PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons le débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur la politique familiale.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la famille est la cellule de base de notre société, celle sans laquelle la cohésion sociale, nécessaire à l'existence de toute nation, ne serait qu'un vain mot.
Placer la famille au coeur du débat politique est d'autant plus important que nous vivons une période de mutations sans précédent, avec une remise en question des valeurs traditionnelles, en particulier celles de la famille qui a besoin d'être protégée et reconnue.
Le sentiment d'un droit aux allocations familiales est profondément ancré dans la mentalité française. C'est la raison pour laquelle les Français établis hors de France, que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte, ne comprennent pas du tout pourquoi, lorsqu'ils quittent le territoire national, ils perdent le bénéfice de ce droit tout en restant bien entendu français à part entière. Ils n'ont jamais obtenu satisfaction en ce qui concerne cette revendication, alors qu'il serait facile d'en tenir compte.
En effet, l'Etat a créé un excellent réseau d'établissements scolaires français à l'étranger, qu'il soutient en y détachant un certain nombre de professeurs titulaires de l'éducation nationale et en octroyant des bourses scolaires aux élèves français dont les parents n'ont pas des revenus suffisants pour leur permettre d'acquitter les droits d'écolage, nos établissements étant payants à l'étranger.
Il suffirait que des bourses-allocations soient attribuées, selon des modalités à déterminer, aux familles nombreuses françaises scolarisant leurs enfants dans nos établissements à l'étranger.
Une telle mesure, dont le coût serait très modeste, madame le ministre, favoriserait beaucoup l'expatriation toujours insuffisante de nos compatriotes, expatriation qui contribuerait au développement de notre commerce extérieur, avec pour conséquence finale la création de nouveaux emplois en France qui nous font cruellement défaut.
Les allocations familiales françaises concrétisaient jusqu'à présent la reconnaissance par l'Etat de l'utilité de chaque famille comme investissement dans notre jeunesse. L'universalité des prestations fondées sur le principe d'une égalité absolue entre toutes les familles, qu'elles soient aisées ou modestes, constituait une véritable motivation morale, en plus d'un soutien matériel non négligeable.
En outre, le principe de base du financement de nos prestations sociales a toujours été fondé sur l'équilibre des recettes, qu'il s'agisse de cotisations, de retenues ou d'impôts, et des dépenses correspondantes. C'est ainsi que récemment, pour faire face au déficit de la sécurité sociale, une contribution spéciale de remboursement de la dette sociale a fait l'objet d'une loi. La formule retenue de mise sous condition de ressources constitue donc une rupture avec le système actuel.
Cette réforme ne serait-elle pas, du reste, le prélude à une extension de la mise sous condition de ressources à d'autres prestations sociales ? Demain, ce pourrait être l'application, selon le même principe, à la branche maladie de la sécurité sociale et - pourquoi pas ? - après-demain, celle de la remise en cause intégrale de la sécurité sociale pour tous les cotisants. En effet, nécessité fait loi, quelle que soit la déclaration que vous avez faite tout à l'heure, madame le ministre.
Ainsi, les mesures retenues par le Gouvernement, sans concertation préalable, remettent en cause les fondements historiques de la politique familiale de notre pays. Elles sanctionnent gravement les familles par la réduction de moitié de l'allocation de garde d'enfant à domicile, l'AGED, et par la baisse, également de moitié, de la déduction fiscale pour emplois familiaux d'une personne à domicile. Le Gouvernement pénalise ainsi sévèrement les familles dont les deux conjoints travaillent, et singulièrement les femmes qui sont les plus confrontées à ces problèmes de garde et dont la vie professionnelle sera affectée. Ces deux mesures vont également réduire sensiblement le nombre d'emplois familiaux, qui était passé de 451 500 à 717 500 entre 1991 et 1994 ; elles favorisent également le retour du travail au noir, ce qui surprend pour un gouvernement qui a donné la priorité à l'emploi.
Enfin et surtout, la mise sous condition des allocations familiales est un coup grave porté à la reconnaissance de la famille dans la société, allant à l'encontre des objectifs traditionnels de natalité de notre pays, comme l'ont très bien exposé tout à l'heure nos collègues MM. Paul Girod et Daniel Hoeffel.
Certes, les contraintes extérieures imposent des économies à notre pays. L'engagement de la France sur l'euro nous oblige à prendre, cette année, toutes les mesures nécessaires pour remplir les conditions fixées par le traité de Maastricht, en particulier la limitation du déficit budgétaire à 3 % du produit intérieur brut, afin de pouvoir participer dès le début à cette opération monétaire fondamentale. Le respect de ces critères doit évidemment être pleinement approuvé.
Mais parmi les choix d'économies à réaliser, nous regrettons que la famille ait été mise en première ligne. Les mesures retenues, même si elles étaient « transitoires », ne constituent d'ailleurs qu'un palliatif secondaire au grave déficit actuel auquel nous devons remédier. Elles ne correspondent absolument pas aux profondes réformes structurelles que l'Etat doit engager en raison de la situation actuelle de nos institutions en général, et que nos partenaires européens ont déjà accomplies avec succès ; nous formons, là encore, une exception française que nous déplorons profondément.
Mes collègues non inscrits et moi-même seront attentifs, madame le ministre, à vos réponses tant nous tenons à l'aide et à la considération de la France pour toutes les familles, qu'elles résident en France ou à l'étranger. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Poirieux.
M. Guy Poirieux. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce débat sur la famille survient dans le contexte d'une décision gouvernementale qui bouleverse profondément la politique familiale que la France s'était donnée en 1945 et alors même que voilà tout juste trois ans, en adoptant la loi relative à la famille, le Parlement avait montré l'enjeu que l'institution familiale représentait pour la nation.
Cette décision, annoncée brutalement dans la déclaration de politique générale du Premier ministre le 17 juin dernier, va à contresens de l'ensemble des débats très riches qui, au printemps, ont animé la conférence sur la famille. Elle a pris à contre-pied la totalité des partenaires, associations familiales représentatives, organisations syndicales et le monde politique dans sa globalité, comme l'a bien montré le récent débat de l'Assemblée nationale sur le sujet.
C'est donc dans ce contexte pour le moins orageux que s'inscrit notre réflexion, qui aurait méritée une ambiance plus sereine, car elle touche un aspect fondamental de notre vie collective.
Le Gouvernement aurait été mieux inspiré en ne mélangeant pas un tel enjeu de société à une recherche, si importante soit-elle, de diminution du déficit des comptes sociaux. On a confondu éthique et comptabilité, et le grand débat qui nous a été annoncé pour l'année prochaine risque fort de se dérouler alors que le mal sera fait et que le désenchantement de nos partenaires aura sans doute cassé le ressort de la confiance mutuelle qui est le gage de réussite d'une bonne concertation.
Le moment est donc venu de rappeler, une fois de plus, quelques grands principes qui fondent la place et les missions essentielles de la famille dans la société française d'aujourd'hui.
Tant d'abord, il convient de tordre le cou à une idée reçue, systématiquement répétée chaque fois qu'est évoquée la politique familiale, et qui concerne un prétendu « lobby familial ». La famille n'est pas un lobby comme peut l'être la voiture, les pâtes alimentaires ou la chaussure.
M. Michel Moreigne. Curieuse comparaison !
M. Guy Poirieux. Les associations familiales ne font pas du lobbying, elles remplissent leur devoir d'état en défendant comme elles le font l'institution familiale. (Applaudissements sur plusieurs travées du RPR.)
Non, la famille n'est pas un lobby ; la famille est une institution républicaine qui trouve naissance dans nos mairies où les jeunes qui souhaitent librement fonder un foyer viennent prendre vis-à-vis l'un de l'autre, mais aussi vis-à-vis de la société un engagement public et solennel : « Les époux se doivent fidélité. Les époux pourvoient à l'éducation des enfants. Les époux s'obligent à une communauté de vie... »
Le simple énoncé de ces articles du code civil, que nous connaissons bien, suffit pour prendre conscience de l'exigence du oui que prononcent ces jeunes gens.
Transmettre la vie, mission fondamentale qui incarne la vocation de la société à se pérenniser. La famille est le lieu privilégié où la vie humaine peut être convenablement accueillie et protégée. A travers les siècles, tous les régimes totalitaires ont toujours cherché, peu ou prou, à contrôler le fonctionnement et le développement de la famille, car elle reste souvent le dernier bastion de liberté contre la dictature.
« Les époux pourvoient à l'éducation des enfants. » Ce n'est ni l'Etat ni les collectivités locales ni les enseignants, ce sont les parents, et la famille est le lieu privilégié et irremplaçable de l'apprentissage de l'amour et du « vivre ensemble ».
A un moment de notre histoire où l'on s'interroge sur les moyens pour lutter contre la délinquance juvénile et pour redonner un sens moral à notre vie collective, peut-on croire, ou même seulement espérer, que la solution consiste à mettre derrière chaque jeune un gendarme ou un éducateur de quartier ?
Depuis vingt-cinq ans, on fait le constat de la défaillance d'un nombre de plus en plus grand de parents démissionnaires par des succédanés qui ne peuvent en aucun cas suppléer l'absence du père ou de la mère.
Tous les psychiatres et psychologues du monde sont d'accord pour dire que l'amour paternel et l'amour maternel - les deux - sont indispensables au développement harmonieux de la personne. Il ne s'agit pas de jeter le discrédit sur les familles en difficulté - les familles déstructurées ont besoin d'aide, sans doute plus que toute autre - mais il convient de puiser dans le creuset des familles solides, majoritaires en France, pour y trouver l'effet bienfaisant de l'exemple qu'elles savent donner au prix sans doute de grandes difficultés, mais toujours avec le souci de construire leur bonheur à partir du don de soi.
En voulant remplacer les parents on se trompe. Ce qu'il faut, c'est les aider encore plus, donner aux jeunes la formation élémentaire, j'allais dire la formation professionnelle, qui leur permettra de mieux remplir leur difficile mission de parents.
Pour avoir été le témoin, au cours de mes trente années d'exercice de médecine générale, de l'effet dévastateur d'une rupture familiale, mais aussi de la joie profonde qui se dégage de l'équilibre familial, je veux dire aujourd'hui que la famille est la valeur essentielle sur laquelle repose notre harmonie collective.
Voilà pourquoi tous les responsables de notre pays devraient s'unir pour accorder aux familles, à toutes les familles sans exception, l'aide et l'encouragement dont elles ont besoin.
Dans ce domaine des aides, l'universalité qu'avait institué le législateur de 1945 était sans doute l'élément le plus important d'une loi qui voulait signifier la reconnaissance de l'Etat à l'égard de la famille. Etre reconnue, voilà bien la requête instante formulée de tout temps par les associations familiales, et c'est bien là que se situe la grande erreur du Gouvernement. Vous n'avez pas compris ce besoin profond d'estime et vous avez essayé, au contraire, de diviser les familles en brandissant le fameux carré de soie qui serait, selon vous, l'apanage de celles qui protestent. Permettez-moi de vous le dire, madame le ministre, par ces tentatives de dérision vous n'avez touché ni la droite Hermès ni la gauche caviar, ou vice versa, mais vous avez profondément meurtri des pères et des mères de famille qui étaient en droit d'attendre un argumentaire d'un autre niveau.
Les allocations familiales n'ont rien à voir avec le revenu des familles, ainsi que l'avait compris le précédent gouvernement, qui avait renoncé à les fiscaliser. La mise sous condition de ressources est une erreur de la même veine, car les allocations familiales représentent un droit directement lié au devoir confié aux parents par la société, à savoir le devoir d'éduquer les enfants. Ce devoir est universel. Le droit qui lui correspond doit lui aussi être universel, et le souci légitime d'assurer une solidarité entre tous les Français doit rester du domaine de l'impôt.
Vous tentez d'instaurer un dangereux curseur qu'il sera facile de manipuler, demain, au gré de je ne sais quel trou à combler. Les familles nouvellement touchées seront toujours minoritaires et n'auront aucun moyen de se défendre contre des mesures qui pourront être du simple domaine réglementaire. Vous ne vous êtes d'ailleurs pas privée ces derniers jours, madame le ministre, de faire bouger le curseur face aux protestations unanimes des Français. Demain, le mouvement pourra se faire en sens inverse dans l'indifférence générale, car il n'aura que des répercussions marginales.
Les familles l'ont bien compris, et elles sont unanimes à s'opposer à votre projet. Pour ma part, je conclurai par un exemple qui résume bien votre politique : entre deux familles, l'une qui a des enfants et l'autre qui n'en a pas, vous avez délibérément choisi de pénaliser celle qui avait des enfants. C'est une attaque frontale contre l'enfant.
Je souhaite, madame le ministre, que le Sénat ne vous suive pas dans cette mauvaise action. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la politique familiale vise un double objectif : assurer le renouvellement des générations et apporter aux enfants les conditions matérielles et morales permettant à leur personnalité de s'épanouir, afin qu'ils puissent tirer le meilleur de leurs possibilités.
Ces deux objectifs complémentaires, qu'il faut chercher à atteindre conjointement de façon coordonnée, interdisent d'adopter une démarche conservatrice. La politique familiale, pour être efficace, doit être adaptée aux réalités et aux évolutions de la société.
Ma collègue du groupe socialiste Dinah Derycke a tracé, par son exposé général très brillant, le cadre d'ensemble dans lequel s'inscrivent les mesures que le gouvernement de Lionel Jospin préconise actuellement.
Confronté à une situation financière très préoccupante et aux difficultés bien réelles que rencontrent de nombreuses familles plutôt modestes, le Gouvernement a eu le courage de faire un choix allant dans le sens de la solidarité. La mise sous condition de ressources des allocations familiales permet le maintien de celles-ci pour 93 % des familles.
Je veux rappeler ici avec insistance qu'une politique familiale n'a de sens que si elle est faite pour l'enfant lui-même.
M. Alain Gournac. Pour tous les enfants !
Mme Gisèle Printz. Ce principe fondamental me conduit à récuser au préalable deux critiques non fondées concernant les mesures préconisées par le Gouvernement.
La première critique porte sur le principe de l'universalité du droit de l'enfant, tel que l'opposition l'interprète. Pour la droite conservatrice, ce principe interdirait que l'on fasse une différence entre les familles selon les ressources dont elles disposent.
M. Charles Descours. Voilà cinquante ans que cela dure !
M. Alain Gournac. Et sous tous les gouvernements !
Mme Gisèle Printz. Naturellement, je suis d'accord avec le principe selon lequel l'enfant a des droits imprescriptibles, qui sont universels. Mais c'est bien parce que je suis d'accord avec cela que j'exige que ces droits soient réellement assurés dans la vie quotidienne. Il est donc indispensable que l'aide apportée aux familles soit en rapport avec les ressources de celles-ci. En fait, c'est par une aide inégalitairement répartie que l'on peut assurer au mieux l'égalité des droits réels.
La droite, en se crispant sur l'idée que l'enfant n'est pas responsable du statut et de la situation financière de ses parents, tolère et aggrave les inégalités sociales telles que nous les constatons aujourd'hui.
M. Alain Gournac. C'est affreux !
Mme Gisèle Printz. Nous savons tous, en effet, que l'épanouissement de l'enfant dépend de tout un environnement matériel, culturel et moral.
Nos concitoyens ne s'y sont pas trompés : ils approuvent l'approche préconisée par le Gouvernement.
M. Alain Gournac. Oh !
Mme Gisèle Printz. Les manifestations que l'opposition souhaitait massives n'ont pas eu d'écho dans l'opinion publique.
La seconde critique, tout autant contestable, consiste à dire que la politique familiale ne doit pas jouer un rôle de redistribution des richesses qui serait dévolu à la fiscalité.
Au nom de quoi la fiscalité serait-elle le seul instrument de la justice sociale ?
Certes, la fiscalité a cette qualité, mais l'attribution de certaines prestations sous condition de ressources a le même effet. Ce qui compte, c'est le résultat que l'on veut obtenir :...
M. Charles Descours. Bravo ! Belle morale !
Mme Gisèle Printz. ... plus d'efficacité économique en pouvoir d'achat, plus de justice sociale.
En outre, le moyen qui repose sur les conditions de ressources est plus simple, plus rapide, plus lisible, et donc mieux accepté que la surtaxation avant redistribution.
Si l'on veut réellement améliorer la situation sociale des familles les plus en difficulté, comme c'est le voeu de la gauche plurielle, le versement des prestations familiales sous condition de ressources apparaît comme efficace, juste et légitime.
Pour autant, le débat n'est pas clos en ce qui concerne la suite de la réforme et son devenir. Le Gouvernement s'est déclaré ouvert à d'autres pistes comme la fiscalisation des prestations familiales ou l'ajustement du quotient familial. Quoi qu'il en soit, tout cela ne doit pas cacher l'essentiel. Et l'essentiel, mes chers collègues, c'est la place et les droits de l'enfant dans notre société.
Nous visons un objectif simple, qui constitue une exigence absolue : l'enfant, quel que soit la famille dans laquelle il naît, doit disposer des moyens qui vont lui permettre d'exprimer les talents dont il est porteur, de prendre dans la société la place la plus appropriée pour lui-même et pour la société tout entière.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !
Mme Gisèle Printz. Or, nous le savons, les chances qu'a un enfant de réussir sa vie ne sont pas les mêmes selon le milieu de sa naissance. Dire que l'enfant a des droits et que ces derniers sont les mêmes pour tous exige que la nation, par le canal de l'Etat et de son gouvernement, définisse un ensemble de mesures politiques au bénéfice non seulement de la famille et des parents, mais aussi des enfants, ces deux approches étant complémentaires et concomitantes.
Les enfants étant, par essence, dépendants de leurs parents, il faut, si l'on veut aider les enfants, aider les familles,...
M. Alain Gournac. Ah !
Mme Gisèle Printz. ... car, trop souvent, les ressources dont ces dernières disposent ne leur permettent pas d'avoir une vie décente et d'accéder aux droits de tous.
M. Jean-Claude Peyronnet. Très bien !
Mme Gisèle Printz. Des moyens convenables d'existence, des logements sociaux adaptés, à proximité de moyens de transport, un accès à l'école, aux cantines, aux sorties et aux activités d'éveil, la participation aux frais de rentrée scolaire, l'accès à la culture, aux formations, la lutte contre l'illettrisme et, naturellement, une politique de l'emploi, tels sont les éléments forts d'une politique familiale.
A ce sujet, il convient de souligner que plus de 10 milliards de francs ont été consacrés depuis le mois de juin 1997 à l'amélioration des conditions de vie des familles les plus modestes. Dans ce contexte, la modulation de l'AGED et les critiques qui ont été portées à son encontre doivent être ramenées à de plus justes proportions.
Parallèlement à ces mesures d'urgence, nos efforts doivent être orientés vers la sauvegarde des enfants. Il faut protéger ces derniers contre la violence de la société et l'exploitation économique. L'enfant n'est pas une matière première, il n'est ni taillable ni corvéable à merci. C'est pourtant ce que l'on peut constater sur certains sites du réseau Internet sur lequel l'enfant est proposé comme une simple marchandise.
M. Alain Gournac. Ce n'est pas le sujet !
Mme Gisèle Printz. Avoir le souci de l'enfant, c'est se préoccuper de toutes ces questions à la fois. Réussir une politique familiale est une exigence républicaine forte.
En France, nous comptons 4,4 millions d'enfants de moins de six ans, dont 2,5 millions de moins de trois ans. Sur ces 2,5 millions, la moitié est gardée par les parents, 480 000 fréquentent les crèches, 400 000 sont pris en charge par des assistantes qualifiées et 250 000 sont scolarisés dans les écoles maternelles. Les priorités seront mises en évidence par ces éléments statistiques.
L'unité de la famille est essentielle. C'est pourquoi des aides financières directes doivent être accordées aux familles les moins favorisées pour leur permettre d'assumer leurs responsabilités.
La qualité du logement, l'environnement social, les investissements collectifs, la fonction de l'école, notamment en zone prioritaire, sont les instruments indispensables de la politique familiale. Ils requièrent une attention particulière et des moyens. La cohésion sociale dépend en grande partie de la possibilité pour les familles d'accomplir leurs missions vitales.
La protection des enfants, leur sérénité et leur dignité dans leur famille, leur sécurité à l'école et hors de l'école sont pour notre société des obligations incontournables.
M. Jean-Claude Peyronnet. Eh oui !
Mme Gisèle Printz. L'accompagnement social, lorsqu'il est nécessaire, doit s'exercer dans le respect et la diginité des personnes.
Les mesures de prévention doivent conforter les efforts des familles en vue d'aider ces dernières à faire face à leurs difficultés. Lorsque le placement devient inévitable, il est vital, pour les familles, que le lieu d'accueil des enfants ne soit pas trop éloigné. Tout doit être mis en oeuvre pour maintenir les liens avec les enfants, et ce jusqu'à leur retour éventuel.
N'oublions pas, mes chers collègues, que l'éducation, la formation et l'emploi permettent l'accès à la culture, et que celle-ci est bien plus que l'acquisition des compétences scolaires ou professionnelles : la culture aide l'enfant à s'épanouir, à aller plus loin dans ses rêves.
Mes chers collègues, vous le savez bien, la famille et les enfants sont indissociables. Si nous voulons assurer la cohésion sociale, si nous voulons réaliser au quotidien la liberté, l'égalité et la fraternité qui constituent l'obligation de la République, beaucoup de nos efforts doivent être dirigés vers la famille et, au coeur de celle-ci, vers l'enfant. En effet, mes chers collègues, n'oublions pas ce qu'écrivait Victor Hugo :
« Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille
« Applaudit à grands cris ; son doux regard qui brille
« Fait briller tous les yeux,
« Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
« Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,
« Innocent et joyeux. »
Telle est notre volonté. Telle sera la politique que les socialistes soutiendront. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la famille est l'une des valeurs essentielles qui fondent notre société. Elle est d'abord, pour chacun, le symbole du bonheur quotidien. Elle est ensuite l'un des lieux où se forge la cohésion sociale d'une nation ; c'est notamment grâce à la solidarité familiale que les effets les plus graves de la crise économique peuvent, pour l'individu comme pour la collectivité, être atténués.
Il est donc conforme à l'intérêt national que les couples soient mis en mesure d'élever autant d'enfants qu'ils le souhaitent. Il s'agit, d'abord, de mieux aider les futurs parents et les parents de jeunes enfants : les contraintes matérielles, un environnement défavorable ou des difficultés à concilier vie professionnelle et vie familiale ne doivent pas faire obstacle à la réalisation des projets familiaux.
Ainsi s'exprimaient, dans leur exposé des motifs, les rédacteurs du projet de loi relatif à la famille, devenu la loi du 25 juillet 1994. Ce texte était dans le droit-fil de la politique familiale instaurée en 1945 par le général de Gaulle, politique extrêmement progressiste destinée à aider toutes les familles, quel que soit leur revenu,...
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jean Chérioux. ... parce que la classe politique était alors bien consciente que l'avenir du pays dépendait de cette politique familiale. Le natalisme et les valeurs familiales n'avaient pas encore d'adversaires.
En effet, chacun avait alors présent à l'esprit la situation d'une France minée par la dénatalité et qui avait connu la défaite la plus terrible de son histoire. Et l'un expliquait l'autre dans une certaine mesure.
Chacun était également conscient du fait que l'avenir du pays dépendait, pour une large part, de la mise en oeuvre d'une grande politique familiale. C'est ainsi que furent créés les allocations familiales, les primes à la naissance, particulièrement généreuses, les visites médicales et postnatales gratuites et obligatoires ainsi que le quotient familial. Aucune de ces prestations n'étaient soumises à condition. Le rôle de la mère de famille était alors valorisé et respecté.
Pour financer cette politique, le pays acceptait de consentir un effort financier considérable, puisqu'il représentait 45 % - retenez ce pourcentage - du budget social de la France !
De plus, il ne faut pas perdre de vue qu'en mettant en place les caisses d'allocations familiales l'ordonnance de 1945 les intégrait à la sécurité sociale dont elles constituaient désormais une branche à part entière.
Ainsi était institué un système fondé non seulement sur l'égalité et l'universalité, mais également sur la solidarité : solidarité face à la maladie, solidarité entre générations, solidarité entre familles. L'objectif était alors de compenser en faveur des familles la charge que constituaient pour elles l'entretien et l'éducation des enfants qu'elles avaient accepté de mettre au monde, au détriment souvent de leur confort et de leur aisance matérielle.
Certes, cette politique a été quelque peu mise à mal au cours des décennies qui ont suivi.
Tout d'abord, les excédents de la Caisse nationale d'allocations familiales la CNAF, ont été utilisés pour équilibrer l'ensemble des branches de la sécurité sociale. Ensuite, les allocations familiales n'ont pas bénéficié des revalorisations nécessaires, si bien que la branche famille ne représentait plus, en 1994, que 17 % du régime général de la sécurité sociale, contre 50 % en 1948. Enfin, les prestations à caractère social, sous conditions de ressources, se sont développées. En 1974, l'ensemble des prestations à caractère social représentait 14 % de la masse financière dont disposait la branche famille ; en 1995, ces mêmes prestations constituaient 50 % de cette masse. Déjà, deux millions de foyers monoparentaux, que certains s'obstinent à vouloir dénommer abusivement « familles monoparentales », reçoivent quantité d'aides diversifiées et de prestations sous conditions de ressources.
En effet, la politique familiale se décide aujourd'hui à partir d'analyses néo-progressistes dans lesquelles l'avenir démographique de notre pays et sa cohésion ne jouent qu'un rôle mineur. La famille n'est plus donc considérée comme une cellule organisatrice entre l'individu-citoyen et l'Etat. Ce qui est privilégié, c'est la liberté de choix de l'adulte, sans que soient pris en compte les effets désorganisateurs des éclatements familiaux.
Aujourd'hui, madame la ministre, avec les mesures que votre gouvernement envisage, vous rompez définitivement avec la notion de politique familiale traditionnelle ; on peut même dire qu'il y aura non plus une politique familiale à proprement parler, mais une politique sociale mise en oeuvre au profit de certaines catégories de familles, et cela, je le regrette, dans une incohérence déjà soulignée à cette tribune par un certain nombre de mes collègues. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
Ainsi, le plafond de ressources, fixé à 25 000 francs, passe à 32 000 francs lorsque les deux parents travaillent. L'exigence de cette bi-activité pénalise par conséquent les mères au foyer, ce qui est tout de même paradoxal pour une politique familiale !
De même, l'enfant gardé à domicile au sein de la cellule familiale déplaît d'emblée à nos idéologues, qui lui préfèrent les modes collectifs de garde, même si, en pratique, ces derniers n'ont pas la capacité matérielle d'accueillir tous les enfants, d'où les suppressions d'avantages fiscaux aux familles qui emploient une garde d'enfant à domicile et la diminution de l'AGED.
Le Gouvernement privilégie l'individualisme forcené. Il ne veut pas savoir que ce que l'on appelle abusivement la famille monoparentale, la famille recomposée ainsi que les couples non mariés, dans la mesure où ils ne sont pas stables, compromettent, en réalité, l'intérêt de l'enfant et, surtout, favorisent l'exclusion, l'isolement des plus pauvres, des plus démunis. La famille traditionnelle est suspecte, car derrière elle se profile l'ordre moral. (Protestations amusées sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
C'est d'ailleurs dans cet esprit, madame la ministre, que votre majorité songe à instaurer un contrat d'union civile, afin de formaliser des « formes de vie commune », succédané du mariage, ouvrant des droits mais ne comportant aucune obligation. (Protestations sur les mêmes travées.) Quand je pense qu'au moment où vous regardez avec une certaine suspicion le quotient familial vous songez à instaurer un « quotient conjugal » dans les contrats d'union civile ! On croit rêver ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Il y a d'ailleurs là une contradiction avec les récentes prises de position du Premier ministre et de certains membres de son gouvernement. En effet, au cours d'un récent colloque, tenu, je crois, à Villepinte, il a été envisagé, pour faire face à l'effondrement de la société française, de renouer avec les valeurs de la morale que l'on habille certes du qualificatif de « républicaine ». Mais que l'on ne s'y trompe pas : ce qui est nécessaire pour assurer la cohésion du corps social est absolument indispensable pour le premier maillon qui le constitue, c'est-à-dire la famille.
Par ailleurs, il est à noter, pour le regretter, que le Premier ministre n'a même pas cité le mot « famille » dans sa déclaration de politique générale, préférant insister sur le rôle prépondérant de l'école dans la société. Pourtant, la santé de l'une conditionne le bon équilibre de l'autre, et l'on voit mal comment une « morale républicaine » pourrait s'accommoder des dérives actuelles dont le projet d'union civile et sociale est l'une des formes les plus extrêmes. (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Gérard Larcher. C'est vrai !
M. Jean Chérioux. Enfin, pour terminer et sans vouloir jouer les Cassandre, je voudrais signaler que la mise sous conditions des allocations familiales introduit une rupture dangereuse dans l'égalité du droit aux prestations sociales, rupture qui pourrait s'étendre, demain, aux autres systèmes de protection sociale, en particulier à l'assurance maladie. Cette crainte est d'ailleurs partagée par une partie de la gauche plurielle, comme nous l'avons tous entendu tout à l'heure et comme l'attestent les réticences qui se sont exprimées à l'Assemblée nationale au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous avez dû d'ailleurs en tenir compte, madame la ministre, et, à cet égard, je ne peux résister à la tentation de citer les déclarations faites par le secrétaire général de la CGT... (exclamations amusées sur les travées socialistes), dans un entretien accordé à un grand quotidien.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous en prie, monsieur Chérioux, ne résistez pas à la tentation de vous faire plaisir ! (Sourires.)
M. Jean Chérioux. Vous voyez au moins que j'ai de bonnes lectures ! Voici donc la citation : « Nous entrons dans une logique qui ouvre la porte à toutes les dérives ; demain, c'est le smicard que l'on pourrait tout aussi considérer comme privilégié par comparaison au RMIste. »
M. Alain Gournac. Ah !
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Jean Chérioux. Vous comprendrez, madame la ministre, que dans ces conditions mon inquiétude soit grande et que les membres de mon groupe et moi-même souhaitions que vous puissiez nous apporter des apaisements.
En effet, la France a plus que jamais besoin d'une politique familiale (Mme le ministre opine), non seulement sur le plan financier mais également sur le plan moral. Or les mesures que votre gouvernement se propose d'instaurer sont aux antipodes de ce que devrait être une vraie politique familiale ; c'est en quelque sorte logique, puisqu'elles sont avant tout inspirées par des considérations d'ordre idéologique. C'est justement ce que nous déplorons, les familles aussi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Bocandé.
Mme Annick Bocandé. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd'hui traite donc de la politique familiale, vaste sujet dont l'enjeu est déterminant pour l'avenir de notre pays.
La famille est la cellule de base de la société ; elle assure l'éducation, l'épanouissement des enfants et la transmission des valeurs.
Rappelons qu'en 1946 le gouvernement de l'époque avait misé sur la famille pour redresser la France en créant, notamment, les allocations familiales. Le principe fondateur, admis par tous, était que la baisse de niveau de vie entraînée par la venue d'un enfant devait être compensée.
Désormais, l'aide financière octroyée est la contrepartie du service rendu à la société par la famille : celle-ci permet d'assurer le renouvellement des générations, tout en reconnaissant son rôle moteur dans l'économie.
Les enfants constituent une richesse. Les enfants sont une promesse d'avenir. Ils sont des consommateurs. Ils sont les futurs acteurs économiques et les financeurs de la protection sociale et des retraites de demain, de nos retraites.
M. William Chervy. C'est intéressé !
Mme Annick Bocandé. Renforcer le repère fondamental que constitue la famille devrait faire l'objet d'une véritable politique consensuelle. Au lieu de cela, force est de constater que nous nous divisons.
Pourquoi nous divisons-nous ?
Par souci d'économie, afin de réduire un déficit ? L'objectif est louable, certes, mais cela ne doit pas se faire au détriment des seules familles. L'économie réalisée est relativement faible car, vous le dites vous-même, madame le ministre, ces mesures touchent peu de familles.
Alors, par idéologie ? Sûrement. Au nom d'un soi-disant égalitarisme, vous prétendez vouloir distribuer aux plus défavorisés ce que vous économiserez par ces mesures sélectives.
Vous vous trompez d'orientation, car votre projet encourage la constitution d'une société coupée en deux, avec, d'un côté, ceux qui reçoivent des prestations et, de l'autre, ceux qui alimentent la solidarité nationale. A force d'être ponctionnés, ils seront de moins en moins nombreux à figurer dans cette seconde catégorie. Que se passera-t-il alors ?
Vous entretenez, à mon avis, l'ambiguïté entre les notions d'égalité et d'équité.
Habilement présentées, vos mesures ont pu paraître équitables et séduire une partie de l'opinion publique. Je doute qu'elle reste sur cette position quand elle en mesurera les conséquences.
Je souhaiterais maintenant aborder rapidement vos principales mesures.
Avec la mise sous conditions de ressources des allocations familiales, vous instaurez une fois de plus, madame le ministre, un barème qui introduit forcément un effet de seuil dont nous connaissons tous les effets pervers.
Vous avez certes décidé de remonter le plafond pour les familles dans lesquelles les deux parents travaillent. C'est habile, notamment pour satisfaire une partie de votre électorat, mais ne pensez-vous pas qu'il aurait été préférable de prendre en compte globalement la notion de « revenu familial », qui respecte davantage le choix des familles ?
Nous craignons par ailleurs que ces plafonds ne soient de nouveau revus à la baisse, excluant alors du bénéfice des allocations familiales de nouvelles familles.
Ces mesures ne prédisent-elles pas une généralisation de la mise sous conditions de ressources pour d'autres systèmes, comme celui de la maladie ou de la vieillesse ? Nous ne le souhaitons pas.
De la même façon, la réduction de l'allocation de garde d'enfant à domicile et la baisse du plafond de la déduction fiscale pour les emplois familiaux pénaliseront, on le sait, certaines familles.
Faute de places suffisantes en accueil collectif, les femmes qui ont des activités salariées ou bénévoles seront les premières à faire les frais de ces décisions. Soit elles cesseront leurs activités, soit elles seront tentées, comme par le passé, d'employer des personnes au noir. C'est donc un encouragement à frauder l'Etat en ne payant pas les cotisations.
Il est intéressant de rappeler qu'en 1995 950 000 foyers français déclaraient employer un salarié à domicile ; en 1996, ils étaient 1 060 000. On mesure ainsi l'impact des dispositions prises par le précédent gouvernement en faveur de l'emploi à domicile, au bénéfice des familles.
Aujourd'hui, ce serait 130 000 emplois, ou peut-être plus si l'on en croit certaines informations, qui seraient menacés totalement ou partiellement par les modifications que vous souhaitez apporter.
Vous annoncez la création de 350 000 emplois-jeunes et, parallèlement, vous provoquez la suppression de plusieurs dizaines de milliers d'emplois par des mesures inadaptées. Où est la cohérence ?
Je ne suis pas opposée à une réforme de la politique familiale, ni surtout à une simplification de l'ensemble du dispositif, bien au contraire, mais il me paraît indispensable de revoir le système dans sa globalité et non partiellement comme vous le faites.
Par ailleurs, des mesures aussi importantes ne peuvent se prendre sans consultation préalable des principaux intéressés.
M. le Premier ministre a beaucoup théorisé durant sa campagne législative et continue aujourd'hui encore sur sa méthode de concertation. Mais quand a-t-elle eu lieu, cette concertation ? En réalité, les familles et leurs représentants ont été placés devant le fait accompli !
Ne négligez pas l'aspect psychologique de l'annonce de vos mesures. Une société qui n'a pas confiance en son avenir n'est pas trop encline à faire des enfants. Notre taux de natalité, déjà trop bas, avec ses 1,6 %, chutera encore, soyons-en sûrs.
Pour certaines fédérations familiales, la fiscalisation de ces allocations aurait été une meilleure approche, plus juste, plus équitable. Je partage ce point de vue, car cette mesure aurait permis le maintien de l'universalité de la compensation moyennant, bien entendu, une certaine adaptation, pour ne pas porter atteinte au niveau de vie des familles. Vous vous êtes engagée à une réflexion dans ce sens ; nous y veillerons.
La famille mérite de faire l'objet d'une politique dynamique, efficace et consensuelle, où l'enfant est, et doit rester, l'unique préoccupation, quel que soit son milieu d'origine. C'est ma conviction profonde. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au fil des ans, la multiplication et la diversification des aides financières aux familles aboutissent à une complexité et à une hétérogénéité telles qu'il est difficile non seulement de maîtriser la totalité du dispositif en termes de connaissance, mais surtout de porter un jugement assuré quant à son équité.
En outre, l'éloignement de l'époque à laquelle furent établies les fondations de notre régime actuel de la politique familiale nous fait oublier ses principes essentiels. Cet oubli ne date pas d'aujourd'hui. Depuis les années soixante-dix, une incontestable distanciation a été observée.
Et pourtant, madame le ministre, la différence de vos propositions avec les dispositions antérieures est considérable, parce que, si elles étaient maintenues, vous auriez procédé à un basculement complet de la politique familiale.
Même si les allocations familiales de base ne représentent plus que 70 milliards de francs, à côté des 130 milliards de francs des autres prestations, déjà largement subordonnées à des conditions de ressources - 50 % en masse financière contre 15 % il y a vingt-cinq ans - elles constituent l'ultime symbole de l'universalité des prestations familiales, voulue par les fondateurs du système au lendemain de la dernière guerre.
L'abandon complet du principe d'universalité en matière de politique familiale au moment où l'on parle, depuis le gouvernement qui a précédé le vôtre, madame le minsitre, d'instituer l'universalité en matière d'assurance maladie constituerait, bien plus qu'un paradoxe, une véritable responsabilité historique qui mérite d'être bien pesée avant d'être assumée délibérément.
Il est encore temps de réfléchir, car l'enjeu est considérable. L'importance réelle de la famille au sein de la société est mal mesurée. Cela ne date pas d'aujourd'hui. L'ignorance la plus complète consiste à ne voir dans la famille qu'une affaire exclusivement privée. Cela n'est pas votre cas, madame le ministre, ainsi que votre discours nous l'a confirmé.
Mais il arrive que l'on imagine trop facilement avoir fait le tour de la question en considérant que, la famille étant la cellule de base de la société, elle doit bénéficier d'une sorte de charité publique dans la mesure où ses revenus seraient trop faibles pour assurer la subsistance de ses membres.
En réalité, nous avons à redécouvrir ensemble une dimension essentielle de la justice sociale en revisitant de fond en comble la politique familiale.
D'une part, en effet, la famille est le lieu unique où s'organise et s'actualise la dynamique du lien social. Je ne crois pas à l'exemplarité systématique des familles. Comme vous, je connais leur fragilité. Je crois que la famille est cependant le lieu social exclusif où peut s'organiser un apprentissage de la relation interpersonnelle, qui conjugue la soumission initiale à une autorité pour aboutir, à sa maturité, à une liberté responsable autonome.
Sur quoi repose l'acceptation de l'autorité de l'Etat chez des citoyens libres et égaux ? Cela existerait-il dans nos gènes ? Non ! C'est d'abord et essentiellement l'oeuvre de la famille. L'école vient ensuite ; sur le travail préparé par la famille.
Si l'on s'attristait sur la dissolution du lien social sans voir la relation qui existe entre cette observation et l'état social de la famille, on serait aveugle. N'oublions pas que la dissolution du lien social, c'est la mort de la démocratie et de la République.
Nous devons nous attacher à promouvoir la seule réalité familiale correspondant à ce que j'oserai appeler une écologie naturelle et sociale générale, celle de l'humanisme familial, seul générateur de l'humanisme universel.
Vos propos, madame le ministre, m'ont semblé orientés dans ce sens, au moins dans la première partie de votre exposé. Cependant, je pense que vous n'avez pas suffisamment souligné la dynamique réelle et réciproque qui existe entre la famille et la société.
Vous avez dit que la famille était fragilisée par l'état de la société. Je crois qu'il faut aussi voir que la société est fragilisée par l'état de la famille.
Une première question consisterait déjà à analyser les altérations de la santé des familles, qui sont imputables à la défaillance de l'Etat en matière d'environnement social et d'encouragement à la responsabilité parentale. Vous avez semblé considérer que ce que j'appellerai pudiquement la « dérégulation », ou encore la « flexibilité familiale », était une évolution historique inéluctable et devait être considérée comme une contrainte à subir. Si telle était votre conception, je vous dirais mon désaccord.
Je ne suis pas partisan d'une dérégulation systématique en matière de droit des relations sociales. Mais je m'étonne souvent d'une rigidité extrême des tenants de certaines thèses en matière de droit du travail et de l'hyperlibéralisme des mêmes personnes en ce qui concerne le droit familial.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Bernard Seillier. Qui ne voit que la relation du travail dans l'entreprise dépend, elle aussi, de l'apprentissage de la relation sociale dans la famille ? Le rôle social de la famille comme creuset formateur du lien fraternel est oublié ou considéré comme marginal, accidentel et purement contingent, alors qu'on le proclame toujours sur nos frontons municipaux. On ne prend pas assez au sérieux cette question, peut-être parce qu'elle mettrait en cause immédiatement la responsabilité de l'Etat.
Il faudra bien se libérer un jour de la servitude imposée à nos institutions et à nos politiques par une grille d'analyse qui n'expliquerait les relations sociales que par la dialectique hégélienne du maître et de l'esclave. Pour en sortir, il faudra bien voir que la relation entre parents et enfants est existentiellement celle qui, partant d'une relation d'autorité dans la petite enfance, n'a d'autres visées que l'affranchissement des enfants de l'autorité paternelle pour en faire des frères non seulement entre eux mais même à l'égard du père.
Cette réalité est tellement importante qu'il faut dépasser des querelles inutiles pour remettre à plat la condition de la famille, de toute famille, de toutes les familles. Non, la famille n'est pas le fait générateur et « perpétuateur » de la lutte des classes. Au contraire !
Or, votre propos bien orienté débouche, hélas ! sur un projet législatif réducteur et une préoccupation exclusivement comptable et à court terme. L'équilibre de la branche famille ne peut pas être évoqué si n'est pas soulevé simultanément celui des charges indues.
C'est une raison supplémentaire pour faire ce bilan complet des charges et des ressources des familles au sein de la société. Ce bilan est celui des impôts et de toutes les charges, jusqu'au mécanisme de solidarité intergénérations du régime des retraites. Il doit également mesurer tout ce que la famille reçoit à travers les allocations, prestations et dispositions fiscales, mais aussi à travers l'enseignement, l'assurance maladie et tous les services dont elle peut bénéficier.
Je souhaite très sincèrement, madame le ministre, que ce travail d'évaluation exhaustif, objectif et rigoureux soit conduit sous le contrôle aussi bien du Gouvernement que du Parlement et de l'UNAF par un organisme compétent, tel que l'INED ou l'INSEE, pour ne citer qu'eux.
Avant que quelque disposition nouvelle et importante soit prise concernant la politique familiale, un enjeu aussi capital que celui de l'avenir de la société et du lien social doit faire l'objet d'une refondation et ne peut pas être traité de manière précipitée sous forme de mesures trop contestables.
Dans votre projet, les sommes prélevées sur certaines familles ne seraient même pas redistribuées à d'autres. On ne peut pas traiter incidemment un aussi grave problème de justice sociale. Une politique de redistribution verticale ne peut pas être catégorielle et seulement intrafamiliale. Elle doit être universelle pour ne pas être injuste, sinon elle créerait une très grave injustice horizontale puisque des familles de même niveau de revenus se verraient soumises à des prélèvement sociaux en solde net profondément différents selon qu'elles ont des enfants ou non.
Ce bilan doit être, par ailleurs, estimé non seulement ponctuellement mais sur l'ensemble de la vie d'une génération. J'ai cru déceler en filigrane dans la fin de votre discours la possibilité d'une telle démarche. Je souhaite vivement qu'elle soit engagée, car je crois que la réalité familiale mérite d'être véritablement prise au sérieux, alors qu'elle souffre encore trop souvent d'un déficit de considération assez général, même derrière des discours très favorables, d'où qu'ils viennent.
La famille est plus que jamais l'avenir de toute l'humanité ! On a peut-être cru que cela était automatique. Il a fallu, il faut déchanter. Nous devons aujourd'hui aider la famille à assumer sa mission, à devenir ce qu'elle doit être. Cette mission est non pas celle d'un repli sentimental mais celle de la construction irremplaçable d'une fraternité libre et responsable et, souhaitons-le, progressivement universelle après avoir déjà été affirmée à l'échelon national. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, mise sous condition de ressources, diminution de moitié de l'AGED, diminution de moitié de la réduction d'impôt pour les emplois familiaux, plafonnement de la demi-part accordée aux personnes seules ayant élevé des enfants, c'est cette accumulation de mesures antifamiliales qui est vécue comme un véritable démantèlement de la politique familiale. Celle-ci avait pourtant été voulue et mise en oeuvre par les promoteurs de la sécurité sociale et maintenue depuis cinquante ans par les gouvernements successifs de quelque bord qu'ils soient. (Eh oui ! sur les travées du RPR.)
Madame le ministre, vous prétendez opérer une mise à plat de la politique familiale. Les mesures que vous prenez - j'ai le regret de vous le dire - ne sont perçues que comme des mesures comptables. L'une de vos illustres prédécesseurs disait qu'elle ne voulait pas être le ministre des comptes ; je crains qu'avec de telles mesures vous n'ayez pas les mêmes scrupules.
Faire des économies, c'est effectivement une priorité que nul ne peut contester. La maîtrise des dépenses est indispensable et urgente, mais la manière n'est pas tolérable. Le Gouvernement donne l'impression de s'en prendre uniquement aux familles, force vive de la nation, qui assurent bel et bien le renouvellement des générations.
Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous allons discuter dans les jours qui viennent, seules les économies faites sur les familles sont mises en exergue. Or, nous savons bien, pour avoir lu de multiples rapports, que dans la branche maladie, par exemple, il y a des économies potentielles bien plus importantes.
Les familles, qui sont pourtant un rouage essentiel de notre économie, qui permettent des développements dans le secteur immobilier, dans l'industrie automobile, dans toutes les industries de consommation, vivent d'autant mieux qu'elles sont nombreuses et bien portantes.
Les raisons budgétaires de cette politique ne sont pas plausibles. Cette politique est d'abord contraire au principe de solidarité nationale. Le fait familial en tant que tel n'est plus soutenu ; il est même renié. D'une politique familiale, on passe à une politique sociale. Deux familles de condition égale pourront, à quelques francs près, se retrouver l'une acceptée, l'autre exclue de l'encouragement aux familles. Cet effet de seuil est intolérable.
Cet encouragement aux familles repose, depuis 1945, sur un principe d'uniservalité. Il manifeste un minimum de solidarité nationale envers tous ceux qui prennent le risque d'élever des enfants, quels que soient leur statut et leur niveau de ressources.
Chaque famille doit avoir droit à la compensation d'une partie des charges qu'elle supporte pour élever ses enfants. C'est l'existence de l'enfant qui crée ce droit essentiel et non le statut ou le revenu de ses parents. C'est sur ce principe que nous nous battons.
Les allocations familiales constituent une mesure de justice et de solidarité que la République a mise en place en reconnaissance du service rendu par les familles à toute la société. La présence de l'enfant est une charge que la société se doit de prendre en considération. Ce sont les allocations familiales qui garantissent à tout enfant le droit à sa dignité.
Le Gouvernement, revenant sur ce principe de redistribution entre ceux qui ont des enfants et ceux qui n'en ont pas, sous-tend que l'enfant est devenu un privilège qu'il ne peut plus aider.
Le vote unanimement hostile des conseils d'administration des CAF et de la CNAF montre bien que le clivage n'est pas de nature partisane, que ce n'est pas la droite, comme on l'a souvent dit sur les travées socialistes, qui s'oppose à ce train de mesures.
Nous avons participé, dans nos départements, à des débats organisés par les unions départementales des associations familiales, les UDAF, sur ces questions. Je dois dire que les parlementaires socialistes y étaient peu nombreux ! En revanche, parmi ceux qui s'opposaient à ces mesures figuraient le parti communiste, la CGT, la confédération syndicale des familles, qui ne sont pas spécialement connus comme étant de ceux qui viennent au secours de la droite.
Il s'agit donc non pas d'un problème gauche-droite mais de la remise en cause d'un principe que nous ne pouvons accepter.
Diminuer de moitié l'AGED revient à surcharger les crèches, qui - M. Fourcade l'a dit ce matin en commission - sont beaucoup plus coûteuses pour la collectivité et qui se situent parfois en zones urbaines inaccessibles.
Réduire à 22 500 francs par an la déduction fiscale pour les emplois à domicile revient, en fait, à augmenter directement le nombre des chômeurs et à inciter au travail au noir.
Selon Familles de France, 230 000 emplois ont été créés depuis 1994 grâce à cette mesure au profit de personnes souvent dépourvues de qualification.
Sachant - vous l'avez vous-même rappelé tout à l'heure - que 80 % des femmes travaillent, cette mesure permet aussi de trouver un équilibre entre vie familiale et vie professionnelle.
Au surplus, la rétroactivité de cette mesure aux revenus de 1997 est scandaleuse. Les contribuables concernés, ayant foi en la parole de l'Etat, ont rétribué des salariés en comptant sur cette réduction d'impôt. Aujourd'hui, les salariés sont payés et la loi abroge la disposition. Un Etat ne peut pas manquer à sa parole, quel que soit le gouvernement qui le dirige.
Dans votre propos initial, madame le ministre, vous avez parlé de l'imprévoyance du gouvernement Balladur. Chacun ses sources : en changeant le mode de cotisation de la branche famille, le gouvernement Rocard a privé cette dernière, chaque année, de 7 milliards de francs. Alors, un peu Balladur, un peu Rocard... tout le monde s'y est mis. Pour parvenir à ce résultat, la responsabilité est collective.
Je dirai maintenant quelques mots des familles qui ont connu des naissances multiples, sujet qui n'a guère été évoqué. Comme vous, madame le ministre, j'ai des tableaux qui établissent le coût familial des naissances multiples. Il est incontestable que les mesures que vous prônez pénalisent lourdement ces familles, quel que soit le mode de garde.
Qu'impliqueront pour de nombreuses familles à naissances multiples des mesures restrictives en matière d'AGED, sinon soit l'arrêt d'une activité salariée - qui va contre le travail de la femme - soit le licenciement de la personne employée à domicile, soit une poursuite d'activités avec une forte réduction du budget familial avec toutes les conséquences imaginables ? Le problème des naissances multiples mérite donc d'être souligné.
Au-delà de toutes les critiques que nous formulons maintenant, c'est le principe de l'universalité qui est remis en cause. Vous nous avez assurés à plusieurs reprises - devant la commission des comptes de la sécurité sociale, devant la commission des affaires sociales, tout à l'heure à cette tribune - qu'avec vous l'assurance maladie ne serait jamais mise sous condition de ressources. Vous oubliez, madame le ministre, que cette mise sous condition des allocations familiales était dans les tiroirs de Bercy depuis bien longtemps. Bercy, vous le savez, n'est rien d'autre qu'une sorte de grand magasin qui, en période d'économie, vous ouvre ses tiroirs et dit « Choisissez ! ». (Sourires.)
Demain, pourquoi un autre ministre que vous, qui devra faire face à un déficit de la branche maladie, ne placerait-il pas la branche maladie sous condition de ressources ?
Je crois que vous ouvrez la voie à ce qui risque d'être un démantèlement de la sécurité sociale. Comme l'a dit le président de la commission des affaires sociales, M. Fourcade, il s'agit non pas d'une question de degré, mais d'une question de nature. C'est là le reproche fondamental que l'on peut vous faire.
Enfin, je voudrais rappeler que, en prenant ces mesures, le Gouvernement crée une nouvelle fracture entre ceux qui donnent sans rien recevoir et les autres, alors que même les familles les plus modestes ne profiteront pas de ces mesures.
Le problème, aujourd'hui, c'est que les gens qui paient ont le sentiment que c'est à fonds perdu. C'est évidemment très nuisible à la cohésion républicaine.
Bref, madame le ministre, en raison de cette mise en cause des principes fondateurs de la sécurité sociale, avec le risque d'extension aux autres branches, cet effet de seuil, la non-progressivité aux revenus de l'effort demandé aux familles, nous ne pouvons pas accepter ces mesures. C'est pourquoi nous vous proposerons d'autres solutions lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les Français sont inquiets, le sentiment d'insécurité économique devient omniprésent chez nos concitoyens et l'ensemble des classes moyennes s'interroge gravement sur son avenir. Assistons-nous aujourd'hui, en plus, au démantèlement de la politique familiale ?
Mais qu'est-ce, au juste, que la politique familiale ? C'est une politique d'incitation non seulement à mettre au monde, mais aussi à élever des enfants pour tous les foyers, quelles que soient leurs ressources.
Or les mesures que vous nous proposez, madame le ministre, vont toutes, sans exception, à l'encontre d'une telle politique. Entre la mise sous condition de ressources des allocations familiales, la diminution de l'allocation de garde d'enfants à domicile et du crédit d'impôt pour les emplois familiaux, la réduction de la demi-part des personnes seules ayant élevé des enfants, toutes ces dispositions vont décourager les jeunes couples d'avoir des enfants.
Ce qui me choque le plus, c'est que vos projets trahissent un mépris pour nos concitoyens et une méconnaissance totale de leur vie et de leurs difficultés quotidiennes. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Philippe François. Parfait !
M. Dominique Braye. N'est-ce pas les mépriser que de les soumettre à des mesures rétroactives et ne pas respecter la parole donnée, en envisageant que la diminution du crédit d'impôts soit effective sur les revenus 1997 ? Une parole donnée, surtout si c'est celle de l'Etat, doit être respectée. Si vous ne le faites pas, madame le ministre, vous participerez activement au rejet de l'Etat et de la classe politique tout entière par nos concitoyens. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Philippe François. Bravo !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Dominique Braye. Pour faire passer la pilule à vos alliés de la majorité, vous avez proposé à la dernière minute de verser les allocations familiales dès le premier enfant et vous nous promettez l'application de ces mesures pour la seule année 1998 et la remise à plat l'an prochain de l'ensemble de la politique familiale.
C'est bien la première fois que j'entends un ministre avouer qu'il prend de mauvaises mesures et qu'il reviendra donc sur elles dès l'année suivante mais qu'il les prend quand même !
Non, madame le ministre, mieux vaudrait commencer dès maintenant la concertation - votre méthode de gouvernement, d'après ce que l'on dit - et prendre calmement les décisions qui s'imposent. A moins que vous n'ayez pris ces mesures pour frapper là où vous pensiez que cela ferait le moins mal et dans le seul but de trouver de l'argent afin de combler les déficits que vous avez déjà créés depuis votre arrivée au pouvoir. Ou bien s'agit-il de satisfaire au respect des critères de convergences pour faire partie de l'euro en mai prochain ? Oserez-vous alors expliquer honnêtement aux Français que l'euro justifie la fin de la politique familiale ?
Mais je crois que le mépris, l'escroquerie intellectuelle à laquelle se livre votre Gouvernement, atteint son paroxysme quand il s'agit des emplois familiaux.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est exagéré !
M. Dominique Braye. Où est votre fameuse priorité à l'emploi, madame le ministre ?
D'un côté, vous faites subventionner massivement des emplois-jeunes aux Français, emplois dont on cherche encore l'utilité et, de l'autre, vous supprimez, sans état d'âme, des milliers d'emplois familiaux qui fonctionnent bien, qui font rentrer des cotisations dans les caisses de la sécurité sociale (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) et qui donnent - c'est le plus important ! - des qualifications à des jeunes femmes qui, sinon, n'auraient jamais eu accès au marché du travail.
Que vont devenir toutes ces jeunes femmes ? Chacun d'entre nous le sait : pour la plupart d'entre elles, elles auront le choix entre chômage et travail au noir. Quel progrès social, quelle solidarité ! (Murmures sur les travées socialistes.)
Mme Dinah Derycke. C'est scandaleux de parler ainsi !
M. Dominique Braye. Garde d'enfants ou cavalier vert, ainsi que se nomme un de vos emplois-jeunes ? Lequel est le plus utile à la société française, de façon concrète, immédiate et à long terme, sachant que le cavalier vert revient trois fois plus cher au contribuable que la garde d'enfant ?
Personne ne peut contester que les gardes d'enfants rendent un service majeur aux parents, aux mères en particulier. Surtout, elles offrent aux enfants un cadre de vie sécurisant, le mieux adapté à leur rythme, eux qui ne vivent pas forcément bien les emplois du temps frénétiques de leurs parents.
Le bonheur familial, la stabilité et l'équilibre des enfants, madame le ministre, ne doivent pas être mis sous condition de ressources.
M. Philippe François. Parfait !
M. Dominique Braye. Quel mépris pour les mères qui travaillent, par exemple, quand vous objectez à ces jeunes mamans qu'elles n'ont qu'à prendre une place à la crèche, alors que l'on sait bien que c'est un véritable privilège aujourd'hui d'en obtenir une, tant elles sont rares ! Leur nombre, je vous le rappelle, est seulement d'environ 200 000 aujourd'hui, alors que le besoin estimé par la caisse nationale des allocations familiales est trois fois plus élevé.
En reniant l'allocation de garde d'enfants à domicile et l'aide fiscale, vous vous attaquez aux femmes qui travaillent. Ces aides ne sont pas le privilège pour familles aisées, bien pensantes, comme vous voudriez le faire croire. Elles sont le moyen pour de nombreuses familles de concilier vie professionnelle et vie familiale...
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Dominique Braye. ... sans que les enfants en pâtissent trop.
M. Alain Gournac. Bravo !
M. Dominique Braye. On dirait que cela vous gêne. Si l'objectif inavoué de vos mesures est le retour des femmes dans leur foyer pour laisser leur emploi aux chômeurs, alors dites-le ! (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Philippe François. Bravo !
M. Dominique Braye. Renoncer aux mesures d'aides aux emplois familiaux, c'est obliger toutes les femmes, quel que soit leur niveau de qualification, soit de faire le choix entre travail et enfant, soit de travailler sans pouvoir éduquer convenablement leurs enfants.
Mme Nicole Borvo. Vous êtes bien placé pour dire cela !
M. Dominique Braye. Tous les hommes politiques,...
Mme Gisèle Printz. Les hommes ?
M. Dominique Braye. ... madame Borvo, de droite comme de gauche, se sont suffisamment battus pour l'émancipation des femmes (Sourires sur les travées socialistes) depuis 1945 pour que nous continuions aujourd'hui à nous battre, afin de leur permettre de concilier leur désir légitime et indispensable pour notre pays d'avoir des enfants, et celui tout aussi légitime de s'épanouir intellectuellement et socialement dans une profession.
M. Philippe François. Bravo !
M. Dominique Braye. Madame le ministre, en agissant comme vous le faites, vous remettez en question le principe républicain d'égalité. Les prestations familiales de toutes les familles ne sont-elles pas la contrepartie des cotisations prélevées sur les salaires ? Si vous choisissez de ne plus les leur verser, j'ai bien peur que demain, malgré ce que vous nous avez dit aujourd'hui, vous trouverez de bons arguments pour diminuer ou supprimer leurs remboursements de santé ou leurs droits à la retraite ?
M. Philippe François. Bien sûr !
M. Dominique Braye. Si vous touchez au principe d'universalité des prestations sociales mis en place à la Libération, c'est la confiance en l'ensemble du système qui est remise en cause.
La question de fond n'est pas le déficit de la branche famille derrière lequel vous vous retranchez. Votre motivation, vous le savez bien, est purement idéologique. Certains socialistes ont un parti pris sectaire contre l'emploi à domicile, contre la famille et, plus encore, contre les familles aisées !
M. Philippe François. Un parti pris raciste !
M. Dominique Braye. Ils sont sectaires contre l'emploi à domicile. Mais, madame le ministre, nous ne sommes plus au xixe siècle ! Vous voyez des domestiques et des bonnes partout, des bonnes d'enfants, des bonnes à tout faire. L'époque des grandes maisons bourgeoises est révolue, madame le ministre ! Zola est mort !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ça c'est vrai !
M. Dominique Braye. Les jeunes couples qui ont embauché une personne pour garder leurs enfants de moins de six ans ne sont pas ces privilégiés que vous clouez au pilori. Ce ne sont pas non plus des exploiteurs de personnel de maison.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Qui a dit cela ?
M. Dominique Braye. Ce sont tout simplement des jeunes couples aux revenus moyens.
Avant la mise en place de l'AGED et du crédit d'impôt, ils n'auraient jamais imaginé pouvoir un jour devenir employeurs. Cela leur est devenu accessible et cela répond exactement à leurs besoins.
Alors, pourquoi les en priver et, surtout, pourquoi leur en faire honte ? Prendre la responsabilité de devenir employeur, surtout à notre époque, est une décision courageuse, honorable, que notre société se devrait de faciliter.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Surtout lorsque c'est l'Etat qui paie tout !
M. Dominique Braye. Ouvrons plutôt le système à ceux qui n'y ont pas accès.
Les socialistes sont également sectaires sur la famille. Dans ce parti, parler « famille » vous catalogue aussitôt comme vichyste, comme le rappelait récemment Yvette Roudy.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. C'est grotesque !
M. Dominique Braye. La méfiance envers la famille est une constante chez vous, car la famille serait l'ennemie de l'égalité. Pire, elle serait même facteur d'inégalités. La famille, avec vous, devient un privilège qu'auraient certains enfants par rapport à d'autres.
Votre projet de société a des relents de collectivisme.
M. Philippe François. Marxiste-léniniste !
M. Dominique Braye. Pour vous, le meilleur moyen de remédier aux inégalités entre les enfants, serait de les mettre tous dans les mêmes conditions de garde, c'est-à-dire tous dans les mêmes crèches, et ensuite tous dans les mêmes écoles.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Quelle horreur !
Mme Dinah Derycke. Pourquoi pas ?
M. Dominique Braye. Enfin, les socialistes font preuve de sectarisme contre les familles aisées, qui consacrent des moyens plus importants à l'éducation de leurs enfants, ce que dénonce François Hollande. Plutôt que de vous réjouir des efforts de ces familles, efforts grâce auxquels l'ensemble de la société se trouve gagnante, vous le leur reprochez !
L'éducation familiale n'est pas seulement une question de moyens financiers ; c'est d'abord et avant tout une question de responsabilité. Regardez un peu dans nos banlieues ; je suis président du district urbain de Mantes-la-Jolie ! Demandez donc aux enseignants des zones d'éducation prioritaires s'ils ne préféreraient pas que leurs élèves soient un peu mieux élevés, un peu plus obéissants, en un mot plus respectueux. Ces enseignants doivent se substituer de façon permanente à des parents démissionnaires ou défaillants.
L'éducation commence et se poursuit dans la famille et rien ne pourra jamais la remplacer. (MM. Philippe François et Alain Gournac applaudissent.) D'ailleurs, les courbes de l'insécurité, de la délinquance, du mal de vivre de nos compatriotes suivent fidèlement celle de la déstructuration des familles.
Il nous faut donc aujourd'hui nous battre tous ensemble, à droite comme à gauche, pour une vraie politique familiale, car notre pays a besoin d'enfants, d'enfants équilibrés et éduqués.
La famille n'est ni de droite ni de gauche : elle est vitale à l'équilibre de notre société et aux intérêts de notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Alain Vasselle. Bien sûr !
M. Dominique Braye. « La France sera forte de ses familles et s'épanouira dans ses enfants. Les générations nombreuses sont des générations créatrices. » Ce n'est pas un homme de droite qui a fait cet éloge de la famille ; c'est François Mitterrand, en 1988.
M. Alain Gournac. Eh oui !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous voyez !
M. Dominique Braye. Je pense qu'une vraie politique familiale n'est pas un vestige du passé ; c'est au contraire, une politique d'avant-garde. Il faut donc tout mettre en oeuvre aujourd'hui pour favoriser la natalité et la stabilité de la famille.
Je fais mien l'appel SOS Jeunesse, lancé en 1995 par Mme Sullerot, cofondatrice du planning familial. Cet appel cosigné notamment, madame le ministre, par votre collègue Jean-Pierre Chevènement, mettait en garde contre les dangers de la dénatalité. Qui dit aujourd'hui que, si vos mesures sont adoptées, c'est la solidarité nationale que l'on assassine ? C'est cette même Mme Sullerot.
Alors, madame le ministre, abandonnez donc toutes ces mesures archaïques que vous vous apprêtez à instaurer. Personne ne vous en voudra. Bien au contraire, et vous éviterez ainsi de porter un mauvais coup supplémentaire à notre société, qui manifestement n'en a pas besoin. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais essayer de partir des faits, loin des insultes et des procès d'intention, encore que je sois heureuse de constater que les sénateurs qui ont préféré choisir ce ton ont cité François Mitterrand, Michel Rocard, Nicole Questiaux et Louis Viannet. Cela montre que, finalement, l'idéologie, en matière de famille, n'est peut-être pas là où l'on croit.
Je voudrais donc, à l'instar de certains orateurs, en revenir aux faits, et je remercie ceux d'entre vous qui, n'étant pas d'accord avec les mesures proposées, ont néanmoins accepté le débat démocratique et ne se sont pas laissés aller au débat d'insultes, qui est bien loin de ce que peuvent attendre les familles de notre pays.
Je commencerai par la situation de la branche famille. A cet égard, on peut faire de grands discours, se lancer dans des diatribes, la réalité est là, et personne ne s'y trompera : en arrivant aux affaires, nous avons découvert 13 milliards de francs de déficit. M. Braye peut nous dire que c'est nous qui l'avons constitué en quinze jours...
M. Dominique Braye. En quatre mois, madame le ministre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Excusez-moi, monsieur le sénateur, les mesures sont prêtes depuis le mois de juin dernier. Vous avez vous-même dit que le Premier ministre les avait annoncées le lendemain de son arrivée. En un jour, nous n'avons tout de même pas creusé un déficit de 13 milliards de francs dans la branche famille des allocations familiales !
En tout cas, nous enregistrons un déficit de 13 milliards de francs en 1997, de 11 milliards de francs en 1998 et, si nous appliquions la loi « famille » - aujourd'hui nous devrions l'appliquer puisqu'elle devrait rester en vigueur jusqu'en 1999 - cela engendrerait 10 milliards de francs de déficit supplémentaire. Telle est la réalité !
Comme M. Fourcade l'a dit à juste titre, des mesures prises précédemment ont entraîné ce déficit de la branche famille. Il est vrai que le déplafonnement intervenu en 1990 a entraîné une perte de 7 milliards de francs, mais on doit dire aussi que, en 1993, 63 milliards de francs ont été repris à la branche famille et réintégrés dans les déficits du régime général.
Donc, pour le passé, acceptons de dire que nous avons tous une part de responsabilité au lieu de nous envoyer des chiffres à la figure. C'est d'ailleurs ce qu'a fait M. Fourcade, et je l'en remercie.
Quelle est la situation aujourd'hui ? Elle est simple : nous avons un système de protection sociale dont les dépenses, qu'elles soient de la branche famille ou de la branche maladie, évoluent plus vite que les recettes, l'assiette étant assise sur les salaires, dont la part baisse, année après année, dans le revenu national. C'est la raison pour laquelle nous devons changer d'assiette et l'élargir, ce qui sera profitable aussi bien à la branche maladie qu'à la branche famille dont nous parlons aujourd'hui.
Je voudrais redire que la loi de 1994, qui n'a pas été financée, pèse également sur la situation actuelle. Monsieur Braye, je ne sais pas où est le mépris, mais faire voter une loi en sachant pertinemment que l'on n'a pas prévu les moyens de la financer, pour moi, c'est avoir du mépris pour la famille ; en la matière, le clientélisme est la pire des choses. Il vaut mieux affronter la réalité telle qu'elle est, envisager des mesures, puis en discuter. Telle est ma conception de la politique, et Dinah Derycke l'a très bien dit. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Après le vote de la loi de 1994, après la transformation de l'allocation parentale d'éducation en allocation pour le retour des femmes à la maison, ce qui coûtera 18,5 millards de francs en 1998, 500 000 femmes sont rentrées à la maison. Alors, que l'on ne vienne pas nous dire que les mesures relatives à l'AGED, qui toucheront 30 000 familles, vont à l'encontre du travail des femmes !
M. Jean Chérioux. C'est la liberté de choix !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. La réalité est celle-là ! Peut-être vous déplaît-elle, mais ce sont les chiffres.
Nous avons, dès cette année, essayé d'intégrer des recettes complémentaires à la branche famille, en étendant l'assiette du 1 % affecté à la CNAF sur celle de la CSG ; cette mesure doit rapporter 3,6 milliards de francs à la branche famille. Il s'agit d'une mesure structurelle et permanente grâce à laquelle les revenus du capital, qui n'étaient pas encore touchés aujourd'hui par ce 1 % de la CSG, contribueront désormais au financement de la branche famille comme c'est déjà le cas pour la branche maladie.
Vous prétendez également que la politique familiale a un lien majeur avec la natalité. Je ne vais pas revenir sur ce débat, car de nombreux démographes se sont exprimés sur se sujet, au cours de ces derniers mois. Je crois pouvoir affirmer que la grande majorité d'entre eux, pour ne pas dire la totalité, ne considère pas aujourd'hui qu'il existe un lien direct entre les allocations familiales et la politique de natalité, et j'ajouterai heureusement. J'ai entendu certains d'entre vous, messieurs les sénateurs, qui soutenaient la famille nous expliquer que celle-ci décide d'abord d'avoir un enfant parce qu'elle va bénéficier d'une aide de l'Etat. J'ai une autre conception de la famille, une autre conception de la volonté d'avoir des enfants. Je crois que celle-ci est partagée par beaucoup sur les mêmes travées que vous et sur celles qui soutiennent la politique du Gouvernement. Il faut arrêter de considérer que tout est financiarisé dans notre société. Certaines actions sont menées, certains choix sont opérés dans la vie parce qu'on en a envie. Il en va ainsi du désir d'avoir des enfants, de leur donner une éducation et une place dans la société. Cela n'a pas été dit ce soir, et je le regrette profondément.
Je ne reviens pas sur les 10 milliards de francs que nous avons accordés aux familles en cinq mois. Effectivement, les familles les plus favorisées seront touchées, à concurrence de 4 milliards de francs, par certaines mesures, mais 10,5 milliards de francs ont été distribués aux familles les plus défavorisées. Je n'en ai pas entendu parler comme je n'ai pas entendu de voix s'élever lorsque la base des allocations familiales n'a pas été revalorisée en 1993 et en 1995, conformément aux prescriptions légales, ce qui a entraîné une condamnation par le Conseil d'Etat, ni lorsque la TVA a été augmentée, ce qui a touché d'abord les familles, notamment celles qui consomment la quasi-totalité de leur revenu, donc celles qui ont le plus besoin de cet argent, ou lorsque 120 milliards de francs ont été prélevés sur les familles pendant deux ans.
En conséquence, soyons modestes. L'avenir de la protection sociale pose un problème. Nous avons tous recherché des moyens de la financer. Il n'y a pas, d'un côté, la raison et, de l'autre, comme je l'ai entendu dire, le mépris et je ne reprendrai pas les autres termes que j'ai entendus.
Pour nous, la défense des familles, c'est la défense de toutes les familles.
J'ai entendu dire que le Gouvernement ne connaissait pas la réalité des familles. Moi, je voudrais vous rendre sensible à la situation d'une famille au chômage qui ne sait pas comment payer la cantine scolaire, qui ne peut pas envoyer ses enfants en vacances qui, parfois, ne peut pas payer son loyer et à qui on coupe l'eau ? Parce que telle est la réalité dans nos quartiers. Où est le choix pour cette famille ? (Exclamations sur les travées du RPR.)
Peut-on véritablement la comparer avec la famille qui va perdre le bénéfice de l'AGED ? Je reconnais que cette perte peut poser des problèmes d'organisation. J'ai été du reste la première à le reconnaître mais comment peut-on mettre en parallèle de telles situations ?
M. Alain Vasselle. Vous affirmez des choses inexactes. C'est honteux d'entendre dire des choses pareilles !
M. le président. Je vous en prie, monsieur Vasselle, Mme le ministre n'a interrompu personne. Si vous souhaitez l'interrompre, demandez lui l'autorisation.
M. Alain Vasselle. Je suis maire et je sais qu'aucun maire ne laisserait une famille de sa commune dans une telle situation.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous avez peut-être la chance, monsieur le maire, d'avoir dans votre commune des ressources qui vous permettent de remédier aux situations que je décris.
M. Alain Vasselle. Non, je suis maire d'une petite commune.
M. Dominique Braye. Cela se fait peut-être à Lille, monsieur Vasselle ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Des situations comme celles-là existent en effet dans le Nord parce qu'il y a 25 % de chômage en moyenne, parce que, dans le Nord, le revenu moyen de la population est de 20 % au-dessous du revenu national, parce que, dans le Nord, il y a 30 % de moins de lits d'hôpital que dans l'Ile-de-France, parce que, dans le Nord, aujourd'hui, on ne paie pas l'impôt sur les grandes fortunes comme dans l'Ile-de-France. Voilà la réalité, monsieur le sénateur ! Voilà quelques raisons qui expliquent la situation de cette région et voilà pourquoi nous voulons aujourd'hui aider ces familles.
Nous avons réouvert des écoles que vous aviez fermées ; nous avons augmenté l'allocation de rentrée scolaire ; nous avons augmenté l'allocation de logement - Mme Derycke l'a souligné - parce qu'un million de personnes vivent aujourd'hui en HLM - il n'y en a peut-être pas chez vous, monsieur le maire, vous n'avez peut-être pas de HLM - avec un revenu inférieur au SMIC mensuel.
M. Alain Gournac. Il n'y en a pas que chez vous !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Voilà la réalité. Vous pouvez affirmer que le Gouvernement ne la connaît pas, mais, pour autant, les faits sont têtus et voilà, malheureusement, ce que vivent les gens.
M. Alain Gournac. C'est une caricature !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Derrière ces chiffres, il y a des femmes et des hommes qui souffrent. Je vous invite quand vous voulez dans les quartiers pour les rencontrer.
J'en viens aux mesures que nous avons prises.
S'agissant de la suppression des allocations familiales au-dessus d'un certain plafond, je rappelle qu'elle concernera les familles ayant deux enfants dont le revenu mensuel est supérieur à 32 000 francs nets par mois et les familles de trois enfants dont le revenu est supérieur à 37 000 francs nets par mois. Cette mesure doit toucher, c'est vrai, 350 000 familles.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Ah !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je l'ai toujours dit, monsieur le président. Ce chiffre figure même dans le rapport que je présente en même temps que le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce n'est pas un scoop. Sont concernées, très exactement, 7,8 % des familles qui perçoivent des allocations familiales et 4 % des familles avec enfants. Que l'on ne nous dise pas, dès lors, que l'ensemble de la politique familiale est remise en cause.
Nous pouvons être en accord ou en désaccord sur cette mesure spécifique, mais la politique familiale en France, heureusement, ne se résume pas uniquement aux allocations familiales. Peut-être fallait-il toucher une autre mesure. Nous en parlerons dans le débat que nous allons lancer. En tout cas, on ne peut pas dire, parce que l'on supprime des allocations familiales à 4 % des familles françaises, que la totalité de la politique de la famille s'effondre brutalement. Là aussi, sachons raison garder ! Une politique familiale se mesure toutes prestations comprises. Monsieur Chérioux, on ne peut pas dire aujourd'hui qu'il n'y a pas de politique familiale.
M. Jean Chérioux. J'ai parlé de « la politique familiale traditionnelle menée depuis cinquante ans ». De fait, maintenant, il s'agit d'une politique sociale.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. D'abord, par le quotient familial, la collectivité aide de manière importante les familles, y compris celles qui, cette année, ne percevront pas les allocations familiales.
On ne peut pas dire que, brutalement, il n'y a plus rien pour ces familles qui disposent d'un revenu supérieur à 32 000 francs pour deux enfants ou supérieur à 37 000 francs pour trois enfants.
Le quotient familial existe. Il faut même rappeler que ce quotient familial est fortement redistributif vers le haut.
Je citerai simplement un chiffre : pour une famille de deux enfants, un enfant rapporte, si je puis dire...
M. Jean Chérioux. Il ne rapporte pas !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai entendu ce terme, il a été dit à deux reprises, ce n'est pas le mien. Disons, il apporte...
M. Dominique Braye. Vous vous raccrochez aux branches !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oui, se raccrocher aux branches, c'est coller à la réalité. Elle vous gêne peut-être, monsieur le sénateur, mais c'est ainsi.
M. Jean Chérioux. Il réduit la progressivité, c'est tout !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il apporte 550 francs par an à une famille dont le revenu annuel est de 100 000 francs. Il apporte 6 500 francs à une famille percevant 300 000 francs par an. Il apporte 12 400 francs à une famille dont les gains s'élèvent à 500 000 francs et il apporte 16 200 francs à une famille gagnant plus de 700 000 francs par an. Certes, ce sont ces familles-là qui seront touchées par nos mesures. Mais elles bénéficieront toujours des dispositions liées au quotient familial, qui demeurent en vigueur et qui font toujours partie de la politique familiale. Peut-être est-ce là qu'il faudrait faire bouger les choses. Nous en reparlerons. En tout cas, on ne peut pas dire qu'il ne reste aucune disposition favorable à ces familles.
Je voudrais aussi rappeler le caractère familial de l'assurance maladie. Ainsi, une même contribution, proportionnelle aux revenus, couvre l'ensemble de la famille, et on sait l'importance des dépenses remboursées au titre des enfants dans les premières années de leur vie. Je me réjouis de l'existence de cet aspect de politique familiale au coeur même de notre dispositif d'assurance maladie.
J'ai entendu certains nous reprocher de mettre à bas le principe de base des prestations familiales, à savoir leur universalité.
M. Charles Descours. Mais oui !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Permettez-moi de vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'aujourd'hui 41 % des montants versés au titre des prestations familiales sont d'ores et déjà sous conditions de ressources.
M. Charles Descours. On en a ajouté au fur et à mesure.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Certes ! Mais, sans vouloir être désagréable à l'égard de M. Fourcade, qui ne l'a pas été avec moi - d'ailleurs, je suis personnellement d'accord avec lui sur ce point, je ne vais donc pas le critiquer - je ferai observer que les premières mesures de mise sous condition de ressources datent de 1974 : je pense à l'allocation de rentrée scolaire...
M. Dominique Braye. Ce n'est pas payé sur la branche famille ! Cela n'a rien à voir !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je pense également à l'allocation de parent isolé. M. Fourcade était ministre de l'économie et des finances à l'époque, et je crois qu'il a bien fait de prendre ces mesures. Mais de grâce, arrêtons...
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Madame le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Certainement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de Mme le ministre.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Effectivement, en 1974, sous l'impulsion d'un certain nombre de penseurs de haut niveau, nous avons commencé à nous engager dans la politique des prestations sous condition de ressources. Mais il a été bien clair dès 1974 - je l'ai dit moi-même partout : en cette enceinte, à l'Assemblée nationale et devant l'UNAF - que notre système de prestations familiales comporterait dorénavant deux secteurs : d'une part, des allocations familiales universelles, versées à tous sans autre condition que le nombre d'enfants et, d'autre part, des prestations destinées à compenser un certain nombre de problèmes sociaux qui se posaient à des familles en difficulté.
M. Alain Vasselle. C'est une autre approche !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. La mesure que vous prônez aujourd'hui, madame le ministre, remet en cause ce mécanisme de 1974, qui a pourtant tenu depuis vingt-cinq ans.
Puisque nous en sommes à faire l'historique, je rappelle que la déviation est intervenue au moment où l'on a considéré comme des familles - M. Chérioux l'a excellemment dit - les personnes seules ayant des enfants, c'est-à-dire les familles monoparentales. Nous sommes alors entrés dans un processus de généralisation de mise sous condition de ressources des prestations. Aujourd'hui, vous mettez la dernière main à ce processus en portant un coup à l'universalité des allocations familiales.
M. Alain Gournac. C'est cela !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Pour ma part, j'aurais préféré que l'on soumette les allocations familiales à l'impôt sur le revenu, impôt progressif, ce qui aurait permis d'épargner les familles moyennes et de faire contribuer davantage les familles ayant les revenus les plus élevés.
M. Alain Gournac. C'était beaucoup plus juste !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. A l'inverse, cette suppression des allocations familiales à partir d'un certain niveau de revenu m'apparaît comme le mécanisme le plus anti-démocratique qui soit parce qu'il va obliger tous les Français à se promener avec une petite plaque indiquant leur niveau de revenu. Pour n'importe quelle opération de la vie civile, il faudra maintenant déclarer son revenu !
Par cette mesure anti-démocratique, on met à bas tout l'édifice de 1945 ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Madame le ministre, veuillez poursuivre, je vous prie.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Moi, j'entends bien ce que vous dites, monsieur Fourcade, mais ce sont vos amis qui ne vous ont pas entendu.
Vous dites que, en 1974, vous avez défini un système, et vous avez affirmé que ce serait une fois pour toutes. Mais, en 1976, a été créée l'allocation de parent isolé, alors que vous étiez ministre de l'économie. En 1977, Mme Veil a mis le complément familial sous condition de ressources. En 1986, M. Séguin et Mme Barzach ont fait de même pour l'allocation pour jeune enfant. Et cela a continué !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Nous en sommes à 42 % aujourd'hui !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En 1996, sous le gouvernement de M. Juppé, MM. Barrot et Gaymard l'ont fait pour l'allocation d'adoption.
M. Jean Chérioux. Amalgame !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En 1977, monsieur Fourcade, vous étiez ministre de l'équipement et Mme Veil était ministre de la santé : que s'est-il passé, alors, pour les aides personnalisées au logement ?
Quand, en 1974, vous avez dit : « C'est l'allocation de rentrée scolaire, et rien de plus », vous n'avez donc pas été suivi, pour diverses raisons que, au demeurant, je ne critique pas du tout. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, nous en sommes à 42 % des prestations familiales qui sont sous condition de ressources. Alors, ne dites pas qu'il s'agit, avec les allocations familiales, d'une exception au principe de l'universalité !
J'ai bien compris quel système avait votre préférence, monsieur Fourcade. Ce sera un des éléments de la discussion. Faut-il aller vers le quotient familial, vers la fiscalisation des allocations familiales ? J'ai déjà dit que, dans le cas d'un large accord, le Gouvernement serait prêt à changer de position.
Mais, encore une fois, ne tenons pas des propos qui ne sont pas conformes à la réalité.
J'en viens maintenant à une mesure qui n'est pas une mesure de solidarité mais qui correspond à la nécessité, selon nous, de revenir sur une anomalie de notre système : celui de l'ampleur de l'AGED cumulée avec les emplois familiaux.
Là encore, je voudrais rappeler les chiffres, chiffres qui ne sont pas contestés. Ce matin, en commission des affaires sociales, il m'a été dit qu'ils étaient contestés par l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF. Or, après avoir été entendue par la commission, j'ai contacté M. Brin par téléphone et celui-ci m'a confirmé qu'il reconnaissait ces chiffres comme exacts. Il m'a même faxé les documents de l'UNAF : nous avons les même chiffres puisqu'ils viennent tous de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF. Vous avez entendu les déclarations du président de la CNAF : on ne peut pas penser qu'il est favorable à ce que nous sommes en train de faire.
Ces chiffres ont également été repris par l'association de retraite des employés de maison, que M. le président de la commission a évoquée tout à l'heure.
Ces chiffres, quels sont-ils ? Ce sont 75 000 foyers fiscaux qui vont être touchés par cette réduction de 90 000 francs à 45 000 francs, soit 0,25 % des 30 millions de foyers fiscaux.
M. Charles Descours. Mais c'est rétroactif !
Mme Martine Aubry ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur Braye, je ne suis pas contre les « bonnes », comme vous dites, d'abord, parce que je ne m'exprime jamais comme cela et, ensuite, parce que je n'ai rien contre les employés de maison. C'est moi-même qui ai créé le système d'aide aux emplois familiaux en 1992. Seulement, à partir d'un système qui visait à aider les familles moyennes, on a fait un privilège.
Je le répète, il n'y a aucun pays au monde où l'on rembourse 80 % à 85 % - avec le cumul entre emplois familiaux et AGED - de ce que coûte un employé de maison à domicile. Telle est la réalité !
J'entends dire qu'il faut du courage pour employer quelqu'un. Quel courage faut-il lorsque l'Etat vous rembourse 85 % de 110 000 francs ? Il faut simplement avoir les moyens de payer les 2 500 francs qui restent ! Aujourd'hui, la totalité des familles qui ont un employé de maison à temps plein ont un revenu supérieur à 32 000 francs par mois, ce qui signifie que le revenu moyen de ces familles doit se situer entre 40 000 et 45 000 francs. Ces familles payent 2 500 francs un employé de maison à temps plein, alors qu'elles paieraient 3 000 francs si l'enfant fréquentait une crèche.
Est-ce démocratique ? Est-il normal, dans notre pays, que l'on paye 80 % du coût d'un employé de maison à domicile ? Bien sûr, celui-ci va garder les enfants - et nous ne pouvons que nous en réjouir -, mais il fera également le ménage et effectuera un certain nombre d'autres tâches qui faciliteront la vie de la famille.
Eh bien, quand on gagne 40 000 francs nets par mois, on peut faire le choix d'avoir un employé de maison, d'autant que l'aide va subsister, mais elle ne sera plus que de 40 % à 60 %, ce qui reste très important !
Même dans ces conditions, la France restera le seul pays au monde à aider autant les foyers qui emploient un employé de maison. Voilà la réalité !
Par conséquent, 75 000 foyers fiscaux sont touchés par la baisse de la réduction de 90 000 francs à 45 000 francs et 66 000 foyers sont concernés par la réduction de l'AGED. Inutile de dire que ce sont souvent les mêmes : 0,7 % des 9 millions de familles qui ont un enfant.
Quand est-on touché par ces deux mesures ? Selon la caisse de retraite des employés de maison à domicile, un peu moins de la moitié seulement des familles concernées vont être touchées par le cumul de ces deux mesures. En effet, un certain nombre de ceux qui, jusqu'à présent, bénéficiaient de l'exonération à 100 % n'utilisaient pas leur déduction fiscale en totalité, alors que, grâce au nouveau plafond, ils vont pouvoir l'utiliser.
Autrement dit, ce sont environ 30 000 familles qui vont effectivement être touchées, 30 000 familles dont, je le rappelle, le revenu net moyen se situe entre 40 000 et 45 000 francs. Si j'ai un jour des chiffres plus précis, je vous les communiquerai.
Alors, quand j'entends dire : « La politique familiale est à terre, les familles n'en peuvent mais » - et il y a des sondages qui indiquent le contraire -...
M. Dominique Braye. C'est ce que disent les associations !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... je réponds que la réalité est pourtant bien telle que je la décris.
On me dit que certaines familles sont confrontées à des problèmes d'organisation, car elles avaient pris un employé de maison à domicile à cause de ces avantages. J'ai donc proposé - un amendement a été présenté à l'Assemblée nationale - une mesure pour cette année, en faveur de ceux qui gagnent moins de 300 000 francs nets par an, car ceux-ci, ayant pu croire que ces avantages allaient être maintenus, auraient effectivement des difficultés à garder leur employé de maison. En tout cas, pour elles, le plafond de 45 000 francs va jouer à plein, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent avec une AGED à 100 %.
D'ailleurs, la remise en cause de l'AGED n'est pas une mesure farfelue, proposée par un gouvernement de gauche qui en veut aux plus favorisés. Relisez le rapport de la Cour des comptes qui vient de paraître !
La Cour des comptes, c'est tout de même un organisme officiel. Bien sûr, on peut tout dénigrer et considérer que tout, dans ce pays, n'est qu'idéologie, mais moi, je n'oublie pas que nous avons certaines institutions.
Eh bien, selon la Cour des comptes, l'AGED ne contribue pas à améliorer la qualité des modes d'accueil, car cette allocation est accordée sans aucune condition de qualification préalable du salarié.
La Cour des comptes précise que l'AGED correspond par ailleurs à un mode de garde très coûteux. Pour un enfant de moins de trois ans, le coût total annuel en 1995 est estimé à 64 000 francs dans une crèche collective, à 50 000 francs dans une crèche familiale, à 38 000 francs chez une assistance maternelle et à 121 000 francs pour la garde à domicile avec l'AGED. Le coût représente donc 1,9 fois celui de la garde en crèche collective.
Toujours selon le rapport de la Cour des comptes, le cumul de l'AGED et de la réduction d'impôt représente une subvention élevée et croissante avec le revenu.
J'arrête là : le rapport contient quatre pages de critiques de cette nature, concluant que l'AGED contribue à une ségrégation sociale et qu'il s'agit d'un dispositif qui n'est pas juste. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Cour des comptes.
Vous citez François Mitterrand et Louis Viannet. J'en suis ravie. Moi, je cite la Cour des comptes.
M. Jean Chérioux. En l'occurrence, elle est sortie de son rôle !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous affirmez qu'il est normal d'accorder 85 000 francs à une famille, mais que 92 000 francs pour un emploi-jeune, c'est beaucoup trop.
Dois-je rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, que chaque emploi-jeune sera utile à des dizaines de nos concitoyens et non pas à une seule famille ? Il s'agit bien d'une aide apportée par l'Etat pour installer des jeunes dans la vie active et pour créer des nouveaux métiers. Il ne s'agit pas d'une aide individuelle à une personne ou à une famille.
M. Alain Vasselle. On en reparlera !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. On en reparlera en effet ! Si vous ne voulez pas créer d'emplois-jeunes, n'en créez pas ! Nous verrons effectivement où des emplois-jeunes auront été créés et où l'on n'en aura pas créé ! Nous étudierons les conditions de vie de nos concitoyens et nous verrons comment vivent les jeunes dans les différentes communes.
Monsieur Braye, vous dites que le bonheur familial, pour un enfant, c'est d'avoir sa mère auprès de lui. Moi, je dis : le bonheur familial, pour un enfant, c'est d'avoir son père et sa mère.
M. Dominique Braye. Je n'ai jamais dit cela ! J'aurais aimé que vous m'écoutiez un peu mieux !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oh ! je vous ai écouté complètement. Je ne pouvais d'ailleurs pas ne pas vous écouter...
M. Dominique Braye. J'ai mon texte sous les yeux, madame le ministre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Eh bien, relisez-le, monsieur le sénateur ! Je ne pense pas vous trahir en disant cela.
M. Dominique Braye. Je n'ai jamais affirmé que c'était d'avoir sa mère à côté de lui ! J'ai dit : « ses parents ».
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je crains que non, monsieur le sénateur, mais nous vérifierons. Si nous sommes d'accord, tant mieux !
Vous avez tout de même parlé à plusieurs reprises du retour de la femme à la maison. Et pourquoi l'homme ne reviendrait-il pas à la maison ?
M. Dominique Braye. Souvent, il travaille !
M. Michel Moreigne. Monsieur le président, faites cesser cette comédie !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Quand je parle d'évolution des familles, je pense qu'il convient aussi d'organiser la répartition des tâches. Chaque père, comme chaque mère, doit pouvoir avoir le temps de s'occuper de ses enfants. C'est la raison pour laquelle nous réduisons la durée du temps de travail. Il s'agit également d'une amélioration de la vie de tous.
M. Dominique Braye. Il n'y a que les enfants de chômeurs qui peuvent avoir leurs deux parents à côté d'eux, madame le ministre !
M. le président. M. Braye, je vous en prie !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Sauf dans la commune de M. Braye, où il n'y a pas de chômeurs et pas de familles en difficulté !
M. Dominique Braye. Il doit y en avoir beaucoup chez vous, madame le ministre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'en viens à la critique qu'a fomulée M. Larché, en faisant référence au préambule de la Constitution, qui prévoit que la nation assure à l'individu et à sa famille les moyens nécessaires à leur développement, qu'elle protège la santé et la sécurité matérielle.
Il y a tout de même lieu de penser que, compte tenu des niveaux de revenu concernés, les mesures prises n'affecteront pas la sécurité matérielle des enfants en question. Ces mesures laissent bien à leurs familles les moyens matériels nécessaires à leur développement.
Quoi qu'il en soit, le Conseil constitutionnel nous dira ce qu'il en pense.
Au demeurant, bien entendu, si ces familles connaissaient des revers, elles rentreraient aussitôt dans le dispositif.
On nous a également dit que ces mesures risquaient de faciliter le travail au noir et de faire revenir les femmes à la maison.
S'agissant de ce dernier point, c'est l'APE, transformée en salaire maternel par Mme Barzach et modifiée en 1994, qui a entraîné, effectivement, le retour d'un certain nombre de femmes à la maison.
MM. Jean Chérioux et Dominique Braye. C'est leur libre choix !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oui, mais ce sont quand même les femmes qui retournent à la maison, ce ne sont pas les hommes !
M. le président. Monsieur Braye, monsieur Chérioux, Mme le ministre ne vous a pas interrompus pendant vos interventions ;...
M. Charles Descours. Elle en avait pourtant envie ! (Sourires.)
M. le président. ... je vous demande de faire preuve de la même courtoisie.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Merci, monsieur le président.
MM. Fourcade, Paul Girod et Durand-Chastel, en particulier, ont soulevé le problème du travail au noir, et je reconnais que cette question mérite d'être examinée.
Je ne dis pas que, à la marge, n'existera pas la tentation de revenir au travail au noir. Cependant, si les familles font le calcul - encore faut-il qu'elles le fassent, me direz-vous avec raison - avant de décider de ne pas déclarer leur garde à domicile, elles constateront que le cumul de la réduction d'impôt et de l'AGED, même réduite, reste extrêmement intéressant.
Je vous donnerai deux exemples, qui ne sont pas choisis à dessein.
Pour une famille de deux enfants dont le revenu annuel est de 250 000 francs, après l'adoption de nos mesures, l'AGED représentera 37 451 francs et la réduction d'impôt, 14 729 francs. Cela signifie que cette famille touchera plus de 52 000 francs d'aides publiques, tandis que ses charges atteindront 49 000 francs. Une telle famille aura donc intérêt à continuer à déclarer la personne employée à domicile.
Pour une famille de trois enfants dont le revenu est de 350 000 francs, nous parvenons à une égalité, à 100 francs près, des charges par rapport au total des aides publiques.
Lorsqu'il s'agit d'un emploi à mi-temps, dans tous les cas, les familles y gagnent, car elles n'atteignent pas le plafond de la réduction pour emplois familieux.
Autrement dit, les seules familles susceptibles d'être globalement perdantes sont celles qui emploient une personne à temps plein et dont les revenus sont extrêmement élevés.
Ces familles choisiront-elles le travail au noir ? Peut-être ai-je tort, mais je fais tout de même confiance à nos concitoyens, notamment à ceux qui ont la chance d'avoir une place dans notre société, leur permettant de vivre convenablement.
Si nous considérons que, pour que nos concitoyens appliquent la loi de la République qui consiste à cotiser pour la personne que l'on emploie,...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Tout à fait !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... il faut que l'Etat participe à concurrence de 80 %, c'est que véritablement nous n'avons confiance ni dans la démocratie, ni dans nos concitoyens !
Mme Gisèle Printz. Parfaitement !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mesdame, messieurs les sénateurs, comme vous, j'ai reçu des lettres de gens qui n'étaient pas d'accord avec les mesures gouvernementales.
Cependant, j'ai aussi reçu des lettres de personnes percevant l'AGED et bénéficiant de la réduction d'impôt de 90 000 francs mais qui admettaient que ces avantages étaient injustifiés, notamment en période de crise, et qu'ils soient remis en cause.
Eh bien, moi, je compte sur le sentiment de solidarité de nos concitoyens et, plus simplement d'ailleurs, sur leur bon sens, car, encore une fois, aucun pays ne propose autant d'aides.
A ceux qui parlent de chômeurs supplémentaires, je crois avoir démontré que, parmi les 30 000 familles environ qui seront concernées par cette réduction des avantages, seules celles qui ont recours à une personne employée à temps plein et dont les revenus sont les plus élevés seront perdantes avec le nouveau système.
Que l'on ne nous dise donc pas que 200 000, voire 300 000 emplois vont être supprimés !
Je rappelle d'ailleurs que les chiffres qui ont été cités prennent en compte tous les emplois à domicile, notamment ceux qui ont bénéficié aux personnes âgées et aux handicapés au cours de ces dernières années. Or, ces emplois ne sont absolument pas concernés.
Peut-être y aura-t-il en effet quelques milliers de personnes qui passeront « au noir », et je le regretterai mais je ne suis pas sûre que ce sera le cas, car, encore une fois, je crois que nos concitoyens sont un peu plus responsables qu'on ne le croit.
Je veux maintenant répondre très sérieusement à certaines critiques fondées sur des mots que nous aurions prononcés.
Personnellement, monsieur Poirieux, je n'ai jamais qualifié les associations familiales de « lobbies ».
Je connais depuis longtemps déjà leurs membres puisque cela fait vingt ans que je travaille dans le secteur du travail, de l'emploi et des affaires sociales ; je les connais et je les apprécie. Je puis donc affirmer que s'ils ne sont pas dans la rue aujourd'hui mais dans mon bureau, où ils discutent avec mes collaborateurs, c'est parce que nous avons établi une relation de confiance.
Je peux certes accepter que l'on dise que certaines associations sont opposées aux mesures proposées par le Gouvernement mais pas que l'on remette en cause la confiance que nous avons forgée ensemble depuis des années.
Je n'ai pas parlé de « lobbies » et je défie d'ailleurs quiconque de relever dans mes discours un terme qui se rapproche de celui-ci.
Il a également été dit que je suspectais les familles classiques de représenter l'ordre moral. Sur ce point aussi, il faut savoir raison garder !
Ce que j'ai dit, au contraire, et le Sénat devrait suffisamment me connaître pour savoir qu'il n'est pas dans mes habitudes de faire des discours auxquels je ne crois pas, c'est que « la gauche », comme vous dites, ne considère pas les familles comme les représentantes de l'ordre moral.
Ce sont là des débats du début du siècle !
M. Dominique Braye. Vous y êtes encore !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous avons tous évolué, nous, mais vous aussi, bien que les propos que j'ai entendus ce soir m'amènent parfois à en douter. Changeons notre manière de voir les choses !
Nous estimons, je le répète, que la famille est la première cellule dans laquelle se construit l'enfant en termes d'affection et d'éducation. Nous ne montrons, monsieur Vasselle, aucune famille du doigt. Faire appel à la solidarité, ce n'est pas diviser les familles ; c'est, au contraire, les rapprocher. Ce n'est pas opposer deux catégories de Français ; c'est, au contraire, leur demander de s'aider.
La solidarité, ce n'est pas la division ou, vraiment, c'est que nous n'avons ni les mêmes valeurs, ni les mêmes conceptions de ce que doit être la vie en société !
M. Dominique Braye. Il y a l'impôt pour cela, madame le ministre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Peut-être faut-il recourir à l'impôt. Nous en reparlerons bientôt et nous verrons, à ce moment-là, si vous défendrez de telles mesures. Si tel était le cas, je m'en réjouirais.
Je n'ai donc pas parlé des familles en ces termes. Je n'ai pas parlé de privilégiés, de nantis et encore moins de « carrés de soie ».
La solidarité, je le répète, réunit les Français ; elle ne les divise pas.
Mon souci n'est pas non plus que l'Etat assiste les familles les plus défavorisées, mais seulement qu'il leur donne les moyens d'assumer à nouveau leurs responsa- bilités.
Quand on ne sait pas quoi donner à manger à ses enfants, quand on ne sait pas comment payer son loyer, on a beaucoup de mal à jouer pleinement son rôle de père ou de mère. Il faut donner à chacun les moyens de reprendre en main ses fonctions - primordiales, nous en sommes d'accord - de parents.
Je veux terminer mon propos sur une vision plus optimiste.
A cet égard, je remercie MM. Paul Girod et Daniel Hoeffel d'avoir reconnu, eux, que nous étions d'accord sur le rôle essentiel de la famille dans la société comme vecteur des valeurs et repères.
Je suis en particulier totalement d'accord avec ce qu'a dit M. Hoeffel du rôle de la famille en période de crise : quand tout va mal, le refuge, la défense, la protection, c'est d'abord la famille.
M. Jean Chérioux. Tout à fait !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Malheureusement, toutes les familles ne peuvent pas apporter cette protection à leurs enfants.
Il faut donc revoir notre politique familiale et d'abord, comme Mme Dinah Derycke l'a souligné, la question des prestations familiales. Faut-il recourir à des mesures fiscales plutôt qu'aux mesures de plafonnement que nous avons mises en place, comme le souhaite M. Fourcade ? Nombre d'entre vous en ont parlé, M. Hoeffel, mais aussi Mme Borvo.
M. Alain Gournac. Ah !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mme Borvo a aussi le droit d'exprimer son avis !
M. Dominique Braye. Personne n'a dit le contraire !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je redis ici très clairement que l'accord que nous n'avons pas pu obtenir avant que ces mesures soient arrêtées, nous l'obtiendrons peut-être avec les organisations syndicales et les associations familiales dans les mois qui viennent, et je suis convaincue que le Premier ministre en tirera alors toutes les conséquences.
Cependant, la politique familiale, Mmes Borvo et Printz l'ont souligné, dépasse largement la question des prestations familiales : logement, éducation, vacances scolaires, activités périscolaires, culturelles, artistiques et sportives, tous ces domaines en relèvent, car il s'agit de faire des enfants des personnes autonomes.
Nous allons aborder la situation de deux manières, d'abord, en demandant un diagnostic à des experts, ensuite, en établissant une large concertation avec les organisations familiales et syndicales. Nous ne partons d'ailleurs pas de rien : le travail réalisé par Mme Gisserot, notamment, constitue un des éléments de base qui seront soumis à la réflexion des uns et des autres.
Certains, parmi lesquels M. Durand-Chastel, ont évoqué, pour s'en inquiéter, le risque d'une extension de la mise sous condition de ressources aux prestations servies par les branches maladie ou vieillesse. Je l'ai dit à plusieurs reprises, il s'agit de systèmes différents, et ce serait d'ailleurs une aberration, au moment où nous mettons à contribution tous les types de revenus, d'établir une distinction entre les prestations servies.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la famille mérite mieux que des procès d'intention ou des insultes. A cet égard, je remercie bien évidemment ceux qui approuvent l'action gouvernementale, mais aussi M. le président de la commission des affaires sociales et certains d'entre vous, notamment MM. Seillier et Hoeffel.
En démocratie, on a certes le droit d'être en désaccord mais mieux vaut avancer des idées et des contre-propositions plutôt que de s'envoyer des insultes ! Cela ne grandit pas la démocratie et n'en donne pas une très bonne image aux jeunes dont nous avons tant parlé ce soir.
En conclusion, je répèterai ce que j'ai dit en introduction, comme beaucoup d'entre vous d'ailleurs, notamment Mme Dinah Derycke. Notre objectif est de protéger et de conforter la famille ; et les mois qui viennent vous permettront de le vérifier.
M. Dominique Braye. Pas de paroles, des actes !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous avez tous affirmé que la famille est la cellule de base où se construit l'enfant, où il acquiert ses premiers repères. Nous sommes d'accord. C'est dans la famille que s'exprime en premier lieu la solidarité, et de cela nous devons être tous convaincus car nos sociétés n'avanceront pas sans solidarité. C'est dans la famille que s'apprend le respect de l'autre et que s'effectuent les premières expériences et les apprentissages.
Défendre la famille, c'est défendre ses valeurs et les objectifs auxquels nous sommes tous particulièrement attachés, c'est-à-dire préserver la cohésion sociale, donner à chacun sa vraie place et promouvoir la solidarité. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 68 et distribuée.

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