les jours, il est question de l'éducation nationale. Eh bien, j'en suis
fier parce que l'éducation nationale est la première des priorités si l'on veut
préparer l'avenir.
M. Franck Sérusclat.
Très juste !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je veux dire clairement une chose : voulez-vous d'une éducation nationale dont,
l'un après l'autre, vous avez dénoncé le statisme et les déviations, alors que,
parallèlement, excusez-moi de faire un peu de politique, certains d'entre vous
ont qualifié les enseignants de merveilleux, le système de formidable,
d'extraordinaire, etc. ?
Connaissez-vous les chiffres ? Lorsqu'il y a 1 % d'erreur à l'éducation
nationale, ce sont 150 000 élèves qui le paient ! Lorsqu'il y a 10 % d'erreurs
à l'éducation nationale, c'est 1,5 million d'élèves qui le paient !
M. Jean-Claude Carle.
Et les citoyens !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Lorsque je dénonce les déviances, je ne dénonce pas la majorité des enseignants
! La majorité d'entre eux, j'ai été le premier à le dire - je suis issu de ce
milieu je fais partie de ce milieu, je vis dans ce milieu, la majorité d'entre
eux, dis-je, font leur travail dans des conditions difficiles, terribles
parfois. Certes, il y en a quelques-uns qui ne font pas leur travail, et ce
sont ceux-là que l'on montre.
En fait, dans la même situation que le ministre de la justice : si la majorité
des magistrats font leur métier, lorsqu'il y en a 1 % qui ne le font pas, ils
sont à la une des journaux. Seulement, le ministre de la justice gère 6 000
magistrats, alors que moi, je gère 800 000 enseignants ! C'est considérable
!
J'ai décidé de m'attaquer aux problèmes avec ce slogan ambitieux, stupide
peut-être, mais nécessaire de « zéro défaut », car nous ne pouvons pas admettre
qu'un seul enfant dans ce pays soit victime de telle ou telle défaillance.
Lorsque je lis dans
La Croix
- qui n'est pas spécialement un journal
socialiste - qu'en Corrèze des professeurs de mathématiques ont accompli
pendant trois semaines un stage de perfectionnement de tennis, croyez-vous que
le ministre de l'éducation nationale que je suis peut ne pas réagir ? Eh bien,
je réagis.
Plusieurs sénateurs du RPR.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Faut-il continuer à ne discuter qu'avec les syndicats d'enseignants ? Eh bien,
non !
M. Jean-Claude Carle.
Il faut agir !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Il faut discuter avec les syndicats d'enseignants, certes, mais aussi avec tout
le monde. Je veux remettre l'enfant au centre du système éducatif. C'est
pourquoi, lorsque je rencontre les syndicats d'enseignants, la même semaine, je
parle avec les grandes confédérations syndicales et le patronat. Voyez les
déclarations de M. Viannet, de M. Blondel, de Mme Notat : elles vont dans le
sens de ce changement !
Evidemment, certains - peu nombreux - ceux qui n'ont jamais proposé aucune
disposition d'ordre qualitatif mais dont la revendication consiste toujours à
demander plus de créations de postes et des augmentations de salaire, ceux-là,
oui, nous reprochent un certain nombre de choses, mais vous l'avez dit
vous-même - et tous les sondages le prouvent - et ce n'est pas là que se situe
le problème.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je tiens à vous dire solennellement que je suis prêt au dialogue. Nous
défendons la France, nous ne défendons pas tel ou tel parti politique ; nous
défendons l'avenir de notre pays. Je suis donc prêt à accepter tous les débats,
toutes les suggestions, toutes les propositions pour que nous bâtissions
ensemble le système d'éducation de l'avenir.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
On me reproche d'être brutal. Mais M. Bayrou, qui n'est pas un homme brutal,
qui est même extrêmement habile, a réussi à faire descendre des milliers de
personnes dans la rue. Nous avons donc une petite marge !
Ceux qui voulaient le maintien des avantages acquis, ceux qui n'entrent plus
au ministère sans avoir besoin de s'annoncer à l'huissier, ceux-là ont
manifesté : ils étaient cinq mille !
Maintenant, je vais rappeler ce que nous avons promis de faire avec ma
collègue Ségolène Royal, qui ne peut pas être présente ce soir parce qu'elle
s'occupe de ses enfants.
Ensemble, nous nous sommes engagés à réemployer les maîtres auxiliaires, non
parce que nous les aimons, mais parce que ces personnels ont été embauchés et
ont parfois passé douze ans sans être inspectés. Et maintenant on les
licencierait ! Ils ont été mis devant nos enfants. On leur a confié l'éducation
du futur et on leur demanderait de rentrer chez eux ! Est-ce humain ?
J'ai donc repris des maîtres auxiliaires. Etais-je content de le faire ?
Etait-ce raisonnable ? C'était humainement nécessaire.
M. Guy Allouche.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Nous l'avons fait sans réclamer un sou d'augmentation du budget. Lorsque nous
avons dit que nous le ferions, personne ne nous a cru.
Nous avons annoncé que nous réouvririons des classes. Peut-être tout n'a-t-il
pas été parfait, mais nous en avons réouvert dans des endroits où cela était
nécessaire.
Nous avons dit que nous mettrions en place une allocation de cantine scolaire.
Nous l'avons fait.
Nous avons dit que nous rétablirions la République dans l'école, car la
République est sortie de l'école. Sur ce point, je me permettrai d'insister.
Lorsque, avec Ségolène Royal, nous nous sommes attaqués au problème de la
pédophilie, nous avons constaté que des circulaires étaient rédigées, mais,
comme les syndicats agissaient sur le ministre, ces circulaires n'étaient pas
envoyées. Alors qu'elles étaient bonnes ! Il a suffi que nous parlions pour que
les choses rentrent dans l'ordre.
Lorsqu'il y a des cas scandaleux, la loi s'applique. Mais ce n'est pas à nous
de juger ou de faire des enquêtes. Les procureurs font leur travail et les
choses rentrent dans l'ordre.
J'en viens au bizutage.
Savez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il y a en France, depuis des
années, des cas scandaleux de bizutage ? Ségolène Royal s'est attaquée à ce
problème. Nous remettons en ordre un certain nombre de choses.
Est-il normal que des enfants soient torturés au cours de bizutages absurdes
et idiots ? Est-il normal que l'on humilie des jeunes filles dans la rue, sous
prétexte que ce sont des jeunes filles, comme on l'a vu à Marseille ?
Pourquoi d'autres, avant nous, n'ont rien fait ? Nous sommes bien obligé
d'agir.
Quant à la violence à l'école, elle est intolérable. Nous dévoilerons notre
plan antiviolence, avec Jean-Pierre Chevènement, le 5 novembre prochain.
Le rétablissement de l'école républicaine est une priorité. Nous l'avons
promis, nous le ferons.
J'en viens aux emplois-jeunes.
Chacun peut penser qu'il y a trop d'enseignants dans notre pays.
Permettez-moi, à ce propos, de vous soumettre quelques éléments de réflexion,
monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs.
Commençons par une comparaison internationale - les comparaisons
internationales sont toujours de bon ton, surtout quand elles vous sont
favorables. Je vous livre celle-ci d'autant plus volontiers qu'elles concerne
un pays auquel certains se réfèrent toujours : les Etats-Unis d'Amérique.
En France, la population active compte 6 % d'enseignants, tout compris. Aux
Etats-Unis d'Amérique, ce chiffre est de 7 %. En Scandinavie, il est de 8 %.
Cette première donnée prouve que nous n'avons pas trop d'enseignants.
La deuxième donnée confirme la première : comment prétendre que nous aurions
trop d'enseignants alors que les collectivités territoriales s'empressent de
créer des postes d'enseignant, alors que les entreprises éprouvent le besoin de
créer des emplois d'enseignant ? Cela prouve que, pour les unes et les autres,
les enseignants ne sont pas encore assez nombreux.
Pourquoi avons-nous créé des emplois-jeunes dans le primaire ? Parce que nous
avons un projet pédagogique dans ce cycle : il s'agit de changer les rythmes
scolaires. Autrement dit, nous nous apprêtons à imiter MM. Séguin et Drut, mais
avec trois fois moins d'argent qu'eux. Eh oui ! Les projets de MM. Séguin et
Drut seraient pour les communes riches et non pour les communes pauvres.
Nous, nous appliquerons notre projet partout. Nous changerons les rythmes
scolaires conformément aux voeux du Sénat, qui en a affirmé la nécessité dans
un de ses rapports. Nous nous y emploierons avec des emplois-jeunes.
Lorsque nous proposons la création d'emplois-jeunes dans les collèges pour
lutter contre la violence, c'est que nous nous inscrivons dans un projet
pédagogique.
Lorsque nous préconisons les emplois-jeunes pour permettre l'accueil de tous
les enfants dès l'âge de deux ans, c'est toujours dans le cadre d'un projet
pédagogique.
Comme nous n'avons pas encore de projet pédagogique pour le lycée, nous n'y
avons pas prévu actuellement d'emplois-jeunes. Quand nous aurons un projet
pédagogique, nous en créerons au lycée.
Les emplois-jeunes ne sont pas un gadget, une fantaisie, un slogan ! Les
emplois-jeunes répondent à un besoin de meilleur encadrement, de meilleur
contact entre l'élève et le maître.
Venons-en aux remplacements.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez été
confrontés ces jours-ci à des difficultés de remplacement dans vos régions,
dans vos communes, dans vos départements, et je m'en excuse. Je peux vous
indiquer que ces difficultés cesseront dans trois jours. Pourquoi ?
En fait, je ne voulais pas poursuivre la gestion traditionnelle de l'éducation
nationale qui consiste de la part des recteurs à recruter des maîtres
auxiliaires et à laisser à l'Etat le soin de payer la facture.
Par conséquent, j'ai demandé aux recteurs d'assumer leur responsabilité de
républicains, c'est-à-dire de respecter l'argent de la République et
l'efficacité du service public. Trouvez-vous normal que, dans ce pays, des
milliers de personnes ne soient pas en charge de classes ? Ce n'est pas normal
quand un certain nombre d'enfants ont besoin d'aide et qu'il y a tant de
quartiers difficiles. Voilà ce que nous sommes en train de corriger, avec
l'objectif de « zéro défaut ».
Désormais, dans les affectations, nous allons donner la priorité aux personnes
admissibles au CAPES et à l'agrégation. Pourquoi ne l'a-t-on pas fait plus tôt
? L'année suivante, ces personnes entrent dans la voie des concours normaux.
Pourquoi, depuis des années, a-t-on pris n'importe qui pour composer ces corps
de maîtres auxiliaires, que j'ai recrutés pour des raisons humanitaires.
J'ai dit que je règlerai le problème des remplacements.
Enfin, vous ne pouvez pas me demander de déconcentrer avant d'avoir engagé la
réforme de l'administration centrale.
Actuellement, dans l'administration centrale, sur dix-neuf directeurs, il n'y
a pas une seule femme. A partir du mois de décembre, il y aura douze
directeurs, dont la moitié seront des femmes.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Dans un milieu qui est majoritairement féminin, ne pensez-vous pas qu'il s'agit
d'un progrès ?
Mme Hélène Luc.
Si !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Ces directeurs ne seront pas des esclaves entre les mains du ministre. Ils
auront une mission à accomplir, notamment celle de procéder à la
déconcentration. De vos interventions, j'ai conclu que la déconcentration
était, pour vous comme pour moi, une préoccupation.
Voilà ce que je tenais à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs. Et je
ne veux pas que vous me fassiez de procès d'intention à travers des polémiques
politiques. Bien sûr, je suis un socialiste - et j'en suis fier ! On me dit
parfois que je suis aimé des hommes de droite. Mais je n'ai rien d'un homme de
droite, au sens partisan du terme, même si je défends la qualité, le labeur.
M. Jean-Claude Carle.
C'est vrai à droite aussi !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je suis d'une famille socialiste qui a toujours aimé le travail, le labeur, la
qualité.
Plusieurs sénateurs du RPR.
Nous aussi !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Par conséquent, je ne veux pas que l'on me classe d'un côté qui n'est pas le
mien.
M. Philippe Richert.
Ce sont des valeurs communes !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
En effet, l'égalité des chances,...
M. Philippe Richert.
Nous aussi, nous la prônons !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... la promotion sociale,...
M. Jean-Claude Carle.
Nous aussi, nous la souhaitons !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... l'aide différenciée - aider plus celui qui a moins - c'est la base...
MM. Jean-Pierre Camoin
et
Jean-Claude Carle.
Comme pour nous !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Eh bien alors, passez de l'autre bord et votez pour ce Gouvernement !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Ivan Renar.
Laissez venir à moi...
(Sourires.)
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je crois profondément que l'acquis est plus fort que l'inné...
M. Jean-Claude Carle.
C'est une valeur que nous partageons !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... car je crois que l'apprentissage est plus important que la naissance.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Mais nous aussi !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Eh bien alors, passez de l'autre côté et votez notre budget !
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Philippe Richert.
N'importe quoi ! Qu'est-ce que c'est que ces leçons ?
Mme Hélène Luc.
Venez à la place de Victor-Hugo !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je suis de gauche, et j'en suis fier !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Laissez-nous être
nous-mêmes !
M. Pierre Martin.
Comparons nos parcours !
M. le président.
Monsieur le ministre, s'il vous plaît, ne semez pas la perturbation dans
l'hémicycle.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je voudrais maintenant répondre à chaque orateur, comme je l'ai fait en
commission.
M. Gouteyron a dit beaucoup de choses intéressantes, comme M. Richert
d'ailleurs, en mélangeant le miel, le vinaigre, de temps en temps la moutarde,
...
M. Pierre Martin.
La cuisine évolue !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... puis une couche de confiture, etc.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
C'est cela la bonne
cuisine !
(Sourires.)
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Oui, mais il faut que j'apprenne la politique.
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
A mon avis, vous
n'en avez pas besoin, vous savez faire !
M. le président.
Si vous voulez interrompre M. le ministre, il faut me le demander !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Il nous y invite
!
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur Gouteyron, j'ai dit récemment que la promotion des enseignants devait
désormais se faire en tenant compte de la qualité, du dévouement, de
l'imagination et de la difficulté de la tâche.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Bravo !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Nous aiderons les enseignants qui décideront de s'investir dans les zones
difficiles, dans les ZEP ou dans les quartiers les plus exposés à la
violence.
Je ne veux pas engager de polémique, mais ce n'est pas moi qui ai créé
l'agrégation à l'ancienneté, c'est mon prédécesseur. Moi, je l'ai supprimée.
Savez-vous, monsieur le président de la commission, que des enseignants qui
n'avaient pas mis les pieds dans leur classe depuis vingt ans ont obtenu leur
agrégation à l'ancienneté sous mon prédécesseur ? Moi, jamais je n'admettrai
une chose pareille !
M. Jacques Legendre.
Vous avez raison !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Moi, je défends la qualité, je défends le dévouement, je défends l'imagination
parce que je suis d'une famille ouvrière qui a toujours admiré ces valeurs.
Vous avez évoqué la question du financement des emploi-jeunes. Je ne suis pas
un magicien, mais je ne suis pas non plus né de la dernière couvée.
M. Ivan Renar.
Ah ça non !
M. Jacques Legendre.
Certes !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Il y a en outre un certain nombre d'années que je gère des crédits publics.
Savez-vous, monsieur le président de la commission, que je n'ai jamais eu un
sou de déficit de ma vie de gestionnaire, ni lorsque je gérais mon laboratoire,
ni, excusez-moi de le rappeler, lorsque je gérais le département de
l'enseignement supérieur au ministère de l'éducation nationale.
Les emplois-jeunes sont financés. Comment le sont-ils ? C'est en effet une
question que l'on peut poser. Je ne l'avais encore dit à personne, je vais
maintenant vous indiquer comment l'éducation nationale financera les 20 % à sa
charge.
Supprimons-nous des heures complémentaires dont la disparition entraverait
l'enseignement ? Non ! Mais les heures complémentaires - encore une grande
gracieuseté de mon prédécesseur - cela revient à faire trente-six heures payées
quarante-deux.
J'ai décidé que lorsqu'on ferait trente-six heures on serait payé trente-six
heures ! Avec la différence, on crée 40 000 emplois-jeunes. Est-ce une mauvaise
action ?
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Pierre Martin.
Trente-cinq heures payées trente-cinq heures !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Trente-six heures payées trente-six heures ! Je ne vois pas pourquoi nous les
payerions quarante-deux heures, d'autant que cela nous permet de financer 40
000 emplois-jeunes.
Le réemploi des maîtres auxiliaires sera financé sur les heures
complémentaires. Et je n'aurai pas l'outrecuidance de dire le nombre de ces
heures qui avaient été créées pour faire plaisir à tel ou tel.
M. Guy Allouche.
Si, complémentaires, dites-le !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mais, rassurez-vous, nous n'avons pas supprimé la totalité des heures
complémentaires dans l'éducation nationale. Dans l'enseignement secondaire,
elles représentent près d'un million d'heures. Nous en supprimons, modestement,
80 000...
M. Guy Allouche.
C'est tout ?
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... pour financer le réemploi des maîtres auxiliaires. N'est-ce pas une bonne
action ?
En ce qui concerne les « reçus-collés », selon l'expression que vous avez
utilisée, monsieur le président de la commission...
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Ah non !
M. Philippe Richert.
C'est moi qui l'ai utilisée !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Quoi qu'il en soit, je dis tout de suite qu'il n'y a pas de reçus-collés. Il y
a, vous le savez, des listes complémentaires... Si l'on considère ceux qui y
sont inscrits comme reçus, il faudra instaurer des listes complémentaires de
listes complémentaires et, finalement, il ne sera plus nécessaire d'organiser
de concours, puisque tout le monde sera admis ! Ce n'est pas ma philosophie.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Ni la nôtre !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Nous ferons appel aux listes complémentaires si le besoin s'en fait sentir.
Elles sont là pour ça. De la même manière que les maîtres auxiliaires
n'obtiendront pas leur titularisation en défilant avec des pancartes, les
inscrits sur les listes complémentaire ne seront pas automatiquement intégrés.
La gauche, ce n'est pas le laxisme, c'est la rigueur, la vraie rigueur, une
rigueur démocratique !
(Très bien ! sur les travées socialistes. -
Exclamations amusées sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. Philippe Richert.
Ah, la rigueur démocratique...
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je veux dire à ce sujet que les titulaires d'emploi-jeunes de l'éducation
nationale - de l'éducation nationale, j'y insiste - recevront à partir du mois
de janvier une formation continue, que nous organisons en ce moment. Elle leur
permettra de trouver des emplois, dont la moitié peut-être conduiront à des
concours dans l'éducation nationale, tandis que d'autres seront extérieurs à
celle-ci. Je n'ai pas du tout l'intention de les intégrer massivement comme
fonctionnaires.
Je crois profondément aux emplois-jeunes, et je vous ferai remarquer, puisque
certains d'entre vous se sont fait l'écho de la presse, que, lorsque j'ai
annoncé la création de 40 000 de ces emplois dans l'éducation nationale au 1er
octobre, les ricanements ont été quasi unanimes.
Eh bien, ces emplois, ils sont là, les jeunes sont embauchés, ils sont sur le
terrain, ils sont dans les écoles, et cela à la satisfaction de tous. Je vous
invite les uns et les autres à venir le constater ; vous serez les bienvenus,
car les recteurs ont reçu instruction de recevoir, sans passer par
l'intermédiaire des préfets, les représentants de la nation désireux d'examiner
sur le terrain le fonctionnement du dispositif. Si vous avez à faire des
remarques, des critiques, des suggestions, des propositions, elles seront bien
reçues.
Les emplois-jeunes n'ont pas pour finalité de créer de nouveaux fonctionnaires
mais d'instituer un nouveau système, à la fois système de formation et système
conduisant à créer des emplois. Certains jeunes seront animateurs culturels,
d'autres animateurs sportifs de la jeunesse et des sports, d'autres encore
suivront des études à l'université ou passeront les concours des IUFM, les
instituts universitaires de formation des maîtres. Certains encore exerceront
des professions n'ayant rien à voir avec l'éducation nationale.
Nous mettons ce système en place, et je vous garantis que c'est difficile, car
nous sommes obligés d'organiser, dans tous les cursus d'enseignement supérieur,
une formation continue inexistante aujourd'hui. Elle n'en sera pas moins en
place au 1er janvier 1998.
M. Franck Sérusclat.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Les jeunes interrogés dans les médias le disent tous : les emplois-jeunes sont
un immense espoir. Je souhaiterais donc que l'on évite de faire des remarques,
dégradantes, à mon avis, à leur propos, car nous avons là une chance formidable
de lutter contre ce fléau qu'est le chômage.
Monsieur Maman, vous avez soulevé la question de l'orientation des étudiants
du lycée à l'université, et vous avez eu raison. Je vais vous exposer nos
intentions à cet égard.
D'abord, nous souhaitons que les agrégés et les certifiés cessent d'être en
compétition dans les lycées, certains faisant plus d'heures et d'autres moins,
les uns étant payés davantage que les autres. Nous voulons mettre en place un
système original : les agrégés exerceraient « vers le haut », dans les
dernières classes des lycées et « le début » des universités, et le plus grand
nombre possible d'entre eux assureraient un service partagé entre le lycée et
l'université de manière, précisément, à pouvoir expliquer, discuter, «
fabriquer » l'orientation des jeunes.
Je n'ai aucune intention, je l'affirme encore une fois devant la
représentation nationale, de supprimer le concours de l'agrégation ; je compte
au contraire utiliser au mieux les capacités des agrégés, mais les mettre en
compétition avec les titulaires du CAPES, c'est rendre un mauvais service à
l'éducation. Leur orientation en fonction de leur diplôme, de leurs capacités,
est donc une de mes grandes préoccupations, et sur ce point je vous rejoins,
monsieur Maman.
J'en arrive à la question du financement, sur laquelle nous ne sommes certes
pas totalement d'accord, mais nous le sommes au moins partiellement.
Dans la tradition européenne, l'enseignement supérieur est gratuit, financé
par l'Etat. Nous prenons part actuellement à un débat européen avec l'Italie,
l'Allemagne et l'Angleterre sur ce sujet.
Notre position sur le financement de l'université doit évoluer car deux
nouvelles populations font leur entrée à l'université : les étrangers et les
retraités, lesquels, j'attire votre attention sur ce point, deviennent une part
importante de la population dans les universités. Je ne citerai pas de nom,
mais quelqu'un qui a été directeur de banque et décide de faire des études doit
pouvoir payer des droits d'inscription élevés !
Par conséquent, pour les retraités, nous allons fixer des droits d'inscription
fonction de leurs ressources, mais nous allons aussi créer des cours.
Pour les étudiants étrangers, nous allons mettre au point le système suivant -
qui fera l'objet d'une discussion avec la représentation nationale : les
étudiants étrangers qui bénéficient d'une bourse sous condition de ressources
n'auront pas à acquitter de droits d'inscription différents de ceux qui sont
réclamés aux Français, mais ceux dont les revenus sont extrêmement élevés dans
leur pays devront, eux, payer des droits d'inscription un peu plus élevés. Sans
entrer en compétition avec l'Australie, cela devrait faire entrer des devises
en France et accroître les ressources de nos universités.
Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis soucieux comme vous
d'une meilleure adéquation entre les ressources et les droits d'inscription.
Toutefois, je voudrais préciser ici que, contrairement à ce qu'a dit l'un des
orateurs, lorsque je ne suis pas sûr de faire quelque chose, je ne l'annonce
pas. Je passe un temps considérable depuis que je suis en fonction - vous devez
le savoir par diverses indiscrétions - à recevoir nombre de chefs d'entreprise
pour « monter » un projet dans ce domaine. Quand il sera prêt, vous serez les
premiers à le savoir.
En ce qui concerne l'enseignement à l'étranger, si le ministère des affaires
étrangères est prêt à transférer les moyens financiers correspondants,
l'éducation nationale est, pour sa part, prête à assumer la responsabilité de
l'enseignement du français et, plus généralement, de la culture française à
l'étranger.
J'ai passé une journée en Inde - j'en informe, à cette occasion, la
représentation nationale - où j'ai pu visiter le lycée de Pondichéry. Il est
très émouvant pour nous, Français, de constater que 1 200 jeunes Tamouls ont
choisi l'éducation française plutôt qu'une autre, là-bas, au bout du monde.
Je suis aussi allé à l'Institut français et à l'école française
d'Extrême-Orient, qui assurent une présence française dans cette partie du
monde.
L'éducation nationale est donc prête à assumer ses fonctions, comme le
ministère des finances assume les siennes par le biais des conseillers
commerciaux.
Quand et comment allons-nous mettre en place ces réformes, m'avez-vous
demandé, monsieur Carle. Dès que possible ! Je ne peux pas dire mieux, et je
vous ai tout à l'heure donné des exemples de réformes déjà mises en place : les
emplois-jeunes sont entrés en application, le réemploi des maîtres auxiliaires
est effectué, je travaille au « zéro défaut » et je vais m'attaquer au problème
des programmes. Ne vous faites donc pas de souci ! Je n'aurai pas
l'outrecuidance de vous demander d'examiner ce que j'ai fait dans ma vie, mais,
jamais de ma vie, je n'ai fait de promesses que je n'ai pas tenues, y compris
lorsque j'étais simple conseiller spécial au ministère de l'éducation nationale
!
M. André Maman.
Très bien ! Il faut continuer.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Vous pouvez donc être certains que le jour où je ne pourrai pas faire ce que
j'ai envie de faire, je retournerai dans mon laboratoire. Je n'aurai besoin de
personne, je n'aurai besoin d'aucune motion de censure pour cela ; je m'en irai
comme Cincinnatus est reparti dans ses champs, soyez-en sûrs.
Au sujet du délicat problème de la formation professionnelle, monsieur Carle,
je dirai juste qu'enseignants et proviseurs de lycées professionnels
connaissent une grande évolution : les mots « alternance » et « apprentissage »
ne sont plus tabous. Si vous extrapolez, vous comprendrez ce que j'ai
l'intention de faire. Mais je vous demande de me laisser mener la négociation
doucement, parce qu'il y a beaucoup de cicatrices et il me faut beaucoup de
mercurochrome et même de sparadrap.
(Sourires.)
M. Jean-Claude Carle.
J'extrapole lentement !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mon ami Jean-Louis Carrère n'étant pas là, je ne vais pas répondre à ses douze
questions.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
L'une d'entre elles cependant intéresse tout le monde : les parlementaires
seront-ils associés au débat sur le problème de l'aide sociale aux étudiants ?
Ma réponse est « oui ». Elle n'a pas changé. J'ai dit à M. Gois de répondre à
une éventuelle convocation de votre part.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires étrangères.
Nous le convoquerons
!
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Ensuite, j'entendrai vos suggestions. Il n'y a donc pas de problème !
Madame Luc, vous m'avez demandé d'assurer l'égalité des chances, et, compte
tenu du mouvement auquel vous appartenez, votre souhait est tout naturel.
Oui, je veux assurer l'égalité des chances ! Oui, c'est la priorité ! Oui,
nous ferons tout ce que nous pourrons pour y parvenir !
Nous avons indiqué que nous allions réorganiser l'éducation nationale, en
particulier dans la région parisienne, afin de garantir un encadrement plus
proche dans les zones sensibles.
Il est vrai que l'égalité des chances n'est pas assurée. Mais il s'agit d'un
problème difficile. Nous sommes un vieux peuple habitué à des certitudes dans
un monde plein d'incertitudes. Nous sommes habitués à ce qu'il y ait des
disciplines nobles et d'autres qui le sont moins. Je fais partie de ceux qui
pensent que les talents sont extraordinairement répartis.
Mme Hélène Luc.
C'est vrai !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Nous essayons donc de faire en sorte que les talents divers soient reconnus à
égalité. Il n'existe pas de disciplines scientifiques ou littéraires nobles et
d'autres secondaires. Il est aussi bien d'être très bon en musique que d'être
très bon en mathématiques.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Telle est la mutation à laquelle nous voulons procéder : nous voulons atteindre
au sein de l'éducation nationale l'excellence dans la diversité, et donc
l'égalité des chances.
J'ai affirmé devant la Haute Assemblée que nous allions créer des bourses pour
les familles très défavorisées afin de permettre à leurs enfants de poursuivre
des études dont les frais seront intégralement couverts par l'Etat. Je suis
donc extrêmement soucieux de ce problème.
Je sais que le système que nous avons mis en place bénéficie à une tranche
moyenne et élimine les familles très pauvres. Il nous faut donc travailler sur
ce sujet, et je suis prêt à écouter toutes les suggestions.
Les collectivités locales, c'est vrai, ne sont pas des vaches à lait. Quand je
vois, comme dans la région qui m'est chère, des ronds-points, des ronds-points,
des ronds-points et encore des ronds-points...
(Rires),
j'ai tendance à
penser que l'argent nécessaire à leur construction aurait été mieux utilisé
pour l'éducation nationale. Etant donné le prix de ces ronds-points, lesquels
font travailler des
scrapers
japonais ou américains et peu d'employés
français, j'ai tendance à dire que, si j'étais ministre de l'équipement, je
ferai voter un texte contre les ronds-points !
(Rires.)
Mme Hélène Luc.
Certains évitent des accidents, monsieur le ministre !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Cela évite peut-être quelques accidents.
Mme Hélène Luc.
Il y en a beaucoup !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mais en sortant de Montpellier pour accéder à la route des Cévennes, il faut
passer huit ronds-points ! Pensez-vous que cela soit utile ? Quand on connaît
le prix des ronds-points - je ne vous ferai pas l'injure de vous le dire ! - on
peut penser que cet argent serait mieux utilisé dans l'éducation nationale.
Les collectivités territoriales sont donc non des vaches à lait, mais des
partenaires, et nous sommes ouverts à un partenariat avec elles sur nombre de
sujets.
Monsieur Ostermann, je vous rassure tout de suite : je ne vais pas supprimer
l'unité d'enseignement professionnel. J'ai rencontré M. Pineau-Valencienne
(Exclamations sur les travées du RPR),
qui, par ailleurs, ne nous fait
pas particulièrement de « cadeaux » et qui fréquente plutôt certains milieux
que d'autres ; mais peu importe !
(Murmures sur les travées du RPR.)
Je
tenais à le dire pour vous montrer que je ne suis pas sectaire ! Quoi qu'il en
soit, cette unité d'enseignement professionnel sera réalisée.
Cependant, je ne veux pas - je tiens à l'affirmer avec une grande solennité,
et l'ensemble des dirigeants du patronat français partage mon point de vue -
que les stages soient des emplois déguisés.
Figurez-vous qu'avant d'être ministre de l'éducation nationale, j'ai été
président du BRGM, le bureau des recherches géologiques et minières. Lors de ma
prise de fonctions, j'ai découvert l'existence de cent stages clandestins qui
correspondaient en fait à des emplois d'ingénieurs.
De telles pratiques ne sont pas bonnes pour l'emploi. Le patronat français en
est convenu - je n'ose pas citer M. Gandois parce que son nom n'a peut-être pas
aujourd'hui la résonance qu'il mérite. Nous avons retenu le principe et d'une
table ronde qui serait organisée pour discuter de ce problème et pour
déterminer les stages utiles, courts et encadrés visant à intégrer des jeunes
dans l'entreprise.
Gardons-nous de toute naïveté face aux stages qui sont, en fait, du travail
déguisé. Ancien chef d'entreprise, je connais le discours des gestionnaires.
Ils sont prompts à suggérer l'embauche d'untel qu'on ne paierait pas, tout en
le faisant travailler pour le plus grand bien de l'entreprise ! Par conséquent,
j'incite à la vigilance à l'égard de de ce type de stages.
J'en viens aux nouvelles technologies et à l'intervention de M. Sérusclat.
Connaissant assez bien le sujet, pour avoir été probablement l'un des premiers
Français à utiliser Internet - nos amis américains nous en ont fait bénéficier
dès le début - et l'un des premiers géologues français à utiliser des
ordinateurs, je voudrais quand même dire une chose : je ne veux pas recommencer
- je le dis sans aucune polémique - le centre mondial de l'informatique, le
plan informatique pour tous...
M. Jean-Claude Carle.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... ou le dernier plan de M. Bayrou, qui est resté dans un tiroir. Je veux que
ce projet réussisse et, pour ce faire, il sera étalé sur trois ans ; il
comportera une formation des enseignants et fera appel à la conviction de ces
derniers.
M. Marcel Vidal.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Nous sommes donc en train de mettre l'administration de l'éducation nationale
sur Internet. Je peux vous dire que c'est une révolution ! L'idée que l'on
puisse envoyer des courriers tous les jours dans toute la France est quasiment
réalisée.
Les universités et les grandes écoles sont branchées sur Internet. Nous
faisons un effort pour que les IUFM puissent former les enseignants du futur.
Ensuite, nous procéderons au branchement des différents établissements.
Paradoxalement, nous allons commencer par les écoles, avec un système qui
utilisera à la fois le câble optique dans les villes ayant le câble optique, le
cuivre dans les villes ayant du cuivre et les satellites dans les campagnes,
afin d'assurer une transmission plus directe.
Nous allons donc mettre en oeuvre ce plan sans répéter l'erreur commise dans
le passé par un certain nombre de communes, de départements et de régions, qui
se sont ruinés pour acheter des ordinateurs : ces collectivités locales sont
confrontées aujourd'hui à des demandes d'élèves visant au remplacement
d'appareils devenus obsolètes. Nous allons donc non pas acheter, mais louer les
ordinateurs. Ainsi, au fur et à mesure de l'avancement de la technologie, les
anciens ordinateurs pourront être remplacés par de nouveaux.
Monsieur le sénateur, nous avons bien évidemment lu votre rapport, comme nous
avons naturellement lu - je suis étonné que M. Carrère ne le sache pas ! - le
rapport du Sénat.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
C'est vrai !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Nous avons donc lu le rapport sur les nouvelles technologies, et nous en tenons
compte.
M. Renar m'a posé la question suivante : formation de masse ou formation de
haut niveau ? Les deux, mon général !
(Rires.)
M. Ivan Renar.
C'est la réponse que j'attendais !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
D'ailleurs, s'il n'y avait pas eu la massification dans l'enseignement
supérieur, nous n'aurions pas, aujourd'hui, dans les universités, un certain
nombre de professeurs ayant obtenu le prix Nobel, parce qu'ils n'auraient pas
été recrutés.
Mme Hélène Luc.
C'est ce que je vous ai dit tout à l'heure, monsieur le ministre !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Ils auraient en effet été arrêtés par le mandarinat traditionnel et ils
seraient probablement partis pour les Etats-Unis.
Par conséquent, la massification a été une chance formidable.
M. Ivan Renar.
C'est bien ce que j'ai dit !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Elle a permis d'ouvrir l'enseignement supérieur : ainsi, Pierre-Gilles de
Gennes a été recruté comme professeur à Orsay et Claude Cohen-Tannoudji l'a été
à Paris.
Par conséquent, il est extrêmement important de comprendre que la
massification et le haut niveau sont complémentaires, et ce tant en matière
scientifique que dans le domaine sportif : on a plus de chances de gagner les
jeux Olympiques quand on a beaucoup de pratiquants que quand on en a peu ! Moi
je veux donc les deux !
Simplement, il faut procéder à des évaluations et reconnaître que certains
courent plus vite que d'autres, même si cela ne signifie pas qu'il faut tuer
ceux qui courent moins vite. C'est tout ce que je voulais dire.
J'en viens au projet SOLEIL. Vous m'avez dit tout à l'heure, monsieur le
sénateur, que j'allais décevoir beaucoup de monde ! Mais si SOLEIL avait
fonctionné et si je l'avais implanté dans un endroit, j'en aurais déçu encore
plus... En effet, jusqu'à maintenant, beaucoup vivent avec l'espoir !
Pourquoi avons-nous bloqué SOLEIL ? Parce que cet équipement extrêmement cher
ne constitue pas une nécessité, compte tenu du fait que l'équipement actuel
n'est pas obsolète. Nous souhaitons d'abord attendre un peu, refaire un projet
et surtout associer des pays européens au financement.
Vous me direz sans doute que mon côté paysan aveyronnais me conduit à compter
les sous... Mais il ne me paraît pas si mal de partager un peu ces derniers
pour des équipements que l'on a tendance, en France, à ne pas utiliser le
week-end, la nuit, etc. Je considère donc qu'il serait bien qu'un Italien, un
Anglais ou un Allemand puisse participer à ce projet. J'ai donc demandé qu'on
examine le dossier. SOLEIL renaîtra. Vous savez, il suffit d'attendre
vingt-quatre heures et il revient, au ponant comme au levant.
M. Ivan Renar.
Pas vingt-quatre ans, monsieur le ministre !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Pas vingt-quatre ans, mais quelques années !
M. Laffitte, qui n'est pas là, me demandait comment je dégraisserais le
mammouth. C'est un secret !
(Rires.)
Comme je n'ai pas employé cette
expression, je ne peux pas donner de réponse !
Il se souciait de la bataille entre les universités et les grandes écoles. Je
comprends la préoccupation de l'éminent représentant du corps des Mines qu'il
est. Qu'il se rassure ! J'ai nommé rapporteur de cette commission M. Jacques
Attali, sorti major de l'Ecole polytechnique. Les polytechniciens ne peuvent
donc pas se sentir sous-représentés. M. Attali appartenant également au corps
des Mines et au Conseil d'Etat, il est blindé de toutes parts.
(Sourires.)
Nous ne voulons pas supprimer les grandes écoles ! Je ferai néanmoins
remarquer qu'un élève de l'Ecole polytechnique coûte au pays 400 kilofrancs par
an, alors qu'un étudiant de l'université en coûte 30. Entre un élève de Harvard
et un élève de l'université du Wyoming, le facteur ne doit pas être supérieur à
deux ou trois.
On exagère donc un peu, à mon avis, les facteurs. Il ne faut par conséquent
pas hésiter à rapprocher les deux choses, d'autant que certains élèves de
l'Ecole polytechnique ne font pas grand-chose : ils n'assistent pas toujours
aux cours et ne passent pas tous les examens.
Quant à savoir s'il faut imposer aux élèves de l'Ecole polytechnique un cours
de mécanique quantique et de relativité susceptible de les conduire à un emploi
de physicien au CERN alors que les trois quarts d'entre eux deviendront hauts
fonctionnaires ou cadres supérieurs, c'est un sujet dont je laisse à la
commission le soin de discuter ! Ne vaudrait-il pas mieux, par exemple, qu'ils
apprennent trois langues étrangères pour aller vendre leurs avions dans les
pays étrangers ? Laissons passer !
Monsieur Camoin, vous êtes le premier à avoir défendu M. Bayrou, que ce soit
ici ou à l'Assemblée nationale, et je dois vous rendre hommage à cet égard.
M. André Maman.
Non ! nous sommes nombreux à l'avoir fait.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mais si le budget de M. Bayrou était si bon, pourquoi n'a-t-il pas permis
d'ouvrir les postes d'enseignants dont on avait besoin ?
M. Jean-Claude Carle.
M. Bayrou n'a pas eu le temps !
M. Jean-Pierre Camoin.
Les chiffres sont là : 5 % et 3 % !
M. le président.
Monsieur le ministre, si vous ne voulez pas être interrompu, essayez de ne pas
provoquer vos interlocuteurs !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
A cette heure-ci, monsieur le président, peut-être cela pourrait-il provoquer
quelque intérêt supplémentaire !
M. le président.
Si vous le prenez ainsi, je vous laisse faire !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mon intérêt, c'est de réveiller tout le monde... à propos de l'éducation
nationale !
(Exclamations sur de nombreuses travées.)
M. Adrien Gouteyron
président de la commission des affaires culturelles.
Soyez tranquille
!
M. le président.
Monsieur le ministre, le Sénat ne dort jamais !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
J'ai bien dit « réveiller tout le monde sur l'éducation nationale ». Il ne faut
pas prendre mes termes d'une manière trop littérale !
M. Jacques Legendre.
Encore une ambiguïté !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
En politique, quand on sort de l'ambiguïté, c'est toujours à ses dépens, disait
le cardinal de Retz.
M. Ivan Renar.
La représentation nationale veille !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Quoi qu'il en soit, j'ai dit et répété partout que le problème budgétaire
n'était pas essentiel, et je ne me déjugerai donc pas.
Selon vous, M. Bayrou disposait d'un budget meilleur que le mien. Eh bien,
soit ! J'utiliserai cette donnée, je vous le promets, et l'on pourra établir
des comparaisons en termes d'efficacité. Par conséquent, votre affirmation
m'aide énormément !
Je crois néanmoins que les choses ne sont pas perçues de cette manière, y
compris par les enseignants, y compris par les syndicats enseignants de
l'enseignement supérieur.
M. Jean-Pierre Camoin.
Oui : 3 % contre 5 % !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Martin m'a parlé des rythmes de vie de l'enfant, de la morale civique, des
maîtres auxiliaires, des cantines scolaires et de la carte scolaire.
Nous pouvons, certes, en discuter, mais je pense que le problème de la carte
scolaire mérite d'être examiné de plus près. Permettez-moi quand même de
souligner que Mme Ségolène Royal a réglé le problème des réouvertures de
classes avec un doigté et une efficacité remarquables ! J'aurais d'ailleurs
souhaité que cela fût fait avant...
Le problème, c'est que nos personnels de l'éducation nationale ont découvert
la calculette et que, même si la règle de trois n'est plus enseignée dans le
primaire - elle le sera à nouveau
(Très bien ! sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
- la calculette a permis à nos
inspecteurs, qui en sont devenus fanatiques, de répondre à leur manière à bien
des problèmes.
Mais la règle de trois, vous le savez, ce n'est pas la vie ! Or fermer une
école rurale, c'est un drame ; fermer une école dans une zone d'éducation
prioritaire, même si elle compte peu d'élèves, c'est aussi un drame.
M. Guy Fischer.
Une classe pour un élève !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Oui, dans certains endroits, fermer une classe, c'est condamner un village,
voire une région !
D'un autre côté, face à la décroissance démographique, il faut bien, de temps
en temps, fermer des classes : sinon, ce serait bientôt le prêche du curé du
Cucugnan ou bien le moulin de Maître Cornille ! On ne va pas maintenir des
classes vides !
M. Pierre Martin.
Et la qualité de l'enseignement ?
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
En conséquence, il faut mélanger critères quantitatifs et critères qualitatifs.
Mme Ségolène Royal l'a fait et je peux vous dire en son nom qu'elle est ouverte
à toutes les critiques et à toutes les suggestions qui permettront d'améliorer
localement le dispositif.
Sur les rythmes de vie de l'enfant, nous sommes en train d'agir avec les
emplois-jeunes, mais nous le faisons discrètement. Ainsi, de temps en temps,
vous trouvez que je fais un peu de bruit, mais là, vous ne m'entendrez pas : je
m'y prends doucement pour changer les rythmes scolaires de l'enfant.
Au demeurant, permettez-moi de vous livrer une information dont vous ne
disposez peut-être pas encore : les études faites par les psychologues sur le
sujet nous montrent que la période comprise entre dix heures et douze heures
est extrêmement propice à l'acquisition d'un certain nombre de savoirs alors
que, ensuite, on constate une chute. Mais, s'agissant des exercices de mémoire,
il y a une certaine remontée à dix-sept heures. C'est pourquoi, bien que je
reconnaisse des mérites aux initiatives de M. Drut, en particulier dans la
mesure où il a permis de faire évoluer les mentalités d'un certain nombre de
syndicats enseignants, je ne suis pas d'accord avec lui sur la formule : « Le
matin avec cartable, l'après-midi sans cartable ».
Selon moi, les activités dites d'éveil, c'est-à-dire le sport, la culture, la
musique, les travaux divers, en bref l'acte éducatif, ne doivent jamais être
absentes. En effet, c'est parfois à cette occasion qu'on peut apprendre la
morale civique, voire la lecture ou telle ou telle discipline. C'est pourquoi
nous cherchons à réaliser une certaine continuité éducative dans la journée.
A cet égard, je vais peut-être vous étonner, je vais même sans doute en faire
hurler certains : je n'ai pas de religion à propos de la semaine de quatre ou
de cinq jours, mais je considère que les petites vacances trop longues
pénalisent les familles qui n'ont pas de moyens. Pour les autres, le problème
est différent : quand les enfants ont douze jours de vacances, on les envoie au
ski ; mais, quand on n'a pas de moyens, les enfants traînent dans la rue si les
familles n'ont pas la chance de vivre dans des communes qui organisent des
garderies. Par conséquent, douze jours pour des petites vacances sans arrêt,
c'est un problème !
Cela étant, je n'ai pas dit que j'allais supprimer ces vacances ! Il ne faut
donc pas écrire demain que M. Allègre a dit qu'il allait les supprimer ! J'ai
dit que les petites vacances trop longues, c'est un problème.
Par ailleurs, le système éducatif n'évoluera que si nous instaurons un
dialogue entre les parents d'élèves et les enseignants. Or, si je considère que
le samedi matin n'est pas un bon moment pour faire de l'enseignement, je crois
que c'est un bon moment pour que les parents puissent venir à l'école et
dialoguer avec les enseignants.
Ainsi, vouloir réduire la semaine à quatre jours, cela implique que les
enfants auront plus d'heures de travail chaque jour et qu'ils seront fatigués.
Par ailleurs, les parents n'auront pas le temps de voir les enseignants. Il est
vrai, d'ailleurs, que, certains enseignants sont bien contents de ne pas voir
les parents. La preuve ? Ils organisent les conseils de classe à quatorze
heures, ce que nous venons d'interdire, soit dit en passant.
M. Jean-Claude Carle.
Très bien !
Mme Hélène Luc.
C'est une bonne chose !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Cela étant, je puis prendre l'engagement que, s'agissant du problème des
rythmes scolaires, une discussion s'instaurera avec la représentation
nationale, car je considère que ce problème ne concerne pas seulement
l'éducation nationale, mais également tout le pays. Je suis donc disposé,
lorsque mes propositions seront prêtes, à organiser un débat sur ce sujet au
Sénat et à l'Assemblée nationale.
Monsieur Legendre, je sais que le métier de professeur est difficile. Cela
fait trente ans - et même plus - que je l'exerce et je considère effectivement
que c'est un métier très difficile. Mes parents l'ont exercé et, comme
quelqu'un l'a rappelé, beaucoup de membres de ma famille l'exercent également.
Mais quand, dans une profession, 1 ou 2 % de personnes ne font pas bien leur
métier, du fait du coefficient d'amplification que j'ai signalé, c'est toute la
profession qui est touchée.
Pour ma part, j'ai l'impression, en dénonçant les manquements, que je défends
la profession. Mais vous avez raison : si un certain nombre de personnes,
pourtant non susceptibles d'être visées par ces critiques, les prennent pour
elles, c'est qu'il y a un problème.
M. Jacques Legendre.
Eh oui !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Ainsi, depuis des années, j'entends dire que, quand ils assurent trois heures
de cours, les professeurs de faculté ne « foutent rien » ! Moi, je n'ai jamais
pris cela pour moi, car tout le monde savait bien que, du lundi matin au samedi
soir, je dirigeais mon laboratoire, j'étais présent ; par conséquent, cela ne
me touchait pas, je ne me suis jamais senti visé par de tels propos.
Je suis cependant tout à fait conscient de ce que vous dites et le fait qu'un
certain nombre d'enseignants qui n'ont rien à se reprocher traduisent ainsi ce
message prouve qu'il y a un réel problème.
Croyez bien, en tout cas, que, si les indices de popularité que m'ont valus
mes déclarations - réelles ou supposées - ont flatté mon ego, ils m'ont
inquiété, car ils signifient que ce pays, quoi qu'en disent les sondages, a un
ressentiment vis-à-vis de son système éducatif.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Tout à fait !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
C'est ainsi que la PEEP publie aujourd'hui un sondage selon lequel les parents
d'élèves pensent que 30 % des enseignants ne font pas bien leur travail. C'est
considérable, mais c'est faux ! Je vous le dis d'une manière très solennelle,
je considère que mon travail, mon métier, mon rôle, ma mission, sont de
réconcilier l'école et le pays. Mais ce n'est pas en masquant les difficultés
et les incompréhensions que nous le ferons.
Je sais également que, dans les salles de classe mes déclarations - réelles ou
supposées - ont provoqué des débats ; mais je considère que ces débats sont
sains. Je peux vous dire, par exemple, que, dans un certain nombre d'académies,
aucun enseignant, depuis deux mois, n'a demandé à aller faire un stage de
formation en laissant ses élèves : tous se sont préoccupés de leur remplacement
ou ont demandé à faire leur stage le mercredi. Je considère que c'est un
progrès !
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean-Claude Carle.
Bravo !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Quoi qu'il en soit, le débat sur l'école ne concerne pas que les enseignants,
il concerne tout le monde, car il permettra de réconcilier le pays avec son
école. Et je vous promets, monsieur le sénateur, que j'y apporterai toute mon
énergie.
Vous m'avez parlé des langues. Ce sujet me va droit au coeur, pour de
multiples raisons. Au demeurant, de vous à moi, je peux vous dire que je
considère que, en tant que langue, l'anglais est condamné : demain, tout le
monde parlera une sorte de pidgin plus ou moins mâtiné de français ou de
japonais. Mais il faut bien reconnaître que l'anglais est devenu un moyen de
communication universel ! Il doit donc être appris au même titre que
l'ordinateur ou Internet. Il faut donc lui faire une place à part dans notre
réglementation vis-à-vis des langues étrangères.
Mais je constate comme vous que l'allemand, le russe, l'italien, l'arabe ou le
portugais sont en perte de vitesse...
M. Ivan Renar.
Et le polonais dans le Nord - Pas-de-Calais !
M. Philippe Richert.
Et l'alsacien !
(Sourires.)
M. Jean-Claude Carle.
Et l'espagnol !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
L'espagnol se maintient au sud de la Loire !
Je veux en tout cas mener une politique dynamique en ce qui concerne les
langues étrangères. Ainsi, en enseignant l'anglais plus deux autres langues
étrangères, cela fera trois langues étrangères. Mais il s'agira d'un anglais de
communication, d'un anglais qui, au demeurant, est indispensable pour « surfer
» sur Internet, soit dit en passant, car ceux qui veulent communiquer sur ce
réseau ne peuvent le faire s'ils ne maîtrisent pas un minimum d'anglais.
A cet égard, j'ai chargé M. Michel Oriano, membre de mon cabinet, qui est un
linguiste, de formuler des propositions. Nous allons les « mettre en musique »,
y compris pour la rénovation de l'enseignement des langues étrangères à
l'université, ce qui manque actuellement considérablement.
Vous le voyez, je suis tout à fait sur votre longueur d'ondes, monsieur le
sénateur !
Voilà ce que je voulais dire. Si j'ai été un peu long...
Plusieurs sénateurs.
Non ! Non !
(Sourires.)
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... n'y voyez que le signe de l'intérêt que j'accorde à vos questions.
Je répète ce que j'ai dit dans mon propos liminaire : ce gouvernement est
extrêmement attaché au dialogue démocratique. Vous avez vu, ces derniers jours,
le Premier ministre refuser de discuter sur un certain nombre de revendications
inscrites sur des pancartes et accepter des amendements présentés au Parlement.
Cela traduit notre volonté de redonner un rôle à la représentation nationale.
Nous ne céderons pas sous la pression des pancartes. Mais lorsque la
représentation nationale nous fera des suggestions, parce qu'elle représente la
France, je le dis solennellement, nous serons attentifs à ces suggestions,
qu'elles viennent de droite ou de gauche. Si elles sont conformes à l'intérêt
de la France, nous les prendrons en compte.
Les combats partisans existent ; je les mènerai à mon heure, de ma place et
quand il le faudra sur les sujets qui nous divisent. Je ne renie pas mon camp
et ne fais aucune égratignure à mes convictions ; tout le monde sait où je
suis.
Mais nous sommes à l'orée du xxie siècle, d'une formidable bataille mondiale
qui met en péril notre identité nationale, notre capacité à survivre, notre
rôle en Europe, notre rôle dans le monde.
C'est la bataille de l'intelligence que nous allons mener, et cette bataille,
le ministère que l'on m'a confié en est le coeur. Pour cette bataille, je
sollicite une mobilisation générale. En ce qui me concerne, je ne ferai preuve
ni d'ostracisme ni d'esprit partisan. Je ferai simplement ce que je crois être,
en mon âme et conscience, de l'intérêt de la France.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen et sur certaines travées de l'Union
centriste.)
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Je demande la parole
pour répondre à M. le ministre.
M. le président.
En vertu de l'article 37, alinéa 3, du règlement, la parole est à M. le
président de la commission.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Je vous remercie,
monsieur le président, de me donner la parole après l'intervention longue et
intéressante de M. le ministre.
Monsieur le ministre, à défaut de savoir si je vais prendre le sel, le poivre,
la confiture ou la moutarde, je vais vous faire part de quelques réactions.
Comme nous tous, j'ai été frappé par la passion que vous avez mise dans vos
propos, par votre sincérité évidente, mais aussi par un sens très aigu de
l'effet que vous ne manquez pas de rechercher. Je salue cette apparente naïveté
qui, en réalité, cache une grande habileté.
Monsieur le ministre, j'ai apprécié.
Un point tout de même : pour défendre votre cause, il n'était pas nécessaire
de vous en prendre comme vous l'avez fait à votre prédécesseur. Vous pouviez
critiquer son action peut-être, pas sa personne.
M. Philippe Richert.
Trop, c'est trop !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Vos propos nous ont
sans doute éclairés.
Alors qu'on parlait de générosité, d'humanité, et que nous approuvions, vous
nous avez dit : « Passez de notre côté ! » Monsieur le ministre, ne croyez pas
que la générosité soit toute d'un côté et que nous défendions je ne sais quelle
cause moins noble que celle que vous défendez.
Non, nous aussi, nous mettons l'enfant au centre de nos préoccupations ; je
vous demande de le croire.
Et puisque vous avez parlé de votre côté, croyez bien que nous aurions pu,
nous aussi, vous entendant sur certains points, vous rétorquer : « Mais,
monsieur le ministre, venez donc du nôtre ! » En effet, nous avons approuvé
certains de vos propos, et vous vous en êtes bien rendu compte.
Monsieur le ministre, j'ai cru comprendre au début de ce débat que vous
n'étiez pas très convaincu de sa nécessité. Peut-être me suis-je trompé ! Vos
réponses nous ont montré qu'en fait ce débat était utile, même si vous n'avez
pas répondu à toutes les questions, notamment à toutes celles que j'ai posées.
Peu importe, le débat budgétaire approchant, nous aurons d'autres occasions de
les aborder.
Monsieur le ministre, vous avez affirmé - je ne retiens que cela - que vous
faisiez ce que vous disiez. Et d'ajouter que, le jour où vous ne pourriez pas
faire ce que vous aviez envie de faire, vous retourneriez dans votre
laboratoire. Monsieur le ministre, ces propos ne sont sûrement pas des propos
en l'air.
Vous permettrez que le Sénat ait la même exigence. Croyez-le, monsieur le
ministre, nous serons des partenaires vigilants. Nous suivrons avec attention
ce que vous faites, nous regarderons si vous tenez les engagements que vous
avez pris - vous en avez pris, ce soir, un certain nombre.
Comme vous, nous voulons servir l'éducation nationale, et nous devons bien à
cette cause cette exigence.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le
numéro 50 et distribuée.
5
DÉPÔT D'UNE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu, en application de l'article 73
bis
, alinéa 8, du règlement,
une résolution, adoptée par la commission des affaires économiques et du Plan,
sur la proposition de directive du Conseil concernant des règles communes pour
le marché intérieur du gaz naturel (n° E 211).
Cette résolution sera imprimée sous le numéro 47 et distribuée.
6
DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la
protection juridique des services à accès conditionnel et des services d'accès
conditionnel.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 938 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion, au nom de la
Communauté européenne, pour les matières relevant de sa compétence, des
résultats des négociations de l'OMC sur les services de télécommunications de
base.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 939 et
distribuée.
7
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Christian Bonnet un rapport, fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale, sur le projet de loi, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'inscription d'office des
personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales (n° 43,
1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 48 et distribué.
J'ai reçu de M. Charles Jolibois un rapport, fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale :
- sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la
prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la
protection des mineurs victimes (n° 11, 1997-1998) ;
- et sur la proposition de loi de M. Serge Mathieu relative à la répression
des crimes sexuels commis sur les mineurs (n° 360, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 49 et distribué.
8
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre de la prochaine séance publique, précédemment fixée au
jeudi 23 octobre 1997 :
A neuf heures trente :
1. - Discussion en deuxième lecture du projet de loi organique (n° 21,
1997-1998), modifié par l'Assemblée nationale, déterminant les conditions
d'application de l'article 88-3 de la Constitution, relatif à l'exercice par
les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les
ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité aux élections
municipales, et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre
1994.
Rapport (n° 38, 1997-1998) de M. Pierre Fauchon, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Aucun amendement n'est plus redevable.
Scrutin public de droit sur l'ensemble.
2. - Discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n° 43, 1997-1998),
adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture,
relatif à l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les
listes électorales.
Rapport (n° 48, 1997-1998) de M. Christian Bonnet, fait au nom de la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
Aucun amendement n'est plus recevable.
3. - Discussion du projet de loi (n° 208, 1996-1997) portant transposition de
la directive 94/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 1994
concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats
portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens
immobiliers.
Rapport (n° 322, 1996-1997) de M. José Balarello, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Aucun amendement n'est plus recevable.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
4. - Questions d'actualité au Gouvernement.
5. - Suite de l'ordre du jour du matin.
6. - Discussion de la question orale avec débat portant sur un sujet européen
(n° QE 2) de M. Pierre Fauchon à Mme le garde des sceaux, ministre de la
justice, sur la constitution d'un espace judiciaire européen.
M. Pierre Fauchon expose à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice,
que, face au développement de la criminalité transfrontalière, il est
nécessaire de constituer un espace judiciaire européen. Il souligne que le
résultat des actions menées dans le cadre du « troisième pilier » de l'Union
européenne est sans commune mesure avec l'ampleur des défis et que le traité
d'Amsterdam ne paraît pas apporter le surcroît d'efficacité qui serait
indispensable. Il demande quelles initiatives sont envisagées par le
Gouvernement pour tenter de donner plus d'efficacité à la coopération en
matière judiciaire et policière, et pour progresser vers l'unification du droit
pénal et la mise en place d'un ministère public européen, dans le sens du
rapport n° 352 (1996-1997) de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne.
La discussion de cette question s'effectuera selon les modalités prévues à
l'article 83
ter
du règlement.
Délais limites pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la prévention et à
la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs
victimes (n° 11, 1997-1998).
Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 27 octobre 1997, à
dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 28 octobre 1997, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures trente-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Actions en faveur de l'insertion professionnelle
85.
- 22 octobre 1997. -
M. Georges Mouly
demande à
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
si ne pourraient être envisagés le rétablissement du financement des formations
de préparation au CADAD (certificat d'aptitude aux fonctions d'aide à domicile)
et le maintien d'un niveau de revenu au moins équivalent à ce que perçoit le
bénéficiaire du revenu minimum d'insertion (RMI) avant l'établissement d'un
contrat de travail, deux mesures qui lui paraissent ssuceptibles de promouvoir
l'action d'insertion professionnelle. En effet, dans le cadre d'une politique
initiée à l'échelon intercantonal pour le maintien à domicile des personnes
âgées, force est de constater que, depuis quelques temps, pour l'une et/ou
l'autre de ces raisons, les bénéficiaires du RMI ne sont pas toujours
encouragés à poursuivre, voire à entamer une action d'insertion
professionnelle.
Simplification administrative et réforme de l'Etat
86.
- 22 octobre 1997. -
M. Jean-Paul Amoudry
appelle l'attention de
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation
sur les intentions du Gouvernement en matière de simplification administrative
et de réforme de l'Etat. Il rappelle qu'en dépit des réformes entreprises
depuis une vingtaine d'années pour décentraliser et déconcentrer la prise de
décision et améliorer les relations entre le citoyen et l'administration l'Etat
conserve, dans notre pays, la profonde empreinte de deux siècles de
centralisation. Or les innovations apparues en moins d'une décennie, dans les
techniques de traitement de l'information et de télécommunications, ont fait de
la rapidité de la décision un enjeu essentiel dans l'ensemble des sociétés
occidentales. Dans ce contexte, la complexité et la lenteur de nos procédures
administratives contrastent au point de devenir un facteur de dégradation des
relations entre le citoyen et l'administration et de contrainte pénalisante
pour les entreprises. C'est pourquoi de nouvelles avancées dans la
modernisation de notre système administratif et de ses procédures de décision
et l'allégement des containtes qui pèsent sur les particuliers et sur les
entreprises s'imposent afin de libérer notamment les initiatives propres à
favoriser le développement économique et l'emploi. L'Etat, pour sa part,
gagnerait beaucoup en efficacité par de nouvelles déconcentrations de ses
procédures de décision. Le précédent Gouvernement avait, poursuivant un
objectif de simplification administrative, élaboré un projet de loi voté en
première lecture par l'Assemblée nationale le 16 janvier 1997, puis le 24
février par le Sénat et, en seconde lecture, le 27 mars dernier par les
députés. Le changement de majorité gouvernementale n'a pas permis l'adoption
définitive de ce texte en deuxième lecture au Sénat. Aussi, il souhaiterait
connaître ses intentions à l'égard des mesures contenues dans ce projet de loi,
et plus particulièrement en matière de réforme de l'Etat.
Compensation des augmentations de cotisations maladie
et de CSG pour la fonction publique territoriale
87.
- 22 octobre 1997. -
M. Philippe Richert
rappelle à
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation
que, le 10 mars dernier, le Gouvernement a institué par le décret n° 97-215,
une indemnité exceptionnelle destinée à compenser, pour certaines catégories de
fonctionnaires, la perte de salaire occasionnée par la modification, début
1997, des taux de cotisation maladie et de contribution sociale généralisée. Le
décret dispose que cette indemnisation exceptionnelle sera allouée aux
militaires à solde mensuelle, aux magistrats de l'ordre judiciaire, ainsi qu'au
personnels de la fonction publique hospitalière ou de l'Etat. L'ensemble des
fonctions publiques semblent donc concernées, à l'exception notable de la
fonction publique territoriale. Une telle mesure, outre qu'elle peut créer un
sentiment d'injustice chez les personnels des administations territoriales,
semble en totale contradiction avec le principe de parité entre les fonctions
publiques. Il souhaiterait en conséquence connaître les raisons qui ont motivé
une telle exception et connaître sa position sur la question ainsi que les
suites qu'il entend y réserver.
Prime de fin d'année aux agents titulaires
des collectivités territoriales
88.
- 22 octobre 1997. -
M. Francis Grignon
attire l'attention de
M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation
sur le problème du versement d'un complément de rémunération sous forme de
prime de fin d'année aux agents titulaires des collectivités territoriales. La
plupart des communes du Bas-Rhin ont adhéré au Groupement d'action sociale du
Bas-Rhin (GAS) afin d'offrir à leurs agents des avantages liés aux adhérents du
GAS, notamment le versement d'une prime de fin d'année. Or, il semble que
seules les collectivités ayant institué un complément de rémunération avant la
loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 peuvent effectuer les versements
correspondants, en application de l'alinéa 2 de l'article 111 de la loi
précitée. Ainsi, de nombreuses communes rurales, qui ont adhéré au GAS après
1984, se trouvent dans l'impossibilité d'accorder à leur personnel un avantage
qui vient en complément de rémunérations modestes. Or, les agents concernés
exercent leurs fonctions le plus souvent dans des conditions difficiles, avec
des responsabilités plus importantes que dans les grandes collectivités. Il lui
demande ce qu'il entend faire afin de mettre un terme à une situation qui
pénalise fortement les communes et leurs personnels, et en particulier les
petites communes rurales.
Fouilles archéologiques
dans l'emprise de la nouvelle liaison
Perpignan-Canet
89.
- 22 octobre 1997. -
M. René Marquès
attire l'attention de
Mme le ministre de la culture et de la communication, porte-parole du
Gouvernement,
sur la réalisation de la nouvelle liaison Perpignan-Canet. L'itinéraire reliant
Perpignan au littoral présente une accidentologie particulièrement grave due au
trafic très important y circulant, surtout la nuit, à grande vitesse et à la
jeunesse des conducteurs. En conséquence, le conseil général des
Pyrénées-Orientales a décidé, en 1989, d'aménager cette liaison de sept
kilomètres en la portant à 2 × 2 voies. Le chantier a démarré en 1995 et s'est
trouvé retardé par les fouilles archéologiques du Mas Miraflor dont le montant
supérieur à 300 000 francs a nécessité le recours à une procédure d'appel
d'offres. Il lui précise qu'au bout de 18 mois de procédure, force est de
constater que la concurrence n'a pu s'exercer du fait du monopole détenu par
l'Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN), monopole
renforcé par le fait que l'autorisation indispensable au responsable de la
fouille archéologique est accordée par le ministère de la culture qui rejette,
par l'intermédiaire des commissions interrégionales de recherche archéologique,
les propositions étrangères à l'AFAN. Il lui indique que cette entrave à la
concurrence paraît abusive et non garante des meilleures conditions financières
puisque, sur le chantier en cause, le Conseil général va devoir dépenser 160
000 francs de plus du fait du recours à l'AFAN. En effet, une société
espagnole, possédant d'excellentes références en archéologie médiévale, était
disposée à effectuer les mêmes prestations que l'AFAN pour 391 000 francs TTC
au lieu de 552 000 francs. En conséquence, il lui demande si elle envisage de
remédier à cet état de fait.
Avenir de l'aéroport de Nantes
90.
- 22 octobre 1997. -
M. François Autain
rappelle à
Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement
que le précédent gouvernement avait présenté, lors du conseil interministériel
d'aménagement du territoire (CIAT) d'Auch, un premier projet de schéma national
d'aménagement et de développement du territoire, qui prévoyait, s'agissant de
la région des Pays de Loire, parmi les nombreuses orientations retenues, le
développement de la plateforme aéroportuaire internationale de
Nantes-Atlantique. Cet aéroport semble, en effet, promis à un grand avenir car
avec 1 300 000 passagers en 1996, il est loin de son niveau de saturation qui
se situe aux alentours de 4 500 000 passagers. De plus, il se trouve à
proximité immédiate d'une usine de l'Aérospatiale qui fabrique le tronçon
central des Airbus. Il a donc été très surpris d'apprendre, dans une réponse à
une question écrite, que le ministre de l'équipement, des transports et du
logement, envisageait de transférer à moyen terme, sur un autre site, cet
aéroport pour répondre à des contraintes d'environnement et en dépit des
conséquences qui en découleraient pour l'emploi, notamment avec la fermeture de
l'usine de l'Aérospatiale. Par ailleurs, il lui rappelle que, lors de son
audition devant la commission des affaires économiques du Sénat, elle s'était
déclarée hostile à l'implantation du troisième aéroport francilien à
Beauvilliers en préconisant au contraire le renforcement de trois ou quatre
aéroports régionaux pour conforter leurs structures internationales. Il lui
demande si elle pense que les contraintes d'environnement peuvent conduire à
moyen terme à la fermeture de l'aéroport international de Nantes-Atlantique et,
dans le cas contraire, si elle peut lui indiquer si cet aéroport figurait parmi
les trois ou quatre aéroports régionaux évoqués devant la commission.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 22 octobre 1997
SCRUTIN (n° 8)
sur l'article premier de la proposition de loi de M. Robert Badinter et les
membres du groupe socialiste et apparentés, relative à l'édification d'un
monument au Mont Valérien portant le nom des résistants et des otages fusillés
dans les lieux de 1940 à 1944.
Nombre de votants : | 320 |
Nombre de suffrages exprimés : | 320 |
Pour : | 320 |
Contre : | 0 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
22.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
94.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Pour :
75 dont M. Michel Dreyfus-Schmidt, qui présidait la séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (59) :
Pour :
59 dont M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
45.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
Pour :
9.
Ont voté pour
François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
William Chervy
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Yvon Collin
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Jean Derian
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Michel Duffour
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Aubert Garcia
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Serge Lagauche
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
Guy Lèguevaques
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Claude Lise
Maurice Lombard
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Jean Madelain
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
Michel Manet
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Minetti
Gérard Miquel
Louis Moinard
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Robert Pagès
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Jean-Marc Pastor
Michel Pelchat
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Roger Quilliot
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
René Régnault
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Roger Rinchet
Jean-Jacques Robert
Michel Rocard
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Fernand Tardy
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Michel Dreyfus-Schmidt, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 319 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 160 |
Pour l'adoption : | 319 |
Contre : | 0 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.