SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Mise au point au sujet d'un vote (p. 1 ).

3. Loi de finances pour 1998. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 2 ).

Education nationale,
recherche et technologie

I. - ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (p. 3 )

MM. Joseph Ostermann, en remplacement de M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean Bernadaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement scolaire ; Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement technique ; André Maman.

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

MM. Jean-Louis Carrère, Pierre Laffitte, Mme Hélène Luc, MM. Alain Gérard, Philippe Richert, Robert Castaing, Bernard Joly, Alain Vasselle, René-Pierre Signé, Pierre Martin, Franck Sérusclat, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Suspension et reprise de la séance (p. 4 )

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

4. Souhaits de bienvenue à M. l'ambassadeur de Suisse (p. 5 ).

5. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 6 ).

PROPOSITIONS EUROPÉENNES
EN MATIÈRE D'ÉLEVAGE BOVIN (p. 7 )

MM. Michel Moreigne, Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche.

CRISE FINANCIÈRE EN ASIE (p. 8 )

MM. Xavier de Villepin, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

DEVENIR DES RÉGIMES DE RETRAITE
PAR RÉPARTITION (p. 9 )

M. Marcel-Pierre Cléach, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

RÉGIME FISCAL DES ASSOCIATIONS CULTURELLES (p. 10 )

MM. Bernard Joly, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

ORGANISATION DES NÉGOCIATIONS
SUR LES 35 HEURES (p. 11 )

M. Michel Duffour, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU

RÉGULARISATION DES SANS-PAPIERS (p. 12 )

MM. Jean-Pierre Camoin, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE JUVÉNILE (p. 13 )

MM. Guy Allouche, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

LES TERRITOIRES D'OUTRE-MER
ET L'UNION EUROPÉENNE (p. 14 )

MM. Daniel Millaud, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

VIOLENCES URBAINES (p. 15 )

MM. Gérard César, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

MISE EN OEUVRE DES 35 HEURES (p. 16 )

M. Henri Belcour, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

FRAIS DE SCOLARITÉ
DANS LES ÉCOLES FRANÇAISES À L'ÉTRANGER (p. 17 )

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

6. Dépôt d'un rapport du Gouvernement (p. 18 ).

7. Mise au point au sujet d'un vote (p. 19 ).
MM. André Egu, le président.

8. Quatrième protocole annexé à l'accord général sur le commerce des services. - Adoption d'un projet de loi (p. 20 ).
Discussion générale : MM. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Xavier de Villepin, en remplacement de M. Maurice Lombard, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Mme Odette Terrade.
M. le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 21 )

MM. Daniel Millaud, Pierre Laffitte, Emmanuel Hamel, le secrétaire d'Etat.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

9. Loi de finances pour 1998. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 22 ).

Education nationale,
enseignement supérieur et recherche (suite) (p. 23 )

I. - ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (suite) (p. 24 )

Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.

Crédits du titre III (p. 25 )

Amendement n° II-8 de la commission. - MM. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances ; Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ; Mme Hélène Luc, MM. Pierre Laffitte, Jean-Louis Carrère, Emmanuel Hamel, Adrien Gouteyron. - Adoption par scrutin public.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre IV (p. 26 )

Mmes Hélène Luc, le ministre délégué.
Amendement n° II-9 de la commission. - M. le rapporteur général, Mme le ministre délégué, M. Jean-Louis Carrère. - Adoption par scrutin public.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits des titres V et VI. - Adoption (p. 27 )

II. - ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (p. 28 )

MM. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Pierre Camoin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Claude Saunier, Pierre Laffitte, Ivan Renar, Patrice Gélard, Denis Badré, André Maman, Marcel Vidal, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ; Christian Poncelet, président de la commission des finances.

Crédits du titre III (p. 29 )

Amendement n° II-10 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre, Jean-Louis Carrère. - Adoption par scrutin public.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre IV (p. 30 )

Amendement n° II-11 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre, le rapporteur pour avis, Jean-Louis Carrère, Ivan Renar. - Adoption par scrutin public.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre V (p. 31 )

M. Ivan Renar.
Adoption des crédits.

Crédits du titre VI. - Adoption (p. 32 )

Article 63 bis (p. 33 )

Amendements n°s II-6 de M. Camoin et II-14 de M. Badré. - MM. Pierre Laffitte, Denis Badré, le ministre, le rapporteur spécial. - Retrait de l'amendement n° II-14 et adoption de l'amendement n° II-6 rédigeant l'article.

Suspension et reprise de la séance (p. 34 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

III. - RECHERCHE ET TECHNOLOGIE (p. 35 )

MM. René Trégouët, rapporteur spécial de la commission des finances : Pierre Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Jean-Louis Carrère, Pierre Laffitte, Ivan Renar, Lucien Neuwirth, Jacques Habert, Henri Revol, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Crédits du titre III (p. 36 )

Amendement n° II-12 de la commission. - MM. Jean-Philippe Lachenaud, en remplacement de M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances ; le ministre, Ivan Renar, Pierre Laffitte, Jean-Louis Carrère, René Trégouët, Christian Poncelet, président de la commission des finances. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre IV (p. 37 )

Amendement n° II-13 de la commission. - MM. Jean-Philippe Lachenaud, en remplacement de M. le rapporteur général ; le ministre. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre V. - Adoption (p. 38 )

Crédits du titre VI (p. 39 )

MM. le président de la commission des finances ; Jean-Louis Carrère.
Adoption des crédits.

Affaires étrangères et coopération

II. - COOPÉRATION (ET FRANCOPHONIE) (p. 40 )

M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères ; MM. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie ; Robert-Paul Vigouroux, Jean-Luc Bécart, Daniel Goulet, Jean-Pierre Cantegrit, Jacques Habert, Guy Penne, Lucien Neuwirth, Pierre Biarnès, Christian Demuynck, Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie ; Christian Poncelet, président de la commission des finances.

Crédits des titres III à VI. - Adoption (p. 41 )

10. Dépôt de propositions de loi (p. 42 ).

11. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 43 ).

12. Dépôt d'un rapport (p. 44 ).

13. Dépôt d'un rapport d'information (p. 45 ).

14. Ordre du jour (p. 46 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE

M. Jean Faure. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Faure.
M. Jean Faure. Lors de la précédente séance, consacrée à la fin de l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1998, j'ai été porté comme votant pour l'amendement n° I-207, tendant à supprimer l'article 22 bis, relatif au fonds national pour le développement du sport, le FNDS. Or, en ma qualité de président du groupe du sport, je me rallie à la position de M. le président de la commission des affaires culturelles : je souhaite donc que figure aux comptes rendus que je voulais voter contre cet amendement.
Mme Hélène Luc. Hier, j'avais fait remarquer que certains collègues allaient être surpris par leur vote !
M. le président. Acte est donné de cette mise au point.

3

LOI DE FINANCES POUR 1998

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale. [N°s 84 et 85 (1997-1998).]

Education nationale, recherche et technologie

I. - ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'éducation nationale, la recherche et la technologie : I. - Enseignement scolaire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joseph Ostermann, en remplacement de M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Le projet de budget de l'enseignement scolaire pour 1998 aujourd'hui soumis à notre examen correspond, avec ses 286 milliards de francs de crédit, à l'énorme estomac de l'animal préhistorique que vous souhaitez dégraisser, monsieur le ministre. (Sourires.)
Il enregistre une hausse de 3,15 % en francs courants par rapport au budget pour 1997. Cela correspond à une augmentation des crédits de 8,7 milliards de francs. Il s'agit d'une hausse en francs constants de 1,77 %, qui tranche avec l'effort global de l'Etat pour contenir la croissance des crédits dans la limite de l'inflation anticipée, soit 1,36 %.
Cette augmentation tranche également avec vos déclarations, par lesquelles vous avez su attirer l'attention et susciter l'intérêt des parents, des enseignants et des élus. Car force est de constater que la machine Education nationale est restée figée sur un modèle dépassé, dans un monde pourtant changeant et dans un environnement en perpétuelle évolution, ce qui affecte les enseignants, les familles et leurs enfants.
Cette augmentation tranche enfin avec l'orientation adoptée par le précédent gouvernement, qui a mis un terme, dans le budget pour 1997, à plusieurs années de forte croissance des crédits en limitant l'augmentation à 1,5 % seulement, soit 277,2 milliards de francs contre 273 milliards de francs en 1996.
Ce ralentissement illustrait l'attention portée à la démographie dans l'enseignement scolaire et aux nécessaires adaptations qui en découlent en matière d'effectifs enseignants.
En effet, la diminution des effectifs scolarisés dans l'enseignement et dans les collèges à la rentrée 1997 a permis, non seulement de faire face, à moyens décroissants, aux besoins en enseignants dans les lycées et dans les classes post-baccalauréat, mais aussi d'améliorer les conditions d'encadrement des établissements situés en zone d'éducation prioritaire.
Or les prévisions relatives aux effectifs scolarisés dans l'enseignement primaire et dans l'enseignement secondaire pour les années à venir n'ont pas varié. Ainsi, après avoir décru de 73 500 élèves à la rentrée 1997, les effectifs scolarisés devraient de nouveau se contracter de 55 400 élèves à la rentrée 1998. On escompte, par ailleurs, dans les dix prochaines années, une diminution des effectifs de 225 000 élèves dans les écoles et de 330 000 élèves dans le second degré.
Le Gouvernement ne semble pas avoir pris conscience de cette évolution.
En effet, infléchissant la politique de contraction des recrutements engagée en 1996, il prévoit, dans le projet de loi de finances pour 1998, non seulement le maintien du nombre de recrutements au niveau de celui de 1997, mais aussi la création de 1 320 emplois de personnels non enseignants, alors que la mobilisation des « brigades de remplacement », dont je rappelle qu'elles s'élèvent à près de 51 000 enseignants, devrait permettre de déployer les emplois là où le besoin s'en fait le plus sentir. On peut donc se demander si le même résultat ne serait pas atteint par le redéploiement des effectifs existants.
Il s'avère, et je me plais à le rappeler, que la progression des crédits est due en grande partie à la progression mécanique des rémunérations des fonctionnaires en exercice et des fonctionnaires retraités. En revanche, on enregistre un manque de perspectives, de prospectives et de statistiques dans ce domaine. Une telle progression mécanique explique la faiblesse des marges de manoeuvre dont dispose le Gouvernement pour contenir ce budget.
En effet, sur 8,7 milliards de francs de hausse de crédits, 4,5 milliards de francs résultent de l'augmentation des dépenses consacrées aux personnels en activité et 3,4 milliards de francs sont la conséquence de l'accroissement des charges de pension des fonctionnaires retraités de l'éducation nationale. Le reste, soit 1 milliard de francs, provient de l'accroissement des crédits consacrés aux établissements d'enseignement privé sous contrat.
Ainsi, 96 % de ses crédits étant affectés aux dépenses de personnel, le budget de l'enseignement scolaire est l'un des plus rigides de l'Etat. Seuls 711 millions de francs, soit 0,25 % du budget, sont consacrés aux dépenses en capital. C'est regrettable !
Le solde des crédits, soit environ 12 milliards de francs, est consacré au fonctionnement des services - 1,9 milliard de francs - aux subventions de fonctionnement - 4 milliards de francs - aux bourses et aux secours d'études - 3,22 milliards de francs - et à des dépenses diverses, dont les dépenses de formation des personnels, au titre desquelles sont inscrits 1,8 milliard de francs.
Dans ces conditions, il convient de s'interroger sur le nombre de fonctionnaires à maintenir dans le système éducatif. En effet, au-delà des économies qu'il est possible de réaliser en redéployant les effectifs et en déconcentrant les actions, seule une réduction constante des effectifs des personnels enseignants et non-enseignants de l'éducation nationale sur le moyen et le long terme permettra de contenir la progression des crédits du budget de l'enseignement scolaire dans une proportion raisonnable au regard, certes, de nos engagements européens mais, surtout, de la compétitivité économique de la France.
Il importe évidemment, pour ne pas dégrader l'encadrement des élèves, que cette réduction suive la courbe des effectifs scolarisés.
Le Gouvernement a, par ailleurs, rouvert 1 262 classes, dont 394 classes maternelles et 868 classes élémentaires qui devaient être fermées du fait de leurs faibles effectifs. Cette initiative procède de l'équité, et votre rapporteur ne peut que l'approuver.
En effet, il pouvait apparaître injuste que des communes ayant fait l'effort de regrouper les écoles voient disparaître une de leurs classes, alors que celles qui possèdent une école à classe unique bénéficient du moratoire des fermetures d'école à classe unique instituée en 1993.
Néanmoins, outre les dépenses budgétaires qu'il induit, cet effort semble peu compatible avec l'évolution démographique en milieu rural, dont il est difficile de faire totalement abstraction. Il pose, par ailleurs, un autre problème, celui de l'exposition à l'échec scolaire des élèves issus d'établissements à faibles effectifs et, surtout, à classe unique.
A cet égard, le précédent rapporteur spécial des crédits de l'enseignement scolaire, notre ami et collègue Jacques-Richard Delong, dont nous regrettons l'absence et auquel nous souhaitons un prompt rétablissement, a mené une mission de contrôle de ces crédits de mai à juin 1997. Il m'a fait part de ses interrogations quant à la manière dont le ministère de l'éducation nationale compte remédier au problème de ces collèges à faibles effectifs.
Ainsi, à la rentrée 1996-1997, 207 collèges comptaient moins de 100 élèves, dont 59 collèges publics et 148 collèges privés.
Enfin, la création de 40 000 emplois-jeunes en 1997 et de 35 000 en 1998 risque de contribuer à l'alourdissement, à long terme, du budget de l'enseignement scolaire. La commission des finances souhaiterait que M. le ministre de l'éducation nationale lui confirme que ces emplois ne sont pas destinés à durer plus de cinq ans.
Si la commission des finances est amenée à exprimer des doutes à cet égard, c'est que le précédent des maîtres auxiliaires l'a un peu échaudée. Car, de même que les maîtres auxiliaires qui ont été employés depuis un certain nombre d'années sont, dans une certaine mesure, fondés à réclamer leur titularisation, la demande prévisible d'intégration aux différents corps de fonctionnaires de l'éducation nationale de jeunes gens qui auront été employés par le ministère pendant cinq ans n'aura-t-elle pas acquis une certaine légitimité à l'issue de ces contrats ? Or, il est à mon sens important de ne pas laisser ces jeunes espérer en vain.
Au demeurant, le financement de ces emplois n'a pas été prévu dans le présent projet de budget.
Pour l'avenir, il est envisagé de les financer sur la rémunération des heures supplémentaires. Mais, d'après les informations recueillies par la commission des finances, les économies réalisées grâce à cette rémunération plus rigoureuse des heures supplémentaires ne permettraient de financer que la moitié du coût anticipé des 75 000 emplois-jeunes en 1999, qui avoisinerait 1,7 milliard de francs.
Au total, la maîtrise des dépenses d'éducation paraît d'autant plus nécessaire que les crédits du budget de l'Etat consacrés à l'éducation nationale ont augmenté de plus de 100 milliards de francs en dix ans. Aucun autre département ministériel n'a connu une telle évolution.
Or, les études comparatives internationales indiquent que les pays les mieux classés pour les performances scolaires de leurs élèves ne sont pas ceux qui dépensent le plus. Ainsi, les pays asiatiques, qui affichent de bonnes performances, consacrent en moyenne 3,3 % de leur produit intérieur brut à l'éducation, soit deux fois moins que la France.
En conséquence, souhaitant récuser l'argument selon lequel la priorité accordée à l'éducation nationale doit nécessairement se traduire par une augmentation des postes et, par une politique du tiroir-caisse, la commission des finances vous proposera deux amendements de réduction des crédits portant sur les titres III et IV, pour un montant total de 2,16 milliards de francs. D'ailleurs, je dois signaler que, à notre connaissance, 1,4 milliard de francs de crédits a déjà été gelé ou annulé cette année. Il convient, au travers de l'action de l'éducation nationale, de rechercher plus d'efficacité et de réalisme en vue d'une meilleure adaptation. Efficacité est également synonyme de rentabilité.
Enfin, pour ne pas terminer la présentation de mon rapport sur une note exclusivement négative, je tiens à rendre hommage au Gouvernement pour quelques décisions qu'il a récemment prises.
La première réside dans le retour au versement direct des bourses de collège, qui devrait permettre une augmentation de la fréquentation des cantines scolaires et une meilleure alimentation des élèves.
A cet égard, la création d'un fonds social pour les cantines, doté pour 1998 de 250 millions de francs, constitue une initiative heureuse.
La deuxième décision est la réforme administrative engagée au ministère de l'éducation nationale en vue d'un allégement des structures centrales, d'une déconcentration des décisions et d'un recours croissant aux nouvelles technologies.
A cet égard, soyez assuré, monsieur le ministre, que la commission des finances sera attentive à la mise en application de deux de vos engagements.
Le premier concerne la réforme du mouvement des enseignants.
En effet, la déconcentration du mouvement des enseignants représente une réelle nécessité. Bien souvent, les jeunes enseignants s'engagent avec enthousiasme et conviction dans une profession, sans doute difficile, mais aussi et surtout passionnante. Or, leur affectation, qui ne répond bien souvent à aucune logique, refroidit quelque peu leur enthousiasme et engendre un sentiment de plus en plus répandu de résignation et d'amertume. La déconcentration des mouvements d'enseignants permettrait donc de rapprocher ces derniers de la décision d'affectation...
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. ... et rendrait certainement un peu d'humanité au système. Les élus locaux que nous sommes sont prêts - soyez-en assuré - à soutenir votre action dans ce sens, monsieur le ministre.
Le second engagement à propos duquel la commission des finances sera vigilante a trait au plan d'introduction massive des nouvelles technologies à l'école. Le projet de loi de finances qui nous est soumis aujourd'hui prévoit l'affectation à cette fin de 104 millions de francs de moyens nouveaux.
Enfin, la dernière mesure dont il convient de se féliciter concerne l'attention soutenue portée aux ZEP, les zones d'éducation prioritaires, auxquelles 17,5 milliards de francs de crédits nouveaux seront consacrés. Il est en effet nécessaire de soutenir les personnels des établissements situés dans ces zones, qui accomplissent un travail remarquable dans des conditions souvent difficiles.
Je souhaiterais toutefois apporter une clarification et lancer une mise en garde.
Il me semble en effet important de rappeler que, contrairement à ce que sous-entend ici et là le Gouvernement, la politique des zones d'éducation prioritaires n'a nullement été abandonnée. J'en veux pour preuve le fait que votre prédécesseur, monsieur le ministre, a notamment ramené l'effectif maximal des élèves scolarisés en maternelle dans ces zones à vingt-cinq par classe et a continué à leur consacrer des moyens substantiels en personnels et en crédits pédagogiques. Les ZEP bénéficiaient, par exemple, de l'apport de 4 700 appelés du contingent.
Par ailleurs, je souhaite mettre le Gouvernement en garde contre une redéfinition trop hâtive de la carte des zones d'éducation prioritaires. En effet, s'il convient de réévaluer périodiquement la liste des établissements figurant en zones d'éducation prioritaires, il importe également de ne pas priver les équipes enseignantes d'encouragements financiers et de crédits pédagogiques supplémentaires au motif qu'elles auraient atteint leur objectif. La plus grande prudence et la plus large concertation s'imposent. Il me semble également important de fixer des objectifs clairs aux équipes éducatives de ces établissements et d'évaluer régulièrement les résultats obtenus.
Plus généralement, il convient de rendre hommage au travail des enseignants et de les encourager en améliorant le système de notation pour que ce dernier, d'une part, tienne plus compte du dévouement de la majorité d'entre eux et, d'autre part, permette de sanctionner plus durement l'absentéisme de certains, que vous dénoncez d'ailleurs régulièrement et sans ménagement, monsieur le ministre.
En conclusion, la commission des finances a décidé de recommander l'adoption de ce projet de budget sous réserve du vote des amendements qu'elle vous proposera ; elle invite M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie et Mme le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire à mettre en oeuvre le plus rapidement possible les réformes annoncées. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernadaux, rapporteur pour avis.
M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis de la commission de affaires culturelles, pour l'enseignement scolaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le ministre, mes chers collègues, avec près de 286 milliards de francs et une augmentation de 3,15 % par rapport à 1997, le projet de budget de l'enseignement scolaire bénéficie certes d'un traitement privilégié dans le projet de loi de finances pour 1998.
Il s'inscrit dans un mouvement continu de baisse des effectifs scolarisés, qui avait justifié certains redéploiements dans le passé ; mais ce projet de budget ne permettra de financer qu'une partie des nombreuses mesures de réforme annoncées par le Gouvernement dans le domaine de l'enseignement scolaire.
M. Jean-Louis Carrère. C'est toujours mieux qu'avant !
M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis. En effet, si certaines mesures d'urgence sont d'ores et déjà applicables depuis la rentrée 1997, notamment la réouverture des classes élémentaires, le réemploi de 28 000 maîtres auxiliaires et la gratuité des cantines pour les élèves défavorisées, d'autres, tels la déconcentration de l'administration centrale, le renforcement du système de santé scolaire, le développement des nouvelles technologies à l'école et le recrutement d'emplois-jeunes dans les écoles et les collèges, le seront en cours d'année ou à la rentrée 1998.
Une dernière série de mesures devraient être mises en oeuvre à plus long terme : il s'agit en particulier de la réorientation des programmes scolaires, de l'extension de la scolarisation des enfants de deux ans, de la généralisation du plan de prévention de la violence et de la réforme des zones d'éducation prioritaires, d'une nouvelle orientation dans l'organisation des rythmes scolaires, de l'aménagement du système de mutation et de remplacement des enseignants et, enfin, de la réforme annoncée des lycées.
Quels sont les axes prioritaires de ce projet de budget ? A cet égard, nous relevons le maintien des emplois enseignants dans le primaire et le secondaire, la création de 1 320 emplois non enseignants, le renforcement des crédits d'actions pédagogiques pour les zones d'éducation prioritaires, la création d'un fonds social pour les cantines doté de 250 millions de francs, l'introduction des nouvelles technologies, avec des crédits en augmentation de 104 millions de francs, la revalorisation de la situation des personnels, avec 596 millions de francs en mesures nouvelles.
S'agissant de l'encadrement des élèves, les chiffres de la dernière rentrée permettent de constater la poursuite de la baisse des effectifs scolarisés, avec une diminution de 69 000 élèves dans le primaire et de 38 000 élèves au collège.
L'encadrement des élèves sera renforcé par deux séries de mesures nouvelles : d'abord, le réemploi de 28 000 maîtres auxiliaires en poste en 1995 et en 1996, qui a été financé, à la rentrée 1997, par l'utilisation de 90 000 heures supplémentaires.
Des inquiétudes subsistent cependant quant à la consolidation de ces postes à la rentrée 1998 et quant aux conséquences de ce réemploi massif, qui ne correspond pas nécessairement aux besoins par discipline : deux mois après la rentrée scolaire, plus d'un millier de postes n'étaient pas pourvus, ce qui a conduit les recteurs soit à recruter de nouveaux maîtres auxiliaires, soit à recourir à des personnels encore plus précaires.
M. Jean-Louis Carrère. Ce sont vos amis qui le demandaient !
M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis. La création de 40 000 emplois-jeunes dans l'éducation nationale constitue la seconde mesure nouvelle en matière d'encadrement : d'ici au début de l'année 1998, 30 000 aides éducateurs devraient être affectés dans les écoles et 10 000 devraient l'être dans les collèges. Au total, 150 000 aides éducateurs, soit près de la moitié du total des emplois-jeunes, devraient être recrutés en trois ans, notamment dans le cadre du plan de prévention de la violence.
La commission des affaires culturelles s'interroge d'abord sur les perspectives d'intégration de ces aides éducateurs dans l'éducation nationale à l'expiration de leur contrat de cinq ans et s'inquiète des conséquences qui pourraient en résulter pour l'organisation des concours de recrutement.
D'après les indications qui ont été fournies à la commission des affaires culturelles, ces emplois devaient être financés, pour la rentrée 1997, à 100 % par des crédits du ministère de l'emploi ; ils devraient l'être par le ministère de l'éducation nationale à la rentrée de 1998, à hauteur de 20 % du SMIC, à partir d'économies réalisées sur la rémunération des heures supplémentaires, étant rappelé que 35 000 nouveaux emplois-jeunes devraient être recrutés pour la rentrée 1998.
Selon les informations qui m'ont été communiquées, les économies attendues seraient de 944 millions de francs en année pleine, alors que le coût pour l'éducation nationale des 75 000 emplois-jeunes serait de 1,12 milliard de francs en 1998 et de 1,72 milliard de francs en 1999, et que 150 000 aides éducateurs, au total, devraient être recrutés en trois ans.
Il est donc bien clair, monsieur le ministre, que les économies que vous envisagez sur la rémunération des heures supplémentaires ne suffiront pas, loin de là, à financer les emplois-jeunes de l'éducation nationale.
Sur un plan plus général, quelle sont les appréciations portées par la commission des affaires culturelles sur les principales orientations de ce projet de budget ?
S'il faut saluer les quelque 1 260 ouvertures ou réouvertures de classes maternelles ou élémentaires, il convient aussi de remarquer que d'autres solutions peuvent être préférées, notamment par les parents, au maintien systématique des classes uniques en milieu rural.
S'agissant de la réforme des zones d'éducation prioritaires, il est vrai que le dispositif avait vieilli et devait être réactualisé ; la formation en IUFM, les instituts universitaires de formation des maîtres, devra tenir compte des difficultés qu'auront à affronter les jeunes enseignants.
Quant au plan de prévention de la violence, il mobilisera, sur neuf sites expérimentaux, quelque 3 000 aides éducateurs, 8 250 adjoints de sécurité et 4 700 appelés du contigent. Il devrait permettre de personnaliser le recrutement des enseignants dans les établissements sensibles et d'engager une coopération avec la justice, la police et la gendarmerie par le biais de contrats locaux de sécurité.
La commission des affaires culturelles tient toutefois à signaler que la violence ne concerne pas que les zones d'éducation prioritaires ; un rapport de l'inspection générale estime en effet que la moitié des lycées et collèges seraient atteints par ce phénomène.
S'agissant des élèves défavorisés, il convient certes de saluer la création du fonds social pour les cantines ; mais nous souhaiterions que la définition des élèves bénéficiaires soit précisée.
La commission des affaires culturelles estime par ailleurs que l'augmentation du nombre des vacations de médecins libéraux prévue pour 1998 ne permettra pas de remédier au sous-encadrement médical des élèves, notamment dans les zones difficiles : à cet égard, l'augmentation du nombre de recrutements de médecins scolaires est indispensable.
Nous souhaiterions en outre, monsieur le ministe, obtenir des précisions supplémentaires sur les modalités de la réforme des programmes scolaires, qu'il s'agisse de l'apprentissage de la lecture, de l'enseignement de la morale civique, des sciences et aussi d'une éventuelle polyvalence disciplinaire des enseignants en classe de sixième.
J'évoquerai également le développement quasi clandestin des classes de niveau dans 80 % des collèges, qui a fait l'objet d'une étude récente et qui constitue une réponse aux difficultés rencontrées par les établissements : le développement de ces pratiques, monsieur le ministre, n'appelle-t-il pas une nouvelle réforme et n'annonce-t-il pas la fin du collège unique ?
La commission des affaires culturelles estime en outre que l'organisation des mutations dans l'enseignement secondaire et que le système de remplacement des enseignants doivent être revus afin de mettre fin aux dysfonctionnements et aux conséquences absurdes constatés aujourd'hui.
J'en terminerai en évoquant les nouvelles orientations annoncées pour l'organisation des rythmes scolaires et en exprimant ma satisfaction de constater que l'éducation nationale retrouve la maîtrise de l'aménagement du temps éducatif, en utilisant notamment les nouveaux aides éducateurs : ma seule inquiétude est que au terme des contrats de cinq ans, les collectivités locales risquent d'être conduites à prendre le relais de l'Etat pour prolonger les expériences engagées.
En conclusion, la commission des affaires culturelles considère que trop de réformes annoncées avec éclat par le Gouvernement ne se trouvent pas traduites dans ce projet de budget et que certaines mesures témoignent, sinon d'un double langage, du moins d'une certaine incohérence. Vous avez en effet indiqué que vous étiez dans l'obligation, pour des raisons sociales, de réemployer les 28 000 maîtres auxiliaires en fonction en 1995 et en 1996 et, dans le même temps, vous affirmez que vous ne serez pas tenu de conserver les aides éducateurs, créés dans l'éducation nationale au titre des emplois-jeunes, à l'expiration de leur contrat !
La commission constate également que certaines de ses interrogations restent sans réponse.
Nous ne savons pas clairement comment seront financés, dans les cinq années qui viennent, les emplois-jeunes dans l'éducation nationale ; nous constatons que le réemploi de 28 000 maîtres auxiliaires s'est accompagné de graves dysfonctionnements, qu'il n'a pas permis de pourvoir les postes vacants dans certaines disciplines et qu'aucune véritable politique de recrutement n'a été engagée ; en outre, le sous-encadrement médical des élèves reste préoccupant et l'avenir du collège est incertain.
La commission considère que, dans un contexte de décroissance des effectifs scolarisés et d'une nécessaire maîtrise de nos déficits, l'augmentation des moyens affectés à l'enseignement scolaire n'est pas un objectif en soi : elle estime qu'un bon budget n'est pas nécessairement un budget en augmentation, mais plutôt un budget bien géré.
M. Jean-Louis Carrère. Ah !
M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis. Compte tenu du flou qui entoure par exemple le recrutement annoncé de 150 000 emplois-jeunes en trois ans pour satisfaire des besoins encore mal identifiés, il serait excessif de considérer que l'enseignement scolaire répond à cette exigence de bonne gestion.
La commission rappellera enfin que la revalorisation de la fonction enseignante, ô combien coûteuse, qui a été engagée au début des années quatre-vingt-dix, ne s'est pas substantiellement traduite par une amélioration du fonctionnement de notre système éducatif.
M. Jean-Louis Carrère. Peut-on le faire avec un minimum de crédits ?
M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis. Il nous appartient donc de nous interroger désormais sur l'adaptation des enseignants à leur mission et sur la finalité de leurs fonctions, c'est-à-dire de faire porter nos efforts au moins autant sur le qualitatif que sur le quantitatif.
Pour toutes ces raisons, la commission donne un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'enseignement scolaire pour 1998. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendant, ainsi que sur certaines travées du RDSE.).
M. René-Pierre Signé. Il n'y a pas de quoi applaudir !
M. le président. La parole est à M. Carrère, rapporteur pour avis.
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement technique. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, je me sens un peu dans la situation de l'étourdi qui aurait interverti ses chaussures le matin au réveil. (Sourires.)
Assurer la tâche de rapporteur pour avis alors qu'on est minoritaire au sein d'une commission est toujours un exercice délicat.
Cela dit, je vais essayer de tenir debout malgré ce mauvais chaussage.
M. René-Pierre Signé. Vous y arriverez !
M. James Bordas. Vous aurez des béquilles !
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis pour l'enseignement technique. Je vous remercie, monsieur Bordas, je sais que vous m'aiderez !
M. le président. Laissez parler M. le rapporteur pour avis. La situation est déjà suffisamment embrouillée comme cela, inutile d'en rajouter ! (Sourires.)
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis. Croyez-vous, monsieur le président ?... Non !
En dépit de quelques indications intéressantes fournies par les deux ministres chargés de l'éducation, il serait excessif de considérer l'enseignement technologique et professionnel comme la priorité du Gouvernement dans le domaine de l'éducation nationale.
Les nombreuses réformes annoncées depuis le début du mois de juin concernent en effet, pour l'essentiel, l'enseignement scolaire, l'enseignement supérieur et la recherche.
Vous avez cependant évoqué, au cours des derniers mois, un rapprochement à venir entre l'enseignement général et professionnel, une ouverture des grandes écoles et des IUT aux diplômes de la filière technologique, une étude prochaine sur l'efficacité de la formation en apprentissage - j'ai cru comprendre, monsieur le ministre, que cette formule pour vous n'était pas la panacée - l'abandon de la réforme envisagée de la filière technologique supérieure, etc.
Si ces quelques pistes sont susceptibles de constituer les prémices d'un programme ambitieux de rénovation de l'enseignement technologique et professionnel, force est de reconnaître que les crédits qui lui seront affectés en 1998 ne traduisent pas encore suffisamment cette ambition.
La commission le regrette d'autant plus qu'un certain rééquilibrage des effectifs est intervenu entre les formations générales ou technologiques et les formations professionnelles, comme en témoignent notamment les résultats du baccalauréat, évolution dont il convient de se féliciter.
Avec 36,3 milliards de francs, les crédits de l'enseignement technologique et professionnel progresseront somme toute de 3,1 % en 1998, soit une augmentation du même ordre que celle des crédits de l'enseignement scolaire. Je rappelle que leur augmentation n'avait été que de 1,21 % en 1997. Et pourtant, certains trouvaient le budget excellent. Nous verrons comment ils jugeront une augmentation de 3,1 %. Peut-être la nouvelle mathématique prévoit-elle que 3,1 est inférieur à 1,21... Nous jugerons postérieurement.
M. Jean Chérioux. Est-ce la le point de vue de la commission ?
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis. Non, cela je l'ajoute. Maintenant, si cela vous dérange et si vous voulez faire le rapport à ma place, je vous laisse la parole, monsieur Chérioux !
M. Jean Chérioux. Je posais une question !
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis. Toutefois, la part des crédits de l'enseignement technologique et professionnel dans le budget de l'enseignement scolaire régresse à nouveau légèrement.
Nous pouvons ainsi constater l'absence de mesures nouvelles en matière d'emplois enseignants, alors que 231 emplois non enseignants seront créés. Les crédits prévus pour 1998 permettront, en outre, de transformer 5 000 emplois de professeurs de lycée professionnel de premier grade, les PLP 1, en autant d'emplois de PLP 2. Subsiste cependant, madame la ministre, monsieur le ministre, un stock de 7 000 emplois de PLP 1. Cette non-extension du premier grade, si je puis m'exprimer ainsi, constitue un obstacle à la revalorisation des retraites des professeurs de lycée professionnel pourtant vivement souhaitée par les intéressés.
S'agissant des effectifs scolarisés, on peut noter que 19 000 élèves supplémentaires devraient être accueillis dans les lycées professionnels entre les rentrées 1996 et 1998, soit une progression significative qui traduit le rééquilibre entre les filières, déjà évoqué. Il faut remarquer aussi que ce moindre passage des élèves vers les formations générales et technologiques bénéficie moins aux formations professionnelles sous statut scolaire qu'à l'apprentissage ou aux formations agricoles et s'accompagne de sorties plus nombreuses du système éducatif.
A cet égard, il convient de se féliciter que les sorties sans diplôme se soient réduites de plus de moitié en quinze ans, ce qui démontre l'efficacité de notre système éducatif.
Le fort taux de réussite au baccalauréat professionnel constitue une autre source de satisfaction. Il concerne désormais près de 10 % d'une génération, même s'il faut déplorer le fait - ou tout au moins y réfléchir - que près de 90 % de ces bacheliers se dirigent ultérieurement vers les premiers cycles universitaires généraux où ils sont, en grand nombre, condamnés à l'échec.
Quant aux classes de quatrième et de troisième technologique, elles accueillent encore des effectifs importants - 156 000 élèves à la rentrée 1996 - tandis que le transfert de ces classes des lycées professionnels vers les collèges se poursuit.
La commission constate ensuite que les orientations du Gouvernement en matière d'enseignement technologique et professionnel s'inscrivent dans la continuité, qu'il s'agisse de la revalorisation de la voie technologique, de la rénovation des diplômes professionnels, de la mission d'insertion professionnelle de l'éducation nationale, de l'adaptation du dispositif de validation, ou de la diversification des voies de formation : les seuls aménagements envisagés concerneraient la rénovation du CAP et du BEP, et les modalités de préparation aux diplômes professionnels.
On peut également observer qu'aucune mesure n'est prévue au titre du nouveau contrat pour l'école dans le projet de budget pour 1998 - ou alors cela m'a échappé ! - ce qui semble traduire l'abandon, deux ans avant son terme, de la loi de programmation financière qui l'accompagnait plus ou moins. Je ne le regretterai pas, madame la ministre, monsieur le ministre, car cette loi prévoyait plus de redéploiements de postes que de créations d'emplois, ce que j'avais déjà eu l'occasion de souligner au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat.
S'agissant de l'apprentissage, la commission a noté le développement encore embryonnaire de cette formule dans les lycées professionnels : 492 apprentis auraient été formés en 1996-1997 dans les sections et les unités de formation par apprentissage, et une centaine de professeurs de lycées professionnels auraient été affectés, sans doute avec une certaine réticence, à leur fonctionnement.
La commission aimerait connaître les intentions de M. le ministre quant à une extention éventuelle de l'apprentissage dans les établissements scolaires, qui constituait l'un des axes du nouveau contrat pour l'école.
La commission souhaiterait également souligner la nécessité d'encourager l'orientation des élèves vers les formations technologiques et professionnelles. Comme vous le savez, cette orientation se réalise aujourd'hui trop souvent par défaut. La rénovation pédagogique des lycées engagée depuis 1992 a déjà permis de revaloriser certaines séries du baccalauréat. En outre, l'éducation à l'orientation a été étendue à tous les collèges à la rentrée de 1996. Près de 70 % des établissements ont élaboré un programme d'éducation à l'orientation, et nous pouvons nous féliciter, monsieur le ministre, de votre intention d'associer à l'avenir les parents d'élèves à cette démarche et de proposer aux enseignants une formation à l'orientation, d'autant plus que ces propositions rejoignent celles qui sont formulées par la mission d'information de la commission sur les premiers cycles universitaires.
Nous constatons aussi avec satisfaction que votre souhait d'orienter davantage les bacheliers technologiques vers les grandes écoles rejoint les préoccupations unanimes de la commission.
Il convient également d'évoquer et de s'inquiéter d'une certaine dégradation de la situation des diplômés professionnels sur le marché de l'emploi. Les titulaires de CAP et de BEP sont désormais moins nombreux à entrer sur le marché du travail que les diplômés de l'enseignement supérieur, qui réprésentent aujourd'hui 40 % des sortants en formation initiale.
Une certaine dégradation de l'insertion professionnelle peut être constatée pour les titulaires de CAP et de BEP industriels, et pour les apprentis. Cette évolution résulte d'un nouvel équilibre entre l'emploi tertiaire et industriel, ce qui impose un pilotage attentif de ces formations en fonction des besoins de notre économie.
La commission tient enfin à formuler quelques observations qui sont autant d'interrogations.
Elle s'inquiète d'abord des conséquences de la réorganisation de l'administration centrale de votre ministère en exprimant la crainte que l'enseignement technologique et professionnel puisse se trouver noyé dans la future direction unique de l'enseignement scolaire, ce qui n'est sans doute pas le meilleur moyen de revaloriser une filière qui en a bien besoin. Encore que ce ne soit pas une direction spécifique qui, à elle seule, puisse entraîner la revalorisation d'une filière. Cette remarque est de mon cru, monsieur Chérioux.
M. Jean Chérioux. Dont acte.
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis. La commission souhaiterait que vous puissiez nous fournir des indications sur l'état d'avancement de la mise en sécurité du parc des machines des établissements techniques et professionnels. Cette obligation est imposée par une directive européenne entrée en vigueur au début de 1997 et, vous le savez, elle préoccupe les jeunes adolescents qui sont en formation, de même que leurs parents.
Trop de lycées professionnels sont, en outre, confrontés à des difficultés de tous ordres : matériels souvent obsolètes et souvent dangereux, maintien de sections ne correspondant plus aux besoins des entreprises, difficultés pour trouver des stages en entreprise.
Il importe aussi d'ouvrir davantage l'enseignement professionnel à l'évolution des métiers et des technologies nouvelles. La commission appelle aussi de ses voeux une véritable réforme de l'enseignement technologique et professionnel qui permettrait d'utiliser de manière optimale les moyens qui lui sont affectés, ce qui supposerait un projet de loi-cadre inspiré de la loi de 1985 qui avait programmé sur cinq ans des objectifs ambitieux.
Sous réserve de ces observations, madame la ministre, monsieur le ministre, la commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits de l'enseignement technique pour 1998.
Pour ma part, vous n'en doutez pas, je suis favorable à leur adoption. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 30 minutes ;
Groupe socialiste : 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 22 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 15 minutes ;
Groupe communiste républician et citoyen : 13 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : 7 minutes ;
La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour 1998 que le Sénat examine aujourd'hui prévoit d'affecter 286 milliards de francs à l'enseignement scolaire - soit une augmentation légèrement supérieure à 3 % - et les sommes consacrées par l'Etat à l'enseignement scolaire représenteront donc, en 1998, 18 % de son budget global.
Des calculs récents témoignent du fait que la dépense intérieure d'éducation en France, toutes origines de dépenses confondues, s'élevait, en 1996, à un peu plus de 578 milliards de francs. Plus significativement, ce chiffre correspondant à une dépense de 9 900 francs par Français.
Il s'agit naturellement là d'une charge forte, qui illustre concrètement l'importance et l'impact des décisions qui peuvent être prises dans ce domaine essentiel qu'est celui de l'éducation, puisque cette dépense est prise en charge à 65 % par l'Etat, contre 20,3 % pour les collectivités locales, 5,6 % pour les entreprises et 7,3 % pour les ménages. On le comprendra, les chiffres ont leur importance.
D'un strict point de vue comptable, donc - et même si toutes les préoccupations dont MM. les rapporteurs se sont faits excellement l'écho ne transparaissent pas aussi clairement que nous aurions pu le souhaiter - l'objectivité commande de reconnaître, madame le ministre, que l'ambition de réhabiliter notre système éducatif existe dans le texte que votre gouvernement soumet à l'approbation du Sénat.
L'effort, trop modeste mais réel, en faveur de la prise en compte des nouvelles technologies, la relance de la politique des zones d'éducation prioritaire, auxquelles 84 millions de francs seront consacrés, la progression du nombre des emplois de personnels non enseignants, ainsi que votre décision de débloquer 250 millions de francs pour le financement de la restauration scolaire, qui devrait permettre à tous nos enfants, sans exception, de pouvoir accéder à la cantine, constituent des mesures positives, et je les salue en tant que telles.
Toutefois, et les rapporteurs de la commission des finances et de la commission des affaires culturelles l'ont excellemment démontré, des questions et des doutes subsistent.
Le financement des emplois-jeunes est-il réellement assuré ? Un budget en augmentation est-il nécessairement un bon budget tant que les moyens dégagés ne sont pas réellement mis au service d'une politique ambitieuse de modernisation et d'adaptation de notre système éducatif ?
Sur tous ces points, notre assemblée vous fera naturellement part de ses observations. Pour ma part, je note que de nombreux problèmes n'ont effectivement pas reçu de réponses claires.
La réorientation des programmes scolaire par exemple, qui a fait l'objet de déclarations du Gouvernement, reste tout à fait nébuleuse.
Le problème de l'enseignement professionnel, qui, selon moi, reste à construire, me semble largement ignoré, tout comme la réforme de décentralisation de notre système éducatif, annoncée pourtant avec une véhémence telle que certains acteurs de l'éducation nationale ont pu en être troublés.
M. Jacques Habert. Très bien !
M. André Maman. Enfin, l'ouverture des lycées sur le monde des entreprises et des universités, que j'appelle de mes voeux depuis longtemps chaque fois que l'occasion m'est offerte de m'exprimer à cette tribune, n'apparaît guère dans votre projet de budget. Elle est pourtant tout à fait essentielle et relativement peu onéreuse dans sa mise en place.
Cette ouverture serait essentielle, parce que ce sont les lycéens les moins préparés au monde des idées, les plus éloignés sociologiquement du champ universitaire qui profiteraient des ponts établis entre le monde scolaire et le monde universitaire.
Cette ouverture serait peu onéreuse, puisqu'il suffirait, pour que ce système se mette en place, que soient organisées de façon systématique des rencontres récurrentes entre universitaires, entrepreneurs et lycéens, durant les heures de cours de ces derniers.
Cette idée d'une communication accrue, réelle et dense entre deux strates de notre système éducatif est très simple, et, je le crois, acceptable par tous. Malgré sa simplicité, elle me paraît tout à fait capitale pour l'avenir de nos jeunes, car un lycéen informé est un étudiant éclairé sur l'université et sur lui-même, prêt à affronter avec succès la suite de son cursus.
Compte tenu de ces carences, madame le ministre, et de tous les doutes que les travaux de la commission à laquelle j'appartiens ont mis en lumière, je ne voterai pas ce projet de budget.
En conclusion, Je veux regretter comme je l'ai fait à maintes reprises, qu'il ne comprenne pas le magnifique réseau d'établissements scolaires français de l'étranger. Nous, les sénateurs représentant les Français établis hors de France, nous allons visiter régulièrement ces établissements à l'étranger et nous regrettons qu'ils restent dans le giron du ministère des affaires étrangères. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et des indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Habert. Très bien !
(M. Jacques Valade remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La parole est de nouveau à M. Carrère, à titre personnel cette fois-ci !
M. Jean Delaneau. Il a remis ses chaussures comme il faut ! (Sourires.)
M. Jean-Louis Carrère. J'ai effectivement remis mes chaussures à leur bon pied ! M. Delaneau avait remarqué ce détail.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le peu de temps qui m'est aujourd'hui imparti m'obligera à être bref, et je laisserai à mes collègues le soin de développer certains points qui nous préoccupent, et ce d'autant plus que j'ai récemment eu l'occasion de m'exprimer longuement, ici même, sur le secteur éducatif dans son ensemble, au cours du débat préalable à la discussion budgétaire demandé par le Sénat et qui a été très judicieusement accepté par le Gouvernement.
Je me contenterai donc de balayer les grandes lignes de ce projet de budget en soulignant, de prime abord, la volonté manifeste d'inverser la tendance observée dans les budgets précédents, préparés par M. François Bayrou : cette année, madame la ministre, il n'y aura pas de suppression d'emplois ; mieux, il y aura un nombre de créations de postes substantiel.
Certes, aux termes du bleu budgétaire, aucune création de poste pour les enseignants n'apparaît. Mais, au moins, madame la ministre, n'en supprimez-vous pas, comme l'avait fait votre prédécesseur. En effet, l'an dernier, près de 3 000 suppressions d'emplois avaient été prononcées. Cela, mes chers collègues, c'est une différence !
M. Claude Estier. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Je tiens également à souligner que cette absence de création de postes d'enseignant est largement compensée par le réemploi des 28 000 maîtres auxiliaires dont le sort demeurait en suspens depuis de nombreux mois, de par l'inertie du gouvernement précédent. Par conséquent, je trouve misérable l'argument qui consiste à dire : « Faisons coller les besoins disciplinaires au réemploi des maîtres auxiliaires. »
Le réemploi effectif des maîtres auxiliaires et les modalités de leur intégration dans l'éducation nationale, par le biais de l'un des quatre concours d'accès - interne, externe, spécifique ou réservé - ont fait partie des toutes premières mesures que vous avez arrêtées, madame la ministre, ce dont, si vous m'y autorisez, je vous félicite.
De la même manière, je ne peux que me réjouir de l'issue heureuse que vous avez réservée à la situation des candidats admis au CAPES de mathématiques sur la liste complémentaire et que l'on avait abusivement et trop rapidement appelés les « reçus-collés » - j'ai longtemps enseigné, et je n'ai jamais compris qu'on puisse être à la fois reçu et collé ! Somme toute, il manquait des enseignants dans cette discipline et la décision que vous avez prise, madame la ministre, est tout à fait appropriée ; je vous en remercie.
Toutes ces venues nouvelles au sein du ministère de l'éducation nationale - tout comme les 40 000 emplois-jeunes, sur lesquels je ne m'attarderai pas, car je me suis déjà exprimé sur ce sujet - sont extrêmement positives, même si elles ne peuvent être comptabilisées en termes d'emplois budgétaires stricto sensu, d'autant plus que les personnels non enseignants font, eux, l'objet de toutes vos attentions budgétaires ; 1 320 emplois les concerneront en effet en 1998, chiffre jamais atteint depuis 1993.
Cela dit, madame la ministre, pour tempérer ma joie, je vous indique que, compte tenu de l'effort extraordinaire réalisé par les régions en termes de rénovation et de construction de lycées, votre ministère doit suivre en matière de création de postes ATOSS pour qu'existe une excellente corrélation entre les efforts des collectivités locales et ceux de l'Etat.
M. Marcel Vidal. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Ces créations bénéficieront tout particulièrement au secteur médico-social, pour lequel les 300 emplois nouveaux d'infirmières et les 300 emplois d'assistantes sociales permettront de combler les carences constatées dans ce secteur, plus particulièrement dans les ZEP. L'arrivée de 200 médecins vacataires pour les épauler ne pourra, elle aussi, qu'améliorer la situation.
L'orateur qui m'a précédé à cette tribune a déclaré qu'il rejetait ce projet de budget parce qu'il n'était pas suffisant. Que pouvait-on dire, alors, des budgets antérieurs ? Ce n'était rien !
M. Claude Estier. Absolument !
M. Jean-Louis Carrère. Choisissons de bons arguments, et non des arguments que je qualifierai, avec une certaine retenue pourtant, de fallacieux.
A propos de l'ensemble des personnels, je souhaiterai évoquer maintenant non plus l'emploi, mais les situations et les carrières.
J'ai bien noté que la poursuite des différentes mesures de revalorisation de la fonction enseignante ou de réforme de la grille indiciaire de la fonction publique, décidées par MM. Jospin et Durafour entre 1988 et 1993, seront honorées, budgétairement parlant, en 1998. Cependant, divers aléas, dont les retards accumulés ces dernières années, font que, parfois, la réalisation totale des plans me semble un peu longue.
J'ai pris acte de la poursuite, l'an prochain, du plan d'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles grâce à une mesure évaluée à 167,9 millions de francs et qui concernera 14 850 instituteurs à la rentrée scolaire prochaine. C'est extrêmement positif pour les personnels concernés. Mais, au rythme où vont les choses, l'ensemble des instituteurs ne sera intégré dans le corps des professeurs des écoles qu'à l'horizon 2011.
Donc, madame la ministre, notez que Jean-Louis Carrère, sénateur socialiste, considère que ce processus est trop lent et qu'il faut essayer d'augmenter les crédits consacrés au passage des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles.
Toujours à propos des personnels, vous vous êtes beaucoup exprimée, madame la ministre, sur votre volonté de déconcentrer l'administration et plus particulièrement son mode de gestion. Je ne peux que vous féliciter de cette volonté, qui s'inscrit dans le droit-fil de la poursuite de la décentralisation et dans la recherche du « zéro défaut ».
Mais, attention ! il faut agir en concertation avec les organisations syndicales.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Jean-Louis Carrère. Il est nécessaire, de faire évoluer le service public pour l'améliorer, mais il faut le faire en respectant nos partenaires.
Après avoir détaillé les dispositions concernant les personnels, je constate que l'ensemble de votre politique et les crédits qui lui sont consacrés vont tous dans le bon sens.
Il en est ainsi, tout d'abord, s'agissant de la réduction des inégalités sociales. Le fonds social pour les cantines scolaires constitue sans aucun doute la meilleure illustration de cette politique.
M. André Maman. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Maintes fois, dans cet hémicycle, nos amis communistes et nous-mêmes avons réclamé une telle mesure. Dont acte ! La poursuivrez-vous et de quelle manière ? Quid de l'enseignement scolaire élémentaire, et quid du lycée ?
Fort heureusement, vous réparez doublement les erreurs de vos prédécesseurs puisque vous avez aussi, pour la rentrée scolaire de 1997, revalorisé de manière substantielle l'allocation de rentrée scolaire, en la portant à 1 600 francs, contre je vous le rappelle, mesdames, messieurs, 1 000 francs, l'an dernier.
Plusieurs autres aspects de votre politique et de votre budget apportent une solution concrète aux différents problèmes de l'exclusion sociale. Je sais que certains de mes collègues développeront tout à l'heure ces thèmes, mais je me réjouis fortement de la relance des ZEP, les zones d'éducation prioritaires, alors que chaque exercice budgétaire avait rogné leurs crédits depuis quatre ans !
Les récentes mesures que vous avez annoncées, voilà quelques jours, pour lutter contre la violence, l'installation de neuf sites pilotes et l'éducation à la vie citoyenne par le biais de la « morale civique » à l'école participent à l'intégration de tous les enfants non seulement au sein de l'école, mais aussi - cela est capital - dans notre société.
J'insiste donc sur l'importance que revêt le caractère interministériel de l'élaboration d'un plan contre la violence, compte tenu de la multitude des causes qui ont abouti à la généralisation de ce phénomène et à la nécessaire implication de multiples acteurs pour y remédier.
Les quelque 1 200 ouvertures ou réouvertures de classes auxquelles vous avez procédé oeuvrent, elles aussi, dans ce même bon sens, puisqu'elles permettront de profiter de la baisse des effectifs dans l'enseignement scolaire, - 69 000 personnes en moins à la rentrée 1997 - pour améliorer le taux d'encadrement et maintenir la continuité du service d'éducation.
Ici encore, je remarque que vous rompez avec la politique menée par votre prédécessur puisque, l'an passé, où les effectifs avaient enregistré une baisse sensiblement du même ordre que celle de cette année - moins 60 000 au lieu de moins 6 900 -, il avait néanmoins prévu au mois de juin dernier la fermeture de 400 écoles, catastrophe que le changement de majorité nous a permis d'éviter !
Allant toujours dans le sens d'une plus grande démocratisation de l'école, je note avec satisfaction votre souci de faire entrer les nouvelles technologies à l'école, avec sensibilisation à ces disciplines dès la maternelle.
Je crois avoir abordé l'essentiel des questions qui me préoccupaient et la plupart des aspects de votre politique éducative. J'espère avoir convaincu les quelques réfractaires qui pourraient subsister au sein de cet hémicycle de son bien-fondé et de son action en faveur d'une plus grande équité sociale, d'un meilleur éveil des enfants et d'une amélioration des conditions de travail et de vie des personnels.
Les sénateurs socialistes ne sont, pour leur part, plus à convaincre, et je vous annonce qu'ils voteront avec enthousiasme votre projet de budget pour l'enseignement scolaire. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Merci, monsieur le sénateur, pour cette nouvelle inattendue.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, madame la ministre, l'éducation, c'est prioritaire, et, contrairement à ce que vient d'indiquer notre collègue M. Carrère, j'estime qu'il y a nécessairement une continuité de l'action de l'Etat en la matière.
Cette continuité joue aussi pour une autre priorité : l'innovation dans l'éducation. Sans innovation, en effet, nous savons bien que nous irons droit dans le mur, car le pourcentage des dépenses consenties par la nation pour cette priorité ne saurait augmenter au-delà de limites qui nous conduiraient à des difficultés économiques considérables.
J'ai eu la chance d'avoir pour instituteur, à l'école primaire de Saint-Paul, Célestin Freinet, grand innovateur s'il en est.
M. Jean-Louis Carrère. Il aurait voté ce budget, lui !
M. Pierre Laffitte. Je ne parle pas du vote du budget pour le moment !
Au cours de ma carrière, j'ai pour ma part contribué à faire évoluer le système des grandes écoles vers un modèle proche de celui de certaines universités d'élite aux Etats-Unis et de certains des meilleurs troisièmes cycles universitaires français. Je suis très concerné par cette innovation pédagogique et tiens à saluer l'initiative de M. Georges Charpak et de l'Institut national de recherche pédagogique, initiative baptisée « La main à la pâte ». Vous la connaissez, madame le ministre. Soutenue par M. Bayrou, comme l'a dit M. Allègre à la télévision, elle est poursuivie et renforcée sous votre égide commune.
Nous pouvons espérer l'étendre, notamment dans les départements de la Vienne et des Alpes-Maritimes, peut-être de l'Isère, pour ne citer que trois départements où des sénateurs veilleront à ce qu'une telle initiative soit développée rapidement et fortement.
Cette innovation doit se doubler d'un usage massif des nouvelles technologies avec des contenus adaptés, pour lesquelles le Sénat mène, depuis des années, une véritable croisade. Si j'en crois les discours, cette croisade est largement soutenue par le Gouvernement, et particulièrement par votre ministère, au-delà de la communauté scientifique, publique et privée, qui, depuis longtemps déjà, utilise ces nouvelles technologies et pour qui la messagerie électronique fait partie intégrante du mode de travail quotidien.
Les opérations La main à la pâte et Internet et multimédia doivent contribuer non seulement à l'innovation, mais aussi au décloisonnement.
En effet, le fait d'associer chercheurs publics et industriels aux instituteurs dans le programme La main à la pâte est une grande novation, et à mon sens très positif.
L'irruption de la société globale, mondiale, grâce à Internet est une autre novation. Le rôle pédagogique des enseignants s'en trouve renforcé. Je citerai l'exemple d'une bourgade des vallées alpines, Saint-Sauveur-sur-Tinée, où j'ai pu, grâce à l'appui non seulement de bénévoles, mais aussi de mécènes industriels, dans le cadre de l'initiative Netd@ys, installer des ordinateurs reliés à Internet dans des écoles primaires de villages reculés. Je voudrais vous lire, à ce propos, un passage de la lettre que Mme le maire de Saint-Sauveur-sur-Tinée m'a écrite.
« Les enseignants de l'école, en accord avec la municipalité, ont accueilli à l'école toutes les personnes désirant mieux connaître le multimédia le mardi 11 novembre au matin. » C'est un jour où il n'y a pas école.
« En effet, l'école disposant depuis peu d'un ordinateur relié à Internet via l'opération Netd@ys, l'équipe éducative a pu présenter à la population les principes de navigation sur Internet. Des sites pédagogiques ont été consultés et la correspondance par e-mail a été présentée. Au-delà, et d'une manière plus générale, diverses recherches ont été faites - informations pratiques, visite virtuelle de musées - pour montrer aux adultes l'intérêt de l'outil Internet.
« Le bilan de cette matinée s'est avéré très positif, car beaucoup de personnes - en tout une cinquantaine tout au long de la matinée - sont venues assister aux démonstrations et sont conscientes de l'enjeu d'un tel outil, et, parmi ces personnes, ne figuraient pas exclusivement des parents d'élèves, ce qui prouve que les gens veulent désormais savoir pour eux-mêmes ce qu'est Internet. »
Grâce à ces innovations, vous le constatez, le rôle pédagogique des instituteurs vis-à-vis de la population se trouve renforcé. Cela prouve également - et c'est un élément tout à fait majeur - que, grâce à ces innovations pédagogiques, non seulement on enseigne mieux, mais encore on enseigne en comprenant mieux la société tout entière.
Cela m'amène à évoquer le colloque national qui a pour thème : « Quels savoirs enseigner dans les lycées ? », dont vous avez pris l'initiative.
L'initiative est bonne, mais le comité d'organisation de ce colloque, tel qu'il est prévu à l'heure actuelle, me paraît boiteux. Il ne comporte en effet aucun représentant extérieur à l'éducation nationale, comme si le problème n'était qu'un problème interne au ministère, ce qui ne semble pas votre point de vue.
Ne sont prévus, d'après une note d'information du 17 novembre, ni politiques, ni socioprofessionnels, ni directeurs de ressources humaines de groupes économiques, qui ont quand même leur mot à dire en la matière, ni compétences étrangères, ni chambres consulaires. Pourtant, toutes ces personnalités et groupements ont en la matière des compétences ! Il s'agit donc d'un comité d'organisation purement interne alors que la participation de personnes de l'extérieur me paraît, pour les lycées, au moins aussi importante, sinon plus, que pour les écoles primaires.
On pourra évoquer le comité scientifique prévu. Mais ce dernier correspond essentiellement à des disciplines ; il est donc par nature essentiellement universitaire ou de recherche. Dans l'état actuel des projets connus, aucun partenariat ni aucune concertation avec l'ensemble du corps social ne serait prévu, ce qui paraît très regrettable. Pouvez-vous donner des indications, le cas échéant pour y remédier ?
Je voudrais dire pour terminer que la continuité des réflexions et des efforts au service de cette priorité d'amélioration du fonctionnement de l'éducation nationale est évidente. Je salue donc les initiatives de votre ministère, surtout si elles respectent la continuité de l'Etat : nous le savons bien, les responsables précédents ont mis en place un certain nombre de méthodes qui me paraissent essentielles. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. L'école rend-elle heureux ?
Ce titre choc d'une émission, « Le Grand Forum », à laquelle vous participiez samedi dernier, madame la ministre, ne renvoie-t-il pas à la finalité première de notre système éducatif ?
Rendre heureux chaque jeune, heureux intellectuellement en lui permettant de s'approprier les outils d'un savoir en mutation accélérée, heureux socialement en le conduisant à l'autonomie, à la maîtrise de son insertion professionnelle et de sa vie future d'adulte, le rendre heureux en optimisant ses talents, son ouverture à la culture, à l'autre, au monde, à la citoyenneté, n'est ce pas, en effet, le fondement de ce beau projet humaniste, toujours à construire, à transformer et à adapter, qui doit être l'empreinte de notre école de la République ?
Avec nos concitoyens, nous avons à coeur la formation, le développement des individus en un pôle d'excellence d'où doit émerger le meilleur non pas au sens du premier de tous, mais le meilleur de ce que chaque enfant peut devenir et développer en lui-même.
Nous en avons débattu dernièrement à partir de la déclaration du Gouvernement au Sénat. Aujourd'hui, nous avons à nous prononcer sur la première traduction chiffrée d'une politique faite d'orientations et de chantiers nouveaux. J'ai souligné le 22 octobre l'intérêt qu'ils suscitaient en faisant part de l'approbation des sénateurs de mon groupe, acteurs à part entière de la majorité plurielle de ce pays.
Aujourd'hui, l'un des défis majeurs de notre pays est de réduire les inégalités persistantes dans les performances scolaires. Pour le relever, il faut parvenir à l'objectif commun de la qualité et de la réussite pour tous, en diversifiant les parcours scolaires, en allant vers l'individualisation de la formation pour ceux qui en ont besoin pour progresser, en prenant en compte les aspects sociaux, financiers, sanitaires, qui sont si déterminants pour l'adaptation et l'intégration de l'enfant à l'école.
Il y a là une approche que nous partageons ensemble, en rupture forte avec ce qui ne s'est fait que trop insuffisamment jusqu'à présent.
Cette approche, qui commence à se concrétiser, passe par des investissements éducatifs d'un type très nouveau, à la fois en volume, en besoins à satisfaire et en répartition sur le terrain.
Cette approche passe également, c'est une condition indispensable de sa réussite, par la recherche permanente de l'écoute, de la consultation, de la concertation vraie, de la confrontation d'idées et de projets, même si cela dérange, pourvu qu'elle soit respectueuse de l'identité de la responsabilité et de la représentativité de chacun des partenaires.
A l'unisson du dialogue social, que le Gouvernement est soucieux de faire prévaloir et qui correspond à l'une des attentes fortes du soutien des Français, la réflexion, la négociation, le débat sérieux et serein entre les pouvoirs publics et toutes les parties prenantes doivent être de mise sur tous les sujets, car c'est de cette pratique que découlera la capacité à changer et transformer le système éducatif dans le bon sens, et c'est indispensable. Mais cela ne pourra se faire qu'avec le concours de tous les acteurs, en premier lieu celui des enseignants.
J'ai moi-même régulièrement, au nom des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, des échanges de vues avec les syndicats nationaux ; je rencontre également ceux de mon département. Je participe assidument, sur le terrain, aux conseil d'administration des collèges, à la vie des écoles et des lycées de ma commune, cela avec les jeunes, avec les parents.
Je veux témoigner qu'à travers ces différents échelons je rencontre un véritable public d'experts, dont les compétences, les capacités d'initiatives, d'enthousiasme, les propositions constituent des gisements irremplaçables pour créer le va-et-vient indispensable entre l'école, la vie et la cité.
Nourrissez sans réserve votre réflexion, vos réformes et votre action de leur apport, madame le ministre, ce que favoriserait aussi, et à n'en pas douter, la revitalisation de tous les lieux de concertation, du conseil d'école aux instances nationales de concertation, en passant par les conseils de classe, les conseils départementaux de l'éducation nationale et les conseils interacadémiques de l'éducation nationale, les CIAEN, qui doivent être moins formels, plus transparents et plus démocratiques.
Depuis, madame le ministre, vous avez créé les comités locaux d'éducation pour la carte scolaire du premier degré. Mes collègues et moi-même nous en réjouissons, et nous y participerons ; nous vous avions en effet proposé cette concertation à l'échelon local. Il faut que ces comités deviennent des relais d'expression des réalités locales permettant d'éclairer les décisions à prendre et de s'assurer que celles-ci sont réellement suivies d'effet. Ainsi, en faisant la synthèse de leurs travaux, il sera possible de bien apprécier si les engagements de l'Etat correspondent aux besoins.
Avec une hausse de 3,15 %, qui ne recouvre pas que des mesures nouvelles, votre projet de budget amorce un retour du pendule vers l'arrêt de la régression observée depuis plusieurs années, vers la correction des retards accumulés. Il confirme l'amélioration engagée dans plusieurs domaines.
Ainsi en va-t-il de l'arrêt des suppressions de postes d'enseignants.
Cependant, l'absence de toute création nouvelle risque, en dépit de la baisse démographique attendue, de ne pas permettre les améliorations qualitatives que vous-même souhaitez, madame le ministre : en ZEP, des classes à très petits effectifs ; deux enseignants pour les élèves en grande difficulté ; le dédoublement des classes de physique et de langue vivante dans le secondaire.
Il reste 55 % de classes de plus de vingt-cinq élèves en collège. 20 % de plus de trente-cinq en lycée ; c'est trop pour mener à bien un enseignement moderne.
Les mesures annoncées sont positives. Elles constituent un plan d'urgence. Il s'agit maintenant d'anticiper pour donner aux élèves l'encadrement nécessaire, avant tout en enseignants, aussi bien à la maternelle et dans le primaire que dans les collèges et les lycées. C'est cela qui, fondamentalement, contribuera à combattre la drogue et la violence dans les écoles, drogue et violence résultant avant tout de l'échec, de la perte de l'espoir en l'avenir.
Nous proposons qu'une véritable programmation pluriannuelle des recrutements en IUFM, comme l'édicte la loi de 1989, soit débattue et adoptée par le Parlement afin d'aller vers la résorption des classes surchargées, tout en compensant les départs en retraite qui vont être nombreux - 14 000 à 15 000 l'an prochain - alors que 10 500 stagiaires seulement sortiront des IUFM. Cela donnerait une vision prospective du budget.
Madame le ministre, pouvez-vous nous indiquer le nombre de postes prévus aux concours du CAPES et de l'agrégation ?
L'échec scolaire est lié, pour beaucoup d'enfants, aux conditions de vie, non à leur potentiel intellectuel. C'est pourquoi la prise en compte des besoins sanitaires et sociaux des jeunes, avec le rétablissement de la bourse des collèges - que nous demandions depuis plusieurs années, et qu'il faut revaloriser -, l'institution du fonds social pour les cantines scolaires et la création de 1 320 postes d'assistants sociaux, de conseillers principaux d'éducation, d'infirmiers, d'ATOSS, constituent une première rupture significative avec ce qui prévalait antérieurement.
Il faut en effet des équipes complètes pour humaniser la vie dans les établissements. Aussi conviendrait-il d'y ajouter la nécessaire création de postes de médecins scolaires et de conseillers d'orientation psychologues, qui ont été oubliés.
Pouvez-vous nous donner des indications ou des assurances sur ces différents points ?
J'ai déjà souligné, le 22 octobre, le caractère positif du réemploi de tous les maîtres auxiliaires et du recrutement de 40 000 emplois-jeunes. Qu'en est-il de leur financement et de ses conséquences pour la partie imputée sur les heures supplémentaires d'enseignement ? Celles-ci seront-elles transformées en emplois stables, et dans quelles proportions ?
Est-il exact qu'il s'ensuivra également une diminution de leur rémunération de l'ordre de 15 à 20 %, du moins, je suis prudente, selon les prévisions des enseignants ? Cette perte de pouvoir d'achat ne serait évidemment pas admissible.
Je souhaite également attirer votre attention sur la nécessité de recréer très rapidement les conditions de l'unité professionnelle dans les écoles en accélérant l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs d'école, car la situation actuelle de dualité n'est pas satisfaisante, ni pour les intéressés ni pour les enfants.
L'accès de tous les établissements aux nouvelles technologies et au multimédia, qui fait l'objet d'un plan ambitieux et justifié, soulève la question de son financement. Un montant total de 15 milliards de francs est avancé ; la part de l'Etat, selon les sources, oscillerait entre 1 milliard et 3 milliards de francs. Je n'ose imaginer que la différence incomberait aux collectivités territoriales, alors que l'alourdissement de leurs charges et les inégalités de ressources entre elles sont flagrantes. Qu'en est-il exactement ? Je voulais poser la question à M. le ministre de l'éducation nationale, car je le sais attaché, comme il nous l'a rappelé le 22 octobre, à l'équité et l'unité du service public, qui permettent, en tous points du territoire, de bénéficier des mêmes équipements et services.
Le temps qui m'est imparti ne me permet pas d'aller plus avant dans l'analyse du budget ni d'aborder les nombreuses questions que soulève la situation de notre système éducatif, de la maternelle à l'université. Je renvoie, pour une partie d'entre elles, à mon intervention du mois dernier et aux futurs travaux de la commission de l'enseignement que vous voulez associer à votre réflexion et au suivi de vos chantiers.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront votre projet de budget, madame le ministre.
Vous, mesdames, messieurs les sénateurs de la droite, vous allez réaliser le tour de force de voter contre ce projet de budget, qui est en augmentation ! C'est là une décision politique qui n'a rien à voir avec l'intérêt de l'école. D'ailleurs, hier, vous avez même décidé de réduire les crédits de l'enseignement.
Pour notre groupe, il s'agit à la fois d'un vote de reconnaissance des premières mesures significatives engagées et d'objectifs ! qui se démarquent de la logique antérieure. Il s'agit d'un vote d'incitation à aller encore plus loin dans l'attention et les moyens que la nation se doit de consacrer à son école et à sa jeunesse. Consignée sur un bulletin scolaire, l'appréciation des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, un instant coiffés de la casquette de professeur, pourrait être : « Des efforts appréciables à confirmer et à amplifier pour mieux faire l'an prochain. » (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin le budget de l'enseignement scolaire, qui est la partie la plus importante du budget de l'éducation nationale.
Madame le ministre, j'ai souhaité intervenir aujourd'hui pour aborder deux aspects de ce budget qui me semblent très importants et quelque peu ignorés, au moins pour le premier d'entre eux, je veux parler des crédits consacrés par votre ministère à l'enseignement technique.
Je dois dire que bien peu de mesures sont annoncées dans ce domaine. Les responsables des établissements technologiques et professionnels m'ont fait part de leur inquiétude. Conscients que les formations qu'ils dispensent peuvent être une réponse à l'insertion professionnelle de nombreux jeunes, ils ne comprennent pas pourquoi leur enseignement est encore si méconnu et déplorent un manque de réflexion globale à ce sujet.
Il est vrai que notre société est ainsi faite qu'elle ne reconnaît plus les métiers manuels et que cela a conduit à considérer l'enseignement technique professionnel comme une voie d'échec, alors qu'elle peut être celle de la réussite.
Bien souvent, le choix d'une filière de formation technique se fait à défaut de pouvoir accéder à une formation générale.
Dans le même temps, nous constatons que quatre étudiants de premier cycle sur dix ne parviennent pas au second cycle. N'y a-t-il pas là un sujet de réflexion ? Notre système éducatif est-il responsable de cet état de fait ? En partie, sans doute. Alors, où se trouve la faille ?
L'une des missions de l'éducation nationale, me semble-t-il, est de préparer les élèves à des métiers dont le pays a économiquement besoin et non de laisser notre jeunesse s'engouffrer dans des filières sans issue. C'est pourquoi je pense que l'orientation des élèves doit être l'une des priorités de notre système éducatif.
Il nous faut prendre conscience de la nécessité absolue de développer une réelle politique d'orientation et cesser de penser que l'orientation ne doit concerner que les élèves en difficulté ou en échec scolaire. Il convient, pour cela, d'ouvrir notre école à d'autres talents.
Notre système d'orientation, madame le ministre, je le dis très clairement, n'est pas satisfaisant. Tous les élèves et leurs parents devraient pouvoir accéder à une information complète et détaillée sur les différentes formations proposées. Ils devraient être davantage impliqués dans le processus de recherche de formation.
Il faudrait créer des partenariats avec les différentes professions et organiser davantage de rencontres entre les élèves et les professionnels, afin que ces jeunes appréhendent mieux le métier auquel ils se destinent.
Le rôle des conseillers d'orientation est essentiel, mais aujourd'hui mal défini. Ceux-ci ne sont consultés que par ceux qui se trouvent en situation d'échec scolaire.
Je reste, pour ma part, persuadé que les filières techniques et professionnelles sont réellement une porte de sortie sur le monde du travail et un moyen supplémentaire de lutte contre le chômage. Elles devraient à mon sens, constituer un grand projet d'avenir.
C'est pourquoi je vous demande, madame le ministre, quelle place le ministère de l'éducation nationale entend réserver à l'enseignement professionnel et technique. Souhaitez-vous mettre en place une grande filière d'enseignement professionnel, comme l'ont fait bon nombre de nos voisins européens, pour que le monde de l'école rejoigne enfin le monde du travail et de l'entreprise ? Entendez-vous prendre des mesures pour que soit offerte à chaque étudiant la possibilité de faire un stage en entreprise, réel passeport pour une insertion réussie ? Allez-vous revaloriser l'image dégradée de l'enseignement technique ?
Le deuxième aspect de votre budget que je souhaitais aborder concerne le plan d'introduction des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans notre système éducatif, plan que vous avez présenté voilà quelques jours.
A titre liminaire, je ferai observer que votre plan s'inscrit dans la ligne de la déclaration faite le 10 mars 1997 par le Président de la République, qui avait alors exprimé le souhait de voir tous les établissements d'enseignement secondaire connectés en l'an 2000, et dans celle du processus engagé le 27 octobre 1994 par le Premier ministre, lors d'un comité interministériel consacré aux autoroutes de l'information et qui devrait retenir un objectif national de couverture progressive du territoire d'ici à 2015.
Je dois dire, madame le ministre, que j'ai été particulièrement heureux d'entendre le ministère s'exprimer sur cette question et de constater que nombre de vos propositions figuraient déjà dans le rapport que j'avais remis il y a quelques mois à M. Juppé, alors Premier ministre.
Comme vous, madame le ministre, j'avais indiqué qu'une des grandes leçons que l'on pouvait tirer du « Plan informatique pour tous » était que les nouvelles technologies devaient être partie intégrante de la démarche pédagogique. Pour cela, il nous faut, en priorité, sensibiliser, impliquer et former les enseignants puisque, sans leur concours, rien ne pourra être fait.
Pendant six mois, j'ai sillonné la France, allant sur le terrain pour y rencontrer les enseignants, les chefs d'établissement, les élèves. J'ai auditionné plus de deux cents personnalités du monde de l'éducation : les responsables et hauts fonctionnaires de l'administration, les représentants des syndicats d'enseignants et des personnels d'encadrement de l'enseignement public et privé, de l'enseignement général, technique professionnel et agricole de France et de l'étranger, mais aussi les professionnels de l'édition, les constructeurs de matériel informatique, les opérateurs et, enfin, des experts et des universitaires.
Je dois dire que ce travail a été fructueux. L'occasion m'a été donnée de rencontrer de nombreux enseignants extrêmement motivés, qui attendaient un signe fort des pouvoirs publics. Ils attendaient que l'on reconnaise enfin le travail considérable qu'ils avaient accompli. Ils sont prêts à s'investir davantage encore pour peu qu'on leur en donne les moyens.
Beaucoup réclament des formations pour leurs collègues moins initiés qu'eux ils réclament également la nomination, dans chaque établissement, d'« animateurs pédagogiques ».
Madame le ministre, les nouvelles technologies de l'information et de la communication ont fait naître de grands espoirs dans le monde éducatif, je l'ai dit. Il s'agit aujourd'hui de ne pas décevoir ces hommes et ces femmes, non plus que les élèves, qui oeuvrent depuis tant d'années dans l'ombre et attendent que les actes succèdent aux paroles.
Je serai donc particulièrement attentif au bon déroulement du plan que vous nous avez annoncé.
Bien entendu, tout cela a un coût et nécessite des moyens considérables.
S'agissant de votre plan, vous avez indiqué que l'équipement informatique des établissements s'effectuera sur la base de projets et que les infrastructures seront mises en place avec les collectivités territoriales, qui bénéficieront de l'aide d'un fonds de soutien.
Votre objectif est ambitieux puisque ce plan devrait permettre à tous les élèves et étudiants d'accéder à une activité sur support numérique ou audiovisuel d'ici à l'an 2000 : manipulation et dessin informatique en maternelle ; courrier électronique en cours élémentaire ; accès au Web en cours moyen ; travail en réseau au collège ; enfin, adresse électronique pour chaque élève de terminale et chaque étudiant.
Madame le ministre, vous avez annoncé que le coût total de votre plan serait de 15 milliards de francs. Votre ministère contribuera à hauteur d'un peu plus de 1 milliard de francs par an pendant trois ans. Qu'en sera-t-il pour les années suivantes ?
La mise en oeuvre de ce plan, pour peu que les collectivités locales bénéficient d'une aide adaptée de l'Etat - et nous souhaiterions, madame le ministre, obtenir des précisions sur les modalités de cette aide - devrait se traduire par l'acquisition et, surtout, - vous l'avez dit - par la location de nouveaux matériels qui rendront obsolètes la plupart des matériels existants.
Comme vous le savez, l'évolution des techniques informatiques est telle qu'elle se traduit par une obsolescence de plus en plus rapide des matériels et conduit les utilisateurs à vouloir les remplacer rapidement.
L'application de ce plan devrait donc accélérer mécaniquement la vétusté des matériels informatiques existant dans les écoles et les établissements d'enseignement, en faisant également baisser leur valeur unitaire.
A cet égard, je souhaite vous indiquer que j'ai déposé un amendement qui permettrait, lorsque ces matériels appartiennent à des services de l'Etat, aux collectivités locales ou à des établissements publics, de les céder gratuitement à des associations de parents d'élèves ou à des associations de soutien scolaire.
Ces associations, qui bien souvent n'ont pas les moyens de s'informatiser, trouveraient là, vous en conviendrez, le moyen de faire bon usage des matériels, certes vétustes mais en bon état, qui aujourd'hui restent inutilisés faute de repreneur et sont stockés dans l'attente de leur destruction.
Cet amendement était l'objet de l'une des trente-deux propositions de mon rapport « Multimédia et réseaux dans l'éducation ». Il a été adopté. Je ne doute pas que vous souhaiterez en faciliter la mise en oeuvre.
Tel est, madame le ministre, l'essentiel de ce que je souhaitais vous dire en ce qui concerne le budget de l'enseignement scolaire et le plan d'informatisation de nos écoles que vous avez présenté. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Voilà un mois, madame le ministre, avec votre collègue Claude Allègre, vous nous avez présenté les orientations de votre ministère, et M. Allègre l'a fait, je dois l'avouer, avec une verve, une passion et une volonté de convaincre qui n'ont laissé personne indifférent.
Cette rencontre m'a paru importante, car elle nous a permis, pour une fois, d'entendre directement, de la part des représentants du Gouvernement, ce que nous avions l'habitude de découvrir par la presse et par les médias.
L'examen du projet de budget de votre ministère pour l'enseignement scolaire me donne aujourd'hui l'occasion d'approfondir les analyses que nous avions entamées, au niveau tant des crédits que du projet éducatif et de ses conditions de mise en oeuvre. Il ne saurait être question, en effet, de nous prononcer uniquement sur les inscriptions financières sans nous soucier de l'utilisation des moyens qui seront ainsi dégagés.
Permettez-moi tout d'abord de vous dire, madame le ministre, que je crois sincèrement en la volonté du Gouvernement, notamment de Claude Allègre et de vous-même, de réformer notre système éducatif et que j'apprécie les efforts que vous déployez pour débloquer les freins, libérer les initiatives et supprimer les inerties trop nombreuses et qui handicapent encore notre système éducatif.
Pour autant, je ne peux approuver la méthode qui est mise en oeuvre. Je le dis non par esprit polémique, mais parce que je pense que, réellement, dans la façon d'agir, il est un certain nombre de principes que l'on ne peut accepter.
Les initiatives qui sont prises - elles sont nombreuses ! - sont telles qu'il n'est plus possible aujourd'hui de distinguer l'orientation globale qui est donnée au mouvement.
Lorsque vous allez sur le terrain - vous le faites certainement, mais je ne suis pas sûr qu'on vous le dise ! - que vous rencontrez les enseignants, que vous discutez avec les directeurs d'écoles, vous constatez qu'ils ne savent plus où l'on va.
Jusqu'à présent, on se fixait un objectif, on définissait les moyens pour y parvenir, on les mettait en oeuvre et on évaluait les résultats.
M. René-Pierre Signé. On ne bougeait pas !
M. Philippe Richert. Aujourd'hui, on lance plusieurs chantiers en même temps, et la vision globale ne permet plus de dégager la piste qu'ensemble on doit suivre.
En même temps, il est vrai que les propos donneurs de leçons - qui sont moins votre fait que celui de votre collègue Claude Allègre - tels que « dégraisser le mammouth », « la quasi-majorité des enseignants sont méritants », ou encore des affirmations sur l'absentéisme des enseignants provoquent des blocages au lieu d'en supprimer. (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Carrère. C'est vous qui nous donnez des leçons !
M. Philippe Richert. C'est non pas par des attitudes péremptoires, mais par un réel travail de concertation avec tous les partenaires, y compris avec les élus, que nous pourrons faire évoluer les situations. En effet, celles-ci ne sont pas aussi simples ou aussi simplistes comme on voudrait trop souvent les présenter.
Le fait d'avoir, d'une façon ou d'une autre, parfois involontairement, mis les enseignants au pilori, de les avoir livrés à la critique de l'opinion publique, s'apparente plus à du populisme que certains récupèrent qu'à une véritable volonté d'aller de l'avant.
M. André Maman. Très bien !
M. Philippe Richert. Voilà ce que je voulais dire au sujet de la méthode. Je me sentais obligé d'y faire allusion.
J'en viens maintenant au fond.
J'aborderai quelques dossiers spécifiques, sur lesquels je vous apporte mon soutien. Je ne les développerai pas ; d'autres l'ont fait avant moi et vous en trouverez le détail dans le rapport écrit. Cela ne signifie pour autant pas qu'ils ne sont pas importants.
Je commencerai par dire, Madame le ministre, que j'ai beaucoup apprécié vos prises de position courageuse sur le bizutage. Je salue l'audace dont vous avez fait preuve : vous êtes allée de l'avant, vous n'avez pas fléchi, y compris lorsque vous avez rencontré des réticences et des résistances.
M. Pierre Fauchon. Bravo !
M. René-Pierre Signé. Changez de majorité !
M. Philippe Richert. Je souhaite évoquer d'abord, parmi les décisions positives que je recense, votre souci de déconcentration des structures de l'administration centrale et, en corollaire, le redéploiement de ces moyens sur le terrain. Cela doit intervenir en parallèle avec le traitement du mouvement des enseignants du secondaire au niveau académique. Cela me paraît être une bonne chose.
J'évoquerai ensuite la décision de verser à nouveau les bourses de collège aux familles sans passer par les caisses d'allocations, ce qui facilitera le paiement des demi-pensions. La mesure qui avait été été prise était une mauvaise mesure. Je suis content que vous rétablissiez les anciennes procédures.
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas la seule mauvaise mesure !
M. Philippe Richert. Cela va dans le bon sens !
Je salue encore l'attention que vous portez aux classes et aux écoles qui se trouvent dans des zones difficiles et en milieu rural fragile. Les solutions apportées me paraissent satisfaisantes.
Enfin, j'ose dire que la création de 620 emplois d'ATOS est une bonne disposition. Nous en avons besoin ! Nous savons que, dans les établissements scolaires, les départements accomplissent aujourd'hui de grands efforts pour construire de nouvelles cantines scolaires. Toutefois, lorsque vous n'avez pas le personnel nécessaire pour les entretenir, cela ne sert pas à grand-chose.
La mise en place des conseillers principaux d'éducation, d'emplois d'infirmières et d'assistantes sociales constitue également une bonne mesure.
Comme vous le voyez, je ne me gêne pas, madame le ministre, pour dire que des dispositions vont dans le bon sens et qu'elles sont efficaces.
Vous vous imaginez bien que l'ensemble de mon propos n'aura pas la même tonalité jusqu'au bout !
M. Marcel Vidal. Quel dommage ! (Sourires.)
M. René-Pierre Signé. Alors, arrêtez là votre propos !
M. Philippe Richert. J'en arrive à d'autres points.
Tout d'abord, nous savons bien que l'efficacité du ministère de l'éducation nationale est souvent jugée au nombre de postes créés et à l'augmentation du budget. Il est vrai qu'avec 40 000 postes d'emplois-jeunes - en fait, 150 000 sur trois ans - et le réemploi de 28 000 maîtres auxiliaires, vous affichez des chiffres à faire pâlir d'envie tous vos prédécesseurs ! D'autant que cela correspond à une période où on compte, tous les ans, 50 000 jeunes de moins.
Lorsque 68 000 postes sont crées - 110 000 sur les deux années à venir - comment ne pas s'interroger sur les moyens qu'il faudra dégager les années suivantes ?
En ce qui concerne les emplois-jeunes, il nous a été affirmé que ceux qui auront été engagés à ce titre ne seront pas fonctionnaires et ne seront pas automatiquement titularisés sur les postes qu'ils occupent. Mais alors, deux remarques s'imposent.
Tout d'abord, si ces emplois sont indispensables, comme on nous l'explique, je ne vois pas comment nous les supprimerions demain. L'éducation nationale comptera donc automatiquement 50 000 fonctionnaires de plus, et il faudra, c'est le premier point, pérenniser ces emplois.
Le second point est le suivant : on me dit que, au bout de cinq ans de présence dans l'éducation nationale, ces jeunes ne seront pas automatiquement titularisés et ne seront pas conservés. Mais comment pourra-t-on les renvoyer ?
Voilà un mois, M. Allègre avait dit, s'agissant des maîtres auxiliaires, que lorsque ceux-ci sont dans l'éducation nationale depuis cinq à dix ans, on ne peut imaginer les renvoyer. Je pense que le même argument vaudra pour les personnes qui auront été employées pendant cinq ans au titre des emplois-jeunes par l'éducation nationale.
M. Jean-Louis Carrère. Qu'est-ce que vous proposez ?
M. Philippe Richert. A l'époque, M. Allègre nous expliquait qu'il s'agissait de raisons « humanitaires ». Je crois que la même situation se présentera dans le cas des emplois-jeunes. Cela entraîne donc indiscutablement un accroissement du nombre des personnels de l'éducation nationale, qui représentera, sur trois ans, 150 000 emplois supplémentaires. On ne peut feindre de l'ignorer !
Dès lors, des questions se posent. Tout d'abord, ces emplois sont-ils indispensables ? Ensuite, que penser de ces jeunes diplômés...
M. René-Pierre Signé. Vous posez des questions sans apporter de réponse !
M. Philippe Richert. Je vais y venir !
... sans statut, embauchés pour cinq ans ? Peut-on accepter qu'ils se trouvent dans une situation de fonctionnaire bis ?
Enfin, les moyens mobilisés ont-ils été affectés là où ils sont le plus indispensables ?
Je ne pense pas que nous soyons sur la bonne voie, madame le ministre. En effet, à un moment où tous les pays - l'exception française ne peut pas être invoquée dans ce domaine - se doivent de réduire les dépenses publiques, toute nouvelle création de poste public doit être examinée avec une vigilance extrême.
Imaginer que l'on va résoudre le problème du chômage dans notre pays en multipliant les emplois publics me paraît relever - je reprendrai une expression de M. Claude Allègre - d'une « scorie idéologique » d'un autre âge.
M. Jean-Louis Carrère. Il ne devait pas le dire à ce sujet !
M. Philippe Richert. La création d'une fonction publique bis, marque un recul pour les intéressés, sachant que l'on fabrique ainsi des générations de jeunes aigris.
Quant à la question de savoir si ces moyens seront efficacement utilisés, comment peut-on imaginer que des jeunes à qui, au mieux, on donnera une initiation pédagogique, pourront réellement prendre en main les situations difficiles dans les établissements scolaires, servir de médiateurs, être là où, jusqu'à présent, les enseignants patentés, expérimentés font échec ? Comment pourront-ils être à la hauteur de l'enjeu ?
Il eût été préférable de mettre à plat aujourd'hui les moyens qui sont disponibles ou dispersés afin de mieux les utiliser et, à partir de là, recenser les zones dans lesquelles il est indispensable de les concentrer. Nous savons bien, en effet, que des besoins réels existent. Je me contenterai de citer le cas des chefs d'établissement. Comme vous le savez, madame le ministre, 800 postes sont aujourd'hui vacants dans l'enseignement secondaire.
Mme Hélène Luc. Neuf cents !
M. Philippe Richert. C'est encore mieux !
Mme Hélène Luc. Ah non !
M. Philippe Richert. C'est mieux pour étayer mon raisonnement, madame Luc.
Nous savons bien que les chefs d'établissement sont, plus encore aujourd'hui qu'hier, des personnes clés dans le fonctionnement des établissements scolaires. Jusqu'à présent, ils étaient recrutés dans le milieu enseignant. Or, face à l'absence de candidatures, ils le sont de plus en plus aujourd'hui dans l'administration. Ainsi, non seulement nous n'avons plus assez de chefs d'établissement mais, qui plus est, ceux-ci ne sont plus recrutés dans le milieu enseignant.
En mettant en place une administration sans lien avec l'enseignement, vous vous engagez dans la mauvaise direction. Comment pourrions-nous faire pour encourager les enseignants à retrouver cette voie ?
Il faudrait, tout d'abord, cesser de confier aux chefs d'établissement des charges supplémentaires contraignantes et essayer de réexaminer leur statut. En effet, voilà encore quelques années - cette situation perdure pour quelques-uns - celui, qui voulait devenir chef d'un établissement du second degré devait se présenter à un concours. En cas de réussite, il suivait une année de formation spécifique avant de prendre ses fonctions, la plupart du temps d'ailleurs comme adjoint dans un collège.
Il faut bien être conscient de la situation actuelle. Je citerai, à cet égard, un exemple récent. Les chefs d'établissement, sensibilisés par leur hiérarchie, ont alors prêché la bonne parole. Engagez-vous, rengagez-vous, disaient-ils, vous verrez du pays ! Ils se sont montrés convaincants. Voilà un mois, une enseignante certifiée se présente au concours ; trois jours plus tard, elle était proviseur-adjoint dans un lycée, et pas le moindre, puisqu'il s'agissait d'un lycée professionnel qui connaît des difficultés sérieuses. Comment voulez-vous redresser la barre ?
D'un côté, de nombreux emplois-jeunes vont être créés dans les établissements, mais les jeunes concernés sont sans réelle formation et ne peuvent donc être efficaces.
M. René-Pierre Signé. Ils vont se former !
M. Philippe Richert. Oui, sur le terrain ! Nous avons déjà quelques exemples de la manière dont ils sont obligés de se former. Merci bien !
M. Pierre Fauchon. Merci pour les cobayes !
M. Philippe Richert. Aujourd'hui, on nous explique que les meilleurs enseignants doivent travailler dans les établissements difficiles, mais, dans le même temps, on affecte dans ces mêmes établissements des jeunes qui ne sont pas formés.
M. Jean-Louis Carrère. De qui viennent ces imprévisions ?
M. Philippe Richert. De l'autre côté, les chefs d'établissement n'ont plus la formation souhaitable...
M. Pierre Fauchon. Merci pour les cobayes !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, laissez parler M. Richert !
M. Philippe Richert. Il faudrait dégager des moyens pour leur permettre d'être à nouveau sur le terrain.
M. Jean-Louis Carrère. Tout cela, c'est la faute de M. Bayrou !
M. Philippe Richert. Qu'allez-vous faire, madame le ministre, pour que ces postes de direction soient de nouveau occupés par des chefs d'établissement formés, motivés et disposant de moyens leur permettant d'exécuter la tâche qui leur est confiée ?
Acceptez-vous aussi, madame le ministre, de réexaminer le dossier de ces emplois-jeunes affectés à l'éducation nationale ? Ces jeunes seront, qu'on le veuille ou non, des fonctionnaires puisqu'ils seront intégralement payés par le ministère de l'éducation nationale.
J'en viens au second point de mon intervention qui me paraît tout aussi essentiel : il s'agit du respect de la séparation des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales en matière scolaire. Ce principe a été arrêté par les lois de décentralisation. Or, monsieur Carrère, depuis quelques années, nous constatons qu'il est de plus en plus bafoué. L'Etat décide puis demande aux collectivités de partager et parfois même de supporter seules les charges résultant de ses décisions.
Cette situation, souvent proche du chantage, devient intolérable. Lorsque vous décidez, madame le ministre, d'un plan concernant les nouvelles technologies, nous vous suivons car, comme vous, nous estimons que l'école doit préparer tous nos jeunes à entrer dans le monde de demain.
Mais lorsque je prends connaissance des chiffres annoncés, je m'insurge. Ce plan est évalué à 15 milliards de francs. Si j'ai bien compris, l'Etat prévoit d'y affecter à trois reprises un milliard de francs. Par conséquent, il reste 12 milliards de francs à trouver. Qui va payer ? Ce seront une nouvelle fois les collectivités qui devront réaliser l'effort le plus important.
La séparation des compétences doit s'appliquer. Il faudrait éviter de donner le sentiment à l'échelon national d'avoir de bonnes idées alors que nous laissons les collectivités assumer seules sur le terrain les charges financières.
Au nom de la gratuité de l'enseignement, argument qui est souvent avancé et qui est un peu trop facile, des communes riches pourront facilement faire face à cette situation mais, pour les autres, soit la fiscalité locale sera de nouveau accrue, soit les élus devront rogner sur les crédits dont ils disposent pour exercer les compétences propres qu'ils se sont vu attribuer par la loi.
Si seul se posait le problème lié aux nouvelles technologies, il n'y aurait rien d'alarmant, mais ce chantage à la gratuité devient insupportable, car il est répétitif. L'Etat donneur de leçons énonce les principes et les collectivités locales passent à la caisse.
Prenons l'exemple de l'encadrement des sorties scolaires que j'ai déjà développé le mois dernier. Il faut absolument revenir sur les dispositions de la circulaire de septembre dernier.
Il est tout à fait inacceptable et irréaliste de demander qu'un enseignant qui veut emmener sa classe sur le terrain de sport situé à deux cents mètres de l'école soit accompagné d'un adulte, voire de deux s'il veut emmener ses élèves à la piscine où, de surcroît, il y aura des maîtres-nageurs. Il est tout aussi irréaliste de demander, lors de chaque sortie des élèves, qu'il soit procédé à un contrôle d'alcoolémie du chauffeur de l'autocar qui va les emmener, ou à une vérification de l'état des pneus. Mais jusqu'où irons-nous ? Et qui procèdera à tous ces contrôles ?
M. René-Pierre Signé. Pourquoi ne l'avez-vous pas demandé plus tôt ?
M. Philippe Richert. Il faudra être raisonnable et rester vigilant pour éviter que ne se reproduise des accidents tels que celui du Drac. Cependant, il n'est pas possible de tout encadrer ni de tout demander aux collectivités car, nécessairement, les enseignants qui ne disposent pas des moyens nécessaires s'adresseront aux communes et aux districts. Il serait souhaitable que, sur ce dossier aussi, vous puissiez faire machine arrière et clarifier la situation.
Prenons un exemple. Voilà quatre semaines, dans ma circonscription, trente-trois classes, soit huit cents élèves, se rendaient à la piscine.
M. Jean-Louis Carrère. Vous voulez dire dans votre département ?
M. Philippe Richert. Non, je parle de la circonscription scolaire, celle de l'inspecteur départemental de l'éducation nationale.
Une semaine après, vingt-cinq classes se rendaient à la piscine, puis seize classes. Aujourd'hui, elles ne sont que six.
Ce n'est pas un progrès, vous en conviendrez, madame le ministre. Il serait donc nécessaire de remettre l'ouvrage sur le métier pour voir comment il est possible d'améliorer la situation.
M. Jean-Louis Carrère. Il faut de l'argent !
M. Philippe Richert. S'agissant de la clarification des compétences entre l'Etat et les collectivités locales, il serait souhaitable que vous demandiez aux recteurs, aux inspecteurs d'académie et aux inspecteurs de l'éducation nationale d'arrêter ce chantage à l'engagement des collectivités. Il faut de nouveau instaurer le dialogue sans pour autant exercer des pressions sur les élus.
Dernier point, j'ai eu l'occasion, l'an dernier, avec ma collègue alors député Simone Régnault, de rédiger un rapport sur la parité entre les hommes et les femmes dans les livres scolaires. Sans entrer dans le détail des conclusions de ce rapport, je dirai simplement, madame le ministre, qu'il y a encore de réels progrès à accomplir en ce domaine.
M. Jean-Louis Carrère. Vous feriez mieux d'établir cette parité sur vos listes !
M. Pierre Fauchon. Nous n'avons pas besoin de vos leçons !
M. Philippe Richert. Parmi les propositions que nous avons émises, vous en appliquez une de façon exemplaire puisque vous avez féminisé le sommet de la hiérarchie de votre ministère. Voilà une excellente initiative !
Une autre proposition concerne la formation initiale et continue des enseignants afin de les sensibiliser à ce thème. Les enseignants devraient l'être dans les instituts universitaires de formation des maîtres et dans les MAFPEN, les missions académiques à la formation des personnels de l'éducation nationale. Dès lors, les éditeurs et les auteurs seraient d'autant plus attentifs qu'ils sauraient que les enseignants qui, en définitive, choisissent les livres, opèreront leurs choix en fonction de ce critère.
Madame le ministre, si ce sujet vous intéresse, je serais heureux de le développer davantage et, éventuellement, de vous présenter les propositions contenues dans notre rapport.
J'évoquerai, enfin, la filière professionnelle et technique. Il s'agit, à mon sens, d'un domaine essentiel qui appelle une évolution des mentalités dans notre pays. En Allemagne, celui qui travaille dans une entreprise ou dans le bâtiment et les travaux publics est autant estimé qu'un « col blanc ». En France, il arrive trop souvent que l'estime soit réservée à ceux qui ont poursuivi leurs études au moins cinq ans après le baccalauréat.
Il serait bon d'instaurer un système où les jeunes qui suivront une formation en alternance, qui seront employés dans les entreprises du bâtiment ou dans des ateliers de mécanique jouiront d'une estime équivalente à celle dont bénéficie celui qui poursuit des études générales.
Il serait utile que vous essayiez d'accompagner cet effort pour que, demain, notre pays dispose de jeunes formés dans des secteurs qui sont aujourd'hui déficitaires et dans lesquels ils pourraient s'épanouir.
Enfin, madame le ministre, le budget de 285,93 milliards de francs affecté à l'enseignement scolaire progresse de 3,15 % par rapport à l'année dernière. Cet effort est important.
Evidemment, comme je l'ai expliqué, un certain nombre de réformes engagées et de politiques lancées recueillent notre total soutien. En revanche, d'autres me paraissent néfastes car elles nous entraînent sur de fausses pistes.
C'est la raison pour laquelle, tout en restant ouverts à la discussion et à l'amélioration des orientations qui nous sont proposées, les membres du groupe de l'Union centriste et moi-même suivrons les rapporteurs de la commission des finances et de la commission des affaires culturelles. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Castaing.
M. Robert Castaing. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de l'éducation nationale pour 1998 va dans le bon sens. Il affiche la nette volonté de donner à l'école de la République les moyens et l'ambition nécessaires à son action.
Je suis particulièrement sensible aux mesures qui sont prises dans le domaine de la solidarité et de l'égalité. Elles visent au refus d'un système éducatif à plusieurs vitesses. L'égalité des chances appliquée sur l'ensemble de notre territoire, pour coûteuse et exigeante qu'elle soit, contribuera à lutter contre les dangers de l'exclusion et des inégalités sociales.
Même les zones rurales sont devenues très fragiles ; elles assistent, impuissantes, à l'application couperet de la sacro-sainte notion de rentabilité, entraînant des suppressions de postes et des fermetures d'écoles, précipitant dans l'agonie des villages et, quelquefois, des bourgs ruraux.
Je voudrais insister sur trois points.
Premièrement, le moratoire en milieu rural est parfois mal perçu par ceux qui, en milieu urbain et dans les zones difficiles, se plaignent, à juste titre sans doute, des classes surchargées et du manque de moyens d'action. A ces maux, votre budget propose des solutions positives. Dans tous les cas, l'existence du moratoire nous permet d'envisager plus sereinement des mises en réseau et d'identifier les projets pédagogiques forts et concertés.
Les comités locaux d'éducation, dont vous envisagez l'extension pour préparer la rentrée 1998, me semblent opportuns et pertinents. Cela évitera le sentiment d'injustice et l'incompréhension que suscitent des décisions administratives lointaines. J'espère aussi que le maintien du moratoire associé aux comités locaux d'éducation ne servira pas in fine à faire accepter, au plus près, les décisions de fermeture de postes et d'écoles.
Mme Hélène Luc. Ah non ! C'est clair !
M. Robert Castaing. La réouverture de plus de 1 200 écoles, dans un contexte de baisse des effectifs, et une meilleure répartition des personnels confirmés à leurs postes nous démontrent, pour l'instant, le contraire.
Deuxièmement, les mesures de solidarité envers les familles et l'enfant ainsi que celles qui permettent la sociabilisation de l'enfant me semblent judicieuses. Dans ce domaine, il faut soutenir les dispositifs prévus en faveur de la lutte contre l'exclusion et la violence à l'école. Ce sont des mesures concrètes, assorties de personnels qui sont ou devront être formés à ces fins.
De même, le rétablissement de la morale civique doit être une préoccupation du long terme, du primaire au secondaire. Leur contenu et leur support auront été clairement définis, confiés à tous les enseignants en charge de leurs élèves, et pas aux seuls enseignants d'histoire et de géographie... Expérience vécue !
Il faut, par ailleurs, se féliciter du montant significatif de l'allocation de rentrée scolaire, des crédits inscrits au titre des mesures de justice sociale en faveur des familles ainsi que des fonds sociaux pour les cantines destinés aux élèves de milieux défavorisés.
J'espère que les diagnostics permettront d'identifier les publics concernés de manière efficace, car ces jeunes publics sont, hélas ! de plus en plus nombreux, y compris dans les milieux ruraux, que l'on croit généralement beaucoup plus protégés.
Troisièmement, j'en viens aux activités périscolaires et à l'aménagement des rythmes de vie. Nous savons l'importance que vous accordez à ces thèmes.
Les mesures, les fonctionnements et les partenariats futurs devront donner la priorité absolue à l'enfant, car ces moments dégagés sont aussi, pour lui, autant d'occasions d'enrichissement, de développement, de relations nouvelles, d'épanouissement et d'apprentissage de la vie.
Cependant, de plus en plus, les collectivités locales sont engagées sur ce terrain, puisque ce sont elles qui, généralement, soit financent directement le personnel nécessaire, soit subventionnent les associations qui accueillent les enfants, les transportent ou mettent à leur disposition les locaux nécessaires.
Par ailleurs, il me semble que la multiplicité des partenaires institutionnels ne facilite pas la lisibilité des compétences et du domaine d'intervention de chacun. De plus, un certain désengagement financier alourdit les budgets des collectivités locales. Il faut souligner que les expériences innovantes portant sur l'aménagement des rythmes de l'enfant et sur les activités périscolaires, parce qu'elles sont organisées à côté, ou à l'intérieur du corset rigide des contraintes administratives, représentent, pour les collectivités locales, des surcoûts dont je crains qu'ils ne contribuent à remettre en cause le droit égalitaire d'accès aux activités sur l'ensemble de notre territoire.
Vos mesures courageuses, dont le caractère clair et démocratique sert la qualité de notre système éducatif, ont toutes pour objectif de favoriser le projet de l'enfant, c'est-à-dire qu'elles donnent à chacun des chances égales de réussir. Elles nous rappellent aussi avec urgence que « l'école est le berceau de la République », et de la citoyenneté !
Ces réserves, madame la ministre, ne m'empêcheront pas d'approuver le projet de budget que vous nous proposez. (Bravo ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, alors que la France connaît un taux de renouvellement des générations assez faible, le devenir de la jeunesse devient une préoccupation obsessionnelle pour les responsabbles, quels qu'ils soient. Quelle place va-t-elle avoir dans le monde économique ? Comment va-t-elle s'insérer dans le système social ?
Chaque jour apporte sur le devant de l'actualité des événements traduisant le mal-être de cette classe d'âge. Leur localisation prête à penser que les zones suburbaines sont les seuls lieux où existe une déshérence manifeste. La violence de son expression occulte les signes émis ailleurs.
Les banlieues n'ont pas le monopole du désespoir. Toutefois, les conduites diffèrent lorsque le milieu d'appartenance se distingue encore.
Les zones rurales, malmenées tant par l'exode des années soixante-soixante-dix et la fascination des métropoles que par les mutations successives du secteur agricole, ont vu apparaître un quart-monde spécifique. Les collectivités locales en ont une connaissance précise par l'aide sociale et la scolarisation.
L'école est le premier lieu de socialisation de l'individu. Elle est le premier univers structuré pour certains qui connaissent pour seul environnement quotidien une famille monoparentale ou recomposée à géométrie variable, des ressources assurées par une batterie d'allocations diverses et un hébergement précaire. Quelle notion des normes ont-ils ? Savent-ils que la cellule familiale est une entité parents-enfants entretenant des liens économiques et sociaux avec les différents groupes qui composent la société ? Savent-ils que les relations sont régies par des règles ?
Au-delà de la transmission du savoir, l'école a un certain nombre de missions d'accompagnement à remplir si l'on veut que l'apprentissage des connaissances soit satisfaisant. Si l'enjeu est bien d'intégrer, et le mieux possible, les enfants, en particulier ceux qui sont en grande difficulté scolaire dans un environnement rural, il convient de s'interroger sur la démarche d'approche.
En Haute-Saône - je prends un exemple pour rendre plus concret mon propos - le taux de redoublement en sixième est de 9,27 % et il frôle les 17 % dans un collège du chef-lieu départemental. Il y a de quoi s'inquiéter ! Parallèlement, compte tenu de la baisse des effectifs, qui diminuent de 234 élèves, le département n'a bénéficié que d'un seul des 300 emplois d'enseignant des écoles créés à la rentrée pour rouvrir les classes. En fait, il aura donc rendu 15 postes au lieu des 16 initialement prévus.
Par ailleurs, toutes les ouvertures nécessaires n'ont pu être réalisées. On trouve encore des classes avec un nombre d'élèves supérieur à 28 et l'AIS, l'adaptation et l'intégration scolaires, faute de personnels qualifiés a perdu 5 postes.
La saisie purement quantitative de la situation conduit à l'énoncé suivant : le déficit de population génère une réserve de postes pour le redéploiement. La démarche qualitative que j'aimerais voir privilégier, madame le ministre, et bien sûr pas seulement pour mon département, constituerait à rééquilibrer les chances dès l'école primaire, là où il est encore temps de gommer les handicaps. Si tout se joue avant six ans, comme le prétendent des psychologues, c'est dès la maternelle qu'il faut agir avec une équipe pluridisciplinaire. Ce qui n'est pas traité à la base, s'amplifie. Ainsi est-on dans l'obligation d'avoir recours aux classes d'intégration scolaire qui supposent, en plus, une organisation et un financement de l'accueil périscolaire d'accompagnement.
A la place de la grille quotas - seuils -moyennes - écarts-types et autres, j'aimerais, madame le ministre, que, pour titrer le bénéfice de la diminution d'effectifs, les postes soient conservés et affectés à l'amélioration de la qualité de l'enseignement, mais aussi à l'insertion de l'adulte dans la société de demain.
En ce qui concerne les actions périscolaires indispensables, il ne me semble pas que les attentes en matière de prévention et d'assistance puisse être satisfaites.
Là encore, la situation de la Haute-Saône reflète l'instantané national. Dans votre budget, madame le ministre, on trouve, pour répondre à l'objectif, 300 emplois d'infirmier, 300 emplois d'assistante sociale et 120 équivalents temps plein de médecin. Rapportée à la réalité de mon département, la lecture en ce qui concerne la dernière catégorie d'intervenants est la suivante : 3 postes pour 48 648 élèves ; avec les 2,4 postes d'équivalents temps plein de médecin vacataire, cela revient à dire que chaque médecin a en charge 9 000 élèves ! Comment peuvent-ils remplir leurs missions, qui sont définies dans le cadre de la protection de l'enfance, de l'intégration des élèves porteurs de handicaps et de maladies chroniques et de la prévention des conduites à risques ?
Le médecin de l'éducation nationale a vu son rôle beaucoup évoluer. Il ne se limite plus à effectuer des examens médicaux mais doit, notamment, être en mesure d'évaluer les besoins de la population scolaire et de proposer des programmes adaptés prenant en compte les pathologies dominantes et les facteurs de risques prioritaires. L'efficacité de leur action repose sur leur capacité à travailler avec l'ensemble de la communauté scolaire, pour tenter d'apporter des solutions aux difficultés de plus en plus complexes présentées par les élèves.
La solution ne se trouve pas dans le recours à des vacataires, pas plus qu'à des médecins libéraux, qui n'ont pas la même formation initiale en santé publique, en éducation à la santé ainsi qu'en médecine de l'enfant et de l'adolescent que leurs confrères qui se sont spécialisés et sont recrutés sur concours pour ces compétences. Or, les candidats ne manquent pas. A la session de cette année, il y avait 450 inscrits pour 32 postes au concours externe sur épreuves !
Sachant que 40 % de l'activité médicale est assurée par des vacataires, je crains que l'on ne trouve une justification à la création des emplois-jeunes dans l'éducation nationale et que l'on ne se dispense de recruter en créant des postes là où les besoins existent. Pour ce secteur, ils sont clairement définis : 4 postes supplémentaires sont nécessaires en Haute-Saône.
Parce qu'elle n'est pas satisfaite, l'exigence d'aujourd'hui deviendra, demain, une urgence ingérable. L'équation exponentielle est en cours d'écriture. Comment allons-nous, madame le ministre, identifier l'exposant pour le maîtriser ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Madame le ministre, depuis sa prise de fonctions, M. Allègre nous a habitués à ses déclarations tonitruantes et provocatrices. L'opinion pensait que, de ses déclarations découleraient très rapidement des mesures concrètes confirmant votre volonté d'engager de véritables réformes structurelles. Si séduisant que soit le discours de M. Allègre, l'opinion reste sur sa faim. Sachez, madame le ministre, que celle-ci ne jugera votre gouvernement qu'aux actes !
Le projet de budget n'était-il pas la meilleure occasion de traduire dans les faits la volonté de réforme du Gouvernement ? Mais c'est en vain que j'y ai recherché l'esquisse d'une nouvelle orientation de la politique nationale en matière d'éducation.
Le projet de budget est, certes, en augmentation de 3,15 % par rapport à la loi de finances pour 1997, étant ainsi porté à près de 286 milliards de francs. A l'analyse, cependant, il s'avère qu'un peu plus de 2 % de l'augmentation est essentiellement consacré à l'effet mécanique de la revalorisation des salaires.
Il reste donc à peine 1 % réservé à des mesures nouvelles. Quelles sont-elles ? Il s'agit essentiellement de mesures d'ordre social telles que la lutte contre l'exclusion en milieu scolaire, les actions de prévention de la violence à l'école et, pour une faible part, comme l'ont confirmé de récentes déclarations, l'introduction des nouvelles technologies.
Si ces mesures contribuent à améliorer les conditions d'enseignement et de vie scolaire de nos enfants, il n'en reste pas moins que votre projet de budget ne révèle, à mon sens, aucune mesure significative engageant le ministère de l'éducation nationale dans une lutte sans merci contre les échecs scolaires. Ce phénomène est grandissant dans notre société et donc particulièrement préoccupant.
Il devrait, à mon sens, être au coeur de vos préoccupations. Il n'en est rien.
On prévoit une baisse des effectifs scolaires d'ici à 2006 estimée à 170 000 élèves pour la tranche d'âge des six à dix ans. Vous vous êtes contentés de satisfaire des besoins quantitatifs ! L'exemple de votre cabinet est très révélateur de ce qui se passe dans la fonction publique d'Etat. Les personnes attachées au cabinet de M. le ministre de l'éducation nationale ne sont pas moins de soixante et une, ce qui en fait l'un des cabinets de la République les plus pléthoriques.
M. Alain Gournac. Soixante et une ! Eh bien ! Voilà un mammouth à dégraisser !
M. Alain Vasselle. Cela n'est pas de nature à nous rassurer sur les économies d'échelle qui peuvent être recherchées au niveau des charges de gestion de ce ministère.
M. Jean-Louis Carrère. Et le cabinet de la Ville de Paris ?
M. Alain Vasselle. Il aurait été préférable de consacrer cet argent à des actions en faveur des publics scolaires.
Pendant ce temps, l'illettrisme continue de gagner du terrain au sein de la population scolaire. Quel avenir souhaitons-nous réserver à nos futures générations, tant aux enfants qui fréquentent aujourd'hui l'enseignement primaire qu'à ceux qui le fréquenteront demain ?
En effet, de nombreux experts estiment qu'environ 15 % des enfants entrant en sixième se trouvent en détresse profonde de lecture. Ainsi, 10 à 15 % de nos enfants empruntent le long couloir de l'illetrisme, qui, de la maternelle jusqu'en troisième, traverse l'école de la République. C'est donc un élève sur dix qui risque de se retrouver confronté à un échec scolaire majeur. Face à ce fléau qu'il convient de battre en brèche au même titre que la violence dans les écoles, que faites-vous, monsieur le ministre de l'éducation nationale ?
M. Jean-Louis Carrère. Et voilà ! c'est la faute de M. le ministre !
M. Alain Vasselle. L'objectif de la loi Jospin de 1989, auquel vous ne devez pas être étranger, n'était-il pas qu'aucun jeune ne sorte sans qualification du système éducatif ? Or les récentes études prospectives montrent que l'on s'en éloigne très largement.
Vous savez comme nous tous que c'est à l'école primaire que se joue la capacité du système éducatif à faire entrer nos enfants dans le processus d'apprentissage, afin de les rendre aptes à un maximum d'autonomie et de polyvalence. Cela passe, à mon sens, par un effort en direction de la formation des enseignants, par l'amélioration de la qualité des programmes, mais aussi par celle de la qualité des équipements pédagogiques et de l'environnement éducatif.
M. Jean-Louis Carrère. Que ne l'avez-vous dit à M. Bayrou !
M. Alain Vasselle. En agissant pour partie sur ces deux derniers points, M. Allègre et Mme Royal font oeuvre utile, je tiens à le dire ; mais quel sera l'avenir, dans cinq ans, de ces fameux emplois-jeunes recrutés à cet effet ? Quelles mesures prendrez-vous, madame le ministre, monsieur le ministre, pour assurer la pérennité du dispositif ?
M. Jean-Louis Carrère. Demandez au maire de Bordeaux ce qu'il en fera !
M. Alain Gournac. M. Carrère a toujours des références !
M. le président. Seul M. Vasselle a la parole, mes chers collègues !
M. Alain Vasselle. Concernant les nouvelles technologies, nos enseignants sont-ils prêts à les utiliser avec compétence ? Ont-ils ou recevront-ils pour ce faire la formation nécessaire ?
M. Alain Gournac. Pour l'instant, ils ne l'ont pas !
M. Alain Vasselle. Je mets en garde le Gouvernement : il ne faudrait pas que nous nous retrouvions, avec l'utilisation des technologies nouvelles que j'approuve des deux mains, dans la même situation que celle que nous avons connue avec le plan « Informatique pour tous » de M. Fabius, plan qui a été un véritable échec, tout au moins dans le système scolaire en milieu rural, ainsi que j'ai pu moi-même le constater sur le terrain, dans mon département.
M. René-Pierre Signé. C'est faux !
M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. Alain Vasselle. C'est faux ? J'entends qu'on me le démontre !
La préoccupation majeure dans ce pays en matière d'éducation devrait être celle qui tend à mieux mettre en adéquation les besoins de formation de nos enfants et ceux de notre économie, qui ne cessent d'évoluer avec la mondialisation des échanges.
Les générations futures vont être appelées à exercer leur activité professionnelle bien au-delà des limites de notre hexagone.
M. Jean-Louis Carrère. La douce mélodie...
M. Alain Vasselle. De plus, dans un tel contexte d'ouverture sur l'étranger, la maîtrise d'une langue étrangère paraît de plus en plus indispensable pour préparer les jeunes à leur vie de citoyen européen. J'aimerais, sur ce point, connaître les véritables intentions du Gouvernement, notamment celles du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
A ce sujet, monsieur le ministre, je crois savoir que, lors de l'université d'été du Parti socialiste du 30 août dernier, vous avez déclaré « qu'il ne fallait plus compter l'anglais parmi les langues étrangères ».
Quant à vous, madame le ministre, vous avez insisté à plusieurs reprises et à juste raison sur la nécessité de mener une action forte en la matière. Je partage votre point de vue. Mais je n'ai pas trouvé dans le projet de budget les mesures financières qui accompagnent ces belles déclarations. Je les cherche en vain ! Rien, a priori, ne semble présager un redéploiement des dépenses en vue du développement de ces enseignements, notamment d'une ouverture de l'enfant sur les langues vivantes étrangères.
Or, les expérimentations engagées par plusieurs écoles démontrent que l'enseignement précoce d'une langue étrangère se révèle très positif pour l'évolution scolaire de l'enfant, et ce non seulement quant à son apprentissage de futur citoyen européen, mais également quant à son assimilation et à sa maîtrise de la langue française.
Je vous engage madame le ministre, monsieur le ministre, à tirer profit pour nos jeunes des expériences en cours dans de nombreux départements français. De telles expériences sont organisées tant en milieu urbain qu'en milieu rural, dans le département de l'Oise, que je représente. Je peux citer l'expérience des école primaires du secteur scolaire de Froissy, auquel j'appartiens. En effet, depuis 1993, le secteur rural de Froissy, dont je suis le conseiller général, a été retenu au niveau académique dans le cadre de l'expérimentation de l'apprentissage précoce des langues étrangères aux élèves du primaire.
Deux postes d'enseignement ont ainsi été créés en CM1 et en CM2 : un temps plein pour l'anglais et un mi-temps pour l'allemand.
Après six années d'expérimentation, tous les acteurs locaux et les bénéficiaires de cet enseignement sont unanimes pour reconnaître les résultats positifs, d'autant que des améliorations ont été apportées au fil du temps. Nous pensons avoir réussi à atteindre un rythme qui pourrait être amplifié et devenir à terme le rythme de croisière des écoles primaires, à condition, bien entendu, que les moyens mis en oeuvre soient maintenus, voire renforcés.
Fort des excellents résultats obtenus sur le plan pédagogique dans l'enseignement tant primaire que secondaire, il me semblerait opportun d'aller aujourd'hui beaucoup plus loin en dépassant le stade de l'expérimentation et en s'inspirant notamment des heureuses expériences menées sur les vingt-deux sites bilingues paritaires France - Allemagne qui concernent soixante-douze classes et 1 700 élèves, en Alsace, situation que mon collègue Joseph Ostermann connaît bien. Dans ces écoles, les vingt-six heures d'enseignement par semaine sont partagées dès la maternelle entre treize heures d'enseignement en allemand, y compris l'enseignement de la langue allemande, et 13 heures d'enseignement en langue française. Cet enseignement, financé en partie par le contrat de plan Etat-région, est dispensé soit par le maître lui-même, s'il a des compétences en allemand, soit par des vacataires - titulaires d'une maîtrise d'allemand, conjoint de nationalité allemande d'une personne de nationalité française ou professeur d'allemand du second degré - soit par le système d'un échange de service entre instituteurs.
Les résultats sont excellents. Il est vrai que l'environnement de ces enfants y est particulièrement favorable, plus qu'en aucune autre région française.
Un enseignement sous cette forme ne devrait-il pas être étendu à tous les départements volontaires ? Si vous étiez prêts à mener cette expérimentation, le département de l'Oise pourrait se porter volontaire.
M. Alain Gournac. Celui des Yvelines aussi !
M. Alain Vasselle. Mais, dans le même temps, madame le ministre, monsieur le ministre, il me paraîtrait judicieux d'introduire dès à présent au plan national l'enseignement des langues étrangères dans le primaire, en commençant par une action de sensibilisation aux langues étrangères, qui devrait menée de la maternelle jusqu'au cours préparatoire. En CE 1 et en CE 2, cette action devrait se poursuivre par une initiation aux langues vivantes, qui déboucherait, dès le CM 1, vers un véritable enseignement précoce, prolongé en CM 2, comme cela se pratique dans des secteurs expérimentaux, à la plus grande satisfaction des enfants, des parents ainsi que des enseignants du primaire et du secondaire.
L'enseignement précoce des langues pourrait ainsi être généralisé à l'ensemble du territoire national. Ce faisant, nous préparerions nos enfants à l'Europe de demain et contribuerions à leur donner un maximum de chances pour leur avenir.
Pourtant, comme je l'ai souligné au début de mon propos, la véritable volonté du Gouvernement à agir sur la qualité des enseignements, tant pour combattre les désastres de l'illettrisme et des échecs scolaires que pour prédisposer les enfants à leur avenir européen, ne transparaît pas dans ce projet de budget.
Telles sont, madame le ministre, monsieur le ministre, les quelques remarques qu'appelle de ma part le projet de budget.
Votre responsabilité est grande pour l'avenir de nos enfants. Je vous invite à en faire bon usage, car c'est en partie la France de demain que vous avez entre vos mains.
Sachez donc tenir compte de l'avis de ceux qui, sans partager votre sensibilité politique, veulent faire oeuvre utile par la contribution qu'ils apportent à leur pays. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Alain Gournac. Et dégraissons le mammouth !
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite de MM. Carrère et Castaing, et pour changer un peu de tonalité, je salue la politique éducative que vous préconisez et qu'illustrent les 3,15 % d'augmentation du budget de l'enseignement scolaire pour 1998. J'observe qu'après quatre budgets ayant suivi la baisse du nombre d'élèves inscrits, l'enseignement scolaire va bénéficier à nouveau d'une politique visant à l'égalité des chances entre les enfants, quelle que soit leur origine. La cohésion sociale commence par là.
Je me réjouis en particulier de l'effort de relance des 531 zones d'éducation prioritaires, mené par votre ministère : 17,6 millions de francs supplémentaires pour soutenir l'innovation pédagogique, mais aussi la scolarisation généralisée à deux ans, le retour de l'éducation civique, qui apprend à devenir libre en respectant les autres, la lutte résolue contre toutes les formes de violence, l'association plus étroite des familles, notamment des parents de milieu populaire, etc.
Au-delà de ce constat du retour des ZEP parmi les priorités de l'éducation nationale, je note avec satisfaction madame le ministre, votre voeu, que vous partagez avec M. Claude Allègre, de recentrer la mission de l'école dans les ZEP sur les apprentissages scolaires. Vous avez raison de refuser la dualité entre une école où l'on étudierait et une autre où l'on ne chercherait qu'à résoudre des problèmes sociaux.
Je me réjouis d'une politique scolaire refusant la fatalité des générations perdues ! Une étude britannique, rapportée ces jours-ci par le journal Le Monde, démontre les ravages, en ce domaine, de quinze ans de libéralisme sauvage au Royaume-Uni. C'est ainsi tout un pan de la jeunesse anglaise, de la génération émergente, qui se trouve menacé du chômage à vie, faute d'avoir pu acquérir les connaissances de base dans les domaines de la lecture, de l'écriture et du calcul. C'est peut-être à une forme moderne d'esclavage que ces futurs adultes doivent s'attendre, sans même parler des dangers mortels pour la paix sociale et la démocratie.
Pour être moins dramatique, la situation de notre pays se dégrade néanmoins rapidement. Détourner le regard de cette urgence reviendrait à détourner le regard de notre avenir. Ce que les équipes pédagogiques qui opèrent en ZEP feront avec l'appui de vos services et d'un budget renforcé est tout simplement vital pour l'avenir de notre société.
Redonner la priorité aux ZEP, comme vous le faites, c'est prendre acte des succès de cette démarche depuis seize ans, et donc bien considérer que les jeunes issus de familles en grande difficulté peuvent réussir et trouver leur place dans la société. C'est faire preuve d'ambition et d'exigence pour eux et envers eux, dans un cadre adapté qui leur offre, dès le plus jeune âge, les meilleures chances possible. Un rapport qui vous a été remis récemment rappelle, dans ses conclusions, à quel point l'origine sociale demeure déterminante dans la réussite scolaire des élèves. Concrètement, ces enfants souffrent souvent, du fait des problèmes de leurs parents, de retards multiples d'apprentissage et de socialisation. Beaucoup d'entre eux n'ont jamais vu leur père ni leur mère occuper un emploi.
Un certain nombre se voient adresser la parole pour la première fois en français le jour de leur première rentrée scolaire. Des carences affectives sont également observées. Comment en serait-il d'ailleurs autrement quand la misère écrase jusqu'à l'espoir de s'en sortir ?
Une scolarisation précoce, dès l'âge de deux ans, est le meilleur moyen de renforcer les chances de ces enfants. Chaque année passée à grandir sans école aggrave le retard des futurs élèves des ZEP. Malgré quelques critiques émises sur l'âge opportun d'admission à l'école maternelle, il serait bon, à mon avis, d'accroître le taux de scolarisation à deux ans dans ces zones.
En tant qu'élu d'une région rurale, j'applaudis enfin à la volonté de votre ministère d'articuler la relance des ZEP avec les actions d'aménagement du territoire. On ignore trop souvent que près de 5 % des élèves scolarisés dans les collèges publics ruraux relèvent d'une ZEP. Loin des cités où se concentrent de façon spectaculaire les problèmes économiques et culturels des enfants, nos zones rurales voient, elles aussi, s'accroître la pauvreté à un rythme inquiétant. Cette pauvreté est d'ailleurs parfois subie par des familles qui ont cru adoucir leur situation en quittant les villes pour les campagnes. Même si elle se manifeste différemment, la misère, y compris morale, qui en résulte n'est pas moins alarmante que celle que l'on observe à la périphérie de nos villes. En tout état de cause, le handicap est comparable pour les enfants.
Pour conclure, je veux vous dire la reconnaissance de nombre d'élus locaux en zone rurale quant à la mise en place prochaine des comités locaux d'éducation.
On peut espérer que cette concertation des différents partenaires qui font vivre l'école permettra de mieux prendre en compte les réalités locales dans le choix de conserver ou de fermer ces classes. Comme dans le cas des ZEP, priorité sera donnée aux projets éducatifs et pédagogiques élaborés sur le terrain même de leur application. Le groupe socialiste, madame le ministre, monsieur le ministre, approuve évidemment l'esprit citoyen de cette réforme. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Martin.
M. Pierre Martin. Monsieur le ministre, votre fonction à la tête de ce grand ministère de l'éducation nationale fait que votre rôle n'est pas aisé, j'en conviens !
Vous avez la charge de réunir les conditions qui conduisent nos jeunes à la réussite scolaire, celle-ci repose sur un certain nombre de paramètres et n'est donc pas systématique.
Il est difficile d'ignorer les différences, les facultés respectives des enfants, leur courage, leur volonté.
Le rôle des parents et de la famille est primordial.
Si les conditions matérielles demeurent un élément concourant à cette réussite, le maître demeure, lui, le chef d'orchestre : sa personnalité, sa pédagogie, l'ambiance qu'il créera dans sa classe sont autant de facteurs déterminants pour un bon déroulement de la scolarité.
L'énoncé de ces critères démontre que les moyens financiers ne constituent pas à eux seuls le gage de réussite pour offrir un enseignement moderne et de qualité.
Vous êtres un ministre chanceux, puisque vous pouvez vous flatter - votre majorité le répète largement - d'avoir le premier budget parmi tous les budgets civils et militaires !
Les sommes consacrées par l'Etat à l'enseignement scolaire représenteront, en 1998, 18 % de son budget, soit une augmentation brute dépassant les 8,7 milliards de francs.
Un bon ministre, par définition gestionnaire, est-il forcément un ministre dépensier, dans une institution où l'exemple doit servir de référence ?
Cette rupture avec la tendance précédente, dont votre majorité s'enorgueillit, peut-elle vous assurer de réussir là où beaucoup d'autres à votre place ont vainement tenté de le faire ?
Récusons l'argument selon lequel un fonctionnement toujours plus efficient de l'éducation nationale doit nécessairement se traduire par des postes et des crédits supplémentaires.
Au-delà de considérations arithmétiques, dont je concède volontiers qu'il est nécessaire de les apprécier, mon expérience professionnelle, encore toute proche, me rappelle que, dans une classe, les résultats ne peuvent s'obtenir que dans la mesure où une certaine discipline est instaurée.
L'éducation civique et la morale, abondonnée depuis 1969, doivent être traitées avec à propos, dans une société où le respect de l'autre est un acte naturel. Elles doivent revenir au rang des priorités scolaires - vous en avez parlé et je vous en félicite - mais avec des limites bien fixées.
Mais de quels moyens disposent aujourd'hui les enseignants, monsieur le ministre, pour faire respecter cette discipline ?
Comment leur parler de morale si, dans ce qu'ils peuvent voir à l'école, dans la rue, à la télévision, à la maison, nos enfants n'ont plus l'occasion de découvrir les images, reflet des beaux messages qu'on a bien voulu leur faire passer ? Si les mots sont nécessaires, l'exemple est indispensable.
Le comportement des enfants reflète malheureusement l'évolution de notre société qui se traduit, il faut le dire, par un manque de courage, une discipline de plus en plus mal acceptée et la considération de l'autre oubliée.
Comment, sans arrêt, imaginer des devoirs pour les autres alors que, pour soi-même, on ne retient que les droits ?
L'enfant, naturellement juste, est très sensible à la vérité et à la sincérité, mais il sait aussi rapidement découvrir et s'adapter au vice.
Eviter que l'école constitue le premier piège de l'exclusion et de la fracture sociale, réussir une école citoyenne, ouverte sur la cité et le monde moderne, telle est, je pense, notre mission, mes chers collègues !
La plupart des ministres du Gouvernement que vous représentez ici se font les farouches partisans du partage du travail, des richesses ; mais où parle-t-on du partage de l'effort ?
Le moment n'est-il pas venu de recréer les conditions d'un service où seule la qualité serait l'objectif premier en matière scolaire ?
Cette adaptation qualitative du système éducatif suppose la prise en compte de l'évolution démographique, de l'espace territoire, de l'intercommunalité et de la volonté.
A cet égard, doit-on se féliciter d'avoir ouvert ou réouvert des classes, dont la fermeture est programmée à terme en raison de la seule baisse des effectifs ? A-t-on voulu marquer une nouvelle différence et asseoir la popularité politique de récents élus ?
En zone rurale, l'organisation d'unités à taille humaine, comprenant par exemple cinq classes élémentaires et une maternelle, n'est-elle pas préférable au maintien de classes éparses n'offrant pas, faute de moyens, un accès aux nouvelles technologies comme outil pédagogique à des élèves lassés et fatigués d'emprunter trop longuement les transports scolaires dans le cadre de regroupements pédagogiques diffus ?
Les moyens humains et financiers dégagés ne devraient-ils pas converger vers ces structures pour adapter notre enseignement aux besoins de cette fin de siècle ?
Cette rationalisation des moyens permettrait d'offrir plus en dépensant moins, donc mieux grâce aux économies d'échelle. Elle susciterait aussi une autre motivation des jeunes et un véritable esprit d'équipe parmi les enseignants.
Par ailleurs, est-il raisonnable de voir des classes composées de quatre à dix enfants en milieu rural, alors que d'autres en milieu urbain en regroupent de vingt-cinq à trente, de situations et de cultures très diverses ? J'exclus, bien entendu, vous le comprendrez, les cas spécifiques relatifs aux particularités géographiques.
Il est temps, je crois, de se pencher courageusement sur le moratoire, peut-être utile dans un premier temps pour mieux réfléchir au problème de la baisse des effectifs, mais sûrement obsolète au-delà d'une période de deux ans, et qui n'est pas, à terme, de nature à enrayer la désertification rurale.
Pour ces situations particulières, il apparaît de plus en plus nécessaire de confier la responsabilité des décisions aux partenaires de base : enseignants, parents, élus, représentants de l'inspection académique.
Enfin, vous avez pensé que les emplois-jeunes pourraient offrir une solution pour apporter un accompagnement valorisant pour l'enseignement. Pourquoi pas ? Je redoute, néanmoins, l'apparition d'écoles à deux vitesses : celles qui grâce à leur projet, accompagnées d'une volonté communale, feront vivre le périscolaire et les autres, pour lesquelles aucun accompagnement n'existera.
Laissez-moi vous montrer, monsieur le ministre, que vous créez de plus une injustice parmi les emplois-jeunes.
En effet, exerçant dans une école primaire, ces personnes effectuent actuellement vingt-sept heures de service par semaine si la commune n'a pas d'autres activités à leur proposer. Dans le même temps, je rappelle qu'un salarié du secteur privé travaille 227 jours par an, soit 1 816 heures, tandis qu'un enseignant cumule 936 heures dans l'année.
Cela m'amène à vous préciser que les contrats conclus par l'éducation nationale dans le cadre du plan emplois-jeunes ne porteront, en réalité, que sur vingt heures de service par semaine, réparties sur toute l'année civile. Sur cette base, le salaire perçu sera équivalent à 10 800 francs par mois, et non au SMIC. J'apprécierais de connaître votre sentiment sur le sujet, monsieur le ministre.
Enfin, comme cela a été dit tout à l'heure, au terme des cinq ans, après qu'ils auront, je l'espère, rendu de bons et loyaux services à l'éducation nationale, comment pourrez-vous ne pas accorder à ces jeunes le même avantage que celui qui a été octroyé aux maîtres auxiliaires à la rentrée de 1997 ? Le précédent a été créé.
En conclusion, je dirai que l'éducation nationale, cette lourde machine, doit inciter à la conjugaison de nos efforts, afin d'offrir à notre jeunesse la possibilité de s'intégrer dans la société.
Pour ce faire, libérez les partenaires, monsieur le ministre, laissez-les réfléchir ensemble ! Faites en sorte que parents, enseignants, élus et représentants des académies puissent gagner le pari de la réussite scolaire, dans l'intérêt de l'enfant, dans l'intérêt du pays ! (Très bien ! et applaudissement sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je ne dispose que de quelques minutes pour évoquer un sujet que je considère comme fondamental, pour lequel vous avez déjà dressé la toile de fond, monsieur le ministre : le rôle et la place de l'ordinateur à l'école.
Je ne crois pas que l'ordinateur sera demain le seul outil qui sera utilisé à l'école. En revanche, je suis persuadé qu'il faut que chaque élève ait son ordinateur dans son cartable électronique, comme l'a imaginé et suggéré tout récemment le président de l'Assemblée nationale, M. Laurent Fabius.
Il faut effectivement faire en sorte que chaque élève ait sur son bureau, outre son matériel ordinaire - livres, crayons, cahiers... - un ordinateur, qu'il utilisera non pas au gré de ses fantaisies, mais en fonction des cours ou des devoirs méritant d'être demain traités sur ordinateur.
M. Alain Vasselle. Il faut augmenter les crédits !
M. Franck Sérusclat. Cette novation, que vous appelez de vos voeux, est particulièrement importante. Mais le délai de mise à disposition d'un ordinateur à chaque élève risque d'être long.
Or, l'école républicaine, que nous voulons, et que, je le sais, vous voulez également, doit être égalitaire, et on ne peut pas attendre trois, quatre, voire cinq ans avant que toutes les écoles de France disposent des mêmes moyens d'enseignement et de communication, surtout quand ceux-ci sont déterminants pour l'avenir professionnel des enfants.
Mais il est une autre urgence : la formation des professeurs d'école à l'informatique. Or ils y sont tout juste sensibilisés dans les IUFM.
Il faut, me semble-t-il, dispenser une culture informatique et non pas simplement former des techniciens de l'ordinateur et des informaticiens. Il y a des cultures grammaticales, des cultures syntaxiques, qui ne font pas pour autant des enseignants des grammairiens ou des personnes qui rédigent des documents ou des livres sur le sujet.
L'importance de la matière est telle qu'il faut vraiment, et très rapidement, mettre en place un corps d'enseignants disposant de cette culture informatique.
Ensuite, une attention toute particulière doit être portée aux logiciels et à leur conception à la française.
Même si l'anglais - vous avez eu raison de le dire, monsieur le ministre - devient de plus en plus nécessaire dans le monde d'aujourd'hui, le français doit conserver sa place, toute sa place. Je suis sûr que c'est votre souhait. Pour cela, il faut insister particulièrement sur la conception même de l'ordinateur, afin de parer certaines initiatives, telles celle de Microsoft, qui fait irruption en inondant les écoles de ses logiciels, offerts certes, mais qui nécessitent des machines pour l'utilisation et la maîtrise desquelles il faut d'abord apprendre l'anglais.
Je me permettrai une suggestion : vous avez imaginé de mettre 10 millions de francs dans les nouveaux projets qui pourraient prendre corps. Suffisamment de projets sont aujourd'hui relativement aboutis, depuis trois, quatre ou cinq ans, qui mériteraient, selon moi, d'être aidés. Ne pourrions-nous pas envisager une conférence nationale chargée d'analyser ces projets ? Personnellement, je suis prêt à participer à cette opération, si le ministère la prenait effectivement en charge.
Je crois que nous devons bien prendre en compte le rôle de l'ordinateur dans la conservation de la culture de l'écrit. Mais, en même temps, obligation nous est faite d'observer l'évolution de la culture de l'image et d'apprendre à analyser l'image, comme on a appris à analyser le livre.
Il y a aujourd'hui une ouverture importante, que nous vous devons, monsieur, madame les ministres, et je voulais insister sur quelques-uns des aspects déterminants pour l'avenir de cette première initiative.
C'est peut-être simplement pour les raisons que je viens d'évoquer que le plan « Informatique pour tous » n'a pas eu l'effet que nous en attendions, à savoir redonner à l'école toute sa responsabilité et son rôle essentiel de lieu où l'on vient découvrir les moyens d'accéder à la culture et au savoir.
En conclusion, je dirai que si je suis persuadé de l'intérêt des réseaux Intranet, plus encore que du réseau Internet, pour la formation, je suis également convaincu qu'il faut savoir utiliser le Net, pour éviter les chausse-trappes. Je crains que le Net ne soit perçu comme un mirage, comme un mythe, et que l'on n'oublie l'enseignement en amont, qui seul permettra d'utiliser intelligemment cet outil.
Je suis sûr que vous souhaitez atteindre l'objectif que je viens de décrire et que nous y arriverons ensemble. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous indique que M. Allègre va intervenir maintenant et que nous entendrons Mme Royal cet après-midi, après les questions d'actualité au Gouvernement et la discussion d'un projet de loi.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, pour introduire la réponse du Gouvernement aux interrogations que vous avez formulées, je voudrais vous faire part de quelques considérations d'ordre général.
Je vous expliquerai d'abord la méthode que nous avons choisie.
Contrairement à une habitude qui s'est instaurée dans ce pays, nous considérons que l'éducation nationale ne relève pas seulement du dialogue entre le ministère et les représentants des enseignants, mais qu'elle concerne l'ensemble du pays.
Depuis le début, nous nous sommes donc efforcés de nous adresser, d'abord et en priorité, à l'ensemble du pays, en particulier à la représentation nationale, mais aussi aux différents corps constitués que sont les confédérations syndicales, le patronat et les diverses associations. Nous n'avons pas pour autant négligé les représentants des enseignants, ainsi replacés dans un contexte plus général.
Je vous rappelle, mesdames, messieurs, que nous sommes le seul pays du monde - cela mérite réflexion - qui ait inscrit dans une loi que l'enfant était au centre du système éducatif. Cela signifie quelque chose !
Or, le système éducatif, pour lequel nous avons réalisé des investissements considérables depuis un certain nombre d'années me semble paradoxal à deux titres.
Premièrement, il est de plus en plus sélectif, alors que, naturellement, le mot « sélection » est banni. La France est le seul pays du monde où l'on met des notes dès la sortie de l'école maternelle et où, en cours préparatoire, on fait faire des exercices de mathématiques dès le premier jour !
Le système est de plus en plus sélectif, disais-je. Il s'agit d'une sélection rampante, qui décourage les enfants des milieux modestes. Sachez en effet que, depuis trente ans, l'inégalité a crû et qu'il y a aujourd'hui, à l'Ecole polytechnique, moins d'élèves issus des milieux modestes qu'il n'y en avait voilà vingt ans, non seulement en proportion, mais également en valeur absolue. Autrement dit, on a fabriqué un système qui est de plus en plus injuste.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Et avec de plus en plus d'argent !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Deuxième paradoxe : bien que les enseignants de base soient, pour la grande majorité d'entre eux, de très bonne qualité, dévoués, et fassent leur travail, le système fonctionne mal. La responsabilité n'en incombe pas aux enseignants, c'est le système qui est en cause, un système centralisé, trop rigide et qui, petit à petit, a perdu un certain nombre de ses repères républicains.
Un orateur a dit que nous avions ouvert de multiples chantiers. Non ! nous n'avons pas ouvert de multiples chantiers. La preuve en est que certains m'ont reproché de ne pas avoir parlé de la formation professionnelle, de la technologie, de n'avoir pas préparé un plan général pour la recherche. Si je vous avais écouté, mesdames, messieurs, j'aurais ouvert 1 200 chantiers supplémentaires, tant il est vrai que ce ministère touche à de multiples secteurs !
En fait, nous avons concentré nos propositions sur deux axes.
Tout d'abord, nous avons souhaité assurer la rentrée, qui, de l'avis de tous, a été l'une des meilleures de ces dernières années. Nous n'en avons pas le mérite exclusif, mais nous avons pris un certain nombre de mesures. Nous avons notamment repris des maîtres auxiliaires - j'y reviendrai - rouvert des classes qui étaient fermées, prévu une allocation pour les cantines scolaires.
Ensuite, nous avons centré notre action sur le rétablissement de l'école républicaine.
En prenant des mesures touchant au problème, marginal et pourtant spectaculaire, de la pédophilie, en prenant des mesures touchant au problème, marginal et pourtant spectaculaire du bizutage, en nous engageant dans la voie du rétablissement de la morale civique à l'école - ma collègue Ségolène Royal a fait une communication sur ce thème, hier, en conseil des ministres, et, pour ma part, je n'ai pas peur de parler de morale - en faisant en sorte que la formation des enseignants - formation continue légitime - ne se fasse pas au détriment des élèves, nous oeuvrons en faveur du rétablissement de l'école républicaine.
Il en va de même lorsque nous élaborons un plan contre la violence, parce qu'il n'est pas possible de dispenser un enseignement dans un établissement où ni les professeurs ni les élèves ne sont respectés et où ils subissent des violences.
Il ne s'agit donc pas de multiples initiatives, il s'agit toujours de la même : le rétablissement de l'école républicaine.
Mme Luc a dit qu'il fallait rendre heureux chaque jeune.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Pour ma part, je considère que l'école devrait apprendre aux enfants le plaisir du travail et la joie de vivre. Je ne veux oublier ni l'un ni l'autre.
Il est essentiel de réapprendre le plaisir du travail. Il n'y a ni progrès, ni succès sans travail.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Pour moi, le travail est le complément de la joie !
J'évoquerai maintenant trois thèmes.
Je commencerai, paradoxalement, par vous parler des non-enseignants, dont on ne parle jamais.
Mme Hélène Luc. Oh si !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Madame Luc, lorsque je tiens une conférence de presse spécialement pour expliquer le plan consacré aux non-enseignants et pour annoncer les conclusions de la table ronde que nous avons organisée à leur sujet, pas un seul de mes propos n'est repris dans les journaux. Le sujet n'est pas noble !
Mme Hélène Luc. C'est exact !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Nous avons organisé une table ronde pour discuter de la revalorisation des agents administratifs, techniciens, ouvriers et de services, les personnels ATOS, qui sont des éléments essentiels à la marche de nos établissements et qui sont en nombre insuffisant.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Nous avons réuni une table ronde pour parler de la médecine scolaire, des infirmières, des assistantes sociales, de ceux qui assument les tâches administratives dans nos établissements.
Je parlerai ensuite des maîtres auxiliaires.
Lorsque nous sommes arrivés, ils étaient dans la rue, derrière des banderoles ! Nous n'avons pas compris la logique qui avait présidé à la décision de mettre brutalement à la porte des personnels qui, pour certains, avaient travaillé douze ans, et ce alors même qu'ils n'avaient jamais été inspectés, ce qui est tout de même assez extraordinaire.
Il nous a donc paru essentiel, pour des raisons humanitaires, de reprendre ces enseignants qui avaient servi l'éducation nationale, dans des conditions parfois acrobatiques ; nous avons voulu y voir clair et organiser pour eux des concours de recrutement.
Je n'ai pas cédé aux slogans exigeant l'intégration systématique des maîtres auxiliaires ! Pour entrer dans la fonction publique - c'est la loi ! - il faut passer un concours. Nous avons donc mis sur pied des concours, qui ont été annoncés au Journal officiel et qui tiendront compte de l'expérience professionnelle.
Ce problème sera réglé dans la rigueur, la dignité et le respect des individus.
J'en viens au troisième thème : les emplois-jeunes.
Ces emplois-jeunes font l'objet d'une expérimentation. Au moment où je vous parle, des membres de mon cabinet vont, par groupe de trois, voir ce qui se passe dans le pays, sur le terrain. Ils élaboreront une synthèse à la fin de la semaine prochaine.
Ces emplois-jeunes changent déjà bien des choses dans les relations au sein des établissements.
Les bénéficiaires de ces emplois ont comme vertu essentielle d'être jeunes, et il n'est pas question de les titulariser. Ce serait la fin de l'expérience !
L'objet de cette expérience, c'est d'intégrer un flux de jeunes dans l'équipe éducative, des jeunes qui seront encadrés par les enseignants. Ils aideront les enseignants, ils seront formés par les enseignants et ils participeront à l'éducation.
La question de l'emploi du temps de ces jeunes a été évoquée, et, à cet égard, le calcul fait par M. Pierre Martin est à cet égard intéressant.
Nous voulons que l'emploi du temps de ces jeunes soit calculé sur la base de trente-cinq heures - trente-neuf heures pour l'instant - le temps de formation étant inclus. Sachez toutefois que la formation continue de ces jeunes n'est pas encore en place ; elle le sera au 1er janvier 1998.
J'ajoute que ces jeunes ne sont pas destinés à rester forcément dans l'éducation nationale, ils s'orienteront, par exemple, vers les métiers de l'animation culturelle.
Comme je l'ai dit, ces jeunes ont une qualité spécifique : leur âge ! Ils sont sensibilisés au monde moderne, notamment aux nouvelles technologies, et ils viendront soutenir l'action éducative.
J'en viens à notre action structurelle.
Elle porte d'abord sur la déconcentration. Nous prenons notre temps, pour des raisons diverses, mais nous progressons.
Elle porte ensuite sur la simplification de la structure de l'administration centrale. Actuellement, mesdames, messieurs les sénateurs celle-ci n'est pas lisible. Elle le sera désormais, et pour vous tous.
L'administration s'articulera à l'avenir autour de quatre directions fonctionnelles et de quatre directions opérationnelles. Et j'ajoute que, alors que, dans la structure actuelle, il y a dix-neuf directions et pas une seule femme à leur tête, dans un milieu où les femmes représentent 60 % des effectifs, il y aura dans la nouvelle structure moitié de femmes et moitié d'hommes, ce qui sera une révolution dans cette administration ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Que M. Carrère se rassure, dans cette réforme de l'administration, la technologie ne sera pas oubliée !
On a parlé du « zéro défaut ». Oui ! Et une table ronde travaille actuellement ce thème, que je résume ainsi : pas de classe sans enseignant, pas d'enseignant sans classe.
A ce propos, je ne comprends pas pourquoi on laisse les remplaçants chez eux, à côte d'un téléphone, alors que tant de classes ont besoin d'un enseignant. Pourquoi ne les envoie-t-on pas dans les quartiers difficiles à deux enseignants par classe quand il n'y a pas de remplacement ? Ils contribueraient ainsi à résoudre des difficultés.
Les moyens auxquels je pense sont aussi simples que celui-là ! Je n'ai pas inventé le fil à couper le beurre ! Je ne comprends pas pourquoi cela ne se fait pas depuis de nombreuses années !
Voilà quel est notre objectif, et nous avons de bonnes raisons de penser que nous réussirons.
J'en viens à une discussion de fond que nous amorçons - nous sommes là au coeur du projet, la chair en quelque sorte - que faut-il enseigner et comment l'enseigner ?
S'agissant de la façon d'enseigner, on a parlé des nouvelles technologies.
Je rassure M. Sérusclat : nous allons tenir compte de toutes les expériences, et celles qui marchent bien ne seront pas arrêtées.
Si je suis sensible, comme vous, monsieur le sénateur, à l'égalité républicaine, je suis aussi conscient de la difficulté qu'il y a à former les gens et à intégrer ces nouvelles technologies. C'est pourquoi nous privilégions non pas le matériel, mais la formation des hommes et la pédagogie.
Les efforts financiers, en particulier du Gouvernement, porteront donc principalement sur cette formation, que ce soit la formation initiale, avec, par exemple, la mise à disposition de jeunes docteurs dans les IUFM pour former les enseignants, ou des stages de formation continue. Il faut introduire peu à peu ces nouvelles technologies, mais en pensant « technologie ».
Il faut, en même temps - nous allons l'annoncer - donner des facilités aux enseignants afin qu'ils puissent créer soit des entreprises, pour ceux qui sont entreprenants, soit des coopératives, pour ceux qui ont une autre philosophie, soit des associations périscolaires, soit des groupes capables de fabriquer des logiciels destinés à l'enseignement.
A propos de l'anglais, Mme Ségolène Royal fera le point sur l'apprentissage des langues à l'école primaire. Pour ma part, je voudrais revenir sur ce que j'ai dit devant votre commission, à savoir que l'anglais n'est plus une langue étrangère. Sur ce point, j'ai été entendu par M. Maurice Schumann notamment.
Je voulais dire que connaître l'anglais, savoir utiliser l'ordinateur ou Internet, ce doit être, demain, pour tout le monde, comme savoir lire, écrire et compter. Certes, ce ne sera ni l'anglais de Shakespeare ni celui d'Oxford ! Ce sera un baragouin qui permettra de communiquer (Rires), mais - certains me le reprochent déjà - qui met en péril la langue anglaise !
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cela semble vous faire de la peine ! (Sourires.)
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Certains pensent que cette stratégie vise à défendre le français en détruisant la langue anglaise.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Elle me permet surtout de rendre obligatoire l'enseignement de deux langues vivantes, hors l'anglais, dans le secondaire, et donc de demander à mes homologues russe, anglais et allemand, de faire du français une langue obligatoire dans l'enseignement secondaire de leur pays. Quand je dis que l'anglais n'est plus une langue étrangère, c'est donc pour défendre l'enseignement du français partout dans le monde. (Très bien ! sur plusieurs travées.)
C'est la seule méthode efficace, car, chaque fois que les langues française et anglaise sont en concurrence, il faut bien reconnaître que c'est toujours la seconde qui l'emporte !
S'agissant de l'enseignement professionnel, si nous ne sommes pas loquaces, c'est parce que le problème est délicat. Toutefois, nous y travaillons, et nous aurons l'occasion d'en reparler l'an prochain, peut-être même devant les commissions.
Pourquoi ce problème est-il délicat ? Parce qu'il y a des mots tabous, des rentes de situation - et pas forcément à l'éducation nationale - parce qu'il y a de l'argent dans des officines plus ou moins contrôlées. Il est donc nécessaire que nous ayons préalablement un dialogue approfondi avec les grands groupes industriels, le patronat, les confédérations syndicales,...
M. Pierre Laffitte. Les régions !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... les régions, oui, les différentes professions, les enseignants des lycées professionnels, les proviseurs, les enseignants des lycées techniques, cela afin de déboucher sur un consensus nous permettant d'avancer dans ce domaine. Si nous sommes discrets sur ce sujet, c'est qu'il nécessite de la discrétion !
Le dernier point concerne le colloque sur les lycées.
Je vous indique tout de suite que nous n'en sommes pas, pour l'instant, à une réforme des lycées. Mais il est vrai que tout le monde se plaint des programmes démentiels, du stress des élèves et de la déstructuration.
Le colloque que nous lançons se fera, dans un premier taux, établissement par établissement et, bien sûr, avec la participation de tous - élèves, parents d'élèves, enseignants - puis avec niveaux académique et national.
Parallèlement, des débats disciplinaires seront engagés, avec, bien sûr, monsieur Laffitte, la participation, au sein du comité d'organisation, présidé par Edgar Morin, de représentants des entreprises, de directeurs des ressources humaines, etc.
Le processus sera très lent parce que nous touchons là à des problèmes très délicats. Mais nous ne cherchons pas à aller vite ; ce que nous voulons, c'est lancer très tôt le débat, sinon personne ne croirait plus à notre volonté de faire évoluer les choses.
Voilà ce que je voulais vous dire. Mme Royal reviendra plus en détail cet après-midi sur nos intentions.
Croyez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous avons la volonté de rénover un système éducatif qui est - c'est un autre paradoxe - l'un des meilleurs du monde.
Mais est-il l'un des meilleurs ou l'un des moins mauvais ? C'est la question que je me pose lorsque j'observe ce qui se passe aujourd'hui dans les universités allemandes, que je connais bien, et qui sont dans un état bien plus dramatique que les nôtres, ou lorsque j'entends ce qui se dit, aux Etats-unis, sur l'enseignement secondaire, qui est dans un état de délabrement considérable et dont le seul mérite est de ne pas envoyer des enfants fatigués à l'université - c'est une vertu qu'il ne faut pas négliger ! - alors que, nous, nous amenons à l'université des enfants fatigués. Je suis bien conscient de ce problème.
Notre ambition - peut être est-ce une ambition exagérée ? - est, pour la France, pays de grande culture, de grande tradition et où les enseignants sont bien formés, de faire du système éducatif non pas l'un des meilleurs, mais le meilleur du monde. Nous en avons les moyens. Toutefois, nous n'y parviendrons pas en limitant la discussion aux cercles de spécialistes. C'est la nation tout entière qui doit se mobiliser pour faire de notre système éducatif le meilleur du monde. Et c'est ce à quoi nous nous employons.
Lorsque je vois que l'on parle de nouveau de l'éducation dans les journaux, même si c'est pour critiquer tel ou tel propos du ministre, je me réjouis, car cela prouve que l'éducation redevient un thème essentiel du débat politique dans ce pays. Ce n'est que justice : nous jouons là l'avenir de la France ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du RDSE, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures, avec les questions d'actualité au Gouvernement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. René Monory.)

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

M. le président. La séance est reprise.

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SOUHAITS DE BIENVENUE
À M. L'AMBASSADEUR DE SUISSE EN FRANCE

M. le président. Mes chers collègues, je veux saluer la présence dans notre tribune officielle de son excellence M. Benedict de Tscharner, ambassadeur de Suisse en France.
Je suis heureux, au nom du Sénat, de lui souhaiter la bienvenue. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

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QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

PROPOSITIONS EUROPÉENNES
EN MATIÈRE D'ÉLEVAGE BOVIN

M. le président. La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, dont nous connaissons tous la ténacité et la pugnacité qu'il met à défendre, auprès des hautes instances bruxelloises, les intérêts des agriculteurs français.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré le 20 novembre dernier, après la tenue du conseil des ministres de l'agriculture du 18 novembre, s'agissant de la réforme de la politique agricole commune - le paquet Santer - que les propositions de la Commission ne vous paraissait pas à la mesure de l'enjeu de la réforme et que chaque secteur de production devait faire l'objet d'une approche spécifique.
Je souhaiterais que vous explicitiez devant le Sénat la position que vous prendrez lors des négociations relatives au secteur de la viande bovine et, plus particulièrement, que vous nous précisiez la politique qui doit être menée en faveur du secteur bovin allaitant, spécificité du Massif central - jusqu'à la Nièvre, n'est-ce pas, mon cher collègue Signé ? - politique que vous aurez à coeur, j'en suis sûr, de défendre à Bruxelles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur celles des Républicains et Indépendants.)
M. René-Pierre Signé. C'est concis et précis !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ma réponse sera moins concise, mais tout aussi précise.
Je ne peux que confirmer les propos que j'ai tenus la semaine dernière : les propositions de la Commission ne paraissent pas à la mesure de l'enjeu de la réforme, tout particulièrement dans le secteur de la viande bovine.
Je considère que la proposition de la Commission, si elle n'était pas modifiée, non seulement n'améliorerait pas la situation actuelle du marché, mais de plus contribuerait à détériorer les conditions dans lesquelles évoluent une grande partie de nos éleveurs.
La suppression du système des achats publics d'intervention entraînera la chute des prix à la production et l'affaiblissement de l'élevage allaitant, qui ne retrouvera pas, sous forme de prime, ce qu'il aura perdu sur le marché.
Pour autant, l'équilibre entre la production et la consommation ne sera pas restauré, car aucune mesure de maîtrise de la production de viande bovine n'est prévue dans le projet de la Commission.
Je propose donc d'aborder la réforme de la PAC dans ce secteur d'une façon différente.
Le système des achats à l'intervention doit être maintenu et la baisse des prix doit être limitée à ce qui est nécessaire au maintien de la compétitivité entre viande rouge et viande blanche, compte tenu de la baisse des prix des céréales.
Je rappelle que le prix de la viande blanche n'a guère baissé de 1992 à aujourd'hui. Il conviendra donc d'analyser précisément l'effet de l'évolution des prix des céréales sur le coût de production de la viande blanche avant de déterminer le niveau d'une éventuelle baisse de prix de la viande bovine. Vous avez eu connaissance des propositions formulées par la Commission : 30 % de baisse des prix garantis.
Il nous faudra, en outre, nous assurer que cette baisse sera véritablement répercutée à la consommation.
Par ailleurs, la baisse des prix doit être intégralement et équitablement compensée. C'est ce que j'ai demandé lors du dernier conseil agricole.
Je rappelle que la proposition de la Commission est très déséquilibrée, au détriment de l'élevage extensif.
Il convient donc de rétablir l'équilibre, en particulier sur l'évolution du montant respectif des primes aux bovins mâles et des primes aux vaches allaitantes.
De plus, si nous voulons que la politique agricole favorise l'occupation du territoire, les primes à l'élevage bovin doivent être liées, au moins en partie, aux hectares de pâturage qui servent à l'alimentation des animaux.
En outre, il est essentiel que le dispositif actuel des indemnités compensatrices de handicap naturel soit renforcé pour maintenir les exploitations d'élevage dans les zones difficiles et, en particulier, dans les zones de montagne.
Par ailleurs, si l'équilibre du marché risque de ne pas être restauré et si des mesures de maîtrise de production sont nécessaires, elles devront porter de façon égale sur le troupeau laitier et sur le troupeau allaitant.
Des outils existent dans notre régime actuel, ils ne doivent pas être démantelés. D'autres outils doivent être imaginés.
A ce titre, je souhaite que les conditions d'éligibilité à la prime à la vache allaitante soient modifiées et qu'on en étende le bénéfice aux génisses, cela, bien sûr, sans modifier le quota de primes existant.
M. le président. Monsieur le ministre, je vous prie de conclure. (Murmures d'approbation sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ma réponse aurait pu être plus succincte...
Plusieurs sénateurs sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. Oui !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... mais j'avais cru comprendre que cette question éveillait un certain intérêt.
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas la règle du jeu !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. En tout cas, les éleveurs sont dans l'expectative. Je souhaite que la prime au maïs ensilage ne soit pas supprimée comme le propose la commission. Cette prime m'apparaît en effet nécessaire à l'équilibre économique de nombreuses exploitations.
Au demeurant, j'aurai l'occasion, au cours de cette longue négociation, de revenir devant vous pour évoquer cette question. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Monsieur le ministre, je vous prie de m'excuser de vous avoir interrompu. Je n'ai pas voulu être désagréable à votre égard, Mais les questions d'actualité obéissent à des impératifs particuliers : la question comme la réponse doivent être brèves.
Pour les questions qui appellent des réponses plus longues, le règlement du Sénat a prévu les séances de questions orales sans débat.
Dans le cadre des questions d'actualité au Gouvernement il est prévu deux minutes et demi pour chaque question et deux minutes et demi pour la réponse, soit cinq minutes au total.

CRISE FINANCIÈRE EN ASIE

M. le président. La parole est à M. de Villepin.
M. Xavier de Villepin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et porte sur la crise financière en Asie.
Monsieur le ministre, au départ, cette crise fut limitée à quelques pays : la Thaïlande, les Philippines, la Malaisie et l'Indonésie. Depuis, elle s'est nettement aggravée. La Corée du Sud, onzième puissance économique mondiale, et le Japon, se sont trouvés entraînés.
Cette crise est une crise boursière, financière et monétaire. A mon avis, elle est appelée à revêtir, dans l'avenir un caractère de plus en plus industriel et commercial.
On prévoit déjà que, dès cette année, les Etats-Unis connaîtront un déficit commercial de 200 milliards de dollars, le Japon un excédent de 100 milliards de dollars.
Partant de cette analyse, je vous poserai deux questions, monsieur le ministre.
Première question : le Fonds monétaire international aura-t-il les ressources suffisantes pour faire face à la crise ? Le sommet de Vancouver ne semble pas l'avoir démontré.
Deuxième question, et elle nous intéresse tous : quelles conséquences aura-t-elle sur la croissance en Europe et, évidemment, en France ?
On a dit, il y a quelques jours, qu'elle ne coûterait que quelques dixièmes de point de croissance. Maintenant, on entend citer le chiffre de 1 %. Dans ces conditions, pensez-vous, monsieur le ministre, que les hypothèses que vous avez présentées voilà moins d'une semaine devant le Sénat soient toujours valables aujourd'hui ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, vous avez raison d'être inquiet, nous le sommes tous.
Cette crise, qui a commencé au mois de juin en Thaïlande, comme vous l'avez rappelé, et qui a mis longtemps à trouver un début de solution, atteint aujourd'hui d'autres pays.
En Thaïlande et, de façon peut-être plus injuste, en Indonésie - mais les marchés sont ce qu'ils sont ! - un décalage important s'est produit entre les sorties de capitaux et les parités avec le dollar. Ce décalage a fini par faire exploser le système, mettant en évidence la fragilité des structures financières.
A partir d'octobre, le FMI est intervenu en Thaïlande, de façon satisfaisante, je crois. Le régime thaïlandais a accepté la mise en oeuvre du plan proposé par le FMI. Nous avons pu penser alors que nous nous acheminions vers la sortie d'une crise qui, de ce fait, aurait été limitée.
Depuis, deux événements nouveaux sont intervenus, dont l'un intéresse la Corée, l'autre le Japon.
Je dois dire que le cas de la Corée me préoccupe. On ne sait pas encore comment va réagir le gouvernement coréen, qui a déclaré accepter la proposition du FMI, mais qui ne l'a pas encore totalement mise en oeuvre.
S'il le fait, je pense que la situation pourra redevenir normale. Certes, l'économie de la Corée ne représente que 2 % de l'économie mondiale, mais c'est tout de même important !
Essayons de voir les choses du bon côté. Il me semble que, si le FMI parvient à convaincre les dirigeants coréens de mettre en oeuvre rigoureusement le plan qu'il a proposé - c'est l'hypothèse la plus probable -, la Corée devrait rétablir à peu près ses paiements.
En ce qui concerne le Japon, pour le moment, que savons-nous ? En vérité, depuis déjà plusieurs années, l'économie japonaise est dans une situation difficile. La faillite de plusieurs établissements financiers, dont, voilà quelques jours, celle du plus prestigieux d'entre eux, Yamaichi, en est un peu le révélateur.
A l'instar du gouvernement coréen, les autorités japonaises affirment qu'elles ont pris la mesure du phénomène et que, d'une manière ou d'une autre, elles vont fournir les liquidités nécessaires sur le marché - elles ont d'ailleurs commencé à le faire - pour éviter une crise de confiance. Elles ajoutent que, après tout, il peut arriver qu'une maison de titres fasse faillite, qu'il n'y a pas péril en la demeure.
Il reste que l'économie japonaise est aujourd'hui très faiblement porteuse. Les taux d'intérêt y sont déjà tellement faibles - 0,5 % - qu'on peut difficilement espérer la relance par ce canal. La situation budgétaire y est très difficile, et je ne suis pas de ceux qui prônent une relance de l'économie japonaise par la dépense publique.
Ainsi qu'on peut le constater tous les jours sur les marchés, un des problèmes qui risquent de se poser, c'est celui de la parité entre yen et dollar.
Si nous parvenons à en rester là, c'est parce que le FMI sera intervenu de façon suffisante dans les pays en développement concernés, y compris la Corée - je ne parle évidemment pas du Japon -, et que nous aurons réussi à rendre multilatéral, collectif, le traitement de cette crise.
A cet égard, il est heureux que le FMI se soit doté de moyens nouveaux. Vous savez que, de manière constante, la France a souhaité que les quotes-parts soient augmentées. A Hong-Kong, tout récemment, avec d'autres pays, elle a précisément obtenu que l'augmentation de ces quotes-parts donne au FMI des moyens supplémentaires pour intervenir.
En tout cas, il est clair que c'est bien de façon collective et multilatérale que nous devons gérer ce genre d'accidents, et non pas de façon locale ou régionale, car cela pourrait avoir des effets de contagion importants.
Pour ce qui concerne la seconde partie de votre question, qui portait sur la croissance, je suis moins pessimiste que vous, monsieur de Villepin.
Certes, ces pays vont voir leur croissance se ralentir. Mais ils partent de niveaux très élevés : ils étaient à 8 % ; ils ne seront plus que de 4 % pendant un certain temps. Nous aimerions bien avoir 4 % de croissance ! Il reste que, pour eux, c'est un ralentissement.
Pour autant, je ne pense pas que cela va affecter les fondements de leurs économies. Simplement, pendant quelques mois, leur croissance conjoncturelle sera moins vive.
Je rappelle que ces pays ne représentent que 3 % à 5 % de nos exportations, ce qui n'est pas considérable. Dès lors, ce ralentissement de leur croissance n'aura qu'un effet assez modeste sur notre commerce extérieur.
Celui-ci devrait d'autant moins souffrir que les prévisions que je vous ai fournies il y a quelque temps se fondaient sur l'hypothèse d'un ralentissement assez rapide dans le monde anglo-saxon, notamment aux Etats-Unis, mais que les données réelles font apparaître un infléchissement moins brutal que prévu. Ainsi, au total, les uns allant plus mal et les autres plutôt mieux, l'environnement international m'apparaît, en moyenne, à peu près de même nature que celui que l'on avait pu espérer, à condition, bien sûr, que nous en restions là.
Je pense donc que nous n'avons donc pas trop de craintes à nourrir quant à notre propre croissance, et les chiffres que vous évoquez - j'ai moi-même pu les lire - me paraissent assez fantaisistes.
Je vous disais tout à l'heure que la Corée représentait 2 % de l'économie mondiale ; or l'Espagne, c'est aussi 2 % de l'économie mondiale, et il est clair que ce qui se passe en Espagne est pour nous infiniment plus important que ce qui se passe en Corée. Eh bien, l'Espagne prévoit un taux de croissance supérieur à 3 %, et nos flux d'exportation vers ce pays sont particulièrement satisfaisants.
Au point où nous en sommes, on peut considérer que le FMI est en train de contrôler la crise purement financière, que ses conséquences sur l'économie réelle locale ne sont pas négligeables mais que ses conséquences sur l'économie réelle internationale sont encore extrêmement limitées.
Si d'aventure la crise devait s'étendre à d'autres pays, si d'autres accidents devaient survenir, il faudrait peut-être réviser notre jugement. Mais, pour l'heure, je ne pense pas qu'il faille craindre de devoir revoir à la baisse nos prévisions de croissance, qui étaient d'ailleurs plutôt prudentes : je vous rappelle que, voilà six mois, le FMI prévoyait pour la France un taux de croissance supérieur à celui que nous avons inscrit dans le projet de loi de finances.
Vous avez pu le constater, les statistiques relatives à la consommation qui ont été publiées hier font ressortir une croissance de 2,2 %, ce qui correspond tout à fait à la tendance que nous espérons pour l'année. Je pense que le taux de croissance de 1997 sera un peu élevé que ce qui était escompté - 2,3 % au lieu de 2,1 % - fournissant par la même pour 1998 un socle, un acquis de croissance un peu plus élevé que ce qui était prévu.
Pour le moment, je reste donc tout à fait serein sur la prévision de croissance que nous pouvons escompter. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous venons de passer sur deux questions le temps normalement dévolu à trois. Il est vrai qu'il s'agissait de sujets importants. Mais je vous demande de bien vouloir, dorénavant, faire preuve de davantage de concision.

DEVENIR DES RÉGIMES DE RETRAITE
PAR RÉPARTITION

M. le président. La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach. Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Madame le ministre, la girafe voit loin mais le vautour vole bas ; le coeur du coyote endurci est rarement solidaire ; le crocodile ne veut pas cotiser pour la retraite des gazelles. (Sourires.) Eh bien ! madame le ministre, je ne vous parlerai ni de la retraite des gazelles, ni du vol des vautours, ni des yeux de la girafe, ni du coeur du coyote (Nouveaux sourires), mais je voudrais vous interroger sur la campagne de publicité menée récemment par la caisse nationale d'assurance vieillesse des salariés et dont l'objectif invoqué était de rassurer les Français sur la qualité, la sécurité, l'équité et la pérennité de leur régime de retraite obligatoire.
On peut, me semble-t-il, tout d'abord s'étonner...
M. Alain Gournac. Oh oui !
M. Marcel-Pierre Cléach. ... que l'argent des cotisants soit ainsi utilisé à faire l'apologie d'un produit qui ne souffre d'aucune concurrence, alimenté qu'il est par des cotisations obligatoires.
En outre, cette campagne ne dissimule pas son objectif principal, qui consiste à préparer l'opinion contre le principe de la capitalisation collective, quand bien même celle-ci serait envisagée à titre purement complémentaire, qui a fait l'objet de la loi du 25 mars 1997, laquelle est, jusqu'à sa révision annoncée, une loi de la République.
A ce titre, les outrances de cette campagne sont particulièrement choquantes.
De plus, ladite campagne laisse croire aux Français que le régime général est menacé. A ma connaissance, personne ne remet sérieusement en cause l'organisation actuelle de ce régime général obligatoire.
Etait-il vraiment nécessaire, pour autant, de nier la crise qui menace les régimes par répartition ? Car l'évolution démographique, l'allongement de la durée de la vie, l'importance du chômage, les délocalisations d'entreprises, et maintenant de cotisants, laissent prévoir de graves difficultés pour les régimes par répartition à partir de 2005.
Suivant les estimations du commissariat au Plan, le rapport démographique entre cotisants et retraités devrait passer de 1,7 aujourd'hui à 1,2 en 2015. Or 2015, madame le ministre, c'est demain ! Il y aura bientôt un actif pour payer la pension d'un retraité, contre trois pour un au moment de la mise en place du régime.
Pensez-vous que ce soit l'intérêt des assurés de nier ce constat sur lequel pratiquement tout le monde s'accorde ?
Par ailleurs, l'adaptation permanente du système de répartition, invoquée par les promoteurs de la campagne dont s'agit, se fait malheureusement soit en creusant un déficit qui devient vertigineux, soit par une augmentation des cotisations de moins en moins tolérée par le corps social.
M. Jean-Louis Carrère. Et alors, quelle est la question ?
M. Marcel-Pierre Cléach. J'en viens donc à ma question. (Ah ! sur les travées socialistes.)
Madame le ministre, compte tenu des informations dont vous disposez sur l'évolution du régime des retraites par répartition et sur les difficultés que les spécialistes s'accordent à lui prédire dans un avenir, hélas ! proche, envisagez-vous, en vertu des hautes responsabilités qui vous sont confiées, de proposer prochainement à la représentation nationale un débat sur ce problème majeur ?
En particulier, quelles modifications souhaitez-vous apporter à la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne et de retraite ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je voudrais d'abord vous rassurer, monsieur le sénateur : le Gouvernement n'est pour rien dans cette campagne, qui a été décidée à l'unanimité du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse en avril dernier, alors que nous n'étions pas aux affaires.
Cette campagne, dont, je le crois, il faut retenir le slogan, vise à défendre une retraite sûre et solidaire. Il me semble que tout le monde peut en être d'accord. Cependant, je dois avouer que je n'apprécie pas non plus totalement le ton qui a été adopté. Sur un sujet comme celui-là, je pense que nous avons intérêt à privilégier une vision réaliste des choses.
Cela étant, je le dis très fermement, le Gouvernement est bien conscient du fait que les retraites risquent, notamment à partir de 2015, de rencontrer des difficultés si nous ne faisons rien. Nous établissons actuellement, s'agissant aussi bien du régime général des retraites que des régimes particuliers, un diagnostic pour l'avenir, en vérifiant l'évolution démographique et en tenant compte aussi des avantages très divers apportés par nos différents régimes de retraite.
Monsieur Cléach, il y a un point sur lequel le Gouvernement est extrêmement ferme, et je pense que vous partagez sa conviction : il est impératif de défendre la retraite par répartition, qui constitue finalement le seul moyen d'instaurer une véritable solidarité entre générations, la plus équilibrée possible. Quelles que soient les propositions que nous ferons au Parlement pour garantir l'avenir de nos retraites, nous garderons à l'esprit ce principe fondamental.
S'agissant de la loi Thomas, nous avons déjà dit ce que nous en pensions. Nous ne sommes pas opposés à la constitution d'une épargne visant à améliorer la situation des retraites des Français, mais nous ne souhaitons pas que des avantages fiscaux ou des exonérations de cotisations sociales favorisent certaines catégories par rapport à d'autres. Cela risquerait en effet de mettre en péril la retraite par répartition, notamment parce que, aujourd'hui, un certain nombre de chefs d'entreprises pourraient être tentés de transférer du salaire direct vers du salaire différé, afin de payer moins de cotisations sociales, en particulier concernant des cadres supérieurs, ce qui contribuerait aussi à attaquer notre sécurité sociale.
C'est pourquoi M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a décidé de réexaminer ce problème des fonds de pension, pour essayer de trouver des solutions - dans quelques jours, il va d'ailleurs désigner une personnalité chargée de mener cette réflexion - permettant de garantir la pérénnité de notre système de retraite par répartition, tout en permettant à chacun d'épargner pour son avenir. Nous y avons tous intérêt. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

RÉGIME FISCAL DES ASSOCIATIONS CULTURELLES

M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le ministre, de nombreuses associations culturelles subissent un redressement rétroactif sur l'année en cours et les trois années précédentes, et cela alors même que les critères d'assujettissement sont souvent subjectifs et évolutifs.
Cette situation est préoccupante à plusieurs titres.
Tout d'abord, ces associations sont confrontées à des représentants de votre ministère dont le seul objectif est de les assimiler au secteur commercial, sans tenir compte de leurs spécificités de fonctionnement et de financement.
En effet, ces associations perçoivent des subventions des collectivités territoriales et/ou de l'Etat, sans lesquelles elles disparaîtraient. Ces éléments les dissocient de toute évidence du secteur lucratif.
L'action engagée à l'encontre du centre de restauration des oeuvres d'art de Franche-Comté, l'ARROA, que j'ai l'honneur de présider, action au sujet de laquelle je vous ai remis en main propre un courrier soulignant l'urgence d'une intervention de votre part, illustre parfaitement mon propos.
Cette association, créée sur l'initiative de l'Etat, du département de la Haute-Saône et de la région pour préserver le patrimoine artistique par la recherche et la mise au point de nouvelles techniques de restauration, est administrée par des bénévoles et perçoit des subventions directes et indirectes des collectivités publiques.
Or vos services tentent de l'assujettir à l'impôt sur les sociétés et à la taxe professionnelle au motif qu'elle exercerait une activité concurrençant celle d'entreprises commerciales.
La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires conclut, elle, au caractère non concurrentiel de l'ARROA. Malgré cela, chaque semaine apporte son lot d'injonctions à payer.
Mme le ministre de la culture, qui a une approche identique à la nôtre, a demandé la suspension des mesures de recouvrement forcé.
Le refus d'amalgame trouve une seconde justification dans l'incertitude qui plane quant à la capacité de recevoir des financements des collectivités dès lors que ces associations seraient assujetties à l'impôt sur les sociétés et à la taxe professionnelle, donc assimilées à des entreprises, pour lesquelles le financement public est réglementé.
Ma question est claire, monsieur le ministre : allez-vous poursuivre l'action contre l'ARROA et les autres associations culturelles de ce type, c'est-à-dire signer leur arrêt de mort en les fiscalisant ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Ivan Renar. C'est une vraie question, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, les textes qui régissent l'organisation fiscale des associations datent de 1976. En résumé, ces textes font une distinction entre les associations qui n'ont pas un but lucratif, et qui ne sont donc pas soumises à cette fiscalité, et celles qui ont un but lucratif, et qui sont soumises de ce fait à la même fiscalité que les entreprises.
Le problème est que les critères mis en avant, notamment par la jurisprudence du Conseil d'Etat, pour distinguer la première catégorie de la seconde sont maintenant sans doute un peu obsolètes. Depuis 1976, l'économie a bougé, les associations aussi. Il convient donc de reconsidérer ces critères.
Je ne pense pas que l'on puisse se fonder uniquement sur l'importance des subventions. En effet, il existe malheureusement dans notre pays beaucoup d'entreprises qui vivent grâce à des subventions, qui n'existeraient plus sans elles, pour reprendre vos propres termes, et qui, pour autant, sont bel et bien soumises à l'impôt sur les sociétés ou à la taxe professionnelle.
Dès que vous m'avez remis la lettre à laquelle vous avez fait allusion, j'ai saisi M. le Premier ministre de cette question. Il a demandé à un conseiller d'Etat de lui faire des propositions sur la définition de nouveaux critères. A partir de ces propositions, nous pourrons, à très bref délai, demander au Conseil d'Etat de réviser sa jurisprudence et, éventuellement, prendre un texte pour que la distinction soit clairement établie. C'est, bien sûr, dans le cadre de ces mêmes propositions que l'association que vous présidez verra son sort tranché.
Nous allons faire en sorte que les dossiers soient suspendus en attendant qu'une nouvelle pratique puisse être mise en oeuvre. Mais il est clair que demeurera une distinction entre deux types d'associations, nul ne doit s'y tromper. Le principe de la distinction ne saurait être remis en cause. Ce qu'il faut déterminer, ce sont les critères permettant de faire le partage entre des associations qui ont effectivement une activité non lucrative, qu'elles soient financées par des dons de leurs membres ou par des fonds publics, et des associations qui, quel que soit leur mode de financement, ont une activité les conduisant à se comporter comme une entreprise, ce qui implique qu'elles soient imposées comme une entreprise.
Les critères de distinction vont donc être rénovés et, à cette occasion, les questions que, avec d'autres, vous vous posez, monsieur Joly, trouveront une solution équitable. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Ivan Renar applaudit également.)

ORGANISATION DES NÉGOCIATIONS
SUR LES 35 HEURES

M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'inscription à l'ordre du jour du conseil des ministres du projet de loi sur les trente-cinq heures souligne la volonté du Gouvernement de relever le défi de l'emploi, ce dont nous nous félicitons. Nous appelons de nos voeux un projet ambitieux, tant dans ses objectifs que dans son champ d'application et je voudrais d'ores et déjà attirer votre attention sur les conditions dans lesquelles les négociations vont s'engager dans les entreprises.
Ces négociations risquent, en effet, d'être affectées par la loi du 12 novembre 1996, qui autorise la signature d'accords collectifs dans les nombreuses sociétés encore dépourvues de délégué syndical. Ici même, des sénateurs communistes et socialistes s'étaient élevés alors contre un texte qui institue un mode de négociation favorable aux seuls chefs d'entreprise.
Or, pour que ces accords améliorent l'organisation et les conditions de travail, il est nécessaire que les salariés soient associés à leur élaboration et à leur ratification. Les organisations syndicales devraient donc pouvoir participer à des réunions d'information même là où elles ne sont pas réprésentées. Dans l'état actuel de la législation, il n'existe aucune garantie que les accords signés le soient sur une base démocratique qui réponde aux attentes des salariés.
Pourtant, leur contenu est important, puisque des employeurs entendent s'y référer pour influer sur les dispositions de la loi qui sera adoptée en l'an 2000. Il est donc nécessaire que la première loi prévoit des garanties pour encadrer les négociations dans chaque entreprise et fixe des objectifs par branche.
C'est pourquoi je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir m'indiquer les dispositions que vous comptez prendre pour garantir le succès des négociations sur le passage aux trente-cinq heures, lesquelles débuteront en 1998 dans les entreprises où il n'y a pas de délégué syndical et si, plus généralement, vous entendez réformer la loi de 1996 sur les négociations collectives, qui arrive à échéance en 1998. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur celles du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire que avec ce projet de loi sur les trente-cinq heures, qui sera examiné en conseil des ministres le 10 décembre prochain, le Gouvernement souhaite montrer sa détermination de faire de l'emploi sa priorité numéro un.
Toutefois, nous savons aussi que la réduction de la durée du travail ne sera favorable à l'emploi que si, par la négociation au sein de chaque entreprise, et parfois dans la branche, nous trouvons, avec les chefs d'entreprise et les organisations syndicales, les meilleurs moyens de relancer la compétitivité de l'entreprise, en modifiant l'organisation du travail, de créer des emplois et d'améliorer les conditions de vie des salariés.
C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place un dispositif qui laisse toute sa place à la négociation. Plus de deux ans sont prévus pour celle-ci. Ce système sera souple, puisque la première loi ne s'appliquera qu'aux entreprises de plus de vingt salariés et il aura un caractère incitatif, puisqu'il ne jouera que lorsqu'une négociation sera conclue avec les entreprises.
Enfin, avant l'entrée en vigueur de la loi du 1er janvier 2000, c'est-à-dire à la fin de l'année 1999, sera dressé un bilan de l'ensemble des négociations qui auront eu lieu. L'application de la loi se fera en fonction, notamment, de ces résultats et de la situation économique.
Par conséquent, nous nous donnons toutes les chances pour que cette négociation ait lieu.
Toutefois, il est vrai - vous avez raison d'insister sur ce point, monsieur le sénateur - que seulement que 8 % des entreprises de plus de vingt salariés ont un délégué syndical. Aussi proposons-nous dans le projet de loi, comme cela était prévu dans un accord de 1995, repris dans la loi de 1996, qu'un représentant du personnel ou qu'un salarié soit mandaté par une organisation syndicale représentative à l'échelon national.
Nous avons souhaité, comme vous le préconisez, garantir la qualité de l'accord signé. Nous prévoyons donc également - cette mesure ne figurait pas dans la loi de 1996 - la façon dont l'organisation syndicale pourra appréhender l'accord, le suivre et l'évaluer au fil du temps.
Un autre changement intervient par rapport à la loi de Robien : si des créations d'emplois étaient enregistrées mais ne perduraient pas au-delà de la période de deux ans pendant laquelle est prévu un engagement, l'aide de l'Etat ne serait pas poursuivie comme cela était le cas précédemment.
En outre, cette réduction du temps de travail fera l'objet d'une évaluation permanente, avec les représentants du personnel, quant à ses conséquences en matière d'emploi.
Le projet de loi répond donc au souci des chefs d'entreprise de pouvoir, par la négociation, discuter librement discuter des modalités propres à chaque société. Il donne également des garanties pour que les salariés puissent trouver leur compte dans cette négociation. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
(M. Jean Delaneau remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président

RÉGULARISATION DES SANS-PAPIERS

M. le président. La parole est à M. Camoin.
M. Jean-Pierre Camoin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, l'opération de régularisation en faveur des sans-papiers que vous avez engagée fait apparaître un chiffre de 150 000 dépôts de dossiers. Récemment, vous avez annoncé la délivrance de 6 200 titres de séjour et de 12 000 récépissés de dossiers en cours.
Combien de temps va durer cette vaste opération et, surtout, que vont devenir les 130 000 personnes en situation irrégulière qui se sont fait connaître des services préfectoraux ?
Allez-vous laisser ces sans-papiers s'installer dans l'illégalité ?
M. Alain Gournac. Bonne question !
M. Jean-Pierre Camoin. Hormis vos propositions financières pour les « inviter à quitter le territoire » - ce sont vos propres termes - quels moyens, peut-être de contrainte, envisagez-vous de prendre pour que ces familles qui refuseraient votre invitation et qui se retrouveraient sans situation et sans avenir en France retournent dans leur pays d'origine ?.
M. Alain Gournac. Très bonne question !
M. Jean-Pierre Camoin. Enfin, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser le coût des aides financières offertes pour les départs volontaires ? Avez-vous inscrit cette somme dans le projet de budget pour 1998 ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Alain Gournac. Excellente question !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je suis surpris de la question que vous me posez. Allez-vous laisser s'installer dans la clandestinité, m'avez-vous demandé, ces 150 000 demandeurs ?
Mais ils y sont, et depuis longtemps ! (Applaudissements sur les través socialistes.) Nous les avons trouvés !
M. René-Pierre Signé. C'est votre héritage !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Notre volonté est justement de mettre un terme aux situations inextricables et insupportables de personnes qui sont à la fois irrégularisables et inexpulsables. C'est, très largement, le produit d'une législation mal adaptée.
M. Jean-Louis Carrère. La loi Pasqua !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a engagé sans tarder, en s'appuyant sur les objectifs définis par le Premier ministre le 19 juin dernier - la circulaire date du 24 juin - une opération de réexamen des situations individuelles qui viendraient à se présenter sur la base de critères objectifs. Le Gouvernement n'a jamais tenu qu'un seul langage ! Il n'en a pas changé. Il n'en changera pas, quels que soient les cris d'orfraie entendus ici ou là.
Ces critères se fondent essentiellement sur la situation familiale des intéressés, conjoints ou enfants de Français ou d'étrangers établis régulièrement sur notre sol.
Compte est tenu aussi des malades atteints de pathologies graves. D'ailleurs, aux termes des conventions que nous avons signées, nous n'avons pas le droit de les renvoyer dans des pays où ils ne seraient pas soignés. Par conséquent, des titres de séjour ont effectivement été délivrés, en très petit nombre, pour cette dernière catégorie.
M. Alain Gournac. Cent trente mille !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. J'ai également demandé que soit examiné le cas de célibataires qui témoigneraient d'une très bonne insertion dans la société française.
Les services « étrangers » des préfectures, avec beaucoup de diligence et de dévouement, s'efforcent d'appliquer les directives, reçoivent individuellement, à ma demande, les intéressés. Le processus se poursuit.
Les chiffres que j'ai cités étaient exacts au début du mois de novembre. Début décembre, seront publiées les statistiques qui seront établies sur la base des informations qui auront été communiquées par chaque préfecture. Je rappelle que deux départements concentrent à eux seuls plus de la moitié des demandes : Paris et la Seine-Saint-Denis.
Tel est donc le processus ! Il se poursuivra jusqu'au 30 avril 1998, date que j'ai donnée aux différentes préfectures pour achever cette procédure, à la fois systématique et humaine, de réexamen des dossiers. Nous nous efforçons, en effet, d'avoir un comportement qui soit à la fois humain, ferme, mais aussi conforme aux engagements internationaux que nous avons souscrits et à l'image qui doit être celle de la France.
Par ailleurs, j'ai eu l'occasion de le dire - M. le Premier ministre l'a également indiqué à plusieurs reprises - ceux qui ne pourront pas être régularisés ont vocation, naturellement, à retourner dans leur pays d'origine.
Une mission interministérielle a été constituée pour faciliter cette opération, qui doit pouvoir s'effectuer de manière que soient valorisées les compétences acquises par les intéressés, de préférence au bénéfice de leur pays d'origine, où beaucoup reste à faire et où un certain nombre de redéploiements de crédits devront avoir lieu.
Ces flux pourront servir les rapports que la France a et se doit d'avoir avec des pays qui, pour la plupart, appartiennent à l'espace francophone. Comment ne pas être conscient de ce qui se joue sur ce terrain ? Il s'agit aussi d'une certaine image de la France, à laquelle vous devriez être aussi attachés que moi.
Nous n'avons absolument pas intérêt - il suffit de voyager en Afrique pour s'en rendre compte ! - à apparaître comme un pays qui cadenasse ses frontières. Vous le savez très bien, la France est un pays ouvert au monde.
M. le président. Monsieur le ministre, je suis obligé de vous demander de conclure.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je conclus, monsieur le président !
Chaque année, 85 millions d'étrangers entrent en France et en sortent. Cela fait partie de la vocation de la France : première destination touristique mondiale, quatrième puissance commerciale !
Nous devons faire en sorte que la maîtrise des flux migratoires s'effectue dans des conditions à la fois conformes à l'intérêt national et compatibles avec l'image de la France et les droits des étrangers, quelle que soit d'ailleurs leur situation. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE JUVÉNILE

M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'évolution de la délinquance juvénile ne cesse d'inquiéter nos concitoyens. Sa constante augmentation, ses manifestations toujours plus violentes, l'âge de plus en plus jeune des mineurs délinquants posent à notre société un véritable défi.
Quand une société se révèle incapable de transmettre ses valeurs et de faire respecter ses règles les plus élémentaires, c'est le signe d'un échec. Toute crise morale trouve souvent sa source dans une crise sociale.
C'est parce que la sûreté est, en général, plus menacée dans les quartiers les plus déshérités de nos villes et de nos banlieues que la délinquance juvénile est devenue une forme d'adaptation à l'exclusion.
Le comportement de ces adolescents rebelles est préoccupant et intolérable. Ils évoluent avec des règles et des codes différents, sans adulte en référence, face à des parents qui, en proie à leur propre souffrance, se sentent souvent impuissants à faire preuve d'autorité, au point de s'en remettre à la société.
Le Gouvernement a placé la sécurité au deuxième rang des priorités gouvernementales, parce qu'elle conditionne tout le reste.
Avec l'implication des grands ministères, notamment sociaux, dans la lutte contre les inégalités, la prévention de la violence à l'école, les incitations citoyennes, l'enseignement de la morale civique, une police de proximité, l'amélioration de l'insertion pour faciliter l'intégration...
Plusieurs sénateurs du groupe RPR. La question !
M. Guy Allouche. ... tous ces actes s'avéreront positifs à terme !
M. Charles de Cuttoli. Ah !
M. Guy Allouche. La primauté de l'éducatif demeure, sans pour autant exclure une plus grande fermeté lorsque cela est nécessaire : les événements de cette dernière quinzaine nous incitent à le penser fortement.
Bien que vous ne soyez pas le seul ministre concerné, je m'adresse à vous, monsieur le ministre de l'intérieur. Récemment, vous avez déclaré ceci, et vous avez eu raison de le faire : la République est un régime de liberté ; ce n'est en aucun cas un régime de faiblesse.
M. Dominique Braye. Il fallait s'en apercevoir avant !
Un sénateur socialiste. Cela vous va bien !
M. Guy Allouche. Eclairez-nous, monsieur le ministre, sur l'action engagée par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez tout à fait raison : la République implique des règles en tous domaines. En effet, si elle est un régime de liberté, elle n'est pas un régime de faiblesse, encore moins d'anarchie. Il faut donc définir des règles.
M. Jean Chérioux. Et les appliquer !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Par exemple, qu'est-ce qui est régulier et qu'est-ce qui ne l'est pas ? S'agissant des violences urbaines que nous voyons se développer, malheureusement... depuis des années et des années...
M. Jean-Louis Carrère. Eh oui !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. ... il convient de s'interroger sur le fait de savoir si ces règles ont été rappelées quand il en était temps.
Je vous préciserai simplement une chose : c'est moi-même qui ai dû, en 1986, réintroduire l'éducation civique à l'école, d'où elle avait été chassée des programmes depuis 1968. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Braye. Les résultats ne sont pas bons !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Ce n'est pas ma faute si M. Bayrou a réduit les horaires de moitié ! Ce n'est pas ma faute non plus s'il a dissous cette discipline dans une espèce de « petit catéchisme ».
L'éducation civique n'est pas véritablement la morale civique dont a parlé M. le ministre de l'éducation nationale.
Hier, Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire, a, dans une communication au conseil des ministres, annoncé les mesures cohérentes qui allaient être prises pour rétablir l'éducation et la morale civiques dans les écoles et les lycées, ainsi que dans le cursus de formation des maîtres, ce qui est nouveau.
Cela ne suffit pas. Se posent aussi les problèmes de l'autorité parentale, de l'action des collectivités locales et des associations et, naturellement, d'une police qui doit être orientée vers des tâches de proximité.
Telle est la mission que je me suis assignée et tel est le sens de l'effort qui est entrepris, notamment dans votre département, monsieur Allouche, qui sera prioritaire. Au total, 26 départements parmi les plus urbanisés accueilleront 80 % des adjoints de sécurité. Dans le même temps, des postes d'agents locaux de médiation seront créés dans le cadre du plan emploi-jeunes initié par Mme Aubry.
Naturellement, se pose aussi le problème du traitement de la délinquance des mineurs qui connaît actuellement une explosion. J'estime que nous ne pouvons pas nous borner à des formules éducatives ou à l'incarcération des jeunes délinquants qui sont souvent d'ailleurs des multirécidivistes ; il doit y avoir des formules intermédiaires.
A cet égard, une mission parlementaire, dont font partie Mme Lazerges et M. Balduyck, a été désignée. Les conclusions de cette mission doivent nous être remises d'ici à deux mois et demi. C'est sur celles-ci que le Gouvernement, soyez-en sûrs, s'appuiera pour prendre les mesures adéquates.
Nous nous sommes déjà dotés, à l'échelon national, d'un conseil de sécurité intérieure qui réunit tous les ministres concernés et je ne saurais trop vous encourager, mesdames, messieurs les sénateurs, à mettre en place, à l'échelon local, des contrats locaux de sécurité qui s'appuieront sur des diagnostics sûrs et des propositions vérifiées ; bien évidemment, nous vous y aiderons. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean Chérioux. Vous rejetez l'héritage sur certains.

LES TERRITOIRES D'OUTRE-MER
ET L'UNION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes, porte sur les actions menées par la Commission européenne contre la France, relatives aux mesures réglementant l'exercice de professions par les étrangers européens dans les territoires d'outre-mer français. Le Gouvernement, sous la menace d'une astreinte financière très lourde, fait pression sur les autorités territoriales afin qu'elles annulent les délibérations concernées.
Il faut rappeler que certains de nos partenaires ont obtenu, pour leurs territoires, soit des conditions particulières d'association, soit leur exclusion.
En revanche, les ambiguïtés et les contradictions caractérisent, depuis quarante ans, l'application aux territoires d'outre-mer français et, en particulier, à mon territoire, des dispositions de la quatrième partie du traité de Rome, figée depuis 1957, alors que d'autres sections ont été modifiées par les traités de Maastricht et d'Amsterdam.
La Conférence intergouvernementale a « invité le Conseil de l'Union à réexaminer et à réformer en profondeur, sur proposition de la Commission européenne », qui est à la fois juge et partie, ne l'oublions pas, ce régime d'association, et ce d'ici à 1999, à 2000 ou à 2001.
Monsieur le ministre, c'est au Gouvernement français, me semble-t-il, de défendre les spécificités de nos territoires français, dans le respect du préambule et de l'article 74 de la Constitution.
C'est pourquoi il faut « geler » dès à présent l'association de nos territoires d'outre-mer, afin que les compétences locales décentralisées, instituées progressivement depuis 1956 par le Parlement français, soient respectées, tout en maintenant les dispositions douanières et commerciales conformes à la décision d'association de 1991 et l'intégralité des versements du Fonds européen de développement. Ce gel devra concerner, en priorité, la Polynésie française, qui l'a demandé.
Il faut mettre en place une commission composée de juristes spécialisés en droit d'outre-mer français et je pense, en particulier, à l'Institut de droit d'outre-mer, créé et dirigé par le professeur Faberon, de la faculté de Montpellier I. Elle devra présenter, avant l'échéance de 1999, les conditions d'un nouveau régime d'association, faisant de nos territoires français de véritables « associés », dans le respect de leurs statuts d'autonomie.
M. Jean-Louis Carrère. Et la question ?
M. Daniel Millaud. Pouvez-vous, monsieur le ministre, prendre l'engagement de mettre en place, avant la fin de l'année, la commission dont je vous ai suggéré la création et de geler notre association à l'Union européenne ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je profite de votre question pour exprimer la solidarité nationale à l'égard de nos compatriotes de Polynésie française, qui viennent d'être à nouveau touchés par un cyclone. Nous n'avons pas eu de victimes, à déplorer grâce aux actions de prévention mises en place, mais les dégâts matériels sont importants, notamment à Bora-Bora et à Maupiti.
J'indique aux élus de ces îles, ainsi qu'à tous ceux qui ont été touchés par ce cyclone, que nous prenons des dispositions pour recenser les dommages et fixer le montant des indemnisations.
Venons-en maintenant à votre question.
Vous avez évoqué le régime d'association des territoires d'outre-mer à la Communauté européenne. Vous savez qu'il existe un principe, celui de la liberté d'établissement, notamment pour les travailleurs indépendants et les professions libérales. La France a été condamnée en 1990 par la Cour de justice des Communautés européennes, précisément parce que l'assemblée territoriale de la Polynésie française n'avait pas pris les dispositions permettant l'application de ce principe.
En 1995, me semble-t-il, la Commission nous a demandé de nous mettre en conformité avec ce principe, faute de quoi elle saisirait de nouveau la cour de justice. La France risquait donc de se voir contrainte d'appliquer la décision, au risque d'une lourde astreinte.
Vous demandez le gel de ce principe mais, en même temps, vous souhaitez garder les crédits du fonds européen de développement. Je précise, à cet égard, que ceux-ci ont été, cette semaine, réévalués de 25 %. Il est difficile d'annoncer à la Commission que nous gelons une disposition - ce qui est impossible en droit communautaire - et que nous souhaitons garder le bénéfice des systèmes d'aides et de subventions.
En conséquence, la question méritera d'être posée lors de la révision du traité d'association. Vous avez, à juste titre, souligné que le traité d'Amsterdam l'envisageait. Un débat va donc s'engager.
Je me suis rendu à Bruxelles auprès des commissaires européens chargés de ces questions. Nous envisageons de provoquer une réunion à la mi-1998, justement pour préparer ces évolutions. Mais, dans l'immédiat, permettez-moi de vous dire que le droit européen doit s'appliquer.
J'ajoute que la menace d'une invasion européenne de la Polynésie française n'est pas si grande. Je soulignais à Papeete que seuls deux cents Européens non Français étaient établis sur ce territoire. Je crois donc qu'il n'y a pas lieu de geler ces dispositions dans l'immédiat, ce qui, de toute façon, ne serait pas possible. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

VIOLENCES URBAINES

M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Depuis une quinzaine de jours, les violences en milieu urbain se succèdent un peu partout en France et appellent des mesures de sécurité efficaces qui permettront de calmer la grande inquiétude qui naît dans notre pays.
Incendies de voiture, sabotages de lieux et de biens publics, agressions à l'école et dans les transports en commun sont autant d'actes commis par des jeunes délinquants.
Cette succession de violences, qui mobilise les forces de police, génère un sentiment d'insécurité, concerne aujourd'hui des banlieues jadis épargnées et gangrènera, hélas ! rapidement nos communes semi-urbaines et rurales.
Les forces de police, à qui je rends hommage pour leur efficacité, ont souvent un sentiment d'impuissance face à des délinquants de plus en plus jeunes et de plus en plus violents qui ont perdu leurs repères essentiels.
Une réflexion s'impose aujourd'hui sur la forme des réponses et les moyens que les pouvoirs publics doivent trouver pour cette population mineure, fragile et difficile : réponses éducatives bien sûr, mais aussi réponses fermes et adaptées, sans doute répressives, afin de ne plus donner à ces jeunes un sentiment d'impunité.
Par ailleurs, je regrette que la mobilisation qu'avait créée dans nos banlieues le pacte de relance pour la ville tende à disparaître en raison d'une absence de politique de la ville qui se manifeste notamment par l'absence d'un ministre en charge de ce secteur. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Je sais bien que tout n'est pas de votre ressort, monsieur le ministre, mais que comptez-vous faire pour remédier à cette dégradation constante de la vie quotidienne dans les banlieues qui touchera bientôt d'autres communes de France ?
M. René-Pierre Signé. Il fallait vous en occuper dès le début !
M. Gérard César. Il faut accroître de manière significative les effectifs de police de proximité et donner une formation adaptée à ces personnels. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Ils ne sont pas irréprochables !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. J'ai moi-même évoqué le problème de la délinquance des mineurs lors du colloque qui s'est tenu à Villepinte, le 24 octobre dernier. Il s'agit là d'un problème bien réel, à propos duquel je rappellerai quelques chiffres.
Le nombre de mineurs délinquants, a augmenté, depuis 1993, de près de 50 %. En 1986, par exemple, 48 162 faits délictueux ont été commis ; en 1996, soit dix ans plus tard, ce chiffre atteignait 87 406. Le nombre des mineurs mis en cause au premier semestre de cette année, période au cours de laquelle nous n'avons été au pouvoir qu'un mois, y s'est accru de 12,2 %. Il s'agit donc d'un problème de fond, d'un problème social. Ne le politisons pas inutilement.
Nous sommes confrontés à un grand défi de société, une société qui n'est plus capable de transmettre ses valeurs pour toutes sortes de raisons, qu'il s'agisse de la crise de l'autorité parentale, du chômage ou d'autres facteurs sur lesquels je ne m'étendrai pas.
M. Jean Chérioux. Mai 68 !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. La proportion des mineurs est de 32,75 % dans les délits commis sur la voie publique, de 46,9 % dans les vols avec violence, de 34 % dans les menaces avec extorsion de fonds et de 25,19 % dans les coups et blessures volontaires. Voilà qui nous amène à nous demander si notre législation est adaptée et si nous avons les moyens de réagir.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure en répondant à M. Allouche, une mission parlementaire vient d'être désignée. Par ailleurs, nous procédons à une évaluation des unités éducatives à encadrement renforcé que M. Toubon avait mises en place. Nous en connaîtrons les résultats au début de l'année prochaine. Il s'agit de structures qui mobilisent environ quatre-vingts éducateurs pour accueillir quatre-vingts jeunes, soit autant d'éducateurs que de jeunes. Le coût en personnel est donc considérable pour soustraire certains de ces jeunes à l'ambiance des quartiers dans lesquels ils sévissent en très petit nombre, d'ailleurs, car il s'agit toujours d'une petite poignée de récidivistes - il ne faudrait pas établir des amalgames qui seraient très facheux. Ce travail va donc être accompli.
S'agissant de la politique de la ville, Mme Aubry m'a précisé que le conseil national de la ville s'est réuni à deux reprises et que, à l'unanimité, il a estimé que la politique suivie était la bonne ; un bilan doit être dressé dans six mois.
La politique de la ville n'est qu'un aspect de la question. Je considère, pour ma part, que la politique de sécurité constitue un volet d'une politique sociale plus large car le droit à la sécurité doit être acquis à tout Français, dans toutes les cités, dans tous les quartiers.
Nous avons mis en place les contrats locaux de sécurité que vous connaissez bien. Une circulaire a été envoyée à ce sujet voilà plusieurs semaines, mais vous-mêmes, en tant que maire ou président de conseil général, vous pouvez prendre des initiatives. Nous avons demandé aux préfets, aux sous-préfets et aux procureurs de la République d'établir un diagnostic, de préférence à l'échelle d'une agglomération - mais il peut être fait à celle d'une ville, d'une commune, voire d'un quartier - et de mettre en place ce dispositif.
Des adjoints de sécurité et des agents locaux de médiation sont créés en nombre important. Nous devrions donc avoir les moyens de faire reculer la délinquance, à condition de saisir le problème dans sa globalité en partant de l'exigence de la citoyenneté, en réapprenant ce qu'elle signifie, les droits et les devoirs qu'elle comporte, en faisant en sorte que l'action de la police, de la gendarmerie et de la justice soit plus proche du terrain - c'est l'idée de proximité - et qu'une coopération plus efficace se noue entre tous les services de l'Etat.
Tel est l'objet du conseil de sécurité intérieure, dont la première réunion s'est tenue, je le répète, voilà une dizaine de jours, et qui doit se réunir à nouveau au début du mois de janvier. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

MISE EN OEUVRE DES 35 HEURES

M. le président. La parole est à M. Belcour.
M. Henri Belcour. Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
L'avant-projet de loi concernant les trente-cinq heures vient d'être soumis au Conseil d'Etat et aux caisses de sécurité sociale, avant d'être examiné prochainement en conseil des ministres.
A ce sujet, M. le Premier ministre a assuré que cette baisse de la durée légale du travail n'entraînerait pas de diminution de salaire.
Nous vous avons entendue à plusieurs reprises préciser que, si quelques concessions salariales s'avéraient nécessaires pour ne pas mettre en péril la compétitivité des entreprises, elles ne devaient viser que les salaires élevés mais en aucun cas les rémunérations les plus faibles.
Si l'on calcule bien, le passage de trente-neuf à trente-cinq heures, sans perte de salaire, s'accompagnera donc d'une hausse du coût horaire du SMIC de 11,4 %.
En outre, il a été annoncé que les entreprises pourraient garder une durée hebdomadaire de trente-neuf heures, mais en payant des heures supplémentaires et en accordant des repos compensateurs.
Cela se traduirait, pour une entreprise dont les salariés sont payés au SMIC et travaillent trente-neuf heures, par une hausse des salaires d'environ 18 %.
Les secteurs qui emploient une main-d'oeuvre nombreuse et peu qualifiée seront donc durement touchés, et l'on peut s'inquiéter pour leur avenir et celui de leurs salariés.
Ma question est double. Quelle réponse allez-vous apporter, madame le ministre, à ce problème bien réel, sinon la solution que la majorité sénatoriale a souvent préconisée pour sauvegarder et créer des emplois, à savoir une baisse sensible des charges applicables aux bas salaires ?
Par ailleurs, pourquoi excluez-vous du champ des trente-cinq heures les personnels employés par l'Etat, les collectivités territoriales et les hôpitaux, que vous privez, par là même, du bénéfice de ce que vous considérez vous-même comme une « avancée sociale » ? (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Chaque chose en son temps, monsieur le sénateur ! Nous nous occupons aujourd'hui, comme c'est souvent le cas lorsqu'il s'agit d'un texte qui touche au code du travail, au champ de ce code, qui n'a pas bougé depuis 1936. Nous appliquons effectivement les trente-cinq heures à ce champ. Nous traiterons par la suite des collectivités locales, des fonctionnaires et des hôpitaux, pour lesquels la durée du travail est aujourd'hui très variable. Nous sommes en train d'établir un diagnostic dans les communes, et des propositions seront formulées à ce moment-là.
Monsieur le sénateur, je voudrais d'abord vous rassurer : aucune disposition du projet de loi ne concerne les rémunérations. Nous considérons que la rémunération, les conditions de la diminution de la durée du travail, doivent être négociées dans l'entreprise, au plus près des réalités. C'est la raison pour laquelle rien ne figure à cet égard dans le projet de loi.
C'est aussi pourquoi nous nous contentons, dans l'exposé des motifs de ce texte, d'indiquer ce qu'a toujours dit le Gouvernement, à savoir que si, dans la conjoncture actuelle, il n'est pas souhaitable de diminuer les salaires nets, notamment les salaires bas et moyens, parce qu'il faut consolider la consommation et la croissance, en revanche, dans la négociation, chacun doit tout mettre sur la table ; en termes de rémunération, on ne pourra pas faire, après les trente-cinq heures, comme s'il ne s'était rien passé avant.
En ce qui concerne le SMIC se pose, bien évidemment, un problème technique, qui n'est pas seulement un problème de coût. Nous y travaillons. Notre pays est dans une situation un peu particulière. En effet, nous avons un SMIC horaire, une durée du travail hebdomadaire et un salaire mensuel. Or, de plus en plus, quand on parle de rémunération ou de durée du travail, on parle d'annualisation.
L'annualisation fait peur à beaucoup de personnes parce que, derrière elle, et notamment lorsque l'on en a parlé pour le SMIC, les chefs d'entreprise veulent débattre des avantages donnés aux salariés : le treizième mois, la prime d'ancienneté, etc., ce qui n'est pas souhaitable. Faut-il pour autant - nous avons deux ans pour travailler sur cette question, mais, je vous rassure, la réponse technique sera apportée avant - conserver un SMIC horaire alors que nous travaillons, en général, sur le mois dans tous les autres domaines ? C'est le point que nous examinons actuellement avec les organisations patronales et syndicales. Plusieurs solutions sont possibles. Bien évidemment, le Parlement sera informé de ces réflexions dès que nous en aurons tiré toutes les conséquences. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

FRAIS DE SCOLARITÉ
DANS LES ÉCOLES FRANÇAISES À L'ÉTRANGER

M. le président. La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, les écoles françaises à l'étranger sont payantes - on ne le sait pas assez en France, mais elles deviennent de plus en plus onéreuses puisque les frais de scolarité s'élèvent de 10 000 francs à 50 000 francs par an selon le pays.
Alors que l'année scolaire est largement commencée, de nombreuses familles de la classe moyenne envisagent de retirer leurs enfants en cours d'année scolaire ou l'année prochaine. Ce sera le cas de cent cinquante enfants au Mexique. C'est le cas des quatre enfants d'une famille française de Bruxelles qui ne pourra pas verser au lycée d'ici au mois de décembre 37 500 francs car elle dispose d'un revenu annuel de 150 000 francs. Il en sera de même dans nombre de pays.
Vous, monsieur le ministre, vous avez fait tout ce qui était possible dans le cadre de votre budget pour abonder les crédits consacrés aux bourses scolaires, tant pour la dernière rentrée scolaire que pour l'année prochaine - nous nous réjouissons de constater que vous avez réussi à augmenter de 6 % le budget des bourses scolaires pour l'année prochaine.
Cela étant, l'effort financier de l'Etat français en faveur des 64 000 enfants français scolarisés dans notre réseau d'écoles à l'étranger, sur les 250 000 enfants qui sont immatriculés dans les consulats, n'en est pas moins inférieur de moitié - je dis bien « de moitié » - au seul effort financier du ministère de l'éducation nationale pour les enfants scolarisés en France.
C'est pourquoi je suis amenée à vous demander si vous envisagez, dans une collaboration devenue indispensable avec le ministre de l'éducation nationale, de revoir les statuts et le mode de financement de l'AEFE, l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, de telle manière que les écoles françaises restent accessibles à tous les enfants, y compris à ceux de la classe moyenne, et que nos enfants restent des citoyens français ayant une culture française, une formation intellectuelle française et parlant le français. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - MM. Fauchon et Hamel applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Madame le sénateur, vous avez...
M. Emmanuel Hamel. Raison ! (Sourires.)
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. ... tout à fait raison d'indiquer que le coût de la scolarité dans les écoles du réseau de l'AEFE s'est considérablement accru au cours des dernières années.
Vous qui connaissez particulièrement bien ces questions, vous savez quelles en sont les raisons.
Il y a, d'abord, une raison structurelle : le budget des affaires étrangères a connu beaucoup de gels, d'amputations, de limitations ; on ne peut plus faire face à toutes les demandes. Il y a, ensuite, l'obligation qui en est résulté de faire appel de plus en plus fréquemment à des recrutés locaux, avec toutes les conséquences que cela entraîne. Il y a même un élément monétaire : la très bonne tenue de notre monnaie, pour d'autres raisons, pèse sur ces coûts. Enfin, ce sont des établissements qui doivent procéder régulièrement à des investissements immobiliers importants. Bref, tout cela a eu pour conséquence la situation que vous avez décrite et qui est parfaitement incontestable.
Nous avons réagi à cette situation de la façon suivante.
D'abord, dans le cadre de la discussion budgétaire et des orientations internes au budget, j'ai tout de même réussi à faire augmenter les crédits destinés aux bourses - ce qui est la seule réponse sérieuse, pratique, concrète, humaine, à la situation que vous décrivez - de 6 % pour cette année, et vous avez eu l'amabilité de rendre hommage à cet effort, qui, je le reconnais, n'est qu'un début.
Par ailleurs, j'ai engagé avec mon collègue M. Allègre une réflexion sur ces questions, dans le cadre d'une concertation que nous voulons beaucoup plus étroite à l'avenir entre nos deux administrations.
Enfin, dans la gestion des bourses comme pour ce qui concerne certains efforts sociaux que l'on peut tenter d'accomplir concrètement, pays par pays, à travers les postes diplomatiques, nous prêtons une attention prioritaire aux cas socialement les plus difficiles.
Mais la question que vous posez demeure. Les réponses que j'apporte aujourd'hui sont des premières réponses, et j'ai l'intention d'aller plus loin dans le traitement de cette question. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Mme Brisepierre applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

6

DÉPÔT D'UN RAPPORT
DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 83 de la loi de finances pour 1995, le rapport décrivant les opérations bénéficiant de la garantie de l'Etat.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

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MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE

M. André Egu. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Egu.
M. André Egu. Monsieur le président, notre collègue Jean Arthuis souhaite que je précise en son nom que c'est par erreur qu'il a été porté comme ayant voté pour l'amendement n° I-210, adopté au cours de la séance du lundi 24 novembre 1997 et visant à insérer un article additionnel après l'article 8, relatif aux abattements supplémentaires dont bénéficient un certain nombre de professions ; il souhaitait, en fait, s'y opposer.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue.

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QUATRIÈME PROTOCOLE ANNEXÉ
À L'ACCORD GÉNÉRAL
SUR LE COMMERCE DES SERVICES
Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 103, 1997-1998), adopté par l'Assemblé nationale, autorisant l'approbation du quatrième protocole (services de télécommunications de base) annexé à l'accord général sur le commerce des services. [Rapport n° 106 (1997-1998)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le quatrième protocole annexé à l'accord général sur le commerce des services complète, dans le secteur des services de télécommunications de base, les dispositions de l'accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC. Il doit entrer en vigueur le 1er janvier 1998.
Par cet accord, soixante-neuf pays, qui représentent plus de 90 % du marché mondial des services de télécommunications de base, prennent l'engagement d'ouvrir leur marché aux opérateurs étrangers. C'est un accord important pour notre économie et pour nos entreprises.
Tout d'abord, je veux rappeler qu'il s'inscrit dans un contexte d'ouverture des marchés de télécommunication à la concurrence, qui a été, pour l'essentiel, défini et discuté d'abord dans un cadre européen.
L'Union européenne et ses Etats membres se sont engagés à ouvrir aux entreprises étrangères, à compter du 1er janvier 1998, la totalité du marché unique des services de télécommunications, à l'exception - pour la téléphonie vocale et les infrastructures - de l'Espagne, de l'Irlande, du Portugal et de la Grèce, qui se sont engagés sur des dates de libéralisation ultérieures.
M. Emmanuel Hamel. L'Europe, c'est une passoire !
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat. Où il y a tout de même quelques pleins !
La France, quant à elle, avait accepté de supprimer toute limitation aux participations étrangères indirectes au capital des sociétés exploitant des réseaux radioélectriques en France si un engagement international contenant une clause de réciprocité le justifiait. Ce sont les dispositions qui sont contenues dans la loi du 26 juillet 1996 portant réglementation des télécommunications, qui prévoit que la limitation à 20 % de l'investissement étranger dans les réseaux radioélectriques, prévue à l'article L. 33-1 du code des postes et télécommunications, ne porte pas préjudice aux « engagements internationaux souscrits par la France, comportant une clause de réciprocité applicable au secteur des télécommunications ».
La mise en oeuvre du quatrième protocole n'implique donc aucune modification des directives communautaires ou de la législation française en matière de télécommunications.
Il convient, par ailleurs, de noter que les engagements contenus dans la liste de la Communauté européenne et de ses Etats membres ne créent aucune obligation pour les territoires d'outre-mer.
M. Daniel Millaud. Très bien !
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat. Mais dès lors que l'Union européenne avait pris la décision d'ouvrir à la concurrence son marché de téléphonie vocale le 1er janvier 1998, la question de l'accès de nos entreprises aux marchés de nos concurrents se posait de manière aiguë. Nos principaux partenaires commerciaux conservaient en effet, pour la plupart, des limitations importantes à l'entrée des opérateurs étrangers sur leurs propres marchés.
Les négociations conduites dans le cadre de l'OMC ont amené l'ensemble des pays participants, la Communauté européenne et ses Etats membres, mais aussi cinquante-quatre membres de l'OMC parmi lesquels l'ensemble des grands pays industrialisés, y compris les Etats-Unis et le Japon, et les grands pays émergents, notamment ceux d'Asie - qui connaissent quelques difficultés - tels que l'Indonésie, la Malaisie ou la Thaïlande, à déposer des listes d'engagement sur les services de télécommunications de base. Cet accord dont nous vous demandons d'autoriser la ratification conduit ainsi à rééquilibrer les efforts d'ouverture des principaux pays membres de l'OMC.
Les Etats-Unis d'Amérique se sont par exemple engagés à soumettre leur pratique réglementaire aux disciplines multilatérales, notamment en ce qui concerne le traitement de la nation la plus favorisée et le traitement national. Ils ont également accepté de supprimer toute limitation aux participations étrangères indirectes dans le capital des exploitants de réseaux radioélectriques.
Bien qu'ils aient déposé dans le même temps une dérogation à la clause de la nation la plus favorisée pour la télévision directe par satellite, dont la légalité est sujette à caution, celle-ci ne gêne pas la France. Cette dérogation porte sur un domaine qui n'était pas a priori couvert par la négociation. La Communauté et ses Etats membres ont réservé leur droit d'en contester le bien-fondé dans le cadre du mécanisme de règlement des différends de l'OMC. Je vous rappelle que l'on fait des panels et que l'on est jugé de manière collective.
Le Japon, quant à lui, s'est engagé à ouvrir pleinement son marché à compter du 1er janvier 1998. Il supprimera la limitation à 33 % des participations étrangères au capital des opérateurs qui possèdent leurs propres infrastructures, ce qui marque un progrès notable par rapport à la situation actuelle.
Ce sont les concessions faites par les Etats-Unis et le Japon sur la question de l'investissement étranger qui ont justifié la suppression par la France de toute limitation aux participations étrangères indirectes dans le capital des sociétés exploitant des réseaux radioélectriques en France.
Ces aspects sont importants, mesdames, messieurs les sénateurs. Ils expliquent pourquoi nous vous avons demandé la faveur d'un examen rapide de ce protocole.
A cette occasion, je remercie la Haute Assemblée d'avoir accepté d'interrompre quelques instants le débat budgétaire. L'accord doit en effet être ratifié le 30 novembre prochain au plus tard, faute de quoi nos partenaires pourraient tirer argument du retard de la France pour remettre en cause les engagements pris à l'issue de ces négociations.
M. Emmanuel Hamel. On y gagnerait peut-être !
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas sûr du tout, car ce sont eux qui nous ouvrent leur marché plutôt que l'inverse !
Quelles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les conséquences de ce protocole pour l'économie et les entreprises françaises ?
En premier lieu, je veux souligner le fait que rien, dans cet accord, ne nous conduit à remettre en cause le service public et le service universel des télécommunications fixes. C'est important pour les usagers mais aussi, au-delà, parce que la qualité de nos infrastructures dans ce domaine est un élément important pour la solidité de notre économie sur la scène internationale.
En second lieu, je crois qu'il faut insister sur les conséquences positives de l'ouverture du marché des télécommunications pour nos entreprises.
En France, cela nous permettra d'assurer à nos entreprises l'accès, au meilleur coût, à la capacité d'innovation du secteur. C'est un élément important pour que nos entreprises restent compétitives.
A l'étranger, la position de nos opérateurs, au premier rang desquels France Télécom, dont la performance sur les marchés internationaux est notable, pourra être consolidée.
M. Emmanuel Hamel. Bon, c'est remarquable et Dondoux est un grand homme ! (Sourires.)
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat. Hélas ! je ne suis pas le président de France Télécom. Je le regrette d'ailleurs, monsieur le sénateur. Mais c'est vrai que France Télécom est une grande maison !
Au-delà du secteur des services, il faut, enfin, tenir compte de l'impact de l'accord sur nos équipementiers, pour qui ce mouvement d'ouverture est aussi une garantie d'ouverture des marchés d'équipements chez nombre de nos concurrents importants.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle le quatrième protocole annexé à l'accord général sur le commerce des services, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation. (Applaudissements.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir souligné l'effort que consent le Sénat pour permettre à notre pays de tenir ses engagements internationaux.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Xavier de Villepin président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Lombard, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'interviens au lieu et place de notre collègue et ami Maurice Lombard, qui a été retenu dans son département.
Nous sommes réunis aujourd'hui dans une relative urgence pour débattre d'un projet de loi ayant pour objet d'autoriser l'approbation du quatrième protocole annexé à l'accord général sur le commerce des services et relatif aux services de télécommunications de base.
Le dispositif final doit être impérativement accepté par toutes les parties avant dimanche prochain, ce qui explique la célérité demandée à la représentation nationale pour se prononcer - vous y avez, fort aimablement fait allusion, monsieur le secrétaire d'Etat.
Qu'il soit cependant permis au président de la commission, qui n'entend évidemment pas compromettre l'engagement de la France, de regretter cette précipitation, cette hâte qui affecte le bon déroulement du travail législatif.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous venez de rappeler le contenu de ce quatrième protocole, qui entérine la libéralisation, au niveau mondial, des services de télécommunications ; je n'y reviens donc pas. Le rapport écrit détaille, par ailleurs, le cadre normatif fixé par l'accord général sur le commerce des services, dans lequel s'inscrit le quatrième protocole.
La libéralisation des services de télécommunications de base constitue un enjeu économique considérable.
L'ouverture à la concurrence des réseaux de télécommunications engendrera rapidement une révolution dans le paysage mondial des télécommunications. Dans le domaine de la téléphonie vocale fixe, qui représente encore les deux tiers des activités des principaux opérateurs actuels, s'ouvre un marché très prometteur sur lequel les acteurs se multiplieront et où les technologies nouvelles trouveront des opportunités de développement.
Cette mutation rapide se fera aussi et surtout au bénéfice du consommateur, passant progressivement du statut d'usager à celui de client. Ce dernier aura la possibilité de choisir entre un nombre croissant d'opérateurs, de services, de gestionnaires de réseaux, lesquels devront être en mesure d'adapter en permanence la qualité et la diversité de leur offre, qu'elle relève du téléphone, du fax, de la transmission de données ou de circuits privés de vidéo.
Le marché mondial des télécommunications a représenté 745 milliards de dollars en 1997, soit à peu près la moitié du produit national brut de la France. Dans ce marché, la part de la France est supérieure à 5 %. Par ailleurs, avec 16 % du marché communautaire, notre pays occupe la deuxième place dans l'Union européenne.
Le nombre des offres de libéralisation inscrites dans le quatrième protocole - soit cinquante-cinq listes représentant soixante-neuf pays - constitue à soi seul un succès puisque les parties représentent 95 % du marché mondial du secteur.
L'un des principaux objectifs de la négociation consistait à obtenir un assouplissement des législations relatives à la part d'investissements étrangers autorisée dans le capital des opérateurs nationaux de services de télécommunications. Des résultats significatifs ont été obtenus à cet égard. Les limitations partielles maintenues, notamment, par les Etats-Unis et par la France n'affectent pas le dispositif d'ensemble. Quant au Japon, l'avancée qui a été réalisée est particulièrement positive.
Cela étant, les résultats de l'accord nécessiteront dans certains Etats des aménagements législatifs. Cela ne touche ni l'Europe ni la France, mais concerne en particulier le Japon et les Etats-Unis. Ces derniers auront ainsi à remanier en profondeur les règles de la Federal communication commission , la FCC, qui conditionnent l'ouverture du marché américain à l'existence d'une réciprocité.
Les derniers développements à cet égard ont de quoi inquiéter : le projet de règlement de la FCC sur la participation des sociétés étrangères sur le marché américain n'apparaît guère compatible avec l'accord que nous examinons. La Commission européenne a opportunément dénoncé certaines clauses « vagues et floues » selon lesquelles, par exemple, les Etats-Unis pourraient refuser de délivrer une licence aux opérateurs étrangers, au prétexte qu'ils seraient « une menace malsaine pour l'intérêt public ou pour la compétitivité commerciale aux Etats-Unis ». Il conviendra, le moment venu, d'user de procédures en cours à l'OMC sur le règlement des différends.
Mes chers collègues, le quatrième protocole sur les télécommunications de base constitue un enjeu économique considérable. Dans le même temps, il est la traduction d'une évolution du commerce mondial, que la France a toujours soutenue, vers plus de multilatéralisme et vers un respect accru des règles de concurrence loyale et d'ouvertures équilibrées et réciproques de marchés des services.
Pour M. Lombard, comme pour moi-même, il s'agit là de raisons majeures qui nous incitent à vous recommander l'adoption du projet de loi qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est dangereux, car il confirme et accentue la politique de déréglementation des télécommunications à l'échelle internationale.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
Mme Odette Terrade. Il s'agit en effet de ratifier un protocole d'accord annexé à l'accord général sur le commerce des services, qui complète, dans le secteur des services de télécommunications de base, les dispositions de l'accord de Maastricht instituant l'Organisation mondiale du commerce.
M. Emmanuel Hamel. Hélas !
Mme Odette Terrade. Ce quatrième protocole confirme la politique, engagée sur le plan mondial, de destruction des monopoles nationaux et d'instauration de la libre concurrence la plus sauvage.
Cet accord cherche à mettre un terme à toute politique de régulation, dans le sens du service public, dans le sens du respect du droit des usagers, pour imposer la loi du marché.
Nous refusons que les télécommunications soient considérées comme une marchandise banale. La multiplication des campagnes de publicité dans notre pays, l'agressivité du marketing entre nouveaux concurrents nous inquiètent déjà.
Cet accord que l'on nous demande de valider aujourd'hui par notre vote comprend deux engagements qui m'apparaissent essentiels.
Premièrement, les Etats signataires s'engagent à ouvrir aux entreprises étrangères la totalité de leur marché national des services de télécommunications à compter du 1er janvier 1998.
Il est à noter - j'insiste sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat - que des exceptions avaient été prévues pour l'Espagne, l'Irlande, le Portugal et la Grèce, modulant pour ces pays l'application de l'accord. Pourquoi n'avons-nous pas demandé la même chose pour la France ?
Deuxièmement, cet accord supprime toute limitation des participations étrangères indirectes au capital des sociétés exploitant des réseaux radio-électriques.
Lors des débats sur la loi Fillon, en 1996, mon groupe avait déjà vigoureusement combattu la possibilité d'ouvrir à hauteur de 20 % le capital aux sociétés étrangères.
Aujourd'hui, sous prétexte de réciprocité avec les Etats-Unis et le Japon, notamment, les vannes vont être grandes ouvertes.
Nous ne pouvons accepter cette situation, qui officialise ce qui va rapidement devenir - nous le pressentons - une véritable jungle, où le profit sera roi et où l'usager sera le grand perdant.
Vous me direz, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il s'agit d'honorer un engagement du précédent gouvernement. Mais, précisément, les Françaises et les Français ont peut-être voté comme ils l'ont fait, le premier juin dernier, pour en finir avec cette logique ultralibérale, destructrice de patrimoine technologique, industriel et scientifique, destructrice des solidarités !
M. Emmanuel Hamel. C'est, hélas ! vrai !
Mme Odette Terrade. Une nation peut toujours reconsidérer ses positions. Nous estimons que, dans ce domaine essentiel des télécommunications, tel aurait dû être le cas.
C'est parce que nous sommes fermement partisans du service public, parce que nous estimons que France Télécom, qui demeure, malgré l'ouverture regrettable du capital, une grande entreprise publique, doit être défendue face à l'agressivité libérale, notamment américaine, que nous voterons contre ce texte.
M. Emmanuel Hamel. Vous ne serez pas les seuls !
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat. En vertu de la loi de 1996, il pourra déjà y avoir plusieurs exploitants à partir du 1er janvier 1998. Ceux-ci peuvent être étrangers et participer au capital jusqu'à des valeurs très supérieures à 20 % ou 30 %.
Il suffit qu'une société à capital américain, par exemple, s'établisse dans un pays comme l'Italie ou l'Allemagne, si ce dernier l'accepte, pour qu'elle puisse, ensuite, demander à venir exploiter en France. Il s'agit bien d'une société à capital américain, mais elle a le label européen !
Nous sommes donc dans un système profondément ouvert.
Cela pose un problème, non pas tellement d'ailleurs dans les villes, car je ne crois pas que le service public y soit en danger. Je pense même qu'avec l'émulation, née de la concurrence, le service urbain sera amélioré, aussi bien pour les entreprises que pour les particuliers. (Mme Odette Terrade fait un signe de dénégation.) Le problème du maintien du service public se pose plutôt pour les zones rurales. M'adressant à vous, élus locaux représentant, notamment, les zones rurales, je sais que vous êtes attentifs à ces questions. Un service universel a été défini pour le téléphone fixe, et c'était nécessaire. J'ai plusieurs fois téléphoné, dans une vie antérieure, (Sourires), à M. Gérard Larcher pour lui rappeler qu'à échéance de quinze ans le marché du téléphone portable serait aussi grand que celui du téléphone fixe et qu'il importait que les zones rurales ne soient pas oubliées en ce domaine.
Il convient donc de faire progresser la législation en imposant une obligation de desserte des zones rurales comme des zones urbaines. A nous de réagir contre les pays qui veulent exploiter dans notre pays et d'aller, par exemple, prendre le contrôle d'une société américaine !
Je m'y suis moi-même essayé, à Chicago. Il s'agissait pour nous de devenir majoritaires au sein d'une société américaine et de voir si France Télécom était capable d'exploiter sur un marché concurrentiel et entraîner nos équipes en ce sens. Nous n'y sommes pas arrivés, car la loi américaine nous empêchait d'entrer dans le capital à plus de 20 %. Nous avons dû nous allier avec un certain nombre d'Américains.
Ce protocole va nous permettre d'exiger des Américains qu'ils modifient leur réglementation afin que nous soyons présents sur les marchés les plus intéressants pour les entreprises, notamment les grandes villes américaines. Je vous rappelle que, dans le système américain, les grandes compagnies se partagent la desserte des villes et abandonnent aux autres les campagnes, financièrement moins intéressantes. Là, nous pourrons être présents tout à fait facilement dans les villes.
Il en ira de même au Japon, c'est-à-dire sur un marché tout de même extrêmement fermé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un protocole offensif et non pas défensif qui est soumis à vos suffrages.
Mme Odette Terrade. Vous n'êtes pas convaincant !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation du quatrième protocole (services de télécommunications de base) annexé à l'accord général sur le commerce des services, adopté à Genève le 15 avril 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Daniel Millaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud. Je veux tout simplement remercier M. le secrétaire d'Etat et son cabinet d'avoir non seulement relu la quatrième partie du traité de Rome, mais aussi et surtout - c'est peut-être le premier département ministériel de la République française dans ce cas - à être maintenant convaincu du fait que les télécommunications sont une compétence territoriale et que c'est à nous de régler les éventuelles demandes extérieures.
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je voterai avec enthousiasme ce protocole, car il offre enfin une possibilité pour le Gouvernement français, dont je souhaite vivement qu'il intervienne fermement auprès de Bruxelles, mais aussi, et directement, auprès de Washington. La FCC doit modifier ses règles pour que les Etats-Unis appliquent les règles qui régissent le commerce international.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Je n'ai pas la connaissance du problème des éminents scientifiques qui viennent de s'exprimer, mais je constate que la France accumule les conséquences sociales dramatiques d'un principe d'ouverture des frontières, de mondialisation, d'acceptation de la concurrence internationale, et ce au motif qu'il donne à certains de nos atouts la possibilité de s'exprimer plus facilement à l'étranger.
Mais que constatons-nous, globalement ? Que le chômage augmente, que l'inquiétude des salariés s'accroît. Et pourquoi ? Parce que nous sommes obsédés par l'idée que l'évolution du monde oblige à la mondialisation, à l'accroissement de la concurrence, à l'ouverture des marchés. Les conséquences sociales en sont si dramatiques ! Bien que je ne sois pas polytechnicien, comme le fondateur de Sophia Antipolis ou comme vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, et bien que je n'aie pas été non plus président de France Télécom, je refuse d'entrer dans une telle analyse. Je refuse cette logique de destruction de l'emploi au nom de la concurrence internationale. Car à quoi aboutit-elle, en France, sinon au désespoir qui, un jour, provoquera l'explosion sociale et politique ?
M. Alain Lambert. Nous partons à la conquête du monde !
M. Emmanuel Hamel. Nous nous faisons dominer et conquérir !
Mme Hélène Luc. Vous avez raison !
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat. Je voudrais simplement citer deux chiffres.
Nous estimons que l'ouverture des marchés a créé entre 100 00 et 150 000 emplois l'année passée en France et qu'elle en créera autant cette année.
Il ne faut pas confondre la bataille de la productivité, qui conduit à rendre étales notre volume de production et notre niveau de consommation et qui se traduit par une diminution du nombre de personnes au travail, et l'ouverture des marchés. Mesdames, messieurs les sénateurs, l'ouverture des marchés apporte du travail à la France : le solde est très nettement positif. Ce n'est pas dû à cette majorité, c'est dû à l'effort fourni par les entreprises au cours de ces quinze dernières années. Encore une fois, le commerce international crée de l'emploi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Emmanuel Hamel. Je vote contre.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(Le projet de loi est adopté.)

9

LOI DE FINANCES POUR 1998

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1998.

Education nationale, recherche et technologie





I. - ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (suite)

M. le président. Nous reprenons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'enseignement scolaire.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier MM. les rapporteurs, en particulier M. le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Ostermann, et MM. les rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles, M. Bernadaux, ainsi que, bien évidemment, M. Carrère. A travers lui, je remercie les sénateurs de la majorité gouvernementale du soutien qu'ils apportent à ce projet de budget.
Je remercie également l'ensemble des sénateurs qui ont contribué utilement au débat qui nous rassemble aujourd'hui, même si leurs votes n'iront pas toujours dans le sens que nous aurions souhaité ! (Sourires.)
A cet égard, je voudrais anticiper et m'arrêter quelques instants sur l'amendement de M. Ostermann.
Il nous est proposé de réduire de près de 2 milliards de francs les crédits de l'enseignement scolaire. Qui, en effet, pourrait être aujourd'hui hostile aux économies budgétaires dès lors qu'elles ont un intérêt général ? Or, à l'examen, je découvre dans la répartition des économies qui nous sont proposées l'abandon des créations d'emplois des personnels non-enseignants, des personnels médico-sociaux et des personnels ATOS.
Je m'adresse à M. le rapporteur spécial de la commission des finances.
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Le rapporteur général assume aussi ! (Sourires.)
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Le rapporteur général aussi ? Donc, les choses sont claires ! (Nouveaux sourires.)
Monsieur le sénateur, nos établissements scolaires manquent cruellement d'infirmières, d'assistantes sociales, de personnels ATOS. Compte tenu du rôle que jouent ces personnels dans l'ensemble des établissements, et en particulier dans ceux qui sont situés dans des quartiers difficiles, compte tenu du travail qu'effectuent ces personnels, insuffisamment reconnu et peu valorisé, vous comprendrez bien que le Gouvernement ne puisse pas vous suivre sur la voie que vous préconisez.
Vous nous proposez ensuite de diminuer les recrutements de nouveaux enseignants. Ma surprise est encore plus grande, car je me suis livrée à un petit calcul : la proposition équivaudrait à fermer trois mille classes dans le premier degré et sept mille dans le second degré ! Mais il n'y a là rien d'anodin : on ne ferme pas impunément autant de classes ! Sachez que cela se traduirait par plusieurs centaines de fermetures d'établissement, en particulier de petits collèges dans les zones rurales.
Monsieur Ostermann, lorsque l'on fait des propositions de ce type, il faut aller jusqu'au bout de sa logique et indiquer à quel endroit on doit fermer des classes, où l'on doit supprimer des postes de personnels ATOS !
Mme Hélène Luc. Bonne question !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. J'irai, moi, plus loin dans votre raisonnement. J'ai regardé... par hasard. ( Sourires ) ce qui avait été fait lors de la rentrée scolaire dans un département qui vous est cher, le Bas-Rhin.
Dans ce département, nous avons rouvert sept classes, annulé la fermeture de six classes, réalisé les ouvertures conditionnelles de sept classes et engagé quatre ouvertures nouvelles de classe, soit un total de vingt-quatre classes supplémentaires. ( M. le rapporteur spécial opine. )
En Meurthe-et-Moselle, département cher à M. Bernadaux, nous avons ouvert ou rouvert cinquante-deux classes !
M. René-Pierre Signé. Bravo !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Si, à la prochaine rentrée scolaire, ces deux départements sont prêts à apporter leur contribution aux économies pour ce qui est des ouvertures de classe comme des personnels ATOS dans les établissements, nous ne manquerons pas d'accorder une bienveillante attention à leurs suggestions, messieurs les rapporteurs ! (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. Vous avez hélas, raison !
M. René-Pierre Signé. C'est une bonne réponse ! Ils en restent muets !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. L'enseignement scolaire a connu dans notre pays de substantielles avancées et le Gouvernement a décidé de lui accorder les moyens nécessaires pour continuer en ce sens. Deux pourcentages témoignent de la remarquable avancée de notre système scolaire : au début des années quatre-vingt, 35 % seulement d'une génération atteignaient le niveau du baccalauréat, contre 70 % aujourd'hui. Il s'agit d'un formidable effort de la nation.
Néanmoins, trop d'élèves sortent encore du système scolaire sans qualification - 60 000 par an - et la réussite scolaire demeure encore trop largement inégalitaire. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de refaire de l'école une priorité, pour la réussite scolaire de tous, pour la lutte contre l'exclusion sociale et pour l'amélioration des conditions de vie à l'école.
Nous avons donc ouvert, avec M. Claude Allègre, un certain nombre de chantiers que la plupart d'entre vous ont évoqués de façon très complète et très intéressante. C'est pourquoi je m'en tiendrai simplement à quelques pistes d'orientation que nous avons décidé de suivre pour améliorer l'efficacité de l'école.
Dans le premier degré, par exemple, nous pensons qu'il faut recentrer l'enseignement sur les apprentissages fondamentaux, en particulier sur l'apprentissage des langages, notamment par le développement de la scolarisation précoce. Nous ferons un effort particulier pour l'accueil des enfants âgés de moins de trois ans, parce que nous savons que la maîtrise de l'expression orale et la richesse du langage dès le plus jeune âge sont le meilleur gage d'un apprentissage de la lecture réussi.
Nous voulons également apporter un soutien scolaire individualisé dès l'école élémentaire. Tous les élèves ne partent pas avec les mêmes chances mais, indépendamment de cette question de l'égalité des chances, chaque élève est unique et chaque élève a un rythme d'évolution particulier. Nous voulons donc réintroduire non seulement les évaluations, mais également leur utilisation pour aider le système scolaire à mettre en place, pour chaque élève, des itinéraires individualisés de soutien et de rattrapage.
Certains d'entre vous ont évoqué l'enseignement des sciences à l'école primaire. C'est également l'une de nos priorités, puisque l'opération « La main à la pâte », qui doit aussi être mise au service de l'apprentissage des savoirs fondamentaux, sera étendue et touchera mille classes.
Vous avez également fait référence, les uns et les autres, aux emplois-jeunes dont les bénéficiaires seront affectés en priorité dans le premier degré, afin de favoriser l'aménagement des rythmes scolaires.
Enfin, je voudrais souligner, toujours à propos du premier degré, l'effort consenti par le Gouvernement en faveur de l'école primaire, qui se traduit par le maintien d'un flux constant d'intégrations des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles. L'ouverture de négociations sur la modification du rythme et des modalités d'intégration est liée à des décisions gouvernementales qui seront prises dans le cadre de la préparation du budget de 1999. Il s'agit d'un point très sensible, sur lequel nous sommes extrêmement vigilants.
En ce qui concerne le collège, nous avons engagé une réflexion sur l'adaptation de la réforme entamée par le précédent gouvernement, afin d'y distinguer les points positifs de ceux qui méritent un réexamen. Nous ne souhaitons pas bouleverser le collège, qui a besoin de continuité.
Comme je le disais voilà un instant, certains éléments introduits récemment sont positifs : il en est ainsi, par exemple, de la mise en place des études dirigées en sixième et en cinquième ou de l'introduction d'une certaine souplesse dans les horaires d'enseignement, ce qui facilite l'adaptation à la diversité des élèves.
En revanche, nous ne voulons pas que se reconstituent les filières. Or, ici et là, elles ont tendance à réapparaître subrepticement. Nous allons donc remettre à plat l'ensemble des dispositifs, afin de voir de quelle façon nous pouvons aider les élèves en retard, sans les orienter trop précocement vers des voies sans issue.
Dans le même esprit, nous demanderons aux établissements de ne conseiller les redoublements qu'à titre tout à fait exceptionnel. C'est l'une de mes préoccupations. En effet, d'une académie à l'autre, les taux de redoublement varient beaucoup et vont parfois du simple au quadruple. Il y a donc là matière à redéfinir les itinéraires des élèves dans ce lieu central qu'est le collège, puisque c'est dans ce dernier que nos enfants sont acheminés vers la fin de la scolarité obligatoire.
Je ne m'étendrai pas sur la question du lycée. Plusieurs d'entre vous ont évoqué l'organisation de la grande consultation nationale. Cette réflexion portera essentiellement sur l'équilibre entre les différentes disciplines, le contenu des programmes, la place des options. Le lycée constitue, en effet, la passerelle entre l'enseignement obligatoire, qui se termine avec le collège, et l'enseignement supérieur.
Je voudrais évoquer un peu plus longuement, à la suite de l'intervention de M. Jean-Louis Carrère, l'enseignement technique.
Avec plus de 1,7 million d'élèves scolarisés dans l'enseignement technique contre un peu plus de 1 million d'élèves dans l'enseignement général, il est clair que l'enseignement technique tient une place majeure dans notre réflexion et doit retenir toute notre attention. Vous avez d'ailleurs été plusieurs à intervenir sur ce sujet.
La loi-cadre de 1985 intervenait alors que les besoins de l'économie dictaient de prendre des mesures de développement. C'est d'ailleurs à cette époque que furent créés les baccalauréats professionnels dont personne, aujourd'hui, ne conteste la réussite.
Douze ans après, vous suggérez, monsieur Carrère, en fonction de l'évolution de la situation, une nouvelle loi-cadre. Pourquoi pas ? Nous pouvons en effet réfléchir ensemble à la nécessité de recadrer les objectifs globaux de l'enseignement technique. Contrairement d'ailleurs à ce que certains ont dit, nous ne nous sommes pas désintéressés de ce secteur. Un travail en profondeur a été engagé, puisqu'une série de réunions de travail se déroulent actuellement au ministère.
Cependant, dans ce secteur aussi, nous voulons éviter la précipitation, car il s'agit d'un chantier difficile et qu'il ne faut pas soulever de faux espoirs.
Il est toutefois vrai que la représentation nationale devra se prononcer. C'est donc une ouverture positive que je réserve à votre proposition, monsieur Carrère.
Je veux maintenant évoquer, à propos de la lutte contre l'exclusion sociale et de la promotion de l'égalité des chances, le chantier que nous avons lancé, s'agissant des zones d'éducation prioritaires.
Ce matin, un certain nombre d'intervenants se sont inquiétés de la refonte de la carte des zones d'éducation prioritaires, craignant que l'on ne reprenne à certains pour redonner à d'autres.
Je peux les assurer que, sur ce sujet qui fait actuellement l'objet d'une étude à l'intérieur de chacune des académies, notre objectif est non pas de retirer des établissements des zones d'éducation prioritaires, mais de raccorder sous forme de réseaux certains établissements qui, aujourd'hui, souffrent de l'effet de frontière.
Il s'agit d'établissements qui sont situés à l'extérieur des zones d'éducation prioritaires et qui, paradoxalement, se sont retrouvés au fil des ans dans des situations plus difficiles que certains établissements plus protégés installés à l'intérieur des zones d'éducation prioritaires. En effet, le nombre d'élèves par classe étant limité dans les zones d'éducation prioritaires, les inscriptions se reportent sur les collèges situés à l'extérieur de la zone ; ces derniers, petit à petit, finissent par connaître une situation plus dégradée que celle du collège situé à l'intérieur de la zone d'éducation prioritaire.
Par conséquent, grâce en particulier aux nouveaux moyens mis en place dans ce projet de budget, avec la création de postes de personnel non enseignant, je souhaite créer des réseaux d'éducation prioritaires, c'est-à-dire donner de nouveaux moyens là où de nouveaux établissements seront mis en réseaux, ce qui permettra une mise en commun des moyens existants sur telle ou telle zone. Je pense ici, en particulier, à la façon dont nous pourrions créer des pôles d'éducation prioritaires, avec des écoles autour des collèges, et consacrer des moyens supplémentaires à ces réseaux, permettant une mise en commun d'autres types de personnels qui ont affaire à la même nature de public scolaire.
Chaque zone d'éducation prioritaire et chaque réseau seront conduits à mettre en place un contrat de réussite pour lequel les recteurs ont déjà reçu des instructions. Le travail a donc d'ores et dejà commencé dans les académies. Il vous appartiendra de faire remonter les aspirations de tel ou tel établissement. Quant aux élus, ils seront conduits à participer à ce travail de concertation. Un forum académique aura lieu dans chaque académie avec une conclusion nationale sous forme d'états généraux des zones d'éducation prioritaires, au printemps prochain, afin que nous puissions décider ensemble des mesures concrètes à mettre en place pour la prochaine rentrée scolaire.
Par conséquent, là aussi, le chantier de réflexion est ouvert, et je pense que nous aurons l'occasion d'en reparler.
En ce qui concerne la lutte contre l'exclusion sociale et la violence, le Gouvernement a remis en place l'éducation civique et la morale civique. Là aussi, à partir d'un travail concret dans les établissements, chaque établissement scolaire est invité à mettre en oeuvre des initiatives citoyennes pour apprendre à vivre ensemble. Il s'agit en effet non pas d'imposer un dogme d'en haut, mais, au contraire, de s'appuyer sur les initiatives de terrain, là où se fait sentir la nécessité de remettre en place dans le système scolaire des règles d'organisation et de comportement pour se respecter mutuellement.
Le plan interministériel de lutte contre la violence qui a été mis en place est déjà opérationnel dans certains établissements scolaires, et je tiens à remercier ceux d'entre vous qui ont souligné toute la portée de ce dispositif.
Enfin, la médecine scolaire est également un chantier essentiel. La santé des élèves constitue l'une des conditions fondamentales de leur réussite scolaire ; on a constaté un recul de l'état sanitaire des élèves que l'on ne peut pas accepter. La création de vacations pour la médecine scolaire, de postes d'infirmières scolaires répond à cette préoccupation. J'ajoute que, en mars 1998, un concours de médecins de l'éducation nationale sera ouvert et qu'une soixantaine d'emplois seront proposés au recrutement.
Il reste aussi tout un travail à faire pour articuler la médecine de quartier et la médecine scolaire. Là aussi, des expériences, des réalisations seront lancées dans le cadre du travail sur les zones d'éducation prioritaires.
J'en viens à la modernisation du système éducatif.
Je ne ferai que citer l'introduction des nouvelles technologies, car Claude Allègre en a parlé tout à l'heure.
Des actions ont été mises en place pour l'ouverture de l'école sur la société.
A cet égard, j'évoquerai d'abord le nouveau partenariat que j'ai instauré avec les parents d'élèves, qui sont coéducateurs des enfants ; en effet, l'école remplira d'autant mieux sa mission que les parents d'élèves seront associés à la dynamique scolaire.
En outre, nous travaillons à la démocratisation du fonctionnement des conseils d'administration et des conseils de classe, notamment dans les lycées, afin que les élèves soient également acteurs de leur évaluation et responsables de leurs choix d'orientation.
Enfin, un certain nombre d'autres domaines font également l'objet d'un travail en profondeur. Il en est ainsi de l'aménagement des rythmes scolaires, que j'ai déjà évoqué tout à l'heure. Une évaluation des différentes expériences très disparates ayant lieu sur l'ensemble du territoire est en cours, en liaison avec le ministère de la jeunesse et des sports. Une fois qu'elle sera terminée, nous serons en mesure de tracer des perspectives prioritaires tout en maintenant - je tiens à le dire - une grande liberté d'initiative sur le terrain, puisque c'est l'intérêt de l'élève qui reste au coeur du dispositif de l'aménagement des rythmes scolaires.
Ces grandes orientations, ces chantiers qui ont été ouverts s'appuient sur un budget en progression, comme vous l'avez indiqué les uns et les autres - plus de 3 % - ce qui marque une rupture par rapport aux budgets précédents.
La fin des suppressions d'emplois enseignants, la forte reprise des créations d'emploi de personnel non enseignant, la consolidation du dispositif de réemploi des maîtres auxiliaires, la participation de l'éducation nationale à la mise en oeuvre du plan emplois-jeunes et la solution apportée à des problèmes d'urgence, avec le fonds social pour les cantines, constituent des actions qui justifiaient cette priorité budgétaire dans un contexte pourtant difficile.
Ce projet de budget traduit donc une forte volonté du Gouvernement de retrouver une nouvelle ambition pour l'école.
Certains d'entre vous ont exprimé l'idée que l'efficacité du système scolaire ne se mesure pas seulement aux efforts budgétaires. C'est vrai, mais il faut aussi les prendre en considération.
Notre souci, aujourd'hui, est d'entrer dans une phase qualitative, d'orienter correctement cet effort national qui pèse d'abord et avant tout sur tous les Français. N'oublions pas que le système scolaire accueille 12,5 millions d'élèves et compte 1,2 million de salariés. C'est donc bien la première mission de la nation et un enjeu essentiel pour tout le pays que d'acheminer ces élèves vers la réussite scolaire
Nous voulons, en retrouvant cette ambition pour l'école, former le mieux possible les élèves à devenir, demain, des citoyens libres et responsables. Tel est l'enjeu de ce projet de budget.
Je tiens, pour terminer, à remercier tous ceux d'entre vous qui ont contribué au travail que nous vous présentons aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'éducation nationale, la recherche et la technologie : I. - Enseignement scolaire.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 1 768 000 360 francs. »

Par amendement n° II-8, MM. Lambert et Ostermann, au nom de la commission des finances, proposent de réduire les crédits figurant au titre III de 1 914 000 000 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à moins 145 999 640 francs.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons le premier amendement de réduction des crédits qui fait l'objet du débat démocratique entre la Haute Assemblée et le Gouvernement depuis le début de la discussion budgétaire.
L'amendement que j'ai l'honneur de présenter au Sénat est la traduction de la recommandation de la commission des finances à notre assemblée, qui a bien voulu, dans sa majorité, la suivre, visant à réduire les dépenses de l'Etat. Cette réduction doit être appliquée à la quasi-totalité des budgets.
Nous discutons aujourd'hui du budget de l'enseignement scolaire, au sein duquel, comme dans les autres budgets, peuvent être réduites certaines dépenses, tout en préservant les besoins soigneusement évalués d'encadrement des élèves.
En effet, le projet de loi de finances prévoit non seulement le maintien du nombre de recrutements au niveau de 1997, c'est-à-dire environ 25 000 nouveaux stagiaires, mais de surcroît la création de 1 320 emplois de personnel non enseignant.
Il a semblé à la commission des finances que ces réductions étaient possibles au regard, d'une part, de l'évolution prévisible des effectifs d'élèves scolarisés pour les années à venir et, d'autre part, de la progression très rapide du budget de l'enseignement scolaire, qui a augmenté de 100 milliards de francs en dix ans !
La commission des finances pense qu'il est possible de réduire d'un tiers le nombre des postes ouverts dans les différents concours de recrutement d'enseignants et de contenir le montant des crédits consacrés aux heures supplémentaires d'enseignement.
De l'avis de la commission des finances, quatre éléments autorisent ce choix.
Le premier est que la réduction d'un tiers du calibrage des concours est compatible avec les besoins d'enseignement à la rentrée 1998 tels qu'ils sont évalués par la direction de l'évaluation et de la prospective du ministère de l'éducation nationale.
Le deuxième élément, c'est que le ministre lui-même admet que des économies sont réalisables sur le mode de rémunération des heures supplémentaires - année, les HSA. Ainsi, les services de l'éducation nationale estiment que la rémunération de ces heures sur la base de trente-six semaines ouvrées, au lieu de quarante-trois comme c'est le cas aujourd'hui, permettrait une économie de 944 millions de francs. Au surplus, l'utilisation de 90 000 heures supplémentaires pour financer le réemploi de 25 000 maîtres auxiliaires prouve que des marges de manoeuvre existent sur ce poste budgétaire.
Le troisième élément tient au fait que la réduction des crédits de 2,1 milliards de francs préserve la croissance des crédits du budget de l'enseignement scolaire puisqu'ils continueront à progresser de 2,4 % au lieu de 3,15 %. Il s'agit en réalité de contenir la progression de ces crédits à 6,6 milliards de francs au lieu de 8,7 milliards de francs.
Enfin, et c'est là un argument de poids aux yeux de la commission des finances, le montant des annulations de crédits intervenues depuis le premier arrêté d'annulation du 9 juillet dernier atteint déjà, sur le budget de l'enseignement scolaire, 1,42 milliard de francs.
Je sais qu'il me sera objecté tout à l'heure que d'autres crédits ont été affectés à ce secteur. Mais ce montant représente plus des deux tiers des économies que la commission des finances propose au Sénat de faire aujourd'hui pour le budget de l'année prochaine. Sur ces annulations, 430 millions de francs de crédits ont porté sur le chapitre consacré à la rémunération des heures supplémentaires et 300 millions de francs sur les chapitres destinés à rémunérer les personnels enseignants.
J'ajoute à l'intention du Gouvernement que la commission des finances du Sénat est d'autant plus confiante dans la voie qu'elle propose que ce n'est pas une position nouvelle de sa part : elle la soutient sans réserve depuis plusieurs années déjà.
La qualité du débat démocatique ne sera pas enrichie par l'ironie que l'on peut être tenté de faire sur ces réductions de crédits : je suis prêt à lire devant le Sénat la liste des crédits du budget de l'éducation nationale qui ont été annulés par le gouvernement actuel depuis sa prise de fonction.
M. Alain Gérard. Ce serait intéressant !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Ainsi que j'ai eu l'honneur de vous le dire, monsieur le ministre, lors de votre audition avec Mme le ministre délégué devant la commission des finances du Sénat, la responsabilité que vous avez dans ce ministère est immense, et vous en êtes d'ailleurs tout à fait conscient. Vous aurez remarqué que vos propos ont été applaudis, ce matin, sur nombre de travées.
M. Jean-Louis Carrère. Pas pour les mêmes raisons !
M. Alain Lambert, rapporteur général. En effet, votre responsabilité est immense, d'abord parce que vous avez en charge la ressource humaine de l'Etat la plus nombreuse et, ensuite, parce que la mission qui lui est confiée est la plus importante de toutes : celle de former les jeunes, de les préparer à leur avenir et de préparer l'avenir de la France.
Devant un si grand enjeu, devons-nous résumer le débat exclusivement en termes quantitatifs, en termes de crédits budgétaires ? Je crois que ce serait ramener cet enjeu à un niveau certes important, mais qui n'est pas le sien.
Le bon emploi des crédits, l'optimisation des moyens mis en oeuvre pour assurer effectivement l'avenir des jeunes est une responsabilité collective dont nous devons pouvoir débattre sans nous excommunier respectivement. C'est ce que la commission des finances fait, sereinement, sans excès, avec la modération que vous lui connaissez.
La commission conçoit que sa proposition puisse faire l'objet de critiques. En effet, dans notre pays, un bon budget est un budget qui augmente. Mais cela n'est possible que lorsque la croissance le permet ; cela était plus facile encore lorsque l'inflation le permettait. Nous n'avons pas encore totalement intégré, certaines données nouvelles : la stabilité de nos monnaies, le fait que la croissance n'est plus ce qu'elle était et le fait que nous sommes aujourd'hui dans un monde ouvert.
Or, pour préparer nos jeunes à l'ouverture du monde, nous devons faire en sorte que les coûts fixes de leur pays ne soient pas plus élevés que ceux des autres pays, sinon nous aurons peut-être bien formé les jeunes mais ils vivront dans un pays qui ne sera plus compétitif et qui n'aura plus aucune chance. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Avis défavorable.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le rapporteur général, je vous dirai d'abord que ce budget est en augmentation raisonnable.
J'ajouterai que le Gouvernement intègre parfaitement deux éléments.
Le premier est la modération de la progression du budget de l'Etat. La preuve en est qu'il a réussi - ce que les précédents gouvernements n'avaient pas su faire - à respecter le critère de convergence de Maastricht, aux termes duquel la dette nationale ne doit pas dépassé 3 % du PIB. Je ne reviendrai pas sur les efforts que nous avons été obligés d'accomplir pour y parvenir.
Le second élément est que le Gouvernement est conscient que l'amélioration de la situation de l'éducation nationale ne se pose pas seulement en termes quantitatifs, je l'ai dit tout à l'heure, après l'avoir déjà dit devant les commissions du Sénat et également à l'occasion d'interventions publiques.
En l'état actuel des choses, compte tenu du fait qu'un certain nombre de postes ne sont pas transférables, qu'un certain nombre d'habitudes ont été prises et qu'un certain nombre de dysfonctionnements du système n'ont pas été corrigés, notamment pendant la période précédente, quand la croissance des populations commençait à se tasser, je pense qu'il n'est pas possible d'accepter les réductions que vous proposez. Je serai très explicite : il est impossible de transformer des professeurs d'éducation physique en professeurs de mathématiques et des professeurs de mathématiques en médecins scolaires, qui nous font cruellement défaut ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-8.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Je dois avouer mon étonnement face à l'amendement qui nous est proposé par la majorité sénatoriale car il ne vise à rien de moins qu'à réduire de 1,914 milliard de francs les moyens en personnels de l'éducation nationale.
L'argument, lapidaire dans sa formulation, s'appuie sur la notion combien de fois entendue au cours de ces dernières années, de maîtrise des dépenses de l'Etat. Outre que cela revient à considérer l'investissement éducatif comme une dépense - et, sur ce point, il y aurait beaucoup à dire - il me conduit à poser une question, la même que vous, madame la ministre : que faut-il, selon vous, supprimer, mes chers collègues ? Les postes d'infirmières, les postes de conseillers d'éducation ou de conseillers d'orientation, les postes d'enseignants ou de personnels qui doivent faire face, dans des conditions difficiles, à l'exercice d'un enseignement rendu périlleux du fait de la mal-vie dans notre société ? Dites-moi un peu !
Peut-on dire, comme je l'ai entendu ce matin, qu'il faut privilégier les ZEP et, dans le même temps, sous prétexte d'équilibre budgétaire, comptable très souvent, trop souvent même, à court terme procéder à des coupes claires dans le budget de l'enseignement scolaire ?
Peut-on s'alarmer, comme il convient d'ailleurs de la faire, de la montée de la violence dans les établissements scolaires et annihiler toute tentative de renforcer la présence du monde adulte auprès des jeunes ?
Il y a loin de ces mesures à la logique, mes chers collègues.
Nous ne demandons pas, nous, la suppression des heures supplémentaires. Nous demandons leur transformation en emplois, afin de promouvoir un enseignement de qualité. Nous souhaitons également une revalorisation suffisante des salaires des enseignants. C'est, vous en conviendrez, bien différent.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet amendement et nous demandons d'ailleurs que ce vote fasse l'objet d'un scrutin public.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il a déjà été demandé !
Mme Hélène Luc. Ainsi, les familles et les parents d'élèves apprécieront à leur juste valeur l'intérêt accordé à la priorité de l'enseignement.
M. Ivan Renar. Très bien !
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je fais partie, comme la majorité de mon groupe, de la majorité sénatoriale. Nous sommes parfaitement conscients de la nécessité de réduire les dépenses de l'Etat, en particulier sur les budgets qui ne présentent pas un caractère régalien. Il me semble que, compte tenu de l'importance de l'éducation nationale dans la nation, ce caractère régalien peut lui être appliqué.
Certes, l'augmentation du budget, même si elle est, comme le dit M. le ministre, mesurée, est importante.
Nous sommes tous conscients - M. le ministre l'a démontré - des dysfonctionnements du système. Pourtant, mes chers collègues, pour prendre une image nautique, un grand pétrolier ne peut pas virer de bord très rapidement : il lui faut de l'espace et du temps. Le système éducatif a commencé à virer de bord avec le ministère précédent ; François Bayrou, dont l'action a d'ailleurs été soulignée par les ministres actuels, avait déjà commencé à « virer de bord ».
Je pense qu'un bon budget de l'éducation ne correspond ni à un budget en croissance ni à un budget en décroissance, mais retrace des projets d'amélioration pédagogique, et j'ai salué ce matin certains aspects de rénovation pédagogique qui avaient été initiés par M. François Bayrou et qui sont poursuivis et développés par M. Claude Allègre.
M. le ministre a évoqué la formation des emplois-jeunes dans le secteur prioritaire des nouvelles technologies. Je souhaiterais qu'une part très notable des nombreux emplois-jeunes puisse être orientée vers ce secteur, où, nous le savons tous, la France va avoir besoin de centaines de milliers d'emplois ; nous savons aussi que les jeunes sont susceptibles d'apprendre très rapidement dans ce domaine, même lorsque leur niveau d'éducation de base n'est pas très élevé, et a fortiori s'ils détiennent déjà un diplôme.
Nous savons également tous que la déconcentration du système éducatif en vue d'une plus grande proximité vis-à-vis des populations et de plus de régionalisation est un élément important.
Compte tenu des initiatives déjà prises, je fais confiance à l'orientation donnée au budget et me prononcerai contre l'amendement de la commission, en regrettant, comme d'autres membres de mon groupe, de me séparer sur ce point de la majorité sénatoriale. J'indique cependant que, s'agissant de l'acte politique majeur qu'est le vote de l'ensemble d'un budget, je rejetterai finalement le projet de budget pour 1998 qui nous est présenté.
Mme Hélène Luc. Ça, c'est la sagesse du Sénat !
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Je suis un peu étonné que l'on mette tant de talent à défendre une argumentation qui est dépourvue de tout fondement. Je m'en expliquerai brièvement.
Je suis avec attention, pour des raisons à la fois professionnelles et culturelles, les travaux de tous les ministres de l'éducation nationale successifs. C'est la première fois, depuis que je m'y intéresse d'aussi près, c'est-à-dire depuis quand même de nombreuses années, que j'entends deux ministres dénoncer ce qu'il convient d'appeler les dysfonctionnements du système et essayer d'y porter remède, ce qui leur est d'ailleurs reproché par une fraction importante de la majorité sénatoriale, d'où une nouvelle incohérence, une nouvelle inconséquence : certains font grief au Gouvernement de son action, d'autres souhaitent que celle-ci soit plus rapide.
Le Président de la République a décidé de dissoudre l'Assemblée nationale au mois que vous savez. Il a fallu organiser des élections et élaborer un projet de budget. Sa progression est tout à fait maîtrisée puisqu'elle s'inscrit, comme l'a dit M. le ministre, dans une hausse globale qui nous permet tout à fait de satisfaire aux critères de convergence.
Les objectifs de ce projet de budget sont clairement énoncés : résorber les dysfonctionnements et, au-delà, assurer l'évolution de notre système éducatif et l'accomplissement de ses tâches essentielles.
Je ne peux pas croire que, pour des raisons politiciennes, on ampute purement et simplement les crédits d'un budget aussi important que celui de l'éducation nationale, d'autant plus que les moyens font défaut dans certains secteurs.
Je regrette qu'un tel amendement ait été déposé. Je m'en suis déjà expliqué devant la commission des affaires culturelles, avec une grande modération d'ailleurs. Je le redis en séance, avec modération également, parce que j'ai appris, après avoir passé quelques années parmi vous, à maîtriser mon ton.
Je reconnais objectivement, conscient de l'image de notre assemblée dans l'opinion publique, conscient du regard que portent les Françaises et les Français sur le Sénat de la République, que d'excellents arguments, une bonne méthode, un bon travail pourraient continuer de conférer à notre Haute Assemblée le prestige qu'elle a et qu'elle doit garder. En revanche, permettez-moi de le dire sans aucune irrévérence, un argument comme celui que vous employez me paraît de nature à porter un coup à la perception qu'auront les Françaises et les Français du Sénat de la République. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste, républicain et citoyen.)
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Je n'ai pas reçu mission de parler au nom des silencieux de mon groupe, mais je dois à la vérité de dire deux évidences.
La première, c'est qu'aucun d'entre nous ne peut douter de la loyauté, du désintéressement, du patriotisme tant du président de la commission des finances que de son éminent rapporteur général, notre ami Alain Lambert.
Mais que l'un et l'autre me permettent de leur dire que je ne partage pas les fondements de l'analyse intellectuelle qui leur fait considérer comme un devoir prioritaire, sur trop de budgets, au motif qu'il est nécessaire de réduire le déficit budgétaire, de sacrifier des dépenses qui sont vitales pour notre avenir ! Je crains d'ailleurs que leurs propositions de réduction ne soient très mal perçues de l'opinion publique !
Mme Hélène Luc. Ça, c'est clair !
M. Claude Estier. Très bien !
M. Emmanuel Hamel. Je ne suis pas par nature un démagogue. Vu mon âge, ma sénescence et ma déliquescence (Bruyantes dénégations), il m'est interdit de me représenter aux prochaines élections. Je suis donc totalement désintéressé dans mon propos.
L'idée que je me fais de la France est que, au-delà des nécessités évidentes, tenter de réduire l'évolution des dépenses publiques, tenter d'avoir une monnaie respectée, tenter d'alléger le poids croissant et douloureux de la dette publique, au-delà des considérations financières et monétaristes, au-delà de la prise en considération du regard des marchés financiers, nous avons le devoir vis-à-vis de nous-mêmes, pour notre France, de faire en sorte que le fondamental soit assuré et que ne soient pas sacrifiées des ambitions légitimes, notamment l'amélioration de l'éducation des enfants.
Oh ! je sais bien qu'il ne suffit pas d'accroître un budget pour qu'il soit bon. Mais ici, dans ce secteur, proposer au Sénat la réduction - presque systématiquement, en fonction d'une philosophie de réduction du budget - des crédits du ministère de l'éducation nationale, personnellement, je ne peux pas l'assumer !
Je déplore fondamentalement cette analyse car notre majorité sera jugée sur le fait qu'elle demande des réductions de crédits dans des secteurs que l'opinion nationale considère, à juste titre, comme vitaux. C'est la raison pour laquelle, à mon infini regret, je ne puis m'associer à l'amendement de réduction des crédits de ce ministère.
Je vous demande, monsieur le ministre, de gérer le mieux possible ces crédits. N'oubliez jamais, dans l'exercice de votre responsabilité relative à la promotion de l'éducation nationale, que celle-ci a un coût et qu'il faut, dans votre secteur comme dans tous les autres, gérer au mieux la dépense publique. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Adrien Gouteyron. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est vrai que nous sommes à un moment important du débat budgétaire - M. le rapporteur général l'a dit tout à l'heure - puisque nous assistons en fait à la première traduction de l'option qui a été prise et défendue lors de l'examen des crédits de la première partie du projet de loi de finances.
Il est vrai aussi que la majorité sénatoriale n'a pas choisi la facilité. Il est plus facile, on le sait, de dire : « toujours plus de crédits, toujours plus d'enseignants », que de se demander comment mieux éduquer, comment mieux encadrer, coment mieux guider, comment mieux former.
Je reconnais que la qualité du débat et l'absence d'acrimonie dans les interventions sont tout à fait remarquables. Mais on ne me fera pas croire que, sur un budget de presque 286 milliards de francs pour l'enseignement scolaire, il n'est pas possible de faire un certain nombre d'économies.
Mes chers collègues, nous sommes comptables du décalage entre les moyens que la nation accorde à l'éducation nationale et la manière dont ces moyens sont utilisés. Je vais prendre quelques précautions après avoir prononcé cette phrase, en m'appuyant d'ailleurs sur vos propos, monsieur le ministre, puisque vous êtes le premier à constater ce décalage et, souvent, à vous en irriter.
Si nous en sommes là, ce n'est évidemment pas la faute des enseignants, ce n'est évidemment pas la faute de tous ceux qui participent à l'action éducative, c'est le résultat de l'évolution d'un système qui a eu sa grandeur, qui l'a encore sans doute, mais qui a perdu beaucoup de son efficacité.
Je vais voter l'amendement de la commission des finances.
Monsieur le ministre, j'espère que vous avez été sensible aux applaudissements qui ont accueilli vos propos. Nous sommes nombreux, certainement une très grande majorité au Sénat, sans doute aussi à l'Assemblée nationale, plus encore dans le pays, à approuver la plupart de vos déclarations d'intention. Nous espérons que ces déclarations sont l'expression d'une véritable volonté.
Il n'empêche que le moment est peut-être venu, à l'occasion de ce signal que veut donner le Sénat, d'exprimer un certain nombre de souhaits.
Madame la ministre, monsieur le ministre, ne croyez-vous pas qu'il soit nécessaire de faire en sorte que vos propos foisonnants, votre démarche ambitieuse trouvent un sens plus profond et plus facile à saisir par l'opinion elle-même en les inscrivant dans un calendrier ? Il ne s'agit pas de nous enfermer dans un calendrier, mais de nous fixer des objectifs. En effet, on a parfois envie de vous dire, monsieur le ministre : « qui trop embrasse mal étreint ». Comment allez-vous faire pour mettre sur le métier tous ces ouvrages à la fois ?
Monsieur le ministre, vous lancez beaucoup d'idées et d'actions nouvelles qui sont nécessaires. Ne faut-il pas veiller à en préciser, au moins dans leurs grandes lignes, les modalités ?
Vous engagez une action en faveur des technologies de communication, des technologies nouvelles. C'est une nécessité, et les collectivités locales sont prêtes à relayer l'effort de l'Etat. Encore faut-il savoir exactement ce que l'on veut, quelles seront ses conséquences sur les programmes et avec quels enseignants cette action sera menée.
Par ailleurs, monsieur le ministre, pouvez-vous, s'il vous plaît, faire en sorte que vos décisions donnent lieu à un compte rendu précis devant le Parlement lorsqu'elles sont importantes, budgétairement importantes.
En disant cela, je pense au réemploi de 28 000 maîtres auxiliaires.
Il est dit, ici et là : attention, on ne sait que faire de ces personnels et certains restent chez eux. Les recteurs doivent vous informer. Vous leur avez d'ailleurs demandé, par circulaire, de faire remonter les informations et de vous rendre compte de la manière dont les choses se passent dans les académies. Vous devez, monsieur le ministre, faire remonter l'information jusqu'au Parlement car votre décision n'est pas budgétairement neutre.
Nous sommes intéressés par tout ce que vous pourrez nous dire à ce sujet.
Enfin, madame la ministre, monsieur le ministre, quand on traite de sujets aussi importants - et nous adhérons à vos propos - que la morale à l'école, l'éducation à la citoyenneté, l'instruction civique, il est nécessaire de bien préciser les choses, de distinguer ce qui relève de l'éducation et du comportement. Et l'on peut penser que l'essentiel, madame la ministre, se fait à l'école et au collège, même si, évidemment, on ne peut pas l'ignorer aux autres niveaux.
Il faut distinguer cette éducation comportementale - permettez-moi d'employer cette expression qui n'est pas belle - de l'instruction civique proprement dite, qui a été en effet trop longtemps négligée et qui, quand elle a été assurée, l'a été mal ; il faut vous donner les moyens de l'assurer.
Il faut enfin distinguer ces deux premiers plans d'un troisième dont a parlé, me semble-t-il, M. le ministre lors du débat sur l'éducation au Sénat, et qui est l'introduction de la philosophie à d'autres niveaux que celui de la classe de terminale. Ce sera l'occasion de donner le substrat sinon idéologique - le mot n'est pas beau non plus - au moins philosophique, les fondamentaux sur lesquels chacun peut s'appuyer.
Vous avez dit vous-même, madame la ministre, qu'il n'était pas facile de dégager dans un pays comme le nôtre des valeurs communes ; c'est vrai.
M. le président. Veuillez conclure, monsieurGouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Je conclus, monsieur le président.
C'est une raison supplémentaire pour bien associer toutes les parties intéressées afin que la nation tout entière se retrouve dans ce que vous voulez faire, bref y trouve son compte.
Je terminerai en disant...
M. le président. Monsieur Gouteyron, vous avez largement dépassé le temps de parole qui vous était imparti pour une explication de vote.
M. Adrien Gouteyron. ... que je souhaite que le vote du Sénat soit interprété comme un signal donné aux responsables de l'éducation, un signal donné également aux enseignants de la vigilance avec laquelle nous souhaitons suivre tout ce qui se passe dans les établissements scolaires, auxquels nous sommes si attachés. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur le ministre, vous avez indiqué tout à l'heure que les réductions de crédits qui sont proposées ne sont pas opératoires, qu'il ne vous semble pas possible de les appliquer telles qu'elles vous sont soumises.
Nous sommes dans un exercice budgétaire. Nous devons respecter les règles de la discussion budgétaire qui sont fixées par la Constitution et par l'ordonnance portant loi organique.
Nous essayons de nous y tenir, et ce loyalement, c'est-à-dire sans essayer ni de masquer ni de fuir nos responsabilités, l'honneur en politique étant effectivement d'assumer totalement ses responsabilités.
Cela étant, monsieur le ministre, si la croissance n'est pas au rendez-vous - ce qu'à Dieu ne plaise - si elle n'atteint pas le niveau que nous espérons tous, il faudra inévitablement procéder à des régulations dans un premier temps et à des annulations ensuite. Vous serez obligé, comme tous les autres ministères, de procéder à des ajustements, comme vous avez déjà été obligé de le faire !
S'il vous apparaît que de meilleurs arbritrages sont possibles, le Sénat lui-même sera à vos côtés pour les approuver. Vous êtes l'exécutif, et il est bon que vous puissiez employer les crédits au meilleur usage.
Monsieur Carrère, je voudrais vous dire que vous êtes plus redoutable quand vous êtes modéré que lorsque vous laissez exploser votre passion. (Rires sur les travées socialistes.)
Il y a un seul mot que je n'ai pas trouvé juste dans votre intervention, c'est le mot « politicien ».
En revanche, il y a une chose qui est vraie : vous avez signalé que la nation et le Parlement sont sensibles à la liberté de parole du ministre, qui suscite la sympathie.
Dans un vieux pays comme le nôtre, où nous sommes souvent contraints à un certain rituel, il est bon, parfois, que l'on nous secoue, pour que nous disions les choses un peu plus nettement et pour que nous fassions progresser le pays.
M. François Trucy. Très bien !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Monsieur Carrère, il faut que nous soyons conscients d'une chose - et cette remarque vaut pour M. Hamel et pour tous ceux de nos collègues qui se sont exprimés contre cet amendement - est-ce que ce que nous faisons, nous qui sommes souvent parents, parfois grands-parents, est bien pour nos jeunes ?
Mes chers collègues, le moment où j'ai le plus souffert - moment que j'ai qualifié de lâcheté dans mon intervention lors de la discussion générale - c'est lorsque, n'ayant pas voulu les supporter nous-mêmes, nous avons osé renvoyer aux générations futures, à partir de 2004, donc à nos enfants, 87 milliards de francs de dépenses de santé !
Mme Hélène Luc. On aurait pu faire autrement !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Vous vous indignez aujourd'hui, madame Luc, que nous retranchions deux milliards de francs de crédits alors que, sans aucun état d'âme, en quelques instants, nous avons renvoyé à nos enfants dont nous parlons aujourd'hui avec émotion, ces 87 milliards de francs que nous n'avons pas eu le courage d'assumer nous-mêmes !
Voilà pourquoi, mes chers collègues, je n'ai pas honte, voilà pourquoi je pense, au contraire, assumer pleinement mes responsabilités au nom de la commission des finances en demandant que le Sénat, au moins dans sa majorité, adopte une telle réduction de crédits ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il y a des élections au mois de juin, et vous verrez que les Français veulent autre chose !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je crois que la représentation nationale sait combien je suis attaché au dialogue démocratique. Je l'ai démontré au Sénat, où je suis venu à plusieurs reprises, tant en commission, où j'ai répondu, avec ma collègue Mme Ségolène Royal, à toutes les questions que vous me posiez, où j'ai écouté vos observations, vos remarques, vos suggestions, dont j'ai tenu compte - et je vais vous le montrer dans un instant - qu'en séance publique, puisque j'ai accepté de participer à un débat préliminaire pour discuter, jusqu'à une heure avancée de la nuit, de questions essentielles concernant l'éducation ; ce débat fut grave et riche.
Tout à l'heure, vos interventions, leur tonalité, de même que - je ne sais pas si je peux m'en réclamer - vos applaudissements, ont traduit cette attitude ouverte de part et d'autre.
Alors, maintenant, j'avoue que je suis un peu surpris.
Je pourrais tout d'abord souligner le fait que votre amendement est juridiquement irrecevable. Il l'est en effet, puisque, pour qu'un amendement soit recevable, il doit préciser la réduction des crédits chapitre par chapitre ; les chapitres sur lesquels vous opérez des réductions doivent être identifiés précisément, ce qui n'est pas le cas.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Seule une juridiction constitutionnelle pourra statuer sur ce point !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Mais je ne vais pas me situer sur ce terrain.
A la seule lecture du compte rendu des débats, tout le monde comprendra, compte tenu précisément du climat extrêment détendu dans lequel se sont déroulés tous les débats que nous avons eus jusqu'à maintenant, que notre divergence tient non pas à un problème de fond, mais au fait que vous appartenez à une autre majorité politique.
Un orateur a employé le terme de « politicien ». Je n'irai pas jusque-là. Je préfère parler d'une majorité sénatoriale qui, obéissant à une certaine logique, est conduite, dans un certain nombre de discussions, à se contredire elle-même.
Je vais donc vous faire des propositions, parce que, toujours, je veux être positif et parce que notre intérêt n'est pas de nous livrer à une guerre politique ; il est bien plutôt d'améliorer le système éducatif de notre pays.
Monsieur Gouteyron, vous ne pouvez pas, dans le même discours, me demander des précisions sur ce que je compte faire dans les domaines des technologies nouvelles ou des programmes et réclamer que soient prises en compte les multiples expériences qui sont menées. Je ne peux pas vous donner de précisions, précisément parce que je veux tenir compte du débat démocratique, de la décentralisation et de toutes les expériences engagées ! Ne me demandez donc pas d'adopter une attitude jacobine : je ne suis pas jacobin ! C'est bien pourquoi je prends en compte les réalités du terrain, sur les nouvelles technologies comme sur les programmes !
Vous m'avez aussi demandé des informations exactes sur le réemploi des maîtres auxiliaires. Je considère que la représentation nationale a droit à toutes les informations, et je ferai en sorte que vous les obteniez !
Vous m'avez parlé de l'instruction et de la morale civiques. Je vais vous faire une proposition : je suis prêt à soumettre au Parlement les programmes de cet enseignement, afin que vous puissiez non seulement faire des remarques, tant sur la forme que sur le fond, mais aussi vous assurer qu'ils correspondent effectivement à l'idéal républicain. La morale civique étant fondamentale, je ne trouve pas anormal que la représentation nationale, qui, par nature, représente le pays, puisse se prononcer sur le contenu d'un tel enseignement.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je voudrais, en conclusion, vous laisser face à votre conscience.
M. le Président de la République, dans une expérimentation qui s'est avérée hasardeuse, a dissous l'Assemblée nationale. Mais il n'a pas dissous le Sénat ! Par conséquent, c'est bien le même Sénat qui a discuté et voté les budgets précédents ! Alors, je vous le demande : pourquoi avez-vous laissé M. Balladur vous présenter un déficit de 4,7 % deux années consécutives ?
M. Denis Badré. Il était de 5,6 % en 1993 !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Pourquoi avez-vous laissé M. Juppé proposer un déficit supérieur à ce que les critères de Maastricht autorisent ?
M. Denis Badré. Nous l'avons réduit de deux points en deux ans !
M. Emmanuel Hamel. Ils héritaient de votre gestion pendant la période 1988-1993 !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur Badré, vous me donnez l'occasion, et je vous en remercie, de vous dire que j'avance des éléments précis, car vous pensez bien que j'ai pris soin de vérifier : vous n'avez pas proposé de réduire les crédits du budget présenté par M. Bayrou !
M. Denis Badré. Parce que nous le trouvions bon !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Vous le trouviez bon ? Proportionnellement, il était le même !
Vous démontrez ainsi que votre vote est purement politique ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Claude Estier. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. A vous d'assumer. Quant à moi, cela ne changera pas mon attitude de dialogue avec la représentation nationale, parce que je crois à la République.
Mais pour la recherche, la technologie et l'éducation, qui sont des priorités de la nation, ne croyez-vous pas - je vous renvoie à nouveau à votre conscience - qu'il serait bon de faire taire les divisions partisanes, afin que l'école de la France retrouve la première place ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-8, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des finances, l'autre, du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 24:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 308
Majorité absolue des suffrages 155
Pour l'adoption 205
Contre 103

Mme Hélène Luc. Les choses progressent, la sagesse gagne !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.
M. Jean-Louis Carrère. Le groupe socialiste vote contre !

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 1 319 147 181 francs. »

Sur ces crédits, la parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Depuis la décision prise par le gouvernement précédent de transférer la bourse des collèges à la caisse d'allocations familiales, je n'ai eu de cesse, avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen, de dénoncer ici le caractère pervers de cette mesure et ses conséquences dramatiques sur la fréquentation de la demi-pension au collège.
L'émotion et la colère partagées par nombre de nos collègues et par l'opinion en général face à ces situations insupportables d'enfants ne pouvant plus manger à leur faim n'avaient pas empêché, à l'époque, le ministre de dire que je faisais du « misérabilisme ». Hélas ! ce n'était pas vrai.
Cette émotion et cette colère m'apparaissent d'autant plus fondées que, dans le Val-de-Marne, avec le conseil général, nous avons mis en place une politique d'aide aux familles qui a été bénéfique puisque une hausse de 38 % de la fréquentation a été constatée.
Cette remontée démontre bien que la fréquentation des cantines dépend fortement de leur coût.
Aujourd'hui, le Gouvernement, sensibilisé à cette grave question, a décidé - et avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen je m'en réjouis - de rétablir les bourses des collèges versées directement aux établissements et à débloquer une somme de 250 millions de francs affectée à un fonds spécial.
C'est un progrès indiscutable, mais il faut aller plus loin en revalorisant significativement les bourses des collèges, limitées aujourd'hui à 300 francs en moyenne, et définir des critères précis d'attribution des fonds sociaux pour que l'équité soit respectée et que tous les ayants droit puissent en bénéficier.
Au-delà, il me paraît souhaitable de réfléchir à l'instauraction du paiement mensuel des factures de cantine, factures dont le montant pourrait être modulé en fonction des ressources de chaque famille, comme cela est fait en fonction du quotient familial en primaire et maternelle.
Je sais qu'il appartient déjà aux collèges de décider de l'instauration de ce paiement mensuel, mais le Gouvernement pourrait les y encourager, en tout cas y encourager les académies.
A côté de ce fonds de solidarité pour les cantines, la famille peut aussi, vous le savez, avoir recours au fonds social collégien, qui prend en charge les frais inhérents à la scolarité - achats de livres, de vêtements professionnels, etc. - et permet de financer sorties pédagogiques ou voyages.
Nul ne doute de l'utilité d'un tel fonds. Pourtant, il semble bien qu'un redéploiement de crédits, à concurrence de 100 millions de francs, ait été prévu à l'intérieur du chapitre 43-71, au profit du fonds social pour les cantines et peut-être au détriment du fonds social ; mais je n'en suis pas sûre ; c'est pourquoi je vous pose la question, madame la ministre : où a été pris ce crédit de 100 millions de francs ?
Cette démarche nous préoccupe. C'est pourquoi je tenais à vous demander les éclaircissements nécessaires.
Les dispositions prises vont dans la bonne direction. Il faudra désormais s'attacher à garantir l'accès de tous les enfants à la restauration dans sa dimension tant quantitative que qualitative ; cette action ne saurait reposer uniquement sur une aide sociale attribuée selon le bon vouloir du chef d'établissement ; elle devra s'appuyer sur des critères précis. C'est de cette façon que nous avons procédé au conseil général du Val-de-Marne afin que cette prestation apparaisse non plus comme une aide sociale versée à qui l'on veut, mais comme un droit auquel les enfants doivent pouvoir accéder.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Je tiens tout d'abord à remercier Mme la sénateur du soutien qu'elle apporte à l'action du Gouvernement concernant la mise en place du fonds social pour les cantines.
Vous souhaitez, madame Luc, que l'on institue le paiement mensuel des cantines. En effet, la question se pose car les familles ont du mal à acquitter en une fois les paiements trimestriels qui représentent souvent des sommes très importantes pour elles. Je pense même que nous pourrons envisager, dans certains cas, le paiement au repas afin que les familles puissent gérer au mieux leurs disponibilités.
Vous avez évoqué la question du redéploiement de certains crédits sur le fonds social pour les cantines. Je vous assure que rien n'a été pris au fonds social collégien comme cela avait été envisagé au départ ; nous nous y sommes fermement opposés.
En revanche, a été redéployée une somme de 60 millions de francs qui provient d'un reliquat des crédits affectés aux bourses, ce reliquat étant dû à une baisse des effectifs des élèves boursiers.
Mme Hélène Luc. Il faut augmenter les bourses !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Nous le souhaitons également, mais le débat budgétaire que nous venons d'avoir a montré que nos marges de manoeuvre étaient restreintes. Nous comptons bien, lors de la préparation du prochain budget, remettre à plat l'ensemble des dispositifs sociaux.
Enfin, je me réjouis de l'augmentation de 38 % de la fréquentation des cantines dans votre circonscription. Pour notre part, nous sommes en train d'effectuer un bilan de l'efficacité du fonds social pour les cantines en faveur d'enfants qui, jusqu'alors, ne mangeaient pas à leur faim.
Mme Hélène Luc. Merci, madame la ministre.
M. le président. Par amendement n° II-9, MM. Lambert et Ostermann, au nom de la commission des finances, proposent de réduire les crédits figurant au titre IV de 252 000 000 francs.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Cet amendement est nécessaire au respect du principe de la parité entre l'enseignement public et l'enseignement privé.
Il a été fait état tout à l'heure des règles de constitutionnalité. Si le Conseil constitutionnel vient à statuer sur les textes adoptés, nous verrons bien ! En tout cas, notre lecture des règles de constitutionnalité m'oblige à présenter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Il est assez paradoxal de voir la majorité sénatoriale proposer une diminution des crédits dévolus à l'enseignement privé. Au demeurant, par cohérence avec la position du Gouvernement sur l'amendement précédent, j'émettrai un avis défavorable.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je sais que le temps nous est compté, mais, tout à l'heure, j'ai indiqué qu'à l'ironie, je répondrais pas par l'ironie - telle n'est pas l'habitude au Sénat -, mais en replaçant les débats là où ils doivent se situer.
Madame le ministre, mon interprétation personnelle de la Constitution me conduit à dire que nous ne sommes même pas obligés de motiver aussi précisément nos amendements. Comme nous voulons assumer pleinement nos responsabilités, parce qu'il y va de l'honneur du Sénat, nous avons choisi de donner ces indications dans l'exposé des motifs.
Quoi qu'il en soit, si, dans un instant - vous en avez le pouvoir - vous nous proposez une augmentation des crédits de l'enseignement privé, je m'engage, pour ce qui me concerne, à la voter. Alors, chiche ! (Sourires.)
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Monsieur le rapporteur général, je me détermine sur les amendements que vous présentez. Chacun a pu voir qu'à l'instant vous nous avez proposé une diminution des crédits affectés à l'enseignement privé. Je souligne, et ce sans ironie, le caractère paradoxal de cette proposition.
L'avis du Gouvernement est tout à fait défavorable, en vertu du principe de la parité.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-9.
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai vécu dans cet hémicycle, en son temps, la tentative d'abrogation de l'article 69 de la loi Falloux. Sur toutes les travées, on m'a alors donné de grandes leçons de constitutionnalité. J'ai vu heureusement que le bon sens pouvait l'emporter sur l'éloquence.
Quand, aujourd'hui, on nous explique de façon réthorique que ce que l'on propose serait déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel si jamais celui-ci était saisi, pardonnez-moi de vous le dire, mes chers collègues, c'est parce que l'on est sûr que l'exercice est de mauvaise facture et qu'il ne sera pas conduit à son terme, de par la volonté du Gouvernement et de sa majorité. Je maintiens que cela procède d'une attitude politicienne.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-9, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 25:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 308
Majorité absolue des suffrages 155
Pour l'adoption 205
Contre 103

Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.
M. Jean-Louis Carrère. Le groupe socialiste vote contre.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen, également.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 620 180 000 francs ;

Crédits de paiement : 421 590 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 90 820 000 francs ;
« Crédits de paiement : 54 490 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'enseignement scolaire.

II. - ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'éducation nationale, la recherche et la technologie : II. - Enseignement supérieur.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la troisième fois que j'ai l'honneur de présenter devant la Haute Assemblée les crédits de l'enseignement supérieur. Pour vous, monsieur le ministre, c'est votre premier budget. J'aimerais qu'ensemble nous fassions le tour de la situation de l'université française et, comme le rapport écrit comporte tous les éléments chiffrés permettant de porter un jugement sur l'ensemble des données budgétaires, je vais plutôt vous poser quelques questions fondamentales auxquelles je souhaiterais que vous puissiez répondre, monsieur le ministre.
Ces questions me sont dictées par l'actualité. Il faut que l'actualité et la vie universitaire entrent un peu au Sénat.
Nous avons vu, récemment, l'Union nationale des étudiants de France - indépendante et démocratique, l'UNEF-ID, manifester pour réclamer le statut de l'étudiant. A Caen, nous avons vu des étudiants manifester auprès des perceptions pour ne pas payer la taxe d'habitation. Nous avons lu dans les journaux que le groupe de travail de Jacques Attali avait déposé son rapport sur l'avenir des grandes écoles. Mais peut-être allez-vous nous apporter des informations complémentaires à ce sujet.
Devant cette actualité que je m'efforce de faire entrer au Sénat, pour bien montrer que notre assemblée, dans le respect de ses compétences constitutionnelles, tient à examiner, non seulement avec courage et détermination mais aussi de la manière la plus éclairée possible, les différents budgets de votre ministère,...
M. Jean-Louis Carrère. Pas trop de violon, tout de même ! (Sourires.)
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. ... nous sommes conduits à vous poser un certain nombre de questions fondamentales.
A la fin de l'année 1995, nous avions voté le budget en pleine crise étudiante : les étudiants étaient dans la rue ; le budget a été modifié en cours de discussion.
En 1996, nous avons adopté le budget au milieu de l'élan des états généraux lancés par votre prédécesseur.
En cette fin d'année 1997, nous avons l'impression d'une pause. Sans doute s'agit-il d'une pause de réflexion.
Mais, comme nous préférons, vous et moi, monsieur le ministre - du moins, je me plais à l'imaginer - voir l'enseignement universitaire comparé à un tigre plutôt qu'à un autre animal moins dynamique, je suis amené à vous poser ma première question de fond : avez-vous, oui ou non, une politique universitaire ?
Cette question se décline en quelques autres : quels sont vos objectifs ? Quels sont vos principes ? Quelles sont les orientations que vous entendez donner à la politique universitaire au cours des années prochaines ?
Cette pause réflexive vous conduira-t-elle à lancer une « réforme Allègre » - franchement, je ne pense pas que ce serait une excellente idée - ou, au contraire, à suivre une méthode pragmatique de modifications par étapes concernant l'organisation universitaire, l'équipement universitaire, le statut de l'étudiant ?
Nous aimerions, en tout cas, vous entendre nous exposer clairement vos principes, vos objectifs et vos méthodes concernant l'université puisque, en fin de compte, le projet de budget pour 1998 ne nous apporte pas de réponse à cet égard et que la rentrée universitaire s'est faite simplement sur les bases des exercices budgétaires précédents.
Ma deuxième question fondamentale concerne l'équipement universitaire.
Vous avez engagé une réflexion et indiqué que vous alliez lancer le plan « Université troisième millénaire ». Après le plan « Université 2000 », après les contrats de plan conclus avec les régions, après un programme de plus de 60 milliards de francs, la question est de savoir quelles sont les orientations du plan d'équipement universitaire.
Au moment de s'interroger sur l'équipement universitaire, un constat s'impose : les effectifs sont stabilisés. Nous commencions à percevoir une tendance à la stabilisation mais celle-ci s'est trouvée confirmée lors de la dernière rentrée : toutes catégories d'enseignements supérieurs confondues, ce sont 2 155 000 étudiants qui sont accueillis cette année dans les établissements, soit une baisse globale de 0,6 % et de 1,6 % pour les seuls universités publiques.
Cette stabilisation résulte, certes, de l'évolution démographique, mais aussi du taux d'inscription des nouveaux bacheliers dans l'enseignement supérieur.
Compte tenu de cette stabilisation, plutôt que d'intervenir sur le nombre de mètres carrés, ne convient-il pas de mettre l'accent sur des orientations qualitatives nouvelles : la sécurité, la prise en compte d'objectifs d'aménagement du territoire, etc. ?
Là encore, nous ne trouvons pas la réponse à notre interrogation dans le budget, où il est simplement indiqué que 5,85 milliards de francs de crédits sont consacrés aux crédits d'équipement.
Ces crédits enregistrent d'ailleurs une progression différenciée dont nous aimerions comprendre les raisons. En effet, les crédits de paiement baissent et les augmentations de programmes augmentent. Cela signifie-t-il qu'il y a une sous-consommation des crédits d'équipement ou que l'exécution des contrats de plan est retardée ? Ou bien doit-on en conclure qu'il faut donner une nouvelle impulsion, préparer le plan « Université du troisième millénaire » et que, de ce fait, les autorisations de programmes sont majorées ? Nous nous en réjouirions.
L'accent est mis sur la sécurité. On ne peut que s'en féliciter ! Mais, comme vous vous y attendez sans doute, monsieur le ministre, sur ce sujet, le problème de Jussieu vient immédiatement à l'esprit.
Cette affaire a suscité des manifestations, elle aussi. Nous avons été sensibles aux arguments que vous avez avancés. Bien entendu, la mise aux normes de sécurité s'impose à toutes les collectivités locales et à l'Etat, a fortiori pour les équipements scolaires et universitaires.
Vous avez bien resitué le problème de Jussieu en le posant dans des termes réalistes : il s'agit de maintenir ce pôle d'excellence et d'engager une restructuration d'ensemble. Mais les crédits d'étude, la mise en place de l'établissement public, la première tranche de travaux sont autant d'indications d'une grande ambiguïté, voire de contradictions.
Quand le plan concernant Jussieu sera-t-il véritablement mis en oeuvre ? Quel est son calendrier ? Quel est son coût ?
Ma troisième grande question a trait aux personnels.
En matière de renforcement des effectifs, une troisième étape est engagée qui permet d'améliorer le taux d'encadrement des étudiants. C'est une bonne chose ! Ainsi, 4 200 personnes supplémentaires seront recrutées pour renforcer le taux d'encadrement dans les universités, égaliser les conditions de formation en favorisant à cet égard les universités qui étaient le plus pénalisées, suivant des normes que vous avez modernisées et que vous appliquez.
Sur ces 4 200 nouveaux emplois, 350 concernent les bibliothèques. Nous notons avec intérêt que les crédits des bibliothèques augmentent de 9,80 %, soit une progression très sensible. Nous nous félicitons de cette accentuation de l'effort en faveur des bibliothèques.
Les effectifs des IATOS progressent et plus de 3 000 postes d'enseignants seront créés. Il s'agit donc là d'un effort extrêmement important.
Toutefois, nous souhaitons vous interroger sur deux points.
Malgré une réduction de 74 millions de francs - c'est plutôt symbolique - des crédits destinés au financement des heures supplémentaires, vous n'avez pas encore tiré toutes les conséquences des rapports de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale consacrés à ce sujet.
M. Jean-Louis Carrère. Que ne vous êtes-vous appliqué cette critique à vous-même ?
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Eh oui, monsieur Carrère, 810 millions de francs de crédits sont dévolus aux heures supplémentaires !
La conclusion du rapport de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale selon laquelle ces crédits peuvent servir à tout ne saurait être satisfaisante pour les contribuables, pour les élus et pour le ministre. Nous notons qu'il y a une réduction de ces crédits, mais nous demandons maintenant qu'une réforme soit entreprise et que l'on indique aux unités et autorités décentralisées responsables de la gestion universitaire ce qui est permis et ce qui est interdit en la matière, sans sacrifier la souplesse de gestion des établissements universitaires, mais avec un souci de plus grande efficacité.
L'autre question relative aux personels, nous la posons en fait depuis trois ans. Vous voyez, monsieur Carrère : nous pouvons poser une même question aux gouvernements successifs, contrairement à ce que vous croyez ! Elle a trait à l'intégration des professeurs agrégés du secondaire.
Leur temps et leurs obligations de service ont été confirmés, et c'est heureux. Vous avez réduit la part des agrégés dans le recrutement puisque celle-ci n'est plus que de 40 % alors qu'elle était dominante auparavant. Ainsi, cette année, seulement 1 200 professeurs agrégés du secondaire seront recrutés par les universités. Mais ils viendront s'ajouter au 12 400 qui y sont déjà.
Nous ne sommes pas de ceux qui redoutent de manière systématique la « secondarisation ». Nous demandons seulement que le statut de ces agrégés soit clarifié, que leurs obligations de recherche soient nettement définies et qu'ils s'intègrent véritablement dans les unités pédagogiques.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, je vous rappelle que vous ne disposez que de quinze minutes. Or ce temps va bientôt se trouver épuisé.
M. Ivan Renar. Comme aurait pu dire Maurice Thorez, il faut savoir terminer un rapport ! (Rires.)
M. Jean-Louis Carrère. Mais on ne peut pas considérer ce discours comme un rapport !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Je pense avoir encore le temps d'évoquer le statut de l'étudiant.
Vous disposez maintenant, monsieur le ministre, du rapport extrêmement important et tout à fait remarquable de M. Bernard Cieutat, qui montre que l'effort de la collectivité au moins pour ce qui est du budget de l'Etat, en faveur de la situation matérielle des étudiants - déductions fiscales, quotient familial, aides sous forme de bourse - est très faible.
Dans le budget que vous nous présentez, sur 26,4 milliards de francs prévus au titre de l'effort national pour les étudiants, seulement 8,227 milliards de francs sont inscrits dans le budget au titre du statut social de l'étudiant.
M. Jean-Louis Carrère. Et combien avant ?
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. C'est un des chiffres qui ont enregistré les plus fortes progressions dans les budgets précédents !
Monsieur le président, j'espère que les interruptions de M. Carrère sont décomptées de mon temps de parole.
M. le président. Absolument pas ! Je vous demande donc, aux uns et aux autres, de ne pas interrompre celui ou celle qui s'exprime à la tribune.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Vous avez annoncé, monsieur le ministre, que, s'agissant du statut de l'étudiant, un rapport serait déposé et que des orientations seraient définies dans le courant du premier trimestre de l'année 1998.
Cependant, pouvez-vous d'ores et déjà nous indiquer si vous vous orientez vers une allocation spéciale globalisée ? Tiendrez-vous compte des ressources des familles ou envisagez-vous, au contraire, un dispositif considérant l'étudiant comme un majeur disposant de faibles ressources ?
Notre objectif, c'est évidemment de faire de l'université française un pôle d'excellence. A cet égard, nous nous interrogeons sur l'état de la réforme du premier cycle.
Nous nous demandons si vous avez l'intention de suivre l'orientation tendant à permettre aux étudiants, pour une petite part de leurs activités, d'avoir un plus grand contact avec les entreprises, et si vous comptez maintenir les unités de professionnalisation.
Nous nous interrogeons aussi sur toutes les questions qui touchent à la dimension européenne de l'université : équivalence des diplômes, stages d'un trimestre ou d'un semestre dans d'autres universités européennes, etc,
Nous aimerions vous entendre affirmer votre volonté de donner à l'université française toutes les caractéristiques d'une université moderne, susceptible de bien placer la France dans la compétition européenne et mondiale, en matière universitaire comme en matière de recherche, car les deux domaines sont liés.
Les effectifs baissent, les crédits augmentent, le budget représente 48,451 milliards de francs. Il augmente de 3,05 % globalement, progressant, en dépenses ordinaires, de 4,5 %. C'est donc un budget extrêmement important pour l'avenir de notre pays et c'est ce qui motive, monsieur le ministre, les questions fondamentales que nous vous avons posées. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Louis Carrère. Et qui va présenter le rapport de la commission des finances ? (Sourires.)
M. Jean-Pierre Camoin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le ministre, je dois avouer que vous nous avez surpris. En effet, connaissant votre intérêt pour l'université et pour l'enseignement supérieur en général, connaissant également votre action dans les gouvernements précédents, avec M. Jospin comme Premier ministre, nous attendions que vous fassiez de votre action en faveur de l'université une priorité qui aurait été la priorité des priorités.
M. Jean-Louis Carrère. Vous l'auriez réduite !
M. Jean-Pierre Camoin, rapporteur pour avis. Or l'impression que nous avons, c'est que vous avez découvert l'enseignement secondaire et l'enseignement primaire, que ces deux enseignements vous passionnent et que l'université est la seconde priorité de votre action, ce que, personnellement, je regrette.
Nous avons déjà eu un pré-débat budgétaire sur l'éducation nationale ici même et j'ai employé alors des arguments que vous n'avez pas tout à fait acceptés, notamment s'agissant de la méthodologie. Aussi ne les emploierai-je pas ce soir.
Considérons tout d'abord la réalité budgétaire et comptable.
Vous avez affirmé que l'enseignement supérieur était la priorité des priorités. Toutefois, si l'on établit une comparaison avec la politique de votre prédécesseur, je ne constate pas de véritable inflexion budgétaire.
S'agissant en premier lieu des crédits, avec près de 48,5 milliards de francs, soit une hausse de 3,5 % - elle est, certes, deux fois supérieure à celle du budget général de l'Etat ! - le budget de l'enseignement supérieur, comme ceux de l'emploi et de la justice, semble bénéficier d'un traitement privilégié.
Rappelons, cependant, que l'augmentation de crédits avait été de 5,5 % en 1997, mais aussi - je tiens à le souligner - que l'effort de la nation en faveur de nos étudiants doit être relativisé : la France ne consacre, en effet, tous financements confondus, que 1,1 % de son produit intérieur brut à l'enseignement supérieur, contre 1,6 % en moyenne pour l'ensemble des pays de l'OCDE.
D'ailleurs, les pays qui connaissent actuellement des problèmes - l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni - y consacrent, comme nous, entre 0,9 % et 1,1 % de leur PIB, alors que, aux Etats-Unis, cet effort est de 2,4 %. Il y a donc loin de la coupe aux lèvres !
Un véritable effort aurait dû être accompli. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que votre prédécesseur avait déjà commencé à baisser les crédits de l'enseignement secondaire pour les orienter sur l'enseignement supérieur. Cette direction semble être abandonnée de façon définitive par vous-même.
En ce qui concerne les emplois, vous créez, certes, monsieur le ministre, 3 000 emplois d'enseignants en 1998, dont 1 200 postes de professeurs agrégés du secondaire, les PRAG, et 1 200 emplois non enseignants, avec un effort particulier pour les bibliothèques universitaires.
Il convient de rappeler, à cet égard, les efforts du gouvernement précédent : le plan de rattrapage des universités sous-dotées et la loi de finances pour 1997 avaient permis de créer quelque 7 000 emplois enseignants et non enseignants en deux ans - les faits sont là et ils sont têtus ! - ce qui a permis d'assurer les rentrées 1996 et 1997 dans des conditions satisfaisantes.
L'année 1997 est peut-être une année de pause, mais cette pause est due à des efforts précédents !
Si l'effort prévu en faveur des bibliothèques universitaires n'est pas négligeable, il faudrait cependant 2 500 postes nouveaux, selon le rapport Fauroux, pour que celles-ci supportent la comparaison avec leurs homologues étrangers. Nous avons, là aussi, encore beaucoup de chemin à parcourir.
Ces moyens nouveaux doivent aussi être appréciés en fonction de l'évolution de la démographie universitaire. Après une très forte progression au cours de la dernière décennie, les effectifs étudiants enregistrent une certaine décroissance : les flux d'entrée à l'université se sont réduits de 33 000 au cours des rentrées 1996 et 1997 et les effectifs en premier cycle devraient encore baisser de près de 40 000 entre 1996 et l'an 2000.
Toutefois, ces quelques rappels budgétaires, voire comptables, me paraissent secondaires. Ce qui importe, ce sont les problèmes de fond qui se posent à notre système universitaire.
Votre prédécesseur avait engagé une large concertation qui avait permis d'arrêter les grandes lignes d'une réforme globale de l'université.
Avec une sévérité de propos à son égard que la commission a jugée excessive, et qui tranche quelque peu avec le principe de la continuité de l'Etat, vous avez décidé d'abandonner les principales de ces réformes - c'est le cas, en particulier, pour la définition d'une grande filière technologique supérieure - et de reprendre « à zéro » une concertation, qui avait déjà été conduite à son terme, sur le statut social étudiant, laquelle avait pourtant débouché sur des propositions concrètes.
M. Jean-Louis Carrère. Sans argent !
M. Jean-Pierre Camoin, rapporteur pour avis. Seule la réorganisation des études, notamment la réforme du DEUG, qui introduisait en particulier une semestrialisation et des possibilités de réorientation rapide des nouveaux étudiants, a trouvé grâce à vos yeux : contrairement à vos déclarations initiales, vous avez dû accepter, sous la pression de la communauté universitaire, que la réforme Bayrou s'applique à l'ensemble des universités, y compris à celles qui avaient mis en oeuvre la « réforme Jospin » de 1992, que vous avez des raisons de bien connaître. C'est donc bien la preuve que les deux réformes, celle de 1992 et celle de 1997, comportent des différences sensibles.
J'aborderai ensuite le problème de la gestion des enseignants. Celle-ci n'est pas satisfaisante ! L'emploi précaire - moniteurs, ATER, les attachés temporaires d'enseignement et de recherche, associés, lecteurs - concerne d'abord plus de 20 % de l'ensemble des personnels.
Vous créez, par ailleurs, 1 200 emplois de professeurs agrégés en 1998, sans reprendre les propositions de votre prédécesseur en ce qui concerne leur participation aux activités de recherche. Si les PRAG peuvent jouer un rôle important pour faciliter le passage entre le lycée et l'université, il ne faudrait pas que le recours massif à ces enseignants aggrave une « secondarisation » rampante des premiers cycles et que les professeurs d'université puissent se décharger sur eux, sans contrôle, de leurs activités pédagogiques.
S'agissant du mode d'évaluation des enseignants-chercheurs, la commission regrette que le ministre n'ait pas manifesté son souci de faire appliquer strictement la loi de 1984, qui prévoit de prendre en compte l'ensemble de leurs activités et pas seulement la recherche.
La mission d'information de la commission sur les premirs cycles universitaires avait souhaité un changement dans les pratiques d'évaluation et un développement de la formation pédagogique, aujourd'hui inexistante, des enseignants-chercheurs.
Vous avez décidé ensuite, monsieur le ministre, de réformer leur mode de recrutement, afin de remédier à la complexité de la procédure actuelle : vous proposez ainsi de revenir au régime antérieur mis en place en 1992 qui avait abouti, il convient de le rappeler, à la constitution d'un stock de douze mille « reçus-collés », c'est-à-dire d'enseignants ayant vocation à enseigner, mais qui n'ont aucune chance de trouver un emploi à l'université.
Je dirai également un mot d'un autre dysfonctionnement de notre université, qui a été dénoncé par un récent rapport de l'inspection générale : il s'agit de l'usage détourné qui est fait des heures complémentaires.
Comme vous le savez, le volant de ces heures est important puisqu'il représenterait l'équivalent de 20 000 postes.
Le rapport de l'inspection générale constate ainsi une dérive dans l'utilisation des heures complémentaires, y compris dans les universités sous-dotées qui ont bénéficié du plan de rattrapage lancé en 1995. Ces heures sont utilisées pour maintenir des spécialités rares au lieu de profiter aux premiers cycles. Elles permettent aussi de rémunérer des enseignants qui effectuent plusieurs services au détriment des activités de recherche.
Il y aurait donc lieu, comme le préconise le rapport, de renforcer le pouvoir des présidents d'université sur les directeurs d'UFR, pour contrôler les obligations de service des enseignants ainsi que l'utilisation des heures complémentaires en fonction des besoins réels.
La commission des affaires culturelles considère, à cet égard, qu'une véritable évaluation des établissements et des enseignants permettrait aisément de déceler ces pratiques abusives et d'y mettre fin.
S'agissant des constructions universitaires, vous vous êtes félicité, monsieur le ministre, de la réussite du plan Université 2000. Son bilan est en effet satisfaisant en raison, notamment, de la participation des collectivités locales à son financement. Mais il convient de regretter que les dotations de fonctionnement des établissements n'aient pas accompagné cet effort.
Quant à votre nouveau plan U3M, qui procède de la même méthodologie, il aura surtout pour objet de poursuivre les actions engagées pour mettre les bâtiments universitaires en conformité avec les normes de sécurité, notamment les universités parisiennes et le campus de Jussieu, alors que Paris s'est volontairement tenu à l'écart du plan Université 2000.
La commission des affaires culturelles ne peut donc qu'exprimer son opposition à la perspective d'un nouveau transfert de charges vers les collectivités locales pour pallier le désengagement de l'Etat en matière universitaire.
Par ailleurs, constatant que de nombreux bâtiments universitaires sont aujourd'hui sous-utilisés, elle souhaite attirer votre attention sur la nécessité de prendre en compte l'évolution des effectifs étudiants pour évaluer les besoins en locaux universitaires.
M. le président. Vous avez épuisé votre temps de parole, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Camoin, rapporteur pour avis. Je conclus, monsieur le président !
J'aborderai maintenant le problème de la réforme des aides aux étudiants : le coût de ces aides est important, puisqu'il représentera près de 8,3 milliards de francs en 1998.
Le récent rapport Cieutat a dénoncé le caractère anti-redistributeur du système actuel.
On peut s'étonner que le Gouvernement ait décidé de reprendre une longue concertation avec les mêmes acteurs du système universitaire, alors que celle-ci a déjà eu lieu.
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que le Parlement devrait examiner les orientations du futur statut étudiant au printemps prochain. S'il convient de s'en féliciter, il faudrait aussi que la représentation nationale ne soit pas seulement invitée à avaliser une réforme sans pouvoir en modifier les orientation.
La commission des affaires culturelles ose espérer, par ailleurs, que l'attitude nouvelle des services fiscaux qui demandent désormais aux étudiants d'acquitter la taxe d'habitation n'annonce par les premières mesures sociales du prochain statut étudiant.
Enfin, si la commission des affaires culturelles convient de la nécessité de rapprocher les grandes école de l'université, de développer la formation continue à l'université et la dimension internationale de l'enseignement supérieur, son rapporteur souhaiterait, à titre personnel, que la coopération européenne en ce domaine ne privilégie pas exclusivement un axe franco-allemand, mais qu'elle se traduise, à terme, par la construction d'un site universitaire à vocation européenne.
La commission souhaiterait également connaître la position du Gouvernement sur une éventuelle réforme des études médicales.
Au total - j'en arrive à la conclusion, monsieur le président - si le projet de budget de l'enseignement supérieur doit être apprécié en fonction de l'évolution de ses crédits, il doit l'être aussi en fonction de leur utilisation. Des moyens budgétaires en progression qui ne seraient pas utilisés pour remédier aux dysfonctionnements qui affectent notre système universitaire ne témoigneraient pas d'une bonne gestion.
Peut-on se satisfaire à cet égard d'une « université en panne » comme le titrait un quotidien du soir, d'un taux d'échec en premier cycle qui affecte 40 % des étudiants, d'une sélection clandestine qui devient la règle dans le système universitaire, de l'inadaptation de trop nombreuses formations supérieures aux besoins de l'économie, d'une absence d'évaluation des enseignants et des établissements, des inégalités qui se développent entre établissements, des dérives dans l'utilisation des heures complémentaires...
M. le président. Je vous demande de conclure, monsieur Camoin !
M. Jean-Pierre Camoin, rapporteur pour avis. ... d'un système d'aides sociales qui n'assure pas sa fonction de redistribution, d'un nouveau transfert de charges annoncé vers les collectivités locales ?
Ce projet de budget ne marque donc aucune inflexion, n'apporte pas une réponse adaptée à ces problèmes de fond et consacre l'abandon de la plupart des réformes amorcées par le précédent gouvernement avec l'appui de toute la communauté universitaire.
Compte tenu de ces observations, la commission a décidé de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur pour 1998. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 15 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 13 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 7 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 6 minutes.
Mes chers collègues, je tiens à vous indiquer que je serai amené à couper le micro à ceux qui dépasseront le temps de parole qui leur a été imparti. Nous avons, en effet, à examiner d'autres projets de budget après celui-là.
J'ai essayé de donner le maximum de souplesse au débat. Vous l'avez confondue avec le laxisme. Je confondrai donc la rigueur avec le caporalisme !
M. Jean-Louis Carrère. Il aurait fallu l'appliquer au rapporteur !
M. le président. Je lui ai coupé la parole à la fin ! Si vous interrompiez moins vos collègues, monsieur Carrère, cela irait un peu plus vite !
Dans la discussion générale, la parole est à M. Saunier.
M. Claude Saunier. Monsieur le président, je comprends votre souci d'organiser les débats et je vous autorise à m'indiquer, au bout de dix minutes, que je m'achemine vers la fin de mon temps de parole.
M. le président. Je ferai clignoter le petit voyant rouge !

M. Claude Saunier. Je vous en remercie, monsieur le président !
Je souhaite prolonger le propos de M. Camoin, rapporteur pour avis, qui, pour justifier l'opposition de la majorité de la commission au projet de budget, a conclu son intervention en disant qu'il ne voyait aucune inflexion significative dans la proposition budgétaire qui nous est faite pour 1998.
M. Jean-Pierre Camoin, rapporteur pour avis. Comptable !
M. Claude Saunier. J'ai du mal à comprendre : il n'y a pas d'inflexion, donc nous ne votons pas ! Pourtant, l'an dernier, parce qu'il s'agissait d'un bon budget qui ne marquait pas d'inflexion, nous votions des quatre mains !
Nous avons là, mes chers collègues, l'illustration de ce que nous vivons depuis le début de cet après-midi ! Nous menons un débat à front renversé. Nous utilisons, les uns et les autres, en particulier les collègues de la majorité sénatoriale - ils voudront bien m'excuser ! - des arguments contre le budget que vous nous présentez ce soir, monsieur le ministre, alors que ces mêmes arguments étaient invoqués, voilà un an, dans ces mêmes lieux, pour dire tout le bien que nous pensions de M. Bayrou, alors ministre de l'éducation nationale. Cela vaut pour le budget de l'enseignement scolaire que nous venons d'examiner, mais cela vaut à l'évidence aussi pour celui de l'enseignement supérieur que nous abordons.
Le groupe socialiste approuve votre budget, non pas par simple solidarité politique mais parce qu'il est bon.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : les effectifs étudiants sont, en effet, stables, voire en léger recul. Nous connaissons le souci du Gouvernement de maîtriser les dépenses publiques ; pourtant, le budget de l'enseignement supérieur enregistre une croissance significative. Il est vrai qu'il se juge non seulement à l'importance des crédits inscrits mais aussi à la qualité de l'enseignement.
Les avancées sont multiples. Je n'y reviendrai pas ; mon prédécesseur, M. Camoin, a lui-même reconnu que l'effort entrepris en faveur des bibliothèques, de l'action sociale et en termes de création d'emplois est significatif. Encore une fois, les chiffres parlent d'eux-mêmes et c'est la raison pour laquelle je n'insisterai pas davantage sur ce sujet.
Voilà qui m'autorisera, monsieur le ministre, à vous interroger sur la politique que vous conduisez et à vous faire part de quelques réflexions sur les orientations que nous souhaiterions voir adoptées au cours des prochains mois.
Mon propos s'articulera autour de deux réflexions : la première concerne le plan « Université 2000 », la seconde, le plan « Université du troisième millénaire ».
S'agissant du premier, il serait très utile de dresser le bilan de cette initiative forte, à laquelle votre nom est associé, monsieur le ministre. Quels sont les résultats de ce plan du point de vue pédagogique, social, économique et financier ?
Je le dis tout net, ma conviction est que ce plan fut une initiative heureuse. Il a permis à notre pays d'éviter le pire lors de la montée spectaculaire des effectifs d'étudiants. La mobilisation des énergies a en effet permis de donner un nouveau souffle à l'enseignement universitaire.
J'ajouterai que la nouvelle politique en matière de localisation a ouvert l'enseignement supérieur à des jeunes souvent issus de catégories sociales qui en étaient auparavant exclues. D'un point de vue tant pédagogique que démographique, le bilan du plan « Université 2000 » est très positif.
Je serai toutefois nuancé sur le bilan financier. En effet, les élus locaux, en particulier les responsables des villes moyennes, ont quelque raison de s'interroger sur le financement de ce plan. Qui a payé ce grand programme immobilier universitaire ? L'effort a-t-il été équitablement réparti ?
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Il n'y a pas de mystère !
M. Claude Saunier. Comme de nombreux maires de villes moyennes, je pose la question, mais je détiens une partie de la réponse. Je suis, pour ma part, partisan de la décentralisation. Face à ce plan, j'ai pris mes responsabilités et j'ai été un partenaire actif.
Je veux néanmoins vous rappeler, monsieur le ministre, qu'en matière d'enseignement supérieur l'Etat doit continuer à assumer ses responsabilités et à jouer pleinement son rôle de régulateur et d'arbitre afin d'éviter les aberrations de certaines créations universitaires fortement empreintes d'un souci électoraliste qui discréditent le plan « Université 2000 ». L'Etat doit aussi assurer l'équité entre les différents territoires de la République.
Rien ne serait pire, monsieur le ministre, rien ne serait plus injuste que de réserver les lieux de savoir aux seules collectivités qui pourraient acheter la recherche et la formation du fait de leurs richesses. Je plaide donc pour une mise à plat des résultats du plan « Université 2000 » dans la plus totale transparence.
Ce bilan préalable est la condition de la réussite du nouveau chantier que vous avez décidé d'ouvrir avec le plan « Université du troisième millénaire ». Tout d'abord, je vous exprime notre plein accord avec cette initiative. En effet, la maîtrise et le développement de l'intelligence sont l'un des grands enjeux pour l'humanité à la veille du troisième millénaire. En outre, l'accélération des mutations technologiques, scientifiques, sociales et géostratégiques nous obligent à faire plus que jamais le choix de l'intelligence.
Le plan « U3M » est donc indispensable, mais il ne peut pas être la réédition du plan « Université 2000 » ni une simple négociation immobilière et financière entre les différents partenaires. Il doit être, pour la nation, l'occasion d'une réflexion plus vaste sur les missions de l'université, sur son articulation avec le corps social, sur ses liaisons avec le monde de l'économie.
Il doit être aussi l'occasion pour l'université d'une mise à plat de son organisation, d'une redéfinition de ses relations avec ses partenaires, d'un positionnement dans le territoire où elle est implantée et d'une mise en cause peut-être radicale de ses méthodes pédagogiques. Il doit être une réflexion collective débouchant sur un recadrage de la politique universitaire ainsi qu'un instrument de mobilisation.
Pour répondre à cet objectif ambitieux, il devra répondre à trois impératifs : il faudra fonctionner en réseau, utiliser massivement les nouvelles technologies et répondre aux besoins en matière de formation continue.
S'agissant du premier impératif, le réseau est la réponse à la fois à l'ouverture sur le monde et à la constitution de pôles universitaires d'excellence. Il préserve donc les missions fondamentales de l'université et prend en compte l'un des aspects de l'aménagement du territoire qui repose sur la localisation de l'intelligence, dont tout le monde affirme qu'elle conditionne la création d'emplois.
S'agissant du deuxième impératif, chacun a pu s'exprimer sur les nouvelles technologies. Aussi irai-je à l'essentiel.
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, quelles étaient vos intentions, et M. le Premier ministre a, voilà quelques mois, et pour la première fois dans notre pays, en tout cas à ce niveau de responsabilités, clairement montré la voie. Il faut s'engager dans cette direction avec méthode et en formulant des propositions concrètes ; les collectivités locales seront alors prêtes à les écouter et à en débattre.
A l'heure d'Internet - et sur ce point nous sommes engagés, vous, monsieur le ministre, nous et la nation tout entière dans une course de vitesse - les étudiants n'attendront pas éternellement la modernisation pédagogique promise par l'utilisation massive des nouvelles technologies ; mais il est vrai que cela passe par une modification des comportements, qui suppose elle-même un effort considérable de formation. Mais je crois, monsieur le ministre, que vous en êtes vous-même totalement convaincu.
Enfin, et j'en terminerai par là - c'est le troisième impératif - l'université, telle qu'elle existe aujourd'hui, est capable de satisfaire les besoins en matière de formation initiale. Même si des progrès doivent être accomplis au titre de la qualité, le « zéro défaut » reste un objectif à atteindre.
Mais, au cours des prochaines années, les besoins en formation continue vont continuer d'exploser. Chacun le sait, dans toutes les professions, tous les deux, trois, quatre ou cinq ans, il faut réapprendre un métier et de nouvelles technologies. L'université, avec sa mission de service public et ses références républicaines, aura-t-elle la volonté et la possibilité de s'inscrire dans une démarche dont dépend une grande partie de l'avenir économique de la nation ?
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques réflexions que je voulais vous soumettre.
Mon propos est donc simple et clair : j'approuve sans réserve un budget dont nous avons, les uns et les autres, du mal à comprendre qu'il puisse susciter un débat comme celui auquel nous venons d'assister. Comment, après avoir approuvé, pendant des années, toute progression des crédits consacrés à l'université, peut-on aujourd'hui insister sur la nécessité de les réduire ?
Outre le budget, il y a la politique universitaire, la négociation, le débat. En tout cas, le groupe socialiste est à votre disposition, monsieur le ministre, pour poursuivre le débat. En effet, nous le savons bien - et il s'agit non seulement d'un effet de tribune, mais d'une réalité - l'avenir de la nation passe par notre capacité à apporter une formation de très haut niveau à notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Anton Tchekhov disait que la brièveté est la soeur du talent. Je vais donc tâcher d'être talentueux. (Sourires.)
M. Jacques Legendre. Nous ne doutons pas que vous y parviendrez !
M. Ivan Renar. Nous vous faisons confiance !
M. Pierre Laffitte. Monsieur le ministre, je sais que vous êtes aussi sensible que moi aux problèmes de la souplesse, de la responsabilité des universités, d'une part, et aux créations d'entreprises, d'autre part.
S'agissant du premier point, pour que l'autonomie universitaire soit réelle, il faut, bien entendu, que l'université puisse utiliser de manière plus souple les moyens dont elle dispose. Je suis convaincu qu'il est, hélas ! nécessaire de l'y aider et qu'il faut même parfois le lui imposer.
Vous avez cette possibilité, monsieur le ministre, notamment en créant un certain nombre de postes « dits fléchés » pour assurer l'accueil de personnalités issues du milieu universitaire étranger, de l'industrie, de centres de recherche, de grandes écoles, bref de milieux susceptibles de revitaliser l'université lorsque c'est nécessaire.
Vous avez la chance de pouvoir créer des emplois cette année. Utilisez-les pour assurer une plus grande souplesse au sein de l'université !
S'agissant du deuxième point, les universités pourraient-elles, comme certains instituts de recherche, disposer de moyens financiers, même modestes, permettant d'inciter les jeunes enseignants et les jeunes chercheurs à créer des entreprises ? Ce dispositif serait très utile.
Par ailleurs, je souhaite connaître votre avis sur la proposition de loi sénatoriale n° 98, qui permettrait aux chercheurs et aux enseignants de créer des sociétés innovantes tout en restant fonctionnaires selon des conditions particulières. Voilà qui doit correspondre à vos tendances !
La création d'emplois dans les entreprises innovantes étant la seule véritable source de dynamisme dans les pays modernes, l'université doit y contribuer fortement.
Par ailleurs, que pensez-vous de l'idée de former, notamment en alternance, des jeunes recrutés au titre des emplois-jeunes aux nouvelles technologies, grâce notamment à l'appui du système universitaire, et de les utiliser, à l'instar des moines-soldats, comme les volontaires du service national pour la formation en informatique, les VFI, que j'avais contribué à créer avec M. Jean-Jacques Servan-Schreiber, afin de contribuer à la prise de conscience et à la formation continue de diverses catégories socioprofessionnelles, et ce en coopération avec les collectivités locales et le monde associatif ?
Vous savez que les Américains considèrent qu'il leur manque actuellement un million de spécialistes dans le domaine des nouvelles technologies et de l'information, en dépit des efforts qu'ils ont entrepris ; peut-être pourrions-nous essayer d'inventer une méthode nouvelle ? Je souhaiterais connaître votre opinion à ce sujet.
Je souhaite, enfin, exprimer ma préoccupation à propos des projets qu'on vous prête. Vous ne voulez pas, avez-vous dit, absorber l'ensemble des grandes écoles, mais vous semblez tout de même vouloir, notamment par le canal de l'article 63 bis, non seulement assurer la coordination pédagogique, ce qui paraît tout à fait normal, gérer des axes de recherche par le canal du fonds de recherche ou de l'enveloppe-recherche, mais aussi assurer la gestion directe des écoles qui dépendent des ministères techniques et des chambres de commerce et d'industrie. Cela serait excessif et c'est pourquoi nous avons préparé un amendement tendant à préciser la situation à cet égard.
Telles sont les quatre questions que je souhaitais vous poser, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec une augmentation de 3,05 % par rapport à 1997 et la création de 3 000 postes d'enseignant, le budget de l'enseignement supérieur marque une inflexion de tendance qu'il convient de souligner et d'apprécier dans un contexte difficile.
Pour autant, et nous savons combien l'enjeu est sensible, il convient de nous plonger un peu plus dans la réalité de notre université afin de mesurer, certes, les efforts accomplis, mais aussi ceux qui restent à faire.
Dans cet enseignement supérieur au coeur de toutes les questions liées à l'avenir, je souhaite rendre hommage à la communauté universitaire pour les efforts qu'elle a accomplis au cours des vingt dernières années.
Face à une population étudiante qui a doublé en vingt ans, elle a su multiplier ses efforts, dans des conditions difficiles, souvent ingrates, pour assurer l'accueil des jeunes générations, sans faillir à ses missions de transmission du savoir et à sa mission, non moins importante, de recherche universitaire.
Au moment où l'on constate une baisse relative du flux étudiant, n'est-il pas temps de mettre en oeuvre une politique de l'enseignement supérieur de qualité, après avoir relevé, non sans difficulté, le défi de la démocratisation de notre enseignement supérieur ?
Les créations de postes marquent un rupture réelle avec la politique menée les années antérieures en matière de personnels.
Leur nombre et leur répartition me conduisent à formuler plusieurs remarques.
Le nombre de postes offerts permettra-t-il de compenser les départs en retraite des enseignants prévus dans les prochaines années ? Une programmation pluriannuelle des besoins en enseignants universitaires est plus que jamais nécessaire, faute de quoi notre enseignement pourrait être pénalisé dans les années à venir.
J'attire votre attention sur un autre phénomène, à savoir le recours important aux professeurs agrégés dans l'enseignement supérieur. Sur les 3 000 emplois créés, 40 % sont des PRAG.
Sans remettre en cause la qualité de ces enseignants, cette réalité constitue un risque réel pour une caractéristique fondamentale de notre enseignement supérieur : l'articulation permanente avec la recherche.
Il conviendrait donc que des mesures soient prises afin que le personnel recruté par le biais de l'agrégation puisse rejoindre au plus vite les équipes et les laboratoires, ce qui permettrait ainsi une intégration réussie au sein de la communauté scientifique universitaire.
Nous savons bien que la qualité et l'originalité de notre enseignement supérieur tiennent, pour une très large part, à cette intégration, dès les premiers cycles, des étudiants dans un environnement riche des réalités de la recherche.
J'ajouterai que les professeurs agrégés ont un immense rôle à jouer dans le secondaire, notamment afin de constituer une passerelle privilégiée entre le lycée et l'université. Vous avez déjà fait état de projets dans ce domaine, monsieur le ministre. Où en est-on ?
Le projet de budget pour 1998 prévoit la création de 1 200 postes de personnels IATOS. Cette mesure est identique à celle de l'an dernier. Dans le même temps, les mètres carrés universitaires se sont accrus, la population étudiante également. Il va sans dire que ce nombre reste très largement insuffisant pour combler les retards accumulés au cours des dernières années. Cela est dommageable non seulement pour les étudiants, mais aussi pour l'image de l'université. Les premiers contacts avec les structures universitaires suffisent très souvent à prendre pleinement conscience de cette carence en personnel IATOS ; accueil, entretien, cadre de vie et environnement ne sont pas toujours au rendez-vous de ce que l'on pourrait attendre et rendent la vie universitaire très souvent insupportable. La situation particulièrement délicate des antennes universitaires doit, à ce niveau, mobiliser toute notre attention.
Par le passé, j'ai attiré l'attention de votre prédécesseur sur la misère des bibliothèques universitaires. Si 350 postes leur sont affectés, un effort réel reste à réaliser, tant pour la constitution ou la reconstitution des fonds des bibliothèques, voire pour la création de nouvelles structures de documentation, qu'en matière de personnel.
Enfin, la transformation de 262 400 heures supplémentaires en emplois est une mesure que nous attendions, mais qu'il convient de développer. A ce titre, nous souhaiterions que les emplois créés figurent dans les documents budgétaires sous forme d'emplois, et non de crédits dont chacun connaît la fragilité - nous le verrons tout à l'heure, lors de l'examen des amendements déposés par la droite.
Autre dossier sensible : au moment où des milliers d'étudiants s'entassent sur les bancs de l'université Paris X-Nanterre, peut-être pourrait-on oeuvrer à la réappropriation du pôle privé Léonard-de-Vinci. Il semble juste que cet établissement privé qui est financé par des moyens publics, ceux du conseil général des Hauts-de-Seine, revienne à l'enseignement supérieur public, a fortiori quand des surfaces entières restent inutilisées.
Enfin, de grands chantiers restent à mettre en oeuvre. Le statut social de l'étudiant est attendu par les jeunes mais aussi par leur famille. Il s'agit d'un instrument privilégié de la démocratisation de l'enseignement supérieur et le projet de budget, hormis de légères augmentations du montant des bourses et un relèvement des plafonds, reste insuffisant.
Je crois que nous n'insisterons jamais assez sur l'inacceptable sélection sociale qui prive tant de jeunes de la possibilité de faire des études supérieures. La démocratisation de l'éducation supérieure est un fait réel, mais elle masque la réalité de la sélection.
De quelles chances réelles d'accéder à l'université dispose un jeune dont les parents sont au chômage ?
Le défi d'un pays moderne comme le nôtre, en cette fin de siècle, est d'affronter et de résoudre ce problème.
Je ne saurais bien évidemment oublier la grande misère de la santé des étudiants.
Toute prise en compte de ces exigences sociales exige non seulement un maintien, mais aussi un développement des missions de service public des CROUS, les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires. Vos intentions et vos projets à ce sujet sont attendus, monsieur le ministre.
Je voudrais maintenant profiter de cette intervention pour évoquer la situation des centres de formation de musiciens intervenant à l'école, les CFMI.
Ils sont au nombre de neuf en France, rattachés à neuf universités. En l'occurrence, j'ai le redoutable honneur de présider l'un d'entre eux dans le cadre de l'université Lille III, les présidents étant choisis parmi des personnalités extérieures, et c'est une tâche assez enthousiasmante au regard du travail qui s'y fait.
Les CFMI ont été créés conjointement, en 1993, par le ministère de l'éducation nationale et par le ministère de la culture. Leur mission est, je le rappelle, d'offrir une formation à des musiciens professionnels, en leur permettant d'acquérir les compétences nécessaires pour intervenir auprès des enfants dans les écoles primaires et maternelles. Un diplôme et un cadre d'emploi sanctionnent désormais cette formation au grade d'assistant territorial spécialisé d'enseignement artistique.
Une question nouvelle se pose depuis la création des contrats jeunes et des 75 000 postes d'aide éducateur : comment s'assurer que les missions et fonctions demandées à ces aides éducateurs ne recoupent pas les champs d'action et de compétences de la profession de musicien intervenant à l'école ?
Cette question n'est pas gratuite, car ici ou là des élus locaux préfèrent déjà obtenir - et on peut les comprendre - plusieurs aides éducateurs à la place d'un musicien intervenant, ce qui représente naturellement un coût moins élevé pour la collectivité. Il y a là un effet pervers qui s'apparente à un effet d'aubaine et qu'il conviendrait d'étudier.
Vous insistez, monsieur le ministre, sur votre volonté de voir l'université participer activement à la formation professionnelle. C'est une exigence ancienne et, à ce titre, la loi de 1984 n'a rien perdu de son actualité.
Encore faut-il qu'il s'agisse, en l'occurrence, de passerelles véritables entre l'université et le monde du travail. De nombreuses unités de formation et de recherche agissent dans ce sens. Si, trop souvent selon nous, la formation professionnelle est le prétexte à la recherche de financements nouveaux pour les universités, elle ne permet pas une immersion des salariés dans les cursus universitaires. Il faut donc réfléchir à une diversification de ces filières, tout en restant attaché à la notion de cursus universitaires traditionnels.
S'il est indispensable de parvenir à une meilleure articulation entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur, s'il est indispensable aussi de réussir les réformes pédagogiques en cours, et s'il est urgent de réfléchir au statut social de l'étudiant et à l'investissement lié au plan « Université du troisième millénaire », cela ne saurait se faire sans démocratisation des structures de gestion et d'évaluation et sans la participation de tous.
La qualité de l'université sera le gage de l'enrichissement des individus qu'elle a la charge de former.
Besoins culturels - et il y a fort à faire ! - besoins scientifiques, mutations technologiques, transformation du monde du travail et nouvelles formes de transmission des savoirs - je pense aux nouvelles technologies de l'information - sont au coeur des enjeux de développement de notre système éducatif universitaire.
A ce titre, le projet de budget pour 1998 marque une inflexion positive. Pour autant, il nous appartient de rendre plus visibles les transformations que nous attendons, et ce sans tarder, pour redonner aux jeunes, bien sûr, à leurs parents, mais aussi à tous ceux qui ont la charge de la transmission de la connaissance dans notre pays confiance dans l'avenir.
Tel sera le sens de notre vote, qui sera positif au moins jusqu'à l'examen des amendements, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le ministre, les universitaires avaient appris à vous connaître, et d'ailleurs à vous apprécier. La politique du « deux pas en avant, un pas en arrière, un peu provocatrice par moments, qui nous donnait l'occasion de réfléchir sur des projets à venir et la reprise, quelques mois plus tard, desdits projets permettaient d'avancer un peu et de bousculer certaines habitudes.
Malheureusement, je ne retrouve pas dans le présent projet de budget ce souffle qui était le vôtre, lorsque vous étiez conseiller du ministre de l'éducation nationale de l'époque.
Le budget que vous nous présentez suscite de ma part nombre d'interrogations et quelques inquiétudes, que je vais m'efforcer de vous exposer brièvement.
Tout d'abord, je dirai un mot sur les crédits de fonctionnement. Les universités viennent de recevoir notification de leur dotation à venir ou savent maintenant ce qu'elles vont recevoir. Or, chose tout à fait étonnante, les crédits de fonctionnement concernant les bâtiments neufs résultant du plan « Université 2000 » vont être tout à fait insuffisants. Les crédits ne permettront pas au personnel IATOS de faire fonctionner ces bâtiments neufs aussi bien que les bâtiments anciens. En d'autres termes, nous avons atteint, en matière de fonctionnement, une limite qui est quelque peu inquiétante pour la suite.
Quand au rêve d'une Université du troisième millénaire, il va falloir mesurer à deux fois les possibilités des conseils généraux, des conseils régionaux et des grandes municipalités qui sortent exsangues du plan « Université 2000 », compte tenu des sommes considérables qui ont été affectées à ce programme.
Par conséquent, ce phénomène un peu inquiétant devra être étudié, sans doute avec plus de précision à l'avenir que dans le présent budget.
Je voudrais souligner un point sur lequel on revient souvent et selon lequel les locaux universitaires seraient sous-occupés. Je m'inscris en faux contre cette allégation car je connais bien la réalité en ce domaine. Quand un amphitéâtre est occupé six jours par semaine, de huit heures à vingt heures, voire vingt-deux heures, il est nécessaire qu'il se « repose » au moins pendant les vacances, ne serait-ce que pour le nettoyer ou le repeindre. Nos locaux universitaires sont très « fatigués » par moment car il y a une surcharge d'occupation tout au long de l'année. Donc, il ne faut pas se laisser emporter par l'idée selon laquelle ils pourraient être utilisés à d'autres fins.
Le deuxième point sur lequel je voudrais m'arrêter concerne les usagers, auxquels avait été promis le statut social de l'étudiant. Or, ce statut social de l'étudiant n'apparaît pas dans ce projet de budget, et cela pose des problèmes.
Il y a, certes, des boursiers, mais aussi toute une catégorie d'étudiants qui n'ont pas droit aux bourses et dont les parents, qui sont d'ailleurs brutalement touchés par les récentes mesures fiscales, sont dans une situation financière très difficile. Nombre d'entre eux viennent me voir et essaient de trouver, avec moi, des solutions pour parvenir à mener à terme leurs études. Si le problème du statut social de l'étudiant n'est pas résolu dans un très proche avenir, nous serons très bientôt dans une situation comparable à celle que connaît l'Allemagne à l'heure actuelle.
Monsieur le ministre, vous avez prévu d'accorder des bourses spéciales aux étudiants des quartiers défavorisés qui obtiennent le baccalauréat avec la mention assez bien et qui se destineront à la magistrature ou à l'Institut d'études politiques. C'est une bonne idée. Cependant, je crains que le nombre d'étudiants qui vont bénéficier de ces bourses ne soit supérieur au nombre de places offertes au concours de l'Ecole nationale de la magistrature et à l'ENA, si vous respectez les chiffres de trois cents ou quatre cents bourses que vous aviez avancés.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Non, c'est cent et cent ! Après les études, une partie d'entre eux s'orientera dans une autre direction.
M. Patrice Gélard. Cela fait deux fois cent bourses, même si certains bénéficiaires s'orienteront différemment. Je crains, avec un tel système, que toutes les places offertes au concours ne soient prises. (Sourires).
Cela dit, monsieur le ministre, il y a un vrai problème, c'est l'absence d'une réelle orientation des étudiants. Ce problème n'est pas résolu. Je suis, à chaque fois, peiné et même catastrophé quand je vois des centaines de milliers d'étudiants s'engager dans des voies où, tout le monde le sait, il n'y a pas de débouchés. Je le lisais dans un des rapports qui retrace les effectifs d'étudiants dans chaque discipline, il y a cinq mille étudiants en lettres, alors que chacun sait que le nombre de postes mis au concours d'agrégation ou au CAPES ne peut naturellement pas absorber ce nombre considérable d'étudiants.
De même, il faudrait freiner ces engouements passagers pour telle ou telle filière : on se précipite un jour dans le sport, le lendemain dans la sociologie, surlendemain dans la philosophie ou dans la psychologie ! Il faut mieux orienter les jeunes, monsieur le ministre. Aussi, je renouvelle la demande que j'avais déjà formulée à votre prédécesseur, pourquoi ne pas créer un observatoire des débouchés à moyen terme, à cinq ou six ans, ne serait-ce que pour la seule fonction publique ? On pourrait ainsi savoir combien de places seront offertes, à échéance de cinq ou six ans, à tous les concours de la fonction publique. Cet outil inappréciable nous fait aujourd'hui défaut.
Les métiers de l'enseignement ont fait l'objet d'une publicité importante. Or nombre d'étudiants sont aujourd'hui déçus parce qu'il n'y a plus de places dans les IUFM. Ils ne savent plus vers où se tourner, puisqu'ils n'ont plus la possibilité de suivre la carrière qu'ils avaient choisie. Pour mieux orienter les étudiants, le ministère de l'éducation nationale doit se doter de cet observatoire des débouchés à moyen terme. Certes, il y aura des erreurs, les données ne seront pas toujours exactes, mais nous aurons ainsi une idée des possibilités qui s'offrent aux uns et aux autres.
J'en viens à la situation de certains étudiants particuliers.
Tout d'abord, et je le déplore, nous avons supprimé les bourses aux étudiants étrangers, notamment ceux qui, au niveau du troisième cycle, venaient terminer leur thèse dans nos laboratoires.
M. Jacques Legendre. Très bien !
M. Patrice Gélard. Nous nous en sommes trop aisément remis aux programmes européens. Or chacun sait que, maintenant, Turin est aux mains des anglophones et que l'on y pratique le système du lobbying à l'anglaise. Si l'on n'est pas à Turin, on n'obtient rien ! Nous ne savons pas nous défendre. Il faut donc relancer cette forme de coopération avec l'étranger, en particulier avec les pays francophones, qui sont d'ailleurs demandeurs. (M. Jacques Legendre applaudit.)
J'évoquerai d'un mot la formation continue. Nous avons « loupé » ce que j'appellerai la « formation qualifiante ». La formation continue ne débouche pas sur des licences, des maîtrises, des doctorats, des diplômes de docteur-ingénieur. Or c'est très exactement ce qu'il faudrait.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. C'est vrai !
M. Patrice Gélard. On devrait pouvoir y arriver, mais différemment. On délivrerait les mêmes diplômes, la même licence de physique ou de droit, mais pas avec les mêmes programmes, parce que ces étudiants-là ont un acquis dont il faut tenir compte et aussi des retards qu'il leur faut rattraper.
J'évoquerai maintenant l'apprentissage des langues. Je sais à quel point vous avez soutenu mon université pour l'apprentissage des langues, mais vous savez qu'il demeure le parent pauvre de l'université française et ce n'est pas en consacrant une heure ou une heure trente à l'apprentissage des langues en premier cycle que l'on sera capable de faire concurrence aux étudiants qui, eux, apprennent correctement les langues vivantes dans les universités voisines.
Enfin, je terminerai sur les personnels.
Monsieur le ministre, nous allons en être à la dixième réforme des modes de recrutement des enseignants en moins de vingt ans ! Il est temps que tout le monde se mette d'accord sur un mode de recrutement au-delà des clivages politiques et des alternances. Cela devient insupportable, et risible aussi. Il faut trouver un mode de recrutement stable qui ne change pas avec les gouvernements !
A propos des enseignants, je m'inquiète de constater la croissance du nombre des agrégés dans l'enseignement supérieur. Ce n'est pas très sain parce que cela se fait au détriment de la création de postes. Nous avons un grand nombre de jeunes doctorants qui attendent et qui, eux, ne sont pas agrégés, qui, eux, ne sont pas certifiés. Mais un président d'université sait calculer qu'un agrégé équivaut à deux enseignants du supérieur et qu'il fait le double de service. Et, au moins, cela évite de payer des heures complémentaires !
Précisément, au sujet des heures complémentaires, elles ne sont pas aussi scandaleuses qu'on le dit, monsieur le ministre. En effet, trop d'enseignants qui s'investissent dans la pédagogie ne bénéficient d'aucune rémunération spécifique pour cela. Celui qui dirige une filière ou un cycle n'est pas rémunéré en conséquence, et il risque de se décourager. Les enseignants d'IUT ne sont d'ailleurs pas logés à la même enseigne sur ce point.
Vous avez créé des postes, monsieur le ministre. C'est bien, mais il faudrait rétablir l'équilibre entre les disciplines. Parce qu'une filière scientifique compte quatre doctorants chaque année, on réclame quatre postes de maître de conférences ? Une telle politique ferait, à terme, qu'un enseignant encadrerait cinq étudiants dans les filières scientifiques, contre un pour soixante dans les filières juridiques !
Monsieur le ministre, je vous ai dressé un tableau rapide, simple et clair de la situation. Des nuages s'amoncellent sur l'enseignement supérieur, mais je compte sur vous pour que, à l'avenir, le budget de l'enseignement supérieur, qui me paraît nettement insuffisant cette année, soit corrigé de façon que ces nuages se dissipent et n'annoncent pas de nouveaux troubles dans l'université française. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai du mal à trouver dans ce projet de budget l'expression d'orientations fortes qui nous confirmeraient que vous manifestez, dans ce domaine, un réel souci de préparer l'avenir.
Certes, vous faites un effort sur l'emploi. Encore faut-il noter que les postes que vous créez sont, en fait, financés par la suppression d'heures complémentaires. Comme l'a noté notre rapporteur spécial, M. Jean-Philippe Lachenaud, vous gonflez les crédits de fonctionnement et vous réduisez les dépenses d'investissement.
En fait, en gérant le quotidien, vous hypothéquez l'avenir. Nous avons une bonne occasion, purement comptable cette fois, de vérifier qu'un budget en augmentation ne fait pas forcément un bon budget.
Monsieur le ministre, dans un contexte de grande rigueur budgétaire, votre prédécesseur, M. François Bayrou, avait réussi à redonner un caractère de grande priorité à l'enseignement supérieur.
Vous semblez aujourd'hui hésiter entre deux attitudes, tout remettre en cause - et vous mesurez les dégâts que vous feriez alors - ou accepter et mettre en oeuvre, par simple bon sens, le plan Bayrou de réforme de l'université, mais je comprends que cela vous ennuie un peu. Pourtant, ce plan élaboré dans le cadre d'une large concertation et avec l'appui de toutes les composantes de la communauté universitaire, est exemplaire. Sa mise en place fut même saluée comme un événement dans l'histoire de l'université.
Monsieur le ministre, évitez de vider de sa substance, donc de son sens, un processus ambitieux et qui avait du souffle. Sauf erreur de ma part, vous n'en reprenez que quelques dispositions, sur lesquelles demeurent, d'ailleurs, de nombreuses incertitudes. Mais vous abandonnez celles qui avaient la plus forte signification, notamment la mise en place d'une filière technologique supérieure, élément qui nous paraissait justement porteur d'avenir. Le statut social de l'étudiant est repoussé à un hypothétique débat parlementaire, au printemps prochain. Nous aimerions vous voir progresser de manière sensible sur la diversification des filières et sur les formations professionnelles. La mise en place de stages doit être, dans cet esprit, une occasion à ne pas manquer.
S'agissant des investissements, vous ne vous en sortez pas trop mal, mais en renvoyant largement les charges sur les collectivités locales. A cet égard, l'effort financier réalisé par celles-ci pour mener à bien le plan Université 2000 doit être souligné. Sans cet effort, la remise à niveau des constructions universitaires n'aurait pu avoir lieu. Pour autant, en dehors du problème spécifique des universités parisiennes, qu'il est urgent de régler, d'importants besoins n'ont pas été pris en compte. Je citerai, par exemple, le parc de logements étudiants et la réalisation d'installations sportives.
Vous nous dites, monsieur le ministre, que le plan U3M doit permettre de relancer l'investissement universitaire en collaboration avec les acteurs locaux. Je ne vous cache pas que ceux-ci, s'ils mesurent l'intérêt de cette opération, n'en sont pas moins très inquiets quant à leur future participation. De plus, pouvez-vous nous assurer que cette politique sera accompagnée d'un effort similaire en matière de fonctionnement des établissements ? Rien ne l'indique dans votre budget.
Monsieur le ministre, les collectivités locales ne peuvent pas entrer dans une logique destinée simplement à pallier le désengagement de l'Etat. Evidemment, nous ne remettons pas en cause le financement local des infrastructures universitaires, mais, il ne peut évidemment pas exister sans, en contrepartie, des responsabilités dans la gestion de ces établissements. Vous aurez alors à faire la part de ce qui exige ou justifie leur participation et de ce qui doit, bien légitimement, rester la prérogative de l'Etat, garant de l'égalité républicaine. Le succès du plan sera largement fonction de votre capacité à trouver ici le bon équilibre.
Parmi les orientations qui concernent l'enseignement supérieur, il semble notamment que vous cherchiez à rapprocher les universités des grandes écoles. Une mission de réflexion s'est d'ailleurs déjà mise au travail, sous la direction de Jacques Attali, que j'ai rencontré, je le note en passant, pour la première fois précisément sur les bancs d'une grande école, il y a un peu plus de trente ans. (Sourires.) J'en profite pour vous demander de veiller à ne pas briser l'originalité de ces deux structures, universités et grandes écoles, leur complémentarité étant une composante essentielle du modèle français d'éducation.
Sachons transformer d'éventuelles rivalités en saine émulation. Nos grandes écoles ne sont pas les rivales des universités. A certains égards, elles représentent même un moteur pour notre enseignement supérieur. A d'autres égards, ce sont les universités qui ont cette fonction, je ne le nie pas.
Les grandes écoles se veulent exemplaires pour ce qui est de l'ancrage dans les entreprises et, aujourd'hui toujours davantage, de la relation avec le monde de la recherche.
Notre collègue Pierre Laffitte a joué, à cet égard, un grand rôle, et je tiens à lui en rendre hommage en cet instant.
Les échanges entre écoles et universités se multiplient. A partir du moment, en effet, où il y a respect réciproque et intérêt mutuel, cela doit se faire tout naturellement, sur le terrain, au niveau des responsables, et tout le monde s'y retrouve : universités et grandes écoles, entreprises et laboratoires de recherche.
J'ai déposé un amendement sur la question qu'évoquait M. Laffitte, voilà un instant, du rattachement à divers ministères de certaines grandes écoles. Je me permets d'y insister, car c'est le coeur de notre débat.
Si nos écoles spécialisées sont souvent restées rattachées à des ministères techniques, je ne pense pas que ce soit le résultat du hasard, ni même une survivance de notre histoire administrative. Comment, en effet, mieux réaliser l'insertion de jeunes étudiants dans leur futur milieu professionnel qu'en les formant en symbiose avec ce milieu, qu'en les associant immédiatement aux évolutions, aux difficultés et aux ambitions du secteur ?
Je note que, dans le même temps, l'insertion d'une école dans son contexte professionnel et la responsabilité que cela confère au ministère compétent me paraîssent excellents : cela représente, pour le ministère, une exigence particulière et inappréciable de qualité.
La formation continue trouve tout naturellement sa place, alors, dans la vie du ministère, formation continue que les grandes écoles pratiquent depuis longtemps. C'est une occasion supplémentaire, une occasion privilégiée d'ouverture sur le monde de la recherche et, bien souvent, sur l'international. C'est aussi, et je pourrais dire surtout, un appel permanent pour tous à se remettre en cause. Cet appel peut être particulièrement bien perçu par le ministère et par les professionnels du secteur, qui, quelquefois, en ont bien besoin !
Pour autant qu'on ait la volonté de tirer vraiment partie des grandes écoles dans d'autres ministères que celui de l'éducation nationale, c'est bon pour ces écoles, bon pour les étudiants et, je ne crains pas de le dire, c'est bon aussi pour ces ministères !
Monsieur le ministre, la présence simultanée dans notre enseignement supérieur d'universités et de grandes écoles est une chance pour le pays. C'est, à l'évidence, une richesse si vous savez vous en servir. Si nivellement il doit y avoir, que ce soit par le haut, sur chaque sujet et dans chaque domaine ! Ce sera parfois à l'avantage des universités, parfois au bénéfice des grandes écoles, tantôt grâce aux premières, tantôt grâce aux secondes.
Nous sommes, monsieur le ministre, en situation de faire jouer des synergies. Les enjeux pour nos étudiants et les défis à relever au plan international comme au plan scientifique sont tels qu'il ne peut plus y avoir ici la moindre place pour le dogmatisme, l'esprit de système ou les querelles de boutiques.
Le gouvernement précédent avait mis en chantier une réforme des études médicales. Un rapport dressant un bilan assez peu rassurant et avançant des propositions a été réalisé par le professeur Mattei. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser vos intentions sur cet important dossier qui appelle des solutions urgentes ?
Enfin, je profite de ce débat pour mettre l'accent sur la nécessité d'améliorer les collaborations entre les universités européennes ; notre collègue Patrice Gélard évoquait cette question à l'instant. Nous devons créer un espace européen du savoir, de la formation supérieure et de la recherche. A quand des universités européennes pouvant rivaliser avec leurs consoeurs d'outre-Atlantique ? C'est ici le rapporteur spécial, du prélèvement pour le budget des Communautés qui vous interroge, vous l'aurez compris.
Je me souviens m'être rendu en 1984 à Berkeley avec le président de la Conférence des grandes écoles d'alors, devenu depuis notre collègue M. Pierre Laffitte, pour bâtir un jumelage entre nos grandes écoles françaises et l'université californienne. Nous avions d'ailleurs présenté sur place cette réalisation au Président de la République d'alors et à son conseiller, M. Jacques Attali, lesquels l'avaient, me semble-t-il, l'un et l'autre appréciée. Nous avons ainsi démontré qu'il était possible de faire travailler ensemble nos grandes écoles. Nous avons évidemment vérifié qu'elles se retrouvaient tout à fait spontanément et se rapprochaient très naturellement dès lors qu'elles étaient en terrain étranger et confrontées à une concurrence particulièrement forte. Je suis certain que la même démonstration peut valoir pour les universités ; j'imagine d'ailleurs qu'elle a déjà été faite sans que je l'aie su, et c'est très bien ainsi.
Aujourd'hui, nous devons aller plus loin et faire des propositions à l'échelon européen en appelant l'ensemble de nos établissements d'enseignement supérieur à se rapprocher pour que notre jeunesse et nos étudiants sachent que, s'ils ont une part à prendre dans l'avenir de l'Europe et du monde, ils s'y prépareront en échangeant davantage. Au passage, je note aussi qu'ils contribueront fortement à construire l'Europe, l'Europe des jeunes, l'Europe des citoyens de demain.
Pour en revenir à votre projet de budget, monsieur le ministre, mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même ne pouvons y souscrire en l'état. C'est pourquoi nous suivrons les conclusions de nos rapporteurs. ( Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants. )
M. le président. La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a fait de l'éducation nationale, en général, de l'enseignement supérieur, en particulier, une priorité. Cette volonté, qui transparaît dans les intentions affichées des responsables, se retrouve dans les données chiffrées qui caractérisent le projet de budget que le Sénat examine aujourd'hui. C'est là une justice qu'il faut vous rendre, monsieur le ministre, et je le fais bien volontiers.
La croissance des crédits, légèrement supérieure à 3 %, correspond à une hausse de 1,4 milliard de francs, et le budget global, qui atteint un peu plus de 48 milliards de francs, représente 3 % du budget général de l'Etat.
Ces chiffres, témoignage d'une certaine bonne volonté, sont d'autant plus flatteurs qu'on doit les rapporter à un contexte général marqué par une légère baisse des effectifs universitaires.
L'honnêteté intellectuelle commande donc de dire, monsieur le ministre, que le projet de budget que vous nous présentez comporte, d'un point de vue strictement comptable, des efforts significatifs qui ne peuvent que satisfaire tous ceux qui, comme moi, sont particulièrement attentifs à l'état dans lequel se trouve le système d'enseignement supérieur français.
Certaines des dispositions vertueuses de votre projet de budget ont été mises en lumière par d'autres que moi, et je ne m'y attarderai pas. Je rappellerai simplement que la création de 3 000 emplois d'enseignants, l'effort fait en faveur des bibliothèques universitaires - qui bénéficieront d'un budget en progression de 50 millions de francs et de 350 emplois nouveaux - et la revalorisation des plafonds de ressources ouvrant droit à des bourses sont, selon moi, des mesures positives qu'il convient de saluer. Elles me paraissent aller dans le bon sens, c'est-à-dire vers l'édification d'une université ouverte à tous, où les étudiants travaillent dans de bonnes conditions avec un encadrement pédagogique renforcé.
Pourtant, en dépit de cette présentation que j'ai voulue objective, je ne voterai pas le projet de budget présenté par le Gouvernement.
En effet, la question qu'il est urgent de se poser aujourd'hui, au-delà des problèmes liés à des arbitrages financiers, est de savoir si les orientations fondamentales de ce projet de budget seront favorables à la dynamisation de notre système d'enseignement supérieur et, surtout - j'insiste sur ce point - à l'accroissement de son efficacité sociale.
De ce point de vue, monsieur le ministre, je ne doute pas que votre volonté d'améliorer la situation soit réelle. Malheureusement, je crois aussi, et je le regrette, que le Gouvernement s'est un peu arrêté à la surface des choses et qu'aucun changement véritable ne sortira de ce projet de budget. On apporte des modifications à la périphérie du système, mais on évite soigneusement d'en consulter le coeur. Tout cela est d'autant plus décevant que certaines déclarations, que nous sommes nombreux à avoir en mémoire, laissaient augurer le contraire.
Pour ma part, j'ai plusieurs fois plaidé, depuis cette tribune, pour un système universitaire où les mots de « sélection » et d' « argent » - c'est-à-dire de sélection bien faite à l'entrée de l'université, et de frais de scolarité avec bourses à l'appui - ne seraient plus tabous. On s'y refuse encore, et on m'a objecté récemment que cela viendrait avec l'université européenne, que j'étais impatient... Bien sûr, je suis impatient, car nous prenons un tel retard par rapport aux autres universités, notamment américaines, que je ne comprend pas pourquoi on hésite à prendre des décisions.
J'ai répété, et je répéterai toujours, au risque de lasser, que la pire des sélections est la sélection par l'échec : c'est-à-dire celle qui, malheureusement, joue à presque tous les niveaux du système français et que notre excellent collègue Jean-Pierre Camoin a appelée, à juste titre, lors d'une réunion de la commission des affaires culturelles, la « sélection clandestine ».
M. Jean-Pierre Camoin, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. André Maman. Certains ont pu voir dans mes propos antérieurs une atteinte à un principe auquel je suis pourtant attaché, celui de l'égalité. Ils y ont vu, de bonne foi sans doute, la volonté d'appliquer aveuglément des expériences anglo-saxonnes au modèle républicain qui est le nôtre, et qui, je le répète également, doit le demeurer.
A tous ceux-là, et à vous-même, monsieur le ministre, je voudrais donc simplement rappeler les conclusions d'une enquête sur le recrutement social de l'élite scolaire en France, qui a été publiée dans le dernier numéro de la Revue française de sociologie et que le quotidien Le Monde a signalée dans son édition datée du vendredi 21 novembre dernier.
A l'heure où l'on s'aperçoit que l'accès à la connaissance est devenu l'élément fondamental de l'intégration sociale et de l'épanouissement individuel, les conclusions de cette étude, qui sont assez édifiantes, sont les suivantes : la proportion des jeunes d'origine populaire dans les quatre plus grandes écoles françaises - polytechnique, Normale Sup, ENA et HEC - est passée d'environ 30 % dans les années cinquante à 9 % aujourd'hui.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Absolument !
M. André Maman. Je voudrais vraiment qu'on m'explique où est l'égalité dans ce domaine !
En comparant le système français à d'autres systèmes que je connais très bien, j'ai l'impression qu'au fond de l'esprit français il y a un parti pris d'élitisme. On fait semblant de vouloir aider tout le monde, mais on préfère l'élite et on met, si je puis dire, des bâtons dans les roues des étudiants qui n'appartiennent pas au milieu socio-culturel de l'élite. Sinon, les résultats seraient différents. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Comment, voilà vingt ans qu'on répète ce leitmotiv, et les choses n'avancent pas ! En fait, chacun se dit qu'il n'est pas la peine de se préoccuper du sort de ces jeunes gens, et qu'une élite qui représente 3 % de la population étudiante française suffit pour faire face à la concurrence étrangère. C'est complètement faux !
J'aimerais que l'on m'explique également où se trouve l'égalité quand on constate que ce sont majoritairement les étudiants d'origine socio-culturelle modeste qui sont les premières victimes du naufrage pédagogique que constitue, dans les universités françaises, le passage du premier au deuxième cycle.
Monsieur le ministre, c'est parce que je ne me résous pas à ce genre de chiffres que je souhaite une réforme d'envergure de l'université française. Je pensais que vous pouviez le faire après avoir entendu toutes vos déclarations. Je faisais confiance à votre dynamisme pour faire changer de cap au bateau. Mais je dois constater que vous vous êtes repris. (M. le ministre fait un signe de dénégation.) Bon, nous en reparlerons tout à l'heure ! (Sourires.)
Je suis en effet convaincu que la pluralité des attentes du corps social par rapport à l'université, que la diversité sociale des étudiants, que l'échec universitaire et la durée des études sont des réalités nouvelles auxquelles il faudra bien, un jour ou l'autre, apporter des réponses nouvelles.
De ce point de vue, je vois mal comment nous pourrions faire l'économie d'une véritable réflexion sur l'orientation des étudiants, sur l'inadaptation des formations supérieures aux besoins de l'économie, ainsi que sur un relèvement significatif des frais de scolarité à l'université, fondé sur la prise en compte des capacités contributives de chacun.
C'est parce que je ne vois aucun signe de cette réforme dans votre projet de budget, monsieur le ministre, que, tout comme mes collègues non inscrits, je ne le voterai pas. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Louis Carrère. J'applaudis tout, sauf la conclusion !
M. le président. La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal. Monsieur le ministre, le projet de budget que vous présentez devant le Sénat rompt enfin avec la politique « comptable » menée précédemment et trace, pour l'enseignement supérieur et la recherche, une ambition nouvelle et des objectifs clairement identifiés.
Moderniser l'enseignement supérieur, l'ouvrir sur le monde, le préparer aux défis du troisième millénaire tout en renforçant ses missions fondamentales et traditionnelles ; telles sont les orientations dont nous avons pris connaissance, notamment lors de votre audition devant la commission des affaires culturelles du Sénat, le 30 octobre dernier.
Ces orientations s'inscrivent dans un véritable projet de société où le pari sur l'intelligence détermine le véritable enjeu pour la France en concentrant tous les efforts en faveur de la jeunesse. Les créations d'emplois et l'amélioration de l'encadrement des étudiants sont une première réponse à ce projet. Elles apportent aussi des perspectives nouvelles pour les jeunes chercheurs, dont on connaît les difficultés à trouver un premier emploi.
Quatre mille deux cents emplois seront créés en 1998, dont 3 000 concernent des postes d'enseignants ; ce sont là des décisions auxquelles nous n'étions plus habitués depuis quelques années et nous saluons ce changement d'orientation qui, sans rattraper le retard accumulé au cours des exercices précédents, en particulier si l'on établit la comparaison avec nos voisins européens, donnent néanmoins le signal d'une politique nouvelle.
Votre deuxième objectif est de donner à l'enseignement supérieur les moyens matériels de fonctionner et de travailler, car il ne s'agit pas seulement d'améliorer l'encadrement des étudiants, il faut aussi créer les conditions d'un accueil optimal avec des outils performants.
Or, là encore, le retard pris est particulièrement préoccupant et nous devons prendre conscience qu'il faudra plusieurs années d'efforts, y compris budgétaires, pour consolider des pôles universitaires dignes de notre pays soucieux de jouer un rôle décisif sur la scène internationale.
Nous observons également avec satisfaction l'augmentation des moyens alloués aux bibliothèques universitaires dont on connaît, indépendamment de l'insuffisance notoire des capacités d'accueil, les carences en matière de gestion informatique, les insuffisances de crédits pour acheter et renouveler des ouvrages - et souvent d'ailleurs, la discrétion des responsables de bibliothèques universitaires a contribué à aggraver ces situations - voire l'état de délabrement pour certaines d'entre elles.
Dans ce domaine également, votre projet de budget apporte une réponse par la création de 350 emplois et une augmentation de plus de 200 millions de francs des crédits de fonctionnement.
Ces choix devraient permettre, nous en sommes convaincus, de préparer l'université du XXIe siècle.
Vous avez présenté très récemment avec votre collègue Mme Royal un plan d'introduction massive des nouvelles technologies dans l'enseignement, depuis l'école maternelle jusqu'à l'université.
Parallèlement, vous préparez le plan baptisé U3M, destiné à lancer l'université dans le troisième millénaire.
Voilà une grande révolution - au sens étymologique - tant attendue de l'université et le souffle nouveau traçant des perspectives destinées à encourager notre jeunesse.
Ainsi, dans le prolongement du plan « Université 2000 », votre projet s'inscrit aussi dans une démarche d'aménagement du territoire, en déconcentrant les pôles d'excellence et en répartissant l'intelligence sur l'ensemble du territoire.
Cet enjeu résidera aussi dans la définition d'une conception nouvelle de l'aménagement du territoire et de la déconcentration universitaire, prenant en compte la mutation engendrée par les technologies nouvelles et par les mises en réseau qui, nécessairement, en découleront. Ce sont autant de thèmes qui ont été évoqués ces dernières années au cours de la mission sénatoriale portant sur l'aménagement du territoire, à laquelle j'ai eu la satisfaction de participer en ma qualité de membre de la commission des affaires culturelles.
Par ailleurs, votre volonté de créer des passerelles entre l'université et le monde du travail pour favoriser une véritable formation professionnelle qualifiante nous paraît digne d'intérêt. A cet égard, vous entendre sur le rôle que vous envisagez de faire jouer à l'université, dans la formation continue, ainsi que l'a souhaité tout à l'heure notre collègue M. Saunier, au cours de son intervention, nous serait fort utile.
Cette ouverture doit aussi aller vers les pays étrangers, et notamment vers nos partenaires européens. Trop d'obstacles subsistent encore, aussi bien pour accueillir les étudiants étrangers que pour encourager nos étudiants à effectuer une partie de leur cursus dans les universités européennes.
Les contacts fréquents que j'ai avec eux, à Montpellier et à Paris, me permettent d'insister auprès de vous pour que soient facilitées toutes démarches favorables à cette ouverture vers l'Europe et au-delà.
Ces obstacles sont clairement identifiés. Ils sont d'abord financiers, car les études à l'étranger sont coûteuses. Malgré les aides prévues par les programmes européens, des améliorations sont nécessaires et urgentes pour encourager le plus grand nombre à bénéficier de ces échanges. Par ailleurs, ces obstacles sont liés à des difficultés d'harmonisation européenne et il faudra toute votre détermination pour obtenir des avancées significatives sur ce point au niveau de l'administration de Bruxelles.
Enfin, je souhaiterais attirer votre attention sur l'importance de l'enseignement des langues vivantes dans nos universités. Il est très préoccupant de constater que les langues étrangères ne sont pas enseignées dans la plupart d'entre elles et il est grave de noter les lacunes des étudiants dans ce domaine. Le développement de laboratoires de langues performants et modernes est urgent.
Vous avez également annoncé pour le printemps prochain un débat devant le Parlement, portant sur le plan social étudiant qui viendra compléter l'ensemble des mesures que vous nous avez présentées. Il est certain que les problèmes relatifs au « service social » dans leur globalité - critères d'attribution des bourses, logement, restauration, médecine, accueil-information - méritent un examen approfondi, une mise à jour et des décisions claires. Le moment venu, nous apporterons notre contribution à la discussion générale avec l'enthousiasme qui nous anime.
Monsieur le ministre, nous connaissons votre attachement à toutes ces question, nous apprécions la netteté de vos déclarations qui, jusqu'à ce jour, ont eu pour avantage de ne laisser personne « plonger » dans l'indifférence. Votre projet de budget définit un cadre nouveau pour l'enseignement supérieur ; il trace un projet ambitieux pour notre université, selon les engagements annoncés. Nous le voterons sans réserve. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, on s'illusionne souvent sur l'image que l'on donne ou que les autres ont de nous-mêmes. Si une chose m'a étonné, c'est bien que l'on puisse penser un seul instant que je n'allais pas avoir une politique et une ambition pour l'université française.
Vous avez la mémoire courte, et je vais être obligé de vous la rafraîchir, en rappelant ce qui a été fait après notre départ du gouvernement. Je vous demande de m'en excuser, mais l'addition sera probablement salée pour ceux qui nous ont suivis ! Si vous avez été francs, je le serai aussi.
Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai relevé dans vos interventions un certain nombre de contradictions étonnantes.
M. Maman dit, avec juste raison, d'ailleurs, que l'université conduisait à l'inégalité. Selon moi, ce n'est pas à l'université, c'est au lycée que se fait la sélection ; c'est pourquoi je m'occupe du lycée, et vous ne pouvez pas me reprocher de ne pas m'occuper d'abord de ce qui engendre ce que vous critiquez, vous ne pouvez pas me reprocher d'avoir établi cette priorité.
Certains intervenants qui m'ont dit tout à l'heure que j'avais ouvert trop de chantiers me reprochent maintenant de ne pas en avoir ouvert de supplémentaires. Je vais donc mettre la représentation nationale au courant.
Pendant quatre ans, j'ai été conseiller spécial du ministre de l'éducation nationale, chargé de l'enseignement supérieur ; je peux donc vous rappeler très précisément ce que nous avons fait.
Nous avons revalorisé la situation des enseignants. Nous n'avons pas agi n'importe comment, nous n'avons pas procédé à une revalorisation égalitaire à l'ancienneté. Nous avons instauré des primes pour ceux qui faisaient de la recherche, nous avons instauré des primes pour ceux qui se consacraient à la pédagogie. Nous avons décidé d'attribuer aux maîtres de conférences une augmentation double par rapport à celle dont bénéficiaient les professeurs. Par conséquent, nous avons rétréci l'échelle.
Par ailleurs, nous avons mis en place la contractualisation dans les universités, ce qui obligeait chaque établissement à proposer un plan de recrutement et d'insertion des étudiants, et leur garantissait les enseignants. Cette mesure a été supprimée, non par moi, mais par mon prédécesseur.
Ensuite, nous avons créé les centres d'initiation à l'enseignement supérieur, les CIES, et les moniteurs, pour permettre aux personnes se destinant à l'enseignement supérieur de s'initier à la pédagogie. M. Bayrou a laissé ces centres mourir lentement : le nombre des moniteurs a été divisé par quatre, et les CIES ont alors périclité.
Nous avons aussi créé l'Institut universitaire de France, l'IUF, pour sélectionner, au sein de l'université, les meilleurs enseignants et leur attribuer une dotation spéciale, afin de leur permettre de poursuivre leurs recherches tout en assurant un enseignement. L'objectif était d'éviter que les meilleurs enseignants ne quittent la province pour réjoindre des institutions parisiennes prestigieuses. On a laissé péricliter l'IUF, en supprimant les dotations réservées aux enseignants.
Nous avons créé les instituts universitaires professionnalisés, dont l'enseignement doit être assuré en alternance par des professionnels ou par des professeurs étrangers ; je vous le rappelle, monsieur Laffitte. On a failli laisser mourir les IUP.
Nous avons rénové la recherche universitaire, en prévoyant des crédits spéciaux pour les jeunes équipes ; nous avons multiplié par deux ce budget, en faisant passer le nombre des allocations de recherche de 1 900 à 3 800. Mais la direction de la recherche universitaire a été supprimée en tant que telle.
Nous avons rénové les premiers cycles. Et certains parlent de la réforme Bayrou ! Elle n'existe pas ! Elle marque la continuation de ce que nous avions fait : les tutorats, les modules capitalisables, l'orientation et la cessation des filières closes, sans passerelles.
Nous avons mis en place le plan Université 2000. De quoi s'agissait-il ? Ce n'était pas que du béton, c'était la définition de pôles européens, des IUT délocalisés, avec une carte nationale des implantations, ainsi que la création d'universités nouvelles.
Nous avons également institué, pour la première fois, un statut de l'étudiant.
Pendant la période où nous avons été au Gouvernement, le nombre des chambres pour les étudiants a été multiplié par cinq : les chambres d'étudiants ne font plus défaut aujourd'hui, sauf à Paris.
Pendant cette période, le nombre des bourses a été fortement multiplié.
S'agissant des bibliothèques, les crédits ont été largement multipliés.
Nous avions instauré un comité scientifique pour l'éducation nationale, composé pour moitié d'Européens, au sein duquel siégeaient six prix Nobel. Ce comité a été instantanément supprimé à l'arrivée de M. Fillon et remplacé par un comité purement local, fondé sur des amitiés politiques.
Nous avions donné l'autonomie aux universités. Que s'est-il passé quand nous avons quitté le pouvoir en matière de recrutement ? Tout est revenu à Paris.
Nous obligions les représentants de l'administration à se déplacer dans les universités pour prendre en compte leurs propositions d'autonomie et nous les empêchions de faire venir les responsables à Paris. Cela a été supprimé, et l'administration centrale a repris le pouvoir, comme il en va toujours dans ce pays !
La droite parle de déconcentration et de décentralisation, mais elle centralise dès qu'elle a le pouvoir !
M. Jacques Legendre. Holà !
M. Jean-Louis Carrère. Mais oui !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. C'est un fait, monsieur le sénateur !
Le général de Gaulle avait parlé de décentralisation, M. Pompidou l'avait enterrée, M. Giscard d'Estaing l'avait ignorée, et c'est M. Mitterrand qui l'a faite !
M. Jacques Legendre. Et M. Pasqua ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. C'est M. Mitterrand qui a fait les lois de décentralisation !
M. Jean-Louis Carrère. M. Pasqua était dans l'opposition !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Dans le domaine universitaire, il en est de même. Nous avions donné l'autonomie à l'université, elle lui a été reprise !
Quant au schéma régional des formations qui devait être établi dans chaque académie à l'issue d'une discussion associant les élus et qui devait permettre de suivre les étudiants du lycée à l'université, il a été supprimé !
Maintenant, je vais vous dire quel est mon programme. Mon programme, c'est d'abord de remettre tout cela en place, et c'est pourquoi je n'ai besoin ni de déclarations publiques, ni de grande loi, ni de tintamarre.
Vous pouvez demander aux universitaires, à tous les plus grands universitaires, de comparer nos politiques respectives : vous verrez qu'ils sont favorables à cette remise en place. C'est pourquoi je peux dire de certains propos que j'entends que non seulement ils ne sont pas objectifs, mais qu'ils ne sont même pas décents.
Parlons des personnels.
Cette année, 5 000 postes seront ouverts au concours pour les doctorants du fait des créations de postes et des départs à la retraite, et nous ne savions pas si nous pourrions les pourvoir faute d'un système de recrutement adapté. Il fallait réformer d'urgence notre système de recrutement !
Toutes les universités d'Europe, toutes les universités du monde, sauf en Italie, disposent de l'autonomie en matière de recrutement de leurs professeurs.
Dans ces pays, il n'y a ni comité consultatif national ni navettes. Il n'y a que nous qui ayons de telles procédures ! Il faudra bien un jour que l'on se rende à cette autonomie, et c'est le chemin sur lequel nous nous engageons.
Quant à l'équilibre entre les PRAG et les non-PRAG, il est rétabli cette année en faveur des non-PRAG, même si les professeurs agrégés de l'enseignement supérieur rendent des services importants. Simplement, ils n'avaient aucun statut. Nous leur en donnons un, en distinguant ceux qui font de la recherche et ceux qui n'en font pas, et en prenant en compte le nombre d'heures effectuées pour essayer d'organiser le système.
Il est impératif, dans l'enseignement supérieur français, non pas d'augmenter les horaires des enseignants, mais de les différencier.
Certains enseignants font de la recherche, et leurs horaires sont lourds, alors que d'autres ne font pas de recherche et, pour ceux-là, les horaires sont légers. Certains enseignants se dévouent pour la collectivité, et pour ceux-là les horaires sont lourds, alors que d'autres exercent un second métier, parfois d'ailleurs d'une manière illégale - je pense, par exemple, aux professeurs de droit qui plaident contre le Gouvernement, ce qui est interdit - et pour ceux-là les horaires sont légers.
Eh bien ! il faut attribuer aux différents personnels des horaires qui correspondent à leur activité.
Un intervenant a parlé de l'équilibre des disciplines. Mais tout le monde sait que les professeurs de droit ne veulent pas qu'on augmente le nombre de professeurs de droit, en particulier de droit public ! Lorsque j'étais au ministère de l'éducation nationale, j'ai proposé de doubler le nombre des postes à Paris II. Des professeurs sont alors venus m'expliquer que ce n'était pas possible, que je tuais le marché de l'expertise !
Tout le monde le sait, il ne faut pas demander la création de postes supplémentaires de professeur de droit ! En droit, 250 postes de maître de conférence ne sont pas pourvus !
Ne me parlez donc pas de l'égalité, mesdames, messieurs les sénateurs.
Nous rétablissons un mode de recrutement qui donne la responsabilité finale aux établissements.
J'ajoute, je le dis franchement, que je n'aurais pas proposé de listes d'aptitude si je n'y étais pas obligé. C'est en effet la loi qui prévoit la qualification nationale.
Un jour ou l'autre, il faudra bien modifier la loi pour harmoniser notre mode de recrutement avec celui qui est en vigueur dans les autres pays européens. De ce point de vue, nous sommes en effet en contradiction avec le traité de Maastricht.
Quand le temps viendra, je vous proposerai une modification de la loi, mais ce n'est pas le moment.
Nous avons remis de l'ordre dans la situation des personnels non enseignants à l'occasion d'une table ronde. Nous avons obtenu un accord quasi unanime qui nous a permis d'éviter les tensions excessives. Sachez, en effet, que, dans un même laboratoire, ceux qui s'appellent les ITA, des ingénieurs techniciens administratifs, parce qu'ils sont attachés au CNRS, et ceux qui s'appellent des ATOS, parce qu'ils sont attachés à l'université, n'ont pas le même statut, n'ont pas les mêmes primes, n'ont pas les mêmes horaires et n'ont pas les mêmes congés. Imaginez la tension !
Cette année, nous avons repris l'effort engagé en faveur des bibliothèques ; nous avons en particulier - cela intéressera M. Laffitte - instauré un système qui permettra de transmettre dans cinq bibliothèques de province - c'est un début - l'ensemble des données de la Bibliothèque de France. Il s'agit là d'une véritable décentralisation !
Le statut social social de l'étudiant ? J'en dirai quelques mots.
Le Président de la République, plus exactement le candidat à la présidence de la République, a parlé, pendant la campagne présidentielle, d'une allocation étudiante pour tous. Je vous donne le coût de sa proposition : 60 milliards de francs ! Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous êtes prêts à voter une telle augmentation de mes crédits, le ministre de l'éducation nationale que je suis est prêt à s'en féliciter, mais le ministre de la République sera inquiet pour l'équilibre des finances publiques !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôles budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il n'y a pas que le ministre qui sera inquiet !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Il faut donc arrêter de parler de l'allocation quand on en connaît le prix.
M. Bayrou, quant à lui, parlait de procéder à un certain nombre de transferts sociaux. Moi, je ne m'imagine pas augmenter les impôts, je vous le dis tout de suite, ni le demander au Gouvernement.
M. Jean-Pierre Camoin, rapporteur pour avis. Qu'est-ce que vous avez fait cette année ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je ne me vois pas proposer d'augmenter les impôts !
Nous proposerons par conséquent un plan social, qui donnera lieu à un débat au Parlement, pour que chacun se prononce.
Je ne vous proposerai pas un plan à la sauvette ; je vous demanderai de décider, parce que je ne veux pas décider moi-même sur ce sujet.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. C'est bien ce que nous demandons !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Vous venez de dire à l'instant que vous ne souhaitiez pas - je vous comprends ! - solliciter une augmentation des impôts auprès des contribuables.
Comme j'aurais aimé que votre collègue le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie vous entende ! En effet, le projet de budget qui nous est présenté aujourd'hui nécessite une augmentation des prélèvements obligatoires de plus de 50 milliards de francs environ : 25 milliards de francs au titre des entreprises, 25 milliards de francs au titre des ménages. Je crois donc que, en termes d'augmentation d'impôt, vous n'avez pas été entendu.
Puisque j'ai la parole, je voudrais encore relever un de vos propos.
Monsieur le ministre, je vous ai entendu dire voilà un instant - je n'ai pas voulu vous interrompre par courtoisie - que seul François Mitterrand avait lancé un projet de loi sur la décentralisation. Je me souviens avoir participé activement, en 1969, à une grande manifestation en faveur d'un projet de décentralisation extrêmement important. J'ai regretté alors que François Mitterrand ne soutienne pas ce véritable grand projet de décentralisation.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Vous avez raison de dire que le général de Gaulle avait prévu d'engager la décentralisation, mais il ne l'a pas fait !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Non, il n'a pas été suivi, c'est différent !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. François Mitterrand l'a fait !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. J'en reviens au statut social de l'étudiant.
Pendant que M. Bayrou a amusé tout le monde avec ce statut, en 1996-1997, il a diminué de 2,7 % les crédits affectés aux bourses, ce qui a fait baisser leur nombre de 9 600. Cette année, nous augmentons de 1,9 % lesdits crédits, ce qui permet de créer 6 000 boursiers supplémentaires et 11 000 boursiers exceptionnels. Vous pouvez comparer !
Mesdames, messieurs les sénateurs, quand je dis : « Nous allons créer 40 000 emplois-jeunes », tout le monde rigole, mais nous le faisons ! Quand je dis « Nous reprenons les maîtres auxiliaires », tout le monde rigole, mais nous le faisons ! Quand je ne parle pas, c'est que je ne suis pas sûr de pouvoir mener à bien le projet.
Venons-en au plan « Université pour le troisième millénaire », l'U3M.
Je vous fais une proposition, mesdames, messieurs les sénateurs : le Sénat ayant plus particulièrement vocation à représenter les collectivités locales, je vous propose d'organiser, sous son égide, un débat pour dresser le bilan du plan « Université 2000 ».
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. André Maman. Nous sommes preneurs !
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Banco !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je suis également prêt à discuter des orientations du plan U3M au Sénat.
M. Jean-Louis Carrère. Nous vous l'avons demandé.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Vous ne l'avez pas demandé, je vous le propose.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Si, nous vous l'avons demandé voilà quelques semaines.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. C'est vous qui l'avez demandé ? Admettons !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, m'autorisez-vous à vous interrompre ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous faire observer que, quand nous vous avons auditionné en commission des finances, nous vous avons posé différentes questions. Le débat a été extrêmement courtois, enrichissant même pour la plupart d'entre nous. Je vous ai alors demandé, au nom de tous les membres de la commission des finances sans exception, si vous seriez d'accord pour que, après la discussion budgétaire, en janvier ou en février, nous organisions un grand débat sur l'éducation nationale, en particulier sur le plan « Université 2000 ». Vous en avez été d'accord, et je vous ai remercié.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. La proposition que je vous fais déborde le cadre que vous évoquez. Je souhaite, en effet, organiser au Sénat un débat sur le schéma Université 2000, mais un débat qui ne soit pas restreint, qui soit public, sous l'égide du Sénat, avec la participation des personnalités que nous souhaiterons inviter les uns et les autres.
Nous ferons le bilan du plan Université 2000 avant d'engager l'U3M.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Nous souscrivons totalement à cette proposition, d'autant que les collectivités territoriales y ont apporté une contribution importante.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Non, pas importante : essentielle !
Tout à l'heure, un intervenant a dit « ... notamment grâce aux collectivités locales. » Ce n'est pas « notamment », c'est « grâce » aux collecticités locales.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Oui !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Si vous voulez me faire reconnaître que, à partir du moment où Lionel Jospin n'a plus été ministre de l'éducation nationale, les engagements de l'Etat ont commencé à s'effriter, je le reconnais bien volontiers. (Sourires sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Carrère. C'est vrai !
M. Claude Saunier. Cela avait commencé avant !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Pas sous Lionel Jospin, je peux vous le dire.
Maintenant, je souhaite répondre sur deux questions qui ont été soulevées concernant les crédits de paiement et les autorisations de programme.
Je vous expose très franchement le problème.
L'année dernière, M. Bayrou n'a pas dépensé, et de loin, tout son budget de construction.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Voilà !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Aussi, quand j'ai demandé des crédits, on m'a répondu : votre administration n'est pas fichue de dépenser des sommes pareilles ! Montrez-nous donc que vous êtes capables de les utiliser.
Pour ce faire, on a augmenté le volume de nos autorisations de programme, et j'ai obtenu l'engagement que, si des besoins se manifestaient, nos crédits de paiement seraient reconsidérés.
Toutefois, je dois vous dire très honnêtement que les procédures d'autorisations de construction sont telles que, avant d'avoir pu mettre la machine en route, je vais me trouver confronté à un certain nombre de problèmes.
Je vais maintenant parler de Jussieu. Je vous en ai d'ailleurs déjà parlé moult fois.
Nous attendons le permis de construire pour le premier bâtiment. L'organisme chargé de l'opération est en place ; la rénovation de Jussieu va donc avoir lieu.
Il y a le problème de l'amiante. J'aurai l'occasion, dans quelques semaines, d'en parler avec mon collègue Bernard Kouchner, qui le traite sous l'aspect de la santé publique.
Je vous ai dit mes préoccupations à ce sujet.
Je pense - et cela sans ambiguïté - que l'amiante à haute dose est toxique, même pendant une durée d'exposition relativement limitée. En revanche, personne n'a démontré la toxicité de l'amiante à faible dose.
Par ailleurs, les bâtiments de Jussieu qui ont été calfeutrés présentent des taux d'amiante inférieurs aux taux moyens relevés à Paris.
J'en conclus, pour ma part, qu'il faut surtout protéger contre l'amiante ce qui se trouve à l'intérieur des locaux et éviter aux personnels tout contact avec lui.
Quant au désamiantage, l'expérience du Berlaymont, à Bruxelles, est un tel désastre qu'on peut se demander s'il est opportun.
On sait par ailleurs qu'il n'y a aucun moyen de calfeutrer efficacement contre l'incendie sans amiante. Or, à Jussieu, il se produit deux incendies par an à cause des laboratoires de chimie. Je ne peux donc faire les choses à la légère ; ma responsabilité en la matière est lourde.
Une commission d'experts est en place ; nous verrons plus tard comment il faut traiter le problème.
En tout cas, personne ne sera en contact avec de l'amiante, et Jussieu sera rénové.
Après que nous aurons réglé tous ces problèmes - recréé les IUP, fait entrer des professeurs extérieurs, rénové la recherche universitaire, redonné l'autonomie aux universités, engagé la contractualisation, la responsabilisation, noué le lien avec l'économie... - ce qui demandera du temps, de la motivation et du dynamisme, nous nous lancerons dans une nouvelle étape.
Je n'ai pas l'intention de lancer une grande réforme, ou plutôt, monsieur Maman, si un jour nous décidons d'en faire une, c'est qu'elle aura déjà été faite.
J'ai vécu les réformes successives, monsieur le sénateur. Pendant que certains enseignaient à Princeton, moi j'étais ici, et j'ai vécu la réforme d'Edgar Faure qui fut votée à l'unanimité.
M. Lucien Neuwirth. Moins une voix...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Celle de Fouchet.
M. Lucien Neuwirth. Non, celle de Sanguinetti.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. J'ai vu les lois se succéder sans qu'aucun changement notable intervienne.
Pour ma part, j'ai choisi de procéder à des changements effectifs et non pas à une réforme de nature législative qui prétendrait masquer les difficultés parce que la loi aurait été votée.
Les réformes pédagogiques qui ont eu lieu n'étaient que la continuation de ce que nous avions mis en oeuvre. Je veux bien reconnaître que, sur un certain nombre de points, M. Bayrou a favorisé la poursuite de certaines actions de façon efficace, encore que certains de ces prolongements soient plus que discutables.
Quant à moi, j'ai dit que je n'étais pas favorable à la filière technologique. Pourquoi ? Parce que je veux que toutes les filières comprennent un peu de formation professionnelle et que toutes les formations technologiques incorporent un peu de culture générale ; il n'y a pas de reconversion possible sans culture générale. Je ne veux pas de ghetto technologique ; je ne veux pas de ghetto professionnalisé.
Je veux, au contraire, rénover les IUP ; je veux continuer à dynamiser les IUT et je veux que les universités s'ouvrent.
Mais nous sommes confrontés à deux grands défis, sur lesquels nous travaillons le plus activement parce que c'est, dans ce domaine, que nous devons changer nos habitudes.
Le premier, c'est l'internationalisation de l'université.
Cela implique que l'innovation soit au coeur de l'enseignement, pour non pas apprendre à apprendre, mais apprendre à innover, apprendre à créer, apprendre à entreprendre. L'université doit être au coeur de la création d'entreprise. C'est là un des points fondamentaux de notre action. Bien sûr, de ce fait, les langues étrangères deviennent un élément essentiel de tous les enseignements et elles deviendront obligatoires dans tous les enseignements.
Le second défi est lancé par l'Europe.
Nous travaillons, en ce moment, sans faire beaucoup de bruit, avec mon collègue allemand - bien qu'en ce moment il connaisse quelques difficultés - avec mon collègue britannique et avec mon collègue italien, pour essayer d'harmoniser l'ensemble des cursus européens afin de permettre à tous les étudiants de voyager en Europe et, éventuellement, de rendre obligatoire une année à l'étranger.
Dès lors, se pose le problème de la cohabitation entre l'université et les grandes écoles.
Grand Dieu ! je ne veux pas uniformiser ! Je déteste l'uniformité ! Je pense que c'est la pire des choses. La diversité, c'est la richesse. Nous avons des grandes écoles et des universités : gardons-les !
Toutefois, nous sommes confrontés à un problème : le rythme annuel des grandes écoles est incompatible avec la réalisation de projets plus ou moins imités, il faut le dire, du modèle américain, à savoir quatre années pour le niveau undergraduate, quatre années pour le niveau graduate , avec, entre les deux, la possibilité d'un mastère.
J'en viens à l'enseignement dispensé dans ces écoles. Je ne veux pas défigurer les enseignements. Les jeunes travaillent beaucoup pour sortir dans la botte de telle ou telle grande école. Mais ce système s'oppose à celui de l'université où il n'y a pas de sélection à l'entrée mais où la sélection continue est terrible.
Dans les grandes écoles, la sélection est terrible à l'entrée, mais ensuite beaucoup ne font pas grand-chose : les notes sont quasi automatiques. En outre, ces enseignements sont extraordinairement scolaires. Ils ne favorisent pas l'innovation. Je dis souvent que, chez nous, les meilleurs étudiants accomplissent leur effort le plus important quand ils préparent les concours, c'est-à-dire lorsqu'ils apprennent ce que les autres ont fait, alors que les étudiants américains déploient leur plus grand effort quand ils en sont au PhD, aux masters, c'est-à-dire quand ils créent eux-mêmes.
C'est là que se situe le problème. Il n'est pas bon d'avoir des gens fatigués, il faut avoir des gens qui ont confiance en ce qu'ils font. C'est la raison pour laquelle j'ai confié une mission à M. Jacques Attali, ainsi qu'à une brochette de personnes tout à fait éminentes et d'origine variée. Je pense d'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il serait bon que vous auditionniez M. Jacques Attali pour avoir un dialogue avec lui. Il ne m'a pas encore rendu son rapport. Il a donné une conférence de presse pour expliquer ce qu'il faisait, parce que des rumeurs couraient selon lesquelles on allait couper les gens en morceaux. (Sourires.) Il a voulu mettre un terme à ces rumeurs.
J'en viens à l'accueil des étudiants étrangers. Je veux faire en sorte que, dans toute grande école de ce pays, il y ait un tiers d'étudiants étrangers parce que, demain, le fait d'avoir formé des étudiants étrangers sera une des clefs de la compétitivité de la France.
Mon ambition ultime, c'est de voir l'offre de formation française devenir un des postes essentiels de notre commerce extérieur. C'est pourquoi nous allons créer une agence qui sera chargée de la coopération internationale en matière universitaire et qui, je l'espère, ira disputer les marchés d'éducation à l'Australie. Ce pays, je le rappelle, voit chaque année sa balance des paiements se gonfler ainsi d'environ 7 milliards de dollars.
Le premier de nos grands objectifs est donc d'ouvrir l'enseignement supérieur à l'international.
Le deuxième est de l'ouvrir sur la formation continue. L'un de vous l'a dit : il faut que tous les diplômes puissent être obtenus par la formation initiale ou par la formation continue, mais pas de la même manière.
A cet égard, le modèle qu'a été pendant longtemps le CNAM, le Conservatoire national des arts et métiers, est à la fois admirable et terrible : sur 25 000 inscrits, quelques dizaines de diplômes d'ingénieur seulement sont délivrés par le CNAM au terme du cursus. Mais on demande à ces personnes de travailler tout en suivant les mêmes études que les étudiants traditionnels.
Cette formation continue-là ne représente donc pas la bonne voie. Il faut mettre sur pied une formation continue adaptée, reconnaissant les talents professionnels.
Cette reconnaissance doit se concrétiser non seulement dans la délivrance des diplômes mais aussi dans un changement d'attitude à l'université même.
En effet, lorsqu'elle accueille des professionnels qui viennent se former, l'université reçoit en même temps les connaissances dont ces derniers sont porteurs. Autrement dit, l'enseignement ne doit plus être univoque mais doit, au contraire, reposer sur l'échange.
C'est là, probablement, qu'interviendront de la manière la plus décisive les nouvelles technologies. car ce qui fait l'extraordinaire force des nouvelles technologies, c'est qu'elles obligent à l'échange : l'échange avec la machine, donc avec celui qui l'a programmée, et l'échange avec tout un ensemble de personnes.
C'est la raison pour laquelle cette formation continue diplômante sera aussi une formation « distribuée ». Certains d'entre vous ont évoqué la question des villes moyennes. Je pense que, dans dix ou quinze ans, les centres de formation seront distribués sur tout le territoire. Les habitants des villes moyennes seront reliés électroniquement aux centres universitaires, où ils ne se rendront qu'une ou deux fois par semaine pour rencontrer les enseignants. Pour le reste, l'enseignement sera assuré à travers les nouveaux moyens de communication.
C'est cela que nous voulons mettre en place, avec des connexions à l'échelle européenne et à l'échelle de la planète.
Je n'éprouve aucun plaisir, croyez-le bien, à critiquer ce qui a été fait auparavant, d'autant que je considère M. Bayrou comme un homme tout à fait sympathique et honorable. (Ah ! sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur le banc des commissions.)
Néanmoins, je suis bien obligé de constater les faits ! Le réseau RENATER, que nous avons réalisé, était le premier réseau en Europe qui irriguait les universités. Eh bien, on a laissé ce réseau se dégrader. Comment se fait-il que, aujourd'hui, nous soyons obligés d'en augmenter la capacité parce qu'il est maintenant inférieur aux réseaux allemands et anglais ? Cela prouve bien qu'il n'y avait plus personne pour s'en occuper !
Formation continue, nouvelles technologies, internationalisation : c'est ainsi que l'on préparera l'université de demain.
L'université de demain, ce n'est plus d'un côté ceux qui savent et de l'autre ceux qui apprennent ; c'est un échange général dans lequel, bien sûr, il faudra encore travailler dur. Car je ne suis pas de ceux qui pensent que l'informatique permet de se reposer, d'apprendre automatiquement. Sans effort, il n'y a pas de progrès. C'est ce sens de l'effort que nous voulons restaurer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet que nous avons pour l'université est ambitieux. Il tend effectivement à mobiliser l'ensemble des atouts de ce pays, sans supprimer les différences : grandes écoles et universités doivent travailler en synergie.
M. Laffitte, lorsqu'il était directeur de l'Ecole des mines de Paris, a été le premier à faire admettre - et c'était la révolution ! - que des gens puissent entrer - sur entretien, de surcroît - dans cette école en ayant fait une partie du parcours universitaire.
Cette formule s'est répandue plus ou moins vite et avec plus ou moins de succès. Mais c'est cette formule-là que nous entendons promouvoir, chaque système gardant néanmoins sa personnalité. Pourquoi, en effet, se priver de la synergie possible entre deux systèmes qui sont complémentaires ?
Je suis contre la sélection à l'entrée de l'université parce qu'il y a une sélection à l'entrée des grandes écoles et qu'il faut bien donner une deuxième chance.
M. André Maman. Ce ne serait pas la même sélection !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Ce qui est sûr, c'est qu'il faut lutter contre le gâchis universitaire. Or il me semble que, dans cette perspective, la formule des six mois d'orientation à l'entrée de l'université constitue un bon compromis. Si l'on perd six mois pour s'orienter, ce n'est pas un drame ! Ce qui est un drame, c'est la « boucherie » dans le premier cycle de certains cursus.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Très juste !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Ça, c'est quelque chose qui est complètement anormal !
Le baccalauréat, qu'il faut délivrer, je le dis au passage, avec équité et rigueur, sans laxisme,...
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... permet d'entrer à l'université. Le nouvel étudiant dispose alors de six mois pour s'orienter.
Par une sorte de tradition, les étudiants anglais, après le lycée, avant d'entrer à l'université, prennent un an : un an pour « voir », pour « se promener ». C'est ainsi que le Premier ministre britannique, avant d'entrer à Oxford, a été barman au Sofitel de Paris et a appris à parler le français. Voilà pourquoi quand il est revenu à Paris pour la première fois, Tony Blair a demandé à aller au Sofitel. Tout le monde se demandait pourquoi ! Il voulait simplement retrouver l'endroit où il avait passé cette année parisienne !
Une période de six mois d'orientation me paraît donc être une bonne chose. Ce système a été institué par M. Bayrou et nous le défendrons, nous en poursuivrons la mise en place.
A l'heure actuelle, le lycée n'a pas toute la substance qu'il devrait avoir : pensez que 62 % des élèves sortant du lycée n'ont jamais fait un exposé oral ! C'est tout de même effrayant ! Aussi, avant que le lycée soit rénové, il faut que, durant ces six premiers mois d'université, les étudiants puissent davantage travailler au sein de ce que, dans d'autres lieux, on appelle des « petites classes ». Là, les agrégés sont beaucoup plus aptes à encadrer les étudiants, pour leur donner un certain nombre d'éléments fondamentaux, que des enseignants qui ont été trop exclusivement engagés dans la recherche.
Je crois donc que, dans les premiers cycles, il doit exister une synergie entre, d'une part, les professeurs-chercheurs qui font des cours et qui permettent d'ouvrir des perspectives, de s'orienter dans telle ou telle direction, de choisir sa voie et, d'autre part, des professeurs agrégés qui réparent les déficiences actuelles du lycée et permettent aux jeunes étudiants d'affronter cette terrible épreuve qu'est aujourd'hui l'entrée dans l'enseignement supérieur.
Je ne suis pas pessimiste pour l'enseignement supérieur français ; je pense que notre architecture universitaire est bonne.
Je le dis souvent, l'enseignement supérieur français a subi une croissance de 500 % en trente ans. Aucun autre service public n'a connu une telle croissance. Pour autant, les budgets n'ont pas suivi. Dès lors, le système ne pouvait qu'être sous tension. Néanmoins, paradoxalement, il s'est extraordinairement amélioré au cours de cette période : nul ne conteste que les cours qui sont dispensés dans les universités françaises sont aujourd'hui infiniment meilleurs que ce qu'ils étaient voilà trente ans.
Si nous avions conservé le système de mandarinat qui régnait à l'époque, quelqu'un comme Pierre-Gilles de Gennes - pour ne citer que lui - aurait attendu quinze ans avant de devenir professeur d'université !
L'expansion qu'a connue l'université a aussi coïncidé avec l'arrivée de toute une série de personnalités, dont une bonne partie avait été formée aux Etats-Unis, qui ont introduit les nouveaux savoirs. C'est notamment cela qui a permis à l'université de relever le formidable défi de la quantité tout en améliorant la qualité.
Aujourd'hui, les effectifs stagnent ; ils décroissent même légèrement. L'université peut donc relever non plus le défi de la qualité mais celui de l'excellence.
Voilà bien, mesdames, messieurs les sénateurs, les objectifs que je fixe à l'université française : le défi de l'excellence, celui de l'internationalisation et celui de la formation continue. (Applaudissements.)
M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, je me permets de vous faire observer que, manifestement, l'organisation de nos travaux, telle qu'elle a été définie par votre commission, ne tient pas la route ! Ainsi, d'après vos prévisions, il reste au moins quatre heures de débats avant l'achèvement de cette séance.
Pensez-vous que nous pouvons terminer l'examen des crédits de l'enseignement supérieur avant la suspension ?
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le président, pour que les interventions des uns et des autres soient encore bien présentes à l'esprit de nos collègues lorsqu'ils auront à se prononcer sur ce budget, les amendements qui s'y rapportent devraient, me semble-t-il, être examinés immédiatement.
Je pense que, dans trente à quarante minutes, nous pourrions en avoir terminé.
M. le président. Je vous mets en garde, mon cher collègue : il ne sera pas possible alors au Sénat de reprendre ses travaux avant vingt-trois heures !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Vraiment, monsieur le président, il ne serait pas rationnel de fractionner la discussion de ce budget.
Après les excellents exposés de nos collègues et la réponse de M. le ministre que nous venons d'entendre, nous pouvons délibérer rapidement et en connaissance de cause sur les amendements qui ont été déposés.
M. le président. Personne ne met en cause le grand intérêt et la qualité de cette discussion !
Nous allons donc procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'éducation nationale, la recherche et la technologie : II - Enseignement supérieur.

ETAT B

M. le président. « Titre III : 1 094 287 414 francs. »

Par amendement n° II-10, M. Lachenaud, au nom de la commission des finances, propose de réduire les crédits figurant au titre III de 508 000 000 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Cet amendement se situe dans la ligne des réductions forfaitaires que nous appliquons au projet de budget.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je souhaiterais que la commission retire cet amendement, qui n'est pas recevable, ne serait-ce que parce qu'il n'est pas décliné chapitre par chapitre.
Je précise qu'une diminution de 508 millions de francs des crédits figurant au titre III conduirait à la suppression de 2 800 emplois de maître de conférence ou de 2 900 emplois de personnels IATOS.
En ce qui concerne l'amendement n° II-11, qui va être examiné dans quelques instants, et qui porte sur le titre IV, une diminution de 116 millions de francs des crédits y figurant représenterait 7 000 boursiers en moins - ce qui serait d'ailleurs un prolongement des mesures qu'avait décidées M. Bayrou - ou une baisse de 60 % des subventions allouées à l'enseignement supérieur privé.
Cela me donne l'occasion de préciser que la diminution qui a frappé ces subventions à l'enseignement supérieur privé n'est pas notre fait : c'est M. Bayrou qui l'avait décidée.
Mais c'est surtout eu égard à la qualité du débat que je suis enclin à demander à la commission de retirer ses amendements.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, maintenez-vous l'amendement n° II-10 ?
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas accéder à votre demande.
Nous avons admiré la passion avec laquelle vous avez présenté les crédits de l'enseignement supérieur, et elle ne nous a pas surpris. Cela vous a d'ailleurs donné l'occasion de répondre à beaucoup des questions qui vous avaient été posées et d'insister à votre tour sur l'impératif de l'excellence de l'enseignement supérieur.
Toutefois, notre proposition est conforme aussi bien à la Constitution qu'à l'article 42 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances. Elle se décline, chapitre par chapitre, en pourcentage égal de réduction. En outre, contrairement à ce qu'a dit l'un de nos collègues, elle est démocratique. Chacune des assemblées joue le rôle qui est le sien en matière budgétaire. Elle fait donc partie de nos propositions de contre-budget, pratique qui est d'ailleurs utilisée par certains de vos amis dans d'autres assemblées.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est exact !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Notre proposition est, je le répète, tout à fait constitutionnelle et elle répond à notre objectif de rééquilibrage global du budget.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-10.
M. Ivan Renar. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Je rejoins les propos qui ont été tenus par M. le ministre. Il s'agit, en quelque sorte, d'un amendement « guillotine » - mais une guillotine collective ! - dirigé, me semble-t-il, contre le service public.
Ce sont les moyens des services qui sont en cause ! Où faut-il effectuer des prélèvements ? Sur les retraites ? Sur les créations de postes ? Sur les frais de fonctionnement des universités ?
Si ces amendements sont adoptés, nous serons obligés, pour notre part, de voter contre le budget. Ce sont des amendements de caractère idéologique, puisque l'on nous reproche quelquefois de faire de l'idéologie. Nous sommes là en pleine idéologie conservatrice, et je le regrette !
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. L'explication que j'ai donnée à l'occasion du vote précédent vaut également pour cet amendement.
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Je ne reprendrai pas les arguments que j'ai développés lors de l'examen des amendements relatifs à l'enseignement scolaire.
Je souhaite simplement rappeler que je suis très étonné de la tonalité de certaines interventions : on considère que l'évolution positive du budget de l'enseignement supérieur n'est pas suffisante et, dans le même temps, pour des raisons de nature politicienne, comme je l'ai indiqué précédemment, on propose de réduire l'effort budgétaire dans ce domaine.
Je veux saluer l'exposé de M. le rapporteur spécial, qui était beaucoup plus pédagogique, si je puis dire, qu'un rapport de commission des finances. Mais tel était son choix et il est totalement libre !
J'ai même failli croire à une inversion : il me semblait assister à un rapport de commission des finances fait par le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et à un rapport pédagogique fait par le rapporteur spécial de la commission des finances. Mon élection relativement récente au Sénat fait que je n'ai encore rien compris...
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Vous avez très bien compris !
M. Jean-Louis Carrère. ... mais je vais continuer d'assister aux séances publiques et je finirai par m'initier.
Monsieur le rapporteur spécial, vous proposez de réduire de 508 millions de francs les crédits figurant au titre III. Quelles suppressions préconiseriez-vous ?
M. le président. Monsieur Carrère, l'explication de vote a pour objet non pas d'entamer une nouvelle discussion, mais de dire si l'on vote pour ou contre un amendement.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, je voudrais me déterminer et pour me déterminer, il me faut savoir quelles suppressions génère la réduction des crédits prévues dans cet amendement. Si vous êtes capable de me le dire, mon explication de vote sera brève.
M. le président. Je n'ai pas à intervenir sur le fond !
M. Jean-Louis Carrère. Si M. le rapporteur peut m'apporter cette précision, il me convaincra peut-être de voter pour. Pour l'instant, je prévois de voter contre l'amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-10, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 26:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 310
Majorité absolue des suffrages 156
Pour l'adoption 207
Contre 103

Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.
M. Jean-Louis Carrère. Le groupe socialiste vote contre.
M. Ivan Renar. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 167 900 000 francs. »

Par amendement n° II-11, M. Lachenaud, au nom de la commission des finances, propose de réduire les crédits figurant au titre IV de 116 000 000 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à moins 283 900 000 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Malheureusement, je parlerai de chiffres ! Il aurait sans doute été plus intéressant de traiter des objectifs de l'enseignement supérieur.
Cet amendement a pour objet de réduire d'environ 283 millions de francs les crédits figurant au titre IV, suivant les mêmes modalités, les mêmes objectifs et les mêmes principes que précédemment.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Pour « dégraisser le mammouth » !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Vous proposez la suppression de quatorze mille bourses et, dans le même temps, vous m'interrogez sur le statut social de l'étudiant. C'est extrêmement intéressant !
Si vous le permettez, je formulerai une remarque que je qualifierai « d'ambiance ».
J'ai beaucoup de plaisir à venir au Sénat et à participer aux débats, car vous êtes nombreux, ici, à vous intéresser sincèrement à l'enseignement, à la recherche et à la technologie. Je dois dire que je ne vois pas ensuite, dans les votes, toute la traduction de cet intérêt.
Par ailleurs, la logique de M. Camoin, rapporteur pour avis, m'échappe totalement. Il nous dit : votre budget n'augmente que de 3 %, alors que celui de M. Bayrou progressait de 5 %. Pourtant, il suggère de réduire mon budget ! (Sourires.)
Je ne vois pas comment on peut passer de 3 % à 5 % en faisant une soustraction ! Je sais que M. Camoin est médecin et qu'il n'a pas suivi d'études de mathématiques, mais tout de même ! (Rires.)
M. Philippe Marini. Les mathématiques sont essentielles en médecine !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. M. Camoin a souhaité vous faire plaisir, monsieur le ministre, en allant dans le sens que vous avez exprimé voilà peu de temps, lorsque vous souhaitiez « dégraisser le mammouth ».
La démarche du Sénat est logique : nous voulons diminuer à la fois les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires ! Vous nous avez donné l'occasion de le faire de manière rationnelle, et nous vous en remercions.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Jean-Pierre Camoin, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Camoin, rapporteur pour avis. La logique est très simple : M. le ministre nous dit que son budget fait l'objet d'une forte augmentation ; par rapport à l'année dernière, elle n'est pas si importante que cela ! A l'heure actuelle, en Europe, la logique est à la baisse des charges. Dans la mesure où je suis obligé de m'inscrire dans cette logique, je suis contraint d'effectuer des choix.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Ce n'était pas la logique qui prévalait l'année dernière ! C'est intéressant !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-11.
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Je regrette toujours que des amendements qui n'ont rien à voir avec l'enseignement supérieur soient maintenus pour des raisons politiciennes et tactiques.
Je déplore que, dans cette assemblée qui compte de brillantes intelligences...
M. André Maman. Cela n'a rien à voir avec l'intelligence !
M. Jean-Louis Carrère. ...on n'ait pas trouvé une stratégie un peu plus honorable.
M. le président. Je ne crois pas que ce soit une question d'honneur, monsieur Carrère !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. En manoeuvre politicienne, M. Carrère est agrégé.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Le groupe communiste républicain et citoyen votera contre cet amendement.
Là encore, quels domaines seront frappés ? Comme l'a souligné M. le ministre, les bourses, l'aide sociale aux étudiants, les oeuvres universitaires, la santé étudiante, l'action culturelle... C'est une mauvaise mesure pour les universités !
Certaines contradictions peuvent être facteurs de progrès. En l'occurrence, il s'agit plutôt d'une régression !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-11, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 27:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 308
Majorité absolue des suffrages 155
Pour l'adoption 205
Contre 103

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.
M. Jean-Louis Carrère. Le groupe socialiste vote contre.
M. Ivan Renar. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(Ces crédits sont adoptés.)

ETAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 760 000 000 francs ;

« Crédits de paiement : 225 800 000 francs. »
Sur ces crédits, la parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. J'interviens en remplacement de Mme Borvo à propos de la faculté de Jussieu. Mais M. le ministre a répondu tout à l'heure sur ce point. Je ne sais pas si ses propos apaiseront les inquiétudes de ma collègue.
En tout cas, je donne acte à M. le ministre des déclarations qu'il a faites tout à l'heure.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 4 167 900 000 francs ;

« Crédits de paiement : 2 314 500 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'article 63 bis , qui est rattaché pour son examen aux crédits de l'enseignement supérieur.

II. - EDUCATION NATIONALE, RECHERCHE ET TECHNOLOGIE

Article 63 bis



M. le président.
« Art. 63 bis . - Les ressources et les moyens alloués par l'Etat aux formations supérieures sont retracés dans un état récapitulatif annexé au projet de loi de finances dénommé budget coordonné de l'enseignement supérieur ».
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-6, MM. Camoin, Lachenaud et Laffitte proposent de rédiger comme suit cet article :
« Les ressources et les moyens alloués par l'Etat aux formations supérieures sont retracés dans un état récapitulatif annexé au projet de loi de finances. Cet état précisera les ministères et les organismes gestionnaires du budget de chaque établissement d'enseignement supérieur. »
Par amendement n° II-14, M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste proposent, après les mots : « sont retracés dans », de rédiger comme suit la fin de cet article : « une annexe explicative au projet de loi de finances, relative à l'enseignement supérieur. »
La parole est à M. Laffitte, pour défendre l'amendement n° II-6.
M. Pierre Laffitte. Le ministre chargé de l'enseignement supérieur exerce déjà une fonction de contrôle pédagogique sur l'enseignement supérieur, y compris sur les écoles d'ingénieur. Il serait excessif qu'il assure, en plus, la gestion quotidienne des multiples établissements qui comportent des corps de fonctionnaires variés et des contractuels de divers ministères et des chambres de commerce et d'industrie. Cela ne préjuge pas les évolutions ultérieures pour telle ou telle école. Nous voulons simplement préciser les modalités générales de gestion, d'une part, et de contrôle pédagogique, d'autre part.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Badré, pour défendre l'amendement n° II-14.
M. Denis Badré. A la rédaction près, cet amendement à le même objet que celui que vient de présenter M. Laffitte. En outre, je l'ai déjà largement exposé dans mon intervention liminaire.
Comme je ne souhaite pas demander à M. Laffitte de retirer son amendement au bénéfice du mien, je vais, par courtoisie, retirer le mien au bénéfice du sien.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. L'amendement n° II-14 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-6 ?
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Cet amendement dénote une inquiétude qui ne me semble pas justifiée.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ah ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. L'article 63 bis ne prévoit absolument pas ce que vous craignez.
Le Gouvernement a souhaité, pour la première fois - le moment est historique - instaurer une coordination pédagogique au sein de l'enseignement supérieur et une coordination dans la présentation du budget. Vous pourrez ainsi comparer avec le budget coordonné de la recherche et du développement, le BCRD. Je ne gère pas, au sein de celui-ci, le budget consacré à la recherche par le ministère des transports. Vous n'avez donc pas de crainte à avoir. Cette présentation garantit donc la bonne affectation des budgets dans les différents ministères. Il n'en reste pas moins que cette coordination doit être assurée. Toute atténuation serait néfaste puisque la coordination permet une discussion entre les divers organismes.
Lorsque M. Pierre Aigrain était secrétaire d'Etat à la recherche auprès de M. Raymond Barre et qu'il était vraiment en charge du BCRD, les directeurs d'organisme allaient discuter directement avec le ministère des finances. En fait, le BCRD n'existait donc plus.
Or, cette année, nous sommes revenus à la pratique originelle de la notion d'enveloppe-recherche. Nous souhaiterions d'ailleurs que soit créée de la même manière une enveloppe pour l'enseignement supérieur. Certains peuvent avoir des craintes, compte tenu de l'importance du budget de certains ministères autrefois riches, mais l'éducation nationale constitue une garantie d'avenir pour les écoles.
Je constate cette année - je suis, si je puis dire, bien placé pour le savoir - que certaines directions disparaissent. Par conséquent, le budget coordonné de l'enseignement supérieur, le BCES permet alors d'inverser la tendance. Je suis donc opposé à cet amendement qui introduit une sorte de suspiscion sur la volonté de l'éducation nationale que je ne peux pas accepter.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Je veux simplement dire à M. le ministre que cet amendement ne traduit aucune suspicion. Mais, selon le proverbe, ce qui va sans dire va mieux en le disant. Aussi, nous le disons.
Vous êtes d'accord sur le fond, et nous maintenons donc notre amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-6, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 63 bis est ainsi rédigé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'enseignement supérieur.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)



PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale.

III. - RECHERCHE ET TECHNOLOGIE

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'éducation nationale, la recherche et la technologie : III. - Recherche et technologie.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. René Trégouët, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la France comme pour toute nation, la recherche est un gage d'avenir. La croissance, le développement technologique, les emplois à haute valeur ajoutée, le rayonnement de la France dépendent de la recheche et des orientations qui lui sont données.
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. René Trégouët, rapporteur spécial. A cet égard, l'attribution du prix Nobel de physique à Claude Cohen-Tannoudji - le troisième prix Nobel français depuis 1991 - ne peut qu'honorer la recherche française.
La recherche a besoin de moyens. Aussi, nous ne pouvons qu'être favorablement impressionnés quand nous constatons la progression, à périmètre constant, de 3,5 % des crédits du fascicule « Recherche et technologie » du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, soit 39,6 milliards de francs.
Il me faut cependant nuancer cette première impression si nous observons avec soin l'évolution globale du budget civil de recherche et de développement technologique, le BCRD, qui, lui, ne progresse que de 1,1 % à périmètre constant : la part du BCRD dans le budget de l'Etat ne cesse de diminuer. Selon l'OCDE, la France est passée du troisième au quatrième rang mondial pour son effort de recherche, derrière la Suède, les Etats-Unis et le Japon.
Cette évolution est préjudiciable à la préparation de l'avenir de la France.
Le projet de budget de la recherche et de la technologie pour 1998 avance trois priorités.
La première concerne l'emploi scientifique. Six cents emplois seront créés dans la recherche : quatre cents emplois de chercheur dans les EPST, les établissements publics à caractère scientifique et technologique, dont près de trois cents au CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, et cinquante à l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale ; deux cents emplois d'ITA - ingénieurs, techniciens, administratifs - dans les EPST, dont cent vingt-huit au CNRS et quarante à l'INSERM.
Ces créations assureront en 1998 un taux de renouvellement des personnels chercheurs de 4 % pour l'ensemble des EPST, ce qui devrait participer à un nécessaire rajeunissement de la pyramide des âges de la recherche publique française.
La deuxième priorité de ce projet de budget porte sur le fonctionnement des structures de base de la recherche. A cet égard, la dotation des établissements publics à caractère scientifique et technologique progresse de 2,2 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement, l'accent étant porté sur les soutiens de programmes qui constituent les dotations de base des équipes.
Enfin, le projet de budget maintient l'effort de la nation pour soutenir le développement technologique. En effet, les crédits inscrits au fonds de la recherche et de la technologie, le FRT, progressent de 1,6 % en crédits de paiement et de 1,2 % en autorisations de programme.
Je ne peux qu'adhérer à ces priorités budgétaires.
Cependant, le projet de budget de la recherche et de la technologie pour 1998 comporte des lacunes, mais aussi, et j'y reviendrai, des points qui sont franchement négatifs.
Tout d'abord, il faut noter la part de la France dans le dépôt de brevets, qui ne cesse de diminuer. Certes, le dépôt de brevets a crû de 53 % en France entre 1986 et 1996, mais, sur la même période, il augmentait de 116 % en Suède et même de quelque 396 % en Espagne. Certes, il ne s'agit pas des mêmes grandeurs, mais ces tendances sont tout de même significatives.
Ensuite, la fuite des cerveaux est un phénomène qui hypothèque lourdement les capacités d'innovation de la France. Selon diverses informations que nous nous sommes efforcés de recouper, quelque 80 000 jeunes Français hautement qualifiés ont quitté l'hexagone au cours de l'année passée pour s'installer dans d'autres pays, sous d'autres cieux, où l'esprit d'entreprise et un environnement s'appuyant sur la confiance sont plus favorables pour faire éclore des entreprises innovantes.
Ces deux faits illustrent bien les risques que court notre pays dans une économie mondialisée où la matière grise, c'est-à-dire les capacités à s'adapter et à innover, est le plus précieux des atouts.
Ce projet de budget, disais-je, comporte des insuffisances. Première insuffisance : la recherche publique française est beaucoup trop figée. La mobilité des chercheurs est très insuffisante : seulement sept chercheurs du CNRS ont, en 1997, rejoint une entreprise.
Or, si le Gouvernement a exprimé sa volonté d'accroître cette mobilité, les moyens semblent absents. Le statut des chercheurs, notamment, devrait être adapté, non seulement pour accroître leur mobilité, mais aussi pour leur permettre de créer une entreprise. Certes, la création d'un fonds de capital-risque va dans le bon sens, mais cet effort est nettement insuffisant pour créer un environnement qui, dans d'autres pays, se montre si fécond pour favoriser la création d'entreprises innovantes.
Pour mettre en évidence ce problème, il faut parler du droit. En effet, les chercheurs ne sont pas favorisés au niveau du statut de la fonction publique pour créer leur propre entreprise.
Par ailleurs, afin d'accélérer le rajeunissement de la pyramide des âges de notre recherche publique, il est nécessaire de renforcer les passerelles pour favoriser le passage des chercheurs publics vers l'enseignement supérieur.
En effet, la France bénéficie, en cette fin de siècle, d'une conjonction favorable qui ne se représentera pas avant longtemps : l'enseignement supérieur a besoin de recruter des enseignants.
Pourquoi ne pas mettre en place, sans tarder, toutes les procédures au niveau des statuts, des rémunérations, mais aussi créer un état d'esprit qui pourrait inciter des chercheurs publics à devenir des enseignants dans nos universités et nos grandes écoles ?
Je sais, monsieur le ministre, combien vous êtes favorables à la mise en place de ces passerelles fortes entre la recherche et l'enseignement supérieur, mais nous aimerions que vous nous disiez avec précision comment et quand vous comptez mener cette action importante.
Si la recherche publique manque de souplesse, la recherche menée dans les entreprises privées connaît une situation difficile.
Les travaux de recherche des entreprises privées diminuent en volume, et ce pour la troisième année consécutive.
Les effectifs dans la recherche privée sont trop concentrés. En effet, 53 % des chercheurs du secteur privé travaillent dans 158 firmes employant plus de 2 000 salariés, si bien que les grandes entreprises, qui ne représentent que 3,4 % de la totalité des entreprises exerçant des activités de recherche, exécutent 59 % des travaux de recherche et reçoivent 76 % des financements publics.
Une mesure incitative, s'appuyant sur la confiance, qui a été mise en place voilà une quinzaine d'années, je veux parler du crédit d'impôt recherche, est insuffisamment employée par nos petites et moyennes entreprises.
Cette observation est lourde de conséquences quand on sait le rôle joué par le crédit d'impôt recherche pour le développement d'entreprises innovantes dans nombre de pays concurrents de la France.
Notre système étatique et pyramidal qui, depuis des siècles, s'appuie sur la défiance, et non sur la confiance, a su créer, au cours des quinze dernières années, des anticorps qui font que les responsables des petites et moyennes entreprises ont acquis la certitude que chaque inscription d'un crédit d'impôt recherche sur leur compte d'exploitation déclenche quasi automatiquement un contrôle fiscal.
Il est vraiment dommage que, dans notre société, cette méfiance envers les agents économiques essentiels que sont les chefs d'entreprise brise trop souvent cette dynamique si nécessaire pour soutenir toute démarche innovante.
Par ailleurs, dans le domaine capital des nouvelles technologies de l'information et de la communication, au-delà des annonces faites par M. le Premier ministre à Hourtin en août, et par vous-même, monsieur le ministre, voilà quelques jours dans le domaine de l'éducation, nous regrettons que la France n'ait pas encore défini une stratégie forte et claire pour un secteur d'activité qui a su créer plus d'un emploi sur trois aux Etats-Unis depuis les années quatre-vingt-dix.
En effet, la France et l'Europe n'occupent qu'une très modeste place, sans commune mesure avec leur poids dans l'économie mondiale, dans l'industrie informatique, que ce soit dans le domaine du hardware - les matériels - ou dans celui du software - les logiciels.
Mais, comme vous le dites, monsieur le ministre, les tuyaux et la quincaillerie sont relativement secondaires, bien que non négligeables car, comme le dit fort bien Michel Serres, ce sont les tuyaux qui donnent le sens.
En revanche, dans la bataille nouvelle qui s'ouvre et qui va être d'une puissance inconnue encore, tant les moyens mis en oeuvre sont considérables, la France doit tenir toute sa place, car il s'agit de son destin et de l'avenir de nos enfants.
Les pressions technologiques, financières et sociales vont être particulièrement élevées puisqu'elles ont pour finalité de créer un mode de vie et un environnement fondamentalement nouveaux en fusionnant trois outils majeurs - le téléphone, le téléviseur et l'ordinateur - qui ont déjà profondément changé notre vie et celle de nos parents.
Or, la France s'appuie sur un socle multiséculaire de connaissances et compte des mathématiciens, des physiciens et de nombreux scientifiques et chercheurs dont les recherches fondamentales sont particulièrement précieuses pour dessiner les traits essentiels de ce monde nouveau.
Par ailleurs, contrairement à une idée très largement répandue, la France a, au niveau de l'usage des technologies de l'information, une avance certaine. Ainsi, les Français sont les premiers au monde à utiliser aussi largement le Télétel, avec un outil certes rustique mais efficace : le minitel. Les Français sont aussi les premiers au monde à utiliser aussi largement les moyens cryptés de paiement, avec les cartes à puce, qui seront si précieuses demain dans le futur commerce électronique. Les Français, dans quelques mois, devraient, proportionnellement, être parmi les plus nombreux au monde à utiliser le téléphone portable.
De plus, si les pouvoirs publics, les opérateurs et tous les intervenants savent prendre dans les prochains mois les mesures qui s'imposent, je suis convaincu que, avant cinq ans, contrairement au constat actuel, la France sera le pays au monde qui utilisera le plus les nouvelles technologies de l'information, si du moins, avec pragmatisme, nous savons faire migrer les utilisateurs du minitel vers le monde Internet.
Mais à quoi serviraient tous ces efforts et ces places enviées dans l'utilisation des technologies nouvelles si nous devions constater, dans quelques années, qu'au niveau des contenus nous n'aurions pas su valoriser au mieux le haut niveau de connaissances et d'expertise de notre pays ?
Parmi toutes les missions dont vous avez la charge, monsieur le ministre, celle qui consiste à valoriser les savoirs de notre pays pour qu'il occupe toute sa place dans cette société de l'information qui émerge est, selon moi, certainement la plus importante.
Aussi, je souhaiterais que vous nous disiez toutes les actions que vous comptez mettre en oeuvre pour que la France sache valoriser ses savoirs dans cette société nouvelle.
Il est un autre secteur essentiel : celui des sciences du vivant, dans lequel la France semble être privée d'une stratégie claire. Les équipes de chercheurs sont, dans ce domaine, beaucoup trop éparpillées. Il faut, dans ce secteur comme dans d'autres, définir des axes de force pour faire face à nos partenaires ou concurrents. Les missions de chaque organisme devraient être clarifiées et recentrées.
Je souhaiterais également que la recherche thérapeutique soit développée. Le nombre de molécules inventées chaque année en France est insuffisant. En outre, l'industrie pharmaceutique française ne représente que 5,5 % du marché mondial. La France ne figurant qu'au sixième rang mondial dans la recherche pharmaceutique, aucun médicament français n'apparaît dans les vingt-cinq premières ventes mondiales !
M. Lucien Neuwirth. C'est vrai !
M. René Trégouët, rapporteur spécial. La technologie médicale, non plus, n'est pas suffisamment favorisée, de telle sorte que nos matériels médicaux ou chirurgicaux sont, pour beaucoup importés.
Le budget de la recherche et de la technologie pour 1998 comporte aussi des points sur lesquels je ne peux porter qu'un jugement sévère.
Tout d'abord, l'arrêt du programme Superphénix et l'absence de programmes ultérieurs ne peuvent que contrarier, sinon annuler, l'avance considérable dont dispose la France grâce à l'utilisation de l'énergie nucléaire dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. De l'avis de nombreux experts, ce serait particulièrement grave si l'arrêt du programme Superphénix venait à être confirmé.
Par ailleurs, bien que ces crédits ne dépendent pas directement de votre ministère, je pense qu'il est nécessaire que le grand scientifique que vous êtes soit vigilant : pour que la France ne perde pas la place qu'on lui envie dans le domaine du nucléaire, tous les puissants outils de simulation doivent être mis en place sans retard dans notre pays.
Avant de conclure, je voudrais vous parler de l'espace. Le gaulliste que je suis ne peut qu'apprécier votre volonté de préserver l'identité de la France et de l'Europe face à une démarche hégémonique des Etats-Unis qui devient de plus en plus prégnante, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, d'ailleurs. Je n'ai pas la compétence nécessaire, et des experts objectifs devront auparavant nous donner leur avis, mais l'image de la France ne sera-t-elle pas dégradée dans quelques années s'il n'y a plus d'astronautes français dans les futures stations spatiales internationales ?
Permettez-moi en cet instant une observation qui n'a pour ambition que de s'appuyer sur le simple bon sens. Si vous avez la ferme volonté de garantir l'indépendance de la France dans le domaine spatial, capital pour demain, pourquoi alors avoir supprimé les 200 millions de francs de crédits du CNES qui étaient réservés à l'étude des futurs lanceurs français ? Après le récent et très beau succès du lancement d'Ariane 5, nous ne devons pas baisser la garde. En effet, là comme ailleurs, les évolutions technologiques sont très rapides, et le lancement de plusieurs milliers de satellites en constellations dans ces vingt prochaines années va profondément changer l'économie de l'espace et faire baisser de façon drastique les coûts. Or, si Ariane 5 est un lanceur de grande qualité pour mettre en orbite des satellites lourds en position géostationnaire à 36 000 kilomètres d'altitude, en revanche, malgré les innovations qui lui permettent de lancer des constellations de satellites légers placés en orbite basse, notre lanceur Ariane 5 ne sera plus compétitif pour lancer ces grappes de satellites dans quelques années.
C'est pourquoi, si nous ne voulons pas dépendre, dans dix ou quinze ans, des lanceurs étrangers, particulièrement des lanceurs américains, il nous faut très rapidement engager les études en vue du développement d'un lanceur navette qui, en revenant se poser automatiquement sur terre, nous permettrait, comme notre grand concurrent d'outre-Atlantique, de faire baisser très sensiblement nos coûts. C'est là un choix majeur pour l'avenir.
Aussi, monsieur le ministre, si vous voulez respecter votre propre engagement et manifester votre volonté de préserver l'indépendance de la France dans le domaine de l'espace, ce dont je ne doute pas, il vous faut nous proposer le transfert de ces 200 millions de francs pris sur une autre ligne de votre budget au profit du CNES. Ce transfert qui, par la modicité de son montant, ne risque pas de déséquilibrer votre budget aurait, en ces temps où il nous faut éclairer le chemin loin devant, une forte valeur de symbole.
En conclusion, après m'en être entretenu avec de nombreux collègues, et avec l'accord de M. le président de la commission des finances, je vous présenterai une demande instante. Si j'avais pu soumettre cette demande à l'ensemble de mes collègues, je suis certain que ceux-ci auraient été unanimes pour y souscrire.
Chaque année, nous organisons dans cette assemblée de grands débats sur l'agriculture, sur l'aménagement du territoire, sur la défense nationale et sur beaucoup d'autres thèmes majeurs. Or je n'ai pas souvenir que, au cours de ces quinze dernières années, nous ayons organisé ici, au Sénat, un grand débat solennel sur l'avenir de la recherche et de la technologie dans notre pays. Chacun pourtant, dans cette assemblée, comme vous, monsieur le ministre, sait combien notre recherche et le développement de nos capacités technologiques sont essentiels pour l'avenir de la France.
Il nous faut créer les conditions pour que de nombreuses entreprises de haute technologie et innovantes se créent en France. C'est là le seul chemin réel pour faire régresser durablement et de façon sensible le chômage dans notre pays. Aussi, comme vous l'avez proposé tout à l'heure pour l'université, il nous faut ouvrir, devant le Parlement et devant le pays, un vaste débat pour que le Gouvernement et la représentation nationale éclairent l'avenir et puissent briser cette désespérance qui incite de nombreux Français, souvent parmi les plus brillants, à quitter notre pays pour aller s'installer sous d'autres cieux, plus accueillants pour la recherche et l'entreprise innovante.
Si vous l'acceptiez, je suis convaincu que ce large débat sur la recherche, la technologie et le développement de l'innovation serait un temps fort de la vie de notre assemblée et un acte fort accompli pour l'avenir de la France. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte, rapporteur pour avis.
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Après le brillant exposé de mon collègue René Trégouët, je me contenterai d'aborder quelques points particuliers.
Je souscris tout à fait à la suggestion qu'il nous fait de créer un grand événement national annuel, peut-être avec le concours et, pourquoi pas ? sous l'égide de l'Académie des sciences, en y associant, outre des parlementaires intéressés par l'avenir scientifique de notre pays, les grands industriels et les responsables financiers et économiques de notre pays.
Cela se pratique en Suède, sous l'égide de l'académie suédoise des sciences de l'ingénieur, l'IVA. Il n'y a aucune raison que cela ne puisse pas être organisé en France, et la préparation de ce débat serait probablement une façon d'améliorer, au plus haut niveau - celui des plus grands décideurs - les relations entre le monde scientifique et technologique et celui de l'industrie et de la finance. Voilà plus de cinq ans que je le propose à chaque discussion budgétaire et je pense qu'il serait temps de passer à l'action ! J'ai d'ailleurs évoqué ce projet devant mes amis de l'Académie des sciences, le secrétaire perpétuel, notamment ; ils ont été séduits. Encore faudra-t-il mobiliser les moyens nécessaires.
Ma deuxième remarque a trait aux moyens de travail rapportés aux chercheurs. N'y voyez pas une critique du projet du budget pour 1998, mais je suis pour ma part très inquiet de constater année après année, que, rapporté au nombre de chercheurs, le montant des crédits de paiement pour les établissements publics à vocation scientifique et technologique décroît en francs courants, donc plus encore en francs constants.
Depuis 1996 - le budget était alors à peu près comparable à celui qui nous est présentée pour 1998 - cela représente une décroissance en valeur réelle de l'ordre de 10 %. Je ne pense pas que nous puissions viser à l'excellence avec une diminution des crédits de paiement en francs constants. J'émets donc une suggestion : ne pourrait-on pas faire en sorte qu'une partie des postes que vous avez créés dans ce budget soit affectée à des postes d'accueil ? On sait très bien, en effet, qu'un certain nombre de grands chercheurs américains, par exemple, bénéficiant éventuellement d'un appui de la fondation avec laquelle ils travaillent, ont la possibilité de venir en France. Eh bien, il s'agirait, sur ce modèle, d'accueillir non pas de grands universitaires, mais des chercheurs dans l'industrie, ce qui permettrait probablement d'améliorer notre ratio.
Ma troisième remarque concerne les télécommunications, prises au sens large, qui suscitent de ma part de grandes préoccupations.
Nous avions, en France, un organisme du nom de France Télécom qui appartenait à la sphère publique. Nous l'avons toujours, mais il devient un opérateur privé.
France Télécom dépensait chaque année 4 milliards de francs, bon an mal an, pour la recherche en télécommunications qui se répartissaient assez également entre l'interne et l'externe, avec respectivement 2,7 milliards de francs et 1,5 milliard de francs l'année dernière.
J'ai vainement cherché dans le projet de budget la trace d'une somme équivalente. Je sais que l'on pense utiliser, peut-être, une partie des recettes de privatisation pour l'année à venir, mais je m'inquiète en constatant que le réseau national de la recherche technologique ne dispose, pour le moment, que de quelques centaines de millions de francs. Si l'on additionne les sommes inscrites à ce titre aux budgets des ministères de la recherche et de l'industrie, soit 250 millions de francs, d'un côté, et 180 millions de francs environ, de l'autre, on arrive à un bien maigre total. On est donc loin des 2 milliards de francs pour la recherche amont, alors que l'ensemble représentera, d'ici peu, près de 50 % du produit intérieur brut.
Nous avons bien entendu, dans ces crédits, des éléments qui concernent la politique spatiale, d'autres qui concernent la recherche sur les logiciels et les matériels de télécommunications, sans oublier les recherches en microélectronique fondamentale, qui se placent en amont de la recherche industrielle. Nous avons aussi et surtout, monsieur le ministre, la recherche en sciences humaines pour l'industrie des contenus, et ce grâce à un potentiel humain de plus d'une dizaine de milliers de chercheurs tant dant les universités qu'au CNRS, qui oeuvrent dans le domaine des sciences humaines, sociales et économiques. Ce potentiel phénoménal permettrait sans aucun doute de dynamiser l'industrie du contenu multimédia en ligne, ce qui « roule » sur les autoroutes de l'information de par le monde, d'autant plus que le patrimoine français et européen est considérable.
Il me faut conclure, car le temps m'est compté. Il serait possible de parler pendant des heures. Hélas, le budget de la recherche a cela de particulier qu'il est essentiel pour le futur, mais qu'on dispose seulement de cinq minutes pour en parler !
Je terminerai donc mon propos sur l'effet de serre. La France est, en la matière, très en avance, grâce à la stratégie nucléaire qu'elle a maintenue sans interruption depuis plus de vingt-cinq ans. Bientôt, à Kyoto, s'ouvrira une nouvelle ère ; ce sera un nouveau Rio. A cet égard, nous devrions adopter une attitude très volontariste pour que l'ensemble des pays nous rejoignent, y compris sur le nucléaire. Encore faut-il que le cycle nucléaire français, notamment son aval, dispose des moyens nécessaires. Malheureusemenrt, l'arrêt de Superphénix sur ce plan ne nous aidera pas, d'autant que je ne crois pas au redémarrage de Phénix. Il y a là un trou dans la réflexion sur la façon de développer les éléments transuraniens. Bien entendu, nous réfléchissons à d'autres choses, mais ce n'est certainement pas anodin.
La commission des affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat. A titre personnel, je voterai le projet de budget présenté. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Rausch, rapporteur pour avis.
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'effort de recherche d'un pays est le meilleur garant de son avenir. Promesse de croissance, promesse d'innovation, promesses d'emplois : la recherche est la sève de notre économie, la clé de toute conquête industrielle.
La France consacre actuellement 2,34 % de son produit intérieur brut à la recherche, ce qui situe notre pays au troisième rang mondial. Pourtant, ce chiffre est en deçà de l'objectif de 2,5 % fixé par la loi d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France du 15 juillet 1982, présentée alors par M. Jean-Pierre Chevènement et que j'avais eu l'honneur de rapporter.
Dans le projet de loi de finances pour 1998, le Gouvernement a souhaité donner la priorité aux dépenses ordinaires, par la création d'emplois nouveaux dans les établissements de recherche, puisque 400 postes de chercheurs seront créés, ainsi que 200 postes d'ingénieurs, techniciens et administratifs.
Quant aux dépenses en capital, les crédits de paiement du budget civil de recherche et développement diminuent de 0,2 % et un coup d'arrêt est donné aux très grands équipements de recherche, qui contribuent pourtant au progrès de la recherche scientifique dans de nombreuses disciplines et qui nécessitent un étalement pluriannuel de leur financement. Ainsi, 300 millions de francs seront économisés, avec un report de la décision d'implantation du projet SOLEIL.
La répartition géographique des chercheurs sur le territoire montre la nécessité de poursuivre le mouvement de déconcentration entamé depuis plusieurs années, à la suite de l'adoption de la loi d'orientation pour le développement et l'aménagement du territoire du 4 février 1995 et des comités interministériels d'aménagement du territoire de 1992 et 1994, qui a entraîné la délocalisation de 2 585 postes de chercheurs publics. Une récente étude du ministère de la recherche montre que la région d'Ile-de-France représente aujourd'hui 46,3 % des effectifs des organismes de recherche, contre 49 % en 1992. Cet effort doit être poursuivi, car sans une répartition équilibrée de la matière grise, il n'y pas de développement harmonieux du territoire possible.
Si la recherche publique est à un bon niveau par rapport aux autres pays, la France souffre d'un déficit de financement de la recherche par les entreprises - mon prédécesseur à cette tribune l'a dit - en particulier par les plus petites d'entre elles. La commission des affaires économiques est très soucieuse d'améliorer l'accès des petites entreprises à la recherche.
Des dispositifs incitatifs existent déjà, comme le crédit d'impôt recherche. Le précédent gouvernement avait créé un instrument financier intéressant, les fonds communs de placement dans l'innovation, visant à améliorer l'accès aux fonds propres des entreprises innovantes réalisant de fortes dépenses de recherche.
Le projet de loi de finances pour 1998 comporte deux dispositions qui ont un objet similaire puisqu'il prévoit que des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise seront instaurées, afin de mettre fin à la fuite des créateurs d'entreprises innovantes vers les Etats-Unis. Un report d'imposition des plus-values de cession d'actions en cas de réemploi des fonds dans les petites et moyennes entreprises nouvelles sera également instauré pour développer l'apport de capitaux aux jeunes entreprises. J'ajoute que l'annonce récente de la mise en place d'un fonds, doté par l'Etat d'un milliard de francs, dont 600 millions de francs seront consacrés au soutien de l'industrie du capital risque - qui est un poumon essentiel des jeunes entreprises innovantes - va également dans le bon sens.
Mais il faudrait aller plus loin et renforcer l'osmose entre la recherche publique et les entreprises, qui sont aujourd'hui deux mondes trop étrangers l'un à l'autre. Ce rapprochement est possible, comme le montre l'exemple, fructueux, des technopoles. L'encouragement « à l'essaimage » des chercheurs vers le secteur privé, la mise en place de fonds d'amorçage par les laboratoires publics, sont des pistes qui doivent être mieux exploitées. Toutefois, il est important aussi de réfléchir au statut des chercheurs publics, qui, comme l'a souligné un récent rapport de la Cour des comptes sur la valorisation de la recherche, comporte des rigidités qui constituent autant de freins au dialogue nécessaire entre entreprise et recherche publique.
Soucieuse des efforts qui restent à accomplir, la commission des affaires économiques s'en est remis, comme la commission des affaires culturelles, à la sagesse du Sénat pour l'adoption des crédits de la recherche proposés par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 1998. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 10 minutes ;
Groupe socialiste : 9 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 15 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : 5 minutes.
J'indique également au Sénat que, en conférence des présidents, il a été estimé, en accord avec le ministre des relations avec le Parlement, que vingt-cinq minutes devraient suffire au Gouvernement, et ce afin de respecter les limites de l'épure horaire que nous nous sommes fixée.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre, le projet de budget que vous nous présentez ce soir constitue un véritable sursaut pour la recherche française. Après plusieurs années d'assouplissement, sous les gouvernements de droite, et de baisse drastique de postes et de crédits, le budget civil de la recherche et du développement le BCRD, enregistre une hausse sensible de ses moyens.
Je note avec satisfaction que nous assistons surtout à une réelle politique en faveur de la recherche ; plusieurs signes apparents en témoignent et, tout d'abord, le retour de la priorité donnée à l'emploi.
Ce projet de budget est extrêmement satisfaisant en termes de créations de postes. Je ne vais pas les rappeler, ils ont été fort bien énumérés par MM. les rapporteurs.
C'est ainsi que 600 nouveaux emplois dans les établissements publics scientifiques et techniques sont prévus pour 1998 dont 400 postes de chercheurs, parmi lesquels 121 ont été financés dès la rentrée 1997.
Ces nouvelles créations permettront d'assurer, en 1998, un taux de renouvellement des personnels chercheurs pour l'ensemble des EPST pour faire face aux départs à la retraite qui vont croître, nous le savons tous, de manière très conséquente à l'horizon 2005.
Je souhaite que l'effort en emplois de cette année soit non seulement poursuivi, mais encore amplifié afin de pouvoir effectivement pallier cette recrudescence de départs. Pouvez-vous, monsieur le ministre, me donner quelques assurances à ce sujet ? D'autant que je sais que, dans certains établissements, la pratique veut qu'un quota de postes soit réservé aux enseignants du supérieur, ce qui tarit quelque peu le vivier de chercheurs pour la recherche - ou peut tout au moins le tarir.
Parallèlement à ces emplois de chercheurs, seront également financés 197 nouveaux postes d'ITA - ingénieurs, techniciens et administratifs. Cette mesure est accueillie de façon extrêmement positive dans les milieux de la recherche où les besoins, en la matière, sont criants. Il faut reconnaître que les emplois, dans la recherche, n'ont pas été épargnés par les gouvernements précédents ; à titre d'exemple, la loi de finances de l'an dernier a supprimé vingt et un postes de chercheurs mais surtout six cents emplois d'ITA ! Et vous avez été fort discrets sur ce sujet, messieurs les rapporteurs...
En dehors des nombreuses créations de postes, je constate que l'ensemble du projet de budget s'inscrit dans la même logique de rattrapage des moyens sacrifiés depuis quelques années, en améliorant l'aide aux jeunes chercheurs. Plusieurs mesures vont dans ce sens : vous nous annoncez, entre autres, la création de 300 allocations de recherche supplémentaires, dès la rentrée 1997, ce qui portera leur nombre à 3 700 ; il y en aura 3 800 à la rentrée 1998.
J'ai bien noté, par ailleurs, l'inscription d'une provision de 50 millions de francs pour permettre le financement d'un dispositif d'accueil des post-doctorants au sein des entreprises et dans les EPST, mais des détails pratiques restent à régler. Je sais - ou crois savoir - qu'une table ronde a étudié sur cette question ; aussi, peut-être, pourrez-vous, monsieur le ministre, nous donner plus de détails sur ce sujet ?
Je note également avec satifaction le financement, pour 1998, de cent nouvelles bourses de conventions industrielles de formation par la recherche, les CIFRE, ce qui portera leur nombre à 800, si je ne m'abuse.
Enfin, autre mesure significative d'aide aux jeunes chercheurs, par le financement de cent diplômes, vous incitez les entreprises au développement des stages pour la préparation du diplôme de recherche technologique.
En dehors du caractère social que présentent toutes ces mesures, je me réjouis de voir qu'elles amélioreront, pour certaines d'entre elles, les passerelles entre la recherche et l'industrie.
Monsieur le ministre, vous vous êtes, à plusieurs reprises, prononcé en faveur d'un plus grand accès du public à la recherche et pour des actions de vulgarisation - pardonnez-moi le mot de la recherche ! Or, selon moi, tout ce qui participe au décloisonnement de la recherche va dans le bon sens, et le passage de jeunes chercheurs dans l'entreprise procède, me semble-t-il, de cette démarche.
A l'heure actuelle, les passerelles entre les EPST et les entreprises sont très étroites : je me rappelle avoir lu que seuls cela vient d'être rappelé - sept chercheurs étaient à l'heure actuelle mis en disponibilité du CNRS dans des entreprises. Attention néanmoins au danger que pourrait représenter un excès de telles expériences pour la recherche fondamentale.
Je voudrais également revenir sur les 50 millions de francs octroyés pour les bourses de post-doctorat et savoir si elles constituent une mesure exceptionnelle pour 1998 ou si elles marquent le coup d'envoi d'un système de post-doctorat, en France, à l'instar de ce qui existe dans les pays anglo-saxons ?
Si telle était votre intention, j'attire votre attention, monsieur le ministre, sur la difficile adaptabilité du système français pour l'accueil de post-doctorants. En effet, les titulaires d'un doctorat ont environ trente ans et, en France, à cet âge-là, il est plus difficile d'entrer dans l'industrie, de définir des profils de carrière.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, quel est votre sentiment sur ce point et attire votre attention sur le fait qu'il me semble qu'il faudrait peut-être changer la réglementation française préalablement à toute mise en place de post-doctorat de type anglo-saxon.
Outre les nombreuses créations de postes et l'aide apportée aux jeunes chercheurs, votre projet de budget, tout comme votre politique en faveur de la recherche, comporte d'autres points extrêmement positifs.
Je parlais tout à l'heure des risques du développement de la recherche appliquée au détriment de la recherche fondamentale ; mais les moyens supplémentaires que vous octroierez, en 1998, aux structures de base apaisent nos inquiétudes. Rompant avec la politique en faveur des programmes incitatifs menée par les gouvernements précédents, le budget civil de la recherche et du développement privilégie, cette année, le développement des moyens de base de la recherche publique afin d'encourager l'initiative et la prise de risque par les chercheurs. Vous effectuez ainsi un choix courageux en faveur de la recherche fondamentale, qui constitue l'essence même de la recherche.
Pour illustrer mes propos, je ne citerai que la dotation aux EPST, qui est en hausse. Les crédits de soutien sont concernés au tout premier chef, ce dont je ne peux que me réjouir puisqu'ils constituent la dotation de base des équipes et des laboratoires.
De la même façon, les crédits octroyés à la recherche universitaire progressent de manière substantielle, 5,4 % ; le financement de base des équipes universitaires - il s'agit du soutien aux programmes - augmente même de près de 6 %. Tout cela est extrêmement positif !
Je souhaite, monsieur le ministre, que ne soit pas oublié l'équipement des laboratoires, dont le matériel, souvent vieillissant et ne répondant plus aux besoins, est beaucoup moins performant que celui de l'industrie. Peut-être, pourrez-vous me dévoiler les projets que vous nourrissez pour pallier ce vieillissement ? Il s'agit là d'un sujet de préoccupation pour l'ensemble du milieu de la recherche.
Je voudrais, pour terminer mon propos, aborder un sujet qui vous est cher, monsieur le ministre, celui de la rationalisation des structures de recherche.
Vous avez laissé entendre que vous nourrissiez quelques projets visant à un tel objectif et, dans votre projet de budget, se dessinent déjà certaines orientations allant dans ce sens. Je me contenterai de citer la non-affectation de 42 des 600 emplois nouvellement créés en 1998, qui permettront de soutenir les efforts de regroupement thématique et d'allégement des structures. La rebudgétisation de certains programmes - aéronautique civile - ou de certains grands organismes - CEA - plutôt mal en point ces dernières années procède du même esprit de rationalisation. Mais je pense, monsieur le ministre, que vous aurez à coeur de nous indiquer plus dans le détail vos projets en faveur du regroupement en pôle des organismes de recherches.
Telles sont les principales réflexions et interrogations que m'inspire le projet de budget dont nous débattons ce soir. Pour ma part, les dispositions qu'il contient m'apparaissent extrêmement positives et je vous assure, monsieur le ministre, me reférant aux exercices antérieurs, de l'entier soutien du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celle du groupe communiste, républicain et citoyen.

M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'évoquerai simplement en quelques mots le problème de la création d'emplois et du développement des sociétés innovantes. Il s'agit là d'un point tout à fait crucial en matière de politique d'emploi, de politique sociale et de politique de recherche.
En premier lieu, il faut que les fonctionnaires, puisque, malheureusement les chercheurs sont devenus des fonctionnaires, voilà un peu plus de quinze ans...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Hélas !
M. Pierre Laffitte. Hélas oui !
Je souhaite que ces fonctionnaires puissent créer des entreprises. C'est indiscutablement une nécessité. Actuellement, cela se fait, mais dans des conditions critiquées et critiquables, ainsi qu'il a été signalé.
J'ai déposé sur le bureau du Sénat une proposition de loi en ce sens. Elle reprend d'ailleurs un texte émanant du précédent ministère de la recherche, qui avait déjà passé un certain nombre de caps, notamment le Conseil d'Etat. J'espère qu'elle pourra être inscrite à l'ordre du jour du Sénat, puis discutée à l'Assemblée nationale, et que le Gouvernement y sera favorable.
En deuxième lieu, s'agissant du financement dit de « semence », il est satisfaisant de constater qu'un certain nombre d'organismes de recherche disposent de structures adéquates déjà prévues par la loi.
C'est possible pour les universités, et certaines l'ont déjà utilisé. C'est également possible pour certains centres de recherche. Il faut que les structures s'adaptent pour faciliter cette démarche.
En troisième lieu, il y a les financements par des fonds communs de placement-innovation, par les sociétés de capital-risque, puis par des sociétés de capital-investissement et enfin l'appel au marché spécialisé, en particulier à la Société des nouveaux marchés.
De tels marchés spécialisés existent aux Etats-Unis : je pense au NASDAQ. Le Sénat a contribué à ce que ce nouveau marché puisse se développer en France. Cela a permis à des sociétés innovantes de trouver quelque 2 milliards de francs d'investissement sur le marché financier. La pompe est donc amorcée.
Il faut indiscutablement, en plus, que l'esprit entreprenarial - M. le ministre en a parlé tout à l'heure - puisse se développer, ce qui nécessite une conjonction extrêmement forte. Je crois que, sur ce plan, nous sommes sur la bonne voie.
En conclusion, je me félicite que les stockoptions reprennent une place, sous un autre nom et sous une autre forme, dans notre dispositif national. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget qui nous est soumis permettra à la recherche-développement de retrouver, en 1998, un niveau identique à celui de 1996.
Vous indiquez, monsieur le ministre, trois priorités budgétaires : l'emploi scientifique, les moyens des laboratoires, le développement technologique.
Alors que 527 postes ont été supprimés en 1997, vous proposez la création de 592 emplois. Ces créations de postes permettront un renouvellement à hauteur de 4 % de l'effectif des chercheurs. Ce renouvellement des équipes de recherche est un enjeu devenu fondamental pour la recherche scientifique dans notre pays, si l'on veut construire un futur à la recherche française.
Celle-ci a besoin que la communauté nationale, les pouvoirs publics, les élus et les instances scientifiques ouvrent un large débat sur son avenir.
Ces questions impliquent l'ensemble de notre société : l'engouement un peu polémiqué pour le projet Soleil illustre, s'il en était besoin, l'intérêt des pouvoirs publics à tous les niveaux pour ces questions. Mais cela va bien au-delà.
En effet, un grand nombre de citoyens prennent aujourd'hui conscience de l'interdépendance grandissante entre la science et la technologie, mais aussi et plus largement entre la science et la vie quotidienne, entre la science et le monde du travail.
Pour autant, et en dépit d'un budget en rupture, la recherche française reste aujourd'hui fragilisée. L'emploi technologique, vous le savez, mes chers collègues, s'est affaibli, et l'emploi scientifique au sein des entreprises reste parmi les plus faibles des pays développés. Depuis deux décennies, on enregistre un recul sensible du potentiel technologique dans les laboratoires et une dépendance technologique accrue, notamment dans le domaine de l'instrumentation scientifique.
Sur quels outils se formeront les étudiants de demain ? Avec quels outils les chercheurs travailleront-ils après-demain ? Qui aura la maîtrise de ces outils, et donc des orientations scientifiques dans l'avenir ? Dans ce domaine aussi, la recherche scientifique, plus que d'autres secteurs, ne souffre pas l'éphémère et a besoin de durée.
Si la recherche française reste à l'honneur - et je pense ici à Claude Cohen-Tannoudji, prix Nobel de physique, après Georges Charpak et Pierre-Gilles de Gennes - cela ne relève pas du hasard. En effet, outre le talent de nos chercheurs, la qualité reconnue de notre recherche au plan international est souvent associée à la valeur de cette organisation originale que représentent ses grands organismes publics, issus d'une grande période d'investissements qui s'est prolongée jusqu'au début des années soixante-dix. Cette période, fortifiée par une certaine ambition nationale, a été marquée par la construction d'instruments nationaux utiles aux avancées de la connaissance de ce dernier quart de siècle.
Partant des très grands équipements scientifiques, vous avez souhaité ici même, monsieur le ministre, privilégier les coopérations internationales. Que de fois, nous-mêmes, avons-nous appelé de nos voeux le développement desdites coopérations ! Bien que nécessaires, ces coopérations ne peuvent se substituer à une forte ambition nationale. La place de notre pays dans la coopération internationale scientifique sera avant tout fonction de l'ambition qu'il se donne dans ce domaine, et donc de la hauteur des moyens scientifiques dont il se sera doté.
Il faut remarquer que nos trois titulaires du prix Nobel appartiennent à une génération de scientifiques et de techniciens qui ont rendu possible les succès actuels. Cette génération part aujourd'hui massivement en retraite. Le vieillissement des équipes, provoqué par l'insuffisance du recrutement, peut rendre difficile la transmission des savoirs et des savoir-faire accumulés par les générations précédentes.
Pourtant, des dizaines de milliers de jeunes chercheurs, ingénieurs et techniciens formés dans les universités et les centres de recherche français connaissent aujourd'hui une crise des débouchés sans précédent et sont conduits à l'exil vers certains pays qui profitent à bon compte de ce formidable exode de cerveaux.
Il est de la plus haute importance d'offrir des débouchés à ces jeunes. Le crédit d'impôt recherche peut participer sur un mode incitatif au recrutement de nombreux jeunes, notamment dans les entreprises. Le projet de budget que nous examinons prévoit une provision de 50 millions de francs pour financer un dispositif d'accueil des doctorants en entreprise. Il serait souhaitable de préciser les modalités de son application.
Nous nous félicitons que la recherche fondamentale soit privilégiée au détriment des recherches à orientation « socio-économique », auxquelles le précédent gouvernement avait tant sacrifié. L'autonomie des établissements devrait y gagner.
Peut-être conviendrait-il également de redéfinir très vite les priorités des établissements publics scientifiques et techniques. Est-il sain que le budget du Centre national d'études spatiales soit amputé de 200 millions de francs ? Cette réduction aura, à n'en pas douter, des conséquences extrêmement dommageables dans un secteur où la concurrence internationale est rude.
Le souci de notre groupe, monsieur le ministre, est, vous l'aurez compris, que la recherche scientifique réponde au mieux aux intérêts de notre société tout en anticipant ses besoins, et ils sont nombreux.
Cette ambition, pour se réaliser, implique une sorte de « pari » sur l'avenir et nous impose de ne pas être frileux en matière d'investissements. La recherche ne saurait se satisfaire, à l'instar de la création artistique d'ailleurs, d'une visée comptable, voire gestionnaire. Vous le savez bien, monsieur le ministre, vous qui êtes un « semeur de désordre », au sens thermodynamique du terme. ( Sourires. )
Cela étant, le projet de budget répond pour partie à nos attentes. Cependant, il ne faudra pas relâcher l'effort ; il faudra même l'accentuer dans les prochaines années. Si, tout à l'heure, j'ai voulu saisir le moment où la recherche française est à l'honneur pour avancer quelques remarques, c'est parce qu'il me semble que ce moment doit être l'occasion non pas de célébrer la fin d'une brillante époque, mais plutôt de permettre à la communauté nationale de réfléchir et de construire son « à-venir », comme disait Louis Aragon, et celui de sa recherche.
Pour ce soir, nous voterons votre projet de budget, monsieur le ministre, en nous prononçant contre les amendements qui le dénaturent. ( Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE. )
M. le président. La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth. Monsieur le président, monsieur le ministre de la recherche, mes chers collègues, quoi de plus universel que l'espace ? Mais, de là à déménager huit fois en dix ans la tutelle ministérielle sur le secteur spatial, c'est beaucoup !
Comme vous le savez, le Parlement français dispose en matière spatiale d'un réel outil de travail au travers du groupe parlementaire sur l'espace, tant à l'Assemblée nationale, sous la présidence de M. Pierre Ducout, qu'au Sénat.
Notre souci de participer de façon utile aux débats sur la politique spatiale nationale m'invite à profiter de cette discussion budgétaire pour vous livrer non seulement nos observations sur le projet de budget pour 1998, dans le prolongement de la discussion qui a lieu à l'Assemblée nationale, mais aussi nos espérances quant à l'élan qui peut et qui doit naître de la politique spatiale de la France. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous souhaitons votre engagement en faveur de l'espace et une volonté de n'ignorer aucun des enjeux et des débats qui en découlent.
Parmi les priorités de votre action, vous avez souhaité préciser les contours de notre coopération avec les Américains. Cette question est fondamentale car l'Europe n'a pas toujours eu à ce sujet une réponse claire. Notre indépendance stratégique et technologique est un préalable qui, à notre avis, n'est pas assez souvent rappelé.
Si certains ont cru voir disparaître la compétition, notamment dans le secteur spatial, avec la fin de la guerre froide, chacun sait ici qu'il n'en est rien. Le contexte certes a changé, mais les enjeux n'en ont été que renforcés. L'exemple des télécommunications par satellites suffit à en faire prendre conscience.
Mes chers collègues, dans le flou des coopérations, n'avons-nous pas perdu cet esprit de conquête qui a fait notre fierté dans le passé ? La France doit retrouver cet esprit et reprendre l'initiative en Europe afin de conserver une capacité réelle de concurrence envers les Etats-Unis, qui est le principal partenaire aujourd'hui, mais aussi pour l'avenir envers des pays comme le Japon ou la Chine, la Russie d'aujourd'hui étant de plus en plus liée aux Etats-Unis pour des raisons financières évidentes. Il suffit de constater ce qui se passe avec les fusées Pluton.
La France et l'Europe ne pourront prendre toute leur place dans ce contexte qu'en disposant d'un secteur spatial fort, c'est-à-dire d'une capacité d'innovation et de développement performante. Pour ce faire, la France doit faire des choix. Vous en avez d'ores et déjà exprimés plusieurs. Parmi ceux-là, vous savez l'attention que nous portons aux programmes Ariane 5. Il est essentiel que l'Europe conserve en matière d'indépendance d'accès à l'espace, une lisibilité à long terme. Or l'horizon aujourd'hui, vous le savez, c'est 2004... Nous devons donc retrouver une dynamique en matière de transport spatial.
Le chef de l'Etat vient de le rappeler : la maîtrise de l'espace est l'un des critères de la puissance. Il est essentiel qu'en matière de télécommunications, d'observation de la terre ou de recherche scientifique, notre effort soit maintenu et renforcé. Sans cela, nous perdrons naturellement toute perspective d'avenir.
La recherche et le développement constituent sans conteste le socle de notre politique spatiale. C'est pourquoi nous sommes sensibles à l'augmentation pour 1998 du budget civil consacré à la recherche et au développement.
Vous avez signalé à plusieurs reprises que la recherche connaissait une situation paradoxale en France, puisque 86 % de l'effort national de recherche étaient distribués entre douze entreprises alors que l'innovation technologique émerge très souvent dans les PME-PMI. Ce constat cache en vérité un double manquement.
Le premier est d'évidence : notre effort national en matière de recherche est nettement insuffisant. Le second est plus fondamental encore : si la recherche est un domaine vivant et aléatoire, elle requiert néanmoins la vision de l'Etat.
Aucun grand pays ne peut laisser sa recherche au seul bon vouloir des industriels. Les Etats-Unis, en ce domaine, conduisent une politique qui n'a rien de libéral. Là encore, l'Etat doit fixer des perspectives pour que chacun puisse s'y référer. Cet exercice, j'en conviens, est périlleux mais, ô combien nécessaire ! Cela me rappelle « l'ardente obligation du Plan ».
Monsieur le ministre, à plusieurs reprises, vous avez exprimé votre volonté de mettre en oeuvre une politique spatiale européenne autonome. Il nous paraît essentiel que cette démarche aboutisse à une définition claire de l'Europe spatiale et de son mode de décision politique. L'Europe spatiale est, pour le moins, un concept encore flou qui, de surcroît, ne peut plus être exclusivement tributaire de conseils ministériels épisodiques, où la représentation ministérielle n'est pas toujours adaptée aux enjeux, particulièrement sur le long terme.
Faut-il poursuivre à partir du cadre de l'ESA ? Faut-il conserver les agences nationales ? Faut-il revenir à une conférence spatiale européenne modifiée ? Quelle place accorder à des industries de plus en plus sollicitées financièrement ? Ces questions ont pour but de montrer que, sur le fond, les options sont nombreuses et les résultats fort éloignés les uns des autres.
Ce débat inclut bien évidemment celui de la place que nous voulons attribuer à l'Union européenne, qui n'est pas sans disposer d'atouts pour la politique spatiale, à la fois par ses sources de financement et sa capacité de négociation commerciale, en particulier par les moyens de rétorsion qu'elle peut brandir.
Quoi qu'il en soit, la réforme de l'Agence spatiale européenne ou celle du Centre national d'études spatiales ne trouveront d'utilité que si elles sont conduites dans un cadre général qui aura été préalablement et politiquement défini.
L'existence d'une véritable Europe spatiale offrira de surcroît un dispositif mieux adapté pour mener à bien les indispensables coopérations internationales. Ces dernières années l'ont bien montré, que ce soit en matière scientifique, dans le domaine de la connaissance de l'univers, pour l'observation de la terre ou encore pour le positionnement par satellites.
Vous vous êtes vous-même prononcé, monsieur le ministre, pour une participation européenne à l'exploration de Mars. Nous avons été heureux d'apprendre qu'une telle coopération était dorénavant à l'étude.
Lors de sa récente visite à Paris, M. Goldin, administrateur de la NASA, nous l'a confirmé.
Nous soutenons également les projets de coopération entre universités françaises et américaines, ainsi que les efforts que l'Europe produit en Russie et en Ukraine pour sauvegarder leur savoir-faire.
A quelques mois du lancement de Spot 4, il est indispensable que la filière d'observation de la Terre soit poursuivie. Vous en êtes conscient, nous le savons. Mais notre pays est bien loin d'exploiter la richesse que constitue la filière Spot.
Une demande publique est cruellement absente, que ce soit pour l'aménagement du territoire, l'agriculture ou l'environnement. Sommes-nous incapables dans ce domaine d'avoir une vision prospective des choses ?
Les 36 000 maires des communes françaises ont reçu l'image de leur territoire vu par satellite mais aucune des collectivités territoriales françaises, qui pourtant ont d'énormes besoins, n'a été associée à d'éventuelles exploitations techniques de cet outil fabuleux qu'est le satellite d'observation.
Ce besoin existe ; il doit émerger grâce à une structure de coordination opérationnelle qui pourrait être, par exemple, votre ministère. Ce qui est important est que cette démarche définisse des besoins spécifiques auxquels l'offre déjà existante pourra répondre.
Cela me permet néanmoins d'aborder le thème de la dualité civil-militaire. Votre volonté de faire naître des synergies est déterminante pour l'avenir. Sans qu'il soit besoin de revenir sur l'exemple américain, chacun sait combien de tels rapprochements sont efficaces. En ce moment, ce serait plutôt le contraire.
La situation de l'Europe en matière de télécommunications est préoccupante. A Genève, lors des conférences mondiales des radiocommunications, nous avons obtenu en partie satisfaction, mais cela reste insuffisant et on peut se montrer inquiet devant le grand nombre de fréquences demandées, par exemple, par le président-directeur général de Microsoft, M. Bill Gates. Or, vous le savez, le nombre de fréquences n'est pas illimité. Ne risquons-nous pas de nous retrouver un beau jour avec un big brother ?
Les principaux consortiums, notamment de téléphonie mobile, sont américains et ont d'ores et déjà commencé à mettre sur orbite leurs satellites. Mais des projets concurrents, comme Skybridge ou Célectri, sont explorés. Il est vital que l'Europe soit présente et active dans ce domaine, dont le caractère stratégique n'échappera à personne.
Vous qui êtes un chercheur, monsieur le ministre, vous savez ce qu'est l'esprit de découverte. Les grands navigateurs d'antan partaient sans trop savoir ce qu'ils allaient trouver ; aujourd'hui, l'esprit de découverte est désormais dans l'espace. C'est ainsi que, par exemple, avant son départ, personne n'imaginait que Voyager allait découvrir un satellite de Jupiter comportant un océan recouvert d'une croûte de glace. C'était totalement inattendu et imprévisible.
Aujourd'hui, Galiléo est en train de faire des photographies impressionnantes de ce satellite.
Les grandes puissances du xxie siècle seront les puissances spatiales, et la compétition sera rude. Cependant, l'aspect commercial de l'espace n'échappera à personne. Dans une période caractérisée par la faiblesse des budgets, on peut regretter que la logique de la rentabilité commerciale de notre activité spatiale n'ait pas été plus et mieux développée. Il reste, là aussi, d'énormes progrès à faire et peut-être, avant tout, dans les esprits.
Il faut faire vite, monsieur le ministre. Savez-vous par exemple que, déjà, les pénétrateurs japonais ont trente mille fois la pesanteur terrestre ?
Vous l'avez dit, vous n'êtes pas favorable aux vols habités. Pourtant, nous n'échapperons pas à une coopération homme-robot.
C'est pourquoi il nous faut former dès aujourd'hui les spationautes pour le siècle prochain.
Un autre des problèmes que n'a pas encore résolu la recherche spatiale française est la rentrée dans l'atmosphère. Nous ne pouvons, dans ce domaine, rester en arrière. Les enjeux de l'espace sont résolument tournés vers l'avenir. C'est en tout cas la façon dont nous l'avons entendu, et c'est principalement en ce sens que nous souhaitons poursuivre notre réflexion et voir votre budget confirmer nos espérances. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour apprécier les crédits de la recherche scientifique et technique, nous avons la chance d'avoir à notre disposition, dans notre assemblée, pas moins de trois rapporteurs venant de trois commissions : pour les finances, M. Trégouët, pour les affaires culturelles, M. Laffitte, pour les affaires économiques, M. Rausch. Nous connaissons leurs compétences.
Le sérieux et l'excellence de ces rapports nous dispensent de reprendre les données générales qui nous ont été fournies. Je bornerai donc mon propos à deux ou trois remarques fondées sur les observations que j'ai pu faire à l'étranger.
Vous le savez, mes chers collègues, nous n'avons pas encore réussi en France à forger la continuité nécessaire entre la recherche et les entreprises, entre l'université et l'industrie, entre les enseignements supérieurs et l'emploi, alors que cette symbiose indispensable fonctionne fort bien dans plusieurs pays, aux Etats-Unis notamment.
Vous connaissez les graves conséquences de cet état de fait : puisqu'on ne trouve pas d'emploi en France, puisqu'on ne peut pas y compléter ses recherches, on part à l'étranger. Ce sont maintenant des milliers de jeunes Français qui vont s'établir à l'extérieur, notamment en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, en Extrême-Orient, dans tous les pays performants. L'hebdomadaire Le Point a publié la semaine dernière un article tout à fait éloquent à ce sujet.
Après les délocalisations industrielles, après les entreprises installées à l'étranger, voilà maintenant que les meilleurs de nos jeunes partent au loin !
Certains y réussissent fort bien. Quelques jeunes Français spécialistes de l'informatique sont devenus millionnaires en quelques années dans la Silicon Valley, en Californie. A Hong Kong vivent des jeunes Français - ils se comptent par dizaines - qui ont créé leurs petites entreprises et ont réussi à les développer de façon tout à fait remarquable.
M. Jean-Louis Carrère. Ce sont eux qui vous élisent !
M. Jacques Habert. Notre rapporteur, M. Trégouët, a cité le chiffre des départs en une année, un chiffre tout de même étonnant : 80 000, a-t-il dit, d'après les estimations du ministère des affaires étrangères.
Le sénateur des Français de l'étranger que je suis s'en félicite. Le nombre de nos ressortissants se multiplie.
M. Jean-Louis Carrère. Alors, on va vous garder !
M. Jacques Habert. Il est d'ailleurs excellent pour notre expansion économique que de nombreux Français partent à l'étranger : un emploi trouvé à l'étranger, c'est un chômeur de moins en France.
M. Jean-Louis Carrère. Et un sénateur de plus !
M. Jacques Habert. Il faut qu'il y ait des départs...
M. Lucien Neuwirth. Il ne faudrait pas que ce soient les meilleurs qui partent !
M. Jacques Habert. Bien sûr ! A cet égard, le simple citoyen français que je suis ne peut s'empêcher de manifester quelque inquiétude. Si un équilibre ne se crée pas entre ceux qui restent en France et ceux qui partent à l'étranger, notre pays risque d'en subir de graves conséquences ; c'est un problème auquel il faut réfléchir.
Permettez-moi de citer des exemples précis. J'ai eu l'occasion de connaître les problèmes posés concrètement par certains travaux post-doctoraux dans des pays étrangers que je ne citerai pas - vous les connaissez, monsieur le ministre - dans des pays où la recherche universitaire et scientifique bénéficie, sans que l'étudiant-chercheur le sache quelquefois, des aides, des subventions, des financements de grands groupes industriels.
Les échanges universitaires sont une très bonne chose mais, dans des cas précis, nous les avons vu se transformer en véritables transferts de connaissances et de technologies au bénéfice d'entreprises étrangères et, parfois, dans des domaines stratégiquement sensibles comme l'aéronautique ou les biotechnologies. J'ai eu ainsi l'occasion de constater que ce que des chercheurs français ont trouvé a été utilisé au détriment de certaines de nos entreprises nationales.
Dans un domaine très particulier, notre collègue M. Darniche m'a demandé de souligner les carences évidentes des moyens accordés à la recherche sur la toxicomanie.
Trop souvent, les crédits affectés par le Gouvernement sont destinés à l'application pure et simple des programmes de sevrage à la métadone ou au temgésic, qui, fort malheureusement, maintiennent le drogué sous dépendance. Seuls la recherche fondamentale et les moyens financiers adéquats permettront à nos chercheurs de trouver enfin le remède miracle à ce terrible fléau que l'on a appelé « la stupéfiante maladie du siècle ».
En conclusion, je dirai que le vote du budget de la recherche et de la technologie est le moment fort pour prendre la pleine mesure de l'indispensable valorisation de la matière grise de notre pays, matière grise que nous devons absolument garder en France dans une grande proportion.
Nous devons mobiliser nos moyens tant humains que financiers pour pouvoir inventer, innover et surtout mettre en application nos découvertes à des fins utiles, à la fois pour le rayonnement de notre pays mais surtout pour la création d'emplois.
Telles sont les observations que, rapidement, dans le peu de temps qui m'est imparti, je souhaitais faire. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Revol.
M. Henri Revol. Monsieur le ministre, je ne citerai pas, pour ne pas alourdir la discussion, les chiffres des crédits inscrits au budget de votre ministère, ni ceux du budget civil de recherche et de développement, le BCRD. Ils ont été fort bien analysés par nos exellents rapporteurs.
Globalement, ce budget s'arrime sur des priorités que nous ne contestons pas : la relance de l'emploi scientifique et le soutien à l'innovation. Ainsi, j'approuve clairement les augmentations du nombre d'allocations de recherche pour les étudiants préparant le doctorat, ainsi que celle du nombre de CIFRE, les conventions industrielles de formation pour la recherche.
Chacun sait que l'avancée de la recherche est conditionnée par le talent et le dynamisme des hommes, par l'impulsion donnée à la recherche fondamentale, par sa nécessaire valorisation technologique. Il faut donc laisser se développer les initiatives et faire en sorte que les fondamentalistes aient toute leur place dans ce creuset.
Ne perdons pas de vue que la recherche fondamentale doit rester prioritaire dans le long terme, même si le débouché de ses applications sur les emplois du futur est actuellement un enjeu économique et social.
Ainsi, il n'est pas tolérable que 3 000 docteurs ès-sciences soient au chômage. La nation doit veiller à l'intégration professionnelle et sociale de ses élites. Sinon, nous aurons à déplorer longtemps la fuite régulière de nos cerveaux à l'étranger. Certains chiffres ont été cités : on dit que 80 000 jeunes diplômés auraient quitté notre pays en un an.
Quant à l'innovation, elle est la clef de l'aboutissement des projets, de la compétitivité de nos entreprises, de notre position internationale. Il est urgent de la développer, dans la lignée des mesures qui avaient été initiées par le gouvernement de M. Juppé ; je pense aux fonds de placement pour l'innovation, dont vous reconnaîtrez, monsieur le ministre, qu'ils étaient attendus et qu'ils furent reconnus en leur temps par la communauté des chercheurs.
La France tient actuellement la troisième place mondiale pour son effort de recherche par rapport au PIB ; c'est un point à souligner. Il faut maintenir cette position car la concurrence internationale est rude, sur le plan des publications, des applications des recherches. Sous cet angle, la situation de notre pays est encore insuffisante : il détient 5 % de la part mondiale des publications, 15 % de la part européenne et 8,3 % des contributions aux dépôts de brevets européens et mondiaux.
Il faut créer des passerelles entre recherche publique et entreprises. Dans ce sens, l'exemple des programmes REACTIF et PREDIT, qui prévoient un engagement des entreprises à accueillir des chercheurs des organismes publics, va dans le bon sens.
Je ne peux que souscrire au dispositif prévoyant, dans ce projet de loi de finances, la création de bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises, pouvant bénéficier aux PME innovantes.
Vous avez récemment déclaré, lors de la clôture du colloque « Bio-avenir » sur un programme de recherche sur cinq ans engagé entre l'Etat et Rhône-Poulenc, que l'argent public de la recherche serait désormais réservé aux PME innovantes. Pouvez-vous nous indiquer selon quelles priorités et quels critères objectifs sera opérée la répartition ?
Je souhaite rendre hommage à notre collègue Pierre Laffitte pour ses nombreuses propositions tendant à dynamiser la recherche. Je retiens notamment la proposition de loi visant à permettre aux chercheurs des organismes publics de participer à la création d'entreprises innovantes, dans la lignée des intentions tracées par votre prédécesseur, monsieur le ministre.
Je considère également qu'on aurait tout intérêt à assouplir les textes réglementaires actuels afin de faciliter le détachement ou la mise à disposition à temps partiel des chercheurs ayant le statut de fonctionnaire.
Je suis en outre d'accord avec M. Jean-Marie Rausch sur la nécessaire poursuite de l'effort de régionalisation des activités de recherche, qui doivent être réparties sur l'ensemble du territoire national.
Après ces considérations générales, je voudrais centrer mon intervention sur trois sujets précis.
Le premier concerne les conséquences de l'arrêt annoncé de Superphénix sur les recherches effectuées au titre de l'axe 1 de la loi de 1991, portant sur les déchets radioactifs.
J'ai eu l'honneur d'être le rapporteur de ce texte, et j'ai été rassuré par la récente prise de position gouvernementale mettant fin aux polémiques sur la priorité qui aurait pu être donnée au stockage en surface des déchets, au détriment des deux autres voies que la loi préconise d'explorer. Le Gouvernement s'en tient à la loi, qui s'impose à tous : cela nous agrée.
Cela étant, l'arrêt programmé de Superphénix, dont le Gouvernement, semble-t-il, définira les modalités dans la première quinzaine de décembre, pose à l'évidence le problème de la reconversion des recherches en cours sur la transmutation des actinides mineurs. J'avais noté, au mois de juillet dernier, que vous suggériez, monsieur le ministre, d'utiliser Phénix. Plaidez-vous toujours pour cette voie ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Oui !
M. Henri Revol. Vous connaissez, monsieur le ministre, la vieillesse de cette installation. Faute d'avoir le temps de construire un nouveau Phénix - ce qu'envisagent certains scientifiques irréalistes, d'ailleurs adversaires de Superphénix depuis les origines -, car il convient de respecter l'échéance de 2006 fixée par la loi de 1991, il faudrait autoriser le redémarrage de Phénix et donc procéder sans doute à d'importants travaux.
En outre, les crédits consacrés aux trois voies sont en augmentation dans le projet de budget. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, quelle sera la répartition entre chacune des trois voies ? Pour mémoire, les recherches sur la transmutation bénéficiaient de 400 millions de francs en 1997.
Enfin, je souhaiterais savoir où en est le programme GEDEON, établi entre le CEA et le CNRS, pour l'étude d'une nouvelle filière de production d'énergie et d'incinération d'actinides et de produits de fission, sur la base des propositions du prix Nobel Carlo Rubia.
J'en viens à mon deuxième point : la politique spatiale, évoquée avec pertinence par notre rapporteur spécial, ainsi que par M. Neuwirth.
Vous avez déclaré à l'Assemblée nationale qu'il fallait faire des choix. Parmi ces choix, vous avez décidé de réduire le budget des vols habités qui, à votre avis, coûtent très cher et rapportent peu.
De même, les programmes CRV et CTV - cruise rescue vehicle et cruise transport vehicle, c'est-à-dire les véhicules de transport et de secours se rendant à la navette - ne seront pas engagés.
Toutefois, la France, qui n'a qu'une parole, participera, sous limitation de ressources, à la station spatiale internationale.
C'est pourquoi je souhaite savoir comment la France et l'Europe participeront concrètement à la station.
A l'occasion de son déplacement en Guyane, le chef de l'Etat s'est prononcé en faveur de l'étude d'un véhicule de transport, moins onéreux que la navette, susceptible d'envoyer des astronautes à bord de la station et de les faire revenir sur la terre.
Nous connaissons votre position hostile sur ce point. Il reste qu'un des enjeux spatiaux pour l'avenir est la réduction des coûts de lancement. Cette perspective passe par l'étude de lanceurs réutilisables. Or cette technologie fait appel à celle de la rentrée dans l'atmosphère, ce qui renvoie aux travaux de l'ARD, l' Atmospheric re-entry development ou du CRV.
Ce qu'on présente comme une nuance de points de vue entre le Président de la République et vous, monsieur le ministre, peut-il trouver une expression concrète à travers cette recherche ?
Enfin, troisième et dernier point, les dotations budgétaires au CEA sont une source d'inquiétude, comme l'on souligné nos rapporteurs.
En 1998, la réalisation des objectifs civils du CEA représente un budget de 11 milliards de francs, financé pour 5,8 milliards de francs par une subvention de fonctionnement de l'Etat, inscrite au titre III du budget de l'industrie et du budget de la recherche, et pour 4 milliards de francs par des contributions des industriels dans le cadre de contrats de recherche. Le solde, soit 1,2 milliard de francs, correspond au montant des investissements du CEA et a vocation à être couvert par une subvention du titre VI des ministères de l'industrie et de la recherche.
Or, depuis 1995, cette subvention d'investissement a été débudgétisée, et le CEA a dû s'endetter de 285 millions de francs auprès de CEA-Industrie. En 1998, le CEA devra à nouveau mobiliser 525 millions de francs auprès de CEA-Industrie.
Mais la situation est particulièrement critique dès cette année, car les réserves de CEA-Industrie ne suffisent pas à assurer les besoins de financement exceptionnels. Le CEA ne peut plus obtenir de CEA-Industrie des ressources exceptionnelles qu'en procédant à des cessions d'actifs, lesquelles ne sont pas décidées.
Pour que le CEA puisse poursuivre ses programmes de recherche et apporter les résultats que les pouvoirs publics attendent de lui en vue de maintenir l'option nucléaire ouverte à l'horizon 2015, il conviendrait de mettre fin aux débudgétisations - et je regrette au passage que les gouvernements précédents les ai laissé s'instaurer -...
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Merci !
M. Henri Revol. ... et d'ouvrir les crédits nécessaires à la réalisation des investissements en cours.
Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, des réponses que vous voudrez bien apporter à mes remarques et interrogations.
Le groupe des Républicains et Indépendants suivra les recommandations de notre commission des finances sur ce budget.
En ce qui me concerne, j'arrêterai ma décision finale en fonction de vos réponses. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie à l'avance de m'excuser si, à cette heure avancée, je ne fais que répondre trop brièvement sur certains sujets. Sans doute la fatigue aura-t-elle sa part dans un éventuel manque de précision de ma part.
Je rappellerai d'abord que la première des priorités de ce budget et de la politique que nous voulons mener concerne les personnels. Je ne le répéterai jamais assez : les hommes, les hommes, les hommes !
M. Michel Charasse. Et les femmes ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Il convient de reprendre le recrutement de chercheurs et d'enseignants-chercheurs ; notre appareil de recherche connaissait en effet une tendance au vieillissement.
Cette année, au total, seront ainsi offerts à l'ensemble des doctorants 5 000 postes nouveaux, soit dans l'enseignement supérieur soit dans la recherche.
Cela va en outre nous permettre d'absorber ce stock de doctorants qui est effectivement un scandale compte tenu de l'investissement que chacun d'entre eux a représenté pour la communauté nationale.
Afin que ce phénomène ne se reproduise plus, nous voulons désormais coordonner étroitement la « production » des docteurs. C'est pourquoi nous allons mettre en place, pour le financement des bourses de thèse, une agence indépendante du ministère. En effet, selon moi, les administrations centrales ont vocation non pas à gérer mais à impulser, à coordonner.
M. Lucien Neuwirth. Tout à fait !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Cette agence sera animée conjointement par des représentants de l'Etat et des représentants des entreprises privées. Celles-ci participeront donc à la dévolution des bourses, comme c'est actuellement le cas au Japon.
Il s'agit de coordonner les allocations de thèse et, en même temps, de les adapter aux besoins de notre économie et de notre recherche, de manière à favoriser les transferts.
S'agissant de la mobilité des chercheurs, nous allons mettre en place un dispositif qui assurera, me semble-t-il, des conditions satisfaisantes de passage des chercheurs entre les organismes publics de recherche et l'enseignement supérieur. Pourquoi utiliser le futur ? Parce que nous ne pouvons pas, en vertu du principe de l'autonomie des établissements, créer des postes dans l'enseignement supérieur si les établissements ne les réclament pas. C'est la loi ! Par conséquent, il faut attendre que les conseils votent et que toute une procédure ait suivi son cours. Mais la possibilité est là.
Pour ce qui est du transfert des chercheurs - surtout s'ils ont « blanchi sous le harnais » - vers des entreprises privées, je ne me fais guère d'illusions. Il y a à cela tout un ensemble de raisons, notamment psychologiques.
Cela étant, nous présenterons un texte qui ressemblera à celui que M. d'Aubert avait préparé pour permettre aux chercheurs d'effectuer une mobilité vers le privé ou de créer une entreprise. Mais je sais bien que, depuis 1981, tous les gouvernements successifs, de droite et de gauche, se sont efforcés de trouver des mécanismes pour encourager cette mobilité et qu'elle reste tout à fait marginale.
En revanche, je crois profondément au passage dans le privé des docteurs qui viennent de soutenir leur thèse, dans le privé, que ce soit en rejoignant une entreprise ou en en créant une. C'est pourquoi nous mettons en place, pour les jeunes docteurs, un système de capital-risque et des bourses post-doctorales leur permettant de s'intégrer dans des PME-PMI. Car c'est bien là que se situe le problème : les grandes entreprises, elles, ont de quoi financer les transferts. Or ce sont les PME-PMI qui en auraient le plus besoin.
Quant aux postes d'accueil, je vous livre un chiffre : l'INSERM, en 1998, utilise 30 % de ses postes pour l'accueil.
Je vous ai déjà parlé de la table ronde sur les ATOS.
Telle est la politique de rajeunissement des personnels de recherche que nous entendons mener. Elle est essentielle.
J'ai dit à plusieurs reprises qu'une de nos priorités actuelles consistait à restaurer les crédits de fonctionnement...
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... par rapport aux crédits relatifs aux gros équipements. Mais cela ne veut pas dire que les crédits de gros équipements seront inexistants. Cela signifie que l'on donne une priorité pour un temps.
Cette priorité, ce ne sont pas seulement les 2 ou 3 % qui figurent dans le projet de budget. Au sein même des organismes qui disposent d'une certaine autonomie, cette priorité se traduira dans leurs budgets : les laboratoires connaîtront donc des augmentations sur les crédits de fonctionnement qui seront de l'ordre non pas de 2 % mais de 10 à 15 %.
J'ai été étonné d'entendre certains - non pas parmi les sénateurs, c'est vrai - faire des commentaires sans comprendre le mécanisme, qui est double : on inscrit les crédits au budget et on donne des instructions au niveau des organismes pour leur affectation.
La deuxième grande priorité est de s'assurer que l'équipement « calcul et communication » est correct. Tout à l'heure, j'ai dit qu'on avait laissé se détériorer le réseau RENATER. Nous tenons à lui redonner une capacité de transmission convenable ; il sera relié aux réseaux allemand et anglais des universités allemandes et anglaises.
Je précise, au passage, que nous devrions avoir notre réseau européen interuniversitaire avant que la Commission européenne ait fini de définir le sien.
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis. Ce n'est pas étonnant !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Par conséquent, ce réseau de calcul sera en place.
Ensuite, il faudra s'intéresser au problème des équipements moyens des laboratoires, qui ont vieilli, l'un des intervenants l'a dit. Il faut donc faire en sorte que le renouvellement de ces équipements qui, dans des équipes comme celles de Claude Cohen-Tannoudji ou de Pierre-Gilles de Gennes, constituent l'essentiel des moyens de l'activité de nos chercheurs soit assuré.
Venons-en aux grands équipements.
J'ai dit, et je le répète, que je souhaitais que les grands équipements soient européens. Parce qu'ils permettent de construire l'Europe. Parce que, lorsqu'ils sont européens, ils sont utilisés à plein temps, alors que, lorsqu'ils sont français, ils s'arrêtent gentiment de fonctionner le vendredi à dix-sept heures.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ce sont les trente-cinq heures !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. En même temps, leur coût devient inférieur.
Cela étant dit, je voudrais faire un commentaire sur des pratiques qui ont eu lieu dans le passé et que, personnellement, je n'approuve pas.
Le projet SOLEIL - puisque vous voulez que j'en parle - n'est pas un projet qui tombe du ciel... ni même du soleil ! Il est issu du cerveau de chercheurs qui réalisent un projet, avec une idée de localisation.
Cette technique qui consiste, après qu'ils ont conçu et inventé un projet, à le leur prendre pour en faire cadeau à d'autres est scandaleuse sur le plan de la morale.
M. Lucien Neuwirth. C'est vrai !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Si telle ou telle région a envie d'avoir un appareil, elle n'a qu'à l'inventer et le proposer, en ayant préalablement recruté des chercheurs pour le faire fonctionner. Mais je récuse cette pratique qui a consisté à transférer ailleurs tel ou tel équipement qui devait se trouver à tel endroit. Je ne citerai pas d'exemple concret pour ne fâcher personne...
M. Jean-Louis Carrère. On a compris !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Il est clair que certains projets n'ont pas bien marché pour cette raison.
En un mot, les hommes avant les machines !
Que ceux qui veulent du développement scientifique - et je suis prêt à les aider ! - commencent par constituer des équipes de physiciens ou de chimistes en tel point du territoire, équipes qui elles-mêmes, concevront des équipements nécessaires à la poursuite de leurs recherches.
Mais n'allons pas mettre des appareils dans un désert ! Cela n'a jamais marché. L'expérience prouve que les hommes ne suivent pas les machines.
Le dernier point concernant le fonctionnement de la recherche - personne n'en a parlé ; il s'agit pourtant d'un point important - c'est la « débureaucratisation ». Ce n'est pas une manie chez moi ! Je crois simplement qu'il faut que les chercheurs passent plus de temps à chercher et moins de temps à remplir des papiers et à participer à des commissions.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Quand j'ai commencé mon travail de recherche, nous avons été un certain nombre à nous révolter contre la situation de l'époque : on faisait de la recherche pendant sa thèse ; ensuite, on était nommé professeur et on ne faisait plus de recherche.
Cette situation a été complètement inversée par ma génération, qui a vu des gens faire effectivement de la recherche : c'était mon cas voilà encore quelques semaines, celui de mon ami Pierre-Gilles de Gennes, celui de Claude Cohen-Tannoudji, qui fait encore de la recherche aujourd'hui, à plus de soixante ans.
Nous sommes en train de constater que, par suite d'un souci excessif de programmation de la recherche, de planification exagérée, on organise des réunions, on fait remplir des papiers... Actuellement, les chercheurs, notamment en province, passent leur temps dans des avions pour venir assister à des réunions à Paris et consacrent de moins en moins de temps à la recherche. On se retrouve maintenant, dans nombre de cas, dans la situation que j'ai connue, celle dans laquelle les thésards effectuent l'essentiel de la recherche. Cela ne me paraît pas sain, car la recherche est une course de fond et on accumule par l'expérience des tas d'idées qui permettent de la développer.
Il est important de libérer le temps des chercheurs, ce que font magnifiquement nos collègues anglais en faisant remplir des formulaires extrêmement courts et en s'arrangeant pour que la bureaucratie soit réduite au minimum.
Songez que le CNRS se trouvait autrefois dans un magnifique siège au bord de la Seine. Il a commencé par transformer ses bureaux en salles de réunion parce qu'il n'en avait pas assez. Ensuite, il a loué des locaux à l'Assemblée nationale, parce qu'il n'avait toujours pas assez de salles de réunion. Puis, comme ses locaux étaient toujours insuffisants, il est parti dans un autre siège... Et comme ce ne sont pas des opérateurs financiers extraordinaires, l'ancien siège a été vendu trois fois, avec doublement du prix à chaque fois ! Je me disais l'autre jour : s'ils continuent ainsi, ils vont encore construire des locaux pour en faire des salles de réunion. Parkinson lui-même n'aurait pas fait mieux ! (Sourires.)
Il faut stopper cette inflation de réunions ! Naturellement, en période de vaches maigres, c'est très bien, parce que les chercheurs dépensent beaucoup moins en participant aux réunions qu'en travaillant dans des laboratoires. Mais je ne pense pas que ce soit une bonne chose !
Pourquoi cette « débureaucratisation » ne se voit-elle pas ? Simplement, parce que j'ai demandé aux directeurs des organismes de s'en charger. Chacun y procède à son rythme. Cela ne peut pas se faire du jour au lendemain ! On devrait y parvenir progressivement, à une allure raisonnable.
J'en viens maintenant aux structures.
Il est vrai qu'il existe beaucoup d'organismes de recherche. Il est également vrai que leurs missions ne sont plus très claires. Sous des prétextes de diversification, tout le monde fait à peu près n'importe quoi.
Il me paraît nécessaire de remettre de l'ordre peu à peu. Mais il ne faut surtout pas casser ce qui est positif. Par conséquent, je ne veux pas élaborer une loi qui tendrait à regrouper les gens par rang... ou par deux... car cela casserait les efforts de recherche.
Pour l'instant, on ne touche donc pas à cela ! Mais on va probablement mettre en place une structure sans murs, qui prendra la forme soit d'une agence, soit d'un centre national de recherche technologique, afin de coordonner deux types de recherches essentielles : d'une part, les recherches sur le vivant, notamment sur les biotechnologies, qui s'effectuent dans des organismes très divers et qui, actuellement, souffrent d'un manque de coordination - l'INSERM, le CEA, le CNRS, l'INRA et un certain nombre d'autres ; d'autre part, les recherches sur les technologies liées à l'information et à l'électronique - après avoir connu un succès limité du plan dit « des filières électroniques », ces organismes ont, indépendamment, développé d'excellentes recherches électroniques de pointe, que ce soit le CNET, le CNES, le CEA ou les laboratoires universitaires.
Une coordination est donc nécessaire ! Elle est sans doute également utile dans un troisième secteur, mais nous aurons l'occasion d'en reparler lorsque la mission conjointe, qui a été confiée à M. Sillard et à M. Pelat pour rapprocher le CNES et l'ONERA, aura rendu ses conclusions. Nous verrons alors si, en matière de recherche aéronautique, la coordination ne devrait pas être plus importante. En ce qui concerne le CNES, j'y reviendrai.
Notre deuxième priorité, s'agissant des structures de recherche, est de favoriser la recherche médicale en y mettant un peu plus de médical, c'est-à-dire en privilégiant la recherche sur le médicament, sans rien enlever de ce qui existe, mais en rajoutant un peu plus de recherche clinique, d'essais thérapeutiques, d'informatique médicale, ce qui sera la grande novation de demain.
La télémédecine, qui permettra d'envoyer certains paramètres directement aux médecins, est quelque chose d'essentiel, y compris pour faire baisser les déficits de la sécurité sociale. Par conséquent, ces recherches doivent être menées à bien.
J'en viens au CEA. Pour l'instant, nous avons des contacts très fructueux avec l'administration de ce centre. Son financement est un peu moins acrobatique cette année, puisqu'on a rebudgétisé une part importante de ce qui avait été sorti du budget l'année dernière.
Il convient de s'interroger sur le mode de financement du CEA en réfléchissant à des rapprochements possibles entre les divers acteurs qui financent la recherche nucléaire.
Le CNET. Les milliards de francs qui ont été évoqués sont financés grâce à une loi qui oblige toute entreprise de télécommunications, dont France Télécom, à consacrer 5 % de son chiffre d'affaires à la recherche. Par conséquent, il s'agit d'un financement qui est alimenté à la fois par France Télécom et par les entreprises.
Je suis aussi attentif à ce que cette manne ne s'évapore pas. C'est la raison pour laquelle M. Michel Petit, ingénieur général des télécommunications et directeur de la recherche à l'Ecole polytechnique, est chargé d'établir un rapport qui porte, en particulier, sur les moyens de développer ce financement.
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Laffitte, rapporteur pour avis, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, le problème de cette manne est lié à des décrets d'application et à des arrêtés qui sont extrêmement préoccupants, car ils conduisent à la disparition pure et simple de ces organismes !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je vous rappelle, monsieur le sénateur, que le présent Gouvernement n'a pas suivi le précédent : France Télécom n'a pas été privatisée ! Cette société demeure sous le contrôle de l'Etat. Par conséquent, nous exerçons un meilleur contrôle. Nous aurons l'occasion d'y revenir, mais je voulais vous apporter cette précision.
J'ai dit que l'une des priorités était la technologie et la création d'entreprises dans les domaines de la technologie. Cela passe par des mesures financières multiples.
Il s'agit, d'abord, du capital-risque ; vous l'avez rappelé. Toutefois, contrairement à ce que l'on a pu entendre ici ou là, je ne crois pas que ce mécanisme permettra réellement une prise de risque s'il est piloté par Bercy. Le capital-risque doit être investi dans des entreprises qui adoptent une attitude de prise de risque et qui développent ensuite les résultats de leurs risques.
Nous nous efforçons de le faire, notamment dans les technologies de l'éducation, avec un certain nombre de grands groupes qui acceptent d'investir dans ce domaine.
Par ailleurs, des supports juridiques sont nécessaires. Nous avons donc rétabli les stockoptions pour les entreprises innovantes.
Le crédit d'impôt recherche sera probablement étendu lors de la discussion sur le renouvellement de cette mesure. Il sera concentré sur les PME et les PMI.
Les chercheurs et les universitaires créant des entreprises auront également la possibilité de bénéficier de l'infrastructure de leur laboratoire pendant deux ans.
Par ailleurs, sur le plan psychologique, nous allons demander à ce qu'un petit enseignement juridique et financier soit mis en place dans tous les troisièmes cycles scientifiques, afin d'expliquer systématiquement aux étudiants comment on crée une entreprise, comment on se procure de l'argent, comment on emprunte, comment on gère un capital-risque.
Enfin, je confirme que M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. le secrétaire d'Etat à l'industrie et moi-même avons la volonté de donner par priorité l'argent de l'Etat aux PME et aux PMI. Cela ne signifie pas que les grands programmes d'investissement seront touchés, comme les grands programmes aéronautiques, qui sont d'ailleurs très souvent beaucoup plus des programmes de développement que de recherche.
Mais il ne nous paraît pas très efficace d'aider les grandes entreprises. En effet, elles absorbent cet argent mais, si elles ne décident pas elles-mêmes du thème de leurs recherches et de leurs orientations, elles ne s'y investissent pas complètement. J'ai cité tout à l'heure à ce propos l'exemple de l'électronique. Il faut qu'elles engagent leur argent pour vraiment s'impliquer dans un projet.
En revanche, les PME et les PMI ne peuvent pas investir à long terme. Nous allons donc essayer de les y aider. Mais cela ne se fera naturellement pas en un jour. Les programmes en cours qui ont été tissés avec les grandes entreprises ne seront pas arrêtés du jour au lendemain ; nous ne les casserons pas. Il s'agit simplement de donner une orientation.
Pour conclure, je voudrais répondre à une série de questions que vous m'avez posées, mesdames, messieurs les sénateurs.
La fuite des cerveaux, monsieur Habert, est beaucoup moins massive que vous ne l'avez dit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Elle existe !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Il est vrai qu'elle existe - je ne le nie pas - et ce pour de multiples raisons.
D'abord, nos jeunes chercheurs parlent désormais anglais, ce qui n'était pas le cas voilà quinze ans. La barrière de la langue ne joue donc plus.
Compte tenu de l'attrait qu'exerce l'Amérique, un certain nombre de chercheurs s'y installent pour des raisons liées à la qualité de vie et aux conditions de travail dans les laboratoires. Jusqu'à présent, quelques-uns y allaient aussi pour créer des entreprises, dans la Silicon Valley et sur la route 128.
La situation n'est cependant pas dramatique ; ce phénomène n'a pas la même ampleur que celui que connaissent nos amis anglais, par exemple.
Pour autant, il ne s'agit pas de se satisfaire de cette situation. Dans le contexte de la mondialisation, il me paraît tout aussi important d'attirer des chercheurs étrangers.
C'est pourquoi la loi sur l'immigration que présentera M. Jean-Pierre Chevènement comprend une mesure extrêmement importante qui permettra aux chercheurs et aux professeurs étrangers de venir en France dans des conditions qui ne seront pas les mêmes que celles qui leur étaient réservées jusqu'à présent. Ainsi, ils ne seront plus obligés de faire des queues interminables dans les préfectures de police pour obtenir un titre de séjour. Un visa et un titre de séjour leur seront délivrés au départ par le consulat. L'arrivée de chercheurs étrangers se trouvera donc facilitée.
En matière de nouvelles technologies, la France n'est pas aussi mal placée que certains l'affirment. Vous allez pouvoir vous en rendre compte : mon ministère organisera, en effet, au mois de janvier un colloque sur les recherches françaises dans ce domaine. Vous serez surpris de constater les innovations considérables au niveau français et les efforts que nous faisons pour diffuser ces nouvelles technologies.
S'agissant de Superphénix, je fais partie de ceux qui considèrent que Superphénix fut une erreur. Je ne suis d'ailleurs pas le seul puisque M. Horowitz, qui était le plus grand spécialiste des piles, et M. Dautray, l'actuel haut-commissaire du CEA, le pensaient aussi.
Le surgénérateur a été construit pour des raisons diverses, et je pense que le Gouvernement a raison de mettre un terme à ce gouffre financier. Il est toujours difficile d'arrêter un gouffre financier. Les Américains nous ont donné l'exemple quand ils ont décidé d'arrêter le supercollider alors qu'ils avaient déjà percé un tunnel de plusieurs dizaines de kilomètes au Texas et que les bâtiments étaient construits.
L'arrêt de Superphénix est donc une bonne chose.
Mais il serait dommageable que la France perde la technologie qu'elle avait acquise en matière de surgénérateurs. Le haut-commissaire du CEA estime que Superphénix peut être rouvert mais la sûreté nucléaire n'a pas encore donné son avis sur la faisabilité. Elle le rendra à la fin du mois. J'attends personnellement d'avoir cet avis.
Pour ce qui est des déchets, je ne me prononcerai pas. Une discussion intergouvernementale réunira dans les quinze jours à venir les ministres concernés.
Les avis divergent en ce domaine, mais le Gouvernement fera connaître sa position à ce sujet. La mienne importe peu ; seule compte celle du Gouvernement. Ceux qui veulent connaître ma position peuvent lire mes anciens livres, dans lesquels elle est expliquée en détail ! (Sourires.)
Si vous voulez bien me laisser encore quelques minutes, monsieur le président...
M. Jean-Louis Carrère. Vous avez tout le temps que vous voulez, monsieur le ministre.
M. le président. Pardonnez-moi, monsieur Carrère, mais c'est moi qui préside !
Monsieur le ministre, vous pouvez disposer encore de quelques minutes, mais guère plus si nous ne voulons pas siéger trop avant dans la nuit.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je voudrais maintenant parler de l'espace, et je le ferai avec une certaine gravité parce que le sujet s'y prête. Nous sommes la deuxième puissance spatiale au monde et nous entraînons l'Europe derrière nous.
Permettez-moi de vous donner un ordre de grandeur des budgets en ce domaine : le budget civil consacré par les Américains à l'espace s'élève à 12 900 millions de dollars : celui qui est consacré par l'Europe est de 5 900 millions de dollars. Ces chiffres sont désormais comparables. Les Américains sont certes très en avance mais le rapport est du simple au double, ce n'est pas un facteur dix comme à une certaine époque. Nous devenons donc des concurrents sérieux.
Je suis très attaché à l'indépendance de l'Europe et à une grande politique spatiale européenne. Aussi, je vais vous dire pourquoi je ne suis pas favorable aux vols habités : comme l'a fort bien expliqué un article paru récemment dans un journal du soir, ils constituent pour les Américains le moyen d'accrocher tout le monde à leurs basques ; tel est l'objectif essentiel de leur stratégie.
Malheureusement, les crédits sont limités. Si on les met là, on ne les met pas ailleurs. Il est inexact de prétendre qu'il est possible de financer des vols habités et en même temps une politique dans les domaines des télécommunications, de l'observation de l'espace et de l'exploration planétaire. Si l'on réalise l'une, on ne fait pas l'autre. Il faut choisir.
Depuis un certain nombre d'années, les groupes de pression américains aidant, nous sommes « accrochés aux basques » des Américains. Je ne suis pas anti-américain ; je suis membre de l'académie des sciences des Etats-Unis et j'ai enseigné dans ce pays. Je connais à peu près toute la communauté scientifique américaine. Mais je veux que nous coopérions à égalité. Je ne veux pas que nous soyons condamnés à être des faire-valoir pour des programmes que nous n'aurons pas décidés.
Comme M. Hubert Curien l'a dit, l'homme dans l'espace aujourd'hui est un spectacle émouvant mais cher, car ces expériences n'apportent pas de résultats significatifs. Il s'agit en effet d'une technique maintenant aussi archaïque que celle qui consiste à souder des semi-conducteurs à la main. L'un d'entre vous disait tout à l'heure que ce sera une combinaison de l'homme et de la machine. Non ! les semi-conducteurs sont fabriqués non plus par les hommes, mais par des robots. Nous sommes arrivés à un tel point de miniaturisation que nous n'avons pas besoin de grandes usines volantes. Nous fabriquons maintenant des petits satelliques de communication qui sont suffisants et performants.
Pour vous montrer la détermination du Gouvernement, je vous rappelle que, voilà quatre ans, à Genève, l'Europe et la France notamment ont été complètement pulvérisées dans la bataille des fréquences. La semaine dernière, nous avons gagné celle-ci, parce que nous avons été actifs et qu'un certain nombre de ministres ont passé du temps à convaincre leurs collègues étrangers de réaliser une coalition pour s'opposer aux Américains. Nous y avons réussi en particulier grâce au soutien des Canadiens.
La constitution du consortium Skybridge est une chose essentielle.
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Dès l'an prochain, nous aurons un téléphone mobile qui couvrira l'ensemble de la planète, qui sera l'équivalent d'Iridium et qui sera aux mains non pas des Américains mais du consortium Skybridge. En outre, je souhaite la création d'un GPS autonome grâce au soutien de Skybridge. Enfin, ce consortium nous permettra de construire des satellites d'observation de la terre à un coût dix fois moins élevé que celui des satellites actuels.
Telle est la priorité des priorités, comme je l'ai dit à l'administrateur de la NASA, qui n'a d'ailleurs pas insisté.
Nous voulions participer à l'exploration de Mars par le biais d'Ariane. Ce projet est étudié en commun. Je vous dirai très franchement que j'espère que ce projet ne sera pas seulement franco-américain ; j'espère que ce sera un projet euro-américain. En effet, dans toute cette bataille très souterraine qui a recentré les positions européennes, les Allemands et les Italiens ont été extrêmement solidaires avec nous. Par conséquent, je trouverais personnellement malvenu - mais le Gouvernement décidera - de ne pas les associer en retour à cette aventure.
La réforme de l'ESA est nécessaire : les décisions doivent être prises à la majorité qualifiée et non plus à l'unanimité et les frais de gestion doivent être réduits.
Nous proposons, par ailleurs, de créer avec nos collègues allemands, un mécanisme de type Eureka, c'est-à-dire un mécanisme qui permette une Europe spatiale avec des coopérations bilatérales à géométrie variable, ce qui nous permettrait de ne pas passer par l'Agence européenne. Nous pourrions ainsi lancer, par exemple, des opérations franco-allemandes, franco-germano-italiennes ou franco-suédoises.
Mais je dois dire, et je le fais avec une certaine solennité, que le lobbying américain est très efficace et il se loge parfois en des lieux dans lesquels on ne l'attendrait pas.
M. Lucien Neuwirth. Absolument !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Une part importante du produit de l'ouverture du capital de France Telecom sera probablement consacrée aux nouvelles technologies.
Je reviens, à cet égard, sur le plan sur les nouvelles technologies que j'ai annoncé. Vous savez peut-être que la France compte quelques spécialistes qui sont parmi les meilleurs au monde dans le domaine du traitement musical : je songe notamment à M. Jean-Claude Ricet, qui travaille au CNRS à Marseille.
C'est pourquoi nous avons décidé de développer en réseau - parce qu'il en existe dans différentes villes de France - un programme pour développer les technologies des médias et des métiers artistiques grâce aux nouvelles technologies, afin d'être présents sur ce marché qui est, naturellement, essentiel pour le futur.
Au lieu de reproduire le medialab du MIT, qui est concentré en un seul lieu, nous essaierons de créer une structure comparable mais en réseau, et c'est Jean-Claude Ricet qui en sera le responsable.
Je répondrai maintenant sur l'effet de serre, sur lequel j'ai quelques lumières. Tant de bêtises sont écrites à ce sujet que je préfère ne pas trop m'exprimer.

Le Gouvernement a adopté une position sage et, tout comme vous, monsieur le sénateur, je me félicite du choix nucléaire de la France qui nous offre des solutions raisonnables.
J'observe simplement, avec une petite pointe d'ironie, que mes collègues qui travaillent dans ce domaine ont découvert brutalement dans une publication récente que New York, Paris et Londres étaient des émetteurs de gaz carbonique. Voilà une bonne utilisation de la cartographie infrarouge par satellite ! Certains auraient pu le penser, comme certains avaient pensé que les satellites de Jupiter étaient revêtus de calottes glaciaires - ils l'avaient même écrit - même si cela ne remplace pas la découverte !
Je terminerai en abordant deux points.
S'agissant de la toxicomanie, je juge excellent le rapport élaboré par le comité national d'éthique car ce sujet est envisagé d'un point de vue scientifique, notamment quant aux effets d'un certain nombre de drogues sur le fonctionnement du système nerveux. Je n'insisterai pas davantage. Nous avons intérêt à poursuivre dans cette lignée des recherches fondées sur des données scientifiques et un peu moins sujettes à des pulsions ou à des réactions dans la mesure où il s'agit d'un véritable fléau qui n'est pas toujours aussi simple à comprendre.
Je prendrai un exemple : les études scientifiques montrent que le haschisch est moins toxique que le tabac. Il s'agit, certes, d'une donnée intéressante. Je n'en tire personnellement aucune conclusion définitive. Je dis simplement qu'il faut examiner les faits et les diverses études scientifiques.
Je terminerai par l'aménagement du territoire, qui vous tient à coeur.
Oui, je suis pour un aménagement du territoire. Non, je ne suis pas pour une dispersion de la recherche. Non, je ne suis pas pour une évaluation locale de la recherche. Si nous voulons être compétitifs sur le plan mondial, nous devrons définir des zones prioritaires sur lesquelles nous concentrerons les entreprises innovantes, que nous ferons bénéficier de dégrèvements fiscaux et qui seront exonérées du paiement des frais de brevets. Cela ne pourra se faire que dans un nombre limité d'endroits, qui seront sans doute difficiles à définir. Là encore, je crois que ce sont les hommes qui décident de tout. Il nous faudra le faire aux endroits où il y a des hommes, là où il y a des concentrations. Ces choix seront difficiles.
Nous nous emploierons à créer ces zones, qu'il m'est arrivé d'appeler « pôles européens », tout en travaillant à améliorer le maillage du territoire.
Pour appuyer ce que j'ai dit tout à l'heure, je voudrais souligner plusieurs points.
La biologie a commencé à vraiment se déconcentrer ; les sciences de la terre se sont déconcentrées ; les sciences de l'ingénieur sont extraordinairement déconcentrées ; la chimie est, elle aussi, très déconcentrée, la chimie de province étant globalement meilleure que la chimie parisienne.
Ce qui est moins déconcentré, c'est la physique. Malgré la déconcentration de grands équipements, elle reste très concentrée dans la région parisienne et dans la région grenobloise. Nous devons effectivement favoriser cet essaimage sur le territoire national. Je le répète : essaimage mais non saupoudrage.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je voulais vous dire. J'ai dépassé mon temps de parole de cinq minutes, veuillez m'en excuser, monsieur le président. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - MM. Rausch, Trégouët et Trucy applaudissent également.)
M. le président. Monsieur le ministre, les minutes étaient longues, mais nous avons été intéressés par vos propos.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'éducation nationale, la recherche et la technologie : III. - Recherche et technologie.

ETAT B

M. le président. « Titre III : 1 313 376 517 francs. »

Par amendement n° II-12, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de réduire les crédits figurant au titre III de 327 000 000 F.
La parole est à M. Lachenaud, au nom de la commission des finances.
M. Jean-Philippe Lachenaud, en remplacement de M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient la tâche éminemment difficile de présenter - je resterai dans le domaine strictement financier - un amendement visant à réduire de 327 millions de francs les crédits du titre III. Je le fais au nom de la commission des finances,...
Mme Danielle Bidard-Reydet. Ce n'est pas bien !
M. Jean-Philippe Lachenaud, au nom de la commission des finances. ... à la place de M. Lambert, rapporteur général, et à la demande du président Poncelet.
Je ne voudrais pas que le dépôt de cet amendement, sur lequel je demande qu'il soit procédé à un scrutin public, soit mal interprété.
En effet, aucun jugement sur le fond n'intervient, et nous avons apprécié, monsieur le ministre, la présentation des crédits. Je le dis tout particulièrement à nos collègues MM. Laffitte et Trégouët, qui sont d'éminents spécialistes des questions de recherche. Tout en proposant cet amendement, la commission des finances reconnaît toute la valeur des travaux présentés, de l'ambition scientifique et de la politique menée en matière de recherche.
Notre proposition ne doit donc pas être interprétée - ce serait une caricature - comme une atteinte au service public, une méconnaissance du rôle éminent de l'Etat dans la recherche. Elle n'est pas non plus la traduction d'une volonté de réduction des moyens d'action qui permettent le rayonnement de la France dans le domaine de la recherche. Tout à l'heure - et je m'en suis entretenu avec eux - MM. Laffitte et Trégouët exprimeront leur sentiment personnel.
Il s'agit simplement de l'application automatique, forfaitaire, dans le cadre d'un nouvel équilibre budgétaire, du principe général de réduction des dépenses du titre III et du titre IV, auquel la majorité sénatoriale se tiendra tout au long du débat. En l'occurrence, il s'agit d'un domaine où son application est particulièrement difficile.
Nombreux sont ceux qui considèrent qu'il s'agit d'un domaine régalien. Certains estiment qu'aujourd'hui la notion de droits régaliens n'est plus celle qui prévalait au XVIIe ou au XIXe siècle, à savoir la police, la gendarmerie et la défense. En effet, le rôle de l'Etat est aujourd'hui tout à fait fondamental pour l'avenir de la recherche.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Le Gouvernement ne peut, bien sûr, accepter cette proposition. Je le répète : s'agissant de ce domaine, cet amendement se situe vraiment à l'opposé de l'esprit de recherche.
Je suis très surpris que vous vouliez appliquer un abattement mathématique systématique. Je passe mon temps à lutter contre la règle de trois, qui fait des ravages au sein de mon administration - fermeture de classes, suppression d'emplois - et au nom de laquelle on fait n'importe quoi n'importe où.
J'ajouterai une remarque politique. Vous le savez, cette action sera totalement inefficace puisque l'Assemblée nationale rétablira le budget. Pourquoi n'avez-vous pas alors l'élégance de soutenir l'effort de recherche de notre pays ? Cela serait sans doute mieux perçu par les électeurs que cette sorte d'automaticité qui ne peut être guidée, bien sûr, que par une attitude partisane. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen - M. Trégouët applaudit également.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-12.
M. Ivan Renar. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Ce dispositif forfaitaire pourrait être considéré comme un gag s'il n'emportait des conséquences aussi désastreuses pour la recherche de notre pays. Je ne ferai pas mauvaise interprétation : il s'agit d'un mauvais coup porté à la recherche scientifique. Ce couperet méthodique et monotone - moins 1,44 % - devient un refrain.
Pour ma part, je ne comprends pas cette conception de la maîtrise des dépenses de l'Etat. C'est le sacrifice du service public de la recherche scientifique de notre pays. C'est la suppression de postes de chercheur, alors qu'il faudrait en créer encore. Cela ne peut qu'avoir des conséquences lourdes sur l'emploi scientifique, et donc sur l'avenir de la France.
Aussi, nous ne pouvons qu'être opposés à l'adoption de cet amendement. Tout à l'heure, la commission des affaires culturelles a fait appel à la sagesse du Sénat. J'espère que nos collègues seront suffisamment sages, qu'ils répondront à l'appel de M. le ministre, lequel a fait la démonstration des difficultés mais aussi de la valeur de la politique scientifique de notre pays, et refuseront une proposition qui me paraît dénuée de bon sens.
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je souhaiterais exprimer l'avis de la commission des affaires culturelles qui s'en remet à la sagesse du Sénat et mon sentiment personnel.
Il ne me paraît pas souhaitable de suivre la commission des finances, et ce pour deux raisons.
D'abord, il s'agit effectivement d'un budget régalien, qui est encore plus important que la plupart des autres budgets puisqu'il conditionne fortement l'avenir.
Ensuite, si l'on considère le budget tel qu'il nous est présenté, à enveloppe constante comme l'a souligné à juste titre M. René Trégouët, il augmente de 1,11 % pour la partie visible. Mais une grande partie des recherches figurait dans le budget annexe de France Télécom et représentait quelque 4 milliards de francs. Il s'agissait, pour un peu plus de la moitié, de recherche interne à France Télécom et, pour presque la moitié, de recherche effectuée en amont pour l'ensemble du pays, France Télécom étant un organisme public. La disparition de ce budget annexe représente donc une diminution du budget de la recherche.
Malgré les propos de M. le ministre, les décrets d'application existent et ils sont rédigés de telle façon qu'il n'y aura pas un franc de disponible pour la recherche publique et que le RNRT, pour l'année 1998 en tout cas, ne sera donc pas financé au-delà des sommes inscrites dans le projet de budget. On constate donc une perte de l'ordre de 1 milliard de francs. Aussi si l'on tient compte de cette diminution, le budget effectif de recherche de la nation dans les domaines qui nous intéressent sera en régression en 1998. Aussi, lui faire subir une réduction supplémentaire serait un mauvais coup, non seulement pour la nation mais aussi pour l'image du Sénat.
En effet, notre assemblée a su s'honorer jusqu'à présent d'une certaine dynamique et d'une certaine volonté d'appuyer le développement de la recherche en France. Je souhaiterais que mes collègues songent à l'impression que nous allons donner à l'opinion publique en demandant une diminution du budget de la recherche, alors même que nous savons bien que, de toute façon, la mesure proposée ne sera pas appliquée. Faisons plutôt savoir que nous serons très vigilants et que nous nous élèverons contre toutes éventuelles diminutions de crédits à un moment ou à un autre, au titre de régulations budgétaires.
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Je ne voudrais pas me répéter ni ajouter non pas au désarroi, mais aux difficultés qu'éprouvait, et je le comprends, M. Lachenaud, qui remplissait, au nom de la commission des finances, une mission délicate. Je dirai toutefois, avec une pointe d'humour, que pour la recherche, vous n'avez pas été très innovants, messieurs ! Beaucoup plus sérieusement, on aurait pu s'attendre à ce que vous réserviez un traitement particulier à certains budgets.
Je pense, sans doute un peu naïvement, que, s'agissant du projet de budget de la recherche et de la technologie, compte tenu du passif du budget précédent, qui, de l'avis général, portait un coup à la recherche, vous auriez pu vous abstenir de déposer cet amendement, à l'adoption duquel le groupe socialiste, bien sûr, est vivement opposé.
Je commence à assimiler la procédure parlementaire et certaines méthodes que je ne condamne pas puisqu'elles sont conformes au règlement. Toutefois, convenez avec moi qu'il est un peu misérable d'avoir recours à des scrutins publics à répétition pour faire adopter une stratégie qui ne semble pas faire l'unanimité.
M. René Trégouët. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Trégouët.
M. René Trégouët. Monsieur le président, je m'exprimerai non pas en ma qualité de rapporteur spécial, mais à titre personnel.
J'ai une trop haute idée de la mission du politique pour m'en écarter en cet instant.
En effet, par le budget de la recherche, la France engage, bien au-delà de l'année budgétaire, son destin et l'idée que l'on peut se faire de notre capacité de recherche.
Je comprends fort bien qu'il puisse y avoir une stratégie de l'instant, mais, très sincèrement, je ne peux pas souscrire à cette démarche, car je crains que la communauté de la recherche française ne porte un jugement négatif sur le comportement du monde politique à un moment où, comme je l'ait dit tout à l'heure en qualité de rapporteur spécial, nous devons faire face à un véritable défi mondial, que ce soit dans les techniques nouvelles en train d'émerger, dans les technologies de l'information, dans les sciences du vivant ou encore et surtout dans des secteurs où nous sommes fortement placés, le nucléaire et le spatial. Si nous envoyons un message négatif, nous qui représentons l'opposition, je redoute qu'il ne soit très mal compris par le pays.
Aussi, à titre personnel, je voterai contre cet amendement. J'aurais vraiment voulu que le Sénat tout entier apporte son soutien à la recherche. (Applaudissements sur les travées socialistes et les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Danielle Bidard-Reydet. Vous avez raison !
M. Guy Penne. Très bien !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je suis quelque peu surpris de l'attitude de certains de mes collègues.
Tout d'abord, pour rester dans le domaine régalien, je précise que le Gouvernement n'a pas hésité à supprimer 8 milliards de francs de crédits sur un budget, à mes yeux essentiel, celui de la défense, qui conditionne l'indépendance du pays, la défense éventuelle de son intégrité territoriale et de ses libertés !
M. Guy Penne. C'est vrai !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Vous avez dû souffrir, monsieur Carrère, car j'ai noté que, le 9 juillet dernier, le Gouvernement, sur le budget de la recherche, a supprimé 114 millions de francs en crédits de paiement et 260 millions de francs en autorisations de programme - c'est pourtant ce qui prépare l'avenir - et vous n'avez pas dit un mot !
M. Jean-Louis Carrère. Si !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Vous êtes resté silencieux !
Qui plus est, le 19 novembre, il y a donc quelques jours à peine, monsieur Carrère, le Gouvernement supprimait, sur le budget de la recherche et de la technologie, 5 millions de francs de crédits de paiement et 51 millions de francs d'autorisations de programme !
Alors, où est la démarche politicienne ? En la circonstance, il s'agissait bien de crédits supprimés sur un budget que, l'an dernier déjà, vous considériez comme insuffisant !
M. Jean-Louis Carrère. Sûrement !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Et vous ne réagissez pas ?
Quelle est la démarche de la commission des finances ? Nous demandons simplement que les crédits de fonctionnement de la maison France, qui sont trop élevés, diminuent. Nous n'avons pas touché au titre V : ce sont les crédits d'investissement. Nous ne touchons qu'aux crédits de fonctionnement, parce que nous constatons, lorsque nous appréhendons l'ensemble du budget de la France, que, sur 1 600 milliards de francs, à peine 10 % sont concacrés à l'investissement. Est-ce avec un tel pourcentage que l'on prépare l'avenir, qui passe par la recherche ? Non !
Il appartient au Sénat de dire aujourd'hui qu'il faut, et d'urgence, que la maison France réduise ses crédits de fonctionnement au bénéfice d'investissements qui préparent l'avenir, dans la recherche comme dans d'autres domaines. (Applaudissements sur certaines travées du Rassemblement pour la République, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-12, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 28:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 304
Majorité absolue des suffrages 153
Pour l'adoption 196
Contre 108

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits du titre III.
M. Ivan Renar. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre !

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 117 700 000 francs. »

Par amendement n° II-13, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de réduire les crédits figurant au titre IV de 36 000 000 francs.
La parole est à M. Lachenaud, au nom de la commission des finances.
M. Jean-Philippe Lachenaud, en remplacement de M. Lambert, rapporteur général des finances. Au risque d'apparaître systématique, je suis conduis à demander à nouveau un scrutin public. je ne reprendrai pas l'argumentation que j'ai déjà développée ; elle vaut pour cet amendement comme pour le précédent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. A votre avis, quel est-il ? (Sourires.)
M. le président. L'interrogation est à sens unique, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Le Gouvernement est n'est-ce pas surprenant ? - défavorable à cet amendement ! (Rires.)
M. le président. Y a-t-il des explications de vote ?
M. Jean-Louis Carrère. La même !
M. Pierre Laffitte. Oui, la même !
M. Ivan Renar. La même !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-13, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 29:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 304
Majorité absolue des suffrages 153196
Contre 108

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ETAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 13 000 000 francs ;

« Crédits de paiement : 6 500 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 13 773 006 000 francs ;

« Crédits de paiement : 12 307 456 000 francs. »
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Le Sénat souhaitant encourager l'investissement, nous voterons ce titre VI, en regrettant même qu'il ne soit pas suffisamment doté.
M. Jean-Louis Carrère. Nous, sans démagogie, nous le voterons aussi ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la recherche et la technologie.

Affaires étrangères et coopération

II. - COOPÉRATION (ET FRANCOPHONIE)

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les affaires étrangères et la coopération : II. - Coopération (et francophonie).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ayant déposé au nom de la commission des finances un rapport écrit très complet et qui comporte de très nombreux éléments et de très nombreux renseignements, je me bornerai, à cette heure tardive, à quelques brèves observations.
Pour 1998, sont inscrits 6,5 milliards de francs au budget de la coopération en moyens de paiement, soit 239 millions de francs de moins - 3,5 % - que l'an dernier.
Les autorisations de programme s'élèvent à 2,3 milliards de francs, soit 104 millions de francs de moins - 4,3 % - qu'en 1997.
Cette diminution des crédits de la coopération résulte, d'une part, de la réduction des besoins de financement des pays de la zone franc, dont la situation a continué à s'améliorer depuis la dévaluation du franc CFA, d'autre part, de la poursuite de la politique d'économies en matière d'assistance technique.
Je voudrais rappeler brièvement les cinq éléments qui, selon moi, caractérisent l'aide publique française au développement, qui, au sein de l'OCDE, représentait 38 milliards de francs en 1996, soit 0,48 % de la richesse nationale.
Premier élément : l'effort de la nation en cette matière, repose sur un dispositif complexe. A vrai dire, monsieur le secrétaire d'Etat, on a parfois du mal à s'y retrouver. Mais vous n'en êtes pas responsable ; en effet, notre dispositif se singularise par le grand nombre d'acteurs concernés, une quinzaine au total. Quatre ministères principaux sont impliqués : économie et finances, coopération, affaires étrangères, recherche, sans oublier la Caisse française du développement.
Je constate par ailleurs la prépondérance du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, par lequel transite plus de la moitié des crédits d'aide au développement, le ministère de la coopération, dont nous examinons les crédits ce soir, ne finançant quant à lui que 30 % de l'effort de coopération.
Deuxième élément : l'effort français en faveur de l'aide au développement est parmi les plus élevés des pays occidentaux.
C'est vrai en pourcentage de la richesse nationale puisque l'effort de la France en faveur de l'aide publique au développement - 0,55 % en 1995 - est deux fois plus important que l'effort moyen consenti par les pays de l'OCDE - 0,27 % - et bien supérieur à la moyenne des pays de l'Union européenne - 0,38 %.
C'est vrai aussi en valeur absolue, puisque notre aide, qui représentait 8 milliards de dollars en 1995, est plus importante en volume que celle de l'Allemagne et des Etats-Unis et représente plus de deux fois l'aide accordée par le Royaume-Uni.
Troisième élément : l'effort français est un effort constant.
En effet, notre effort ne date pas d'aujourd'hui. Sa récente diminution en pourcentage de la richesse nationale ne saurait faire oublier que notre aide représente, depuis de longues années, entre 0,40 % et 0,60 % de la richesse nationale française.
On observera en outre que le tassement des flux d'aide publique vers les pays du Sud a été plus que compensé par l'augmentation des flux de capitaux privés : en 1996, 58 milliards de francs.
Quatrième élément : l'effort français reste marqué par la prépondérance de l'aide bilatérale, qui représente en moyenne 74 % de l'aide publique française. Cette forme d'aide a cependant tendance à décroître et ne devrait plus représenter que 70 % en 1998.
L'aide multilatérale s'élevait à 9 milliards de francs en 1997, sur un total de 31 milliards de francs. Sur ces 9 milliards de francs, 5,2 milliards de francs ont été versés au budget de l'Union européenne.
Cinquième et dernier élément : l'effort français est encore majoritairement dirigé vers les pays d'Afrique, qui drainent 42 % du total de l'aide bilatérale. En cela, d'ailleurs, on observe une certaine complémentarité avec l'aide qu'apporte la Communauté européenne, qui bénéficie de plus en plus aux pays de l'Europe de l'Est et du bassin méditerranéen.
La distinction entre les pays dits « du champ » et les pays dits « hors champ » perd de sa pertinence puisque, en 1996, ces derniers bénéficiaient de 64 % du total de l'aide bilatérale.
J'en viens maintenant, aux principales observations de la commission des finances.
D'abord, la diminution des crédits de la coopération n'est pas illégitime.
Dans le contexte actuel, il n'est pas illégitime, en effet, que les crédits de ce département ministériel continuent à décroître. On observera, d'ailleurs, que la diminution prévue pour 1998 est inférieure à celle des années précédentes : 7,8 % de moins en 1997.
Outre les difficultés budgétaires rencontrées par notre pays, on constate que la situation économique de nombreux pays du champ évolue favorablement - la dévaluation du franc CFA n'y est pas pour rien - plusieurs pays africains ayant, cette année encore, enregistré une croissance économique supérieure à leur croissance démographique. La croissance des pays d'Afrique subsaharienne a globalement été de 5,5 % en 1997.
Par ailleurs, la hausse des cours des matières premières conjuguée à des politiques économiques pertinentes favorisant l'apparition d'une nouvelle croissance a permis une amélioration sensible des balances des paiements et une réduction des déficits publics.
L'intégration régionale, dans laquelle la France a joué un rôle non négligeable, a eu aussi un effet favorable dans la mesure où elle sécurise l'investissement, grâce à l'amélioration du cadre institutionnel et de l'environnement juridique et financier.
Enfin, la production agricole, que ce soit pour le coton, le cacao ou les cultures vivrières, connaît des progrès très significatifs, et la dévaluation du franc CFA semble avoir dynamisé l'ensemble.
De ce fait, les programmes d'ajustement structurels peuvent continuer à être réduits, même s'il convient de rester attentif aux difficultés sociales que connaissent les pays en phase d'ajustement. Nous vous l'avons dit en commission, monsieur le secrétaire d'Etat.
Il faut garder présent à l'esprit qu'une coopération réussie est une coopération qui s'amenuise progressivement.
Pour autant, il convient de ne pas limiter par excès des crédits qui engagent l'action internationale de la France et qui sont un élément de sa crédibilité sur le plan mondial.
Il est donc essentiel - c'est ma deuxième observation - que la France maintienne son aide publique au développement à un niveau significatif.
D'abord, la dépense de coopération est utile pour les pays qui en sont les destinataires. Je n'ai pas besoin de m'étendre sur cette idée, tout le monde la comprend. Il suffit de voir les résultats que nous obtenons grâce à l'aide française, en particulier pour l'amélioration de l'état sanitaire des populations africaines, la diminution du taux d'analphabétisme chez les adultes et la présence plus forte que par le passé de l'Afrique dans le domaine culturel.
La dépense en faveur de la coopération est également riche de retombées pour la France, en termes aussi bien politiques qu'économiques.
Un certain nombre d'études démontrent que l'aide française multilatérale connaît des taux de retours commerciaux « en rapport avec le rang économique de la France », selon un rapport récent du ministère des affaires étrangères. »
Les votes à l'ONU, quand la France a été mise en cause, par exemple lors de la reprise des essais nucléaires à Mururoa, ou lorsque notre pays fait des propositions d'actions ou encore soutient certaines positions, prouvent la fidélité de la grande majorité des pays bénéficiaires de l'aide bilatérale. La même constatation vaut aussi pour des enjeux permanents tels que la francophonie, qui entre maintenant, si je puis dire, dans le champ du secrétariat d'Etat à la coopération.
Je me félicite du fait que les crédits du fonds d'aide à la coopération, le FAC, augmentent, alors qu'ils avaient diminué régulièrement les années précédentes, car cet instrument joue un rôle particulièrement important dans la gestion de l'aide-projet. Les crédits qui lui étaient affectés avaient malheureusement atteint un niveau en deçà duquel il n'était pas souhaitable de descendre. Si M. le président de la commission des finances était là en cet instant - il s'est absenté quelques minutes - je dirais que tout cela était dû sans doute à la régulation budgétaires dont tout le monde sait dans cette assemblée l'admiration et l'affection qu'il lui porte. (Sourires.)
Dans un contexte où l'aide publique au développement diminue, tout en restant nécessaire, il semble impératif de continuer de s'efforcer de faire mieux en dépensant moins. C'est mon observation.
La nécessité d'accroître l'efficacité de la dépense de coopération suppose de réorienter notre aide en privilégiant l'aide-projet par rapport à l'aide structurelle et l'assistance de conseil par rapport à l'assistance de substitution. Il est heureux que ces orientations soient partagées par l'actuel gouvernement, comme elles l'étaient du reste par l'ancien. De ce point de vue, la commission a noté la continuité de l'action.
Mais elle suppose également d'étudier à nouveau la question de l'organisation des structures.
A cet égard, force est de constater que la réforme mise en oeuvre en 1996 a eu des effets positifs.
Faut-il aller au-delà et fusionner le secrétariat d'Etat à la coopération avec le ministère des affaires étrangères ? Faut-il envisager, comme on en a parlé ici ou là, la création d'une agence pour la coopération ?
La commission considère qu'il s'agit-là de fausses pistes. Monsieur le secrétaire d'Etat, si vous vouliez vous y engager, je ne peux pas dire que vous seriez assuré de notre soutien...
D'une part, le secrétariat d'Etat à la coopération doit demeurer distinct du ministère des affaires étrangères. Cette structure ministérielle constitue en effet l'interlocuteur irremplaçable de nombreux pays africains et contribue, de ce fait, au maintien de l'influence de la France dans cette partie du monde. Par ailleurs, les personnels de la « coopération » disposent d'un savoir-faire distinct, qui complète utilement celui des autres administrations mettant en oeuvre des actions d'aide publique au développement.
D'autre part, la création d'une agence, à l'instar de ce qui existe aux Etats-Unis, aurait pour effet, du fait de la pluralité de tutelles dont elle dépendrait immanquablement, d'affaiblir la marge d'action du Gouvernement dans un domaine qui se situe au coeur des missions régaliennes de l'Etat. Elle rendrait plus difficile aussi le contrôle parlementaire dans un domaine où l'opinion publique exige de la rigueur - et nous sommes ici l'oeil de l'opinion et des contribuables. De surcroît, la mise en place d'une telle structure pourrait avoir des effets inflationnistes. Enfin, une telle modification de notre dispositif ne semble pas correspondre aux souhaits de nos partenaires étrangers, notamment européens.
Plus simplement, la commission des finances suggère que soit approfondi l'effort de coordination entre tous les acteurs de l'aide publique au développement et que les procédures d'octroi de l'aide soient améliorées.
Il serait souhaitable notamment de procéder à un examen systématique de la représentation française dans les pays du champ afin de réduire les doubles emplois entre les personnels de la Caisse française et ceux des missions de coopération qui font la même chose, mais dans des bureaux différents et chacun dans son coin.
Il serait également souhaitable d'élaborer un règlement financier du FAC - observation déjà faite l'an passé - afin d'assurer une exécution plus rapide et plus efficace des projets et, d'éliminer les crédits dormants puisque le FAC engage des opérations qui quelquefois, deux ou trois ans plus tard, n'ont pas eu de commencement d'exécution.
Un conseil général qui serait géré de cette manière ferait certainement l'objet d'observations très sévères de la part de la chambre régionale des comptes. L'ancien président du conseil général des Côtes d'Armor - ancien, non pas qu'il ait démérité ou qu'il ait été privé de son poste par une sanction abusive - doit très bien comprendre ce que je veux dire !
Il convient aussi de supprimer ou de réduire les moyens administratifs dans des pays qui ont maintenant assuré leur décollage économique. Je plaide ainsi depuis plusieurs années pour qu'il n'y ait plus de missions de coopération qui ne paraissent pas indispensables, à l'île Maurice ou aux Seychelles. On y arrive tout doucement, enfin ! Tant pis, on ira bronzer ailleurs ! (Sourires.)
Il faut aussi promouvoir une meilleure coordination entre les services de la Commission européenne et les représentants des Etats membres pour éviter que nous ne soyons soit ignorants des projets de l'Europe, soit en concurrence ; les services de la commission se mettent, en effet, quelquefois en travers des initiatives françaises.
Enfin, il serait souhaitable de préciser la situation de la coopération dans les nouveaux pays du champ.
La commission des finances du Sénat a relevé avec satisfaction le rééquilibrage intervenu entre les crédits du fonds d'aide et de coopération, le FAC, et ceux de la caisse française du développement, la CFD. Cette orientation semble la bonne, dans la mesure où, comme j'ai pu le constater à l'occasion de mon dernier contrôle budgétaire, les projets de la caisse française de développement ne sont pas, monsieur le secrétaire d'Etat, aussi bien contrôlés, aussi strictement contrôlés que ceux du FAC et visent parfois à satisfaire davantage les souhaits de la direction du Trésor que ceux du secrétaire d'Etat à la coopération ! Naturellement, pour ne pas vous nuire, monsieur le secrétaire d'Etat, cela ne sera pas répété en dehors de cette enceinte ! (Sourires.)
Quatrième observation : il est indispensable de ne pas laisser se distendre le lien privilégié entre la France et certains pays africains.
La politique restrictive des visas - dont vous n'êtes pas responsable - accordés aux étudiants, enseignants et chercheurs menée depuis plus d'une dizaine d'années, conjuguée à la diminution continue des crédits relatifs aux bourses de formation ont conduit bon nombre d'universitaires, notamment africains, à se détourner des universités de notre pays et à effectuer leurs études ailleurs, spécialement en Amérique du Nord. Aussi, le nombre de dirigeants africains qui ne sont pas passés, à un moment ou à un autre, dans nos filières d'enseignement supérieur, augmente-t-il chaque année. Je le constate personnellement lorsque je me rends en mission dans ces pays : je rencontre de moins en moins de responsables contents de m'apprendre qu'ils ont étudié à Montpellier, à Toulouse ou ailleurs. En revanche, de plus en plus me disent être allés étudier à Montréal. J'en suis heureux pour eux, mais pas pour la France !
Les conditions du dialogue entre les responsables de haut niveau français et africains sont donc insensiblement en train d'évoluer. Et l'on peut craindre que la disparition de ce mélange de complicité intellectuelle, de compréhension mutuelle, de confiance et d'estime réciproques, qui faisait que les interlocuteurs étaient, sinon toujours en mesure de s'entendre, du moins de parler un langage commun, ne soit en train de disparaître.
Il semble donc souhaitable, d'une part, d'ouvrir plus largement les conditions d'accès de notre territoire aux universitaires les plus sérieux de nos partenaires francophones et, d'autre part, de veiller au maintien des crédits affectés aux bourses d'études. Même si la diminution de l'ordre de 3 millions de francs opérée cette année est modeste, elle traduit une tendance qui préoccupe la commission des finances.
Cinquième observation : il faut veiller aussi à ne pas laisser l'usage du français disparaître des pays du champ.
M. Jacques Legendre. Très bien !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Force est de constater que la pratique du français recule dans bon nombre des pays du champ et que son usage est parfois en passe de disparaître complètement, comme j'ai pu le constater au Viêt-nam ou dans certains pays d'Afrique, sans parler d'Haïti, où l'absence de la France, en raison des événements dont nous nous souvenons les uns et les autres, a permis une forte implantation de l'Amérique, de ses habitudes alimentaires, linguistiques et autres, qui sont particulièrement nuisibles.
Je sais que cela a été un des thèmes du récent sommet de la francophonie. Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, dans ce domaine, il vous reste du pain sur la planche !
Enfin, sixième observation : il convient d'encourager la coopération décentralisée.
Au moment où les collectivités locales s'investissent de plus en plus dans la coopération, le fait que les crédits affectés à cette action diminuent, même s'il convient de prendre en compte les crédits affectés à cette action qui transitent par le FAC, ne constitue pas un bon signal.
Voilà, mes chers collègues, les quelques observations que la commission des finances m'a chargé de vous présenter. Elles ont été enrichies par les interventions des très nombreux membres de la commission des finances qui ont tenu, en présence de Mme Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, à s'exprimer sur ce sujet et que j'ai scrupuleusement reprises dans mon rapport.
Au nom de la commission des finances, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter sans modification les crédits du secrétariat d'Etat à la coopération. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Brisepierre, rapporteur pour avis.
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, du rôle que nous jouons en Afrique dépendra la place de la France dans le monde. C'est, pour moi, une conviction profonde qui s'est renforcée au fil des ans et au fur et à mesure de mes différents voyages. Et c'est en fonction de cet enjeu fondamental que nous devons analyser, d'une part, les objectifs de notre politique africaine et, d'autre part, l'évolution, que j'estime préoccupante, des crédits dévolus à la coopération.
A la veille de réformes importantes pour notre coopération, je rappellerai quelques-unes des priorités qui doivent guider notre action et je ferai à ce sujet trois remarques.
Première remarque : il faut restaurer la cohérence de notre politique africaine tout en préservant l'identité de notre action en Afrique.
Au chapitre de la cohérence, il convient de réaffirmer le rôle du ministre des affaires étrangères dans la définition de la politique africaine sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre.
Cependant, à l'instar de l'Europe, l'importance de l'Afrique justifie le maintien, au sein du Gouvernement, d'un responsable en charge de la coopération. En effet nos partenaires africains ont besoin d'un interlocuteur spécifique, d'un bon connaisseur du continent, qui ait le titre de secrétaire d'Etat ou de ministre délégué.
De plus, il importe de préserver, sur le terrain, l'atout précieux et sans exemple dans d'autres pays que représente le savoir-faire de nos coopérants.
Je ne vois pas dès lors ce que nous aurions à gagner d'une fusion envisagée entre services de la coopération et des affaires étrangères.
Pour conclure sur ce point, c'est au sommet qu'il faut rétablir la cohérence des choix politiques. Mais, à la base, la distinction des « métiers » en fonction de la diversité des situations doit demeurer.
Deuxième remarque : il faut encourager et renforcer la présence française en Afrique car elle est le meilleur vecteur de notre influence. A cet égard, je retiendrai trois axes d'action.
En premier lieu, un effort particulier doit être fait en faveur de nos PME-PMI, notamment locales, qui forment la base même de notre présence économique sur le continent. Or la Caisse française de développement, qui est par ailleurs un instrument performant et indispensable de notre coopération, ne met aucune ligne de crédit spécifique à disposition de cette catégorie d'entreprises.
En deuxième lieu, la mise en place d'un socle de garanties pour les Français établis en Afrique est indispensable. Ces Français doivent se sentir soutenus par leur gouvernement. A cet égard, la réponse au problème de la dévalorisation - après dévaluation du franc CFA - de la pension servie par les caisses de retraite africaines à nos compatriotes, aurait dû être exemplaire. Mais cela n'a pas été le cas.
Actuellement, par exemple au Congo, il conviendrait d'aider certains de nos compatriotes qui ont été frappés de plein fouet par les récents événements. La France apparaît, dans le contexte actuel, en mesure d'obtenir, pour un certain nombre d'années, des autorités de Brazzaville des compensations sous forme, entre autres, de dégrèvements d'impôts ou d'exonérations de droits de douanes. Cela doit être négocié, négocié vite, si nous voulons obtenir satisfaction.
En troisième lieu : un dispositif militaire français est nécessaire, car son rôle dissuasif est essentiel pour sécuriser nos compatriotes expatriés en Afrique. A cet égard, beaucoup trop d'incertitudes demeurent encore sur les moyens de préserver nos capacités opérationnelles à la suite de la réduction des effectifs sur nos différentes bases. On nous dit que cette réduction permettra « d'agir mieux et plus vite ». Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous donner des explications précises ?
Ma troisième et dernière remarque porte sur les orientations de notre coopération. Notre aide doit continuer à privilégier l'Afrique, même s'il s'agit d'une Afrique élargie au-delà du cercle des pays francophones.
L'appui de la France est en effet fortement sollicité par plusieurs Etats anglophones ou lusophones et il serait dommage de ne pas saisir cette opportunité. Cela dit, sur le plan de nos méthodes d'action, il faut absolument rechercher la rapidité des interventions, car cette rapidité constitue le meilleur gage d'efficacité et de réussite.
Je souhaiterais maintenant en venir à l'analyse rapide des principales orientations du projet de budget pour la coopération.
Première observation : ce budget traduit une fois de plus une certaine incohérence entre choix politiques et choix financiers. En effet, alors que votre compétence, monsieur le secrétaire d'Etat, s'étend maintenant à l'ensemble des pays en développement, les moyens consacrés à la coopération baissent de 3,5 %. Est-ce logique ? Est-ce cohérent ? Ne vaudrait-il pas mieux, pour le moment, revenir à l'ancienne délimitation géographique de notre coopération ?
Ne vaut-il pas mieux rester les premiers et être parfaitement performants dans un nombre plus restreint de pays que de nous disperser, ce qui présenterait le risque - faute de moyens financiers suffisants - d'être « médiocres » ou, en tout cas, insuffisants partout ?
Personnellement, je préfère que nous restions les premiers dans des pays dans lesquels la France a investi depuis des années dans tous les domaines - humains, techniques, financiers - où nous avons un solide capital d'amitié et de confiance. Je préfère que nous conservions les dividendes de notre action. Ces dividendes, nous les avons obtenus, ne l'oublions pas, grâce non seulement au rayonnement de la France et à énormément de sacrifices, mais également à la qualité d'un certain nombre de nos compatriotes qui ont parfois consacré toute leur vie à faire comprendre et aimer la France dans cette région du monde qui est devenue proche de nous.
M. Jacques Habert. Très bien !
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis. Par contre, lorsque nos moyens budgétaires nous le permettront, nous pourrons étendre notre influence à d'autres continents tout en gardant une priorité indiscutable sur le continent africain.
Seconde observation : ce projet présente toutefois un motif de satisfaction car il permet, grâce à une répartition différente au sein de l'enveloppe des crédits, de renforcer ce qui fait le coeur de notre coopération, à savoir l'aide-projet dont les crédits progressent de 7 %.
Cependant, il faut le rappeler, l'aide-projet, en particulier les crédits du fonds d'aide et de coopération, demeurent trop souvent une variable d'ajustement pour les économies budgétaires décidées en cours d'année. Ce n'est pas tolérable, car c'est tout le fragile équilibre de notre coopération qui serait alors remis en cause. Nous vous demandons, monsieur le secrétaire d'Etat, d'y veiller attentivement.
Troisième observation : le projet de budget accentue des évolutions qui me paraissent extrêmement préoccupantes pour l'avenir.
La diminution continue des effectifs de l'assistance technique civile et militaire, avec la suppression de 305 postes en 1998, apparaît aujourd'hui très inquiétante. Cette diminution risque de remettre en cause un élément fondamental de notre coopération qui se fonde sur une forte présence humaine sur place.
Cette présence n'est pas seulement l'instrument d'un remarquable savoir-faire, elle constitue aussi une garantie certaine pour une bonne utilisation de nos crédits.
La baisse des effectifs apparaît donc d'autant plus préoccupante que, dans le même temps, la substitution du volontariat à l'obligation du service national pose la question des quelque 800 postes actuellement pourvus par des coopérants du service national. Il s'agira de trouver non seulement les effectifs nécessaires, mais aussi des jeunes gens qualifiés. Il y a là de graves incertitudes pour l'avenir. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous apporter des garanties sur ce sujet ? En effet, nous ne savons toujours pas comment seront remplacés les VSN, les volontaires du service national.
En conclusion, je crois qu'au-delà des vicissitudes du quotidien, il ne faut jamais perdre de vue que le continent africain comportera 1,25 milliard d'habitants en 2025, soit 18 % de la population mondiale.
Il y a là un double enjeu pour notre pays : il faudra contribuer au développement harmonieux de l'Afrique ; en retour, l'influence de la France sur le continent permettra à notre pays de tenir son rang sur la scène internationale et de rester une grande puissance dans le monde.
Notre coopération doit donc être à la mesure de ces enjeux essentiels non seulement pour l'avenir de l'Afrique, mais aussi pour notre avenir. Aussi est-il urgent d'inverser la tendance actuelle à la baisse des moyens financiers consacrés à l'aide au développement. Cela n'a pas été possible cette année. Mais cela doit être notre objectif pour l'année prochaine.
Malgré toutes ces réserves, il faut reconnaître que nos amis africains ne comprendraient pas que nous rejetions les crédits, même insuffisants, dévolus à la coopération.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est vrai !
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères vous invite, mes chers collègues, à donner un avis favorable au projet de budget du secrétariat d'Etat à la coopération. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est M. Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie. L'année 1997 restera l'année du sommet de Hanoi. A cette occasion, monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne portiez pas le titre de secrétaire d'Etat à la francophonie, mais j'apprends que cette regrettable lacune est désormais corrigée.
Je m'en réjouis car le Gouvernement montre ainsi à nos partenaires, à nos amis, l'importance qu'il attache à la francophonie.
Je ne suis pas pour autant totalement satisfait, car les pays francophones ne s'identifient pas parfaitement avec les pays dont vous avez la responsabilité.
La francophonie, ce sont des pays d'Afrique noire certes, que votre secrétariat d'Etat connaît bien, c'est aussi l'Afrique du Nord, le Viêt Nam, le Laos et le Cambodge, les pays du Nord, comme le Canada, la Belgique et la Suisse, et les pays de l'Europe centrale, qui sont de plus en plus nombreux. Or, tous ces pays ne reconnaissent pas le secrétariat d'Etat à la coopération comme leur interlocuteur naturel.
Il faut bien dire aussi que le secrétaire d'Etat chargé de la francophonie n'a pas les moyens de son action s'il ne peut intervenir directement que grâce aux modestes crédits gérés par le service des affaires francophones, soit un peu moins de 62 millions de francs, qu'il convient de comparer à l'effort français en matière de coopération, qui dépasse les 5 milliards de francs.
Vous ne disposez qu'en tant que de besoin de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques, qui est pourtant le principal instrument de notre politique de présence culturelle extérieure.
Je crois profondément nécessaire, monsieur le secrétaire d'Etat, de regrouper entre les mêmes mains les services et les crédits qui concourent au développement de la francophonie, des relations culturelles extérieures et de l'audiovisuel extérieur de la France, et cela, bien évidemment, sous la tutelle du ministère des affaires étrangères.
En préconisant une telle formule, je n'innove pas : en son temps, ce fut le domaine dévolu à Mme Catherine Tasca.
Il est, me semble-t-il, urgent de traduire une volonté politique forte par une organisation concentrée et efficace qui signifie clairement aux autres pays que la France croit à la diplomatie culturelle et qu'elle attache une grande importance à la dimension francophone de sa présence au monde.
En 1997, les crédits d'intervention mis à votre disposition, monsieur le secrétaire d'Etat, s'élevaient à 62,7 millions de francs, dont 49,7 millions de francs destinés aux opérateurs et 13 millions de francs devaient rester à votre disposition pour les subventions aux associations froncophones.
Du moins était-ce la situation lors du vote du budget, car un gel en avril, devenu annulation le 9 juillet, retirait 2,7 millions de francs - ô magnifique continuité de Bercy et des gouvernements ! - tandis que 1,4 million de francs étaient transférés à la direction des relations culturelles et techniques pour la mise en route de TV 5-USA, soit une amputation de 36 % des crédits votés par le Parlement.
Pour 1998, les crédits d'intervention se montent à 61,7 millions de francs - soit moins 1,6 % par rapport au projet de loi de finances initiale - dont 53,4 millions de francs sont affectés au fonds multilatéral unique. Il ne vous reste donc véritablement que 8,3 millions de francs pour le soutien aux associations et institutions de la francophonie.
Il doit être bien clair que les crédits destinés aux associations ont subi une diminution telle qu'il ne doit plus être possible de les amputer encore. De nouvelles opérations de gel et d'amputation seraient ressenties par la commission comme insupportables et inadmissibles.
M. Adrien Gouteyron,. président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Notre examen ne saurait se limiter aux crédits du service des affaires francophones. En provenance de huit ministères, des crédits français concourent à des actions multilatérales.
S'agissant de la coopération francophone, pour le bien-num 1996-1997 avait prévu 625,4 millions de francs. Le bien-num 1998-1999 a prévu 662,6 millions de francs, soit 37,2 millions de francs de mesures nouvelles, annoncées à Hanoi.
Ces crédits serviront, entre autres, au développement des info-routes, à la promotion du français dans les relations internationales, à l'observation de la démocratie et au secrétariat général de la francophonie, pour 2,5 millions de francs.
Il est difficile de suivre la mise en place et l'utilisation de ces crédits. Je souhaite vivement qu'ils soient clarifiés et que les circuits de mise en oeuvre soient simplifiés. L'article 102 de la loi de finances de 1987 fait obligation au Gouvernement de dresser chaque année, lors du vote du budget, un tableau d'ensemble de l'effort français pour la défense de la langue et le développement de la francophonie.
Pour 1998, cet effort peut être estimé à 5,134 millions de francs, soit 16 millions de francs de plus qu'en 1997.
Ces fonds proviennent pour 68 % du ministère des affaires étrangères et pour 25 % du ministère de la coopération.
Le choix de ces crédits est un peu artificiel. Ils montrent, toutefois, que l'effort de la France reste très important et significatif.
L'intérêt porté par la France à la défense de sa langue chez elle est suivi avec beaucoup d'intérêt par les francophones des autres pays. C'est non pas à vous mais au ministre de la culture qu'il faudrait en parler, monsieur le secrétaire d'Etat.
Toutefois, il me faut regretter à nouveau publiquement la formule ambigue utilisée par M. Allègre, ministre de l'éducation nationale, quand il a déclaré que l'anglais ne devait plus être considéré comme une langue étrangère en France. Nous comprenons ce que veut dire le ministre. Il devient en effet nécessaire à un jeune de connaître l'anglais, mais cela n'en fait pas pour autant la deuxième langue de la République. Dans la bouche d'un ministre de l'éducation nationale, la formule a choqué, et je la crois, en effet, regrettable.
Il convient aussi de veiller à l'application de la loi du 4 août 1994, dite loi Toubon. Cette loi a prévu que des associations agréées puissent poursuivre devant les tribunaux les auteurs d'infractions. Certains tribunaux ont contesté cette possibilité ouverte aux associations par le législateur.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ah, s'il s'agissait du tabac ! ...
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Qu'il soit permis à l'ancien rapporteur de la loi Toubon de rappeler à cette tribune que le législateur a incontestablement voulu donner cette possibilité aux associations agréées.
Je crois enfin devoir, une fois de plus, demander la plus grande vigilance et la plus grande fermeté au Gouvernement pour que soit défendue la place de notre langue dans les institutions internationales.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Je voudrais attirer tout particulièrement l'attention sur le comportement inadmissible de certaines directions de l'Union européenne, en particulier de celles qui sont chargées des contacts avec les pays d'Europe centrale, qui font véritablement de l'anglais la langue et la seule langue internationale de l'Union.
Le devoir du Gouvernement est de s'opposer avec la plus grande énergie à une telle dérive : si le Français cessait d'être une des grandes langues de l'Union, il perdrait le meilleur argument qu'il puisse faire valoir pour rester une grande langue internationale.
Glorieux, mais parfois acrimonieux, le sommet de Hanoï emporte des acquis importants. Il faut le dire, car la presse n'en a pas assez rendu compte.
Une nouvelle charte de la francophonie améliore de manière importante et réelle les structures de celle-ci. L'élection d'un secrétaire général de la francophonie de dimension internationale, M. Boutros Boutros-Ghali, lui donne enfin la notoriété souhaitable.
Mais la pompe des sommets ne doit pas faire oublier que la francophonie doit d'abord être vécue au quotidien par des associations, des collectivités locales, des particuliers, des étudiants, des créateurs. Il convient, à l'occasion de ce débat, de leur rendre publiquement hommage.
Monsieur le ministre, il me faut conclure.
Nous sommes appelés à voter sur un budget. Ne sera-t-il qu'apparence ou est-ce véritablement la réalité sur laquelle nous devons nous prononcer ?
Si je dis cela, c'est parce que la commission des affaires culturelles, à l'unanimité, tient à redire son opposition à toute mesure de régulation budgétaire qui dénature le sens même de nos débats. Nous ne pouvons plus accepter que l'on nous présente des budgets pour décider, quelques semaines plus tard, le gel de crédits, puis leur annulation.
Nous voulons discuter d'un budget véritable.
Sous cette réserve, la commission des affaires culturelles a décidé à l'unanimité de recommander au Sénat d'adopter les crédits dévolus à la francophonie. Mais elle entend qu'ils constituent un vrai budget et que vous puissiez disposer intégralement des crédits qui seront ainsi votés, monsieur le secrétaire d'Etat. Ces crédits sont tout juste nécessaires à l'affirmation de la francophonie comme dimension de la présence de la France dans le monde. Il s'agit de prendre la pleine mesure de l'importance de l'enjeu. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 30 minutes ;
Groupe socialiste : 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 21 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 10 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux. Monsieur le président, compte tenu de l'heure tardive, les chiffres ayant déjà été présentés, je réduirai l'intervention que j'avais préparée de plus de 1,44 %, soyez-en sûr ! (Sourires.)
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Excellente initiative !
M. Robert-Paul Vigouroux. Lorsque l'on considère la situation des pays en voie de développement du point de vue de la croissance, l'année 1996 montre une nouvelle accélération, avec un chiffre moyen de 6,5 %.
En Afrique, de meilleures politiques ont stimulé la reprise des économies. La croissance du PIB régional a dépassé celle de la population pour la deuxième année consécutive, atteignant 4,9 % en 1996.
Par ailleurs, trente-quatre pays ont amélioré leur revenu par habitant, et certains pour la première fois depuis des années. Je me place dans un contexte international puisque le budget français a déjà été présenté.
Pourtant, la persistance de la pauvreté dans le monde, plus particulièrement en Afrique sub-saharienne, est préoccupante. Elle est illustrée par des disparités intolérables en termes de revenus, de santé, de nutrition, d'éducation et d'accès à l'eau potable.
Dans le domaine de l'éducation, on dénombre encore 1 milliard d'illettrés et 50 millions d'enfants non scolarisés.
Le dernier rapport de l'UNICEF souligne que, en affectant à l'éducation entre 3 milliards et 6 milliards de francs des 360 milliards de francs dépensés chaque année dans les armements, il serait possible de donner à tous les enfants une place dans une école décente.
J'aborde le secteur de la santé. Trois milliards d'individus ne disposent pas aujourd'hui de moyens hygiéniques d'évacuation des eaux usées et d'innombrables maladies résultent directement ou non de cette situation. Chaque année, 2 millions de jeunes meurent de maladies diarrhéiques.
Les pays en développement sont particulièrement touchées par les maladies sexuellement transmissibles, les MST ; ainsi, 90 % des 20 millions de séropositifs y vivent, et 8 500 personnes y contractent chaque jour le sida.
En matière de nutrition, la FAO vient d'indiquer qu'en 1997 vingt-neuf pays, dont la plupart sont situés en Afrique, souffrent de pénuries alimentaires, sans compter les effets de El Niño , qui risque d'arriver en 1998.
Lorsqu'on en vient à s'interroger sur les causes de ces échecs, car le monde y travaille depuis des années, il est souvent de bon ton, dans les enceintes politiques, à droite comme à gauche et dans les Etats concernés, de fustiger les institutions de Bretton Woods. Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale seraient, par l'application de médecines ultralibérales, coupables des maux dont souffrent les populations. Je crois qu'il nous faut écarter ce cliché trop facile et réducteur, d'abord parce que ces institutions ne sont que les mandataires des Etats industrialisés actionnaires, ensuite parce que nous ne sommes plus à l'époque des ajustements rigides des années soixante-dix.
Même si l'initiative sur la réduction de la dette multilatérale a tardé à être mise en oeuvre, la Banque mondiale et sa filiale l'IDA accordent depuis longtemps la priorité à la lutte contre la pauvreté, ont intégré la protection de l'environnement dans leurs projets et ont mis l'accent sur l'importance des femmes dans le processus de développement, sur le partenariat et sur l'obtention de résultats concrets, tout en entamant une profonde rénovation interne.
Les responsabilités des échecs incombent surtout au manque de lucidité et à l'absence de volonté politique des Etats.
Du côté des pays en développement, et pour s'en tenir aux seuls pays de la zone ACP - Afrique, Caraïbes, Pacifique - le Livre vert sur les relations entre l'Union européenne et ces derniers dresse un constat sans complaisance.
Pour ce qui est des Etats industrialisés, l'aide publique a atteint en 1996 son niveau historique le plus bas depuis quarante-cinq ans, avec une moyenne de 0,27 % du PNB.
Du côté des donneurs, les perspectives ne sont pas favorables : le Japon, principal contributeur de l'aide publique au développement, l'APD, depuis 1988, vient d'annoncer une réduction de 10 % de son aide à l'Afrique dans son prochain budget. La France, qui a longtemps fait figure d'exception parmi les pays riches, avec une APD de 0,62 % du PIB dans les années 1984 et 1985, rentre dans le rang, avec un chiffre réduit à 0,48 % en 1996.
Cette baisse de l'aide publique peut-elle être compensée par le flux d'investissements privés en plein essor dans les pays en voie de développement depuis 1995, avec le chiffre record de 129 milliards de dollars en 1996 ?
Mais on touche ici aux limites de l'investissement privé : est-il légitime d'assurer la distribution d'eau potable aux classes moyennes et favorisées, seules solvables, au lieu d'aller vers ceux qui en ont le plus besoin ? Aider les Etats à bien négocier les contrats de concession, à apporter une aide appropriée aux populations défavorisées, c'est évidemment l'une des légitimations de l'APD.
L'aide publique est indispensable pour assurer un développement humain durable. Il ne faut d'ailleurs pas perdre de vue que, si les flux privés augmentent, ils sont très inégalement répartis : tandis que 42 milliards de dollars d'investissements étrangers vont vers la Chine, le total de ces investissements pour les quarante-huit pays les moins avancés atteint seulement 1,5 milliard de dollars. Si quelques pays d'Asie du Sud captent l'essentiel, l'Afrique dans son ensemble n'a recueilli que 5 milliards de dollars en 1996.
Votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, qui ne représente que 11 % de l'aide publique française, accuse une baisse de 3,5 %, dans un contexte budgétaire serré.
Toutefois, en raison de la volonté de privilégier l'aide que ce budget traduit et des priorités qu'il affiche quant au respect de l'état de droit, à la réorientation du rôle des Etats dans l'économie, à la poursuite d'un développement humain durable, à l'encouragement, même s'il est trop modeste à mon sens, de la coopération décentralisée, je le voterai.
Je conclurai en rappelant un chiffre : selon l'ONU, quelque 60 millions de femmes qui devraient être vivantes aujourd'hui ont disparu en raison de l'avortement sélectif des foetus et de l'infanticide des nouveau-nés de sexe féminin : un véritable holocauste que, je le crains, beaucoup ignorent. (Applaudissement.)
M. le président. La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous étions nombreux à espérer un nouvel ordre fondé sur la justice et la coopération, sur la pleine souveraineté des nations du Sud sur leurs ressources naturelles, sur des échanges entre Nord et Sud fondés sur l'équité.
Nombreux nous sommes aujourd'hui à constater que l'écart entre le Nord et le Sud n'a fait que se creuser.
La mondialisation est telle que le sous-développement du Sud constitue une bombe à retardement, dont l'explosion n'épargnera pas le Nord.
Oui, mes chers collègues, l'ennemi mondial s'appelle la pauvreté, et c'est un mal implacable qui engendre violence, anarchie et drames à grande échelle.
Dans le même temps, le déséquilibre démographique s'accroît entre un Sud qui fait trop d'enfants et un Nord qui n'en fait pas assez.
L'ancien ministre Claude Cheysson déclarait voilà quelques années : « En fait, les véritables interventions de l'Occident ont lieu lorsque les intérêts économiques sont en jeu. Cette approche coloniale continue à être enrobée dans un discours moral très XIXe siècle : il faut apprendre à ces pauvres gens à ne plus se disputer, à laver leurs enfants, bref à leur apporter le progrès et non plus la religion, peut-être, mais le pluralisme. Dans ce monde, le seul critère du progrès pour les puissants, c'est le profit de la croissance. Ceux qui ne produisent rien qui y contribue, on s'en moque ; autant les exclure, les oublier ! »
Je sais bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous avez, avec l'ensemble du Gouvernement, la volonté politique d'agir pour modifier cet état de choses inique, mais je tenais à citer ces propos qui, s'ils ont peut-être le tort de manquer un peu de nuance, ont le grand mérite de dénoncer clairement la situation.
Votre projet de budget est en baisse de 3,5 % par rapport à celui de l'an dernier. Cette baisse ne nous réjouit pas, même si elle est essentiellement due à la réduction des crédits d'ajustement structurel visant à aider les finances des pays africains après la dévaluation du franc CFA de 1994.
Doit-on en déduire, comme certains, que c'est l'un des signes de l'amélioration de la situation des pays africains du « champ » ? Sur ce point, il convient d'adopter une position nuancée, voire une attitude mitigée.
A l'évidence, les avancées enregistrées récemment en ce qui concerne la plupart des PIB correspondent plus à la meilleure intégration de quelques secteurs marchands à l'économie mondiale et à une meilleure compétitivité commerciale, due notamment à la dévaluation du franc CFA, qu'à un réel mouvement en profondeur des sociétés de ces pays.
En fait, on a enregistré, ces toutes dernières années, un recul pour ce qui est des conditions matérielles d'existence des populations.
On assiste à un transfert des pouvoirs nationaux au profit de puissances privées dont les intérêts nécessairement à court terme ne peuvent qu'entrer en conflit avec les nécessités d'un développement durable, équitablement réparti, écologiquement acceptable.
Dans nombre de pays, les fondements déjà ténus de l'Etat de droit, là où ils existent, ont été encore fragilisés par des pertes de substance de l'appareil d'Etat dans ses domaines essentiels.
Peut-il y avoir développement à moyen et long terme dans un environnement qui n'obéit qu'aux seuls mots d'ordre de libre-échange, de privatisation, de déréglementation ?
Par exemple, l'Afrique est obligée de dépenser quatre fois plus pour le financement de sa dette que pour ses services de santé. On ne s'étonnera pas, dans ces conditions, de la recrudesence de plusieurs maladies et de la baisse, ici ou là, du taux de vaccination.
M. le ministre de la santé du Burkina-Faso disait récemment que la dévaluation du franc CFA s'était traduite par une chute de 50 % en un an des importations de médicaments dans l'ensemble de la zone franc et que cela avait des répercussions sur l'espérance de vie. Il indiquait que si cette espérance de vie se maintenait à soixante ans et plus dans les villes, elle pouvait tomber à trente ou trente-cinq ans dans les campagnes éloignées des centres de soins. Le paludisme, le sida et les maladies liées à l'insalubrité de l'eau restent les trois fléaux principaux.
En matière d'éducation, si le taux d'alphabétisation a largement progressé dans les années soixante, soixante-dix et quatre-vingt, il a maintenant tendance à régresser, conséquence de la forte baisse des budgets d'enseignement, baisse qui ne peut évidemment être compensée totalement par les efforts dans ce domaine des budgets de la coopération.
Le continent africain est le seul de la planète à avoir franchi le cap des années quatre-vingt-dix plus pauvre qu'il ne l'était dix ans auparavant. Comment imaginer qu'on puisse laisser un ensemble de 700 millions d'habitants - demain un milliard ! - à la dérive, avec des pays en voie de marginalisation, d'autres au bord du chaos ou en guerre civile périodique sans que cela puisse avoir des répercussions sur la France et sur l'Europe ?
« On peut prendre toutes les décisions administratives possibles, on ne résoudra le problème de l'émigration du Sud que par le développement des pays d'origine », disait fort justement, en 1993, notre collègue Charles Pasqua. Ces paroles de bon sens avaient été, hélas ! suivies par les fameuses lois du même nom, elles-mêmes aggravées par celles de M. Debré, lesquelles ont détérioré, à un point qu'il serait dangereux de sous-estimer, l'image de la France en Afrique. Quant à la politique restrictive que les deux personnages susnommés ont menée en matière de visas, elle a fait prendre à une bonne partie de la future élite africaine le chemin moins borné des universités américaines et canadiennes.
Contre l'émigration clandestine ou mal contrôlée, les charters d'investisseurs seront toujours plus efficaces que les charters de reconduits, lesquels ne resteront chez eux que le temps de récolter l'argent nécessaire pour payer de nouveau les passeurs.
Depuis trop longtemps, le Sud subit des lois d'inéquité. Producteur de matières premières, il a toujours été exclu des décisions fixant le prix de ses produits. Pendant que ces prix baissaient, ceux des produits industriels que le Nord lui envoie connaissaient des hausses continues.
Moins que de charité, c'est de justice dans les rapports internationaux que les habitants du Sud ont besoin pour rester vivre chez eux. Tant qu'ils n'auront comme seule perspective que l'aumône des riches, ils trouveront toujours les moyens de franchir les frontières et les murs, et contre cela, aucun discours de Le Pen, aucune loi Pasqua, aucune loi Debré ne pourront rien !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ni aucune loi Chevènement !
M. Jean-Luc Bécart. C'est bien possible !
S'il est vrai que notre pays fait plus que beaucoup d'autres dans le domaine que nous examinons aujourd'hui, il ne peut à lui seul inverser totalement la logique des rapports internationaux. Le niveau européen devrait être plus adapté à cet égard. Mais les principaux pays européens ont-ils la volonté politique suffisante pour résister, sur ce plan, aux pressions américaines ?
Nous ne cacherons pas nos réelles inquiétudes pour l'avenir proche, notamment sur la préparation de l'après-Lomé, dont l'actuelle convention expire dans deux ans.
Plus précisément, nous nous demandons quelle suite sera donnée, au sein de la Commission européenne, aux excellentes propositions qu'a faites récemment le Gouvernement français et visait à consolider l'aide européenne au développement, avec des moyens financiers d'un bon niveau, mais aussi avec le souci d'une vision plus globale, incluant le dialogue politique pour la promotion de la démocratie, le respect des droits de l'homme, la lutte contre la corruption.
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous en dire un peu plus aujourd'hui et lever les inquiétudes que peuvent susciter les intentions officieuses prêtées à l'Allemagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas de réduire sensiblement leur contribution à la prochaine convention sous prétexte de réserver des fonds pour faire face à l'adhésion à l'Union européenne de pays de l'Europe centrale ?
On se souvient des sérieuses difficultés rencontrées voilà deux ans, pour financer la deuxième tranche de Lomé IV.
Autre sujet de préoccupation de mon groupe : le passage à la monnaie unique et ses conséquences sur nos rapports avec les pays africains. Nombre de cadres africains y pensent, non sans se poser des questions.
Votre prédécesseur avait affirmé que le passage à l'euro ne changerait rien dans les rapports monétaires avec le franc CFA. Comment peut-on être sûr de cela alors que notre pays n'aura plus de prérogatives monétaires ?
Pouvez-vous, là aussi, apaiser nos craintes ?
Quelles garanties la France pourrait-elle obtenir pour développer sa propre politique de coopération avec l'Afrique, spécificité française s'il en est, sans avoir sur la tête l'épée de Damoclès de la Banque européenne ?
Si nous regrettons la baisse de 3,5 % de vos crédits, nous tenons à marquer notre accord avec les intentions exprimées par le Gouvernement de rénover sa politique de coopération, ainsi qu'avec les premières mesures de remise à plat de notre politique africaine, singulièrement dans son aspect militaire. Vous le savez, nous n'avons eu de cesse dans le passé d'en dénoncer l'opacité et certaines dérives, et les relations privilégiées avec Mobutu ou le précédent régime rwandais n'étaient pas les moindres.
Si le temps qui m'est imparti ne me permet pas, hélas ! de m'exprimer plus avant sur le détail de votre budget dont les points forts mériteraient bien évidemment des développements, je souhaiterais exprimer ici le voeu de voir naître un vrai et grand ministère de la coopération, mettant en oeuvre la politique nouvelle qui s'esquisse et qui sort enfin du domaine réservé.
Pour mettre en oeuvre cette politique, monsieur le secrétaire d'Etat, nous serons à vos côtés et, pour l'heure, sur ce projet de budget que nous considérons comme un budget de transition, nous vous apporterons notre soutien actif. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. « Il ne faut pas renier l'histoire, ou l'histoire de son peuple, ou l'histoire de son pays ». Voilà ce que déclarait M. le Président de la République, Jacques Chirac, évoquant la période de l'empire colonial français lors d'une conférence de presse qui eut lieu à Brazzaville, le 18 juillet 1996.
On ne peut vraiment comprendre la situation actuelle, les difficultés et les retards des pays anciennement colonisés si l'on ne garde pas à l'esprit les conséquences des deux derniers siècles pendant lesquels l'Afrique a subi une véritable hémorragie de ses habitants et, par là même, de ses capacités d'initiative.
Dans les pays riches de l'Occident, qui connaissent eux-mêmes des problèmes, des difficultés, des misères, il règne parfois une sorte d'incompréhension quant à l'aide qu'ils peuvent apporter à l'extérieur.
Aussi faut-il faire prendre conscience à nos concitoyens qu'en faisant en sorte que l'économie de ces pays se développe on subit moins d'émigration.
Au-delà des raisons morales ou politiques, il existe des raisons économiques.
Le chiffre d'affaires et les exportations que la France réalise avec l'Afrique sont considérables et, par conséquent, font travailler un grand nombre de nos compatriotes.
Quand nous aidons l'Afrique, nous nous aidons nous-mêmes. Nous sommes un pays où un travailleur sur quatre oeuvre pour l'exportation. C'est dire le caractère fondamental de la production que nous exportons.
Le raisonnement économique que nous devons avoir à l'esprit est le suivant : il faut qu'il y ait solidarité et complémentarité au sein de notre politique de coopération et de développement.
Notre politique de coopération doit être guidée par trois concepts : la fidélité, l'ouverture et l'adaptation.
Quand on évoque la fidélité, on doit faire référence à l'engagement renouvelé. Il s'agit alors de la confirmation sans équivoque de l'attention et de la sollicitude que nous portons, notamment aux peuples africains, en particulier à ceux qui sont aujourd'hui victimes d'événements dramatiques.
La coopération française avec les pays africains, engagée par le général de Gaulle et poursuivie depuis lors, a eu des effets considérables. Elle a permis de tisser des liens d'amitié et de confiance réciproques qui rejaillissent aujourd'hui dans les domaines politique, économique, social et financier.
Quand on parle d'ouverture, on doit envisager, d'une part, de sortir de ce que l'on appelle le « pré carré » francophone et donner à la politique africaine une dimension continentale et, d'autre part, de faire preuve d'un engagement déterminé en Méditerranée et au Proche-Orient. La France doit persévérer, afin qu'une coopération économique et qu'un dialogue culturel s'installent dans les conditions les meilleures.
Enfin, il faut que la France envisage de reprendre sa place sur deux continents qu'elle a trop négligés : l'Asie et l'Amérique latine.
En effet, comme le disait M. Hervé de Charette en 1996, l'Asie doit être la nouvelle frontière de la diplomatie française.
Quant à l'Amérique latine, c'est un capital de sympathie exceptionnel que nous avons laissé dépérir. Il faut aujourd'hui renouer des liens et développer des relations vraies inscrites dans la durée.
Quand on parle d'adaptation, il faut envisager une aide au développement dont la ligne de conduite serait la suivante : « dépenser moins en aidant mieux ».
Afin d'accroître l'efficacité de la dépense de coopération, nous devons envisager de réorienter notre aide en privilégiant l'aide-projet par rapport à l'aide structurelle et l'assistance de conseil par rapport à l'assistance de substitution.
Il semble que ce soit la bonne voie à suivre, afin de moderniser et même d'actualiser notre schéma d'aide au développement.
Cette réorientation suppose-t-elle une modification structurelle ? Faut-il fusionner le secrétariat d'Etat à la coopération avec le ministère des affaires étrangères, par exemple ? Faut-il envisager la création d'une agence pour la coopération, création qui a été beaucoup évoquée ce soir ?
Les cabinets ministériels étudient actuellement, semble-t-il, plusieurs scénarios de réorganisation du dispositif d'aide au développement, qui se traduirait, dans tous les cas, par une disparition du secrétariat d'Etat à la coopération.
Le conseil des ministres devrait faire une communication prochainement sur les grandes orientations de la réforme. Je ne saurais vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, l'impatience avec laquelle nous attendons vos propositions.
M. Michel Charasse. rapporteur spécial. Et notre vigilance !
M. Daniel Goulet. En tout état de cause, une fusion entre le secrétariat d'Etat à la coopération et le ministère des affaires étrangères ne paraît pas être une idée concevable. Sur ce point, je partage tout à fait les propos fort pertinents que vient de tenir M. le rapporteur spécial. Monsieur le secrétaire d'Etat, quand ferez-vous appel au Parlement pour en discuter et qu'attendez-vous de lui ?
Aujourd'hui, la France est le deuxième pays d'accueil au monde pour un nombre d'étudiants étrangers qui n'a cessé de croître depuis le début des années quatre-vingt. Mais qu'en sera-t-il demain ? En effet, en 1982-1983, ils étaient 121 211 et, en 1993-1994, plus de 140 000.
Si la France veut conserver sa place, elle doit allier cohérence et efficacité en matière d'actions en faveur des boursiers étrangers et, ainsi, s'adapter à la compétition mondiale dans le domaine de la formation.
En effet, aujourd'hui, la formation constitue un enjeu économique considérable. Le marché international en est estimé à 180 milliards de francs. Pour certains pays, elle constitue une source de revenus essentielle, notamment en Australie, où les étudiants étrangers sont à l'origine de la deuxième recette d'exportation.
La France, contrairement au Canada ou aux Etats-Unis, ne conduit pas une politique publique ou privée suffisamment active dans ce domaine, monsieur le secrétaire d'Etat.
Aussi me permettrez-vous de donner un exemple très précis pour illustrer mon propos : en 1996, 75 % des étudiants ivoiriens sont partis étudier aux Etats-Unis ou au Canada. Il est vrai que, dans ces deux pays, l'obtention de bourses et de visas se fait plus facilement qu'en France.
M. Michel Charasse rapporteur spécial. Et voila !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Eh oui !
M. Daniel Goulet. Notre système d'aide semble souffrir de différents maux ; j'en évoquerai deux.
Il s'agit, d'abord, de l'éclatement de la gestion des aides. En effet, plusieurs ministères tels celui de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, de la défense ou encore de la culture disposent de crédits propres destinés à la coopération internationale et octroient des aides.
Notre modèle de formation semble mal adapté aux exigences de la compétition : la non-correspondance des niveaux de diplômes avec les pays non francophones nous nuit de plus en plus.
Le New York Times du 26 février 1997 rapporte le témoignage d'un étudiant marocain parfaitement francophone : « le système français apprend à devenir fonctionnaire ; l'américain, lui, enseigne comment se débrouiller par ses propres moyens. »
L'un des rares points positifs à relever est la politique dynamique qui est menée par les collectivités territoriales - M. Legendre, rapporteur pour avis, en a longuement parlé. Il faut soutenir et louer leurs initiatives.
Selon les aides, elles établissent leurs propres priorités thématiques ou géographiques. Ces interventions seront appelées à se développer avec la coopération décentralisée. Je suis sûr que vous nous en parlerez. Aussi, il conviendrait d'attirer l'attention du préfet auprès du ministre des affaires étrangères en tant que délégué à l'action extérieure des collectivités locales sur ce point et de lui demander de réfléchir aux moyens de combler ces carences.
En affichant ses relations privilégiées avec les pays qui lui sont proches, dans le partage de valeurs communes historiquement, culturelles et affectives, il est un domaine, monsieur le secrétaire d'Etat, à partir duquel la France ne doit nourrir ni complexe ni scrupule : c'est la francophonie !
Pour cela, elle doit affirmer des prérogatives qui lui sont spécifiquement reconnues dans son rôle de grande puissance, au moment surtout où se précisent de sérieuses tentatives d'hégémonie culturelle, économique et politique, notamment « américanophone », dans le Sud-Est asiatique et sur le continent africain.
Le signal fort donné à Hanoi par la création du haut-Commissariat général permanent de la francophonie, dont le Président de la République a été le principal artisan, illustre une volonté qui doit, sans tarder, se concrétiser au niveau du Gouvernement français.
La francophonie ce n'est pas uniquement un haut-commissaire général, un seul visage, une seule voix. La voix de cinquante pays, agissant de concert, est également capable de donner une certaine résonance aux décisions de l'organisation internationale.
Même si nous savons bien que la France ne peut plus être, à elle seule, l'incarnation unique de l'univers francophone, l'originalité de cette communauté ce sont, me semble-t-il, les centres d'intérêt et de rayonnement dont elle doit demeurer à la fois l'inspiratrice et le dénominateur commun.
Ces conditions réunies, quel rôle la France doit-elle jouer désormais au sein de ce grand espace francophone intercontinental qui se redessine sous nos yeux ? En tout état de cause, ce rôle, qui me semble irremplaçable, est capital pour elle.
Mais l'affichage d'une volonté n'est pas une fin en soi. La France, dans un contexte nouveau où elle doit mesurer tous les enjeux - aujourd'hui, il s'agit non seulement d'enjeux culturels et sociaux, mais également d'enjeux économiques et politiques - doit se doter de moyens structurels et matériels d'intervention significatifs et appropriés à ces nouvelles missions qui sont à la hauteur de la volonté et de l'ambition nationale exprimée par le chef de l'Etat.
Au demeurant, la communauté audiovisuelle française demeure le « véhicule » prioritaire naturel par excellence de la pensée et de l'action francophones.
Ce secteur d'intervention revêt une dimension telle que son impact et donc sa responsabilité sont d'autant plus grandes, mais elles restent très insuffisantes et parfois contestables dans leurs finalités.
Vous me permettrez donc, monsieur le secrétaire d'Etat, d'évoquer une autre forme de diffusion de la langue et de la culture française. Elle mérite d'être connue ; elle est souvent ignorée. Je veux parler de cette diffusion par le livre.
Vous connaissez, monsieur le secrétaire d'Etat, cette institution qui contribue, depuis quelques années, à édifier une oeuvre francophone originale et exemplaire.
Cette association est originale, parce qu'elle regroupe des éditeurs, des écrivains, des universitaires, des parlementaires, des diplomates, tous bénévoles, qui ont collecté puis acheminé vers quatre-vingt-dix pays répartis sur les cinq continents quelque cinq millions de livres ! Prochainement, nous étendrons cette collecte aux jeux éducatifs.
Cette association est exemplaire, ensuite, parce que, du même coup, elle a contribué à amorcer des relations particulièrement fécondes entre, d'une part, un certain nombre de collectivités locales, de bibliothécaires, d'établissements d'enseignement français et, d'autre part, des alliances françaises, des ambassades, des consulats, des instituts scolaires et des entreprises des pays destinataires.
Voilà, me semble-t-il, une nouvelle dimension peu coûteuse et efficace de la francophonie.
Je voulais, à cette tribune, souligner non seulement son importance et son bien-fondé, mais aussi le fait qu'elle recueille l'écoute et le soutien de votre secrétariat d'Etat, ainsi que l'écoute et le soutien des ministères des affaires étrangères et de la culture. Je tenais à vous en remercier, monsieur le secrétaire d'Etat.
Je souhaite que cette institution continue de pouvoir bénéficier de vos encouragements.
Avant de conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais parler du budget, comme d'autres avant moi l'ont fait. Le projet de budget que vous nous proposez ne permet certainement pas de remplir toutes les obligations de coopération et de développement auxquelles nous sommes confrontés.
En effet, l'évolution des crédits de la coopération apparaît préoccupante au regard des différents problèmes qui se posent, en particulier la croissance démographique de certains continents, notamment de l'Afrique, qui comptera 1,25 milliard d'habitants en 2025. Cependant, nous voterons ce projet de budget car, si nous ne le faisions pas, nos partenaires africains ne comprendraient pas que le Sénat rejette les crédits de la coopération, qui les concernent au premier chef.
Je terminerai mon propos en faisant une nouvelle fois référence au Président de la République qui déclarait, à l'occasion de la xixe conférence des chefs d'Etat de France et d'Afrique à Ouagadougou, le 5 décembre 1996 : « La France, vous le savez, n'a cessé de plaider pour l'aide publique au développement qui est, aujourd'hui encore, irremplaçable. Partout, elle n'a cessé d'expliquer combien l'aide publique est vitale pour les pays les plus pauvres. Partout, la France a fait valoir ce devoir de solidarité qui s'impose aux nations les plus riches. »
Aussi, afin d'assumer ce devoir de solidarité, nous devons, sans tarder, monsieur le secrétaire d'Etat, nous adapter aux exigences du xxie siècle, sans pour autant que notre politique de coopération et de développement soit remise en cause dans son essence même, en combinant aides publiques et initiatives privées, ces dernières devant être de plus en plus encouragées et confortées.
Ainsi, la France pourra continuer à jouer son rôle de grande puissance mondiale et poursuivre sa noble mission qui, selon tous les pays amis, repose non seulement sur des valeurs historiques et affectives partagées, mais surtout sur un destin commun. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget de la coopération est l'un des rares moments qui permet d'évoquer devant le Parlement la politique française de coopération.
Si l'on en juge par le recul constaté de 3,6 % de ce budget, on doit tirer la leçon que ce n'est pas une priorité de ce Gouvernement, quelle que soit la gymnastique arithmétique à laquelle on se livre.
Certes, le budget de la coopération n'est qu'une part, et ce n'est pas la plus substantielle, de l'aide française au développement. C'est pour moi l'occasion de rappeler que notre groupe regrette, une nouvelle fois, que cette aide ne nous soit pas présentée dans sa globalité, toutes sources de financement confondues.
Si tel avait été le cas, le rapide calcul auquel je me suis livré m'aurait conduit à vous dire que le recul est encore plus fort que celui que j'ai annoncé. Mais, aujourd'hui, je souhaite dépasser les chiffres, aussi médiocres soient-ils, et je voudrais en profiter pour poser les vraies questions.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre Gouvernement conduit-il une politique de coopération à la hauteur des enjeux ? Ce n'est ni mon impression ni celle de mon groupe, et le sénateur des Français de l'étranger que je suis le regrette.
L'aide au développement, c'est avant tout un choix politique. C'est la responsabilité de notre nation, c'est notre devoir de pays riche, même si c'est l'héritage de l'engagement de notre pays pour les droits de l'homme, c'est la défense de notre langue et de notre culture, c'est l'avenir de très nombreux Français et de très nombreuses entreprises qui ont fait le choix d'assurer le présence de notre pays, dans des conditions parfois difficiles, dans le monde en développement.
C'est aussi une façon pour notre pays de faire face aux défis que nous lance l'Afrique, ce continent à nos portes.
Comme l'ont dit nombre de nos collègues, n'oublions jamais qu'en 2010 - d'autres dates ont été indiquées - l'Afrique comptera un milliard d'habitants, l'Afrique de l'Ouest, près de 460 millions, dont 60 % résideront en zone urbaine, antichambre de l'immigration.
Pensez-vous, monsieur le ministre, que c'est en appliquant votre budget que la France assumera les responsabilités qui sont les siennes en la matière ?
La croissance économique est la seule réponse à ce défi majeur du xxie siècle. Tout montre que ni l'épargne locale ni le flux de capitaux privés ne suffiront à générer et à entretenir cette croissance. Il faut vous faire une raison, pour longtemps encore l'aide publique au développement restera indispensable. En aidant à créer des emplois sur place, on limitera beaucoup plus sûrement l'immigration et le chômage en France, qu'en légalisant, avec bien des contorsions, l'immigration clandestine.
Le sida et les maladies endémiques ravagent ce continent et l'ouverture des frontières les propage chez nous.
Pour ce qui est de la criminalité, la drogue et le blanchiment d'argent sale deviennent de confortables sources de richesse pour ces pays. Les conséquences sont telles que les récentes assemblées générales du fonds monétaire international et de la banque mondiale ont lancé à la communauté internationale des bailleurs de fonds un ordre de mobilisation générale pour lutter contre ce fléau.
L'environnement, enfin, est l'un des risques majeurs planétaires qui pèse sur nous. Le désastre écologique récent qui a frappé le Sud-Est asiatique est là pour nous rappeler à nos éminentes responsabilités.
Mais, au-delà de ces difficultés, hélas ! bien réelles, c'est aussi un message plus optimiste que je voudrais voir traduit dans votre politique de coopération. Partie intégrante de la politique extérieure de la France, elle est plus que jamais un facteur de rayonnement de notre pays.
Ce rayonnement se traduit, d'abord, au plan diplomatique, grâce à l'importante sphère d'influence que notre pays entretient par ses réseaux diplomatiques et consulaires, par la présence de millions de Françaises et de Français installés durablement dans ces pays, qui propagent notre langue et notre culture.
Ce rayonnement se traduit aussi au plan économique car ces pays offrent à nos entreprises des atouts majeurs en matière d'exportation de nos produits et de notre technologie ; ce sont des gisements immenses de richesses naturelles, stratégiques pour notre avenir. Et nous aurions grand tort de les laisser, comme nous le faisons trop en ce moment, à des intérêts concurrents.
Il est donc clair pour nous, monsieur le secrétaire d'Etat que la France a un intérêt direct et immédiat à l'aide au développement. Elle est encore l'une des nations les plus industrialisées qui consacre la part la plus élevée de son produit national brut à l'aide. Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, s'il vous plaît, conservons cette caractéristique qui nous honore. En effet, si l'on regarde les chiffres de près, il n'y a aucune raison d'être satisfait. L'aide de notre pays est tombée à moins de 0,50 % de notre produit national brut, pour un objectif affiché de 0,70 %. Je vous rappelle que, en 1994 et en 1995, nous étions encore à 0,60 %.
Notre politique de développement doit s'appuyer sur des principes clairs et modernes. J'en développerai quatre, qui sont essentiels à mes yeux : avoir avec nos partenaires des liens équilibrés et responsables, lutter encore et toujours contre la pauvreté, poursuivre et intensifier notre soutien à la modernisation de l'investissement productif et, comme on ne peut ni ne doit porter seuls les malheurs du monde, se mobiliser avec les autres pays octroyant des aides internationales.
Il faut établir des liens équilibrés et responsables : le temps n'est plus où le donneur utilisait cette qualité pour imposer. Les pays receveurs doivent s'approprier notre aide, qui doit s'adapter à leurs besoins. Nous devons considérer nos interlocuteurs comme de véritables partenaires du développement plutôt que comme nos obligés. Cela implique qu'ils définissent leurs priorités, par exemple en complétant nos financements par des ressources locales.
Pour cela, appuyons-nous sur les nouvelles générations que représente si bien, par exemple en Afrique de l'Ouest, le réseau de l'entreprise. Encourageons la structuration de nouveaux acteurs du développement, tels que les groupements de villages, de quartiers et de femmes ainsi que les coopératives et les mouvements de jeunes. Tout cela, nous pouvons le faire avec nos instruments actuels du développement. Je songe au groupe de la caisse française de développement, aux actions françaises de la coopération décentralisée, aux régions, aux départements, aux communes et aux organisations non gouvernementales.
La lutte contre la pauvreté est bien sûr la finalité première de toute coopération et elle ne concerne pas, hélas ! que les pays en développement. L'exclusion est un mal international ; ne créons pas des exclus du développement.
Il faut donc mener des projets pour les populations de base portant sur l'eau, le désenclavement, la production agricole et artisanale et les équipements sociaux. Les besoins sont immenses. L'aide extérieure, à elle seule, ne peut les satisfaire. Une forte participation locale est bien sûr indispensable, ce qui pose donc le problème de la croissance économique.
Le problème de l'investissement productif sur lequel repose ce combat contre la pauvreté est également posé. Il faut donc en créer les conditions en modernisant les institutions publiques, les systèmes sociaux et les infrastructures économiques, faute de quoi l'investissement productif ne saurait prospérer. C'est un cercle qui, selon notre attitude, sera vicieux ou vertueux.
L'une des conditions, on ne le répétera jamais assez, est, bien sûr, l'instauration de l'Etat de droit. La marche vers la démocratie en est la première manifestation. Lente, fragile, incomplète, elle doit être accompagnée et poursuivie tout en mesurant les difficultés culturelles qu'elle engendre. Mais la liberté d'opposition et l'existence d'élections pluralistes ne garantissent pas, à elles seules, l'Etat de droit.
C'est pourquoi la sécurité des biens et des personnes doit être assurée au même titre que la transparence fiscale et l'équité judiciaire. Des réussites existent. Signalons le rôle joué par la France sous les précédents gouvernements dans la conclusion du traité entre les Etats de la zone franc sur le droit des affaires qui a permis une harmonisation des normes juridiques, la création d'une cour de justice régionale et d'une école régionale de formation des magistrats.
L'investissement ne se décrète pas. Les entreprises, parmi lesquelles figurent de nombreuses entreprises françaises de grande mais aussi de petite taille, trouvent en Afrique une terre d'expansion. Elles ne s'engageront dans ces pays ou n'y resteront que si elles y trouvent un environnement favorable ; notre devoir est de le rappeler. Nos partenaires ont la responsabilité de le faire.
Comme je l'ai déjà indiqué, la France, même si elle doit faire plus et mieux, ne peut agir seule. Nous devons mobiliser les autres partenaires internationaux, bilatéraux et multilatéraux, aux premiers rangs desquels se trouvent le groupe de la Banque mondiale et l'Union européenne, dont la France est l'un des principaux contributeurs.
Nous pouvons, à ce titre, nous féliciter du succès obtenu en 1995 dans le renouvellement des accords de Lomé IV, entre les pays de l'Union européenne et les pays ACP. Ce succès est celui de la France grâce à l'action du gouvernement de l'époque et à l'engagement personnel du Président de la République.
De même, la forte mobilisation de la France a largement contribué, en 1996, à la reconstitution des fonds de la banque mondiale au profit des pays les moins avancés. Nous arrivons à la veille du renouvellement de ces accords et nous comptons bien que le Gouvernement fasse entendre sa voix dans le concert européen, dans l'intérêt des pays en développement.
Je souhaite évoquer maintenant les moyens financiers, humains et instrumentaux de notre politique de coopération.
S'agissant des moyens financiers, je ne peux que rappeler mon inquiétude face à la nouvelle baisse que prévoit le budget de la coopération pour 1998. Au-delà de ce chiffre global qui traduit la rigueur budgétaire, le plus inquiétant est la baisse qui frappe les crédits du Fonds d'aide et de coopération et la diminution très forte de 15 % des crédits de la caisse française de développement, instruments pourtant destinés aux actions qui contribuent le plus directement au développement, à savoir le soutien aux secteurs sociaux, pour le premier, la croissance économique et l'appui efficace et reconnu à nos entreprises, pour la seconde.
Mais si le volume de l'aide est important, les modalités de sa mise en oeuvre le sont tout autant pour assurer une meilleure efficacité.
Pendant longtemps, l'aide était simple : il s'agissait de concours financier au profit des Etats et d'assistance technique. Aujourd'hui, tout a changé. Le « tout-Etat » est heureusement révolu. L'Etat doit désormais se concentrer sur ses missions régaliennes et cesser d'être agriculteur ou industriel, voire banquier. L'assistance technique de substitution doit disparaître au profit du développement des capacités locales.
Dans le même temps, de nombreux joueurs sont venus sur le terrain du développement. Je songe aux réseaux associatifs, aux organisations non gouvernementales - vous en savez quelque chose, monsieur le secrétaire d'Etat -, aux artisans, aux entreprises privées, aux réseaux d'entrepreneurs africains, aux systèmes bancaires et aux services publics marchands privatisés. Il faut s'en réjouir et les prendre en compte.
L'aide au développement doit se moderniser. Il faut créer et développer des instruments financiers plus diversifiés et mieux adaptés à des besoins différents.
Permettez-moi, enfin, de formuler deux observations : ce qui importe le plus en matière de coopération et de développement, comme dans les autres domaines, c'est d'avoir une stratégie qui soit définie, puis expliquée à tous les intervenants, justifiée et diffusée dans l'opinion publique. Le Parlement est, bien entendu, l'enceinte privilégiée où doit être débattue cette politique. L'organisation administrative n'en n'est que l'instrument.
Avant de conclure, permettez-moi d'évoquer brièvement deux sujets qui intéressent nos compatriotes expatriés.
Le premier concerne les Français titulaires d'une pension libellée en francs CFA qui ont subi de graves préjudices à la suite de la dévaluation de cette monnaie et en raison de la carence des organismes africains de sécurité sociale. C'est une question sur laquelle je reviens chaque année car, malheureusement, elle n'est toujours pas totalement résolue, en dépit de l'envoi d'une mission conjointe de l'inspection générale des affaires sociales du ministère de la coopération et de celui des affaires étrangères dans plusieurs pays d'Afrique.
Le rapport remis au Premier ministre en juillet 1996, à l'issue de cette mission, a proposé un certain nombre de mesures à prendre afin de préserver, pour l'avenir, les droits de nos compatriotes, tels le fichier centralisé des assurés, l'assistance technique à la réorganisation des caisses africaines, la renégociation des accords bilatéraux existants, le développement de la communication à l'égard des Français qui s'expatrient et l'incitation à s'assurer à titre volontaire pour la vieillesse.
Qu'en est-il aujourd'hui de ces propositions, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Il semblerait donc juste, comme l'a souhaité le Conseil supérieur des Français de l'étranger, que, d'une part, ces crédits soient rouverts et que, d'autre part, pour pallier la carence des organismes locaux, les sommes dues aux Français de l'étranger constituent l'un des points d'application prioritaires des concours d'ajustements structurels consentis et mis en oeuvre par la France à l'égard de ces pays.
La seconde de mes préoccupations relatives aux Français installés dans les pays d'Afrique concerne l'indemnisation et le reclassement de nos coopérants qui ont eu à subir les soubresauts qu'a connus l'Afrique centrale ces derniers temps.
Nombre d'entre eux font appel à nous car, ayant perdu tous leurs biens lors des troubles politiques qui ont secoué le Congo-Kinshasa et le Congo-Brazzaville ou qui ont ébranlé la République centrafricaine au printemps 1996, ils se retrouvent le plus souvent en France avec pour toutes ressources le RMI. Une indemnisation est prévue par le secrétariat d'Etat à la coopération, mais elle reste toutefois limitée - elle est de 77 051 francs pour un coopérant civil ou militaire affecté par les événements de la République centrafricaine, par exemple - et sa mise en place demande un certain temps, ce qui met nos compatriotes dans des situations difficiles, voire précaires.
Le rôle de nos compatriotes en Afrique, qu'ils soient coopérants ou qu'ils appartiennent au secteur privé, est essentiel face à la présence croissante de nos partenaires mondiaux. Il est de notre devoir de les aider à maintenir cette présence. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il est deux heures quarante-cinq du matin... Je souhaite, à cette heure avancée, donner l'exemple de la brieveté, en renonçant à mon intervention. (Sourires.) Je vois les sourires qui éclairent vos visages, je vous en remercie.
Après les excellents rapports de Mme Paulette Brisepierre, de MM. Michel Charasse et Jacques Legendre, après l'exposé philosophico-financier que vient de faire mon collègue représentant les Français établis hors de France Jean-Pierre Cantegrit et compte tenu des exposés que feront les deux orateurs qui vont suivre, je pense en effet qu'il faut éviter les redites.
Par conséquent, je me bornerai, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous poser très rapidement deux séries de questions, concernant la francophonie puis la coopération.
S'agissant de la francophonie, MM. Xavier de Villepin, Guy Penne, Jacques Legendre et moi-même avons participé, à des titres divers, au sommet de Hanoi. Personnellement, j'étais très heureux d'être là-bas, de voir les drapeaux des quarante-sept pays invités, de retrouver une atmosphère d'amitié et de convivialité, d'avoir l'impression que nous étions réunis, nombreux, pour une grande oeuvre culturelle, désintéressée.
Nous avons été un peu surpris, à notre retour, par les comptes rendus parus dans certains journaux et par certains commentaires que nous avons entendus.
Aussi, je vous pose la question, monsieur le secrétaire d'Etat : ce sommet a-t-il été un succès ou non ? Quels en ont été éventuellement ses enseignements ? Que pensez-vous que nous puissions en tirer ?
Ces divisions dont on a tant parlé en France existent-elles vraiment ? profondément ? Les départs du Rwanda et de l'ex-Zaïre vont-ils avoir des conséquences ou, au contraire, allons-nous, demain, nous retrouver ensemble ?
L'élection de M. Boutros Boutros-Ghali comme secrétaire général de la francophonie, que nous approuvons tout à fait, mais qui n'a pas entièrement fait l'unanimité, va-t-elle bien répondre à nos aspirations de dialogue, d'élévation et de paix ? Comment le secrétariat général va-t-il être organisé ? Puisque nous discutons de budget, d'où les crédits qui lui seront consacrés vont-ils provenir ? En effet, ils ne figurent nulle part dans le bleu budgétaire.
Ma seconde série de questions portera sur la coopération.
Le champ de la coopération n'est plus très nettement délimité. On vous dit maintenant, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous allez vous occuper de tous les pays en voie de développement. Vaste programme !
A Hanoi, les Vietnamiens nous ont demandé, notamment, s'ils allaient entrer dans le FAC et de quoi ils allaient bénéficier. Naturellement, nous leur avons répondu avec les mêmes sourires que ceux avec lesquels ils nous ont accueillis, sans nous exprimer sur le fond. Mais peut-être souhaiterez-vous le faire ?
A qui le FAC va-t-il être étendu ? D'ailleurs, est-ce le moment de l'étendre ? Mme Brisepierre a dit qu'à un moment où ses crédits diminuent de 4,5 %, il est un peu contradictoire de décider de nous occuper de plus de pays encore, alors que l'on a supprimé 305 postes d'assistant technique.
S'agissant des suppressions de postes, un autre point nous préoccupe, c'est la réforme du service national : nos 800 coopérants du service national d'Afrique. Ce sera un problème pour vous demain, monsieur le secrétaire d'Etat. Qu'allez-vous faire ? Comment allez-vous les remplacer ? Pensez-vous vraiment que les volontaires seront suffisamment nombreux ? Je l'espère...
Permettez-moi une question relative à la dévolution de vos attributions. A Hanoi, on a inauguré un nouveau lycée français, auquel a été donné le nom d'Alexandre Yersin, qui a découvert le bacille de la peste, et qui, là-bas, est considéré, à juste titre, comme un bienfaiteur de l'humanité. Ce lycée va-t-il relever de votre département ministériel, c'est-à-dire va-t-il entrer dans le champ de la coopération, ou bien le laissez-vous au ministère des affaires étrangères ? C'est évidemment un établissement de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger. Je vous recommande, comme mes autres collègues représentant les Français établis hors de France, d'être très vigilant s'agissant de tous nos établissements à l'étranger, et de celui-ci en particulier.
Je conclus sur la question la plus importante, la plus grave : que va-t-on faire pour Brazzaville ?
Brazzaville, c'est le drame de cette année, monsieur le secrétaire d'Etat. Les 8 et 9 juin derniers, en quelques instants, tout a été détruit, ravagé. Les Français établis là-bas depuis des générations ont tout perdu.
Notre collègue M. Cantegrit vient de nous dire que des indemnisations étaient prévues pour les coopérants, les fonctionnaires. Mais c'est surtout aux autres que je pense, à tous ceux qui s'étaient installés là-bas, avaient des petits commerces, des petites ou moyennes entreprises. Rien n'est prévu pour eux, aucune législation d'indemnisation n'existe !
Un millier d'entre eux sont arrivés en France depuis le mois de juin. Ils viennent nous voir. Nous nous efforçons de les aider à se réinsérer. Il n'a pas été facile de le faire dans bien des régions.
Maintenant, ils nous interrogent sur les possibilités d'indemnisation. Il est anormal qu'aucun système officiel nous permette d'aider automatiquement ceux qui sont dans cette situation, et de leur accorder un minimum de choses.
Les douze sénateurs représentant les Français établis hors de France, toutes tendances confondues, avaient déposé, au moment des événements du Golfe, une proposition de loi que nous avons reprise et qui vise à créer un mécanisme d'indemnisation. Nous souhaiterions vivement que cette proposition de loi, qui est en cours d'examen au sein de la commission des lois, recueille l'attention bienveillante du Gouvernement.
Et puis, surtout, ces hommes et ces femmes, courageux Français de l'étranger, veulent retourner au Congo, ils nous le disent. Il souhaitent revoir Brazzaville, s'y réinstaller, reconstruire. Pour qu'ils puissent le faire, il faut que la communauté nationale se mobilise !
C'est pour nous, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, un devoir essentiel. Nous nous devons d'être avec eux, avec nos compatriotes de Brazzaville, pour qu'ils puissent retrouver leurs foyers. Il y va de l'intérêt et aussi de l'honneur de la France ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne. Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles que soient les analyses que l'on fasse du présent projet de budget, le Gouvernement sera confronté à la nouvelle donne internationale et à la redéfinition de la politique de coopération, avec de nouvelles ouvertures.
Nous souhaitons une autre forme de rapports d'Etat à Etat et de peuple à peuple. les Africains comprennent, eux aussi, que le monde a changé et que, en conséquence, nous les invitons à un partenariat d'un type nouveau, qu'il s'agit d'élaborer avec eux, côte à côte.
Pourquoi faut-il une nouvelle politique ?
Il convient de commencer par reconnaître que la politique africaine de la France a manqué de cohérence, et c'est pour tenter d'en obtenir davantage que je suis intervenu au cours des dernières années auprès de vos prédécesseurs, lors des discussions budgétaires ou par la voie de questions orales ou écrites.
L'arrivée d'autres acteurs, notamment les organisations non gouvernementales, les ONG, et les collectivités territoriales, a considérablement changé la donne. L'Union européenne, malgré quelques hésitations, a aussi un rôle à jouer.
En Afrique, de nouvelles élites sont apparues, qui n'ont pas la même approche de la réalité que leurs aînées. Elles demandent donc une autre relation avec la France, avec l'Europe.
La question de notre politique des visas trouve ici une tragique illustration. Refuser d'accueillir ces élites nous éloigne de l'avenir de ce continent.
La politique des visas restrictive, frileuse et indigne des traditions françaises menée par le gouvernement précédent, constituait un obstacle à la rénovation de notre présence en Afrique. Le Président de la République le reconnaissait lui-même récemment et déclarait : « Nous devons éviter de donner à nos amis africains le sentiment que nous leur fermons nos portes. » Nous pensons que de nouvelles dispositions doivent être rapidement prises en matière de visas, de bourses universitaires et d'accueil d'artistes, d'intellectuels et de scientifiques.
La présence de l'Etat est nécessaire.
Cela veut dire que la coopération de société civile à société civile sera de plus en plus importante, mais nous ne voulons pas pousser le processus jusqu'à la disparition de l'Etat. Il s'agit donc d'accroître le nombre des intervenants et des interventions, et non pas d'aboutir à moins d'action, moins de solidarité faute de moyens.
Le tout-libéral en matière de solidarité internationale conduirait à une impasse tragique pour le Nord et pour le Sud.
Une réforme du dispositif de coopération est sans doute nécessaire, mais il me semble encore plus important aujourd'hui de bien définir les priorités et les axes de la politique de coopération de notre pays.
Les ONG doivent procéder à des réglages importants dans leur fonctionnement, surtout en ce qui concerne la coordination de leurs actions. Les « pays bénéficiaires » doivent se réformer pour s'adapter aux nouvelles formes de coopération. Cependant, il est évident que ce que l'Etat français entreprendra servira de frein ou de moteur aux autres.
J'en viens à la réforme institutionnelle.
La politique du gouvernement Jospin nous donne déjà des indications que nous approuvons : le secrétaire d'Etat est chargé de la coopération dans l'ensemble du monde ; nous sommes donc sortis de la dichotomie entre « champ » et « hors champ ».
Son domaine d'action a été étendu à la francophonie et à l'action humanitaire extérieure. Il est positif de rapprocher, de réunir des domaines qui manifestent ainsi l'unité de la politique extérieure de la France.
Toutefois, pour que ce dessein soit complet et efficace, ne faudrait-il pas y joindre le commerce extérieur et certaines des attributions dans le domaine de la coopération détenues aujourd'hui par Bercy ?
S'agissant des crédits, la coordination devient une exigence urgente, totale. Or, est-ce toujours le cas ?
Il serait intéressant de connaître votre avis sur les propositions avancées ici ou là : simple rapprochement de vos moyens et de ceux de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques, la DGRCST, ou toute autre solution ?
J'évoque maintenant la démocratie et le sens de la réforme.
Une coopération efficace suppose, au Sud comme chez nous, la transparence, le contrôle, le débat public sur l'utilisation de l'aide. Nous devrons aider les pays en développement à se doter d'institutions démocratiques ou à consolider celles dont ils disposent déjà.
J'en viens à la coopération, la France et l'Europe.
Il faut souligner un aspect très important : les pouvoirs publics doivent veiller à ce que les institutions de Bretton Woods prennent davantage en compte les analyses de la France. Par ailleurs, au moment où la Commission de Bruxelles réfléchit à la suite à donner à la convention de Lomé, il est nécessaire que la France participe activement au débat, qu'elle fasse connaître clairement ses positions et ses propositions afin de convaincre nos principaux partenaires européens de poursuivre une politique de solidarité internationale forte.
D'autres considèrent que c'est le commerce, et non pas l'aide, qu'il faut soutenir. Nous avons, quant à nous, une conception originale à défendre et à impulser.
Un moment de vérité viendra avec le passage de la zone franc à la zone euro. On nous dit que le passage à l'euro devrait être sans incidence sur le fonctionnement de la zone franc et que le renforcement du rôle de l'euro comme monnaie de réserve internationale pourrait même libérer les exportations de certains pays de l'emprise du dollar. Alors, s'il en est ainsi, il faut, dès maintenant, répondre à ces inquiétudes ou certitudes.
La Communauté européenne et ses Etats membres constituent la principale source d'aide publique au développement dans le monde. Ce sont des vérités bonnes à rappeler, alors que d'autres pays, moins généreux, sont surtout « donateurs » de leçons.
Je ferai maintenant quelques remarques sur le présent projet de budget.
Il convient de remarquer que le budget de la coopération n'a cessé de baisser depuis 1992, et qu'il a même diminué de 16 % depuis trois ans.
Nous constatons une réduction relative de notre aide budgétaire, mais, dans la mesure où la priorité est donnée aux projets de développement, cela ne nous dérange pas. Ainsi, le Fonds d'aide et de coopération, qui était en chute libre depuis 1992, disposera d'une dotation en augmentation de 52 millions, ce qui représente un accroissement de 4,35 %.
Un sujet nous préoccupe, c'est la diminution des effectifs de l'administration centrale. Ceux-ci atteignent un seuil dangereux.
Le budget de la coopération présente aussi une réduction des effectifs de l'assistance technique au profit du savoir-faire local, du renforcement de l'aide-projet et du soutien symbolique de la coopération décentralisée.
Toutefois, nous souhaiterions qu'un effort plus important de l'Etat puisse être fait en faveur de la coopération décentralisée.
Je regrette que vous n'apportiez pas davantage de lisibilité dans les crédits affectés à la francophonie et aux réformes de ses structures.
A Hanoi, j'ai pu constater la part prépondérante prise par le Président de la République, notamment dans son implication personnelle, pour imposer à nos partenaires son choix du nouveau secrétaire général de la francophonie, M. Boutros Boutros-Ghali. Espérons que ce sera le bon choix !
De toute façon, le Gouvernement devrait faire montre d'un plus grand intérêt, car il ne me satisfait pas en disant que la francophonie est un domaine partagé avec le Président de la République. Vous devriez peut-être procéder à des audits de différents organismes et favoriser le remplacement de responsables qui auraient pu faire preuve de carence ou de complicités douteuses dans l'exercice de leur mandat, avant de tailler inconsidérément dans les subventions.
S'il convient de faire le tri dans un foisonnement d'organismes budgétivores qui s'intéressent à la francophonie, je sais que l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française joue un rôle important et de référence pour faire avancer l'état de droit et la démocratie, dans des rôles pédagogiques et politiques.
Je voulais, monsieur le secrétaire d'Etat, vous poser la question suivante : qu'en est-il exactement de l'appellation « francophonie », qui a maintenant disparu de l'organigramme gouvernemental ? Il me semble que notre collègue M. Legendre a tenu des paroles rassurantes à cet égard.
Pour l'aide humanitaire extérieure, la lisibilité n'est pas claire non plus, car cette aide dépend de plusieurs budgets. Ce que vous faites est bien, mais il s'agit de traitements curatifs. Lorsqu'il faut remédier aux cataclysmes climatiques, il est difficile de faire de la prévention ! Mais lorsqu'il s'agit d'affrontements ethniques ou autres, je souhaiterais que vous portiez toute votre attention sur la culture, la circulation et la commercialisation des drogues, qui touchent de nombreux pays, riches ou pauvres. C'est une création de ressources qui permet d'aliéner des populations pour mieux les détruire par les commerces d'armes ou les dépendances. Ce cycle est évident. L'ensemble peut conduire à la criminalisation de certains Etats. En ce domaine, la prévention est possible et c'est une tâche noble que je souhaiterais que vous meniez avec vigueur.
Il faudrait également, dans d'autres secteurs, instituer un fonds d'indemnisation suffisant pour nos compatriotes en détresse qui subissent des événements gravissimes et doivent être rapatriés en catastrophe.
En conclusion, le groupe socialiste votera ce budget de transition, dans la mesure où il commence à traduire des orientations que nous approuvons, à savoir qu'il tend à privilégier l'aide-projet, à responsabiliser les pays bénéficiaires et à accroître le rôle de la société civile, au premier rang de laquelle les ONG et les acteurs de la coopération décentralisée. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les problèmes de population vont représenter, en cette fin de siècle, le plus formidable défi qui se soit jamais posé à l'humanité. Les enjeux de l'accroissement démographique de notre planète sont immenses. De l'avis de la plupart des experts internationaux, l'évolution anarchique de la population mondiale menace les grands équilibres de la vie biologique et sociale sur la terre.
Laissez-moi vous rappeler quelques chiffres. La population de la planète s'accroît de 250 000 personnes par jour et de 90 millions d'habitants par an. Un enfant sur trois est atteint de malnitrition et ne grandit pas normalement dans les pays en développement ; 1,5 milliard d'êtres humains habitant les régions en voie de développement n'ont pas accès à l'eau potable ; 15 millions de personnes meurent de faim chaque année ; plus d'un milliard de personnes vivent aujourd'hui dans la pauvreté absolue ; 100 millions de personnes ont émigré dans le monde depuis une trentaine d'années, dans la plupart des cas pour des motifs économiques.
Aujourd'hui, la population mondiale s'élève à 5,8 milliards de personnes et elle sera de 8 milliards en 2025. Elle continuera probablement à s'accroître jusqu'en 2150, époque à laquelle elle se stabilisera entre 11 milliards et 12 milliards d'habitants. Or ce sont les pays en voie de développement qui supporteront la majeure partie de cette croissance. Comment ces nations, déjà appauvries, pourront-elles répondre aux besoins les plus élémentaires de leurs populations en produits alimentaires, en eau, en soins, en éducation, en logements et en emplois alors que cela leur manque déjà ?
Pourtant, nos compatriotes semblent encore peu sensibilisés à ces questions. La France est en effet restée trop longtemps à l'écart d'une réflexion sur l'évolution de la population mondiale qui, dans d'autres pays, n'est pas nouvelle et souvent très avancée. C'est pourquoi nous avions décidé, au Sénat, en avril 1997, de créer le groupe d'études « Démographie et population mondiale », rattaché à la commission des affaires sociales.
En collaboration avec l'Association internationale des parlementaires de langue française, l'AIPLF, ce groupe d'études sénatorial et le groupe d'études « Populations » de l'Assemblée nationale ont organisé les 22 et 23 septembre derniers, à l'Assemblée nationale, la première rencontre parlementaire francophone sur les politiques de population ; y participaient des parlementaires venus de tous les horizons de la francophonie.
A cette occasion, nous avons été plus d'une centaine de parlementaires francophones - et même deux représentants anglophones - à adopter, à l'unanimité, un texte intitulé L'Appel de Paris, qui énonce les mesures prioritaires à engager en matière de démographie et de développement.
Mais, surtout, et cela m'a frappé, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai constaté, à cette occasion, l'émergence, pour la première fois, d'une prise de conscience de la solidarité planétaire.
Cet appel confirme les principes déjà formulés lors de la conférence du Caire de 1994 et souligne la nécessité d'améliorer la santé de la reproduction et l'urgence de promouvoir le statut de la femme dans tous les domaines, notamment la maîtrise de sa fécondité. Nous avons également demandé à nos chefs d'Etat respectifs d'accorder davantage d'attention aux questions de population, notamment de les inscrire à l'ordre du jour du prochain sommet de la francophonie, qui aura lieu à Moncton, au Nouveau-Brunswick, en 1999.
Cet appel, je l'ai, avec mon collègue député Jean-Michel Dubernard, porté personnellement au Président de la République, à la veille de son départ pour le sommet de Hanoi, où plusieurs de nos collègues, français, ivoiriens et canadiens, ont pu se rendre en délégation grâce au soutien de l'association Equilibres et populations.
Mes chers collègues, la France reste l'un des premiers contributeurs pour ce qui est de l'aide publique au développement et exerce, au titre notamment de la francophonie, des responsabilités particulières à l'égard de certaines régions du monde. Elle se doit donc de jouer un rôle important dans la mise en oeuvre de politiques d'aide au développement en faveur de la santé, de l'éducation et de la famille, susceptibles de limiter la croissance démographique de la planète.
La France, généreuse dans sa politique d'aide aux pays en développement, consacre des moyens très limités aux programmes en faveur de l'équilibre des populations.
Or, en 1994, à la conférence internationale du Caire sur la population et le développement, notre pays avait pris des engagements très précis, avec une première échéance en l'an 2000. A la lumière des travaux les plus récents du comité d'aide au développement de l'OCDE, je dois malheureusement vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que la France n'a, depuis 1994, pas esquissé la moindre initiative pour respecter ces engagements, qui ont d'ailleurs été réitérés en 1996 à Pékin, lors de la conférence internationale sur les femmes. En revanche, les pays en développement qui s'étaient fixé, eux, comme objectif d'investir 11 milliards de dollars en l'an 2000, soit les deux tiers du budget du plan d'action du Caire, consacrent déjà chaque année à cette action 7,5 milliards de dollars. Ils ont donc déjà rempli 66 % de leur objectif et sont très motivés pour aller encore plus loin. Il serait utile, monsieur le secrétaire d'Etat, de consacrer un débat au Parlement à ce sujet.
J'achèverai cette intervention sur une double question.
Quelles actions comptez-vous mener pour satisfaire aux engagements souscrits par la France en matière de politique de population ? Aiderez-vous la francophonie à jouer tout son rôle d'entraînement dans ce domaine ? Croyez-moi, l'objectif en vaut la peine ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Biarnès.
M. Pierre Biarnès. Monsieur le secrétaire d'Etat, du fait de mes activités professionnelles - celles de journaliste spécialisé dans les affaires africaines pendant longtemps, celles de sénateur des Français de l'étranger à présent - j'ai eu le privilège de fréquenter le ministère continûment depuis sa création, aux lendemains immédiats de l'indépendance de nos anciennes colonies. Au fur et à mesure que le temps passait, j'ai cependant vu ses activités se restreindre inexorablement.
Aujourd'hui, quand, par vieille habitude, de temps en temps je rends encore visite à vos services, rue Monsieur, j'ai, chaque fois, la triste impression d'entrer dans le moulin de maître Cornille, dont les ailes continuaient à tourner, alors qu'il n'avait plus de blé à moudre ! Les gros minotiers de Marseille, propriétaires de meules mécaniques électriques, plus coûteuses mais plus performantes, avaient ruiné le pauvre meunier, explique Alphonse Daudet. Votre moulin, monsieur le secrétaire d'Etat, ce sont les grands minotiers du quai d'Orsay et du quai de Bercy qui sont en passe d'en avoir raison. Et aussi, il faut bien le dire, comme pour celui de Fontvieille, l'air du temps ! (Sourires.)
M. Daniel Goulet. Oh !
M. Pierre Biarnès. Année après année, les crédits alloués à votre département ministériel ont été réduits méthodiquement, jusqu'à ne représenter aujourd'hui que moins de 10 % du total de notre aide publique au développement. Celle-ci demeure très élevée et on ne peut que s'en réjouir : avec plus de huit milliards de dollars par an, elle est la deuxième du monde. Mais elle passe de plus en plus par d'autres ministères, notamment par celui des affaires étrangères et, surtout, par celui des finances.
Pendant ce temps, le nombre des coopérants et des assistants techniques n'a cessé, lui aussi, de diminuer, pour n'être plus que de l'ordre de 2 500 agents, toutes disciplines confondues. Qui plus est, à présent, la quasi-totalité d'entre eux sont affectés à ce que l'on appelait naguère le tiers monde, c'est-à-dire à un champ de déploiement considérablement plus vaste que celui, traditionnel, de l'Afrique noire francophone.
Près de quarante ans après les indépendances, quarante années durant lesquelles nous nous sommes attachés à former en grand nombre des cadres et des techniciens africains dans tous les domaines, cette réduction continue de nos effectifs de coopérants se comprend parfaitement, au moins dans une très large mesure. Cependant, le saupoudrage qui découle de cet élargissement de votre champ de compétence et de cette très forte réduction de vos effectifs pose problème. Il faut bien voir, notamment, que ces faibles effectifs, dispersés dans un aussi vaste champ d'action, ne sont plus suffisants désormais pour assurer un accompagnement d'expertise convenable à nos apports de capitaux.
Mais il est vain de regretter le passé et de vouloir remonter le temps. En tout état de cause, les évolutions qui viennent d'être évoquées sont, pour la plupart, irréversibles. C'est donc à partir de la situation nouvelle qu'elles ont créée qu'il faut imaginer l'avenir de notre politique de coopération, notamment les institutions rénovées qu'il faut mettre à présent en place, pour pérenniser cette politique, tout en la perfectionnant en vue de l'obtention de meilleurs résultats. Le Gouvernement poursuit depuis plusieurs mois, semble-t-il, une réflexion approfondie à ce sujet. Avant qu'il ait pris des décisions qui engageront notre action pour de nombreuses années, qu'il me soit permis d'avancer brièvement quelques avis et quelques suggestions.
La politique extérieure de la France ne saurait être tronçonnée à l'infini. Il faut, à ce sujet, se garder de retomber dans les erreurs du passé. Nos partenaires de l'hémisphère Sud, y compris ceux qui sont issus de notre ancienne administration coloniale, sont par ailleurs, des Etats comme les autres : ils doivent être traités comme tels et l'une des meilleures façons de marquer clairement notre intention à ce sujet est de maintenir le ministère de la coopération sous la tutelle de celui des affaires étrangères, comme c'est le cas actuellement.
Mais, sous cette importante condition, ce secrétariat d'Etat, que certains voudraient voir complètement et définitivement supprimé, doit, en revanche, être maintenu. C'est la seule façon d'afficher vraiment l'importance que la France, à la différence de bien d'autres Etats, continue à accorder au développement des pays pauvres, singulièrement ceux de l'Afrique subsaharienne. En outre, la spécificité de l'action publique en faveur du développement ne saurait être réduite à la conduite de notre diplomatie, même si elle doit lui être subordonnée, pas plus qu'aux impératifs de notre commerce extérieur, qui, lui aussi, a sa spécificité.
Le ministère de la coopération ainsi maintenu ne devrait plus être, sur le plan gouvernemental, que celui qui met au point la politique de la France en ce domaine, dans le cadre global défini par le ministère des affaires étrangères, en coordination avec celui des finances pour autant que cela s'impose. C'est lui aussi qui, toujours dans ce cadre, négocierait les actions de coopération de la France, occasionnelles ou de longue durée, et qui en assurerait la mise en oeuvre. Il n'aurait besoin pour cela que d'un dispositif administratif central restreint et de points d'appui très allégés sur le terrain. Finies la plupart des lourdes missions de coopération, installées dans près de trois douzaines de pays !
Ne disposant plus de budget propre, excepté celui qui est nécessaire au fonctionnement de ces structures minimales, il prendrait, cas par cas, les crédits dont il aurait besoin à la Caisse française de développement, réorganisée pour ce faire. Il prélèverait, par ailleurs, les personnels dont il aurait besoin, cas par cas également, dans un pool commun de coopérants, d'experts et de techniciens, à la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques de son ministère de tutelle, à qui incombe déjà et depuis très longtemps cette responsabilité pour ce qu'il est convenu d'appeler l'« étranger traditionnel ».
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, quelques éléments que je me permets d'apporter à la réflexion en cours sur l'avenir des institutions de notre coopération.
Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, le resserrement du dispositif gouvernemental a conduit à vous confier, voilà quelques mois, une seconde responsabilité, à savoir celle de secrétaire d'Etat à la francophonie. A ce sujet, je voudrais vous dire à présent le scepticisme, et même l'inquiétude, que suscite en moi tout ce qui se met en place derrière ce vocable. Le récent sommet de Hanoi nous en donne l'occasion.
En une trentaine d'années, la France, qui n'était pas convaincue au départ de la pertinence de cette entreprise, et dont on ne jurerait pas que ses dirigeants le sont davantage aujourd'hui, s'est laissée entraîner néanmoins dans la mise en place d'institutions dont on peut se demander si elles sont vraiment aussi utiles à la défense et à l'illustration de notre langue et de notre culture que le prétendent leurs thuriféraires, pas toujours personnellement désintéressés.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Il vise quelqu'un !
M. Pierre Biarnès. Ces institutions deviennent de plus en plus coûteuses, sans être pour autant dotées des crédits dont elles auraient besoin pour atteindre les objectifs qui leur sont assignés et il n'y a que très peu de chances que cela évolue vraiment, car la France, qui est appelée à rester le principal bailleur de fonds de tout ce « schmilblick » - excusez mon mauvais parler francophone ! - ne dispose pas de moyens illimités. On peut dès lors se demander si le seul résultat qui va être atteint dans les années à venir ne sera pas uniquement la mise en place d'une nouvelle structure parasitaire du fonctionnariat international où vont aller se nicher, sauf rares exceptions, des éléments parmi les plus médiocres, mais dûment pistonnés, des fonctions publiques des pays adhérents, le nôtre n'étant pas appelé à être le dernier.
Les objectifs proclamés sont en train de devenir de plus en plus flous. Que veut-on dire exactement quand on parle, vocable à la mode, de « francophonie politique » ? Certains auraient-ils en tête de mettre en place une ONU francophone, une ONU du pauvre, qui s'opposerait à celle qui existe depuis cinquante ans déjà et qui serait trop dominée à notre goût par les Anglo-Saxons ? Bien des observateurs sont tentés de le penser, quand ils voient comment l'Elysée - c'est un secret de polichinelle - a imposé au poste nouvellement créé de secrétaire général de l'organisation - contre, qui plus est, la volonté de la plupart de nos amis africains - M. Boutros Boutros-Ghali, que Mme Albright, voilà moins d'un an, a chassé comme un malpropre des fonctions analogues qu'il occupait aux Nations unies, sans que - faut-il le rappeler ? - nous opposions alors notre veto.
Et que dire de l'extension géographique continue de la francophonie, de plus en plus au-delà de son champ langagier et culturel initial ? Que viennent faire là dedans, si estimables soient-ils par ailleurs, les Moldo-Valaques et bientôt, pourquoi pas, les Patagons, dont, cas par cas, quelques milliers d'entre eux seulement pratiquent notre langue correctement et régulièrement ? Les Roumains, les Bulgares et les Moldaves viennent d'être admis. Voilà que s'annoncent les Polonais, les Albanais et les Macédoniens. Demain, n'en doutons pas, ce seront les Russes, au prétexte qu'autrefois on parlait le français à la cour de Saint-Pétersbourg. Quelle farce !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Et les Bachi-Bouzouks !
M. Pierre Biarnès. « Le tigre ne proclame pas sa tigritude. Il se jette sur sa proie et il la mange », a dit un jour Wolé Soyinka, le prix Nobel nigérian de littérature, qui se moquait de Senghor et de sa négritude. De grâce, arrêtons de faire de la francophonie fantasmatique ! Contentons-nous de faire tout simplement du français ! Et consacrons l'argent que nous affectons à cette chimère envahissante à offrir quelques milliers de bourses supplémentaires à des étudiants étrangers et à étoffer notre réseau d'attachés linguisitiques de par le monde ! Ce sera beaucoup plus intelligent. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'aurais pu commencer mon intervention en vous félicitant d'avoir su être raisonnable dans l'élaboration de votre projet de budget en sachant limiter votre demande de crédits, participant en cela à la nécessaire maîtrise des dépenses publiques. C'est vrai, j'aurais pu commencer de la sorte, car ce principe est tout à fait dans l'esprit de la politique courageuse qu'a menée Alain Juppé et qui a permis de redresser l'économie du pays, politique dont l'actuel gouvernement commence d'ailleurs à récolter les fruits.
J'aurais donc pu commencer de la sorte. Mais, tout de même, une diminution de 3,5 % des crédits de paiement, une diminution de 4,3 % des autorisations de programme, une diminution d'environ 4 % de notre coopération technique, c'est peut-être un peu trop pour mériter des félicitations !
Je me souviens que l'an dernier, lors de l'étude de ce même projet de budget, les parlementaires, de droite comme de gauche, s'étaient accordés pour signaler que le ministère de la coopération avait contribué plus qu'à son tour à l'effort de maîtrise des dépenses publiques et que son budget arrivait au seuil au-dessous duquel la politique de coopération de la France serait mise à mal.
Eh bien ! mes chers collègues, nous y sommes, Nous sommes, avec ce projet de budget, au-dessous du niveau décent permettant à la France de maintenir sa place primordiale dans la politique de coopération mondiale. En effet, quoi que l'on ait pu dire, par le passé, de l'implication de notre pays, il est important de rappeler que la France occupe aujourd'hui, en volume, la deuxième place parmi les pays qui consacrent une aide au tiers monde, après le Japon, certes, mais devant l'Allemagne ou les Etats-Unis.
Oui, il est nécessaire de maîtriser les dépenses publiques, mais il est aussi important pour la France, pour son rayonnement culturel, sociologique et aussi économique, de continuer à mener une grande politique de coopération.
Nous le devons de par notre histoire, puisque nous avons toujours été très présents en Afrique. Nous nous devons de le faire aussi parce que la France doit avoir un rôle d'initiative vis-à-vis de l'Europe dans les actions d'aide au développement de la Communauté envers les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Nous le devons enfin en raison de la position prépondérante que nous occupons au Conseil de sécurité de l'ONU, en sachant que, grâce aux liens privilégiés tissés notamment avec les pays d'Afrique, ceux-ci ont pu soutenir nos décisions et voter de concert avec nous au cours des dernières décennies.
La France a donc une place prépondérante à maintenir dans le cadre de la coopération, qui est une vieille tradition de notre pays.
J'en profiterai d'ailleurs pour dire combien votre rôle, monsieur le secrétaire d'Etat, est important en tant qu'interlocuteur privilégié de tous ces pays amis, qui d'ailleurs ne comprendraient pas, j'en suis sûr, que le secrétariat d'Etat à la coopération soit noyé dans un autre ministère ; j'espère que tel ne sera pas le cas. Je suis persuadé que plusieurs parlementaires partagent mon propos. Nous en avons entendu quelques-uns ce soir. J'en veux aussi pour preuve le fait que, l'an dernier, un de nos collègues, sénateur socialiste, avait regretté à l'époque que le « ministère de la coopération ne soit pas encore un ministère à part entière ». Que dit-il aujourd'hui alors qu'il n'est plus qu'un secrétariat d'Etat et que dira-t-il demain s'il venait à disparaître ?
Nous avons un rôle à tenir : la France est un pays écouté, ses décisions sont attendues, ses conseils sont sollicités. Il faut continuer de la sorte.
De plus, la politique de coopération représente un enjeu décisif pour notre économie grâce aux parts de marché que nos entreprises peuvent conquérir à l'étranger.
A ce titre, il est important de souligner le rôle du chef de l'Etat qui, lors de ses déplacements à l'étranger, s'entoure régulièrement de chefs d'entreprise qui l'accompagnent justement en vue de signer des contrats. C'est pour nous une source de développement et d'amélioration de nos finances.
Cette coopération se traduit aussi par la francophonie qui, ainsi que l'a rappelé le Président de la République à Hanoi, le 14 novembre dernier, « nous rassemble dans l'espace de cinq continents ».
Il faut donc que nous affirmions notre politique dans ce domaine et que la France joue un rôle humanitaire. A cet égard, je me réjouis de voir tout ce qui est fait en matière de programmes de développement par les fonds d'aide et de coopération ou par la Caisse française de développement.
J'en viens à un second aspect de la politique de coopération, qui est à mon avis aussi fondamental.
En effet, outre les grands programmes des pays, il faut s'intéresser aux actions ponctuelles et ciblées menées sur le terrain par les acteurs locaux, que nous devons aider.
Je souhaiterais, si vous le permettez, monsieur le secrétaire d'Etat, rappeler le principe d'un projet, fort simple, que j'avais soumis en son temps à votre prédécesseur et à d'autres ministres.
Plusieurs fois dans mon département de la Seine-Saint-Denis, j'ai pu discuter avec de nombreux jeunes, ou de moins jeunes, qui ont envie de s'en sortir et qu'il faut aider. Ils sont étrangers ou français d'origine étrangère et veulent simplement réussir, retrouver leurs racines tout en aidant leur pays d'origine. Quel est leur objectif ? Y développer une action économique qui leur permettrait de vivre et qui permettrait aussi de générer des emplois, améliorant ainsi la bonne marche économique du pays.
Je pense qu'il faut aider ces jeunes et je suis persuadé qu'on peut le faire.
Le schéma serait le suivant : ces volontaires présenteraient un projet en France, projet qui serait instruit par les services de la coopération et de l'office des migrations internationales, s'appuyant sur leur mission locale ou sur les organisations non gouvernementales et sur les ambassades.
Ces projets pourraient vraisemblablement être financés sur des crédits du FAC ou sur des crédits déconcentrés du ministère.
Au final, toutes ces personnes qui « galèrent » dans nos banlieues pourraient y gagner une autonomie financière et réaliser un projet dans leur pays.
Soutenir les grands projets d'Etat à Etat c'est bien, mais s'intéresser aux capacités des individus à créer des richesses, c'est très bien aussi, d'autant que cela peut souvent se faire à des coûts bien moindres et avec une mise en oeuvre beaucoup plus souple.
Je pense, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous ne pouvez qu'y être sensible puisque vous disiez vous-même à l'Assemblée nationale, le 5 novembre dernier, qu'« il faut aller à la recherche de partenariats véritables... » et surtout que « nous devons être capables de déléguer davantage l'exécution de projets aux nationaux eux-mêmes ».
Je souhaiterais que l'on puisse passer à la phase active et je vous propose, si vous permettez cette digression dans le débat de cette nuit, de la mener à titre expérimental, par exemple dans le département de la Seine-Saint-Denis qui a, on le sait, une forte population immigrée dont de nombreux membres souhaitent s'en sortir et dont certains en ont la volonté, le courage et les idées.
Alors, ne pourrait-on pas envisager, par exemple, une enveloppe de 1 million de francs pour engager une expérience dans ce département ? Je suis certain que cela ne peut qu'aller vers l'objectif d'une meilleure politique de coopération de la France. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, même si le conseil des ministres du développement qui va se tenir dans quelques heures à Bruxelles va considérablement raccourcir ma nuit, je veux remercier le Sénat - l'Assemblée nationale a fait un autre choix - d'avoir préserver cette tradition républicaine des séances de nuit qui s'inscrit profondément dans l'histoire de la démocratie parlementaire.
Je le dis sans ironie, car c'est probablement à l'occasion de ces séances-là que j'ai personnellement vécu les meilleurs moments de ma presque longue vie de député !
Et je vois comme un signe d'amitié le fait que le projet de budget de la coopération soit examiné à cette heure matinale. C'est quand même avec les gens que l'on aime bien que, généralement, on passe la nuit ! (Sourires.)
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Il ne faudrait pas que cela soit mal interprété !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Il est des moments où le mariage est une contrainte !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Malgré donc l'heure matinale, je n'hésiterai pas à prolonger mon propos tant les interventions des différents orateurs me sont apparues riches et exprimées en un français de qualité.
Mais nous avons déjà eu de nombreux échanges lors de mes auditions par la commission des finances, par la commission des affaires étrangères et par la commission des affaires culturelles ; je pense sur la politique de coopération que la plupart d'entre vous en savent déjà beaucoup plus donc que les questions qu'ils ont posées ne le laissent le supposer.
J'admets volontiers que la politique de coopération est complexe, que les mécanismes qui la structurent le sont aussi et que les projets de réforme ne sont pas encore précisés. Je comprends donc les interrogations qui se sont exprimées ici.
Je voudrais d'abord indiquer qu'il ne s'agit en aucun cas de faire disparaître ce secrétariat d'Etat et que, au minimum, il y aura toujours une fonction ministérielle identifiée,...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Avec des moyens ?
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. ... avec des services spécifiques et un budget également spécifique, même si elle doit être à l'intérieur du ministère des affaires étrangères.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Quelle horreur !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Aïe, aïe, aïe !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. C'est en effet dans cette direction que la réflexion semble s'orienter.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est une impasse !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est dit avec des roses !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Mais la décision ne sera arrêtée par le Premier ministre qu'après les discussions qui vont se poursuivre entre le secrétariat d'Etat à la coopération et les ministères des affaires étrangères et des finances. Il y aura sans doute aussi quelques conversations avec d'autres autorités responsables, puisqu'il s'agit, d'aucuns l'ont rappelé, du domaine partagé.
M. Alain Gournac. Et avec le Parlement ?
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. J'ai bien noté que le Parlement - le Sénat sûrement et l'Assemblée nationale aussi dans une large mesure - entendait aider à préserver cette « identité ministérielle »...
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères de la défense et des forces armées. Absolument !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. ...et la spécificité des métiers de la coopération, qui ne peuvent pas se confondre avec ceux des diplomates.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez souhaité qu'il y ait de meilleures relations entre les diplomates et les responsables de la coopération, que l'on évite les redondances et que l'on essaye évidemment de faire mieux avec des moyens nécessairement contraints.
Si nous en avions eu le temps, nous aurions pu rappeler les fondements presque philosophiques de cette coopération, nous aurions pu rappeler aussi que c'est, dans notre histoire, en particulier notre histoire coloniale, que l'on peut trouver les racines de cette résonance si particulière qui existe en France par rapport au continent africain. Nous aurions pu rappeler sans doute que c'est dans l'histoire de la décolonisation que la coopération à la française a trouvé ses caractéristiques.
En sommes-nous totalement sortis ? C'est la question que l'on peut parfois se poser. Ce qui est certain, c'est que les mutations auxquelles nous assistons sur le plan économique, avec la mondialisation, et sur le plan politique, avec la fin de la bipolarisation, constituent une donnée totalement nouvelle qui oblige à une autre politique de coopération au développement.
C'est la volonté du Gouvernement. J'ai le sentiment que c'est aussi le constat du Président de la République, si j'en juge par les propos qu'il a adressés aux ambassadeurs lors de la conférence annuelle, voilà quelques semaines.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, et M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. A cet égard, je ne pense pas qu'il puisse y avoir de difficultés dans la gestion de ce domaine partagé.
Que dire encore, pour m'en tenir à des généralités, avant d'évoquer plus particulièrement ce budget et d'essayer de répondre aux questions qui m'ont été posées ?
Que la France doit accepter qu'il n'y ait plus de territoire africain qui lui soit réservé, même pas le « pré carré », car les Africains, dans ces pays-là aussi, entendent bien avoir d'autres partenaires que la France. Nous le vérifions année après année, et ce n'est pas forcément parce que nous aurions mal fait ce que nous avions à faire. Nous ne sommes évidemment pas exempts de quelques reproches, notamment du fait que nous avons parfois entretenu de manière quelque peu trop systématique des situations acquises, alors que le mouvement était déjà engagé, ce qui explique, pour partie, les difficultés de relations que nous connaissons avec certaines régions d'Afrique.
J'espère que les conditions diplomatiques, en particulier avec les pays des Grands Lacs, nous permettront de rétablir rapidement des coopérations d'Etat à Etat normales dans ces pays, où nous avons aussi notre propre histoire et où l'on n'imagine pas que le développement s'opère en notre absence.
Il est vrai que nous avons aussi notre position à préserver en matière de droits de l'homme et de démocratie. C'est en effet l'honneur de la France de faire entendre ce discours-là, même si j'admets, dans le même temps, que, lorsqu'on parle de démocratie, d'état de droit, il faut évidemment tenir compte de réalités qui sont si éloignées des nôtres que nous courons toujours le risque d'avoir une attitude moralisatrice là où il faut avoir une présence critique.
Telle est la direction que, personnellement, j'incite le Gouvernement à prendre.
Plusieurs d'entre vous l'ont dit, les Africains avec lesquels nous sommes amenés à dialoguer aujourd'hui n'ont pas la même histoire avec la France que leurs pères. Ils n'ont pas, oserai-je dire en jouant sur les mots, la même « filiation » par rapport à la France. Il faut prendre la mesure de cette nouvelle donnée.
Le souci qui est le leur d'affirmer leur indépendance par rapport à nous ne doit pas forcément être vécu comme un signe d'hostilité. C'est l'expression d'une volonté d'exister librement, nous le vérifions dans presque tous les territoires africains. En tout cas, c'est avec ces Africains-là qu'il nous faut aujourd'hui dialoguer, ce qui implique un dialogue plus libre et plus exigeant.
Je disais tout à l'heure qu'il n'y a pas de territoire africain qui nous soit réservé. A contrario, il n'y a pas non plus de territoire africain qui nous soit interdit, et il nous faut être prêts à nouer des relations avec de nouveaux pays qui regardent dans notre direction. Je pense ainsi aux pays lusophones ou aux pays anglophones, y compris pour y faire de la francophonie. C'est une donnée positive, sur laquelle il me paraît important d'insister.
Bref, selon la formule que j'ai souvent employée, il faut éviter de regarder l'Afrique dans le rétroviseur. Il faut la regarder dans sa réalité d'aujourd'hui ; il faut essayer de voir ce qu'elle est susceptible de devenir et prendre en compte, comme M. Neuwirth nous y a invités, les bouleversements que la démographie, par exemple, est en train de produire.
Voici une bonne nouvelle : pour la première fois depuis longtemps, si l'on s'en tient aux grands indicateurs - même s'ils ne reflètent pas toujours, hélas ! les réalités sociales - la croissance économique a dépassé la croissance démographique. Cela ne fait pas tout, mais c'est malgré toute une bonne nouvelle et prenons-la pour telle.
J'aimerais bien que l'on arrive à « positiver » l'Afrique, si j'ose dire, car elle est trop souvent présentée sous ses aspects les plus négatifs.
Une réunion sera organisée à Libreville entre les Etats de la zone franc, une réunion où nous parlerons de la relation à l'euro. Nous serons alors en mesure, - puisque nous serons largement engagés sur la voie de la monnaie unique européenne - de confirmer que la relation entre le franc et le franc CFA ne sera pas être affectée par le passage à la monnaie unique.
La France a pris des engagements pour préserver la convertibilité du franc CFA. Les conditions techniques de cette garantie apparaissant sur les comptes du Trésor et non pas sur ceux de la Banque de France, le passage à la monnaie unique n'infirme pas cette garantie.
Il est important de le dire aux Africains et nous le leur confirmerons à cette occasion.
J'aimerais donc que nous saisissions cette occasion pour présenter l'Afrique telle qu'elle est, avec ses aspects négatifs, mais aussi avec ses aspects positifs, car si nous ne sommes pas capables de communiquer positivement sur l'Afrique, ce n'est pas la peine de parler du développement de l'Afrique, ce n'est pas la peine non plus d'y inviter les investisseurs.
A cet égard, j'ai apprécié la formule de M. Bécart, quand il a déclaré qu'il valait mieux organiser des charters d'investisseurs que des charters d'expulsés. Nous sommes complètement d'accord avec vous, monsieur le sénateur.
Je le répète, si nous ne sommes pas capables de dire un peu de bien de l'Afrique, ce n'est pas la peine d'espérer l'aider à se développer.
Plusieurs questions m'ont été posées s'agissant de la francophonie.
Je regrette les incertitudes qui ont régné ces dernières années quant à son rattachement à l'organigramme gouvernemental. Il y a eu à peu près tous les cas de figures : rattachement au Premier ministre, rattachement au ministère de la culture, voire ministère propre.
Monsieur Legendre, je ne sais pas si nous arriverons à mettre en place un jour le ministère de la francophonie et de l'audiovisuel extérieur que vous appelez de vos voeux. Pour l'instant, nous avons un Gouvernement très compact, nous sommes vingt-six, et ce n'est pas possible.
On m'a demandé de prendre en charge la francophonie et j'ai accepté parce qu'il existe une relation forte entre la coopération et la francophonie, tant pour des raisons géographiques que parce que le secrétariat d'Etat à la coopération apporte quelque 200 millions de francs à la francophonie, non compris les crédits affectés à TV 5 ce n'est pas négligeable. C'est dire la part que nous prenons dans cette aventure !
Je regrette que les journalistes n'aient relaté du sommet d'Hanoï que les réactions entendues ou exprimées lors de la conférence ministérielle. Certains ministres, qui ne comprenaient pas que l'on revienne sur les positions prises à Marrakech - il faut bien reconnaître qu'il y avait une certaine contradiction, qu'il nous a fallu la gérer, ce qui n'était pas facile - ont voulu exprimer les réserves que leur inspirait la candidature de M. Boutros Boutros-Ghali.
Ces réserves sont une réalité. J'ai cependant pu observer, au cours des mois qui ont précédé le sommet de Hanoï, que plusieurs responsables africains, y compris des chefs d'Etat qui étaient au départ opposés à cette candidature, s'y sont progressivement ralliés, parfois par défaut de candidat issu de leurs rangs.
Quoi qu'il en soit, c'est tout de même bien un large consensus qui a présidé à l'installation du nouveau secrétaire général M. Boutros Boutros-Ghali. Cela, on a un peu trop oublié de le dire.
On a aussi oublié de rappeler qu'au sommet de Hanoi a été mise en place une autre architecture de la francophonie, garantissant une meilleure cohérence et, j'espère, une plus grande efficacité. Il reste maintenant au nouveau secrétaire général à faire la preuve - et nous sommes prêts à l'y aider - que sa désignation répondait bien aux besoins de la politique de la francophonie.
A ceux qui s'interrogent sur cette dimension politique, je rappellerai que la francophonie peut être un moyen pour nous d'exister mieux, notamment dans les organisations multilatérales, dont l'importance est croissante en matière de coopération au développement et où la France, isolée, a beaucoup de mal à se faire entendre.
Au sein de ces organisations, on pourrait dégager, sinon une majorité, du moins des groupes pouvant influer sur les perspectives politiques et accompagner la mutation que j'observe aussi bien au sein du Fonds monétaire international qu'au sein de la Banque mondiale, qui, l'un et l'autre, essaient désormais de mieux prendre en compte les besoins sociaux des populations. Ils se sont en effet rendu compte que les contraintes monétaires ou financières imposées se traduisaient souvent par des tensions sociales, dont étaient d'abord victimes les pays qui s'exercent à la démocratie, parce que, de ce point de vue, ce sont les plus fragiles.
La francophonie politique peut avoir une réalité, en tout cas nous l'espérons. J'insiste sur ce point, parce que nous savons bien que le besoin d'aide publique est considérable, plusieurs d'entre vous l'ont souligné à juste titre. Nous ne sommes pas de ceux qui considèrent qu'il suffit de favoriser le commerce pour permettre le développement. Certes, il ne faut pas opposer l'un à l'autre, mais le besoin d'aide publique demeurera longtemps considérable.
Elle est nécessaire pour remédier aux inégalités que plusieurs d'entre vous ont mises en évidence et pour éviter la dégradation que nous constatons. Aujourd'hui, les enfants sont souvent moins scolarisés que ne l'étaient leurs pères - et la situation est pire pour les filles. En matière de santé, l'accès aux soins est, dans certaines régions, moins satisfaisant qu'il y a cinquante ans.
La situation est catastrophique. Aussi, je regrette le mouvement général de diminution de l'aide publique que l'on observe sur la dernière période. Si la France n'y échappe pas complètement, on me permettra de faire observer - certains d'entre vous l'ont noté - que nous restons malgré tout à un niveau encore très honorable. Nous sommes dans le peloton de tête s'agissant de l'aide publique rapportée au PNB. Seuls quelques pays nordiques font mieux que nous. En revanche, les Etats-Unis consentent un effort beaucoup moins important.
A cet égard, la contradiction apparaît extraordinaire quand on observe le peu d'efforts faits par les Etats-Unis en matière d'aide publique au développement et l'influence considérable qu'ils exercent au travers d'organismes internationaux, y compris ceux vis-à-vis desquels ils n'honorent pas leurs engagements financiers.
Ce n'est pas normal. On a le sentiment que les Américains font des « coups » par le biais de contributions volontaires financées avec l'argent qu'ils n'ont pas dépensé pour leurs contributions obligatoires !
Je préciserai à l'intention de M. Biarnès que la question du veto ne s'est pas posée. Il s'agissait de désigner le secrétaire général de l'ONU, et nous n'étions pas en mesure d'opposer un veto.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Il était en fin de mandat !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Cependant, je ne pense pas que ce soit à ce propos que nous ayons le plus de choses à dire à Mme Albright. Il est d'autres sujets dont nous pourrions discuter.
S'agissant de mon budget, j'ai entendu certains d'entre vous manifester une sévérité un peu sélective.
En effet, je crois que, l'an dernier, la diminution du budget de la coopération atteignait 7 %, contre 3,5 % cette année. Je ne me félicite pas de cette diminution, mais on sait quelles sont les raisons de cette situation et, si l'on fait abstraction de la baisse touchant aux ajustements structurels ou aux aides budgétaires, on observe que, en réalité, cette diminution est de 240 millions de francs. En réalité, à budget constant, nous obtenons cette année 1 million de francs de plus que l'an dernier. Certes, ce n'est pas satisfaisant, mais nous avons essayé, dans un contexte budgétaire très difficile, de retrouver quelques marges de manoeuvre.
Cela a été rendu possible par la diminution de l'assistance technique, qui a poursuivi une déflation sur laquelle il faut s'interroger. Il est clair que en-deça d'un certain niveau d'assistance technique, il faut envisager un autre mode de présence. Or je ne suis pas sûr que l'on sache l'inventer.
Il est vrai, cependant, que cette diminution de l'assistance technique, notamment par l'abandon de la « substitution », pour utiliser un jargon que vous connaissez aussi bien que moi, a permis d'augmenter les crédits du FAC. Je ne comprends pas M. Cantegrit, qui évoquait tout à l'heure une baisse de ce fonds car, s'il y a une bonne nouvelle dans ce budget, c'est justement son augmentation, qui nous permettra de faire plus d'aides-projets. Cela correspond bien à ce qui était attendu par tout le monde.
Dans le domaine de la coopération militaire, la diminution de l'assistance technique sera également profitable.
Ainsi, les crédits dévolus à la formation augmentent de près de 14 %. Ils sont destinés à la formation dispensée sur place, dans des écoles régionales. L'intérêt est d'inciter des cadres venant d'armées différentes à se former ensemble au maintien de la paix.
Je le répète, on ne peut pas nous reprocher d'avoir fait les mauvais choix au sein d'un budget nécessairement trop limité.
J'émettrai toutefois le regret que la part de ce budget dans le montant total de l'aide publique au développement ne soit pas très importante, même si elle représente non pas 10 % comme quelqu'un l'a dit - je crois que c'était M. Biarnès - mais environ 15 %, ce qui n'est pas beaucoup mieux, j'en conviens. Mais autant citer les bons chiffres !
La dispersion des crédits rend d'ailleurs difficile la lisibilité de la politique de coopération française, d'autant que cette dispersion - dont je suis le premier à souffrir - se retrouve chaque année.
J'ai l'espoir que, dans le cadre de la réforme, nous obtiendrons un budget spécifique. L'ensemble des aides publiques consacrées aux politiques de développement seraient alors regroupées.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Je vous en prie, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. N'avez-vous pas la crainte qu'une mesure de régulation qui pourrait intervenir en janvier ou en février, comme l'année dernière, n'ait pour effet de supprimer quelques crédits à votre secrétariat d'Etat ?
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Tous les ministres craignent cette procédure !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ah oui ? (Sourires.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Monsieur le président de la commission des finances, vous avez pu vérifier comme moi que les gouvernements passent mais que les régulations demeurent.
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. J'espère cependant que, compte tenu de la situation budgétaire que vous avez abondamment décrite les uns et les autres, mon ministère échappera à cette régulation !
M. Christian Poncelet, président le la commission des finances. C'est un espoir !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Au moment où je vous parle, je peux seulement vous dire mon espoir, car je n'ai aucune certitude sinon celle d'être soutenu avec fermeté par votre assemblée pour éviter que cette mésaventure ne survienne.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous voudrions bien vous soutenir, mais, malheureusement, nous ne sommes informés qu'après que la décision a été prise. Il nous est alors difficile d'intervenir.
D'ores et déjà, je vous alerte et je ne manquerai pas de demander au ministre qu'il évite d'amputer vos maigres crédits.
M. le président. Poursuivez, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Je vous remercie, monsieur le président de la commission.
J'en viens au budget de la francophonie, que j'ai qualifié d'introuvable parce qu'il est encore plus dispersé que celui de la coopération.
Cette année encore, les crédits du service des affaires francophones n'atteignent que 62 millions de francs. Il est vrai que ce n'est pas dans ce cadre que l'essentiel des actions sont conduites.
L'ensemble des contributions françaises à la francophonie multilatérale s'élèvent, elles, à 620 millions de francs, ce qui n'est pas négligeable.
Les postes les plus importants sont l'agence de la francophonie, l'ancienne ACCT, l'agence de coopération culturelle et technique, que vous connaissez, l'AUPELF-UREF, réseau des universités, qui monte beaucoup en puissance, mais aussi l'audiovisuel extérieur, qui est en train de prendre une part très importante des crédits, et nous en sommes heureux.
Je rappelais devant la commission des finances que, dans quelques jours, TV 5-USA allait être lancée ; cette chaîne permettra de couvrir désormais, au moins pratiquement, tout le continent américain d'une télévision en langue française. Nous espérons, évidemment, sa réussite. C'est un effort qu'il fallait entreprendre.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. On a peu parlé de l'action humanitaire internationale - vous savez que je suis également chargé de ce secteur.
Les moyens spécifiques sont très limités. Nous faisons surtout appel à ceux qui existent, ceux de la défense nationale ou, parfois, ceux des sapeurs-pompiers.
Le service travaille bien. Nous avons le mérite d'intervenir très vite. C'est ce qui s'est passé à Brazzaville, lorsqu'il s'est agi d'envoyer une équipe médicale aéromobile. C'est également ce que nous faisons actuellement à la frontière de la Somalie, du côté de l'Ethiopie, où nous aidons les populations se trouvant dans une situation très difficile en leur envoyant des vivres, des médicaments et de quoi se couvrir.
D'autres opérations ont également réussi. Je pense à la lutte contre les inondations en Pologne, mais aussi à l'aide apportée à Anjouan dans la crise difficile que cette île a rencontrée dans sa relation avec le gouvernement fédéral.
Le financement de l'action humanitaire, normalement confiée au secrétariat d'Etat à la coopération, figure au budget des affaires étrangères. Nous n'avons pas eu le temps, cette année, compte tenu du calendrier budgétaire, de procéder à une restructuration. J'espère que nous pourrons faire mieux l'an prochain.
Le montant des bourses et les crédits de formation restent stables : 245 millions de francs.
Je dirai simplement qu'à l'intérieur de cette enveloppe nous pensons réduire les crédits destinés aux bourses de stages et augmenter ceux qui sont affectés aux bourses d'études, pour mieux répondre aux besoins de formation des élites africaines.
Les chiffres donnés tout à l'heure sont tout à fait préoccupants : 75 % des étudiants ivoiriens auraient fait le choix des universités nord-américaines. Je pense qu'il s'agit de 75 % des étudiants qui ont quitté la Côte d'Ivoire. Cela correspond tout de même à une proportion pratiquement inverse de celle que l'on connaissait il y a une vingtaine d'années. Cette situation nous préoccupe.
La question des visas devrait être en voie de résolution. Les instructions que nous avons envoyées aux postes consulaires pour demander que l'on prenne mieux en compte les besoins des étudiants, des professeurs et des acteurs économiques sont en train de prendre effet, semble-t-il. Si vous prenez connaissance de dysfonctionnements, n'hésitez pas à nous les signaler, nous essaierons d'y remédier.
Il s'agit en effet d'une question très préoccupante, et les Américains - je ne voudrait pas courir le risque d'être accusé de paranoïa anti-américaine, mais il faut bien le dire - savent utiliser les difficultés que nous connaissons pour attirer à eux des étudiants en leur octroyant des diplômes dont le niveau n'est pas toujours vérifié. Pour notre part, nous refusons une telle pratique, et nous avons raison, je crois, de tenir bon.
Je vous rends également attentifs au problème du retour dans leur pays des étudiants formés chez nous, certains d'entre eux étant fortement tentés de rester en France. Il y aurait ainsi plus de médecins béninois à Paris qu'il n'y en a au Bénin ! C'est évidemment préoccupant.
La coopération décentralisée est, nous semble-t-il, un moyen de faire plus avec des moyens limités. Le partenariat des collectivités territoriales nous paraît très riche, et il ne s'agit pas ici pour moi de jouer sur les mots. En tout cas, c'est une forme de coopération qui a beaucoup de vertus. Elle a le grand mérite de perdurer au-delà des alternances politiques ; je parle, bien sûr, des alternances politiques dans les autres pays ; chez nous, cela va de soi. Elle peut aider à enraciner la démocratie locale, donc la démocratie tout court. Elle colle au plus près des réalités.
Nous avons donc l'intention d'aider la coopération décentralisée à se développer en essayant de mettre un peu de cohérence dans le foisonnement des initiatives et des bonnes volontés. On constate en effet de grandes disparités géographiques, des centaines d'initiatives se concentrant sur certains pays, alors que d'autres pays sont laissés à un complet abandon, malgré des besoins immenses.
Nous allons, par conséquent, nous efforcer de répartir mieux les différentes actions, avec aussi un souci d'information systématique non seulement de l'ambassadeur concerné mais aussi, au niveau local, du préfet concerné.
Le Viêt Nam pourrait-il profiter du fonds d'aide et de coopération ? La réponse est oui. Certes, les chiffres ne seront pas très importants, surtout au début : on peut évoquer une dizaine de millions de francs. En tout cas, le fait d'avoir mis fin à la distinction entre pays du champ et pays hors champ permet désormais à certains pays comme le Viêt Nam et ses voisins de bénéficier de quelques projets FAC, étant précisé que le Cambodge est déjà considéré comme appartenant au nouveau champ.
Les projets intéressant le Viêt Nam pourraient constituer une sorte de champ d'expérience de l'extension du FAC à ces pays. On peut également imaginer d'autres expérimentations du côté de la Caraïbe.
Je sais que le fait d'abandonner la distinction champ-hors champ peut paraître contradictoire avec un budget quelque peu limité. Cependant, si la France veut jouer son rôle en matière de coopération au développement, notamment au sein de structures multilatérales, il nous faut sortir de la distinction traditionnelle ; d'où le choix que nous avons fait.
Ce ne sont évidemment pas les seuls crédits consacrés à l'aide bilatérale qui nous permettraient de couvrir l'ensemble des pays qui ont des besoins. L'aide multilatérale, en particulier européenne, doit aussi être mobilisée.
Je rappelle, s'agissant de l'Europe, que la convention de Lomé est en cours de renégociation. Plusieurs d'entre vous ont évoqué les résistances de certains de nos partenaires quant au renouvellement de la convention ACP. Tout à l'heure, j'en saurai davantage à ce sujet puisque les ministres du développement concernés doivent se réunir aujourd'hui à Bruxelles.
Les contacts que j'ai déjà eus avec mes collègues suédois, danois et belge ont été tout à fait encourageants. Avec mon collègue anglais, alors que nous étions un peu inquiets, tout s'est également bien passé. Je me suis aussi entretenu avec mon collègue allemand, à Bonn, voilà quelques jours.
Sur le principe d'un renouvellement de ce lien un peu spécifique entre l'Europe et les pays ACP, nous serons d'accord. Sur le montant des enveloppes, je pense que nous parviendrons à nous entendre. C'est sur le périmètre que la discussion sera peut-être plus délicate, certains de nos paretenaires voulant étendre le bénéfice des relations ACP à d'autres pays. Nous souhaiterions que la cohérence soit préservée, même si nous comprenons que le critère de la pauvreté puisse être déterminant.
Je voudrais réitérer devant le Sénat le souhait que j'ai exprimé à l'Assemblée nationale tendant à ce que, chaque année, se tienne au Parlement, en dehors de la période budgétaire, un débat sur les politiques de coopération au développement.
MM. Jacques Legendre, rapporteur pour avis, et Daniel Goulet. Très bien !
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. L'échange que nous avons eu ce soir m'a en effet paru très riche et je serais heureux qu'il puisse se prolonger en d'autres occasions. J'ai beaucoup apprécié votre solide connaissance de dossiers fort complexes.
La perspective de nous rencontrer de nouveau ne m'empêchera pas, au demeurant, de répondre par écrit à celles de vos questions qui seraient restées en suspens.
S'agissant de l'assurance-vieillesse des Français expatriés, question à laquelle plusieurs d'entre nous sont attentifs, une réunion de la commission des suites s'est tenue le 4 novembre dernier, sur l'initiative de l'inspection générale des affaires sociales. Le dossier est donc en quelque sorte rouvert dans un cadre interministériel, la direction des Français de l'étranger au ministère des affaires étrangères étant toutefois mieux à même de le centraliser.
En ce qui concerne la zone franc, j'ajoute à ce que j'ai déjà indiqué que l'article 109 du traité de Maastricht contient des dispositions très claires : « Sans préjudice des compétences et des accords communautaires dans le domaine de l'union économique et des accords internationaux, les Etats membres peuvent négocier dans les instances internationales et conclure des accords internationaux. »
C'est en quelque sorte à l'abri juridique de cet article 109 que nous pouvons défendre le lien de la zone franc.
Monsieur Charasse, vous avez souhaité, sur un mode plaisant, que l'on aille moins souvent bronzer à l'île Maurice ou aux Seychelles. Je suis convaincu que l'on peut certainement le faire aussi bien à Puy-Guillaume. (Sourires.)
M. Michel Charasse. Le bronzage me semblait être la raison pour laquelle ces missions avaient été maintenues plus longtemps qu'il n'aurait été nécessaire ! (Nouveaux sourires.)
M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat. Il faut effectivement éviter les abus ! Chacun sait que l'abus de soleil nuit gravement à la santé ! (Nouveaux sourires.)
Sur les indemnisations, nous avons eu l'occasion de dire que les seuils fixés par le ministère des finances auraient mérité d'être un peu plus élevés. Evidemment, cela ne vaut que pour ceux qui ont eu droit aux indemnisations, c'est-à-dire les fonctionnaires et les personnes sous contrat avec l'Etat.
Pour les autres, quand ils ont subi de lourdes pertes, la question de l'indemnisation reste ouverte. S'il s'agit de salariés d'entreprises importantes, celles-ci règlent généralement elles-mêmes le problème. La question se pose donc surtout pour les travailleurs indépendants et les professions libérales. Malheureusement, en l'absence d'une disposition législative - puisqu'une telle disposition n'a pas été votée, certains d'entre vous l'ont rappelé -, je ne suis pas en mesure de leur promettre une indemnisation. Je peux seulement les encourager à se signaler et à faire l'estimation de leurs pertes, dans l'hypothèse de négociations qui pourraient s'engager avec les gouvernements des pays concernés. En tout cas, au ministère des affaires étrangères, un service est chargé de les accueillir. J'espère qu'ils pourront recevoir un jour une compensation.
Pour en revenir à Lomé, monsieur Bécart, nous entendons effectivement donner au dialogue politique une plus grande importance. Là aussi, la préoccupation de l'état de droit et de la démocratie doit prendre plus de poids.
De la même manière, nous aurons à réfléchir à la rénovation des outils de Lomé qui ne font pas, aujourd'hui, suffisamment la preuve de leur efficacité. La question vaut pour le STABEX, le SISMINX. Mais c'est aussi le fonctionnement de la Commission elle-même et la lourdeur de ses procédures qui sont en cause.
De tout cela, nous allons discuter. Je rappelle que nous aurons toute l'année pour le faire puisque c'est en l'an 2000 que la nouvelle convention doit entrer en vigueur.
Monsieur Demuynck, vous avez évoqué l'immigration et c'est un peu le codéveloppement que vous avez réinventé. Le mot « codéveloppement » n'est pas forcément le plus approprié, mais c'est ainsi que nous appelons, dans notre jargon, les politiques sur lesquelles nous sommes en train de travailler et qui consistent bien à aider le retour au pays.
C'est le ministère de l'intérieur qui pilote cette opération. Cependant, le secrétariat d'Etat à la coopération y est très impliqué et, en partenariat avec les pays qui sont les plus gros pourvoyeurs de population immigrée - le Mali, le Sénégal - nous étudions les moyens d'aménager chez eux des structures d'accueil, de la même manière que nous réfléchissons à la possibilité de mettre en place chez nous des structures de préparation au retour, avec les moyens financiers que cela implique et qui ne peuvent, je ne vous le cache pas, qu'être très importants.
Nos partenaires de la coopération décentralisée peuvent nous aider à réussir l'opération, aussi bien au départ qu'à l'arrivée.
Je conclurai en disant que, parmi les ambitions qui nous guident en ce qui concerne cette réforme, il y a un souci de plus grande cohérence et de meilleure lisibilité.
Il me paraît tout à fait essentiel que nous puissions mobiliser l'opinion française sur ces politiques de coopération au développement. Nous n'y parviendrons que si nos compatriotes peuvent facilement savoir ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons.
Il a été rappelé que cela concernait, ne serait-ce que pour l'Afrique, 150 000 emplois directs et 2 000 entreprises. Il faut que les Français le sachent. Il faut que nous sortions le coopération au développement de sa position parfois trop souterraine, qui nuit à son image dans l'opinion française. Nous avons un devoir de communication à cet égard.
Il y a, dans notre pays, des gisements de générosité et de compétence qu'il nous reste à mobiliser pour que la France joue complètement le rôle que son histoire et peut-être aussi la géographie lui assignent dans la lutte contre les inégalités à l'échelle de la planète, si préoccupantes pour l'équilibre du monde. (Applaudissements.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant les affaires étrangères et la coopération : II. Coopération.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 9 831 233 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 378 363 675 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 22 000 000 de francs ;
« Crédits de paiement : 11 000 000 de francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 2 299 800 000 francs ;
« Crédits de paiement : 449 180 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons terminé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la coopération et la francophonie.

10

dépôt de propositions de loi

M. le président. J'ai reçu de M. Robert Pagès, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Jean Dérian, Michel Duffour, Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi tendant à supprimer réellement toute forclusion de droit ou de fait s'opposant à la reconnaissance de la qualité de combattant volontaire de la Résistance.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 121, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de Mme Nicole Borvo, MM. Guy Fischer, Paul Vergès, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jean Dérian, Michel Duffour, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Robert Pagès, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi relative à l'assurance contre le risque de non-paiement des cotisations des employeurs au régime général de la sécurité sociale.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 122, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de Mme Nicole Borvo, MM. Guy Fischer, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jean Dérian, Michel Duffour, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Robert Pagès, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi tendant à assurer le versement de l'ensemble des prestations de vieillesse, d'invalidité et d'accident du travail au premier jour de chaque mois d'échéance.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 123, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Guy Fischer, Mme Nicole Borvo, M. Paul Vergès, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jean Dérian, Michel Duffour, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Robert Pagès, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi tendant à permettre le bénéfice de la retraite aux chômeurs âgés de moins de soixante ans et ayant quarante annuités de cotisation d'assurance vieillesse.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 124, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Robert Pagès, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Jean Dérian, Michel Duffour, Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi sur la retraite des stagiaires de la formation professionnelle qui sont anciens combattants d'Afrique du Nord.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 125, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Robert Pagès, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Jean Derian, Michel Duffour, Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade, une proposition de loi relative à l'attribution d'une pension de reversion de la retraite du combattant aux veuves des anciens prisonniers de guerre et combattants de la Seconde Guerre mondiale et d'Afrique du Nord.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 126, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Jean-Pierre Raffarin une proposition de loi tendant à protéger et valoriser la qualité artisanale.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 127, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

dépôt d'une proposition de résolution

M. le président. J'ai reçu de Mme Nicole Borvo, M. Guy Fischer, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jean Derian, Michel Duffour, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Robert Pagès, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête relative à la situation sanitaire et éducative des enfants hébergés ou scolarisés dans des sectes et aux mesures nécessaires à leur protection.
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 120, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles et pour avis à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en application de l'article 11, alinéa 1 du règlement.

12

dépôt d'un rapport

M. le président. J'ai reçu de M. Charles Descours un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, adopté avec modification, par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 108, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 119 et distribué.

13

dépôt d'un rapport d'information

M. le président. J'ai reçu de M. Alain Lambert un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur l'incidence des charges fiscales et sociales sur la localisation d'activité.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 118 et distribué.

14

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 28 novembre 1997, à quatorze heures trente et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 84 et 85, 1997-1998). (M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.)
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Affaires étrangères et coopération :
I. - Affaires étrangères :
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 1) ;
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 88, tome I) ;
M. Guy Penne, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (relations culturelles extérieures, avis n° 88, tome II) ;
M. James Bordas, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (relations culturelles, scientifiques et techniques, avis n° 86, tome XII) ;
Culture :
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 8) ;
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 86, tome I) ;
M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (cinéma, théâtre dramatique, avis n° 86, tome II).
Communication :
(Crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits au budget des services généraux du Premier ministre et lignes 46 et 47 de l'état E annexé à l'article 44 et article 48).
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexes n°s 7 et 34) ;
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (communication audiovisuelle, avis n° 86, tome X) ;
M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (presse écrite, avis n° 86, tome XI).

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits
de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 1998

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1998 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits de la deuxième partie
non joints à l'examen des crédits,
du projet de loi de finances pour 1998

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits, du projet de loi de finances pour 1998 est fixé au vendredi 5 décembre 1997, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 28 novembre 1997, à quatre heures quinze.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 27 novembre 1997


SCRUTIN (n° 24)



sur l'amendement n° II-8, présenté par MM. Alain Lambert et Joseph Ostermann au nom de la commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (budget de l'éducation nationale, recherche et technologie : I. - Enseignement scolaire).

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 308
Pour 205
Contre 103

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 9. _ MM. Georges Berchet, Guy Cabanel, Henri Collard, Fernand Demilly Jean Francois-Poncet, Paul Girod, Georges Mouly, Raymond Soucaret et André Vallet.

Contre : 11.
Abstentions : 2. _ MM. Jacques Bimbenet et Georges Othily.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :

Pour : 94.
Contre : 1. _ M. Emmanuel Hamel.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 75.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :

Pour : 57.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 44.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jean Delaneau, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :

Pour : 1. _ M. Philippe Adnot.
Abstention : 8.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre


René Trégouët
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jeambrun
Bernard Joly
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Abstentions


MM. Jacques Bimbenet, Philippe Darniche, Hubert Durand-Chastel, Alfred Foy, Jean Grandon, Jacques Habert, Jean-Pierre Lafond, André Maman, Georges Othily et Alex Türk.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Delaneau, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 25)



sur l'amendement n° II-9, présenté par MM. Alain Lambert et Joseph Ostermann au nom de la commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre IV de l'état B du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (budget de l'éducation nationale, recherche et technologie : I. - Enseignement scolaire).



Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 308
Pour 205
Contre 103

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 9. _ MM. Georges Berchet, Guy Cabanel, Henri Collard, Fernand Demilly, Jean Francois-Poncet, Paul Girod, Georges Mouly, Raymond Soucaret et André Vallet.

Contre : 11.
Abstentions : 2. _ MM. Jacques Bimbenet et Georges Othily.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :

Pour : 94.
Contre : 1. _ M. Emmanuel Hamel.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 75.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :

Pour : 57.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 44.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jean Delaneau, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :

Pour : 1. _ M. Philippe Adnot.
Abstentions : 8.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre

René Trégouët
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jeambrun
Bernard Joly
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Abstentions


MM. Jacques Bimbenet, Philippe Darniche, Hubert Durand-Chastel, Alfred Foy, Jean Grandon, Jacques Habert, Jean-Pierre Lafond, André Maman, Georges Othily et Alex Türk.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Delaneau, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 26)



sur l'amendement n° II-10, présenté par M. Jean-Philippe Lachenaud, au nom de la commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (budget de l'éducation nationale, recherche et technologie : III. - Enseignement supérieur).



Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 309
Pour 206
Contre 103

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 9. _ MM. Georges Berchet, Guy Cabanel, Henri Collard, Fernand Demilly, Jean Francois-Poncet, Paul Girod, Georges Mouly, Raymond Soucaret et André Vallet.

Contre : 11.
Abstentions : 2. _ MM. Jacques Bimbenet et Georges Othily.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :

Pour : 95.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 75.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :

Pour : 57.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 44.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jean Delaneau, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :

Pour : 1. _ M. Philippe Adnot.
Contre : 1. _ M. André Maman.
Abstentions : 7.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre


René Trégouët
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jeambrun
Bernard Joly
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
André Maman
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Abstentions


MM. Jacques Bimbenet, Philippe Darniche, Hubert Durand-Chastel, Alfred Foy, Jean Grandon, Jacques Habert, Jean-Pierre Lafond, Georges Othily et Alex Türk.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Delaneau, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 310
Majorité absolue des suffrages exprimés : 156
Pour l'adoption : 207
Contre : 103

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 27)



sur l'amendement n° II-11, présenté par M. Jean-Philippe Lachenaud au nom de la commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre IV de l'état B du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (budget de l'éducation nationale, recherche et technologie : II. - Enseignement supérieur).


Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 308
Pour 205
Contre 103

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 9. _ MM. Georges Berchet, Guy Cabanel, Henri Collard, Fernand Demilly, Jean Francois-Poncet, Paul Girod, Georges Mouly, Raymond Soucaret et André Vallet.

Contre : 11.
Abstentions : 2. _ MM. Jacques Bimbenet et Georges Othily.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :

Pour : 94.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Emmanuel Hamel.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 75.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :

Pour : 57.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 44.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jean Delaneau, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :

Pour : 1. _ M. Philippe Adnot.
Contre : 1. _ M. André Maman.
Abstentions : 7.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe Francois
Jean Francois-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre


René Trégouët
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jeambrun
Bernard Joly
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
André Maman
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Abstentions


MM. Jacques Bimbenet, Philippe Darniche, Hubert Durand-Chastel, Alfred Foy, Jean Grandon, Jacques Habert, Jean-Pierre Lafond, Georges Othily et Alex Türk.

N'a pas pris part au vote


M. Emmanuel Hamel.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Delaneau, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages exprimés : 309
Majorité absolue des suffrages exprimés : 155
Pour l'adoption : 205
Contre : 103

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 28)



sur l'amendement n° II-12, présenté par M. Alain Lambert au nom de la commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (budget de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie : III. - Recherche et technologie).


Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 303
Pour 195
Contre 108

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Contre : 13.
Abstentions : 9. _ MM. Georges Berchet, Guy Cabanel, Henri Collard, Fernand Demilly, Jean Francois-Poncet, Paul Girod, Georges Mouly, Raymond Soucaret et André Vallet.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Pour : 92.
Contre : 2. _ MM. Adrien Gouteyron et René Trégouët.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Gérard Larcher, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 75.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :

Pour : 57.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 45.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :

Pour : 1. _ M. Philippe Adnot.
Contre : 2. _ MM. André Maman et Alex Türk.
Abstentions : 6.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Daniel Goulet
Alain Gournac
Francis Grignon
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Michel Souplet
Louis Souvet


Martial Taugourdeau
Henri Torre
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Adrien Gouteyron
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jeambrun
Bernard Joly
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
André Maman
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Georges Othily
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
René Trégouët
Alex Türk
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Abstentions


Georges Berchet
Guy Cabanel
Henri Collard
Philippe Darniche
Fernand Demilly
Hubert Durand-Chastel
Alfred Foy
Jean François-Poncet
Paul Girod
Jean Grandon
Jacques Habert
Jean-Pierre Lafond
Georges Mouly
Raymond Soucaret
André Vallet

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 304
Majorité absolue des suffrages exprimés : 153
Pour l'adoption : 196
Contre : 108

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 29)



sur l'amendement n° II-13, présenté par M. Alain Lambert au nom de la commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre IV de l'état B du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (budget de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie : III. - Recherche et technologie)


Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 303
Pour 195
Contre 108

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Contre : 13.
Abstentions : 9. _ MM. Georges Berchet, Guy Cabanel, Henri Collard, Fernand Demilly, Jean Francois-Poncet, Paul Girod, Georges Mouly, Raymond Soucaret et André Vallet.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Pour : 92.
Contre : 2. _ MM. Adrien Gouteyron et René Trégouët.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Gérard Larcher, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 75.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :

Pour : 57.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 45.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :

Pour : 1. _ M. Philippe Adnot.
Contre : 2. _ MM. André Maman et Alex Türk.
Abstentions : 6.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Daniel Goulet
Alain Gournac
Francis Grignon
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Michel Souplet
Louis Souvet


Martial Taugourdeau
Henri Torre
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Adrien Gouteyron
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jeambrun
Bernard Joly
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
André Maman
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Georges Othily
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
René Trégouët
Alex Türk
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Abstentions


Georges Berchet
Guy Cabanel
Henri Collard
Philippe Darniche
Fernand Demilly
Hubert Durand-Chastel
Alfred Foy
Jean François-Poncet
Paul Girod
Jean Grandon
Jacques Habert
Jean-Pierre Lafond
Georges Mouly
Raymond Soucaret
André Vallet

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages exprimés : 304
Majorité absolue des suffrages exprimés : 153
Pour l'adoption : 196
Contre : 108

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.