M. le président. M. Gérard Delfau interpelle Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation préoccupante des juridictions du département de l'Hérault et sur le mouvement de protestation et de grève qu'elle a suscité. Plusieurs faits l'expliquent. La forte croissance démographique, observée depuis le recensement de 1982, a provoqué la multiplication des plaintes. Le développement touristique du littoral y a ajouté les procédures liées à une augmentation considérable des accidents de la route et au contentieux de l'urbanisme. Enfin, les transits de population et l'éclatement des cadres de vie urbains et ruraux ont favorisé les transgressions de la norme. De récentes statistiques montrent des taux de délinquance et de crimes de sang supérieurs à la moyenne nationale, en liaison avec le haut niveau de chômage qui caractérise le Languedoc-Roussillon.
Or les créations de poste n'ont pas suivi la même courbe ascendante. Aussi, les efforts courageux des magistrats et des personnels du greffe n'ont pu enrayer cette spirale. Le contentieux civil, par exemple, a doublé : de 4 261 dossiers en 1986, il est passé à 8 471 en 1996, mais l'effectif des magistrats, lui, est resté identique à celui de 1984. A cela s'ajoute le fait que le jeu des mutations et changements d'affectation fait passer le nombre de magistrats de 16 à 11,5 postes entre juin et octobre. C'est cette brutale aggravation qui est à l'origine de la grève du barreau. Pour leur part, les juges réunis en assemblée générale constatent dans une motion : « Nous sommes au-dessous de l'effectif dont disposait le tribunal de grande instance il y a quinze ans alors que, dans le même temps, le volume d'activité a plus que doublé. »
Il sait que des mesures sont en préparation dans les services pour compenser, au moins en partie, ces carences, et il l'en remercie. Mais, au-delà, il voudrait connaître les intentions du Gouvernement pour commencer à corriger une inégalité choquante, au regard des moyens, entre cette juridiction et d'autres infiniment mieux pourvues. Il avait posé la même question, il y a quelques mois, au précédent gouvernement, mais la crise qui vient de secouer le tribunal et la cour d'appel de Montpellier montre qu'il y a urgence. (N° 58.)
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Madame le garde des sceaux, je souhaite attirer votre attention sur la situation préoccupante des juridictions de mon département, l'Hérault, tout particulièrement sur celle de la juridiction de Montpellier.
Cette situation, qui a provoqué un mouvement de protestation et de grève, s'explique par plusieurs faits : la forte croissance démographique observée depuis le recensement de 1982, qui aboutit à la multiplication des plaintes ; le développement touristique du littoral, qui a considérablement accru le nombre des procédures liées aux accidents de la route et au contentieux de l'urbanisme ; enfin, les transits de population et l'éclatement des cadres de vie urbains et ruraux, qui ont favorisé les transgressions de la norme.
De récentes statistiques mettent en évidence des taux de délinquance et de crimes de sang supérieurs à la moyenne nationale, en rapport avec le haut niveau de chômage qui caractérise le Languedoc-Roussillon. Ainsi, Montpellier se situe au deuxième rang des villes à risque tandis que le département se place au troisième rang pour le taux de criminalité.
Or, depuis longtemps d'ailleurs, les créations de poste ne suivent pas la même courbe ascendante. Aussi, les efforts courageux des magistrats et des personnels du greffe n'ont pu enrayer cette spirale. Le contentieux civil, par exemple, a doublé : de 4 261 dossiers en 1986, il est passé à 8 471 en 1996, mais l'effectif des magistrats, lui, est resté identique à celui de 1984.
A cela s'est ajouté le fait que, par le jeu des mutations et changements d'affectation, le nombre des postes de magistrat est passé de 16 à 11,5 entre juin et octobre. C'est cette brutale aggravation qui est à l'origine de la grève du barreau. Pour leur part, les juges, réunis en assemblée générale, constatent dans une motion : « Nous sommes au-dessous de l'effectif dont disposait le tribunal de grande instance il y a quinze ans alors que, dans le même temps, le volume d'activité a plus que doublé. »
Les magistrats font pourtant un effort considérable pour résorber le retard : le taux de productivité dans la juridiction de Montpellier est en effet de 30 % supérieur à la moyenne nationale. On comprend dans ces conditions leur lassitude et leur récent coup de colère, et les maires directement concernés par cette situation et confrontés à l'amertume de la population m'ont demandé d'intervenir avec force.
Nous savons, madame le garde des sceaux, que, dans vos services, des mesures sont en préparation pour compenser, au moins en partie, ces carences. Nous vous en remercions. Au-delà, nous voudrions connaître vos intentions en vue de corriger l'inégalité choquante entre cette juridiction et d'autres infiniment mieux pourvues.
J'avais posé la même question, il y a quelques mois, au gouvernement précédent, mais je n'avais pas obtenu de réponse. La crise qui vient de secouer le tribunal de grande instance de Montpellier montre cependant qu'il y a urgence, et je sais, madame le garde des sceaux, que, cette fois, j'obtiendrai une réponse.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je veux d'abord vous remercier d'avoir appelé mon attention sur la nécessité d'améliorer les conditions de fonctionnement des juridictions de l'Hérault auxquelles je suis, croyez-le bien, particulièrement attentive. Ainsi, je voyais hier encore les chefs de la cour d'appel de Montpellier. Ils m'ont précisément informée de la situation des juridictions de leur ressort et j'ai veillé à ce que des solutions soient apportées aux problèmes.
Je sais que le département de l'Hérault connaît à la fois une très forte progression démographique et une augmentation des contentieux liée, notamment, à un très vif développement économique et touristique.
Le tribunal de grande instance de Montpellier a bénéficié depuis 1988 de quatre créations d'emploi de juge, dont deux spécialisés, et d'un emploi de substitut, de telle sorte qu'aujourd'hui l'effectif des magistrats du parquet est reconnu comme suffisant.
Cela dit, il est vrai qu'en ce qui concerne l'effectif réel des magistrats du siège le tribunal a connu ces derniers temps des difficultés conjoncturelles ; j'ai veillé à ce que la chancellerie les résolve dans des délais aussi brefs que possible.
C'est ainsi que sur les trois postes vacants depuis juillet et août deux seront pourvus - un poste de juge non spécialisé et un poste de juge chargé du service du tribunal de grande instance de Lodève - par un décret de nomination qui va intervenir au cours de ce mois. Quant à la vacance d'un emploi de vice-président du second grade, elle est d'ores et déjà compensée par l'affectation en surnombre d'un vice-président du premier grade.
Par ailleurs, je souligne que, pour pallier les difficultés pouvant résulter de l'absence de magistrats dans les tribunaux du ressort de la cour d'appel de Montpellier, les chefs de cour disposent de la faculté d'y déléguer temporairement un ou plusieurs des six magistrats placés auprès d'eux à cet effet afin, précisément, de compenser les vacances inopinées telles qu'un congé de maladie ou de maternité.
Enfin, je rappelle que cette juridiction est maintenant logée dans des locaux dignes, modernes et spacieux, pour lesquels l'Etat a consenti un investissement de 240 millions de francs. J'espère que, dans ces bonnes conditions matérielles et désormais dotée des juges dont elle a besoin, cette juridiction pourra traiter au mieux les affaires dont elle est saisie.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Madame le garde des sceaux, les nouveaux locaux sont, c'est vrai, superbes et il importe de les faire vivre grâce à un nombre suffisant de magistrats. Il est vrai aussi que le parquet est correctement pourvu - le procureur, que j'ai rencontré, me l'a confirmé.
Ce sont bien les magistrats du siège qui font défaut, et je ne parle pas des personnels du greffe, qu'il ne faut pas oublier. Je suis donc heureux de vous entendre confirmer que deux des trois postes vacants seront pourvus ce mois-ci. Nous sommes le 28 octobre et, contrairement à ce que craignait le président du tribunal de grande instance, que j'ai également rencontré, nous n'attendrons donc pas le mois de janvier. Voilà déjà une première bonne nouvelle.
Mais au-delà, madame le garde des sceaux, vous vous rendez bien compte - vous l'avez d'ailleurs vous-même reconnu - que la situation est devenue préoccupante au fil des ans et qu'il faut donc y remédier non seulement grâce au prochain budget, mais aussi grâce à un effort étalé sur plusieurs années.
Aussi, je reprendrai, sur ce point, trois pistes qui pourraient progressivement résorber le déficit actuel en personnel.
Tout d'abord, et sans doute grâce à un effort de votre ministère, il faudrait assurer une meilleure gestion des personnels. Pourquoi désorganiser, par des mesures de mutation intervenant en juin, la rentrée de septembre ? Ce n'est pas digne d'un grand service comme celui de la justice.
Ensuite, bien qu'il ne soit pas très populaire de le dire, des mesures de redéploiement devraient peut-être être prises. En examinant le nombre d'affaires instruites par les tribunaux, je me suis aperçu qu'il existait des disparités considérables en matière de personnel, notamment en ce qui concerne les postes de magistrat.
Enfin, il convient que des postes soient créés à partir de votre prochain budget dans notre juridiction, puisque votre gouvernement a prévu pour 1998 une augmentation significative des moyens mis à disposition de la justice. Et cet effort devra être poursuivi quelques années afin de résorber le déficit actuel.
Madame le garde des sceaux, voilà ce que je voulais vous dire au nom de l'ensemble des personnels de la justice mais aussi, bien sûr, des maires et de la population.
Difficultés
des producteurs de fruits et légumes