SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Rappel au règlement
(p.
1
).
M. Louis Minetti, le président.
3.
Pêche maritime et cultures marines.
- Adoption des conclusions d'une
commission mixte paritaire (p.
2
).
Discussion générale : MM. Josselin de Rohan, rapporteur pour le Sénat de la
commission mixte paritaire ; Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de
la pêche.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire (p.
3
)
Vote sur l'ensemble (p.
4
)
M. Michel Sergent.
Adoption du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 5 )
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
4.
Agriculture.
- Débat sur une déclaration du Gouvernement (p.
6
).
MM. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Jean
François-Poncet, président de la commission des affaires économiques ;
Christian Poncelet, président de la commission des finances.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
MM. Bernard Piras, Raymond Soucaret, Louis Minetti, Philippe François, Bernard Barraux, Serge Mathieu, Paul Raoult, Jacques de Menou, Jean Huchon, Roland du Luart, René-Pierre Signé.
Suspension et reprise de la séance (p. 7 )
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
MM. Roger Rigaudière, Jean Pourchet, Jean-Paul Emorine, Henri Belcour, Marcel
Deneux, Mme Janine Bardou.
M. le ministre.
Clôture du débat.
5.
Dépôt de projets de loi
(p.
8
).
6.
Transmission d'un projet de loi
(p.
9
).
7.
Dépôt d'une proposition de résolution
(p.
10
).
8.
Dépôt d'une proposition d'acte communautaire
(p.
11
).
9.
Renvoi pour avis
(p.
12
).
10.
Dépôt de rapports
(p.
13
).
11.
Dépôt d'un avis
(p.
14
).
12.
Ordre du jour
(p.
15
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. Louis Minetti.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti.
Mon rappel au règlement est fondé sur l'article 36, alinéa 2, du règlement,
relatif à l'organisation de nos travaux.
J'apprends que quatre-vingt-huit organisations agricoles, mais aussi des
négociants français en fruits et légumes, viennent d'être déférés devant le
Conseil de la concurrence par la Fédération des importateurs de fruits et
légumes.
Le « délit » invoqué est le suivant : avoir signé un accord de bonne conduite
entre producteurs et négociants qui relève un peu les écarts excessifs entre
prix cassés à la production et prix stables à la consommation.
Cette situation appelle quatre premières réactions de ma part.
D'abord, je soutiens totalement les signataires de l'accord et condamne
l'action des importateurs.
Ensuite, je les soutiens d'autant plus que cet accord de bonne conduite est
très modéré par rapport aux recommandations de la mission sénatoriale que je
présidais, recommandations qui ont été renouvelées depuis à quatre reprises. La
semaine dernière, j'ai encore interpellé sur ces questions M. le ministre de
l'agriculture. Aujourd'hui même, je vais le faire de nouveau puisque le hasard
veut que ces questions soient à l'ordre du jour de notre séance.
En outre, l'heure est à construire ensemble d'autres accords qui substituent à
l'affrontement entre producteurs du monde entier une politique de
codéveloppement et de collaboration bénéfique à tous.
Enfin, l'Organisation mondiale du commerce et les organisations communes des
marchés doivent être corrigées dans cet esprit.
M. le président.
Je vous donne acte de votre déclaration, monsieur Minetti.
3
PE^CHE MARITIME ET CULTURES MARINES
Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 69,
1997-1998) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation sur la
pêche maritime et les cultures marines.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Josselin de Rohan,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire,
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte
paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion du projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures
marines s'est réunie à l'Assemblée nationale, le mardi 4 novembre 1997.
Elle a procédé à l'examen des articles restant en discussion.
Elle a adopté, dans la rédaction du Sénat, les articles 4
ter,
5
bis
, 6
ter,
9
bis
B, 10 et 30
ter
.
Elle a supprimé l'article 7
ter,
au motif que la mise en oeuvre de cet
article soulevait de réelles difficultés. Elle a souhaité que les pouvoirs
publics, après avoir consulté l'ensemble des organisations professionnelles,
élaborent une version plus adéquate, afin de parvenir à une répression efficace
du braconnage des poissons migrateurs.
La commission mixte paritaire a ensuite adopté un amendement rédactionnel à
l'article 9
bis
A.
Elle a également pérennisé, à l'article 12, l'exonération de la taxe
professionnelle, initialement prévue jusqu'en 2005, pour les pêcheurs optant
pour la société de pêche artisanale.
Puis la commission mixte paritaire a adopté un amendement rédactionnel, à
l'article 15
bis.
Enfin, l'article 35 A est un article additionnel, qui résulte d'un amendement
déposé par le Gouvernement en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, ouvrant
à la concurrence l'offre de retraites complémentaires volontaires pour les
non-salariés agricoles.
Je tiens à rappeler que, dans un premier temps, le Sénat avait souhaité la
suppression de cet article en raison de son rapport très éloigné avec la pêche
maritime. Nous avons ensuite accepté un amendement du Gouvernement, présenté
comme une solution de compromis.
Le rapporteur de la commission mixte paritaire pour l'Assemblée nationale a
choisi de faire participer les mutuelles à l'ouverture du régime COREVA.
Souhaitant ne pas retarder l'adoption de ce projet de loi d'orientation pour
des raisons tenant aux modalités de mise en oeuvre de l'article 35 A, il nous a
semblé inutile de faire échouer la commission mixte paritaire sur ce point.
L'article 35 A a ainsi été adopté, modifié par deux amendements, l'un
permettant aux organismes mutualistes de participer à l'ouverture du régime
COREVA, l'autre étant d'ordre rédactionnel.
La commission mixte paritaire a ensuite adopté l'ensemble des dispositions
restant en discussion du projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et
les cultures marines dans la rédaction issue de ses délibérations.
Puisque l'occasion m'en est donnée, je souhaiterais savoir, me faisant l'écho
d'un certain nombre de parlementaires, si le Gouvernement a prévu que des
parlementaires représentant nos deux assemblées puissent siéger au sein du
Conseil supérieur d'orientation des pêches.
En attendant la réponse à cette question, j'ai le devoir de dire que la
commission mixte paritaire vous demande, mes chers collègues, d'adopter
l'ensemble du projet de loi dans la rédaction adoptée par la commission mixte
paritaire.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le président, monsieur
le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la commission mixte paritaire
a approuvé hier soir le projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et
les cultures marines. Le Gouvernement en prend acte et il s'en remet à la
sagesse de la Haute Assemblée s'agissant des modifications qui sont
proposées.
Je crois pouvoir dire que les professionnels de la mer disposeront ainsi d'une
loi équilibrée, qui constitue un cadre juridique bien adapté aux conditions
d'accès à la ressource, à la modernisation des entreprises, aux évolutions de
la filière marquées par l'exigence de qualité et de sécurité alimentaire.
Sur le plan social, le projet de loi introduit des avancées, et chacun mesure
combien, dans ce domaine, les progrès sont nécessaires pour rapprocher les
conditions de travail des marins-pêcheurs de celles des salariés à terre.
Présenté par mon prédécesseur, le projet de loi a été adopté en première
lecture, enrichi depuis ma prise de fonctions, en étroite concertation avec les
professionnels et en concertation avec le Parlement. Ce texte a rencontré tant
à l'Assemblée nationale qu'au Sénat l'adhésion unanime des groupes
parlementaires. Il me plaît de souligner que son adoption définitive prend
place moins d'une semaine après l'accord trouvé par les Quinze à Luxembourg
pour une orientation plus marquée vers une gestion durable de la ressource, et
qu'il est considéré par nos professionnels comme un bon compromis.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voulais aussi affirmer la volonté du
Gouvernement de faire toute diligence en ce qui concerne les trente et un
décrets qui seront pris en application de ce projet de loi.
J'ai bien noté, monsieur le rapporteur, votre question relative à la
participation de représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat au Conseil
supérieur d'orientation prévu par le présent texte. Je mets à l'étude cette
question dans la mesure où nous devrons, dans les toutes prochaines semaines,
définir les contours et le contenu de la représentation au sein de cet
organisme.
En conclusion, je voudrais souligner que le texte que nous avons élaboré
ensemble est très attendu par les professionnels. Le Gouvernement et le
Parlement ont entendu ne pas les décevoir.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement,
lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la
commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur
l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :
« TITRE Ier
« DE L'ORIENTATION
DE LA POLITIQUE DES PÊCHES MARITIMES,
DES CULTURES MARINES
ET DES ACTIVITÉS HALIO-ALIMENTAIRES
« TITRE II
« DE L'ACCÈS À LA RESSOURCE
« Art. 4
ter.
- I. - Après l'article 3-1 du décret du 9 janvier 1852
précité, il est inséré un article 3-2 ainsi rédigé :
«
Art. 3-2.
- Un navire de pêche battant pavillon français n'est
autorisé à pêcher sur les quotas nationaux ou ne peut se voir délivrer une
autorisation de pêche que lorsqu'il a un lien économique réel avec le
territoire de la République française et qu'il est dirigé et contrôlé à partir
d'un établissement stable situé sur le territoire français. »
« II. - Les dispositions de l'article 3-2 du décret du 9 janvier 1852 précité
entreront en vigueur le 1er janvier 1999. »
« Art. 5
bis.
- Il est inséré, après l'article 13 du décret du 9
janvier 1852 précité, un article 13-1 ainsi rédigé :
«
Art. 13-1.
- Les manquements aux dispositions de l'article 3-2 sont
constatés par les agents mentionnés à l'article 16.
« Indépendamment des actions pénales susceptibles d'être engagées, ces
manquements pourront donner lieu à l'une des sanctions suivantes :
«
a)
Amende administrative qui ne peut dépasser le maximum prévu pour
la contravention de la cinquième classe et dont le produit est versé à
l'Etablissement national des invalides de la marine ; cette amende est
appliquée autant de fois qu'il y a de quintaux pêchés, détenus à bord ou
débarqués en infraction aux délibérations rendues obligatoires ;
«
b)
Suspension ou retrait d'autorisations de pêche.
« Les intéressés sont avisés au préalable des faits relevés à leur encontre.
L'autorité compétente leur fait connaître qu'ils disposent d'un délai de deux
mois pour faire valoir par écrit, par eux-mêmes ou par mandataire, leurs moyens
de défense et qu'ils peuvent demander à être reçus par elle, seuls ou en
compagnie d'un défenseur de leur choix. »
« Art. 6
ter.
- I A. - L'article 2 de la loi n° 66-400 du 18 juin 1966
sur l'exercice de la pêche maritime et l'exploitation des produits de la mer
dans les Terres australes et antarctiques françaises est complété par un second
alinéa ainsi rédigé :
« Tout navire entrant dans la zone économique exclusive des Terres australes
et antarctiques françaises a obligation de signaler sa présence et de déclarer
le tonnage de poissons détenu à bord auprès du chef de district de l'archipel
le plus proche. »
« I. - L'article 4 de la loi n° 66-400 du 18 juin 1966 précitée est ainsi
modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "de 50 000 à 500 000 francs" et
"de deux mois à six mois" sont respectivement remplacés par les mots
: "de 1 000 000 francs" et "de six mois" ;
« 1°
bis
Le premier alinéa est complété par les mots : "ou aura
omis de signaler son entrée dans la zone économique ou de déclarer le tonnage
de poissons détenu à bord." ;
« 2° Il est ajouté un troisième alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, le maximum légal prévu au premier alinéa sera augmenté de 500 000
francs par tonne pêchée au-delà de 2 tonnes sans avoir obtenu l'autorisation
prévue à l'article 2 ou en infraction aux dispositions relatives aux zones et
aux époques interdites et prises en application de l'article 3. » ;
« 3° Il est ajouté un quatrième alinéa ainsi rédigé :
« Le recel au sens de l'article 321-1 du code pénal des produits pêchés sans
avoir obtenu l'autorisation prévue à l'article 2 ou en infraction aux
dispositions relatives aux zones et aux époques interdites et prises en
application de l'article 3 sera puni des mêmes peines. ».
« II. - L'article 9 de la loi n° 66-400 du 18 juin 1966 précitée est ainsi
modifié :
« 1° La somme : "500 000 francs" est remplacée par la somme :
"1 000 000 francs" ;
« 2° Il est ajouté trois alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans
les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions
définies aux articles 4 à 8 de la présente loi. Les peines encourues par les
personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du même code
;
« 2° En cas de condamnation d'une personne physique ou d'une personne morale,
les dispositions des articles 2 et 4 de la loi n° 83-582 du 5 juillet 1983
relative au régime de la saisie et complétant la liste des agents habilités à
constater les infractions dans le domaine des pêches maritimes sont
applicables. »
« Art. 7
ter.
-
Supprimé.
»
« TITRE III
« DE L'ENTREPRISE DE PÊCHE
« Art. 9
bis
A. - I. - Lorsqu'il ne relève pas, à titre obligatoire,
d'un régime légal ou réglementaire de retraite à raison de l'exercice de son
activité, le conjoint du patron propriétaire embarqué ou du chef d'exploitation
ou d'entreprise de cultures marines relevant du régime spécial de sécurité
sociale des marins, qui participe à la mise en valeur ou à l'exploitation de
l'entreprise de pêche ou de cultures marines peut prétendre, à un âge qui ne
peut être inférieur à cinquante-cinq ans et dès lors qu'il cesse définitivement
de participer à l'exploitation ou à la mise en valeur de l'entreprise, à une
pension servie par la caisse de retraites des marins.
« La pension concédée en application de l'alinéa précédent est suspendue, en
cas de reprise de la participation de son bénéficiaire à l'exploitation ou à la
mise en valeur de l'entreprise, jusqu'à la cessation de cette participation.
Cette reprise d'activité n'ouvre pas droit au bénéfice des dispositions de
l'alinéa précédent.
« Cette pension est, le cas échéant, assortie de la bonification pour enfants
prévue à l'article L. 17 du code des pensions de retraite des marins. Elle est
réversible en faveur des ayants droit survivants dans les conditions fixées par
ce même code pour les pensions servies par la caisse de retraites des
marins.
« Pour ouvrir droit à la pension visée ci-dessus, le chef d'exploitation doit
acquitter au titre de son conjoint, sur la part revenant à l'armement, une
cotisation assise sur le salaire forfaitaire visé à l'article L. 41 du code des
pensions de retraite des marins.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe le taux de la cotisation visée à l'alinéa
précédent ainsi que la catégorie du salaire forfaitaire d'assiette de cette
cotisation et détermine les conditions d'ouverture du droit et les modalités de
calcul de la pension.
« La détermination de la cotisation et de la pension à laquelle elle ouvre
droit prend en compte la possibilité, par le conjoint, de concourir à
l'exploitation à temps partiel.
« Les bénéficiaires des dispositions ci-dessus ont la faculté de procéder,
selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat, à la validation
des périodes de participation à l'activité de l'entreprise ou de l'exploitation
antérieures à la date d'entrée en vigueur de la présente loi dans la limite
d'un maximum de huit années.
« II. - Le conjoint, défini au premier alinéa du I, d'un propriétaire embarqué
seul à bord de son navire a la faculté, sur sa demande expresse, de partager
les versements au régime, en cotisations et contributions, dudit propriétaire
et de partager la pension acquise par ce dernier, pour les périodes à
versements communs. Cette option ne peut être cumulée avec le régime défini au
I.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'exercice de cette
faculté et fixe la répartition, entre le propriétaire embarqué et son conjoint,
de la pension correspondant aux périodes de versements communs des cotisations
et contributions. »
« Art. 9
bis
B. - La conjointe participante du régime de pension défini
au I de l'article 9
bis
A bénéficie de la couverture partielle des frais
exposés pour assurer son remplacement dans les travaux de l'entreprise
lorsqu'elle est empêchée d'accomplir ces travaux en raison de la maternité ou
de l'arrivée à son foyer d'un enfant confié en vue de son adoption par un
service d'aide sociale à l'enfance ou par un organisme autorisé pour
l'adoption.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application des
dispositions de l'alinéa précédent et, en particulier, la ou les périodes de
remplacement ouvrant droit au bénéfice de l'avantage ci-dessus ainsi que la
durée maximale d'attribution dudit avantage. En cas d'adoption, la ou les
périodes de remplacement se situent nécessairement après l'arrivée de l'enfant
au foyer, la durée maximale d'attribution de la prestation étant égale à la
moitié de celle qui est prévue en cas de maternité.
« Cette prestation, à la charge du régime spécial de sécurité sociale des
marins, est financée par la cotisation visée au quatrième alinéa du I de
l'article 9
bis
A.
« Art. 10. - I. - La société de pêche artisanale est une société soumise au
régime d'imposition des sociétés de personnes ou une société à responsabilité
limitée et dont 100 % des droits sociaux et des droits de vote sont détenus par
un ou des pêcheurs qui en assurent en droit la direction, et sont embarqués sur
le ou les deux navires dont la société est totalement propriétaire ou
copropriétaire majoritaire, ou qu'elle détient en copropriété avec un armement
coopératif ou une société visée à l'article 238
bis
HP du code général
des impôts agréés dans le cadre d'une accession progressive à la propriété dans
un délai qui ne peut excéder dix ans. Pour l'application du présent article,
les parts détenues par les ascendants, descendants ou conjoints des marins
pêcheurs sont assimilées à celles détenues par ces derniers.
« II. - La participation à une société de pêche artisanale telle que définie
au I ne doit pas avoir pour effet de mettre les pêcheurs associés ainsi que
leur famille, pour tout ce qui touche leurs statuts économique et social de
marins pêcheurs, dans une situation moins favorable que celle des pêcheurs
artisans exploitant en entreprise individuelle, et que celle des familles de
pêcheurs artisans.
« III. - Les dispositions du II sont également applicables aux veuves des
marins propriétaires ou copropriétaires visés ci-dessus, ainsi qu'aux
orphelins, jusqu'à ce que le plus jeune ait atteint l'âge de la majorité
légale. »
« Art. 12. - I. - A l'article 1455 du code général des impôts, il est inséré,
après le 1°, un 1°
bis
ainsi rédigé :
« 1°
bis
Les sociétés de pêche artisanale visées au I de l'article 10
de la loi n° ... du ... d'orientation sur la pêche maritime et les cultures
marines lorsqu'un ou plusieurs associés sont embarqués ; ».
« II. -
Suppression maintenue.
»
« Art. 15
bis.
- I. - Il est inséré, dans le code général des impôts,
un article 238
bis
HO ainsi rédigé :
«
Art. 238
bis
HO. -
Pour l'établissement de l'impôt sur le
revenu ou de l'impôt sur les sociétés, les souscriptions en numéraire,
effectuées entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2003, au capital de
sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit
commun qui ont pour activité le financement de la pêche artisanale et qui sont
agréées par le ministre chargé du budget après avis du ministre chargé de la
pêche, sont admises en déduction dans les conditions définies aux articles 163
duovicies
et 217
decies. »
« II. - Il est inséré, dans le même code, un article 163
duovicies
ainsi rédigé :
«
Art. 163
duovicies. - Le montant des sommes effectivement versées
pour les souscriptions en numéraire au capital des sociétés mentionnées à
l'article 238
bis
HO est déductible du revenu net global ; cette
déduction ne peut pas excéder 25 % de ce revenu, dans la limite annuelle de 125
000 francs pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et de 250 000
francs pour les contribuables mariés soumis à imposition commune.
« En cas de cession de tout ou partie des titres souscrits dans les cinq ans
de leur acquisition, le montant des sommes déduites est ajouté au revenu net
global de l'année de la cession.
« Lorsqu'elles sont inscrites au bilan d'une entreprise relevant de l'impôt
sur le revenu, les actions des sociétés définies à cet article ne peuvent faire
l'objet sur le plan fiscal d'une provision pour dépréciation. »
« III. - Il est inséré, dans le même code, un article 217
decies
ainsi
rédigé :
«
Art. 217
decies. - Pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés,
les entreprises peuvent pratiquer dans la limite de 25 % du bénéfice imposable
de l'exercice, dès l'année de réalisation de l'investissement, un amortissement
exceptionnel égal à 50 % du montant des sommes effectivement versées pour la
souscription au capital des sociétés mentionnées à l'article 238
bis
HO.
« En cas de cession de tout ou partie des titres souscrits dans les cinq ans
de leur acquisition, le montant de l'amortissement exceptionnel est réintégré
au bénéfice imposable de l'exercice au cours duquel intervient la cession et
majoré d'une somme égale au produit de ce montant par le taux de l'intérêt de
retard prévu au troisième alinéa de l'article 1727 et appliqué dans les
conditions mentionnées à l'article 1727 A. »
« IV. - Il est inséré, dans le même code, un article 238
bis
HP ainsi
rédigé :
«
Art. 238
bis
HP. -
L'agrément prévu à l'article 238
bis
HO est accordé aux sociétés anonymes qui ont pour objet exclusif l'achat en
copropriété de navires de pêche exploités de façon directe et continue par des
artisans pêcheurs ou des sociétés de pêche répondant aux conditions prévues par
l'article 44
nonies.
« Par dérogation à l'alinéa précédent, les sociétés agréées peuvent, dans la
limite de 10 % de leur capital social libéré, mettre ou laisser leurs
disponibilités en comptes productifs d'intérêts si la créance correspondante
est liquide.
« Plus de la moitié des parts de la copropriété doivent être détenues pendant
cinq ans par un artisan pêcheur ou une société de pêche artisanale mentionné au
premier alinéa, seul ou conjointement avec un armement coopératif agréé par le
ministre chargé de la pêche dans le cadre d'une accession à la propriété dans
un délai qui ne peut excéder dix ans ; dans ce cas, l'artisan pêcheur ou la
société de pêche artisanale doit initialement détenir au moins un cinquième des
parts de la copropriété.
« Le capital mentionné à l'article 238
bis
HO s'entend du capital de la
société lors de sa constitution, de la première augmentation de capital
intervenant dans les trois mois de cette constitution, et des augmentations de
capital agréées par le ministre chargé du budget après avis du ministre chargé
de la pêche.
« Les actions souscrites doivent revêtir la forme nominative. Pendant un délai
de cinq années à compter du versement effectif de la souscritption au capital
de la société agréée, une même personne ne peut détenir, directement ou
indirectement, plus de 25 % du capital de la société.
« Les sociétés agréées doivent conserver, à compter de la mise en exploitation
du bateau, pendant au moins cinq ans les parts de copropriété de navires
mentionnés au premier alinéa.
« Les sociétés anonymes visées au premier alinéa doivent conclure une
convention permettant le transfert de propriété, au profit de ces mêmes
artisans ou sociétés, des parts de copropriété du navire dans un délai maximal
de dix ans. »
« V. - A. - Les dispositions des articles 238
bis
HI et 238
bis
HJ du code général des impôts s'appliquent aux sociétés pour le financement
de la pêche artisanale mentionnées à l'article 238
bis
HP du même
code.
« B. - Les dispositions de l'article 238
bis
HK du code général des
impôts s'appliquent aux cessions des actions de ces mêmes sociétés.
« C. - Les dispositions de l'article 238
bis
HJ du code général des
impôts s'appliquent également lorsque les sociétés mentionnées à l'article 238
bis
HO du code précité cèdent leurs parts de copropriété dans un délai
inférieur à cinq ans.
« D. - En cas de dissolution de la société agréée ou de réduction de son
capital, le ministre chargé du budget peut ordonner la réintégration des sommes
déduites en application des articles 163
duovicies
et 217
decies
au revenu net global ou au résultat imposable de l'année ou de l'exercice
au cours desquels elles ont été déduites.
« VI. - Un décret fixe les modalités d'application du présent article,
notamment les obligations déclaratives. »
« TITRE IV
« DE LA MISE EN MARCHÉ
« TITRE V
« DES CULTURES MARINES
« TITRE VI
« DE LA MODERNISATION
DES RELATIONS SOCIALES
« Art. 30
ter.
- I. - Le premier alinéa de l'article L. 742-5 du code
du travail est ainsi rédigé :
« Les dispositions relatives à la sécurité et à l'hygiène du travail à bord
des navires de commerce, de pêche maritime, de culture marine et de plaisance
sont édictées par la loi n° 83-581 du 5 juillet 1983 sur la sauvegarde de la
vie humaine en mer, l'habitabilité à bord des navires et la prévention de la
pollution. »
« II. - Le second alinéa de l'article L. 742-5 du code du travail est remplacé
par sept alinéas ainsi rédigés :
« Les dispositions des articles L. 230-2 à L. 230-5, L. 231-2 (3° et 4°), L.
231-2-1, L. 231-2-2, L. 231-3-1, L. 231-3-2, L. 231-5, L. 231-8, L. 231-8-1, L.
231-8-2, L. 231-9, L. 231-10 et L. 231-11, celles du chapitre VI du titre III
du livre II et celles des articles L. 263-1 à L. 263-2-2 et L. 263-3-1 à L.
263-7 sont applicables aux entreprises d'armement maritime, sous réserve des
dispositions suivantes :
« 1° A l'article L. 263-1, les deuxième et troisième alinéas et, au premier
alinéa, les mots : "Nonobstant les dispositions de l'article L.
231-4", et "la mise hors service" ne sont pas applicables aux
marins.
« Au premier alinéa du même article, les mots : "des chapitres Ier, II et
III" sont remplacés par les mots : "du chapitre Ier" et, après
le mot : "immobilisation", sont insérés les mots : "du
navire" ;
« 2° A l'article L. 263-2, les mots : "des chapitres Ier, II et III du
titre III du présent livre ainsi que les autres personnes qui, par leur faute
personnelle, ont enfreint les dispositions des articles L. 231-6, L. 231-7, L.
232-2, L. 233-5, L. 233-5-1, II, L. 233-5-3 et L. 233-7 dudit livre" sont
remplacés par les mots : "de celles des dispositions du chapitre Ier du
titre III du livre II qui sont applicables aux entreprises d'armement
maritime" ;
« 3° Aux articles L. 263-3-1, L. 263-4 et L. 263-5, respectivement, les mots :
"la fermeture totale ou partielle de l'établissement", "la
fermeture totale ou partielle, définitive ou temporaire de
l'établissement" et "la femeture totale et définitive" sont
remplacés par les mots : "l'immobilisation du navire" ;
« 4° A l'article L. 263-3-1, le premier alinéa est complété par les mots :
"à bord", le deuxième alinéa est complété par les mots : "ou des
délégués de bord" et, au quatrième alinéa, les mots : "le montant
annuel moyen des cotisations d'accidents du travail prélevé" sont
remplacés par les mots : "la moitié du montant annuel moyen des
cotisations dues à la Caisse générale de prévoyance des marins" ;
« 5° Au premier alinéa de l'article L. 263-5, les mots : "la décision de
l'inspecteur prévue au premier alinéa de l'article L. 231-12" ne sont pas
applicables aux marins. »
« III. - Un décret en Conseil d'Etat fixe, compte tenu des adaptations
nécessaires, les conditions d'application du présent article. »
« TITRE VII
« DISPOSITIONS DIVERSES
« Art. 35 A. - I. - Les contrats d'assurance de groupe définis ou régis par
les articles L. 140-1 à L. 140-5 et les articles L. 441-1 et suivants du code
des assurances, ainsi que par l'article L. 311-3 du code de la mutualité,
peuvent être souscrits au profit de ses membres par un groupement comportant un
nombre minimum de personnes qui exercent une activité non salariée agricole, en
vue du versement d'une retraite complémentaire garantissant un revenu viager.
Peuvent bénéficier de ces contrats les chefs d'exploitation ou d'entreprise
agricoles, leurs conjoints et leurs aides familiaux, sous réserve qu'ils
relèvent du régime d'assurance vieillesse de base institué par les chapitres IV
et IV-1 du titre II du livre VII du code rural et qu'ils justifient de la
régularité de leur situation vis-à-vis de ce régime. Le versement des primes ou
cotisations dues au titre de ces contrats doit présenter un caractère régulier
dans son montant et sa périodicité.
« Un décret fixe les conditions d'application de ces dispositions.
« II. - A. - Il est inséré, au code général des impôts, un article 154
bis
OA ainsi rédigé :
«
Art. 154
bis
OA.
Les cotisations versées par les chefs
d'exploitation ou d'entreprise agricoles au titre des contrats d'assurance de
groupe prévus au I de l'article 35 A de la loi n° ... du ... d'orientation sur
la pêche maritime et les cultures marines sont déductibles du revenu imposable
dans la limite de 7 % des revenus professionnels qui servent de base, en
application de l'article 1003-12 du code rural, aux cotisations dues pour le
même exercice au régime social des membres non salariés des professions
agricoles. Cette déduction ne peut dépasser 7 % de trois fois le plafond visé à
l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de
l'année au titre de laquelle la prime ou cotisation est due. Elle est
subordonnée à la justification par le chef d'exploitation ou d'entreprise de la
régularité de sa situation vis-à-vis du régime d'assurance vieillesse de base
dont il relève, conformément au I de l'article 35 A de la loi n° ... du ...
précitée.
« Si le chef d'exploitation a souscrit un contrat pour son conjoint et les
membres de sa famille participant à l'exploitation et affiliés au régime de
base d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions
agricoles, le plafond de déduction résultant de l'application des dispositions
de l'alinéa précédent est majoré d'un tiers pour chacun d'eux. »
« B. - Les prestations servies sous forme de rente au titre des contrats visés
au I du présent article sont imposables dans la catégorie des pensions dans les
conditions fixées au
A
du 5 de l'article 158 du code général des
impôts.
« C. - L'article 75OC du code général des impôts est abrogé à compter du 30
juin 1998.
« D. - Les dispositions des A et B ci-dessus sont applicables aux cotisations
et aux prestations versées au titre des contrats visés au I du présent article
à compter de la date de publication de la présente loi.
« III. - La contre-valeur des actifs constitués jusqu'au 31 décembre 1996 par
le régime créé en application de l'article 1122-7 du code rural, évalués à leur
valeur vénale à cette même date, est répartie entre les adhérents de ce régime
de la façon suivante :
« - une somme égale à l'addition de la provision mathématique des droits de
chaque adhérent au 31 décembre 1996 calculée à cette date selon des bases
fixées en vertu des dispositions de l'article L. 331-4 du code des assurances
et des autres provisions prévues par le code des assurances pour assurer le
règlement intégral des engagements pris à son égard par le régime créée en
application de l'article 1122-7 du code rural jusqu'à cette date, est attribuée
à chaque adhérent ;
- l'excédent de la contre-valeur des actifs sur le total des sommes ainsi
attribuées est réparti entre les adhérents dont la provision mathématique,
augmentée des autres provisions prévues par le code des assurances pour assurer
le règlement intégral des engagements pris à leur égard par le régime créé en
application de l'article 1122-7 du code rural jusqu'à cette date, est
inférieure à la somme des cotisations versées ; cette répartition est faite au
prorata des excédents des cotisations versées par chacun de ces adhérents sur
l'addition de sa provision mathématique et des autres provisions prévues par le
code des assurances pour assurer le règlement intégral des engagements pris à
son égard par le régime créé en application de l'article 1122-7 du code rural
jusqu'à cette date, sans que cette attribution complémentaire puisse dépasser
l'écart entre les cotisations versées par l'adhérent et l'addition de sa
provision mathématique et des autres provisions prévues par le code des
assurances pour assurer le règlement intégral des engagements pris à son égard
par le régime créé en application de l'article 1122-7 du code rural jusqu'à
cette date ;
« - sur l'éventuel reliquat de contre-valeur des actifs après cette
répartition complémentaire, la Caisse centrale de mutualité sociale agricole
peut retenir au maximum le double des frais de gestion imputés dans les comptes
de résultat 1996 du régime créé en application de l'article 1122-7 du code
rural après vérification par un audit de leur rattachement direct à l'exercice
et à la gestion concernés et de leur cohérence avec les provisions de gestion
constituées pour assurer le règlement intégral des engagements pris à l'égard
de ses adhérents par ce régime ;
« - l'éventuel reliquat de contre-valeur des actifs après cette imputation est
réparti entre les adhérents au prorata de leur provision mathématique.
« Un arrêté du ministre chargé de l'économie définit les bases de calcul de la
provision mathématique, ainsi que les bases de calcul des droits
complémentaires attribués en contrepartie de la répartition complémentaire
d'actif en faveur des adhérents dont la provision mathématique et les autres
provisions prévues par le code des assurances pour assurer le règlement
intégral des engagements pris à leur égard par le régime créé en application de
l'article 1122-7 du code rural jusqu'à cette date sont inférieures à la somme
des cotisations qu'ils ont versées. Il précise également les procédures de
contrôle de cette répartition et d'imputabilité aux exercices 1996 et 1997 des
frais de gestion visés au quatrième alinéa.
« IV. - Les adhérents du régime créé en application de l'article 1122-7 du
code rural sont informés par la Caisse centrale de la mutualité sociale
agricole, avant le 31 décembre 1997, du montant de la somme représentative de
leurs droits à rente résultant du III ci-dessus ainsi que, s'agissant des
assurés actifs, du niveau de celle-ci à l'âge de soixante ans.
« Ils sont en outre informés des dispositions, prévues aux V et VI ci-dessous,
relatives au transfert, avant le 30 juin 1998, de leurs droits et obligations
sur un contrat visé au I du présent article.
« Un arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé de
l'agriculture précise les modalités de cette information.
« V. - Lors de l'adhésion des personnes mentionnées au IV à un contrat
mentionné au I, la contre-valeur des actifs leur revenant à l'issue du calcul
défini au III, augmentée des cotisations versées en 1997, et en 1998 au titre
de 1997, diminuées des chargements de gestion de 5 % conservés par la Caisse
centrale de mutualité sociale agricole, diminuée du montant des arrérages de
rentes viagères versés au cours de l'exercice 1997, augmentée des produits
financiers nets dégagés entre le 31 décembre 1996 et la date du transfert et
répartis selon la clé définie au III, est transférée à l'entreprise d'assurance
ou à la caisse autonome mutualiste.
« Le montant de la rente viagère différée ou immédiate garantie par
l'entreprise d'assurance ou la caisse autonome mutualiste en contrepartie de la
somme transférée ne peut être inférieur à celui qui était garanti ou servi au
31 décembre 1996, au titre des versements antérieurs à cette date, selon le
régime constitué en application de l'article 1122-7 du code rural, augmenté, le
cas échéant, du montant complémentaire attribué en contrepartie de la
répartition complémentaire visée au troisième alinéa du III et du montant
garanti par la cotisation versée au titre de 1997.
« Si la somme transférée est supérieure à l'addition de la provision
mathématique des rentes ainsi garanties et des autres provisions prévues par le
code des assurances pour assurer le règlement intégral des engagements pris à
l'égard des adhérents au régime créé en application de l'article 1122-7 du code
rural, l'excédent est réparti entre les adhérents au prorata de leur provision
mathématique.
« Un arrêté du ministre chargé de l'économie définit les modalités
contractuelles et prudentielles de reprise de ces engagements par les
entreprises d'assurance ou les caisses autonomes mutualistes.
« VI. - Les contrats souscrits avant le 31 décembre 1996 par les adhérents au
régime créé en application de l'article 1122-7 du code rural qui n'auront pas
demandé le transfert de leurs droits et obligations avant le 30 juin 1998
feront l'objet d'un transfert à une ou plusieurs entreprises d'assurance ou
caisses autonomes mutualistes désignées par le ministre chargé de l'économie
sur avis conforme de la commission de contrôle des assurances, au vu de
garanties appropriées à ces contrats offertes aux souscripteurs et à l'issue
d'une procédure d'appel d'offres dont les modalités sont fixées par arrêté
conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé de
l'agriculture.
« A cette fin, les entreprises d'assurance et les caisses autonomes
mutualistes intéressées devront faire connaître leur intention de prendre part
à cet appel d'offres, respectivement à la commission de contrôle des assurances
et à la commission de contrôle des mutuelles avant le 31 mars 1998.
« VII. - La Caisse centrale et les caisses départementales ou
pluridépartementales de mutualité sociale agricole procèdent, au titre du
régime créé en application de l'article 1122-7 du code rural :
« - jusqu'au 31 mars 1998, à l'encaissement des cotisations dues au titre des
exercices antérieurs à 1998 ;
« - jusqu'au 30 juin 1998, au versement des arrérages de rente dus aux
adhérents jusqu'à leur transfert sur un contrat visé au I et à la gestion
administrative et financière de la liquidation de ce régime.
« Les caisses de mutualité sociale agricole sont autorisées à conclure avec
les entreprises d'assurance sur la vie visées au 1° de l'article L. 310-1 du
code des assurances et les caisses autonomes mutualistes visées à l'article L.
321-1 du code de la mutualité des conventions pour l'encaissement des
cotisations et le versement des prestations afférentes aux contrats d'assurance
de groupe visés au I du présent article.
VIII. - Les dispositions de l'article 1122-7 du code rural sont abrogées à
compter du 30 juin 1998. »
Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'un de ces articles ?...
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Sergent, pour explication de vote.
M. Michel Sergent.
Le 5 novembre 1996, voilà exactement un an, nous examinions en première
lecture le projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures
marines. Au fur et à mesure de la navette et sous deux gouvernements
différents, nous sommes parvenus à élaborer un texte qui va dans le sens d'une
amélioration pour les professionnels de la pêche.
Nous ne pouvons bien sûr que nous en réjouir. C'est la raison pour laquelle le
groupe socialiste est heureux de voter les conclusions de cette commission
mixte paritaire, et plus encore de constater qu'un bon nombre des mesures
proposées au Sénat ont été retenues.
M. William Chervy.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix
l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la
commission mixte paritaire.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, nous
allons interrompre quelques instants nos travaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quinze, est reprise à quinze heures vingt-cinq, sous la présidence de M. René Monory.)
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président. La séance est reprise.
4
AGRICULTURE
Débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président.
L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat,
sur l'agriculture.
La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, c'est la première fois que j'ai l'honneur de
m'exprimer devant la Haute Assemblée pour vous présenter la politique agricole
que je souhaite conduire.
J'ai tenu, voilà quelques semaines, à développer devant vous les éléments de
la politique du Gouvernement en matière de pêche, à l'occasion de la troisième
lecture d'un projet de loi d'orientation qui a été adopté récemment. J'aurai
l'occasion de revenir sur ce point au cours de ce débat.
Mais je voudrais tout d'abord présenter de façon plus détaillée les
orientations qui me semblent devoir être mises en oeuvre pour notre
agriculture.
Comme vous le savez, le Gouvernement a décidé de préparer un projet de loi
d'orientation agricole qui sera soumis au Parlement dans le courant de l'année
1998. J'ai engagé le travail de concertation nécessaire à la préparation de ce
projet de loi. Le débat que le Sénat a souhaité et que je conçois, pour ma
part, comme un débat d'orientation est une excellente occasion d'avoir entre
nous un premier échange sur les principes qui pourront être mis en oeuvre dans
le cadre de cette future loi d'orientation agricole.
Mais ce débat étant également un débat prébudgétaire, il sera aussi l'occasion
d'évoquer le budget de mon ministère, sur lequel nous reviendrons en détail le
2 décembre prochain, lors de la séance qui lui sera consacrée.
A l'heure où nous parlons, une négociation très importante s'est engagée à
Bruxelles sur ce que l'on appelle l'Agenda 2000, c'est-à-dire sur les
propositions présentées par la Commission de l'Union européenne pour réformer
une nouvelle fois la politique agricole commune.
Nous avons donc devant nous deux échéances très importantes qu'il nous faut
préparer en définissant de façon précise les principes et les orientations que
nous voulons faire prévaloir pour notre agriculture.
J'évoquerai en premier lieu la loi d'orientation agricole. Celle-ci sera
préparée, probablement discutée et adoptée avant que nous ne connaissions les
résultats définitifs des négociations communautaires sur la réforme de la
politique agricole commune.
Cela constitue plutôt un avantage qu'un inconvénient, car c'est une excellente
occasion pour définir, sur le plan national, la politique que nous entendons
défendre auprès de nos partenaires de l'Union européenne. Il n'y a en effet pas
de coupure entre la politique agricole communautaire et la politique nationale
; l'une et l'autre doivent être cohérentes et complémentaires.
Les défis que l'agriculture française - et le Gouvernement avec elle - doit
relever peuvent, à mon avis, se résumer en deux questions.
Tout d'abord, comment les pouvoirs publics entendent-ils assurer une place à
une activité de production telle que l'agriculture dans une société où les
activités de service l'emportent et l'emporteront de façon croissante sur les
activités de production ?
Par ailleurs, quel peut être le fondement, aujourd'hui, de la légitimité de
soutiens publics importants à une activité qui ne paraît plus à l'opinion
suffisamment créatrice d'emplois pour notre économie nationale ?
Nous vivons la fin d'une période au cours de laquelle les objectifs fixés à la
politique agricole auront été finalement assez simples. Il s'agissait d'assurer
l'augmentation de la production agricole, d'en améliorer la rentabilité
économique, de façon à satisfaire les besoins du marché national d'abord, du
marché communautaire ensuite, et enfin de participer à la croissance des
marchés extérieurs à la Communauté.
Les instruments de cette politique sur le plan communautaire ont été la mise
en place des organisations communes de marché dans le cadre de la politique
agricole commune à partir de 1962. A l'échelon national, les lois d'orientation
des années soixante ont également visé à accompagner ce processus en favorisant
l'agrandissement, synonyme, alors, de modernisation des exploitations
agricoles.
Ces objectifs sont désormais atteints, et une nouvelle page de la politique
agricole doit être écrite, avec des objectifs différents.
Bien sûr, aujourd'hui comme hier, la production de denrées alimentaires reste
l'objet principal de l'activité agricole. Si modernes soient nos sociétés, elle
ne se sont pas affranchies de la nécessité de nourrir les populations. Mais les
politiques publiques ne peuvent pas se limiter à cet objectif de production de
denrées alimentaires ; elles doivent poser les bases d'un nouveau contrat entre
l'agriculture et la société.
Les termes de ce contrat et, par là même, ceux de la politique que j'entends
mener, pourraient être résumés en deux mots : équilibre et ouverture.
Je suis convaincu, en effet, que les interventions publiques dans le secteur
de l'agriculture ne seront pérennes que pour autant qu'elles permettront de
faire prévaloir l'idée que l'agriculture doit contribuer à une occupation
équilibrée de l'ensemble du territoire national.
M. René-Pierre Signé.
Absolument !
M. Aubert Garcia.
Très bien !
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Les agriculteurs sont
considérés par nos concitoyens comme les dépositaires d'un patrimoine commun ;
je veux parler des 80 % du territoire national qui sont occupés par des terres
agricoles et des forêts. Les progrès de l'agriculture se sont accompagnés de
déséquilibres territoriaux importants - surexploitation de l'espace dans
certaines zones, désertification dans d'autres - auxquels il nous faut
remédier. L'occupation équilibrée du territoire est l'un des objectifs
essentiels que j'attends assigner à la loi d'orientation agricole.
Mais cette idée d'équilibre doit également prévaloir dans la répartition des
aides publiques entre les agriculteurs. L'inégale répartition des soutiens
publics est aujourd'hui l'objet de critiques aussi bien de la part de la
majorité des agriculteurs que d'une partie significative des citoyens non
agriculteurs, qui ne comprennent pas les règles actuelles de répartition et
leur inéquité.
Il faut également mettre un terme à la croissance parfois déraisonnable de la
taille des exploitations agricoles.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
Les outils réglementaires et législatifs dont disposent les pouvoirs
publics français ne leur permettent pas de s'opposer à ces phénomènes. Conçus
pour contrôler les individus, ils sont inopérants pour agir lorsque l'essentiel
des agrandissements d'exploitations se font sous forme sociétaire. La loi devra
donc être également modifiée sur ce point.
J'attacherai un intérêt tout particulier à ce que les rapports de forces au
sein des filières agro-alimentaires entre l'amont et l'aval, et entre les
agriculteurs, les industries et la distribution, soient organisés de façon à
permettre à chacun de faire entendre sa voix et de défendre ses intérêts.
La seconde idée est celle de l'ouverture du monde agricole. Elle doit se
traduire par la volonté de faire venir au métier d'agriculteur des jeunes qui
ne sont pas issus du milieu agricole. J'aurai l'occasion, en détaillant devant
vous mon budget, de reprendre cette idée et de vous présenter les outils que je
souhaite mettre en oeuvre à cette fin.
Ouvrir le monde agricole, c'est aussi favoriser la diversité des modes de
développement et de mise en valeur des exploitations agricoles, ne plus les
soumettre toutes à un chemin de conduite des exploitations présenté comme
idéal. Cela veut donc dire mieux respecter l'adéquation entre les modes de mise
en valeur des terres agricoles et le milieu dans lequel ils se développent.
Je souhaite également que les institutions qui gèrent le monde agricole, je
veux parler des nombreux organismes qui assurent la participation des
agriculteurs aux prises de décisions qui les concernent, s'ouvrent également à
la présence ou à la représentation des autres secteurs de la société civile.
Cela me paraît indispensable à la réalisation du consensus social sur le
développement à venir de l'agriculture.
Il nous faut également renforcer les liens entre l'agriculture, les
exploitations agricoles, la formation et la recherche, qui sont, pour
l'agriculture, les éléments de sa compétitivité de demain.
Je n'aurai garde enfin d'oublier le développement de la présence de nos
produits agricoles sur les marchés extérieurs à l'Union européenne. Les outils
de la promotion de cette présence feront l'objet d'un examen particulièrement
attentif dans le cadre du projet de loi d'orientation.
Telles sont les grandes orientations autour desquelles je souhaite bâtir le
projet de loi d'orientation agricole et que je souhaite également défendre dans
le cadre des négociations communautaires sur la réforme de la politique
agricole commune dont je vais vous entretenir maintenant.
Ainsi, une nouvelle fois, ce dossier revient devant les ministres de
l'agriculture de l'Union européenne. Il n'a pas été clos par la réforme
intervenue en 1992. Celle-ci a permis de restaurer temporairement la situation
des principaux marchés agricoles, en particulier ceux des céréales et de la
viande bovine, mais cette amélioration ne peut pas être considérée comme
définitive. Une nouvelle réforme de la politique agricole commune s'impose donc
pour des raisons à la fois internes et externes par rapport à cette politique
communautaire.
Au titre des raisons internes qui justifient la reprise des débats sur ce
sujet, je citerai des perspectives de marché peu encourageantes à échéance de
trois ou quatre ans, notamment en ce qui concerne la viande bovine et, on peut
le craindre aussi, les céréales.
Ce n'est cependant pas la seule raison qui doit nous inciter à améliorer les
règles communautaires prévalant pour l'agriculture. J'ai cité l'inégale
répartition des aides entre les agriculteurs et entre les différents secteurs
de production. On ne peut pas vivre durablement avec de tels déséquilibres.
A ces raisons internes s'ajoutent les raisons externes de réformer la
politique agricole commune. Je veux parler, en premier lieu, de l'élargissement
futur de l'Union européenne à un certain nombre d'Etats d'Europe centrale et
orientale.
Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne prendront en ce
domaine des décisions dès le mois de décembre prochain. Cinq pays d'Europe
centrale et orientale entreront vraisemblement à échéance rapprochée dans
l'Union européenne. L'agriculture occupe une place majeure dans l'économie de
ces pays. Il n'est pas envisageable d'intégrer ces nouveaux membres sans que
des adaptations importantes de notre politique à quinze interviennent.
(Marques d'approbation sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées
du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Est également, en perspective, vous le savez, l'ouverture d'un nouveau
cycle de négociations dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.
Gageons qu'il ne sera pas sans conséquences sur la politique agricole
communautaire.
Tout cela explique que la Commission ait présenté, en même temps que ses
perspectives d'élargissement de l'Union européenne et d'évolution du cadre
financier de la Communauté, une réforme de la politique agricole commune.
Je ne conteste pas la nécessité de cette réforme, mais cela ne veut pas dire
que j'accepte la réforme proposée par la Commission.
S'il faut réformer la politique agricole commune, c'est à mes yeux pour en
affirmer la pérennité et non pour la démanteler. S'il faut réformer la
politique agricole commune, c'est pour affirmer le droit de l'Europe à avoir sa
propre politique agricole. S'il faut réformer la politique agricole commune,
c'est pour affirmer un modèle de développement original de l'agriculture
européenne dans le monde, ce que l'on a coutume d'appeler « l'identité de
l'agriculture européenne ».
Pour ce faire, ainsi que je l'ai indiqué à mes collègues européens lors du
récent conseil des ministres de l'agriculture, le 20 octobre dernier, il est
nécessaire que deux conditions préalables soient réunies.
D'abord l'Europe doit défendre son modèle de développement agricole dans les
instances internationales. Elle doit exiger de l'Organisation mondiale du
commerce la prise en compte des attentes des consommateurs et de la société
ainsi que le respect de l'acquis communautaire sur le marché européen en
matière de sécurité alimentaire.
M. Bernard Piras.
Très bien !
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Elle doit non pas subir
passivement son environnement international, mais au contraire faire en sorte
que la préférence communautaire soit maintenue.
M. Christian Poncelet.
Très bien !
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Le financement de la politique
agricole commune doit en outre être assuré. Pour cela, la ligne directrice
agricole et son mode de calcul doivent être préservés. De ce point de vue, le
projet qui est actuellement sur la table des négociations ne me convient pas.
Présenter la baisse des prix intérieurs, compensée par des aides directes aux
agriculteurs, comme la solution à tous les problèmes de l'agriculture
européenne ne me semble pas approprié.
M. René-Pierre Signé.
Non, en effet !
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Les différents secteurs de
production ne sont pas dans la même situation. On ne peut pas traiter de la
même façon la production de blé - l'écart entre les prix communautaires et les
prix mondiaux est aujourd'hui assez limité pour qu'on ait vu, en 1996, la
Commission taxer nos exportations de blé - et la production de lait et de
viande bovine, pour laquelle les écarts avec les prix mondiaux sont
considérables.
M. René-Pierre Signé.
Le troupeau allaitant !
(Sourires.)
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Des solutions adaptées doivent
donc être trouvées pour chacun des secteurs de production.
Je veillerai attentivement à préserver les intérêts de nos producteurs de
viande bovine. Ceux-ci paraissent, en effet, tout particulièrement menacés par
le projet soumis à la négociation des ministres. Les baisses de prix prévues
sont considérables ; le mécanisme de soutien du marché de la viande bovine
serait démantelé et les compensations prévues sont très insuffisantes, en
particulier pour les éleveurs de vaches allaitantes, qui sont tellement
importants pour l'occupation du territoire national.
MM. René-Pierre Signé et William Chervy.
Très bien !
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Dans le même ordre d'idée, je
ne suis pas favorable à l'instauration d'un mécanisme de baisse de prix
compensée pour la production laitière. Cette proposition me paraît coûteuse et
pas du tout adaptée pour répondre aux questions que ce secteur de production
doit résoudre.
Je veillerai également à ce que la réforme de la politique agricole commune
préserve la production oléagineuse nationale et communautaire, ce qui ne me
semble pas encore assuré à ce stade.
Disant cela, j'ai identifié les principaux points d'achoppement sur lesquels
je défendrai fermement nos conceptions à Bruxelles dans les semaines et les
mois qui viennent. Cependant, au-delà du fonctionnement des organisations
communes de marché, le débat sur la réforme de la politique agricole commune
doit aussi être l'occasion de fixer des règles communautaires quant au
plafonnement des aides aux agriculteurs, ce qui est proposé par la Commission,
et quant à la modulation du versement de ces aides en fonction d'un certain
nombre de critères correspondant aux objectifs de politique agricole que j'ai
rappelés dans la première partie de mon intervention. Il y a là également un
enjeu essentiel des négociations communautaires à venir.
Bien évidemment, vos interventions me donneront l'occasion de répondre aux
multiples questions qui pourront m'être posées sur la réforme de la politique
agricole commune, mais, s'agissant d'un débat pré-budgétaire, je ne saurais
omettre un autre domaine que nous avons évoqué en débutant cette séance, je
veux parler de la pêche.
Votre assemblée vient d'adopter définitivement la loi d'orientation sur la
pêche maritime et les cultures marines, qui a recueilli l'accord de tous les
groupes à l'Assemblée nationale comme au Sénat. J'ai eu l'occasion, lors de la
troisième lecture de ce texte, de présenter ma politique dans le domaine de la
pêche. Je n'en dirai donc que quelques mots.
Je considère qu'il nous faut répondre au besoin de consolidation des filières
de la pêche par une politique déterminée, constante et inventive de
valorisation des produits.
Les conditions en sont connues : une meilleure prévision des apports, une
modernisation du mareyage, le renforcement du rôle des organisations de
producteurs, le développement des accords entre les partenaires de la filière,
enfin, le souci de la qualité et de la traçabilité du produit.
Cette volonté, cette politique, trouve sa traduction dans les moyens qui
seront affectés au fonds d'intervention et d'organisation des marchés,
transformé par la loi d'orientation en office des produits de la pêche et de
l'aquaculture.
La pêche française est fortement dépendante du contexte international,
particulièrement de l'Union européenne. Les deux tiers de nos ressources de
pêche hauturière proviennent des eaux communautaires. Les zones de pêche
thonière océanique dépendent des accords conclus entre la Commission et les
pays tiers.
En majorité, les conditions d'accès à la ressource sont établies dans le cadre
communautaire, qu'il s'agisse de maîtriser l'effort de pêche pour éviter la
surexploitation ou de réglementer les engins de pêche pour protéger les
juvéniles. De ce point de vue, l'accord intervenu à Luxembourg jeudi dernier,
qui a recueilli l'adhésion unanime des ministres des Quinze, marque une avancée
de l'Europe dans la gestion durable de la ressource. Cela méritait d'être
souligné.
Mesdames, messsieurs les sénateurs, le budget du ministère de l'agriculture et
de la pêche, que j'aurai l'occasion de vous présenter dans les prochaines
semaines, sera une première traduction de ces orientations. La discussion sur
la réforme de la PAC est en cours et la loi d'orientation sera déposée au
Parlement au cours du premier semestre de 1998. Il se dessinera là le cadre de
la nouvelle politique de l'agriculture que nous souhaitons.
Le budget du ministère de l'agriculture et de la pêche n'a pas été conçu comme
un budget de rupture. Il marque des évolutions importantes, il indique des
directions, il anticipe des changements inéluctables, mais c'est bien en
fonction du vote du Parlement sur la loi d'orientation et des débats que nous
aurons ensemble autour de la réforme de la politique agricole commune que nous
pourrons donner tout son sens et toute son ampleur à cette nouvelle politique.
Les priorités que j'ai retenues amorcent néanmoins les évolutions
nécessaires.
Le projet de budget présente des crédits en augmentation de 1,22 % par rapport
à 1997, marquant ainsi un très sensible progrès par rapport au mouvement de
réduction des crédits constaté depuis quelques années.
J'ai retenu quatre priorités que je présenterai succinctement.
La première priorité, c'est l'installation des jeunes en agriculture.
J'en ai fait un élément essentiel de mon budget pour 1998 en y affectant près
de un milliard de francs, car je considère que la mise en place de moyens
adaptés à l'évolution du monde rural est bien le gage du maintien du rôle de
l'agriculture dans la société.
Je reviendrai, selon les questions que vous ne manquerez pas de poser, sur les
instruments de cette politique à l'attention des jeunes, notamment sur le
nouveau fonds d'installation en agriculture.
Qu'il me soit toutefois permis d'indiquer que, selon moi, les dispositifs
d'aide tels que les dotations jeunes agriculteurs et les OGAF - opérations
groupées d'aménagement foncier - ont fait leurs preuves. Il faut toutefois les
réorienter afin de donner à un maximum de jeunes, issus ou non du milieur
rural, la possibilité de s'installer. C'est pourquoi les crédits consacrés aux
stages à l'installation se trouvent augmentés de près de 30 %.
L'enseignement et la formation constituent la deuxième priorité.
Il est nécessaire de prendre en compte l'obligation nationale de la priorité à
l'éducation.
Nous disposons d'un système de formation remarquable, dont les résultats
méritent d'être salués et soutenus.
M. Henri de Raincourt.
C'est vrai !
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
J'entends, là aussi, me tourner
vers l'avenir. L'enseignement et la formation professionnelle agricoles ainsi
que l'enseignement supérieur agronomique et vétérinaire nous sont enviés en
raison tant de la qualité du contenu pédagogique que des performances obtenues
en matière d'insertion professionnelle.
La deuxième priorité se traduit par 150 créations d'emplois et par un
mouvement significatif de résorption de la précarité.
L'enseignement supérieur fait aussi l'objet, en 1998, de mesures très
favorables, en faveur notamment des troisièmes cycles et des bourses à
l'étranger.
La création du fonds social lycéen répond par ailleurs aux besoins des
familles défavorisées. La première étape en a été mise en place dès la rentrée
dernière.
Les crédits de l'enseignement privé augmentent également de 8 % afin de
respecter la loi de 1984.
Troisième priorité : la sécurité et la qualité de l'alimentation, pour
lesquelles les crédits augmentent de 14 %.
Enjeu de santé publique, la sécurité alimentaire est aussi une question de
société extrêmement importante. Ce sujet a été au coeur des préoccupations du
monde agricole et industriel de la filière alimentaire. Aujourd'hui, il devient
plus prégnant, et nous devons nous attacher à défendre tant la qualité de nos
produits que la sécurité des consommateurs.
Votre Haute Assemblée partage pleinement cette préoccupation, en débattant,
avec l'accord du Gouvernement, de la proposition de loi sénatoriale déposée par
MM. Huriet et Descours.
Dans l'attente de la création effective de l'Agence de sécurité sanitaire des
aliments, le projet de budget pour 1998 se donne également les moyens de
répondre à ces préoccupations.
J'ai souhaité disposer de moyens de contrôle renforcés grâce à une
augmentation forte de 21,3 % des crédits consacrés aux contrôles sanitaires des
produits alimentaires, à la santé animale et à l'hygiène des aliments par
rapport à 1997. La protection sanitaire des végétaux, les analyses vétérinaires
et phytosanitaires ainsi que le fonctionnement des postes d'inspection
frontaliers et de la brigade d'intervention bénéficient de crédits en forte
hausse. Il en est de même pour ceux du Centre national d'études vétérinaires et
alimentaires, le CNEVA, et de l'Institut national des appellations d'origine,
l'INAO.
La quatrième priorité de mon projet de budget pour 1998 est l'amélioration des
retraites agricoles.
Nombreux ont été les élus, en particulier au Sénat, qui ont relevé le niveau
insuffisant des retraites agricoles. J'y ai été, moi aussi très sensible et
c'est pourquoi, dès mon arrivée au ministère, j'ai fait procéder à un bilan de
la situation des retraites des exploitants agricoles.
Il est apparu de manière nette que certaines catégories de retraités étaient
les oubliés des mesures précédentes.
M. Henri de Raincourt.
C'est incontestable !
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
J'ai souhaité que l'effort soit
d'abord porté sur ces retraités, c'est-à-dire les anciens aides familiaux, les
conjoints d'exploitants et ceux d'entre eux ayant accompli une carrière mixte,
afin de ne pas pénaliser les agricultrices qui ont repris pendant quelques
années la conduite de l'exploitation au moment du départ en retraite de leur
conjoint.
Le coût de la mesure est de 1 milliard de francs en année pleine. L'incidence
sur le budget de 1998, en termes de dépenses, est de 760 millions de francs,
mais, compte tenu des économies mécaniques sur le fonds de solidarité, cela
correspondra à un coût net de 680 millions de francs.
Il s'agit là d'une première étape de revalorisation des retraites les plus
faibles. Elle me permettra, pendant la législature, d'engager un effort pour
porter la retraite des agriculteurs à un niveau plus convenable, au niveau
qu'ils méritent.
Voilà donc, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
traits dominants de ce budget de 1998. Ils s'inscrivent dans un ensemble plus
vaste de négociations européennes et d'élaboration d'un projet d'orientation
qui doit concourir à renforcer la place et le rôle des agriculteurs comme des
pêcheurs dans la communauté nationale.
Nous devons nous efforcer, dans le cadre changeant de l'Europe agricole et de
la réforme de la PAC, d'une part, de l'Europe bleue, d'autre part, d'anticiper
sur les évolutions et, pour cela, de continuer à dire fortement à Bruxelles
notre projet pour l'agriculture et la pêche.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean François-Poncet,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en organisant ces
débats prébudgétaires, le Sénat a entendu situer les propositions du
Gouvernement dans leur environnement économique, politique et international, un
environnement en dehors duquel il est, il faut bien le dire, à peu près
impossible d'apprécier la portée et la pertinence des propositions qui nous
sont faites.
Or, monsieur le ministre, s'agissant de l'agriculture, ce contexte est
particulièrement préoccupant.
Trois échéances majeures et concomitantes pèsent en effet lourdement sur
l'avenir de l'agriculture européenne, et donc sur l'avenir de l'agriculture
française, qui écoule dans la Communauté - ne l'oublions jamais - 20 % de sa
production.
Première échéance : la reprise des négociations commerciales internationales
dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, où l'Europe se trouvera,
hélas ! une fois encore, au banc des accusés.
Deuxième échéance : l'élargissement de l'Union européenne vers l'Europe
centrale et orientale, dont le potentiel agricole, s'il est faible aujourd'hui,
est appelé à croître de façon considérable demain.
M. Charles Revet.
C'est une certitude !
M. Jean François-Poncet,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Troisième
échéance : la nouvelle donne financière dans la Communauté, qui arrêtera, à
l'horizon de la fin du siècle, le montant des ressources dont la politique
agricole commune pourra disposer dans les premières années du xxie siècle.
Chacune de ces échéances, séparément, menace la politique agricole commune.
Ensemble, elles pourraient, si nous n'y prenons garde, l'emporter tout entière
et, avec elle, notre propre agriculture.
La Commission européenne l'a bien compris, d'où le volet agricole de l'Agenda
2000 qu'elle a soumis, en juillet dernier, aux Etats membres.
Mais, monsieur le ministre, ce que Bruxelles nous propose ressemble fort à un
tremblement de terre.
Nous voilà, en tout cas, quelques années à peine après la dernière réforme de
la PAC, repartis pour un exercice qui met l'agriculture française en émoi et
qui risque de remettre en cause les bases sur lesquelles la PAC est construite,
un risque qui serait d'autant plus grave que nous nous résignerions à une
double passivité : celle de la Commission face aux Etats-Unis dont elle paraît
accepter par avance tout les diktats ; celle de la France par rapport à la
Commission si nous nous contentions - vous nous avez dit que tel ne serait pas
le cas - de rectifier ponctuellement les propositions de celle-ci plutôt que de
lui opposer un modèle alternatif et cohérent. Nous avons su, dans le passé,
jouer ce rôle avec succès et j'évoque ici, entre autres, un souvenir personnel,
celui de la conférence de Stresa, au cours de laquelle la France a façonné la
politique agricole européenne.
Le schéma soumis par Bruxelles dans le cadre de l'Agenda 2000 n'est certes pas
définitif mais il traduit, mes chers collègues, un alignement anticipé et,
m'a-t-il semblé, presque servile sur les positions de Washington que l'on ne
connaît d'ailleurs pas encore mais que l'on croit pouvoir déduire du dernier
virage de la politique agricole américaine, celui qu'elle a pris l'an passé
avec le
Fair Act.
Les conséquences de cette attitude sont évidemment très sérieuses.
La Commission renonce - vous nous l'avez vous-même confirmé, monsieur le
ministre - à aborder la future négociation à partir d'un modèle communautaire
qui prendrait en compte les réalités agricoles et les aspirations de notre
continent en matière d'occupation de l'espace, en matière d'emploi agricole et
d'autonomie alimentaire. Elle ne retient comme fil conducteur que l'ouverture
des frontières et l'adaptation de l'agriculture européenne au marché mondial.
Elle n'envisage, pour réaliser cette adaptation, qu'un seul instrument : la
baisse systématique de tous les prix.
Cette stratégie sommaire, même si elle correspond à certains de nos objectifs
- en particulier, à la vocation exportatrice de notre céréaliculture - tourne
le dos pour l'essentiel à notre conception d'une agriculture enracinée dans la
diversité historique de ses terroirs et de ses savoir-faire ainsi qu'à notre
volonté de préserver une ruralité qui n'a jamais vraiment existé aux
Etats-Unis.
En se situant ainsi d'emblée sur le terrain de l'adversaire, l'Europe
choisirait-elle du moins une stratégie de négociation efficace. C'est ce que
l'on entend dire à Bruxelles. Personnellement, j'en doute.
J'en doute parce que la Communauté s'engagerait dans une négociation où, ayant
commencé à lâcher sur l'essentiel, elle serait peu à peu acculée à céder ce qui
lui resterait de plumes et achèverait ainsi de priver l'Europe des garde-fous
dont une agriculture à dimension humaine a, sous tous les climats - je dis bien
: « sous tous les climats » - un impératif besoin.
Quant à la France, elle risquerait, en suivant la Commission, d'avoir à payer
deux fois : une première fois, à Bruxelles, dans la définition du mandat de
négociation qui sera donné à la Commission, et une seconde fois, à Genève, pour
aboutir, à partir de ce mandat, à un accord avec les Etats-Unis.
Je n'ai pas le temps de développer ici les inquiétudes que suscitent, dans de
très nombreux secteurs, les propositions de la Commission. Il me suffit
d'indiquer que ces inquiétudes - je viens de le vérifier moi-même sur le
terrain - concernent en particulier les oléoprotéagineux, qui paraissent
sacrifiés bien que chacun s'accorde à constater l'existence d'un déficit
protéique majeur en Europe,...
M. Charles Revet.
Très important !
M. Jean François-Poncet,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
... la
viande bovine, vous l'avez vous-même rappelé, le secteur laitier, le troupeau
allaitant, ainsi que - vous ne l'avez pas mentionné, monsieur le ministre,
c'est pourquoi je me permets de le faire - l'absence de toute référence aux
fruits et légumes...
M. Charles Revet.
Eh oui !
M. Jean François-Poncet,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
... et,
plus généralement, à l'agriculture méditerranéenne dans les propositions de la
commission.
Je me permets sur ce point de formuler l'observation suivante : si les fruits
et les légumes ont été, dans la politique agricole européenne initiale,
laissés, pour l'essentiel, de côté jusqu'à la création de l'OMC « fruits et
légumes » de l'année dernière, c'est parce qu'il ne pouvait pas y avoir, pour
cette catégorie de produits, une organisation du marché fondée sur le stockage.
A partir du moment où Bruxelles part de l'idée qu'il y a découplage entre
production et marchés, d'un côté, et aides, de l'autre, je n'arrive pas à
comprendre pourquoi il n'y aurait pas, par hectare de fruits et légumes, des
aides forfaitaires comme on en envisage pour d'autres secteurs de
l'agriculture.
Attendez-vous en tout cas, monsieur le ministre, à ce que, sur ce point, ceux
qui s'intéressent à ces productions soient vigilants et demandent à savoir
comment les choses se passeront à Bruxelles et à l'OMC.
Face à la situation créée, il serait regrettable que la France se contente de
réactions ponctuelles, concernant tel ou tel aspect particulier du dossier.
C'est une reconstruction d'ensemble des propositions de la Commission que nous
attendons de vous, monsieur le ministre.
Soyons ambitieux. Soyons cohérents. Sachons opposer à la logique sommairement
libre-échangiste qui nous est proposée un modèle agricole qui, sans refuser le
changement ni céder à la tentation du repli, soit conforme aux aspirations de
notre agriculture et à la fonction stabilisatrice que nous souhaitons lui voir
jouer dans la société française de demain.
La loi d'orientation est appelée à tenir, dans cette perspective, un rôle de
premier plan. Nous eussions préféré, monsieur le ministre, que le projet mis au
point par votre prédécesseur pût être soumis sans retard au Parlement, et n'y
voyez pas Dieu sait quelle préférence partisane !
En remettant le projet sur le métier, vous courez en effet le risque d'arriver
tout à la fois trop tard pour influer sur les propositions de la Commission et
trop tôt pour en tenir compte.
Je ne prendrai qu'un exemple que vous avez vous-même mentionné à juste titre :
la politique des structures, qui est appelée à constituer l'un des points forts
du texte que vous êtes en train de préparer. Or, la politique des structures
que nous choisirons devra tenir compte du type d'agriculture vers lequel nous
nous dirigerons. Mais ce modèle dépend avant tout des orientations qui seront
choisies à Bruxelles et à Genève.
Si c'est la vision de la Commission alignée sur celle des Etats-Unis qui
prévaut, nous irons, que nous le voulions ou non, vers une agriculture de
marché mondial. Dès lors, la politique des structures devrait, en bonne
logique, ne pas freiner le développement des grandes exploitations, qui seront
en mesure de s'affirmer sur le marché mondial.
Si, au contraire, l'exploitation familiale demeure, comme je le souhaite,
notre modèle, il faudra que la politique agricole commune, avec l'aval de
l'OMC, lui crée un environnement à sa mesure.
MM. Charles Revet et Roland du Luart.
Très bien !
M. Jean François-Poncet,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Sinon,
cela n'aurait aucun sens ; la politique des structures ne se définit pas dans
l'abstrait.
J'en viens, monsieur le ministre, au document préparatoire à la loi
d'orientation qui nous a été communiqué au mois de septembre dernier. Il m'a
semblé - si je me suis trompé dans mon interprétation, vous ne manquerez pas de
me le dire - que ce document était construit sur l'hypothèse selon laquelle il
y aurait en France deux agricultures, l'une compétitive, adonnée à la
production de masse, capable d'affronter le marché mondial, dépourvue de
vocation territoriale et relevant de la juridiction européenne, l'autre axée
sur la qualité, moins productive, souffrant de handicaps naturels, fragile et
bénéficiant prioritairement des aides nationales.
Monsieur le ministre, cette distinction me laisse perplexe. Si, à bien des
égards, elle est conforme à une certaine réalité, d'un autre côté, elle est
simplificatrice. Très nombreuses en effet sont les régions et les exploitations
intermédiaires. Une telle distinction pourrait même se révéler dangereuse. En
effet, si l'on réservait dans une large mesure le bénéfice du traitement
communautaire aux exploitations qui relèvent de la logique du marché, c'est
vers elles qu'irait de plus en plus l'essentiel des crédits européens et non
pas vers les exploitations les plus fragiles, qui seraient progressivement
renvoyées à des aides nationales, c'est-à-dire, hélas ! à la portion
congrue.
M. Charles Revet.
Il n'y a plus de sous !
M. Jean François-Poncet,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le ministre, gardons-nous d'avoir d'un côté la politique agricole commune pour
les grandes productions, qui négligerait la dimension territoriale, et, de
l'autre, une politique nationale qui miserait pour l'essentiel sur les
appellations d'origine contrôlée.
Monsieur le ministre, je ferai un dernier commentaire de « sudiste », que je
suis. Les régions agricoles fragiles sont souvent les plus méridionales. Leur
survie dépend de l'irrigation, dans le développement de laquelle les
collectivités territoriales ont investi depuis trente ans des sommes
considérables. Or, vous venez de pénaliser les cultures irriguées - je ne vous
surpendrai pas en vous le disant - dans la répartition des crédits européens,
sous prétexte d'équité. Etrange équité, excusez-moi de vous le dire, qui
privilégie les forts au détriment des faibles, le nord au détriment du sud, et
qui donne par avance raison aux eurocrates bruxellois qui, depuis longtemps,
n'ont d'autre préoccupation que de juguler l'irrigation.
J'évoquerai très rapidement, pour conclure, vos priorités budgétaires. Telles
que vous venez d'ailleurs de nous les présenter, monsieur le ministre, elles
recueillent, je crois qu'on peut le dire, un quasi-consensus : l'installation,
l'enseignement agricole, la sécurité et la qualité des produits alimentaires
sont des orientations sur lesquelles, depuis deux ans, est construite la
politique agricole de la France.
Vous avez mentionné votre quatrième priorité : les retraites. Comment ne
serions-nous pas, nous aussi, d'accord avec cette priorité ? Je rappelle en
outre que vos prédécesseurs lui ont consacré, de 1994 à 1997, plus de un
milliard de francs en moyenne par an, qui préparent les 500 millions de francs
que vous avez vous-mêmes inscrits dans votre projet de budget.
Monsieur le ministre, les trois années qui nous séparent encore de la fin du
siècle seront décisives pour l'avenir de notre agriculture. Laissez-moi vous
dire que le Sénat suivra avec autant de vigilance que d'espérance les
orientations et les mesures que vous prendrez pour relever les difficiles défis
qui nous attendent.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je
souhaiterais tout d'abord remercier M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche d'avoir accepté la tenue de ce débat, que nous qualifions de
prébudgétaire, sur les perspectives de notre agriculture.
Ce débat se situe, chacun le sait bien dans cet hémicycle, dans la continuité
de la procédure que nous avions mise en place l'an dernier, et nous pouvons
nous en faciliter. Il permet au Sénat, en temps opportun, d'alerter le
Gouvernement sur un certain nombre de préoccupations et de présenter des
suggestions. Réciproquement, il fournit l'occasion au ministre de l'agriculture
de dresser un bilan détaillé de la politique qu'il entend conduire.
De plus, un tel débat permet de préparer avec efficacité le grand débat
d'orientation que nous devons organiser - je pense que le principe en sera
maintenu - au printemps prochain sur la politique économique et sociale de
notre pays.
Je souhaite engager mon intervention par une brève analyse de la situation de
l'élevage bovin.
Les perspectives retenues par l'Agenda 2000 sont, à l'évidence,
particulièrement préoccupantes pour l'élevage bovin-viande et pour les zones de
culture extensive.
Le ministre doit pouvoir compter sur notre appui - mais oui ! pourquoi pas ? -
pour refuser cette orientation communautaire lors des réunions auxquelles il
participera.
J'insiste sur ce point parce que l'on constate, dans le pays, une nette
opposition envers l'orientation qui a été prise. Je suis persuadé que M. le
ministre s'efforcera d'apaiser nos inquiétudes. Il vient d'ailleurs de nous
donner quelques apaisements, seulement des apaisements ! Mais il faut
persévérer.
M. Charles Revet.
Il ne faut pas seulement le dire !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Effectivement ! Il faut
également agir ! Mais nous n'allons pas douter, du moins pour l'instant, de
l'efficacité de la démarche de M. le ministre.
(M. Revet fait un signe d'approbation.)
Par ailleurs, trois remarques d'importance inégale me paraissent devoir
être faites.
Tout d'abord, les crédits affectés à la sélection génétique ont enregistré une
baisse tendantielle depuis plusieurs années, baisse qui a été dénoncée sur la
plupart des travées de la Haute Assemblée, aussi bien par l'opposition que par
la majorité d'hier, et inversement aujourd'hui.
Cette diminution a certes été mise à profit - il faut le reconnaître - pour
dénoncer les structures en place. Mais, à présent, elle doit impérativement
être enrayée, sinon, selon les intéressés, nous courrons le risque de remettre
en cause les brillants succès que connaissent les organismes concernés, succès
dont nous nous sommes félicités à juste titre.
Par ailleurs - le montagnard que je suis ne peut pas ne pas évoquer ce
problème - je constate que se sont formées des files d'attente pour les aides
au bâtiment en zone de montagne alors que les crédits du chapitre concerné ne
sont consommés qu'à peine à moitié en raison des lenteurs du programme de
maîtrise des pollutions. Les crédits sont là, monsieur le ministre ! Dans ces
conditions, ne serait-il pas possible d'améliorer la fongibilité des dotations
entre ces deux actions plutôt que de thésauriser des crédits dont on en a tant
besoin par ailleurs ?
Enfin, je constate, pour le déplorer, que des menaces pèsent en permanence sur
certains fromages de haute qualité de notre pays, qui pourraient être victimes
de je ne sais quelle institution internationale ! Comme moi, monsieur le
ministre, vous en avez lu quelques échos dans la presse spécialisée.
Pouvez-vous, nous apporter des éclaircissements sur ces trois dossiers ?
Disons-le clairement, nous pouvons être fiers de la qualité sanitaire de nos
produits agricoles. Ainsi, les Etats-Unis, qui sont de grands donneurs de
leçons, même dans le domaine agricole, enregistrent chaque année - je le
regrette fortement - près de 9 000 décès par empoisonnement alimentaire, alors
que, en France, nous ne connaissons qu'une poignée de cas par an, c'est fort
heureux, mais c'est encore trop, j'en conviens.
Je compte donc sur vous, monsieur le ministre, tant pour être l'ambassadeur de
nos produits de qualité auprès de vos homologues étrangers que pour
perfectionner et faire appliquer la législation en vigueur.
Je voudrais maintenant dire quelques mots de la forêt. Le représentant du
troisième département forestier de France ne peut pas ne pas traiter de cette
question à l'occasion d'un débat agricole.
En raison de la grande diversité de vos fonctions, monsieur le ministre, vous
n'avez pas encore été très explicite sur vos orientations sur ce sujet.
Le projet de budget pour 1998 que nous examinons actuellement en commission
semble d'ailleurs - et je le regrette - s'en ressentir quelque peu.
Je me permettrai donc de vous poser quelques questions très précises
aujourd'hui, et j'attendrai l'examen du volet forestier de la loi d'orientation
agricole pour aborder les problèmes de fond.
Monsieur le ministre, quelle suite entendez-vous réserver à la revendication
des scieurs tendant à abaisser la taxe spécifique de 1,2 % à 1 % ?
Avez-vous progressé dans votre réflexion visant à assurer un financement
beaucoup plus stable plutôt qu'un financement quelque peu hésitant du Fonds
forestier national, dont par ailleurs nous avons bien besoin ?
Estimez-vous qu'il soit judicieux d'étendre les possibilités offertes à
l'Office national des forêts, l'ONF, de vendre des bois selon des modalités qui
sont parfois - pas toujours à juste titre, mais avec raison dans certains cas -
jugées discutables par les entrepreneurs privés ?
Le rapprochement du code forestier et du code de l'urbanisme permettra-t-il un
jour de commencer à régler le problème de l'enrésinement des fonds de vallée en
zone de montagne ?
M. René-Pierre Signé.
Absolument !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
C'est un sujet qui est évoqué
périodiquement, et je vous demande, monsieur le ministre, de prendre cette
question à bras-le-corps. Le Sénat vous apportera, bien sûr, sa contribution
pour trouver une réponse à l'envahissement de nos fonds de vallée par les
résineux.
M. René-Pierre Signé.
Il faut voir avec Mme Voynet !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Les mesures d'application de la
loi sur l'air visant à promouvoir l'utilisation du bois comme matériau de
construction seront-elles bientôt prises ?
Par ailleurs, comment entendez-vous promouvoir l'utilisation du bois dans les
chaufferies collectives pour profiter au mieux de la baisse de la TVA sur ce
produit, baisse que nous avons obtenue ici même au Sénat, non sans difficultés
d'ailleurs ?
Je souhaiterais enfin présenter quelques considérations sur l'aménagement du
territoire rural et, surtout, sur la vie rurale.
Je me permettrai tout d'abord d'attirer assez solennellement votre attention,
monsieur le ministre, sur la nécessité de régler certains problèmes devenus
irritants, qui concernent le droit de la chasse.
S'agissant plus particulièrement des dates de la chasse au gibier d'eau et des
compétences des fédérations départementales de chasseurs, comment entendez-vous
harmoniser réglementation et exigences légitimes des intéressés ?
Ne me dites pas que ces problèmes ne sont pas de votre ressort, monsieur le
ministre, je le sais bien, mais votre qualité éminente de premier défenseur de
la ruralité française doit vous conduire à mieux faire entendre, au sein du
Gouvernement, les aspirations légitimes de ces ruraux, bien sûr préoccupés par
la chasse, qui constitue pour eux une activité extrêmement importante.
N'oublions pas qu'il s'agit d'une raison du maintien de la vie en milieu
rural.
Je souhaiterais par ailleurs que la prochaine loi d'orientation agricole
s'attache avec courage à traiter deux problèmes qui préoccupent de longue date
la commission des finances, à savoir la complémentarité des interventions en
faveur de l'agriculture s'agissant des dotations communautaires, nationales et
mêmes locales, et la remise en ordre des multiples procédures qui concernent
l'aménagement rural.
En période de difficultés budgétaires, monsieur le ministre, chaque franc - je
dis bien chaque franc - doit être dépensé au mieux, c'est pourquoi les
rationalisations et les synergies s'imposent à chacun d'entre nous, quel que
soit notre niveau de responsabilité.
Bien sûr, il va sans dire que les élus locaux souhaitent apporter leur
contribution à cette remise en ordre des concours apportés à l'agriculture et
qu'ils doivent y être étroitement associés.
J'ajoute que cette remise en ordre est d'autant plus nécessaire que, dans
certains cas, on ne s'y retrouve plus.
La commission des finances, qui a procédé la semaine dernière à un premier
examen des crédits de votre ministère, attend avec beaucoup d'intérêt les
réponses que vous allez donner à ces deux dernières questions. La commission
souhaite en effet vivement que vous puissiez vous engager personnellement à
faire conduire très rapidement les études nécessaires pour parvenir à une plus
grande efficacité de la dépense publique, particulièrement des
cofinancements.
Monsieur le ministre, je vous dis à nouveau que nous vous apporterons notre
appui pour renégocier au mieux, dans l'intérêt supérieur du pays, la nouvelle
politique agricole commune.
Si nous voulons - vous y avez d'ailleurs fait allusion voilà un instant à
cette tribune - que des jeunes, du monde agricole ou de l'extérieur, continuent
à s'installer ou souhaitent le faire dans les mois et les années qui viennent,
il faut absolument réduire au maximum la période trop longue, bien trop longue,
d'incertitude qui s'est ouverte du fait des positions non prises par Bruxelles,
en raison de l'indécision de la France.
Quel avenir réserve-t-on aujourd'hui à un jeune agriculteur qui voudrait
s'installer ? Je pose la question, mais nous ne pouvons pas encore y
répondre.
La chute brutale des installations que nous avons constatée en 1992 et en 1993
doit être présente dans toutes les mémoires. Par ailleurs, chacun sait bien,
ici, que l'avenir de notre agriculture repose sur la qualité et le dynamisme de
la relève de ces jeunes qui doivent perpétuer les succès remarquables de leurs
anciens, de leurs aînés.
Tel est le voeu que je formule en conclusion de ce bref propos, sachant que
l'agriculture est et demeure l'un des meilleurs atouts pour l'avenir économique
de notre pays.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste et sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean Faure remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 58 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes;
Groupe de l'Union centriste, 42 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 35 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
9 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aborderai
successivement dans mon propos la future loi d'orientation agricole, la réforme
de la PAC et le rééquilibrage des aides européennes aux céréales.
Je commencerai par la loi d'orientation agricole.
L'an passé, à cette même époque, j'avais évoqué ici même le projet de loi
d'orientation agricole que le gouvernement précédent envisageait de soumettre
au Parlement. En raison des événements politiques qui se sont produits, cette
loi n'a pas eu le temps de voir le jour, et c'est vous, monsieur le ministre,
qui présenterez à votre tour un nouveau projet.
J'avais alors totalement approuvé cette volonté de fixer les grands objectifs
vers lesquels notre agriculture devait tendre. En revanche, j'avais reproché la
procédure suivie par votre prédécesseur, qui, à mon sens, n'avait pas prévu une
concertation satisfaisante, et qui n'avait pas suffisamment associé le
Parlement.
Ce genre de loi mérite un large consensus et doit faire l'objet d'une adhésion
de l'ensemble des acteurs.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je me réjouis de votre volonté de
permettre un large débat avant l'adoption de cette future loi. Cette initiative
est une garantie supplémentaire de la représentativité du texte qui sera adopté
et de ses chances de succès.
Pour ce qui est du fond, un premier constat évident est à faire :
l'agriculture française a connu, depuis plus de trente ans, un tel
développement, une telle modernisation, qu'à ce jour elle est la première
puissance agricole européenne et l'une des toutes premières au monde. Sur ce
point, la réussite est donc incontestable, et les précédentes lois
d'orientation agricole datant des années soixante ont incontestablement atteint
les objectifs fixés.
Cependant, cette réussite ne doit pas masquer certaines difficultés qui
émergent actuellement. En fait, ces problèmes sont bien souvent inhérents à
l'évolution positive de notre agriculture, et en constituent sans doute une des
conséquences regrettables.
Le premier problème qui se pose est lié à la répartition des exploitations sur
le territoire. Un aménagement équilibré du territoire exige une multitude
d'exploitations, plutôt que la mise en place de très importantes structures. On
se rend tout de suite compte de la difficulté du problème, dans la mesure où
ces exploitations doivent être suffisamment grandes pour être viables.
A ce sujet, il est très important, comme cela l'a été par le passé, grâce à
des mesures incitatives telles que le dispositif prévu par les décrets du 27
février 1992 puis du 15 mars 1995, qui avaient pour objectif principal, pour le
premier, la restructuration des exploitations agricoles et, pour le second,
l'installation de jeunes agriculteurs, de faciliter et d'encourager
l'installation de ces derniers.
En pratique, malheureusement, on constate que, bien souvent, la bonne volonté
de ces jeunes se heurte à des oppositions tenaces. A ce titre, il apparaît
nécessaire de revoir le fonctionnement des commissions départementales
d'orientation agricole qui, pour des raisons politiques, peuvent émettre
parfois certains avis non conformes à la législation ou aux priorités d'intérêt
général fixées.
Le second problème porte sur certains risques sanitaires liés à
l'alimentation. Certaines crises récentes, telles que celle dite de « la vache
folle », ont mis en évidence qu'il était indispensable d'instaurer un suivi
strict des produits émanant de l'agriculture. Il me semble, à ce sujet, que la
création d'un ministère de l'alimentation serait peut-être opportune.
Enfin, le dernier dysfonctionnement actuel important de notre agriculture
porte sur l'inadéquation fréquente de l'offre et de la demande, et sur les
déséquilibres parfois très importants qui peuvent se créer. Ce sujet est
évidemment très épineux, car il nécessite bien souvent une anticipation sur
l'évolution des marchés. Par exemple, si la présence de retraits pour certaines
productions est une mesure conjoncturelle compréhensible, en revanche, faire de
ceux-ci un débouché permanent n'est pas admissible.
Je ne souhaite pas, ici, apporter des réponses à tous ces problèmes. Tout
d'abord, je n'en aurais pas le temps, mais surtout les solutions adoptées ne
peuvent qu'émerger du large débat qui va s'instaurer. Je voudrais simplement
mettre l'accent sur différents points qui me semblent cruciaux.
Trois termes me semblent importants.
D'abord, celui de statut : il est désormais temps de réfléchir à un véritable
statut de l'entreprise agricole, qu'elle soit individuelle ou sociétaire.
Ainsi, les conjoints d'agriculteurs doivent faire l'objet d'un statut qui
reconnaisse leur travail au sein de l'entreprise. De même, pour les chefs
d'exploitation, une clarification de leurs compétences doit être apportée.
Ensuite, celui d'installation : comme je l'ai souligné précédemment, si cet
objectif semble partagé par tous, dans les mentalités, bien souvent, un certain
conservatisme est constaté. En prévoyant des mesures d'ordre fiscal, juridique
ou social qui favorisent l'installation de jeunes venant du monde agricole ou
d'ailleurs, la future loi d'orientation agricole contribuera à la réussite de
cet objectif. De cette dernière dépendra une occupation plus rationnelle de
notre territoire.
Enfin, celui de diversité : compte tenu de la nécessaire répartition des
exploitations agricoles sur l'ensemble du territoire, il est évident qu'il
n'est pas possible de les traiter toutes de la même façon. Les diversités
géographique, climatique ou agronomique ne peuvent que conduire à une diversité
des productions. Celle-ci doit être vécue comme une richesse pour l'ensemble de
la société, et non comme un handicap pour les agriculteurs situés en zones
dites défavorisées. La nouvelle loi d'orientation doit prendre en compte cette
spécificité.
Un nouveau projet politique pour notre agriculture doit prendre en
considération et englober de nombreuses politiques appartenant à d'autres
secteurs : une politique des structures, une politique de l'aménagement du
territoire en général, le territoire rural en particulier, une politique de
protection sociale et de formation, une politique sanitaire, une politique
d'environnement, une politique industrielle et commerciale, une politique
internationale.
Ces différentes politiques peuvent être parfois contradictoires et conduire à
des arbitrages délicats, d'où l'intérêt de définir au préalable des
priorités.
Une loi d'orientation agricole est un ensemble de mesures techniques duquel il
est essentiel de laisser émerger un grand dessein qui doit conduire à une
gestion de l'espace plus cohérente, à une régulation des productions plus
efficace, à une politique alimentaire plus sûre, à un rapport avec la nature
plus respectueux et à un lien social plus fort.
Si la future loi d'orientation agricole ne peut, à elle seule, résoudre
l'ensemble des difficultés, elle doit en indiquer les grandes lignes à suivre
qui permettront d'y remédier dans le temps. Comme vous l'avez très justement
indiqué, elle aura, contrairement aux anciennes lois d'orientation, un objectif
plus qualitatif que quantitatif. Elle doit donc être appréhendée de manière
différente. L'élaboration en sera, par conséquent, très subtile, mais cette
difficulté doit rendre le travail de ses auteurs d'autant plus intéressant.
Cette future loi d'orientation est un véritable enjeu de société, et plus
uniquement un enjeu sectoriel. De ce projet devra découler la place de notre
agriculture et de nos agriculteurs dans la société du xxie siècle.
J'en viens à la réforme de la PAC.
C'est volontairement que j'ai placé en premier lieu la loi d'orientation
agricole dans mon intervention, cela pour bien souligner que l'agriculture de
demain que nous voulons pour la France ne peut pas être imposée par l'Europe ;
elle doit être accompagnée et favorisée par cette dernière.
J'ai rappelé précédemment que l'agriculture française avait connu un essor
très important depuis une trentaine d'années. Il est évident que la politique
agricole commune a joué un rôle fondamental dans cette évolution favorable.
J'approuve tout à fait, monsieur le ministre, votre volonté de ne pas
dissocier ces deux éléments de la politique agricole qui sont dépendants. Ces
deux politiques sont et doivent donc être complémentaires, tant dans leur
fonctionnement que dans leurs objectifs. D'ailleurs, l'identité agricole
européenne, telle que vous la définissez, pourrait aussi bien s'appliquer à la
politique agricole nationale : une agriculture performante qui approvisionne
les marchés européen et international, une agriculture soucieuse de la qualité
des produits et qui réponde à l'attente des consommateurs, une agriculture qui
assure un rôle décisif dans l'équilibre du territoire et qui participe à la
vitalité du monde rural, une agriculture qui joue pleinement son rôle dans la
consolidation de l'emploi en milieu rural, notamment par l'installation des
jeunes agriculteurs, une agriculture soucieuse d'une gestion économe des
ressources naturelles qui préserve un environnement de qualité, une agriculture
qui repose sur des exploitations de taille humaine et, enfin, une agriculture
qui participe à la solidarité internationale.
Il apparaît clairement que le modèle agricole européen qui doit être mis en
place ne s'oppose pas à celui que nous voulons pour notre pays. La seule
difficulté, qui est sans doute de taille, repose sur la nécessité de mettre en
adéquation ces objectifs avec les mesures sectorielles ou générales adoptées
par les institutions européennes. A ce titre, la prochaine réforme de la PAC,
programmée par certaines propositions de réforme contenues dans le « paquet
Santer », ne semble pas conduire au respect de l'ensemble des objectifs énoncés
précédemment.
Avant d'aborder la future réforme de la PAC, je souhaite dresser un rapide
bilan de celle qui a été adoptée en 1992.
Evoquons tout d'abord les points positifs.
On constate une augmentation des revenus des agriculteurs dans l'ensemble des
pays européens. De même, une diminution des stocks d'intervention et une
augmentation de la demande de céréales sur le marché européen ont permis de
maîtriser les importations de produits de substitution en provenance du marché
mondial. Par ailleurs, les paiements et subventions directs aux agriculteurs
français ont augmenté de 12 milliards de francs à 50 milliards de francs entre
1990 et 1995. Enfin, le taux de retour du FEOGA sur la France est passé, en
trois ans, de 19 % à 24 %.
Mais il faut aussi prendre en considération les paradoxes auxquels a conduit
la réforme de 1992.
S'agissant des aides compensatoires aux grandes cultures, il est notable
qu'elles n'ont pas été liées à l'évolution des prix du marché. De plus, ce sont
les exploitations les plus performantes qui en ont le plus bénéficié, d'où la
réforme que vous avez souhaitée, monsieur le ministre, et que j'aborderai tout
à l'heure.
Les conséquences de la réforme de 1992 sont aussi paradoxales en ce qui
concerne le secteur de l'élevage. L'ambition originelle était de promouvoir
l'élevage extensif. Mais certaines aides ont eu un effet inverse. Je pense au
maïs ensilage et aux céréales intraconsommées réparties à l'avantage des
régions à agriculture intensive : aide de 2 000 francs par hectare dans la
région Centre et de 1 500 francs par hectare en Auvergne.
Mais si cette réforme a été bénéfique sur certains points, paradoxale sur
d'autres, elle a eu aussi des effets négatifs. Ainsi, au lieu de conduire à un
rééquilibrage des revenus entre les différentes catégories d'agriculteurs, elle
a incité ces derniers, surtout les céréaliers, à s'agrandir sans cesse.
De même, on peut relever une maîtrise insuffisante de la production bovine.
Enfin, un dernier problème, très épineux, porte sur les conséquences agricoles
de l'instabilité monétaire dans l'Union européenne, laquelle favorise largement
les agriculteurs des pays à monnaie faible.
Ainsi, si la future réforme de la PAC doit approfondir celle de 1992, elle
doit aussi remédier aux dysfonctionnements qui viennent d'être très brièvement
évoqués.
Monsieur le ministre, vous avez tout à fait raison d'exiger de profondes
modifications des propositions qui sont faites par la Commission. Je ne
reprendrai pas ici l'ensemble des critiques qui ont été émises à leur sujet. Je
voudrais simplement souligner qu'une baisse généralisée des prix, telle qu'elle
est envisagée, ne peut être appliquée sans une prise en compte préalable des
ses conséquences sur les secteurs concernés. En raison de la situation
financière précaire de nombreuses exploitations, la brutalité d'une telle
décision risquerait de conduire inéluctablement à de nombreuses faillites. De
même, une compensation financière de cette baisse ne serait pas une bonne
solution à long terme.
Je ne peux qu'approuver votre volonté d'intervenir afin que des mesures en
matière d'environnement, d'occupation de l'espace et en faveur d'une
répartition plus équitable des soutiens soient adoptées. De telles réformes
étant nécessaires sur le plan national, il est logique qu'elles le soient aussi
au niveau européen.
Ainsi, la nouvelle politique européenne en matière agricole doit conduire à
une répartition plus équitable et plus efficace des 50 milliards de francs qui
sont versés. Mais il faut sans aucun doute aller plus loin et laisser émerger
de nouvelles idées. Tel pourrait être le cas, par exemple, de la prise en
compte, et donc en charge, de la mission de service public liée au territoire
qui est remplie par les agriculteurs. Il en est ainsi de l'occupation de
l'espace, de la préservation ou même de l'amélioration de l'environnement.
Une évolution possible, qui fait déjà l'objet d'une réflexion sur le plan
national, consisterait à donner un contenu multifonctionnel à l'agriculture, et
pas uniquement une finalité de stricte production. Ce mouvement pourrait être
accompagné, voire encouragé, par les institutions européennes.
Enfin, pour lutter contre le chômage, l'idée de plafonner le montant des aides
par unité de travail pour chaque exploitation pourrait être approfondie. Ce ne
sont là que quelques pistes, mais elles méritent sans doute d'être examinées
attentivement.
En ce qui concerne le rééquilibrage des aides européennes aux céréales, je ne
partage pas le même point de vue que M. le président de la commission des
affaires économiques.
Le dernier sujet que je souhaite évoquer ici est directement lié au thème
précédent, puisqu'il s'agit du rééquilibrage des aides européennes aux
céréales.
Monsieur le ministre, votre gouvernement a désiré prendre de l'avance sur
cette question puisque, dès votre arrivée, vous avez donné la priorité à cet
objectif.
Le projet de réforme des aides aux grandes cultures qui a été présenté cet été
par le Gouvernement a fait l'objet d'un vif débat. L'objet de cette réforme
consistait à adopter un rendement national pour les céréales et à supprimer la
majoration destinée aux cultures irriguées.
S'agissant de la modification du rendement de base servant au calcul des aides
versées, le défaut de l'ancien système était de tenir compte pour deux tiers du
rendement départemental et pour un tiers du rendement national. Cela conduisait
à un écart d'aide à l'hectare de 2 500 francs au profit des régions à haut
rendement, celles qui sont déjà favorisées. Il était donc nécessaire de changer
ce système inéquitable.
M. William Chervy.
C'est vrai !
M. Bernard Piras.
Par ailleurs, il apparaît clairement que l'aide aux surfaces irriguées a
conduit, depuis 1992, au doublement de ces dernières, puisqu'elles sont passées
de 470 000 hectares en 1991 à 900 000 hectares en 1996. Cette aide a sans
conteste permis un développement et une diversification de notre agriculture.
L'irrigation a été un bienfait. Mais, par son intérêt financier, la prime a eu
un effet néfaste, puisqu'elle n'a pas seulement aidé les agriculteurs à
s'équiper en matériel d'irrigation. Elle a, en outre, orienté l'ensemble des
cultures de céréales vers les productions irriguées.
M. François Gerbaud.
Très bien !
M. Bernard Piras.
Malheureusement, l'eau n'est pas une ressource infinie, et il apparaît
désormais comme une impérieuse nécessité sur le plan écologique de limiter ces
ponctions d'eau.
M. François Gerbaud.
Tout à fait !
M. Bernard Piras.
C'est dans cet esprit que vous avez souhaité modifier les primes à
l'irrigation afin de rétablir un certain équilibre. D'ailleurs, à son origine,
en 1992, il était bien convenu avec l'ensemble des organisations agricoles que
cette prime à l'irrigation ne devait être que transitoire.
Mais ce déséquilibre constaté dans l'évolution des ressources en eau n'est, en
fait, qu'une conséquence de l'inadaptation du montant des aides publiques
versées aux producteurs de grandes cultures, aides qui étaient pernicieuses
puisqu'elles incitaient fortement les agriculteurs à privilégier les surfaces
irriguées.
Il est à noter qu'un tel constat était établi tant par le Gouvernement que par
les organisations syndicales.
Compte tenu de l'incompréhension et des remous suscités par votre réforme,
vous avez sagement souhaité mettre en place une négociation afin qu'un
compromis s'en dégage, sans pour autant abandonner votre ambition originelle.
La démarche a été positive puisque, très rapidement, des mesures ont pu être
prises qui ont donné satisfaction à tous.
Une telle réforme était nécessaire, et je me réjouis qu'elle ait pu voir le
jour aussi rapidement et aussi positivement. Mais ce qui a été fait pour les
céréales devra sans aucun doute l'être aussi pour l'ensemble des aides
publiques dans le domaine agricole.
Pour conclure, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, j'aimerais simplement souligner que la loi d'orientation agricole et
la réforme de la PAC sont très importantes, car elles vont modeler
l'agriculture française et européenne du début du xxie siècle.
Comme j'ai essayé de le démontrer au cours de mon intervention, cette
agriculture sera loin d'avoir un simple intérêt productiviste. De nombreux
autres enjeux, écologiques, sociaux et d'aménagement du territoire, doivent
être pris en compte. Des décisions que nous allons être amenés à prendre
dépendra l'organisation de la société de demain. Nous devons toujours garder à
l'esprit cette vision globale.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Soucaret.
M. Raymond Soucaret.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
permettez-moi tout d'abord de me réjouir de ce débat préalable au débat
budgétaire que notre assemblée a pris l'initiative d'institutionnaliser et qui
nous offre l'occasion d'aborder d'une manière plus fondamentale que chiffrée
tous les aspects de la politique agricole.
Quoique essentiel et fixant les priorités nationales pour l'année à venir,
l'exercice du seul débat budgétaire pourrait paraître modeste face aux
questions cruciales qui se présentent à notre agriculture.
L'année 1996 a été terrible pour les agriculteurs avec la crise de « la vache
folle » et celle qui a secoué la filière fruits et légumes, mais elle a aussi
contribué à cristalliser l'émergence de valeurs nouvelles, aujourd'hui
clairement exprimées et auxquelles nous devons tous nous référer si nous
voulons maintenir et renouveler le lien entre l'agriculture et notre
société.
Désormais, la première attente du consommateur se concentre sur la sécurité
alimentaire. On pourrait s'en étonner dans un pays dont la gastronomie a fait
la réputation à travers les siècles et le monde, et où l'alimentation est,
globalement, l'une des plus sûres. Mais le risque zéro n'existe pas et il
appartient à tous, décideurs politiques et acteurs de la chaîne alimentaire, de
minimiser ce risque à toutes les étapes, de la terre à l'assiette.
La deuxième attente du consommateur porte sur la qualité, valeur défendue
depuis longtemps par tous les professionnels de la production et de la
transformation artisanales ou industrielles. Là encore, la demande est plus
forte et plus précise. Depuis plusieurs années déjà, les produits régionaux ou
des terroirs ont le vent en poupe.
Doit-on s'interroger sur ce phénomène ? L'intérêt des consommateurs pour ces
produits provient sûrement de l'évocation rassurante des modes de fabrication
traditionnels ou artisanaux, mais également de la promesse de produits qui
flattent les papilles, sans parler des sentiments identitaires.
L'objectif doit être de faire de la France la championne de la qualité. Nous
en avons les atouts. Ce sera notre spécificité et notre meilleure chance sur
les marchés de demain.
La précédente majorité s'était engagée dans cette voie, et je me félicite que
vous ayez réaffirmé cette priorité, monsieur le ministre. Toutefois, je
souhaiterais connaître votre intention à l'égard du projet de loi, présenté en
première lecture par votre prédécesseur Philippe Vasseur, relatif à la qualité
sanitaire des denrées alimentaires. Sera-t-il repris et inscrit à l'ordre du
jour du Parlement ?
Enfin, la troisième attente du consommateur a trait à la préservation de
l'environnement. Il n'y a pas d'incompatibilité de principe entre l'activité
agricole et la préservation de l'environnement. Bien au contraire ! J'insiste
avec force sur ce point, à un moment où un membre du Gouvernement auquel vous
appartenez, monsieur le ministre, s'attaque violemment aux agriculteurs.
Outre son rôle économique et social, l'agriculture a également une vocation
environnementale. La qualité d'aménageur de l'espace, de par leur présence et
leur travail, unanimement reconnue aux agriculteurs. Ces derniers ont, au cours
des siècles, modelé nos paysages, les ont rendus accessibles à chacun d'entre
nous et contribuent toujours largement à entretenir et à valoriser le
territoire.
Certes, il ne faut pas nier la réalité. Les agriculteurs, dans leur activité
quotidienne, provoquent parfois des nuisances, comme d'autres, est-il besoin de
le rappeler ? Mais les réalités scientifiques, techniques et économiques
doivent s'imposer face aux visions dogmatiques. Les agriculteurs n'ont pas
attendu Dominique Voynet, dont la vigilance est utile, mais dont l'action
pourrait être plus raisonnée,...
M. Serge Vinçon.
C'est vrai !
M. Raymond Soucaret.
... pour prendre conscience de leurs responsabilités et s'y atteler !
L'environnement est devenu leur affaire. Encore faut-il que les pouvoirs
publics accompagnent cette évolution en adaptant la réglementation aux réalités
de notre agriculture et de notre industrie agroalimentaire en leur donnant des
moyens à la hauteur de ces enjeux.
Voilà donc les nouvelles attentes auxquelles notre agriculture doit répondre
demain, mais ce ne sont pas les seuls défis à relever.
L'agriculture française a changé. Elle s'est modernisée et restructurée au
prix de douloureux bouleversements. Ainsi pourrait-on dire qu'elle a été
victime de son succès.
En quelques décennies, l'agriculture française est devenue la première
d'Europe, et la France est la deuxième puissance exportatrice mondiale de
produits agroalimentaires, avec 58,5 milliards de francs d'excédents dans le
secteur agroalimentaire, dont 48,8 milliards de francs pour les produits
transformés.
La production agricole n'a cessé de croître depuis un demi-siècle.
L'agriculture et la forêt restent encore parmi les plus gros employeurs de
main-d'oeuvre, offrant un peu plus d'un million d'emplois, soit 5 % de l'emploi
total.
Parallèlement, le territoire agricole a diminué, en cinquante ans, de 6
millions d'hectares et ce secteur a perdu plus de 4 millions d'actifs. Le
nombre d'exploitations, au cours de ces dernières années, a diminué de 4,2 %
par an alors que la surface moyenne exploitée a été multipliée par 2,5 et que
les terres se concentrent dans des unités de plus en plus importantes : 10 % de
la surface agricole utile sont rassemblés dans 1 % des exploitations de plus de
200 hectares.
Enfin, les jeunes n'ont pas pris la relève des agriculteurs âgés ayant cessé
leur activité.
Cette évolution a conduit à une concentration excessive des exploitations, à
une accentuation des déséquilibres régionaux et à la désertification de
certaines zones rurales, autant de problèmes auxquels il est nécessaire de
remédier.
Autre défi : il s'agit de maintenir nos positions acquises sur le marché
européen et de développer l'accès de nos produits aux marchés tiers dans un
environnement économique libéralisé et mondialisé.
Les accords de Marrakech, signés en 1994, ont fait sortir l'agriculture de son
exception et portent gravement atteinte au principe même de la préférence
communautaire, auquel nous sommes attachés.
Il est à craindre que les futures négociations qui auront lieu dans le cadre
de l'organisation mondiale du commerce ne conditionnent encore davantage les
échanges agricoles entre l'Union européenne et les pays tiers et n'accélèrent
ce processus de libéralisation.
Comment, dans de telles conditions, l'agriculture française restera-t-elle
compétitive alors que nos prix intérieurs restent supérieurs à ceux du marché
mondial ?
Les politiques agricoles dans le monde ont, ces dernières années, profondément
évolué et s'orientent pour la plupart vers une généralisation des aides
directes, aux dépens du soutien des marchés.
La réforme de la PAC en 1992 a ouvert la voie à un tel dispositif. Si elle a
conduit à une plus grande lisibilité des soutiens, le mode de distribution des
aides a favorisé l'agrandissement démesuré de certaines exploitations et la
fragilisation des revenus ; en outre, cette évolution suscite des inquiétudes
quant à la pérennité des moyens budgétaires : autant de questions, dont
l'énumération n'est pas exhaustive, qui requièrent l'audace d'un vrai projet
d'avenir définissant ce que l'on attend de l'agriculture, reconnaissant ses
multiples fonctions et orientant son développement durable.
L'année 1997 a vu le lancement d'un grand chantier, celui de la loi
d'orientation pour l'agriculture, que le Président de la République a qualifié
d'acte majeur permettant de redéfinir un nouveau contrat entre les agriculteurs
et la société et de préparer l'entrée de l'agriculture française dans le xxie
siècle. Je suis heureux de constater, monsieur le ministre, que ce texte figure
parmi vos priorités, puisque vous nous avez assurés tout à l'heure qu'il serait
discuté au printemps de 1998. Je m'en réjouis, et j'espère que son examen
trouvera un aboutissement heureux pour les agriculteurs.
Vous avez déjà présenté un document préparatoire au projet de loi
d'orientation, appelé à servir de cadre à la concertation avec les
organisations professionnelles agricoles. C'est très bien, mais il me paraît
important que ce projet de loi soit présenté au plus vite au Parlement.
En effet, il s'agit de reconstruire les fondations d'un pacte avec la nation,
permettant à l'agriculture de s'adapter aux nouveaux besoins, d'affronter un
contexte communautaire et international chargé d'incertitudes et d'offrir aux
agriculteurs de nouvelles perspectives.
Il s'agit aussi d'affirmer les valeurs que notre agriculture continue de
porter, au bénéfice de la société tout entière, et de faire prévaloir un modèle
français à la veille de choix importants pour notre avenir, qu'il s'agisse de
l'approfondissement de la réforme de la PAC, de l'élargissement de l'Union
européenne ou du prochain cycle de négociations dans le cadre de l'Organisation
mondiale du commerce. Il serait donc utile de fixer nos propres orientations
avant d'entamer ces réflexions plus larges !
Permettez-moi tout d'abord, monsieur le ministre, de faire une remarque sur
l'approche fondamentale qui se dégage de ce projet de loi d'orientation.
Si j'ai bien lu votre document, votre vision est celle d'une agriculture duale
: l'une des branches étant consacrée à la production en masse de matières
premières à bas prix destinées aux industries agroalimentaires et chimiques,
l'autre étant orientée vers l'élaboration de produits finis, vendus à un prix
plus élevé, soit à des distributeurs, soit au consommateur final. A côté d'une
agriculture compétitive apte à affronter le marché mondial, une agriculture «
ménagère » approvisionnerait des niches du marché intérieur. Autrement dit,
vous réinventez la fable de La Fontaine : le loup et l'agneau vivent en bon
ménage.
Il est sûrement juste de vouloir diversifier l'agriculture tant dans ses
activités que dans ses méthodes de production. Il est aussi louable de vouloir
restaurer le lien entre l'agriculteur, son produit et son terroir.
Ce sont effectivement les hommes et non les machines qui occupent le
territoire, le rendent vivant et créent le lien social.
Toutefois, ne craignez-vous pas que cette vision éclatée de deux agricultures
antagonistes n'opposent les uns aux autres, là où l'unité et les valeurs du
métier devraient être réaffirmées et tirer les agriculteurs vers des objectifs
communs ?
La loi d'orientation doit promouvoir une agriculture « plurielle », comme la
qualifient certains, c'est-à-dire une agriculture cultivant la peformance
globale : la performance économique car c'est l'activité de base ; la
performance environnementale car elle est utilisatrice d'un patrimoine
collectif qu'elle doit transmettre aux générations futures ; la performance
sociale car son mode de développement doit être accepté par les consommateurs
et la société, et répondre à leurs attentes de natures diverses et parfois
contradictoires.
Je n'entrerai pas dans le détail de ces orientations, ne voulant pas anticiper
sur un futur débat, qui ne manquera pas, j'en suis sûr, d'être nourri.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré au congrès de la FNSEA, en septembre
dernier, que cette loi d'orientation ne répondra pas à toutes les questions que
se pose le monde agricole. Je vous cite : « Elle doit se concentrer sur ce qui
reste de la compétence du législateur français, en acceptant qu'une partie des
problèmes soit traitée à Bruxelles et non plus à Paris. »
Nous en avons tous conscience, particulièrement dans l'exercice budgétaire. Le
budget français de l'agriculture ne représente en effet que 20 % de l'ensemble
des dépenses publiques concernant l'agriculture. C'est pourquoi on ne saurait
isoler l'examen du budget ni même la préparation de la loi d'orientation des
discussions déjà en cours à Bruxelles et qui se dérouleront tout au long des
mois à venir.
Cependant, nous ne pouvons esquiver nos responsabilités vis-à-vis de nos
agriculteurs en invoquant ce motif, vous pas plus que les autres.
Au moment où se dessinent de nouveaux contours européens, il ne s'agit pas de
relâcher nos efforts, notre présence et notre soutien à notre agriculture : la
voix de la France doit plus que jamais se faire entendre.
Sachez que nous serons très attentifs à la manière dont vous aborderez ces
négociations. Pour l'heure, nous n'avons pas eu l'occasion, sinon peut-être ici
cet après-midi, de vous entendre sur les propositions de la Commission
contenues dans l'Agenda 2000.
Bien qu'une adaptation de la PAC soit nécessaire, les modifications des
mécanismes ne peuvent être brutales, et ces propositions ne me paraissent ni
acceptables ni tenables, en l'état, pour les agriculteurs français.
Si ces mécanismes doivent être revus, tant il est vrai que certaines
exploitations ont bâti leur modèle de développement sur les subventions
communautaires et qu'ils donnent lieu à des dysfonctionnements contraires à
l'équité, il faut agir de manière progressive.
Nous serions heureux que ces questions essentielles pour l'avenir de
l'agriculture soient l'objet d'un véritable débat dans notre asemblée, afin que
nous soyons en mesure de connaître la manière dont vous voulez les aborder.
Vous avez préparé votre budget pour 1998 dans ce contexte marqué par la
reprise du chantier de la loi d'orientation et le coup d'envoi de la réforme de
la PAC, et vous nous avez dit avoir cherché à traduire d'ores et déjà la
nouvelle logique de l'agriculture de demain. J'en jugerai lors du débat
budgétaire et ne manquerai pas, alors, de faire des observations.
Au moment où le président de la FNSEA, M. Luc Guyau, s'interroge sur
l'éventualité d'un krack agricole qui frapperait l'Europe, comme le krack
boursier et monétaire vient de frapper l'Asie du Sud-Est, au moment où la
Commission européenne semble vouloir verser dans l'ultra-libéralisme pour
réformer la PAC, dans le cadre de l'Agenda 2000, la discussion du budget de
l'agriculture prend, cette année, une importance encore plus déterminante que
les années précédentes.
Nous sommes en effet à un grand tournant. Ce tournant, il vous sera d'autant
plus difficile de le négocier, monsieur le ministre, que vous succédez à
Philippe Vasseur, l'un des meilleurs ministres de l'agriculture que nous ayons
eu depuis Jacques Chirac, sans oublier Jean Puech qui, dans des conditions
difficiles, avait su faire face aux difficultés du moment.
Votre budget, monsieur le ministre, est un budget sans ambition et sans
priorité. C'est un budget qui ne reflète pas le volontarisme de nos paysans. On
est même surpris de voir un homme de terrain se préparer à nous présenter un
tel budget. J'attendais mieux, beaucoup mieux ! Vous me permettrez de penser
que vous ne devez pas être le véritable auteur de ce budget, que celui-ci
répond à des considérations dogmatiques, qu'il vous a été dicté par des hommes
de parti, de ces hommes qui ont toujours fait la caractéristique du parti
socialiste français.
M. Philippe François.
Très bien !
M. Raymond Soucaret.
Je le regrette d'autant plus que je considère le budget de l'agriculture comme
un acte politique essentiel, au meilleur sens du mot, élaboré par des hommes
politiques pour les agriculteurs, pour l'intérêt général du monde agricole et
rural, c'est-à-dire pour toutes celles et tous ceux qui vivent par et pour
l'agricuture.
L'intérêt général de l'agriculture française méritait mieux !
Je souhaiterais, maintenant, examiner un peu plus en détail le budget que vous
présenterez à la Haute Assemblée dans quelques jours.
En ce qui concerne l'installation, vous nous parlez de crédits-formation en
augmentation, notamment pour les stages de pré-installation. Cette augmentation
n'est pas de votre fait : elle correspond à la dynamique de la charte pour
l'installation mise en oeuvre par Philippe Vasseur. Cela dit, je vous remercie
d'y avoir donné une suitefavorable.
Vous n'avez augmenté aucun des moyens permettant des restructurations
foncières. Je pense, bien sûr, aux fameuses OGAF - opérations groupées
d'aménagement foncier - dont vous connaissez les effets, mais également aux
SAFER - sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural.
A ce sujet, je n'ai pas très bien compris vos intentions quant à
l'instauration d'une nouvelle politique des structures dans notre pays.
J'espère que cette politique sera l'une de vos priorités, comme elle était, en
tout cas, une des priorités de votre prédécesseur.
Vous annoncez également la création d'un nouveau fonds, le Fonds
d'installation pour l'agriculture, le FIA, en faisant disparaître le FIDIL, le
Fonds d'intervention pour le développement industriel local. Quand on sait que
l'objectif de ces deux fonds est identique, pourquoi supprimer l'un pour créer
l'autre ? Vous me répondrez peut-être, monsieur le ministre, que les objectifs
du FIA sont plus larges que ceux du FIDIL, et ce serait tant mieux, mais il
faudra nous le démontrer.
Vous ne vous donnez pas les moyens d'atteindre vos objectifs. En effet, ce
n'est pas en augmentant de 10 millions de francs les crédits du FIA que vous
allez à la fois financer les excellentes initiatives prévues hier dans le cadre
du FIDIL et la prime d'orientation des terres.
Je ne veux pas croire qu'il s'agit là de la recherche d'un nouvel effet
d'annonce démagogique à l'égard du monde agricole et rural.
Je vous remercie par avance de m'apporter des précisions sur ce point, faute
de quoi j'aurai la triste certitude que la substitution du FIA au FIDIL
conduira tout bonnement à une diminution des aides à l'installation.
Etait-il opportun, monsieur le ministre, de créer ce FIA, alors que le FIDIL,
qui se situait dans la logique de la signature de la charte à l'installation,
se mettait en place avec bonheur et n'avait pas encore produit tous ses effets
? Vous donnez l'impression aux paysans de compliquer toujours davantage le
processus d'aide à l'installation.
Je voudrais d'ailleurs insister sur les fameux taux bonifiés. Ils connaissent
aujourd'hui une baisse. En outre, l'intérêt de la bonification est de moins en
moins évident, à tel point que 60 % de l'emploi agricole dépendent de prêts non
bonifiés. Permettez-moi, monsieur le ministre, de m'inquiéter profondément des
conséquences, demain, de ce phénomène sur l'installation des jeunes.
Je ne souhaite pas, en effet, que nos jeunes prennent des risques financiers
de plus en plus importants, à l'écart des dispositifs de soutien de l'Etat,
pour la seule et unique raison que ceux-ci sont trop complexes.
Avant d'aborder les problèmes sociaux, ceux des hommes et des femmes de notre
terroir, je souhaite vous poser un certain nombre de questions.
Pensez-vous sincèrement que c'est en instituant les 35 heures dans les
exploitations que la France va rester l'une des premières puissances
agro-alimentaires du monde ? Le soleil, la pluie, la terre n'ont que faire d'un
volontarisme législatif, tenant plus de l'idéologie que du bon sens.
Montesquieu n'écrivait-il pas, d'ailleurs, voilà plus de deux siècles : « Les
paysans ne sont pas assez instruits pour raisonner de travers » ? Eh bien, ils
ne raisonneront pas de travers sur les 35 heures, car les 35 heures, je le dis
ici haut et fort, sont inapplicables dans le monde agricole.
Pourquoi avoir diminué les actions de promotion et, en particulier, supprimé
40 millions de francs sur le montant des crédits attribués à la SOPEXA, la
société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires ?
Quand on sait que notre pays compte 15 000 entreprises agroalimentaires
exportatrices, représentant plus de 500 000 emplois, un chiffre d'affaires à
l'exportation des produits agricoles de 213 millions de francs et un solde
commercial de 58 milliards de francs - soit un quart du chiffre d'affaires
global réalisé à l'exportation - il y a de quoi être surpris et même trouver
cette mesure hautement critiquable.
A moins que vous ne vouliez faire peser sur les petites et moyennes
entreprises du monde agricole et rural des investissements de promotion qui
seraient autant de charges qu'elles ne peuvent, en aucun cas, assumer...
Monsieur le ministre, les marchés extérieurs sont le salut de la France. Ne
pénalisez pas les PME. Ne faites pas perdre à notre pays sa place de leader
dans le monde de l'agro-alimentaire.
J'ajoute que ces aides à la promotion sont parfaitement conformes aux règles
du commerce mondial, telles qu'elles ont été définies dans les accords de
Marrakech.
Le fait d'imposer les 35 heures, la diminution des crédits de promotion de nos
produits agricoles et agroalimentaires ainsi que celle des crédits aux
industries agroalimentaires, avec la réduction de la prime d'orientation
agricole et celle de la dotation des offices, sont autant d'éléments
dramatiques pour l'exportation, l'avenir de notre commerce extérieur, comme
bien sûr, pour les agriculteurs français.
Pourquoi n'avez-vous pas augmenté les crédits consacrés à la modernisation des
exploitations à la fois en autorisations de programme et en crédits de paiement
?
Pourquoi les crédits du fonds de gestion de l'espace rural sont-ils en baisse
?
J'attends avec impatience des réponses à ces quelques questions.
J'aborderai maintenant le problème lancinant et déterminant du volet social de
la politique agricole du Gouvernement.
Votre projet, monsieur le ministre, ne comporte rien sur la poursuite de la
réforme de l'assiette des cotisations sociales agricoles visant à assurer au
monde rural la parité d'assiette avec les salariés, alors qu'une parité de taux
existe.
Certes, les 220 000 exploitants dont le revenu est inférieur à 800 fois le
SMIC horaire gagneront à cette réforme de parité entre exploitants et salariés,
mais d'autres vont perdre beaucoup, alors qu'ils sont prioritaires dans le
cadre de la politique agricole. Il s'agit des jeunes, qui ne bénéficieront plus
de l'abattement ni de dégressivité au regard de la CSG, des pluri-actifs, qui
paieront 3 000 francs de plus et, enfin, des veuves, des veufs, des divorcés et
séparés qui reprennent l'exploitation.
La fin du dispositif de préretraite, qui est intervenue le 15 octobre 1997, me
paraît constituer une erreur, monsieur le ministre. La prime à la transmission
des exploitations ne saurait le remplacer. Cela est d'autant plus regrettable
que l'Union européenne avait favorisé cette mesure en la cofinançant.
Les médias ont annoncé 33 % d'augmentation pour les retraités agricoles. Mais
citons de vrais chiffres, monsieur le ministre : pour une personne qui
recevait, après plus de quarante ans d'activité, 23,07 francs par jour, il
faudra renouveler plusieurs fois cette fameuse augmentation pour atteindre les
trois quarts du SMIC, c'est-à-dire 4 997,75 francs par mois, alors que la
moyenne des retraites en France est de 7 900 francs par mois. Vous m'avez
apporté une réponse partielle tout à l'heure, monsieur le ministre, mais elle
n'est pas totalement satisfaisante.
Oui, le volet social de votre budget est insuffisant. Il ne s'inscrit pas dans
une perspective claire et pluriannuelle assurant la parité tant des prestations
que du mode de financement entre le monde agricole et les autres secteurs
d'activité.
Avant de conclure, j'évoquerai un point particulier qui constitue un enjeu
considérable pour l'évolution de l'agriculture et la compétitivité de nos
productions.
L'alimentation du xxie siècle se mijote aujourd'hui, pas seulement dans les
prairies et les jardins, mais également dans les laboratoires. Je veux parler
ici des organismes génétiquement modifiés, les OGM. Comme vous le savez, la
commission des affaires économiques du Sénat a approuvé la constitution d'un
groupe de travail sur les OGM.
Avec tous les problèmes relatifs à la sécurité alimentaire que nous avons
connus, ce dossier a connu des rebondissements. Ainsi, après que la Commission
eut décidé, en décembre 1996, la mise sur le marché des variétés de maïs
transgénique, la France a refusé de les inscrire à son catalogue.
Loin d'être refermé, ce dossier devrait bientôt revenir sur le devant de la
scène. Dans les semaines à venir, les autorités européennes vont devoir statuer
sur le sort de trois nouvelles constructions génétiques. De l'autre côté de
l'Atlantique, les Américains ont cultivé massivement des variétés
transgéniques, jusqu'à atteindre 10 % de la récolte en cours au lieu de 0,5 %
l'an dernier.
Sans nul doute, la polémique va une nouvelle fois s'ouvrir entre les partisans
et les détracteurs de ces plantes. En Europe, le maïs résistant à la pyrale est
arrivé au terme d'un parcours de plusieurs années, allant de la commission du
génie moléculaire aux comités scientifiques européens. Les uns affirment que
c'est la première fois qu'une nouvelle technologie a été autant « épluchée »
avant son autorisation, tandis que les autres prêchent l'inexistence du risque
zéro.
A l'autre extrémité de la chaîne, le consommateur voit se dérouler la partie
de ping-pong, en ne comprenant ni la portée sanitaire ni l'enjeu économique que
représentent les plantes transgéniques. Il faut dire que le manque
d'information est patent !
Combien de temps encore cet imbroglio va-t-il durer ? Il me semble utile
d'alimenter le débat avec des informations objectives et compréhensibles par
tous, et d'arrêter ensemble une position française cohérente. L'examen du
projet de loi d'orientation devrait être l'occasion de ce débat.
Pour conclure, je citerai Xénophon : « Il avait raison celui qui a dit que
l'agriculture est la mère et la nourrice des autres arts. »
Cette valeur lui donne vocation à contribuer autant au « bonheur national brut
» qu'au produit national brut. De notre choix dépend en effet non seulement
l'avenir du monde rural mais aussi celui de la société toute entière.
Je souhaite que nous fassions preuve de discernement, de volonté et
d'imagination, pour sceller durablement le contrat entre la nation et les
agriculteurs, dans un souci de modernité, de sécurité, d'efficacité et
d'équilibre.
Voilà, monsieur le ministre, ce que je tenais à vous dire. J'attends, avec
beaucoup d'intérêt, vos réponses. Je doute qu'elles tranforment, comme dans un
conte de fées, la citrouille de votre budget en carrosse de l'agriculture de
l'an 2000 ; je doute aussi que vos réponses apparaissent comme la carotte que
les paysans, tels des lapins, iraient grignoter avec bonheur. Non, décidément,
votre budget est un brouet bien fade, bien loin de ces soupes consistantes que
peut donner l'alliage mystérieux de la citrouille et de la carotte.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, trois
chapitres forment l'ossature de mon intervention : le « paquet Santer », ses
conséquences prévisibles sur notre politique et le projet de budget de
l'agriculture dont j'examinerai l'adéquation, ou la non-adéquation, avec le «
paquet Santer ».
Je vous félicite, monsieur le ministre, de votre volonté affirmée de ne pas
accepter les propositions de la Commission européenne dans leur état actuel.
J'ai d'ailleurs cru comprendre que, à quelques détails près, nous avions dans
cette enceinte une approche commune du « paquet Santer ». J'ai ainsi écouté
avec un grand intérêt le président de la commission des affaires économiques et
le président de la commission des finances.
Il est évident que ce projet de réforme, élaboré dans le cadre de l'Agenda
2000, est un véritable acte de guerre contre l'agriculture à visage humain et,
plus généralement, contre une agriculture européenne de qualité.
Ce projet, qui aggrave la réforme de 1992 - que j'avais déjà vigoureusement
combattue - s'articule schématiquement autour de deux objectifs : premièrement,
mettre en concurrence aveugle les agricultures sur le marché mondial par
l'abaissement des prix agricoles à la production et supprimer dans les faits le
principe de la préférence communautaire, même si on nous accorde de le laisser
figurer en fin de ligne ; deuxièmement, tout en élargissant la Communauté à
cinq pays de l'Est européen et à Chypre, réduire les crédits à l'agriculture
qui, jusqu'à aujourd'hui, représentaient la moitié du budget communautaire.
En fait, cela implique à terme un recul encore jamais égalé du revenu des
agriculteurs puisque les pertes subies, liées à la baisse des prix
d'intervention, ne seront que modestement compensées.
De toute évidence, ce projet de réforme est fortement marqué par une logique
capitaliste productiviste, avec les conséquences évidentes d'accentuation des
déséquilibres écologiques et territoriaux que cela implique. Il vise à préparer
de nouveaux abandons dans le cadre de la PAC sur l'autel de ce que certains
appellent « la libéralisation du commerce des denrées alimentaires ». Je note
d'ailleurs que le mot « libéralisation » est employé à contresens. En réalité,
il s'agit tout simplement d'une adaptation à la politique américaine.
La Commission de Bruxelles propose de baisser les prix dans le cadre d'une
guerre économique au détriment de l'installation des jeunes agriculteurs, de
l'aménagement équilibré de l'espace rural, de l'environnement, de la qualité
des produits et de l'alimentation dans les pays en développement et dans les
nôtres.
Ce choix inspiré directement du modèle américain satisfait pleinement les
intérêts des firmes du complexe agro-alimentaire, dans lequel quelques firmes
européennes se sont glissées.
Pour nous, l'ensemble de cette logique est inadmissible.
En outre, en prévoyant de supprimer dans les faits la préférence
communautaire, pilier de la politique agricole commune, le projet de réforme
remet en cause la politique agricole commune elle-même. En effet, sans ce
principe, ne subsistera qu'un grand marché mondial où la concurrence aveugle et
déloyale sur les produits de base en provenance de toutes les régions du monde
sera la règle. Nous avons employé, en d'autres temps, le terme de « dumping
social » ; il reste d'actualité.
Selon nous - et la grande majorité des organisations syndicales et
professionnelles agricoles partagent ce point de vue - l'objectif affiché
d'être compétitif à n'importe quel prix sur le plan mondial ne répond pas au
besoin d'un développement agricole durable en Europe. A cet égard, je note à
nouveau qu'il semble que nous soyons nombreux, dans cette assemblée, à être sur
la même longueur d'ondes.
Le prix à payer pour atteindre cet objectif aura en effet inévitablement une
traduction en termes de compétitivité sociale et de perte d'emplois, de bradage
du territoire et de concentration des exploitations.
D'ailleurs, un débat devrait être organisé sur la signification des mots «
compétitivité », « sûreté », « qualité alimentaire » et « productivité ».
Personnellement, j'y suis prêt, car les mots que je viens de citer sont piégés
et ne signifient pas la même chose pour tout le monde. Je ne m'engage pas là
dans un débat de linguistique, les 9 000 décès par an pour empoisonnement
alimentaire dénombrés aux Etats-Unis en témoignent. Il est certain que la
conséquence de la compétitivité à tout prix sera la disparition de très
nombreuses exploitations agricoles. Dans une excellente publication, j'ai ainsi
pu lire que, selon M. Hervieu, le président de l'APCA, l'assemblée permanente
des chambres d'agriculture, le nombre d'exploitations agricoles qui pourraient
continuer leur activité à temps plein serait de 150 000.
A cet égard, l'expérience de la précédente réforme de la PAC est parlante.
Avec cette réforme, la course à la productivité est devenue en agriculture le
principal critère de gestion, avec les conséquences que l'on peut imaginer :
baisse de la qualité sanitaire - je pense à la maladie de la vache folle mais
je pourrais citer d'autres exemples - et problèmes environnementaux -
consommation excessive d'eau, d'intrants en tous genres, pollution des nappes,
etc.
On peut craindre, dans un tel contexte, de nouvelles et nombreuses
disparitions d'exploitations agricoles et une diminution persistante du nombre
des installations de jeunes agriculteurs. Bref, on peut craindre que la
fracture territoriale ne se creuse encore !
Paradoxalement, les objectifs affichés dans l'Agenda 2000 pourraient sembler,
après une lecture rapide, rejoindre certaines de mes préoccupations tant en
matière de santé que d'aménagement durable. Mais il s'agit là, si vous me
permettez l'expression, d'une « manoeuvre » qui ne vise qu'à rassurer et à
faire croire que le « paquet Santer » prend en compte ces matières.
En effet, si les conséquences environnementales de l'agriculture intensive ou
la nécessité d'une politique rurale et d'aménagement du territoire sont
mentionnés dans ce projet, l'incohérence est évidente. Le texte de M. Santer
est un modèle de la langue de bois !
M. Philippe François.
Parfaitement !
M. Louis Minetti.
L'approche actuelle de la Commission européenne témoigne d'une absence totale
de prise en compte de l'objectif prioritaire que constitue le renouvellement
des générations.
Quelles conséquences la politique agricole commune aura-t-elle sur l'avenir de
la population agricole, sur sa tendance au vieillissement et à la diminution,
et, par là même, sur le monde rural ? Nous sommes très inquiets et je donne
aujourd'hui l'alerte.
Il est plus que jamais nécessaire de donner la priorité à l'installation de
jeunes agriculteurs, ce qui implique la mise en place de mesures très
spécifiques, sur lesquelles je reviendrai tout à l'heure. Que seront, en effet,
les terroirs en France, mais aussi ailleurs en Europe, s'il ne reste qu'une
poignée d'agriculteurs dans quelques décennies ?
La question dépasse d'ailleurs très largement le cadre du monde agricole et
rural ; elle intéresse toute la société française, et c'est un débat de société
que nous devons engager.
Vous donnez, monsieur le ministre, une place prioritaire à ce problème dans le
document préparatoire à la future loi d'orientation agricole. Nous nous en
félicitons. La création d'un fonds pour l'installation en agriculture, par
exemple, est un bon début. Elle était d'autant plus nécessaire que moins de la
moitié des jeunes qui s'installaient bénéficiaient jusqu'à aujourd'hui de la
DJA, la dotation jeune agriculteur, qui était soumise à des critères
d'attribution trop restrictifs, ce que j'avais critiqué en son temps.
Je le répète, il est impératif d'inverser la tendance et d'insuffler une
nouvelle dynamique de renouvellement et de rajeunissement des exploitations
agricoles. En effet, malgré tout ce que l'on peut écrire et entendre, on
enregistre toujours quatre départs pour une installation.
Parallèlement aux aides à l'installation, je demande avec force - et mes
collègues sénateurs savent que ce n'est pas la première fois - une
revalorisation morale au sein de la société française du métier d'agriculteur,
l'accent devant être mis sur sa modernité et les connaissances techniques et
scientifiques nécessaires à son exercice.
Je vous propose donc un certain nombre de mesures visant à la promotion d'une
agriculture à visage humain, diversifiée et de qualité, adaptée et valorisant
le potentiel de chacune des régions de notre pays.
Je vous suggère même d'aller encore plus loin : je vous propose d'engager, par
le biais de la loi d'orientation agricole, mais en lui donnant peut-être un
début de mise en oeuvre dans le prochain budget, une grande campagne publique
sur la beauté et l'intérêt du métier de paysan, qui est devenu un métier de
très haut niveau technique, comparable à tous les autres métiers et très
souvent supérieur, un métier où l'on se réalise.
Cette campagne publique devrait couvrir l'ensemble des questions, de la
production à la transformation, de la vie dans les communes jusques et y
compris à l'apprentissage. Elle devrait toucher les collèges, les lycées,
toutes les écoles nationales avec le message suivant : « Allez travailler et
installer votre exploitation personnelle à la campagne ou en forêt. Là, il y a
de l'avenir ! »
Bien entendu, l'élévation du niveau de vie, qui passe par celle du niveau des
prix, doit accompagner, voire précéder une telle campagne.
Je souhaite vivement entendre votre réponse à ma proposition, monsieur le
ministre, tout en comprenant bien que vous ne puissiez vous engager à
introduire cette idée dans le texte de la loi d'orientation sans l'avoir au
préalable finalisée et actée.
Vous aurez peut-être remarqué que j'emploie toujours le mot « paysan ». J'en
suis un, je le revendique.
M. Philippe François.
Bravo !
M. Louis Minetti.
Les puristes m'excuseront de citer de mémoire un poète régional mais de
renommée nationale, Frédéric Mistral, qui, envoyant à Lamartine son immortelle
oeuvre
Mireille,
laquelle lui valut un prix Nobel, l'accompagnait de ces
quelques vers :
« Te counsacre Mireïo : es moun cor e mon amo ;
« Es la flour de mis an ;
« Es un rasin de Crau qu'eme touto sa ramo
« Te porge un païsan. »
(Sourires.)
Pardonnez-moi, mes chers collègues, d'avoir utilisé le provençal ! Bien
que cette langue soit enseignée à l'université et qu'elle soit une épreuve du
baccalauréat, je vais vous traduire ces quelques vers.
(Merci ! et exclamations amusées.)
« Je te consacre Mireille : c'est mon coeur et mon âme ;
« C'est la fleur de mes années ;
« C'est un raisin de Crau qu'avec toutes ses feuilles
« T'offre un paysan. »
(Applaudissements.)
MM. Roland du Luart et Philippe François.
Très bien !
M. Louis Minetti.
Monsieur le ministre je vous avais envoyé une lettre pour vous présenter mes
remarques sur le projet de loi d'orientation agricole. J'apprécie, vous le
savez donc, que votre action aille dans le sens de la promotion d'une
agriculture à visage humain, diversifiée et de qualité.
J'apprécie d'autant plus votre volonté de contrôler les structures que - vous
n'êtes pas sans le savoir - depuis plus de trente ans, les diverses
dispositions prises à cet effet dans les multiples lois d'orientation agricole
n'ont abouti à rien. En effet, les chiffres parlent d'eux-mêmes : voilà
quarante ans, lorsque je me suis installé et que j'ai obtenu mon prêt
d'installation aux jeunes agriculteurs à 2 % sur vingt ans - je m'en souviens
comme si c'était hier et c'était quelque chose en ce temps-là - on dénombrait
2,8 millions d'exploitations agricoles ; aujourd'hui on en compte un peu moins
de 700 000, malgré tout ce ce qui est écrit dans les lois.
Cette évolution est le résultat d'une politique déterminée. En effet, en dépit
des belles intentions pour contrôler la concentration, les mesures en question
ont été inefficaces car elles ne s'appliquent pas aux sociétés. Par conséquent,
si l'on est un peu malin ou un peu argenté, on peut concentrer et
surconcentrer, à condition de tourner la loi. Je tenais d'ores et déjà à le
dire pour que le débat sur le projet de loi d'orientation agricole en prenne
acte.
Nous allons à présent mettre le doigt sur la contradiction fondamentale qui
existe entre les objectifs affichés dans le document préparatoire de la loi
d'orientation et dans le projet de loi de finances pour 1998, ainsi que dans le
« paquet Santer ». Comment le Gouvernement pense-t-il pouvoir gérer et dépasser
cette contradiction ?
Je le répète, je me félicite de propos forts que vous avez tenus en juillet
dernier : « Le Gouvernement français refuse de s'engager dans une logique qui
consiste à poursuivre sur la voie de l'abandon du soutien des prix des produits
agricoles », disiez-vous. Il me semble que l'opposition soit déjà un peu moins
affirmée à la fin du mois de septembre. En effet, devant la commission de la
production et des échanges de l'Assemblée nationale, le 30 septembre dernier,
vous faisiez part de « la position de questionnement actif du Gouvernement
français vis-à-vis du contenu agricole du "paquet Santer" ».
La position que vous avez adoptée en septembre me semble en retrait par
rapport à celle de juillet. Je souhaiterais que vous repreniez le discours que
vous teniez en juillet. Il me plaît plus, car c'est celui du raisin qui
commence à mûrir, et non pas celui du raisin prêt à aller à la cuve.
(Sourires.)
Je suis particulièrement inquiet à ce sujet, quand on sait que 80 % des
décisions prises dans le domaine agricole sont sous directive européenne et que
vous écrivez vous-même - je vais vous citer puisque vous m'avez envoyé le texte
- que « la loi d'orientation agricole doit se concentrer sur ce qui reste de la
compétence souveraine du législateur français ».
Mers chers collègues, vous le savez parce que vous m'avez souvent entendu le
dire : je conteste la suprématie de Bruxelles sur Paris.
(Applaudissements sur plusieurs travées du RPR.)
Quand je dis « Paris »,
je pense aux campagnes françaises, tout le monde m'aura compris !
M. Roland du Luart.
Heureusement !
M. Louis Minetti.
Par conséquent, affirmer que la loi ne peut s'affranchir des contraintes de
l'OMC limite considérablement, voire annule la portée de celle-ci, puisque les
contraintes en question s'opposent aux objectifs contenus dans la loi.
Il est plus que jamais nécessaire d'affirmer une position française
extrêmement ferme face au « paquet Santer », et de faire des propositions
alternatives privilégiant la valorisation d'un modèle rural plaçant l'homme et
le territoire au coeur des débats. Sur ce positionnement-là, vous aurez l'appui
non seulement de notre groupe mais aussi, si j'ai bien compris, de nombreux
collègues siégeant sur d'autres travées de cette assemblée.
La France, en tant que premier agriculteur européen et deuxième puissance
exportatrice mondiale de produits agricoles, a les moyens de se faire entendre.
Nous ne sommes pas une quelconque petite principauté d'Andorre, bien que j'aie
du respect pour les Pyrénéens au sud de notre pays. Nous sommes la France avec
toutes ses composantes. Nous avons donc les moyens de nous faire entendre pour
réorienter les approches bruxelloises et pour passer, notamment au sein de
l'Organisation mondiale du commerce et des différentes organisations communes
des marchés, d'une logique d'affrontement à une logique de complémentarité
réaliste et de codéveloppement avec les autres pays de la planète.
Ce n'est qu'à ces conditions qu'une réelle agriculture durable, respectueuse
des hommes et de l'environnement, pourra se mettre en place.
Il me semble donc impératif que la loi d'orientation agricole soit discutée et
votée avant le début des négociations de la PAC au printemps prochain, mais
vous l'avez d'ores et déjà annoncé, monsieur le ministre.
Notre loi d'orientation agricole doit constituer un texte de référence,
permettant de défendre la position française. Dans le cas contraire, on peut
craindre que ce texte ne soit qu'une loi d'accompagnement de la réforme de la
PAC.
J'ai noté que, tout à l'heure, M. le président de la commission des affaires
économiques a attiré votre attention sur les fruits et légumes. Je ne
souhaitais pas en parler car j'ennuie assez souvent mes collègues avec ces
questions.
(M. Philippe François fait un signe de dénégation.)
Cependant, puisque le président François-Poncet est intervenu sur ce
point, je veux dire à nouveau combien ce sujet me préoccupe et constitue, à mes
yeux, une interrogation majeure. Voilà quelques jours, je vous ai interrogé ici
même sur les fruits et légumes ; aujourd'hui, j'ai fait un rappel au règlement
sur cette question. Si vous le souhaitez, je vous adresserai les documents de
nos travaux ; il ne s'agit pas seulement d'un rapport puisque, si ma mémoire
est bonne, nous avons abordé ce sujet à quatre reprises. Plusieurs de mes
collègues seraient sans doute heureux de vous rencontrer pour vous donner des
détails à cet égard.
Je tiens maintenant à préciser que si nous nous battrons pour que l'approche
et les priorités présentées dans le document préparatoire de la loi
d'orientation agricole soient prises en compte à Bruxelles, nous sommes
néanmoins critiques sur un certain nombre d'aspects de cette loi d'orientation,
ainsi que sur diverses dispositions du projet de budget pour 1998, sur
lesquelles je n'insisterai pas aujourd'hui.
La volonté exprimée dans les deux documents de mettre l'accent sur le
renforcement de la sécurité et de la qualité sanitaire nous semble pertinente.
De même, l'augmentation de 4,9 % des crédits alloués à l'enseignement agricole
est une bonne chose.
En revanche, d'autres aspects du projet de budget sont particulièrement
inquiétants. Certes, il existe une solidarité gouvernementale, mais la
diminution sensible du montant de l'indemnité spéciale de montagne et des
crédits affectés aux régions défavorisées m'interpelle.
Par ailleurs, la progression des retraites agricoles qui a été annoncée nous
paraît beaucoup trop faible et est très loin de correspondre aux nécessités.
Vous le savez, nous avons déposé, à l'Assemblée nationale et ici même, une
proposition de loi visant à augmenter les retraites pour atteindre 75 % du SMIC
: nous reviendrons sur ce point lors de l'examen du projet de budget pour 1998.
Par ailleurs, je dépose chaque année depuis 1993, lors du débat sur le BAPSA,
un amendement allant dans ce sens. Je le déposerai de nouveau cette année. Je
ne suis pas un maximaliste, ni, pour reprendre une expression à la mode, un
intégriste barbu
(Sourires),
mais je souhaite que vous fassiez bouger le budget, encore
plus que vous ne l'avez fait à l'Assemblée nationale.
On remarque également que trop peu de place est accordée au développement et à
l'amélioration du pouvoir et du rôle des producteurs, par le renforcement des
politiques de filières, des actions interprofessionnelles et des
coopératives.
Or, si on veut développer l'agriculture durable, pour reprendre un terme à la
mode - peut-être faut-il discuter du sens exact qu'il convient de donner à ce
mot, comme à l'adjectif « compétitif » - il est nécessaire de reconsidérer les
relations, voire les rapports de forces, entre les producteurs, les groupes de
l'agroalimentaire et les distributeurs.
Je sais que cette question ne dépend pas uniquement du ministre de
l'agriculture mais il est temps que, s'agissant des groupes de
l'agroalimentaire et des distributeurs, on puisse leur « mettre le nez dans
l'assiette », au lieu de traduire devant les tribunaux quelque 88 organisations
syndicales professionnelles. En effet, je le dis au passage bien que ce ne soit
pas l'objet du débat, ils sont largement responsables de la grève des routiers.
Il faut donc donner plus de poids aux producteurs.
D'une manière plus globale, il faut reconsidérer l'ensemble des règles de
commerce existantes ainsi que les modes de financement et de production. Tout à
l'heure, j'ai fait allusion aux intrants. Je crois qu'il faut engager un très
large débat.
L'agriculture doit faire face à un contexte et à des défis nouveaux. Il est
urgent de replacer l'être humain à la base de toute logique, afin que prévale
son intérêt et non plus celui des puissances financières. Ou alors, au lieu de
débattre de projets de loi, allons tous au théâtre assister à une
représentation de
Volpone
et peut-être aurons-nous une idée plus précise
du rôle que jouent les financiers. Certes, l'action se déroulait voilà plus de
cinq siècles, dans la Venise ancienne, mais les problèmes restent
identiques.
Impulser un mouvement nouveau nécessite une réelle et profonde volonté
politique, des choix courageux et des ruptures avec certaines logiques que l'on
veut nous imposer de l'extérieur au détriment de notre intérêt. Si vous oeuvrez
dans ce sens, et il n'existe aucune raison de croire que vous n'en ayez pas la
volonté, vous pouvez compter sur notre soutien.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
ainsi que sur les travées socialistes. - M. Courtois applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. François.
M. Philippe François.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
l'agriculture française vit aujourd'hui une véritable crise d'identité.
J'ai malheureusement le sentiment de faire le même constat qu'à la veille des
échéances de 1992 relatives à la politique agricole commune, période de triste
mémoire pendant laquelle nos agriculteurs étaient déjà plongés dans un profond
désarroi.
A l'époque, en effet, le modèle de développement défini par les grandes lois
d'orientation du général de Gaulle en 1960 et en 1962 tendait à s'essouffler
après quelque vingt ans de succès remarquables. La politique agricole commune
était parfois perçue comme une contrainte plutôt que comme un atout. Le revenu
agricole se dégradait alors que des efforts de productivité étaient consentis
sans relâche. La profession agricole se sentait de plus en plus affaiblie, que
ce soit à travers sa représentation dans les mairies des petites communes, son
pouvoir de négociation en amont et en aval de la production, ou encore la
distance croissante constatée entre le terrain et les centres de décision
nationaux, communautaires et internationaux.
Aujourd'hui, rien, ou presque, n'a changé, et les inquiétudes exprimées alors
par nos agriculteurs sont toujours d'actualité. Malgré la contribution
exemplaire des organisations professionnelles, le monde agricole n'apparaît
plus mobilisé au service d'un projet d'avenir. Il s'efforce, de son mieux, de
réagir au jour le jour aux nouveaux défis qui l'assaillent.
Or, monsieur le ministre, je n'ai malheureusement pas le sentiment que le
Gouvernement ait réellement saisi quel est, aujourd'hui, l'enjeu du monde
agricole.
(Protestations sur les travées socialistes.)
Un certain
attentisme, à l'aube des échéances vitales que sont les négociations de la
nouvelle politique agricole commune, m'inquiète.
Dans un environnement international et communautaire grevé d'incertitudes, il
est en effet devenu impératif de doter notre agriculture, en perpétuelle
mutation, des instruments nécessaires pour lui permettre de répondre pleinement
aux attentes de notre société.
Ces incertitudes, monsieur le ministre, sont liées tout d'abord au contexte de
la mondialisation résultant d'un accroissement considérable des échanges, de
l'internationalisation des investissements, de la multiplication des réseaux de
communication et de la rapidité de l'innovation technologique. Elles tiennent
ensuite, alors que la politique agricole commune a hissé, en près de quatre
ans, l'Union européenne au premier rang mondial des marchés alimentaires, aux
évolutions qui sont apparues dans les années quatre-vingt.
Pour nos agriculteurs, la mondialisation, caractérisée par la libéralisation
et la régionalisation des échanges commerciaux, ne doit pas aller à l'encontre
d'une politique d'exportation dynamique, construite sur des bases définitives
et solides. Notre agriculture doit, au contraire, tirer parti de cet
environnement international incertain en revalorisant ses atouts, tels que la
diversité et la qualité de ses produits, ses compétences techniques, l'avancée
de sa recherche, sa position de premier exportateur alimentaire au niveau
mondial. Surtout, n'oublions pas que ce sont des hommes et des femmes qui
travaillent toute leur vie pour assurer la pérennité et le développement de
cette agriculture.
M. Jean-Patrick Courtois.
Absolument !
M. Philippe François.
C'est bien tout cela le modèle agricole français, et il a fait ses preuves
dans le passé !
Par conséquent, il nous faut aujourd'hui nous donner les moyens de promouvoir
un nouveau modèle agricole français au sein de l'Union européenne.
Alors que la Commission européenne a d'ores et déjà communiqué les grands axes
de la réforme de la politique agricole commune dans un document intitulé « PAC
2000 », ou encore « paquet Santer », nos objectifs doivent être non seulement
la garantie d'un niveau de vie équitable pour nos agriculteurs, mais aussi
l'amélioration régulière de notre compétitivité agricole.
Etablir un nouveau pacte entre la nation et ses agriculteurs, tel est l'enjeu
du monde agricole et agro-alimentaire. A l'instar des lois de 1960 et 1962 que
j'évoquais, le monde agricole a en effet besoin d'une réforme en profondeur et
d'une ouverture sur le futur. C'est pourquoi je ne puis vous cacher ma
déception, monsieur le ministre.
En effet, ce n'est pas de quelques mots bien dosés prononcés par le Premier
ministre lors d'une déclaration de politique générale dont le monde agricole a
besoin. Le monde a considérablement changé et a connu ces dernières années des
mutations fulgurantes qu'il est urgent et vital de prendre en compte pour le
monde agricole. C'était ici la philosophie du projet de loi d'orientation pour
l'agriculture, préparé et présenté par M. Philippe Vasseur, à qui je tiens à
rendre un hommage mérité.
Conformément aussi à la volonté du Président de la République, exprimée dès
1995, il est grand temps d'agir, monsieur le ministre.
Je souhaite, par conséquent, au nom du groupe du Rassemblement pour la
République, que des mesures soient rapidement débattues et adoptées afin de
répondre aux besoins vitaux de nos agriculteurs et d'assurer la pérennité de
notre agriculture. Tel est l'objet de la proposition de loi que nous venons de
déposer sur le bureau du Sénat : elle tend à créer de la valeur ajoutée et des
emplois agricoles, à maintenir un nombre important d'agriculteurs, à poursuivre
la relance de l'installation des jeunes agriculteurs et à faire de la politique
de la qualité alimentaire des produits agricoles un atout décisif dans la
compétition internationale.
Mais cette proposition de loi n'est pas à elle seule suffisante. Il faut
encore aller plus loin.
La promotion de notre agriculture sur les marchés nécessite, en effet, une
redéfinition de la fonction commerciale agricole. Une évolution profonde de
l'organisation économique de la production agricole est inévitable. A partir
des coopératives et de véritables groupements de producteurs, l'agriculture va
devoir trouver un second souffle dans la définition des processus de
commercialisation, afin de répondre à la fois aux exigences industrielles et
aux demandes de plus en plus différenciées des consommateurs.
Par conséquent, il paraît de plus en plus indispensable que les organisations
de producteurs se fixent pour objectif l'acquisition d'une responsabilité
économique et commerciale réelle, propre à consolider le rôle et la place des
producteurs dans les filières. L'établissement et la hiérarchisation des
différents niveaux d'organisation en fonction du degré de maîtrise de la
commercialisation, tout comme l'instauration d'un contrôle durable des
producteurs sur leurs propres organisations paraissent également
nécessaires.
En outre, il est urgent d'inciter les agriculteurs à mobiliser collectivement
des capitaux dans les outils d'aval, en priorité dans ceux qu'ils contrôlent.
De tels investissements productifs devraient pouvoir bénéficier de conditions
fiscales identiques à celles de tous les placements financiers.
L'incitation à la souscription de capital social dans les coopératives est une
bonne mesure. Elle pourrait prendre la forme de l'extension du champ de la
dotation pour provision aux investissements aux parts sociales de la
coopérative, lorsqu'elles constituent la contrepartie d'un capital finançant
les investissements nouveaux.
L'agriculture de l'an 2000 sera bien la résultante des grands choix
stratégiques qui doivent être définis aujourd'hui, mes chers collègues.
A cet égard, la nouvelle politique agricole commune doit notamment adapter le
système des aides. Ces dernières doivent néanmoins conserver leur nature
économique en raison des variations du marché mondial et du dollar, de
l'existence d'aides outre-Atlantique - je fais allusion ici au fameux
Fair
Act
américain signé par le président Clinton en 1996 - ainsi que de niveaux
de vie et de coûts de production très différents dans le monde.
Ainsi, les aides devront-elles, demain, prendre en compte les fluctuations des
prix du marché - les aides deviendront alors variables - du potentiel
agronomique local des exploitations, du nombre d'actifs sur l'exploitation,
enfin des zones sensibles du territoire. Mais, je le répète, cette adaptation
des aides ne doit pas aller à l'encontre du dynamisme de nos exploitations et
ne doit pas se traduire par une perte de compétitivité de notre outil de
production agricole.
C'est pourquoi je me permets devant la Haute Assemblée de mettre
solennellement en garde le Gouvernement contre les mesures qu'il entend prendre
à l'égard des propositions ultra libérales de la Commission européenne, qui,
certainement sous l'influence américaine - ne nous le cachons pas ! -
préconisent une baisse généralisée des prix institutionnels et l'ouverture
systématique aux marchés mondiaux.
Je m'associe ici pleinement aux préoccupations de nos agriculteurs céréaliers
qui, dans la perspective d'une telle évolution, verraient la suppression de
l'aide spécifique aux cultures irriguées.
Comme souhaitait le souligner notre collègue Gérard Fayolle, qui n'a
malheureusement pu être présent aujourd'hui, la spécificité de régions telles
que l'Aquitaine fait de l'irrigation une absolue nécessité pour produire en
quantité suffisante et en qualité. En Dordogne, plus de trois mille
exploitations sont concernées par l'obligation d'irriguer. Elles seraient donc
gravement touchées par la suppression de l'actuelle compensation aux cultures
irriguées.
Par ailleurs, les efforts d'investissements dans la maîtrise de l'eau seraient
remis en cause à une époque où les experts s'accordent à penser qu'il
conviendrait de pratiquer une ambitieuse politique de stockage et de gestion
rationnelle de l'eau.
Accepter cela reviendrait à signer l'arrêt de mort de notre agriculture et, au
delà de celle-ci, du modèle agricole européen.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de nous préciser votre position
sur ce point essentiel pour l'avenir de nos agriculteurs,
Au nom du groupe du RPR, je m'oppose à ces propositions qui ne préservent ni
la préférence communautaire ni l'identité agricole européenne. Je n'accepterai
jamais le fait que la Commission européenne n'ait pas la volonté politique de
défendre de façon différenciée les intérêts de chacun de nos secteurs agricoles
et qu'elle ne tienne pas compte des spécificités régionales de l'Europe.
N'oublions jamais que notre agriculture a aussi un rôle essentiel à jouer sur
notre territoire. La gestion de l'espace rural est devenue un enjeu économique
impliquant une réforme permettant pleinement à nos agriculteurs d'adopter une
véritable démarche d'entreprise rurale. L'affirmation de la
multi-fonctionnalité des agriculteurs, l'institution de zones agricoles
protégées au sein desquelles l'« artificialisation » de l'espace serait mieux
contrôlée, l'assurance de la sécurité juridique de l'exercice des activités
agricoles sont autant de mesures qui renforceraient la place de notre
agriculture dans l'espace rural et qui lui permettraient d'être à nouveau un
acteur incontournable de l'aménagement et du développement de notre territoire,
sur le plan tant national qu'européen. En effet, là aussi est l'enjeu de notre
agriculture.
Dois-je rappeler ce que représente notre agriculture aujourd'hui ? Dois-je
rappeler qu'elle reste encore l'un des plus gros employeurs de main-d'oeuvre ?
Avec un peu plus d'un million d'emplois, c'est près de 5 % de l'emploi total et
trois fois plus que les industries automobile et ferroviaire. Dois-je rappeler
que l'ensemble du secteur agro-alimentaire représente 1,6 million d'actifs,
soit 46 % des effectifs de l'industrie manufacturière ? Ce secteur fournit
ainsi un emploi sur trois dans les communes rurales. Dois-je enfin rappeler que
le secteur agricole gère 85 % de notre territoire, que la production agricole
reste l'activité essentielle de nombreuses régions, ou encore que le nombre
total d'emplois induits par l'agriculture est de 3,5 millions ?
Oui, l'agriculture de l'an 2000 sera bien la résultante des grands choix
stratégiques qui doivent être définis aujourd'hui.
J'observe malheureusement, monsieur le ministre, que le projet de budget du
ministère de l'agriculture et de la pêche, pour l'année 1998, est loin de
répondre à ces enjeux. Plus grave, il est en rupture avec la dynamique et les
orientations fortes que votre prédécesseur, M. Philippe Vasseur, avait su lui
donner.
(Protestations sur les travées socialistes.)
M. Bernard Piras.
Et les budgets de 1997, de 1996, de 1995 ?
M. Philippe François.
Le budget de l'agriculture de ce gouvernement est, pour reprendre les propos
de mon collègue et ami Christian Jacob, ancien président du Centre national des
jeunes agriculteurs, le CNJA, « un budget fade, sans ambition et sans priorités
».
M. René-Pierre Signé.
Le budget de 1997 était sans doute meilleur ?
M. Philippe François.
A qui fera-t-on croire que l'agriculture est une priorité de M. Jospin ?
Comment peut-on réduire de 23 % les crédits de la SOPEXA, la société pour
l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, au moment précis
où de nouveaux marchés s'ouvrent et où nous avons des positions commerciales à
prendre dans les pays tiers ?
M. Alain Pluchet.
Ils ne répondent rien !
M. Philippe François.
Le Gouvernement oublie-t-il que notre agriculture a subi, en 1996, un
ébranlement majeur avec la maladie de « la vache folle », qui a frappé de plein
fouet les élevages bovins ? Oublie-t-il que cette crise a eu de sévères
répercussions sur l'ensemble de la filière...
M. René-Pierre Signé.
Est-ce la faute des socialistes ?
M. Philippe François.
... et a engendré une situation difficilement maîtrisable ? C'est aussi en
cela que je n'accepte pas les positions ultralibérales de Bruxelles, qui auront
pour ultime conséquence la destruction de notre élevage bovin.
M. René-Pierre Signé.
Là, nous sommes d'accord !
M. Philippe François.
Par ailleurs, la revalorisation des retraites agricoles ne semble pas être une
grande avancée, contrairement à ce que le Gouvernement voudrait bien nous faire
croire.
M. William Chervy.
Mais qu'avez-vous fait, vous ?
M. Philippe François.
Ce n'est en réalité qu'une pâle et imparfaite copie du projet de loi
d'orientation agricole du gouvernement d'Alain Juppé
(Rires sur les travées socialistes.),
critiqué et dénigré voilà encore
quelques mois par les socialistes.
M. Bernard Piras.
Vous avez mal lu le projet debudget !
M. Philippe François.
Je tiens en effet à rappeler ici que ce projet de loi comportait, à la demande
du Président de la République, un volet relatif aux retraites des agriculteurs.
Ce dispositif avait pour objet la revalorisation progressive des retraites
agricoles les plus faibles, leur permettant ainsi d'atteindre un niveau
minimal, comparable à celui des retraites versées dans d'autres secteurs
économiques pour les chefs d'exploitation, les conjoints et les aides familiaux
ayant accompli une carrière complète.
M. Bernard Piras.
Mais c'est précisément ce que nous essayons de faire !
M. René-Pierre Signé.
Vous n'avez rien fait, vous !
M. Philippe François.
Enfin, je ne m'attarderai pas longtemps sur le fonds de gestion de l'espace
rural que, dans votre budget, monsieur le ministre, vous vous contentez de
préserver, évitant certainement la suppression pure et simple de cet
instrument, alors qu'il pourrait offrir à nos agriculteurs de formidables
perspectives.
Il faut bien le reconnaître, et j'en suis désolé, l'agriculture n'est
définitivement pas une priorité socialiste, malgré des propos qui se veulent
rassurants, et dont nous souhaitons qu'ils ne soient pas, comme à l'habitude,
pur angélisme.
(Rires sur les travées socialistes.)
La France a une vocation agricole qu'il convient d'affirmer sans complexe
et de solides atouts qu'il nous appartient de préserver avec ténacité. Je tiens
à affirmer, au nom du groupe du Rassemblement pour la République, notre
attachement aux valeurs agricoles.
M. René-Pierre Signé.
Vous êtes bien mal placé pour donner des leçons !
M. Philippe François.
Les agriculteurs de notre pays peuvent compter sur notre soutien résolu pour
contribuer à la sauvegarde d'une agriculture puissante au sein de l'Union
européenne...
M. Jacques de Menou.
Très bien !
M. Philippe François.
... gardant l'image permanente que Frédéric Mistral, le Provençal, a offerte
de Mireille pour la gloire de la terre de France.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé.
Le régionalisme, c'est le début du nationalisme !
M. le président.
La parole est à M. Barraux.
M. Bernard Barraux.
Si j'ai tenu à intervenir aujourd'hui à cette tribune, c'est pour lancer un
appel à M. le Premier ministre et à vous-même, monsieur le ministre de
l'agriculture. Nous sommes nombreux ici à exprimer aujourd'hui notre grande
inquiétude pour l'agriculture en général et plus spécialement, en ce qui me
concerne, pour l'agriculture auvergnate. Nous nous inquiétons en effet des
conséquences néfastes des propositions de réforme de la PAC qui ont été
présentées par la Commission européenne, le 16 juillet dernier, et qui sont
connues sous la dénomination « paquet Santer ».
En fait, ce que Bruxelles nous propose, ce sont de nouvelles baisses des prix,
compensées très partiellement par les aides directes liées à l'animal, et non
pas aux hommes et au territoire. Ces baisses de prix ne nous satisfont pas du
tout, car elles conduisent à refuser toute reconnaissance de la dignité du
travail des paysans et font absolument fi de sa rémunération. Elles vont à coup
sûr à l'encontre des intérêts de l'agriculture, que nous défendons.
De plus, les aides directes liées aux animaux conduiront inéluctablement à une
remise en cause, voire à la mort du bassin allaitant, donc de l'élevage à base
d'herbe, face à une concurrence déloyale au regard des engagements que nous
avons pris favorisant toute forme d'élevage bovin intensive. A un moment où
l'aménagement du territoire doit être au coeur des préoccupations françaises et
européennes, l'Agenda 2000 propose exactement le contraire de ce que nous
visons. C'est pour ces raisons que nous souhaitons, monsieur le ministre, que
vous rejetiez vigoureusement cette réforme, et que vous proposiez une
alternative conforme à nos attentes.
La baisse des prix de 30 %, partiellement atténuée par une augmentation des
primes compensatrices, n'est, à mon sens, pas très bonne ; je dirai même
qu'elle est mauvaise. En effet, l'augmentation de ces primes tend à niveler les
agriculteurs par le bas sans que l'on se soucie de la compétence et des
investissements de chaque exploitation.
Mon département, l'Allier, a pour particularité d'être à 85 % herbager et nous
estimons que son avenir est en danger.
Engagées par la politique agricole commune, les exploitations sont maintenant
les otages de sa réforme. Pour atténuer les effets néfastes du projet de
nouvelle PAC, d'autres moyens pourraient être avancés pour la défense des
élevages, notamment ceux du département de l'Allier et des autres départements
français qui ont une vocation en la matière.
La première proposition consiste en une revalorisation de l'aide à
l'extensification lorsque le chargement PAC est inférieur à 1,4 unité de gros
bétail par surface fourragère principale. La deuxième passe par un réajustement
des quotas primes à la vache allaitante, référence 1992, sur le nombre de
vaches effectivement présentes sur les exploitations. En effet, près de 20 000
vaches ne sont pas primées dans l'Allier, et c'est tout à fait regrettable.
Chaque exploitation a pourtant dû assumer des investissements certains. Le
réajustement de ces quotas les prendrait ainsi en compte, tout en sachant qu'un
plafond deviendrait inévitable.
La troisième mesure consiste plutôt en un réaménagement des primes aux bovins
mâles, qui aurait pour conséquence d'étaler la production et d'encourager la
finition des animaux, dont on peut regretter qu'elle se pratique de moins en
moins, moyennant une première prime pour les mâles âgés de six à vingt mois et
une seconde pour les mâles de plus de vingt mois.
La quatrième proposition est liée à l'élevage des génisses de plus de
vingt-six mois, mais destinées à l'abattage. Elle conduirait à limiter le
nombre de vaches allaitantes non primées et étalerait également la
production.
Enfin, la cinquième proposition irait dans le sens du maintien des surfaces
fourragères, donc de la sauvegarde des paysages. Tous les hectares d'herbe
pourraient ainsi être comptabilisés et compensés intégralement.
Compte tenu de l'importance de la prime à l'herbe, qui représente un
encouragement aux systèmes d'élevages extensifs et contribue à une utilisation
bien mieux équilibrée de l'espace agricole, il faut nécessairement améliorer ce
contrat, puisqu'il arrive aujourd'hui à son terme, et élargir son champ
d'application à l'ensemble des zones à vocation herbagère, pour en faire un
véritable outil d'aménagement du territoire. Par ailleurs, le montant de cette
prime devrait être nettement revalorisé, afin de rendre la mesure plus
incitative pour le maintien et l'entretien de toutes les surfaces en herbe.
Monsieur le ministre, il nous paraîtrait souhaitable que toutes ces
propositions pour la défense des élevages soient prises en compte, car si les
propositions émises par la Commission européenne le 16 juillet dernier venaient
à être retenues, elles provoqueraient une baisse de recettes si importante pour
la seule production de viande bovine que j'ose à peine en imaginer les
conséquences.
Les producteurs de viande bovine auraient beaucoup à perdre avec les
propositions de la Commission. Le système « naisseur-engraisseur »,
majoritaire, serait, cela va sans dire, menacé dans son fonctionnement
actuel.
Si enfin les propositions de la Commission devaient aboutir, l'essentiel de
notre politique, défini dans le projet agricole départemental, deviendrait
caduc. En effet, comment maintenir des emplois agricoles ou para-agricoles en
milieu rural, pourquoi engager des efforts financiers considérables dans le
développement local ou la création de filières de qualité, quand, dans le même
temps, les orientations proposées pour la PAC condamnent les agriculteurs à la
démesure ou à l'échec ?
Les simulations et les données chiffrées qui ont été présentées sont
suffisamment significatives pour motiver notre réaction, un peu vive, j'en
conviens, et notre refus quasi catégorique face à ces propositions dangereuses
pour l'emploi et pour la vitalité du milieu rural.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous lance un appel solennel afin que
vous preniez en considération l'inquiétude de tous ces éleveurs, dont je me
fais l'écho ici, en particulier des éleveurs du troupeau allaitant, non
seulement par rapport à leur revenu, mais aussi pour l'avenir même de leur
métier.
Je voudrais maintenant vous entretenir des problèmes de la sécheresse,
c'est-à-dire du déficit des précipitations constaté dans mon département,
l'Allier, depuis le début de l'année, notamment durant les mois d'avril et de
mai, auquel se sont ajoutés des températures nocturnes très basses et un vent
asséchant qui ont eu des conséquences très graves sur certaines productions
végétales et sur la pousse de l'herbe.
Actuellement, le bilan pour l'ensemble de la pousse de printemps établi par la
commission départementale d'expertise fait ressortir une perte de 20 % à 50 %
pour les prairies naturelles et une perte de 10 % à 30 % pour les prairies
temporaires.
Pour éviter d'utiliser prématurément leur réserve fourragère destinée à la
consommation hivernale, les éleveurs ont donc dû compléter leur stock en
s'approvisionnant à l'extérieur en paille et en luzerne déshydratée.
Le comité SOS-sécheresse, qui n'intervient qu'en cas de difficulté climatique
exceptionnelle, a lancé une opération collective d'achat d'environ 11 500
tonnes de paille. A titre de comparaison, les opérations précédentes portaient
sur 5 000 tonnes en 1989 et en 1992, et sur 7 000 tonnes en 1991. On peut
mesurer ainsi l'ampleur des besoins des éleveurs et donc la sévérité de la
perte fourragère en général !
Le 3 octobre dernier, à l'occasion du sommet de l'élevage, qui s'est tenu à
Clermont-Ferrand, vous avez annoncé, monsieur le ministre, l'octroi d'une aide
exceptionnelle de 10 millions de francs en faveur des éleveurs du Massif
central touchés par la sécheresse. Cette aide est destinée à contribuer à faire
face aux charges de transport des fourrages destinés au bétail et viendra
compléter une aide d'un même montant mise à destination par Unigrains.
Il ne faut pas limiter l'emploi de ce crédit de 10 millions de francs à la
seule prise en charge du transport du fourrage. L'important est que le fourrage
arrive à un prix raisonnable chez l'éleveur.
Je me permets de vous demander que le département de l'Allier bénéficie
rapidement de cette aide à l'affouragement et qu'il soit reconnu sinistré pour
l'ensemble des prairies afin de percevoir l'indemnisation du Fonds des
calamités agricoles. Il paraîtrait normal, en outre, que les cantons du sud Val
d'Allier - Gannat, Escurolles, Chantelle, Ebreuil - soient également reconnus
sinistrés en culture d'hiver.
Considérant le bilan effectif des pertes constatées, et après avoir pris
connaissance des travaux de la commission départementale d'expertise des 19
septembre et 21 octobre derniers, le conseil général de l'Allier complètera les
sommes que vous apportez d'une aide de 500 000 francs pour l'achat de luzerne
déshydratée, à laquelle s'ajoutera une aide identique de 500 000 francs du
conseil régional d'Auvergne.
Je vous remercie d'avance, monsieur le ministre, des réponses que vous
m'apporterez sur tous ces sujets auxquels j'attache une grande importance.
S'agissant maintenant du rôle du FIA, le Fonds d'installation en agriculture,
qui remplace le FIDIL, le Fonds d'installation et de développement des
initiatives locales, vous avez répondu, monsieur le ministre, à l'Assemblée
nationale, lors de l'examen du projet de budget de l'agriculture, que ce fonds
financerait des primes à la transmission d'un montant un peu supérieur à 50 000
francs, versés en une seule fois à un exploitant qui, en cédant son
exploitation, permettra une installation. Selon vous, le FIA permettra de
distribuer trois mille primes par an, ce qui signifierait, toujours selon vous,
trois mille installations supplémentaires. Certes, cette aide est fort
intéressante pour l'installation de ceux qui ne sont pas issus du monde
agricole, nous le constatons bien volontiers, mais je me permets d'exprimer
quelques réserves quant aux chiffres que vous avez indiqués, car je crains
qu'elle n'ait qu'une faible incidence sur le nombre d'installations
supplémentaires.
En revanche, pour ce qui concerne le FIDIL, les résultats obtenus n'ont pas
été si mauvais, puisqu'ils ont été en constante augmentation, les installations
étant passées de huit mille en 1995 à neuf mille trente en 1996.
J'en viens à la SOPEXA.
La France est le premier exportateur mondial de produits agricoles
alimentaires, avec un chiffre d'affaires de 213 milliards de francs, et la
SOPEXA joue un rôle de promotion essentiel, notamment en faveur des PME du
secteur. Or, monsieur le ministre, vous avez décidé d'amputer de 40 millions de
francs la dotation de la SOPEXA, soit pratiquement le quart de ce qui figurait
dans le projet de loi de finances initial pour 1997.
Vous n'avez pas souhaité revenir sur votre décision, préférant attendre les
conclusions de la mission d'analyse de cette société, menée depuis plusieurs
jours par l'Inspection générale des finances et par l'Inspection générale de
l'agriculture, qui doivent être rendues d'ici à la fin de l'année.
Il nous faut pourtant, dans le contexte mondial actuel, intensifier nos
efforts dans cette direction. Nous n'avons guère le choix.
C'est la raison pour laquelle je me permets de vous demander de nous préciser
les orientations que vous envisagez pour la SOPEXA. Il importe en effet de
réfléchir à l'efficacité de nos moyens de promotion à l'étranger, car, si la
France enregistre un excédent de 58 milliards de francs, il faut continuer à
défendre pied à pied ses positions pour conquérir de nouveaux marchés.
Je regrette également que la mission d'analyse de la SOPEXA ne rende ses
conclusions sur l'adéquation entre les moyens et les objectifs de cette société
qu'à la fin de l'année. Il eût été tellement préférable que ces conclusions
fussent connues avant l'examen du budget !
A petite question, petite réponse, monsieur le ministre
(Sourires)
: quelle est votre position concernant l'installation
hors-sol des porcs et des volailles ?
J'évoquerai maintenant le dossier des retraites agricoles.
La principale innovation de votre projet de loi de finances pour 1998 est
l'adoption par l'Assemblée nationale, sur votre proposition d'ailleurs, d'un
crédit de 700 millions de francs destiné à relever le niveau de certaines
petites retraites agricoles. Les retraités concernés verront donc leurs
pensions relevées, dans les cas les plus favorables, de 5 100 francs par an.
Les 700 millions de francs - dont 500 millions de francs de crédits nouveaux
et 200 millions de francs provenant d'un redéploiement budgétaire - sont
destinés à relever le niveau des petites retraites et des pensions des
conjoints, des aides familiaux et des chefs d'exploitation qui ont eu une
carrière mixte ; 275 000 personnes sont concernées.
A cela s'ajoutent les remises en oeuvre des décisions de la conférence
annuelle de février 1996, dites « mesures Vasseur », dont il était prévu
qu'elles devraient s'étaler sur trois ans, de 1997 à 1999.
Je crois pouvoir dire que nous sommes nombreux à avoir reconnu le sort
relativement injuste réservé jusque-là à tous ceux qui se sont faits les
artisans de la modernisation de l'agriculture et du pays. Certes, des
améliorations ont été apportées, mais, dans les arbitrages budgétaires rendus,
même si les décisions de la conférence annuelle de février 1996 leur ont
ottroyé les deux tiers de l'enveloppe financière consacrée à l'agriculture, les
anciens exploitants ont, eux, le sentiment d'avoir été quelque peu oubliés.
Un peu plus de justice et d'équité, voilà ce que nous demandons tous ! Notre
objectif à tous est que les pensions de retraite atteignent un niveau égal à 75
% du SMIC pour des chefs d'exploitation qui ont non seulement engagé, durant
toute une carrière, leur force de travail, mais risqué leur capital au service
de la société et de leur pays.
Les membres de la famille, les conjoints d'exploitant agricole - des
agricultrices, le plus souvent - souffrent aujourd'hui d'un statut de
travailleurs familiaux en décalage avec les aspirations et les besoins des
acteurs d'une agriculture moderne dans une société développée. Des pensions de
retraite convenables pour celles et ceux qui ont travaillé toute une vie à la
terre, qui ont contribué à développer l'agriculture et à enrichir leur pays,
c'est une question de justice pour les anciens exploitants et de dignité
collective pour notre société.
M. René-Pierre Signé.
Pourquoi ne l'avez-vous pas fait plus tôt ?
M. Bernard Barraux.
C'est la raison pour laquelle c'est avec une certaine satisfaction, mesurée
toutefois - vous le comprendrez - que nous enregistrons l'effort que le
Gouvernement vient de consentir pour les retraites les plus faibles. Il faut
continuer dans cette voie, car il reste, hélas ! encore beaucoup à faire dans
ce domaine.
Enfin, dans l'attente de la loi d'orientation, qui devra fixer les conditions
dans lesquelles le dispositif de préretraite continuera à s'appliquer pour
jouer pleinement son rôle incitatif en matière de politique d'installation en
agriculture, il s'avère aujourd'hui indispensable de proroger d'au moins six
mois le dispositif actuel, jusqu'à l'entrée en vigueur des nouvelles
dispositions.
Pour conclure, je dirai simplement que, si l'agriculture et l'élevage ne sont
plus - nous le savons tous - les moteurs économiques exclusifs du milieu rural,
nous sommes tous convaincus que rien ne se fera dans le milieu rural sans
eux.
Notre devoir, notre rôle et même notre intérêt le plus évident sont donc de
protéger l'agriculture et l'élevage contre toutes les attaques, si perfides
soient-elles, de certains grands pays pour mieux les aider à résister et à se
développer.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ma
qualité de président du groupe d'études de la viticulture de qualité du Sénat,
je concentrerai mon propos sur la situation de la filière vitivinicole.
Il convient tout d'abord d'observer que la récolte 1997 se caractérise par une
baisse de l'ordre de 5 % à 6 %, pour atteindre 56,4 millions d'hectolitres.
Cette baisse est imputable aux calamités agricoles qui ont frappé plusieurs
régions de production, notamment dans le Midi de la France. A cet égard, il y a
lieu de souligner que la viticulture méridionale est gravement menacée par la
dégradation des sols.
Concernant notre commerce extérieur des vins, l'année 1996 a constitué un
millésime record. Nous avons en effet exporté l'année dernière 13,6 millions
d'hectolitres, d'une valeur de 24,8 milliards de francs, les exportations
françaises de vin dépassant ainsi le précédent record, établi en 1987, avec 13
millions d'hectolitres en volume. La baisse des importations de 4 % par rapport
à 1995 succède à la baisse déjà enregistrée, en 1994, de 8 %. Le montant des
importations se limite à 2,6 milliards de francs.
Au total, le bilan établi par l'Office national interprofessionnel des vins,
l'ONIVINS, dégage donc un solde excédentaire de 22,2 milliards de francs. Il
n'en demeure pas moins qu'il est essentiel de poursuivre l'action de promotion
des vins français à l'étranger, en particulier sur certains marchés émergents
tels que les pays asiatiques.
A cet égard, on ne peut que déplorer la diminution de la dotation allouée à la
SOPEXA dans le projet de loi de finances initiale pour 1998.
Concernant les plantations, en particulier celles de vins à appelation
d'origine contrôlée, il importe de tout mettre en oeuvre pour éviter la
disparition des droits de plantation, puisqu'une demande existe en ce domaine.
Ce sont les services des douanes qui vont alerter les détenteurs de ces droits,
afin que ceux-ci ne disparaissent pas.
On doit déplorer que les professionnels ne soient pas parvenus à établir un
accord sur les modalités de ce dispositif destiné à éviter la disparition des
droits de plantation, tout en soulignant qu'un débat s'est instauré sur le
transfert de ces droits d'une région à l'autre.
S'agissant des charges sociales et de la fiscalité qui s'appliquent à la
viticulture, l'augmentation desdites charges est particulièrement préoccupante.
Certes, la réforme de l'assiette des cotisations sociales élaborée en 1993 a
amené d'importantes améliorations ; cependant, l'assiette de ces cotisations
sociales reste trop large puisqu'elle englobe tous les bénéfices des
exploitations sans distinguer ceux qui sont réinvestis dans l'entreprise de
ceux qui rémunèrent le travail des exploitants.
Or, l'activité des exploitants viticoles varie en fonction des aléas
climatiques et de l'évolution du marché, qui influent sur les volumes de
production et sur les stocks constitués. Les revenus des exploitants viticoles
sont donc soumis à d'importantes fluctuations.
Cette situation est particulièrement problématique dès lors que les
exploitations viticoles sont assujetties au régime fiscal des bénéfices réels,
régime fiscal qui convient mieux à une activité plus régulière. On doit se
féliciter que le régime fiscal des stocks à rotation lente permette d'atténuer
l'impact du délai entre la production et la commercialisation des produits
viticoles.
Toutefois, ce régime ne permet pas de le résorber de façon satisfaisante ; il
y a lieu de préciser que l'article 72 D du code général des impôts ouvre la
possibilité d'une déduction fiscale pour investissements. Toutefois, ces
dispositions fiscales sont exclusives l'une de l'autre, et les entreprises
viticoles connaissent d'importants problèmes de trésorerie pour la gestion de
leurs stocks.
J'aborderai à présent un thème auquel mes collègues du groupe d'études de la
viticulture de qualité sont particulièrement sensibles ; je veux parler du
débat sur le vin et la santé.
Des études approfondies conduites tant aux Etats-Unis qu'en Europe par
d'éminents chercheurs ont permis de démontrer qu'une consommation régulière et
modérée de vin présente des effets bénéfiques pour la santé, en particulier
pour le système cardiovasculaire.
(Marques d'approbation sur les travées
socialistes.)
M. Bernard Piras.
C'est exact !
M. Serge Mathieu.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, il me semble qu'il faut cesser de
considérer la loi Evin comme un monument historique intangible, dès lors que
son caractère prohibitionniste empêche toute action de promotion et
d'information sur les vins, l'essentiel de la publicité étant réalisé par les
grands groupes alcooliers.
Je me félicite, monsieur le ministre, que vous ayez décidé, dès le mois d'août
dernier, la mise en oeuvre de la distillation préventive à hauteur de 1,5
million d'hectolitres. Je rends également hommage à l'action que vous avez
menée pour reconduire une mesure d'encouragement aux viticulteurs à ne pas
vinifier une partie de leur production au moyen de l'approvisionnement vers des
débouchés « non-vins ».
Cette action, sollicitée par la profession, permet aux viticulteurs dont le
rendement économique est supérieur à 90 hectolitres à l'hectare de livrer,
au-delà de ce rendement, dans la limite de 18 hectolitres à l'hectare, des
volumes de moût pour ces débouchés.
Je note également qu'au cours de la réunion que vous avez tenue avec les
représentants de la profession, le 18 août dernier, vous avez décidé de
poursuivre l'action en faveur de l'allègement des charges supportées par les
viticulteurs engagés dans une politique d'amélioration qualitative et
d'adaptation de leurs vignobles par l'institution d'une aide à l'hectare.
Je me réjouis aussi de la poursuite de l'effort des pouvoirs publics en faveur
de la restructuration du vignoble. Ainsi, pour les plantations réalisées en
1996-1997, le montant des aides à l'hectare a été porté à 24 000 francs, 22 000
francs et 10 000 francs, selon l'organisation de chaque exploitation.
J'évoquerai rapidement les difficultés de mise aux normes au titre des
installations classées qu'éprouvent les petites caves coopératives ou les caves
particulières, qui doivent consacrer à ce projet d'importants investissements
par définition peu rentables.
Enfin, monsieur le ministre, dans la perspective de la préparation de la loi
d'orientation agricole, qui nous sera soumise l'année prochaine, je voudrais
attirer votre attention sur la nécessité de réviser le statut des syndicats
d'appellation, afin de conforter leur mission d'intérêt général, comme l'a
sollicité la confédération des producteurs de vin et eaux-de-vie de vin à
appellation d'origine contrôlée.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous
remercie de votre attention.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'il me
soit permis de dire, en premier lieu, aux orateurs des groupes de droite qui
m'ont précédé à cette tribune que, lorsque je les entends critiquer le budget
de l'actuel ministre, j'ai le sentiment qu'ils critiquent celui de son
prédécesseur. En effet, à mon sens, il n'y a pas encore assez de différence
entre les deux, si ce n'est que ce budget de 1998 est en augmentation par
rapport à celui de 1997.
En second lieu, chacun sait qu'aujourd'hui l'agriculture de la France dépend
essentiellement de ses exportations, en particulier vers l'Europe. Dès lors,
tout discours nationaliste, aurais-je presque envie de dire, de retour vers une
agriculture recroquevillée sur son territoire, conduirait l'agriculture
française à sa perte.
On sait bien que les mesures politiques prises en matière d'agriculture
résultent toujours d'un compromis entre les quinze partenaires et que le
problème est d'avoir la majorité au sein de l'Union européenne. Par conséquent,
il est des effets de manche qui sont un peu faciles !
J'en viens à mon propos proprement dit.
L'agriculture occupe une place prépondérante dans l'espace rural français et
dans l'aménagement du territoire. Avec la forêt, elle en constitue la base
économique. Elle valorise directement près de 80 % à 85 % de la surface du
territoire.
Le poids économique très lourd des diverses filières agricoles d'amont et
d'aval, en termes de richesses produites, fait de la France le partenaire le
plus important de tous les pays membres de l'Union européenne et place
également notre pays parmi les grandes puissances agricoles mondiales.
Ce secteur stratégique de notre économie nationale est un des rares qui laisse
entrevoir un développement de parts de marchés, alors même que le contexte
international est particulièrement concurrentiel et tendu dans ce domaine.
Ce développement de l'économie agricole reste soumis d'abord aux conditions du
marché, mais aussi et surtout aux règles communautaires issues de la PAC -
l'actuelle et la future, qui sortira du « paquet Santer » - et aux accords de
commerce internationaux, GATT et OMC, que les Etats-Unis cherchent encore
aujourd'hui à remettre en cause.
En outre, en réponse aux attentes de la société, les activités agricoles
assurent également l'occupation de l'espace et contribuent de manière
déterminante à l'entretien des espaces naturels et des paysages ruraux.
Or, les activités agricoles sont souvent perçues par l'opinion publique comme
responsables, et parfois injustement, de la détérioration de notre
environnement.
L'agriculture, après avoir produit toujours plus, parfois au détriment de la
qualité, s'oriente désormais, et nécessairement, vers le « produire mieux »,
c'est-à-dire en respectant l'environnement et en élaborant des produits de
qualité irréprochable. L'agriculture répond ainsi aux attentes et aux critiques
de l'opinion publique.
Il est donc aujourd'hui impératif de tenir compte, dans notre projet agricole,
de tous les atouts et de toutes les fonctions de l'agriculture dans sa
globalité, tant sur le plan économique, social et humain que sur celui de
l'emploi, de la qualité des produits, de l'aménagement du territoire, de
l'environnement et du maintien des ressources naturelles.
L'agriculture, l'ensemble de ses activités et le devenir des espaces ruraux se
trouvent ainsi placés aujourd'hui au centre d'un vaste débat de société :
l'examen de la prochaine loi d'orientation agricole, la discussion du projet de
budget pour 1998 et l'étude des propositions contenues dans la nouvelle PAC
offrent l'occasion d'engager ce débat de fond et permettront de réaffirmer une
grande ambition pour notre agriculture.
Dans cette optique, on constate aisément que, à peine en trois décennies, les
relations entre la société et l'agriculture ont profondément changé. Le temps
de l'ordre immuable et éternel des campagnes est aujourd'hui révolu. Il existe
désormais des espaces ruraux diversifiés, les uns dynamiques, les autres en
difficulté, mais toujours en permanente évolution : paysages et niveaux de
population et d'activités sont profondément transformés et continuent à se
modifier.
La mutation en cours des campagnes et des sociétés traduit un véritable
changement de civilisation. C'est une certaine identité française qui est en
crise, et cette crise explique les désarrois de nombreux exploitants,
confrontés au libéralisme économique, aux nouveaux modes de production et aux
rapports sociaux modernes, qui engendrent des risques de fracture au sein de la
société.
Le monde rural évolue et se recompose aujourd'hui dans la difficulté et
l'incertitude. Un changement de fond, une autre approche s'imposent aujourd'hui
de la part tant des professionnels que de l'opinion publique.
J'évoquerai trois aspects : l'installation, maillon essentiel pour pérenniser
l'activité ; l'enseignement agricole ; la prise en compte de l'environnement et
des fonctions nouvelles demandées à l'agriculture.
La politique d'installation demeure le souci constant des responsables
professionnels. C'est la priorité majeure que traduit le projet de budget de
l'agriculture. Il faut faciliter l'installation, dont le coût reste important ;
il faut permettre aux jeunes formés et aux compétences reconnues de maintenir
et de développer des exploitations qui feront la force de notre économie
agricole et assureront l'occupation harmonieuse du territoire.
Or, on constate aujourd'hui que les terres libérées participent
essentiellement, pour plus de 60 %, à l'extension des exploitations existantes.
En tant qu'élus, nous sommes régulièrement interpellés pour que l'on veille à
une meilleure maîtrise de l'attribution des surfaces libérées, des droits à
produire et des primes.
Les pratiques actuelles favorisent les plus riches au détriment des plus
jeunes. Il faut mettre fin à ces dérives et se donner les moyens financiers et
juridiques d'une véritable politique d'installation.
A ce sujet, monsieur le ministre, permettez-moi de signaler les problèmes
auxquels sont confrontés, dans le département du Nord, nos agriculteurs qui
doivent faire face à des reprises excessives de terres par des exploitants
belges. Ces derniers bouleversent totalement le marché foncier par une
augmentation des prix et par une délocalisation des sièges d'exploitation ; en
outre, ils ne respectent pas toujours les prescriptions sanitaires en procédant
à des transferts d'animaux de part et d'autre de la frontière.
Il me semble donc que le montant des reprises doit être mieux encadré, afin
d'atteindre l'objectif affiché de 10 000 installations par an.
Je raccrocherai à cette observation précédente la mesure que vous entendez
prendre pour revaloriser les retraites agricoles. J'espère que la possibilité
offerte à des exploitants agricoles de partir dans de meilleures conditions
jouera au profit des jeunes qui souhaitent s'installer.
J'ajouterai un commentaire. Nous souhaitons tous l'augmentation des retraites
agricoles. Nous l'avons tous promise, mes chers collègues, à gauche comme à
droite, en 1981 et lors de toutes les campagnes présidentielles. Or, j'observe
que pratiquement personne ne l'a fait. Aujourd'hui, le Gouvernement que nous
soutenons propose des mesures qui vont plus loin que celles de M. Vasseur. Cet
effort est significatif, mais il reste, nous l'avons tous dit, globalement
insuffisant.
Il est vrai que, pour concrétiser les promesses électorales, ce sont plus de
40 milliards de francs qui seraient nécessaires. Il convient donc de réfléchir
par quelles mesures financières, dans les années qui viennent, pourrait être
dégagée cette somme pour assurer une retraite égale au trois quarts du SMIC à
l'ensemble des agriculteurs.
On ne peut échapper à cette réalité financière. D'ailleurs, si les
gouvernements précédents de M. Balladur ou de M. Juppé, de même que les
gouvernements de gauche, n'ont pas tenu leurs promesses, c'est bien parce
qu'ils se heurtaient à un obstacle financier majeur.
Je souhaite donc que, tous ensemble, nous oeuvrions pour que, dans les mois et
les années qui viennent, dans un effort de solidarité soit enfin satisfaite
cette revendication légitime.
J'en viens à l'enseignement agricole. D'ailleurs, l'installation et la
formation sont indissociables.
L'enseignement, la formation professionnelle agricole, l'enseignement
supérieur agronomique et vétérinaire font partie de nos priorités. Monsieur le
ministre, je ne peux que m'en réjouir. Ce n'était pas le cas l'an passé avec
votre prédécesseur. Lors de la discussion du projet de budget pour 1997, mon
collègue M. Fernand Tardy s'était fait l'écho des inquiétudes du monde agricole
et des personnels de l'enseignement agricole sur les crédits budgétaires,
notoirement en baisse dans l'enseignement agricole. Nous pouvons être rassurés
aujourd'hui sur vos choix, qui sont différents et qui permettront de soutenir
un enseignement agricole diversifié. Ces choix traduisent la reconnaissance de
cet enseignement agricole qui constitue une originalité remarquable au sein du
monde rural.
Vous avez su répondre aux attentes des familles et des élèves, toujours plus
nombreux, qui apprécient la qualité et le contenu de cet enseignement agricole.
Celui-ci apporte effectivement des compétences et des talents dont l'économie
agricole et alimentaire a besoin dans un monde en pleine mutation.
Les augmentations significatives des crédits dans l'enseignement supérieur,
pour l'enseignement et la formation professionnelle, traduisent bien, monsieur
le ministre, votre souci d'inverser les tendances passées et de redonner toute
sa priorité à l'éducation.
Ces crédits seront examinés dans le détail lors de la discussion du projet de
budget pour 1998. Je ne m'attarderai donc pas davantage.
Je terminerai sur ce point en évoquant la création du fonds social lycéen, qui
permettra à la communauté éducative des lycées de retrouver un équilibre
menacé, quand on sait que 20 % des familles insolvables ne pouvaient plus payer
la demi-pension de leurs enfants.
Notre agriculture est en pleine mutation. Elle doit donc, en amont, proposer
un enseignement agricole qui tienne compte de plus en plus de la
multifonctionnalité qui la caractérise.
Mon souhait est, par conséquent, que l'enseignement agricole devienne plus
largement encore l'enseignement qui prépare au développement des activités
rurales - par exemple, le tourisme - et à la préservation des milieux de vie
dans le monde rural - je pense, notamment, aux métiers liés à l'eau.
Sur le plan de l'environnement, j'évoquerai plusieurs points dont, en premier
lieu, celui qui est relatif à la mise aux normes des bâtiments d'élevage, qui
intéresse les éleveurs, jeunes ou moins jeunes, et à la nécessaire reconquête
de la qualité de l'eau.
La lutte contre la pollution, notamment par les nitrates, doit demeurer une
priorité clairement affichée. Il faut assurer une cohérence avec la loi sur
l'eau, répondre aux exigences du public et respecter la protection de
l'environnement.
Les besoins dans ce domaine sont importants, puisqu'ils sont estimés à plus de
16 milliards de francs par l'INRA. Un effort considérable et soutenu doit donc
être entrepris.
Il faut également veiller à la bonne utilisation des engrais et autres
intrants agricoles en formant mieux et en informant plus. A ce titre, des
actions salutaires de récupération des produits phytosanitaires inutilisés ont
été lancées à l'initiative de la profession dans plusieurs départements. Il
convient d'intensifier et d'étendre cet effort à tout le territoire
national.
La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire a
permis la mise en oeuvre du fonds de gestion de l'espace rural, qui reconnaît
enfin à l'agriculteur son rôle d'entretien. Ces crédits ont permis d'encourager
des actions pertinentes au bénéfice des agriculteurs et de notre environnement.
Cette orientation est bonne ; il nous faut l'amplifier.
De même, les mesures agri-environnementales sont à développer. Une politique
innovante engagée pour un aménagement rural respectueux de l'environnement
offre une opportunité de développement durable, grâce à des méthodes de
production nouvelle qui seront adaptées aux territoires de grand intérêt
naturel.
Il faut aujourd'hui encourager l'extensification là où c'est possible et
souhaitable. La prime à l'herbe reste un bon instrument mais son caractère
incitatif est insuffisant, notamment par rapport à la prime au maïs qui
entraîne la disparition des pâturages par des labours intempestifs.
La prime à l'herbe doit jouer un rôle essentiel dans les bassins d'élevage
bovin et laitier. Il convient de préserver la diversité des modes de production
et de mieux reconnaître la valeur de l'herbe.
Par ailleurs, il faut répondre aux attentes d'une opinion de plus en plus
sensible aux charges et aux appels antiproductivistes. L'opinion publique
réclame une meilleure information sur la qualité et sur l'origine des produits
depuis l'affaire de « la vache folle ». Il faut retrouver la confiance des
consommateurs par la labellisation des produits.
Il convient encore de favoriser le dialogue ville-campagne afin d'éviter toute
fracture sociale et territoriale. Plusieurs initiatives ont déjà été prises en
ce sens par les professionnels de l'agriculture : fermes ouvertes, accueil à la
ferme, restauration, hébergement, fêtes, et animations thématiques. Ces
initiatives doivent être largement encouragées.
Les opérations d'aménagement foncier doivent être de véritables outils
d'aménagement du territoire. Elles sont l'occasion de coordonner des actions
dans un périmètre rural donné. Elles doivent prendre en compte l'ensemble des
activités qui s'y exercent ainsi que les besoins exprimés dans le domaine de la
gestion de l'espace et des paysages.
Dans cet esprit, la politique et les actions mises en oeuvre dans les parcs
naturels régionaux me semblent tout à fait exemplaires ; elles permettent une
étroite collaboration.
En conclusion, monsieur le ministre, il nous faut réaffirmer une grande
ambition pour notre agriculture. Aujourd'hui, l'agriculture française
représente un million de personnes, 730 000 exploitations dont 300 000 ont un
chef d'exploitation âgé de plus de cinquante-cinq ans ; à terme, 500 000
exploitations environ assumeront l'ensemble de l'activité agricole sur notre
territoire.
Or, un emploi en agriculture permet d'en maintenir quatre en milieu rural.
L'agriculture a donc toute sa place dans le débat actuel autour de l'emploi.
Aussi, il nous faut aujourd'hui créer un modèle d'agriculture spécifiquement
européen qui favorise l'initiative individuelle et la solidarité sur tout le
territoire.
L'ensemble de la profession est inquiète face à l'attitude des Etats-Unis, qui
semblent vouloir remettre en cause les accords signés et prônent une
agriculture de marché peu soucieuse des hommes, du territoire et des
produits.
Il faut, à l'échelon international, rester ferme dans l'attente de l'ouverture
des négociations prévues pour 1999 ; il faut empêcher absolument un
démantèlement de nos politiques agricoles et rejeter l'ultralibéralisme
souhaité par les Etats-Unis, dont la logique est inadaptée à notre
agriculture.
Notre agriculture, dans ses structures d'exploitation, doit être fondée sur le
territoire, tenir compte de la diversité des modes de production, privilégier
le développement durable et la qualité des produits.
Nous devons, après ces années de turbulence - crise bovine, crise des fruits
et légumes - retrouver une vision prospective de l'agriculture et ne pas nous
contenter uniquement de décisions d'ordre technique et conjoncturel.
Le projet agricole doit donc être vaste et ambitieux. Il vise à bâtir un
modèle agricole européen qui valorise les atouts de l'agriculture et appréhende
toutes les fonctions dans leur globalité.
Il nous faut une agriculture performante, bien répartie sur tout le
territoire, qui réponde aux aspirations nouvelles de la société en matière de
capacités économiques, de produits, d'environnement, d'emploi, une agriculture
qui soit aussi au service d'une industrie agro-alimentaire sûre, aux
productions de qualité, et qui participe à l'expansion des marchés mondiaux.
Il nous faut une agriculture diversifiée, qui valorise au mieux ses
potentialités, et des hommes bien formés qui participent activement au
développement rural.
Ce projet réaliste doit être porteur d'avenir pour les agriculteurs et pour
notre pays. C'est en oeuvrant pour sa mise en place que le Gouvernement et
votre ministère joueront pleinement leur rôle afin que nous puissions parvenir
à un meilleur équilibre entre les hommes, les produits et les terroirs.
A cette fin, il faut engager durablement notre agriculture vers un modèle
européen propre qui soit le compromis entre une agriculture à la fois
dynamique, active, présente sur les marchés mondiaux, une agriculture au
service d'un territoire et des hommes qui y vivent.
(Applaudissements sur
les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. de Menou.
M. Jacques de Menou.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'heure où
la réforme de la politique agricole commune envisagée par le « paquet Santer »
est en marche, nous sommes tous conscients des enjeux qui attendent
l'agriculture française : il s'agit de la concurrence internationale renforcée,
de l'alignement de nos prix sur ceux du marché mondial et de l'élargissement
des marchés agricoles aux pays de l'Est et aux Etats-Unis.
Nous comptons sur une ferme vigilance du Gouvernement français pour
sauvegarder nos intérêts dans ces négociations à haut risque. J'ai noté avec
intérêt que vous refusiez ce projet, monsieur le ministre, et je m'en
réjouis.
Comment, en effet, ne pas s'inquiéter de l'homogénéité des produits proposés,
quand on sait que les ratios ne tiennent pas compte de la qualité, notamment de
la présence d'hormones dans les viandes ?
Les règlements techniques américains, par exemple, qui sont très différents
des nôtres, autorisent couramment les produits hormonés. Dans ces conditions,
nos produits, qui sont meilleurs et plus sains, souffriront d'un écart des
coûts de production allant de 20 % à 30 % par rapport aux prix de revient
américain et se trouveront ainsi injustement pénalisés !
Comment ne pas s'inquiéter de l'attitude de l'Allemagne, qui révise sa
participation au budget agricole, alourdissant par là même les contraintes
imposées aux Etats membres ?
On le voit, notre agriculture ne manquera pas de souffrir de cette
confrontation permanente à une concurrence mondiale sauvage.
Monsieur le ministre, l'attente du monde agricole est forte, face à cette
échéance capitale pour le devenir de sa compétitivité et le maintien de son
revenu. Il est essentiel de l'écouter et de le rassurer. Mon ami Philippe
François en a déjà longuement parlé ainsi que les autres intervenants. Je
n'insisterai pas sur ce sujet.
Je souhaite maintenant attirer votre attention sur l'avenir de l'élevage hors
sol en Bretagne. Vous connaissez l'importance de cette filière, qui joue un
rôle majeur dans le maintien du tissu rural et qui sous-tend de nombreux
emplois tant en amont qu'en aval ; en particulier dans le Finistère, 40 % de
l'emploi industriel en dépendent.
Cette filière est aujourd'hui à une croisée de chemins, elle est confrontée à
un choix sur des problèmes d'environnement et sa survie en dépend.
En effet, soit l'on décide de réduire la production, avec le cortège de
chômage et de départs qui ne manquerait pas d'en découler, soit l'on s'oriente
vers le traitement des effluents qui permettra de réconcilier une fois pour
toute économie et écologie.
Ce traitement des effluents, qui est vital pour la compétitivité de nos
ateliers face à un marché mondial de plus en plus âpre, doit concerner les
éleveurs les plus importants. Il permettra de libérer des terres pour installer
des jeunes, y compris dans les zones d'excédents structurels, les ZES.
Il faut admettre que les élevages industriels soient traités comme des
industries de pointe. Ainsi, par le passé, nombre d'industries résolument
engagées dans l'adaptation aux contraintes de l'environnement ont été
considérées comme des industries de pointe.
Je souhaite qu'on entre enfin dans un débat industriel, même si cela choque,
et qu'on cesse de montrer du doigt les éleveurs courageux qui se battent pour
répondre à la fois aux exigences de la concurrence et à celles de
l'environnement. Force est en effet de reconnaître que, depuis déjà plusieurs
années, les éleveurs se sont fermement engagés dans l'application des règles
environnementales, témoignant ainsi d'un esprit responsable et solidaire.
Cette volonté de mise en oeuvre du programme de résorption doit être
encouragée. Ne pénalisons pas les efforts des éleveurs en matière écologique
par des sanctions économiques portant atteinte à la bonne marche, voire,
parfois, à la survie des exploitations.
Dans le Finistère, le programme de résorption des déjections animales piétine.
On regrette que l'administration manque de moyens pour instruire les dossiers
déposés, ce qui créée des files d'attente ! Or, la production n'attend pas
!...
Ce dysfonctionnement retarde l'application du programme pour les éleveurs
concernés. En effet, ils ne peuvent pas commencer les travaux avant d'avoir
obtenu l'arrêté de subvention. De plus, les éleveurs qui ont déposé un dossier
ne sont informés que plusieurs mois après des éventuelles modifications à
apporter.
Il faut aussi adopter une relative souplesse dans la régularisation des
élevages en ZES. Le seul constat des effectifs en 1994 n'est, à mes yeux, pas
suffisant.
Depuis cette date, ces producteurs, dont les pratiques sont en perpétuelle
évolution du fait de l'incessant progrès technique, ont nécessairement modifié
la composition de leurs élevages et ce, sans construire un mètre carré de
plus.
Les nouvelles méthodes d'alimentation ont permis de diminuer considérablement
les rejets azotés ; la baisse est de l'ordre de 30 %. C'est un fait dont il
faut tenir compte, d'autant plus que c'est la règle dans tous les
établissements classés.
Il serait donc logique, aujourd'hui, de juger les exploitants sur la réalité
du rejet de leur élevage, qui ne doit pas être supérieur à celui qui était
admis en 1994, au vu des normes appliquées à cette époque. Il faut abandonner
ce comptage dénué de sens, contraire au progrès, et accorder aux éleveurs des
délais compatibles avec la performance de leurs exploitations.
Les éleveurs ne ménagent pas leur peine pour s'adapter. Ainsi, en Bretagne,
les exploitants n'ont pas attendu pour innover et profiter des évolutions
technologiques qui permettent de réduire les pollutions liées aux ateliers
d'élevage intensif. En effet, dans une zone à forte densité d'élevage, la mise
aux normes ne suffit pas si elle n'est pas accompagnée par une généralisation
des traitements.
Je pense à cet égard au procédé sirven d'évaporation du lisier. Les éleveurs
hors sol se sont beaucoup intéressé à ce procédé pour lequel des
investissements de grande ampleur ont été réalisés. Le coût de la recherche de
ce nouveau procédé, qui a déjà la faveur de l'administration, monsieur le
ministre - nous le savons tous - a atteint 65 millions de francs, dont 35
millions de francs ont été payés par les producteurs, je tiens à le
souligner.
Les premiers outils industriels sont en cours de montage. Je suis ainsi en
mesure de vous annoncer qu'en 1998 cinq tours seront installées, et j'espère
que trente le seront en 1999, ce qui permettra de dégager 7 000 hectares de
terres d'épandage. Cette décision, par son coût élevé, de l'ordre de 40
centimes par kilogramme pour les producteurs, ne favorisera certainement pas un
large développement des ateliers.
J'ai moi-même pris l'initiative d'un grand projet d'usine d'incinération de
fientes de volailles destiné à produire de l'électricité. J'ai eu l'occasion de
vous exposer tout l'intérêt qu'il présenterait pour trois départements bretons.
Cette installation permettrait de traiter environ 300 000 tonnes de fiente par
an, ce qui allégerait beaucoup la pression qui pèse sur nos régions.
On le voit, les modes de traitement sont en cours de banalisation, mais le
concours financier des pouvoirs publics nous est indispensable. L'Etat doit
soutenir nos efforts et nos initiatives pour respecter l'environnement, sans
compromettre la compétitivité économique d'un secteur hors sol qui est si
important pour l'emploi.
Dans un autre registre, je souhaite évoquer aussi la dégradation du secteur
des fruits et légumes. Les producteurs, dont les coûts de production sont
structurellement plus élevés que ceux de leurs concurrents du sud de l'Europe,
souffrent encore des dévaluations compétitives pratiquées par l'Espagne et
l'Italie. Ces distorsions de concurrence découragent les exportateurs français
de la filière.
La nouvelle organisation commune des marchés, l'OCM, ne règle pas ce problème,
et elle fait peser sur les organisations de producteurs, les OP, la menace d'un
désengagement de l'Etat. En effet, l'OCM sera financée pour moitié par les
producteurs et pour moitié par l'Europe.
La France a fait siennes les règles minimum de reconnaissance prévues dans le
règlement communautaire. En conséquence, certaines organisations de producteurs
risquent de devenir des groupements fantoches attirés par les programmes
opérationnels et sans règles de conduite.
Cinq sociétaires sont désormais suffisants pour constituer une OP. Auparavant,
l'un des effets de l'OCM était de concentrer l'offre pour répondre à la
concentration de la distribution. Désormais, la reconnaissance d'une OP de cinq
membres ira dans le sens d'une atomisation du marché.
Ce nouveau système, qui fait échouer une concentration si nécessaire, risque
de créer de graves distorsions de concurrence, sans compter que le
développement anarchique des OP va disperser les fonds européens. Avec des
aides européennes plafonnées à 4 % du chiffre d'affaires, il est à craindre que
l'atomisation du marché et les pratiques de concurrence déloyale - vente à prix
sacrifiés et sans factures - ne disparaissent pas.
Eloignés des centres de consommation, les producteurs de légumes bretons ont
très tôt compris la nécessité de s'organiser. Ils se sont dès lors fixé des
règles strictes, ce qui n'est pas le cas de l'ensemble de la production
légumière française ou européenne, qui se caractérise surtout par un manque
d'organisation.
La nouvelle OCM ne sera donc opérationnelle qu'à la condition d'obliger chaque
région de France à s'organiser et à travailler dans la concertation et la
transparence. Pour cela, il faudra être parfaitement rigoureux en matière de
reconnaissance des OP.
Par ailleurs, entre la baisse des retraits et la volonté de réduire le
potentiel de production, on se demande comment il sera possible de préserver
une dynamique économique régionale, à moins de fixer des prix de retrait, étant
donné les distorsions de concurrence dans cette filière.
Monsieur le ministre, j'aimerais que vous puissiez nous apporter quelques
assurances sur l'efficacité de cette nouvelle OCM, qui semble être une mauvaise
nouvelle pour les producteurs européens de fruits et de légumes.
Je précise bien : « européens », car je lisais récemment, dans une revue
allemande, exactement le même constat et la même inquiétude.
On le voit, l'agriculture française, pour s'adapter, doit s'ouvrir de plus en
plus, et donc répondre à sa vocation exportatrice.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, pourquoi amputer de 20 %, soit de
40 millions de francs, la dotation de la SOPEXA, qui est un instrument de
promotion et de valoristion des produits, de soutien à l'exportation, un
instrument indispensable aux PME et aux PMI du secteur agricole ?
Votre choix constitue une erreur stratégique au moment où la concurrence
internationale se fait de plus en plus vive et où la France doit asseoir sa
position de premier exportateur mondial de produits agroalimentaires. Le quart
du chiffre d'affaires global à l'exportation est en effet réalisé par ce
secteur.
Ce choix paradoxal fragilise donc considérablement nos 16 760 entreprises
exportatrices, qui ne peuvent assurer elles-mêmes la charge de leur promotion
sur les marchés externes. Or, à l'heure actuelle, nos cibles sont des pays de
plus en plus lointains.
C'est la présence de ces exploitants sur le marché que vous mettez en jeu.
C'est d'autant plus paradoxal, monsieur le ministre, que les autres pays,
particulièrement les Etats-Unis, se dotent d'outils performants pour conquérir
de nouveaux marchés, comme les y autorisent - si j'ai bien compris - les
accords de Marrakech qui déclarent les aides à la promotion conformes aux
règles du commerce mondial. Voilà un moyen dont nous aurions bien tort de nous
priver !
Avec cette mesure préjudiciable, vous réduisez l'effet de levier de la SOPEXA
et vous portez atteinte à la santé de nos entreprises agricoles.
Certes, vous avez assuré nos collègues de l'Assemblée nationale que des
contrats d'objectifs faisaient l'objet de négociations entre la SOPEXA et votre
ministère. Mais laissez-moi douter, monsieur le ministre, de la réelle liberté
de manoeuvre de la SOPEXA dès lors que ses crédits de fonctionnement ont été
amputés.
L'agriculture française, c'est aussi et surtout des hommes et des femmes
courageux, des acteurs économiques à part entière, dont nous devons respecter
les droits et assurer la protection sociale.
Dans ce domaine, monsieur le ministre, laissez-moi vous faire part de mes
déceptions et de mes inquiétudes, qui reflètent celles de bien des agriculteurs
de mon département.
Tout d'abord, vous avez créé le Fonds d'intervention agricole, le FIA, qui se
substitue au Fonds d'intervention pour le développement industriel local, le
FIDIL, mettant ainsi un terme aux actions en cours ! L'arrêt de la préretraite
représente une réduction de 300 millions de francs par an pendant quatre ans
des crédits d'appui à la politique d'installation.
On se dirige donc vers une préretraite sélective, réservée, si j'ai bien
compris, à quelques cas extrêmes retenus sur des critères économiques
seulement. Mais vous laissez pour compte de nombreux agriculteurs qui, pour des
raisons médicales graves, souhaitent et doivent cesser leur activité. C'est à
la lumière des expériences qui m'entourent, spécialement dans le secteur
légumier, que je vous parle.
Il est essentiel que ces pesonnes puissent, sur des critères de santé,
bénéficier de la préretraite, donc du FIA. On le voit bien, monsieur le
ministre, le revenu de substitution que vous prévoyez d'accorder aux
agriculteurs en difficulté financière ne saurait donc suffire à répondre aux
besoins, parfois aux détresses de nombreuses personnes, qui sont contraintes de
quitter leur activité !
Par ailleurs, le projet de loi d'orientation pour l'agriculture préparé par
votre prédécesseur, M. Philippe Vasseur, prévoyait déjà un dispositif de
revalorisation des plus faibles retraites agricoles dans un souci de justice
sociale.
L'objectif était de relever ces retraites à un niveau comparable aux autres
secteurs économiques pour les chefs d'exploitation, les conjoints et les aides
familiaux. D'autres avant moi y ont fait allusion.
La proposition de loi que le groupe du RPR du Sénat vient de déposer reprend
et développe l'essentiel de ces mesures.
On le voit, monsieur le ministre, la rallonge que vous avez consentie
in
extremis
à l'Assemblée nationale ne suffit pas, qu'on le veuille ou non, à
masquer le recul de votre Gouvernement en matière de retraites agricoles : 680
millions de francs seulement, alors que, depuis 1995, plus de 1 milliard de
francs étaient consacrés chaque année à ces retraites !
Cette année, l'effort supplémentaire n'est que de 680 millions de francs.
Telle est la réalité des chiffres !
(Murmures sur les travées
socialistes.)
Cette « revalorisation » n'est donc que le pâle reflet des mesures courageuses
et ambitieuses engagées par votre prédécesseur. Or, monsieur le ministre, vous
les aviez critiquées à l'époque, les jugeant insuffisantes. Par ailleurs, cette
revalorisation ne permettra pas de régler de manière décente le problème des
retraites des veuves d'agriculteur.
Dans le passé, j'ai eu l'occasion, à de nombreuses reprises, de souligner leur
détresse.
Depuis la loi de modernisation de l'agriculture adoptée en 1995, une levée
progressive de l'interdiction du cumul de leur retraite et de la pension de
réversion de leur époux décédé, a pu être obtenue. Elle ne concerne
malheureusement que les personnes devenues veuves depuis le 1er janvier 1995.
Il nous paraît indispensable d'étendre cette mesure à toutes les veuves,
auxquelles nous devons, avec le monde agricole, beaucoup de reconnaissance.
Enfin, je voudrais évoquer le problème des conjoints d'exploitants, qui
souhaitent être reconnus comme co-exploitants à part entière et bénéficier d'un
partage des droits à la retraite.
Le conjoint devenu coexploitant est contraint de cumuler sa cotisation
forfaitaire avec la cotisation du chef d'exploitation. Il paraît incohérent
d'imposer à deux reprises les conjoints sur un même revenu. Un partage du
revenu global devrait justifier les cotisations de retraite de l'un et de
l'autre.
Des jugements contradictoires des cours d'appel d'Angers et de Paris ne
permettent pas de dégager une jurisprudence claire sur ce point. Or il faut
trancher, car le système imposé par la Mutualité sociale agricole pénalise des
conjoints et aboutit à une double taxation de la MSA sur le même revenu.
Le groupe du RPR du Sénat a déposé une proposition de loi dont un chapitre est
consacré à la modernisation du statut du conjoint d'exploitant agricole.
L'objectif est d'améliorer et de clarifier les droits des conjoints en matière
d'assurance vieillesse.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous preniez acte de nos
propositions.
En conclusion, force est de constater le décalage qui existe entre les effets
d'annonce et les réalités comptables des décisions de votre ministère.
Pourtant, l'agriculture française, si performante par son économie et ses
hommes, mérite une réelle ambition, rendue nécessaire à l'horizon des échéances
qui internationalisent les marchés agricoles. Je suis persuadé, monsieur le
ministre, que vous y serez attentif.
Nous espérons que vous avez entendu notre message, qui est celui de l'ensemble
d'un monde agricole inquiet.
M. Bourges, président du conseil régional de Bretagne, qui ne peut être
présent aujourd'hui, m'a chargé de vous dire qu'il s'associait à ma démarche et
à mes propos. Comme moi, il attend avec beaucoup d'intérêt vos réponses.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon.
Monsieur le ministre, un débat agricole au moment où vous allez sous peu nous
présenter votre projet de budget ne peut que nous satisfaire. L'agriculture
tangue au milieu de la tempête économique, et c'est notre devoir de nous
préoccuper de son sort.
Bien sûr, les situations sont diverses, et il vaut mieux parler des
agricultures que de l'agriculture, tant les différences sont grandes entre les
éleveurs, les céréaliers, les maraîchers, les arboriculteurs, les viticulteurs,
et j'en oublie sûrement.
D'une façon générale, les prix sont de plus en plus discutés, voire compressés
par un système de distribution que l'on dit le plus moderne du monde, mais
aussi le plus concentré, le plus exigeant et le plus draconien, système qui
impose aux producteurs toujours plus de sacrifices.
L'économie de marché, qui est maintenant la règle, mérite que l'on nuance le
jugement laudatif que certains portent sur elle. C'est toujours l'acte de
production qui est sacrifié. La mondialisation, c'est-à-dire la perméabilité
des frontières, et la facilité de franchir les distances font que nos
producteurs agricoles, ou industriels d'ailleurs, français ou européens,
enfermés dans un corset de réglementations, d'exigences et de prélèvements,
sont ligotés face à des concurrents lointains qui donnent des rémunérations
insignifiantes et qui n'ont aucune contrainte sociale, salariale ou fiscale
!
Nous participons tous, ou presque, à des missions parlementaires dans des pays
lointains, où nous constatons que l'esclavage, le travail des enfants et bien
d'autres horreurs n'appartiennent pas au passé.
Monsieur le ministre, vous me répondrez que ce n'est pas le sujet
d'aujourd'hui. Hélas ! si. Et nous sommes quelques-uns à penser que notre
économie souffre beaucoup de cette situation. Bien sûr, je ne vous demande pas
de rétablir le protectionnisme, mais il est quand même des mesures à prendre,
comme les Japonais et les Américains savent bien le faire, pour corriger un
état de fait qui nous mène tout droit à la catastrophe.
C'est un appel que nous lançons, depuis des années, aux majorités et aux
pouvoirs successifs qui sont aux commandes de notre pays, toujours avec le même
insuccès.
Parlons maintenant agriculture.
Nous examinerons dans quelques jours votre projet de budget, monsieur le
ministre. Je me contenterai donc d'évoquer aujourd'hui deux importants dossiers
relevant de votre compétence : la future loi d'orientation et la réforme de la
PAC. Vous en aurez beaucoup entendu parler aujourd'hui !
La loi d'orientation des années soixante a accompagné une période de
modernisation et d'augmentation de la production, dont les acteurs peuvent, je
crois, être fiers ! Bien nourrir les Français, et pour un coût intéressant,
exporter des produits, participer régulièrement à la bonne santé de la balance
commerciale : voilà le résultat des Trente Glorieuses.
Certains prétendent avec emphase qu'en quarante ou cinquante ans l'agriculture
est passée du xviiie au xxie siècle. Je n'aurai pas cette prétention !
Il en est résulté une transformation profonde des modes de vie, avec
l'apparition de difficultés nouvelles que nous avons déjà évoquées en parlant
de la mondialisation.
Les futures lois devront tenir compte de données nouvelles, notamment de
l'intégration de la vie de la profession au milieu d'un territoire dont elle
est l'élément fondamental. Elles devront également permettre un développement
durable - l'expression est très utilisée, mais je ne sais pas exactement ce
qu'elle recouvre - de l'agriculture, qui devra vivre de sa production,
c'est-à-dire de la vente de ses produits, sans l'assistance, si possible, que
nous connaissons.
Les points importants de cette loi devront porter sur la formation,
l'installation, le financement, les retraites, la solidité et la sécurité des
marchés, à l'intérieur comme à l'extérieur. C'est un vaste programme qui, je
crois, nous occupera beaucoup au cours des mois à venir. Il est nécessaire,
pour prévoir l'avenir d'une profession à caractère économique, de mettre fin à
cette perpétuelle assistance. Nous constatons que le prix d'origine du produit
est ridicule par rapport au prix final dans le secteur de l'alimentation.
On parle beaucoup d'aménagement du territoire. C'est un sujet qui a été
longuement débattu dans cette maison. Si l'agriculture ne peut, à elle seule,
aménager ou occuper un territoire, un territoire ne peut être aménagé sans une
agriculture prospère et dynamique.
(M. Machet applaudit.)
Il suffit de
traverser la France pour constater combien la désertification, qui, hélas ! est
bien réelle pour un tiers du pays, s'accompagne de terres en friches.
M. Aubert Garcia.
Eh oui !
M. Jean Huchon.
Je souhaite que la future loi, fruit d'une longue étude de vos services et de
ceux qui vous ont précédé, et d'une large concertation avec la profession,
prenne en compte tous les paramètres qui constituent le développement rural.
Je ne peux que reprendre une phrase de vos propos qui résume parfaitement ce
qui doit être une bonne politique : « Notre politique agricole doit permettre
aux agriculteurs de répondre aux demandes multiples dont ils sont l'objet, en
étant rétribués pour les réponses qu'ils apportent à ces multiples attentes.
»
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Roland du Luart.
Nous l'espérons !
M. Jean Huchon.
Au cours des prochains mois, nous aurons, je l'espère, à travailler avec vous
sur ce texte attendu. Je suis sûr que le Sénat ne manquera pas de participer à
son enrichissement.
La future loi d'orientation agricole devra s'accorder avec ce qu'il est
convenu d'appeler le « paquet Santer » - quel triste terme ! - c'est-à-dire la
réforme de la politique agricole commune, réforme qui paraît nécessaire car,
dit-on, celle de 1992 n'a pas atteint ses objectifs.
Je dois vous avouer, monsieur le ministre, que la lecture des premiers textes
en provenance de Bruxelles a été, pour nous, une gifle brûlante. Vous avez
reconnu vous-même que cette réforme était inacceptable. C'est le moins que l'on
puisse dire ! J'imagine le cynisme de ceux qui ont rédigé le texte : aucun
objectif, aucun idéal, mais tout simplement un lent processus de
destruction.
Où est l'esprit du traité de Rome ?
Où est la préférence communautaire ?
Où est le souci de l'agriculture dans l'environnement ?
Où est la défense de l'emploi ?
M. Jacques Machet.
Très loin !
M. Jean Huchon.
On ne veut plus défendre les prix et on laisse le marché s'approcher
inéluctablement des prix mondiaux qui, comme chacun le sait, ne reposent sur
aucune réalité économique et ne sont que le constat d'un
dumping
permanent !
Monsieur le ministre, nous soutenons votre refus du « paquet Santer », et nous
sommes nombreux à penser que la mise en application de ce « paquet Santer »
serait, à très court terme, à l'origine de la faillite des trois quarts de nos
exploitations ! Certains technocrates, dits sérieux, même s'ils sont parisiens,
n'hésitent pas à trouver normal que l'effectif de nos 700 000 à 750 000
exploitations passe rapidement à moins de 200 000 ! Nous ne voulons pas cela
!
Nous ne pouvons souscrire à un tel massacre ! Nous comptons sur votre
détermination, au cours des négociations qui vont se dérouler ces prochaines
semaines et ces prochains mois, pour garder une agriculture humaine, occupant
un territoire propre et vivant.
Par ailleurs, l'expérience qui est la nôtre nous incite à craindre que cette
baisse généralisée des prix à la production ne soit pas répercutée vers les
consommateurs ! En témoigne l'expérience brûlante de « la vache folle », en
1996 : la chute des prix à la production, qui a été énorme, ne s'est jamais
répercutée à l'étal de la boucherie ! Cela explique que les grands organismes
traiteurs de viande ont tous présenté des bilans très positifs à la fin de
1996. On comprend maintenant pourquoi !
Baisse des prix, compensations promises, mais sans certitude précise, l'esprit
général de cette réforme est à revoir en totalité, d'autant plus que l'examen
des textes laisse apparaître des failles et des incohérences que les quelques
minutes qui me sont imparties ne me permettent pas de traiter.
J'évoquerai néanmoins le secteur des oléagineux, où les incohérences sont
aussi très nombreuses : prix en baisse, soutien conditionnel et très différent
de ce qui s'est passé de 1991 à 1992 en raison de l'opération de découplage de
la production et de la surface, modulation des aides par application du
principe de subsidiarité, c'est-à-dire qu'on laisse aux Etats la maîtrise du
soutien... Tout cela est très loin d'une vraie politique européenne !
L'opinion générale est d'ailleurs que le « paquet Santer », tel qu'il est
présenté, est satisfaisant pour l'économie mondiale, spécialement pour les
Etats-Unis, mais, bien sûr, inacceptable pour la plus grande partie des
Européens.
Monsieur le ministre, nous comptons sur votre pugnacité pour rendre,
in
fine
, ce dossier, infâme pour l'instant, conforme aux intérêts de la
France.
Mes propos concernent les grandes productions : céréales, viandes, lait. Mais
l'agriculture française est très polyvalente. Ma responsabilité de président du
groupe Fruits et légumes au Sénat m'incite à ne pas laisser l'exclusivité de ce
sujet à M. le président François-Poncet, à mon collègue M. Minetti et à mon ami
M. de Menou.
Il s'agit d'une spécificité très importante de notre agriculture. Le Sénat, au
cours des dernières années, a publié plusieurs rapports sur cette question.
L'Europe a mis en place une nouvelle OMC qui fonctionne théoriquement depuis
cette année. Qu'en est-il des programmes opérationnels ?
Le secteur fruits et légumes, peu consommateur de crédits publics, est
important. Il est un facteur d'aménagement du territoire et d'emploi. Il
demande bien sûr un peu de discipline à ses producteurs, qui quelquefois en
manquent, mais l'Etat doit être un élément incitateur et régulateur. Nous ne
pouvons nous permettre d'importer des produits dont nous n'avons pas besoin.
La commission des affaires économiques du Sénat va, au cours des prochaines
semaines, mener une action auprès de nos amis espagnols pour que les relations
commerciales entre nos deux pays s'améliorent. Chaque année, les incidents
regrettables qui se produisent ternissent le climat de confiance. Il faut donc
que cessent ces incidents routiers provoqués par l'arrivée d'importations qui
surchargent le marché et font s'écrouler les cours. Nous espérons assumer notre
part dans la solution de ces difficultés, et nous comptons sur vous, monsieur
le ministre, pour que la réforme de la PAC ne soit pas le tombeau de
l'agriculture française !
(Applaudissements.)
M. Roland du Luart.
Discours très consensuel !
M. le président.
La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est au nom
d'une centaine de mes collègues, membres du groupe sénatorial de l'élevage, que
je m'exprimerai à cette tribune, dans ce débat d'orientation de politique
agricole.
En premier lieu, je ne peux manquer d'évoquer le rebondissement de la crise de
l'épizootie d'encéphalopathie spongiforme bovine. Notre groupe d'études avait
consacré au printemps dernier un dîner-débat qui permettait d'espérer un
certain apaisement de cette crise. Hélas ! depuis lors, plusieurs événements
sont venus confirmer que nous ne sommes pas sortis de cette grave situation.
Tout d'abord, les trafics illicites de viandes et d'animaux britanniques qui
ont été décelés ces dernières semaines relancent la suspicion des consommateurs
sur la viande bovine.
Par ailleurs, la transmission de l'ESB à l'homme, sous la forme de la maladie
de Creutzfeld-Jakob, ne manque pas d'inquiéter, surtout si l'on se réfère aux
prévisions, atterrantes par leur imprécision, sur le développement de la
maladie, prévisions qui varient de quelques dizaines de cas à plusieurs
milliers au cours des dix prochaines années.
Enfin, un troisième cas d'ESB a été récemment détecté dans le Calvados, ce qui
montre que l'épizootie n'est pas pleinement éradiquée.
Certes, on a pu constater une reprise de la consommation, mais elle est tout
de même inférieure de 10 % par rapport au niveau qui précédait la crise.
Toutefois, les cours des bovins sont relativement bas, en particulier pour les
vaches de réforme et les jeunes bovins. Or, dans le même temps, les autorités
communautaires ont diminué le recours à l'intervention. La Commission
européenne a décidé l'exclusion des abats à risque à compter du 1er janvier
1998 ; il s'agit, bien sûr, d'une mesure de précaution, mais elle compromet
gravement la valorisation du cinquième quartier.
On ne saurait manquer d'évoquer les problèmes du financement de l'équarrissage
et de l'incinération des déchets animaux.
La crise aura eu au moins une conséquence heureuse, celle de favoriser la
traçabilité de la viande avec la mise en place d'un étiquetage informatif
détaillé.
Enfin, je n'aurai garde de passer sous silence l'importante contribution de
nos collègues, en particulier celle de M. Charles Descours, qui a déposé une
proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à renforcer la sécurité
sanitaire.
J'en viens, monsieur le ministre, au projet de réforme de la politique
agricole commune présentée par la Commission de l'Union européenne sous le
vocable « Agenda 2000 ». Les discussions du Comité spécial agricole sur le
projet de la commission pour la viande bovine ont fait ressortir les profondes
divergences entre les tenants de l'extensification de la production et les
Etats qui mettent en cause le caractère partiel envisagé, la baisse du prix de
soutien, qui serait à terme de l'ordre de 30 %. Le débat porte également sur
les critères de densité, qui sont actuellement, pour la prime aux bovins mâles,
de quatre-vingt-dix animaux par exploitation et de deux UGB - deux unités de
gros bétail - par hectare.
Neuf de nos partenaires sont favorables à la réforme, le Royaume-Uni proposant
une diminution de 35 % des prix garantis à l'échéance 2000 ou 2002.
La France, pour sa part, demande une étude d'impact des propositions de la
Commission, et je vous rejoins, monsieur le ministre, lorsque vous estimez que
les prévisions d'exportations présentées par les autorités européennes sont
trop optimistes. Peut-on réellement compter sur une compensation à 80 % par une
augmentation graduelle des primes à la vache allaitante et aux bovins mâles,
complétée par une prime à la vache laitière ? Ces mesures permettront-elles de
développer l'extensification de la production et la suppression de l'aide au
maïs ensilage ? Je ne le crois pas. Il y a une vraie interrogation sur l'avenir
du cheptel allaitant. Nous savons que les propositions de l'Agenda 2000
conduiraient à une nouvelle répartition du soutien direct. Celle-ci, en l'état
des propositions, serait défavorable au cheptel allaitant français et nous
pénaliserait donc au premier chef, alors que nous avons le premier troupeau
allaitant d'Europe.
Cela aboutit à réduire la part du budget destinée aux primes à la vache
allaitante et aux compléments extensifs. Cela a également pour répercussion une
réduction relative de la place de la France dans le budget de l'organisation
commune du marché de la viande bovine, et ce au profit de l'Allemagne.
Le soutien direct par les aides de l'OCM viande bovine est réorienté vers
l'engraissement des mâles, qu'ils soient laitiers ou allaitants.
L'engraissement des femelles ainsi que l'activité de naissage sont donc
pénalisés et le complément extensif marginalisé. Voilà qui me paraît très
grave, monsieur le ministre.
Tout d'abord, cela démontre une méconnaissance technocratique, car si l'on
pénalise les naisseurs, on fragilise bien évidemment les engraisseurs, à moins
d'importer. Or c'est notre élevage qui doit subsister. Je considère que
l'élevage extensif a sa raison d'être dans le domaine environnemental et même
dans le domaine écologique. J'ose espérer qu'au sein du Gouvernement vous
recevrez le soutien de Mme Voynet, car si nous voulons éviter une pollution par
les nitrates, soutenons la prime à l'herbe et l'élevage extensif !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, ainsi que
sur les travées socialistes.)
Je partage également votre point de vue, monsieur le ministre, lorsque
vous estimez que le stockage privé n'est pas adapté au secteur bovin. Il me
semble que le projet, présenté par M. Jacques Santer, de développer les
exportations en abaissant les prix risque de sacrifier des pans entiers de la
filière bovine. Vous ne pouvez pas, nous ne devons pas laisser faire, et le
Sénat comme l'Assemblée nationale doivent être solidaires du Gouvernement pour
protester avant qu'il ne soit trop tard contre la procédure dans laquelle on
veut nous engager.
Je reprends totalement à mon compte les propos de M. Pierre Chevalier,
président du conseil de direction d'OFIVAL, lorsqu'il s'interroge sur les
assurances de stabilité du marché en l'absence de mesures de maîtrise et sans
l'intervention publique. Quel effet sur le revenu et le nombre des
exploitations auront les propositions de compensations à caractère partiel,
particulièrement pénalisantes pour l'activité de naissage et d'engraissement de
ces vaches allaitantes ?
En ce qui concerne l'Agenda 2000, j'ai pris connaissance avec intérêt des
déclarations du directeur général de l'agriculture de la Commission de
Bruxelles, qui a expliqué que le calcul des droits pour la prime à la vache
laitière de 145 écus par tête serait ajusté selon le rendement laitier de
chaque Etat membre en divisant le quota national par le rendement moyen
communautaire.
Je souscris pleinement, monsieur le ministre, aux propositions de la
profession laitière tendant à instituer un double prix du lait ; un prix
garanti et un prix déterminé par les cours mondiaux afin de conquérir de
nouveaux marchés, notamment dans les pays émergents d'Asie, mais à la condition
de redonner plus de souplesse à nos producteurs quant aux possibilités de
production.
Sur le problème de la production des veaux, la France est relativement isolée
parmi ses partenaires européens. Là encore, monsieur le ministre, je partage
votre point de vue concernant la nécessité de mettre un terme à la prime à la
mise précoce sur le marché selon le poids des carcasses et à la prime à
l'abattage des nouveaux-nés.
Comme vous l'avez parfaitement exprimé, lors du conseil agricole des 20 et 21
octobre, « nous sommes en train de ruiner l'équilibre du marché déjà fragile et
avec lui l'équilibre du marché de la viande bovine et du lait ». Quant à la
prime à la commercialisation précoce, elle est en effet inéquitable ; elle
n'entre pas dans la vocation d'une aide communautaire en vue de la
redistribution de la production entre les Etats membres.
Sans anticiper sur le débat que nous aurons dans quelques semaines sur le
projet de budget de votre ministère, je constate que celui-ci est en
quasi-stagnation, avec une augmentation limitée à 1,22 %. Je note toutefois
l'effort qui a été accompli en faveur de la revalorisation des retraites
agricoles, qui ont bénéficié d'une dotation de 500 millions de francs, abondée
par un prélèvement sur le BAPSA de 180 millions de francs.
Sans faire de polémique, je noterai que, dans les deux années précédentes, la
revalorisation avait été plus importante. Mais ce qui compte, c'est le cumul et
que l'on continue à avancer dans la bonne voie.
Il est clair que nombre de retraites agricoles, en particulier nombre de
pensions de réversion, se trouvent à un niveau indigne de notre société,
s'agissant d'anciens travailleurs qui ont commencé leur vie professionnelle dès
l'adolescence. Il faudrait en la matière se donner pour objectif de rapprocher
le montant des retraites agricoles de celui du SMIC.
Je sais - M. Paul Raoult l'a dit tout à l'heure - que cette dépense pèserait
très lourd sur le plan budgétaire. Mais les gouvernements successifs ont bien
trouvé de l'argent pour les fonctionnaires ! Ils ont beaucoup plus de mal à en
dégager pour la revalorisation des retraites agricoles.
(MM. Machet et
Huchon applaudissent.)
Alors, essayons de trouver les moyens de faire en sorte que cette page de
notre histoire, qui n'est pas glorieuse, soit tournée. Nous avons des
responsabilités collectives, mais nous nous devons de revaloriser nos retraites
et surtout les pensions de réversion.
Je salue, monsieur le ministre, la priorité que vous avez donnée à
l'installation des jeunes, dont la dotation budgétaire atteint 1 milliard de
francs. Je me réjouis également que le fonds de gestion pour l'espace, le FGER,
ait été doté de 140 millions de francs.
Enfin, je vous donne acte de l'effort consenti dans le domaine de
l'enseignement agricole, tant public que privé, où l'on constate quelques
créations d'emplois.
Dans quelques mois, monsieur le ministre, vous nous présenterez le projet de
loi d'orientation agricole ; permettez-moi tout de même de m'étonner que vous
n'ayez pas repris le texte préparé par votre prédécesseur, qui avait donné lieu
à une large concertation entre votre ministère et les organisations
professionnelles.
Il me semble qu'il y aura lieu dans ce texte de renforcer l'organisation
économique de l'agriculture sur la base des filières et d'intensifier l'effort
en faveur de la qualité des produits et de leurs propriétés sanitaires.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais,
dans le cadre de cette intervention, évoquer les thèmes de la production, du
marché, des organisations communes des marchés, les OCM, de l'organisation à la
base des producteurs, de l'industrie agroalimentaire et de la valorisation de
la qualité des produits.
La production agricole est confrontée à une difficulté d'adaptation d'un
marché toujours plus segmenté. Il existe, notamment, une contradiction entre la
demande faite aux agriculteurs de fournir des produits alimentaires de plus en
plus standardisés et une nécessité parallèle d'individualiser les produits,
d'accentuer leur authenticité.
Que faut-il produire donc, et pour le vendre à qui ?
Au-delà de la réflexion stratégique et prospective qu'ils mènent, les
exploitants agricoles français doivent se révéler toujours plus tacticiens pour
trouver lors de chaque campagne le débouché le plus fructueux pour leur
production. Cette réalité remet en cause l'économie sociale qui régit depuis
cinquante ans l'organisation des producteurs.
On ne peut déplorer que chaque agriculteur de notre pays se soit mué en un
opérateur économique comme les autres, au même titre qu'un artisan ou un
commerçant par exemple. C'est l'une des conséquences d'une démarche collective
extrêmement positive, laquelle s'est exprimée aussi à travers l'essor et les
réussites de l'enseignement agricole - cela a été souligné. Il s'agit d'un
mouvement depuis longtemps irréversible, qui a largement profité au revenu de
la plupart des exploitants. La croissance formidable a suivi le développement
des marchés et leur concentration. En contrepartie, elle s'est bien souvent
accompagnée d'une perte de la maîtrise qu'avaient les agriculteurs de leurs
marchés.
Le défaut actuel de maîtrise des filières est l'une des causes de la plupart
des crises de surproduction ou, plus exactement, de l'inadéquation de l'offre à
la demande que l'on a pu observer ces dernières années, notamment dans les
secteurs des fruits et légumes ou de la viande bovine. Ce problème touche
autant les productions fortement contingentées que les productions librement
concurrentielles.
La qualité des produits que sanctionnent les signes de qualité - labels,
appellations d'origine... - peut être une réponse efficace à ce problème de
contrôle du produit fini. Encore faut-il qu'on associe les producteurs à la
définition de ces signes et que l'on prenne en compte leur effort primordial de
qualité. Encore faut-il leur accorder une part de la plus-value économique
correspondant à leur effort. La gestion rigoureuse des signes de qualité et
leur réappropriation par les agriculteurs, comme ils l'ont fait avec les AOC,
leur permettra, entre autres, de retrouver l'initiative perdue dans
l'élaboration et la mise en marché de leur production.
Mais cela ne sera pas suffisant. Il faudra aussi que l'Europe garantisse, à
travers la réforme des organisations communes de marché, la pérennité d'un
modèle agricole qui affirme les principes suivants.
Premièrement, l'ensemble des systèmes de production agricoles, intensifs ou
extensifs, doivent avoir leur place et doivent pouvoir s'épanouir sur la
totalité des territoires français et européen.
Deuxièmement, la présence de l'activité agricole doit être la clé de voûte du
maintien en vie de très larges pans de notre territoire, et cette activité
agricole ne doit pas avoir pour unique fonction de produire des biens
alimentaires.
Troisièmement, les agriculteurs présents dans les zones les plus fragiles
économiquement doivent être confortés dans leur rôle économique à travers la
fonction de production.
Enfin, quatrièmement, les produits agricoles et les aliments ne sont pas des
produits comme les autres. Ils sont dépositaires non seulement d'un patrimoine
irremplaçable, mais encore d'enjeux vitaux pour notre indépendance, notre
capacité à exporter vers les pays tiers et pour accompagner le développement
des pays du Sud.
L'organisation économique des producteurs est l'un des éléments fondamentaux
du développement durable de l'agriculture française. Les coopératives et autres
groupements doivent-ils devenir de simples outils économiques de mise en marché
ou bien doivent-ils conserver leur caractère initial d'organisation des
agriculteurs d'un territoire donné ? On peut penser qua la nécessaire
restructuration qui s'opère n'est pas l'unique réponse possible au besoin de
dynamisation des coopératives. Rapprochons l'organisation économique des
territoires, mais aussi redonnons aux producteurs un rôle central dans le choix
des stratégies de leurs coopératives afin de redéfinir le rôle de ces
organisations envers l'aval des filières agroalimentaires.
Il conviendrait donc d'appuyer plus sélectivement les mouvements coopératifs
qui reverront dans ce sens leur système de fonctionnement, selon des modalités
souples. Une réforme de la prime d'orientation agricole pourrait prendre en
compte cette volonté politique. Je sais que le Gouvernement a décidé de
réserver la quasi-totalité des aides nationales aux dossiers pouvant bénécicier
de ces aides européennes, pour des raisons d'efficacité aisément
compréhensibles.
Il est essentiel que nous conservions l'initiative dans ce domaine vital pour
le dynamisme de nos entreprises agroalimentaires, singulièrement pour ce qui
concerne les coopératives en les accompagnant le plus possible dans leur
recherche d'accords avec l'aval, quand cette recherche émane de l'organisation
des producteurs elle-même, et non l'inverse.
Cela passera par un développement de la contractualisation entre l'amont et
l'aval, par un raccourcissement des schémas d'acheminement de la matière
première jusqu'au produit transformé et distribué.
Le danger provient du fait que cette démarche est actuellement contrôlée par
l'aval, en particulier par la grande distribution, tout simplement parce
qu'elle est plus concentrée que les organisations de producteurs. Sa capacité
d'initiative est donc plus forte.
La mise en marché de masse des produits ne profite ni à la qualité ni, en
termes de prix, au consommateur. La rémunération du producteur peut bien
descendre à des niveaux dangereusement faibles, la marge que s'octroie la
grande distribution peut bien être réduite drastiquement, le coût global de
l'alimentation dans le panier du consommateur ne baisse pas, bien au contraire.
Il y a manifestement quelque chose à revoir d'urgence du côté du parcours
intermédiaire des produits.
L'industrie agroalimentaire est la première industrie en France par son
chiffre d'affaires, qui atteint 735 milliards de francs, et sa présence à
l'exportation, qui en fait le premier facteur du solde excédentaire de notre
balance commerciale.
Par ailleurs, la part relative des produits transformés dans nos exportations
agroalimentaires augmente chaque année en valeur absolue comme en pourcentage.
Cela veut dire plus de valeur ajoutée et plus d'emplois.
L'exportation est donc une nécessité absolue pour notre agriculture. Elle
compense la faible progression de la consommation alimentaire dans un marché
intérieur arrivé à saturation. Or nous ne parviendrons à développer nos
exportations de produits agroalimentaires que par le biais des produits
transformés. Cela renforce l'impératif, pour les paysans français, de reprendre
le contrôle de leurs produits en aval.
Par ailleurs, nous savons que peu de choses peuvent être faites dans le cadre
de la réforme en cours des organisations communes de marché. L'objectif visé
par la Commission européenne est le même qu'en 1992 : d'une part, réduire les
dépenses consacrées au soutien de l'agriculture - surtout en prévision de
l'élargissement de l'Union - et, d'autre part, mettre en place les conditions
qui permettront de renégocier les accords commerciaux multilatéraux de
l'Organisation mondiale du commerce.
Quelles possibilités s'offrent pour agir en faveur de l'exportation de nos
produits agroalimentaires ?
Il s'agit, d'abord, du renforcement de la compétitivité de notre agriculture
par un soutien apporté à notre recherche et par la mise en cohérence des
dépenses publiques, qui sont aujourd'hui disséminées et exposées à des
réductions de crédit.
Ensuite, l'aide de l'Etat à l'exportation doit soutenir la promotion de nos
produits agroalimentaires sur les marchés étrangers.
Enfin et surtout, il faut encourager les signes de qualité. J'ai dit notre
satisfaction de voir cette préoccupation guider le travail préparatoire à
l'élaboration de la future loi d'orientation agricole.
Ces trois éléments, la recherche, la promotion, les signes de qualité, doivent
être au coeur du dispositif français d'amélioration de l'accès aux marchés
tiers.
Je constate avec plaisir que plus du quart des implantations se font en milieu
rural. Il y a là un mouvement spontané que nous devons encourager et renforcer,
là encore de manière sélective, pour fixer la valeur ajoutée dans les régions
de production. Les contrats de plan et la future PAC devront soutenir
l'investissement des industries agroalimentaires dans les zones de production.
C'est fondamental, car le terrain nous enseigne combien il est mortifère pour
une activité agricole de perdre ses outils de transformation ; je le constate
régulièrement, dans mon département, avec la disparition des abattoirs.
L'argument tendant à affirmer la nécessité de cette folle concentration ne
résiste pas aux perspectives de réglementation européenne en matière de
bien-être animal. Des contraintes vont être introduites, qui rendront toujours
plus désavantageux, sur le plan économique, l'éloignement des abattoirs des
lieux de production, d'autant que la traçabilité des carcasses est bien plus
facile à vérifier que celle des animaux sur pied.
Il en est de l'industrie agroalimentaire comme de la coopération ou du soutien
public à l'exportation : aucun résultat satisfaisant ne saurait être obtenu
sans une réappropriation préalable par les producteurs de leurs outils de mise
en marché.
L'analyse de cette situation est d'ailleurs très éclairante à l'égard de notre
débat d'aujourd'hui. A l'une des extrémités de la filière se trouvent les
producteurs et leurs représentants au sein des chambres d'agriculture ; à
l'autre extrémité, les distributeurs : bouchers traditionnels ou grande
distribution. Ce sont ces deux extrémités de la filière qui ont joué le rôle
moteur dans l'établissement de la traçabilité, et les échelons intermédiaires
ont suivi.
Que se passe-t-il maintenant, un an et demi après le début de la crise de
l'encéphalopathie spongiforme bovine ? Les distributeurs ont pris le pli d'une
information plus complète auprès des consommateurs, et la mise en place de la
réglementation sur l'étiquetage a conforté leur démarche plus qu'elle ne l'a
contrainte.
Ces mêmes distributeurs ont, à vrai dire, accru leur emprise sur la filière.
Les éleveurs, pour leur part, ont engagé un important effort, dont on leur
explique en général qu'ils ne doivent pas attendre de retombées économiques
autres que la possibilité de continuer à écouler leur production. Les acheteurs
ne peuvent leur garantir de prix, pas plus qu'ils ne peuvent assurer des
apports réguliers aux abattoirs. La restructuration de la filière viande n'a
pas profité aux éleveurs.
On m'objectera que le cas de la viande bovine, comme celui des fruits et
légumes, est extrême, de par la très forte dispersion de la filière. Mais la
filière porcine, la filière avicole, qui sont très intégrées, et, plus encore,
la filière des céréales souffrent d'un même dessaisissement des agriculteurs du
pouvoir décisionnel.
On en arrive au paradoxe qui voit des exploitants agricoles de mieux en mieux
formés et toujours plus aguerris à la gestion économique, commerciale et
financière de leur exploitation perdre parallèlement, et de plus en plus, la
maîtrise des choix de production conditionnant l'avenir de leur activité.
Le développement durable ne s'accommode pas de tactiques à court terme dictées
par l'opportunité, c'est-à-dire le souci de profiter d'une aide européenne, ou
par la crainte de ne pas atteindre la masse critique qu'imposerait le marché.
On veut aider les agriculteurs soucieux de se réapproprier la mise en marché de
leurs produits parce qu'on veut les aider à assumer à nouveau pleinement leur
responsabilité de chef d'entreprise.
Il ne s'agit pas d'opposer deux modèles d'agriculture, l'une productiviste et
l'autre chargée seulement d'occuper le territoire. Il est important de
percevoir la richesse et la chance qu'incarne la production agricole dans
toutes les régions de France et de reconnaître la multiplicité des modèles de
développement possibles.
Dans un environnement économique en évolution constante, avec des marchés
eux-mêmes évolutifs, les modèles types ont vécu. Chaque agriculteur français
doit être soutenu s'il souhaite élaborer une stratégie d'évolution et
d'adaptation en intégrant des éléments tels que la disponibilité en
main-d'oeuvre de l'exploitation, les éventuels marchés de proximité, la
situation du marché foncier ou bien encore la valorisation possible des
matières premières produites par l'exploitation. Cette démarche serait, en
elle-même, une recherche de qualité que nous pourrions encourager comme
telle.
Quant à la qualité des produits, on peut penser qu'elle passe d'abord par la
définition rigoureuse d'un produit clairement identifié à un territoire. Des
exemples nombreux témoignent qu'il suffit parfois de se pencher sur le passé et
les traditions alimentaires de sa région pour y puiser la bonne idée, le bon
produit.
Il revient cependant, au premier chef, à l'Etat d'attester la rigueur des
signes de qualité, suivant en cela une politique ancienne sur laquelle s'appuie
la crédibilité des normes françaises. Je sais que le ministère met ce
développement des garanties officielles au rang de ses actions principales au
titre IV de son projet de budget pour 1998 et que les actions en direction de
l'agriculture biologique seront renforcées. On ne peut que s'en réjouir.
J'ai essayé, monsieur le ministre, de souligner que la question économique du
devenir des exploitations agricoles françaises peut et doit être traitée non
seulement aux niveaux national et international, mais encore à l'échelle de
chaque exploitant agricole.
Se réapproprier la définition et la mise en marché de sa production ne
signifie pas, loin de là, retourner à l'individualisme d'avant-guerre. C'est,
tout au contraire, oeuvrer pour un développement en solidarité des
exploitations de sa région et de l'ensemble du territoire rural. C'est
également affronter avec ses propres armes le futur incertain des marchés
agroalimentaires, avec ses propres armes, c'est-à-dire avec les meilleures
armes et de toutes ses forces.
Il faut faire des choix, prendre acte du dynamisme incontestable de la filière
agroalimentaire et s'en féliciter.
Ce dynamisme ne saurait être entravé, et l'on voit bien que c'est plus en
faisant preuve d'imagination que d'esprit de contrainte que nous pourrons
infléchir, dans un sens plus favorable aux producteurs, l'évolution économique
de l'agriculture française.
Pour ma part, je retiendrai deux idées forces qui pourraient inspirer notre
réflexion commune.
Premièrement, en restituant aux agriculteurs le caractère original de leur
économie sociale, nous leur rendrons le pouvoir économique dans leurs
filières.
Deuxièmement, l'ensemble des agriculteurs doivent, partout et quel que soit
leur système d'exploitation, être considérés en priorité comme des
producteurs.
L'importance des crédits affectés par la nation et par l'Europe à
l'agriculture indique assez la nécessité de conserver la maîtrise politique de
notre devenir agricole et rural.
L'Union européenne est le terrain où doivent être assumées les options claires
qui engageront la vie de notre agriculture dans les prochaines décennies.
J'ajoute, pour conclure, monsieur le ministre, que l'exigence d'une raison
retrouvée sur les marchés agro-alimentaires est particulièrement pressante chez
les producteurs eux-mêmes. Ne les décevons pas.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. William Chervy.
C'est vraiment un spécialiste qui a parlé !
M. le président.
Mes chers collègues, le Sénat va maintenant interrompre ses travaux ; il les
reprendra à vingt et une heure quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons le débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur
l'agriculture.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Rigaudière.
M. Roger Rigaudière.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que
nous en avons pris l'habitude depuis longtemps, tout débat parlementaire
national sur l'agriculture est dominé, dans une large mesure, par des
considérations sur la politique agricole commune initiée à l'échelon
européen.
Notre discussion aujourd'hui n'échappe pas à la règle puisque l'Agenda 2000 de
la Commission de Bruxelles - surnommé, abusivement sans doute, « paquet Santer
» - introduit une réforme en profondeur de la politique agricole commune, qu'il
s'agisse de ses objectifs, de ses mécanismes ou de son mode de gestion.
Cette réforme pourrait être louable dans ses ambitions mais elle officialise,
en matière de soutien communautaire, une logique qui risque d'être
préjudiciable à des catégories entières de productions, et donc d'exploitations
et de régions agricoles.
Elu d'un département du Massif central, le Cantal, situé au coeur du bassin
allaitant, je souhaiterais plus précisément me faire l'écho de la vive
inquiétude que suscitent d'ores et déjà dans le milieu de l'élevage bovin
traditionnel les perspectives d'une mise en oeuvre de la nouvelle politique
agricole commune.
Nous savons tous que l'objet central de la réforme est de consolider la place
de l'Union européenne comme grande puissance exportatrice de produits
agricoles, et, dans le contexte de totale ouverture des économies et de
mondialisation des marchés au sein duquel nous évoluons désormais, nul ne peut
mettre en doute l'opportunité d'un tel objectif.
Afin d'y parvenir, il est prévu de supprimer progressivement les soutiens au
prix en « laissant filer » ceux-ci à la baisse - moins 30 % pour la viande de
boeuf, moins 20 % pour les grandes cultures et moins 10 % pour le lait - le but
étant naturellement de garantir la compétitivité de nos produits sur les
marchés, tant européens qu'extérieurs à l'Union, et de se trouver ainsi en
position de force lorsque débuteront les futures négociations de l'Organisation
mondiale du commerce.
On attend en particulier de la baisse des prix le maintien d'un niveau
suffisant de protection aux frontières en cas de nouvelles diminutions des
tarifs douaniers ainsi qu'une atténuation de la contrainte à l'exportation,
puisque les volumes exportés sans restitutions devraient normalement
augmenter.
Cette logique paraît limpide et bénéfique et, pourtant, à y regarder de plus
près, ce pari de la compétitivité n'est pas sans risque.
Ainsi, même dans un contexte de forte baisse des prix, il est difficile de
tabler avec certitude sur une expansion notable de nos exportations vers
l'Asie, car les marchés asiatiques, cible avouée de notre effort exportateur à
venir, sont une chasse gardée des Etats-Unis et de l'Australie.
Si l'on considère la question des productions exportables et que l'on prend
l'exemple précis du lait, il y a également fort à parier que la baisse du prix
d'intervention envisagée ne soit pas suffisante pour que l'on puisse exporter
sans restitutions, ce qui bridera, de fait, l'effort à l'exportation.
Pour ce qui est du marché intérieur européen, et en considérant maintenant le
cas de la viande rouge, il n'est pas certain que la consommation progresse dans
les proportions attendues, dans la mesure où les baisses de prix à la
production risquent d'être annulées par les coûts des intermédiaires, à savoir
les industriels et les distributeurs. Autrement dit, ce n'est donc pas
nécessairement au consommateur que bénéficieront ces baisses.
On pourrait citer d'autres exemples qui montreraient, eux aussi, qu'en réalité
la logique de baisse des prix est sujette au doute et rend dès lors moins
évident l'objectif de compétitivité accrue de nos produits sur les différents
marchés.
Mais, ces observations étant faites, je tiens surtout à mettre l'accent sur
les vives préoccupations que m'inspire la logique même du « paquet Santer »
pour l'agriculture, à savoir l'articulation envisagée entre action sur les prix
et soutiens directs.
Comme nous le savons tous, l'idée centrale de la réforme de la politique
agricole commune consiste à compenser les baisses de prix consécutives à la «
mise en veilleuse » des mécanismes de compensation par des hausses des aides
directes versées aux exploitants pour les différents types de productions : en
un mot, on attend de ce rééquilibrage le maintien du revenu des
agriculteurs.
De fait, les hausses envisagées pour les aides sontsubstantielles, notamment
dans le secteur de la viande bovine. Ainsi la prime au maintien du troupeau
allaitant et la prime spéciale bovin mâle doivent augmenter de façon notable,
et une prime ainsi qu'une aide directe à la vache laitière pourraient faire
leur apparition.
A première vue, nous sommes là en présence de garde-fous, susceptibles
d'éviter aux éleveurs de faire les frais des baisses de prix sur les
marchés.
En réalité, cependant, ce nouveau dispositif risque de s'avérer hautement
préjudiciable à certaines catégories de productions - l'élevage bovin extensif
en particulier - et, par voie de conséquence, à des zones géographiques
entières spécialisées dans ces productions.
Le grand danger contenu dans les propositions de l'Agenda 2000 est, en effet,
qu'elles visent à réduire la politique agricole commune à une politique des
revenus réalisée au moyen d'aides de plus en plus découplées et uniformes, au
mépris de la diversité des systèmes de production et des spécificités
territoriales.
En m'efforçant de rester le plus bref possible, je préciserai ma critique à
travers trois remarques.
Tout d'abord, est-il besoin de rappeler, alors que ce fait très simple avait
déjà été dénoncé lors de la réforme de 1992, que le découplage entre l'acte de
prodution et le revenu engendre une logique d'assistanat social qui,
psychologiquement, est très mal vécue par les exploitants ? Il est, en effet,
humiliant de ne plus réellement vivre des fruits de son travail.
Par ailleurs, on sent bien dans ce découplage entre un acte productif vidé de
son sens et la source du revenu une forme de hiatus économique relativement
pernicieux. Qu'arrivera-t-il en effet, avec ce système de soutien du revenu par
les aides directes, le jour où les prix, abandonnés sans correctifs à la
stricte logique du marché, s'effondreront pour une raison ou pour une autre
?
En pareil cas, on ne pourra pas apporter de compensation immédiate et adaptée
à travers les aides directes, dont la fonction « naturelle » est de soutenir et
d'orienter les productions, et non de réagir aux baisses de prix. Il faut pour
cela une souplesse et une réactivité que possédaient les mécanismes
d'intervention sur les prix et les marchés, mais dont sont dépourvues les aides
directes, tout simplement parce qu'elles ne sont pas faites pour cela.
Bref, on se trompe de levier économique quand on prétend affecter ces aides à
une politique des prix, et cela peut être un piège dangereux pour les
agriculteurs, qui risquent de voir leurs revenus en pâtir.
Enfin et surtout, le « paquet Santer », en conférant aux aides directes la
fonction de maintenir le revenu qui ne devrait pas être la leur, débouche
logiquement sur une uniformisation et une forme d'évolution de ces aides qui me
paraissent menaçantes.
C'est ainsi que, pour l'élevage, une aide identique serait instaurée pour les
vaches laitières et allaitantes, sans que soient prises en considération les
conditions réelles de production et, en particulier, la zone géographique dans
laquelle se situe l'exploitation.
De plus, la nouvelle répartition des soutiens directs pénalise le cheptel
allaitant en réorientant la production vers l'engraissement des mâles, qu'ils
soient issus du troupeau allaitant ou du troupeau laitier. L'activité
d'engraissement pouvant être beaucoup plus importante, en quantité, au sein du
troupeau laitier, c'est sur ce dernier que vont se concentrer les primes. Or,
il est douteux que cette orientation soit toujours justifiée, notamment dans le
cas de l'élevage laitier intensif.
L'activité de naissage, qui compte beaucoup dans les systèmes extensifs, est
oubliée dans cette réorientation des soutiens.
Au total, le nouveau dispositif privilégie clairement les systèmes d'élevage
intensifs et industriels ainsi que la viande issue du troupeau laitier.
L'élevage allaitant extensif, pourtant vital dans des zones entières telles
que le Massif central, fait figure de sacrifié.
Je crois que l'on mesure bien, à travers cet exemple, les distorsions
introduites par la nouvelle logique de la PAC. En l'occurrence, les aides
directes sont partiellement détournées de leur vocation initiale, qui était
d'apporter un soutien adapté, différencié et important à certaines productions
afin de corriger les aléas liés aux structures d'exploitation et au
territoire.
Cette approche, qui définit la politique agricole au plein sens du terme, se
trouve aujourd'hui remise en question.
Bien entendu, j'espère qu'il est encore temps d'infléchir différemment les
orientations du « paquet Santer », en réaffirmant l'importance du lien entre
productions et territoire et en en tirant les conséquences pour l'affectation
des aides.
Ce lien entre production et territoire est un lien de dépendance réciproque,
le territoire, pour continuer à vivre, ayant besoin de voir son activité de
production dominante soutenue et encouragée. A l'inverse, l'activité de
production ne peut demeurer viable que si sont activement prises en compte les
spécificités du territoire où elle s'exerce. Il ne peut y avoir de politique
agricole digne de ce nom sans cette vision globale des problèmes.
Cette interdépendance est évidente dans le cas du grand bassin allaitant, dont
le sort est lié à celui de l'élevage bovin, et réciproquement.
Il n'est pas abusif en effet de considérer que la survie du bassin allaitant
est liée au dynamisme de l'élevage bovin, car celui-ci, bien souvent, y
représente la seule activité viable et anime, en aval, un pan entier de la vie
économique en faisant entrer en jeu de nombreux intervenants, des entreprises
de négoce aux ateliers de découpe, en passant par les activités de
transformation et de distribution, les marchés aux bestiaux et les
abattoirs.
L'affaiblissement de cette filière économique ne manquerait pas de se traduire
rapidement par une accélération des phénomènes de désertification du Massif
central et d'ailleurs.
Aussi y aurait-il quelques contre-propositions réalistes à opposer à l'Agenda
2000 pour la sauvegarde de la filière bovine traditionnelle. Je n'en citerai
que quelques-unes : d'abord, le maintien de prix élevés, dussent-ils, pour
cela, être à nouveau garantis ; ensuite, le renforcement des outils de gestion
publique des marchés, qu'il s'agisse des mécanismes d'intervention ou de la
gestion des droits à produire ; enfin et surtout, la reconnaissance du rôle
spécifique de primes telles que la prime au troupeau allaitant, la prime
spéciale bovin mâle et l'instauration d'une prime de base à l'hectare qui ne
serait accordée que pour les surfaces supportant une production.
Cette logique qui, pour l'élevage bovin à l'herbe, fait référence à un niveau
de chargement à l'hectare a déjà été introduite dans les mécanismes de soutien,
mais elle doit être développée, car elle lie judicieusement production et
occupation de l'espace. Pour l'élevage extensif, un critère de chargement à
l'hectare oscillant entre 0,3 et 1 UGB semblerait judicieux.
Quant aux autres mesures à prendre, qu'elles s'inscrivent ou non dans le
périmètre d'action du « paquet Santer », elles illustrent, cette fois, la
dépendance de la production vis-à-vis du territoire. Autrement dit, ce sont des
soutiens spécifiques à apporter au territoire, mais dans l'intérêt bien compris
de l'activité productive elle-même.
En l'occurrence, il s'agit pour l'élevage extensif de percevoir les bénéfices
d'une politique d'atténuation des handicaps menée en faveur des zones de
montagne et des zones défavorisées.
Ainsi, il semblerait indispensable de maintenir la prime à l'herbe, voire de
revaloriser son montant afin de compenser les contraintes environnementales
nouvelles.
Il faut également veiller à ce que les soutiens du type indemnité spéciale de
montagne conservent leur vocation spécifique et ne soient donc pas noyés dans
un ensemble de simples mesures agri-environnementales.
Plus généralement enfin, il ne faudrait surtout pas que nous assistions à un
début de démantèlement de la politique rurale de l'Union européenne - je songe
notamment à la diminution d'un tiers de la superficie du zonage 5b - pas plus
qu'à une remise en cause des objectifs qui ont sous-tendu jusqu'à présent la
politique de la montagne. En disant cela, je me réfère au tout nouveau concept
écologique de « zone à haute valeur naturelle », qui prendrait éventuellement
le pas sur la notion traditionnelle et économique de « handicaps géographiques
» qui, elle, a fait ses preuves.
En conclusion, monsieur le ministre, je dirai que le scepticisme que m'inspire
la nouvelle réforme de la politique agricole commune n'est en rien dicté par
une conception frileuse ou conservatrice du devenir de notre agriculture.
Comme nombre de mes collègues qui partagent mes interrogations, je suis tout à
fait partisan d'une agriculture moderne et performante, compétitive sur les
marchés et dynamique à l'exportation.
Simplement, je souhaite que cette agriculture continue à être bien répartie
dans l'espace naturel de notre pays, que son développement demeure harmonieux
d'une branche à l'autre, que sa gestion continue à intégrer des exigences liées
à l'aménagement du territoire, au développement rural et aux zones fragiles,
et, enfin, que ses productions satisfassent les aspirations de nos concitoyens
en matière de qualité, d'authenticité et d'environnement.
Je tenais à vous dire, monsieur le ministre, que je trouve encourageantes vos
déclarations récentes sur les propositions de la Commission relatives à la
viande bovine. En effet, vous avez jugées ces propositions « très
déséquilibrées au détriment de l'élevage extensif, allaitant et spécialisé »,
et vous vous êtes déclaré favorable à une « prime liée au sol ».
Pour l'ensemble des raisons que j'ai exposées, nous resterons, pour notre
part, très vigilants, et nous jugerons de l'efficacité réelle du Gouvernement à
travers sa capacité à faire entendre à Bruxelles vos propres arguments, que je
viens de citer.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Pourchet.
M. Jean Pourchet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je reviens
sur un projet qui a déjà été discuté, en évoquant d'abord la mise aux normes
des bâtiments d'élevage. Je rappellerai que les éleveurs sont aujourd'hui
massivement engagés dans le programme de maîtrise des pollutions d'origine
agricole.
Le schéma de financement du programme de maîtrise des pollutions d'origine
agricole a placé un sixième des dépenses à la charge de l'Etat, un sixième à la
charge des collectivités locales, un tiers à la charge des agences de l'eau et,
enfin, un tiers à la charge des éleveurs. Les spécifications imposées, voire
excessives, ont conduit à un coût élevé des travaux.
Dans la réalité, les éleveurs sont conscients du fait qu'ils supportent
largement plus du tiers du coût des travaux, compte tenu des plafonds de
financement et de la non-prise en compte de tous les travaux contribuant à la
protection de l'environnement.
Mais il importe aussi de mettre en place une règle dite de réciprocité, visant
à limiter, voire à interdire l'implantation de maisons d'habitation à moins de
cent mètres des exploitations agricoles, afin de favoriser une bonne
cohabitation entre les agriculteurs et leurs voisins. En effet, si les
agriculteurs sont contraints de respecter une distance minimale par rapport aux
habitations pour l'édification de leurs bâtiments, la réciproque n'est pas
obligatoire, et l'on accorde encore des permis de construire pour des
habitations qui seront situées à proximité de bâtiments agricoles, le
constructeur profitant des équipements et des réseaux desservant
l'exploitation. Cela fait naître des litiges entre les agriculteurs et leurs
voisins, en raison des nuisances créées par les bâtiments d'élevage.
Au moment où les éleveurs font des efforts sans précédent dans le cadre du
programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, la mise en place d'un
dispositif contribuant à limiter les recours contentieux, tout en garantissant
le maintien des exploitations, paraît essentielle.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous voudrez bien
m'apporter sur ce point.
Par ailleurs, mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même
observons avec satisfaction que le Gouvernement a répondu à l'attente des
organisations agricoles, tout au moins en partie, s'agissant des retraites les
plus faibles.
Ainsi, vous avez fait adopter par l'Assemblée nationale, le 23 octobre
dernier, lors de l'examen du projet de budget de l'agriculture pour 1998, un
amendement qui est la traduction budgétaire de la revalorisation de certaines
pensions agricoles au 1er janvier prochain. Les conjoints ayant travaillé sur
l'exploitation, les anciens aides familiaux et ceux d'entre eux qui ont été
chefs d'exploitation pendant quelques années seulement en bénéficieront.
Si notre priorité, comme celle des organisations agricoles, va aux conjointes,
aux veuves retraitées, aux anciens aides familiaux et aux plus âgés parmi les
anciens exploitants qui ont aujourd'hui les plus faibles droits, l'objectif est
néanmoins qu'un agriculteur retraité, qui a cotisé toute sa carrière au régime
des non-salariés agricoles, bénéficie d'une pension au moins égale à 75 % du
SMIC, ce qui représenterait 3 778 francs par mois.
Certains ont dit tout à l'heure qu'il s'agissait d'une somme importante, mais
combien cela représente-t-il par rapport aux 35 milliards de francs inscrits
pour l'augmentation du SMIC ou au 0,5 % accordé à la fonction publique ?
Cette pension est indispensable pour ceux qui ont travaillé cinquante ans. En
effet, ceux qui prennent leur retraite aujourd'hui ont commencé leur vie active
à l'âge de quinze ans, parfois même avant, pour la cesser à soixante-cinq ans,
voire au-delà, compte tenu de la faiblesse de leur retraite.
Il reste donc encore beaucoup à faire, et je vous serais reconnaissant,
monsieur le ministre, de bien vouloir prendre l'engagement devant notre Haute
Assemblée que la loi d'orientation agricole, prévue pour le printemps prochain,
retiendra cet objectif qui relève de la dignité collective de la nation.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Emorine.
M. Jean-Paul Emorine.
Monsieur le ministre, après avoir entendu vos propos sur la présentation du
budget de l'agriculture et de la pêche, je voudrais dire combien je ne partage
pas votre optimisme. Une véritable volonté politique se manifeste par des
crédits en forte progression, ce qui n'est pas le cas pour certains secteurs de
ce budget.
M. Bernard Piras.
Ce n'est pas ce que le président François-Poncet a dit ce matin en commission
!
M. Jean-Paul Emorine.
Monsieur le ministre, vous avez placé ce budget dans le contexte de la réforme
de la PAC, ce qui paraît bien naturel, mais dans le même temps, vous avez
évoqué les orientations qui sont données par la Commission européenne. Elles
sont souvent contradictoires avec vos objectifs ; nous devons réaffirmer à
haute voix la spécificité de l'agriculture française dans l'Europe. Les régions
en voie de désertification sont des régions d'élevage extensif. Comment, avec
une baisse de 30 % du prix d'orientation, pouvons-nous espérer maintenir des
éleveurs et installer des jeunes agriculteurs ?
M. René-Pierre Signé.
Cela n'a pas encore été accepté !
M. Jean-Paul Emorine.
Il faut envisager des aides aux surfaces en herbe. Pour la simplification des
dossiers - c'est une de mes suggestions - ...
M. Bernard Piras.
Nous menons le même combat !
M. Jean-Paul Emorine.
... les primes pour les vaches allaitantes et les bovins mâles pourraient être
globalisées en fonction du nombre d'UGB sur l'exploitation, et surtout au
regard du livre des bovins. Parmi vos priorités, vous évoquez l'installation
des jeunes et de jeunes hors cadre familial, mais vous faites valoir
l'importance des capitaux nécessaires à leur installation, capitaux qui
n'auront qu'une faible rentabilité mais qui sont indispensables à leur
installation. Les études prévisionnelles d'installation font souvent apparaître
de lourds investissements, pour dégager un salaire disponible souvent inférieur
au SMIC. A partir du moment où des jeunes pourront avoir comme perspective un
meilleur revenu, ils s'installeront. Mais pour cela, il faut redéfinir les
conditions de transmission des exploitations, de financement à taux
préférentiel ; aujourd'hui, les marchés financiers nous le permettent.
Pour favoriser l'installation des jeunes agriculteurs, je souhaiterais que le
dispositif de préretraite soit reconduit uniquement pour les agriculteurs qui
cèdent leur exploitation à des jeunes voulant s'installer ou qui sont installés
depuis moins de cinq ans,...
M. Paul Raoult.
Très bien !
M. Jean-Paul Emorine.
... la participation de l'Union européenne représentant 50 % du coût de la
préretraite. En ce qui concerne les retraités agricoles, vous devriez prendre
davantage en compte le rôle qu'ils ont assuré dans le cadre de l'aménagement de
l'espace rural, et faire en sorte que la revalorisation des plus petites
retraites atteigne celle des autres secteurs.
Monsieur le ministre, vous avez exprimé votre volonté de donner les moyens
financiers nécessaires à l'aménagement de l'espace rural. Le Fonds de gestion
de l'espace rural pourrait être un financement très appréciable, pour les
agriculteurs mais aussi pour les collectivités locales. La dotation de 140
millions de francs n'est pas significative de votre volonté.
M. Aubert Garcia.
C'est mieux que zéro franc l'an dernier !
M. Jean-Paul Emorine.
Dans le cadre de la loi de 1995 relative à l'aménagement et au développement
du territoire, la dotation initiale s'élevait à 500 millions de francs, ce qui
semble un montant minimal pour atteindre l'objectif que vous vous fixez.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire une proposition sur la mise
en oeuvre du Fonds de gestion de l'espace rural. Ce fonds a été institué à la
demande de la profession agricole et il doit être utilisé pour améliorer les
conditions d'exploitation et d'entretien de nos espaces ruraux. Les
agriculteurs doivent être prioritaires, ce que je conçois naturellement. En
revanche, les collectivités locales, maîtres d'ouvrage, peuvent faire réaliser
les travaux par des agriculteurs, mais souvent, s'agissant de l'entretien de
chemins d'exploitation, ces travaux ne peuvent être réalisés par des
agriculteurs, bien qu'il visent à améliorer les conditions d'exploitation.
Monsieur le ministre, compte tenu de cette difficulté, les collectivités
locales ne pourraient-elles pas confier ce type de travaux à des entreprises
?
En 1994, les débats sur l'aménagement et le développement du territoire ont
bien mis en lumière les liens profonds qui unissent nos concitoyens au monde
rural. On peut mesurer chaque jour le poids grandissant des activités agricoles
et agroalimentaires en termes d'équilibre de la balance extérieure, de maintien
de l'emploi ou de préservation de l'environnement.
Quel secteur autre que l'agriculture occupe plus de 80 % du territoire
national, tout en représentant, avec ses activités en amont et en aval, 16 %
des emplois et en dégageant un excédent commercial supérieur à 50 milliards de
francs ?
Existe-t-il un autre domaine d'activité qui symbolise tout à la fois les
valeurs permanentes de notre société et les avancées de la construction
européenne ?
Aujourd'hui, l'agriculture française est confrontée à une situation difficile.
Elle doit s'adapter à la politique agricole commune et aux accords du GATT. Nos
producteurs agricoles et nos industriels du secteur agroalimentaire doivent
impérativement augmenter leurs parts de marchés dans un monde où la concurrence
se fait chaque jour plus vigoureuse.
Tous éprouvent de multiples incertitudes, celles qu'entraîne le prochain
élargissement de l'Union européenne, celles qu'inspire l'évolution des marchés
agricoles mondiaux.
Mais - c'est là ma conviction profonde - notre secteur agricole et
agroalimentaire dispose de ressources considérables qui doivent l'aider à
affronter les enjeux d'avenir. Sa principale richesse, ce sont ces hommes et
ces femmes qui, par leur créativité et leur ténacité, ont permis en agriculture
une augmentation de la productivité et fait de notre pays le deuxième
exportateur agroalimentaire mondial.
Notre pays, à travers ses régions, est riche d'histoire, de traditions et de
savoir-faire. Les agriculteurs doivent pouvoir profiter au maximum du fruit de
leur travail.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RSPE.)
M. René-Pierre Signé.
C'est très bien, mais il a oublié le budget de l'année dernière !
M. le président.
La parole est à M. Belcour.
M. Henri Belcour.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat
pour lequel nous sommes réunis aujourd'hui intervient avant d'autres
rendez-vous importants pour le monde agricole : l'examen futur par notre
assemblée du projet de budget pour l'agriculture, puis du projet de loi
d'orientation agricole, sur lequel vous travaillez sans doute actuellement,
monsieur le ministre.
Certains pourraient donc être tentés de qualifier le présent dialogue de
redondant. Il est, cependant, non dénué d'intérêt, car il permet au Sénat de
dresser un constat de la situation dans laquelle se trouve notre agriculture,
de faire le point et de dégager ensemble des perspectives d'action pour
l'avenir.
Notre pays jouit à la fois d'une vocation agricole qu'il convient de confirmer
sans complexe et de solides atouts qu'il nous appartient de sauvegarder avec
détermination.
On ne peut néanmoins passer sous silence la crise d'identité qui agite parfois
le milieu paysan, sème le trouble et laisse encore et toujours de nombreuses
questions sans réponse.
Cette crise revêt, en fait, plusieurs formes.
Tout d'abord, le modèle de développement, tel qu'il a été défini par les lois
d'orientation du début des années soixante, après avoir connu des années de
succès remarquables, tend à s'essouffler. Alors que des efforts de productivité
sont consentis sans cesse, le revenu diminue.
La politique agricole commune, quant à elle, bien qu'incontournable, est
parfois perçue plus comme un handicap que comme un atout. Plus globalement, le
monde rural sent le décalage entre lui et les villes s'accentuer, en même temps
qu'il voit s'accroître la distance entre le terroir et les centres de décision,
qu'ils soient nationaux, communautaires ou internationaux.
Au total, les agriculteurs peuvent apparaître à certains moments désorientés,
voire démobilisés, faute d'un véritable projet fédérateur pour leur avenir. Je
ne mettrai pas là en cause leurs organisations professionnelles, dont le
dynamisme reste exemplaire.
Il faut toutefois reconnaître que les difficultés sont nombreuses, que le
monde agricole s'avère, pour employer une expression très usitée ces temps-ci,
« pluriel » et que, par voie de conséquence, les remèdes miracles sont loin
d'être aisés à définir et à appliquer.
Je me bornerai donc, dans mon propos, à évoquer quelques questions en suspens
dont la résolution me paraît de plus en plus urgente. Mais je m'efforcerai
d'avancer en même temps, au nom de mon groupe politique, des propositions
d'action.
En tout premier lieu, et bien que certains de mes collègues s'y soient déjà
attardés, je veux revenir sur le volet agricole contenu dans le document
d'orientation présenté par le président de la Commission de l'Union européenne,
plus communément appelé « Agenda 2000 ».
Il est en effet difficile de ne pas aborder ce sujet à l'approche du Conseil
européen prévu au Luxembourg, les 12 et 13 décembre prochain, alors que se
préparent les négociations de la future Organisation mondiale prévue pour dans
deux ans.
Même si l'on est attaché à la préférence communautaire, comment ne pas se
montrer inquiet de ce qui est proposé dans le « paquet Santer » ?
On peut, certes, concevoir que l'affectation de 51 % des crédits européens à
l'agriculture peut représenter une lourde charge ; quoi qu'il en soit, on ne
saurait accepter sans conditions tout infléchissement en la matière.
Les réformes envisagées pour la politique agricole commune semblent en effet
ignorer les exigences particulières de l'élevage en zone herbagère.
L'élevage peut apparaître d'emblée défavorisé par rapport aux autres
productions soumises aux organisations communes de marché, pour lesquelles les
aides compensatoires à l'hectare sont beaucoup plus élevées.
C'est pourquoi l'Etat a judicieusement mis en place une prime à l'herbe, de
manière à participer à la rentabilité des élevages dans les zones réputées
difficiles.
Il en est ainsi de mon département, qui, situé à la lisière du Massif central,
bénéficie d'une réputation de qualité en matière de production agricole. Grâce
à ses élevages de tradition, comme celui des veaux de lait élevés sous la mère,
à son industrie laitière et fromagère connue dans le monde entier, cette région
s'efforce de répondre encore mieux aux exigences du marché, avec la mise en
place de garanties d'origine et le développement de produits biologiques, tout
cela en respectant, bien sûr, l'environnement.
C'est pourquoi, à une période où l'on parle plus que jamais de qualité des
produits, sur les plans tant gastronomique que sanitaire, il convient de
maintenir et d'encourager l'élevage traditionnel, en raison de son rôle à la
fois économique et environnemental.
Les organisations professionnelles comme les chambres d'agriculture ont d'ores
et déjà procédé à des simulations. Selon elles, le nouveau dispositif envisagé
signifierait une perte évaluée entre 1 000 francs et 1 200 francs par tête de
bétail, soit environ 40 000 à 50 000 francs pour une exploitation corrézienne
moyenne.
Les responsables agricoles ont des propos clairs et nets ; selon eux,
l'application en l'état des propositions prévues dans Agenda 2000 constituerait
« un véritable désastre ». Aussi attendent-ils instamment de vous, monsieur le
ministre, des garanties concernant la pérennisation de la prime à l'herbe,
d'une part, mais aussi et surtout un infléchissement des propositions contenues
dans le « paquet Santer », d'autre part.
Il ne faut donc pas que le Gouvernement français relâche son soutien et ses
actions en faveur de ses agriculteurs. C'est pourquoi nous aimerions savoir
quelle attitude vous adopterez lors de ces négociations, monsieur le
ministre.
Après les activités, j'en viens à présent aux acteurs, ces hommes et ces
femmes auxquels nous devons, grâce à leurs années de labeur infatigable, la
place qu'occupe aujourd'hui notre agriculture sur la scène internationale.
Et pourtant, la situation dans laquelle se trouvent les retraités agricoles
est - il faut le dire - inadmissible. Qu'on en juge par le montant des
pensions, à savoir 2 190 francs par mois en moyenne pour un ancien chef
d'exploitation, tandis que l'épouse percevra, elle, 1 147 francs dans les mêmes
conditions. La disparité avec les autres catégories socioprofessionnelles est,
en ce domaine, plus que flagrante. Peut-on, de nos jours, vivre avec 1 147
francs par mois, même si c'est à la campagne ?
Je prends la Haute Assemblée à témoin ; il s'agit avant tout d'une affaire de
dignité, et il est grand temps de porter remède à cette injustice.
Certes, il convient de le rappeler, des efforts ont été consentis par les deux
gouvernements précédents. Ce sont ainsi quelque 2,8 milliards de francs en
année pleine qui ont été apportés pour revaloriser les retraites agricoles, que
ce soit pour réévaluer les montants les plus faibles applicables aux chefs
d'exploitation en 1994, ou qu'il s'agisse de la réforme des pensions de
réversion réalisée grâce à la loi de modernisation agricole de 1995.
Il faut aussi rappeler que le projet de loi d'orientation pour l'agriculture
préparé par M. Philippe Vasseur, votre prédécesseur, monsieur le ministre,
comprenait, à la demande du Président de la République, un volet relatif aux
retraites des agriculteurs. Ce dispositif avait pour objet la revalorisation
progressive des plus faibles d'entre elles, de manière à assurer à la fois aux
chefs d'exploitation, à leurs conjoints et aux aides familiaux ayant eu une
carrière complète un niveau minimum de revenus comparable à ceux des autres
secteurs d'activités.
Il n'en demeure pas moins que de nouveaux progrès sont, à l'évidence, encore
nécessaires, notamment pour les pensions les plus faibles ou encore pour celles
des conjoints d'exploitant.
J'ai déjà eu l'occasion, pour ma part, de vous interroger à ce sujet par la
voie d'une question écrite, monsieur le ministre. Vous avez bien voulu
m'indiquer que des propositions d'amélioration étaient à l'étude. Une évolution
a été lancée par les précédents gouvernements dans ce domaine. Il vous revient,
à présent, de poursuivre cet effort de manière à parvenir à une parité
véritable entre celles et ceux qui ont travaillé la terre une vie durant et les
autres retraités.
Nous venons de le voir, notre agriculture doit énormément à ses anciens. Pour
autant, il ne faut pas perdre de vue l'importance particulière des plus jeunes
en matière de relève. L'effort en faveur de l'installation de ces derniers est
une nécessité impérieuse, tant pour la pérennité de l'agriculture elle-même
dans les zones défavorisées que pour l'équilibre du territoire.
Or, malgré les actions mises en oeuvre au cours des dernières décennies, les
installations des jeunes en agriculture n'ont cessé de régresser, passant
d'environ 33 000, en 1987, à environ 15 000 en 1995. Ce phénomène, s'il
perdure, risque d'affecter de manière profonde tout spécialement l'avenir de
l'agriculture de terroir par le défaut de mise en valeur de potentialités
naturelles susceptibles de créer à la fois de la richesse et des emplois, sans
ignorer - c'est important - les conséquences funestes de la désertification sur
la vie locale.
On ne peut, aujourd'hui, réfuter l'impact positif du système des préretraites
en matière d'installation des jeunes et d'agrandissement des exploitations
récemment mises en place.
Ne pourrait-on envisager une reconduction de ce dispositif, notamment en
faveur des exploitants en difficulté ?
Tels sont les principaux points que je tenais à évoquer et sur lesquels, je
l'espère, monsieur le ministre, vous serez en mesure de nous apporter des
orientations concrètes.
Le groupe sénatorial du Rassemblement pour la République, au seuil d'une
renégociation des modalités de la politique agricole commune, a perçu, pour sa
part, la nécessité pour notre pays de concevoir des décisions urgentes. Il a
donc pris l'initiative - l'un de mes collègues l'a dit tout à l'heure - de
déposer une proposition de loi afin de répondre aux préoccupations majeures du
monde agricole.
Ainsi, conformément à la volonté du Président de la République, qui a demandé,
dès 1995, la mise en chantier d'une grande loi d'orientation agricole, le
groupe du RPR du Sénat souhaite que des mesures soient rapidement débattues et
adoptées afin d'assurer la sauvegarde d'une agriculture française prospère au
sein de l'Union européenne.
En matière de transmission des entreprises agricoles, il propose de fixer les
objectifs prioritaires des aides financières de l'Etat, qui doivent avant tout
aller vers l'installation des jeunes, mais aussi vers la modernisation, le
regroupement et la reconversion partielle ou totale des entreprises en vue
d'améliorer leur viabilité.
En matière de fiscalité, il est proposé des mesures visant à inciter à
l'investissement dans les coopératives agricoles et à alléger les coûts de
transmission des exploitations.
Par ailleurs, s'agissant du statut du conjoint d'exploitant agricole, il est
envisagé une amélioration du point de vue social, notamment en matière de droit
à la retraite proportionnelle.
Une simplification des formalités administratives pour les emplois saisonniers
agricoles est également demandée.
Enfin, le groupe du RPR propose de faire de la politique de qualité un élément
essentiel des actions dans le domaine agricole et alimentaire.
Je suis persuadé que nous aurons l'occasion de reparler de tout cela
ultérieurement, car nous espérons bien voir cette proposition de loi soumise à
l'examen de la Haute Assemblée.
L'agriculture ne saurait être pour notre pays un fardeau désuet qu'il serait
contraint de supporter. Il faut, pour cela, lui donner les moyens d'une
modernisation accrue, afin de mieux l'adapter à la situation de la demande.
Mais il est également impératif d'établir de nouvelles relations entre la
nation et les agriculteurs, et surtout de redonner espoir à ces derniers.
En réaffirmant son attachement aux valeurs agricoles, notre Haute Assemblée
sera particulièrement attentive à votre action dans ce domaine, monsieur le
ministre.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux.
Monsieur le ministre, je veux d'abord vous remercier d'avoir accepté la tenue
de ce débat, qui est maintenant traditionnel au Sénat et qui nous a sûrement
permis de mieux comprendre les lignes directrices de votre action au ministère
de l'agriculture.
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques
et du Plan, a, dès le début de la discussion, dit l'essentiel sur ce que sont,
pour nous, les perspectives de l'agriculture française dans les années à venir
et souligné les inquiétudes qui sont les nôtres. Je n'y reviens donc pas, si ce
n'est pour dire que je partage son opinion.
Dès lors, je me contenterai de reprendre quelques points de votre exposé
liminaire, en essayant de voir avec vous si vous apportez toujours la réponse
adaptée, compte tenu des objectifs que vous affirmez vouloir atteindre.
Vous avez dit en introduction que l'agriculture avait rempli ses objectifs,
qu'il y avait eu des lois d'orientation voilà trente-cinq ans et que,
aujourd'hui, aux yeux de l'opinion publique, l'agriculture n'apparaissait plus
comme créatrice d'emplois. C'est vrai, mais il faut savoir ce que l'on veut :
on ne peut pas avoir la meilleure agriculture du monde, la première en matière
d'exportation, celle qui a la plus forte croissance et le plus fort gain de
productivité de tous les secteurs économiques du pays, tout cela avec des
quotas, et, dans le même temps, laisser supposer qu'elle va créer des emplois.
Il y a dans tout cela un équilibre.
Notre agriculture est performante dans un périmètre limité : nous ne pouvons
donc pas créer d'emplois.
« La production des denrées alimentaires reste l'objectif. » J'en prends
acte.
« Il faut un nouveau contrat où équilibre et ouverture devraient être
associés. » Equilibre, bien sûr, mais quel équilibre ? S'agit-il de
l'occupation équilibrée du territoire ? Dans la pratique, comment le ministère
utilise-t-il le Fonds de développement rural ? Qu'avez-vous fait du Fonds
d'intervention pour le développement industriel local, le FIDIL ? Avec sa
transformation en Fonds d'intervention pour l'aménagement du territoire - FIAT
- qu'y avons-nous gagné ?
Nous regrettons la disparition du FIDIL. Ce fonds commençait à faire la preuve
de son efficacité tant comme levier d'énergie et des volontés sur le terrain
que comme élément mobilisateur des financements locaux.
Que faisons-nous de la prime à l'herbe ? Dans deux mois, ce régime arrive à
son terme et nous ne savons pas ce qu'il en sera du nouveau. Etes-vous prêt à
le moderniser, à augmenter la dotation, à revoir ses critères d'accès qui sont
quelque peu désuets ?
Que faisons-nous de l'indemnité compensatrice des handicaps naturels ?
Quel devenir envisagez-vous pour l'ISM - indemnité spéciale de montagne - pour
la mécanisation agricole de la montagne ? Equilibre encore !
« La croissance des exploitations à forme sociétaire est parfois
déraisonnable. » Certes, cela peut arriver, mais il faut en discuter, analyser
l'évolution de la politique des structures, voire son adaptation par
production, par région.
Etes-vous sûr, monsieur le ministre, que, partout, tous les moyens
réglementaires qui sont à votre disposition sont utilisés pour conduire une
politique des structures correspondant aux objectifs à atteindre ?
Sur l'équilibre, monsieur le ministre, je voudrais que vous repreniez à votre
compte une formule d'un dirigeant agricole contemporain qui dit bien ce qu'elle
veut dire : « Nous souhaitons une agriculture qui ne soit ni américaine ni
tyrolienne. » Entre ces deux pôles, il y a un juste milieu. Je souhaiterais,
monsieur le ministre, que ce soit votre ligne de conduite dans les prochains
mois.
Vous nous dites encore qu'il faudra organiser le rapport de forces au sein des
filières. C'est vrai et j'y travaille depuis un certain nombre de décennies.
Mais, sur le plan réglementaire, sur le plan législatif sommes-nous prêts ?
Etes-vous prêt, monsieur le ministre, à recodifier l'ensemble des mesures
d'organisation économique des trente-cinq dernières années, à ouvrir le
chantier de la rénovation nécessaire du statut de la coopération agricole ?
Etes-vous prêt à reparler de l'économie contractuelle entre les industries
agroalimentaires et les productions agricoles, sous l'éclairage nouveau et
actuel des rapports entre les industries agricoles de transformation et les
distributeurs ?
Par ailleurs, vous insistez - et c'est une formule dont nous avons beaucoup
entendu parler au cours des dernières années - sur le fait qu'il faudrait que
des jeunes qui ne sont pas issus du milieu agricole s'installent. Bien sûr,
tous les gens qui n'ont pas trop réfléchi à cette question vous approuveront,
avec beaucoup de générosité, mais je voudrais souligner que le nombre de jeunes
concernées ne sera jamais très grand. Je n'ai pas le temps de développer ici ma
pensée, mais j'avais affirmé, en 1983, d'une façon sans doute abrupte et un peu
caricaturale, je le concède, qu'en agriculture l'avenir des installations était
un domaine où brillaient les fils uniques d'agriculteurs riches.
Ces propos sont toujours d'actualité. Si nous voulons installer des jeunes qui
ne viennent pas du milieu agricole, il nous faut créer des modalités de
transmission des entreprises et d'installation de jeunes ainsi que des
conditions fiscales et financières qui n'existent pas aujourd'hui. Alors,
parlons de ce que nous connaissons.
Il faudra essayer d'amener à l'agriculture des jeunes qui ne sont pas issus de
ce milieu, mais leur nombre ne représentera jamais qu'un pourcentage que l'on
pourra compter sur les doigts des deux mains.
Vous nous dites encore, et j'avoue n'avoir pas bien compris le sens de cette
expression, que les institutions qui gèrent le monde agricole doivent s'ouvrir.
Mon Dieu, pourquoi pas ? Mais si cette formule vise toutes les constructions
que notre génération a mises en place pour permettre l'évolution de
l'agriculture française et l'amener au niveau qui est le sien aujourd'hui,
aussi bien sur le plan économique et social que sur celui des structures,
sachez, monsieur le ministre, qu'il faudra, si vous souhaitez ouvrir ces
institutions, le faire avec beaucoup de prudence et de doigté, parce qu'elles
n'ont pas démérité dans leur forme actuelle et parce que les agriculteurs y
sont profondément attachés.
« Renforcer le lien entre la formation et la recherche. » Certes, on ne peut
que vous approuver, car cela va de soi dans toute activité qui se développe.
Mais l'orientation de l'INRA vous échappe.
Qu'en sera-t-il dans deux mois du programme Aliments demain ?
Pourquoi a-t-on abandonné le programme Agriculture demain ?
Il faudra ajuster les crédits, les actes ou les actions à l'objectif auquel,
du reste, je souscris : il nous faut renforcer le lien entre la formation et la
recherche. Mais nous n'en prenons pas le chemin.
« Il faut permettre aux produits agricoles de se développer sur des marchés
extérieurs. » Vous prêchez des convaincus ! Tous ceux qui croient au
développement de l'agriculture exportatrice ne peuvent que vous approuver. Mais
cela est-il cohérent avec l'évolution du budget de la SOPEXA ?
Dois-je rappeler que l'industrie agroalimentaire exporte pour 213 milliards de
francs, que le solde représente 58,5 milliards de francs, soit 47 % du solde du
commerce extérieur français, et que l'on brise un peu les ailes de notre
politique à l'exportation ?
Certes, vous nous avez annoncé qu'un audit était en cours. Mais je sais très
bien comment les choses vont se terminer : si, au milieu de l'année prochaine,
l'audit révélait qu'après tout il était possible de modifier les orientations
et de moduler différemment les crédits, ceux qui n'auront pas été inscrits sur
les lignes budgétaires de cette année n'existent pas. La SOPEXA disposera ainsi
d'un budget amputé de 40 millions de francs : 40 millions de francs sur une
dotation de 160 millions de francs, cela représente 25 %. Ce n'est pas ainsi
que l'on développe les exportations et que l'on encourage ceux qui
exportent.
Vous vous interrogez sur les débouchés des grandes productions. Nous aussi
!
Vous êtes inquiet quant aux débouchés de la viande bovine et des céréales. Je
partage, avec des nuances, ce sentiment. Je le partage davantage en ce qui
concerne la viande bovine que les céréales. Pourquoi ? Parce que, sur le marché
mondial des céréales, les prix français sont compétitifs et il existera
toujours un marché mondial des céréales.
En revanche, s'agissant de la viande bovine, j'ai de grandes inquiétudes que
vous semblez partager. C'est sur ce secteur qu'il faudra faire porter nos
efforts.
La viande bovine souffre actuellement de plusieurs handicaps. Je vous en
citerai trois.
Premièrement, l'abaissement du prix des céréales dans un espace géographique
fermé - c'est le cas en Europe - avantage toujours la viande blanche.
Deuxièmement, la diététique ne va pas dans le sens de l'augmentation de la
consommation de viande rouge ; nous perdons chaque année 1,2 à 1,5 % de
consommation de viande rouge depuis dix ou quinze ans.
Troisièmement - ce dernier handicap est beaucoup plus grave à mon sens - la
filière de la transformation de la viande bovine en France ne se modernise pas
assez rapidement. Cette filière n'a pas trouvé son équilibre économique. Il
n'existe pas d'adéquation permanente entre ce que nous produisons comme en
France et ce que nous consommons. En fait, nous produisons pour exporter et
nous importons pour consommer. Il y a là un vrai débat, difficile, mais telle
est la réalité de la filière de la viande bovine en France.
Vous avez émis, monsieur le ministre, quelques considérations, que je partage,
s'agissant du projet de réforme de la politique agricole commune, qui ne vous
convient pas.
Vous avez également évoqué quelques autres filières, notamment la filière
lait. S'agissant de cette dernière, des propositions ont été présentées à
Bruxelles ; elles sont bonnes, vous les approuvez pour partie. La position de
la France sur ce point est maintenant bien connue.
S'agissant de la filière des oléagineux, selon un dossier techniquement et
politiquement solide, nous manquons de protéines. Il faut se battre !
A côté de la filière des oléoprotéinagineux, un secteur est en développement,
celui des biocarburants.
Quelle est notre politique en matière de biocarburant ? Le diester, c'est du
colza transformé.
Que faisons-nous, monsieur le ministre, en matière de biomasse ? J'ai relevé
dans le document que vous nous avez envoyé,
Cinq ans de crédits publics en
agriculture
, 5 millions de francs de concours publics pour l'AGRICE en
1996.
Je vous rappelle que la Suède a un plan de développement des biomasses qui
assurera, en l'an 2000, 10 % de son énergie. Nous n'en sommes pas là, alors que
nous notre agriculture est surabondante et productive.
« Le plafonnement des aides est sur la table ». C'est vrai, nous avons tardé à
ouvrir ce dossier. Il faudra replacer les choses dans leur contexte français
et, notamment, modifier la fiscalité des exploitations et des entreprises
agricoles.
Tous les orateurs l'ont dit avant moi, tout cela est vraiment inquiétant. Il
est important que la France, premier pays agricole d'Europe, ait, dans les
négociations à Bruxelles, une position de « granit ». C'est votre
responsabilité, monsieur le ministre.
J'en arrive au projet de budget de l'agriculture pour 1998. Il s'élevait à 174
milliards de francs. Quand nous en avons pris connaissance, il était un peu
supérieur après son examen par l'Assemblée nationale. Je ferai un certain
nombre de remarques.
Il apparaît tout d'abord qu'après une longue période marquée par une
augmentation des dépenses, conséquence logique de la réforme de la PAC, ces
dernières tendent à se stabiliser, voire à décroître.
Il convient aussi de souligner la grande fragilité des chiffres qui nous sont
communiqués chaque année et qui donnent lieu, régulièrement, à de très forts
réajustements sur lesquels on ne revient pas.
Ainsi en est-il, par exemple, des versements de l'Union européenne au bénéfice
de l'agriculture française - soit 69,4 milliards de francs en 1998 - dont le
calcul est particulièrement aléatoire.
Enfin, il est nécessaire de distinguer les dépenses réellement affectées à
l'agriculture de celles - les plus nombreuses - qui ne relèvent pas d'une
politique agricole. Il en est ainsi d'un grand nombre de chapitres du budget du
ministère de l'agriculture qui n'ont pas de retombées agricoles directes, comme
les dépenses affectées au fonctionnement du ministère - 9,747 milliards de
francs - ou celles qui sont destinées à l'action éducative et qui relèvent,
in fine,
du service public de l'enseignement.
De même, il est toujours surprenant de voir comptabilisées au seul usage de
l'agriculture un certain nombre de mesures touchant tant à la politique de la
forêt qu'à celle de l'aménagement du territoire et qui, finalement, profitent à
tous les Français.
M. Paul Raoult.
Mais il ne restera plus rien !
M. Marcel Deneux.
Il faut, de plus, souligner que l'agriculture est la seule branche d'activité
qui se voit imputer des dépenses sociales. A cet égard, les 63 milliards de
francs qui correspondraient au versement du BAPSA pour 1998 ne doivent
aucunement être considérés comme une aide, mais relèvent tout à fait
normalement de la solidarité nationale entre les régimes sociaux.
M. Paul Raoult.
L'avez-vous dit l'an dernier ?
M. Marcel Deneux.
Bien sûr !
M. Bernard Piras.
C'était plus discret !
M. Marcel Deneux.
Dès lors, quel jugement porter sur votre projet de budget pour 1998, monsieur
le ministre ?
Ce budget est mauvais, si je considère les besoins de la France en 1998, et
compte tenu du fait qu'il faut réduire coûte que coûte, même dans les secteurs
qui nous paraissent cruciaux, les dépenses publiques. Nous ne pouvons pas
continuer à avoir un budget dont les dépenses publiques s'accroissent.
Sur vos quatre priorités, je suis d'accord.
Le bon budget, monsieur le ministre, serait celui qui réduirait des dépenses
improductives et qui préparerait l'avenir en favorisant les investissements
productifs. Cela est possible puisque votre projet de budget comporte
trente-six chapitres ; mais cela ne me paraît pas être le cas car, à y regarder
d'un peu plus près, un bon indicateur de l'évolution des crédits de l'Etat en
faveur de l'agriculture peut être trouvé dans l'agrégat n° 1 du budget de
l'agriculture qui s'intitule « Dépenses en faveur des activités agricoles
productives ». C'est là qu'on prépare l'avenir. Or, les crédits consacrés à ce
chapitre sont en baisse de 2,2 %. Est-ce bien la préparation de l'avenir que
nous attendons ? L'agriculture française a besoin de plus de valeur ajoutée.
Votre tâche est difficile, je le concède. Je sais que votre compétence, alliée
à votre expérience, vous permettront de prendre en compte ces diverses
réflexions, de les transformer en actions positives en faveur de l'agriculture
française et en faveur de tous ceux qui en font leur métier.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Paul Raoult.
La conclusion est très bonne !
M. le président.
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la fin de
ce débat, je voudrais insister sur le volet montagne de ces mesures
budgétaires, en les reliant, d'une part, à la préparation de la loi
d'orientation agricole et, d'autre part, à la politique d'aménagement du
territoire.
Lorsqu'on vous écoute, monsieur le ministre, la plupart des orientations que
vous dégagez en faveur de la politique agricole pourraient paraître conformes
aux intérêts des zones de montagne, qui représentent - je le rappelle - près de
23 % de la superficie du pays, près de 8 % de la population française, et près
de 17 % des communes.
Vous parlez de la nécessité de replacer le territoire au coeur de la politique
agricole, de favoriser la diversité des modes de développement des
exploitations, de restaurer le lien entre les agriculteurs et les produits
qu'ils élaborent.
Ces axes, je ne peux que les approuver, en tant que représentante d'un
département où les agriculteurs se battent pour maintenir non seulement
l'activité de production, mais aussi l'occupation du territoire.
Si le dialogue se bâtit autour de ces orientations, nous pourrons parvenir à
définir ensemble les voies de l'avenir. Je me permets d'insister cependant sur
la nécessité de consulter toutes les parties prenantes et de ne pas
sous-estimer les spécificités territoriales, telles celles de la montagne.
Au-delà des mots, nous attendons des actes et des mesures précises. Pris sous
cet angle, monsieur le ministre, votre projet de budget demeure
insatisfaisant.
L'une des quatre priorités affichées est l'installation des jeunes. Je
m'interroge sur la portée de la création du Fonds pour l'installation en
agriculture, censé remplacer le Fonds pour l'installation et le développement
des initiatives locales, car cette substitution présente un risque de réduction
des crédits.
Toujours concernant l'installation des jeunes, je rappelle qu'un autre frein
existe ; il s'agit de la limitation des droits à produire, qui devrait être
plus favorable pour les zones de montagne, compte tenu de la faible part de ces
productions dans l'ensemble national.
La préretraite a été très longuement évoquée par les divers orateurs ; je n'y
reviendrai pas. Cependant, en Lozère, cette mesure a permis d'installer plus de
vingt agriculteurs chaque année.
En ce qui concerne la politique de la montagne, j'ai le regret de constater
que le projet de loi de finances n'apporte aucune amélioration, puisque la part
consacrée aux indemnités compensatoires de handicaps naturels passe de 1 650
millions de francs à 1 560 millions de francs. Même en tenant compte des
financements du FEOGA et de la diminution des UGB primées, les indemnités par
tête ne sont revalorisées que de 1,5 %, soit à peine le niveau de
l'inflation.
J'insiste sur le fait que les agriculteurs demandent une augmentation de 20 %
du montant de l'ISM.
Je rappelle que, dans son memorandum pour une agriculture de montagne, le
gouvernement précédent avait défendu, en 1996, un relèvement du plafond
communautaire de 180 écus à 250 écus par UGB ou hectare. Ce relèvement, peu
coûteux, puisqu'il ne concernerait pleinement que la haute montagne et la
montagne sèche, dont les effectifs primés sont faibles, est indissociable d'une
revalorisation de l'ISM dont ne sauraient être exclues les zones confrontées
aux plus forts handicaps.
Un aménagement de l'ISM végétale serait parallèlement opportun. Des
productions végétales telles que les châtaigneraies ont en effet un rôle à
jouer en matière de gestion de l'espace, et elles devraient désormais être
éligibles à l'ISM.
S'agissant de l'aide aux bâtiments en zone de montagne, le budget n'offre
aucune perspective d'amélioration, car le chapitre « modernisation des
exploitations » pour les bâtiments de montagne reconduit en francs courants les
dépenses de 1997. Il serait pourtant souhaitable de pérenniser des moyens
budgétaires suffisants, car vous connaissez, monsieur le ministre, les surcoûts
liés à la montagne : le niveau des crédits indispensables aux bâtiments
d'élevage en zone de montagne a ainsi été estimé à 100 millions de francs. Le
plafond de la subvention, qui n'a pas été réévalué depuis longtemps, mériterait
d'être porté à 100 000 francs.
Par ailleurs - je crois que cela a déjà été dit - depuis 1991, l'aide à la
mécanisation a été réduite à la portion congrue, malgré les surcoûts supportés
en matière de matériel.
S'agissant de la prime à l'herbe, dont l'importance est réelle dans
l'utilisation plus équilibrée de l'espace agricole, l'enjeu actuel est la
revalorisation de son montant, afin de rendre la mesure plus incitative pour le
maintien et l'entretien des surfaces en herbe, mesure qui s'inscrit tout à fait
dans une réelle politique d'aménagement du territoire.
Il est enfin regrettable de constater que le programme pour 1998, destiné aux
mesures agri-environnementales, est peu ambitieux. L'enveloppe spécifique ne
serait que de 155 millions de francs. Même si ce montant représente une
augmentation de 30 % par rapport à 1997, le risque existe de ne pas satisfaire
les besoins d'accompagnement des agriculteurs vers de nouvelles méthodes de
production dont nous avons pourtant fort besoin dans les zones de montagne.
Je souhaite aussi déplorer, à la suite de mon collègue M. Jean-Paul Emorine,
l'évolution du Fonds de gestion de l'espace rural, le FGER. Ce dernier a un
impact incontournable sur l'aménagement de l'espace car il contribue à la
diversification et au maintien de l'agriculture dans les zones difficiles.
Ce fonds a pourtant souffert de trop d'aléas budgétaires et il me paraît donc
nécessaire d'instituer une ressource qui le pérenniserait. Il me semblerait
opportun de réfléchir par exemple à la création, comme cela a déjà été proposé,
d'une taxe sur les changements d'affectation des terres agricoles.
L'utilité de ce fonds est d'autant plus pertinente que, dans le plan pour
l'emploi des jeunes, figure la fonction entretien de l'espace.
Enfin, j'aborderai brièvement la question de l'aménagement du territoire.
Il est urgent que la France définisse une politique forte de cohérence
territoriale pour son agriculture et son milieu rural, en renforçant
l'équilibre produits - hommes - territoires, afin de la faire valoir au niveau
européen.
Nous aurons l'occasion de développer nos arguments sur ce point devant Mme le
ministre chargée de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je me
permets cependant d'insister auprès de vous, monsieur le ministre, pour que
l'agriculture soit intégrée dans la définition d'une véritable politique
européenne d'équilibre des territoires.
L'actuel projet de réforme des fonds structurels me paraît inquiétant car
nulle part la montagne n'est citée, à quelque titre que ce soit. Les élus de la
montagne ont élaboré un mémorandum dans lequel ils insistent sur la nécessité
de prendre en compte cinq objectifs majeurs pour une véritable politique de la
montagne, et cela à trois niveaux : les politiques générales ; les politiques
locales de développement des fonds structurels, où un régime plus
spécifiquement montagnard s'impose ; les « programmes intégrés et concertés de
massifs », qui paraissent être le bon échelon pour compléter les actions menées
sur le plan général et local.
Cela demande un important travail de persuasion et d'explication. Je
souhaiterais donc que vous puissiez me dire, monsieur le ministre, quelle
attention vous voudrez bien prêter à ces orientations et sur quels points
précis vous seriez prêt à prendre nos considérations en compte, voire à engager
la négociation avec les autorités européennes.
Monsieur le ministre, je vous remercie par avance des réponses que vous
voudrez bien apporter à mes observations, et je souhaite, pour ma part,
conclure sur une réflexion d'Edgar Pisani, dont je ne doute pas que vous
apprécierez la portée : « La France est un pays d'équilibre et doit le rester.
Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser inoccupés de vastes espaces. Ce
n'est pas notre culture, ce n'est pas notre civilisation, ce n'est pas notre
intérêt. »
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, en choisissant de traiter d'abord des thèmes
communautaires, j'entends souligner non seulement l'importance que vous
attachez à ces thèmes, mais aussi le caractère prioritaire de cette question
pour l'avenir de notre politique agricole.
Vous avez été nombreux à vous émouvoir des propositions de réformes de la PAC
telles qu'elles sont représentées par la Commission. J'espère être exhaustif en
citant MM. François-Poncet, Huchon, Barraux, de Menou, Minetti, du Luart,
Piras, Rigaudière, Emorine, Belcour, et Deneux.
Je vous ai moi-même indiqué dans mon discours d'introduction les vives
réserves que soulevaient les propositions de la Commission, et j'y reviendrai
dans un instant.
Je voudrais dire cependant qu'il faut aborder cette dure négociation en
portant un diagnostic exact sur la situation et sur le projet qui est en
cause.
L'adaptation de la PAC ne saurait être refusée par principe. Gardons-nous
d'idéaliser la PAC telle qu'elle a fonctionné jusqu'en 1992. Le soutien des
prix, qui en constituait le mécanisme essentiel, n'a pas empêché la disparition
de plus de la moitié des exploitations agricoles de notre pays en trente ans et
l'apparition des graves déséquilibres que nous constatons.
Je dirai également qu'il est difficile de voir dans le projet de la
Commission, qui prévoit une croissance du budget agricole de l'Union européenne
de plusieurs milliards d'écus, l'expression du libéralisme économique le plus
sauvage.
Ces remarques n'atténuent pas les critiques que je porte au projet de la
Commission, mais elles signifient que nous ne devons pas nous tromper
d'enjeux.
MM. Poncelet, Barraux, du Luart, Rigaudière et Belcour ont fait part de leurs
inquiétudes sur la situation de l'élevage bovin, en relation avec les
propositions retenues par l'Agenda 2000.
Je considère comme eux que ces propositions sont inacceptables et je rappelle
en quelques mots de quoi il s'agit.
La Commission européenne propose une baisse des prix de soutien de 30 % en
trois ans, de l'an 2000 à l'an 2002. Dans le même temps, elle propose de
supprimer le système des achats à l'intervention existant actuellement, qui
conduit les autorités publiques à se porter acquéreurs de viande bovine et à la
stocker pour soutenir le marché en période de crise, pour le remplacer par un
dispositif de stockage privé inspiré de celui qui existe dans le secteur
porcin.
Cette baisse des prix de soutien serait compensée par une augmentation des
primes versées aux éleveurs. La prime à la vache allaitante augmenterait de 48
%, en passant de 958 francs à 1 421 francs par animal, tandis que la prime aux
engraisseurs de taurillons progresserait de 173 %, passant de 892 francs à 2
432 francs par animal.
Ces chiffres me conduisent à formuler une première remarque : le projet de
réforme présenté est lourdement déséquilibré. Il favoriserait l'élevage
intensif orienté vers l'engraissement des taurillons, dont la majorité sont
issus de l'élevage laitier. A l'inverse, il défavoriserait l'élevage allaitant,
qui est une composante essentielle de l'économie des zones agricoles
difficiles, donc un facteur important d'occupation équilibrée du territoire.
Seconde remarque : la réforme proposée repose sur l'idée que la baisse des
prix permettra de relancer la consommation de viande bovine dans l'Union
européenne et d'exporter sans restitutions sur les marchés tiers. Ainsi, nous
éviterions la crise annoncée au début du siècle prochain et résultant de
l'existence d'un excédent de production non exportable, en raison des
contraintes de l'OMC, de plusieurs centaines de milliers de tonnes.
En fait, rien ne prouve qu'une baisse de prix de 30 % à la production se
traduirait par une baisse de même ampleur pour le consommateur.
L'expérience récente - je pense à celle de l'année 1996 - montre au contraire
que nous pouvons assister à un effondrement des prix à la production sans
baisse des prix à la consommation. Si la même chose se reproduisait demain, la
réforme n'aboutirait qu'à augmenter les dépenses publiques, tout en mettant en
cause le revenu des éleveurs, sans améliorer l'équilibre entre l'offre et la
demande.
Par ailleurs, la suppression du système des achats à l'intervention laisserait
les pouvoirs publics désarmés face à de nouvelles crises conjoncturelles, le
stockage privé pratiqué pour réguler les crises porcines étant inadapté à la
durée des cycles de la production bovine.
C'est pourquoi, sans m'opposer à un ajustement nécessaire des prix de la
viande bovine face à la compétitivité renforcée des viandes de porc et de
volaille, je m'opposerai à la baisse brutale des prix et je soutiendrai le
principe du maintien de l'intervention publique.
Une véritable adaptation des règles de fonctionnement de la PAC dans le
secteur bovin suppose également que l'Union européenne réfléchisse à d'autres
mécanismes de maîtrise de la production que ceux qui résulteraient de la simple
baisse des prix. M. Barraux a évoqué l'idée de rendre les génisses destinées à
l'abattage éligibles à la prime à la vache allaitante. Cette suggestion me
semble intéressante. Sa mise en oeuvre serait de nature à inciter les éleveurs
à entretenir un cheptel moins important de vaches mères, et, par voie de
conséquence, à favoriser la réduction de la production de viande bovine.
Enfin, je veillerai à ce que l'élevage allaitant extensif bénéficie d'une
juste compensation des éventuelles baisses de prix, en recourant au relèvement
à un niveau approprié des primes aux éleveurs concernés.
S'agissant du secteur laitier, j'estime que la proposition de la Commission
européenne manque de cohérence. M. Deneux a évoqué ce point : elle consiste à
maintenir les quotas laitiers, à baisser les prix de soutien du lait de 10 % et
à compenser cette baisse de prix par une prime d'environ 1 000 francs par vache
laitière.
J'ajoute que la Commission propose une autre mesure qui affectera directement
les éleveurs laitiers, à savoir la suppression de l'aide au maïs ensilage.
Si le maintien des quotas laitiers me paraît être une sage décision, en
revanche, je ne conçois pas l'utilité d'une baisse des prix qui pénaliserait
l'ensemble de la production dans le seul but de permettre d'en exporter une
très faible partie sans subventions sur les marchés extérieurs à l'Union
européenne.
En outre, cette nouvelle aide aux vaches laitières serait très coûteuse, alors
qu'elle ne suffirait pas à compenser la perte de revenus des producteurs qui
seront affectés non seulement par la baisse des prix, mais aussi par la
suppression de l'aide au maïs ensilage. Il m'apparaît ainsi à la fois plus
simple, moins coûteux et plus logique de ne pas baisser les prix, de maintenir
l'aide au maïs ensilage et de ne pas instaurer une nouvelle aide aux vaches
laitières.
Toutefois, un assouplissement des règles actuelles concernant les quotas
laitiers est nécessaire pour permettre notamment d'améliorer nos performances à
l'exportation. C'est à cela que je souhaite que la Commission travaille, et
uniquement à cela.
En ce qui concerne les grandes cultures, la Commission propose une série de
mesures qui affectent à la fois le secteur des céréales et celui des oléagineux
et protéagineux.
J'estime que la proposition d'aligner les aides de toutes les productions sur
les aides céréalières est susceptible de déstabiliser l'équilibre entre les
grandes cultures. De ce point de vue, je suis très réservé sur le niveau des
aides pour la culture des graines oléagineuses.
Cette proposition risque de mettre en péril à la fois les revenus des
producteurs et l'indépendance de notre approvisionnement en matière
d'alimentation animale. Il y a là une concession anticipée aux exigences
américaines.
L'amélioration des propositions de la Commission sur cette dernière question
sera, pour moi, un élément essentiel dans la négociation.
J'espère, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avoir convaincu de ma
détermination à défendre les intérêts de notre agriculture dans les
négociations à venir. J'ai bien entendu le sentiment que vous avez exprimé sur
cette question, j'ai compris votre volonté d'être tenus informés, associés, à
de telles discussions, ainsi que votre détermination à apporter au Gouvernement
le concours de votre Haute Assemblée pour soutenir de telles ambitions.
La France, et cela a été dit, premier pays agricole de l'Union européenne, a
une responsabilité particulière dans cette négociation. Soyez assurés que j'en
ai parfaitement conscience et que j'entends assumer pleinement cette
responsabilité.
Plusieurs d'entre vous - MM. François-Poncet et Piras - ont évoqué le
rééquilibrage des aides aux grandes cultures.
J'ai en effet, dès l'été, souhaité une plus grande équité dans la répartition
de ces aides. Une concertation a donc été conduite en septembre, à l'issue de
laquelle j'ai arrêté un dispositif de rééquilibrage. La première phase sera
mise en oeuvre pour la récolte 1999, après laquelle un bilan sera fait.
Les étapes suivantes s'intégreront dans la réforme qui résultera des
négociations sur le « paquet Santer ».
En avançant, avec prudence et progressivité, dans la voie d'une diminution des
écarts entre les différents niveaux d'aides, y compris celles qui sont
destinées aux cultures sèches et irriguées, je pense répondre aux souhaits
d'une très large majorité d'agriculteurs ainsi qu'à la volonté de l'opinion
publique.
Pour répondre à M. François-Poncet, je précise que, ce faisant, je ne condamne
pas, bien au contraire, l'irrigation bien conduite, pratiquée légitimement dans
les régions qui en ont besoin.
J'en viens au secteur des industries agroalimentaires, un des thèmes
principaux traités par M. Signé. C'est un secteur clé de notre économie
nationale et j'entends le dynamiser en donnant une forte priorité au
développement d'une politique de qualité.
Cette politique doit être prise sous ses deux acceptions : qualité au sens
organoleptique et qualité sanitaire des produits. En effet, la qualité est un
argument de vente : la qualité organoleptique pour séduire et conserver le
consommateur, la qualité sanitaire pour le rassurer et permettre les ventes à
l'exportation.
Il n'est pas nécessaire de justifier longuement cette priorité donnée à la
qualité, ne serait-ce qu'en raison des crises récentes de l'encéphalopathie
spongiforme bovine ou des contaminations dues aux listeria.
Dans ce cadre, le projet de loi concernant la qualité sanitaire des aliments -
et je réponds sur ce point à M. Deneux - va être prochainement réexaminé par le
Gouvernement. Toutefois, avant de reprendre ce projet, il me semble nécessaire
d'avoir une vision plus claire de l'organisation de la sécurité sanitaire en
France.
La proposition de loi concernant les agences de sécurité sanitaire est, vous
le savez, en cours d'examen et sera bientôt, je l'espère, discutée par
l'Assemblée nationale. Le dispositif de ces agences sera clairement établi ; le
projet de loi sur la qualité sanitaire des aliments pourra être alors
redéposé.
M. Poncelet a rappelé son souci de préserver les productions traditionnelles,
en particulier les fromages. C'est également un souci constant de mon
ministère, qui suit avec beaucoup d'attention l'évolution des projets de textes
au sein du
Codex alimentarius.
Lors de la réunion de juin dernier de la
commission du Codex, la proposition des Etats-Unis de rendre la pasteurisation
quasi obligatoire n'a pas été adoptée, notamment grâce à la mobilisation par la
France des Etats membres de l'Union européenne.
De plus, je reste vigilant pour qu'à l'occasion de l'établissement des codes
d'usage en matière de l'hygiène du lait et des produits laitiers l'acquis
communautaire reste effectif.
Afin de répondre à mon objectif de promotion des produits de qualité, que
j'estime être une base essentielle du développement du secteur agroalimentaire,
le chapitre « promotion et contrôle de la qualité » voit ses crédits augmenter
de plus de 20 % cette année.
La prime d'orientation agricole permet, comme vous le savez, le soutien des
investissements physiques des entreprises à l'aval des productions agricoles :
stockage-conditionnement, transformation. Cette prime diminue essentiellement
par un effet mécanique de l'étalement dans le temps des contrats Etat-régions
décidé par le précédent Gouvernement.
Le FEOGA est une aide communautaire pour ces mêmes entreprises. La
mobilisation de ces fonds communautaires est conditionnée à l'attribution et au
versement d'une aide d'origine nationale, et l'essentiel est préservé puisque
la mobilisation de la section Orientation du FEOGA au profit des
investissements à l'aval de l'agriculture sera assurée.
De plus, j'appelle votre attention sur le fait que la dotation disponible pour
les fruits et légumes venant de la section Orientation du FEOGA est très large.
Aussi, les projets présentés peuvent être aidés pourvu qu'ils répondent aux
orientations arrêtées dans le cadre communautaire d'appui et dans le document
de programmation approuvé par la Commission qui définissent les conditions
d'intervention du fonds européen sur la période 1994-1999.
MM. Barraux, de Menou, Mathieu et François sont intervenus sur le dossier de
la SOPEXA.
Les crédits inscrits au titre de cette société baissent de 20 % cette année.
On me permettra de faire remarquer qu'il s'agit d'un problème récurrent et de
noter que le budget global de la SOPEXA n'a cessé d'augmenter ces dernières
années. Je ne méconnais pas que des actions importantes réalisées par la SOPEXA
pourraient être compromises si des moyens alternatifs de financement n'étaient
pas trouvés ; j'ai entendu M. Deneux sur ce point.
En tout état de cause, j'ai demandé au président et au directeur général de la
SOPEXA d'élaborer un projet de contrats d'objectifs avec mon ministère, en
concertation avec les familles professionnelles concernées. L'élaboration de ce
contrat d'objectifs fournira l'occasion d'intensifier la concertation et
permettra à chacun de faire valoir ses préoccupations. Elle permettra aussi
d'examiner si les types d'actions habituellement engagées sont les mieux
adaptés ou si des réorientations s'imposent.
Parallèlement à la demande du Gouvernement, une mission d'analyse approfondie
de la SOPEXA est conduite conjointement par l'inspection générale des finances
et celle de l'agriculture. Ses conclusions sur l'adéquation entre les objectifs
et les moyens de la société devront être remises avant la fin de cette
année.
Je n'oublie pas, bien évidemment, les concours qu'apporte la SOPEXA à de
nombreuses petites et moyennes entreprises désireuses d'être présentes sur les
marchés extérieurs.
M. Poncelet m'a interrogé sur la politique de la forêt.
J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer que j'ai souhaité dissocier le volet
forestier de la loi d'orientation agricole.
J'ai reçu les représentants des organisations syndicales et professionnelles
de la forêt et du bois. Nous allons, ensemble, reprendre le travail réalisé sur
ce projet de loi forestière, au long de l'année qui vient, considérant que,
déjà, beaucoup de matériaux ont été accumulés sur ce projet.
Sur deux priorités, les incendies de forêt et la restauration des terrains en
montagne, où la prévention a pour objet d'assurer la sécurité des personnes et
des biens, j'ai tenu à maintenir les moyens qui permettent de respecter les
objectifs affichés.
Par ailleurs, dans le domaine du boisement, de l'équipement des forêts et du
renforcement de la filière, les crédits prévus au budget de l'Etat sur le fonds
forestier national permettront de respecter l'intégralité des actions prévues
aux contrats de plan et de poursuivre les actions engagées au niveau national,
je veux parler des programmes « compétitivité plus » et « bois énergie ».
On m'a également interrogé sur les modes de vente des produits de l'ONF.
Quelle est la situation actuelle ?
Les coupes de bois sont vendues, en règle générale, par l'ONF selon la
procédure de l'appel d'offres - adjudication par enchères descendantes - en
faisant jouer la concurrence et en assurant la publicité des offres. Des ventes
amiables, prenant la forme de contrat de commercialisation, peuvent avoir lieu
dans des conditions bien définies par le code forestier. Ces ventes revêtent, à
l'heure actuelle, un caractère dérogatoire lié à l'urgence ou à l'accumulation
d'invendus.
En général, l'ONF vend des bois sur pied, qui sont abattus et débardés par les
exploitants forestiers directement ou par l'intermédiaire de sous-traitants.
Ceux-ci sont attachés à cette pratique. L'ONF tente de diversifier ses modes de
vente pour écouler ses produits, et je sais que cela ne va pas sans susciter
des interrogations chez les professionnels. Une ouverture, autorisant l'ONF à
recourir plus fréquemment aux contrats de commercialisation, paraît souhaitable
; il y a accord sur ce point des principaux partenaires. Cette mesure aura un
effet d'entraînement sur les ventes privées.
Enfin, M. Poncelet s'inquiète aussi de l'enrésinement des fonds de vallée en
zone de montagne.
Le code rural précise que les modes d'aménagement foncier, dont fait partie la
réglementation des boisements, sont conduits « en veillant au respect et à la
mise en valeur des milieux naturels, du patrimoine rural et des paysages ».
Un décret d'application en cours d'élaboration va élargir les motifs
d'interdiction ou de réglementation des boisements, ainsi que le champ des
décisions préfectorales intervenant dans les périmètres réglementés.
Ces améliorations, ainsi que les allégements de procédure qui ont déjà été
réalisés, devraient permettre aux collectivités concernées, qui ont
l'initiative de la création de périmètres de réglementation de boisement à
travers les commissions communales d'aménagement foncier, d'exercer un contrôle
accru sur l'évolution de leur territoire.
Je souligne enfin que les opérations de boisement et de reboisement
bénéficient aujourd'hui des progrès importants des connaissances réalisés en
matière de peuplement. Ceux-ci permettent de prendre en compte la biodiversité
dans la gestion forestière. Par ailleurs, la palette des essences
subventionnées par le Fonds forestier national retient cette préoccupation.
M. Poncelet m'a aussi interrogé sur la diminution de la taxe forestière
concernant les sciages. Sur cet aspect fiscal, qui requiert un développement
assez précis, je me propose de répondre par écrit à l'intervenant.
J'en viens au chapitre de l'agriculture et de l'aménagement du territoire dans
le cadre de la loi d'orientation agricole.
La politique de développement de l'espace rural, qui représente 85 % du
territoire national, est une composante de la politique d'aménagement et de
développement du territoire. A ce titre, elle a pour objet d'assurer, à chaque
citoyen et à chaque entrepreneur, l'égalité des chances sur l'ensemble du
territoire rural. J'ai noté que M. Minetti y était particulièrement sensible.
M. Rigaudière est aussi intervenu sur ce thème.
M. Minetti tient à la revalorisation de l'image des agriculteurs. Je partage
cette ambition, tout comme, je le crois, la Haute Assemblée. Il importe
effectivement d'insister sur la complexité, ainsi que sur la modernité de ce
métier. Je suis sensible à la préoccupation de la représentation nationale à
cet égard. Je souhaite que notre politique puisse y répondre pleinement.
J'entends poursuivre la réflexion quant aux voies à suivre pour atteindre ce
but.
Cinq objectifs majeurs peuvent être assignés à la politique de développement
de l'espace rural : maintenir et développer l'activité agricole et forestière,
améliorer l'accessibilité matérielle et immatérielle, assurer une présence de
services au public, gérer l'espace et, bien évidemment, créer de nouvelles
activités économiques.
Ces objectifs sont au coeur de la future loi d'orientation agricole et
guident, parallèlement, la position du ministère de l'agriculture et de la
pêche dans les négociations en cours sur la réforme de la PAC et des fonds
structurels communautaires.
A cet égard, les diverses procédures qui concourent à l'aménagement rural
doivent pouvoir être mises en cohérence et en synergie. Cela concerne notamment
les programmes « européens » de développement des zones rurales, qui
représentent actuellement un enjeu financier très important - au titre de
l'objectif 5
b
- auxquels sont actuellement éligibles 53 % du territoire
français, ainsi que les plans de développement rural relevant de l'objectif 1
et les programmes d'initiative communautaire, en particulier LEADER.
De mon point de vue, la préparation du projet de loi d'orientation agricole et
l'élaboration de la position française au niveau de l'Agenda 2000 constituent
deux occasions majeures de remplir cet objectif de synergie et de cohérence.
Mme Bardou, MM. Rigaudière et Deneux ont attiré mon attention sur la politique
de la montagne.
Dans le cadre des travaux relatifs à la loi d'orientation agricole, mais aussi
des travaux communautaires visant à réformer la PAC, j'aurai à coeur de définir
une politique spécifique en faveur des zones défavorisées, tout
particulièrement de la montagne.
Ainsi que le soulignait Mme Bardou, l'agriculture et la forêt, qui ont
largement contribué à modeler les paysages de montagne et à faire vivre cet
espace doivent continuer à jouer un rôle prédominant dans le développement de
la montagne. Il me paraît indispensable de mobiliser au bénéfice de ces zones
un ensemble cohérent de moyens publics.
Cette politique doit reposer sur la valorisation de la spécificité des
productions de montagne. Il faudra à cet égard que nous procédions à
l'inventaire des problèmes juridiques concernant l'utilisation du terme «
montagne » et que nous apportions les solutions qui s'imposent à l'occasion de
la préparation de la loi d'orientation. Il me paraît nécessaire de ne pas
travailler seulement dans le cadre législatif national. Nous devons être plus
offensifs sur ce sujet sur le plan européen, en utilisant mieux les outils
communautaires qui sont à notre disposition pour mettre enfin en place une
véritable reconnaissance, une véritable protection européenne de nos produits
de montagne.
M. Aubert Garcia.
Très bien !
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Les politiques de développement
agricole s'appliquent bien en montagne : l'installation y est dynamique, avec
19 % de projets agréés ; la modernisation des bâtiments s'effectue avec des
taux très privilégiés. Je serai bien sûr très attentif à cet aspect « montagne
» et au maintien des indemnités compensatoires de handicaps naturels dans le
cadre de l'Agenda 2000. J'ai déjà eu l'occasion d'intervenir sur cette question
en conseil agricole.
La politique de la montagne doit aussi s'appuyer sur des instruments
permettant de compenser les handicaps naturels spécifiques de ces zones.
Lors du conseil des ministres de l'agriculture à Luxembourg, j'ai eu
l'occasion d'insister sur la nécessité de conserver les mesures déjà existantes
qui ont fait leur preuve. Tel est le cas des aides aux zones défavorisées, qui,
en assurant la compensation des handicaps naturels, permettent le maintien d'un
tissu rural actif et dynamique.
Je pense enfin, ainsi que l'ont souligné M. Poncelet et Mme Bardou, qu'il est
essentiel de maintenir des aides aux investissements compte tenu des surcoûts
engendrés par les conditions naturelles difficiles. C'est pourquoi l'effort du
ministère de l'agriculture et de la pêche en faveur des bâtiments d'élevage
sera maintenu en 1998. En revanche, je ne partage pas l'idée d'une
globalisation des crédits consacrés aux bâtiments d'élevage. Je crois, bien au
contraire, qu'il convient de continuer à gérer distinctement les deux
enveloppes, celle qui est consacrée aux bâtiments d'élevage et celle qui est
destinée à la mise en oeuvre du programme de maîtrise des pollutions d'origine
agricole, le PMPOA. A défaut, le risque serait grand de voir cette dernière
engloutir la première.
Je ferai deux parenthèses pour répondre à des questions précises concernant,
d'une part, la sécheresse dans l'Allier et, d'autre part, la sélection
animale.
Je sais les difficultés d'approvisionnement en fourrages que connaissent les
éleveurs de certains départements du Massif central et, ainsi que l'a souligné
M. Barraux, j'ai souhaité y répondre en débloquant une aide exceptionnelle de
10 millions de francs afin de prendre en charge une partie des frais de
transport des fourrages. Cette aide viendra compléter les 10 millions de francs
mis à disposition par UNIGRAINS.
Les départements les plus touchés, c'est-à-dire ceux qui bénéficieront en
priorité de cette aide exceptionnelle, sont les suivants : la Haute-Loire, qui
est la plus touchée, une partie de la Loire, du Puy-de-Dôme, du Cantal, de
l'Ardèche, du Rhône et de l'Allier.
Tout sera mis en oeuvre pour que le paiement de cette aide aux éleveurs
intervienne avant le printemps de 1998.
Je partage le souci exprimé par MM. Signé et Poncelet en ce qui concerne
l'érosion, au cours de ces dernières années, des crédits consacrés à
l'amélioration et à la sélection. Ces crédits, figurant au chapitre 44-50,
permettent de soutenir des organismes dont le rôle est essentiel pour assurer
l'identification, la traçabilité des bovins, des caprins, des ovins et des
porcins, ainsi que l'amélioration génétique du cheptel. Ce sont des actions
déterminantes pour assurer la compétitivité de l'élevage français.
Je suis conscient que les réductions brutales qui ont eu lieu au début de
l'année 1997 ont pu créer pour certains de ces organismes, je pense en
particulier aux UPRA - Union pour la promotion des races animales - de grandes
difficultés.
J'ai voulu rompre avec cette tendance en reconduisant, au niveau de la loi de
finances de 1997, les crédits consacrés à ces actions en 1998. Je veillerai à
préserver cette dotation sur la gestion de l'exercice 1998.
Je considère, en outre, qu'il est devenu nécessaire de mieux définir quelles
doivent être les actions prioritaires dans ce domaine, afin de leur garantir un
financement stable et régulier. J'ai donc l'intention de mener avec les
professionnels concernés une réflexion sur ce sujet dans les mois à venir.
MM. de Menou et Pourchet, notamment, m'ont interrogé sur les programmes de
maîtrise des pollutions d'origine agricole, les PMPOA, que j'évoquais voilà
quelques instants pour réaffirmer mon attachement aux objectifs visés par ces
programmes.
Il est indispensable de continuer à accompagner les éleveurs qui améliorent
leurs bâtiments d'élevage et leurs pratiques de fertilisation. Les crédits que
consacre mon ministère à ces actions seront donc reconduits en 1998.
Toutefois, face aux difficultés croissantes de mise en oeuvre de ces
programmes, en particulier dans ces zones d'excédents structurels qu'évoquait
M. de Menou, il est apparu indispensable d'aménager le dispositif des PMPOA. En
liaison avec Mme Voynet, des propositions ont été faites aux organisations
professionnelles agricoles afin de rétablir un traitement plus juste entre les
élevages et d'accélérer les programmes de résorption.
Une série de réunions avec les organisations professionnelles vont permettre
de travailler à partir des orientations suivantes : un durcissement des
conditions de régularisation des élevages sur la base des effectifs constatés
au 1er janvier 1994, une limitation des surfaces d'épandage et un abaissement
des seuils de traitement ; un plafonnement des aides publiques, en vue de
permettre à des élevages de taille modeste d'accéder aux financements publics
dès lors qu'ils se trouvent dans des zones sensibles ; l'ouverture de
possibilités d'extension d'élevages familiaux ainsi que d'installation de
jeunes agriculteurs, dans le cadre des « marges » définies par les programmes
de résorption. Les élevages qui se sont développés depuis le 1er janvier 1994
et qui entrent dans l'une des deux catégories, jeunes agriculteurs ou élevages
familiaux, pourront aussi être régularisés.
M. Pourchet a soulevé le délicat problème de la distance entre les élevages et
les habitations. A cet égard, je ne peux que rappeler l'existence du cadre
juridique que constitue la réglementation relative aux installations classées.
Toutefois, rien n'interdit au voisinage, parfois incommodé par les inévitables
problèmes liés à l'activité d'élevage, de se tourner vers les tribunaux.
Dans l'attente de la réforme de la PAC, j'ai proposé à la Commission
européenne de reconduire la prime au maintien des systèmes d'élevage extensifs,
dite « prime à l'herbe », dans le cadre du dispositif communautaire
agri-environnemental.
M. Henri Belcour.
Très bien !
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
La prime à l'herbe vient en
effet à échéance cette année. Comme vous le savez, elle fait l'objet de vives
critiques de la part de la Commission, qui considère qu'elle ne répond pas aux
objectifs des mesures agri-environnementales.
Je l'ai dit à Bruxelles, ces critiques ne sont pas justifiées et je suis, pour
ma part, très attaché à la prime à l'herbe.
Alors qu'entre 1979 et 1993 les surfaces en prairies se sont réduites de 20 %
en France, elles se sont stabilisées depuis l'instauration de la prime à
l'herbe. Depuis 1994, les alpages et les zones de faible production ont même vu
leur superficie légèrement progresser, pour dépasser 2 millions d'hectares, et
100 000 éleveurs ont ainsi bénéficié de cette aide en 1997, pour une superficie
de 4,5 millions d'hectares. Je tiens à rappeler que la moitié de ces éleveurs
se trouve en zone de montagne.
J'aurais souhaité, comme vous, que la prime à l'herbe puisse être revalorisée
cette année, afin de favoriser les élevages herbagers, qui en ont tant besoin.
Mais une telle revalorisation aurait mis en péril la prime à l'herbe : depuis
1994, la part des autres mesures agri-environnementales - les plans de
développement durable, l'agriculture biologique - n'a cessé de se réduire,
jusqu'à devenir nulle en 1996 et 1997.
Les discussions qui ont eu lieu entre la Commission européenne et mes services
m'ont convaincu de la nécessité de rééquilibrer le dispositif si l'on veut
pérenniser la prime à l'herbe.
J'ai donc proposé qu'elle soit reconduite en l'état. Je vous demande de
considérer qu'il s'agit d'une décision provisoire. Il faudra, en effet, dans le
cadre de la réforme de la PAC, intégrer dans les modalités de soutien des
marchés des instruments qui encouragent les modes d'exploitation liés à
l'espace, et je pense en particulier à des aides liées au sol, comme la « prime
à l'herbe ». Il me paraît essentiel d'intégrer ces objectifs dans les
organisations communes de marché, afin d'inciter les éleveurs à développer des
systèmes de production herbagers.
M. Emorine, en particulier, a évoqué le fonds de gestion de l'espace rural, le
FGER, notamment pour indiquer qu'il juge insuffisant le niveau de sa dotation
dans le projet de budget pour 1998.
Je dois d'abord rappeler que le gouvernement précédent avait purement et
simplement annulé cette dotation budgétaire, qui avait été ensuite rétablie
lors du débat budgétaire.
(Eh oui ! sur les travées socialistes.)
J'ai choisi, quant à moi, d'en faire un instrument essentiel de la
politique d'aménagement rural. En effet, le FGER doit prendre place dans la
réflexion sur la politique de développement rural. Le FGER sera, dans la loi
d'orientation agricole, l'instrument d'une agriculture qui s'étend sur tout le
territoire, qui s'expérimente en montagne et qui prend en charge des problèmes
d'érosion ou de gestion de la ressource en eau, ou encore qui intègre des
préoccupations paysagères.
Avec 140 millions de francs, j'ai donc quasiment maintenu la dotation dans le
projet de loi de finances pour 1998. A ces crédits s'ajouteront d'ailleurs les
crédits reportés de la gestion 1997, ce qui nous permettra de faire face
largement aux besoins recensés.
Sur le fond, le FGER est un élément central de la politique d'aménagement et
d'ancrage territorial que je souhaite promouvoir. La majeure partie de ses
actions concerne ainsi l'entretien d'espaces atteints par la déprise agricole,
l'amélioration du cadre de vie et le débroussaillage en paysage rural.
Le FGER est également un élément important de partenariat avec les
collectivités locales. Les commissions départementales de gestion de l'espace,
les CODEGE, sont précisément le lieu de concertation et de dialogue avec les
élus.
Sur la question de l'installation, sont intervenus, notamment, MM. Barraux,
Minetti, Piras et Deneux.
Les moyens consacrés à la politique d'aide à l'installation dans le projet de
budget pour 1998 me semblent être à la mesure des enjeux que je retiens dans le
cadre de la loi d'orientation agricole.
Le projet de budget pour 1998 traduit donc un effort substantiel en faveur des
jeunes candidats à l'installation : les crédits dévolus à la dotation aux
jeunes agriculteurs sont reconduits ; les crédits dévolus aux stages à
l'installation sont majorés de près de 30 %, marquant un volontarisme politique
que je souhaite imprimer en collaboration avec la profession agricole.
C'est dans cet esprit que j'ai mis en place le fonds d'installation en
agriculture, doté de 160 millions de francs. Il s'insère dans une politique
globale, celle des PIDIL, les programmes pour l'installation des jeunes en
agriculture et le développement des initiatives locales. Il vient en renforcer
les actions qui incitent à l'installation, qu'il s'agisse des actions de
parrainage ou des audits d'exploitation.
Le fonds d'installation en agriculture prolonge donc cette vocation
structurelle qui est d'aider les jeunes à prendre une décision d'installation
en toute connaissance de cause : la prime doit inciter les exploitants sans
successeur désigné à favoriser l'installation d'un jeune agriculteur. La
transmission d'exploitation ainsi favorisée s'inscrit dans les orientations de
la charte pour l'installation et du projet départemental. Il s'agit d'aider une
installation qui ne se serait pas réalisée spontanément.
J'ai évoqué le chiffre de 3 000 installations. C'est bien sûr un objectif,
sachant que 9 000 installations sont aujourd'hui aidées. C'est aussi un
objectif qui correspond aux moyens financiers dont je dispose.
MM. Minetti, Pourchet, Barraux, Raoult et d'autres ont abordé la question des
retraites.
Sans revenir sur ce que j'ai dit cet après-midi, j'indique que les mesures de
revalorisation financées en 1998 permettront à un retraité conjoint ayant
participé à l'exploitation durant trente-sept années et demie de percevoir, en
1998, 23 750 francs, au lieu des 18 650 francs prévus initialement.
J'ajoute que 700 000 retraités agricoles non imposables bénéficieront, en
1998, de la suppression de leur actuelle cotisation maladie de 2,8 % sur leur
pension, sans devoir, en contrepartie, acquitter la CSG.
Ces mesures constituent, je le répète, une première étape.
Aujourd'hui, lorsque les conjointes travaillent sur l'exploitation, elles sont
de plus en plus nombreuses à choisir d'être co-exploitantes ou associées de
société. Ces deux statuts reconnaissent pleinement leur activité et leur
permettent de bénéficier, notamment au titre de l'assurance vieillesse, des
mêmes droits que le chef d'exploitation.
Quant aux conjointes qui n'exercent pas d'autre activité professionnelle
extérieure et n'ont pas opté pour l'un de ces statuts, elles bénéficient d'une
présomption de participation aux travaux de l'exploitation qui leur ouvre droit
à la retraite forfaitaire.
Je reconnais que le problème est bien celui d'une amélioration de leur statut,
de manière que celui-ci réponde mieux à leurs aspirations légitimes. Des
réflexions sont actuellement menées sur les avancées possibles à ce sujet.
M. Raoult est intervenu sur l'enseignement et la recherche pour reconnaître la
priorité qui en est faite dans ce projet de budget.
Comme je l'ai dit dans mon propos introductif, nous disposons d'un appareil de
formation remarquable, qui présente des atouts reconnus et appréciés, le
rendant attractif au sein du dispositif national de formation initiale et
continue. Son maillage territorial mérite également d'être souligné : au total,
plus de 1 500 centres sont répartis sur tout le territoire national et bien
ancrés dans le monde rural.
Il m'est apparu dès lors indispensable de faire de l'enseignement agricole
l'une des trois priorités fortes de mon projet de budget pour 1998. Les fonds
qui seront consacrés au secteur éducatif connaîtront donc une progression très
sensible - de près de 5 % -, pour atteindre un montant de 6,438 milliards de
francs.
Par ailleurs, les crédits publics de recherche intéressant le domaine de
l'agriculture et de l'agro-alimentaire atteignent près de 3,840 milliards de
francs, en augmentation de près de 3 %, ce qui nous permet de disposer d'un
outil de recherche public bien adapté et de promouvoir des projets innovants
avec différents partenaires.
Enfin, M. Raoult a particulièrement mis l'accent sur la création du fonds
social lycéen dans l'enseignement agricole : c'est en effet une mesure tout à
fait significative, qu'il m'a paru très important de mettre en place. Géré au
plus près des familles, ce fonds permettra de faire face aux situations
sociales difficiles et d'assurer une plus grande égalité des chances entre tous
les élèves.
L'enseignement agricole prend ainsi toute sa place dans la priorité nationale
reconnue à l'éducation par le Premier ministre.
M. Serge Mathieu a abordé de façon quasi exhaustive la situation de la filière
viticole, et je veux m'efforcer de répondre à diverses questions qu'il a
posées.
Concernant la campagne 1997, même si le volume de production est légèrement
inférieur à celui de 1996, je crois que nous pouvons nous réjouir, avec
l'ensemble des viticulteurs, de la qualité globale des vendanges : cela stimule
les perspectives commerciales des entreprises, non seulement sur le marché
intérieur, mais aussi à l'exportation.
Cependant, l'avenir de cette filière, notamment la pérennité des plantations
viticoles, est également ma préoccupation et, dès le mois de juillet, j'ai
obtenu des autorités communautaires un dispositif de gestion des droits de
plantation qui nous permet d'optimiser notre quota.
Je souhaite bien entendu que les professionnels aboutissent à un accord pour
faire en sorte que les droits ainsi préservés soient effectivement utilisés.
M. Serge Mathieu a évoqué aussi l'ensemble des questions relatives aux charges
et à la fiscalité applicables à la viticulture.
Je suis, sur ces questions, en concertation permanente avec mon collègue
chargé du budget, pour rappeler la nécessité d'une meilleure adéquation des
systèmes en vigueur aux spécificités de la viticulture : je pense notamment à
la fiscalité sur les stocks à rotation lente et aux déductions pour
investissements.
Concernant le débat sur le vin et la santé publique, je sais que les
professionnels sont engagés activement dans une démarche pédagogique visant à
expliquer les conditions dans lesquelles la consommation modérée de vin est non
seulement un élément fort de convivialité, mais aussi, semble-t-il, un atout
pour la santé ; certains travaux scientifiques l'attesteraient.
Ce travail d'information commence à porter ses fruits dans les deux directions
souhaitées : la lutte contre l'alcoolisme et l'information objective des
consommateurs.
Enfin, M. Serge Mathieu a bien voulu saluer l'action que j'ai conduite cet été
en matière de distillation préventive, de soutien à l'approvisionnement des
débouchés « non-vins », ainsi qu'en faveur de l'amélioration qualitative des
vignobles et de leur restructuration.
Je lui confirme que c'est avec la même détermination que je m'efforce de
répondre aux autres préoccupations des professionnels de ce secteur, à
commencer par le financement des investissements dans les caves, notamment
coopératives, ou l'évolution du statut des syndicats d'appellation. Il en va,
nous le savons, de l'avenir de notre viticulture.
MM. François-Poncet, de Menou et Huchon sont intervenus notamment sur
l'organisation commune du marché des fruits et légumes. Ils ont évoqué la mise
en place des dispositions prévues dans le cadre de la nouvelle OCM.
Comme vous le savez, celle-ci a été négociée en 1996 et les textes ont été
définitivement approuvés début 1997. La mise en application française de ce
nouveau cadre européen est en cours de réalisation, et nous avons la volonté de
faire franchir à ce secteur très important de l'économie agricole une nouvelle
étape en matière d'organisation.
C'est la raison pour laquelle, en concertation étroite avec les représentants
des organisations professionnelles concernées, j'ai souhaité donner une chance
à tous ceux qui s'engageraient clairement et rapidement dans les schémas
proposés par la nouvelle OCM.
Il n'a donc pas été procédé à une sélection
a priori
des dossiers qui
nous sont présentés, dès lors que le respect scrupuleux des textes
communautaires apparaissait dans les dossiers transmis.
Bien entendu, l'OCM mettant en jeu des financements européens, les contrôles
les plus stricts seront réalisés dès la première année, et aucune complaisance
ne sera de mise à l'égard de ceux qui ne respecteraient pas intégralement les
objectifs fixés.
Complémentairement, nous avons engagé une réflexion sur l'organisation des
structures d'encadrement régionales et nationales des organisations de
producteurs.
En effet, une adaptation de ces structures au nouveau dispositif européen
s'avère nécessaire. Comme les professionnels responsables, je souhaite que la
prochaine campagne de fruits et légumes, qui s'inscrira pleinement dans cette
nouvelle OCM, bénéficie des opportunités réelles apportées par le nouveau cadre
européen.
M. François-Poncet s'est également interrogé sur l'opportunité de traiter
certaines filières spécialisées selon la même logique que celle qui sous-tend
le paquet Santer. Pourquoi ne pas envisager, par exemple, des aides à l'hectare
pour les fruits et légumes ? La question mérite certes réflexion.
Je dirai simplement, à ce stade des négociations du paquet Santer, que les
intérêts de la France dans ce débat ne nous conduisent pas à augmenter le
nombre des sujets et des produits en discussion.
Concernant les fruits et légumes, force est de constater que la nouvelle OCM
vient juste d'être adoptée. La question de l'opportunité d'un changement des
règles du jeu se pose donc. Par ailleurs, il me semble difficile de justifier
un soutien à cette filière au titre d'un différentiel de prix par rapport aux
marchés mondiaux, mais la question, je le répète, mérite réflexion.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'arrive au terme de ma réponse à vos
questions. Il ne m'a, bien évidemment, pas été possible de répondre à toutes
celles que vous avez soulevées. Au demeurant, le débat budgétaire est devant
nous.
A cet égard, j'ai entendu le jugement sévère qu'a porté M. Soucaret sur le
projet de budget de mon ministère. Je lui ai déjà fait remarquer qu'il
s'agissait d'une appréciation militante. S'il est sévère pour un budget qui
progresse de 1,2 %, je tremble à l'idée de ce qu'il a pu dire voilà deux ans
quand le budget reculait de 2,1 % et il y a un an quand il reculait de 3,8 %
!
M. René-Pierre Signé.
Il a la mémoire courte !
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Au terme de ces heures de
discussion, j'ai le sentiment que nous venons d'ouvrir un débat d'orientation
et non pas seulement un débat prébudgétaire. Je me réjouis de voir l'intérêt
que la Haute Assemblée porte à nos agricultrices, à nos agriculteurs, à notre
agriculture.
Comme vous, je considère que le monde agricole et agro-alimentaire, qui joue
un rôle essentiel dans notre économie, est aussi une composante primordiale de
notre culture, déterminante pour l'équilibre de notre territoire.
Nous aurons à nouveau l'occasion d'échanger nos vues dans quelques semaines
lors de la discussion du projet de loi de finances et dans quelques mois lors
du débat sur le projet de loi d'orientation agricole, dont l'ambition, je m'y
applique, sera à la hauteur de vos attentes.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le
numéro 74 et distribuée.
5
DÉPÔT DE PROJETS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation
de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République de Cuba pour la
prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 76, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation
de la convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière
entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
République de Pologne.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 77, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation
de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de l'Ukraine pour la prévention, la
recherche et la poursuite des fraudes douanières.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 78, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
6
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 1998, adopté par l'Assemblée
nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 70, distribué et renvoyé à la
commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle
d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
7
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu de MM. Maurice Blin, Henri de Raincourt, Josselin de Rohan, Louis
Souvet et Jean Arthuis une proposition de résolution tendant à créer une
commission d'enquête sur les conséquences pour l'économie française de la
réduction de la durée du travail à trente-cinq heures hebdomadaires.
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 75, distribuée et
renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation et pour avis à la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale, en application de l'article 11, alinéa 1, du
règlement.
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DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord
bilatéral entre la Communauté européenne et l'ancienne République Yougoslave de
Macédoine sur le commerce de produits textiles.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 947 et
distribuée.
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RENVOI POUR AVIS
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n° 70, 1997-1998) dont la commission des affaires sociales est saisie au fond est renvoyé pour avis à sa demande à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
10
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Henri Revol un rapport fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan sur la proposition de résolution de MM. Maurice
Blin, Henri de Raincourt, Josselin de Rohan, Jacques Valade et Henri Revol
tendant à créer une commission d'enquête afin de recueillir les éléments
relatifs aux conditions d'élaboration de la politique énergétique de la France
et aux conséquences économiques, sociales et financières des choix effectués
(n° 34, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 71 et distribué.
J'ai reçu de M. Guy Allouche un rapport fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur la proposition de loi de M. Jacques Larché
tendant à faciliter le jugement des actes de terrorisme (n° 56, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 72 et distribué.
J'ai reçu de MM. Charles Descours, Jacques Machet et Alain Vasselle un rapport
fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale
(n° 70, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 73 et distribué.
11
DÉPÔT D'UN AVIS
M. le président.
J'ai reçu de M. Jacques Oudin un avis présenté au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, adopté par
l'Assemblée nationale (n° 70, 1997-1998).
L'avis sera imprimé sous le numéro 79 et distribué.
12
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au jeudi 6 novembre 1997, à neuf heures trente :
1. - Discussion de la résolution (n° 46, 1997-1998), adoptée par la commission
des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation en
application de l'article 73
bis,
alinéa 8, du règlement, sur la
proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui
concerne le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de
télécommunications (n° E 785).
Rapport (n° 37, 1997-1998) de M. Denis Badré, fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Aucun amendement n'est plus recevable.
A quinze heures :
2. - Discussion des conclusions du rapport (n° 283, 1996-1997) de M. Jean-Paul
Delevoye, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
sur :
- la proposition de loi (n° 240, 1994-1995) de MM. Louis Souvet, Michel
Alloncle, Jean Bernard, Eric Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Gérard César,
Désiré Debavelaere, Jacques Delong, Alain Dufaut, Alain Gérard, Daniel Goulet,
Georges Gruillot, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Jean-Paul Hammann, Roger
Husson, André Jarrot, André Jourdain, Lucien Lanier, Marc Lauriol,
Jean-François Le Grand, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Maurice Lombard,
Max Marest, Paul Masson, Mme Hélène Missoffe, MM. Joseph Ostermann, Jacques
Oudin, Mme Nelly Rodi, MM. Michel Rufin, Maurice Schumann, Alain Vasselle et
Serge Vinçon visant à clarifier les conditions d'accueil des gens du voyage sur
le territoire des communes de plus de 5 000 habitants ;
- la proposition de loi (n° 259, 1994-1995) de MM. Philippe Marini, Honoré
Bailet, Jacques Bérard, Jean Bernard, Mme Paulette Brisepierre, MM. Robert
Calmejane, Auguste Cazalet, Gérard César, Jean Chérioux, Désiré Debavelaere,
Jean-Paul Delevoye, Roger Fosse, François Gerbaud, Daniel Goulet, Adrien
Gouteyron, Georges Gruillot, Emmanuel Hamel, Jean-Paul Hammann, Jean-Paul
Hugot, Roger Husson, André Jarrot, René-Georges Laurin, Marc Lauriol, Jacques
Legendre, Joseph Ostermann, Michel Rufin, Martial Taugourdeau et Alain Vasselle
relative au stationnement des gens du voyage.
Aucun amendement n'est plus recevable.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, adopté par
l'Assemblée nationale (n° 70, 1997-1998) :
- délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mercredi 12 novembre 1997, à douze heures ;
- délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 12 novembre 1997, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jacques
Larché tendant à faciliter le jugement des actes de terrorisme (n° 72,
1997-1998) :
- délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 12 novembre 1997, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
M. Charles Descours (équilibres généraux de la sécurité sociale et assurance maladie), M. Jacques Machet (famille) et M. Alain Vasselle (assurance vieillesse) ont été nommés rapporteurs du projet de loi n° 70 (1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale avec modifications, de financement de la sécurité sociale pour 1998.
COMMISSION DES FINANCES
M. Jacques Oudin a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 70
(1997-1998) de financement de la sécurité sociale pour 1998, dont la commission
des affaires sociales est saisie au fond.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Situation budgétaire des hôpitaux d'Ile-de-France
110.
- 5 novembre 1997. -
M. Gérard Larcher
attire l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à la santé
sur la situation des hôpitaux de la région Ile-de-France, au regard du taux
d'évolution des budgets hospitaliers pour 1998 de 2,2 %. Un grand nombre
d'établissements, devant l'évolution de la masse salariale et celle du coût
engendré par la réglementation sur la sécurité des soins, ne pourront tenir
leur budget que s'ils bénéficient de cette évolution totalement. Or, les
décisions prises par les services ministériels (direction des hôpitaux), qui
définissent les évolutions régionales, et par l'agence régionale
d'hospitalisation de la région Ile-de-France, vont modifier en la diminuant
cette évolution de 2,2 %. En conséquence, il lui demande quelles dispositions
il compte prendre afin que de nombreux hôpitaux, notamment de la région
Ile-de-France ne se retrouvent pas dans les faits avec des taux d'évolution
zéro ou des taux négatifs qui entraîneraient d'importantes suppressions
d'emplois ou d'abandons d'activité médicale.
Respect du principe de présomption
d'innocence par les médias
111.
- 5 novembre 1997. -
M. François Lesein
appelle l'attention de
Mme le garde des sceaux, ministre de la justice,
sur les conséquences souvent irréparables qu'entraîne la publicité faite autour
des mises en examen de certains justiciables, qu'ils soient célèbres ou non, et
dont l'innocence est reconnue par la suite. En effet, alors que la garde à vue,
la mise en examen ou le jugement de certaines personnes font parfois les gros
titres de la presse nationale ou régionale, on peut déplorer que ces mêmes
titres n'accordent pas la même importance au non-lieu, à la relaxe ou à
l'acquittement prononcé en faveur de ces personnes. Or, malgré la présomption
d'innocence à laquelle il est théoriquement impossible de porter atteinte en
vertu de textes récents, on constate que toute mise en cause médiatique
s'accompagne d'une irréversible présomption de culpabilité dans l'esprit des
lecteurs, et ce malgré la survenue d'une décision d'innocence. Dès lors, il lui
demande s'il ne serait pas concevable d'adopter un système, similaire à celui
du droit de réponse, qui contraindrait les organes de presse ayant fait état
d'une mise en cause pénale, à faire également état de la décision d'innocence
et ce, dans les mêmes proportions.
Régime de la taxe professionnelle
applicable à France Télécom et à La Poste
112.
- 5 novembre 1997. -
M. François Lesein
appelle l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur les problèmes posés par la législation en vigueur relative à
l'assujettissement de France Télécom et de La Poste à la Taxe professionnelle.
En effet, l'Etat ne reverse pas aux communes, qui accueillent leurs
établissements, le produit de la taxe professionnelle tel que le prévoit
pourtant le droit commun. Cette situation prive de nombreuses communes de
moyens financiers importants causant dès lors un manque à gagner tout à fait
regrettable pour des collectivités trop souvent surrendettées. Malgré les
nombreuses interventions d'élus, de parlementaires et d'associations en faveur
de l'application du droit commun des règles de la décentralisation et de
l'utilisation de la taxe professionnelle, il semble malheureusement qu'il y ait
eu peu d'évolution sur un sujet aussi sensible. Il lui demande en conséquence
s'il ne serait pas envisageable que les collectivités locales puissent enfin
percevoir le produit de la taxe professionnelle de France Télécom et de La
Poste.
Taux de TVA applicable au gaz, à l'électricité
et au fioul ménager
113.
- 5 novembre 1997. -
M. François Lesein
appelle l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur les coûts excessifs occasionnés par le taux de TVA à 20,6 % en ce qui
concerne la consommation de gaz, d'électricité et de fioul ménager. Sachant
qu'un taux dérogatoire de 5,5 % est reconnu pour favoriser la consommation de
certains produits de première nécessité, il est étonnant de constater que le
gaz, l'électricité et le fioul ménager n'entrent pas dans cette catégorie de
produits. On ne saurait envisager un seul instant de pouvoir vivre sans l'un ou
l'autre de ces trois éléments indispensables au confort minimum de nos
habitations aussi modestes soient-elles. C'est pourquoi, il lui demande s'il ne
serait pas plus juste et équitable d'appliquer, pour chacun de nos concitoyens,
un taux de TVA de 5,5 % pour toute opération de consommation de gaz,
d'électricité et de fioul domestique.
Taux de TVA sur les produits multimédia
114. - 5 novembre 1997. - M. François Lesein appelle l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur la nature des suites qu'il convient de donner à la divergence des opinions exprimées par M. le Président de la République et la commission européenne en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur les produits multimédia. Il est aujourd'hui patent de constater que nombre de ces produits, notamment les CD-Rom, poursuivent, dans le domaine de l'éducation par exemple, des objectifs similaires à ceux du livre pour lequel le taux de TVA est réduit. De plus, on ne saurait considérer l'approche de la culture uniquement par le biais de la littérature. Il convient bien au contraire d'encourager la diffusion des autres modes d'expression culturelle qui, à l'instar de la peinture, de la musique ou du cinéma, sont accessibles au plus grand nombre, essientellement grâce à l'essor des CD-Rom, des disques compacts ou des vidéocassettes. Aussi, il lui demande quels aménagements pourraient être opérés afin que le souhait du Président de la République, partagé par l'ensemble des Français, puisse être exaucé.