SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Rappel au règlement (p. 1 ).
M. Louis Minetti, le président.

3. Pêche maritime et cultures marines. - Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire (p. 2 ).
Discussion générale : MM. Josselin de Rohan, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Clôture de la discussion générale.

Texte élaboré par la commission mixte paritaire (p. 3 )

Vote sur l'ensemble (p. 4 )

M. Michel Sergent.
Adoption du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 5 )

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

4. Agriculture. - Débat sur une déclaration du Gouvernement (p. 6 ).
MM. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques ; Christian Poncelet, président de la commission des finances.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

MM. Bernard Piras, Raymond Soucaret, Louis Minetti, Philippe François, Bernard Barraux, Serge Mathieu, Paul Raoult, Jacques de Menou, Jean Huchon, Roland du Luart, René-Pierre Signé.

Suspension et reprise de la séance (p. 7 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

MM. Roger Rigaudière, Jean Pourchet, Jean-Paul Emorine, Henri Belcour, Marcel Deneux, Mme Janine Bardou.
M. le ministre.
Clôture du débat.

5. Dépôt de projets de loi (p. 8 ).

6. Transmission d'un projet de loi (p. 9 ).

7. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 10 ).

8. Dépôt d'une proposition d'acte communautaire (p. 11 ).

9. Renvoi pour avis (p. 12 ).

10. Dépôt de rapports (p. 13 ).

11. Dépôt d'un avis (p. 14 ).

12. Ordre du jour (p. 15 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Louis Minetti. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Mon rappel au règlement est fondé sur l'article 36, alinéa 2, du règlement, relatif à l'organisation de nos travaux.
J'apprends que quatre-vingt-huit organisations agricoles, mais aussi des négociants français en fruits et légumes, viennent d'être déférés devant le Conseil de la concurrence par la Fédération des importateurs de fruits et légumes.
Le « délit » invoqué est le suivant : avoir signé un accord de bonne conduite entre producteurs et négociants qui relève un peu les écarts excessifs entre prix cassés à la production et prix stables à la consommation.
Cette situation appelle quatre premières réactions de ma part.
D'abord, je soutiens totalement les signataires de l'accord et condamne l'action des importateurs.
Ensuite, je les soutiens d'autant plus que cet accord de bonne conduite est très modéré par rapport aux recommandations de la mission sénatoriale que je présidais, recommandations qui ont été renouvelées depuis à quatre reprises. La semaine dernière, j'ai encore interpellé sur ces questions M. le ministre de l'agriculture. Aujourd'hui même, je vais le faire de nouveau puisque le hasard veut que ces questions soient à l'ordre du jour de notre séance.
En outre, l'heure est à construire ensemble d'autres accords qui substituent à l'affrontement entre producteurs du monde entier une politique de codéveloppement et de collaboration bénéfique à tous.
Enfin, l'Organisation mondiale du commerce et les organisations communes des marchés doivent être corrigées dans cet esprit.
M. le président. Je vous donne acte de votre déclaration, monsieur Minetti.

3

PE^CHE MARITIME ET CULTURES MARINES

Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 69, 1997-1998) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire, Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines s'est réunie à l'Assemblée nationale, le mardi 4 novembre 1997.
Elle a procédé à l'examen des articles restant en discussion.
Elle a adopté, dans la rédaction du Sénat, les articles 4 ter, 5 bis , 6 ter, 9 bis B, 10 et 30 ter .
Elle a supprimé l'article 7 ter, au motif que la mise en oeuvre de cet article soulevait de réelles difficultés. Elle a souhaité que les pouvoirs publics, après avoir consulté l'ensemble des organisations professionnelles, élaborent une version plus adéquate, afin de parvenir à une répression efficace du braconnage des poissons migrateurs.
La commission mixte paritaire a ensuite adopté un amendement rédactionnel à l'article 9 bis A.
Elle a également pérennisé, à l'article 12, l'exonération de la taxe professionnelle, initialement prévue jusqu'en 2005, pour les pêcheurs optant pour la société de pêche artisanale.
Puis la commission mixte paritaire a adopté un amendement rédactionnel, à l'article 15 bis.
Enfin, l'article 35 A est un article additionnel, qui résulte d'un amendement déposé par le Gouvernement en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, ouvrant à la concurrence l'offre de retraites complémentaires volontaires pour les non-salariés agricoles.
Je tiens à rappeler que, dans un premier temps, le Sénat avait souhaité la suppression de cet article en raison de son rapport très éloigné avec la pêche maritime. Nous avons ensuite accepté un amendement du Gouvernement, présenté comme une solution de compromis.
Le rapporteur de la commission mixte paritaire pour l'Assemblée nationale a choisi de faire participer les mutuelles à l'ouverture du régime COREVA. Souhaitant ne pas retarder l'adoption de ce projet de loi d'orientation pour des raisons tenant aux modalités de mise en oeuvre de l'article 35 A, il nous a semblé inutile de faire échouer la commission mixte paritaire sur ce point.
L'article 35 A a ainsi été adopté, modifié par deux amendements, l'un permettant aux organismes mutualistes de participer à l'ouverture du régime COREVA, l'autre étant d'ordre rédactionnel.
La commission mixte paritaire a ensuite adopté l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines dans la rédaction issue de ses délibérations.
Puisque l'occasion m'en est donnée, je souhaiterais savoir, me faisant l'écho d'un certain nombre de parlementaires, si le Gouvernement a prévu que des parlementaires représentant nos deux assemblées puissent siéger au sein du Conseil supérieur d'orientation des pêches.
En attendant la réponse à cette question, j'ai le devoir de dire que la commission mixte paritaire vous demande, mes chers collègues, d'adopter l'ensemble du projet de loi dans la rédaction adoptée par la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la commission mixte paritaire a approuvé hier soir le projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines. Le Gouvernement en prend acte et il s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée s'agissant des modifications qui sont proposées.
Je crois pouvoir dire que les professionnels de la mer disposeront ainsi d'une loi équilibrée, qui constitue un cadre juridique bien adapté aux conditions d'accès à la ressource, à la modernisation des entreprises, aux évolutions de la filière marquées par l'exigence de qualité et de sécurité alimentaire.
Sur le plan social, le projet de loi introduit des avancées, et chacun mesure combien, dans ce domaine, les progrès sont nécessaires pour rapprocher les conditions de travail des marins-pêcheurs de celles des salariés à terre.
Présenté par mon prédécesseur, le projet de loi a été adopté en première lecture, enrichi depuis ma prise de fonctions, en étroite concertation avec les professionnels et en concertation avec le Parlement. Ce texte a rencontré tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat l'adhésion unanime des groupes parlementaires. Il me plaît de souligner que son adoption définitive prend place moins d'une semaine après l'accord trouvé par les Quinze à Luxembourg pour une orientation plus marquée vers une gestion durable de la ressource, et qu'il est considéré par nos professionnels comme un bon compromis.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voulais aussi affirmer la volonté du Gouvernement de faire toute diligence en ce qui concerne les trente et un décrets qui seront pris en application de ce projet de loi.
J'ai bien noté, monsieur le rapporteur, votre question relative à la participation de représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat au Conseil supérieur d'orientation prévu par le présent texte. Je mets à l'étude cette question dans la mesure où nous devrons, dans les toutes prochaines semaines, définir les contours et le contenu de la représentation au sein de cet organisme.
En conclusion, je voudrais souligner que le texte que nous avons élaboré ensemble est très attendu par les professionnels. Le Gouvernement et le Parlement ont entendu ne pas les décevoir.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :

« TITRE Ier

« DE L'ORIENTATION
DE LA POLITIQUE DES PÊCHES MARITIMES,
DES CULTURES MARINES
ET DES ACTIVITÉS HALIO-ALIMENTAIRES


« TITRE II

« DE L'ACCÈS À LA RESSOURCE


« Art. 4 ter. - I. - Après l'article 3-1 du décret du 9 janvier 1852 précité, il est inséré un article 3-2 ainsi rédigé :
« Art. 3-2. - Un navire de pêche battant pavillon français n'est autorisé à pêcher sur les quotas nationaux ou ne peut se voir délivrer une autorisation de pêche que lorsqu'il a un lien économique réel avec le territoire de la République française et qu'il est dirigé et contrôlé à partir d'un établissement stable situé sur le territoire français. »
« II. - Les dispositions de l'article 3-2 du décret du 9 janvier 1852 précité entreront en vigueur le 1er janvier 1999. »

« Art. 5 bis. - Il est inséré, après l'article 13 du décret du 9 janvier 1852 précité, un article 13-1 ainsi rédigé :
« Art. 13-1. - Les manquements aux dispositions de l'article 3-2 sont constatés par les agents mentionnés à l'article 16.
« Indépendamment des actions pénales susceptibles d'être engagées, ces manquements pourront donner lieu à l'une des sanctions suivantes :
« a) Amende administrative qui ne peut dépasser le maximum prévu pour la contravention de la cinquième classe et dont le produit est versé à l'Etablissement national des invalides de la marine ; cette amende est appliquée autant de fois qu'il y a de quintaux pêchés, détenus à bord ou débarqués en infraction aux délibérations rendues obligatoires ;
« b) Suspension ou retrait d'autorisations de pêche.
« Les intéressés sont avisés au préalable des faits relevés à leur encontre. L'autorité compétente leur fait connaître qu'ils disposent d'un délai de deux mois pour faire valoir par écrit, par eux-mêmes ou par mandataire, leurs moyens de défense et qu'ils peuvent demander à être reçus par elle, seuls ou en compagnie d'un défenseur de leur choix. »

« Art. 6 ter. - I A. - L'article 2 de la loi n° 66-400 du 18 juin 1966 sur l'exercice de la pêche maritime et l'exploitation des produits de la mer dans les Terres australes et antarctiques françaises est complété par un second alinéa ainsi rédigé :
« Tout navire entrant dans la zone économique exclusive des Terres australes et antarctiques françaises a obligation de signaler sa présence et de déclarer le tonnage de poissons détenu à bord auprès du chef de district de l'archipel le plus proche. »
« I. - L'article 4 de la loi n° 66-400 du 18 juin 1966 précitée est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "de 50 000 à 500 000 francs" et "de deux mois à six mois" sont respectivement remplacés par les mots : "de 1 000 000 francs" et "de six mois" ;
« 1° bis Le premier alinéa est complété par les mots : "ou aura omis de signaler son entrée dans la zone économique ou de déclarer le tonnage de poissons détenu à bord." ;
« 2° Il est ajouté un troisième alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, le maximum légal prévu au premier alinéa sera augmenté de 500 000 francs par tonne pêchée au-delà de 2 tonnes sans avoir obtenu l'autorisation prévue à l'article 2 ou en infraction aux dispositions relatives aux zones et aux époques interdites et prises en application de l'article 3. » ;
« 3° Il est ajouté un quatrième alinéa ainsi rédigé :
« Le recel au sens de l'article 321-1 du code pénal des produits pêchés sans avoir obtenu l'autorisation prévue à l'article 2 ou en infraction aux dispositions relatives aux zones et aux époques interdites et prises en application de l'article 3 sera puni des mêmes peines. ».
« II. - L'article 9 de la loi n° 66-400 du 18 juin 1966 précitée est ainsi modifié :
« 1° La somme : "500 000 francs" est remplacée par la somme : "1 000 000 francs" ;
« 2° Il est ajouté trois alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions définies aux articles 4 à 8 de la présente loi. Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du même code ;
« 2° En cas de condamnation d'une personne physique ou d'une personne morale, les dispositions des articles 2 et 4 de la loi n° 83-582 du 5 juillet 1983 relative au régime de la saisie et complétant la liste des agents habilités à constater les infractions dans le domaine des pêches maritimes sont applicables. »

« Art. 7 ter. - Supprimé. »

« TITRE III

« DE L'ENTREPRISE DE PÊCHE


« Art. 9 bis A. - I. - Lorsqu'il ne relève pas, à titre obligatoire, d'un régime légal ou réglementaire de retraite à raison de l'exercice de son activité, le conjoint du patron propriétaire embarqué ou du chef d'exploitation ou d'entreprise de cultures marines relevant du régime spécial de sécurité sociale des marins, qui participe à la mise en valeur ou à l'exploitation de l'entreprise de pêche ou de cultures marines peut prétendre, à un âge qui ne peut être inférieur à cinquante-cinq ans et dès lors qu'il cesse définitivement de participer à l'exploitation ou à la mise en valeur de l'entreprise, à une pension servie par la caisse de retraites des marins.
« La pension concédée en application de l'alinéa précédent est suspendue, en cas de reprise de la participation de son bénéficiaire à l'exploitation ou à la mise en valeur de l'entreprise, jusqu'à la cessation de cette participation. Cette reprise d'activité n'ouvre pas droit au bénéfice des dispositions de l'alinéa précédent.
« Cette pension est, le cas échéant, assortie de la bonification pour enfants prévue à l'article L. 17 du code des pensions de retraite des marins. Elle est réversible en faveur des ayants droit survivants dans les conditions fixées par ce même code pour les pensions servies par la caisse de retraites des marins.
« Pour ouvrir droit à la pension visée ci-dessus, le chef d'exploitation doit acquitter au titre de son conjoint, sur la part revenant à l'armement, une cotisation assise sur le salaire forfaitaire visé à l'article L. 41 du code des pensions de retraite des marins.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe le taux de la cotisation visée à l'alinéa précédent ainsi que la catégorie du salaire forfaitaire d'assiette de cette cotisation et détermine les conditions d'ouverture du droit et les modalités de calcul de la pension.
« La détermination de la cotisation et de la pension à laquelle elle ouvre droit prend en compte la possibilité, par le conjoint, de concourir à l'exploitation à temps partiel.
« Les bénéficiaires des dispositions ci-dessus ont la faculté de procéder, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat, à la validation des périodes de participation à l'activité de l'entreprise ou de l'exploitation antérieures à la date d'entrée en vigueur de la présente loi dans la limite d'un maximum de huit années.
« II. - Le conjoint, défini au premier alinéa du I, d'un propriétaire embarqué seul à bord de son navire a la faculté, sur sa demande expresse, de partager les versements au régime, en cotisations et contributions, dudit propriétaire et de partager la pension acquise par ce dernier, pour les périodes à versements communs. Cette option ne peut être cumulée avec le régime défini au I.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'exercice de cette faculté et fixe la répartition, entre le propriétaire embarqué et son conjoint, de la pension correspondant aux périodes de versements communs des cotisations et contributions. »
« Art. 9 bis B. - La conjointe participante du régime de pension défini au I de l'article 9 bis A bénéficie de la couverture partielle des frais exposés pour assurer son remplacement dans les travaux de l'entreprise lorsqu'elle est empêchée d'accomplir ces travaux en raison de la maternité ou de l'arrivée à son foyer d'un enfant confié en vue de son adoption par un service d'aide sociale à l'enfance ou par un organisme autorisé pour l'adoption.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application des dispositions de l'alinéa précédent et, en particulier, la ou les périodes de remplacement ouvrant droit au bénéfice de l'avantage ci-dessus ainsi que la durée maximale d'attribution dudit avantage. En cas d'adoption, la ou les périodes de remplacement se situent nécessairement après l'arrivée de l'enfant au foyer, la durée maximale d'attribution de la prestation étant égale à la moitié de celle qui est prévue en cas de maternité.
« Cette prestation, à la charge du régime spécial de sécurité sociale des marins, est financée par la cotisation visée au quatrième alinéa du I de l'article 9 bis A.

« Art. 10. - I. - La société de pêche artisanale est une société soumise au régime d'imposition des sociétés de personnes ou une société à responsabilité limitée et dont 100 % des droits sociaux et des droits de vote sont détenus par un ou des pêcheurs qui en assurent en droit la direction, et sont embarqués sur le ou les deux navires dont la société est totalement propriétaire ou copropriétaire majoritaire, ou qu'elle détient en copropriété avec un armement coopératif ou une société visée à l'article 238 bis HP du code général des impôts agréés dans le cadre d'une accession progressive à la propriété dans un délai qui ne peut excéder dix ans. Pour l'application du présent article, les parts détenues par les ascendants, descendants ou conjoints des marins pêcheurs sont assimilées à celles détenues par ces derniers.
« II. - La participation à une société de pêche artisanale telle que définie au I ne doit pas avoir pour effet de mettre les pêcheurs associés ainsi que leur famille, pour tout ce qui touche leurs statuts économique et social de marins pêcheurs, dans une situation moins favorable que celle des pêcheurs artisans exploitant en entreprise individuelle, et que celle des familles de pêcheurs artisans.
« III. - Les dispositions du II sont également applicables aux veuves des marins propriétaires ou copropriétaires visés ci-dessus, ainsi qu'aux orphelins, jusqu'à ce que le plus jeune ait atteint l'âge de la majorité légale. »

« Art. 12. - I. - A l'article 1455 du code général des impôts, il est inséré, après le 1°, un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Les sociétés de pêche artisanale visées au I de l'article 10 de la loi n° ... du ... d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines lorsqu'un ou plusieurs associés sont embarqués ; ».
« II. - Suppression maintenue. »

« Art. 15 bis. - I. - Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 238 bis HO ainsi rédigé :
« Art. 238 bis HO. - Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, les souscriptions en numéraire, effectuées entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2003, au capital de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun qui ont pour activité le financement de la pêche artisanale et qui sont agréées par le ministre chargé du budget après avis du ministre chargé de la pêche, sont admises en déduction dans les conditions définies aux articles 163 duovicies et 217 decies. »
« II. - Il est inséré, dans le même code, un article 163 duovicies ainsi rédigé :
« Art. 163 duovicies. - Le montant des sommes effectivement versées pour les souscriptions en numéraire au capital des sociétés mentionnées à l'article 238 bis HO est déductible du revenu net global ; cette déduction ne peut pas excéder 25 % de ce revenu, dans la limite annuelle de 125 000 francs pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et de 250 000 francs pour les contribuables mariés soumis à imposition commune.
« En cas de cession de tout ou partie des titres souscrits dans les cinq ans de leur acquisition, le montant des sommes déduites est ajouté au revenu net global de l'année de la cession.
« Lorsqu'elles sont inscrites au bilan d'une entreprise relevant de l'impôt sur le revenu, les actions des sociétés définies à cet article ne peuvent faire l'objet sur le plan fiscal d'une provision pour dépréciation. »
« III. - Il est inséré, dans le même code, un article 217 decies ainsi rédigé :
« Art. 217 decies. - Pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés, les entreprises peuvent pratiquer dans la limite de 25 % du bénéfice imposable de l'exercice, dès l'année de réalisation de l'investissement, un amortissement exceptionnel égal à 50 % du montant des sommes effectivement versées pour la souscription au capital des sociétés mentionnées à l'article 238 bis HO.
« En cas de cession de tout ou partie des titres souscrits dans les cinq ans de leur acquisition, le montant de l'amortissement exceptionnel est réintégré au bénéfice imposable de l'exercice au cours duquel intervient la cession et majoré d'une somme égale au produit de ce montant par le taux de l'intérêt de retard prévu au troisième alinéa de l'article 1727 et appliqué dans les conditions mentionnées à l'article 1727 A. »
« IV. - Il est inséré, dans le même code, un article 238 bis HP ainsi rédigé :
« Art. 238 bis HP. - L'agrément prévu à l'article 238 bis HO est accordé aux sociétés anonymes qui ont pour objet exclusif l'achat en copropriété de navires de pêche exploités de façon directe et continue par des artisans pêcheurs ou des sociétés de pêche répondant aux conditions prévues par l'article 44 nonies.
« Par dérogation à l'alinéa précédent, les sociétés agréées peuvent, dans la limite de 10 % de leur capital social libéré, mettre ou laisser leurs disponibilités en comptes productifs d'intérêts si la créance correspondante est liquide.
« Plus de la moitié des parts de la copropriété doivent être détenues pendant cinq ans par un artisan pêcheur ou une société de pêche artisanale mentionné au premier alinéa, seul ou conjointement avec un armement coopératif agréé par le ministre chargé de la pêche dans le cadre d'une accession à la propriété dans un délai qui ne peut excéder dix ans ; dans ce cas, l'artisan pêcheur ou la société de pêche artisanale doit initialement détenir au moins un cinquième des parts de la copropriété.
« Le capital mentionné à l'article 238 bis HO s'entend du capital de la société lors de sa constitution, de la première augmentation de capital intervenant dans les trois mois de cette constitution, et des augmentations de capital agréées par le ministre chargé du budget après avis du ministre chargé de la pêche.
« Les actions souscrites doivent revêtir la forme nominative. Pendant un délai de cinq années à compter du versement effectif de la souscritption au capital de la société agréée, une même personne ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital de la société.
« Les sociétés agréées doivent conserver, à compter de la mise en exploitation du bateau, pendant au moins cinq ans les parts de copropriété de navires mentionnés au premier alinéa.
« Les sociétés anonymes visées au premier alinéa doivent conclure une convention permettant le transfert de propriété, au profit de ces mêmes artisans ou sociétés, des parts de copropriété du navire dans un délai maximal de dix ans. »
« V. - A. - Les dispositions des articles 238 bis HI et 238 bis HJ du code général des impôts s'appliquent aux sociétés pour le financement de la pêche artisanale mentionnées à l'article 238 bis HP du même code.
« B. - Les dispositions de l'article 238 bis HK du code général des impôts s'appliquent aux cessions des actions de ces mêmes sociétés.
« C. - Les dispositions de l'article 238 bis HJ du code général des impôts s'appliquent également lorsque les sociétés mentionnées à l'article 238 bis HO du code précité cèdent leurs parts de copropriété dans un délai inférieur à cinq ans.
« D. - En cas de dissolution de la société agréée ou de réduction de son capital, le ministre chargé du budget peut ordonner la réintégration des sommes déduites en application des articles 163 duovicies et 217 decies au revenu net global ou au résultat imposable de l'année ou de l'exercice au cours desquels elles ont été déduites.
« VI. - Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives. »

« TITRE IV

« DE LA MISE EN MARCHÉ


« TITRE V

« DES CULTURES MARINES


« TITRE VI

« DE LA MODERNISATION
DES RELATIONS SOCIALES


« Art. 30 ter. - I. - Le premier alinéa de l'article L. 742-5 du code du travail est ainsi rédigé :
« Les dispositions relatives à la sécurité et à l'hygiène du travail à bord des navires de commerce, de pêche maritime, de culture marine et de plaisance sont édictées par la loi n° 83-581 du 5 juillet 1983 sur la sauvegarde de la vie humaine en mer, l'habitabilité à bord des navires et la prévention de la pollution. »
« II. - Le second alinéa de l'article L. 742-5 du code du travail est remplacé par sept alinéas ainsi rédigés :
« Les dispositions des articles L. 230-2 à L. 230-5, L. 231-2 (3° et 4°), L. 231-2-1, L. 231-2-2, L. 231-3-1, L. 231-3-2, L. 231-5, L. 231-8, L. 231-8-1, L. 231-8-2, L. 231-9, L. 231-10 et L. 231-11, celles du chapitre VI du titre III du livre II et celles des articles L. 263-1 à L. 263-2-2 et L. 263-3-1 à L. 263-7 sont applicables aux entreprises d'armement maritime, sous réserve des dispositions suivantes :
« 1° A l'article L. 263-1, les deuxième et troisième alinéas et, au premier alinéa, les mots : "Nonobstant les dispositions de l'article L. 231-4", et "la mise hors service" ne sont pas applicables aux marins.
« Au premier alinéa du même article, les mots : "des chapitres Ier, II et III" sont remplacés par les mots : "du chapitre Ier" et, après le mot : "immobilisation", sont insérés les mots : "du navire" ;
« 2° A l'article L. 263-2, les mots : "des chapitres Ier, II et III du titre III du présent livre ainsi que les autres personnes qui, par leur faute personnelle, ont enfreint les dispositions des articles L. 231-6, L. 231-7, L. 232-2, L. 233-5, L. 233-5-1, II, L. 233-5-3 et L. 233-7 dudit livre" sont remplacés par les mots : "de celles des dispositions du chapitre Ier du titre III du livre II qui sont applicables aux entreprises d'armement maritime" ;
« 3° Aux articles L. 263-3-1, L. 263-4 et L. 263-5, respectivement, les mots : "la fermeture totale ou partielle de l'établissement", "la fermeture totale ou partielle, définitive ou temporaire de l'établissement" et "la femeture totale et définitive" sont remplacés par les mots : "l'immobilisation du navire" ;
« 4° A l'article L. 263-3-1, le premier alinéa est complété par les mots : "à bord", le deuxième alinéa est complété par les mots : "ou des délégués de bord" et, au quatrième alinéa, les mots : "le montant annuel moyen des cotisations d'accidents du travail prélevé" sont remplacés par les mots : "la moitié du montant annuel moyen des cotisations dues à la Caisse générale de prévoyance des marins" ;
« 5° Au premier alinéa de l'article L. 263-5, les mots : "la décision de l'inspecteur prévue au premier alinéa de l'article L. 231-12" ne sont pas applicables aux marins. »
« III. - Un décret en Conseil d'Etat fixe, compte tenu des adaptations nécessaires, les conditions d'application du présent article. »

« TITRE VII

« DISPOSITIONS DIVERSES

« Art. 35 A. - I. - Les contrats d'assurance de groupe définis ou régis par les articles L. 140-1 à L. 140-5 et les articles L. 441-1 et suivants du code des assurances, ainsi que par l'article L. 311-3 du code de la mutualité, peuvent être souscrits au profit de ses membres par un groupement comportant un nombre minimum de personnes qui exercent une activité non salariée agricole, en vue du versement d'une retraite complémentaire garantissant un revenu viager. Peuvent bénéficier de ces contrats les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricoles, leurs conjoints et leurs aides familiaux, sous réserve qu'ils relèvent du régime d'assurance vieillesse de base institué par les chapitres IV et IV-1 du titre II du livre VII du code rural et qu'ils justifient de la régularité de leur situation vis-à-vis de ce régime. Le versement des primes ou cotisations dues au titre de ces contrats doit présenter un caractère régulier dans son montant et sa périodicité.
« Un décret fixe les conditions d'application de ces dispositions.
« II. - A. - Il est inséré, au code général des impôts, un article 154 bis OA ainsi rédigé :
« Art. 154 bis OA. Les cotisations versées par les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricoles au titre des contrats d'assurance de groupe prévus au I de l'article 35 A de la loi n° ... du ... d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines sont déductibles du revenu imposable dans la limite de 7 % des revenus professionnels qui servent de base, en application de l'article 1003-12 du code rural, aux cotisations dues pour le même exercice au régime social des membres non salariés des professions agricoles. Cette déduction ne peut dépasser 7 % de trois fois le plafond visé à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de l'année au titre de laquelle la prime ou cotisation est due. Elle est subordonnée à la justification par le chef d'exploitation ou d'entreprise de la régularité de sa situation vis-à-vis du régime d'assurance vieillesse de base dont il relève, conformément au I de l'article 35 A de la loi n° ... du ... précitée.
« Si le chef d'exploitation a souscrit un contrat pour son conjoint et les membres de sa famille participant à l'exploitation et affiliés au régime de base d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions agricoles, le plafond de déduction résultant de l'application des dispositions de l'alinéa précédent est majoré d'un tiers pour chacun d'eux. »
« B. - Les prestations servies sous forme de rente au titre des contrats visés au I du présent article sont imposables dans la catégorie des pensions dans les conditions fixées au A du 5 de l'article 158 du code général des impôts.
« C. - L'article 75OC du code général des impôts est abrogé à compter du 30 juin 1998.
« D. - Les dispositions des A et B ci-dessus sont applicables aux cotisations et aux prestations versées au titre des contrats visés au I du présent article à compter de la date de publication de la présente loi.
« III. - La contre-valeur des actifs constitués jusqu'au 31 décembre 1996 par le régime créé en application de l'article 1122-7 du code rural, évalués à leur valeur vénale à cette même date, est répartie entre les adhérents de ce régime de la façon suivante :
« - une somme égale à l'addition de la provision mathématique des droits de chaque adhérent au 31 décembre 1996 calculée à cette date selon des bases fixées en vertu des dispositions de l'article L. 331-4 du code des assurances et des autres provisions prévues par le code des assurances pour assurer le règlement intégral des engagements pris à son égard par le régime créée en application de l'article 1122-7 du code rural jusqu'à cette date, est attribuée à chaque adhérent ;
- l'excédent de la contre-valeur des actifs sur le total des sommes ainsi attribuées est réparti entre les adhérents dont la provision mathématique, augmentée des autres provisions prévues par le code des assurances pour assurer le règlement intégral des engagements pris à leur égard par le régime créé en application de l'article 1122-7 du code rural jusqu'à cette date, est inférieure à la somme des cotisations versées ; cette répartition est faite au prorata des excédents des cotisations versées par chacun de ces adhérents sur l'addition de sa provision mathématique et des autres provisions prévues par le code des assurances pour assurer le règlement intégral des engagements pris à son égard par le régime créé en application de l'article 1122-7 du code rural jusqu'à cette date, sans que cette attribution complémentaire puisse dépasser l'écart entre les cotisations versées par l'adhérent et l'addition de sa provision mathématique et des autres provisions prévues par le code des assurances pour assurer le règlement intégral des engagements pris à son égard par le régime créé en application de l'article 1122-7 du code rural jusqu'à cette date ;
« - sur l'éventuel reliquat de contre-valeur des actifs après cette répartition complémentaire, la Caisse centrale de mutualité sociale agricole peut retenir au maximum le double des frais de gestion imputés dans les comptes de résultat 1996 du régime créé en application de l'article 1122-7 du code rural après vérification par un audit de leur rattachement direct à l'exercice et à la gestion concernés et de leur cohérence avec les provisions de gestion constituées pour assurer le règlement intégral des engagements pris à l'égard de ses adhérents par ce régime ;
« - l'éventuel reliquat de contre-valeur des actifs après cette imputation est réparti entre les adhérents au prorata de leur provision mathématique.
« Un arrêté du ministre chargé de l'économie définit les bases de calcul de la provision mathématique, ainsi que les bases de calcul des droits complémentaires attribués en contrepartie de la répartition complémentaire d'actif en faveur des adhérents dont la provision mathématique et les autres provisions prévues par le code des assurances pour assurer le règlement intégral des engagements pris à leur égard par le régime créé en application de l'article 1122-7 du code rural jusqu'à cette date sont inférieures à la somme des cotisations qu'ils ont versées. Il précise également les procédures de contrôle de cette répartition et d'imputabilité aux exercices 1996 et 1997 des frais de gestion visés au quatrième alinéa.
« IV. - Les adhérents du régime créé en application de l'article 1122-7 du code rural sont informés par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, avant le 31 décembre 1997, du montant de la somme représentative de leurs droits à rente résultant du III ci-dessus ainsi que, s'agissant des assurés actifs, du niveau de celle-ci à l'âge de soixante ans.
« Ils sont en outre informés des dispositions, prévues aux V et VI ci-dessous, relatives au transfert, avant le 30 juin 1998, de leurs droits et obligations sur un contrat visé au I du présent article.
« Un arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé de l'agriculture précise les modalités de cette information.
« V. - Lors de l'adhésion des personnes mentionnées au IV à un contrat mentionné au I, la contre-valeur des actifs leur revenant à l'issue du calcul défini au III, augmentée des cotisations versées en 1997, et en 1998 au titre de 1997, diminuées des chargements de gestion de 5 % conservés par la Caisse centrale de mutualité sociale agricole, diminuée du montant des arrérages de rentes viagères versés au cours de l'exercice 1997, augmentée des produits financiers nets dégagés entre le 31 décembre 1996 et la date du transfert et répartis selon la clé définie au III, est transférée à l'entreprise d'assurance ou à la caisse autonome mutualiste.
« Le montant de la rente viagère différée ou immédiate garantie par l'entreprise d'assurance ou la caisse autonome mutualiste en contrepartie de la somme transférée ne peut être inférieur à celui qui était garanti ou servi au 31 décembre 1996, au titre des versements antérieurs à cette date, selon le régime constitué en application de l'article 1122-7 du code rural, augmenté, le cas échéant, du montant complémentaire attribué en contrepartie de la répartition complémentaire visée au troisième alinéa du III et du montant garanti par la cotisation versée au titre de 1997.
« Si la somme transférée est supérieure à l'addition de la provision mathématique des rentes ainsi garanties et des autres provisions prévues par le code des assurances pour assurer le règlement intégral des engagements pris à l'égard des adhérents au régime créé en application de l'article 1122-7 du code rural, l'excédent est réparti entre les adhérents au prorata de leur provision mathématique.
« Un arrêté du ministre chargé de l'économie définit les modalités contractuelles et prudentielles de reprise de ces engagements par les entreprises d'assurance ou les caisses autonomes mutualistes.
« VI. - Les contrats souscrits avant le 31 décembre 1996 par les adhérents au régime créé en application de l'article 1122-7 du code rural qui n'auront pas demandé le transfert de leurs droits et obligations avant le 30 juin 1998 feront l'objet d'un transfert à une ou plusieurs entreprises d'assurance ou caisses autonomes mutualistes désignées par le ministre chargé de l'économie sur avis conforme de la commission de contrôle des assurances, au vu de garanties appropriées à ces contrats offertes aux souscripteurs et à l'issue d'une procédure d'appel d'offres dont les modalités sont fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé de l'agriculture.
« A cette fin, les entreprises d'assurance et les caisses autonomes mutualistes intéressées devront faire connaître leur intention de prendre part à cet appel d'offres, respectivement à la commission de contrôle des assurances et à la commission de contrôle des mutuelles avant le 31 mars 1998.
« VII. - La Caisse centrale et les caisses départementales ou pluridépartementales de mutualité sociale agricole procèdent, au titre du régime créé en application de l'article 1122-7 du code rural :
« - jusqu'au 31 mars 1998, à l'encaissement des cotisations dues au titre des exercices antérieurs à 1998 ;
« - jusqu'au 30 juin 1998, au versement des arrérages de rente dus aux adhérents jusqu'à leur transfert sur un contrat visé au I et à la gestion administrative et financière de la liquidation de ce régime.
« Les caisses de mutualité sociale agricole sont autorisées à conclure avec les entreprises d'assurance sur la vie visées au 1° de l'article L. 310-1 du code des assurances et les caisses autonomes mutualistes visées à l'article L. 321-1 du code de la mutualité des conventions pour l'encaissement des cotisations et le versement des prestations afférentes aux contrats d'assurance de groupe visés au I du présent article.
VIII. - Les dispositions de l'article 1122-7 du code rural sont abrogées à compter du 30 juin 1998. »

Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'un de ces articles ?...

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Sergent, pour explication de vote.
M. Michel Sergent. Le 5 novembre 1996, voilà exactement un an, nous examinions en première lecture le projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines. Au fur et à mesure de la navette et sous deux gouvernements différents, nous sommes parvenus à élaborer un texte qui va dans le sens d'une amélioration pour les professionnels de la pêche.
Nous ne pouvons bien sûr que nous en réjouir. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste est heureux de voter les conclusions de cette commission mixte paritaire, et plus encore de constater qu'un bon nombre des mesures proposées au Sénat ont été retenues.
M. William Chervy. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, nous allons interrompre quelques instants nos travaux.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quinze, est reprise à quinze heures vingt-cinq, sous la présidence de M. René Monory.)

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

M. le président. La séance est reprise.

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AGRICULTURE

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'agriculture.
La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est la première fois que j'ai l'honneur de m'exprimer devant la Haute Assemblée pour vous présenter la politique agricole que je souhaite conduire.
J'ai tenu, voilà quelques semaines, à développer devant vous les éléments de la politique du Gouvernement en matière de pêche, à l'occasion de la troisième lecture d'un projet de loi d'orientation qui a été adopté récemment. J'aurai l'occasion de revenir sur ce point au cours de ce débat.
Mais je voudrais tout d'abord présenter de façon plus détaillée les orientations qui me semblent devoir être mises en oeuvre pour notre agriculture.
Comme vous le savez, le Gouvernement a décidé de préparer un projet de loi d'orientation agricole qui sera soumis au Parlement dans le courant de l'année 1998. J'ai engagé le travail de concertation nécessaire à la préparation de ce projet de loi. Le débat que le Sénat a souhaité et que je conçois, pour ma part, comme un débat d'orientation est une excellente occasion d'avoir entre nous un premier échange sur les principes qui pourront être mis en oeuvre dans le cadre de cette future loi d'orientation agricole.
Mais ce débat étant également un débat prébudgétaire, il sera aussi l'occasion d'évoquer le budget de mon ministère, sur lequel nous reviendrons en détail le 2 décembre prochain, lors de la séance qui lui sera consacrée.
A l'heure où nous parlons, une négociation très importante s'est engagée à Bruxelles sur ce que l'on appelle l'Agenda 2000, c'est-à-dire sur les propositions présentées par la Commission de l'Union européenne pour réformer une nouvelle fois la politique agricole commune.
Nous avons donc devant nous deux échéances très importantes qu'il nous faut préparer en définissant de façon précise les principes et les orientations que nous voulons faire prévaloir pour notre agriculture.
J'évoquerai en premier lieu la loi d'orientation agricole. Celle-ci sera préparée, probablement discutée et adoptée avant que nous ne connaissions les résultats définitifs des négociations communautaires sur la réforme de la politique agricole commune.
Cela constitue plutôt un avantage qu'un inconvénient, car c'est une excellente occasion pour définir, sur le plan national, la politique que nous entendons défendre auprès de nos partenaires de l'Union européenne. Il n'y a en effet pas de coupure entre la politique agricole communautaire et la politique nationale ; l'une et l'autre doivent être cohérentes et complémentaires.
Les défis que l'agriculture française - et le Gouvernement avec elle - doit relever peuvent, à mon avis, se résumer en deux questions.
Tout d'abord, comment les pouvoirs publics entendent-ils assurer une place à une activité de production telle que l'agriculture dans une société où les activités de service l'emportent et l'emporteront de façon croissante sur les activités de production ?
Par ailleurs, quel peut être le fondement, aujourd'hui, de la légitimité de soutiens publics importants à une activité qui ne paraît plus à l'opinion suffisamment créatrice d'emplois pour notre économie nationale ?
Nous vivons la fin d'une période au cours de laquelle les objectifs fixés à la politique agricole auront été finalement assez simples. Il s'agissait d'assurer l'augmentation de la production agricole, d'en améliorer la rentabilité économique, de façon à satisfaire les besoins du marché national d'abord, du marché communautaire ensuite, et enfin de participer à la croissance des marchés extérieurs à la Communauté.
Les instruments de cette politique sur le plan communautaire ont été la mise en place des organisations communes de marché dans le cadre de la politique agricole commune à partir de 1962. A l'échelon national, les lois d'orientation des années soixante ont également visé à accompagner ce processus en favorisant l'agrandissement, synonyme, alors, de modernisation des exploitations agricoles.
Ces objectifs sont désormais atteints, et une nouvelle page de la politique agricole doit être écrite, avec des objectifs différents.
Bien sûr, aujourd'hui comme hier, la production de denrées alimentaires reste l'objet principal de l'activité agricole. Si modernes soient nos sociétés, elle ne se sont pas affranchies de la nécessité de nourrir les populations. Mais les politiques publiques ne peuvent pas se limiter à cet objectif de production de denrées alimentaires ; elles doivent poser les bases d'un nouveau contrat entre l'agriculture et la société.
Les termes de ce contrat et, par là même, ceux de la politique que j'entends mener, pourraient être résumés en deux mots : équilibre et ouverture.
Je suis convaincu, en effet, que les interventions publiques dans le secteur de l'agriculture ne seront pérennes que pour autant qu'elles permettront de faire prévaloir l'idée que l'agriculture doit contribuer à une occupation équilibrée de l'ensemble du territoire national.
M. René-Pierre Signé. Absolument !
M. Aubert Garcia. Très bien !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Les agriculteurs sont considérés par nos concitoyens comme les dépositaires d'un patrimoine commun ; je veux parler des 80 % du territoire national qui sont occupés par des terres agricoles et des forêts. Les progrès de l'agriculture se sont accompagnés de déséquilibres territoriaux importants - surexploitation de l'espace dans certaines zones, désertification dans d'autres - auxquels il nous faut remédier. L'occupation équilibrée du territoire est l'un des objectifs essentiels que j'attends assigner à la loi d'orientation agricole.
Mais cette idée d'équilibre doit également prévaloir dans la répartition des aides publiques entre les agriculteurs. L'inégale répartition des soutiens publics est aujourd'hui l'objet de critiques aussi bien de la part de la majorité des agriculteurs que d'une partie significative des citoyens non agriculteurs, qui ne comprennent pas les règles actuelles de répartition et leur inéquité.
Il faut également mettre un terme à la croissance parfois déraisonnable de la taille des exploitations agricoles. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
Les outils réglementaires et législatifs dont disposent les pouvoirs publics français ne leur permettent pas de s'opposer à ces phénomènes. Conçus pour contrôler les individus, ils sont inopérants pour agir lorsque l'essentiel des agrandissements d'exploitations se font sous forme sociétaire. La loi devra donc être également modifiée sur ce point.
J'attacherai un intérêt tout particulier à ce que les rapports de forces au sein des filières agro-alimentaires entre l'amont et l'aval, et entre les agriculteurs, les industries et la distribution, soient organisés de façon à permettre à chacun de faire entendre sa voix et de défendre ses intérêts.
La seconde idée est celle de l'ouverture du monde agricole. Elle doit se traduire par la volonté de faire venir au métier d'agriculteur des jeunes qui ne sont pas issus du milieu agricole. J'aurai l'occasion, en détaillant devant vous mon budget, de reprendre cette idée et de vous présenter les outils que je souhaite mettre en oeuvre à cette fin.
Ouvrir le monde agricole, c'est aussi favoriser la diversité des modes de développement et de mise en valeur des exploitations agricoles, ne plus les soumettre toutes à un chemin de conduite des exploitations présenté comme idéal. Cela veut donc dire mieux respecter l'adéquation entre les modes de mise en valeur des terres agricoles et le milieu dans lequel ils se développent.
Je souhaite également que les institutions qui gèrent le monde agricole, je veux parler des nombreux organismes qui assurent la participation des agriculteurs aux prises de décisions qui les concernent, s'ouvrent également à la présence ou à la représentation des autres secteurs de la société civile. Cela me paraît indispensable à la réalisation du consensus social sur le développement à venir de l'agriculture.
Il nous faut également renforcer les liens entre l'agriculture, les exploitations agricoles, la formation et la recherche, qui sont, pour l'agriculture, les éléments de sa compétitivité de demain.
Je n'aurai garde enfin d'oublier le développement de la présence de nos produits agricoles sur les marchés extérieurs à l'Union européenne. Les outils de la promotion de cette présence feront l'objet d'un examen particulièrement attentif dans le cadre du projet de loi d'orientation.
Telles sont les grandes orientations autour desquelles je souhaite bâtir le projet de loi d'orientation agricole et que je souhaite également défendre dans le cadre des négociations communautaires sur la réforme de la politique agricole commune dont je vais vous entretenir maintenant.
Ainsi, une nouvelle fois, ce dossier revient devant les ministres de l'agriculture de l'Union européenne. Il n'a pas été clos par la réforme intervenue en 1992. Celle-ci a permis de restaurer temporairement la situation des principaux marchés agricoles, en particulier ceux des céréales et de la viande bovine, mais cette amélioration ne peut pas être considérée comme définitive. Une nouvelle réforme de la politique agricole commune s'impose donc pour des raisons à la fois internes et externes par rapport à cette politique communautaire.
Au titre des raisons internes qui justifient la reprise des débats sur ce sujet, je citerai des perspectives de marché peu encourageantes à échéance de trois ou quatre ans, notamment en ce qui concerne la viande bovine et, on peut le craindre aussi, les céréales.
Ce n'est cependant pas la seule raison qui doit nous inciter à améliorer les règles communautaires prévalant pour l'agriculture. J'ai cité l'inégale répartition des aides entre les agriculteurs et entre les différents secteurs de production. On ne peut pas vivre durablement avec de tels déséquilibres.
A ces raisons internes s'ajoutent les raisons externes de réformer la politique agricole commune. Je veux parler, en premier lieu, de l'élargissement futur de l'Union européenne à un certain nombre d'Etats d'Europe centrale et orientale.
Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne prendront en ce domaine des décisions dès le mois de décembre prochain. Cinq pays d'Europe centrale et orientale entreront vraisemblement à échéance rapprochée dans l'Union européenne. L'agriculture occupe une place majeure dans l'économie de ces pays. Il n'est pas envisageable d'intégrer ces nouveaux membres sans que des adaptations importantes de notre politique à quinze interviennent. (Marques d'approbation sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Est également, en perspective, vous le savez, l'ouverture d'un nouveau cycle de négociations dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. Gageons qu'il ne sera pas sans conséquences sur la politique agricole communautaire.
Tout cela explique que la Commission ait présenté, en même temps que ses perspectives d'élargissement de l'Union européenne et d'évolution du cadre financier de la Communauté, une réforme de la politique agricole commune.
Je ne conteste pas la nécessité de cette réforme, mais cela ne veut pas dire que j'accepte la réforme proposée par la Commission.
S'il faut réformer la politique agricole commune, c'est à mes yeux pour en affirmer la pérennité et non pour la démanteler. S'il faut réformer la politique agricole commune, c'est pour affirmer le droit de l'Europe à avoir sa propre politique agricole. S'il faut réformer la politique agricole commune, c'est pour affirmer un modèle de développement original de l'agriculture européenne dans le monde, ce que l'on a coutume d'appeler « l'identité de l'agriculture européenne ».
Pour ce faire, ainsi que je l'ai indiqué à mes collègues européens lors du récent conseil des ministres de l'agriculture, le 20 octobre dernier, il est nécessaire que deux conditions préalables soient réunies.
D'abord l'Europe doit défendre son modèle de développement agricole dans les instances internationales. Elle doit exiger de l'Organisation mondiale du commerce la prise en compte des attentes des consommateurs et de la société ainsi que le respect de l'acquis communautaire sur le marché européen en matière de sécurité alimentaire.
M. Bernard Piras. Très bien !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Elle doit non pas subir passivement son environnement international, mais au contraire faire en sorte que la préférence communautaire soit maintenue.
M. Christian Poncelet. Très bien !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Le financement de la politique agricole commune doit en outre être assuré. Pour cela, la ligne directrice agricole et son mode de calcul doivent être préservés. De ce point de vue, le projet qui est actuellement sur la table des négociations ne me convient pas. Présenter la baisse des prix intérieurs, compensée par des aides directes aux agriculteurs, comme la solution à tous les problèmes de l'agriculture européenne ne me semble pas approprié.
M. René-Pierre Signé. Non, en effet !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Les différents secteurs de production ne sont pas dans la même situation. On ne peut pas traiter de la même façon la production de blé - l'écart entre les prix communautaires et les prix mondiaux est aujourd'hui assez limité pour qu'on ait vu, en 1996, la Commission taxer nos exportations de blé - et la production de lait et de viande bovine, pour laquelle les écarts avec les prix mondiaux sont considérables.
M. René-Pierre Signé. Le troupeau allaitant ! (Sourires.)
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Des solutions adaptées doivent donc être trouvées pour chacun des secteurs de production.
Je veillerai attentivement à préserver les intérêts de nos producteurs de viande bovine. Ceux-ci paraissent, en effet, tout particulièrement menacés par le projet soumis à la négociation des ministres. Les baisses de prix prévues sont considérables ; le mécanisme de soutien du marché de la viande bovine serait démantelé et les compensations prévues sont très insuffisantes, en particulier pour les éleveurs de vaches allaitantes, qui sont tellement importants pour l'occupation du territoire national.
MM. René-Pierre Signé et William Chervy. Très bien !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Dans le même ordre d'idée, je ne suis pas favorable à l'instauration d'un mécanisme de baisse de prix compensée pour la production laitière. Cette proposition me paraît coûteuse et pas du tout adaptée pour répondre aux questions que ce secteur de production doit résoudre.
Je veillerai également à ce que la réforme de la politique agricole commune préserve la production oléagineuse nationale et communautaire, ce qui ne me semble pas encore assuré à ce stade.
Disant cela, j'ai identifié les principaux points d'achoppement sur lesquels je défendrai fermement nos conceptions à Bruxelles dans les semaines et les mois qui viennent. Cependant, au-delà du fonctionnement des organisations communes de marché, le débat sur la réforme de la politique agricole commune doit aussi être l'occasion de fixer des règles communautaires quant au plafonnement des aides aux agriculteurs, ce qui est proposé par la Commission, et quant à la modulation du versement de ces aides en fonction d'un certain nombre de critères correspondant aux objectifs de politique agricole que j'ai rappelés dans la première partie de mon intervention. Il y a là également un enjeu essentiel des négociations communautaires à venir.
Bien évidemment, vos interventions me donneront l'occasion de répondre aux multiples questions qui pourront m'être posées sur la réforme de la politique agricole commune, mais, s'agissant d'un débat pré-budgétaire, je ne saurais omettre un autre domaine que nous avons évoqué en débutant cette séance, je veux parler de la pêche.
Votre assemblée vient d'adopter définitivement la loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines, qui a recueilli l'accord de tous les groupes à l'Assemblée nationale comme au Sénat. J'ai eu l'occasion, lors de la troisième lecture de ce texte, de présenter ma politique dans le domaine de la pêche. Je n'en dirai donc que quelques mots.
Je considère qu'il nous faut répondre au besoin de consolidation des filières de la pêche par une politique déterminée, constante et inventive de valorisation des produits.
Les conditions en sont connues : une meilleure prévision des apports, une modernisation du mareyage, le renforcement du rôle des organisations de producteurs, le développement des accords entre les partenaires de la filière, enfin, le souci de la qualité et de la traçabilité du produit.
Cette volonté, cette politique, trouve sa traduction dans les moyens qui seront affectés au fonds d'intervention et d'organisation des marchés, transformé par la loi d'orientation en office des produits de la pêche et de l'aquaculture.
La pêche française est fortement dépendante du contexte international, particulièrement de l'Union européenne. Les deux tiers de nos ressources de pêche hauturière proviennent des eaux communautaires. Les zones de pêche thonière océanique dépendent des accords conclus entre la Commission et les pays tiers.
En majorité, les conditions d'accès à la ressource sont établies dans le cadre communautaire, qu'il s'agisse de maîtriser l'effort de pêche pour éviter la surexploitation ou de réglementer les engins de pêche pour protéger les juvéniles. De ce point de vue, l'accord intervenu à Luxembourg jeudi dernier, qui a recueilli l'adhésion unanime des ministres des Quinze, marque une avancée de l'Europe dans la gestion durable de la ressource. Cela méritait d'être souligné.
Mesdames, messsieurs les sénateurs, le budget du ministère de l'agriculture et de la pêche, que j'aurai l'occasion de vous présenter dans les prochaines semaines, sera une première traduction de ces orientations. La discussion sur la réforme de la PAC est en cours et la loi d'orientation sera déposée au Parlement au cours du premier semestre de 1998. Il se dessinera là le cadre de la nouvelle politique de l'agriculture que nous souhaitons.
Le budget du ministère de l'agriculture et de la pêche n'a pas été conçu comme un budget de rupture. Il marque des évolutions importantes, il indique des directions, il anticipe des changements inéluctables, mais c'est bien en fonction du vote du Parlement sur la loi d'orientation et des débats que nous aurons ensemble autour de la réforme de la politique agricole commune que nous pourrons donner tout son sens et toute son ampleur à cette nouvelle politique. Les priorités que j'ai retenues amorcent néanmoins les évolutions nécessaires.
Le projet de budget présente des crédits en augmentation de 1,22 % par rapport à 1997, marquant ainsi un très sensible progrès par rapport au mouvement de réduction des crédits constaté depuis quelques années.
J'ai retenu quatre priorités que je présenterai succinctement.
La première priorité, c'est l'installation des jeunes en agriculture.
J'en ai fait un élément essentiel de mon budget pour 1998 en y affectant près de un milliard de francs, car je considère que la mise en place de moyens adaptés à l'évolution du monde rural est bien le gage du maintien du rôle de l'agriculture dans la société.
Je reviendrai, selon les questions que vous ne manquerez pas de poser, sur les instruments de cette politique à l'attention des jeunes, notamment sur le nouveau fonds d'installation en agriculture.
Qu'il me soit toutefois permis d'indiquer que, selon moi, les dispositifs d'aide tels que les dotations jeunes agriculteurs et les OGAF - opérations groupées d'aménagement foncier - ont fait leurs preuves. Il faut toutefois les réorienter afin de donner à un maximum de jeunes, issus ou non du milieur rural, la possibilité de s'installer. C'est pourquoi les crédits consacrés aux stages à l'installation se trouvent augmentés de près de 30 %.
L'enseignement et la formation constituent la deuxième priorité.
Il est nécessaire de prendre en compte l'obligation nationale de la priorité à l'éducation.
Nous disposons d'un système de formation remarquable, dont les résultats méritent d'être salués et soutenus.
M. Henri de Raincourt. C'est vrai !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. J'entends, là aussi, me tourner vers l'avenir. L'enseignement et la formation professionnelle agricoles ainsi que l'enseignement supérieur agronomique et vétérinaire nous sont enviés en raison tant de la qualité du contenu pédagogique que des performances obtenues en matière d'insertion professionnelle.
La deuxième priorité se traduit par 150 créations d'emplois et par un mouvement significatif de résorption de la précarité.
L'enseignement supérieur fait aussi l'objet, en 1998, de mesures très favorables, en faveur notamment des troisièmes cycles et des bourses à l'étranger.
La création du fonds social lycéen répond par ailleurs aux besoins des familles défavorisées. La première étape en a été mise en place dès la rentrée dernière.
Les crédits de l'enseignement privé augmentent également de 8 % afin de respecter la loi de 1984.
Troisième priorité : la sécurité et la qualité de l'alimentation, pour lesquelles les crédits augmentent de 14 %.
Enjeu de santé publique, la sécurité alimentaire est aussi une question de société extrêmement importante. Ce sujet a été au coeur des préoccupations du monde agricole et industriel de la filière alimentaire. Aujourd'hui, il devient plus prégnant, et nous devons nous attacher à défendre tant la qualité de nos produits que la sécurité des consommateurs.
Votre Haute Assemblée partage pleinement cette préoccupation, en débattant, avec l'accord du Gouvernement, de la proposition de loi sénatoriale déposée par MM. Huriet et Descours.
Dans l'attente de la création effective de l'Agence de sécurité sanitaire des aliments, le projet de budget pour 1998 se donne également les moyens de répondre à ces préoccupations.
J'ai souhaité disposer de moyens de contrôle renforcés grâce à une augmentation forte de 21,3 % des crédits consacrés aux contrôles sanitaires des produits alimentaires, à la santé animale et à l'hygiène des aliments par rapport à 1997. La protection sanitaire des végétaux, les analyses vétérinaires et phytosanitaires ainsi que le fonctionnement des postes d'inspection frontaliers et de la brigade d'intervention bénéficient de crédits en forte hausse. Il en est de même pour ceux du Centre national d'études vétérinaires et alimentaires, le CNEVA, et de l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO.
La quatrième priorité de mon projet de budget pour 1998 est l'amélioration des retraites agricoles.
Nombreux ont été les élus, en particulier au Sénat, qui ont relevé le niveau insuffisant des retraites agricoles. J'y ai été, moi aussi très sensible et c'est pourquoi, dès mon arrivée au ministère, j'ai fait procéder à un bilan de la situation des retraites des exploitants agricoles.
Il est apparu de manière nette que certaines catégories de retraités étaient les oubliés des mesures précédentes.
M. Henri de Raincourt. C'est incontestable !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. J'ai souhaité que l'effort soit d'abord porté sur ces retraités, c'est-à-dire les anciens aides familiaux, les conjoints d'exploitants et ceux d'entre eux ayant accompli une carrière mixte, afin de ne pas pénaliser les agricultrices qui ont repris pendant quelques années la conduite de l'exploitation au moment du départ en retraite de leur conjoint.
Le coût de la mesure est de 1 milliard de francs en année pleine. L'incidence sur le budget de 1998, en termes de dépenses, est de 760 millions de francs, mais, compte tenu des économies mécaniques sur le fonds de solidarité, cela correspondra à un coût net de 680 millions de francs.
Il s'agit là d'une première étape de revalorisation des retraites les plus faibles. Elle me permettra, pendant la législature, d'engager un effort pour porter la retraite des agriculteurs à un niveau plus convenable, au niveau qu'ils méritent.
Voilà donc, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les traits dominants de ce budget de 1998. Ils s'inscrivent dans un ensemble plus vaste de négociations européennes et d'élaboration d'un projet d'orientation qui doit concourir à renforcer la place et le rôle des agriculteurs comme des pêcheurs dans la communauté nationale.
Nous devons nous efforcer, dans le cadre changeant de l'Europe agricole et de la réforme de la PAC, d'une part, de l'Europe bleue, d'autre part, d'anticiper sur les évolutions et, pour cela, de continuer à dire fortement à Bruxelles notre projet pour l'agriculture et la pêche. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en organisant ces débats prébudgétaires, le Sénat a entendu situer les propositions du Gouvernement dans leur environnement économique, politique et international, un environnement en dehors duquel il est, il faut bien le dire, à peu près impossible d'apprécier la portée et la pertinence des propositions qui nous sont faites.
Or, monsieur le ministre, s'agissant de l'agriculture, ce contexte est particulièrement préoccupant.
Trois échéances majeures et concomitantes pèsent en effet lourdement sur l'avenir de l'agriculture européenne, et donc sur l'avenir de l'agriculture française, qui écoule dans la Communauté - ne l'oublions jamais - 20 % de sa production.
Première échéance : la reprise des négociations commerciales internationales dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, où l'Europe se trouvera, hélas ! une fois encore, au banc des accusés.
Deuxième échéance : l'élargissement de l'Union européenne vers l'Europe centrale et orientale, dont le potentiel agricole, s'il est faible aujourd'hui, est appelé à croître de façon considérable demain.
M. Charles Revet. C'est une certitude !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Troisième échéance : la nouvelle donne financière dans la Communauté, qui arrêtera, à l'horizon de la fin du siècle, le montant des ressources dont la politique agricole commune pourra disposer dans les premières années du xxie siècle.
Chacune de ces échéances, séparément, menace la politique agricole commune. Ensemble, elles pourraient, si nous n'y prenons garde, l'emporter tout entière et, avec elle, notre propre agriculture.
La Commission européenne l'a bien compris, d'où le volet agricole de l'Agenda 2000 qu'elle a soumis, en juillet dernier, aux Etats membres.
Mais, monsieur le ministre, ce que Bruxelles nous propose ressemble fort à un tremblement de terre.
Nous voilà, en tout cas, quelques années à peine après la dernière réforme de la PAC, repartis pour un exercice qui met l'agriculture française en émoi et qui risque de remettre en cause les bases sur lesquelles la PAC est construite, un risque qui serait d'autant plus grave que nous nous résignerions à une double passivité : celle de la Commission face aux Etats-Unis dont elle paraît accepter par avance tout les diktats ; celle de la France par rapport à la Commission si nous nous contentions - vous nous avez dit que tel ne serait pas le cas - de rectifier ponctuellement les propositions de celle-ci plutôt que de lui opposer un modèle alternatif et cohérent. Nous avons su, dans le passé, jouer ce rôle avec succès et j'évoque ici, entre autres, un souvenir personnel, celui de la conférence de Stresa, au cours de laquelle la France a façonné la politique agricole européenne.
Le schéma soumis par Bruxelles dans le cadre de l'Agenda 2000 n'est certes pas définitif mais il traduit, mes chers collègues, un alignement anticipé et, m'a-t-il semblé, presque servile sur les positions de Washington que l'on ne connaît d'ailleurs pas encore mais que l'on croit pouvoir déduire du dernier virage de la politique agricole américaine, celui qu'elle a pris l'an passé avec le Fair Act.
Les conséquences de cette attitude sont évidemment très sérieuses.
La Commission renonce - vous nous l'avez vous-même confirmé, monsieur le ministre - à aborder la future négociation à partir d'un modèle communautaire qui prendrait en compte les réalités agricoles et les aspirations de notre continent en matière d'occupation de l'espace, en matière d'emploi agricole et d'autonomie alimentaire. Elle ne retient comme fil conducteur que l'ouverture des frontières et l'adaptation de l'agriculture européenne au marché mondial. Elle n'envisage, pour réaliser cette adaptation, qu'un seul instrument : la baisse systématique de tous les prix.
Cette stratégie sommaire, même si elle correspond à certains de nos objectifs - en particulier, à la vocation exportatrice de notre céréaliculture - tourne le dos pour l'essentiel à notre conception d'une agriculture enracinée dans la diversité historique de ses terroirs et de ses savoir-faire ainsi qu'à notre volonté de préserver une ruralité qui n'a jamais vraiment existé aux Etats-Unis.
En se situant ainsi d'emblée sur le terrain de l'adversaire, l'Europe choisirait-elle du moins une stratégie de négociation efficace. C'est ce que l'on entend dire à Bruxelles. Personnellement, j'en doute.
J'en doute parce que la Communauté s'engagerait dans une négociation où, ayant commencé à lâcher sur l'essentiel, elle serait peu à peu acculée à céder ce qui lui resterait de plumes et achèverait ainsi de priver l'Europe des garde-fous dont une agriculture à dimension humaine a, sous tous les climats - je dis bien : « sous tous les climats » - un impératif besoin.
Quant à la France, elle risquerait, en suivant la Commission, d'avoir à payer deux fois : une première fois, à Bruxelles, dans la définition du mandat de négociation qui sera donné à la Commission, et une seconde fois, à Genève, pour aboutir, à partir de ce mandat, à un accord avec les Etats-Unis.
Je n'ai pas le temps de développer ici les inquiétudes que suscitent, dans de très nombreux secteurs, les propositions de la Commission. Il me suffit d'indiquer que ces inquiétudes - je viens de le vérifier moi-même sur le terrain - concernent en particulier les oléoprotéagineux, qui paraissent sacrifiés bien que chacun s'accorde à constater l'existence d'un déficit protéique majeur en Europe,...
M. Charles Revet. Très important !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques et du Plan. ... la viande bovine, vous l'avez vous-même rappelé, le secteur laitier, le troupeau allaitant, ainsi que - vous ne l'avez pas mentionné, monsieur le ministre, c'est pourquoi je me permets de le faire - l'absence de toute référence aux fruits et légumes...
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques et du Plan. ... et, plus généralement, à l'agriculture méditerranéenne dans les propositions de la commission.
Je me permets sur ce point de formuler l'observation suivante : si les fruits et les légumes ont été, dans la politique agricole européenne initiale, laissés, pour l'essentiel, de côté jusqu'à la création de l'OMC « fruits et légumes » de l'année dernière, c'est parce qu'il ne pouvait pas y avoir, pour cette catégorie de produits, une organisation du marché fondée sur le stockage. A partir du moment où Bruxelles part de l'idée qu'il y a découplage entre production et marchés, d'un côté, et aides, de l'autre, je n'arrive pas à comprendre pourquoi il n'y aurait pas, par hectare de fruits et légumes, des aides forfaitaires comme on en envisage pour d'autres secteurs de l'agriculture.
Attendez-vous en tout cas, monsieur le ministre, à ce que, sur ce point, ceux qui s'intéressent à ces productions soient vigilants et demandent à savoir comment les choses se passeront à Bruxelles et à l'OMC.
Face à la situation créée, il serait regrettable que la France se contente de réactions ponctuelles, concernant tel ou tel aspect particulier du dossier. C'est une reconstruction d'ensemble des propositions de la Commission que nous attendons de vous, monsieur le ministre.
Soyons ambitieux. Soyons cohérents. Sachons opposer à la logique sommairement libre-échangiste qui nous est proposée un modèle agricole qui, sans refuser le changement ni céder à la tentation du repli, soit conforme aux aspirations de notre agriculture et à la fonction stabilisatrice que nous souhaitons lui voir jouer dans la société française de demain.
La loi d'orientation est appelée à tenir, dans cette perspective, un rôle de premier plan. Nous eussions préféré, monsieur le ministre, que le projet mis au point par votre prédécesseur pût être soumis sans retard au Parlement, et n'y voyez pas Dieu sait quelle préférence partisane !
En remettant le projet sur le métier, vous courez en effet le risque d'arriver tout à la fois trop tard pour influer sur les propositions de la Commission et trop tôt pour en tenir compte.
Je ne prendrai qu'un exemple que vous avez vous-même mentionné à juste titre : la politique des structures, qui est appelée à constituer l'un des points forts du texte que vous êtes en train de préparer. Or, la politique des structures que nous choisirons devra tenir compte du type d'agriculture vers lequel nous nous dirigerons. Mais ce modèle dépend avant tout des orientations qui seront choisies à Bruxelles et à Genève.
Si c'est la vision de la Commission alignée sur celle des Etats-Unis qui prévaut, nous irons, que nous le voulions ou non, vers une agriculture de marché mondial. Dès lors, la politique des structures devrait, en bonne logique, ne pas freiner le développement des grandes exploitations, qui seront en mesure de s'affirmer sur le marché mondial.
Si, au contraire, l'exploitation familiale demeure, comme je le souhaite, notre modèle, il faudra que la politique agricole commune, avec l'aval de l'OMC, lui crée un environnement à sa mesure.
MM. Charles Revet et Roland du Luart. Très bien !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Sinon, cela n'aurait aucun sens ; la politique des structures ne se définit pas dans l'abstrait.
J'en viens, monsieur le ministre, au document préparatoire à la loi d'orientation qui nous a été communiqué au mois de septembre dernier. Il m'a semblé - si je me suis trompé dans mon interprétation, vous ne manquerez pas de me le dire - que ce document était construit sur l'hypothèse selon laquelle il y aurait en France deux agricultures, l'une compétitive, adonnée à la production de masse, capable d'affronter le marché mondial, dépourvue de vocation territoriale et relevant de la juridiction européenne, l'autre axée sur la qualité, moins productive, souffrant de handicaps naturels, fragile et bénéficiant prioritairement des aides nationales.
Monsieur le ministre, cette distinction me laisse perplexe. Si, à bien des égards, elle est conforme à une certaine réalité, d'un autre côté, elle est simplificatrice. Très nombreuses en effet sont les régions et les exploitations intermédiaires. Une telle distinction pourrait même se révéler dangereuse. En effet, si l'on réservait dans une large mesure le bénéfice du traitement communautaire aux exploitations qui relèvent de la logique du marché, c'est vers elles qu'irait de plus en plus l'essentiel des crédits européens et non pas vers les exploitations les plus fragiles, qui seraient progressivement renvoyées à des aides nationales, c'est-à-dire, hélas ! à la portion congrue.
M. Charles Revet. Il n'y a plus de sous !
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le ministre, gardons-nous d'avoir d'un côté la politique agricole commune pour les grandes productions, qui négligerait la dimension territoriale, et, de l'autre, une politique nationale qui miserait pour l'essentiel sur les appellations d'origine contrôlée.
Monsieur le ministre, je ferai un dernier commentaire de « sudiste », que je suis. Les régions agricoles fragiles sont souvent les plus méridionales. Leur survie dépend de l'irrigation, dans le développement de laquelle les collectivités territoriales ont investi depuis trente ans des sommes considérables. Or, vous venez de pénaliser les cultures irriguées - je ne vous surpendrai pas en vous le disant - dans la répartition des crédits européens, sous prétexte d'équité. Etrange équité, excusez-moi de vous le dire, qui privilégie les forts au détriment des faibles, le nord au détriment du sud, et qui donne par avance raison aux eurocrates bruxellois qui, depuis longtemps, n'ont d'autre préoccupation que de juguler l'irrigation.
J'évoquerai très rapidement, pour conclure, vos priorités budgétaires. Telles que vous venez d'ailleurs de nous les présenter, monsieur le ministre, elles recueillent, je crois qu'on peut le dire, un quasi-consensus : l'installation, l'enseignement agricole, la sécurité et la qualité des produits alimentaires sont des orientations sur lesquelles, depuis deux ans, est construite la politique agricole de la France.
Vous avez mentionné votre quatrième priorité : les retraites. Comment ne serions-nous pas, nous aussi, d'accord avec cette priorité ? Je rappelle en outre que vos prédécesseurs lui ont consacré, de 1994 à 1997, plus de un milliard de francs en moyenne par an, qui préparent les 500 millions de francs que vous avez vous-mêmes inscrits dans votre projet de budget.
Monsieur le ministre, les trois années qui nous séparent encore de la fin du siècle seront décisives pour l'avenir de notre agriculture. Laissez-moi vous dire que le Sénat suivra avec autant de vigilance que d'espérance les orientations et les mesures que vous prendrez pour relever les difficiles défis qui nous attendent. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais tout d'abord remercier M. le ministre de l'agriculture et de la pêche d'avoir accepté la tenue de ce débat, que nous qualifions de prébudgétaire, sur les perspectives de notre agriculture.
Ce débat se situe, chacun le sait bien dans cet hémicycle, dans la continuité de la procédure que nous avions mise en place l'an dernier, et nous pouvons nous en faciliter. Il permet au Sénat, en temps opportun, d'alerter le Gouvernement sur un certain nombre de préoccupations et de présenter des suggestions. Réciproquement, il fournit l'occasion au ministre de l'agriculture de dresser un bilan détaillé de la politique qu'il entend conduire.
De plus, un tel débat permet de préparer avec efficacité le grand débat d'orientation que nous devons organiser - je pense que le principe en sera maintenu - au printemps prochain sur la politique économique et sociale de notre pays.
Je souhaite engager mon intervention par une brève analyse de la situation de l'élevage bovin.
Les perspectives retenues par l'Agenda 2000 sont, à l'évidence, particulièrement préoccupantes pour l'élevage bovin-viande et pour les zones de culture extensive.
Le ministre doit pouvoir compter sur notre appui - mais oui ! pourquoi pas ? - pour refuser cette orientation communautaire lors des réunions auxquelles il participera.
J'insiste sur ce point parce que l'on constate, dans le pays, une nette opposition envers l'orientation qui a été prise. Je suis persuadé que M. le ministre s'efforcera d'apaiser nos inquiétudes. Il vient d'ailleurs de nous donner quelques apaisements, seulement des apaisements ! Mais il faut persévérer.
M. Charles Revet. Il ne faut pas seulement le dire !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Effectivement ! Il faut également agir ! Mais nous n'allons pas douter, du moins pour l'instant, de l'efficacité de la démarche de M. le ministre. (M. Revet fait un signe d'approbation.)
Par ailleurs, trois remarques d'importance inégale me paraissent devoir être faites.
Tout d'abord, les crédits affectés à la sélection génétique ont enregistré une baisse tendantielle depuis plusieurs années, baisse qui a été dénoncée sur la plupart des travées de la Haute Assemblée, aussi bien par l'opposition que par la majorité d'hier, et inversement aujourd'hui.
Cette diminution a certes été mise à profit - il faut le reconnaître - pour dénoncer les structures en place. Mais, à présent, elle doit impérativement être enrayée, sinon, selon les intéressés, nous courrons le risque de remettre en cause les brillants succès que connaissent les organismes concernés, succès dont nous nous sommes félicités à juste titre.
Par ailleurs - le montagnard que je suis ne peut pas ne pas évoquer ce problème - je constate que se sont formées des files d'attente pour les aides au bâtiment en zone de montagne alors que les crédits du chapitre concerné ne sont consommés qu'à peine à moitié en raison des lenteurs du programme de maîtrise des pollutions. Les crédits sont là, monsieur le ministre ! Dans ces conditions, ne serait-il pas possible d'améliorer la fongibilité des dotations entre ces deux actions plutôt que de thésauriser des crédits dont on en a tant besoin par ailleurs ?
Enfin, je constate, pour le déplorer, que des menaces pèsent en permanence sur certains fromages de haute qualité de notre pays, qui pourraient être victimes de je ne sais quelle institution internationale ! Comme moi, monsieur le ministre, vous en avez lu quelques échos dans la presse spécialisée.
Pouvez-vous, nous apporter des éclaircissements sur ces trois dossiers ?
Disons-le clairement, nous pouvons être fiers de la qualité sanitaire de nos produits agricoles. Ainsi, les Etats-Unis, qui sont de grands donneurs de leçons, même dans le domaine agricole, enregistrent chaque année - je le regrette fortement - près de 9 000 décès par empoisonnement alimentaire, alors que, en France, nous ne connaissons qu'une poignée de cas par an, c'est fort heureux, mais c'est encore trop, j'en conviens.
Je compte donc sur vous, monsieur le ministre, tant pour être l'ambassadeur de nos produits de qualité auprès de vos homologues étrangers que pour perfectionner et faire appliquer la législation en vigueur.
Je voudrais maintenant dire quelques mots de la forêt. Le représentant du troisième département forestier de France ne peut pas ne pas traiter de cette question à l'occasion d'un débat agricole.
En raison de la grande diversité de vos fonctions, monsieur le ministre, vous n'avez pas encore été très explicite sur vos orientations sur ce sujet.
Le projet de budget pour 1998 que nous examinons actuellement en commission semble d'ailleurs - et je le regrette - s'en ressentir quelque peu.
Je me permettrai donc de vous poser quelques questions très précises aujourd'hui, et j'attendrai l'examen du volet forestier de la loi d'orientation agricole pour aborder les problèmes de fond.
Monsieur le ministre, quelle suite entendez-vous réserver à la revendication des scieurs tendant à abaisser la taxe spécifique de 1,2 % à 1 % ?
Avez-vous progressé dans votre réflexion visant à assurer un financement beaucoup plus stable plutôt qu'un financement quelque peu hésitant du Fonds forestier national, dont par ailleurs nous avons bien besoin ?
Estimez-vous qu'il soit judicieux d'étendre les possibilités offertes à l'Office national des forêts, l'ONF, de vendre des bois selon des modalités qui sont parfois - pas toujours à juste titre, mais avec raison dans certains cas - jugées discutables par les entrepreneurs privés ?
Le rapprochement du code forestier et du code de l'urbanisme permettra-t-il un jour de commencer à régler le problème de l'enrésinement des fonds de vallée en zone de montagne ?
M. René-Pierre Signé. Absolument !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est un sujet qui est évoqué périodiquement, et je vous demande, monsieur le ministre, de prendre cette question à bras-le-corps. Le Sénat vous apportera, bien sûr, sa contribution pour trouver une réponse à l'envahissement de nos fonds de vallée par les résineux.
M. René-Pierre Signé. Il faut voir avec Mme Voynet !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Les mesures d'application de la loi sur l'air visant à promouvoir l'utilisation du bois comme matériau de construction seront-elles bientôt prises ?
Par ailleurs, comment entendez-vous promouvoir l'utilisation du bois dans les chaufferies collectives pour profiter au mieux de la baisse de la TVA sur ce produit, baisse que nous avons obtenue ici même au Sénat, non sans difficultés d'ailleurs ?
Je souhaiterais enfin présenter quelques considérations sur l'aménagement du territoire rural et, surtout, sur la vie rurale.
Je me permettrai tout d'abord d'attirer assez solennellement votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité de régler certains problèmes devenus irritants, qui concernent le droit de la chasse.
S'agissant plus particulièrement des dates de la chasse au gibier d'eau et des compétences des fédérations départementales de chasseurs, comment entendez-vous harmoniser réglementation et exigences légitimes des intéressés ?
Ne me dites pas que ces problèmes ne sont pas de votre ressort, monsieur le ministre, je le sais bien, mais votre qualité éminente de premier défenseur de la ruralité française doit vous conduire à mieux faire entendre, au sein du Gouvernement, les aspirations légitimes de ces ruraux, bien sûr préoccupés par la chasse, qui constitue pour eux une activité extrêmement importante. N'oublions pas qu'il s'agit d'une raison du maintien de la vie en milieu rural.
Je souhaiterais par ailleurs que la prochaine loi d'orientation agricole s'attache avec courage à traiter deux problèmes qui préoccupent de longue date la commission des finances, à savoir la complémentarité des interventions en faveur de l'agriculture s'agissant des dotations communautaires, nationales et mêmes locales, et la remise en ordre des multiples procédures qui concernent l'aménagement rural.
En période de difficultés budgétaires, monsieur le ministre, chaque franc - je dis bien chaque franc - doit être dépensé au mieux, c'est pourquoi les rationalisations et les synergies s'imposent à chacun d'entre nous, quel que soit notre niveau de responsabilité.
Bien sûr, il va sans dire que les élus locaux souhaitent apporter leur contribution à cette remise en ordre des concours apportés à l'agriculture et qu'ils doivent y être étroitement associés.
J'ajoute que cette remise en ordre est d'autant plus nécessaire que, dans certains cas, on ne s'y retrouve plus.
La commission des finances, qui a procédé la semaine dernière à un premier examen des crédits de votre ministère, attend avec beaucoup d'intérêt les réponses que vous allez donner à ces deux dernières questions. La commission souhaite en effet vivement que vous puissiez vous engager personnellement à faire conduire très rapidement les études nécessaires pour parvenir à une plus grande efficacité de la dépense publique, particulièrement des cofinancements.
Monsieur le ministre, je vous dis à nouveau que nous vous apporterons notre appui pour renégocier au mieux, dans l'intérêt supérieur du pays, la nouvelle politique agricole commune.
Si nous voulons - vous y avez d'ailleurs fait allusion voilà un instant à cette tribune - que des jeunes, du monde agricole ou de l'extérieur, continuent à s'installer ou souhaitent le faire dans les mois et les années qui viennent, il faut absolument réduire au maximum la période trop longue, bien trop longue, d'incertitude qui s'est ouverte du fait des positions non prises par Bruxelles, en raison de l'indécision de la France.
Quel avenir réserve-t-on aujourd'hui à un jeune agriculteur qui voudrait s'installer ? Je pose la question, mais nous ne pouvons pas encore y répondre.
La chute brutale des installations que nous avons constatée en 1992 et en 1993 doit être présente dans toutes les mémoires. Par ailleurs, chacun sait bien, ici, que l'avenir de notre agriculture repose sur la qualité et le dynamisme de la relève de ces jeunes qui doivent perpétuer les succès remarquables de leurs anciens, de leurs aînés.
Tel est le voeu que je formule en conclusion de ce bref propos, sachant que l'agriculture est et demeure l'un des meilleurs atouts pour l'avenir économique de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean Faure remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 58 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes;
Groupe de l'Union centriste, 42 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 35 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 9 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aborderai successivement dans mon propos la future loi d'orientation agricole, la réforme de la PAC et le rééquilibrage des aides européennes aux céréales.
Je commencerai par la loi d'orientation agricole.
L'an passé, à cette même époque, j'avais évoqué ici même le projet de loi d'orientation agricole que le gouvernement précédent envisageait de soumettre au Parlement. En raison des événements politiques qui se sont produits, cette loi n'a pas eu le temps de voir le jour, et c'est vous, monsieur le ministre, qui présenterez à votre tour un nouveau projet.
J'avais alors totalement approuvé cette volonté de fixer les grands objectifs vers lesquels notre agriculture devait tendre. En revanche, j'avais reproché la procédure suivie par votre prédécesseur, qui, à mon sens, n'avait pas prévu une concertation satisfaisante, et qui n'avait pas suffisamment associé le Parlement.
Ce genre de loi mérite un large consensus et doit faire l'objet d'une adhésion de l'ensemble des acteurs.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je me réjouis de votre volonté de permettre un large débat avant l'adoption de cette future loi. Cette initiative est une garantie supplémentaire de la représentativité du texte qui sera adopté et de ses chances de succès.
Pour ce qui est du fond, un premier constat évident est à faire : l'agriculture française a connu, depuis plus de trente ans, un tel développement, une telle modernisation, qu'à ce jour elle est la première puissance agricole européenne et l'une des toutes premières au monde. Sur ce point, la réussite est donc incontestable, et les précédentes lois d'orientation agricole datant des années soixante ont incontestablement atteint les objectifs fixés.
Cependant, cette réussite ne doit pas masquer certaines difficultés qui émergent actuellement. En fait, ces problèmes sont bien souvent inhérents à l'évolution positive de notre agriculture, et en constituent sans doute une des conséquences regrettables.
Le premier problème qui se pose est lié à la répartition des exploitations sur le territoire. Un aménagement équilibré du territoire exige une multitude d'exploitations, plutôt que la mise en place de très importantes structures. On se rend tout de suite compte de la difficulté du problème, dans la mesure où ces exploitations doivent être suffisamment grandes pour être viables.
A ce sujet, il est très important, comme cela l'a été par le passé, grâce à des mesures incitatives telles que le dispositif prévu par les décrets du 27 février 1992 puis du 15 mars 1995, qui avaient pour objectif principal, pour le premier, la restructuration des exploitations agricoles et, pour le second, l'installation de jeunes agriculteurs, de faciliter et d'encourager l'installation de ces derniers.
En pratique, malheureusement, on constate que, bien souvent, la bonne volonté de ces jeunes se heurte à des oppositions tenaces. A ce titre, il apparaît nécessaire de revoir le fonctionnement des commissions départementales d'orientation agricole qui, pour des raisons politiques, peuvent émettre parfois certains avis non conformes à la législation ou aux priorités d'intérêt général fixées.
Le second problème porte sur certains risques sanitaires liés à l'alimentation. Certaines crises récentes, telles que celle dite de « la vache folle », ont mis en évidence qu'il était indispensable d'instaurer un suivi strict des produits émanant de l'agriculture. Il me semble, à ce sujet, que la création d'un ministère de l'alimentation serait peut-être opportune.
Enfin, le dernier dysfonctionnement actuel important de notre agriculture porte sur l'inadéquation fréquente de l'offre et de la demande, et sur les déséquilibres parfois très importants qui peuvent se créer. Ce sujet est évidemment très épineux, car il nécessite bien souvent une anticipation sur l'évolution des marchés. Par exemple, si la présence de retraits pour certaines productions est une mesure conjoncturelle compréhensible, en revanche, faire de ceux-ci un débouché permanent n'est pas admissible.
Je ne souhaite pas, ici, apporter des réponses à tous ces problèmes. Tout d'abord, je n'en aurais pas le temps, mais surtout les solutions adoptées ne peuvent qu'émerger du large débat qui va s'instaurer. Je voudrais simplement mettre l'accent sur différents points qui me semblent cruciaux.
Trois termes me semblent importants.
D'abord, celui de statut : il est désormais temps de réfléchir à un véritable statut de l'entreprise agricole, qu'elle soit individuelle ou sociétaire. Ainsi, les conjoints d'agriculteurs doivent faire l'objet d'un statut qui reconnaisse leur travail au sein de l'entreprise. De même, pour les chefs d'exploitation, une clarification de leurs compétences doit être apportée.
Ensuite, celui d'installation : comme je l'ai souligné précédemment, si cet objectif semble partagé par tous, dans les mentalités, bien souvent, un certain conservatisme est constaté. En prévoyant des mesures d'ordre fiscal, juridique ou social qui favorisent l'installation de jeunes venant du monde agricole ou d'ailleurs, la future loi d'orientation agricole contribuera à la réussite de cet objectif. De cette dernière dépendra une occupation plus rationnelle de notre territoire.
Enfin, celui de diversité : compte tenu de la nécessaire répartition des exploitations agricoles sur l'ensemble du territoire, il est évident qu'il n'est pas possible de les traiter toutes de la même façon. Les diversités géographique, climatique ou agronomique ne peuvent que conduire à une diversité des productions. Celle-ci doit être vécue comme une richesse pour l'ensemble de la société, et non comme un handicap pour les agriculteurs situés en zones dites défavorisées. La nouvelle loi d'orientation doit prendre en compte cette spécificité.
Un nouveau projet politique pour notre agriculture doit prendre en considération et englober de nombreuses politiques appartenant à d'autres secteurs : une politique des structures, une politique de l'aménagement du territoire en général, le territoire rural en particulier, une politique de protection sociale et de formation, une politique sanitaire, une politique d'environnement, une politique industrielle et commerciale, une politique internationale.
Ces différentes politiques peuvent être parfois contradictoires et conduire à des arbitrages délicats, d'où l'intérêt de définir au préalable des priorités.
Une loi d'orientation agricole est un ensemble de mesures techniques duquel il est essentiel de laisser émerger un grand dessein qui doit conduire à une gestion de l'espace plus cohérente, à une régulation des productions plus efficace, à une politique alimentaire plus sûre, à un rapport avec la nature plus respectueux et à un lien social plus fort.
Si la future loi d'orientation agricole ne peut, à elle seule, résoudre l'ensemble des difficultés, elle doit en indiquer les grandes lignes à suivre qui permettront d'y remédier dans le temps. Comme vous l'avez très justement indiqué, elle aura, contrairement aux anciennes lois d'orientation, un objectif plus qualitatif que quantitatif. Elle doit donc être appréhendée de manière différente. L'élaboration en sera, par conséquent, très subtile, mais cette difficulté doit rendre le travail de ses auteurs d'autant plus intéressant. Cette future loi d'orientation est un véritable enjeu de société, et plus uniquement un enjeu sectoriel. De ce projet devra découler la place de notre agriculture et de nos agriculteurs dans la société du xxie siècle.
J'en viens à la réforme de la PAC.
C'est volontairement que j'ai placé en premier lieu la loi d'orientation agricole dans mon intervention, cela pour bien souligner que l'agriculture de demain que nous voulons pour la France ne peut pas être imposée par l'Europe ; elle doit être accompagnée et favorisée par cette dernière.
J'ai rappelé précédemment que l'agriculture française avait connu un essor très important depuis une trentaine d'années. Il est évident que la politique agricole commune a joué un rôle fondamental dans cette évolution favorable.
J'approuve tout à fait, monsieur le ministre, votre volonté de ne pas dissocier ces deux éléments de la politique agricole qui sont dépendants. Ces deux politiques sont et doivent donc être complémentaires, tant dans leur fonctionnement que dans leurs objectifs. D'ailleurs, l'identité agricole européenne, telle que vous la définissez, pourrait aussi bien s'appliquer à la politique agricole nationale : une agriculture performante qui approvisionne les marchés européen et international, une agriculture soucieuse de la qualité des produits et qui réponde à l'attente des consommateurs, une agriculture qui assure un rôle décisif dans l'équilibre du territoire et qui participe à la vitalité du monde rural, une agriculture qui joue pleinement son rôle dans la consolidation de l'emploi en milieu rural, notamment par l'installation des jeunes agriculteurs, une agriculture soucieuse d'une gestion économe des ressources naturelles qui préserve un environnement de qualité, une agriculture qui repose sur des exploitations de taille humaine et, enfin, une agriculture qui participe à la solidarité internationale.
Il apparaît clairement que le modèle agricole européen qui doit être mis en place ne s'oppose pas à celui que nous voulons pour notre pays. La seule difficulté, qui est sans doute de taille, repose sur la nécessité de mettre en adéquation ces objectifs avec les mesures sectorielles ou générales adoptées par les institutions européennes. A ce titre, la prochaine réforme de la PAC, programmée par certaines propositions de réforme contenues dans le « paquet Santer », ne semble pas conduire au respect de l'ensemble des objectifs énoncés précédemment.
Avant d'aborder la future réforme de la PAC, je souhaite dresser un rapide bilan de celle qui a été adoptée en 1992.
Evoquons tout d'abord les points positifs.
On constate une augmentation des revenus des agriculteurs dans l'ensemble des pays européens. De même, une diminution des stocks d'intervention et une augmentation de la demande de céréales sur le marché européen ont permis de maîtriser les importations de produits de substitution en provenance du marché mondial. Par ailleurs, les paiements et subventions directs aux agriculteurs français ont augmenté de 12 milliards de francs à 50 milliards de francs entre 1990 et 1995. Enfin, le taux de retour du FEOGA sur la France est passé, en trois ans, de 19 % à 24 %.
Mais il faut aussi prendre en considération les paradoxes auxquels a conduit la réforme de 1992.
S'agissant des aides compensatoires aux grandes cultures, il est notable qu'elles n'ont pas été liées à l'évolution des prix du marché. De plus, ce sont les exploitations les plus performantes qui en ont le plus bénéficié, d'où la réforme que vous avez souhaitée, monsieur le ministre, et que j'aborderai tout à l'heure.
Les conséquences de la réforme de 1992 sont aussi paradoxales en ce qui concerne le secteur de l'élevage. L'ambition originelle était de promouvoir l'élevage extensif. Mais certaines aides ont eu un effet inverse. Je pense au maïs ensilage et aux céréales intraconsommées réparties à l'avantage des régions à agriculture intensive : aide de 2 000 francs par hectare dans la région Centre et de 1 500 francs par hectare en Auvergne.
Mais si cette réforme a été bénéfique sur certains points, paradoxale sur d'autres, elle a eu aussi des effets négatifs. Ainsi, au lieu de conduire à un rééquilibrage des revenus entre les différentes catégories d'agriculteurs, elle a incité ces derniers, surtout les céréaliers, à s'agrandir sans cesse.
De même, on peut relever une maîtrise insuffisante de la production bovine.
Enfin, un dernier problème, très épineux, porte sur les conséquences agricoles de l'instabilité monétaire dans l'Union européenne, laquelle favorise largement les agriculteurs des pays à monnaie faible.
Ainsi, si la future réforme de la PAC doit approfondir celle de 1992, elle doit aussi remédier aux dysfonctionnements qui viennent d'être très brièvement évoqués.
Monsieur le ministre, vous avez tout à fait raison d'exiger de profondes modifications des propositions qui sont faites par la Commission. Je ne reprendrai pas ici l'ensemble des critiques qui ont été émises à leur sujet. Je voudrais simplement souligner qu'une baisse généralisée des prix, telle qu'elle est envisagée, ne peut être appliquée sans une prise en compte préalable des ses conséquences sur les secteurs concernés. En raison de la situation financière précaire de nombreuses exploitations, la brutalité d'une telle décision risquerait de conduire inéluctablement à de nombreuses faillites. De même, une compensation financière de cette baisse ne serait pas une bonne solution à long terme.
Je ne peux qu'approuver votre volonté d'intervenir afin que des mesures en matière d'environnement, d'occupation de l'espace et en faveur d'une répartition plus équitable des soutiens soient adoptées. De telles réformes étant nécessaires sur le plan national, il est logique qu'elles le soient aussi au niveau européen.
Ainsi, la nouvelle politique européenne en matière agricole doit conduire à une répartition plus équitable et plus efficace des 50 milliards de francs qui sont versés. Mais il faut sans aucun doute aller plus loin et laisser émerger de nouvelles idées. Tel pourrait être le cas, par exemple, de la prise en compte, et donc en charge, de la mission de service public liée au territoire qui est remplie par les agriculteurs. Il en est ainsi de l'occupation de l'espace, de la préservation ou même de l'amélioration de l'environnement.
Une évolution possible, qui fait déjà l'objet d'une réflexion sur le plan national, consisterait à donner un contenu multifonctionnel à l'agriculture, et pas uniquement une finalité de stricte production. Ce mouvement pourrait être accompagné, voire encouragé, par les institutions européennes.
Enfin, pour lutter contre le chômage, l'idée de plafonner le montant des aides par unité de travail pour chaque exploitation pourrait être approfondie. Ce ne sont là que quelques pistes, mais elles méritent sans doute d'être examinées attentivement.
En ce qui concerne le rééquilibrage des aides européennes aux céréales, je ne partage pas le même point de vue que M. le président de la commission des affaires économiques.
Le dernier sujet que je souhaite évoquer ici est directement lié au thème précédent, puisqu'il s'agit du rééquilibrage des aides européennes aux céréales.
Monsieur le ministre, votre gouvernement a désiré prendre de l'avance sur cette question puisque, dès votre arrivée, vous avez donné la priorité à cet objectif.
Le projet de réforme des aides aux grandes cultures qui a été présenté cet été par le Gouvernement a fait l'objet d'un vif débat. L'objet de cette réforme consistait à adopter un rendement national pour les céréales et à supprimer la majoration destinée aux cultures irriguées.
S'agissant de la modification du rendement de base servant au calcul des aides versées, le défaut de l'ancien système était de tenir compte pour deux tiers du rendement départemental et pour un tiers du rendement national. Cela conduisait à un écart d'aide à l'hectare de 2 500 francs au profit des régions à haut rendement, celles qui sont déjà favorisées. Il était donc nécessaire de changer ce système inéquitable.
M. William Chervy. C'est vrai !
M. Bernard Piras. Par ailleurs, il apparaît clairement que l'aide aux surfaces irriguées a conduit, depuis 1992, au doublement de ces dernières, puisqu'elles sont passées de 470 000 hectares en 1991 à 900 000 hectares en 1996. Cette aide a sans conteste permis un développement et une diversification de notre agriculture. L'irrigation a été un bienfait. Mais, par son intérêt financier, la prime a eu un effet néfaste, puisqu'elle n'a pas seulement aidé les agriculteurs à s'équiper en matériel d'irrigation. Elle a, en outre, orienté l'ensemble des cultures de céréales vers les productions irriguées.
M. François Gerbaud. Très bien !
M. Bernard Piras. Malheureusement, l'eau n'est pas une ressource infinie, et il apparaît désormais comme une impérieuse nécessité sur le plan écologique de limiter ces ponctions d'eau.
M. François Gerbaud. Tout à fait !
M. Bernard Piras. C'est dans cet esprit que vous avez souhaité modifier les primes à l'irrigation afin de rétablir un certain équilibre. D'ailleurs, à son origine, en 1992, il était bien convenu avec l'ensemble des organisations agricoles que cette prime à l'irrigation ne devait être que transitoire.
Mais ce déséquilibre constaté dans l'évolution des ressources en eau n'est, en fait, qu'une conséquence de l'inadaptation du montant des aides publiques versées aux producteurs de grandes cultures, aides qui étaient pernicieuses puisqu'elles incitaient fortement les agriculteurs à privilégier les surfaces irriguées.
Il est à noter qu'un tel constat était établi tant par le Gouvernement que par les organisations syndicales.
Compte tenu de l'incompréhension et des remous suscités par votre réforme, vous avez sagement souhaité mettre en place une négociation afin qu'un compromis s'en dégage, sans pour autant abandonner votre ambition originelle. La démarche a été positive puisque, très rapidement, des mesures ont pu être prises qui ont donné satisfaction à tous.
Une telle réforme était nécessaire, et je me réjouis qu'elle ait pu voir le jour aussi rapidement et aussi positivement. Mais ce qui a été fait pour les céréales devra sans aucun doute l'être aussi pour l'ensemble des aides publiques dans le domaine agricole.
Pour conclure, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aimerais simplement souligner que la loi d'orientation agricole et la réforme de la PAC sont très importantes, car elles vont modeler l'agriculture française et européenne du début du xxie siècle.
Comme j'ai essayé de le démontrer au cours de mon intervention, cette agriculture sera loin d'avoir un simple intérêt productiviste. De nombreux autres enjeux, écologiques, sociaux et d'aménagement du territoire, doivent être pris en compte. Des décisions que nous allons être amenés à prendre dépendra l'organisation de la société de demain. Nous devons toujours garder à l'esprit cette vision globale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Soucaret.
M. Raymond Soucaret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de me réjouir de ce débat préalable au débat budgétaire que notre assemblée a pris l'initiative d'institutionnaliser et qui nous offre l'occasion d'aborder d'une manière plus fondamentale que chiffrée tous les aspects de la politique agricole.
Quoique essentiel et fixant les priorités nationales pour l'année à venir, l'exercice du seul débat budgétaire pourrait paraître modeste face aux questions cruciales qui se présentent à notre agriculture.
L'année 1996 a été terrible pour les agriculteurs avec la crise de « la vache folle » et celle qui a secoué la filière fruits et légumes, mais elle a aussi contribué à cristalliser l'émergence de valeurs nouvelles, aujourd'hui clairement exprimées et auxquelles nous devons tous nous référer si nous voulons maintenir et renouveler le lien entre l'agriculture et notre société.
Désormais, la première attente du consommateur se concentre sur la sécurité alimentaire. On pourrait s'en étonner dans un pays dont la gastronomie a fait la réputation à travers les siècles et le monde, et où l'alimentation est, globalement, l'une des plus sûres. Mais le risque zéro n'existe pas et il appartient à tous, décideurs politiques et acteurs de la chaîne alimentaire, de minimiser ce risque à toutes les étapes, de la terre à l'assiette.
La deuxième attente du consommateur porte sur la qualité, valeur défendue depuis longtemps par tous les professionnels de la production et de la transformation artisanales ou industrielles. Là encore, la demande est plus forte et plus précise. Depuis plusieurs années déjà, les produits régionaux ou des terroirs ont le vent en poupe.
Doit-on s'interroger sur ce phénomène ? L'intérêt des consommateurs pour ces produits provient sûrement de l'évocation rassurante des modes de fabrication traditionnels ou artisanaux, mais également de la promesse de produits qui flattent les papilles, sans parler des sentiments identitaires.
L'objectif doit être de faire de la France la championne de la qualité. Nous en avons les atouts. Ce sera notre spécificité et notre meilleure chance sur les marchés de demain.
La précédente majorité s'était engagée dans cette voie, et je me félicite que vous ayez réaffirmé cette priorité, monsieur le ministre. Toutefois, je souhaiterais connaître votre intention à l'égard du projet de loi, présenté en première lecture par votre prédécesseur Philippe Vasseur, relatif à la qualité sanitaire des denrées alimentaires. Sera-t-il repris et inscrit à l'ordre du jour du Parlement ?
Enfin, la troisième attente du consommateur a trait à la préservation de l'environnement. Il n'y a pas d'incompatibilité de principe entre l'activité agricole et la préservation de l'environnement. Bien au contraire ! J'insiste avec force sur ce point, à un moment où un membre du Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, s'attaque violemment aux agriculteurs.
Outre son rôle économique et social, l'agriculture a également une vocation environnementale. La qualité d'aménageur de l'espace, de par leur présence et leur travail, unanimement reconnue aux agriculteurs. Ces derniers ont, au cours des siècles, modelé nos paysages, les ont rendus accessibles à chacun d'entre nous et contribuent toujours largement à entretenir et à valoriser le territoire.
Certes, il ne faut pas nier la réalité. Les agriculteurs, dans leur activité quotidienne, provoquent parfois des nuisances, comme d'autres, est-il besoin de le rappeler ? Mais les réalités scientifiques, techniques et économiques doivent s'imposer face aux visions dogmatiques. Les agriculteurs n'ont pas attendu Dominique Voynet, dont la vigilance est utile, mais dont l'action pourrait être plus raisonnée,...
M. Serge Vinçon. C'est vrai !
M. Raymond Soucaret. ... pour prendre conscience de leurs responsabilités et s'y atteler !
L'environnement est devenu leur affaire. Encore faut-il que les pouvoirs publics accompagnent cette évolution en adaptant la réglementation aux réalités de notre agriculture et de notre industrie agroalimentaire en leur donnant des moyens à la hauteur de ces enjeux.
Voilà donc les nouvelles attentes auxquelles notre agriculture doit répondre demain, mais ce ne sont pas les seuls défis à relever.
L'agriculture française a changé. Elle s'est modernisée et restructurée au prix de douloureux bouleversements. Ainsi pourrait-on dire qu'elle a été victime de son succès.
En quelques décennies, l'agriculture française est devenue la première d'Europe, et la France est la deuxième puissance exportatrice mondiale de produits agroalimentaires, avec 58,5 milliards de francs d'excédents dans le secteur agroalimentaire, dont 48,8 milliards de francs pour les produits transformés.
La production agricole n'a cessé de croître depuis un demi-siècle. L'agriculture et la forêt restent encore parmi les plus gros employeurs de main-d'oeuvre, offrant un peu plus d'un million d'emplois, soit 5 % de l'emploi total.
Parallèlement, le territoire agricole a diminué, en cinquante ans, de 6 millions d'hectares et ce secteur a perdu plus de 4 millions d'actifs. Le nombre d'exploitations, au cours de ces dernières années, a diminué de 4,2 % par an alors que la surface moyenne exploitée a été multipliée par 2,5 et que les terres se concentrent dans des unités de plus en plus importantes : 10 % de la surface agricole utile sont rassemblés dans 1 % des exploitations de plus de 200 hectares.
Enfin, les jeunes n'ont pas pris la relève des agriculteurs âgés ayant cessé leur activité.
Cette évolution a conduit à une concentration excessive des exploitations, à une accentuation des déséquilibres régionaux et à la désertification de certaines zones rurales, autant de problèmes auxquels il est nécessaire de remédier.
Autre défi : il s'agit de maintenir nos positions acquises sur le marché européen et de développer l'accès de nos produits aux marchés tiers dans un environnement économique libéralisé et mondialisé.
Les accords de Marrakech, signés en 1994, ont fait sortir l'agriculture de son exception et portent gravement atteinte au principe même de la préférence communautaire, auquel nous sommes attachés.
Il est à craindre que les futures négociations qui auront lieu dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce ne conditionnent encore davantage les échanges agricoles entre l'Union européenne et les pays tiers et n'accélèrent ce processus de libéralisation.
Comment, dans de telles conditions, l'agriculture française restera-t-elle compétitive alors que nos prix intérieurs restent supérieurs à ceux du marché mondial ?
Les politiques agricoles dans le monde ont, ces dernières années, profondément évolué et s'orientent pour la plupart vers une généralisation des aides directes, aux dépens du soutien des marchés.
La réforme de la PAC en 1992 a ouvert la voie à un tel dispositif. Si elle a conduit à une plus grande lisibilité des soutiens, le mode de distribution des aides a favorisé l'agrandissement démesuré de certaines exploitations et la fragilisation des revenus ; en outre, cette évolution suscite des inquiétudes quant à la pérennité des moyens budgétaires : autant de questions, dont l'énumération n'est pas exhaustive, qui requièrent l'audace d'un vrai projet d'avenir définissant ce que l'on attend de l'agriculture, reconnaissant ses multiples fonctions et orientant son développement durable.
L'année 1997 a vu le lancement d'un grand chantier, celui de la loi d'orientation pour l'agriculture, que le Président de la République a qualifié d'acte majeur permettant de redéfinir un nouveau contrat entre les agriculteurs et la société et de préparer l'entrée de l'agriculture française dans le xxie siècle. Je suis heureux de constater, monsieur le ministre, que ce texte figure parmi vos priorités, puisque vous nous avez assurés tout à l'heure qu'il serait discuté au printemps de 1998. Je m'en réjouis, et j'espère que son examen trouvera un aboutissement heureux pour les agriculteurs.
Vous avez déjà présenté un document préparatoire au projet de loi d'orientation, appelé à servir de cadre à la concertation avec les organisations professionnelles agricoles. C'est très bien, mais il me paraît important que ce projet de loi soit présenté au plus vite au Parlement.
En effet, il s'agit de reconstruire les fondations d'un pacte avec la nation, permettant à l'agriculture de s'adapter aux nouveaux besoins, d'affronter un contexte communautaire et international chargé d'incertitudes et d'offrir aux agriculteurs de nouvelles perspectives.
Il s'agit aussi d'affirmer les valeurs que notre agriculture continue de porter, au bénéfice de la société tout entière, et de faire prévaloir un modèle français à la veille de choix importants pour notre avenir, qu'il s'agisse de l'approfondissement de la réforme de la PAC, de l'élargissement de l'Union européenne ou du prochain cycle de négociations dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. Il serait donc utile de fixer nos propres orientations avant d'entamer ces réflexions plus larges !
Permettez-moi tout d'abord, monsieur le ministre, de faire une remarque sur l'approche fondamentale qui se dégage de ce projet de loi d'orientation.
Si j'ai bien lu votre document, votre vision est celle d'une agriculture duale : l'une des branches étant consacrée à la production en masse de matières premières à bas prix destinées aux industries agroalimentaires et chimiques, l'autre étant orientée vers l'élaboration de produits finis, vendus à un prix plus élevé, soit à des distributeurs, soit au consommateur final. A côté d'une agriculture compétitive apte à affronter le marché mondial, une agriculture « ménagère » approvisionnerait des niches du marché intérieur. Autrement dit, vous réinventez la fable de La Fontaine : le loup et l'agneau vivent en bon ménage.
Il est sûrement juste de vouloir diversifier l'agriculture tant dans ses activités que dans ses méthodes de production. Il est aussi louable de vouloir restaurer le lien entre l'agriculteur, son produit et son terroir.
Ce sont effectivement les hommes et non les machines qui occupent le territoire, le rendent vivant et créent le lien social.
Toutefois, ne craignez-vous pas que cette vision éclatée de deux agricultures antagonistes n'opposent les uns aux autres, là où l'unité et les valeurs du métier devraient être réaffirmées et tirer les agriculteurs vers des objectifs communs ?
La loi d'orientation doit promouvoir une agriculture « plurielle », comme la qualifient certains, c'est-à-dire une agriculture cultivant la peformance globale : la performance économique car c'est l'activité de base ; la performance environnementale car elle est utilisatrice d'un patrimoine collectif qu'elle doit transmettre aux générations futures ; la performance sociale car son mode de développement doit être accepté par les consommateurs et la société, et répondre à leurs attentes de natures diverses et parfois contradictoires.
Je n'entrerai pas dans le détail de ces orientations, ne voulant pas anticiper sur un futur débat, qui ne manquera pas, j'en suis sûr, d'être nourri.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré au congrès de la FNSEA, en septembre dernier, que cette loi d'orientation ne répondra pas à toutes les questions que se pose le monde agricole. Je vous cite : « Elle doit se concentrer sur ce qui reste de la compétence du législateur français, en acceptant qu'une partie des problèmes soit traitée à Bruxelles et non plus à Paris. »
Nous en avons tous conscience, particulièrement dans l'exercice budgétaire. Le budget français de l'agriculture ne représente en effet que 20 % de l'ensemble des dépenses publiques concernant l'agriculture. C'est pourquoi on ne saurait isoler l'examen du budget ni même la préparation de la loi d'orientation des discussions déjà en cours à Bruxelles et qui se dérouleront tout au long des mois à venir.
Cependant, nous ne pouvons esquiver nos responsabilités vis-à-vis de nos agriculteurs en invoquant ce motif, vous pas plus que les autres.
Au moment où se dessinent de nouveaux contours européens, il ne s'agit pas de relâcher nos efforts, notre présence et notre soutien à notre agriculture : la voix de la France doit plus que jamais se faire entendre.
Sachez que nous serons très attentifs à la manière dont vous aborderez ces négociations. Pour l'heure, nous n'avons pas eu l'occasion, sinon peut-être ici cet après-midi, de vous entendre sur les propositions de la Commission contenues dans l'Agenda 2000.
Bien qu'une adaptation de la PAC soit nécessaire, les modifications des mécanismes ne peuvent être brutales, et ces propositions ne me paraissent ni acceptables ni tenables, en l'état, pour les agriculteurs français.
Si ces mécanismes doivent être revus, tant il est vrai que certaines exploitations ont bâti leur modèle de développement sur les subventions communautaires et qu'ils donnent lieu à des dysfonctionnements contraires à l'équité, il faut agir de manière progressive.
Nous serions heureux que ces questions essentielles pour l'avenir de l'agriculture soient l'objet d'un véritable débat dans notre asemblée, afin que nous soyons en mesure de connaître la manière dont vous voulez les aborder.
Vous avez préparé votre budget pour 1998 dans ce contexte marqué par la reprise du chantier de la loi d'orientation et le coup d'envoi de la réforme de la PAC, et vous nous avez dit avoir cherché à traduire d'ores et déjà la nouvelle logique de l'agriculture de demain. J'en jugerai lors du débat budgétaire et ne manquerai pas, alors, de faire des observations.
Au moment où le président de la FNSEA, M. Luc Guyau, s'interroge sur l'éventualité d'un krack agricole qui frapperait l'Europe, comme le krack boursier et monétaire vient de frapper l'Asie du Sud-Est, au moment où la Commission européenne semble vouloir verser dans l'ultra-libéralisme pour réformer la PAC, dans le cadre de l'Agenda 2000, la discussion du budget de l'agriculture prend, cette année, une importance encore plus déterminante que les années précédentes.
Nous sommes en effet à un grand tournant. Ce tournant, il vous sera d'autant plus difficile de le négocier, monsieur le ministre, que vous succédez à Philippe Vasseur, l'un des meilleurs ministres de l'agriculture que nous ayons eu depuis Jacques Chirac, sans oublier Jean Puech qui, dans des conditions difficiles, avait su faire face aux difficultés du moment.
Votre budget, monsieur le ministre, est un budget sans ambition et sans priorité. C'est un budget qui ne reflète pas le volontarisme de nos paysans. On est même surpris de voir un homme de terrain se préparer à nous présenter un tel budget. J'attendais mieux, beaucoup mieux ! Vous me permettrez de penser que vous ne devez pas être le véritable auteur de ce budget, que celui-ci répond à des considérations dogmatiques, qu'il vous a été dicté par des hommes de parti, de ces hommes qui ont toujours fait la caractéristique du parti socialiste français.
M. Philippe François. Très bien !
M. Raymond Soucaret. Je le regrette d'autant plus que je considère le budget de l'agriculture comme un acte politique essentiel, au meilleur sens du mot, élaboré par des hommes politiques pour les agriculteurs, pour l'intérêt général du monde agricole et rural, c'est-à-dire pour toutes celles et tous ceux qui vivent par et pour l'agricuture.
L'intérêt général de l'agriculture française méritait mieux !
Je souhaiterais, maintenant, examiner un peu plus en détail le budget que vous présenterez à la Haute Assemblée dans quelques jours.
En ce qui concerne l'installation, vous nous parlez de crédits-formation en augmentation, notamment pour les stages de pré-installation. Cette augmentation n'est pas de votre fait : elle correspond à la dynamique de la charte pour l'installation mise en oeuvre par Philippe Vasseur. Cela dit, je vous remercie d'y avoir donné une suitefavorable.
Vous n'avez augmenté aucun des moyens permettant des restructurations foncières. Je pense, bien sûr, aux fameuses OGAF - opérations groupées d'aménagement foncier - dont vous connaissez les effets, mais également aux SAFER - sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural.
A ce sujet, je n'ai pas très bien compris vos intentions quant à l'instauration d'une nouvelle politique des structures dans notre pays. J'espère que cette politique sera l'une de vos priorités, comme elle était, en tout cas, une des priorités de votre prédécesseur.
Vous annoncez également la création d'un nouveau fonds, le Fonds d'installation pour l'agriculture, le FIA, en faisant disparaître le FIDIL, le Fonds d'intervention pour le développement industriel local. Quand on sait que l'objectif de ces deux fonds est identique, pourquoi supprimer l'un pour créer l'autre ? Vous me répondrez peut-être, monsieur le ministre, que les objectifs du FIA sont plus larges que ceux du FIDIL, et ce serait tant mieux, mais il faudra nous le démontrer.
Vous ne vous donnez pas les moyens d'atteindre vos objectifs. En effet, ce n'est pas en augmentant de 10 millions de francs les crédits du FIA que vous allez à la fois financer les excellentes initiatives prévues hier dans le cadre du FIDIL et la prime d'orientation des terres.
Je ne veux pas croire qu'il s'agit là de la recherche d'un nouvel effet d'annonce démagogique à l'égard du monde agricole et rural.
Je vous remercie par avance de m'apporter des précisions sur ce point, faute de quoi j'aurai la triste certitude que la substitution du FIA au FIDIL conduira tout bonnement à une diminution des aides à l'installation.
Etait-il opportun, monsieur le ministre, de créer ce FIA, alors que le FIDIL, qui se situait dans la logique de la signature de la charte à l'installation, se mettait en place avec bonheur et n'avait pas encore produit tous ses effets ? Vous donnez l'impression aux paysans de compliquer toujours davantage le processus d'aide à l'installation.
Je voudrais d'ailleurs insister sur les fameux taux bonifiés. Ils connaissent aujourd'hui une baisse. En outre, l'intérêt de la bonification est de moins en moins évident, à tel point que 60 % de l'emploi agricole dépendent de prêts non bonifiés. Permettez-moi, monsieur le ministre, de m'inquiéter profondément des conséquences, demain, de ce phénomène sur l'installation des jeunes.
Je ne souhaite pas, en effet, que nos jeunes prennent des risques financiers de plus en plus importants, à l'écart des dispositifs de soutien de l'Etat, pour la seule et unique raison que ceux-ci sont trop complexes.
Avant d'aborder les problèmes sociaux, ceux des hommes et des femmes de notre terroir, je souhaite vous poser un certain nombre de questions.
Pensez-vous sincèrement que c'est en instituant les 35 heures dans les exploitations que la France va rester l'une des premières puissances agro-alimentaires du monde ? Le soleil, la pluie, la terre n'ont que faire d'un volontarisme législatif, tenant plus de l'idéologie que du bon sens. Montesquieu n'écrivait-il pas, d'ailleurs, voilà plus de deux siècles : « Les paysans ne sont pas assez instruits pour raisonner de travers » ? Eh bien, ils ne raisonneront pas de travers sur les 35 heures, car les 35 heures, je le dis ici haut et fort, sont inapplicables dans le monde agricole.
Pourquoi avoir diminué les actions de promotion et, en particulier, supprimé 40 millions de francs sur le montant des crédits attribués à la SOPEXA, la société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires ? Quand on sait que notre pays compte 15 000 entreprises agroalimentaires exportatrices, représentant plus de 500 000 emplois, un chiffre d'affaires à l'exportation des produits agricoles de 213 millions de francs et un solde commercial de 58 milliards de francs - soit un quart du chiffre d'affaires global réalisé à l'exportation - il y a de quoi être surpris et même trouver cette mesure hautement critiquable.
A moins que vous ne vouliez faire peser sur les petites et moyennes entreprises du monde agricole et rural des investissements de promotion qui seraient autant de charges qu'elles ne peuvent, en aucun cas, assumer...
Monsieur le ministre, les marchés extérieurs sont le salut de la France. Ne pénalisez pas les PME. Ne faites pas perdre à notre pays sa place de leader dans le monde de l'agro-alimentaire.
J'ajoute que ces aides à la promotion sont parfaitement conformes aux règles du commerce mondial, telles qu'elles ont été définies dans les accords de Marrakech.
Le fait d'imposer les 35 heures, la diminution des crédits de promotion de nos produits agricoles et agroalimentaires ainsi que celle des crédits aux industries agroalimentaires, avec la réduction de la prime d'orientation agricole et celle de la dotation des offices, sont autant d'éléments dramatiques pour l'exportation, l'avenir de notre commerce extérieur, comme bien sûr, pour les agriculteurs français.
Pourquoi n'avez-vous pas augmenté les crédits consacrés à la modernisation des exploitations à la fois en autorisations de programme et en crédits de paiement ?
Pourquoi les crédits du fonds de gestion de l'espace rural sont-ils en baisse ?
J'attends avec impatience des réponses à ces quelques questions.
J'aborderai maintenant le problème lancinant et déterminant du volet social de la politique agricole du Gouvernement.
Votre projet, monsieur le ministre, ne comporte rien sur la poursuite de la réforme de l'assiette des cotisations sociales agricoles visant à assurer au monde rural la parité d'assiette avec les salariés, alors qu'une parité de taux existe.
Certes, les 220 000 exploitants dont le revenu est inférieur à 800 fois le SMIC horaire gagneront à cette réforme de parité entre exploitants et salariés, mais d'autres vont perdre beaucoup, alors qu'ils sont prioritaires dans le cadre de la politique agricole. Il s'agit des jeunes, qui ne bénéficieront plus de l'abattement ni de dégressivité au regard de la CSG, des pluri-actifs, qui paieront 3 000 francs de plus et, enfin, des veuves, des veufs, des divorcés et séparés qui reprennent l'exploitation.
La fin du dispositif de préretraite, qui est intervenue le 15 octobre 1997, me paraît constituer une erreur, monsieur le ministre. La prime à la transmission des exploitations ne saurait le remplacer. Cela est d'autant plus regrettable que l'Union européenne avait favorisé cette mesure en la cofinançant.
Les médias ont annoncé 33 % d'augmentation pour les retraités agricoles. Mais citons de vrais chiffres, monsieur le ministre : pour une personne qui recevait, après plus de quarante ans d'activité, 23,07 francs par jour, il faudra renouveler plusieurs fois cette fameuse augmentation pour atteindre les trois quarts du SMIC, c'est-à-dire 4 997,75 francs par mois, alors que la moyenne des retraites en France est de 7 900 francs par mois. Vous m'avez apporté une réponse partielle tout à l'heure, monsieur le ministre, mais elle n'est pas totalement satisfaisante.
Oui, le volet social de votre budget est insuffisant. Il ne s'inscrit pas dans une perspective claire et pluriannuelle assurant la parité tant des prestations que du mode de financement entre le monde agricole et les autres secteurs d'activité.
Avant de conclure, j'évoquerai un point particulier qui constitue un enjeu considérable pour l'évolution de l'agriculture et la compétitivité de nos productions.
L'alimentation du xxie siècle se mijote aujourd'hui, pas seulement dans les prairies et les jardins, mais également dans les laboratoires. Je veux parler ici des organismes génétiquement modifiés, les OGM. Comme vous le savez, la commission des affaires économiques du Sénat a approuvé la constitution d'un groupe de travail sur les OGM.
Avec tous les problèmes relatifs à la sécurité alimentaire que nous avons connus, ce dossier a connu des rebondissements. Ainsi, après que la Commission eut décidé, en décembre 1996, la mise sur le marché des variétés de maïs transgénique, la France a refusé de les inscrire à son catalogue.
Loin d'être refermé, ce dossier devrait bientôt revenir sur le devant de la scène. Dans les semaines à venir, les autorités européennes vont devoir statuer sur le sort de trois nouvelles constructions génétiques. De l'autre côté de l'Atlantique, les Américains ont cultivé massivement des variétés transgéniques, jusqu'à atteindre 10 % de la récolte en cours au lieu de 0,5 % l'an dernier.
Sans nul doute, la polémique va une nouvelle fois s'ouvrir entre les partisans et les détracteurs de ces plantes. En Europe, le maïs résistant à la pyrale est arrivé au terme d'un parcours de plusieurs années, allant de la commission du génie moléculaire aux comités scientifiques européens. Les uns affirment que c'est la première fois qu'une nouvelle technologie a été autant « épluchée » avant son autorisation, tandis que les autres prêchent l'inexistence du risque zéro.
A l'autre extrémité de la chaîne, le consommateur voit se dérouler la partie de ping-pong, en ne comprenant ni la portée sanitaire ni l'enjeu économique que représentent les plantes transgéniques. Il faut dire que le manque d'information est patent !
Combien de temps encore cet imbroglio va-t-il durer ? Il me semble utile d'alimenter le débat avec des informations objectives et compréhensibles par tous, et d'arrêter ensemble une position française cohérente. L'examen du projet de loi d'orientation devrait être l'occasion de ce débat.
Pour conclure, je citerai Xénophon : « Il avait raison celui qui a dit que l'agriculture est la mère et la nourrice des autres arts. »
Cette valeur lui donne vocation à contribuer autant au « bonheur national brut » qu'au produit national brut. De notre choix dépend en effet non seulement l'avenir du monde rural mais aussi celui de la société toute entière.
Je souhaite que nous fassions preuve de discernement, de volonté et d'imagination, pour sceller durablement le contrat entre la nation et les agriculteurs, dans un souci de modernité, de sécurité, d'efficacité et d'équilibre.
Voilà, monsieur le ministre, ce que je tenais à vous dire. J'attends, avec beaucoup d'intérêt, vos réponses. Je doute qu'elles tranforment, comme dans un conte de fées, la citrouille de votre budget en carrosse de l'agriculture de l'an 2000 ; je doute aussi que vos réponses apparaissent comme la carotte que les paysans, tels des lapins, iraient grignoter avec bonheur. Non, décidément, votre budget est un brouet bien fade, bien loin de ces soupes consistantes que peut donner l'alliage mystérieux de la citrouille et de la carotte. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, trois chapitres forment l'ossature de mon intervention : le « paquet Santer », ses conséquences prévisibles sur notre politique et le projet de budget de l'agriculture dont j'examinerai l'adéquation, ou la non-adéquation, avec le « paquet Santer ».
Je vous félicite, monsieur le ministre, de votre volonté affirmée de ne pas accepter les propositions de la Commission européenne dans leur état actuel. J'ai d'ailleurs cru comprendre que, à quelques détails près, nous avions dans cette enceinte une approche commune du « paquet Santer ». J'ai ainsi écouté avec un grand intérêt le président de la commission des affaires économiques et le président de la commission des finances.
Il est évident que ce projet de réforme, élaboré dans le cadre de l'Agenda 2000, est un véritable acte de guerre contre l'agriculture à visage humain et, plus généralement, contre une agriculture européenne de qualité.
Ce projet, qui aggrave la réforme de 1992 - que j'avais déjà vigoureusement combattue - s'articule schématiquement autour de deux objectifs : premièrement, mettre en concurrence aveugle les agricultures sur le marché mondial par l'abaissement des prix agricoles à la production et supprimer dans les faits le principe de la préférence communautaire, même si on nous accorde de le laisser figurer en fin de ligne ; deuxièmement, tout en élargissant la Communauté à cinq pays de l'Est européen et à Chypre, réduire les crédits à l'agriculture qui, jusqu'à aujourd'hui, représentaient la moitié du budget communautaire.
En fait, cela implique à terme un recul encore jamais égalé du revenu des agriculteurs puisque les pertes subies, liées à la baisse des prix d'intervention, ne seront que modestement compensées.
De toute évidence, ce projet de réforme est fortement marqué par une logique capitaliste productiviste, avec les conséquences évidentes d'accentuation des déséquilibres écologiques et territoriaux que cela implique. Il vise à préparer de nouveaux abandons dans le cadre de la PAC sur l'autel de ce que certains appellent « la libéralisation du commerce des denrées alimentaires ». Je note d'ailleurs que le mot « libéralisation » est employé à contresens. En réalité, il s'agit tout simplement d'une adaptation à la politique américaine.
La Commission de Bruxelles propose de baisser les prix dans le cadre d'une guerre économique au détriment de l'installation des jeunes agriculteurs, de l'aménagement équilibré de l'espace rural, de l'environnement, de la qualité des produits et de l'alimentation dans les pays en développement et dans les nôtres.
Ce choix inspiré directement du modèle américain satisfait pleinement les intérêts des firmes du complexe agro-alimentaire, dans lequel quelques firmes européennes se sont glissées.
Pour nous, l'ensemble de cette logique est inadmissible.
En outre, en prévoyant de supprimer dans les faits la préférence communautaire, pilier de la politique agricole commune, le projet de réforme remet en cause la politique agricole commune elle-même. En effet, sans ce principe, ne subsistera qu'un grand marché mondial où la concurrence aveugle et déloyale sur les produits de base en provenance de toutes les régions du monde sera la règle. Nous avons employé, en d'autres temps, le terme de « dumping social » ; il reste d'actualité.
Selon nous - et la grande majorité des organisations syndicales et professionnelles agricoles partagent ce point de vue - l'objectif affiché d'être compétitif à n'importe quel prix sur le plan mondial ne répond pas au besoin d'un développement agricole durable en Europe. A cet égard, je note à nouveau qu'il semble que nous soyons nombreux, dans cette assemblée, à être sur la même longueur d'ondes.
Le prix à payer pour atteindre cet objectif aura en effet inévitablement une traduction en termes de compétitivité sociale et de perte d'emplois, de bradage du territoire et de concentration des exploitations.
D'ailleurs, un débat devrait être organisé sur la signification des mots « compétitivité », « sûreté », « qualité alimentaire » et « productivité ». Personnellement, j'y suis prêt, car les mots que je viens de citer sont piégés et ne signifient pas la même chose pour tout le monde. Je ne m'engage pas là dans un débat de linguistique, les 9 000 décès par an pour empoisonnement alimentaire dénombrés aux Etats-Unis en témoignent. Il est certain que la conséquence de la compétitivité à tout prix sera la disparition de très nombreuses exploitations agricoles. Dans une excellente publication, j'ai ainsi pu lire que, selon M. Hervieu, le président de l'APCA, l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, le nombre d'exploitations agricoles qui pourraient continuer leur activité à temps plein serait de 150 000.
A cet égard, l'expérience de la précédente réforme de la PAC est parlante. Avec cette réforme, la course à la productivité est devenue en agriculture le principal critère de gestion, avec les conséquences que l'on peut imaginer : baisse de la qualité sanitaire - je pense à la maladie de la vache folle mais je pourrais citer d'autres exemples - et problèmes environnementaux - consommation excessive d'eau, d'intrants en tous genres, pollution des nappes, etc.
On peut craindre, dans un tel contexte, de nouvelles et nombreuses disparitions d'exploitations agricoles et une diminution persistante du nombre des installations de jeunes agriculteurs. Bref, on peut craindre que la fracture territoriale ne se creuse encore !
Paradoxalement, les objectifs affichés dans l'Agenda 2000 pourraient sembler, après une lecture rapide, rejoindre certaines de mes préoccupations tant en matière de santé que d'aménagement durable. Mais il s'agit là, si vous me permettez l'expression, d'une « manoeuvre » qui ne vise qu'à rassurer et à faire croire que le « paquet Santer » prend en compte ces matières.
En effet, si les conséquences environnementales de l'agriculture intensive ou la nécessité d'une politique rurale et d'aménagement du territoire sont mentionnés dans ce projet, l'incohérence est évidente. Le texte de M. Santer est un modèle de la langue de bois !
M. Philippe François. Parfaitement !
M. Louis Minetti. L'approche actuelle de la Commission européenne témoigne d'une absence totale de prise en compte de l'objectif prioritaire que constitue le renouvellement des générations.
Quelles conséquences la politique agricole commune aura-t-elle sur l'avenir de la population agricole, sur sa tendance au vieillissement et à la diminution, et, par là même, sur le monde rural ? Nous sommes très inquiets et je donne aujourd'hui l'alerte.
Il est plus que jamais nécessaire de donner la priorité à l'installation de jeunes agriculteurs, ce qui implique la mise en place de mesures très spécifiques, sur lesquelles je reviendrai tout à l'heure. Que seront, en effet, les terroirs en France, mais aussi ailleurs en Europe, s'il ne reste qu'une poignée d'agriculteurs dans quelques décennies ?
La question dépasse d'ailleurs très largement le cadre du monde agricole et rural ; elle intéresse toute la société française, et c'est un débat de société que nous devons engager.
Vous donnez, monsieur le ministre, une place prioritaire à ce problème dans le document préparatoire à la future loi d'orientation agricole. Nous nous en félicitons. La création d'un fonds pour l'installation en agriculture, par exemple, est un bon début. Elle était d'autant plus nécessaire que moins de la moitié des jeunes qui s'installaient bénéficiaient jusqu'à aujourd'hui de la DJA, la dotation jeune agriculteur, qui était soumise à des critères d'attribution trop restrictifs, ce que j'avais critiqué en son temps.
Je le répète, il est impératif d'inverser la tendance et d'insuffler une nouvelle dynamique de renouvellement et de rajeunissement des exploitations agricoles. En effet, malgré tout ce que l'on peut écrire et entendre, on enregistre toujours quatre départs pour une installation.
Parallèlement aux aides à l'installation, je demande avec force - et mes collègues sénateurs savent que ce n'est pas la première fois - une revalorisation morale au sein de la société française du métier d'agriculteur, l'accent devant être mis sur sa modernité et les connaissances techniques et scientifiques nécessaires à son exercice.
Je vous propose donc un certain nombre de mesures visant à la promotion d'une agriculture à visage humain, diversifiée et de qualité, adaptée et valorisant le potentiel de chacune des régions de notre pays.
Je vous suggère même d'aller encore plus loin : je vous propose d'engager, par le biais de la loi d'orientation agricole, mais en lui donnant peut-être un début de mise en oeuvre dans le prochain budget, une grande campagne publique sur la beauté et l'intérêt du métier de paysan, qui est devenu un métier de très haut niveau technique, comparable à tous les autres métiers et très souvent supérieur, un métier où l'on se réalise.
Cette campagne publique devrait couvrir l'ensemble des questions, de la production à la transformation, de la vie dans les communes jusques et y compris à l'apprentissage. Elle devrait toucher les collèges, les lycées, toutes les écoles nationales avec le message suivant : « Allez travailler et installer votre exploitation personnelle à la campagne ou en forêt. Là, il y a de l'avenir ! »
Bien entendu, l'élévation du niveau de vie, qui passe par celle du niveau des prix, doit accompagner, voire précéder une telle campagne.
Je souhaite vivement entendre votre réponse à ma proposition, monsieur le ministre, tout en comprenant bien que vous ne puissiez vous engager à introduire cette idée dans le texte de la loi d'orientation sans l'avoir au préalable finalisée et actée.
Vous aurez peut-être remarqué que j'emploie toujours le mot « paysan ». J'en suis un, je le revendique.
M. Philippe François. Bravo !
M. Louis Minetti. Les puristes m'excuseront de citer de mémoire un poète régional mais de renommée nationale, Frédéric Mistral, qui, envoyant à Lamartine son immortelle oeuvre Mireille, laquelle lui valut un prix Nobel, l'accompagnait de ces quelques vers :
« Te counsacre Mireïo : es moun cor e mon amo ;
« Es la flour de mis an ;
« Es un rasin de Crau qu'eme touto sa ramo
« Te porge un païsan. » (Sourires.)
Pardonnez-moi, mes chers collègues, d'avoir utilisé le provençal ! Bien que cette langue soit enseignée à l'université et qu'elle soit une épreuve du baccalauréat, je vais vous traduire ces quelques vers. (Merci ! et exclamations amusées.)
« Je te consacre Mireille : c'est mon coeur et mon âme ;
« C'est la fleur de mes années ;
« C'est un raisin de Crau qu'avec toutes ses feuilles
« T'offre un paysan. » (Applaudissements.)
MM. Roland du Luart et Philippe François. Très bien !
M. Louis Minetti. Monsieur le ministre je vous avais envoyé une lettre pour vous présenter mes remarques sur le projet de loi d'orientation agricole. J'apprécie, vous le savez donc, que votre action aille dans le sens de la promotion d'une agriculture à visage humain, diversifiée et de qualité.
J'apprécie d'autant plus votre volonté de contrôler les structures que - vous n'êtes pas sans le savoir - depuis plus de trente ans, les diverses dispositions prises à cet effet dans les multiples lois d'orientation agricole n'ont abouti à rien. En effet, les chiffres parlent d'eux-mêmes : voilà quarante ans, lorsque je me suis installé et que j'ai obtenu mon prêt d'installation aux jeunes agriculteurs à 2 % sur vingt ans - je m'en souviens comme si c'était hier et c'était quelque chose en ce temps-là - on dénombrait 2,8 millions d'exploitations agricoles ; aujourd'hui on en compte un peu moins de 700 000, malgré tout ce ce qui est écrit dans les lois.
Cette évolution est le résultat d'une politique déterminée. En effet, en dépit des belles intentions pour contrôler la concentration, les mesures en question ont été inefficaces car elles ne s'appliquent pas aux sociétés. Par conséquent, si l'on est un peu malin ou un peu argenté, on peut concentrer et surconcentrer, à condition de tourner la loi. Je tenais d'ores et déjà à le dire pour que le débat sur le projet de loi d'orientation agricole en prenne acte.
Nous allons à présent mettre le doigt sur la contradiction fondamentale qui existe entre les objectifs affichés dans le document préparatoire de la loi d'orientation et dans le projet de loi de finances pour 1998, ainsi que dans le « paquet Santer ». Comment le Gouvernement pense-t-il pouvoir gérer et dépasser cette contradiction ?
Je le répète, je me félicite de propos forts que vous avez tenus en juillet dernier : « Le Gouvernement français refuse de s'engager dans une logique qui consiste à poursuivre sur la voie de l'abandon du soutien des prix des produits agricoles », disiez-vous. Il me semble que l'opposition soit déjà un peu moins affirmée à la fin du mois de septembre. En effet, devant la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale, le 30 septembre dernier, vous faisiez part de « la position de questionnement actif du Gouvernement français vis-à-vis du contenu agricole du "paquet Santer" ».
La position que vous avez adoptée en septembre me semble en retrait par rapport à celle de juillet. Je souhaiterais que vous repreniez le discours que vous teniez en juillet. Il me plaît plus, car c'est celui du raisin qui commence à mûrir, et non pas celui du raisin prêt à aller à la cuve. (Sourires.)
Je suis particulièrement inquiet à ce sujet, quand on sait que 80 % des décisions prises dans le domaine agricole sont sous directive européenne et que vous écrivez vous-même - je vais vous citer puisque vous m'avez envoyé le texte - que « la loi d'orientation agricole doit se concentrer sur ce qui reste de la compétence souveraine du législateur français ».
Mers chers collègues, vous le savez parce que vous m'avez souvent entendu le dire : je conteste la suprématie de Bruxelles sur Paris. (Applaudissements sur plusieurs travées du RPR.) Quand je dis « Paris », je pense aux campagnes françaises, tout le monde m'aura compris !
M. Roland du Luart. Heureusement !
M. Louis Minetti. Par conséquent, affirmer que la loi ne peut s'affranchir des contraintes de l'OMC limite considérablement, voire annule la portée de celle-ci, puisque les contraintes en question s'opposent aux objectifs contenus dans la loi.
Il est plus que jamais nécessaire d'affirmer une position française extrêmement ferme face au « paquet Santer », et de faire des propositions alternatives privilégiant la valorisation d'un modèle rural plaçant l'homme et le territoire au coeur des débats. Sur ce positionnement-là, vous aurez l'appui non seulement de notre groupe mais aussi, si j'ai bien compris, de nombreux collègues siégeant sur d'autres travées de cette assemblée.
La France, en tant que premier agriculteur européen et deuxième puissance exportatrice mondiale de produits agricoles, a les moyens de se faire entendre. Nous ne sommes pas une quelconque petite principauté d'Andorre, bien que j'aie du respect pour les Pyrénéens au sud de notre pays. Nous sommes la France avec toutes ses composantes. Nous avons donc les moyens de nous faire entendre pour réorienter les approches bruxelloises et pour passer, notamment au sein de l'Organisation mondiale du commerce et des différentes organisations communes des marchés, d'une logique d'affrontement à une logique de complémentarité réaliste et de codéveloppement avec les autres pays de la planète.
Ce n'est qu'à ces conditions qu'une réelle agriculture durable, respectueuse des hommes et de l'environnement, pourra se mettre en place.
Il me semble donc impératif que la loi d'orientation agricole soit discutée et votée avant le début des négociations de la PAC au printemps prochain, mais vous l'avez d'ores et déjà annoncé, monsieur le ministre.
Notre loi d'orientation agricole doit constituer un texte de référence, permettant de défendre la position française. Dans le cas contraire, on peut craindre que ce texte ne soit qu'une loi d'accompagnement de la réforme de la PAC.
J'ai noté que, tout à l'heure, M. le président de la commission des affaires économiques a attiré votre attention sur les fruits et légumes. Je ne souhaitais pas en parler car j'ennuie assez souvent mes collègues avec ces questions. (M. Philippe François fait un signe de dénégation.)
Cependant, puisque le président François-Poncet est intervenu sur ce point, je veux dire à nouveau combien ce sujet me préoccupe et constitue, à mes yeux, une interrogation majeure. Voilà quelques jours, je vous ai interrogé ici même sur les fruits et légumes ; aujourd'hui, j'ai fait un rappel au règlement sur cette question. Si vous le souhaitez, je vous adresserai les documents de nos travaux ; il ne s'agit pas seulement d'un rapport puisque, si ma mémoire est bonne, nous avons abordé ce sujet à quatre reprises. Plusieurs de mes collègues seraient sans doute heureux de vous rencontrer pour vous donner des détails à cet égard.
Je tiens maintenant à préciser que si nous nous battrons pour que l'approche et les priorités présentées dans le document préparatoire de la loi d'orientation agricole soient prises en compte à Bruxelles, nous sommes néanmoins critiques sur un certain nombre d'aspects de cette loi d'orientation, ainsi que sur diverses dispositions du projet de budget pour 1998, sur lesquelles je n'insisterai pas aujourd'hui.
La volonté exprimée dans les deux documents de mettre l'accent sur le renforcement de la sécurité et de la qualité sanitaire nous semble pertinente. De même, l'augmentation de 4,9 % des crédits alloués à l'enseignement agricole est une bonne chose.
En revanche, d'autres aspects du projet de budget sont particulièrement inquiétants. Certes, il existe une solidarité gouvernementale, mais la diminution sensible du montant de l'indemnité spéciale de montagne et des crédits affectés aux régions défavorisées m'interpelle.
Par ailleurs, la progression des retraites agricoles qui a été annoncée nous paraît beaucoup trop faible et est très loin de correspondre aux nécessités.
Vous le savez, nous avons déposé, à l'Assemblée nationale et ici même, une proposition de loi visant à augmenter les retraites pour atteindre 75 % du SMIC : nous reviendrons sur ce point lors de l'examen du projet de budget pour 1998. Par ailleurs, je dépose chaque année depuis 1993, lors du débat sur le BAPSA, un amendement allant dans ce sens. Je le déposerai de nouveau cette année. Je ne suis pas un maximaliste, ni, pour reprendre une expression à la mode, un intégriste barbu (Sourires), mais je souhaite que vous fassiez bouger le budget, encore plus que vous ne l'avez fait à l'Assemblée nationale.
On remarque également que trop peu de place est accordée au développement et à l'amélioration du pouvoir et du rôle des producteurs, par le renforcement des politiques de filières, des actions interprofessionnelles et des coopératives.
Or, si on veut développer l'agriculture durable, pour reprendre un terme à la mode - peut-être faut-il discuter du sens exact qu'il convient de donner à ce mot, comme à l'adjectif « compétitif » - il est nécessaire de reconsidérer les relations, voire les rapports de forces, entre les producteurs, les groupes de l'agroalimentaire et les distributeurs.
Je sais que cette question ne dépend pas uniquement du ministre de l'agriculture mais il est temps que, s'agissant des groupes de l'agroalimentaire et des distributeurs, on puisse leur « mettre le nez dans l'assiette », au lieu de traduire devant les tribunaux quelque 88 organisations syndicales professionnelles. En effet, je le dis au passage bien que ce ne soit pas l'objet du débat, ils sont largement responsables de la grève des routiers. Il faut donc donner plus de poids aux producteurs.
D'une manière plus globale, il faut reconsidérer l'ensemble des règles de commerce existantes ainsi que les modes de financement et de production. Tout à l'heure, j'ai fait allusion aux intrants. Je crois qu'il faut engager un très large débat.
L'agriculture doit faire face à un contexte et à des défis nouveaux. Il est urgent de replacer l'être humain à la base de toute logique, afin que prévale son intérêt et non plus celui des puissances financières. Ou alors, au lieu de débattre de projets de loi, allons tous au théâtre assister à une représentation de Volpone et peut-être aurons-nous une idée plus précise du rôle que jouent les financiers. Certes, l'action se déroulait voilà plus de cinq siècles, dans la Venise ancienne, mais les problèmes restent identiques.
Impulser un mouvement nouveau nécessite une réelle et profonde volonté politique, des choix courageux et des ruptures avec certaines logiques que l'on veut nous imposer de l'extérieur au détriment de notre intérêt. Si vous oeuvrez dans ce sens, et il n'existe aucune raison de croire que vous n'en ayez pas la volonté, vous pouvez compter sur notre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes. - M. Courtois applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. François.
M. Philippe François. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'agriculture française vit aujourd'hui une véritable crise d'identité.
J'ai malheureusement le sentiment de faire le même constat qu'à la veille des échéances de 1992 relatives à la politique agricole commune, période de triste mémoire pendant laquelle nos agriculteurs étaient déjà plongés dans un profond désarroi.
A l'époque, en effet, le modèle de développement défini par les grandes lois d'orientation du général de Gaulle en 1960 et en 1962 tendait à s'essouffler après quelque vingt ans de succès remarquables. La politique agricole commune était parfois perçue comme une contrainte plutôt que comme un atout. Le revenu agricole se dégradait alors que des efforts de productivité étaient consentis sans relâche. La profession agricole se sentait de plus en plus affaiblie, que ce soit à travers sa représentation dans les mairies des petites communes, son pouvoir de négociation en amont et en aval de la production, ou encore la distance croissante constatée entre le terrain et les centres de décision nationaux, communautaires et internationaux.
Aujourd'hui, rien, ou presque, n'a changé, et les inquiétudes exprimées alors par nos agriculteurs sont toujours d'actualité. Malgré la contribution exemplaire des organisations professionnelles, le monde agricole n'apparaît plus mobilisé au service d'un projet d'avenir. Il s'efforce, de son mieux, de réagir au jour le jour aux nouveaux défis qui l'assaillent.
Or, monsieur le ministre, je n'ai malheureusement pas le sentiment que le Gouvernement ait réellement saisi quel est, aujourd'hui, l'enjeu du monde agricole. (Protestations sur les travées socialistes.) Un certain attentisme, à l'aube des échéances vitales que sont les négociations de la nouvelle politique agricole commune, m'inquiète.
Dans un environnement international et communautaire grevé d'incertitudes, il est en effet devenu impératif de doter notre agriculture, en perpétuelle mutation, des instruments nécessaires pour lui permettre de répondre pleinement aux attentes de notre société.
Ces incertitudes, monsieur le ministre, sont liées tout d'abord au contexte de la mondialisation résultant d'un accroissement considérable des échanges, de l'internationalisation des investissements, de la multiplication des réseaux de communication et de la rapidité de l'innovation technologique. Elles tiennent ensuite, alors que la politique agricole commune a hissé, en près de quatre ans, l'Union européenne au premier rang mondial des marchés alimentaires, aux évolutions qui sont apparues dans les années quatre-vingt.
Pour nos agriculteurs, la mondialisation, caractérisée par la libéralisation et la régionalisation des échanges commerciaux, ne doit pas aller à l'encontre d'une politique d'exportation dynamique, construite sur des bases définitives et solides. Notre agriculture doit, au contraire, tirer parti de cet environnement international incertain en revalorisant ses atouts, tels que la diversité et la qualité de ses produits, ses compétences techniques, l'avancée de sa recherche, sa position de premier exportateur alimentaire au niveau mondial. Surtout, n'oublions pas que ce sont des hommes et des femmes qui travaillent toute leur vie pour assurer la pérennité et le développement de cette agriculture.
M. Jean-Patrick Courtois. Absolument !
M. Philippe François. C'est bien tout cela le modèle agricole français, et il a fait ses preuves dans le passé !
Par conséquent, il nous faut aujourd'hui nous donner les moyens de promouvoir un nouveau modèle agricole français au sein de l'Union européenne.
Alors que la Commission européenne a d'ores et déjà communiqué les grands axes de la réforme de la politique agricole commune dans un document intitulé « PAC 2000 », ou encore « paquet Santer », nos objectifs doivent être non seulement la garantie d'un niveau de vie équitable pour nos agriculteurs, mais aussi l'amélioration régulière de notre compétitivité agricole.
Etablir un nouveau pacte entre la nation et ses agriculteurs, tel est l'enjeu du monde agricole et agro-alimentaire. A l'instar des lois de 1960 et 1962 que j'évoquais, le monde agricole a en effet besoin d'une réforme en profondeur et d'une ouverture sur le futur. C'est pourquoi je ne puis vous cacher ma déception, monsieur le ministre.
En effet, ce n'est pas de quelques mots bien dosés prononcés par le Premier ministre lors d'une déclaration de politique générale dont le monde agricole a besoin. Le monde a considérablement changé et a connu ces dernières années des mutations fulgurantes qu'il est urgent et vital de prendre en compte pour le monde agricole. C'était ici la philosophie du projet de loi d'orientation pour l'agriculture, préparé et présenté par M. Philippe Vasseur, à qui je tiens à rendre un hommage mérité.
Conformément aussi à la volonté du Président de la République, exprimée dès 1995, il est grand temps d'agir, monsieur le ministre.
Je souhaite, par conséquent, au nom du groupe du Rassemblement pour la République, que des mesures soient rapidement débattues et adoptées afin de répondre aux besoins vitaux de nos agriculteurs et d'assurer la pérennité de notre agriculture. Tel est l'objet de la proposition de loi que nous venons de déposer sur le bureau du Sénat : elle tend à créer de la valeur ajoutée et des emplois agricoles, à maintenir un nombre important d'agriculteurs, à poursuivre la relance de l'installation des jeunes agriculteurs et à faire de la politique de la qualité alimentaire des produits agricoles un atout décisif dans la compétition internationale.
Mais cette proposition de loi n'est pas à elle seule suffisante. Il faut encore aller plus loin.
La promotion de notre agriculture sur les marchés nécessite, en effet, une redéfinition de la fonction commerciale agricole. Une évolution profonde de l'organisation économique de la production agricole est inévitable. A partir des coopératives et de véritables groupements de producteurs, l'agriculture va devoir trouver un second souffle dans la définition des processus de commercialisation, afin de répondre à la fois aux exigences industrielles et aux demandes de plus en plus différenciées des consommateurs.
Par conséquent, il paraît de plus en plus indispensable que les organisations de producteurs se fixent pour objectif l'acquisition d'une responsabilité économique et commerciale réelle, propre à consolider le rôle et la place des producteurs dans les filières. L'établissement et la hiérarchisation des différents niveaux d'organisation en fonction du degré de maîtrise de la commercialisation, tout comme l'instauration d'un contrôle durable des producteurs sur leurs propres organisations paraissent également nécessaires.
En outre, il est urgent d'inciter les agriculteurs à mobiliser collectivement des capitaux dans les outils d'aval, en priorité dans ceux qu'ils contrôlent. De tels investissements productifs devraient pouvoir bénéficier de conditions fiscales identiques à celles de tous les placements financiers.
L'incitation à la souscription de capital social dans les coopératives est une bonne mesure. Elle pourrait prendre la forme de l'extension du champ de la dotation pour provision aux investissements aux parts sociales de la coopérative, lorsqu'elles constituent la contrepartie d'un capital finançant les investissements nouveaux.
L'agriculture de l'an 2000 sera bien la résultante des grands choix stratégiques qui doivent être définis aujourd'hui, mes chers collègues.
A cet égard, la nouvelle politique agricole commune doit notamment adapter le système des aides. Ces dernières doivent néanmoins conserver leur nature économique en raison des variations du marché mondial et du dollar, de l'existence d'aides outre-Atlantique - je fais allusion ici au fameux Fair Act américain signé par le président Clinton en 1996 - ainsi que de niveaux de vie et de coûts de production très différents dans le monde.
Ainsi, les aides devront-elles, demain, prendre en compte les fluctuations des prix du marché - les aides deviendront alors variables - du potentiel agronomique local des exploitations, du nombre d'actifs sur l'exploitation, enfin des zones sensibles du territoire. Mais, je le répète, cette adaptation des aides ne doit pas aller à l'encontre du dynamisme de nos exploitations et ne doit pas se traduire par une perte de compétitivité de notre outil de production agricole.
C'est pourquoi je me permets devant la Haute Assemblée de mettre solennellement en garde le Gouvernement contre les mesures qu'il entend prendre à l'égard des propositions ultra libérales de la Commission européenne, qui, certainement sous l'influence américaine - ne nous le cachons pas ! - préconisent une baisse généralisée des prix institutionnels et l'ouverture systématique aux marchés mondiaux.
Je m'associe ici pleinement aux préoccupations de nos agriculteurs céréaliers qui, dans la perspective d'une telle évolution, verraient la suppression de l'aide spécifique aux cultures irriguées.
Comme souhaitait le souligner notre collègue Gérard Fayolle, qui n'a malheureusement pu être présent aujourd'hui, la spécificité de régions telles que l'Aquitaine fait de l'irrigation une absolue nécessité pour produire en quantité suffisante et en qualité. En Dordogne, plus de trois mille exploitations sont concernées par l'obligation d'irriguer. Elles seraient donc gravement touchées par la suppression de l'actuelle compensation aux cultures irriguées.
Par ailleurs, les efforts d'investissements dans la maîtrise de l'eau seraient remis en cause à une époque où les experts s'accordent à penser qu'il conviendrait de pratiquer une ambitieuse politique de stockage et de gestion rationnelle de l'eau.
Accepter cela reviendrait à signer l'arrêt de mort de notre agriculture et, au delà de celle-ci, du modèle agricole européen.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de nous préciser votre position sur ce point essentiel pour l'avenir de nos agriculteurs,
Au nom du groupe du RPR, je m'oppose à ces propositions qui ne préservent ni la préférence communautaire ni l'identité agricole européenne. Je n'accepterai jamais le fait que la Commission européenne n'ait pas la volonté politique de défendre de façon différenciée les intérêts de chacun de nos secteurs agricoles et qu'elle ne tienne pas compte des spécificités régionales de l'Europe.
N'oublions jamais que notre agriculture a aussi un rôle essentiel à jouer sur notre territoire. La gestion de l'espace rural est devenue un enjeu économique impliquant une réforme permettant pleinement à nos agriculteurs d'adopter une véritable démarche d'entreprise rurale. L'affirmation de la multi-fonctionnalité des agriculteurs, l'institution de zones agricoles protégées au sein desquelles l'« artificialisation » de l'espace serait mieux contrôlée, l'assurance de la sécurité juridique de l'exercice des activités agricoles sont autant de mesures qui renforceraient la place de notre agriculture dans l'espace rural et qui lui permettraient d'être à nouveau un acteur incontournable de l'aménagement et du développement de notre territoire, sur le plan tant national qu'européen. En effet, là aussi est l'enjeu de notre agriculture.
Dois-je rappeler ce que représente notre agriculture aujourd'hui ? Dois-je rappeler qu'elle reste encore l'un des plus gros employeurs de main-d'oeuvre ? Avec un peu plus d'un million d'emplois, c'est près de 5 % de l'emploi total et trois fois plus que les industries automobile et ferroviaire. Dois-je rappeler que l'ensemble du secteur agro-alimentaire représente 1,6 million d'actifs, soit 46 % des effectifs de l'industrie manufacturière ? Ce secteur fournit ainsi un emploi sur trois dans les communes rurales. Dois-je enfin rappeler que le secteur agricole gère 85 % de notre territoire, que la production agricole reste l'activité essentielle de nombreuses régions, ou encore que le nombre total d'emplois induits par l'agriculture est de 3,5 millions ?
Oui, l'agriculture de l'an 2000 sera bien la résultante des grands choix stratégiques qui doivent être définis aujourd'hui.
J'observe malheureusement, monsieur le ministre, que le projet de budget du ministère de l'agriculture et de la pêche, pour l'année 1998, est loin de répondre à ces enjeux. Plus grave, il est en rupture avec la dynamique et les orientations fortes que votre prédécesseur, M. Philippe Vasseur, avait su lui donner. (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Bernard Piras. Et les budgets de 1997, de 1996, de 1995 ?
M. Philippe François. Le budget de l'agriculture de ce gouvernement est, pour reprendre les propos de mon collègue et ami Christian Jacob, ancien président du Centre national des jeunes agriculteurs, le CNJA, « un budget fade, sans ambition et sans priorités ».
M. René-Pierre Signé. Le budget de 1997 était sans doute meilleur ?
M. Philippe François. A qui fera-t-on croire que l'agriculture est une priorité de M. Jospin ? Comment peut-on réduire de 23 % les crédits de la SOPEXA, la société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, au moment précis où de nouveaux marchés s'ouvrent et où nous avons des positions commerciales à prendre dans les pays tiers ?
M. Alain Pluchet. Ils ne répondent rien !
M. Philippe François. Le Gouvernement oublie-t-il que notre agriculture a subi, en 1996, un ébranlement majeur avec la maladie de « la vache folle », qui a frappé de plein fouet les élevages bovins ? Oublie-t-il que cette crise a eu de sévères répercussions sur l'ensemble de la filière...
M. René-Pierre Signé. Est-ce la faute des socialistes ?
M. Philippe François. ... et a engendré une situation difficilement maîtrisable ? C'est aussi en cela que je n'accepte pas les positions ultralibérales de Bruxelles, qui auront pour ultime conséquence la destruction de notre élevage bovin.
M. René-Pierre Signé. Là, nous sommes d'accord !
M. Philippe François. Par ailleurs, la revalorisation des retraites agricoles ne semble pas être une grande avancée, contrairement à ce que le Gouvernement voudrait bien nous faire croire.
M. William Chervy. Mais qu'avez-vous fait, vous ?
M. Philippe François. Ce n'est en réalité qu'une pâle et imparfaite copie du projet de loi d'orientation agricole du gouvernement d'Alain Juppé (Rires sur les travées socialistes.), critiqué et dénigré voilà encore quelques mois par les socialistes.
M. Bernard Piras. Vous avez mal lu le projet debudget !
M. Philippe François. Je tiens en effet à rappeler ici que ce projet de loi comportait, à la demande du Président de la République, un volet relatif aux retraites des agriculteurs. Ce dispositif avait pour objet la revalorisation progressive des retraites agricoles les plus faibles, leur permettant ainsi d'atteindre un niveau minimal, comparable à celui des retraites versées dans d'autres secteurs économiques pour les chefs d'exploitation, les conjoints et les aides familiaux ayant accompli une carrière complète.
M. Bernard Piras. Mais c'est précisément ce que nous essayons de faire !
M. René-Pierre Signé. Vous n'avez rien fait, vous !
M. Philippe François. Enfin, je ne m'attarderai pas longtemps sur le fonds de gestion de l'espace rural que, dans votre budget, monsieur le ministre, vous vous contentez de préserver, évitant certainement la suppression pure et simple de cet instrument, alors qu'il pourrait offrir à nos agriculteurs de formidables perspectives.
Il faut bien le reconnaître, et j'en suis désolé, l'agriculture n'est définitivement pas une priorité socialiste, malgré des propos qui se veulent rassurants, et dont nous souhaitons qu'ils ne soient pas, comme à l'habitude, pur angélisme. (Rires sur les travées socialistes.)
La France a une vocation agricole qu'il convient d'affirmer sans complexe et de solides atouts qu'il nous appartient de préserver avec ténacité. Je tiens à affirmer, au nom du groupe du Rassemblement pour la République, notre attachement aux valeurs agricoles.
M. René-Pierre Signé. Vous êtes bien mal placé pour donner des leçons !
M. Philippe François. Les agriculteurs de notre pays peuvent compter sur notre soutien résolu pour contribuer à la sauvegarde d'une agriculture puissante au sein de l'Union européenne...
M. Jacques de Menou. Très bien !
M. Philippe François. ... gardant l'image permanente que Frédéric Mistral, le Provençal, a offerte de Mireille pour la gloire de la terre de France. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Le régionalisme, c'est le début du nationalisme !
M. le président. La parole est à M. Barraux.
M. Bernard Barraux. Si j'ai tenu à intervenir aujourd'hui à cette tribune, c'est pour lancer un appel à M. le Premier ministre et à vous-même, monsieur le ministre de l'agriculture. Nous sommes nombreux ici à exprimer aujourd'hui notre grande inquiétude pour l'agriculture en général et plus spécialement, en ce qui me concerne, pour l'agriculture auvergnate. Nous nous inquiétons en effet des conséquences néfastes des propositions de réforme de la PAC qui ont été présentées par la Commission européenne, le 16 juillet dernier, et qui sont connues sous la dénomination « paquet Santer ».
En fait, ce que Bruxelles nous propose, ce sont de nouvelles baisses des prix, compensées très partiellement par les aides directes liées à l'animal, et non pas aux hommes et au territoire. Ces baisses de prix ne nous satisfont pas du tout, car elles conduisent à refuser toute reconnaissance de la dignité du travail des paysans et font absolument fi de sa rémunération. Elles vont à coup sûr à l'encontre des intérêts de l'agriculture, que nous défendons.
De plus, les aides directes liées aux animaux conduiront inéluctablement à une remise en cause, voire à la mort du bassin allaitant, donc de l'élevage à base d'herbe, face à une concurrence déloyale au regard des engagements que nous avons pris favorisant toute forme d'élevage bovin intensive. A un moment où l'aménagement du territoire doit être au coeur des préoccupations françaises et européennes, l'Agenda 2000 propose exactement le contraire de ce que nous visons. C'est pour ces raisons que nous souhaitons, monsieur le ministre, que vous rejetiez vigoureusement cette réforme, et que vous proposiez une alternative conforme à nos attentes.
La baisse des prix de 30 %, partiellement atténuée par une augmentation des primes compensatrices, n'est, à mon sens, pas très bonne ; je dirai même qu'elle est mauvaise. En effet, l'augmentation de ces primes tend à niveler les agriculteurs par le bas sans que l'on se soucie de la compétence et des investissements de chaque exploitation.
Mon département, l'Allier, a pour particularité d'être à 85 % herbager et nous estimons que son avenir est en danger.
Engagées par la politique agricole commune, les exploitations sont maintenant les otages de sa réforme. Pour atténuer les effets néfastes du projet de nouvelle PAC, d'autres moyens pourraient être avancés pour la défense des élevages, notamment ceux du département de l'Allier et des autres départements français qui ont une vocation en la matière.
La première proposition consiste en une revalorisation de l'aide à l'extensification lorsque le chargement PAC est inférieur à 1,4 unité de gros bétail par surface fourragère principale. La deuxième passe par un réajustement des quotas primes à la vache allaitante, référence 1992, sur le nombre de vaches effectivement présentes sur les exploitations. En effet, près de 20 000 vaches ne sont pas primées dans l'Allier, et c'est tout à fait regrettable. Chaque exploitation a pourtant dû assumer des investissements certains. Le réajustement de ces quotas les prendrait ainsi en compte, tout en sachant qu'un plafond deviendrait inévitable.
La troisième mesure consiste plutôt en un réaménagement des primes aux bovins mâles, qui aurait pour conséquence d'étaler la production et d'encourager la finition des animaux, dont on peut regretter qu'elle se pratique de moins en moins, moyennant une première prime pour les mâles âgés de six à vingt mois et une seconde pour les mâles de plus de vingt mois.
La quatrième proposition est liée à l'élevage des génisses de plus de vingt-six mois, mais destinées à l'abattage. Elle conduirait à limiter le nombre de vaches allaitantes non primées et étalerait également la production.
Enfin, la cinquième proposition irait dans le sens du maintien des surfaces fourragères, donc de la sauvegarde des paysages. Tous les hectares d'herbe pourraient ainsi être comptabilisés et compensés intégralement.
Compte tenu de l'importance de la prime à l'herbe, qui représente un encouragement aux systèmes d'élevages extensifs et contribue à une utilisation bien mieux équilibrée de l'espace agricole, il faut nécessairement améliorer ce contrat, puisqu'il arrive aujourd'hui à son terme, et élargir son champ d'application à l'ensemble des zones à vocation herbagère, pour en faire un véritable outil d'aménagement du territoire. Par ailleurs, le montant de cette prime devrait être nettement revalorisé, afin de rendre la mesure plus incitative pour le maintien et l'entretien de toutes les surfaces en herbe.
Monsieur le ministre, il nous paraîtrait souhaitable que toutes ces propositions pour la défense des élevages soient prises en compte, car si les propositions émises par la Commission européenne le 16 juillet dernier venaient à être retenues, elles provoqueraient une baisse de recettes si importante pour la seule production de viande bovine que j'ose à peine en imaginer les conséquences.
Les producteurs de viande bovine auraient beaucoup à perdre avec les propositions de la Commission. Le système « naisseur-engraisseur », majoritaire, serait, cela va sans dire, menacé dans son fonctionnement actuel.
Si enfin les propositions de la Commission devaient aboutir, l'essentiel de notre politique, défini dans le projet agricole départemental, deviendrait caduc. En effet, comment maintenir des emplois agricoles ou para-agricoles en milieu rural, pourquoi engager des efforts financiers considérables dans le développement local ou la création de filières de qualité, quand, dans le même temps, les orientations proposées pour la PAC condamnent les agriculteurs à la démesure ou à l'échec ?
Les simulations et les données chiffrées qui ont été présentées sont suffisamment significatives pour motiver notre réaction, un peu vive, j'en conviens, et notre refus quasi catégorique face à ces propositions dangereuses pour l'emploi et pour la vitalité du milieu rural.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous lance un appel solennel afin que vous preniez en considération l'inquiétude de tous ces éleveurs, dont je me fais l'écho ici, en particulier des éleveurs du troupeau allaitant, non seulement par rapport à leur revenu, mais aussi pour l'avenir même de leur métier.
Je voudrais maintenant vous entretenir des problèmes de la sécheresse, c'est-à-dire du déficit des précipitations constaté dans mon département, l'Allier, depuis le début de l'année, notamment durant les mois d'avril et de mai, auquel se sont ajoutés des températures nocturnes très basses et un vent asséchant qui ont eu des conséquences très graves sur certaines productions végétales et sur la pousse de l'herbe.
Actuellement, le bilan pour l'ensemble de la pousse de printemps établi par la commission départementale d'expertise fait ressortir une perte de 20 % à 50 % pour les prairies naturelles et une perte de 10 % à 30 % pour les prairies temporaires.
Pour éviter d'utiliser prématurément leur réserve fourragère destinée à la consommation hivernale, les éleveurs ont donc dû compléter leur stock en s'approvisionnant à l'extérieur en paille et en luzerne déshydratée.
Le comité SOS-sécheresse, qui n'intervient qu'en cas de difficulté climatique exceptionnelle, a lancé une opération collective d'achat d'environ 11 500 tonnes de paille. A titre de comparaison, les opérations précédentes portaient sur 5 000 tonnes en 1989 et en 1992, et sur 7 000 tonnes en 1991. On peut mesurer ainsi l'ampleur des besoins des éleveurs et donc la sévérité de la perte fourragère en général !
Le 3 octobre dernier, à l'occasion du sommet de l'élevage, qui s'est tenu à Clermont-Ferrand, vous avez annoncé, monsieur le ministre, l'octroi d'une aide exceptionnelle de 10 millions de francs en faveur des éleveurs du Massif central touchés par la sécheresse. Cette aide est destinée à contribuer à faire face aux charges de transport des fourrages destinés au bétail et viendra compléter une aide d'un même montant mise à destination par Unigrains.
Il ne faut pas limiter l'emploi de ce crédit de 10 millions de francs à la seule prise en charge du transport du fourrage. L'important est que le fourrage arrive à un prix raisonnable chez l'éleveur.
Je me permets de vous demander que le département de l'Allier bénéficie rapidement de cette aide à l'affouragement et qu'il soit reconnu sinistré pour l'ensemble des prairies afin de percevoir l'indemnisation du Fonds des calamités agricoles. Il paraîtrait normal, en outre, que les cantons du sud Val d'Allier - Gannat, Escurolles, Chantelle, Ebreuil - soient également reconnus sinistrés en culture d'hiver.
Considérant le bilan effectif des pertes constatées, et après avoir pris connaissance des travaux de la commission départementale d'expertise des 19 septembre et 21 octobre derniers, le conseil général de l'Allier complètera les sommes que vous apportez d'une aide de 500 000 francs pour l'achat de luzerne déshydratée, à laquelle s'ajoutera une aide identique de 500 000 francs du conseil régional d'Auvergne.
Je vous remercie d'avance, monsieur le ministre, des réponses que vous m'apporterez sur tous ces sujets auxquels j'attache une grande importance.
S'agissant maintenant du rôle du FIA, le Fonds d'installation en agriculture, qui remplace le FIDIL, le Fonds d'installation et de développement des initiatives locales, vous avez répondu, monsieur le ministre, à l'Assemblée nationale, lors de l'examen du projet de budget de l'agriculture, que ce fonds financerait des primes à la transmission d'un montant un peu supérieur à 50 000 francs, versés en une seule fois à un exploitant qui, en cédant son exploitation, permettra une installation. Selon vous, le FIA permettra de distribuer trois mille primes par an, ce qui signifierait, toujours selon vous, trois mille installations supplémentaires. Certes, cette aide est fort intéressante pour l'installation de ceux qui ne sont pas issus du monde agricole, nous le constatons bien volontiers, mais je me permets d'exprimer quelques réserves quant aux chiffres que vous avez indiqués, car je crains qu'elle n'ait qu'une faible incidence sur le nombre d'installations supplémentaires.
En revanche, pour ce qui concerne le FIDIL, les résultats obtenus n'ont pas été si mauvais, puisqu'ils ont été en constante augmentation, les installations étant passées de huit mille en 1995 à neuf mille trente en 1996.
J'en viens à la SOPEXA.
La France est le premier exportateur mondial de produits agricoles alimentaires, avec un chiffre d'affaires de 213 milliards de francs, et la SOPEXA joue un rôle de promotion essentiel, notamment en faveur des PME du secteur. Or, monsieur le ministre, vous avez décidé d'amputer de 40 millions de francs la dotation de la SOPEXA, soit pratiquement le quart de ce qui figurait dans le projet de loi de finances initial pour 1997.
Vous n'avez pas souhaité revenir sur votre décision, préférant attendre les conclusions de la mission d'analyse de cette société, menée depuis plusieurs jours par l'Inspection générale des finances et par l'Inspection générale de l'agriculture, qui doivent être rendues d'ici à la fin de l'année.
Il nous faut pourtant, dans le contexte mondial actuel, intensifier nos efforts dans cette direction. Nous n'avons guère le choix.
C'est la raison pour laquelle je me permets de vous demander de nous préciser les orientations que vous envisagez pour la SOPEXA. Il importe en effet de réfléchir à l'efficacité de nos moyens de promotion à l'étranger, car, si la France enregistre un excédent de 58 milliards de francs, il faut continuer à défendre pied à pied ses positions pour conquérir de nouveaux marchés.
Je regrette également que la mission d'analyse de la SOPEXA ne rende ses conclusions sur l'adéquation entre les moyens et les objectifs de cette société qu'à la fin de l'année. Il eût été tellement préférable que ces conclusions fussent connues avant l'examen du budget !
A petite question, petite réponse, monsieur le ministre (Sourires) : quelle est votre position concernant l'installation hors-sol des porcs et des volailles ?
J'évoquerai maintenant le dossier des retraites agricoles.
La principale innovation de votre projet de loi de finances pour 1998 est l'adoption par l'Assemblée nationale, sur votre proposition d'ailleurs, d'un crédit de 700 millions de francs destiné à relever le niveau de certaines petites retraites agricoles. Les retraités concernés verront donc leurs pensions relevées, dans les cas les plus favorables, de 5 100 francs par an.
Les 700 millions de francs - dont 500 millions de francs de crédits nouveaux et 200 millions de francs provenant d'un redéploiement budgétaire - sont destinés à relever le niveau des petites retraites et des pensions des conjoints, des aides familiaux et des chefs d'exploitation qui ont eu une carrière mixte ; 275 000 personnes sont concernées.
A cela s'ajoutent les remises en oeuvre des décisions de la conférence annuelle de février 1996, dites « mesures Vasseur », dont il était prévu qu'elles devraient s'étaler sur trois ans, de 1997 à 1999.
Je crois pouvoir dire que nous sommes nombreux à avoir reconnu le sort relativement injuste réservé jusque-là à tous ceux qui se sont faits les artisans de la modernisation de l'agriculture et du pays. Certes, des améliorations ont été apportées, mais, dans les arbitrages budgétaires rendus, même si les décisions de la conférence annuelle de février 1996 leur ont ottroyé les deux tiers de l'enveloppe financière consacrée à l'agriculture, les anciens exploitants ont, eux, le sentiment d'avoir été quelque peu oubliés.
Un peu plus de justice et d'équité, voilà ce que nous demandons tous ! Notre objectif à tous est que les pensions de retraite atteignent un niveau égal à 75 % du SMIC pour des chefs d'exploitation qui ont non seulement engagé, durant toute une carrière, leur force de travail, mais risqué leur capital au service de la société et de leur pays.
Les membres de la famille, les conjoints d'exploitant agricole - des agricultrices, le plus souvent - souffrent aujourd'hui d'un statut de travailleurs familiaux en décalage avec les aspirations et les besoins des acteurs d'une agriculture moderne dans une société développée. Des pensions de retraite convenables pour celles et ceux qui ont travaillé toute une vie à la terre, qui ont contribué à développer l'agriculture et à enrichir leur pays, c'est une question de justice pour les anciens exploitants et de dignité collective pour notre société.
M. René-Pierre Signé. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait plus tôt ?
M. Bernard Barraux. C'est la raison pour laquelle c'est avec une certaine satisfaction, mesurée toutefois - vous le comprendrez - que nous enregistrons l'effort que le Gouvernement vient de consentir pour les retraites les plus faibles. Il faut continuer dans cette voie, car il reste, hélas ! encore beaucoup à faire dans ce domaine.
Enfin, dans l'attente de la loi d'orientation, qui devra fixer les conditions dans lesquelles le dispositif de préretraite continuera à s'appliquer pour jouer pleinement son rôle incitatif en matière de politique d'installation en agriculture, il s'avère aujourd'hui indispensable de proroger d'au moins six mois le dispositif actuel, jusqu'à l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions.
Pour conclure, je dirai simplement que, si l'agriculture et l'élevage ne sont plus - nous le savons tous - les moteurs économiques exclusifs du milieu rural, nous sommes tous convaincus que rien ne se fera dans le milieu rural sans eux.
Notre devoir, notre rôle et même notre intérêt le plus évident sont donc de protéger l'agriculture et l'élevage contre toutes les attaques, si perfides soient-elles, de certains grands pays pour mieux les aider à résister et à se développer. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ma qualité de président du groupe d'études de la viticulture de qualité du Sénat, je concentrerai mon propos sur la situation de la filière vitivinicole.
Il convient tout d'abord d'observer que la récolte 1997 se caractérise par une baisse de l'ordre de 5 % à 6 %, pour atteindre 56,4 millions d'hectolitres. Cette baisse est imputable aux calamités agricoles qui ont frappé plusieurs régions de production, notamment dans le Midi de la France. A cet égard, il y a lieu de souligner que la viticulture méridionale est gravement menacée par la dégradation des sols.
Concernant notre commerce extérieur des vins, l'année 1996 a constitué un millésime record. Nous avons en effet exporté l'année dernière 13,6 millions d'hectolitres, d'une valeur de 24,8 milliards de francs, les exportations françaises de vin dépassant ainsi le précédent record, établi en 1987, avec 13 millions d'hectolitres en volume. La baisse des importations de 4 % par rapport à 1995 succède à la baisse déjà enregistrée, en 1994, de 8 %. Le montant des importations se limite à 2,6 milliards de francs.
Au total, le bilan établi par l'Office national interprofessionnel des vins, l'ONIVINS, dégage donc un solde excédentaire de 22,2 milliards de francs. Il n'en demeure pas moins qu'il est essentiel de poursuivre l'action de promotion des vins français à l'étranger, en particulier sur certains marchés émergents tels que les pays asiatiques.
A cet égard, on ne peut que déplorer la diminution de la dotation allouée à la SOPEXA dans le projet de loi de finances initiale pour 1998.
Concernant les plantations, en particulier celles de vins à appelation d'origine contrôlée, il importe de tout mettre en oeuvre pour éviter la disparition des droits de plantation, puisqu'une demande existe en ce domaine. Ce sont les services des douanes qui vont alerter les détenteurs de ces droits, afin que ceux-ci ne disparaissent pas.
On doit déplorer que les professionnels ne soient pas parvenus à établir un accord sur les modalités de ce dispositif destiné à éviter la disparition des droits de plantation, tout en soulignant qu'un débat s'est instauré sur le transfert de ces droits d'une région à l'autre.
S'agissant des charges sociales et de la fiscalité qui s'appliquent à la viticulture, l'augmentation desdites charges est particulièrement préoccupante. Certes, la réforme de l'assiette des cotisations sociales élaborée en 1993 a amené d'importantes améliorations ; cependant, l'assiette de ces cotisations sociales reste trop large puisqu'elle englobe tous les bénéfices des exploitations sans distinguer ceux qui sont réinvestis dans l'entreprise de ceux qui rémunèrent le travail des exploitants.
Or, l'activité des exploitants viticoles varie en fonction des aléas climatiques et de l'évolution du marché, qui influent sur les volumes de production et sur les stocks constitués. Les revenus des exploitants viticoles sont donc soumis à d'importantes fluctuations.
Cette situation est particulièrement problématique dès lors que les exploitations viticoles sont assujetties au régime fiscal des bénéfices réels, régime fiscal qui convient mieux à une activité plus régulière. On doit se féliciter que le régime fiscal des stocks à rotation lente permette d'atténuer l'impact du délai entre la production et la commercialisation des produits viticoles.
Toutefois, ce régime ne permet pas de le résorber de façon satisfaisante ; il y a lieu de préciser que l'article 72 D du code général des impôts ouvre la possibilité d'une déduction fiscale pour investissements. Toutefois, ces dispositions fiscales sont exclusives l'une de l'autre, et les entreprises viticoles connaissent d'importants problèmes de trésorerie pour la gestion de leurs stocks.
J'aborderai à présent un thème auquel mes collègues du groupe d'études de la viticulture de qualité sont particulièrement sensibles ; je veux parler du débat sur le vin et la santé.
Des études approfondies conduites tant aux Etats-Unis qu'en Europe par d'éminents chercheurs ont permis de démontrer qu'une consommation régulière et modérée de vin présente des effets bénéfiques pour la santé, en particulier pour le système cardiovasculaire. (Marques d'approbation sur les travées socialistes.)
M. Bernard Piras. C'est exact !
M. Serge Mathieu. C'est pourquoi, monsieur le ministre, il me semble qu'il faut cesser de considérer la loi Evin comme un monument historique intangible, dès lors que son caractère prohibitionniste empêche toute action de promotion et d'information sur les vins, l'essentiel de la publicité étant réalisé par les grands groupes alcooliers.
Je me félicite, monsieur le ministre, que vous ayez décidé, dès le mois d'août dernier, la mise en oeuvre de la distillation préventive à hauteur de 1,5 million d'hectolitres. Je rends également hommage à l'action que vous avez menée pour reconduire une mesure d'encouragement aux viticulteurs à ne pas vinifier une partie de leur production au moyen de l'approvisionnement vers des débouchés « non-vins ».
Cette action, sollicitée par la profession, permet aux viticulteurs dont le rendement économique est supérieur à 90 hectolitres à l'hectare de livrer, au-delà de ce rendement, dans la limite de 18 hectolitres à l'hectare, des volumes de moût pour ces débouchés.
Je note également qu'au cours de la réunion que vous avez tenue avec les représentants de la profession, le 18 août dernier, vous avez décidé de poursuivre l'action en faveur de l'allègement des charges supportées par les viticulteurs engagés dans une politique d'amélioration qualitative et d'adaptation de leurs vignobles par l'institution d'une aide à l'hectare.
Je me réjouis aussi de la poursuite de l'effort des pouvoirs publics en faveur de la restructuration du vignoble. Ainsi, pour les plantations réalisées en 1996-1997, le montant des aides à l'hectare a été porté à 24 000 francs, 22 000 francs et 10 000 francs, selon l'organisation de chaque exploitation.
J'évoquerai rapidement les difficultés de mise aux normes au titre des installations classées qu'éprouvent les petites caves coopératives ou les caves particulières, qui doivent consacrer à ce projet d'importants investissements par définition peu rentables.
Enfin, monsieur le ministre, dans la perspective de la préparation de la loi d'orientation agricole, qui nous sera soumise l'année prochaine, je voudrais attirer votre attention sur la nécessité de réviser le statut des syndicats d'appellation, afin de conforter leur mission d'intérêt général, comme l'a sollicité la confédération des producteurs de vin et eaux-de-vie de vin à appellation d'origine contrôlée.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'il me soit permis de dire, en premier lieu, aux orateurs des groupes de droite qui m'ont précédé à cette tribune que, lorsque je les entends critiquer le budget de l'actuel ministre, j'ai le sentiment qu'ils critiquent celui de son prédécesseur. En effet, à mon sens, il n'y a pas encore assez de différence entre les deux, si ce n'est que ce budget de 1998 est en augmentation par rapport à celui de 1997.
En second lieu, chacun sait qu'aujourd'hui l'agriculture de la France dépend essentiellement de ses exportations, en particulier vers l'Europe. Dès lors, tout discours nationaliste, aurais-je presque envie de dire, de retour vers une agriculture recroquevillée sur son territoire, conduirait l'agriculture française à sa perte.
On sait bien que les mesures politiques prises en matière d'agriculture résultent toujours d'un compromis entre les quinze partenaires et que le problème est d'avoir la majorité au sein de l'Union européenne. Par conséquent, il est des effets de manche qui sont un peu faciles !
J'en viens à mon propos proprement dit.
L'agriculture occupe une place prépondérante dans l'espace rural français et dans l'aménagement du territoire. Avec la forêt, elle en constitue la base économique. Elle valorise directement près de 80 % à 85 % de la surface du territoire.
Le poids économique très lourd des diverses filières agricoles d'amont et d'aval, en termes de richesses produites, fait de la France le partenaire le plus important de tous les pays membres de l'Union européenne et place également notre pays parmi les grandes puissances agricoles mondiales.
Ce secteur stratégique de notre économie nationale est un des rares qui laisse entrevoir un développement de parts de marchés, alors même que le contexte international est particulièrement concurrentiel et tendu dans ce domaine.
Ce développement de l'économie agricole reste soumis d'abord aux conditions du marché, mais aussi et surtout aux règles communautaires issues de la PAC - l'actuelle et la future, qui sortira du « paquet Santer » - et aux accords de commerce internationaux, GATT et OMC, que les Etats-Unis cherchent encore aujourd'hui à remettre en cause.
En outre, en réponse aux attentes de la société, les activités agricoles assurent également l'occupation de l'espace et contribuent de manière déterminante à l'entretien des espaces naturels et des paysages ruraux.
Or, les activités agricoles sont souvent perçues par l'opinion publique comme responsables, et parfois injustement, de la détérioration de notre environnement.
L'agriculture, après avoir produit toujours plus, parfois au détriment de la qualité, s'oriente désormais, et nécessairement, vers le « produire mieux », c'est-à-dire en respectant l'environnement et en élaborant des produits de qualité irréprochable. L'agriculture répond ainsi aux attentes et aux critiques de l'opinion publique.
Il est donc aujourd'hui impératif de tenir compte, dans notre projet agricole, de tous les atouts et de toutes les fonctions de l'agriculture dans sa globalité, tant sur le plan économique, social et humain que sur celui de l'emploi, de la qualité des produits, de l'aménagement du territoire, de l'environnement et du maintien des ressources naturelles.
L'agriculture, l'ensemble de ses activités et le devenir des espaces ruraux se trouvent ainsi placés aujourd'hui au centre d'un vaste débat de société : l'examen de la prochaine loi d'orientation agricole, la discussion du projet de budget pour 1998 et l'étude des propositions contenues dans la nouvelle PAC offrent l'occasion d'engager ce débat de fond et permettront de réaffirmer une grande ambition pour notre agriculture.
Dans cette optique, on constate aisément que, à peine en trois décennies, les relations entre la société et l'agriculture ont profondément changé. Le temps de l'ordre immuable et éternel des campagnes est aujourd'hui révolu. Il existe désormais des espaces ruraux diversifiés, les uns dynamiques, les autres en difficulté, mais toujours en permanente évolution : paysages et niveaux de population et d'activités sont profondément transformés et continuent à se modifier.
La mutation en cours des campagnes et des sociétés traduit un véritable changement de civilisation. C'est une certaine identité française qui est en crise, et cette crise explique les désarrois de nombreux exploitants, confrontés au libéralisme économique, aux nouveaux modes de production et aux rapports sociaux modernes, qui engendrent des risques de fracture au sein de la société.
Le monde rural évolue et se recompose aujourd'hui dans la difficulté et l'incertitude. Un changement de fond, une autre approche s'imposent aujourd'hui de la part tant des professionnels que de l'opinion publique.
J'évoquerai trois aspects : l'installation, maillon essentiel pour pérenniser l'activité ; l'enseignement agricole ; la prise en compte de l'environnement et des fonctions nouvelles demandées à l'agriculture.
La politique d'installation demeure le souci constant des responsables professionnels. C'est la priorité majeure que traduit le projet de budget de l'agriculture. Il faut faciliter l'installation, dont le coût reste important ; il faut permettre aux jeunes formés et aux compétences reconnues de maintenir et de développer des exploitations qui feront la force de notre économie agricole et assureront l'occupation harmonieuse du territoire.
Or, on constate aujourd'hui que les terres libérées participent essentiellement, pour plus de 60 %, à l'extension des exploitations existantes. En tant qu'élus, nous sommes régulièrement interpellés pour que l'on veille à une meilleure maîtrise de l'attribution des surfaces libérées, des droits à produire et des primes.
Les pratiques actuelles favorisent les plus riches au détriment des plus jeunes. Il faut mettre fin à ces dérives et se donner les moyens financiers et juridiques d'une véritable politique d'installation.
A ce sujet, monsieur le ministre, permettez-moi de signaler les problèmes auxquels sont confrontés, dans le département du Nord, nos agriculteurs qui doivent faire face à des reprises excessives de terres par des exploitants belges. Ces derniers bouleversent totalement le marché foncier par une augmentation des prix et par une délocalisation des sièges d'exploitation ; en outre, ils ne respectent pas toujours les prescriptions sanitaires en procédant à des transferts d'animaux de part et d'autre de la frontière.
Il me semble donc que le montant des reprises doit être mieux encadré, afin d'atteindre l'objectif affiché de 10 000 installations par an.
Je raccrocherai à cette observation précédente la mesure que vous entendez prendre pour revaloriser les retraites agricoles. J'espère que la possibilité offerte à des exploitants agricoles de partir dans de meilleures conditions jouera au profit des jeunes qui souhaitent s'installer.
J'ajouterai un commentaire. Nous souhaitons tous l'augmentation des retraites agricoles. Nous l'avons tous promise, mes chers collègues, à gauche comme à droite, en 1981 et lors de toutes les campagnes présidentielles. Or, j'observe que pratiquement personne ne l'a fait. Aujourd'hui, le Gouvernement que nous soutenons propose des mesures qui vont plus loin que celles de M. Vasseur. Cet effort est significatif, mais il reste, nous l'avons tous dit, globalement insuffisant.
Il est vrai que, pour concrétiser les promesses électorales, ce sont plus de 40 milliards de francs qui seraient nécessaires. Il convient donc de réfléchir par quelles mesures financières, dans les années qui viennent, pourrait être dégagée cette somme pour assurer une retraite égale au trois quarts du SMIC à l'ensemble des agriculteurs.
On ne peut échapper à cette réalité financière. D'ailleurs, si les gouvernements précédents de M. Balladur ou de M. Juppé, de même que les gouvernements de gauche, n'ont pas tenu leurs promesses, c'est bien parce qu'ils se heurtaient à un obstacle financier majeur.
Je souhaite donc que, tous ensemble, nous oeuvrions pour que, dans les mois et les années qui viennent, dans un effort de solidarité soit enfin satisfaite cette revendication légitime.
J'en viens à l'enseignement agricole. D'ailleurs, l'installation et la formation sont indissociables.
L'enseignement, la formation professionnelle agricole, l'enseignement supérieur agronomique et vétérinaire font partie de nos priorités. Monsieur le ministre, je ne peux que m'en réjouir. Ce n'était pas le cas l'an passé avec votre prédécesseur. Lors de la discussion du projet de budget pour 1997, mon collègue M. Fernand Tardy s'était fait l'écho des inquiétudes du monde agricole et des personnels de l'enseignement agricole sur les crédits budgétaires, notoirement en baisse dans l'enseignement agricole. Nous pouvons être rassurés aujourd'hui sur vos choix, qui sont différents et qui permettront de soutenir un enseignement agricole diversifié. Ces choix traduisent la reconnaissance de cet enseignement agricole qui constitue une originalité remarquable au sein du monde rural.
Vous avez su répondre aux attentes des familles et des élèves, toujours plus nombreux, qui apprécient la qualité et le contenu de cet enseignement agricole. Celui-ci apporte effectivement des compétences et des talents dont l'économie agricole et alimentaire a besoin dans un monde en pleine mutation.
Les augmentations significatives des crédits dans l'enseignement supérieur, pour l'enseignement et la formation professionnelle, traduisent bien, monsieur le ministre, votre souci d'inverser les tendances passées et de redonner toute sa priorité à l'éducation.
Ces crédits seront examinés dans le détail lors de la discussion du projet de budget pour 1998. Je ne m'attarderai donc pas davantage.
Je terminerai sur ce point en évoquant la création du fonds social lycéen, qui permettra à la communauté éducative des lycées de retrouver un équilibre menacé, quand on sait que 20 % des familles insolvables ne pouvaient plus payer la demi-pension de leurs enfants.
Notre agriculture est en pleine mutation. Elle doit donc, en amont, proposer un enseignement agricole qui tienne compte de plus en plus de la multifonctionnalité qui la caractérise.
Mon souhait est, par conséquent, que l'enseignement agricole devienne plus largement encore l'enseignement qui prépare au développement des activités rurales - par exemple, le tourisme - et à la préservation des milieux de vie dans le monde rural - je pense, notamment, aux métiers liés à l'eau.
Sur le plan de l'environnement, j'évoquerai plusieurs points dont, en premier lieu, celui qui est relatif à la mise aux normes des bâtiments d'élevage, qui intéresse les éleveurs, jeunes ou moins jeunes, et à la nécessaire reconquête de la qualité de l'eau.
La lutte contre la pollution, notamment par les nitrates, doit demeurer une priorité clairement affichée. Il faut assurer une cohérence avec la loi sur l'eau, répondre aux exigences du public et respecter la protection de l'environnement.
Les besoins dans ce domaine sont importants, puisqu'ils sont estimés à plus de 16 milliards de francs par l'INRA. Un effort considérable et soutenu doit donc être entrepris.
Il faut également veiller à la bonne utilisation des engrais et autres intrants agricoles en formant mieux et en informant plus. A ce titre, des actions salutaires de récupération des produits phytosanitaires inutilisés ont été lancées à l'initiative de la profession dans plusieurs départements. Il convient d'intensifier et d'étendre cet effort à tout le territoire national.
La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire a permis la mise en oeuvre du fonds de gestion de l'espace rural, qui reconnaît enfin à l'agriculteur son rôle d'entretien. Ces crédits ont permis d'encourager des actions pertinentes au bénéfice des agriculteurs et de notre environnement. Cette orientation est bonne ; il nous faut l'amplifier.
De même, les mesures agri-environnementales sont à développer. Une politique innovante engagée pour un aménagement rural respectueux de l'environnement offre une opportunité de développement durable, grâce à des méthodes de production nouvelle qui seront adaptées aux territoires de grand intérêt naturel.
Il faut aujourd'hui encourager l'extensification là où c'est possible et souhaitable. La prime à l'herbe reste un bon instrument mais son caractère incitatif est insuffisant, notamment par rapport à la prime au maïs qui entraîne la disparition des pâturages par des labours intempestifs.
La prime à l'herbe doit jouer un rôle essentiel dans les bassins d'élevage bovin et laitier. Il convient de préserver la diversité des modes de production et de mieux reconnaître la valeur de l'herbe.
Par ailleurs, il faut répondre aux attentes d'une opinion de plus en plus sensible aux charges et aux appels antiproductivistes. L'opinion publique réclame une meilleure information sur la qualité et sur l'origine des produits depuis l'affaire de « la vache folle ». Il faut retrouver la confiance des consommateurs par la labellisation des produits.
Il convient encore de favoriser le dialogue ville-campagne afin d'éviter toute fracture sociale et territoriale. Plusieurs initiatives ont déjà été prises en ce sens par les professionnels de l'agriculture : fermes ouvertes, accueil à la ferme, restauration, hébergement, fêtes, et animations thématiques. Ces initiatives doivent être largement encouragées.
Les opérations d'aménagement foncier doivent être de véritables outils d'aménagement du territoire. Elles sont l'occasion de coordonner des actions dans un périmètre rural donné. Elles doivent prendre en compte l'ensemble des activités qui s'y exercent ainsi que les besoins exprimés dans le domaine de la gestion de l'espace et des paysages.
Dans cet esprit, la politique et les actions mises en oeuvre dans les parcs naturels régionaux me semblent tout à fait exemplaires ; elles permettent une étroite collaboration.
En conclusion, monsieur le ministre, il nous faut réaffirmer une grande ambition pour notre agriculture. Aujourd'hui, l'agriculture française représente un million de personnes, 730 000 exploitations dont 300 000 ont un chef d'exploitation âgé de plus de cinquante-cinq ans ; à terme, 500 000 exploitations environ assumeront l'ensemble de l'activité agricole sur notre territoire.
Or, un emploi en agriculture permet d'en maintenir quatre en milieu rural. L'agriculture a donc toute sa place dans le débat actuel autour de l'emploi.
Aussi, il nous faut aujourd'hui créer un modèle d'agriculture spécifiquement européen qui favorise l'initiative individuelle et la solidarité sur tout le territoire.
L'ensemble de la profession est inquiète face à l'attitude des Etats-Unis, qui semblent vouloir remettre en cause les accords signés et prônent une agriculture de marché peu soucieuse des hommes, du territoire et des produits.
Il faut, à l'échelon international, rester ferme dans l'attente de l'ouverture des négociations prévues pour 1999 ; il faut empêcher absolument un démantèlement de nos politiques agricoles et rejeter l'ultralibéralisme souhaité par les Etats-Unis, dont la logique est inadaptée à notre agriculture.
Notre agriculture, dans ses structures d'exploitation, doit être fondée sur le territoire, tenir compte de la diversité des modes de production, privilégier le développement durable et la qualité des produits.
Nous devons, après ces années de turbulence - crise bovine, crise des fruits et légumes - retrouver une vision prospective de l'agriculture et ne pas nous contenter uniquement de décisions d'ordre technique et conjoncturel.
Le projet agricole doit donc être vaste et ambitieux. Il vise à bâtir un modèle agricole européen qui valorise les atouts de l'agriculture et appréhende toutes les fonctions dans leur globalité.
Il nous faut une agriculture performante, bien répartie sur tout le territoire, qui réponde aux aspirations nouvelles de la société en matière de capacités économiques, de produits, d'environnement, d'emploi, une agriculture qui soit aussi au service d'une industrie agro-alimentaire sûre, aux productions de qualité, et qui participe à l'expansion des marchés mondiaux.
Il nous faut une agriculture diversifiée, qui valorise au mieux ses potentialités, et des hommes bien formés qui participent activement au développement rural.
Ce projet réaliste doit être porteur d'avenir pour les agriculteurs et pour notre pays. C'est en oeuvrant pour sa mise en place que le Gouvernement et votre ministère joueront pleinement leur rôle afin que nous puissions parvenir à un meilleur équilibre entre les hommes, les produits et les terroirs.
A cette fin, il faut engager durablement notre agriculture vers un modèle européen propre qui soit le compromis entre une agriculture à la fois dynamique, active, présente sur les marchés mondiaux, une agriculture au service d'un territoire et des hommes qui y vivent. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. de Menou.
M. Jacques de Menou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'heure où la réforme de la politique agricole commune envisagée par le « paquet Santer » est en marche, nous sommes tous conscients des enjeux qui attendent l'agriculture française : il s'agit de la concurrence internationale renforcée, de l'alignement de nos prix sur ceux du marché mondial et de l'élargissement des marchés agricoles aux pays de l'Est et aux Etats-Unis.
Nous comptons sur une ferme vigilance du Gouvernement français pour sauvegarder nos intérêts dans ces négociations à haut risque. J'ai noté avec intérêt que vous refusiez ce projet, monsieur le ministre, et je m'en réjouis.
Comment, en effet, ne pas s'inquiéter de l'homogénéité des produits proposés, quand on sait que les ratios ne tiennent pas compte de la qualité, notamment de la présence d'hormones dans les viandes ?
Les règlements techniques américains, par exemple, qui sont très différents des nôtres, autorisent couramment les produits hormonés. Dans ces conditions, nos produits, qui sont meilleurs et plus sains, souffriront d'un écart des coûts de production allant de 20 % à 30 % par rapport aux prix de revient américain et se trouveront ainsi injustement pénalisés !
Comment ne pas s'inquiéter de l'attitude de l'Allemagne, qui révise sa participation au budget agricole, alourdissant par là même les contraintes imposées aux Etats membres ?
On le voit, notre agriculture ne manquera pas de souffrir de cette confrontation permanente à une concurrence mondiale sauvage.
Monsieur le ministre, l'attente du monde agricole est forte, face à cette échéance capitale pour le devenir de sa compétitivité et le maintien de son revenu. Il est essentiel de l'écouter et de le rassurer. Mon ami Philippe François en a déjà longuement parlé ainsi que les autres intervenants. Je n'insisterai pas sur ce sujet.
Je souhaite maintenant attirer votre attention sur l'avenir de l'élevage hors sol en Bretagne. Vous connaissez l'importance de cette filière, qui joue un rôle majeur dans le maintien du tissu rural et qui sous-tend de nombreux emplois tant en amont qu'en aval ; en particulier dans le Finistère, 40 % de l'emploi industriel en dépendent.
Cette filière est aujourd'hui à une croisée de chemins, elle est confrontée à un choix sur des problèmes d'environnement et sa survie en dépend.
En effet, soit l'on décide de réduire la production, avec le cortège de chômage et de départs qui ne manquerait pas d'en découler, soit l'on s'oriente vers le traitement des effluents qui permettra de réconcilier une fois pour toute économie et écologie.
Ce traitement des effluents, qui est vital pour la compétitivité de nos ateliers face à un marché mondial de plus en plus âpre, doit concerner les éleveurs les plus importants. Il permettra de libérer des terres pour installer des jeunes, y compris dans les zones d'excédents structurels, les ZES.
Il faut admettre que les élevages industriels soient traités comme des industries de pointe. Ainsi, par le passé, nombre d'industries résolument engagées dans l'adaptation aux contraintes de l'environnement ont été considérées comme des industries de pointe.
Je souhaite qu'on entre enfin dans un débat industriel, même si cela choque, et qu'on cesse de montrer du doigt les éleveurs courageux qui se battent pour répondre à la fois aux exigences de la concurrence et à celles de l'environnement. Force est en effet de reconnaître que, depuis déjà plusieurs années, les éleveurs se sont fermement engagés dans l'application des règles environnementales, témoignant ainsi d'un esprit responsable et solidaire.
Cette volonté de mise en oeuvre du programme de résorption doit être encouragée. Ne pénalisons pas les efforts des éleveurs en matière écologique par des sanctions économiques portant atteinte à la bonne marche, voire, parfois, à la survie des exploitations.
Dans le Finistère, le programme de résorption des déjections animales piétine. On regrette que l'administration manque de moyens pour instruire les dossiers déposés, ce qui créée des files d'attente ! Or, la production n'attend pas !...
Ce dysfonctionnement retarde l'application du programme pour les éleveurs concernés. En effet, ils ne peuvent pas commencer les travaux avant d'avoir obtenu l'arrêté de subvention. De plus, les éleveurs qui ont déposé un dossier ne sont informés que plusieurs mois après des éventuelles modifications à apporter.
Il faut aussi adopter une relative souplesse dans la régularisation des élevages en ZES. Le seul constat des effectifs en 1994 n'est, à mes yeux, pas suffisant.
Depuis cette date, ces producteurs, dont les pratiques sont en perpétuelle évolution du fait de l'incessant progrès technique, ont nécessairement modifié la composition de leurs élevages et ce, sans construire un mètre carré de plus.
Les nouvelles méthodes d'alimentation ont permis de diminuer considérablement les rejets azotés ; la baisse est de l'ordre de 30 %. C'est un fait dont il faut tenir compte, d'autant plus que c'est la règle dans tous les établissements classés.
Il serait donc logique, aujourd'hui, de juger les exploitants sur la réalité du rejet de leur élevage, qui ne doit pas être supérieur à celui qui était admis en 1994, au vu des normes appliquées à cette époque. Il faut abandonner ce comptage dénué de sens, contraire au progrès, et accorder aux éleveurs des délais compatibles avec la performance de leurs exploitations.
Les éleveurs ne ménagent pas leur peine pour s'adapter. Ainsi, en Bretagne, les exploitants n'ont pas attendu pour innover et profiter des évolutions technologiques qui permettent de réduire les pollutions liées aux ateliers d'élevage intensif. En effet, dans une zone à forte densité d'élevage, la mise aux normes ne suffit pas si elle n'est pas accompagnée par une généralisation des traitements.
Je pense à cet égard au procédé sirven d'évaporation du lisier. Les éleveurs hors sol se sont beaucoup intéressé à ce procédé pour lequel des investissements de grande ampleur ont été réalisés. Le coût de la recherche de ce nouveau procédé, qui a déjà la faveur de l'administration, monsieur le ministre - nous le savons tous - a atteint 65 millions de francs, dont 35 millions de francs ont été payés par les producteurs, je tiens à le souligner.
Les premiers outils industriels sont en cours de montage. Je suis ainsi en mesure de vous annoncer qu'en 1998 cinq tours seront installées, et j'espère que trente le seront en 1999, ce qui permettra de dégager 7 000 hectares de terres d'épandage. Cette décision, par son coût élevé, de l'ordre de 40 centimes par kilogramme pour les producteurs, ne favorisera certainement pas un large développement des ateliers.
J'ai moi-même pris l'initiative d'un grand projet d'usine d'incinération de fientes de volailles destiné à produire de l'électricité. J'ai eu l'occasion de vous exposer tout l'intérêt qu'il présenterait pour trois départements bretons. Cette installation permettrait de traiter environ 300 000 tonnes de fiente par an, ce qui allégerait beaucoup la pression qui pèse sur nos régions.
On le voit, les modes de traitement sont en cours de banalisation, mais le concours financier des pouvoirs publics nous est indispensable. L'Etat doit soutenir nos efforts et nos initiatives pour respecter l'environnement, sans compromettre la compétitivité économique d'un secteur hors sol qui est si important pour l'emploi.
Dans un autre registre, je souhaite évoquer aussi la dégradation du secteur des fruits et légumes. Les producteurs, dont les coûts de production sont structurellement plus élevés que ceux de leurs concurrents du sud de l'Europe, souffrent encore des dévaluations compétitives pratiquées par l'Espagne et l'Italie. Ces distorsions de concurrence découragent les exportateurs français de la filière.
La nouvelle organisation commune des marchés, l'OCM, ne règle pas ce problème, et elle fait peser sur les organisations de producteurs, les OP, la menace d'un désengagement de l'Etat. En effet, l'OCM sera financée pour moitié par les producteurs et pour moitié par l'Europe.
La France a fait siennes les règles minimum de reconnaissance prévues dans le règlement communautaire. En conséquence, certaines organisations de producteurs risquent de devenir des groupements fantoches attirés par les programmes opérationnels et sans règles de conduite.
Cinq sociétaires sont désormais suffisants pour constituer une OP. Auparavant, l'un des effets de l'OCM était de concentrer l'offre pour répondre à la concentration de la distribution. Désormais, la reconnaissance d'une OP de cinq membres ira dans le sens d'une atomisation du marché.
Ce nouveau système, qui fait échouer une concentration si nécessaire, risque de créer de graves distorsions de concurrence, sans compter que le développement anarchique des OP va disperser les fonds européens. Avec des aides européennes plafonnées à 4 % du chiffre d'affaires, il est à craindre que l'atomisation du marché et les pratiques de concurrence déloyale - vente à prix sacrifiés et sans factures - ne disparaissent pas.
Eloignés des centres de consommation, les producteurs de légumes bretons ont très tôt compris la nécessité de s'organiser. Ils se sont dès lors fixé des règles strictes, ce qui n'est pas le cas de l'ensemble de la production légumière française ou européenne, qui se caractérise surtout par un manque d'organisation.
La nouvelle OCM ne sera donc opérationnelle qu'à la condition d'obliger chaque région de France à s'organiser et à travailler dans la concertation et la transparence. Pour cela, il faudra être parfaitement rigoureux en matière de reconnaissance des OP.
Par ailleurs, entre la baisse des retraits et la volonté de réduire le potentiel de production, on se demande comment il sera possible de préserver une dynamique économique régionale, à moins de fixer des prix de retrait, étant donné les distorsions de concurrence dans cette filière.
Monsieur le ministre, j'aimerais que vous puissiez nous apporter quelques assurances sur l'efficacité de cette nouvelle OCM, qui semble être une mauvaise nouvelle pour les producteurs européens de fruits et de légumes.
Je précise bien : « européens », car je lisais récemment, dans une revue allemande, exactement le même constat et la même inquiétude.
On le voit, l'agriculture française, pour s'adapter, doit s'ouvrir de plus en plus, et donc répondre à sa vocation exportatrice.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, pourquoi amputer de 20 %, soit de 40 millions de francs, la dotation de la SOPEXA, qui est un instrument de promotion et de valoristion des produits, de soutien à l'exportation, un instrument indispensable aux PME et aux PMI du secteur agricole ?
Votre choix constitue une erreur stratégique au moment où la concurrence internationale se fait de plus en plus vive et où la France doit asseoir sa position de premier exportateur mondial de produits agroalimentaires. Le quart du chiffre d'affaires global à l'exportation est en effet réalisé par ce secteur.
Ce choix paradoxal fragilise donc considérablement nos 16 760 entreprises exportatrices, qui ne peuvent assurer elles-mêmes la charge de leur promotion sur les marchés externes. Or, à l'heure actuelle, nos cibles sont des pays de plus en plus lointains.
C'est la présence de ces exploitants sur le marché que vous mettez en jeu. C'est d'autant plus paradoxal, monsieur le ministre, que les autres pays, particulièrement les Etats-Unis, se dotent d'outils performants pour conquérir de nouveaux marchés, comme les y autorisent - si j'ai bien compris - les accords de Marrakech qui déclarent les aides à la promotion conformes aux règles du commerce mondial. Voilà un moyen dont nous aurions bien tort de nous priver !
Avec cette mesure préjudiciable, vous réduisez l'effet de levier de la SOPEXA et vous portez atteinte à la santé de nos entreprises agricoles.
Certes, vous avez assuré nos collègues de l'Assemblée nationale que des contrats d'objectifs faisaient l'objet de négociations entre la SOPEXA et votre ministère. Mais laissez-moi douter, monsieur le ministre, de la réelle liberté de manoeuvre de la SOPEXA dès lors que ses crédits de fonctionnement ont été amputés.
L'agriculture française, c'est aussi et surtout des hommes et des femmes courageux, des acteurs économiques à part entière, dont nous devons respecter les droits et assurer la protection sociale.
Dans ce domaine, monsieur le ministre, laissez-moi vous faire part de mes déceptions et de mes inquiétudes, qui reflètent celles de bien des agriculteurs de mon département.
Tout d'abord, vous avez créé le Fonds d'intervention agricole, le FIA, qui se substitue au Fonds d'intervention pour le développement industriel local, le FIDIL, mettant ainsi un terme aux actions en cours ! L'arrêt de la préretraite représente une réduction de 300 millions de francs par an pendant quatre ans des crédits d'appui à la politique d'installation.
On se dirige donc vers une préretraite sélective, réservée, si j'ai bien compris, à quelques cas extrêmes retenus sur des critères économiques seulement. Mais vous laissez pour compte de nombreux agriculteurs qui, pour des raisons médicales graves, souhaitent et doivent cesser leur activité. C'est à la lumière des expériences qui m'entourent, spécialement dans le secteur légumier, que je vous parle.
Il est essentiel que ces pesonnes puissent, sur des critères de santé, bénéficier de la préretraite, donc du FIA. On le voit bien, monsieur le ministre, le revenu de substitution que vous prévoyez d'accorder aux agriculteurs en difficulté financière ne saurait donc suffire à répondre aux besoins, parfois aux détresses de nombreuses personnes, qui sont contraintes de quitter leur activité !
Par ailleurs, le projet de loi d'orientation pour l'agriculture préparé par votre prédécesseur, M. Philippe Vasseur, prévoyait déjà un dispositif de revalorisation des plus faibles retraites agricoles dans un souci de justice sociale.
L'objectif était de relever ces retraites à un niveau comparable aux autres secteurs économiques pour les chefs d'exploitation, les conjoints et les aides familiaux. D'autres avant moi y ont fait allusion.
La proposition de loi que le groupe du RPR du Sénat vient de déposer reprend et développe l'essentiel de ces mesures.
On le voit, monsieur le ministre, la rallonge que vous avez consentie in extremis à l'Assemblée nationale ne suffit pas, qu'on le veuille ou non, à masquer le recul de votre Gouvernement en matière de retraites agricoles : 680 millions de francs seulement, alors que, depuis 1995, plus de 1 milliard de francs étaient consacrés chaque année à ces retraites !
Cette année, l'effort supplémentaire n'est que de 680 millions de francs. Telle est la réalité des chiffres ! (Murmures sur les travées socialistes.)
Cette « revalorisation » n'est donc que le pâle reflet des mesures courageuses et ambitieuses engagées par votre prédécesseur. Or, monsieur le ministre, vous les aviez critiquées à l'époque, les jugeant insuffisantes. Par ailleurs, cette revalorisation ne permettra pas de régler de manière décente le problème des retraites des veuves d'agriculteur.
Dans le passé, j'ai eu l'occasion, à de nombreuses reprises, de souligner leur détresse.
Depuis la loi de modernisation de l'agriculture adoptée en 1995, une levée progressive de l'interdiction du cumul de leur retraite et de la pension de réversion de leur époux décédé, a pu être obtenue. Elle ne concerne malheureusement que les personnes devenues veuves depuis le 1er janvier 1995. Il nous paraît indispensable d'étendre cette mesure à toutes les veuves, auxquelles nous devons, avec le monde agricole, beaucoup de reconnaissance.
Enfin, je voudrais évoquer le problème des conjoints d'exploitants, qui souhaitent être reconnus comme co-exploitants à part entière et bénéficier d'un partage des droits à la retraite.
Le conjoint devenu coexploitant est contraint de cumuler sa cotisation forfaitaire avec la cotisation du chef d'exploitation. Il paraît incohérent d'imposer à deux reprises les conjoints sur un même revenu. Un partage du revenu global devrait justifier les cotisations de retraite de l'un et de l'autre.
Des jugements contradictoires des cours d'appel d'Angers et de Paris ne permettent pas de dégager une jurisprudence claire sur ce point. Or il faut trancher, car le système imposé par la Mutualité sociale agricole pénalise des conjoints et aboutit à une double taxation de la MSA sur le même revenu.
Le groupe du RPR du Sénat a déposé une proposition de loi dont un chapitre est consacré à la modernisation du statut du conjoint d'exploitant agricole. L'objectif est d'améliorer et de clarifier les droits des conjoints en matière d'assurance vieillesse.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous preniez acte de nos propositions.
En conclusion, force est de constater le décalage qui existe entre les effets d'annonce et les réalités comptables des décisions de votre ministère.
Pourtant, l'agriculture française, si performante par son économie et ses hommes, mérite une réelle ambition, rendue nécessaire à l'horizon des échéances qui internationalisent les marchés agricoles. Je suis persuadé, monsieur le ministre, que vous y serez attentif.
Nous espérons que vous avez entendu notre message, qui est celui de l'ensemble d'un monde agricole inquiet.
M. Bourges, président du conseil régional de Bretagne, qui ne peut être présent aujourd'hui, m'a chargé de vous dire qu'il s'associait à ma démarche et à mes propos. Comme moi, il attend avec beaucoup d'intérêt vos réponses. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon. Monsieur le ministre, un débat agricole au moment où vous allez sous peu nous présenter votre projet de budget ne peut que nous satisfaire. L'agriculture tangue au milieu de la tempête économique, et c'est notre devoir de nous préoccuper de son sort.
Bien sûr, les situations sont diverses, et il vaut mieux parler des agricultures que de l'agriculture, tant les différences sont grandes entre les éleveurs, les céréaliers, les maraîchers, les arboriculteurs, les viticulteurs, et j'en oublie sûrement.
D'une façon générale, les prix sont de plus en plus discutés, voire compressés par un système de distribution que l'on dit le plus moderne du monde, mais aussi le plus concentré, le plus exigeant et le plus draconien, système qui impose aux producteurs toujours plus de sacrifices.
L'économie de marché, qui est maintenant la règle, mérite que l'on nuance le jugement laudatif que certains portent sur elle. C'est toujours l'acte de production qui est sacrifié. La mondialisation, c'est-à-dire la perméabilité des frontières, et la facilité de franchir les distances font que nos producteurs agricoles, ou industriels d'ailleurs, français ou européens, enfermés dans un corset de réglementations, d'exigences et de prélèvements, sont ligotés face à des concurrents lointains qui donnent des rémunérations insignifiantes et qui n'ont aucune contrainte sociale, salariale ou fiscale !
Nous participons tous, ou presque, à des missions parlementaires dans des pays lointains, où nous constatons que l'esclavage, le travail des enfants et bien d'autres horreurs n'appartiennent pas au passé.
Monsieur le ministre, vous me répondrez que ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui. Hélas ! si. Et nous sommes quelques-uns à penser que notre économie souffre beaucoup de cette situation. Bien sûr, je ne vous demande pas de rétablir le protectionnisme, mais il est quand même des mesures à prendre, comme les Japonais et les Américains savent bien le faire, pour corriger un état de fait qui nous mène tout droit à la catastrophe.
C'est un appel que nous lançons, depuis des années, aux majorités et aux pouvoirs successifs qui sont aux commandes de notre pays, toujours avec le même insuccès.
Parlons maintenant agriculture.
Nous examinerons dans quelques jours votre projet de budget, monsieur le ministre. Je me contenterai donc d'évoquer aujourd'hui deux importants dossiers relevant de votre compétence : la future loi d'orientation et la réforme de la PAC. Vous en aurez beaucoup entendu parler aujourd'hui !
La loi d'orientation des années soixante a accompagné une période de modernisation et d'augmentation de la production, dont les acteurs peuvent, je crois, être fiers ! Bien nourrir les Français, et pour un coût intéressant, exporter des produits, participer régulièrement à la bonne santé de la balance commerciale : voilà le résultat des Trente Glorieuses.
Certains prétendent avec emphase qu'en quarante ou cinquante ans l'agriculture est passée du xviiie au xxie siècle. Je n'aurai pas cette prétention !
Il en est résulté une transformation profonde des modes de vie, avec l'apparition de difficultés nouvelles que nous avons déjà évoquées en parlant de la mondialisation.
Les futures lois devront tenir compte de données nouvelles, notamment de l'intégration de la vie de la profession au milieu d'un territoire dont elle est l'élément fondamental. Elles devront également permettre un développement durable - l'expression est très utilisée, mais je ne sais pas exactement ce qu'elle recouvre - de l'agriculture, qui devra vivre de sa production, c'est-à-dire de la vente de ses produits, sans l'assistance, si possible, que nous connaissons.
Les points importants de cette loi devront porter sur la formation, l'installation, le financement, les retraites, la solidité et la sécurité des marchés, à l'intérieur comme à l'extérieur. C'est un vaste programme qui, je crois, nous occupera beaucoup au cours des mois à venir. Il est nécessaire, pour prévoir l'avenir d'une profession à caractère économique, de mettre fin à cette perpétuelle assistance. Nous constatons que le prix d'origine du produit est ridicule par rapport au prix final dans le secteur de l'alimentation.
On parle beaucoup d'aménagement du territoire. C'est un sujet qui a été longuement débattu dans cette maison. Si l'agriculture ne peut, à elle seule, aménager ou occuper un territoire, un territoire ne peut être aménagé sans une agriculture prospère et dynamique. (M. Machet applaudit.) Il suffit de traverser la France pour constater combien la désertification, qui, hélas ! est bien réelle pour un tiers du pays, s'accompagne de terres en friches.
M. Aubert Garcia. Eh oui !
M. Jean Huchon. Je souhaite que la future loi, fruit d'une longue étude de vos services et de ceux qui vous ont précédé, et d'une large concertation avec la profession, prenne en compte tous les paramètres qui constituent le développement rural.
Je ne peux que reprendre une phrase de vos propos qui résume parfaitement ce qui doit être une bonne politique : « Notre politique agricole doit permettre aux agriculteurs de répondre aux demandes multiples dont ils sont l'objet, en étant rétribués pour les réponses qu'ils apportent à ces multiples attentes. »
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Roland du Luart. Nous l'espérons !
M. Jean Huchon. Au cours des prochains mois, nous aurons, je l'espère, à travailler avec vous sur ce texte attendu. Je suis sûr que le Sénat ne manquera pas de participer à son enrichissement.
La future loi d'orientation agricole devra s'accorder avec ce qu'il est convenu d'appeler le « paquet Santer » - quel triste terme ! - c'est-à-dire la réforme de la politique agricole commune, réforme qui paraît nécessaire car, dit-on, celle de 1992 n'a pas atteint ses objectifs.
Je dois vous avouer, monsieur le ministre, que la lecture des premiers textes en provenance de Bruxelles a été, pour nous, une gifle brûlante. Vous avez reconnu vous-même que cette réforme était inacceptable. C'est le moins que l'on puisse dire ! J'imagine le cynisme de ceux qui ont rédigé le texte : aucun objectif, aucun idéal, mais tout simplement un lent processus de destruction.
Où est l'esprit du traité de Rome ?
Où est la préférence communautaire ?
Où est le souci de l'agriculture dans l'environnement ?
Où est la défense de l'emploi ?
M. Jacques Machet. Très loin !
M. Jean Huchon. On ne veut plus défendre les prix et on laisse le marché s'approcher inéluctablement des prix mondiaux qui, comme chacun le sait, ne reposent sur aucune réalité économique et ne sont que le constat d'un dumping permanent !
Monsieur le ministre, nous soutenons votre refus du « paquet Santer », et nous sommes nombreux à penser que la mise en application de ce « paquet Santer » serait, à très court terme, à l'origine de la faillite des trois quarts de nos exploitations ! Certains technocrates, dits sérieux, même s'ils sont parisiens, n'hésitent pas à trouver normal que l'effectif de nos 700 000 à 750 000 exploitations passe rapidement à moins de 200 000 ! Nous ne voulons pas cela !
Nous ne pouvons souscrire à un tel massacre ! Nous comptons sur votre détermination, au cours des négociations qui vont se dérouler ces prochaines semaines et ces prochains mois, pour garder une agriculture humaine, occupant un territoire propre et vivant.
Par ailleurs, l'expérience qui est la nôtre nous incite à craindre que cette baisse généralisée des prix à la production ne soit pas répercutée vers les consommateurs ! En témoigne l'expérience brûlante de « la vache folle », en 1996 : la chute des prix à la production, qui a été énorme, ne s'est jamais répercutée à l'étal de la boucherie ! Cela explique que les grands organismes traiteurs de viande ont tous présenté des bilans très positifs à la fin de 1996. On comprend maintenant pourquoi !
Baisse des prix, compensations promises, mais sans certitude précise, l'esprit général de cette réforme est à revoir en totalité, d'autant plus que l'examen des textes laisse apparaître des failles et des incohérences que les quelques minutes qui me sont imparties ne me permettent pas de traiter.
J'évoquerai néanmoins le secteur des oléagineux, où les incohérences sont aussi très nombreuses : prix en baisse, soutien conditionnel et très différent de ce qui s'est passé de 1991 à 1992 en raison de l'opération de découplage de la production et de la surface, modulation des aides par application du principe de subsidiarité, c'est-à-dire qu'on laisse aux Etats la maîtrise du soutien... Tout cela est très loin d'une vraie politique européenne !
L'opinion générale est d'ailleurs que le « paquet Santer », tel qu'il est présenté, est satisfaisant pour l'économie mondiale, spécialement pour les Etats-Unis, mais, bien sûr, inacceptable pour la plus grande partie des Européens.
Monsieur le ministre, nous comptons sur votre pugnacité pour rendre, in fine , ce dossier, infâme pour l'instant, conforme aux intérêts de la France.
Mes propos concernent les grandes productions : céréales, viandes, lait. Mais l'agriculture française est très polyvalente. Ma responsabilité de président du groupe Fruits et légumes au Sénat m'incite à ne pas laisser l'exclusivité de ce sujet à M. le président François-Poncet, à mon collègue M. Minetti et à mon ami M. de Menou.
Il s'agit d'une spécificité très importante de notre agriculture. Le Sénat, au cours des dernières années, a publié plusieurs rapports sur cette question. L'Europe a mis en place une nouvelle OMC qui fonctionne théoriquement depuis cette année. Qu'en est-il des programmes opérationnels ?
Le secteur fruits et légumes, peu consommateur de crédits publics, est important. Il est un facteur d'aménagement du territoire et d'emploi. Il demande bien sûr un peu de discipline à ses producteurs, qui quelquefois en manquent, mais l'Etat doit être un élément incitateur et régulateur. Nous ne pouvons nous permettre d'importer des produits dont nous n'avons pas besoin.
La commission des affaires économiques du Sénat va, au cours des prochaines semaines, mener une action auprès de nos amis espagnols pour que les relations commerciales entre nos deux pays s'améliorent. Chaque année, les incidents regrettables qui se produisent ternissent le climat de confiance. Il faut donc que cessent ces incidents routiers provoqués par l'arrivée d'importations qui surchargent le marché et font s'écrouler les cours. Nous espérons assumer notre part dans la solution de ces difficultés, et nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour que la réforme de la PAC ne soit pas le tombeau de l'agriculture française ! (Applaudissements.)
M. Roland du Luart. Discours très consensuel !
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est au nom d'une centaine de mes collègues, membres du groupe sénatorial de l'élevage, que je m'exprimerai à cette tribune, dans ce débat d'orientation de politique agricole.
En premier lieu, je ne peux manquer d'évoquer le rebondissement de la crise de l'épizootie d'encéphalopathie spongiforme bovine. Notre groupe d'études avait consacré au printemps dernier un dîner-débat qui permettait d'espérer un certain apaisement de cette crise. Hélas ! depuis lors, plusieurs événements sont venus confirmer que nous ne sommes pas sortis de cette grave situation.
Tout d'abord, les trafics illicites de viandes et d'animaux britanniques qui ont été décelés ces dernières semaines relancent la suspicion des consommateurs sur la viande bovine.
Par ailleurs, la transmission de l'ESB à l'homme, sous la forme de la maladie de Creutzfeld-Jakob, ne manque pas d'inquiéter, surtout si l'on se réfère aux prévisions, atterrantes par leur imprécision, sur le développement de la maladie, prévisions qui varient de quelques dizaines de cas à plusieurs milliers au cours des dix prochaines années.
Enfin, un troisième cas d'ESB a été récemment détecté dans le Calvados, ce qui montre que l'épizootie n'est pas pleinement éradiquée.
Certes, on a pu constater une reprise de la consommation, mais elle est tout de même inférieure de 10 % par rapport au niveau qui précédait la crise. Toutefois, les cours des bovins sont relativement bas, en particulier pour les vaches de réforme et les jeunes bovins. Or, dans le même temps, les autorités communautaires ont diminué le recours à l'intervention. La Commission européenne a décidé l'exclusion des abats à risque à compter du 1er janvier 1998 ; il s'agit, bien sûr, d'une mesure de précaution, mais elle compromet gravement la valorisation du cinquième quartier.
On ne saurait manquer d'évoquer les problèmes du financement de l'équarrissage et de l'incinération des déchets animaux.
La crise aura eu au moins une conséquence heureuse, celle de favoriser la traçabilité de la viande avec la mise en place d'un étiquetage informatif détaillé.
Enfin, je n'aurai garde de passer sous silence l'importante contribution de nos collègues, en particulier celle de M. Charles Descours, qui a déposé une proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à renforcer la sécurité sanitaire.
J'en viens, monsieur le ministre, au projet de réforme de la politique agricole commune présentée par la Commission de l'Union européenne sous le vocable « Agenda 2000 ». Les discussions du Comité spécial agricole sur le projet de la commission pour la viande bovine ont fait ressortir les profondes divergences entre les tenants de l'extensification de la production et les Etats qui mettent en cause le caractère partiel envisagé, la baisse du prix de soutien, qui serait à terme de l'ordre de 30 %. Le débat porte également sur les critères de densité, qui sont actuellement, pour la prime aux bovins mâles, de quatre-vingt-dix animaux par exploitation et de deux UGB - deux unités de gros bétail - par hectare.
Neuf de nos partenaires sont favorables à la réforme, le Royaume-Uni proposant une diminution de 35 % des prix garantis à l'échéance 2000 ou 2002.
La France, pour sa part, demande une étude d'impact des propositions de la Commission, et je vous rejoins, monsieur le ministre, lorsque vous estimez que les prévisions d'exportations présentées par les autorités européennes sont trop optimistes. Peut-on réellement compter sur une compensation à 80 % par une augmentation graduelle des primes à la vache allaitante et aux bovins mâles, complétée par une prime à la vache laitière ? Ces mesures permettront-elles de développer l'extensification de la production et la suppression de l'aide au maïs ensilage ? Je ne le crois pas. Il y a une vraie interrogation sur l'avenir du cheptel allaitant. Nous savons que les propositions de l'Agenda 2000 conduiraient à une nouvelle répartition du soutien direct. Celle-ci, en l'état des propositions, serait défavorable au cheptel allaitant français et nous pénaliserait donc au premier chef, alors que nous avons le premier troupeau allaitant d'Europe.
Cela aboutit à réduire la part du budget destinée aux primes à la vache allaitante et aux compléments extensifs. Cela a également pour répercussion une réduction relative de la place de la France dans le budget de l'organisation commune du marché de la viande bovine, et ce au profit de l'Allemagne.
Le soutien direct par les aides de l'OCM viande bovine est réorienté vers l'engraissement des mâles, qu'ils soient laitiers ou allaitants.
L'engraissement des femelles ainsi que l'activité de naissage sont donc pénalisés et le complément extensif marginalisé. Voilà qui me paraît très grave, monsieur le ministre.
Tout d'abord, cela démontre une méconnaissance technocratique, car si l'on pénalise les naisseurs, on fragilise bien évidemment les engraisseurs, à moins d'importer. Or c'est notre élevage qui doit subsister. Je considère que l'élevage extensif a sa raison d'être dans le domaine environnemental et même dans le domaine écologique. J'ose espérer qu'au sein du Gouvernement vous recevrez le soutien de Mme Voynet, car si nous voulons éviter une pollution par les nitrates, soutenons la prime à l'herbe et l'élevage extensif ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, ainsi que sur les travées socialistes.)
Je partage également votre point de vue, monsieur le ministre, lorsque vous estimez que le stockage privé n'est pas adapté au secteur bovin. Il me semble que le projet, présenté par M. Jacques Santer, de développer les exportations en abaissant les prix risque de sacrifier des pans entiers de la filière bovine. Vous ne pouvez pas, nous ne devons pas laisser faire, et le Sénat comme l'Assemblée nationale doivent être solidaires du Gouvernement pour protester avant qu'il ne soit trop tard contre la procédure dans laquelle on veut nous engager.
Je reprends totalement à mon compte les propos de M. Pierre Chevalier, président du conseil de direction d'OFIVAL, lorsqu'il s'interroge sur les assurances de stabilité du marché en l'absence de mesures de maîtrise et sans l'intervention publique. Quel effet sur le revenu et le nombre des exploitations auront les propositions de compensations à caractère partiel, particulièrement pénalisantes pour l'activité de naissage et d'engraissement de ces vaches allaitantes ?
En ce qui concerne l'Agenda 2000, j'ai pris connaissance avec intérêt des déclarations du directeur général de l'agriculture de la Commission de Bruxelles, qui a expliqué que le calcul des droits pour la prime à la vache laitière de 145 écus par tête serait ajusté selon le rendement laitier de chaque Etat membre en divisant le quota national par le rendement moyen communautaire.
Je souscris pleinement, monsieur le ministre, aux propositions de la profession laitière tendant à instituer un double prix du lait ; un prix garanti et un prix déterminé par les cours mondiaux afin de conquérir de nouveaux marchés, notamment dans les pays émergents d'Asie, mais à la condition de redonner plus de souplesse à nos producteurs quant aux possibilités de production.
Sur le problème de la production des veaux, la France est relativement isolée parmi ses partenaires européens. Là encore, monsieur le ministre, je partage votre point de vue concernant la nécessité de mettre un terme à la prime à la mise précoce sur le marché selon le poids des carcasses et à la prime à l'abattage des nouveaux-nés.
Comme vous l'avez parfaitement exprimé, lors du conseil agricole des 20 et 21 octobre, « nous sommes en train de ruiner l'équilibre du marché déjà fragile et avec lui l'équilibre du marché de la viande bovine et du lait ». Quant à la prime à la commercialisation précoce, elle est en effet inéquitable ; elle n'entre pas dans la vocation d'une aide communautaire en vue de la redistribution de la production entre les Etats membres.
Sans anticiper sur le débat que nous aurons dans quelques semaines sur le projet de budget de votre ministère, je constate que celui-ci est en quasi-stagnation, avec une augmentation limitée à 1,22 %. Je note toutefois l'effort qui a été accompli en faveur de la revalorisation des retraites agricoles, qui ont bénéficié d'une dotation de 500 millions de francs, abondée par un prélèvement sur le BAPSA de 180 millions de francs.
Sans faire de polémique, je noterai que, dans les deux années précédentes, la revalorisation avait été plus importante. Mais ce qui compte, c'est le cumul et que l'on continue à avancer dans la bonne voie.
Il est clair que nombre de retraites agricoles, en particulier nombre de pensions de réversion, se trouvent à un niveau indigne de notre société, s'agissant d'anciens travailleurs qui ont commencé leur vie professionnelle dès l'adolescence. Il faudrait en la matière se donner pour objectif de rapprocher le montant des retraites agricoles de celui du SMIC.
Je sais - M. Paul Raoult l'a dit tout à l'heure - que cette dépense pèserait très lourd sur le plan budgétaire. Mais les gouvernements successifs ont bien trouvé de l'argent pour les fonctionnaires ! Ils ont beaucoup plus de mal à en dégager pour la revalorisation des retraites agricoles. (MM. Machet et Huchon applaudissent.)
Alors, essayons de trouver les moyens de faire en sorte que cette page de notre histoire, qui n'est pas glorieuse, soit tournée. Nous avons des responsabilités collectives, mais nous nous devons de revaloriser nos retraites et surtout les pensions de réversion.
Je salue, monsieur le ministre, la priorité que vous avez donnée à l'installation des jeunes, dont la dotation budgétaire atteint 1 milliard de francs. Je me réjouis également que le fonds de gestion pour l'espace, le FGER, ait été doté de 140 millions de francs.
Enfin, je vous donne acte de l'effort consenti dans le domaine de l'enseignement agricole, tant public que privé, où l'on constate quelques créations d'emplois.
Dans quelques mois, monsieur le ministre, vous nous présenterez le projet de loi d'orientation agricole ; permettez-moi tout de même de m'étonner que vous n'ayez pas repris le texte préparé par votre prédécesseur, qui avait donné lieu à une large concertation entre votre ministère et les organisations professionnelles.
Il me semble qu'il y aura lieu dans ce texte de renforcer l'organisation économique de l'agriculture sur la base des filières et d'intensifier l'effort en faveur de la qualité des produits et de leurs propriétés sanitaires. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, dans le cadre de cette intervention, évoquer les thèmes de la production, du marché, des organisations communes des marchés, les OCM, de l'organisation à la base des producteurs, de l'industrie agroalimentaire et de la valorisation de la qualité des produits.
La production agricole est confrontée à une difficulté d'adaptation d'un marché toujours plus segmenté. Il existe, notamment, une contradiction entre la demande faite aux agriculteurs de fournir des produits alimentaires de plus en plus standardisés et une nécessité parallèle d'individualiser les produits, d'accentuer leur authenticité.
Que faut-il produire donc, et pour le vendre à qui ?
Au-delà de la réflexion stratégique et prospective qu'ils mènent, les exploitants agricoles français doivent se révéler toujours plus tacticiens pour trouver lors de chaque campagne le débouché le plus fructueux pour leur production. Cette réalité remet en cause l'économie sociale qui régit depuis cinquante ans l'organisation des producteurs.
On ne peut déplorer que chaque agriculteur de notre pays se soit mué en un opérateur économique comme les autres, au même titre qu'un artisan ou un commerçant par exemple. C'est l'une des conséquences d'une démarche collective extrêmement positive, laquelle s'est exprimée aussi à travers l'essor et les réussites de l'enseignement agricole - cela a été souligné. Il s'agit d'un mouvement depuis longtemps irréversible, qui a largement profité au revenu de la plupart des exploitants. La croissance formidable a suivi le développement des marchés et leur concentration. En contrepartie, elle s'est bien souvent accompagnée d'une perte de la maîtrise qu'avaient les agriculteurs de leurs marchés.
Le défaut actuel de maîtrise des filières est l'une des causes de la plupart des crises de surproduction ou, plus exactement, de l'inadéquation de l'offre à la demande que l'on a pu observer ces dernières années, notamment dans les secteurs des fruits et légumes ou de la viande bovine. Ce problème touche autant les productions fortement contingentées que les productions librement concurrentielles.
La qualité des produits que sanctionnent les signes de qualité - labels, appellations d'origine... - peut être une réponse efficace à ce problème de contrôle du produit fini. Encore faut-il qu'on associe les producteurs à la définition de ces signes et que l'on prenne en compte leur effort primordial de qualité. Encore faut-il leur accorder une part de la plus-value économique correspondant à leur effort. La gestion rigoureuse des signes de qualité et leur réappropriation par les agriculteurs, comme ils l'ont fait avec les AOC, leur permettra, entre autres, de retrouver l'initiative perdue dans l'élaboration et la mise en marché de leur production.
Mais cela ne sera pas suffisant. Il faudra aussi que l'Europe garantisse, à travers la réforme des organisations communes de marché, la pérennité d'un modèle agricole qui affirme les principes suivants.
Premièrement, l'ensemble des systèmes de production agricoles, intensifs ou extensifs, doivent avoir leur place et doivent pouvoir s'épanouir sur la totalité des territoires français et européen.
Deuxièmement, la présence de l'activité agricole doit être la clé de voûte du maintien en vie de très larges pans de notre territoire, et cette activité agricole ne doit pas avoir pour unique fonction de produire des biens alimentaires.
Troisièmement, les agriculteurs présents dans les zones les plus fragiles économiquement doivent être confortés dans leur rôle économique à travers la fonction de production.
Enfin, quatrièmement, les produits agricoles et les aliments ne sont pas des produits comme les autres. Ils sont dépositaires non seulement d'un patrimoine irremplaçable, mais encore d'enjeux vitaux pour notre indépendance, notre capacité à exporter vers les pays tiers et pour accompagner le développement des pays du Sud.
L'organisation économique des producteurs est l'un des éléments fondamentaux du développement durable de l'agriculture française. Les coopératives et autres groupements doivent-ils devenir de simples outils économiques de mise en marché ou bien doivent-ils conserver leur caractère initial d'organisation des agriculteurs d'un territoire donné ? On peut penser qua la nécessaire restructuration qui s'opère n'est pas l'unique réponse possible au besoin de dynamisation des coopératives. Rapprochons l'organisation économique des territoires, mais aussi redonnons aux producteurs un rôle central dans le choix des stratégies de leurs coopératives afin de redéfinir le rôle de ces organisations envers l'aval des filières agroalimentaires.
Il conviendrait donc d'appuyer plus sélectivement les mouvements coopératifs qui reverront dans ce sens leur système de fonctionnement, selon des modalités souples. Une réforme de la prime d'orientation agricole pourrait prendre en compte cette volonté politique. Je sais que le Gouvernement a décidé de réserver la quasi-totalité des aides nationales aux dossiers pouvant bénécicier de ces aides européennes, pour des raisons d'efficacité aisément compréhensibles.
Il est essentiel que nous conservions l'initiative dans ce domaine vital pour le dynamisme de nos entreprises agroalimentaires, singulièrement pour ce qui concerne les coopératives en les accompagnant le plus possible dans leur recherche d'accords avec l'aval, quand cette recherche émane de l'organisation des producteurs elle-même, et non l'inverse.
Cela passera par un développement de la contractualisation entre l'amont et l'aval, par un raccourcissement des schémas d'acheminement de la matière première jusqu'au produit transformé et distribué.
Le danger provient du fait que cette démarche est actuellement contrôlée par l'aval, en particulier par la grande distribution, tout simplement parce qu'elle est plus concentrée que les organisations de producteurs. Sa capacité d'initiative est donc plus forte.
La mise en marché de masse des produits ne profite ni à la qualité ni, en termes de prix, au consommateur. La rémunération du producteur peut bien descendre à des niveaux dangereusement faibles, la marge que s'octroie la grande distribution peut bien être réduite drastiquement, le coût global de l'alimentation dans le panier du consommateur ne baisse pas, bien au contraire. Il y a manifestement quelque chose à revoir d'urgence du côté du parcours intermédiaire des produits.
L'industrie agroalimentaire est la première industrie en France par son chiffre d'affaires, qui atteint 735 milliards de francs, et sa présence à l'exportation, qui en fait le premier facteur du solde excédentaire de notre balance commerciale.
Par ailleurs, la part relative des produits transformés dans nos exportations agroalimentaires augmente chaque année en valeur absolue comme en pourcentage. Cela veut dire plus de valeur ajoutée et plus d'emplois.
L'exportation est donc une nécessité absolue pour notre agriculture. Elle compense la faible progression de la consommation alimentaire dans un marché intérieur arrivé à saturation. Or nous ne parviendrons à développer nos exportations de produits agroalimentaires que par le biais des produits transformés. Cela renforce l'impératif, pour les paysans français, de reprendre le contrôle de leurs produits en aval.
Par ailleurs, nous savons que peu de choses peuvent être faites dans le cadre de la réforme en cours des organisations communes de marché. L'objectif visé par la Commission européenne est le même qu'en 1992 : d'une part, réduire les dépenses consacrées au soutien de l'agriculture - surtout en prévision de l'élargissement de l'Union - et, d'autre part, mettre en place les conditions qui permettront de renégocier les accords commerciaux multilatéraux de l'Organisation mondiale du commerce.
Quelles possibilités s'offrent pour agir en faveur de l'exportation de nos produits agroalimentaires ?
Il s'agit, d'abord, du renforcement de la compétitivité de notre agriculture par un soutien apporté à notre recherche et par la mise en cohérence des dépenses publiques, qui sont aujourd'hui disséminées et exposées à des réductions de crédit.
Ensuite, l'aide de l'Etat à l'exportation doit soutenir la promotion de nos produits agroalimentaires sur les marchés étrangers.
Enfin et surtout, il faut encourager les signes de qualité. J'ai dit notre satisfaction de voir cette préoccupation guider le travail préparatoire à l'élaboration de la future loi d'orientation agricole.
Ces trois éléments, la recherche, la promotion, les signes de qualité, doivent être au coeur du dispositif français d'amélioration de l'accès aux marchés tiers.
Je constate avec plaisir que plus du quart des implantations se font en milieu rural. Il y a là un mouvement spontané que nous devons encourager et renforcer, là encore de manière sélective, pour fixer la valeur ajoutée dans les régions de production. Les contrats de plan et la future PAC devront soutenir l'investissement des industries agroalimentaires dans les zones de production. C'est fondamental, car le terrain nous enseigne combien il est mortifère pour une activité agricole de perdre ses outils de transformation ; je le constate régulièrement, dans mon département, avec la disparition des abattoirs.
L'argument tendant à affirmer la nécessité de cette folle concentration ne résiste pas aux perspectives de réglementation européenne en matière de bien-être animal. Des contraintes vont être introduites, qui rendront toujours plus désavantageux, sur le plan économique, l'éloignement des abattoirs des lieux de production, d'autant que la traçabilité des carcasses est bien plus facile à vérifier que celle des animaux sur pied.
Il en est de l'industrie agroalimentaire comme de la coopération ou du soutien public à l'exportation : aucun résultat satisfaisant ne saurait être obtenu sans une réappropriation préalable par les producteurs de leurs outils de mise en marché.
L'analyse de cette situation est d'ailleurs très éclairante à l'égard de notre débat d'aujourd'hui. A l'une des extrémités de la filière se trouvent les producteurs et leurs représentants au sein des chambres d'agriculture ; à l'autre extrémité, les distributeurs : bouchers traditionnels ou grande distribution. Ce sont ces deux extrémités de la filière qui ont joué le rôle moteur dans l'établissement de la traçabilité, et les échelons intermédiaires ont suivi.
Que se passe-t-il maintenant, un an et demi après le début de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine ? Les distributeurs ont pris le pli d'une information plus complète auprès des consommateurs, et la mise en place de la réglementation sur l'étiquetage a conforté leur démarche plus qu'elle ne l'a contrainte.
Ces mêmes distributeurs ont, à vrai dire, accru leur emprise sur la filière. Les éleveurs, pour leur part, ont engagé un important effort, dont on leur explique en général qu'ils ne doivent pas attendre de retombées économiques autres que la possibilité de continuer à écouler leur production. Les acheteurs ne peuvent leur garantir de prix, pas plus qu'ils ne peuvent assurer des apports réguliers aux abattoirs. La restructuration de la filière viande n'a pas profité aux éleveurs.
On m'objectera que le cas de la viande bovine, comme celui des fruits et légumes, est extrême, de par la très forte dispersion de la filière. Mais la filière porcine, la filière avicole, qui sont très intégrées, et, plus encore, la filière des céréales souffrent d'un même dessaisissement des agriculteurs du pouvoir décisionnel.
On en arrive au paradoxe qui voit des exploitants agricoles de mieux en mieux formés et toujours plus aguerris à la gestion économique, commerciale et financière de leur exploitation perdre parallèlement, et de plus en plus, la maîtrise des choix de production conditionnant l'avenir de leur activité.
Le développement durable ne s'accommode pas de tactiques à court terme dictées par l'opportunité, c'est-à-dire le souci de profiter d'une aide européenne, ou par la crainte de ne pas atteindre la masse critique qu'imposerait le marché. On veut aider les agriculteurs soucieux de se réapproprier la mise en marché de leurs produits parce qu'on veut les aider à assumer à nouveau pleinement leur responsabilité de chef d'entreprise.
Il ne s'agit pas d'opposer deux modèles d'agriculture, l'une productiviste et l'autre chargée seulement d'occuper le territoire. Il est important de percevoir la richesse et la chance qu'incarne la production agricole dans toutes les régions de France et de reconnaître la multiplicité des modèles de développement possibles.
Dans un environnement économique en évolution constante, avec des marchés eux-mêmes évolutifs, les modèles types ont vécu. Chaque agriculteur français doit être soutenu s'il souhaite élaborer une stratégie d'évolution et d'adaptation en intégrant des éléments tels que la disponibilité en main-d'oeuvre de l'exploitation, les éventuels marchés de proximité, la situation du marché foncier ou bien encore la valorisation possible des matières premières produites par l'exploitation. Cette démarche serait, en elle-même, une recherche de qualité que nous pourrions encourager comme telle.
Quant à la qualité des produits, on peut penser qu'elle passe d'abord par la définition rigoureuse d'un produit clairement identifié à un territoire. Des exemples nombreux témoignent qu'il suffit parfois de se pencher sur le passé et les traditions alimentaires de sa région pour y puiser la bonne idée, le bon produit.
Il revient cependant, au premier chef, à l'Etat d'attester la rigueur des signes de qualité, suivant en cela une politique ancienne sur laquelle s'appuie la crédibilité des normes françaises. Je sais que le ministère met ce développement des garanties officielles au rang de ses actions principales au titre IV de son projet de budget pour 1998 et que les actions en direction de l'agriculture biologique seront renforcées. On ne peut que s'en réjouir.
J'ai essayé, monsieur le ministre, de souligner que la question économique du devenir des exploitations agricoles françaises peut et doit être traitée non seulement aux niveaux national et international, mais encore à l'échelle de chaque exploitant agricole.
Se réapproprier la définition et la mise en marché de sa production ne signifie pas, loin de là, retourner à l'individualisme d'avant-guerre. C'est, tout au contraire, oeuvrer pour un développement en solidarité des exploitations de sa région et de l'ensemble du territoire rural. C'est également affronter avec ses propres armes le futur incertain des marchés agroalimentaires, avec ses propres armes, c'est-à-dire avec les meilleures armes et de toutes ses forces.
Il faut faire des choix, prendre acte du dynamisme incontestable de la filière agroalimentaire et s'en féliciter.
Ce dynamisme ne saurait être entravé, et l'on voit bien que c'est plus en faisant preuve d'imagination que d'esprit de contrainte que nous pourrons infléchir, dans un sens plus favorable aux producteurs, l'évolution économique de l'agriculture française.
Pour ma part, je retiendrai deux idées forces qui pourraient inspirer notre réflexion commune.
Premièrement, en restituant aux agriculteurs le caractère original de leur économie sociale, nous leur rendrons le pouvoir économique dans leurs filières.
Deuxièmement, l'ensemble des agriculteurs doivent, partout et quel que soit leur système d'exploitation, être considérés en priorité comme des producteurs.
L'importance des crédits affectés par la nation et par l'Europe à l'agriculture indique assez la nécessité de conserver la maîtrise politique de notre devenir agricole et rural.
L'Union européenne est le terrain où doivent être assumées les options claires qui engageront la vie de notre agriculture dans les prochaines décennies.
J'ajoute, pour conclure, monsieur le ministre, que l'exigence d'une raison retrouvée sur les marchés agro-alimentaires est particulièrement pressante chez les producteurs eux-mêmes. Ne les décevons pas. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. William Chervy. C'est vraiment un spécialiste qui a parlé !
M. le président. Mes chers collègues, le Sénat va maintenant interrompre ses travaux ; il les reprendra à vingt et une heure quarante-cinq.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons le débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur l'agriculture.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Rigaudière.
M. Roger Rigaudière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que nous en avons pris l'habitude depuis longtemps, tout débat parlementaire national sur l'agriculture est dominé, dans une large mesure, par des considérations sur la politique agricole commune initiée à l'échelon européen.
Notre discussion aujourd'hui n'échappe pas à la règle puisque l'Agenda 2000 de la Commission de Bruxelles - surnommé, abusivement sans doute, « paquet Santer » - introduit une réforme en profondeur de la politique agricole commune, qu'il s'agisse de ses objectifs, de ses mécanismes ou de son mode de gestion.
Cette réforme pourrait être louable dans ses ambitions mais elle officialise, en matière de soutien communautaire, une logique qui risque d'être préjudiciable à des catégories entières de productions, et donc d'exploitations et de régions agricoles.
Elu d'un département du Massif central, le Cantal, situé au coeur du bassin allaitant, je souhaiterais plus précisément me faire l'écho de la vive inquiétude que suscitent d'ores et déjà dans le milieu de l'élevage bovin traditionnel les perspectives d'une mise en oeuvre de la nouvelle politique agricole commune.
Nous savons tous que l'objet central de la réforme est de consolider la place de l'Union européenne comme grande puissance exportatrice de produits agricoles, et, dans le contexte de totale ouverture des économies et de mondialisation des marchés au sein duquel nous évoluons désormais, nul ne peut mettre en doute l'opportunité d'un tel objectif.
Afin d'y parvenir, il est prévu de supprimer progressivement les soutiens au prix en « laissant filer » ceux-ci à la baisse - moins 30 % pour la viande de boeuf, moins 20 % pour les grandes cultures et moins 10 % pour le lait - le but étant naturellement de garantir la compétitivité de nos produits sur les marchés, tant européens qu'extérieurs à l'Union, et de se trouver ainsi en position de force lorsque débuteront les futures négociations de l'Organisation mondiale du commerce.
On attend en particulier de la baisse des prix le maintien d'un niveau suffisant de protection aux frontières en cas de nouvelles diminutions des tarifs douaniers ainsi qu'une atténuation de la contrainte à l'exportation, puisque les volumes exportés sans restitutions devraient normalement augmenter.
Cette logique paraît limpide et bénéfique et, pourtant, à y regarder de plus près, ce pari de la compétitivité n'est pas sans risque.
Ainsi, même dans un contexte de forte baisse des prix, il est difficile de tabler avec certitude sur une expansion notable de nos exportations vers l'Asie, car les marchés asiatiques, cible avouée de notre effort exportateur à venir, sont une chasse gardée des Etats-Unis et de l'Australie.
Si l'on considère la question des productions exportables et que l'on prend l'exemple précis du lait, il y a également fort à parier que la baisse du prix d'intervention envisagée ne soit pas suffisante pour que l'on puisse exporter sans restitutions, ce qui bridera, de fait, l'effort à l'exportation.
Pour ce qui est du marché intérieur européen, et en considérant maintenant le cas de la viande rouge, il n'est pas certain que la consommation progresse dans les proportions attendues, dans la mesure où les baisses de prix à la production risquent d'être annulées par les coûts des intermédiaires, à savoir les industriels et les distributeurs. Autrement dit, ce n'est donc pas nécessairement au consommateur que bénéficieront ces baisses.
On pourrait citer d'autres exemples qui montreraient, eux aussi, qu'en réalité la logique de baisse des prix est sujette au doute et rend dès lors moins évident l'objectif de compétitivité accrue de nos produits sur les différents marchés.
Mais, ces observations étant faites, je tiens surtout à mettre l'accent sur les vives préoccupations que m'inspire la logique même du « paquet Santer » pour l'agriculture, à savoir l'articulation envisagée entre action sur les prix et soutiens directs.
Comme nous le savons tous, l'idée centrale de la réforme de la politique agricole commune consiste à compenser les baisses de prix consécutives à la « mise en veilleuse » des mécanismes de compensation par des hausses des aides directes versées aux exploitants pour les différents types de productions : en un mot, on attend de ce rééquilibrage le maintien du revenu des agriculteurs.
De fait, les hausses envisagées pour les aides sontsubstantielles, notamment dans le secteur de la viande bovine. Ainsi la prime au maintien du troupeau allaitant et la prime spéciale bovin mâle doivent augmenter de façon notable, et une prime ainsi qu'une aide directe à la vache laitière pourraient faire leur apparition.
A première vue, nous sommes là en présence de garde-fous, susceptibles d'éviter aux éleveurs de faire les frais des baisses de prix sur les marchés.
En réalité, cependant, ce nouveau dispositif risque de s'avérer hautement préjudiciable à certaines catégories de productions - l'élevage bovin extensif en particulier - et, par voie de conséquence, à des zones géographiques entières spécialisées dans ces productions.
Le grand danger contenu dans les propositions de l'Agenda 2000 est, en effet, qu'elles visent à réduire la politique agricole commune à une politique des revenus réalisée au moyen d'aides de plus en plus découplées et uniformes, au mépris de la diversité des systèmes de production et des spécificités territoriales.
En m'efforçant de rester le plus bref possible, je préciserai ma critique à travers trois remarques.
Tout d'abord, est-il besoin de rappeler, alors que ce fait très simple avait déjà été dénoncé lors de la réforme de 1992, que le découplage entre l'acte de prodution et le revenu engendre une logique d'assistanat social qui, psychologiquement, est très mal vécue par les exploitants ? Il est, en effet, humiliant de ne plus réellement vivre des fruits de son travail.
Par ailleurs, on sent bien dans ce découplage entre un acte productif vidé de son sens et la source du revenu une forme de hiatus économique relativement pernicieux. Qu'arrivera-t-il en effet, avec ce système de soutien du revenu par les aides directes, le jour où les prix, abandonnés sans correctifs à la stricte logique du marché, s'effondreront pour une raison ou pour une autre ?
En pareil cas, on ne pourra pas apporter de compensation immédiate et adaptée à travers les aides directes, dont la fonction « naturelle » est de soutenir et d'orienter les productions, et non de réagir aux baisses de prix. Il faut pour cela une souplesse et une réactivité que possédaient les mécanismes d'intervention sur les prix et les marchés, mais dont sont dépourvues les aides directes, tout simplement parce qu'elles ne sont pas faites pour cela.
Bref, on se trompe de levier économique quand on prétend affecter ces aides à une politique des prix, et cela peut être un piège dangereux pour les agriculteurs, qui risquent de voir leurs revenus en pâtir.
Enfin et surtout, le « paquet Santer », en conférant aux aides directes la fonction de maintenir le revenu qui ne devrait pas être la leur, débouche logiquement sur une uniformisation et une forme d'évolution de ces aides qui me paraissent menaçantes.
C'est ainsi que, pour l'élevage, une aide identique serait instaurée pour les vaches laitières et allaitantes, sans que soient prises en considération les conditions réelles de production et, en particulier, la zone géographique dans laquelle se situe l'exploitation.
De plus, la nouvelle répartition des soutiens directs pénalise le cheptel allaitant en réorientant la production vers l'engraissement des mâles, qu'ils soient issus du troupeau allaitant ou du troupeau laitier. L'activité d'engraissement pouvant être beaucoup plus importante, en quantité, au sein du troupeau laitier, c'est sur ce dernier que vont se concentrer les primes. Or, il est douteux que cette orientation soit toujours justifiée, notamment dans le cas de l'élevage laitier intensif.
L'activité de naissage, qui compte beaucoup dans les systèmes extensifs, est oubliée dans cette réorientation des soutiens.
Au total, le nouveau dispositif privilégie clairement les systèmes d'élevage intensifs et industriels ainsi que la viande issue du troupeau laitier.
L'élevage allaitant extensif, pourtant vital dans des zones entières telles que le Massif central, fait figure de sacrifié.
Je crois que l'on mesure bien, à travers cet exemple, les distorsions introduites par la nouvelle logique de la PAC. En l'occurrence, les aides directes sont partiellement détournées de leur vocation initiale, qui était d'apporter un soutien adapté, différencié et important à certaines productions afin de corriger les aléas liés aux structures d'exploitation et au territoire.
Cette approche, qui définit la politique agricole au plein sens du terme, se trouve aujourd'hui remise en question.
Bien entendu, j'espère qu'il est encore temps d'infléchir différemment les orientations du « paquet Santer », en réaffirmant l'importance du lien entre productions et territoire et en en tirant les conséquences pour l'affectation des aides.
Ce lien entre production et territoire est un lien de dépendance réciproque, le territoire, pour continuer à vivre, ayant besoin de voir son activité de production dominante soutenue et encouragée. A l'inverse, l'activité de production ne peut demeurer viable que si sont activement prises en compte les spécificités du territoire où elle s'exerce. Il ne peut y avoir de politique agricole digne de ce nom sans cette vision globale des problèmes.
Cette interdépendance est évidente dans le cas du grand bassin allaitant, dont le sort est lié à celui de l'élevage bovin, et réciproquement.
Il n'est pas abusif en effet de considérer que la survie du bassin allaitant est liée au dynamisme de l'élevage bovin, car celui-ci, bien souvent, y représente la seule activité viable et anime, en aval, un pan entier de la vie économique en faisant entrer en jeu de nombreux intervenants, des entreprises de négoce aux ateliers de découpe, en passant par les activités de transformation et de distribution, les marchés aux bestiaux et les abattoirs.
L'affaiblissement de cette filière économique ne manquerait pas de se traduire rapidement par une accélération des phénomènes de désertification du Massif central et d'ailleurs.
Aussi y aurait-il quelques contre-propositions réalistes à opposer à l'Agenda 2000 pour la sauvegarde de la filière bovine traditionnelle. Je n'en citerai que quelques-unes : d'abord, le maintien de prix élevés, dussent-ils, pour cela, être à nouveau garantis ; ensuite, le renforcement des outils de gestion publique des marchés, qu'il s'agisse des mécanismes d'intervention ou de la gestion des droits à produire ; enfin et surtout, la reconnaissance du rôle spécifique de primes telles que la prime au troupeau allaitant, la prime spéciale bovin mâle et l'instauration d'une prime de base à l'hectare qui ne serait accordée que pour les surfaces supportant une production.
Cette logique qui, pour l'élevage bovin à l'herbe, fait référence à un niveau de chargement à l'hectare a déjà été introduite dans les mécanismes de soutien, mais elle doit être développée, car elle lie judicieusement production et occupation de l'espace. Pour l'élevage extensif, un critère de chargement à l'hectare oscillant entre 0,3 et 1 UGB semblerait judicieux.
Quant aux autres mesures à prendre, qu'elles s'inscrivent ou non dans le périmètre d'action du « paquet Santer », elles illustrent, cette fois, la dépendance de la production vis-à-vis du territoire. Autrement dit, ce sont des soutiens spécifiques à apporter au territoire, mais dans l'intérêt bien compris de l'activité productive elle-même.
En l'occurrence, il s'agit pour l'élevage extensif de percevoir les bénéfices d'une politique d'atténuation des handicaps menée en faveur des zones de montagne et des zones défavorisées.
Ainsi, il semblerait indispensable de maintenir la prime à l'herbe, voire de revaloriser son montant afin de compenser les contraintes environnementales nouvelles.
Il faut également veiller à ce que les soutiens du type indemnité spéciale de montagne conservent leur vocation spécifique et ne soient donc pas noyés dans un ensemble de simples mesures agri-environnementales.
Plus généralement enfin, il ne faudrait surtout pas que nous assistions à un début de démantèlement de la politique rurale de l'Union européenne - je songe notamment à la diminution d'un tiers de la superficie du zonage 5b - pas plus qu'à une remise en cause des objectifs qui ont sous-tendu jusqu'à présent la politique de la montagne. En disant cela, je me réfère au tout nouveau concept écologique de « zone à haute valeur naturelle », qui prendrait éventuellement le pas sur la notion traditionnelle et économique de « handicaps géographiques » qui, elle, a fait ses preuves.
En conclusion, monsieur le ministre, je dirai que le scepticisme que m'inspire la nouvelle réforme de la politique agricole commune n'est en rien dicté par une conception frileuse ou conservatrice du devenir de notre agriculture.
Comme nombre de mes collègues qui partagent mes interrogations, je suis tout à fait partisan d'une agriculture moderne et performante, compétitive sur les marchés et dynamique à l'exportation.
Simplement, je souhaite que cette agriculture continue à être bien répartie dans l'espace naturel de notre pays, que son développement demeure harmonieux d'une branche à l'autre, que sa gestion continue à intégrer des exigences liées à l'aménagement du territoire, au développement rural et aux zones fragiles, et, enfin, que ses productions satisfassent les aspirations de nos concitoyens en matière de qualité, d'authenticité et d'environnement.
Je tenais à vous dire, monsieur le ministre, que je trouve encourageantes vos déclarations récentes sur les propositions de la Commission relatives à la viande bovine. En effet, vous avez jugées ces propositions « très déséquilibrées au détriment de l'élevage extensif, allaitant et spécialisé », et vous vous êtes déclaré favorable à une « prime liée au sol ».
Pour l'ensemble des raisons que j'ai exposées, nous resterons, pour notre part, très vigilants, et nous jugerons de l'efficacité réelle du Gouvernement à travers sa capacité à faire entendre à Bruxelles vos propres arguments, que je viens de citer. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Pourchet.
M. Jean Pourchet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je reviens sur un projet qui a déjà été discuté, en évoquant d'abord la mise aux normes des bâtiments d'élevage. Je rappellerai que les éleveurs sont aujourd'hui massivement engagés dans le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole.
Le schéma de financement du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole a placé un sixième des dépenses à la charge de l'Etat, un sixième à la charge des collectivités locales, un tiers à la charge des agences de l'eau et, enfin, un tiers à la charge des éleveurs. Les spécifications imposées, voire excessives, ont conduit à un coût élevé des travaux.
Dans la réalité, les éleveurs sont conscients du fait qu'ils supportent largement plus du tiers du coût des travaux, compte tenu des plafonds de financement et de la non-prise en compte de tous les travaux contribuant à la protection de l'environnement.
Mais il importe aussi de mettre en place une règle dite de réciprocité, visant à limiter, voire à interdire l'implantation de maisons d'habitation à moins de cent mètres des exploitations agricoles, afin de favoriser une bonne cohabitation entre les agriculteurs et leurs voisins. En effet, si les agriculteurs sont contraints de respecter une distance minimale par rapport aux habitations pour l'édification de leurs bâtiments, la réciproque n'est pas obligatoire, et l'on accorde encore des permis de construire pour des habitations qui seront situées à proximité de bâtiments agricoles, le constructeur profitant des équipements et des réseaux desservant l'exploitation. Cela fait naître des litiges entre les agriculteurs et leurs voisins, en raison des nuisances créées par les bâtiments d'élevage.
Au moment où les éleveurs font des efforts sans précédent dans le cadre du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, la mise en place d'un dispositif contribuant à limiter les recours contentieux, tout en garantissant le maintien des exploitations, paraît essentielle.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous voudrez bien m'apporter sur ce point.
Par ailleurs, mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même observons avec satisfaction que le Gouvernement a répondu à l'attente des organisations agricoles, tout au moins en partie, s'agissant des retraites les plus faibles.
Ainsi, vous avez fait adopter par l'Assemblée nationale, le 23 octobre dernier, lors de l'examen du projet de budget de l'agriculture pour 1998, un amendement qui est la traduction budgétaire de la revalorisation de certaines pensions agricoles au 1er janvier prochain. Les conjoints ayant travaillé sur l'exploitation, les anciens aides familiaux et ceux d'entre eux qui ont été chefs d'exploitation pendant quelques années seulement en bénéficieront.
Si notre priorité, comme celle des organisations agricoles, va aux conjointes, aux veuves retraitées, aux anciens aides familiaux et aux plus âgés parmi les anciens exploitants qui ont aujourd'hui les plus faibles droits, l'objectif est néanmoins qu'un agriculteur retraité, qui a cotisé toute sa carrière au régime des non-salariés agricoles, bénéficie d'une pension au moins égale à 75 % du SMIC, ce qui représenterait 3 778 francs par mois.
Certains ont dit tout à l'heure qu'il s'agissait d'une somme importante, mais combien cela représente-t-il par rapport aux 35 milliards de francs inscrits pour l'augmentation du SMIC ou au 0,5 % accordé à la fonction publique ?
Cette pension est indispensable pour ceux qui ont travaillé cinquante ans. En effet, ceux qui prennent leur retraite aujourd'hui ont commencé leur vie active à l'âge de quinze ans, parfois même avant, pour la cesser à soixante-cinq ans, voire au-delà, compte tenu de la faiblesse de leur retraite.
Il reste donc encore beaucoup à faire, et je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir prendre l'engagement devant notre Haute Assemblée que la loi d'orientation agricole, prévue pour le printemps prochain, retiendra cet objectif qui relève de la dignité collective de la nation. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le ministre, après avoir entendu vos propos sur la présentation du budget de l'agriculture et de la pêche, je voudrais dire combien je ne partage pas votre optimisme. Une véritable volonté politique se manifeste par des crédits en forte progression, ce qui n'est pas le cas pour certains secteurs de ce budget.
M. Bernard Piras. Ce n'est pas ce que le président François-Poncet a dit ce matin en commission !
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le ministre, vous avez placé ce budget dans le contexte de la réforme de la PAC, ce qui paraît bien naturel, mais dans le même temps, vous avez évoqué les orientations qui sont données par la Commission européenne. Elles sont souvent contradictoires avec vos objectifs ; nous devons réaffirmer à haute voix la spécificité de l'agriculture française dans l'Europe. Les régions en voie de désertification sont des régions d'élevage extensif. Comment, avec une baisse de 30 % du prix d'orientation, pouvons-nous espérer maintenir des éleveurs et installer des jeunes agriculteurs ?
M. René-Pierre Signé. Cela n'a pas encore été accepté !
M. Jean-Paul Emorine. Il faut envisager des aides aux surfaces en herbe. Pour la simplification des dossiers - c'est une de mes suggestions - ...
M. Bernard Piras. Nous menons le même combat !
M. Jean-Paul Emorine. ... les primes pour les vaches allaitantes et les bovins mâles pourraient être globalisées en fonction du nombre d'UGB sur l'exploitation, et surtout au regard du livre des bovins. Parmi vos priorités, vous évoquez l'installation des jeunes et de jeunes hors cadre familial, mais vous faites valoir l'importance des capitaux nécessaires à leur installation, capitaux qui n'auront qu'une faible rentabilité mais qui sont indispensables à leur installation. Les études prévisionnelles d'installation font souvent apparaître de lourds investissements, pour dégager un salaire disponible souvent inférieur au SMIC. A partir du moment où des jeunes pourront avoir comme perspective un meilleur revenu, ils s'installeront. Mais pour cela, il faut redéfinir les conditions de transmission des exploitations, de financement à taux préférentiel ; aujourd'hui, les marchés financiers nous le permettent.
Pour favoriser l'installation des jeunes agriculteurs, je souhaiterais que le dispositif de préretraite soit reconduit uniquement pour les agriculteurs qui cèdent leur exploitation à des jeunes voulant s'installer ou qui sont installés depuis moins de cinq ans,...
M. Paul Raoult. Très bien !
M. Jean-Paul Emorine. ... la participation de l'Union européenne représentant 50 % du coût de la préretraite. En ce qui concerne les retraités agricoles, vous devriez prendre davantage en compte le rôle qu'ils ont assuré dans le cadre de l'aménagement de l'espace rural, et faire en sorte que la revalorisation des plus petites retraites atteigne celle des autres secteurs.
Monsieur le ministre, vous avez exprimé votre volonté de donner les moyens financiers nécessaires à l'aménagement de l'espace rural. Le Fonds de gestion de l'espace rural pourrait être un financement très appréciable, pour les agriculteurs mais aussi pour les collectivités locales. La dotation de 140 millions de francs n'est pas significative de votre volonté.
M. Aubert Garcia. C'est mieux que zéro franc l'an dernier !
M. Jean-Paul Emorine. Dans le cadre de la loi de 1995 relative à l'aménagement et au développement du territoire, la dotation initiale s'élevait à 500 millions de francs, ce qui semble un montant minimal pour atteindre l'objectif que vous vous fixez.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire une proposition sur la mise en oeuvre du Fonds de gestion de l'espace rural. Ce fonds a été institué à la demande de la profession agricole et il doit être utilisé pour améliorer les conditions d'exploitation et d'entretien de nos espaces ruraux. Les agriculteurs doivent être prioritaires, ce que je conçois naturellement. En revanche, les collectivités locales, maîtres d'ouvrage, peuvent faire réaliser les travaux par des agriculteurs, mais souvent, s'agissant de l'entretien de chemins d'exploitation, ces travaux ne peuvent être réalisés par des agriculteurs, bien qu'il visent à améliorer les conditions d'exploitation.
Monsieur le ministre, compte tenu de cette difficulté, les collectivités locales ne pourraient-elles pas confier ce type de travaux à des entreprises ?
En 1994, les débats sur l'aménagement et le développement du territoire ont bien mis en lumière les liens profonds qui unissent nos concitoyens au monde rural. On peut mesurer chaque jour le poids grandissant des activités agricoles et agroalimentaires en termes d'équilibre de la balance extérieure, de maintien de l'emploi ou de préservation de l'environnement.
Quel secteur autre que l'agriculture occupe plus de 80 % du territoire national, tout en représentant, avec ses activités en amont et en aval, 16 % des emplois et en dégageant un excédent commercial supérieur à 50 milliards de francs ?
Existe-t-il un autre domaine d'activité qui symbolise tout à la fois les valeurs permanentes de notre société et les avancées de la construction européenne ?
Aujourd'hui, l'agriculture française est confrontée à une situation difficile. Elle doit s'adapter à la politique agricole commune et aux accords du GATT. Nos producteurs agricoles et nos industriels du secteur agroalimentaire doivent impérativement augmenter leurs parts de marchés dans un monde où la concurrence se fait chaque jour plus vigoureuse.
Tous éprouvent de multiples incertitudes, celles qu'entraîne le prochain élargissement de l'Union européenne, celles qu'inspire l'évolution des marchés agricoles mondiaux.
Mais - c'est là ma conviction profonde - notre secteur agricole et agroalimentaire dispose de ressources considérables qui doivent l'aider à affronter les enjeux d'avenir. Sa principale richesse, ce sont ces hommes et ces femmes qui, par leur créativité et leur ténacité, ont permis en agriculture une augmentation de la productivité et fait de notre pays le deuxième exportateur agroalimentaire mondial.
Notre pays, à travers ses régions, est riche d'histoire, de traditions et de savoir-faire. Les agriculteurs doivent pouvoir profiter au maximum du fruit de leur travail. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RSPE.)
M. René-Pierre Signé. C'est très bien, mais il a oublié le budget de l'année dernière !
M. le président. La parole est à M. Belcour.
M. Henri Belcour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat pour lequel nous sommes réunis aujourd'hui intervient avant d'autres rendez-vous importants pour le monde agricole : l'examen futur par notre assemblée du projet de budget pour l'agriculture, puis du projet de loi d'orientation agricole, sur lequel vous travaillez sans doute actuellement, monsieur le ministre.
Certains pourraient donc être tentés de qualifier le présent dialogue de redondant. Il est, cependant, non dénué d'intérêt, car il permet au Sénat de dresser un constat de la situation dans laquelle se trouve notre agriculture, de faire le point et de dégager ensemble des perspectives d'action pour l'avenir.
Notre pays jouit à la fois d'une vocation agricole qu'il convient de confirmer sans complexe et de solides atouts qu'il nous appartient de sauvegarder avec détermination.
On ne peut néanmoins passer sous silence la crise d'identité qui agite parfois le milieu paysan, sème le trouble et laisse encore et toujours de nombreuses questions sans réponse.
Cette crise revêt, en fait, plusieurs formes.
Tout d'abord, le modèle de développement, tel qu'il a été défini par les lois d'orientation du début des années soixante, après avoir connu des années de succès remarquables, tend à s'essouffler. Alors que des efforts de productivité sont consentis sans cesse, le revenu diminue.
La politique agricole commune, quant à elle, bien qu'incontournable, est parfois perçue plus comme un handicap que comme un atout. Plus globalement, le monde rural sent le décalage entre lui et les villes s'accentuer, en même temps qu'il voit s'accroître la distance entre le terroir et les centres de décision, qu'ils soient nationaux, communautaires ou internationaux.
Au total, les agriculteurs peuvent apparaître à certains moments désorientés, voire démobilisés, faute d'un véritable projet fédérateur pour leur avenir. Je ne mettrai pas là en cause leurs organisations professionnelles, dont le dynamisme reste exemplaire.
Il faut toutefois reconnaître que les difficultés sont nombreuses, que le monde agricole s'avère, pour employer une expression très usitée ces temps-ci, « pluriel » et que, par voie de conséquence, les remèdes miracles sont loin d'être aisés à définir et à appliquer.
Je me bornerai donc, dans mon propos, à évoquer quelques questions en suspens dont la résolution me paraît de plus en plus urgente. Mais je m'efforcerai d'avancer en même temps, au nom de mon groupe politique, des propositions d'action.
En tout premier lieu, et bien que certains de mes collègues s'y soient déjà attardés, je veux revenir sur le volet agricole contenu dans le document d'orientation présenté par le président de la Commission de l'Union européenne, plus communément appelé « Agenda 2000 ».
Il est en effet difficile de ne pas aborder ce sujet à l'approche du Conseil européen prévu au Luxembourg, les 12 et 13 décembre prochain, alors que se préparent les négociations de la future Organisation mondiale prévue pour dans deux ans.
Même si l'on est attaché à la préférence communautaire, comment ne pas se montrer inquiet de ce qui est proposé dans le « paquet Santer » ?
On peut, certes, concevoir que l'affectation de 51 % des crédits européens à l'agriculture peut représenter une lourde charge ; quoi qu'il en soit, on ne saurait accepter sans conditions tout infléchissement en la matière.
Les réformes envisagées pour la politique agricole commune semblent en effet ignorer les exigences particulières de l'élevage en zone herbagère.
L'élevage peut apparaître d'emblée défavorisé par rapport aux autres productions soumises aux organisations communes de marché, pour lesquelles les aides compensatoires à l'hectare sont beaucoup plus élevées.
C'est pourquoi l'Etat a judicieusement mis en place une prime à l'herbe, de manière à participer à la rentabilité des élevages dans les zones réputées difficiles.
Il en est ainsi de mon département, qui, situé à la lisière du Massif central, bénéficie d'une réputation de qualité en matière de production agricole. Grâce à ses élevages de tradition, comme celui des veaux de lait élevés sous la mère, à son industrie laitière et fromagère connue dans le monde entier, cette région s'efforce de répondre encore mieux aux exigences du marché, avec la mise en place de garanties d'origine et le développement de produits biologiques, tout cela en respectant, bien sûr, l'environnement.
C'est pourquoi, à une période où l'on parle plus que jamais de qualité des produits, sur les plans tant gastronomique que sanitaire, il convient de maintenir et d'encourager l'élevage traditionnel, en raison de son rôle à la fois économique et environnemental.
Les organisations professionnelles comme les chambres d'agriculture ont d'ores et déjà procédé à des simulations. Selon elles, le nouveau dispositif envisagé signifierait une perte évaluée entre 1 000 francs et 1 200 francs par tête de bétail, soit environ 40 000 à 50 000 francs pour une exploitation corrézienne moyenne.
Les responsables agricoles ont des propos clairs et nets ; selon eux, l'application en l'état des propositions prévues dans Agenda 2000 constituerait « un véritable désastre ». Aussi attendent-ils instamment de vous, monsieur le ministre, des garanties concernant la pérennisation de la prime à l'herbe, d'une part, mais aussi et surtout un infléchissement des propositions contenues dans le « paquet Santer », d'autre part.
Il ne faut donc pas que le Gouvernement français relâche son soutien et ses actions en faveur de ses agriculteurs. C'est pourquoi nous aimerions savoir quelle attitude vous adopterez lors de ces négociations, monsieur le ministre.
Après les activités, j'en viens à présent aux acteurs, ces hommes et ces femmes auxquels nous devons, grâce à leurs années de labeur infatigable, la place qu'occupe aujourd'hui notre agriculture sur la scène internationale.
Et pourtant, la situation dans laquelle se trouvent les retraités agricoles est - il faut le dire - inadmissible. Qu'on en juge par le montant des pensions, à savoir 2 190 francs par mois en moyenne pour un ancien chef d'exploitation, tandis que l'épouse percevra, elle, 1 147 francs dans les mêmes conditions. La disparité avec les autres catégories socioprofessionnelles est, en ce domaine, plus que flagrante. Peut-on, de nos jours, vivre avec 1 147 francs par mois, même si c'est à la campagne ?
Je prends la Haute Assemblée à témoin ; il s'agit avant tout d'une affaire de dignité, et il est grand temps de porter remède à cette injustice.
Certes, il convient de le rappeler, des efforts ont été consentis par les deux gouvernements précédents. Ce sont ainsi quelque 2,8 milliards de francs en année pleine qui ont été apportés pour revaloriser les retraites agricoles, que ce soit pour réévaluer les montants les plus faibles applicables aux chefs d'exploitation en 1994, ou qu'il s'agisse de la réforme des pensions de réversion réalisée grâce à la loi de modernisation agricole de 1995.
Il faut aussi rappeler que le projet de loi d'orientation pour l'agriculture préparé par M. Philippe Vasseur, votre prédécesseur, monsieur le ministre, comprenait, à la demande du Président de la République, un volet relatif aux retraites des agriculteurs. Ce dispositif avait pour objet la revalorisation progressive des plus faibles d'entre elles, de manière à assurer à la fois aux chefs d'exploitation, à leurs conjoints et aux aides familiaux ayant eu une carrière complète un niveau minimum de revenus comparable à ceux des autres secteurs d'activités.
Il n'en demeure pas moins que de nouveaux progrès sont, à l'évidence, encore nécessaires, notamment pour les pensions les plus faibles ou encore pour celles des conjoints d'exploitant.
J'ai déjà eu l'occasion, pour ma part, de vous interroger à ce sujet par la voie d'une question écrite, monsieur le ministre. Vous avez bien voulu m'indiquer que des propositions d'amélioration étaient à l'étude. Une évolution a été lancée par les précédents gouvernements dans ce domaine. Il vous revient, à présent, de poursuivre cet effort de manière à parvenir à une parité véritable entre celles et ceux qui ont travaillé la terre une vie durant et les autres retraités.
Nous venons de le voir, notre agriculture doit énormément à ses anciens. Pour autant, il ne faut pas perdre de vue l'importance particulière des plus jeunes en matière de relève. L'effort en faveur de l'installation de ces derniers est une nécessité impérieuse, tant pour la pérennité de l'agriculture elle-même dans les zones défavorisées que pour l'équilibre du territoire.
Or, malgré les actions mises en oeuvre au cours des dernières décennies, les installations des jeunes en agriculture n'ont cessé de régresser, passant d'environ 33 000, en 1987, à environ 15 000 en 1995. Ce phénomène, s'il perdure, risque d'affecter de manière profonde tout spécialement l'avenir de l'agriculture de terroir par le défaut de mise en valeur de potentialités naturelles susceptibles de créer à la fois de la richesse et des emplois, sans ignorer - c'est important - les conséquences funestes de la désertification sur la vie locale.
On ne peut, aujourd'hui, réfuter l'impact positif du système des préretraites en matière d'installation des jeunes et d'agrandissement des exploitations récemment mises en place.
Ne pourrait-on envisager une reconduction de ce dispositif, notamment en faveur des exploitants en difficulté ?
Tels sont les principaux points que je tenais à évoquer et sur lesquels, je l'espère, monsieur le ministre, vous serez en mesure de nous apporter des orientations concrètes.
Le groupe sénatorial du Rassemblement pour la République, au seuil d'une renégociation des modalités de la politique agricole commune, a perçu, pour sa part, la nécessité pour notre pays de concevoir des décisions urgentes. Il a donc pris l'initiative - l'un de mes collègues l'a dit tout à l'heure - de déposer une proposition de loi afin de répondre aux préoccupations majeures du monde agricole.
Ainsi, conformément à la volonté du Président de la République, qui a demandé, dès 1995, la mise en chantier d'une grande loi d'orientation agricole, le groupe du RPR du Sénat souhaite que des mesures soient rapidement débattues et adoptées afin d'assurer la sauvegarde d'une agriculture française prospère au sein de l'Union européenne.
En matière de transmission des entreprises agricoles, il propose de fixer les objectifs prioritaires des aides financières de l'Etat, qui doivent avant tout aller vers l'installation des jeunes, mais aussi vers la modernisation, le regroupement et la reconversion partielle ou totale des entreprises en vue d'améliorer leur viabilité.
En matière de fiscalité, il est proposé des mesures visant à inciter à l'investissement dans les coopératives agricoles et à alléger les coûts de transmission des exploitations.
Par ailleurs, s'agissant du statut du conjoint d'exploitant agricole, il est envisagé une amélioration du point de vue social, notamment en matière de droit à la retraite proportionnelle.
Une simplification des formalités administratives pour les emplois saisonniers agricoles est également demandée.
Enfin, le groupe du RPR propose de faire de la politique de qualité un élément essentiel des actions dans le domaine agricole et alimentaire.
Je suis persuadé que nous aurons l'occasion de reparler de tout cela ultérieurement, car nous espérons bien voir cette proposition de loi soumise à l'examen de la Haute Assemblée.
L'agriculture ne saurait être pour notre pays un fardeau désuet qu'il serait contraint de supporter. Il faut, pour cela, lui donner les moyens d'une modernisation accrue, afin de mieux l'adapter à la situation de la demande. Mais il est également impératif d'établir de nouvelles relations entre la nation et les agriculteurs, et surtout de redonner espoir à ces derniers.
En réaffirmant son attachement aux valeurs agricoles, notre Haute Assemblée sera particulièrement attentive à votre action dans ce domaine, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Monsieur le ministre, je veux d'abord vous remercier d'avoir accepté la tenue de ce débat, qui est maintenant traditionnel au Sénat et qui nous a sûrement permis de mieux comprendre les lignes directrices de votre action au ministère de l'agriculture.
M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques et du Plan, a, dès le début de la discussion, dit l'essentiel sur ce que sont, pour nous, les perspectives de l'agriculture française dans les années à venir et souligné les inquiétudes qui sont les nôtres. Je n'y reviens donc pas, si ce n'est pour dire que je partage son opinion.
Dès lors, je me contenterai de reprendre quelques points de votre exposé liminaire, en essayant de voir avec vous si vous apportez toujours la réponse adaptée, compte tenu des objectifs que vous affirmez vouloir atteindre.
Vous avez dit en introduction que l'agriculture avait rempli ses objectifs, qu'il y avait eu des lois d'orientation voilà trente-cinq ans et que, aujourd'hui, aux yeux de l'opinion publique, l'agriculture n'apparaissait plus comme créatrice d'emplois. C'est vrai, mais il faut savoir ce que l'on veut : on ne peut pas avoir la meilleure agriculture du monde, la première en matière d'exportation, celle qui a la plus forte croissance et le plus fort gain de productivité de tous les secteurs économiques du pays, tout cela avec des quotas, et, dans le même temps, laisser supposer qu'elle va créer des emplois. Il y a dans tout cela un équilibre.
Notre agriculture est performante dans un périmètre limité : nous ne pouvons donc pas créer d'emplois.
« La production des denrées alimentaires reste l'objectif. » J'en prends acte.
« Il faut un nouveau contrat où équilibre et ouverture devraient être associés. » Equilibre, bien sûr, mais quel équilibre ? S'agit-il de l'occupation équilibrée du territoire ? Dans la pratique, comment le ministère utilise-t-il le Fonds de développement rural ? Qu'avez-vous fait du Fonds d'intervention pour le développement industriel local, le FIDIL ? Avec sa transformation en Fonds d'intervention pour l'aménagement du territoire - FIAT - qu'y avons-nous gagné ?
Nous regrettons la disparition du FIDIL. Ce fonds commençait à faire la preuve de son efficacité tant comme levier d'énergie et des volontés sur le terrain que comme élément mobilisateur des financements locaux.
Que faisons-nous de la prime à l'herbe ? Dans deux mois, ce régime arrive à son terme et nous ne savons pas ce qu'il en sera du nouveau. Etes-vous prêt à le moderniser, à augmenter la dotation, à revoir ses critères d'accès qui sont quelque peu désuets ?
Que faisons-nous de l'indemnité compensatrice des handicaps naturels ?
Quel devenir envisagez-vous pour l'ISM - indemnité spéciale de montagne - pour la mécanisation agricole de la montagne ? Equilibre encore !
« La croissance des exploitations à forme sociétaire est parfois déraisonnable. » Certes, cela peut arriver, mais il faut en discuter, analyser l'évolution de la politique des structures, voire son adaptation par production, par région.
Etes-vous sûr, monsieur le ministre, que, partout, tous les moyens réglementaires qui sont à votre disposition sont utilisés pour conduire une politique des structures correspondant aux objectifs à atteindre ?
Sur l'équilibre, monsieur le ministre, je voudrais que vous repreniez à votre compte une formule d'un dirigeant agricole contemporain qui dit bien ce qu'elle veut dire : « Nous souhaitons une agriculture qui ne soit ni américaine ni tyrolienne. » Entre ces deux pôles, il y a un juste milieu. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que ce soit votre ligne de conduite dans les prochains mois.
Vous nous dites encore qu'il faudra organiser le rapport de forces au sein des filières. C'est vrai et j'y travaille depuis un certain nombre de décennies. Mais, sur le plan réglementaire, sur le plan législatif sommes-nous prêts ? Etes-vous prêt, monsieur le ministre, à recodifier l'ensemble des mesures d'organisation économique des trente-cinq dernières années, à ouvrir le chantier de la rénovation nécessaire du statut de la coopération agricole ? Etes-vous prêt à reparler de l'économie contractuelle entre les industries agroalimentaires et les productions agricoles, sous l'éclairage nouveau et actuel des rapports entre les industries agricoles de transformation et les distributeurs ?
Par ailleurs, vous insistez - et c'est une formule dont nous avons beaucoup entendu parler au cours des dernières années - sur le fait qu'il faudrait que des jeunes qui ne sont pas issus du milieu agricole s'installent. Bien sûr, tous les gens qui n'ont pas trop réfléchi à cette question vous approuveront, avec beaucoup de générosité, mais je voudrais souligner que le nombre de jeunes concernées ne sera jamais très grand. Je n'ai pas le temps de développer ici ma pensée, mais j'avais affirmé, en 1983, d'une façon sans doute abrupte et un peu caricaturale, je le concède, qu'en agriculture l'avenir des installations était un domaine où brillaient les fils uniques d'agriculteurs riches.
Ces propos sont toujours d'actualité. Si nous voulons installer des jeunes qui ne viennent pas du milieu agricole, il nous faut créer des modalités de transmission des entreprises et d'installation de jeunes ainsi que des conditions fiscales et financières qui n'existent pas aujourd'hui. Alors, parlons de ce que nous connaissons.
Il faudra essayer d'amener à l'agriculture des jeunes qui ne sont pas issus de ce milieu, mais leur nombre ne représentera jamais qu'un pourcentage que l'on pourra compter sur les doigts des deux mains.
Vous nous dites encore, et j'avoue n'avoir pas bien compris le sens de cette expression, que les institutions qui gèrent le monde agricole doivent s'ouvrir. Mon Dieu, pourquoi pas ? Mais si cette formule vise toutes les constructions que notre génération a mises en place pour permettre l'évolution de l'agriculture française et l'amener au niveau qui est le sien aujourd'hui, aussi bien sur le plan économique et social que sur celui des structures, sachez, monsieur le ministre, qu'il faudra, si vous souhaitez ouvrir ces institutions, le faire avec beaucoup de prudence et de doigté, parce qu'elles n'ont pas démérité dans leur forme actuelle et parce que les agriculteurs y sont profondément attachés.
« Renforcer le lien entre la formation et la recherche. » Certes, on ne peut que vous approuver, car cela va de soi dans toute activité qui se développe. Mais l'orientation de l'INRA vous échappe.
Qu'en sera-t-il dans deux mois du programme Aliments demain ?
Pourquoi a-t-on abandonné le programme Agriculture demain ?
Il faudra ajuster les crédits, les actes ou les actions à l'objectif auquel, du reste, je souscris : il nous faut renforcer le lien entre la formation et la recherche. Mais nous n'en prenons pas le chemin.
« Il faut permettre aux produits agricoles de se développer sur des marchés extérieurs. » Vous prêchez des convaincus ! Tous ceux qui croient au développement de l'agriculture exportatrice ne peuvent que vous approuver. Mais cela est-il cohérent avec l'évolution du budget de la SOPEXA ?
Dois-je rappeler que l'industrie agroalimentaire exporte pour 213 milliards de francs, que le solde représente 58,5 milliards de francs, soit 47 % du solde du commerce extérieur français, et que l'on brise un peu les ailes de notre politique à l'exportation ?
Certes, vous nous avez annoncé qu'un audit était en cours. Mais je sais très bien comment les choses vont se terminer : si, au milieu de l'année prochaine, l'audit révélait qu'après tout il était possible de modifier les orientations et de moduler différemment les crédits, ceux qui n'auront pas été inscrits sur les lignes budgétaires de cette année n'existent pas. La SOPEXA disposera ainsi d'un budget amputé de 40 millions de francs : 40 millions de francs sur une dotation de 160 millions de francs, cela représente 25 %. Ce n'est pas ainsi que l'on développe les exportations et que l'on encourage ceux qui exportent.
Vous vous interrogez sur les débouchés des grandes productions. Nous aussi !
Vous êtes inquiet quant aux débouchés de la viande bovine et des céréales. Je partage, avec des nuances, ce sentiment. Je le partage davantage en ce qui concerne la viande bovine que les céréales. Pourquoi ? Parce que, sur le marché mondial des céréales, les prix français sont compétitifs et il existera toujours un marché mondial des céréales.
En revanche, s'agissant de la viande bovine, j'ai de grandes inquiétudes que vous semblez partager. C'est sur ce secteur qu'il faudra faire porter nos efforts.
La viande bovine souffre actuellement de plusieurs handicaps. Je vous en citerai trois.
Premièrement, l'abaissement du prix des céréales dans un espace géographique fermé - c'est le cas en Europe - avantage toujours la viande blanche.
Deuxièmement, la diététique ne va pas dans le sens de l'augmentation de la consommation de viande rouge ; nous perdons chaque année 1,2 à 1,5 % de consommation de viande rouge depuis dix ou quinze ans.
Troisièmement - ce dernier handicap est beaucoup plus grave à mon sens - la filière de la transformation de la viande bovine en France ne se modernise pas assez rapidement. Cette filière n'a pas trouvé son équilibre économique. Il n'existe pas d'adéquation permanente entre ce que nous produisons comme en France et ce que nous consommons. En fait, nous produisons pour exporter et nous importons pour consommer. Il y a là un vrai débat, difficile, mais telle est la réalité de la filière de la viande bovine en France.
Vous avez émis, monsieur le ministre, quelques considérations, que je partage, s'agissant du projet de réforme de la politique agricole commune, qui ne vous convient pas.
Vous avez également évoqué quelques autres filières, notamment la filière lait. S'agissant de cette dernière, des propositions ont été présentées à Bruxelles ; elles sont bonnes, vous les approuvez pour partie. La position de la France sur ce point est maintenant bien connue.
S'agissant de la filière des oléagineux, selon un dossier techniquement et politiquement solide, nous manquons de protéines. Il faut se battre !
A côté de la filière des oléoprotéinagineux, un secteur est en développement, celui des biocarburants.
Quelle est notre politique en matière de biocarburant ? Le diester, c'est du colza transformé.
Que faisons-nous, monsieur le ministre, en matière de biomasse ? J'ai relevé dans le document que vous nous avez envoyé, Cinq ans de crédits publics en agriculture , 5 millions de francs de concours publics pour l'AGRICE en 1996.
Je vous rappelle que la Suède a un plan de développement des biomasses qui assurera, en l'an 2000, 10 % de son énergie. Nous n'en sommes pas là, alors que nous notre agriculture est surabondante et productive.
« Le plafonnement des aides est sur la table ». C'est vrai, nous avons tardé à ouvrir ce dossier. Il faudra replacer les choses dans leur contexte français et, notamment, modifier la fiscalité des exploitations et des entreprises agricoles.
Tous les orateurs l'ont dit avant moi, tout cela est vraiment inquiétant. Il est important que la France, premier pays agricole d'Europe, ait, dans les négociations à Bruxelles, une position de « granit ». C'est votre responsabilité, monsieur le ministre.
J'en arrive au projet de budget de l'agriculture pour 1998. Il s'élevait à 174 milliards de francs. Quand nous en avons pris connaissance, il était un peu supérieur après son examen par l'Assemblée nationale. Je ferai un certain nombre de remarques.
Il apparaît tout d'abord qu'après une longue période marquée par une augmentation des dépenses, conséquence logique de la réforme de la PAC, ces dernières tendent à se stabiliser, voire à décroître.
Il convient aussi de souligner la grande fragilité des chiffres qui nous sont communiqués chaque année et qui donnent lieu, régulièrement, à de très forts réajustements sur lesquels on ne revient pas.
Ainsi en est-il, par exemple, des versements de l'Union européenne au bénéfice de l'agriculture française - soit 69,4 milliards de francs en 1998 - dont le calcul est particulièrement aléatoire.
Enfin, il est nécessaire de distinguer les dépenses réellement affectées à l'agriculture de celles - les plus nombreuses - qui ne relèvent pas d'une politique agricole. Il en est ainsi d'un grand nombre de chapitres du budget du ministère de l'agriculture qui n'ont pas de retombées agricoles directes, comme les dépenses affectées au fonctionnement du ministère - 9,747 milliards de francs - ou celles qui sont destinées à l'action éducative et qui relèvent, in fine, du service public de l'enseignement.
De même, il est toujours surprenant de voir comptabilisées au seul usage de l'agriculture un certain nombre de mesures touchant tant à la politique de la forêt qu'à celle de l'aménagement du territoire et qui, finalement, profitent à tous les Français.
M. Paul Raoult. Mais il ne restera plus rien !
M. Marcel Deneux. Il faut, de plus, souligner que l'agriculture est la seule branche d'activité qui se voit imputer des dépenses sociales. A cet égard, les 63 milliards de francs qui correspondraient au versement du BAPSA pour 1998 ne doivent aucunement être considérés comme une aide, mais relèvent tout à fait normalement de la solidarité nationale entre les régimes sociaux.
M. Paul Raoult. L'avez-vous dit l'an dernier ?
M. Marcel Deneux. Bien sûr !
M. Bernard Piras. C'était plus discret !
M. Marcel Deneux. Dès lors, quel jugement porter sur votre projet de budget pour 1998, monsieur le ministre ?
Ce budget est mauvais, si je considère les besoins de la France en 1998, et compte tenu du fait qu'il faut réduire coûte que coûte, même dans les secteurs qui nous paraissent cruciaux, les dépenses publiques. Nous ne pouvons pas continuer à avoir un budget dont les dépenses publiques s'accroissent.
Sur vos quatre priorités, je suis d'accord.
Le bon budget, monsieur le ministre, serait celui qui réduirait des dépenses improductives et qui préparerait l'avenir en favorisant les investissements productifs. Cela est possible puisque votre projet de budget comporte trente-six chapitres ; mais cela ne me paraît pas être le cas car, à y regarder d'un peu plus près, un bon indicateur de l'évolution des crédits de l'Etat en faveur de l'agriculture peut être trouvé dans l'agrégat n° 1 du budget de l'agriculture qui s'intitule « Dépenses en faveur des activités agricoles productives ». C'est là qu'on prépare l'avenir. Or, les crédits consacrés à ce chapitre sont en baisse de 2,2 %. Est-ce bien la préparation de l'avenir que nous attendons ? L'agriculture française a besoin de plus de valeur ajoutée.
Votre tâche est difficile, je le concède. Je sais que votre compétence, alliée à votre expérience, vous permettront de prendre en compte ces diverses réflexions, de les transformer en actions positives en faveur de l'agriculture française et en faveur de tous ceux qui en font leur métier. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Paul Raoult. La conclusion est très bonne !
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la fin de ce débat, je voudrais insister sur le volet montagne de ces mesures budgétaires, en les reliant, d'une part, à la préparation de la loi d'orientation agricole et, d'autre part, à la politique d'aménagement du territoire.
Lorsqu'on vous écoute, monsieur le ministre, la plupart des orientations que vous dégagez en faveur de la politique agricole pourraient paraître conformes aux intérêts des zones de montagne, qui représentent - je le rappelle - près de 23 % de la superficie du pays, près de 8 % de la population française, et près de 17 % des communes.
Vous parlez de la nécessité de replacer le territoire au coeur de la politique agricole, de favoriser la diversité des modes de développement des exploitations, de restaurer le lien entre les agriculteurs et les produits qu'ils élaborent.
Ces axes, je ne peux que les approuver, en tant que représentante d'un département où les agriculteurs se battent pour maintenir non seulement l'activité de production, mais aussi l'occupation du territoire.
Si le dialogue se bâtit autour de ces orientations, nous pourrons parvenir à définir ensemble les voies de l'avenir. Je me permets d'insister cependant sur la nécessité de consulter toutes les parties prenantes et de ne pas sous-estimer les spécificités territoriales, telles celles de la montagne.
Au-delà des mots, nous attendons des actes et des mesures précises. Pris sous cet angle, monsieur le ministre, votre projet de budget demeure insatisfaisant.
L'une des quatre priorités affichées est l'installation des jeunes. Je m'interroge sur la portée de la création du Fonds pour l'installation en agriculture, censé remplacer le Fonds pour l'installation et le développement des initiatives locales, car cette substitution présente un risque de réduction des crédits.
Toujours concernant l'installation des jeunes, je rappelle qu'un autre frein existe ; il s'agit de la limitation des droits à produire, qui devrait être plus favorable pour les zones de montagne, compte tenu de la faible part de ces productions dans l'ensemble national.
La préretraite a été très longuement évoquée par les divers orateurs ; je n'y reviendrai pas. Cependant, en Lozère, cette mesure a permis d'installer plus de vingt agriculteurs chaque année.
En ce qui concerne la politique de la montagne, j'ai le regret de constater que le projet de loi de finances n'apporte aucune amélioration, puisque la part consacrée aux indemnités compensatoires de handicaps naturels passe de 1 650 millions de francs à 1 560 millions de francs. Même en tenant compte des financements du FEOGA et de la diminution des UGB primées, les indemnités par tête ne sont revalorisées que de 1,5 %, soit à peine le niveau de l'inflation.
J'insiste sur le fait que les agriculteurs demandent une augmentation de 20 % du montant de l'ISM.
Je rappelle que, dans son memorandum pour une agriculture de montagne, le gouvernement précédent avait défendu, en 1996, un relèvement du plafond communautaire de 180 écus à 250 écus par UGB ou hectare. Ce relèvement, peu coûteux, puisqu'il ne concernerait pleinement que la haute montagne et la montagne sèche, dont les effectifs primés sont faibles, est indissociable d'une revalorisation de l'ISM dont ne sauraient être exclues les zones confrontées aux plus forts handicaps.
Un aménagement de l'ISM végétale serait parallèlement opportun. Des productions végétales telles que les châtaigneraies ont en effet un rôle à jouer en matière de gestion de l'espace, et elles devraient désormais être éligibles à l'ISM.
S'agissant de l'aide aux bâtiments en zone de montagne, le budget n'offre aucune perspective d'amélioration, car le chapitre « modernisation des exploitations » pour les bâtiments de montagne reconduit en francs courants les dépenses de 1997. Il serait pourtant souhaitable de pérenniser des moyens budgétaires suffisants, car vous connaissez, monsieur le ministre, les surcoûts liés à la montagne : le niveau des crédits indispensables aux bâtiments d'élevage en zone de montagne a ainsi été estimé à 100 millions de francs. Le plafond de la subvention, qui n'a pas été réévalué depuis longtemps, mériterait d'être porté à 100 000 francs.
Par ailleurs - je crois que cela a déjà été dit - depuis 1991, l'aide à la mécanisation a été réduite à la portion congrue, malgré les surcoûts supportés en matière de matériel.
S'agissant de la prime à l'herbe, dont l'importance est réelle dans l'utilisation plus équilibrée de l'espace agricole, l'enjeu actuel est la revalorisation de son montant, afin de rendre la mesure plus incitative pour le maintien et l'entretien des surfaces en herbe, mesure qui s'inscrit tout à fait dans une réelle politique d'aménagement du territoire.
Il est enfin regrettable de constater que le programme pour 1998, destiné aux mesures agri-environnementales, est peu ambitieux. L'enveloppe spécifique ne serait que de 155 millions de francs. Même si ce montant représente une augmentation de 30 % par rapport à 1997, le risque existe de ne pas satisfaire les besoins d'accompagnement des agriculteurs vers de nouvelles méthodes de production dont nous avons pourtant fort besoin dans les zones de montagne.
Je souhaite aussi déplorer, à la suite de mon collègue M. Jean-Paul Emorine, l'évolution du Fonds de gestion de l'espace rural, le FGER. Ce dernier a un impact incontournable sur l'aménagement de l'espace car il contribue à la diversification et au maintien de l'agriculture dans les zones difficiles.
Ce fonds a pourtant souffert de trop d'aléas budgétaires et il me paraît donc nécessaire d'instituer une ressource qui le pérenniserait. Il me semblerait opportun de réfléchir par exemple à la création, comme cela a déjà été proposé, d'une taxe sur les changements d'affectation des terres agricoles.
L'utilité de ce fonds est d'autant plus pertinente que, dans le plan pour l'emploi des jeunes, figure la fonction entretien de l'espace.
Enfin, j'aborderai brièvement la question de l'aménagement du territoire.
Il est urgent que la France définisse une politique forte de cohérence territoriale pour son agriculture et son milieu rural, en renforçant l'équilibre produits - hommes - territoires, afin de la faire valoir au niveau européen.
Nous aurons l'occasion de développer nos arguments sur ce point devant Mme le ministre chargée de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je me permets cependant d'insister auprès de vous, monsieur le ministre, pour que l'agriculture soit intégrée dans la définition d'une véritable politique européenne d'équilibre des territoires.
L'actuel projet de réforme des fonds structurels me paraît inquiétant car nulle part la montagne n'est citée, à quelque titre que ce soit. Les élus de la montagne ont élaboré un mémorandum dans lequel ils insistent sur la nécessité de prendre en compte cinq objectifs majeurs pour une véritable politique de la montagne, et cela à trois niveaux : les politiques générales ; les politiques locales de développement des fonds structurels, où un régime plus spécifiquement montagnard s'impose ; les « programmes intégrés et concertés de massifs », qui paraissent être le bon échelon pour compléter les actions menées sur le plan général et local.
Cela demande un important travail de persuasion et d'explication. Je souhaiterais donc que vous puissiez me dire, monsieur le ministre, quelle attention vous voudrez bien prêter à ces orientations et sur quels points précis vous seriez prêt à prendre nos considérations en compte, voire à engager la négociation avec les autorités européennes.
Monsieur le ministre, je vous remercie par avance des réponses que vous voudrez bien apporter à mes observations, et je souhaite, pour ma part, conclure sur une réflexion d'Edgar Pisani, dont je ne doute pas que vous apprécierez la portée : « La France est un pays d'équilibre et doit le rester. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser inoccupés de vastes espaces. Ce n'est pas notre culture, ce n'est pas notre civilisation, ce n'est pas notre intérêt. » (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en choisissant de traiter d'abord des thèmes communautaires, j'entends souligner non seulement l'importance que vous attachez à ces thèmes, mais aussi le caractère prioritaire de cette question pour l'avenir de notre politique agricole.
Vous avez été nombreux à vous émouvoir des propositions de réformes de la PAC telles qu'elles sont représentées par la Commission. J'espère être exhaustif en citant MM. François-Poncet, Huchon, Barraux, de Menou, Minetti, du Luart, Piras, Rigaudière, Emorine, Belcour, et Deneux.
Je vous ai moi-même indiqué dans mon discours d'introduction les vives réserves que soulevaient les propositions de la Commission, et j'y reviendrai dans un instant.
Je voudrais dire cependant qu'il faut aborder cette dure négociation en portant un diagnostic exact sur la situation et sur le projet qui est en cause.
L'adaptation de la PAC ne saurait être refusée par principe. Gardons-nous d'idéaliser la PAC telle qu'elle a fonctionné jusqu'en 1992. Le soutien des prix, qui en constituait le mécanisme essentiel, n'a pas empêché la disparition de plus de la moitié des exploitations agricoles de notre pays en trente ans et l'apparition des graves déséquilibres que nous constatons.
Je dirai également qu'il est difficile de voir dans le projet de la Commission, qui prévoit une croissance du budget agricole de l'Union européenne de plusieurs milliards d'écus, l'expression du libéralisme économique le plus sauvage.
Ces remarques n'atténuent pas les critiques que je porte au projet de la Commission, mais elles signifient que nous ne devons pas nous tromper d'enjeux.
MM. Poncelet, Barraux, du Luart, Rigaudière et Belcour ont fait part de leurs inquiétudes sur la situation de l'élevage bovin, en relation avec les propositions retenues par l'Agenda 2000.
Je considère comme eux que ces propositions sont inacceptables et je rappelle en quelques mots de quoi il s'agit.
La Commission européenne propose une baisse des prix de soutien de 30 % en trois ans, de l'an 2000 à l'an 2002. Dans le même temps, elle propose de supprimer le système des achats à l'intervention existant actuellement, qui conduit les autorités publiques à se porter acquéreurs de viande bovine et à la stocker pour soutenir le marché en période de crise, pour le remplacer par un dispositif de stockage privé inspiré de celui qui existe dans le secteur porcin.
Cette baisse des prix de soutien serait compensée par une augmentation des primes versées aux éleveurs. La prime à la vache allaitante augmenterait de 48 %, en passant de 958 francs à 1 421 francs par animal, tandis que la prime aux engraisseurs de taurillons progresserait de 173 %, passant de 892 francs à 2 432 francs par animal.
Ces chiffres me conduisent à formuler une première remarque : le projet de réforme présenté est lourdement déséquilibré. Il favoriserait l'élevage intensif orienté vers l'engraissement des taurillons, dont la majorité sont issus de l'élevage laitier. A l'inverse, il défavoriserait l'élevage allaitant, qui est une composante essentielle de l'économie des zones agricoles difficiles, donc un facteur important d'occupation équilibrée du territoire.
Seconde remarque : la réforme proposée repose sur l'idée que la baisse des prix permettra de relancer la consommation de viande bovine dans l'Union européenne et d'exporter sans restitutions sur les marchés tiers. Ainsi, nous éviterions la crise annoncée au début du siècle prochain et résultant de l'existence d'un excédent de production non exportable, en raison des contraintes de l'OMC, de plusieurs centaines de milliers de tonnes.
En fait, rien ne prouve qu'une baisse de prix de 30 % à la production se traduirait par une baisse de même ampleur pour le consommateur.
L'expérience récente - je pense à celle de l'année 1996 - montre au contraire que nous pouvons assister à un effondrement des prix à la production sans baisse des prix à la consommation. Si la même chose se reproduisait demain, la réforme n'aboutirait qu'à augmenter les dépenses publiques, tout en mettant en cause le revenu des éleveurs, sans améliorer l'équilibre entre l'offre et la demande.
Par ailleurs, la suppression du système des achats à l'intervention laisserait les pouvoirs publics désarmés face à de nouvelles crises conjoncturelles, le stockage privé pratiqué pour réguler les crises porcines étant inadapté à la durée des cycles de la production bovine.
C'est pourquoi, sans m'opposer à un ajustement nécessaire des prix de la viande bovine face à la compétitivité renforcée des viandes de porc et de volaille, je m'opposerai à la baisse brutale des prix et je soutiendrai le principe du maintien de l'intervention publique.
Une véritable adaptation des règles de fonctionnement de la PAC dans le secteur bovin suppose également que l'Union européenne réfléchisse à d'autres mécanismes de maîtrise de la production que ceux qui résulteraient de la simple baisse des prix. M. Barraux a évoqué l'idée de rendre les génisses destinées à l'abattage éligibles à la prime à la vache allaitante. Cette suggestion me semble intéressante. Sa mise en oeuvre serait de nature à inciter les éleveurs à entretenir un cheptel moins important de vaches mères, et, par voie de conséquence, à favoriser la réduction de la production de viande bovine.
Enfin, je veillerai à ce que l'élevage allaitant extensif bénéficie d'une juste compensation des éventuelles baisses de prix, en recourant au relèvement à un niveau approprié des primes aux éleveurs concernés.
S'agissant du secteur laitier, j'estime que la proposition de la Commission européenne manque de cohérence. M. Deneux a évoqué ce point : elle consiste à maintenir les quotas laitiers, à baisser les prix de soutien du lait de 10 % et à compenser cette baisse de prix par une prime d'environ 1 000 francs par vache laitière.
J'ajoute que la Commission propose une autre mesure qui affectera directement les éleveurs laitiers, à savoir la suppression de l'aide au maïs ensilage.
Si le maintien des quotas laitiers me paraît être une sage décision, en revanche, je ne conçois pas l'utilité d'une baisse des prix qui pénaliserait l'ensemble de la production dans le seul but de permettre d'en exporter une très faible partie sans subventions sur les marchés extérieurs à l'Union européenne.
En outre, cette nouvelle aide aux vaches laitières serait très coûteuse, alors qu'elle ne suffirait pas à compenser la perte de revenus des producteurs qui seront affectés non seulement par la baisse des prix, mais aussi par la suppression de l'aide au maïs ensilage. Il m'apparaît ainsi à la fois plus simple, moins coûteux et plus logique de ne pas baisser les prix, de maintenir l'aide au maïs ensilage et de ne pas instaurer une nouvelle aide aux vaches laitières.
Toutefois, un assouplissement des règles actuelles concernant les quotas laitiers est nécessaire pour permettre notamment d'améliorer nos performances à l'exportation. C'est à cela que je souhaite que la Commission travaille, et uniquement à cela.
En ce qui concerne les grandes cultures, la Commission propose une série de mesures qui affectent à la fois le secteur des céréales et celui des oléagineux et protéagineux.
J'estime que la proposition d'aligner les aides de toutes les productions sur les aides céréalières est susceptible de déstabiliser l'équilibre entre les grandes cultures. De ce point de vue, je suis très réservé sur le niveau des aides pour la culture des graines oléagineuses.
Cette proposition risque de mettre en péril à la fois les revenus des producteurs et l'indépendance de notre approvisionnement en matière d'alimentation animale. Il y a là une concession anticipée aux exigences américaines.
L'amélioration des propositions de la Commission sur cette dernière question sera, pour moi, un élément essentiel dans la négociation.
J'espère, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avoir convaincu de ma détermination à défendre les intérêts de notre agriculture dans les négociations à venir. J'ai bien entendu le sentiment que vous avez exprimé sur cette question, j'ai compris votre volonté d'être tenus informés, associés, à de telles discussions, ainsi que votre détermination à apporter au Gouvernement le concours de votre Haute Assemblée pour soutenir de telles ambitions.
La France, et cela a été dit, premier pays agricole de l'Union européenne, a une responsabilité particulière dans cette négociation. Soyez assurés que j'en ai parfaitement conscience et que j'entends assumer pleinement cette responsabilité.
Plusieurs d'entre vous - MM. François-Poncet et Piras - ont évoqué le rééquilibrage des aides aux grandes cultures.
J'ai en effet, dès l'été, souhaité une plus grande équité dans la répartition de ces aides. Une concertation a donc été conduite en septembre, à l'issue de laquelle j'ai arrêté un dispositif de rééquilibrage. La première phase sera mise en oeuvre pour la récolte 1999, après laquelle un bilan sera fait.
Les étapes suivantes s'intégreront dans la réforme qui résultera des négociations sur le « paquet Santer ».
En avançant, avec prudence et progressivité, dans la voie d'une diminution des écarts entre les différents niveaux d'aides, y compris celles qui sont destinées aux cultures sèches et irriguées, je pense répondre aux souhaits d'une très large majorité d'agriculteurs ainsi qu'à la volonté de l'opinion publique.
Pour répondre à M. François-Poncet, je précise que, ce faisant, je ne condamne pas, bien au contraire, l'irrigation bien conduite, pratiquée légitimement dans les régions qui en ont besoin.
J'en viens au secteur des industries agroalimentaires, un des thèmes principaux traités par M. Signé. C'est un secteur clé de notre économie nationale et j'entends le dynamiser en donnant une forte priorité au développement d'une politique de qualité.
Cette politique doit être prise sous ses deux acceptions : qualité au sens organoleptique et qualité sanitaire des produits. En effet, la qualité est un argument de vente : la qualité organoleptique pour séduire et conserver le consommateur, la qualité sanitaire pour le rassurer et permettre les ventes à l'exportation.
Il n'est pas nécessaire de justifier longuement cette priorité donnée à la qualité, ne serait-ce qu'en raison des crises récentes de l'encéphalopathie spongiforme bovine ou des contaminations dues aux listeria.
Dans ce cadre, le projet de loi concernant la qualité sanitaire des aliments - et je réponds sur ce point à M. Deneux - va être prochainement réexaminé par le Gouvernement. Toutefois, avant de reprendre ce projet, il me semble nécessaire d'avoir une vision plus claire de l'organisation de la sécurité sanitaire en France.
La proposition de loi concernant les agences de sécurité sanitaire est, vous le savez, en cours d'examen et sera bientôt, je l'espère, discutée par l'Assemblée nationale. Le dispositif de ces agences sera clairement établi ; le projet de loi sur la qualité sanitaire des aliments pourra être alors redéposé.
M. Poncelet a rappelé son souci de préserver les productions traditionnelles, en particulier les fromages. C'est également un souci constant de mon ministère, qui suit avec beaucoup d'attention l'évolution des projets de textes au sein du Codex alimentarius. Lors de la réunion de juin dernier de la commission du Codex, la proposition des Etats-Unis de rendre la pasteurisation quasi obligatoire n'a pas été adoptée, notamment grâce à la mobilisation par la France des Etats membres de l'Union européenne.
De plus, je reste vigilant pour qu'à l'occasion de l'établissement des codes d'usage en matière de l'hygiène du lait et des produits laitiers l'acquis communautaire reste effectif.
Afin de répondre à mon objectif de promotion des produits de qualité, que j'estime être une base essentielle du développement du secteur agroalimentaire, le chapitre « promotion et contrôle de la qualité » voit ses crédits augmenter de plus de 20 % cette année.
La prime d'orientation agricole permet, comme vous le savez, le soutien des investissements physiques des entreprises à l'aval des productions agricoles : stockage-conditionnement, transformation. Cette prime diminue essentiellement par un effet mécanique de l'étalement dans le temps des contrats Etat-régions décidé par le précédent Gouvernement.
Le FEOGA est une aide communautaire pour ces mêmes entreprises. La mobilisation de ces fonds communautaires est conditionnée à l'attribution et au versement d'une aide d'origine nationale, et l'essentiel est préservé puisque la mobilisation de la section Orientation du FEOGA au profit des investissements à l'aval de l'agriculture sera assurée.
De plus, j'appelle votre attention sur le fait que la dotation disponible pour les fruits et légumes venant de la section Orientation du FEOGA est très large. Aussi, les projets présentés peuvent être aidés pourvu qu'ils répondent aux orientations arrêtées dans le cadre communautaire d'appui et dans le document de programmation approuvé par la Commission qui définissent les conditions d'intervention du fonds européen sur la période 1994-1999.
MM. Barraux, de Menou, Mathieu et François sont intervenus sur le dossier de la SOPEXA.
Les crédits inscrits au titre de cette société baissent de 20 % cette année. On me permettra de faire remarquer qu'il s'agit d'un problème récurrent et de noter que le budget global de la SOPEXA n'a cessé d'augmenter ces dernières années. Je ne méconnais pas que des actions importantes réalisées par la SOPEXA pourraient être compromises si des moyens alternatifs de financement n'étaient pas trouvés ; j'ai entendu M. Deneux sur ce point.
En tout état de cause, j'ai demandé au président et au directeur général de la SOPEXA d'élaborer un projet de contrats d'objectifs avec mon ministère, en concertation avec les familles professionnelles concernées. L'élaboration de ce contrat d'objectifs fournira l'occasion d'intensifier la concertation et permettra à chacun de faire valoir ses préoccupations. Elle permettra aussi d'examiner si les types d'actions habituellement engagées sont les mieux adaptés ou si des réorientations s'imposent.
Parallèlement à la demande du Gouvernement, une mission d'analyse approfondie de la SOPEXA est conduite conjointement par l'inspection générale des finances et celle de l'agriculture. Ses conclusions sur l'adéquation entre les objectifs et les moyens de la société devront être remises avant la fin de cette année.
Je n'oublie pas, bien évidemment, les concours qu'apporte la SOPEXA à de nombreuses petites et moyennes entreprises désireuses d'être présentes sur les marchés extérieurs.
M. Poncelet m'a interrogé sur la politique de la forêt.
J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer que j'ai souhaité dissocier le volet forestier de la loi d'orientation agricole.
J'ai reçu les représentants des organisations syndicales et professionnelles de la forêt et du bois. Nous allons, ensemble, reprendre le travail réalisé sur ce projet de loi forestière, au long de l'année qui vient, considérant que, déjà, beaucoup de matériaux ont été accumulés sur ce projet.
Sur deux priorités, les incendies de forêt et la restauration des terrains en montagne, où la prévention a pour objet d'assurer la sécurité des personnes et des biens, j'ai tenu à maintenir les moyens qui permettent de respecter les objectifs affichés.
Par ailleurs, dans le domaine du boisement, de l'équipement des forêts et du renforcement de la filière, les crédits prévus au budget de l'Etat sur le fonds forestier national permettront de respecter l'intégralité des actions prévues aux contrats de plan et de poursuivre les actions engagées au niveau national, je veux parler des programmes « compétitivité plus » et « bois énergie ».
On m'a également interrogé sur les modes de vente des produits de l'ONF.
Quelle est la situation actuelle ?
Les coupes de bois sont vendues, en règle générale, par l'ONF selon la procédure de l'appel d'offres - adjudication par enchères descendantes - en faisant jouer la concurrence et en assurant la publicité des offres. Des ventes amiables, prenant la forme de contrat de commercialisation, peuvent avoir lieu dans des conditions bien définies par le code forestier. Ces ventes revêtent, à l'heure actuelle, un caractère dérogatoire lié à l'urgence ou à l'accumulation d'invendus.
En général, l'ONF vend des bois sur pied, qui sont abattus et débardés par les exploitants forestiers directement ou par l'intermédiaire de sous-traitants. Ceux-ci sont attachés à cette pratique. L'ONF tente de diversifier ses modes de vente pour écouler ses produits, et je sais que cela ne va pas sans susciter des interrogations chez les professionnels. Une ouverture, autorisant l'ONF à recourir plus fréquemment aux contrats de commercialisation, paraît souhaitable ; il y a accord sur ce point des principaux partenaires. Cette mesure aura un effet d'entraînement sur les ventes privées.
Enfin, M. Poncelet s'inquiète aussi de l'enrésinement des fonds de vallée en zone de montagne.
Le code rural précise que les modes d'aménagement foncier, dont fait partie la réglementation des boisements, sont conduits « en veillant au respect et à la mise en valeur des milieux naturels, du patrimoine rural et des paysages ».
Un décret d'application en cours d'élaboration va élargir les motifs d'interdiction ou de réglementation des boisements, ainsi que le champ des décisions préfectorales intervenant dans les périmètres réglementés.
Ces améliorations, ainsi que les allégements de procédure qui ont déjà été réalisés, devraient permettre aux collectivités concernées, qui ont l'initiative de la création de périmètres de réglementation de boisement à travers les commissions communales d'aménagement foncier, d'exercer un contrôle accru sur l'évolution de leur territoire.
Je souligne enfin que les opérations de boisement et de reboisement bénéficient aujourd'hui des progrès importants des connaissances réalisés en matière de peuplement. Ceux-ci permettent de prendre en compte la biodiversité dans la gestion forestière. Par ailleurs, la palette des essences subventionnées par le Fonds forestier national retient cette préoccupation.
M. Poncelet m'a aussi interrogé sur la diminution de la taxe forestière concernant les sciages. Sur cet aspect fiscal, qui requiert un développement assez précis, je me propose de répondre par écrit à l'intervenant.
J'en viens au chapitre de l'agriculture et de l'aménagement du territoire dans le cadre de la loi d'orientation agricole.
La politique de développement de l'espace rural, qui représente 85 % du territoire national, est une composante de la politique d'aménagement et de développement du territoire. A ce titre, elle a pour objet d'assurer, à chaque citoyen et à chaque entrepreneur, l'égalité des chances sur l'ensemble du territoire rural. J'ai noté que M. Minetti y était particulièrement sensible. M. Rigaudière est aussi intervenu sur ce thème.
M. Minetti tient à la revalorisation de l'image des agriculteurs. Je partage cette ambition, tout comme, je le crois, la Haute Assemblée. Il importe effectivement d'insister sur la complexité, ainsi que sur la modernité de ce métier. Je suis sensible à la préoccupation de la représentation nationale à cet égard. Je souhaite que notre politique puisse y répondre pleinement. J'entends poursuivre la réflexion quant aux voies à suivre pour atteindre ce but.
Cinq objectifs majeurs peuvent être assignés à la politique de développement de l'espace rural : maintenir et développer l'activité agricole et forestière, améliorer l'accessibilité matérielle et immatérielle, assurer une présence de services au public, gérer l'espace et, bien évidemment, créer de nouvelles activités économiques.
Ces objectifs sont au coeur de la future loi d'orientation agricole et guident, parallèlement, la position du ministère de l'agriculture et de la pêche dans les négociations en cours sur la réforme de la PAC et des fonds structurels communautaires.
A cet égard, les diverses procédures qui concourent à l'aménagement rural doivent pouvoir être mises en cohérence et en synergie. Cela concerne notamment les programmes « européens » de développement des zones rurales, qui représentent actuellement un enjeu financier très important - au titre de l'objectif 5 b - auxquels sont actuellement éligibles 53 % du territoire français, ainsi que les plans de développement rural relevant de l'objectif 1 et les programmes d'initiative communautaire, en particulier LEADER.
De mon point de vue, la préparation du projet de loi d'orientation agricole et l'élaboration de la position française au niveau de l'Agenda 2000 constituent deux occasions majeures de remplir cet objectif de synergie et de cohérence.
Mme Bardou, MM. Rigaudière et Deneux ont attiré mon attention sur la politique de la montagne.
Dans le cadre des travaux relatifs à la loi d'orientation agricole, mais aussi des travaux communautaires visant à réformer la PAC, j'aurai à coeur de définir une politique spécifique en faveur des zones défavorisées, tout particulièrement de la montagne.
Ainsi que le soulignait Mme Bardou, l'agriculture et la forêt, qui ont largement contribué à modeler les paysages de montagne et à faire vivre cet espace doivent continuer à jouer un rôle prédominant dans le développement de la montagne. Il me paraît indispensable de mobiliser au bénéfice de ces zones un ensemble cohérent de moyens publics.
Cette politique doit reposer sur la valorisation de la spécificité des productions de montagne. Il faudra à cet égard que nous procédions à l'inventaire des problèmes juridiques concernant l'utilisation du terme « montagne » et que nous apportions les solutions qui s'imposent à l'occasion de la préparation de la loi d'orientation. Il me paraît nécessaire de ne pas travailler seulement dans le cadre législatif national. Nous devons être plus offensifs sur ce sujet sur le plan européen, en utilisant mieux les outils communautaires qui sont à notre disposition pour mettre enfin en place une véritable reconnaissance, une véritable protection européenne de nos produits de montagne.
M. Aubert Garcia. Très bien !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Les politiques de développement agricole s'appliquent bien en montagne : l'installation y est dynamique, avec 19 % de projets agréés ; la modernisation des bâtiments s'effectue avec des taux très privilégiés. Je serai bien sûr très attentif à cet aspect « montagne » et au maintien des indemnités compensatoires de handicaps naturels dans le cadre de l'Agenda 2000. J'ai déjà eu l'occasion d'intervenir sur cette question en conseil agricole.
La politique de la montagne doit aussi s'appuyer sur des instruments permettant de compenser les handicaps naturels spécifiques de ces zones.
Lors du conseil des ministres de l'agriculture à Luxembourg, j'ai eu l'occasion d'insister sur la nécessité de conserver les mesures déjà existantes qui ont fait leur preuve. Tel est le cas des aides aux zones défavorisées, qui, en assurant la compensation des handicaps naturels, permettent le maintien d'un tissu rural actif et dynamique.
Je pense enfin, ainsi que l'ont souligné M. Poncelet et Mme Bardou, qu'il est essentiel de maintenir des aides aux investissements compte tenu des surcoûts engendrés par les conditions naturelles difficiles. C'est pourquoi l'effort du ministère de l'agriculture et de la pêche en faveur des bâtiments d'élevage sera maintenu en 1998. En revanche, je ne partage pas l'idée d'une globalisation des crédits consacrés aux bâtiments d'élevage. Je crois, bien au contraire, qu'il convient de continuer à gérer distinctement les deux enveloppes, celle qui est consacrée aux bâtiments d'élevage et celle qui est destinée à la mise en oeuvre du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA. A défaut, le risque serait grand de voir cette dernière engloutir la première.
Je ferai deux parenthèses pour répondre à des questions précises concernant, d'une part, la sécheresse dans l'Allier et, d'autre part, la sélection animale.
Je sais les difficultés d'approvisionnement en fourrages que connaissent les éleveurs de certains départements du Massif central et, ainsi que l'a souligné M. Barraux, j'ai souhaité y répondre en débloquant une aide exceptionnelle de 10 millions de francs afin de prendre en charge une partie des frais de transport des fourrages. Cette aide viendra compléter les 10 millions de francs mis à disposition par UNIGRAINS.
Les départements les plus touchés, c'est-à-dire ceux qui bénéficieront en priorité de cette aide exceptionnelle, sont les suivants : la Haute-Loire, qui est la plus touchée, une partie de la Loire, du Puy-de-Dôme, du Cantal, de l'Ardèche, du Rhône et de l'Allier.
Tout sera mis en oeuvre pour que le paiement de cette aide aux éleveurs intervienne avant le printemps de 1998.
Je partage le souci exprimé par MM. Signé et Poncelet en ce qui concerne l'érosion, au cours de ces dernières années, des crédits consacrés à l'amélioration et à la sélection. Ces crédits, figurant au chapitre 44-50, permettent de soutenir des organismes dont le rôle est essentiel pour assurer l'identification, la traçabilité des bovins, des caprins, des ovins et des porcins, ainsi que l'amélioration génétique du cheptel. Ce sont des actions déterminantes pour assurer la compétitivité de l'élevage français.
Je suis conscient que les réductions brutales qui ont eu lieu au début de l'année 1997 ont pu créer pour certains de ces organismes, je pense en particulier aux UPRA - Union pour la promotion des races animales - de grandes difficultés.
J'ai voulu rompre avec cette tendance en reconduisant, au niveau de la loi de finances de 1997, les crédits consacrés à ces actions en 1998. Je veillerai à préserver cette dotation sur la gestion de l'exercice 1998.
Je considère, en outre, qu'il est devenu nécessaire de mieux définir quelles doivent être les actions prioritaires dans ce domaine, afin de leur garantir un financement stable et régulier. J'ai donc l'intention de mener avec les professionnels concernés une réflexion sur ce sujet dans les mois à venir.
MM. de Menou et Pourchet, notamment, m'ont interrogé sur les programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole, les PMPOA, que j'évoquais voilà quelques instants pour réaffirmer mon attachement aux objectifs visés par ces programmes.
Il est indispensable de continuer à accompagner les éleveurs qui améliorent leurs bâtiments d'élevage et leurs pratiques de fertilisation. Les crédits que consacre mon ministère à ces actions seront donc reconduits en 1998.
Toutefois, face aux difficultés croissantes de mise en oeuvre de ces programmes, en particulier dans ces zones d'excédents structurels qu'évoquait M. de Menou, il est apparu indispensable d'aménager le dispositif des PMPOA. En liaison avec Mme Voynet, des propositions ont été faites aux organisations professionnelles agricoles afin de rétablir un traitement plus juste entre les élevages et d'accélérer les programmes de résorption.
Une série de réunions avec les organisations professionnelles vont permettre de travailler à partir des orientations suivantes : un durcissement des conditions de régularisation des élevages sur la base des effectifs constatés au 1er janvier 1994, une limitation des surfaces d'épandage et un abaissement des seuils de traitement ; un plafonnement des aides publiques, en vue de permettre à des élevages de taille modeste d'accéder aux financements publics dès lors qu'ils se trouvent dans des zones sensibles ; l'ouverture de possibilités d'extension d'élevages familiaux ainsi que d'installation de jeunes agriculteurs, dans le cadre des « marges » définies par les programmes de résorption. Les élevages qui se sont développés depuis le 1er janvier 1994 et qui entrent dans l'une des deux catégories, jeunes agriculteurs ou élevages familiaux, pourront aussi être régularisés.
M. Pourchet a soulevé le délicat problème de la distance entre les élevages et les habitations. A cet égard, je ne peux que rappeler l'existence du cadre juridique que constitue la réglementation relative aux installations classées. Toutefois, rien n'interdit au voisinage, parfois incommodé par les inévitables problèmes liés à l'activité d'élevage, de se tourner vers les tribunaux.
Dans l'attente de la réforme de la PAC, j'ai proposé à la Commission européenne de reconduire la prime au maintien des systèmes d'élevage extensifs, dite « prime à l'herbe », dans le cadre du dispositif communautaire agri-environnemental.
M. Henri Belcour. Très bien !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. La prime à l'herbe vient en effet à échéance cette année. Comme vous le savez, elle fait l'objet de vives critiques de la part de la Commission, qui considère qu'elle ne répond pas aux objectifs des mesures agri-environnementales.
Je l'ai dit à Bruxelles, ces critiques ne sont pas justifiées et je suis, pour ma part, très attaché à la prime à l'herbe.
Alors qu'entre 1979 et 1993 les surfaces en prairies se sont réduites de 20 % en France, elles se sont stabilisées depuis l'instauration de la prime à l'herbe. Depuis 1994, les alpages et les zones de faible production ont même vu leur superficie légèrement progresser, pour dépasser 2 millions d'hectares, et 100 000 éleveurs ont ainsi bénéficié de cette aide en 1997, pour une superficie de 4,5 millions d'hectares. Je tiens à rappeler que la moitié de ces éleveurs se trouve en zone de montagne.
J'aurais souhaité, comme vous, que la prime à l'herbe puisse être revalorisée cette année, afin de favoriser les élevages herbagers, qui en ont tant besoin. Mais une telle revalorisation aurait mis en péril la prime à l'herbe : depuis 1994, la part des autres mesures agri-environnementales - les plans de développement durable, l'agriculture biologique - n'a cessé de se réduire, jusqu'à devenir nulle en 1996 et 1997.
Les discussions qui ont eu lieu entre la Commission européenne et mes services m'ont convaincu de la nécessité de rééquilibrer le dispositif si l'on veut pérenniser la prime à l'herbe.
J'ai donc proposé qu'elle soit reconduite en l'état. Je vous demande de considérer qu'il s'agit d'une décision provisoire. Il faudra, en effet, dans le cadre de la réforme de la PAC, intégrer dans les modalités de soutien des marchés des instruments qui encouragent les modes d'exploitation liés à l'espace, et je pense en particulier à des aides liées au sol, comme la « prime à l'herbe ». Il me paraît essentiel d'intégrer ces objectifs dans les organisations communes de marché, afin d'inciter les éleveurs à développer des systèmes de production herbagers.
M. Emorine, en particulier, a évoqué le fonds de gestion de l'espace rural, le FGER, notamment pour indiquer qu'il juge insuffisant le niveau de sa dotation dans le projet de budget pour 1998.
Je dois d'abord rappeler que le gouvernement précédent avait purement et simplement annulé cette dotation budgétaire, qui avait été ensuite rétablie lors du débat budgétaire. (Eh oui ! sur les travées socialistes.)
J'ai choisi, quant à moi, d'en faire un instrument essentiel de la politique d'aménagement rural. En effet, le FGER doit prendre place dans la réflexion sur la politique de développement rural. Le FGER sera, dans la loi d'orientation agricole, l'instrument d'une agriculture qui s'étend sur tout le territoire, qui s'expérimente en montagne et qui prend en charge des problèmes d'érosion ou de gestion de la ressource en eau, ou encore qui intègre des préoccupations paysagères.
Avec 140 millions de francs, j'ai donc quasiment maintenu la dotation dans le projet de loi de finances pour 1998. A ces crédits s'ajouteront d'ailleurs les crédits reportés de la gestion 1997, ce qui nous permettra de faire face largement aux besoins recensés.
Sur le fond, le FGER est un élément central de la politique d'aménagement et d'ancrage territorial que je souhaite promouvoir. La majeure partie de ses actions concerne ainsi l'entretien d'espaces atteints par la déprise agricole, l'amélioration du cadre de vie et le débroussaillage en paysage rural.
Le FGER est également un élément important de partenariat avec les collectivités locales. Les commissions départementales de gestion de l'espace, les CODEGE, sont précisément le lieu de concertation et de dialogue avec les élus.
Sur la question de l'installation, sont intervenus, notamment, MM. Barraux, Minetti, Piras et Deneux.
Les moyens consacrés à la politique d'aide à l'installation dans le projet de budget pour 1998 me semblent être à la mesure des enjeux que je retiens dans le cadre de la loi d'orientation agricole.
Le projet de budget pour 1998 traduit donc un effort substantiel en faveur des jeunes candidats à l'installation : les crédits dévolus à la dotation aux jeunes agriculteurs sont reconduits ; les crédits dévolus aux stages à l'installation sont majorés de près de 30 %, marquant un volontarisme politique que je souhaite imprimer en collaboration avec la profession agricole.
C'est dans cet esprit que j'ai mis en place le fonds d'installation en agriculture, doté de 160 millions de francs. Il s'insère dans une politique globale, celle des PIDIL, les programmes pour l'installation des jeunes en agriculture et le développement des initiatives locales. Il vient en renforcer les actions qui incitent à l'installation, qu'il s'agisse des actions de parrainage ou des audits d'exploitation.
Le fonds d'installation en agriculture prolonge donc cette vocation structurelle qui est d'aider les jeunes à prendre une décision d'installation en toute connaissance de cause : la prime doit inciter les exploitants sans successeur désigné à favoriser l'installation d'un jeune agriculteur. La transmission d'exploitation ainsi favorisée s'inscrit dans les orientations de la charte pour l'installation et du projet départemental. Il s'agit d'aider une installation qui ne se serait pas réalisée spontanément.
J'ai évoqué le chiffre de 3 000 installations. C'est bien sûr un objectif, sachant que 9 000 installations sont aujourd'hui aidées. C'est aussi un objectif qui correspond aux moyens financiers dont je dispose.
MM. Minetti, Pourchet, Barraux, Raoult et d'autres ont abordé la question des retraites.
Sans revenir sur ce que j'ai dit cet après-midi, j'indique que les mesures de revalorisation financées en 1998 permettront à un retraité conjoint ayant participé à l'exploitation durant trente-sept années et demie de percevoir, en 1998, 23 750 francs, au lieu des 18 650 francs prévus initialement.
J'ajoute que 700 000 retraités agricoles non imposables bénéficieront, en 1998, de la suppression de leur actuelle cotisation maladie de 2,8 % sur leur pension, sans devoir, en contrepartie, acquitter la CSG.
Ces mesures constituent, je le répète, une première étape.
Aujourd'hui, lorsque les conjointes travaillent sur l'exploitation, elles sont de plus en plus nombreuses à choisir d'être co-exploitantes ou associées de société. Ces deux statuts reconnaissent pleinement leur activité et leur permettent de bénéficier, notamment au titre de l'assurance vieillesse, des mêmes droits que le chef d'exploitation.
Quant aux conjointes qui n'exercent pas d'autre activité professionnelle extérieure et n'ont pas opté pour l'un de ces statuts, elles bénéficient d'une présomption de participation aux travaux de l'exploitation qui leur ouvre droit à la retraite forfaitaire.
Je reconnais que le problème est bien celui d'une amélioration de leur statut, de manière que celui-ci réponde mieux à leurs aspirations légitimes. Des réflexions sont actuellement menées sur les avancées possibles à ce sujet.
M. Raoult est intervenu sur l'enseignement et la recherche pour reconnaître la priorité qui en est faite dans ce projet de budget.
Comme je l'ai dit dans mon propos introductif, nous disposons d'un appareil de formation remarquable, qui présente des atouts reconnus et appréciés, le rendant attractif au sein du dispositif national de formation initiale et continue. Son maillage territorial mérite également d'être souligné : au total, plus de 1 500 centres sont répartis sur tout le territoire national et bien ancrés dans le monde rural.
Il m'est apparu dès lors indispensable de faire de l'enseignement agricole l'une des trois priorités fortes de mon projet de budget pour 1998. Les fonds qui seront consacrés au secteur éducatif connaîtront donc une progression très sensible - de près de 5 % -, pour atteindre un montant de 6,438 milliards de francs.
Par ailleurs, les crédits publics de recherche intéressant le domaine de l'agriculture et de l'agro-alimentaire atteignent près de 3,840 milliards de francs, en augmentation de près de 3 %, ce qui nous permet de disposer d'un outil de recherche public bien adapté et de promouvoir des projets innovants avec différents partenaires.
Enfin, M. Raoult a particulièrement mis l'accent sur la création du fonds social lycéen dans l'enseignement agricole : c'est en effet une mesure tout à fait significative, qu'il m'a paru très important de mettre en place. Géré au plus près des familles, ce fonds permettra de faire face aux situations sociales difficiles et d'assurer une plus grande égalité des chances entre tous les élèves.
L'enseignement agricole prend ainsi toute sa place dans la priorité nationale reconnue à l'éducation par le Premier ministre.
M. Serge Mathieu a abordé de façon quasi exhaustive la situation de la filière viticole, et je veux m'efforcer de répondre à diverses questions qu'il a posées.
Concernant la campagne 1997, même si le volume de production est légèrement inférieur à celui de 1996, je crois que nous pouvons nous réjouir, avec l'ensemble des viticulteurs, de la qualité globale des vendanges : cela stimule les perspectives commerciales des entreprises, non seulement sur le marché intérieur, mais aussi à l'exportation.
Cependant, l'avenir de cette filière, notamment la pérennité des plantations viticoles, est également ma préoccupation et, dès le mois de juillet, j'ai obtenu des autorités communautaires un dispositif de gestion des droits de plantation qui nous permet d'optimiser notre quota.
Je souhaite bien entendu que les professionnels aboutissent à un accord pour faire en sorte que les droits ainsi préservés soient effectivement utilisés.
M. Serge Mathieu a évoqué aussi l'ensemble des questions relatives aux charges et à la fiscalité applicables à la viticulture.
Je suis, sur ces questions, en concertation permanente avec mon collègue chargé du budget, pour rappeler la nécessité d'une meilleure adéquation des systèmes en vigueur aux spécificités de la viticulture : je pense notamment à la fiscalité sur les stocks à rotation lente et aux déductions pour investissements.
Concernant le débat sur le vin et la santé publique, je sais que les professionnels sont engagés activement dans une démarche pédagogique visant à expliquer les conditions dans lesquelles la consommation modérée de vin est non seulement un élément fort de convivialité, mais aussi, semble-t-il, un atout pour la santé ; certains travaux scientifiques l'attesteraient.
Ce travail d'information commence à porter ses fruits dans les deux directions souhaitées : la lutte contre l'alcoolisme et l'information objective des consommateurs.
Enfin, M. Serge Mathieu a bien voulu saluer l'action que j'ai conduite cet été en matière de distillation préventive, de soutien à l'approvisionnement des débouchés « non-vins », ainsi qu'en faveur de l'amélioration qualitative des vignobles et de leur restructuration.
Je lui confirme que c'est avec la même détermination que je m'efforce de répondre aux autres préoccupations des professionnels de ce secteur, à commencer par le financement des investissements dans les caves, notamment coopératives, ou l'évolution du statut des syndicats d'appellation. Il en va, nous le savons, de l'avenir de notre viticulture.
MM. François-Poncet, de Menou et Huchon sont intervenus notamment sur l'organisation commune du marché des fruits et légumes. Ils ont évoqué la mise en place des dispositions prévues dans le cadre de la nouvelle OCM.
Comme vous le savez, celle-ci a été négociée en 1996 et les textes ont été définitivement approuvés début 1997. La mise en application française de ce nouveau cadre européen est en cours de réalisation, et nous avons la volonté de faire franchir à ce secteur très important de l'économie agricole une nouvelle étape en matière d'organisation.
C'est la raison pour laquelle, en concertation étroite avec les représentants des organisations professionnelles concernées, j'ai souhaité donner une chance à tous ceux qui s'engageraient clairement et rapidement dans les schémas proposés par la nouvelle OCM.
Il n'a donc pas été procédé à une sélection a priori des dossiers qui nous sont présentés, dès lors que le respect scrupuleux des textes communautaires apparaissait dans les dossiers transmis.
Bien entendu, l'OCM mettant en jeu des financements européens, les contrôles les plus stricts seront réalisés dès la première année, et aucune complaisance ne sera de mise à l'égard de ceux qui ne respecteraient pas intégralement les objectifs fixés.
Complémentairement, nous avons engagé une réflexion sur l'organisation des structures d'encadrement régionales et nationales des organisations de producteurs.
En effet, une adaptation de ces structures au nouveau dispositif européen s'avère nécessaire. Comme les professionnels responsables, je souhaite que la prochaine campagne de fruits et légumes, qui s'inscrira pleinement dans cette nouvelle OCM, bénéficie des opportunités réelles apportées par le nouveau cadre européen.
M. François-Poncet s'est également interrogé sur l'opportunité de traiter certaines filières spécialisées selon la même logique que celle qui sous-tend le paquet Santer. Pourquoi ne pas envisager, par exemple, des aides à l'hectare pour les fruits et légumes ? La question mérite certes réflexion.
Je dirai simplement, à ce stade des négociations du paquet Santer, que les intérêts de la France dans ce débat ne nous conduisent pas à augmenter le nombre des sujets et des produits en discussion.
Concernant les fruits et légumes, force est de constater que la nouvelle OCM vient juste d'être adoptée. La question de l'opportunité d'un changement des règles du jeu se pose donc. Par ailleurs, il me semble difficile de justifier un soutien à cette filière au titre d'un différentiel de prix par rapport aux marchés mondiaux, mais la question, je le répète, mérite réflexion.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'arrive au terme de ma réponse à vos questions. Il ne m'a, bien évidemment, pas été possible de répondre à toutes celles que vous avez soulevées. Au demeurant, le débat budgétaire est devant nous.
A cet égard, j'ai entendu le jugement sévère qu'a porté M. Soucaret sur le projet de budget de mon ministère. Je lui ai déjà fait remarquer qu'il s'agissait d'une appréciation militante. S'il est sévère pour un budget qui progresse de 1,2 %, je tremble à l'idée de ce qu'il a pu dire voilà deux ans quand le budget reculait de 2,1 % et il y a un an quand il reculait de 3,8 % !
M. René-Pierre Signé. Il a la mémoire courte !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Au terme de ces heures de discussion, j'ai le sentiment que nous venons d'ouvrir un débat d'orientation et non pas seulement un débat prébudgétaire. Je me réjouis de voir l'intérêt que la Haute Assemblée porte à nos agricultrices, à nos agriculteurs, à notre agriculture.
Comme vous, je considère que le monde agricole et agro-alimentaire, qui joue un rôle essentiel dans notre économie, est aussi une composante primordiale de notre culture, déterminante pour l'équilibre de notre territoire.
Nous aurons à nouveau l'occasion d'échanger nos vues dans quelques semaines lors de la discussion du projet de loi de finances et dans quelques mois lors du débat sur le projet de loi d'orientation agricole, dont l'ambition, je m'y applique, sera à la hauteur de vos attentes. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 74 et distribuée.

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DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Cuba pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 76, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Pologne.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 77, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ukraine pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 78, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 70, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu de MM. Maurice Blin, Henri de Raincourt, Josselin de Rohan, Louis Souvet et Jean Arthuis une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur les conséquences pour l'économie française de la réduction de la durée du travail à trente-cinq heures hebdomadaires.
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 75, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation et pour avis à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en application de l'article 11, alinéa 1, du règlement.

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DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord bilatéral entre la Communauté européenne et l'ancienne République Yougoslave de Macédoine sur le commerce de produits textiles.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 947 et distribuée.

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RENVOI POUR AVIS

M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n° 70, 1997-1998) dont la commission des affaires sociales est saisie au fond est renvoyé pour avis à sa demande à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

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DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Henri Revol un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de résolution de MM. Maurice Blin, Henri de Raincourt, Josselin de Rohan, Jacques Valade et Henri Revol tendant à créer une commission d'enquête afin de recueillir les éléments relatifs aux conditions d'élaboration de la politique énergétique de la France et aux conséquences économiques, sociales et financières des choix effectués (n° 34, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 71 et distribué.
J'ai reçu de M. Guy Allouche un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi de M. Jacques Larché tendant à faciliter le jugement des actes de terrorisme (n° 56, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 72 et distribué.
J'ai reçu de MM. Charles Descours, Jacques Machet et Alain Vasselle un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n° 70, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 73 et distribué.

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DÉPÔT D'UN AVIS

M. le président. J'ai reçu de M. Jacques Oudin un avis présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n° 70, 1997-1998).
L'avis sera imprimé sous le numéro 79 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 6 novembre 1997, à neuf heures trente :
1. - Discussion de la résolution (n° 46, 1997-1998), adoptée par la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation en application de l'article 73 bis, alinéa 8, du règlement, sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de télécommunications (n° E 785).
Rapport (n° 37, 1997-1998) de M. Denis Badré, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Aucun amendement n'est plus recevable.
A quinze heures :
2. - Discussion des conclusions du rapport (n° 283, 1996-1997) de M. Jean-Paul Delevoye, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur :
- la proposition de loi (n° 240, 1994-1995) de MM. Louis Souvet, Michel Alloncle, Jean Bernard, Eric Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Gérard César, Désiré Debavelaere, Jacques Delong, Alain Dufaut, Alain Gérard, Daniel Goulet, Georges Gruillot, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Jean-Paul Hammann, Roger Husson, André Jarrot, André Jourdain, Lucien Lanier, Marc Lauriol, Jean-François Le Grand, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Maurice Lombard, Max Marest, Paul Masson, Mme Hélène Missoffe, MM. Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Mme Nelly Rodi, MM. Michel Rufin, Maurice Schumann, Alain Vasselle et Serge Vinçon visant à clarifier les conditions d'accueil des gens du voyage sur le territoire des communes de plus de 5 000 habitants ;
- la proposition de loi (n° 259, 1994-1995) de MM. Philippe Marini, Honoré Bailet, Jacques Bérard, Jean Bernard, Mme Paulette Brisepierre, MM. Robert Calmejane, Auguste Cazalet, Gérard César, Jean Chérioux, Désiré Debavelaere, Jean-Paul Delevoye, Roger Fosse, François Gerbaud, Daniel Goulet, Adrien Gouteyron, Georges Gruillot, Emmanuel Hamel, Jean-Paul Hammann, Jean-Paul Hugot, Roger Husson, André Jarrot, René-Georges Laurin, Marc Lauriol, Jacques Legendre, Joseph Ostermann, Michel Rufin, Martial Taugourdeau et Alain Vasselle relative au stationnement des gens du voyage.
Aucun amendement n'est plus recevable.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n° 70, 1997-1998) :
- délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 12 novembre 1997, à douze heures ;
- délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 12 novembre 1997, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jacques Larché tendant à faciliter le jugement des actes de terrorisme (n° 72, 1997-1998) :
- délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 12 novembre 1997, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

M. Charles Descours (équilibres généraux de la sécurité sociale et assurance maladie), M. Jacques Machet (famille) et M. Alain Vasselle (assurance vieillesse) ont été nommés rapporteurs du projet de loi n° 70 (1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale avec modifications, de financement de la sécurité sociale pour 1998.

COMMISSION DES FINANCES

M. Jacques Oudin a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 70 (1997-1998) de financement de la sécurité sociale pour 1998, dont la commission des affaires sociales est saisie au fond.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Situation budgétaire des hôpitaux d'Ile-de-France

110. - 5 novembre 1997. - M. Gérard Larcher attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur la situation des hôpitaux de la région Ile-de-France, au regard du taux d'évolution des budgets hospitaliers pour 1998 de 2,2 %. Un grand nombre d'établissements, devant l'évolution de la masse salariale et celle du coût engendré par la réglementation sur la sécurité des soins, ne pourront tenir leur budget que s'ils bénéficient de cette évolution totalement. Or, les décisions prises par les services ministériels (direction des hôpitaux), qui définissent les évolutions régionales, et par l'agence régionale d'hospitalisation de la région Ile-de-France, vont modifier en la diminuant cette évolution de 2,2 %. En conséquence, il lui demande quelles dispositions il compte prendre afin que de nombreux hôpitaux, notamment de la région Ile-de-France ne se retrouvent pas dans les faits avec des taux d'évolution zéro ou des taux négatifs qui entraîneraient d'importantes suppressions d'emplois ou d'abandons d'activité médicale.

Respect du principe de présomption
d'innocence par les médias

111. - 5 novembre 1997. - M. François Lesein appelle l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences souvent irréparables qu'entraîne la publicité faite autour des mises en examen de certains justiciables, qu'ils soient célèbres ou non, et dont l'innocence est reconnue par la suite. En effet, alors que la garde à vue, la mise en examen ou le jugement de certaines personnes font parfois les gros titres de la presse nationale ou régionale, on peut déplorer que ces mêmes titres n'accordent pas la même importance au non-lieu, à la relaxe ou à l'acquittement prononcé en faveur de ces personnes. Or, malgré la présomption d'innocence à laquelle il est théoriquement impossible de porter atteinte en vertu de textes récents, on constate que toute mise en cause médiatique s'accompagne d'une irréversible présomption de culpabilité dans l'esprit des lecteurs, et ce malgré la survenue d'une décision d'innocence. Dès lors, il lui demande s'il ne serait pas concevable d'adopter un système, similaire à celui du droit de réponse, qui contraindrait les organes de presse ayant fait état d'une mise en cause pénale, à faire également état de la décision d'innocence et ce, dans les mêmes proportions.

Régime de la taxe professionnelle
applicable à France Télécom et à La Poste

112. - 5 novembre 1997. - M. François Lesein appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les problèmes posés par la législation en vigueur relative à l'assujettissement de France Télécom et de La Poste à la Taxe professionnelle. En effet, l'Etat ne reverse pas aux communes, qui accueillent leurs établissements, le produit de la taxe professionnelle tel que le prévoit pourtant le droit commun. Cette situation prive de nombreuses communes de moyens financiers importants causant dès lors un manque à gagner tout à fait regrettable pour des collectivités trop souvent surrendettées. Malgré les nombreuses interventions d'élus, de parlementaires et d'associations en faveur de l'application du droit commun des règles de la décentralisation et de l'utilisation de la taxe professionnelle, il semble malheureusement qu'il y ait eu peu d'évolution sur un sujet aussi sensible. Il lui demande en conséquence s'il ne serait pas envisageable que les collectivités locales puissent enfin percevoir le produit de la taxe professionnelle de France Télécom et de La Poste.

Taux de TVA applicable au gaz, à l'électricité
et au fioul ménager

113. - 5 novembre 1997. - M. François Lesein appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les coûts excessifs occasionnés par le taux de TVA à 20,6 % en ce qui concerne la consommation de gaz, d'électricité et de fioul ménager. Sachant qu'un taux dérogatoire de 5,5 % est reconnu pour favoriser la consommation de certains produits de première nécessité, il est étonnant de constater que le gaz, l'électricité et le fioul ménager n'entrent pas dans cette catégorie de produits. On ne saurait envisager un seul instant de pouvoir vivre sans l'un ou l'autre de ces trois éléments indispensables au confort minimum de nos habitations aussi modestes soient-elles. C'est pourquoi, il lui demande s'il ne serait pas plus juste et équitable d'appliquer, pour chacun de nos concitoyens, un taux de TVA de 5,5 % pour toute opération de consommation de gaz, d'électricité et de fioul domestique.

Taux de TVA sur les produits multimédia

114. - 5 novembre 1997. - M. François Lesein appelle l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur la nature des suites qu'il convient de donner à la divergence des opinions exprimées par M. le Président de la République et la commission européenne en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur les produits multimédia. Il est aujourd'hui patent de constater que nombre de ces produits, notamment les CD-Rom, poursuivent, dans le domaine de l'éducation par exemple, des objectifs similaires à ceux du livre pour lequel le taux de TVA est réduit. De plus, on ne saurait considérer l'approche de la culture uniquement par le biais de la littérature. Il convient bien au contraire d'encourager la diffusion des autres modes d'expression culturelle qui, à l'instar de la peinture, de la musique ou du cinéma, sont accessibles au plus grand nombre, essientellement grâce à l'essor des CD-Rom, des disques compacts ou des vidéocassettes. Aussi, il lui demande quels aménagements pourraient être opérés afin que le souhait du Président de la République, partagé par l'ensemble des Français, puisse être exaucé.