M. le président. M. Serge Vinçon demande à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes de bien vouloir lui expliquer les raisons pour lesquelles la directive 96/67/CE du Conseil du 15 octobre 1996 (concernant l'accès au marché de l'assistance en escale dans les aéroports de la Communauté), jugée de nature législative lors de l'examen du projet par le Conseil d'Etat le 14 avril 1995 et, par conséquent, entrant dans le champ d'application de l'article 88-4 de la Constitution, fait l'objet d'un projet de décret, afin de procéder à sa transposition en droit interne sans l'examen du Parlement.
L'examen du Parlement apparaît d'autant plus nécessaire que cette directive semble poser des questions de fond, eu égard au droit de la concurrence, et notamment à l'ordonnance de 1986. (N° 102.)
La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon. Monsieur le ministre, la directive 96/67/CE du Conseil du 15 octobre 1996 concernant l'accès au marché de l'assistance en escale dans les aéroports de la Communauté, jugée de nature législative lors de l'examen du projet par le Conseil d'Etat le 14 avril 1995 et, par conséquent, entrant dans le champ d'application de l'article 88-4 de la Constitution, fait pourtant l'objet d'un projet de décret afin de procéder à sa transposition en droit interne en dehors du Parlement.
L'intégration en droit interne de ce texte dans le cadre d'une loi de transposition aurait permis d'engager un débat au Parlement sur ces dispositions et de vérifier à cette occasion si le droit français de la concurrence résultant de l'ordonnance de 1986 était toujours en harmonie avec le droit européen.
Il semble que le Gouvernement ait choisi d'agir de manière réglementaire au motif de l'urgence, supprimant ainsi toute possibilité de discussion sur la situation nouvelle qui sera créée pour les entreprises intéressées, ainsi que la nécessaire réflexion concernant les répercussions inévitables sur la cohérence des droits français et européen de la concurrence.
Cette directive européenne est perçue par les professions comme un recul par rapport au système existant en France.
La hiérarchie des textes qui entraîne la soumission du droit interne à l'ordre juridique européen pourrait ainsi, si cette évolution de l'orientation plutôt antilibérale des directives européennes se confirmait, sonner le glas de l'ordonnance de 1986.
Aussi souhaiterais-je que vous vous prononciez, monsieur le ministre, tant sur la méthode employée pour effectuer la transposition de cette directive que sur les conséquences prévisibles qu'elle aurait pour les entreprises françaises intéressées.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Votre très pertinente question, monsieur le sénateur, portant sur une matière particulièrement complexe, je reviendrai, pour y répondre, sur les différentes étapes du dossier.
Le 10 avril 1995, la Commission européenne a soumis au conseil de l'Union européenne une proposition de directive visant à libéraliser - car il s'agit tout de même d'une libéralisation - l'accès au marché de l'assistance en escale dans les aéroports de la Communauté. Cette proposition a été transmise dès le 12 mai 1995, selon les règles de diligence qui s'imposent, à la Haute Assemblée ainsi qu'à l'Assemblée nationale, en application des dispositions de l'article 88-4 de la Constitution, des dispositions dont je me plais à souligner le bon fonctionnement.
Après avoir été discuté et amendé par le Conseil, le texte définitif de la directive a été adopté par celui-ci le 15 octobre 1996. Il doit être transposé à la fin de l'année 1997.
Pour que soit assurée la transposition en droit interne, un projet de loi a d'abord été rédigé, car on avait jugé que la directive pouvait comporter des dispositions de nature législative.
Cependant, vous le savez, en France, le processus d'élaboration des projets de loi implique le juge administratif. C'est ainsi que ce projet de loi a été soumis à la section des travaux publics du Conseil d'Etat et que celui-ci l'a examiné en séance plénière le 3 juillet 1997.
Au vu des dispositions de la directive adoptée, le Conseil d'Etat a estimé que l'intervention d'un texte législatif ne se justifiait pas, s'agissant de mesures ayant trait à la gestion du domaine public, qui relève majoritairement du règlement, en vertu des articles 34 et 38 de la Constitution.
En effet, les activités d'assistance en escale prennent place sur les dépendances du domaine public et se rattachent étroitement à l'organisation du service public puisque c'est l'accueil des usagers du transport aérien qui est en cause.
Les principes constamment dégagés par la jurisprudence administrative, notamment celle du Conseil d'Etat, font ressortir que l'autorité administrative est dotée de très larges pouvoirs pour prendre toutes les mesures destinées à permettre une meilleure exploitation du domaine public, en réglementant - il s'agit donc bien du champ réglementaire - les conditions d'exercice de l'activité qui s'exerce sur ce domaine.
C'est pour cette seule raison, monsieur le sénateur, et en aucun cas parce que le Gouvernement fuirait ses responsabilités, que la transposition en droit français de cette directive doit être opérée par un décret, qui est d'ailleurs en cours d'examen par le Conseil d'Etat.
Des impératifs juridiques qui se sont imposés au Gouvernement - comme ils se seraient imposés à tout autre gouvernement - expliquent donc, monsieur le sénateur, la situation sur laquelle vous avez appelé mon attention. Il ne s'agit nullement d'une volonté de combattre telle ou telle logique ou d'éviter telle ou telle responsabilité.
Réaménagement de la route nationale 102