M. le président. M. Jean Bizet attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'inquiétude de nombreux chefs d'entreprise soucieux du montant des charges afférentes aux plus bas salaires.
Ces industriels voudraient voir appliquer les dispositions du « plan textile » à l'ensemble des industries de main-d'oeuvre, seule solution à leur avis pour permettre la création d'emplois dans la conjoncture de plus en plus ouverte à l'international.
Il n'ignore pas les efforts qui ont été faits par le gouvernement précédent, efforts qui auront permis de réduire de 13 % le coût du travail rémunéré au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance, le SMIC, en diminuant les charges sur les bas salaires.
Il lui semble important de poursuivre en ce sens afin d'inciter les chefs d'entreprise à favoriser une politique de recrutement capable de générer des emplois à long terme et se demande si l'on ne pourrait pas imaginer d'adapter cette mesure au projet de création de 350 000 emplois dans le secteur privé.
Il lui demande si cette décision ne permettrait pas d'affirmer que le souhait du Gouvernement est bien de favoriser l'emploi tout en respectant la logique économique la plus élémentaire. (N° 42.)
La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur l'inquiétude de nombreux chefs d'entreprise soucieux du montant des charges afférentes aux plus bas salaires.
Ces industriels voudraient voir appliquer les dispositions du « plan textile » à l'ensemble des industries de main-d'oeuvre, seule solution, à leur avis, pour permettre la création d'emplois dans une conjoncture de plus en plus ouverte à l'international.
Je n'ignore pas les efforts qui ont été accomplis par le gouvernement précédent, efforts qui auront permis de réduire de 13 % le coût du travail rémunéré au SMIC en diminuant les charges sur les bas salaires.
Je précise au passage que cette réduction sera précisément annulée en grande partie par le passage, dès l'an 2000, aux trente-cinq heures payées trente-neuf.
Il me semble important de poursuivre dans la voie tracée par le précédent gouvernement, afin d'inciter les chefs d'entreprise à favoriser une politique de recrutement susceptible de générer des emplois à long terme.
Ne pourrait-on pas imaginer d'adapter cette mesure au projet de création de 350 000 emplois dans le secteur privé ? Ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une telle décision permettrait au Gouvernement d'affirmer que son souhait est bien de favoriser l'emploi, tout en respectant la logique économique la plus élémentaire ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, auprès du ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, je voudrais d'abord vous dire que, contrairement à ce que vous affirmez, la réduction du temps de travail se fera, à mon avis, avec toute la souplesse requise.
Le plan dit « plan Borotra » concernant le textile-habillement, mis en place par le gouvernement précédent pour tenter d'enrayer la chute régulière des effectifs - ils avaient baissé chaque année de 4 % en moyenne depuis 1970 - est malheureusement illégal au regard des engagements européens de la France et il a été condamné de manière très ferme par la Commission de Bruxelles le 9 avril dernier.
Dans ces conditions, le Gouvernement n'avait d'autre choix que de mettre un terme au « plan Borotra » à la date prévue, le 31 décembre 1997.
Pour être rendu acceptable par Bruxelles, le renouvellement des allégements de charges aurait dû être étendu d'abord à toutes les entreprises de main-d'oeuvre, puis à l'ensemble de l'économie, dans le cadre d'un échéancier pluriannuel. Cela aurait évidemment entraîné un coût budgétaire absolument prohibitif.
Par ailleurs, l'impact positif du « plan Borotra » sur l'emploi n'est pas d'une appréciation aisée. En effet, il est difficile à dissocier de celui des autres facteurs intervenus durant la même période, à savoir la remontée des cours des monnaies concurrentes, la perspective d'une union monétaire qui supprimera le risque des dévaluations compétitives et l'amélioration de la conjoncture française depuis 1994, tout particulièrement depuis plusieurs mois, dans le secteur du textile et de l'habillement.
Nous poursuivons, avec les unions professionnelles, une discussion sur le chiffrage précis de l'évolution de la situation de l'emploi dans la filière, et surtout sur l'importance du « plan Borotra » pour celle-ci. Les chiffres spectaculaires annoncés ici et là ne semblent pas très réalistes.
L'effet de renchérissement du coût du travail consécutif à l'arrêt du plan, qui est de l'ordre de 3,6 % en moyenne - 3 % pour le textile et 4 % pour l'habillement -, avec des niveaux assez différents selon les entreprises, doit être en revanche pris en compte, car il équivaut à un impact de 1 % à 1,5 % sur les coûts globaux.
Pour éviter que cet effet ne se traduise par des suppressions d'emplois, le Gouvernement a engagé avec les unions professionnelles concernées une concertation axée sur les possibilités de réduction du temps de travail, possibilités ouvertes par la conférence du 10 octobre.
Le Gouvernement étudie également, soyez-en persuadé, toutes les autres pistes susceptibles de permettre aux entreprises du textile, de l'habillement, du cuir et de la chaussure de pâtir le moins possible de l'arrêt de ce plan et d'améliorer leur compétitivité à court et à moyen terme, dans le respect du droit communautaire. Il s'agit notamment de la formation professionnelle, de l'accompagnement de la recherche et de l'innovation et du partenariat entre les différents acteurs des filières du textile et de l'habillement. Cette démarche est menée en concertation avec les professions concernées, qui se sont engagées à nous faire connaître leur position à très brève échéance.
M. Jean Bizet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, mais vous me permettrez de ne pas totalement partager l'analyse du Gouvernement en matière de création d'emplois.
Sans insister puisque cela ne faisait pas partie de ma question, je dirai simplement que le dispositif des emplois-jeunes, dont Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité a pris l'initiative, se révélera très vite une erreur fondamentale et un poids insupportable pour les finances publiques, du fait de la création, à terme, de postes de fonctionnaires supplémentaires.
Si ma mémoire est bonne, M. Jospin avait promis, dans le cadre de son programme de gouvernement, la création de 350 000 emplois dans le secteur privé. Or, si l'on ne baisse pas les charges, si l'on n'introduit pas de la flexibilité dans le code du travail, si l'on ne diminue pas les dépenses publiques et donc la fiscalité pesant sur les entreprises, je ne vois vraiment pas comment on pourra favoriser la création de 350 000 emplois dans le secteur privé.
Je redoute très sincèrement que l'exception française sur ce point précis ne conduise notre pays et son économie sur la voie du déclin.
Vous me permettrez de citer quelques chiffres pour illustrer mon propos.
Tout d'abord, pour un indice de coût salarial horaire moyen dans l'industrie de 100 en France au premier trimestre de 1997, ce coût était de 84 aux Etats-Unis et de 71 au Royaume-Uni.
Par ailleurs, pour générer un franc de bénéfice net, il faut qu'un employeur dépense 3,70 francs à Paris contre 2,30 francs à Londres.
Pensez-vous que, avec l'internationalisation des échanges, la France pourra très longtemps supporter de telles distorsions ?
M. le président. Il vous faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean Bizet. Il faudra bien que, tôt ou tard, le Gouvernement prenne en compte ces éléments.
(M. Paul Girod remplace M. Jacques Valade au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

SITUATION DES RÉSIDENTS
DE LA CITÉ DES COURTILLIÈRES À PANTIN