M. le président. Au moment où la priorité du Gouvernement est à l'emploi des jeunes, M. Hubert Durand-Chastel attire l'attention de M. le Premier ministre sur le fait qu'à la suite de la suppression du service national obligatoire les coopérants du service national, les CSN, vont disparaître.
Ces formules, en favorisant une première expérience professionnelle à l'étranger, représentaient un puissant facteur d'intégration des jeunes dans la vie active et constituaient en outre un vivier intéressant pour l'expatriation et l'implantation des entreprises françaises à l'étranger.
Le texte de réforme du service national présenté par le gouvernement de M. Alain Juppé, qui avait été voté par les deux assemblées, prévoyait, en remplacement des CSN, des formules de volontariat civil, dont une pour la coopération internationale et l'aide humanitaire.
Or le texte de la réforme qui vient d'être examiné se limite au volontariat militaire dans les armées, renvoyant éventuellement à un texte ultérieur le volontariat civil. Par ailleurs, lors de la discussion du projet de loi relatif à l'emploi des jeunes, l'extension du dispositif pour les emplois à l'étranger a été refusée malgré l'adoption par le Sénat d'un amendement à ce sujet.
De fait, le développement de l'emploi des jeunes à l'étranger n'est plus pris en compte, alors même que les besoins existent, en particulier auprès des petites et moyennes entreprises désirant exporter, des chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger, ainsi que des comités consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle. La mondialisation réclamant une ouverture de nos forces de production et de services vers l'extérieur, il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement à ce sujet. (N° 83.)
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le secrétaire d'Etat, au regard de la priorité du Gouvernement pour l'emploi des jeunes, comme représentant des Français établis hors de France, j'ai deux inquiétudes.
La première concerne la suppression des coopérants du service national, à la suite de la professionnalisation des armées.
Créés voilà près de vingt ans, les CSN en entreprise constituent un excellent tremplin pour l'accès à l'emploi, puisque, dans 55 % des cas, les jeunes bénéficiaires sont embauchés par l'entreprise dans laquelle ils ont effectué leur mission de coopération. Cette formule a ainsi permis à 20 000 jeunes de s'expatrier, expatriation que l'on doit considérer comme un atout en période de globalisation de l'économie.
Dans la réforme du service national présentée par le gouvernement de M. Juppé et examinée par nos deux assemblées, des volontariats civils étaient substitués aux CSN, dont un pour la coopération internationale et l'aide humanitaire. Or le texte qui vient d'être adopté ne prévoit que des volontariats militaires.
Les CSN représentant un appui non négligeable pour les entreprises désireuses de développer leur marché à l'extérieur, le Gouvernement a-t-il l'intention de proposer des formules de remplacement pour les jeunes désirant acquérir une expérience à l'étranger ?
Ma seconde inquiétude est due à la position prise par Mme Martine Aubry à l'occasion de la discussion, dans cette enceinte, du projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes. Elle a en effet refusé d'étendre le dispositif à l'étranger, l'objectif du Gouvernement n'étant pas, selon elle, de favoriser les emplois en dehors de l'Hexagone.
De fait, le développement de l'emploi à l'étranger n'est pas pris en compte, alors que les demandes augmentent et que des besoins existent pour les petites et moyennes entreprises désirant s'internationaliser, ainsi que pour les chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger, les comités consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle, les établissements scolaires français à l'étranger, etc., instances qui manquent cruellement de moyens en personnel pour accomplir leurs missions de terrain fort utiles.
Le 29 octobre 1996, répondant à ma question sur ce même sujet, Mme Anne-Marie Couderc, alors ministre délégué pour l'emploi, indiquait les mesures envisagées par le gouvernement de l'époque pour développer les emplois français à l'étranger en regroupant, en particulier, des organismes similaires spécialisés sur ce problème. Ces orientations sont-elles reprises en compte par votre Gouvernement ? Des mesures spécifiques favorisant l'emploi des jeunes Français à l'étranger seront-elles présentées au Parlement ? Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous éclairer sur ces points.
M. Jacques Habert. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui me permet de traiter d'un dispositif très important pour l'insertion des jeunes et l'internationalisation des entreprises.
Je dresserai d'abord un état des lieux, j'examinerai ensuite des pistes de travail.
Le système des coopérants du service national en entreprises concerne, en 1997, 3 500 jeunes, soit 10 % de plus qu'en 1996. En 1983, première année de la procédure, il n'y en avait que 228. Comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, 55 % de ces jeunes sont engagés par l'entreprise dans laquelle ils ont travaillé ; le taux passe même, si l'on prend en compte ceux qui trouvent un travail à l'issue de leur stage, à 75 %, voire à 80 %. On peut dire que ce sont des jeunes et qui trouvent plus facilement du travail précisément parce qu'ils ont montré leur dynamisme en ayant eu le souci d'aller à l'étranger.
Ce système est donc un succès, qui peut s'expliquer par plusieurs facteurs.
D'abord, la procédure est utile aux entreprises, qui demandent unanimement la prolongation des contrats de volontariat. Elle est utile aux jeunes, puisque 80 % d'entre eux obtiennent un emploi à la fin de leur mission de coopération. Elle représente enfin - et ce n'est pas négligeable ! - un coût nul pour l'Etat.
Les défauts de jeunesse du système ont été résolus en grande partie.
La répartition géographique des volontaires est bien équilibrée : la moitié d'entre eux sont en poste en Europe, et à peu près 15 % sont affectés respectivement en Asie, en Amérique et en Afrique. Par ailleurs, les PME et les PMI représentent 40 % des entreprises d'accueil, et cette proportion va en s'accroissant. De plus, elles peuvent mutualiser un CSNE à deux ou trois si leurs besoins ou leurs moyens de financement sont limités. Enfin, le dispositif étant plus connu, le choix des bénéficiaires devient plus transparent, et l'Agence pour la coopération technique, industrielle et économique, l'ACTIM, y prête une grande attention.
Quelles sont maintenant les pistes pour l'avenir ?
Comme vous le savez, le service national obligatoire et son corollaire, le sursis d'incorporation, sont abandonnés. Je n'ai pas voulu attendre 2001 ou 2002, années d'épuisement du « stock » des derniers sursitaires, pour agir. M. Védrine et moi avons donc obtenu, grâce à M. Richard, l'insertion du volontariat international dans la loi portant réforme du service national. Un nouveau dispositif sera mis en place et présenté à votre assemblée, sans doute au début de l'année prochaine. En effet, les travaux techniques seront bientôt achevés, et nous engagerons ensuite les consultations avec les parties concernées, avant de déposer le projet de loi sur le bureau de votre assemblée.
Je peux vous l'indiquer d'ores et déjà, nous souhaitons que le nouveau système soit plus souple et qu'il comporte un éventail de durée allant, si possible, de neuf mois à trente-six mois.
Nous essayons aussi de l'ouvrir davantage - cela est déjà inscrit dans la loi, mais ce n'est peut-être pas encore suffisamment vrai dans la pratique - en direction des titulaires de diplômes de niveau bac + 2, alors que le système s'adresse plutôt, actuellement, aux titulaires de bac + 4. Il s'agit d'un point très important, en matière aussi bien d'équité que de besoins des PME, ces dernières étant en effet très soucieuses d'avoir des jeunes ayant un DUT ou un BTS. Nous essaierons également de rendre effectivement ces stages mixtes car, si le système actuel s'applique théoriquement aux jeunes gens et aux jeunes filles, en pratique, il n'y a que des jeunes gens.
Enfin, nous voulons multiplier par deux le nombre des départs de volontaires à l'étranger dans les premières années d'application du dispositif ; nous visons en effet une vitesse de croisière de 10 000 jeunes par an.
Vous avez ensuite demandé pourquoi les emplois Aubry ne sont pas appplicables à l'étranger.
Je rappelle que les emplois Aubry, première formule, dont les modalités ont été soumises aux délibérations du Parlement, ne peuvent pas concerner des tâches de caractère privé. Mme Aubry n'a pas voulu sortir de ce cadre.
Or vous visez des jeunes qui seraient mis à la disposition d'entreprises privées, de grandes sociétés comme de PME et de PMI. Je pense qu'un dispositif visant les entreprises privées sera prochainement envisagé. M. Moscovici, qui est plus informé sur ce point que moi, le confirmera certainement. Dans ce cadre-là, nous ferons en sorte que le cas des emplois à l'étranger soit prévu. C'est en effet extrêmement important.
Je voudrais évoquer un dernier point.
Il se trouve que des jeunes de plus en plus nombreux, par goût de l'expatriation, en raison du manque d'emplois en France, partent à l'étranger et y trouvent des emplois. Au cours de mes voyages, je rencontre souvent des jeunes Français qui ont trouvé un emploi en Argentine, à Singapour... Ils ne posent ni problème de transport ni problème de rémunération puisqu'ils sont transportés à leurs frais ou aux frais de l'entreprise qui les a recrutés et qu'ils sont payés par elle. En revanche se pose à eux un problème de couverture médicale. Je compte demander que soit adoptée une disposition permettant d'y remédier.
Une telle disposition ne devrait pas être refusée, en tout cas je l'espère, car il s'agit de jeunes en bonne santé, et les dépenses induites seraient minimes.
On peut envisager une couverture pour une période de quatre ou cinq ans, ce qui assurerait à ces jeunes une certaine garantie. Ils sont les propagateurs de l'image de la France à l'étranger ; on peut bien faire un petit effort en leur faveur !
M. Hubert Durand-Chastel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'intérêt que vous portez aux CNSE, qui constituent un véritable vivier pour les entreprises françaises à l'étranger.
Toutes les mesures dont vous suggérez l'adoption sont d'autant plus souhaitables que les jeunes, qui n'auront bientôt plus à choisir entre la caserne et un départ à l'étranger, préféreront sans doute, pour nombre d'entre eux, rester en France.
Les enjeux du commerce extérieur pour la croissance et l'emploi nécessitent, par ailleurs, que notre pays passe à la vitesse supérieure dans l'efficacité de son organisation et de ses structures. Une coordination renforcée de l'ensemble des actions extérieures de la France s'impose, car elle n'est assurée actuellement que par des comités interministériels, qui se réunissent rarement et décident peu.
C'est pourquoi Mme Couderc avait entrepris de réunir en groupement d'intérêt public les différents organismes s'occupant d'expatriation et d'emploi à l'étranger.
A terme, l'objectif devrait être d'aller vers une administration unique de l'action extérieure, qui regrouperait les services du Quai d'Orsay, de la coopération, mais aussi du ministère de l'économie et des finances et du commerce extérieur.
Dans l'immédiat, un rapprochement entre le ministère des affaires étrangères et la direction des relations économiques extérieures, la DREE, permettrait de mettre en oeuvre une politique volontariste, plus offensive dans la conquête des marchés à l'étranger si nécessaire au développement de l'emploi en France.
Réforme des fonds structurels européens