SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Loi de finances pour 1998.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
1
).
Affaires étrangères et coopération
I. - AFFAIRES ÉTRANGÈRES (p.
2
)
MM. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances ; André
Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères ; Guy
Penne, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les
relations culturelles extérieures ; James Bordas, rapporteur pour avis de la
commission des affaires culturelles, pour les relations culturelles,
scientifiques et techniques ; Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Lucien Neuwirth,
Jean-Pierre Cantegrit, Hubert Durand-Chastel, Serge Mathieu, Claude Estier,
Robert-Paul Vigouroux, Mme Paulette Brisepierre, M. Guy Penne, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, M. Pierre Biarnès.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.
Crédits des titres III et IV. - Adoption (p.
3
)
Crédits du titre V (p.
4
)
Amendement n° II-15 de Mme Cerisier-ben Guiga. - Mme Monique Cerisier-ben
Guiga, MM. le rapporteur spécial, Xavier de Villepin, président de la
commission des affaires étrangères ; le ministre. - Retrait.
Reprise de l'amendement n° II-15 rectifié par M. Jacques Habert. - MM. Jacques
Habert, Guy Penne, Charles de Cuttoli, Robert-Paul Vigouroux. - Rejet.
Adoption des crédits.
Crédits du titre VI. - Adoption (p.
5
)
Culture
(p.
6
)
MM. Maurice Schumann, rapporteur spécial de la commission des finances ; Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le cinéma et le théâtre dramatique ; Jean-Paul Hugot, Denis Badré, André Maman, Mme Danièle Pourtaud.
Suspension et reprise de la séance (p. 7 )
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
MM. Jack Ralite, Marcel Vidal, Ivan Renar.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.
Crédits des titres III à VI. - Adoption (p.
8
)
Communication
(p.
9
)
MM. Jean Cluzel, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Paul
Hugot, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la
communication audiovisuelle ; Alain Gérard, rapporteur pour avis de la
commission des affaires culturelles, pour la presse écrite ; André Diligent,
Michel Pelchat, Mme Danièle Pourtaud, MM. Ivan Renar, Alain Gournac.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.
Ligne 46 de l'état E (p. 10 )
Amendement n° II-18 rectifié de M. Pelchat. - MM. Michel Pelchat, le rapporteur
spécial, Mme le ministre. - Retrait.
Adoption de la ligne.
Ligne 47 de l'état E. - Adoption (p.
11
)
Article 48. - Adoption (p.
12
)
SERVICES DU PREMIER MINISTRE
I. - Services généraux
(p.
13
)
Crédits du titre III. - Vote réservé (p.
14
)
Crédits du titre IV (p.
15
)
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles.
Amendement n° II-16 de M. Larcher. - MM. Adrien Gouteyron, le rapporteur
spécial, Mme le ministre. - Retrait.
Vote des crédits réservé.
Crédits du titre V. - Vote réservé (p.
16
)
Article additionnel après l'article 62
quater
(p.
17
)
Amendement n° II-17 de M. Cluzel. - M. Jean Cluzel, Mme le ministre, M. le
rapporteur spécial. - Retrait.
Mme le ministre.
3.
Communication de l'adoption définitive d'une proposition d'acte
communautaire
(p.
18
).
4.
Dépôt de propositions de loi
(p.
19
).
5.
Ordre du jour
(p.
20
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
LOI DE FINANCES POUR 1998
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale. [N°s 84 et 85 (1997-1998).]
Affaires étrangères et coopération
I. - AFFAIRES ETRANGÈRES
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les affaires
étrangères et la coopération : I. - Affaires étrangères.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, le projet de budget du ministère des affaires
étrangères pour 1998 s'élève à 14,39 milliards de francs. Vous conviendrez avec
moi que ce budget n'est qu'un des éléments concourant à l'action extérieure de
la France. Il me paraît donc opportun de le situer dans le cadre de cette
action extérieure.
Les crédits qui sont consacrés à l'action extérieure de la France sont
répartis sur vingt-huit budgets. Ils s'élèveront à 50,4 milliards de francs
pour 1998, auxquels il me paraît judicieux d'ajouter les 6,47 milliards de
francs qui correspondent à la contribution de la France à l'action extérieure
de l'Union européenne.
Toutefois, je tiens à souligner que ces 6,47 milliards de francs correspondent
exactement au double des crédits d'intervention directe du ministère des
affaires étrangères, ce qui signifie que la capacité d'action de l'Union
européenne, dans le domaine financier, est deux fois supérieure à la nôtre.
Je formulerai deux observations sur ces chiffres.
Tout d'abord, le volume des crédits gérés directement par le ministère des
affaires étrangères est substantiellement inférieur au montant des crédits qui
relèvent de la compétence du ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie. Il s'agit là d'un débat récurrent sur le rôle respectif de ces
deux ministères dans la gestion de l'action extérieure de notre pays.
Ensuite, le projet de budget des affaires étrangères pour 1998 se situe à son
plus bas niveau relatif depuis quinze ans car, depuis 1993, l'effort de rigueur
nécessaire pour la maîtrise des dépenses publiques a été anticipé.
La commission des finances considère, mes chers collègues, que ce budget en
baisse correspond à l'une des fonctions régaliennes de l'Etat par excellence.
Compte tenu des efforts déjà accomplis, elle vous propose donc d'exclure le
budget des affaires étrangères de la réduction globale de 21 milliards de
francs, qu'elle estime par ailleurs nécessaire pour parvenir à une réelle
maîtrise des dépenses budgétaires en 1998.
Après cette analyse très sommaire, je souhaite attirer l'attention du
Gouvernement et du Sénat sur quelques points.
Le premier point concerne les rémunérations des personnels résidents. La
rigueur à laquelle est soumis ce budget ne saurait se prolonger sans
compromettre la capacité d'action et l'efficacité de nos services.
Transformer un certain nombre de postes d'expatriés en postes de résidents
était une bonne idée. Cela a permis de réaliser des économies et d'échanger,
dans un certain nombre de cas, deux postes de résidents pour un poste
d'expatrié.
Toutefois, si l'on va trop loin dans cette voie, cela aura une incidence
négative sur le fonctionnement de nos services, d'autant que, dans un grand
nombre de pays, le personnel résident est victime d'une sous-rémunération
chronique. Le niveau des traitements qui sont servis par la France est
nettement inférieur à celui du marché du travail local et aux traitements qui
sont versés par les ambassades des autres pays de l'Union européenne.
Il en résulte une démobilisation insidieuse du personnel résident, qui se
traduit par le départ vers d'autres ambassades. Cette situation est
particulièrement sensible et fâcheuse dans le cas du personnel qui est affecté
au service des visas diplomatiques. Il s'agit, en effet, d'un service
fondamental, et nous perdons, dans beaucoup de pays, les meilleurs de nos
agents.
Par conséquent, il me paraît indispensable de débloquer la situation. Deux
moyens d'action sont possibles, me semble-t-il.
En premier lieu, il faudrait aligner systématiquement les traitements des
personnels du ministère sur ceux qui sont servis sur place par la direction des
relations économiques extérieures, la DREE. Les fonds peuvent être trouvés à
cet effet. Il me semble scandaleux de constater des écarts de traitement de 30
%, selon que le personnel est payé par le ministère des finances ou par le
ministère des affaires étrangères.
En second lieu, il conviendrait, monsieur le ministre, de revoir la
périodicité de la révision des salaires des personnels résidents : à l'heure
actuelle, les salaires sont révisés une fois par an. L'idéal serait qu'ils
soient révisés tous les trimestres compte tenu de l'inflation qui sévit dans un
certain nombre de pays. Toutefois, une révision semestrielle permettrait
d'éviter de trop grandes distorsions de traitements entre nos personnels et
ceux qui occupent des postes équivalents.
J'en arrive au deuxième point sur lequel je souhaite attirer votre attention,
monsieur le ministre, mes chers collègues.
Cette année, on constate une réduction considérable des crédits
d'intervention. Si l'on ajoute aux crédits d'action culturelle et d'aide au
développement les crédits de coopération de défense et les contributions
volontaires aux dépenses internationales, la part des crédits des affaires
étrangères réservée aux dépenses d'intervention atteint 3,3 milliards de
francs, soit 23 % de votre budget.
En fait, tel est l'objet de notre discussion, puisque les autres dépenses de
votre ministère sont incompressibles. Ces 3,3 milliards de francs constituent
le fer de lance de votre action. Ils sont donc l'objet d'une attention
particulière de notre part.
Cette année, les crédits de l'action culturelle et de l'aide au développement
sont reconduits au niveau de 3 milliards de francs ; ils sont stables. Seules
les dépenses consacrées à l'audiovisuel extérieur bénéficient de moyens
nouveaux, pour un montant de 15 millions de francs.
La diminution la plus spectaculaire, mes chers collègues, concerne les
contributions volontaires aux dépenses internationales. En cinq ans, les
crédits correspondants sont passés de près de 700 millions de francs à 228
millions de francs cette année. La baisse est considérable !
Evidemment, un débat s'est instauré sur ce projet entre les moines soldats de
l' « onusisme » et les défenseurs de la rigueur budgétaire.
En tout état de cause, depuis cinq ans, ces contributions volontaires font
office de variable d'ajustement du budget des affaires étrangères, ce qui n'est
pas leur vocation initiale.
Les réductions des contributions volontaires doivent être effectuées avec
discernement, en fonction de trois critères essentiels. Auparavant, il convient
de les notifier aux intéressés dans des délais suffisants, pour éviter qu'ils
ne soient pris au dépourvu et conduits à prendre des mesures drastiques de
licenciement ou à arrêter des projets.
Tout d'abord, il faut veiller - je sais que vous y êtes très sensible,
monsieur le ministre - à la bonne gestion des organisations bénéficiaires. Il
n'y a pas de raison, en effet, que le contribuable finance des agences de
voyages ou des colloques.
Ensuite, il importe de prendre en compte l'importance des retours économiques
pour notre pays sur les programmes financés. En effet, il est clair que, dans
un certain nombre de domaines où nos entreprises sont leaders sur le plan
mondial, par exemple ceux de la vaccination, des soins, ou de l'eau, le retour
économique sur nos entreprises est très supérieur aux sommes que nous avons
engagées.
Enfin, il faut tenir compte de la présence au sein des organisations que nous
finançons au travers des Nations unies de ressortissants français ou
francophones. Il s'agit d'une voie de réduction des contributions volontaires
dans laquelle nous sommes engagés. Toutefois, compte tenu de la présence de la
France, comme membre du Conseil de sécurité, au sein des Nations unies, il me
semble que, dans l'avenir, les réductions ne pourront pas aller au-delà de
celles qui ont été opérées au cours des cinq dernières années.
Le troisième point sur lequel je souhaite attirer votre attention concerne la
nécessité de redéfinir notre politique audiovisuelle extérieure. Cette année,
près de 900 millions de francs seront consacrés à cette politique.
Votre gouvernement n'a pas encore arrêté ses orientations, monsieur le
ministre. Il a confié une mission d'études à M. Imhaus. D'autres études ont
déjà été réalisées. Il est devenu urgent d'agir sur ce poste de dépenses à la
fois essentiel et susceptible d'être rationnalisé.
Ainsi, CFI devrait être recentrée sur sa mission initiale de banque de
programmes, étant entendu que les émissions qu'elle diffusera devront être
surveillées avec une attention particulière le samedi après-midi à partir de
dix-sept heures, afin d'éviter le renouvellement d'incidents fâcheux. TV 5
deviendrait notre seule chaîne dans les régions du monde où elle est diffusée
en réception directe, c'est-à-dire en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie.
Les techniques nouvelles de diffusion pourraient certainement permettre
d'améliorer l'étendue et la qualité de la diffusion de TV 5 et de RFI, en
rendant surtout possible le développement de la politique des décrochages
régionaux. Il est clair, en effet, que les Indonésiens préfèrent connaître la
température qui règne à Djakarta plutôt que celle de Romorantin.
Bien entendu, ces mesures techniques ne sont qu'un support à l'indispensable
réflexion sur le contenu des programmes. La véritable question est non
seulement d'avoir la capacité de diffuser des programmes, mais également de
savoir quels programmes nous entendons diffuser. De ce point de vue, on peut
concevoir une télévision à l'usage des Français expatriés ou à destination des
populations locales. Il faut tenir compte des goûts et des spécificités
locales.
Même si on le déplore, Cantona et
Hélène et les garçons
ont plus de
succès dans nombre de régions du monde que les derniers ouvrages de Philippe
Sollers, Michel Serres, voire Claude Allègre. Par conséquent, il faut donc que
les chaînes diffusent des programmes intéressants.
Personnellement - je n'engage que moi, car la commission n'est sûrement pas de
mon avis - je rêve d'une chaîne qui s'appellerait
Paris Première,
parce
que c'est un titre merveilleux- malheureusement, c'est déjà pris ! - et qui
serait un mixage de
Fashion TV,
dont le concept a d'ailleurs été défini
voilà deux ans par l'un de vos collaborateurs et qui connaît un succès
considérable dans beaucoup de pays, d'ARTE et d'Eurosport.
J'attends avec impatience, monsieur le ministre, les résultats des
propositions que vous formulerez après avoir pris connaissance du rapport de M.
Imhaus.
Le quatrième point de mon intervention concerne l'enseignement français à
l'étranger. Il s'agit d'un élément essentiel, car nos concitoyens n'acceptent
de s'expatrier que s'ils ont la certitude de pouvoir offrir sur place une
éducation de qualité à leurs enfants.
Nous disposons d'un réseau remarquable, puisque les 209 établissements
recencés scolarisent 45 000 élèves français et 80 000 élèves étrangers. Mais
nous sommes arrivés à un point où il y a deux blocages. Mme Cerisier-ben Guiga
les a évoqués hier après-midi.
En premier lieu, se pose le problème des droits d'écolage. Dans la plupart des
pays d'Asie, ceux-ci se situent entre 25 000 francs et 30 000 francs. Dans la
mesure où ce ne sont plus les sociétés qui les paient car de nombreux expatriés
sont installés à titre individuel, cette somme atteint des sommets. Il n'est
pas possible d'aller au-delà.
En second lieu, se pose le problème des bâtiments. Certaines opérations
intelligentes ont été menées comme à Singapour et à Manille, ou vont l'être
comme à Kuala Lumpur où existent des écoles franco-allemandes. Mais certains
établissements sont dans des états tels qu'ils seraient fermés s'ils étaient
situés en France. Je pense à ceux de Bangkok qui sont dans un très mauvais état
et qui ne fonctionnent que grâce à la débrouillardise des directeurs d'école ou
des proviseurs. Mais ce n'est pas une solution à long terme. Il convient donc
de rechercher de véritables solutions.
Peut-être cela remettrait-il en cause le rôle de l'agence pour l'enseignement
français à l'étranger, l'AEFE, mais je pense que l'Etat devrait investir dans
la construction des lycées et d'établissements ; de son côté, le ministre de
l'éducation nationale devrait prendre en charge la rémunération des professeurs
expatriés.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Très bien !
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Monsieur le ministre, j'ai entendu, en même temps que
vous, le Premier ministre déclarer à Moscou, devant la communauté française,
que le meilleur investissement que la France pouvait faire à l'étranger était
la construction de lycées et d'établissements scolaires. Malheureusement, M.
Dominique Strauss-Kahn n'était pas à vos côtés
(Sourires.)
mais je pense
que nous partageons tous la position du Premier ministre sur cette question
fontamentale.
Il faut aussi mettre en place en ce domaine une programmation pluriannuelle.
Je ne vois pas en effet comment des associations de parents d'élèves, dont les
membres sont là pour trois ou quatre ans, peuvent contribuer davantage
financièrement alors que ce seront leurs successeurs qui recueilleront,
quelques années plus tard, les fruits de leur effort financier.
Enfin, il nous semble aujourd'hui indispensable de mener une réflexion à long
terme sur les réseaux diplomatique et consulaire.
Le monde actuel n'est plus en situation de guerre idéologique ou de guerre
froide, il est en guerre économique. A cet égard, le parachutage au mois de
septembre dernier de 1 200
marines
transportés depuis la Caroline du
Nord et de dix-neuf parachutistes russes dans la région de la mer Caspienne est
tout à fait symbolique de l'évolution du monde et des zones de richesse
auxquelles s'intéressent les grandes puissances.
Qu'en est-il de notre réseau face à cette nouvelle situation ?
En 1998, dernière année d'application du schéma quinquennal, des décisions
difficiles restent à prendre.
Un certain nombre de mes collègues se sont interrogés sur le coût, voire le
luxe excessif de certaines ambassades, en particulier dans la région
caucasienne.
La Cour des comptes a rendu public hier un rapport dans lequel elle s'étonnait
des 400 millions de francs consacrés au projet avorté du centre de conférences
international du Quai Branly. En 1994, la commission des finances s'était
étonnée de ces dérives ; j'avais d'ailleurs consacré plusieurs pages à ce
sujet.
J'avais tenté d'effectuer un contrôle sur pièces et sur place mais, seul face
à de nombreuses caisses remplies de dossiers, cette tâche m'avait semblé
au-dessus de mes forces. Je préfère donc que la Cour des comptes remplisse le
rôle qui est le sien.
Dans cet esprit, il semble excessif de prévoir 400 millions de francs pour une
ambassade à Pékin et 280 millions de francs pour notre représentation à Berlin.
Je réitère à ce sujet les propos que j'ai tenus l'année dernière : dans la
mesure où nous ignorons si une ambassade existera encore à Berlin dans vingt
ans, il serait préférable de construire des bâtiments transformables,
modulables plutôt que des bâtiments luxueux.
Il faut, dans ce domaine, être extrêmement vigilant. Même si la décision de
construire une ambassade est prise au sommet de l'Etat, la réalisation de
l'opération me semble relever d'une autre compétence.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Je conclurai en disant qu'il serait possible de
rationaliser nos réseaux, de rapprocher le ministère de la coopération et celui
des affaires étrangères, voire d'envisager des postes communs avec la DREF dans
un certain nombre de pays.
Nous avons, monsieur le ministre, mes chers collègues, la chance d'avoir, par
son importance, le deuxième réseau diplomatique du monde. Un consensus se
dégage désormais pour que tout soit mis en oeuvre afin qu'il devienne le
meilleur.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances, comme je
l'ai indiqué tout à l'heure, vous invite, mes chers collègues, à adopter les
crédits du ministère des affaires étrangères.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, beaucoup d'excellentes choses ayant été dites par M. le
rapporteur spécial, j'abrégerai mon propos.
Toutefois, je souhaite appeler votre attention sur deux points : il s'agit,
tout d'abord, de la problématique générale dans laquelle se place le budget des
affaires étrangères. La contrainte budgétaire qui est la nôtre ne saurait, à
mon sens, se desserrer dans les années à venir. L'enjeu consiste, pour nous, à
rendre plus dynamique ce deuxième réseau du monde par une présence plus intense
dans des régions où celle-ci doit être développée, sans pour autant négliger
les liens qui nous unissent à nos partenaires traditionnels.
Cette question nous renvoie, pour l'essentiel, à la baisse régulière des
moyens en personnel du Quai d'Orsay depuis une dizaine d'années.
Entre 1980 et 1985, la déflation des effectifs du ministère des affaires
étrangères s'est élevée à 17,5 % Notons, à cet égard, que le passage au
volontariat de nos armées, corollaire de la professionnalisation, risque de se
traduire par d'importantes incertitudes. Il n'est pas certain que nous
puissions avoir, à l'avenir, le même nombre de volontaires que de coopérants du
service national, compte tenu de la rémunération qui leur sera versée.
Comment dès lors, à effectifs décroissants, accompagner le déplacement de nos
priorités, notamment vers l'Asie ou l'Amérique latine, où notre présence est
notoirement insuffisante ?
L'une des pistes susceptibles de libérer des effectifs pour les affecter à ces
régions pourrait consister à alléger les missions et donc les effectifs de nos
ambassades dans les pays de l'Union européenne. Cette évolution respecterait la
logique de la construction européenne.
En revanche - et j'en viens à un aspect important de notre politique
extérieure - cette conception moins ambitieuse des missions de nos postes
diplomatiques en Europe occidentale ne saurait conduire à réduire les moyens de
nos postes consulaires.
En effet, alors que nous pourrions croire que la charge de travail de nos
postes consulaires décroît dans l'ensemble de l'Europe, nous nous apercevons
qu'il n'en est rien.
Cette charge croît tant quantitativement que qualitativement. Je vous renvoie,
sur ce point, à mon rapport écrit.
Nos consulats, qu'il s'agisse de ceux qui sont situés en Europe ou des postes
situés sur le continent africain, sont généralement, par ailleurs, assez mal
équipés non seulement en personnels, mais aussi en moyens logistiques pour
faire face à l'ensemble des tâches qui leur incombent.
La contraction de notre réseau diplomatique et consulaire est, bien
évidemment, une bonne chose, car ce réseau doit s'adapter aux évolutions de la
situation internationale, mais il ne faut pas que la fermeture, par ailleurs
justifiée, de certains consulats se traduise, comme c'est trop souvent le cas,
par un transfert de travail sur d'autres postes consulaires, sans que les
moyens de ceux-ci soient réévalués en conséquence.
Comme M. le rapporteur spécial l'a excellemment souligné, le budget du
ministère des affaires étrangères prévu dans la loi de finances pour 1998 ne
concerne, pour l'essentiel, que le quart environ de nos interventions
extérieures et il n'atteint pas 1 % du budget de la nation. Ce point méritait
d'être souligné.
Par ailleurs, les crédits consacrés à la coopération militaire sont
inférieurs, malgré la vocation mondiale du ministère des affaires étrangères, à
90 millions de francs ; il n'est pas inutile de comparer ce chiffre aux quelque
700 millions de francs consacrés à la coopération militaire franco-africaine.
Il s'agit d'un vieux débat, mais il nous amène à nous interroger sur la
nécessité de réunir à court ou à moyen terme, les moyens mis en oeuvre dans ce
domaine par ces deux départements ministériels. Cette fusion serait
probablement le seul moyen de renforcer le rayonnement de notre coopération
militaire à l'étranger et de contrebalancer l'effort très substantiel entrepris
dans ce domaine par certains de nos concurrents.
Que dire également des quelque 129 millions de francs qui seront consacrés à
l'assistance aux Français de l'étranger ? Comment ne pas s'inquiéter de la
diminution de ces crédits, alors même que nous constatons une augmentation
régulière des besoins d'assistance, pour des Français de l'étranger qui
subissent désormais le contrecoup de difficultés économiques et sociales assez
largement réparties dans le monde ?
J'en viens à la contribution de la France au budget de l'ONU. Les délais de
remboursement traditionnellement déplorés par la commission des affaires
étrangères sont aggravés par la crise financière de cet organisme.
Comment, dès lors, ne pas s'interroger sur la pertinence de notre comportement
exemplaire à l'égard de l'ONU, par rapport à l'attitude d'autres Etats
contributeurs ? Compte tenu de ces retards de remboursements, pourquoi ne pas
décaler l'acquittement de nos contributions financières au titre du budget
ordinaire ?
En ce qui concerne les crédits d'équipement du ministère des affaires
étrangères, nous estimons que l'on peut s'interroger sur la manière dont sont
définis nos choix immobiliers.
Le choix de construire à Berlin une ambassade de prestige est très
significatif de l'importance des symboles dans ce type de décision. Mais
fallait-il vraiment, pour manifester concrètement le prix que nous attachons à
l'amitié franco-allemande, édifier un bâtiment aussi coûteux, voire aussi
luxueux ?
M. le président.
Mon cher collègue, je suis obligé de vous demander de conclure.
M. André Dulait,
rapporteur pour avis.
Je conclus, monsieur le président.
De manière générale, nous constatons que les grandes opérations de prestige
conduites pour des raisons principalement symboliques nuisent à l'ensemble des
réalisations immobilières du Quai d'Orsay, où le niveau moyen de confort n'est
pas à la hauteur de ce qui sera fait à Berlin ou à Pékin.
En conclusion, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères vous
propose d'adopter le projet de budget des affaires étrangères pour 1998 afin de
manifester le soutien de la représentation nationale à nos diplomates, dont
nous tenons à souligner ici le dévouement, alors que leur métier les conduit de
plus en plus fréquemment à affronter des situations particulièrement
difficiles.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Penne, rapporteur pour avis.
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour les relations culturelles extérieures.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reprendrai pas
ici en détail les chiffres concernant la dotation de la direction générale des
relations culturelles, scientifiques et techniques pour 1998. Je me bornerai à
rappeler que sa légère hausse en francs courants, puisqu'elle n'est que de 0,5
%, masque en francs constants et hors effet « change-prix » une diminution de
1,9 % des crédits de l'action culturelle extérieure.
Au sein de cet ensemble, toutefois, des distinctions doivent être opérées. Le
budget comprend de bonnes nouvelles pour notre réseau d'enseignement français à
l'étranger ; il permet de modestes avancées pour l'audiovisuel extérieur ; il
préserve l'essentiel en matière d'investissements mais sur une base,
malheureusement, bien insuffisante ; il n'interrompt pas, même s'il la
ralentit, la diminution chronique des crédits d'intervention.
Je voudrais surtout évoquer avec vous, monsieur le ministre, deux points
d'ancrage principaux de notre action culturelle extérieure, à savoir
l'audiovisuel extérieur et l'enseignement français, non pas que les autres
domaines d'intervention de la direction générale des relations culturelles,
scientifiques et techniques ne soient pas essentiels, mais parce que ces deux
secteurs en sont précisément des leviers priviligiés.
En ce qui concerne l'audiovisuel extérieur, tout d'abord, nous sommes dans
l'attente d'une réforme programmée pour 1997 sur la base du rapport de M.
Jean-Paul Cluzel, mais vous avez souhaité le revoir en demandant à M. Imhaus de
formuler de nouvelles conclusions.
Compte tenu de l'importance que revêt ce secteur pour la promotion de notre
langue et de notre culture, je vous serais reconnaissant de nous indiquer les
pistes que vous entendez explorer.
Ainsi a-t-on souvent évoqué la nécessité d'une implication accrue de France
Télévision, qui ne dépend pas de vous, dans l'action extérieure, qui, elle,
vous concerne au premier chef. France Télévision dispose en effet de moyens et
de compétences qu'il est dommage de ne pas voir s'exprimer davantage aux côtés
de ceux de nos opérateurs publics traditionnels que sont TV 5 et CFI.
En d'autres termes, quelle formule administrative, si tant est que le salut
vienne de là, ce qui n'est pas certain, pourrait être trouvée pour que les
compétences respectives du ministère des affaires étrangères, de celui de la
culture et de la communication ainsi que du secrétariat d'Etat à la
coopération, sans parler de l'omniprésent Bercy, ne se traduisent par un
éparpillement des responsabilités dommageable pour tout le monde ?
L'enjeu, comme vous le savez, monsieur le ministre, est important.
L'amélioration de nos programmes et leur régionalisation, la constitution des
bouquets francophones, l'élargissement de la diffusion et l'idée d'une
information internationale en français, l'exportation de nos programmes, tout
cela conditionne la qualité, souvent très critiquée, de l'offre télévisuelle
française qui doit occuper dans le monde sa juste place.
J'évoquerai ensuite l'enseignement français à l'étranger qui constitue un
autre aspect positif du projet de loi de finances pour 1998, et ce à plusieurs
titres : l'augmentation de la dotation de l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement
français à l'étranger, celle des bourses scolaires et, enfin, la création
nette, dans le réseau, de 70 postes de résident sur un total de 120
créations.
Mais, par-delà ces éléments positifs, je souhaiterais attirer votre attention
sur quelques-unes des difficultés du réseau.
Une première difficulté est liée à l'insuffisance de la dotation «
investissements ». A l'évidence, les dotations prévues sont inférieures aux
besoins tant des établissements en gestion directe que des établissements
conventionnés. N'oublions pas que pour ces derniers les travaux indispensables
ne peuvent être financés que par l'emprunt, charge qui ne manque pas de se
répercuter sur les frais d'écolage. Pourtant, compte tenu de l'accroissement,
déjà évoqué, de la fréquentation scolaire dans certaines régions, les
extensions de locaux sont souvent incontournables.
Un deuxième sujet de préoccupation concerne certains personnels du réseau,
sous deux volets différents : d'abord, l'avenir de la ressource en coopérants
du service national après la suppression du service national obligatoire et,
ensuite, la situation matérielle, à partir de l'an prochain, de certains
recrutés locaux.
En 2002 au plus tard, avec l'épuisement du « stock » des sursitaires du
service national, la ressource en CSN - coopérants du service national - sera
tarie. Or, la disparition de ces postes de CSN, qui représentent 10 % des
effectifs des enseignants titulaires du réseau, sera un véritable coup dur pour
l'Agence. La préparation, par le Gouvernement, d'un projet de loi sur le
volontariat civil est donc indispensable. Quand pourrez-vous, monsieur le
ministre, nous présenter un texte sur ce dossier important ?
Je voudrais, enfin, évoquer l'inquiétude ressentie par quelque 600 enseignants
recrutés locaux non titulaires du réseau qui, recevant des rémunérations
particulièrement modestes dans certains pays comme le Mexique ou le Liban
bénéficient, depuis 1993, d'allocations exceptionnelles représentant entre le
tiers et la moitié de leurs revenus. Or, la Cour des comptes a relevé que le
versement par l'Agence de ces allocations à des agents non titulaires n'était
pas conforme à la loi. En conséquence, si aucune solution de substitution n'est
trouvée, ces personnels seront privés de leur allocation au 31 août 1998.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous communiquer des informations sur ce
que vous serez en mesure de faire ?
J'estime - je ne suis pas le seul à le penser dans cet hémicycle - qu'une
implication financière du ministère de l'éducation nationale dans le
fonctionnement du réseau d'enseignement français à l'étranger pourrait être
envisagée. La scolarisation d'enfants français expatriés participe à la
continuité du service public de l'éducation à une époque où, par ailleurs,
l'expatriation des parents, en participant à l'activité économique nationale,
est légitimement encouragée.
Enfin, monsieur le ministre, vous conduisez actuellement une réflexion sur
l'aménagement de notre dispositif de coopération et d'aide au développement,
avec le souci de rationaliser les moyens tout en préservant l'ambition. La
Direction générale sera directement concernée par les propositions que vous
formulerez.
C'est pourquoi nous vous serions reconnaissants de nous indiquer vos objectifs
en la matière.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le récent
sommet de Hanoï a donné à l'ambition francophone des moyens et des objectifs
rénovés sur la scène internationale. Ces horizons nouveaux ne doivent pas faire
oublier les racines de la francophonie. Celle-ci, en rassemblant de multiples
enjeux culturels, économiques et politiques, repose toujours en dernier ressort
sur une langue et une façon partagée de voir le monde.
C'est un peu de ce capital qu'il s'agit, avec les 5 milliards de francs de la
Direction générale, de préserver et de valoriser. C'est pourquoi la commission
des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis
favorable sur l'adoption des crédits concernant l'action culturelle extérieure
pour 1998.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Bordas, rapporteur pour avis.
M. James Bordas,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les
relations culturelles, scientifiques et techniques.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, il me faut commencer ma présentation
des crédits des relations culturelles extérieures en évoquant les gels et les
régulations, qui obligent le Parlement à contrôler l'action du Gouvernement en
fonction d'indices tirés des expériences passées, et non, comme il
conviendrait, en fonction de critères financiers stables et francs.
Je crois donc nécessaire de mettre le Gouvernement solennellement en garde
contre ces pratiques de plus en plus injustifiables.
Il faudra bien se décider à considérer l'action culturelle, scientifique et
technique extérieure comme une chose trop sérieuse pour être abandonnée aux
régulateurs - j'y reviendrai.
Cela étant dit, qu'en est-il de ce projet de budget ?
J'en rappelle les grandes lignes en quelques mots.
Le budget de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et
techniques du ministère des affaires étrangères augmentera, en 1998, de 0,49 %
par rapport à 1997. Hors effet change-prix, c'est-à-dire en francs constants,
cela représente une diminution de 2,4 %.
Je ne vais pas évoquer le détail des annulations de crédits de 1997, mais
simplement rappeler que la régulation répétitive des crédits d'intervention
provoque un hiatus de plus en plus accentué entre les moyens de fonctionnement,
relativement préservés, et les moyens d'intervention.
Le projet de budget de 1998 est loin d'amorcer un rééquilibrage. Les crédits
du titre III augmenteront, en effet, de 3,4 % en francs courants alors que ceux
du titre IV diminueront de 1,4 %.
Je voudrais, monsieur le ministre, insister sur le fait que si rien n'est
réalisé pour corriger cette tendance, la Direction générale ressemblera de plus
en plus à une machine administrative tournant à vide. Ce sera un beau sujet
d'étude pour la science politique et une grande pitié pour l'image de la
France.
L'évolution de la politique audiovisuelle extérieure me préoccupe aussi. En
1998, les mesures nouvelles seront limitées à quelque 31 millions de francs,
contre les 52 millions de francs définis par le plan quinquennal arrêté en
1995.
La réforme lancée par les conseils audiovisuels extérieurs de la France en
1994 a connu des péripéties auxquelles le Gouvernement semble avoir l'intention
de mettre fin. Je m'en réjouis : il faut achever la réforme et mettre
l'audiovisuel extérieur en condition d'affronter une concurrence de plus en
plus pléthorique.
Je tiens à souligner, à cet égard, combien il est indispensable d'inscrire la
réforme de la télévision extérieure dans les tendances profondes de l'économie
de l'audiovisuel.
En particulier, l'internationalisation croissante de l'offre télévisuelle va
faire perdre à la télévision publique extérieure l'essentiel de sa spécificité
par rapport aux autres chaînes publiques.
Par ailleurs, la raréfaction des moyens que l'Etat met à la disposition de
l'audiovisuel public impose de maximiser l'utilisation des ressources
existantes. Il faut surtout - et j'y insiste - accentuer les synergies entre
les chaînes publiques ; c'est pourquoi France Télévision reste un acteur
incontournable qu'il importe d'associer intimement au dispositif qui sera mis
en place.
Je terminerai mon intervention en évoquant la situation de l'enseignement
français à l'étranger. La subvention à l'Agence pour l'enseignement français à
l'étranger progressera de 3,7 % en francs courants et de 0,46 % en francs
constants. C'est un bon signal. Je me réjouis, en particulier, que les crédits
des bourses scolaires augmentent de 12 millions de francs, ce qui représente
une hausse de 6,7 % par rapport à 1997.
Cependant, nous savons tous que le coût des études dans les établissements du
réseau reste dirimant pour de nombreuses familles, que les économies faites en
infléchissant les modalités de recrutement des enseignants poseront, à terme,
un problème de qualité de l'enseignement, que la politique d'enseignement
français à l'étranger restera globalement dans une situation de stagnation peu
encourageante pour les Français qui envisagent une expatriation.
En fonction de ces analyses, et en insistant sur la nécessité d'écarter toute
régulation des crédits en 1998 ainsi que sur celle de mieux utiliser les
crédits disponibles pour améliorer le fonctionnement du dispositif, la
commission des affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse du
Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits des relations culturelles
extérieures pour 1998.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 49 minutes ;
Groupe socialiste, 33 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 26 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 24 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
8 minutes.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous
examinons aujourd'hui le projet de budget des affaires étrangères. Pour 1998,
celui-ci s'élève à 0,91 % du budget général de l'Etat, c'est-à-dire 14,387
milliards de francs, soit une baisse de 0,52 % par rapport au budget voté en
1997.
Nous regrettons que ce projet de budget soit de nouveau marqué par les
restrictions budgétaires. Dans le contexte actuel de mondialisation et de
libéralisation des échanges, la place de la France comme grande puissance
diplomatique doit, selon nous, être réaffirmée.
Aujourd'hui, notre pays dispose encore du deuxième réseau diplomatique et
consulaire et présente un tissu culturel de grande qualité. Nous devons
continuer nos efforts pour maintenir notre place, défendre nos intérêts,
promouvoir notre culture et impulser une nouvelle conception de la
diplomatie.
La suppression de quatre-vingts postes dans ces domaines et, cette année
encore, la nouvelle réduction de 3 % des crédits pour la Direction générale de
la recherche en coopération, la DGRC, ne semblent pas aller dans ce sens.
Certes, le projet de budget pour 1998 reflète une diminution moindre par
rapport aux restrictions qui lui étaient imposées depuis quatre ans. Mais nous
voulons obtenir des moyens à la hauteur de notre diplomatie et nous nous
félicitons, monsieur le ministre, de la volonté du Gouvernement de faire en
sorte que, à court terme, le budget des affaires étrangères représente 1 % du
budget de l'Etat.
Il est en effet indispensable, aujourd'hui, d'inverser la tendance à l'érosion
de ce budget, alors que notre présence dans le monde est sinon menacée, du
moins fortement mise à mal, essentiellement par la toute-puissance
américaine.
Pourtant, dans la plupart des pays où les parlementaires sont amenés à se
rendre, de nombreux amis de la France souhaitent voir son rôle économique et
culturel se renforcer.
La francophonie est à la recherche d'un nouvel élan porteur de sens.
L'accroissement de 17 % des fonds peut favoriser son rayonnement et faire
progresser une certaine conception des droits de l'homme et de la
démocratie.
Dans un monde en pleine mutation, nous pouvons promouvoir une diplomatie
française dynamique, capable de répondre aux attentes de dialogue et de
partenariat.
Le monde méditerranéen retient à plus d'un titre notre attention.
Je prends acte des déclarations du gouvernement français sur la question
palestinienne et de sa volonté affichée d'agir pour une paix juste et durable
au Proche-Orient.
Selon nous, la France peut se donner les moyens d'oeuvrer encore plus dans ce
sens. Elle se veut l'amie du peuple israélien mais aussi l'amie du peuple
palestinien et entretient de bonnes relations avec tous les Etats de la région.
Ses choix privilégiant l'action diplomatique, la négociation, le respect de la
parole donnée peuvent avoir un grand écho. Mais ne peut-on plus clairement
exprimer que M. Netanyahou, loin de défendre la sécurité et la paix pour son
peuple, engendre lui-même, par sa politique, les conditions de l'insécurité et
de l'explosion meurtrière ?
Ne peut-on, dans le cadre des accords de coopération en cours avec l'Union
européenne, donner un signe fort pour obtenir, enfin, l'application concrète
des accords d'Oslo ?
Après les attentats du Caire et de Louxor, et alors que l'Algérie continue de
résister à la frénésie meurtrière de certains, il nous faut bien nous
interroger sur l'existence de l'intégrisme.
Il est tout d'abord évidemment nécessaire de continuer à dénoncer cette
barbarie qui fait tant de victimes. Mais sachons que ces activités sont souvent
alimentées par des réseaux installés dans certains pays européens.
Ne nous trompons pas quant aux problèmes de fond. Certes, des mesures de
sécurité sont à prendre au niveau national pour renforcer la protection, et nos
concitoyens l'exigent légitimement. Mais la réponse sécuritaire, nous le
savons, ne peut résoudre à elle seule un phénomène qui naît avant toute chose
de la dégradation sociale et économique, du chômage des jeunes et du
désespoir.
L'éradication de l'intégrisme passe d'abord par celle de la pauvreté et de la
corruption. Elle doit s'appuyer, dans le même mouvement, sur une
démocratisation de la société.
La France, sans volonté hégémonique, a, en tant que grande puissance dirigée
par un gouvernement de gauche, un rôle original à jouer dans ce sens : il nous
faut instaurer de nouveaux rapports de partenariat et d'échanges avec ces pays
pour leur offrir de réelles possibilités de développement.
Ce n'est qu'à ces conditions que cet ensemble régional peut devenir un espace
de paix.
Concernant l'analyse de la politique africaine de la France, mon collègue
Jean-Luc Bécart s'est exprimé lors de l'examen du budget de la coopération ; je
me limiterai donc à poser une question.
Alors qu'en Afrique l'image de la France s'est sensiblement dégradée, la
volonté affichée par le Gouvernement de redéfinir nos relations avec ce
continent nous semble une bonne chose. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous
donner quelques informations dans ce domaine ?
Dans le même sens, la France doit revaloriser son aide publique au
développement. Même si notre pays est déjà l'un des premiers contributeurs, les
attentes sont considérables, et nous avons des responsabilités vis-à-vis des
pays du Sud.
Cela implique que l'on dégage les moyens financiers et que l'on affirme notre
autonomie face aux logiques ultralibérales du Fonds monétaire inernational, de
la Banque mondiale ou de l'Organisation mondiale du commerce.
Ces logiques, par les critères d'ajustements structurels qu'elles imposent,
entraînent des dégradations en matière sociale, en termes d'éducation et de
santé, et favorisent l'accroissement des inégalités de richesse.
Nous voulons être les défenseurs d'une autre approche du développement, au
niveau international comme au niveau européen. Partout, les ravages du
libéralisme et de la dérégulation des mouvements de capitaux et des marchés
financiers sont ressentis avec plus de force et suscitent le rejet. La crise
boursière asiatique vient encore de nous apporter une preuve des dangers et de
la fragilité de modèles de développement fondés essentiellement sur la
spéculation et les investissements étrangers.
Certes, la France ne peut prétendre avoir les moyens d'agir seule dans ces
domaines. Elle peut néanmoins faire connaître ses positions au sein des
instances internationales, et nous pensons particulièrement à l'Organisation
des Nations unies. Cet organisme pourrait être un outil plus pertinent dans un
monde en proie aux conflits, aux guerres économiques et à des écarts de
développement toujours plus grands entres les Etats. Encore faut-il que
l'Organisation des Nations unies ait les moyens financiers d'exister et d'agir,
qu'elle soit représentative de l'ensemble des pays membres et qu'elle soit à
l'abri de toute pression.
Nous constatons, avec satisfaction, les interventions de la diplomatie
française pour obtenir que les Etats débiteurs paient leurs dettes.
Sur le sujet des contributions, je souligne cependant notre inquiétude quant à
la baisse sensible des contributions volontaires de notre pays aux organismes
internationaux. Ne devrions-nous pas, au contraire, poursuivre notre aide tout
en essayant de convaincre les autres Etats de faire de même et d'influencer les
restructurations et réformes nécessaires ?
De manière plus globale, se pose la question du financement du développement.
C'est, pour nous, une question vitale. Nous proposons qu'une session spéciale
de l'Assemblée générale de l'ONU y soit consacrée.
La question de la dette, dette qui asphyxie les pays du Sud, la nécessité de
trouver de nouvelles ressources, notamment par la taxation des mouvements de
capitaux, ne pourraient-elles pas faire l'objet de débats au niveau
international ?
La France peut aider à cette prise de conscience. Elle peut et doit oeuvrer
pour que se concrétisent vraiment les concepts de codéveloppement, de
développement durable, de désarmement et de prévention des conflits.
A la veille du sommet d'Ottawa, nous apprécions l'engagement français en
faveur de l'interdiction des mines antipersonnel, armes qui font de terribles
dégâts au sein des populations civiles.
D'autres questions restent à traiter, comme celle de la non-prolifération
nucléaire et celle du commerce des armes. Là encore, je me permets de rappeler
notre proposition d'une conférence internationale sur le contrôle et la
réduction du commerce des armes sous l'égide de l'Organisation des Nations
unies.
La France doit jouer un rôle original au niveau international, nous l'avons
dit. Elle doit également, dans le même sens, impulser une nouvelle dynamique au
niveau européen.
Notre démarche est celle d'une réorientation de la construction européenne
telle qu'elle est actuellement entreprise. Les politiques menées jusqu'à
présent, dans le cadre de celle-ci, n'ont pas enrayé le chômage, loin de là.
L'Europe compte actuellement plus de 20 millions de chômeurs et près de 50
millions de pauvres, mais les peuples européens supportent de plus en plus mal
les restrictions et sacrifices imposés par la marche vers l'euro. Mon collègue
Paul Loridant est déjà intervenu sur ce sujet lors de l'examen du budget des
Communautés européennes.
Les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen soutiendront
toutes les propositions contribuant à l'harmonisation des législations vers le
haut, au recul de la précarité et à la réorientation de l'argent vers l'emploi
et le progrès social.
Ces mesures nécessitent, évidemment, une volonté politique très forte. Nous
sommes conscients des résistances et des divergences d'opinion que peuvent nous
opposer certains de nos partenaires. Mais la France a les moyens de se faire
entendre pour infléchir les orientations.
L'impact, dans l'ensemble des pays européens, et particulièrement en Italie,
de la mesure prise par le gouvernement français concernant les trente-cinq
heures en est un exemple évident.
Nous sommes convaincus qu'il existe une réelle contradiction entre la
construction d'une Europe sociale et la mise en place de l'euro.
Les financiers et les banquiers ont déjà pris position pour cette monnaie
unique. Ne refusons pas aux peuples le droit d'être également consultés.
Quant à la question de l'élargissement, les réformes contenues dans le cadre
d'Agenda 2000 ne nous donnent pas satisfaction. Les objectifs de paix et de
stabilité, qui en sont les arguments, sont louables. Mais la conception retenue
d'une construction européenne en cercles concentriques autour d'un noyau fort
plus ou moins hégémoniques est, selon nous, porteuse d'inégalités, et donc de
tensions.
Nous souhaitons impulser une autre approche de l'élargissement, notamment
autour de l'idée d'un « Forum des nations » fondé sur le dialogue. Ce forum
pourrait rassembler l'ensemble des pays candidats et des pays membres autour
d'un projet commun de construction européenne.
Les Etats y seraient considérés à égalité en vue d'un renforcement de la
coopération européenne et non de la mise en concurrence des peuples.
En conclusion, je tiens à réaffirmer notre volonté de voir une véritable
inflexion de tendance pour le règlement des problèmes tant au niveau
international qu'à l'échelon européen.
Les parlementaires de mon groupe vous soutiendront dans ce choix, monsieur le
ministre, et ils voteront donc votre budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth.
Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur un sujet très
spécifique, à savoir la nécessité qu'il y a à reconsidérer la contribution
française au Fonds des Nations unies pour les activités en matière de
population, le FNUAP.
Le FNUAP fournit une assistance aux pays en développement et aux pays en
transition. Il intervient principalement dans trois domaines : la promotion de
l'accès universel aux soins de santé de la reproduction - la santé des femmes,
la santé des enfants - notamment ceux qui ont trait à la planification
familiale ; le soutien aux stratégies relatives à la population et au
développement permettant un renforcement des capacités de programmation en
matière de population ; la promotion de la prise de conscience de ces questions
de population et de développement et de leur importance.
Participant, voilà quelques semaines, à une réunion commune des parlementaires
de langue française et des membres de l'Assemblée nationale et du Sénat des
groupes « Démocratie et population mondiale », j'ai constaté, pour la première
fois, l'émergence d'un sentiment nouveau, une sorte de prise de conscience de
l'inexorabilité et de la nécessité d'une solidarité planétaire.
Je l'ai dit, le FNUAP est le principal organisme des Nations unies chargé du
suivi et de la mise en oeuvre des recommandations du programme d'action de la
conférence internationale sur la population et le développement, qui s'est
tenue au Caire en 1994. Son rôle est tout à fait essentiel.
Programme des Nations unies, le FNUAP a la particularité de ne disposer pour
seules ressources que des contributions volontaires des Etats. Il n'existe en
effet pas de financement obligatoire ; seule la bonne volonté de certains Etats
permet à ce programme de fonctionner.
Vous me permettrez, monsieur le ministre, de rappeler quelques chiffres, hélas
! très révélateurs de la modestie de notre contribution dans ce domaine
essentiel.
Le budget du FNUAP s'élevait, en 1996, à 300 millions de dollars. Les
principaux contributeurs sont le Japon, avec 54 millions de dollars, soit
soixante fois la contribution française, les Pays-Bas, avec 39 millions de
dollars, le Danemark, avec 32 millions de dollars, la Norvège, avec 28 millions
de dollars, les Etats-Unis, avec 25 millions de dollars, et l'Allemagne, avec
24 millions de dollars.
Mesurée par habitant, la contribution française apparaît encore plus
insignifiante. La contribution de la Norvège est ainsi 434 fois supérieure à la
nôtre, celle du Danemark, 415 fois, celle de l'Allemagne, 20 fois, et celle des
Etats-Unis, 6 fois.
En outre, les contributions volontaires de la France aux organisations
internationales, qui s'étaient élevées à 345 millions de francs en 1997, ne
devraient atteindre que 228 millions de francs en 1998, soit une baisse de 34
%. Qu'adviendra-t-il, alors, de notre contribution au Fonds des Nations unies
pour les activités en matière de population ?
En 1994, à la conférence internationale du Caire sur la population et le
développement, notre pays avait pris des engagements très précis, avec une
première échéance en l'an 2000. A la lumière des travaux les plus récents du
comité d'aide au développement de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de
développement économiques, je dois malheureusement constater, monsieur le
ministre, que la France n'a, depuis 1994, pas fait le moindre pas en direction
du respect de ses engagements, engagements qui ont d'ailleurs été réitérés, en
1996, à Pékin, à la conférence internationale sur les femmes.
Nous avons tous conscience des contraintes budgétaires qui pèsent sur les
crédits du ministère des affaires étrangères, et sur les autres aussi.
Néanmoins, certaines priorités doivent être préservées ; l'action en faveur
d'une évolution maîtrisée de la population mondiale doit figurer parmi
celles-ci.
Or, la contribution de la France au Fonds des Nations unies pour les activités
en matière de population est d'un montant dérisoire ; elle s'élève précisément
à 0,9 million de dollars en 1997, soit 5,5 millions de francs ! Elle avait
presque atteint les 2 millions de dollars en 1994, l'année de la conférence du
Caire, mais s'est réduite progressivement depuis.
La France n'est aujourd'hui qu'au quatorzième rang mondial des contributeurs !
Le FNUAP a besoin de l'appui de la France. Notre contribution à ce programme
n'est pas digne aujourd'hui du rôle que notre pays entend jouer en ce domaine.
Tous les représentants de la francophonie, plus deux anglophones, sont unanimes
sur ce point. Or, monsieur le ministre, c'est au sein de votre cabinet que se
fait la répartition des contributions aux différents fonds. Pensez-y !
Conformément à la volonté des parlementaires francophones de trente-deux pays
et aux souhaits du groupe d'études Démographie et population mondiale, je vous
demande donc, monsieur le ministre, de faire en sorte que nos efforts soient
réellement à la hauteur des enjeux.
Il y va de la crédibilité de la parole de la France.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Monsieur le ministre, mon intervention sera particulièrement ciblée et portera
sur le fonds d'action sociale qui, au sein de votre ministère, a pour objet
d'aider ceux de nos 1 700 000 compatriotes vivant à l'étranger qui sont les
plus défavorisés.
Cette action me tient à coeur depuis que M. Raymond Barre, alors Premier
ministre, a donné en 1977 l'impulsion qui a permis de créer, au sein de votre
département ministériel, ce fonds d'action sociale. A l'origine, il avait pour
mission de permettre aux Français expatriés âgés, handicapés ou dont les
ressources étaient insuffisantes de percevoir des aides similaires à celles qui
sont accordées en métropole.
Ce fonds avait été mis en place selon un plan quinquennal et la ligne
budgétaire afférente devait progresser jusqu'à ce que les allocations versées à
nos compatriotes atteignent un niveau comparable à ce que perçoivent en
métropole, au titre de leur couverture sociale, les personnes âgées ou
handicapées.
Or, force est de le constater, monsieur le ministre, on assiste aujourd'hui à
un décrochage par rapport au concept initial. Ce fonds, qui a connu des hauts
et des bas, indépendamment des gouvernements et de leur sensibilité politique,
a pu augmenter de 7,5 % en 1994 et en 1995, alors que M. Juppé était ministre
des affaires étrangères, mais son budget actuel stagne, c'est-à-dire qu'il
régresse.
En 1997, les crédits d'assistance aux Français de l'étranger ont été
reconduits au même niveau qu'en 1996. Or, déjà en 1996, la progression n'avait
été que de 0,7 %, ce qui, en francs constants, correspond à une diminution de
1,4 %.
Pour 1998, je constate que les crédits du chapitre 46-94, qui sont consacrés à
l'assistance et au fonds de secours pour les Français de l'étranger, sont en
diminution, alors que l'on nous avait annoncé un simple gel.
La situation est paradoxale, car les demandes d'aide ne cessent de croître,
comme, d'ailleurs, le nombre de personnes qui souhaitent être assistées. Les
aides temporaires et occasionnelles qui demeurent le seul moyen de secourir nos
compatriotes lorsqu'ils se trouvent dans une situation de crise, comme cela a
été le cas récemment au Congo, au Zaïre et au Cambodge, pour ne citer que ces
pays-là, en sont l'illustration tout à fait permanente et prouvent combien ce
fonds est indispensable.
Les consulats ainsi que la commission permanente pour la protection sociale
des Français au sein de laquelle je représente le Sénat et qui a son siège à
votre ministère ont donc été contraints à appliquer de plus en plus
strictement, voire de manière restrictive, les critères d'attribution des
allocations, alors que les représentants des Français de l'étranger, qu'ils
soient parlementaires ou membres désignés du Conseil supérieur des Français de
l'étranger, mais aussi les membres de votre ministère eux-mêmes, constatent, à
chacun de leur déplacement, la précarité croissante de certains de nos
compatriotes expatriés.
Certes, nous sommes dans un contexte de rigueur budgétaire, et votre projet de
budget, monsieur le ministre, n'échappe pas à cette contrainte : les crédits
qui y sont inscrits enregistrent une baisse sensible. Cependant, devons-nous en
faire subir les conséquences à nos compatriotes les plus démunis, quand, dans
le même temps, en métropole, le Gouvernement agit en faveur des exclus ?
Pourquoi cette disparité avec les Français qui résident à l'étranger ?
Je trouve une illustration de la discrimination dont sont victimes nos
compatriotes expatriés dans le fait que, quand ils perçoivent des allocations
de solidarité ou lorsqu'ils sont handicapés, quand ils reçoivent des
allocations permanentes de votre fonds d'action sociale, contrairement à ce qui
se passe en France pour les bénéficiaires du minimum vieillesse, de
l'allocation aux adultes handicapés ou encore du RMI, ils ne perçoivent pas de
couverture maladie. Monsieur le ministre, je vous le dis très sincèrement, je
trouve cela choquant.
Pour y remédier et cherchant une issue, j'avais proposé à votre prédécesseur,
M. Hervé de Charette, l'élaboration d'un nouveau plan quinquennal dans le même
ordre d'idée que celui qui avait été mis en place par M. Raymond Barre, qui
permettrait, grâce à une augmentation annuelle comprise entre 4 millions de
francs et 5 millions de francs, de doter au bout de quatre ou cinq ans de 20
millions de francs, voire de 25 millions de francs supplémentaires les crédits
du fonds d'assistance.
M. Lamassoure avait bien voulu prendre en considération cette suggestion et
m'indiquer que les services du Quai d'Orsay allaient l'examiner et la
chiffrer.
Je sais que la direction des Français à l'étranger est très attentive à ce
sujet et qu'une première étude a été réalisée par ses soins répertoriant à peu
près mille personnes susceptibles de bénéficier de la couverture maladie
proposée par la Caisse des Français de l'étranger. Je vous rappelle que cette
caisse, dont je préside le conseil d'administration, est prête à faire un
effort exceptionnel vis-à-vis de nos compatriotes en les assurant dans la
catégorie la plus basse des cotisants, pour laquelle le montant de la
cotisation est le moins élevé, mais qui ouvre des droits à prestations
identiques à ceux des première et seconde catégories, alors que nous savons
fort bien que les allocataires que vous nous adresserez constituent une
population à risque.
Il faut sans doute reprendre les différentes données, notamment chiffrées,
mais je maintiens qu'en aboutissant à une augmentation substantielle du fonds,
augmentation qui ne devrait pas peser trop lourd dans le budget global de votre
ministère, nous manifesterions aux Français expatriés les plus déshérités la
solidarité qu'ils sont en droit d'attendre de nous. C'est pourquoi j'insiste
formellement, monsieur le ministre, pour que vous poursuiviez dans cette voie,
car il s'agit d'un enjeu essentiel. Votre département ministériel s'honorerait
en suivant la proposition que j'avais faite dès l'an dernier et en prenant les
mesures nécessaires à son application.
Au-delà de ce sujet très important, je voudrais également évoquer devant vous
mes préoccupations à l'égard des Français installés dans des pays qui ont eu à
connaître des crises politiques graves, en Afrique et en Asie, qui ont
entraîné, dans la plupart des cas, leur rapatriement en France.
Je sais combien le Quai d'Orsay, la direction des Français à l'étranger et la
cellule de crise ont à coeur de tout mettre en oeuvre pour aider nos
compatriotes. Mais je voudrais appeler votre attention sur le fait que nombre
d'entre eux font appel à nous, car ils se trouvent le plus souvent en France
avec pour toute ressource le revenu minimum d'insertion - ils ont perdu tous
leurs biens - et pour seul espoir quelques indemnisations.
Le dossier de l'indemnisation des Français victimes de troubles politiques à
l'étranger est depuis longtemps dans tous les débats, et vous-même, monsieur le
ministre, lors de l'ouverture solennelle de la cinquantième session de
l'assemblée plénière du Conseil supérieur des Français de l'étranger, en
septembre dernier, vous avez annoncé que vous aviez l'intention de vous en
préoccuper et de l'aborder avec les dirigeants des principales compagnies
d'assurances. Je ne peux que vous encourager dans cette voie - votre propos
avait, je ne vous le cache pas, touché beaucoup de membres du Conseil supérieur
- d'autant que les Français expatriés au titre de la coopération, je l'ai
rappelé hier au secrétaire d'Etat à la coopération, M. Josselin, ont droit,
quant à eux, à une indemnisation dont j'ai critiqué le montant, car il est
minime, mais qui a cependant le mérite d'exister.
Monsieur le ministre, pour différents motifs qu'il serait trop long d'évoquer
ici, la rigueur budgétaire est de mise, pour l'année 1998 et je le comprends.
L'avancée européenne, la monnaie unique, tout cela entraîne des contraintes,
mais ne croyez-vous pas qu'aider quelques milliers de Français qui sont dans
une situation de détresse particulière à l'étranger est une nécessité pour
votre ministère ?
Il y a là un devoir de solidarité et nous ne pouvons rester insensibles ni
vous, ni moi, à la situation de ceux qui, tout au long de leur carrière, n'ont
pas eu la possibilité de se constituer une retraite ou un capital pour assurer
leurs vieux jours et qui ne survivent, pour certains, que grâce à la générosité
et à la solidarité de la communauté française du lieu où ils résident.
Vraiment, monsieur le ministre, n'est-il pas possible, comme je vous l'ai
proposé, de doter votre fonds d'action sociale de 4 millions de francs chaque
année pendant cinq ans ? D'après nos estimations, cela permettrait de régler la
quasi-totalité des dossiers les plus sensibles.
Attachez votre nom à cette action et, au-delà des clivages politiques, la
communauté française expatriée, je vous le promets, vous en saura gré !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « une
diplomatie sans arme est comme une musique sans instrument ».
M. René Ballayer.
Oh !
M. Hubert Durand-Chastel.
Cette citation de Frédéric II de Prusse s'applique malheureusement à votre
projet de budget, monsieur le ministre.
M. Claude Estier.
Oh !
M. Hubert Durand-Chastel.
Au cours de son histoire, notre pays a acquis dans le monde un prestige et une
autorité morale que les autres nations nous envient ; votre département dispose
aussi d'un corps exceptionnel de diplomates de grande qualité et leur réseau
est le second du monde, après celui des Etats-Unis.
Or, le budget des affaires étrangères diminue régulièrement depuis plusieurs
années et, à notre époque de mondialisation, il est devenu tout à fait
inadéquat, avec un montant inférieur à deux millièmes de notre produit national
brut. On ne peut se satisfaire de constater qu'il y a seulement une
décélération des réductions annuelles, une réduction de la réduction, en somme
!
La France a décidé, voilà quarante ans, de relever le défi de la
mondialisation en participant en première étape à l'européanisation qui
permettra, à travers l'Union, de maintenir la mission universelle de notre pays
; mais des moyens suffisants doivent être fournis pour réussir cette noble
tâche, ce qui n'est pas le cas.
En effet, indépendamment de la réduction des effectifs de votre personnel et
de la diminution des crédits des moyens matériels de fonctionnement, les
dotations prévues pour les contributions obligatoires aux dépenses
internationales ne correspondent pas à la consommation prévisible ; il en est
de même pour les crédits d'intervention volontaire, qui placent notre pays
entre le douzième et le vingtième rang des donateurs.
Ces prévisions vont nous exclure des conseils d'administration des grands
programmes des Nations unies, qui procèdent actuellement à la réorganisation de
leurs structures de base, dans une époque de crise où nos intérêts vitaux et
notre influence traditionnelle sont en jeu.
Il convient de signaler également qu'une partie importante des dépenses du
ministère, libellées en francs, est effectuée en devises étrangères et dépend
donc, en fin de compte, des taux de change, ce qui constitue un élément
d'incertitude qui ne peut être sous-estimé.
J'en viendrai maintenant à quelques points d'actions spécifiques à votre
ministère.
Le premier réside dans l'insuffisance notoire de notre action audiovisuelle
extérieure. Depuis plusieurs années, le problème a fait l'objet de nombreux
rapports qui ont tous conclu à la gravité de la situation ; la crise de la
francophonie que nous vivons en est tout simplement le reflet et la
conséquence. En resterons-nous encore à un nouveau rapport ? Existe-t-il
vraiment une volonté politique sur ce sujet fondamental pour notre action et
notre image à l'étranger ? La faiblesse de notre présence audiovisuelle par
rapport à la BBC ou à la
Deutsche Welle,
pour ne pas parler de CNN, est
flagrante.
Je voudrais également évoquer le problème des volontaires à l'international.
Avec la fin de la conscription, la formule des coopérants du service national,
les CSN, va être supprimée. Ces CSN ont joué un rôle important pour le
développement de notre commerce extérieur, pour notre présence à l'étranger et
pour la formation des futurs cadres français à l'international. Nos
compatriotes, considérant à juste titre la douce France comme un pays béni des
dieux, perdent maintenant le goût du risque, le goût de l'aventure, en un mot
le goût d'entreprendre, par suite de l'extrême sécurisation de notre système
social que l'Etat providence leur procure. Je n'insisterai pas sur le nombre
très insuffisant de nos ressortissants français à l'étranger, nombre qui se
réduit sans cesse avec le retour de nos compatriotes d'Afrique et
d'ailleurs.
Les CSN ont constitué un vivier efficace et dynamique pour l'expatriation. Il
est important qu'une nouvelle formule soit rapidement mise en place, tant pour
les entreprises que pour le secteur public ; en effet, de nombreux coopérants
occupent actuellement des fonctions de service public à l'étranger, comme, par
exemple, les 500 coopérants qui accomplissent leur service militaire dans les
établissements d'enseignement français à l'étranger, les coopérants affectés
aux chambres de commerce et d'industrie à l'étranger ou aux comités consulaires
pour l'emploi et la formation. Je regrette à ce sujet que Mme Aubry, ministre
de l'emploi et de la solidarité, ait ecxlu de la loi relative au développement
d'activités pour l'emploi des jeunes les postes de service public à l'étranger,
comme ceux que je viens de mentionner.
Nous vous demandons, monsieur le ministre, d'appuyer le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie pour que soit rapidement mis en
place le projet pour l'envoi de 10 000 volontaires à l'international ; des
encouragements au départ sont à prévoir, maintenant que va se terminer
l'alternative des conscrits : la caserne ou la coopération. Ces volontaires
continueront à faire progresser notre commerce extérieur, dont la croissance
dépasse sensiblement celle de notre production nationale ; ils contribuent
ainsi puissamment à la création d'emplois en France pour la fabrication des
marchandises à exporter.
En ce qui concerne l'action culturelle française à l'étranger, je tiens à
souligner l'excellence et le rôle très bénéfique de nos établissements
d'enseignement français à l'étranger.
M. Jacques Habert.
Très juste !
M. Hubert Durand-Chastel.
Je précise au passage que le montant total des subventions des deux ministères
de tutelle - affaires étrangères et coopération - correspond au coût de la
scolarisation des seuls élèves français de ces établissements, si elle
s'effectuait en France même.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Hubert Durand-Chastel.
Ainsi, la scolarisation des élèves étrangers, nationaux des pays d'accueil et
étrangers tiers, qui, ensemble, représentent 60 % environ des effectifs totaux
d'élèves, constitue un avantage supplémentaire considérable pour la
francophonie et pour l'action culturelle, pour sans autre débours officiel.
Par ailleurs, monsieur le ministre, comme l'extrême médiocrité de votre projet
de budget ne vous permet absolument pas de fournir à ces établissements
français à l'étranger toute l'aide qui leur est nécessaire pour accroître leur
action, il paraît souhaitable que le ministère de l'éducation nationale
participe aussi à leur tutelle ; la situation actuelle est du reste
particulièrement étrange et anormale puisque les budgets de fonctionnement de
ces établissements scolaires correspondent, pour plus de 80 % de leurs
montants, à des traitements et charges sociales, et que la très grande majorité
des enseignants sont titulaires du ministère de l'éducation nationale, qui gère
leurs carrières et décide seul de leurs rémunérations.
Cette nouvelle tutelle permettrait aussi de pallier l'insuffisance notoire des
crédits d'investissements immobiliers de ces établissements, investissements
qui, aujourd'hui, dépendent surtout des campagnes financières locales.
Par ailleurs, le règlement du problème récurrent des bourses versées aux
élèves français dont les familles ne disposent pas de ressources suffisantes
pour faire face aux frais de scolarisation de ces établissements payants serait
facilité.
Je pense qu'il convient aussi, désormais, de tenir compte davantage de notre
appartenance à l'Union européenne dans nos établissements scolaires à
l'étranger. La formule d'établissements mixtes de plusieurs pays de l'Union
doit être encouragée ; elle fonctionne déjà à Taïwan, aux Philippines, en
Indonésie, en Australie, etc. Par ailleurs, dans les pays où l'enseignement
national est d'un bon niveau - en Europe surtout - un système d'échanges nombre
pour nombre de lecteurs et de professeurs de français et de la langue de
l'autre nation, dans les établissements des deux pays, peut représenter une
première solution économique à développer à notre époque d'austérité, avant de
passer à la construction, toujours coûteuse, de nouveaux établissements à
l'étranger.
Le dernier point que je voulais aborder concerne la protection des Français à
l'étranger. Les autorités françaises assument avec succès la sécurité et le
rapatriement de nos compatriotes en cas d'événements graves survenant dans leur
pays d'accueil. En revanche, aucune solution juridique n'est proposée pour
l'indemnisation des biens et pour la perte d'activité professionnelle des
Français qui ne sont pas des agents de l'Etat, et la réinsertion en France de
ces derniers reste toujours extrêmement difficile. Je pense en particulier à
nos compatriotes du Congo-Brazzaville qui ont tout perdu et qui, six mois après
les événements, n'ont pu redémarrer une activité faute de soutiens appropriés
sous forme de prêts bonifiés, d'accès à des formations de reconversion ou
d'aides au départ vers d'autres contrées. Monsieur le ministre, quand les
Français expatriés trouveront-ils l'aide au redémarrage qu'ils sont en droit
d'attendre de leur patrie ?
M. le président.
Je vous prie de conclure, mon cher collègue.
M. Hubert Durand-Chastel.
Tant qu'une protection complète ne sera pas véritablement définie,
l'expatriation, si nécessaire au développement économique de la France,
continuera à stagner, voire à régresser dans les zones réputées instables, et
l'on sait que les conflits régionaux risquent de s'intensifier dans le
monde.
Nous serons très attentifs à vos réponses, monsieur le ministre.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants. - M. Jacques Habert applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une crise
vient à nouveau d'opposer l'Irak aux Nations unies ou plus exactement aux
Etats-Unis. Il y a lieu, à cet égard, de faire quelques rappels.
Tout d'abord, la résolution des Nations unies n° 986 dite « pétrole contre
nourriture » est elle-même peu équitable puisque, sur le produit des
exportations de 2 milliards de dollars par semestre, 30 % de cette somme est
versée au fonds de compensation des victimes de la guerre du Koweït et aux
frais d'entretien de la commission spéciale de l'ONU chargée du désarmement de
l'Irak, 150 millions de dollars étant affectés à la population du Kurdistan qui
échappe à la souveraineté irakienne.
Selon le porte-parole de l'ONU à Bagdad, la ration alimentaire actuelle, qui
ne comprend pas de viande, s'élève à 2 030 calories par personne et par jour,
alors qu'il faudrait atteindre 2 500 calories.
En outre, pour 82 % de la population irakienne, la ration alimentaire ne dure
pas plus de vingt-cinq jours et, pour les familles les plus démunies qui
dépendent uniquement de l'assistance alimentaire, elle ne dure que seize jours.
De surcroît, de graves carences dans le système sanitaire sont à déplorer du
fait du manque d'équipement des hôpitaux et de l'insuffisance
d'approvisionnement en médicaments, qui expliquent une élévation du taux de
mortalité, en particulier chez les jeunes enfants, et je sais de quoi je
parle.
Sur un plan plus général, on peut considérer que les conditions économiques
collectives imposées à l'Irak, c'est-à-dire l'embargo décidé par l'ONU en 1991
à la suite du conflit du Koweït, devaient être levées après qu'il eut été fait
usage de la force armée contre l'Irak. Pourtant, depuis six ans, le peuple
irakien souffre toujours de façon extrêmement grave de l'embargo, dont la levée
devait être liée à l'achèvement du travail de la commission spéciale des
Nations unies pour le désarmement de l'Irak, l'UNSCOM.
Cette commission intervient en Irak depuis six ans et demi ; elle a détruit
tous les bâtiments, les équipements et les armements considérés comme prohibés,
parfois de façon arbitraire, car certaines installations pouvaient être
utilisées à des fins civiles.
Ayant achevé son programme de destruction, l'UNSCOM a entrepris depuis 1994
d'installer un système de contrôle à long terme en plaçant des caméras vidéo
dans des endroits considérés comme sensibles. Bien loin de signaler au Conseil
de sécurité qu'il ne reste plus d'armes prohibées et que le système de
surveillance fonctionne bien, la commission spéciale, dominée par les
Américains, a décidé de maintenir à l'infini l'embargo.
Dans le même temps, les services de renseignements américains fournissaient
des rapports peu fiables prétendant à l'existence d'armes cachées par
l'Irak.
L'Irak maintient sa coopération avec l'UNSCOM, tout en étant bien conscient
que les Américains dominent et manipulent cette commission dans laquelle le
rôle des inspecteurs de nationalité américaine est prépondérant et est de
nature à provoquer des incidents et des confrontations avec les autorités
irakiennes.
Il n'est pas excessif de considérer que l'UNSCOM fournissait donc une
couverture nécessaire aux services spéciaux américains pour espionner
tranquillement un pays étranger.
La crise qui vient de survenir a constitué la goutte qui a fait déborder le
vase tandis que l'effet de l'embargo touche dangereusement tous les aspects de
la vie du peuple irakien, jusqu'à mettre en péril le secteur même de la société
irakienne confrontée à l'intégrisme sunnite de l'Arabie saoudite et à
l'intégrisme chiite de l'Iran. Les Américains n'ont de cesse d'exhiber leur
hostilité contre ce pays, dont ils ne parviennent pas à accepter la
personnalité du dirigeant.
En octobre dernier, lors de la discussion au Conseil de sécurité du rapport de
l'UNSCOM et de l'Agence internationale de l'énergie atomique sur l'Irak, le
président de cette association a annoncé que le dossier nucléaire irakien était
clos. M. Butler, président de l'UNSCOM, a annoncé, pour sa part, la fin des
travaux concernant le dossier des missiles balistiques et a confirmé que le
dossier chimique était sur le point d'être clos.
Mais bien loin de faire part des progrès réalisés grâce à la coopération entre
l'Irak et l'UNSCOM, les pays anglo-saxons ont influencé le Conseil de sécurité
de l'ONU en prétendant que l'Irak n'assure pas la coopération suffisante avec
l'UNSCOM et entrave les travaux de ses inspecteurs.
Cela confirme que la politique des Etats-Unis est fondée sur l'objectif de
diabolisation du régime irakien et de déstabilisation des forces politiques de
ce pays. Si l'on en juge par la politique américaine qui domine le Conseil de
sécurité, l'embargo ne serait donc jamais levé.
Face à cette situation et aux souffrances de la population irakienne que
j'évoquais au début de mon exposé, l'Irak s'est vu contraint d'expulser les
inspecteurs américains de l'UNSCOM ; cette décision a été motivée par un souci
de protection contre les activités d'espionnage et les provocations exercées
par les inspecteurs américains et par le souhait d'inviter la commission
spéciale à plus d'impartialité et de professionnalisme dans un cadre juridique
dénué de considération politique.
Les revendications de l'Irak sont claires : il est indispensable de fixer une
date limite à la levée de l'embargo qui affame la population et accroît son
taux de mortalité ; l'impartialité des membres de l'UNSCOM doit être sans
ambiguïté et le mandat de ces derniers doit relever du Conseil de sécurité et
non pas des objectifs de la politique américaine ; il est nécessaire de
parvenir à une représentation plus équitable des fonctionnaires et des
inspecteurs de l'UNSCOM qui reflète réellement la position du Conseil de
sécurité, en particulier de ses membres permanents, pour garantir que les
Etats-Unis ne continueront pas à y remplir un rôle prépondérant ; il est
essentiel d'assurer le respect de la souveraineté et de la sécurité de l'Irak,
comme le sptipulent le préambule et les résolutions des Nations unies
concernant ce pays.
L'Irak est disposé à accueillir une commission d'experts neutres dans laquelle
les pays membres du Conseil de sécurité seront représentés dans des conditions
d'égalité et d'équité.
Dans ces conditions, l'Irak peut ainsi accepter la participation des
inspecteurs américains dans le cadre des activités de l'UNSCOM.
Je tiens à rendre hommage à l'action de conciliation qui a été menée par la
France, la Russie et la Chine qui sont les pays les mieux placés pour assurer
une application juridique équitable des relations des Nations unies.
La France, à cet égard, a joué un rôle déterminant dans sa requête pour que
les sanctions collectives soient déterminées de manière que l'on puisse
connaître les raisons du maintien de l'imposition des sanctions ainsi que les
conditions de la levée desdites sanctions et leur date limite.
Il est bien clair que la position des Etats-Unis est dictée par les intérêts
des pays pétroliers du Moyen-Orient ; c'est ainsi que l'Arabie Saoudite dispose
toujours du quota de trois millions de barils de pétrole par jour soustraits à
l'Irak en 1990.
Je confirme que les Nations unies ne doivent pas être utilisées comme une
couverture pour une politique dictée par les Etats-Unis et leurs alliés du
Proche-Orient.
Monsieur le ministre, je vous invite à sensibiliser le Gouvernement français
sur la nécessité d'une levée rapide de l'embargo puisque l'Irak s'est conformé
aux résolutions des Nations unies et que les sanctions collectives qui
continuent à lui être appliquées affament littéralement un peuple et
déstabilisent une société tout entière.
(Applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget des affaires étrangères pour 1998 peut être considéré comme un budget de
stabilisation avec une légère diminution des crédits après les très sévères
réductions intervenues ces dernières années. Ce projet de budget pour 1998 peut
même apparaître comme étant un cru prometteur. Va-t-il bien vieillir ou
sera-t-il victime des gels de crédits ou autres régulations budgétaires que
l'on a connus dans le passé ? Dans l'état, il est acceptable ; amputé, il
deviendrait nettement insuffisant.
La part du budget des affaires étrangères dans le budget général de l'Etat, je
le rappelle, était de 1,09 % en 1993. Elle est passée de 1,03 % en 1995 à 0,93
% en 1997. En 1998, elle se situera à 0,91 %. Nous souhaiterions que, dès le
prochain budget, les crédits des affaires étrangères atteignent, à nouveau, 1 %
du budget de l'Etat.
Cela étant dit, je précise que nous approuvons les priorités de la politique
extérieure française telles qu'elles ont été exposées par le Premier ministre
et par vous-même, monsieur le ministre, aux ambassadeurs de France réunis à
Paris en septembre dernier, priorités qu'on pourrait synthétiser ainsi qu'il
suit.
Première priorité : promotion des droits de l'homme et de la démocratie avec,
notamment, le réexamen des instruments internationaux en matière des droits de
l'homme auxquels la France n'est pas encore partie prenante.
Deuxième priorité : défense de la paix passant par une diplomatie bilatérale
qui sera d'autant plus efficace qu'elle sera relayée par des mécanismes
multilatéraux renforcés, ce qui passe par la défense de la légitimité et des
moyens de l'Organisation des Nations unies et par le soutien à la politique
internationale de désarmement et de non-prolifération.
Troisième priorité : coopération pour le développement, en particulier avec
les pays liés à l'Union européenne par la convention de Lomé, ce qui nécessite
une réforme des instruments techniques et financiers consacrés aujourd'hui à
cet effort.
Quatrième priorité : participation aux débats sur les défis globaux, tels que
l'environnement, l'éradication des épidémies, la maîtrise du développement
urbain, la lutte contre la drogue et le crime organisé.
Enfin, cinquième priorité : soutien à la francophonie. Sur ce plan, il y
beaucoup à faire.
Je ne peux évidemment, faute de temps, évoquer tous les problèmes qui
retiennent l'attention de notre diplomatie. Je m'en tiendrai donc à quelques
uns d'entre eux, qui sont de grands sujets de préoccupation.
Je commencerai par l'Algérie.
Nous nous sommes réjouis du succès des initiatives organisées ces dernières
semaines pour exprimer la solidarité du peuple français avec le peuple
algérien. Il ne s'agit pas là, comme certains nous le reprochent, d'une
ingérence dans les affaires intérieures algériennes, mais de l'affirmation que
nous ne pouvons pas demeurer indifférents devant le terrorisme sanguinaire qui
frappe ce pays si proche de nous par l'histoire, la géographie, la culture, les
relations humaines. On ne doit pas qualifier d'ingérence la volonté de savoir
ce qui se passe réellement en Algérie et quels moyens sont mis en oeuvre par
les autorités algériennes pour ramener la paix civile indispensable pour que le
peuple algérien puisse enfin bénéficier des richesses potentielles que possède
ce pays.
Nous devons veiller aussi à stopper la dégradation préoccupante des relations
entre la France et l'Algérie. Je souhaite, pour ma part, qu'un vrai dialogue
puisse redevenir possible avec tous les éléments de la société algérienne, que
ce soit au niveau politique, économique ou culturel. Il semble qu'une
initiative en ce sens va être prise par le Parlement européen. C'est une bonne
chose même si c'est encore peu.
Le groupe d'amitié France-Algérie du Sénat, que j'ai l'honneur de présider,
est disponible pour contribuer à un tel dialogue, comme j'ai déjà eu l'occasion
de l'indiquer voilà quelques jours au nouvel ambassadeur d'Algérie, M. Goualmi,
que j'a reçu ici même.
Enfin, je voudrais vous demander, monsieur le ministre, qu'un effort soit fait
pour mieux accueillir en France les Algériennes et les Algériens menacés par le
terrorisme. Le nombre des visas accordés a considérablement diminué ces
dernières années, vous le savez bien. Je sais qu'il y a un problème de
personnel aussi bien à l'annexe de Nantes qu'au consulat d'Alger, mais il y a
aussi un problème de compréhension à l'égard des demandes présentées. Je sais
que vous y êtes attentif et je compte sur vous, M. le ministre, pour qu'il y
soit remédié et que la France se montre plus généreuse.
Monsieur le ministre, vous revenez d'un voyage au Proche-Orient où vous avez
pu constater que le processus de paix est en grand danger. La violence née du
désespoir et de l'intransigeance risque à nouveau de submerger Israéliens et
Palestiniens.
La France doit prendre des initiatives, en liaison avec les Etats-Unis si
nécessaire, mais surtout pour tenter d'entraîner l'Europe pour qu'elle assume
pleinement dans cette région le rôle politique majeur qui lui revient.
Actuellement, il est prouvé que, si l'intervention américaine est
indispensable, elle n'est pas suffisante.
Votre voyage montre précisément la volonté du Gouvernement de ne pas baisser
les bras et de ne pas laisser à d'autres la responsabilité majeure d'une
présence positive dans la région.
Si le processus de paix est gravement affaibli, cela est dû en bonne partie,
vous l'avez vous-même rappelé souvent, à la politique du gouvernement de M.
Netanyahou à laquelle répondent naturellement les surenchères extrémistes d'une
fraction palestinienne. C'est ainsi que l'engrenage de la violence s'enclenche
à nouveau pour détruire l'espoir de paix.
Le gouvernement israélien parle aujourd'hui de quelques gestes mais, outre
qu'ils demeurent imprécis, l'écart semble rester grand avec ce que les
Palestiniens sont en droit d'attendre.
Pour rétablir la confiance, il faut un processus politique et pas seulement
des mesures ponctuelles. L'existence d'un Etat palestinien est bien au coeur de
la relance du processus de paix. Aujourd'hui, les droits politiques reconnus
aux Palestiniens leur sont déniés dans la pratique. Toute les mesures qui ont
pour effet de rendre la vie quotidienne intolérable aux habitants de la
Cisjordanie et de Gaza risquent de conduire le Proche-Orient vers une nouvelle
explosion majeure.
Les accords d'Oslo partaient implicitement de l'idée qu'un Etat palestinien
homogène et maître de sa sécurité, loin de constituer une menace pour Israël,
était au contraire la condition d'une paix durable. Fragiliser l'autorité
palestinienne et poursuivre les provocations, ne peut, à court et à moyen
terme, qu'accroître l'insécurité d'Israël.
Bien d'autres sujets, monsieur le ministre, pourraient trouver place dans mon
intervention auxquels je dois renoncer faute de temps.
Je ne parle pas de l'Europe puisque nous avons pu nous exprimer avant-hier sur
ce sujet à l'occasion du budget communautaire.
Je dirai quelques mots seulement sur l'Organisation des Nations unies, où je
me trouvais voilà trois semaines et où j'ai pu constater que la question du
financement de l'Organisation continue à peser lourd sur son avenir. Les
Etats-Unis, bien qu'ils aient obtenu le remplacement du secrétaire général
n'ont toujours pas réglé leur énorme dette, ce qui a aussi, bien évidemment,
une signification politique quant à leur comportement dans plusieurs régions du
monde.
Je dirai également quelques mots du traité d'Ottawa d'interdiction des mines
antipersonnel qui va être ouvert dans les jours prochains à la signature de
tous les Etats. Notre gouvernement a d'ores et déjà décidé d'interdire la
fabrication et tout usage de ces mines par notre pays, au plus tard en 1999. De
son côté, le Sénat a déjà adopté la loi de ratification du protocole n° 2 de la
Convention de 1980.
Nous aimerions que tous les textes se rapportant à ce fléau insupportable que
sont les mines antipersonnel puissent être débattus et votés par le Parlement
dans les prochains mois. Il y aurait là un signal fort donné par la France à
l'adresse des Etats récalcitrants en la matière.
Monsieur le ministre, vous nous parlerez peut-être tout à l'heure de la
situation en Bosnie et de vos récentes visites à Moscou avec le Président de la
République, puis avec le Premier ministre, visites qui me semblent relancer de
façon heureuse la relation entre la France et la Russie, qui constitue une
dimension essentielle de notre politique internationale.
Je m'arrête là, monsieur le ministre, en vous confirmant que le groupe
socialiste du Sénat soutient totalement l'action que vous menez à la tête de la
diplomatie française et que, bien entendu, il votera les crédits de votre
ministère en espérant qu'ils marqueront un nouveau progrès dans le budget pour
1999.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à titre de
propos liminaire, j'évoquerai les paroles d'un de nos philosophes dits
contemporains, qui considère notre xxe siècle comme l'un des moins violents de
l'histoire de l'humanité. Angoissante estimation, quand on sait les massacres
guerriers et les effroyables génocides perpétrés dans cette période. Cet auteur
estime cependant que « l'une des caractéristiques de l'humanité est de jouer
son destin et sa dignité sur le respect du plus faible », ce qu'on ne peut que
souhaiter.
Mission première des affaires étrangères, mission parmi les plus difficiles
mais aussi parmi les plus motivantes, le destin et la dignité de la France dans
le monde doivent continuer à faire l'objet de toute notre attention.
En considérant les moyens alloués au Quai d'Orsay pour maintenir l'influence
de la France sur la scène internationale, force m'est de constater que la part
du budget global des affaires étrangères dans le budget de l'Etat continuera à
décroître en 1998 dans la même proportion qu'en 1997.
Ce projet de budget est au demeurant parmi les plus modestes, puisqu'il
s'élève en effet à 14,387 milliards de francs. Cette baisse doit s'intégrer
dans les ambitions que notre pays s'est forgées en matière de réduction des
déficits publics.
Le référendum de septembre 1992 a montré que le peuple français souverain
acceptait l'ensemble du processus qui permettrait à la France de figurer au
rang des Etats européens participant à la mise en oeuvre de l'euro. L'heure est
donc à la définition des priorités.
Il faut, de plus, relativiser la modestie des montants alloués au projet du
budget du ministère des affaires étrangères pour 1998, qui ne tiennent pas
compte des opérations de politique extérieure financées par l'Etat. Si l'on
réintègre ces sommes au budget du Quai d'Orsay, on arrive alors à un total de
50,3 milliards de francs pour 1998, par rapport à 47,92 milliards de francs
l'année précédente, soit finalement une augmentation de 4,96 %, augmentation
qui démontre la volonté de maintenir, sinon d'améliorer la présence
diplomatique de la France dans le monde.
Nous pouvons tous nous enorgueillir de disposer du deuxième réseau
diplomatique dans le monde, après les Etats-Unis. Doit-on cependant en déduire
que l'importance de la présence française peut être mesurée au nombre de ses
représentations diplomatiques ?
Toute la question est de positionner les représentations là où elles sont les
plus utiles, je pense en particulier aux nouvelles démocraties d'Europe
centrale et orientale, à ces Etats où la France peut construire des
coopérations fructueuses, comme vous venez de le faire à Canton.
Le 28 août dernier, vous présidiez, monsieur le ministre, la cinquième
conférence des ambassadeurs. A cette occasion, vous avez énuméré les priorités
que rappelait tout à l'heure M. Estier, priorités que la France entendait
suivre en matière de diplomatie, à savoir : assurer la protection des droits de
l'homme et de la démocratie, défendre la paix, veiller à la coopération pour le
développement, soutenir la francophonie et promouvoir la protection de
l'environnement et de la santé publique.
Les affaires étrangères ont également pour mission de favoriser les relations
économiques et commerciales des entrepreneurs français à l'étranger et de
participer à la diffusion la plus large possible de la culture française et de
l'enseignement du français.
Tout en étant conscient que les objectifs fixés nécessiteraient un effort
budgétaire très important, voire trop important pour atteindre un niveau de
réalisations à la hauteur de l'ambition, on pourrait considérer que le projet
de budget pour 1998 marque néanmoins une progression qu'il conviendrait
d'inscrire dans une programmation afin de la consolider lors du prochain
budget.
Dans la même ligne, je ne peux que me réjouir de constater que les moyens des
services augmentent de 2,83 %, ce qui implique un accroissement significatif
des subventions de fonctionnement allouées à l'Agence pour l'enseignement du
français à l'étranger. Je ne suis pas hostile
a priori
au grands sommets
de la francophonie. Toutefois, je n'en connais pas les incidences
financières.
Je crois cependant que l'atout essentiel demeure d'apprendre à l'étranger la
pratique de notre langue, de diffuser notre littérature, de développer notre
rayonnement audiovisuel dans le monde, d'être présent en notre langue sur les
réseaux informatiques, et je vous renvoie sur ce sujet au rapport de notre
collègue M. Laffitte.
La nostalgie de la francophonie d'antan doit être remplacée par une volonté
d'atteindre la jeunesse en utilisant au mieux les méthodes actuelles et
d'apprendre nous-mêmes les langues étrangères pour promouvoir le français. Ne
soyons pas pessimistes !
Je vais vous confier une anecdote. Président d'un comité mondial de
neurotraumatologie, j'étais obligé, d'après les statuts de cet organisme, de
m'exprimer en anglais devant des spécialistes de tous les pays du monde. Jugez
de ma satisfaction quand, à la demande de la moitié des participants, je dus
ensuite traduire mes propos en français !
Grâce aux technologies modernes, nos attachés culturels peuvent diffuser plus
aisément notre apport et, en retour, nous transmettre, transmettre à nos
écoliers en France la culture des autres, car la culture est celle de tous,
celle que nous donnons, mais aussi celle que nous recevons, du fait de la
mondialisation d'un passé si riche, et d'un présent si prometteur.
Sans faire de science-fiction, comment l'entrevoir, sinon dans une présence
affirmée par des cours interactifs entre enseignants et élèves, quel que soit
le pays où ils se trouvent, la présentation mutuelle d'événements artistiques,
les visites virtuelles, des formes de discussions nouvelles.
N'avons-nous pas un retard à rattraper vite, très vite, car les années ne sont
plus ce qu'elles étaient ? Elles se compteront peut-être désormais en fonction
des centres multimédia, diffuseurs de notre culture et récepteurs de celle des
autres. Il s'agit d'un échange, car la culture est plurielle.
Il en est de même pour le commerce international, mais si la première se
partage, le second se défend et s'arrache !
Notre système est-il encore adapté ? Les contacts de nos attachés officiels
sont-ils en adéquation avec les intérêts de nos sociétés publiques et privées ?
La rigueur, bien sûr, est de mise ! Quelle est celle des autres, de nos
concurrents ? Où se situe la limite du dynamisme ?
S'agissant de la suppression graduelle des effectifs de coopérants, j'approuve
pleinement la création annoncée d'un volontariat international. J'émettrai à
cet égard une mise en garde quant à la qualité et au volume des effectifs qui
doivent rester au moins aussi importants pour maintenir la cohérence de
l'action de la France dans le monde. Mais une formation sérieuse n'est-elle pas
indispensable ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Europe se
crée, en une bien longue gestation. Les historiens du futur en étudieront les
causes et dénonceront peut-être les prédateurs.
Les différents piliers de cette Europe se bétonnent, dans le temps qui passe,
les uns après les autres. Porteront-ils un jour la plate-forme d'actions
communes dans le domaine de la défense, dans le domaine des affaires étrangères
aussi, où l'addition des moyens deviendra une somme prépondérante à l'échelle
mondiale, au-delà des diversités de nos histoires, de nos identités conservées,
de nos langues, de l'amour de nos terroirs et de nos modes de vie ?
Notre coopération, notre cohésion européenne, celle de nos peuples,
prendraient alors une autre dimension, une autre efficacité vis-à-vis du reste
du monde.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans ce
présent et confiant dans l'avenir européen, au moment où la structure
géopolitique mondiale est en cours de recomposition, il nous faut
impérativement relever les nouveaux défis qui s'offrent à nous.
La France doit continuer à assumer le rôle diplomatique qui a toujours été le
sien en politique internationale. Mais il faut lui en donner les moyens.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, le groupe du Rassemblement démocratique
et social européen estime qu'il est indispensable d'inscrire la modération du
budget pour 1998 des affaires étrangères dans une programmation qui permettra à
celui-ci d'être revu à la hausse, nous l'espérons, lors des prochains
budgets.
Dans ces conditions, le groupe du Rassemblement démocratique et social
européen votera, dans sa grande majorité, le projet de budget pour 1998 que
vous nous présentez.
M. le président.
La parole est à Mme Brisepierre.
(MM. Charles de Cuttoli et Paul d'Ornano applaudissent.)
Mme Paulette Brisepierre.
Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur les détails du présent projet
de budget, qui a été excellemment analysé par nos rapporteurs.
Toutefois, en tant que sénateur des Français à l'étranger, je survolerai
rapidement certains points.
En premier lieu, je relève l'importance pour nos compatriotes de la direction
des Francais de l'étranger.
Je tiens à saluer tout particulièrement la qualité, le professionnalisme et le
sens humain des services de cette direction à tous les échelons. Dans des
circonstances particulièrement difficiles comme celles que nos compatriotes ont
vécues ces derniers mois au Congo, la direction des Français à l'étranger a
témoigné une fois de plus de sa disponibilité et de sa capacité de gestion des
crises.
Cette direction, de plus en plus performante et efficace, est indispensable
pour les Français à l'étranger.
Son budget devrait être renforcé, notamment pour tout ce qui a trait au fonds
d'action sociale et d'aide à nos compatriotes en difficulté, comme l'a si bien
souligné M. Cantegrit.
En ce qui concerne l'Agence de l'enseignement du français à l'étranger,
celle-ci tient une place de premier plan, et j'estime que la plus grande
réussite de la France dans le monde est justement la qualité de son
enseignement.
Cela dit, je dois ajouter un bémol : le coût de cet enseignement pour les
Français de l'étranger. La mission de l'Agence est essentielle, puisqu'elle
gère 150 000 élèves à travers le monde, dont 41 % de Français. Mais ses charges
sont de plus en plus lourdes et l'Etat - contrairement aux engagements pris en
séance publique, en 1990, par M. Thierry de Beaucé - ne peut faire face à ces
charges et en transfère une partie de plus en plus importante aux parents
d'élèves.
J'ai encore en mémoire les engagements pris par M. de Beaucé lors de cette
séance publique alors que tous les sénateurs de l'opposition gouvernementale
étaient contre la création de l'Agence, sachant parfaitement que celle-ci
générerait des charges très lourdes pour les parents : « La création de
l'Agence, madame Brisepierre, est faite, dans un premier temps, pour stabiliser
les frais d'écolage, dans un deuxième temps pour diminuer la charge actuelle
des parents ». On sait ce qu'il en est de ces engagements pris, pourtant, au
nom du gouvernement de l'époque !
Certes, l'augmentation régulière de l'enveloppe des bourses est un palliatif,
et je vous remercie monsieur le ministre, de l'effort réalisé cette année,
effort que nous apprécions tout particulièrement dans le contexte actuel.
Mais je tiens à mettre en évidence la course perpétuelle que se livrent les
droits d'écolage et l'enveloppe des bourses. Les premiers prennent l'ascenseur,
les seconds un escalier raide et en colimaçon. Quand y aura-t-il deux
ascenseurs ?
Enfin, une part importante du budget du ministère des affaires étrangères
étant soit réglée en devises, soit consacrée à des rémunérations de personnel
en service à l'étranger, est soumise à la variabilité des taux de change et à
l'évolution des prix dans le monde.
Le projet de budget qui nous est soumis pour 1998 est fondé sur un taux de
change d'un dollar américain pour 5,66 francs. Or la plupart des prévisions
macro-économiques - notamment celles qui sont retenues par votre Gouvernement -
table sur un dollar à six francs.
Si cette dernière hypothèse était confirmée dans les faits, il en résulterait
une réduction sensible des moyens réels pour les services à l'étranger.
N'avez-vous pas d'inquiétude à ce sujet, monsieur le ministre ?
J'en viens maintenant à un sujet qui a déjà été abordé et sur lequel nous
attendons des précisions, je veux parler de l'avenir des postes occupés
aujourd'hui par des jeunes appelés et dont le remplacement, à la suite de la
réforme du service national, reste actuellement un grand point d'interrogation,
tant sur le plan quantitatif que sur celui de la qualité de ceux qui prendront
la relève. Aujourd'hui, sur 4 766 jeunes appelés en 1995, près de 3 000
appartiennent au volontariat en entreprise. Or, faut-il le rappeler, tous ces
jeunes sont de haut niveau, minimum bac + 4 et souvent bien plus.
La réforme mise en oeuvre par votre Gouvernement ne répond pas aux inquiétudes
quant au remplacement des appelés par un volontariat dont ni les conditions
financières, ni les conséquences sur la gestion humaine des effectifs ne sont
évaluées.
Dans l'état actuel des choses, les perspectives élaborées dans le cadre de la
réforme du service national font état d'une perspective de 3 000 volontaires
c'est-à-dire à peine plus de la moitié des effectifs actuels des jeunes gens
qui effectuent leur service national dans la coopération ou l'aide
technique.
En particulier, comment remplacerez-vous la centaine de postes occupés
aujourd'hui par des appelés qui contribuent au fonctionnement de nos ambassades
et consulats ? De toute manière, vous le savez, ce type de postes n'est pas
compatible avec l'esprit d'un service volontaire. Comment allez-vous combler ce
déficit humain au sein de notre réseau diplomatique ?
Par ailleurs, vous mettez régulièrement à la disposition des Alliances
françaises et des centres culturels des coopérants volontaires. Comment les
paierez-vous ? L'intérêt est évident en terme de rayonnement culturel.
Il en est de même pour les coopérants qui sont aujourd'hui affectés aux
établissements de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger. Ces
jeunes enseignants, plus de 250 aujourd'hui, permettent en effet de maintenir
un enseignement français de qualité dans des pays où l'éducation nationale ne
parvient pas à recruter les personnels nécessaires, jouant ainsi un rôle
décisif, non seulement pour le rayonnement de notre langue et de notre culture,
mais aussi pour le service de nos compatriotes expatriés. Ils représentent
aujourd'hui 10 % de l'ensemble des enseignants de l'Agence.
Si, dans l'hypothèse optimiste, la moitié des enseignants sont remplacés par
de jeunes volontaires, comment pensez-vous pallier une telle carence de
professionnels et, surtout, comment pourrez-vous obtenir les moyens financiers
nécessaires pour y remédier ? L'échéance est dans deux ans. Avez-vous anticipé
les conséquences budgétaires et humaines de ce bouleversement ?
Et, surtout, comment attirer des jeunes titulaires d'un bac + 5 ou d'un bac +
6 pour assurer les missions aujourd'hui dévolues à des appelés ? L'aspect
financier pèsera lourd, demain, dans votre budget pour assurer ce remplacement.
Il est urgent qu'une solution soit trouvée.
Enfin, comme tous mes collègues, je suis particulièrement préoccupée par la
situation de mes compatriotes du Zaïre, hier, du Congo, aujourd'hui, qui se
trouvent totalement ruinés par des faits politiques dans lesquels ils n'ont
aucune responsabilité et qui devraient pratiquement être assimilés à des
catastrophes naturelles.
Je sais que le problème est pour vous plus que difficile : je sais que vous
l'étudiez et que vous n'avez pas trouvé de solution, mais c'est l'honneur de la
France que d'aider ses enfants quand ils sont en difficulté. Le cardinal de
Richelieu ne disait-il pas que la politique n'est pas l'art du possible, mais
l'art de rendre possible ce qui est nécessaire ?
Nous comptons sur vous pour cela, monsieur le ministre !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'estime que
les questions de notre politique étrangère et de sécurité doivent être traitées
de concert avec nos partenaires de l'Union européenne, et que, lorsqu'il le
faut, nous devons prendre nos distances vis-à-vis d'une politique américaine
qui n'est pas toujours très cohérente. Les Américains se veulent intraitables
avec l'Irak, la Libye ou Cuba, et très accommodants avec la Chine et
l'ex-Zaïre.
Cela est valable, par exemple, pour la question des embargos souhaités et
menés par les Etats-Unis, qui touchent un tiers de l'humanité. Ces politiques
unilatérales n'ont pour résultat que la misère des peuples frappés et,
paradoxalement, la pérennité des dirigeants qu'on disait vouloir écarter.
Il est important de disposer de moyens suffisants, certes, mais nous avons
atteint la cote d'alerte en ce qui concerne le recrutement du personnel local
dans nos postes à l'étranger.
A quoi cela sert-il de s'accrocher à la proclamation que notre réseau
diplomatique et consulaire est le deuxième de la planète ? Il ne suffit pas de
défendre cette médaille d'argent. Il faut voir dans quel état nous serons pour
nous maintenir sur la deuxième marche du podium ! Les effectifs en constante
régression sont compensés par des contractuels locaux, à qui nous n'accordons
qu'un salaire réduit, sans garantie d'emploi et sans formation.
Je traiterai à présent de l'importance des contributions volontaires pour
maintenir le rayonnement de la France à l'étranger.
Depuis 1990, les dotations du chapitre correspondant aux contributions
volontaires ont baissé de 67,3 %. Cette véritable dégringolade a des
conséquences sévères pour notre action extérieure.
Il faut savoir que les principaux bénéficiaires de nos contributions
volontaires ont été, en 1995 : le programme des Nations unies pour le
développement - le PNUD -, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les
réfugiés - le HCR -, le programme alimentaire mondial - le PAM -,
l'Organisation mondiale de la santé - l'OMS -, le Fonds des Nations unies pour
l'enfance - l'UNICEF -, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentaire et
l'agriculture - la FAO -, le Programme des Nations unies pour l'environnement -
le PNUE -, le Fonds des Nations unies pour les activités en matière de
population - le FNUAP -, et l'Organisation des Nations unies pour le
développement industriel - l'ONUDI.
Depuis quelques années, la présence française dans ces organisations
s'amenuise et, en conséquence, nous avons assisté, depuis le début de l'année
1997, à des revers électoraux importants à la tête d'organisations
internationales.
Certains organismes pourraient même exclure la France de leur conseil
d'administration, faute de financement français.
Une autre conséquence de cet abandon financier français est que les experts et
techniciens français sont moins recrutés que naguère. La place du français dans
les instances internationales s'affaiblit et, même dans le domaine de
l'humanitaire, nous avons perdu beaucoup de positions. On pourrait donc avoir
des retombées avec une possible fuite de sièges d'organisations internationales
qui quitteraient la France, et nous perdrons de plus en plus de marchés pour
nos entreprises.
J'en reviens à l'importance qu'il y a de doter l'Europe d'une identité propre
sur la scène internationale.
Nous savons que l'Union de l'Europe occidentale, l'UEO, est, depuis le traité
de Maastricht, à la fois la composante de défense de l'Union européenne et le
pilier européen de l'Alliance atlantique. Elle est chargée d'exprimer la
volonté des Européens, d'affirmer leur identité en matière de sécurité et de
défense.
Sur le plan institutionnel, l'UEO a les moyens d'agir, mais elle ne les
utilise que fort peu.
A côté des enjeux économiques et culturels, il faut veiller à la préservation,
à la consolidation d'une base industrielle européenne en matière d'armement.
Or la notion française de « préférence européenne » n'est pas, dans ce
domaine, partagée par tous les membres de l'Union.
Le traité d'Amsterdam a apporté quelques améliorations, mais le pilier de
défense, qui doit être obtenu grâce au resserrement des relations entre l'Union
européenne et l'Union de l'Europe occidentale, tarde à se concrétiser.
Unis et forts, ou faibles et dominés : voilà l'enjeu de la construction d'une
architecture de sécurité européenne pour le XXIe siècle.
Je souhaiterais maintenant évoquer quelques points particuliers.
Après la fermeture des consultats à Florence et Mons, on annonce Venise. Ces
fermetures seront-elles qualitativement compensées par des consultats communs
avec l'Allemagne ?
Ne pensez-vous pas que pour les services de Nantes il y a urgence à déclencher
une véritable opération SAMU ?
Je rappellerai les dysfonctionnements courriers : délais de délivrance des
actes, soixante-dix postes de permanents occupés par des contractuels depuis
plus de dix ans...
Enfin, de retour d'Hanoï, de Bangkok et de Phnom-Penh, je souhaite maintenant
évoquer quelques points qui m'ont été signalés au cours de ce voyage.
A Bangkok, après la chute de la monnaie thaïe, des problèmes urgents de frais
d'écolage et de bourses se posent. Pour l'école, la chancellerie, l'aménagement
d'un terrain, quels sont vos choix d'investissement ?
Le Cambodge, pays en transition, doit encore, quatre ans après les élections
organisées sous l'égide des Nations unies, en mai-juin 1993, trouver les formes
de sa stabilité.
Notre objectif d'assise de la stabilité du pays passe notamment par un effort
d'assistance dans le domaine de la construction de l'Etat de droit. Cet effort
s'accompagne d'actions de coopération dans les domaines des infrastructures, de
la santé, de la formation des hommes et du développement rural, actions propres
à créer les conditions du développement et de l'avènement de la démocratie. Le
succès de nos actions de coopération montrent que la francophonie y est
parfaitement vivante.
Présence culturelle avec l'Ecole française d'Extrême-Orient, au musée de
Phnom-Penh, et renforcement que je sollicite pour l'équipe pédagogique du lycée
français Descartes ; il s'agit de la seule petite augmentation de crédits qui
pourrait intéresser le Cambodge.
C'est en ce sens que nous avons maintenu intégralement notre appareil de
coopération après les événements de juillet, alors que certains contributeurs
choisissaient, pour des raisons politiques immédiates, d'arrêter leurs
programmes.
Nous avons soutenu le processus visant à la tenue d'élections générales en mai
1998, conformément à la Constitution de 1993 et à l'esprit des accords de paix
de Paris. Nos actions spécifiques dans ce domaine ont été relayées par l'Union
européenne. Je souhaite que vous les souteniez pour que les prochains scrutins
puissent être organisés dans de bonnes conditions.
Pour conclure, monsieur le ministre, ces élections nous paraissent très
importantes, car elles témoigneront du souci que m'ont exprimé les membres -
dont nombreux sont francophones - du bureau de l'assemblée nationale khmère, où
j'ai été reçu, d'engager leur pays, à terme, sur la voie d'une véritable
démocratie.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Monsieur le ministre, depuis quinze ans, et surtout au cours des cinq
dernières années, le « budget » a fait observer au ministère des affaires
étrangères « des jeûnes si austères » que j'en étais venue à demander à votre
prédécesseur s'il ne craignait pas de devenir le chef « d'une idée, d'un
fantôme, d'une façon de ministère des affaires étrangères » pour paraphraser
Maître Jacques.
Mais je sais, monsieur le ministre, que vous refusez la fatalité qui, de
restrictions de moyens en réductions de personnel, mènerait votre
administration à l'impotence. Vous avez pris la direction des affaires alors
que la préparation du budget se terminait, et vous avez réussi, d'une part, à
limiter la baisse prévue des crédits et, d'autre part, à opérer des choix qui
raniment l'espoir : le maintien des crédits de l'action culturelle extérieure
au-dessus de 3 milliards de francs, la relance de l'informatisation du service
central de l'état civil, l'augmentation de 3,5 % de la subvention à l'Agence
pour l'enseignement français à l'étranger et, dans ce cadre, l'augmentation de
6 % du budget des bourses scolaires.
Et pourtant, c'est encore une année difficile qui va commencer tant pour le
ministère et ses personnels que pour les Français établis à l'étranger.
La réduction excessive des personnels dans les dernières années, et surtout
celle des agents de catégorie C, partiellement remplacés par des agents de
recrutement local, au statut précaire, souvent privés de protection sociale,
entrave le fonctionnement des services centraux et extérieurs. J'ai visité plus
de quarante communautés françaises en 1997 et je puis vous assurer qu'il n'est
guère de poste où les services fonctionnent bien, quels que soient la
compétence et le dévouement des personnels, toutes catégories confondues.
Permettez-moi d'apporter quelques exemples, limités aux consulats, mais j'en
aurais bien d'autres sur les chancelleries diplomatiques et les services
culturels.
A Brazzaville, en décembre 1996, un bureau d'état civil est fermé depuis six
mois, faute d'agent, et un plan de sécurité est mis en chantier. Ce plan n'est
pas à jour quand la guerre civile éclate en juin 1997 : le consul dévoué, mais
surmené, contraint d'exécuter lui-même les tâches de ses agents, n'avait pas pu
y consacrer le temps nécessaire.
Londres, le 16 octobre 1997, à 9 heures du matin : 150 étrangers attendent sur
le trottoir de
Cromwell Road.
Ce sera le premier jour, depuis le 1er
septembre, où tous seront reçus. La suppression des postes de vacataires, faute
de crédits pour les rémunérer, avait conduit à fermer des guichets et à
refouler, chaque jour pendant six semaines, des dizaines de demandeurs.
Je ne parlerai d'Alger, poste très difficile où la France maintient avec
ténacité sa présence diplomatique et consulaire, que pour rendre hommage au
courage du personnel de l'ambassade et des gendarmes chargés d'assurer la
protection.
Monsieur le ministre, vos personnels ont réellement à souffrir d'une situation
de pénurie nuisible au service public, à notre diplomatie, à notre action
culturelle extérieure comme aux Français établis à l'étranger. Il n'est
vraiment pas possible de continuer à faire fonctionner des services extérieurs
de l'Etat comme des entreprises délocalisées. La réputation de la France en est
ternie, malgré tous les efforts déployés par ailleurs pour redorer son
prestige.
Monsieur le ministre, je vous poserai seulement quelques questions sur les
missions du ministère.
Quelles dispositions comptez-vous prendre pour que la mission de l'adoption
internationale soit en mesure de remplir les nouvelles fonctions nées de la
mise en oeuvre de la convention de La Haye que nous nous apprêtons à ratifier
?
Quels sont les projets du ministère sur le volontariat international ?
Ne pourriez-vous envisager une transposition des emplois-jeunes, dont j'avais
défendu en vain l'extension à l'étranger, avec une validation de l'expérience
acquise pour préparer le retour en France et selon une formule plus ouverte à
l'ensemble de la jeunesse que l'actuel système des coopérants du service
national ?
Comment va-t-on remplacer les allocations exceptionnelles des personnels
français recrutés locaux des instituts et de l'AEFE ? Ne pourrait-on pas faire
de la préparation de leur réinsertion en France la base légale d'un
indispensable complément de rémunération ?
Quant à l'aide sociale aux Français à l'étranger, nous ne pouvons pas accepter
qu'elle diminue, car la crise les frappe souvent plus durement qu'en France.
D'ailleurs, s'ils vivent hors d'Europe, ils ne disposent d'aucun filet de
sécurité. Je préciserai mon propos en défendant l'amendement que mon groupe a
déposé.
Enfin, monsieur le ministre, que ferons-nous en faveur des Français de
l'étranger qui perdent tout dans des crises politiques telle que celle du Congo
?
Monsieur le ministre, nombreux sont les Français de l'étranger qui vous font
confiance pour réorienter le ministère des affaires étrangères vers plus
d'efficacité diplomatique, d'une part, et vers plus de justice envers les
personnels et les Français de l'étranger, d'autre part.
Cela suppose que le Gouvernement prenne enfin conscience de la dimension
internationale de toutes ses actions et qu'il donne à votre ministère les
moyens de les coordonner.
(Applaudissements sur les travées socialistes
ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Biarnès.
M. Pierre Biarnès.
Monsieur le ministre, comme je l'ai déjà fait à maintes reprises avec vos
prédécesseurs successifs, mais en vain, je souhaite profiter de l'examen de
votre budget pour vous entretenir des graves problèmes de l'enseignement
français à l'étranger, que plusieurs de mes collègues ont déjà évoqués.
Nous sommes assez unanimes sur ce point. Cet enseignement ne relève, hélas !
jusqu'à présent que de votre ministère, alors qu'il devrait relever aussi, vous
le savez, de celui de l'éducation nationale, dont c'est en fait plus la
vocation que la vôtre.
Avec ses quelque 300 établissements répartis sur les cinq continents, l'Agence
pour l'enseignement français à l'étranger, qui assure cet enseignement,
poursuit deux missions différentes, également légitimes : d'une part,
scolariser les enfants des Français de l'étranger selon les normes
métropolitaines et, d'autre part, contribuer à la diffusion de notre langue et
de notre culture à l'étranger, en complément, capital dans de nombreux pays, de
l'action de nos instituts et de nos centres culturels, ainsi que de celle des
alliances françaises.
Mais, si la seconde de ces missions est clairement de la vocation du ministère
des affaires étrangères, la première, en effet, ne l'est pas nécessairement et
relève plutôt de celle du ministère de l'éducation nationale, car c'est une
affaire avant tout franco-française.
Ainsi que l'avaient reconnu M. Valéry Giscard d'Estaing voilà plus de
vingt-cinq ans déjà, François Mitterrand par la suite - ils n'ont
malheureusement tenu, l'un et l'autre, que très imparfaitement leurs promesses
- les enfants français de l'étranger ont droit, non seulement à un enseignement
de même qualité que celui qui leur serait dispensé en France, mais aussi à la
gratuité de cet enseignement.
La première de ces exigences est aujourd'hui pour l'essentiel satisfaite ; on
est encore très loin de compte pour ce qui est de la seconde.
Alors qu'il prend en charge la totalité des coûts de scolarité en France,
l'Etat ne contribue que pour moins de la moitié - par des subventions à la
construction de quelques bâtiments, par la mise à disposition, à ses frais, de
certains personnels et par l'octroi de bourses - à la couverture des coûts de
scolarité des enfants français à l'étranger. La situation tend d'année en année
à s'aggraver : de moins en moins de constructions sont financées par lui ; le
nombre des personnels « expatriés » - qui sont les seuls totalement à sa
charge, à la différence des « résidents », qui ne le sont que pour partie, et
des « recrutés locaux », qui sont totalement payés par les parents - diminue
régulièrement ; le volume des bourses demeure à un niveau assez bas, malgré
quelques relèvements intervenant de temps à autre, comme cette année, ce dont
nous vous remercions.
Au total, le réseau scolaire français à l'étranger tend inexorablement à
devenir un réseau d'écoles pour les riches.
En moyenne internationale et tous cycles confondus, les familles doivent payer
actuellement plus de 1 200 francs par élève et par mois ! Sont tout
particulièrement touchées les familles de classe moyenne, qui n'ont pas droit
aux bourses sans être pour autant vraiment à l'aise et, parmi elles, les
familles binationales, qui constituent plus de la moitié de l'expatriation
française.
Un nombre grandissant d'enfants de ces familles-là sont, en fait, exclus du
réseau, ce qui est tout à fait injuste, mais aussi profondément contraire à nos
intérêts nationaux les plus évidents : cette perte de locuteurs français
d'origine franco-étrangère constitue, en effet, à moyen et long termes, un
gâchis culturel, commercial et politique.
Le fait que l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger soit sous la
tutelle exclusive du ministère des affaires étrangères - ce que symbolise la
présidence ès qualités du directeur général des relations culturelles,
scientifiques et techniques - et, donc, que son financement public ne dépend
par voie de conséquence que du budget, bien trop insuffisant, de ce ministère
éminemment pauvre - et, secondairement, de son « annexe », le ministère de la
coopération, qui est encore beaucoup plus mal loti - est la cause fondamentale
de cette situation de plus en plus intolérable.
Comme il est difficile d'imaginer que les crédits alloués aux affaires
étrangères seront augmentés de façon substantielle dans le futur ni que la part
de ceux-ci qui est affectée à l'enseignement français à l'étranger augmentera
de façon suffisante dans les prochaines années, il en découle que, pour assurer
son avenir, l'Agence doit être libérée de cette tutelle exclusive et
impécunieuse, et le plus tôt sera le mieux !
L'idée d'une cotutelle affaires étrangères-éducation nationale, que nombre de
mes collègues ont déjà évoquée - Mme Cerisier-ben Guiga, voilà quelques jours
encore, dans une question au Gouvernement - vient immédiatement à l'esprit.
La tutelle des affaires étrangères doit être maintenue, du seul fait qu'il
s'agit d'activités françaises à l'étranger qui s'exercent dans le cadre de
conventions internationales. Mais l'éducation nationale doit être beaucoup plus
impliquée qu'aujourd'hui, où elle n'a en charge que la responsabilité
pédagogique du réseau ; en fait, la charge financière de celui-ci doit
également lui être confiée progressivement, au moins jusqu'à un certain point.
En contrepartie, la cotutelle devrait lui être attribuée, par modification de
la loi de 1990, qui régit l'Agence.
Il s'agirait là d'une décision éminemment politique, dont le Premier ministre
devrait faire son affaire, avec l'appui, s'il se révélait nécessaire, du chef
de l'Etat, afin que soient mis au pas les tenants de toutes les vieilles
routines corporatistes qui ont fait jusqu'à présent obstacle à une telle
solution.
En effet, comment l'enseignement primaire et secondaire est-il gratuit en
France, si ce n'est grâce à la prise en charge, par le ministère de l'éducation
nationale, qui en a les moyens budgétaires, des personnels dans leurs
catégories statutaires respectives, des bâtiments - construction et entretien -
et des fournitures, et non grâce à un système de bourses ?
Dans un budget qui représente à peu près 20 % du budget total de la nation,
dont environ 17 % au seul titre de l'enseignement primaire et secondaire,
contre 0,91 % pour le ministère des affaires étrangères, le financement, au
moins pour partie, de l'enseignement des enfants français à l'étranger ne
représenterait vraiment pas un montant excessif.
Pour en arriver là, peut-être faudrait-il admettre, enfin et une fois pour
toutes, que les enfants des Français de l'étranger ont le droit d'être traités
comme des enfants français à part entière, même si leurs parents, du fait de
leur situation géographique, n'ont pas la possibilité de bloquer les routes de
l'Hexagone ou de paralyser le métro parisien !
Monsieur le ministre, je sais que, à la différence de vos prédécesseurs, de
gauche comme de droite, vous êtes personnellement ouvert aux propositions que
je viens d'évoquer. Je sais que, en revanche, M. le ministre de l'éducation
nationale, après avoir hésité un peu, s'est finalement rallié, ces temps-ci, à
la position traditionnellement négative de ses services. Je n'ignore pas, non
plus, qu'il faut être deux pour danser le tango.
(Sourires.)
Mais, même
si l'exercice, j'en conviens, risque d'être un peu cocasse, vous, qui êtes un
diplomate, ne pouvez-vous vraiment pas convaincre M. Allègre d'accepter de se
lancer sur la piste pour un premier pas de deux ?
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain
et citoyen.)
MM. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères,
et Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Très bien ! Bravo !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les interventions
des rapporteurs du budget des affaires étrangères, puis les différents
orateurs.
Je les remercie de la qualité de leurs analyses, de leurs remarques, de leurs
suggestions, qui m'ont appris beaucoup de choses extrêmement utiles à la
poursuite de mon action. Ce n'est d'ailleurs pas une surprise, la Haute
Assemblée disposant, avec sa commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, avec les sénateurs représentant les Français de
l'étranger, d'une capacité d'expertise reconnue et que je tiens à saluer.
Plusieurs des observations qui ont été faites, y compris certains des regrets
qui ont été formulés sur l'insuffisance des moyens, m'ont paru très
justifiées.
Je constate une large et prometteuse convergence de vues entre nous sur ce que
doit être notre outil diplomatique et sur les moyens que le budget de l'Etat
doit ou devrait lui réserver.
Je vais maintenant m'efforcer de répondre aux principales remarques qui m'ont
été faites, mais je commencerai par rappeler quel est le monde d'aujourd'hui ;
j'en déduirai ce que doivent être notre diplomatie et le budget sur lequel elle
doit pouvoir s'appuyer.
Nous vivons désormais dans un monde composé de 185 Etats, monde non plus
bipolaire depuis 1991 mais global, dans lequel ces Etats plus interdépendants
que jamais négocient, s'accordent, se regroupent ou se concurrencent en
permanence, dans des combinaisons plus ou moins stables.
Dans ce monde, une seule puissance, les Etats-Unis, dispose de l'ensemble des
attributs de la superpuissance : prédominance économique, monétaire, militaire,
industrielle, technologique, culturelle et médiatique... C'est un fait
perceptible dans le monde entier.
Par ailleurs, les très grandes entreprises, les marchés et, au sein de
ceux-ci, les fonds de pensions, les lobbies, les médias, les organisations non
gouvernementales jouent un rôle international croissant, ce qui est
malheureusement le cas aussi de toutes les forces qui vivent du crime organisé
et se jouent des frontières, encore plus que les autres.
Comment se situe notre pays dans ce nouveau contexte à la fois plus compétitif
et plus coopératif, ce qui entraîne dans les deux cas des contraintes nouvelles
?
Nous ne sommes ni la superpuissance du moment - il n'y en a qu'une - ni une «
puissance moyenne », terme impropre que, pour ma part, je n'emploie jamais, car
nous ne sommes pas le quatre-vingt-treizième pays du monde, ni même une
puissance quelconque parmi les vingt à trente pays qui peuvent mériter ce
qualificatif.
La réalité est que nous faisons partie des quelque six à sept puissances
d'influence mondiale, et cela grâce au prestige hérité de notre histoire, à
notre siège de membre permanent au Conseil de sécurité, à notre appartenance au
G 8, à notre force de dissuasion, à nos capacités militaires d'intervention
hors de notre territoire, à notre économie très ouverte et très dynamique sur
le marché mondial, à nos technologies avancées, à la francophonie.
Dans ce monde très concurrentiel, où il n'y a plus aucun statut diplomatique
protégé, ce n'est pas rien de disposer de tous ces éléments, dès lors que nous
savons les employer.
Mais, précisément, comment défendre dans ce monde-là nos intérêts et nos
valeurs, comment promouvoir nos projets et nos conceptions ?
J'insisterai, sans revenir sur l'ensemble des cas particuliers, crises et
problèmes extrêmement intéressants qui ont été relevés par de nombreux
orateurs, sur cinq impératifs.
Premier impératif : nous devons développer notre capacité à parler et à
dialoguer avec tous les acteurs du jeu international sans exception, car il n'y
en a aucun, si minime soit-il en apparence, qui ne soit appelé, à un moment où
à un autre, à prendre part à une décision importante pour nous. Cela implique
non seulement d'innombrables relations bilatérales, mais aussi de consacrer
plus de temps et d'attention à toutes les organisations et enceintes
internationales pour y affirmer constamment notre influence et y défendre nos
intérêts, à commencer par l'ONU et ses organisations spécialisées.
Deuxième impératif : il nous faut avoir vis-à-vis des Etats-Unis une attitude
claire, que je résumerai de la façon suivante : nous sommes naturellement leurs
amis ; nous sommes leurs alliés, mais nous devons être capables d'exprimer nos
accords comme nos désaccords chaque fois que cela se révèle nécessaire, et ce
avec franchise et dans le cadre d'un dialogue véritable et constant.
Troisième impératif : un dialogue intense doit être également mené avec les
autres principales puissances du monde, qu'il s'agisse des grands acteurs du
monde multipolaire dont nous soutenons l'émergence - Russie, Chine, Japon,
Inde, Mercosur - ou de nos autres partenaires au sein du Conseil de sécurité,
du Sommet des huit, de l'Union européenne.
Quatrième impératif : nous devons faire de l'Union européenne un des futurs
pôles de ce monde en gestation. Je dirai seulement à ce sujet que nous oeuvrons
de façon à exercer l'influence la plus forte possible dans une Europe la plus
puissante possible. Nous avons besoin d'une Europe qui soit le lieu où se
reconstitue et se reconstituera de plus en plus la souveraineté aujourd'hui
malmenée, le lieu où peut se développer le volontarisme politique. Cela
suppose, notamment, de veiller, à chaque nouvelle étape de son évolution, à ce
que les facteurs de renforcement l'emportent sur les facteurs de dilution et
que l'Europe de la croissance et de l'emploi, celle que nous avons dessinée à
Luxembourg il y a une semaine, vienne compléter celle de la monnaie
unique...
M. Maurice Schumann.
La compléter et la précéder.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
... qui, déjà, changera le rapport de
forces dans le monde. Tel sera le souci constant du Gouvernement dans les
années à venir ; Pierre Moscovici et moi-même travaillons constamment dans
cette direction.
Enfin, cinquième impératif : cela suppose une méthode adaptée. Dans ce monde,
plus rien n'est acquis ; rien ne se défend plus par la proclamation ou la
simple incantation ; tout se conquiert par la volonté, la ténacité, la
négociation, le compromis constructif, et cela dans les domaines les plus
divers qu'englobe la diplomatie d'aujourd'hui : la politique, bien sûr, mais
aussi le commerce, la culture, les technologies, l'espace, l'environnement, la
démographie, dont parlait M. Neuwirth tout à l'heure, etc.
Pour conduire cette diplomatie nécessairement diversifiée, rapide, mobile, à
la fois réactive et prévoyante, il nous faut renforcer la capacité de
coordination du ministère des affaires étrangères, ce qui impose de le
moderniser tout en préservant les outils de notre diplomatie culturelle.
Je n'ai pas de plan de réforme préconçu, mais j'ai la volonté d'agir avec
persévérance dans un certain nombre de domaines.
J'entends, tout d'abord, renforcer la capacité de coordination du ministère
des affaires étrangères. Cette administration est la seule qui soit en mesure
de rassembler et de synthétiser à tout instant l'ensemble des données venues de
son réseau planétaire, données dont notre pays a besoin pour éclairer ses
choix, lesquels doivent s'insérer dans un contexte toujours plus large. C'est
la raison d'être de ce réseau. Je souhaite valoriser encore cette capacité de
collecte et d'analyse, servie par un personnel dont plusieurs d'entre vous ont
salué la compétence et le dévouement, ce qui m'a profondément réjoui car je
mesure moi-même chaque jour l'étendue de ses qualités.
Plus les diverses administrations développent leurs propres relations
internationales, plus une coordination est indispensable afin que notre action
extérieure, dans ses multiples dimensions, en soit renforcée, au lieu d'être
éparpillée et, par là même, affaiblie.
Pour relancer cette coordination interministérielle, j'ai pris l'initiative de
resserrer les relations entre le ministère des affaires étrangères et les
autres départements qui contribuent à notre action extérieure, à commencer par
l'économie et les finances, la culture, l'éducation et la recherche, mais aussi
l'intérieur, la défense, la justice et l'environnement. J'ai d'ailleurs demandé
au Premier ministre de réunir le comité interministériel des moyens de l'Etat à
l'étranger, le CIMEE, cadre propice à cette mise en cohérence.
Pour qu'il soit en mesure de remplir cette fonction de cohérence et de
coordination, le ministère des affaires étrangères doit s'ouvrir davantage.
Dans cet esprit, j'ai décidé de stimuler la mobilité externe des agents
diplomatiques, de façon à mieux diffuser à l'extérieur du ministère la
compétence diplomatique et à favoriser la diversification des expériences
individuelles. A cette fin, une mission sur le rayonnement sera prochainement
constituée dans mes services. Cette tâche de longue haleine n'a évidemment pas
commencé avec moi, mais j'entends la poursuivre et l'intersifier.
M. Dulait, comme plusieurs d'entre vous, m'a interrogé sur d'éventuelles
fermetures de nos postes. Il n'y a pas de liste cachée de postes promis à la
fermeture. Mais, il ne faut pas le dissimuler, des ouvertures, des fermetures,
des regroupements sont nécessaires en permanence, parce que le monde change,
parce que les activités et les concentrations humaines se déplacent, parce que
la localisation à l'étranger de nos entreprises et de nos compatriotes varie :
celle-ci n'est évidemment plus ce qu'elle était au xviiie siècle, au xixe
siècle ou même il y a une vingtaine d'années. Plusieurs d'entre vous ont parlé
de ce problème avec la justesse que leur autorise la grande connaissance qu'ils
ont du monde.
J'ajoute qu'il faut tenir compte de ces évolutions en liaison avec les autres
administrations présentes à l'étranger. Il faut cesser d'exporter nos rivalités
sur ce plan. Il convient plutôt d'exporter notre synergie.
Le ministre de l'économie et des finances et moi-même comptons, par exemple,
accroître le nombre des postes mixtes, combinant les fonctions consulaire et
commerciale.
J'ai demandé par ailleurs à mes services de réfléchir à ce que pourrait être
notre réseau diplomatique d'ici à vingt ans, afin que l'horizon soit clair et
que nous ne traitions pas de ces sujets seulement année après année, suivant le
rythme budgétaire.
Je compte aussi mettre nos consulats à l'heure de l'unification européenne, de
la nouvelle politique des visas et de l'adaptation de la politique africaine,
ce qui suppose une formation nouvelle des agents et une gestion des carrières
différente. De nouvelles formules de coopération consulaire verront le jour,
notamment entre la France et l'Allemagne.
J'ai décidé également, en prolongeant des initiatives antérieures, de
déconcentrer les crédits, de renforcer les pouvoirs de coordination financière
et administrative de nos ambassadeurs, d'innover radicalement dans la gestion
de notre patrimoine immobilier et de réformer notre système du chiffre et des
communications. D'autres actions suivront. Je veillerai méthodiquement à la
mise en oeuvre de ces réformes, car elles conditionnent à terme l'efficacité
future de l'ensemble de l'outil diplomatique.
Bien entendu, la modernisation que j'évoque est, par nature, un processus
permanent. Un important travail de réforme a déjà été entrepris. Je vous disais
que j'avais l'intention de l'intensifier, de sorte que le ministère des
affaires étrangères, loin des vieux clichés anachroniques sur le métier de
diplomate, donne l'exemple d'une grande administration, certes régalienne - et
elle restera telle - mais aussi performante, adaptable, efficace, capable de se
nourrir des apports les plus divers et de mieux diffuser elle-même son
savoir-faire.
Enfin, j'entends naturellement préserver les moyens et les outils culturels de
la politique extérieure et de l'influence française dans le monde.
J'ai pu vérifier une nouvelle fois cet après-midi, combien votre assemblée
était légitimement attachée à notre action culturelle et artistique, à nos
établissements d'enseignement du français, à notre coopération scientifique et
technique. Les interventions de MM. Guy Penne et James Bordas, notamment,
démontrent la sensibilité de la Haute Assemblée sur ces dossiers.
Or, depuis de nombreuses années, les moyens consacrés à notre diplomatie
n'avaient cessé de baisser.
Je le dis clairement devant vous : ç'aurait été une erreur très dommageable
que de poursuivre dans cette voie et de ne pas maintenir un effort substantiel
en faveur de l'action culturelle et de la francophonie. Personne n'est en effet
en mesure de porter partout dans le monde, à la place de l'Etat, nos intérêts
dans ces domaines.
Les autres moyens souvent invoqués - l'initiative privée, le mécénat, les
financements multilatéraux, notamment ceux de l'Union européenne -, pour
précieux qu'ils soient, ne peuvent suffire. Seul le maintien d'un niveau élevé
des engagements publics garantira, demain, une place majeure pour notre
culture, nos idées, notre langue, notre façon de voir le monde.
Certes, des adaptations sont nécessaires. Il faut sans aucun doute mieux
identifier nos priorités de coopération, avoir une approche géographique plus
différenciée en fonction de nos objectifs politiques, ce qui suppose de la
souplesse et un certain redéploiement de nos moyens. Un effort de
rationalisation de nos structures et de nos opérateurs devra également être
conduit dans ce domaine.
Je voudrais maintenant évoquer l'audiovisuel extérieur, sur lequel plusieurs
d'entre vous, notamment MM. Chaumont, Durand-Chastel et Penne, m'ont interrogé,
cette question étant naturellement au coeur des préoccupations de tous ceux qui
s'intéressent à notre influence extérieure.
A l'évidence, cet outil audiovisuel est aujourd'hui indispensable ; cela ne se
discute même pas. Toutefois, l'organisation actuelle est trop éclatée ; les
synergies entre les intervenant sont insuffisantes. Le Gouvernement, au vu des
conclusions des études effectuées à ce sujet, décidera, dans les prochaines
semaines, des choix à faire pour que nous exercions une influence audiovisuelle
extérieure accrue. J'y travaille activement en ce moment même.
Le Gouvernement a également décidé de repenser l'aide de la France au
développement, ce qui englobe tous les aspects de notre politique de
coopération, y compris la coopération militaire, sur laquelle, d'ailleurs, une
action avait été entreprise par le gouvernement précédent, peu avant les
élections.
Le Premier ministre m'a demandé de mener cette réflexion sur la réforme de
l'aide au développement avec le ministre de l'économie et des finances ainsi
que, naturellement, le secrétaire d'Etat à la coopération et à la
francophonie.
Ces nouvelles orientations seront, avec la réduction de notre présence
militaire et l'assouplissement contrôlé de la politique des visas, un des
éléments de la nouvelle politique que nous entendons mener à l'égard de
l'Afrique.
J'ai eu l'occasion, il y a quelque temps, durant les quatre étapes de mon
voyage africain, de formuler le triptyque suivant : fidélité à l'égard des pays
africains francophones, auxquels nous demeurons liés par une longue histoire et
une solidarité non démentie ; adaptation de notre soutien, de notre engagement
à leurs côtés et des formes diverses de notre présence en Afrique ; enfin,
dialogue avec les pays d'Afrique anglophone et lusophone dans le cadre d'une
relation sans exclusive avec l'ensemble du continent africain, dialogue dont
j'ai pu vérifier sur place qu'il était souhaité aussi bien par les uns que par
les autres.
Cette nouvelle politique de la coopération sera prochainement arrêtée par le
Gouvernement et donnera lieu à une communication en conseil des ministres,
probablement au début de l'année 1998.
Il ne s'agit en aucun cas de se désengager ; il s'agit de rester présent sous
des formes adaptées aux réalités d'aujourd'hui et de demain.
J'en viens maintenant aux principales orientations du projet de budget de mon
ministère pour 1998.
Il s'agit d'un budget de stabilisation. S'établissant à 14,37 milliards de
francs, il reconduit pratiquement à l'identique les moyens de fonctionnement,
d'intervention et d'investissement dont disposera l'an prochain mon
administration. Hors crédits du budget civil de recherche et de développement
inscrit sur le budget des affaires étrangères, ces crédits sont en effet
stables, en progression de 0,05 % par rapport aux crédits votés en 1997.
Après plusieurs années de baisse marquée, notamment en 1996 et en 1997, le
Gouvernement a reconnu, comme je le demandais, que la décroissance continue des
moyens affectés à notre diplomatie devait être enrayée. C'était pour moi un
préalable.
J'ai relevé avec intérêt la convergence de vues entre les rapporteurs et les
différents orateurs sur les moyens que le budget de l'Etat devrait réserver à
sa diplomatie. J'ai même entendu plusieurs d'entre vous estimer que ce budget
devrait représenter 1 % du budget de l'Etat. A vrai dire, cela ne serait pas
déraisonnable, compte tenu de la mondialisation, de ses enjeux, de la
multiplicité des terrains où, jour après jour, nous défendons nos intérêts et
nos conceptions et où chacun attend que le ministère des affaires étrangères
remplisse sans cesse de nouvelles missions, tout en continuant d'assumer
l'ensemble de ses attributions traditionnelles.
Dans mon esprit, le budget que je vous présente, qui s'établit à 0,91 % du
budget de l'Etat, s'inscrit dans une dynamique de reconquête. J'aborderai
succinctement deux axes de ce budget.
D'abord, ce projet de budget garantit que nos postes diplomatiques et
consulaires ainsi que notre administration centrale pourront disposer des
moyens leur permettant de répondre au développement continu de l'activité
internationale de notre pays.
J'ai déjà cité plusieurs axes de modernisation. Je voudrais maintenant
répondre à d'autres observations que plusieurs d'entre vous m'ont adressées.
M. le rapporteur spécial, M. Chaumont, ainsi que Mme Brisepierre se sont
inquiétés de l'effet-change. De fait, plus de la moitié des dépenses effectuées
par le ministère des affaires étrangères sont opérées en devises.
Mon budget a été bâti sur l'hypothèse d'un dollar à 5,66 francs, en moyenne,
pour l'année 1998. Vous avez relevé à juste titre que cette valeur diffère de
celle qui est retenue dans le rapport économique et financier annexé au projet
de loi de finances, qui est, elle, fixée à 6 francs.
M. le ministre de l'économie et des finances m'a donné l'assurance que les
éventuelles pertes de change que subirait mon administration seraient
compensées en cours d'année, dans la limite des 6 francs retenus comme
hypothèse générale pour le budget de l'Etat.
Vos rapporteurs ont mentionné aussi la question de l'évolution des effectifs
diplomatiques et consulaires. Vous l'avez noté, le projet de budget prévoit
l'achèvement en 1998 du schéma pluriannuel d'adaptation du réseau diplomatique
et consulaire, que mon département a appliqué avec beaucoup de zèle et de
vertu. Compte tenu des contraintes d'emploi de mon administration, la cinquième
et dernière tranche de ce schéma sera d'ampleur moindre que ce qui était
initialement prévu puisque quatre-vingt-dix emplois seront en définitive
supprimés, au lieu des cent trente-sept inscrits dans ces schémas.
J'estime que les effectifs du ministère des affaires étrangères, qui auront
décru de plus de 8 % au terme de ce plan, doivent maintenant être vraiment
stabilisés.
J'ajoute, pour répondre à certaines de vos interventions, que je suis
conscient des limites dorénavant atteintes en matière de recrutement de
personnel local dans nos postes à l'étranger, car un équilibre doit être
conservé entre personnels titulaires et personnels locaux. Il faut, en outre,
veiller à définir d'une manière plus précise les règles qui s'appliquent aux
personnels recrutés localement. J'ai d'ailleurs décidé de confier à une
personnalité du ministère une mission d'étude et de proposition sur ce dossier
complexe.
Je vous indique enfin que ce projet de budget pour 1998 permet d'engager la
réforme des communications et du chiffre. Confronté à d'inexorables mutations
technologiques, le métier traditionnel de chiffreur doit évoluer profondément.
Pour lui ouvrir de nouvelles perspectives, un nouveau corps de catégorie A sera
constitué à partir de 1998. Des discussions sont, en outre, en cours pour
revaloriser les carrières des spécialistes des communications de catégorie
B.
Cette réforme d'ensemble, que j'ai engagée dès mon arrivée, permettra
d'organiser une filière technique rénovée, offrant aux agents concernés de
réelles améliorations de carrière. Elle sera prolongée par une accentuation de
l'effort de modernisation informatique de mes services, pour lesquels j'ai
demandé qu'ils puissent être systématiquement connectés à Internet.
Plusieurs d'entre vous, M. Durand-Chastel, Mme Brisepierre et d'autres encore,
s'inquiètent de la disparition du service national de coopération. Chacun, ici,
sait qu'il s'agit d'un problème tout à fait sérieux.
Le Gouvernement présentera au Parlement, dans le courant de l'année 1998, un
projet de loi, auquel M. Alain Richard et moi-même avons commencé de
travailler, tendant à instituer un volontariat international. Il est
indispensable que nous trouvions une formule aussi attractive pour les jeunes
que l'actuel service de coopération. Dans le cas contraire, nous ne saurions
pas comment faire face aux conséquences de la disparition de ce service dans ce
domaine particulier.
J'indiquerai, enfin, que les crédits d'investissement immobilier seront
reconduits l'an prochain. Nos grands chantiers et les constructions
d'ambassades, qui monteront en puissance dans les prochaines années, pourront
ainsi être engagés à temps, tandis que nous encouragerons les montages
innovants auxquels M. le rapporteur spécial a fait allusion tout à l'heure.
M. Dulait, rapporteur pour avis, s'est interrogé sur notre politique
immobilière et sur le coût élevé de certains projets de construction. Il est
effectivement souhaitable de contrôler de manière encore plus stricte chacun de
ces projets, afin d'éviter des opérations de prestige qui seraient trop
dispendieuses.
J'ajoute que, dans la plupart des cas qui ont été cités, les décisions ont été
prises après un examen attentif du rôle qui devait être celui de la France, y
compris dans sa dimension symbolique dans chacun des pays concernés.
En deuxième lieu, le budget des affaires étrangères traduit, notamment au
profit de nos compatriotes expatriés, plusieurs choix nationaux du
Gouvernement.
De ce point de vue, je suis convaincu que votre Haute Assemblée, en
particulier les sénateurs représentant les Français établis hors de France dont
je connais le souci constant, approuveront la priorité nette de mon budget en
faveur de l'enseigement français à l'étranger : les crédits que mon ministère
consacre à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger l'AEFE croîtront,
l'an prochain, de plus de 3 %.
J'ai souhaité que cet effort substantiel soit affecté à une relance de notre
politique des bourses, de sorte que les familles françaises à l'étranger qui
éprouvent des difficultés puissent continuer de scolariser leurs enfants dans
le système éducatif français.
De même, un effort sera consenti en matière d'emplois, puisque, en
contrepartie de cinquante suppressions de postes d'expatriés, l'Agence pour
l'enseignement français à l'étrangersera autorisée à recruter cent vingts
personnels enseignants résidents.
Plusieurs orateurs, notamment Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Penne et Biarnès,
ont souhaité une implication plus active du ministère de l'éducation nationale
en matière de scolarisation à l'étranger.
Je souhaite vous indiquer mesdames, messieurs les sénateurs, que j'ai évoqué
ces derniers jours, avec M. Claude Allègre, la contribution que son ministère
pourrait apporter au fonctionnement de l'AEFE. Un groupe de travail commun a
été mis en place afin d'étudier ces questions. Nous allons poursuivre nos
travaux sur ce point. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour aboutir sur
ce sujet.
Cette politique doit également s'appliquer à nos actions de coopération
culturelle, scientifique et technique.
Le projet de budget que je vous présente aujourd'hui maintient, au-dessus de
la barre des 3 milliards de francs, les moyens d'intervention de la direction
générale des relations culturelles, scientifiques et techniques.
Nos engagements à l'égard de nos partenaires étrangers pourront ainsi être
tenus, de même que pourront être financés les projets annoncés par le Président
de la République ou par le Gouvernement : année de l'Egypte, année de la France
au Japon, lancement décidé à Weimar en septembre de l'université
franco-allemande, installation à Paris du nouveau secrétaire général de la
francophonie, pour les principaux.
Les moyens de notre politique audiovisuelle extérieure seront globalement
reconduits dans l'attente des décisions prochaines du Gouvernement, que j'ai
évoquées tout à l'heure.
Je souhaite qu'à l'avenir l'effort de relance voulu par le Gouvernement au
profit du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie et du ministère de la culture s'applique également à nos actions
culturelles extérieures. Ce ne serait que logique !
Il nous faudra, en outre, veiller à prendre en compte les besoins de nos
compatriotes de l'étranger en matière d'assistance sociale. Vos collègues Mme
Cerisier-ben Guiga, MM. Cantegrit et Durand-Chastel se sont exprimés avec
beaucoup de conviction à ce sujet.
La reconduction, en 1998, des crédits gérés par la direction des Français de
l'étranger ne permettra probablement pas de répondre à toutes les situations
d'urgence et de détresse que risquent de connaître les Français de l'étranger.
Malheureusement, on ne peut pas écarter cette hypothèse ! Un effort accru en ce
domaine sera donc l'une de mes priorités pour les années à venir et, dès à
présent, pour la négociation du prochain budget.
Vous avez évoqué, en outre, la question de l'indemnisation des Français
victimes de situations de crise à l'étranger.
Sachez que j'ai déjà saisi mon collègue Dominique Strauss-Kahn pour constituer
un groupe de travail avec des représentants des assureurs. Il s'agit d'une
partie importante de ce problème.
J'aurai besoin, là encore, du soutien de la Haute Assemblée pour assurer la
traduction dans mon budget des priorités que le Gouvernement met en oeuvre pour
la collectivité nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois que nous pouvons aisément nous
retrouver autour d'un commun dénominateur : redonner sa pleine place dans le
budget de l'Etat à cette grande administration qu'est le ministère des affaires
étrangères et rénover notre outil diplomatique pour en faire un instrument plus
mobile, plus réactif, plus adapté à une vie internationale très compétitive. Il
nous faut défendre nos intérêts constamment, tous les jours et de toutes les
façons.
Telle est l'ambition que je souhaite vous faire partager et pour la
réalisation de laquelle j'ai besoin de votre soutien. Le projet de budget des
affaires étrangères que je vous propose constitue une première étape vers cet
objectif. Je vous remercie donc, si tel est votre choix, de l'adopter.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant les affaires étrangères et la coopération : I. - Affaires
étrangères.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 157 289 002 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV :
moins
137 623 204 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 251 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 96 000 000 francs. »
Par amendement n° II-15, Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Biarnès et Penne, et les
membres du groupe socialiste proposent :
I. - De réduire ces autorisations de programme de 2 000 000 francs.
II. - De réduire ces crédits de paiement de 2 000 000 francs.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet
amendement a pour objet de préserver l'essentiel des crédits affectés aux
mesures nouvelles du chapitre 57-10 et de les orienter vers une réduction des
aménagements de luxe.
Nous sommes, en effet, assez nombreux à estimer qu'en matière de construction,
comme l'a très bien dit M. le rapporteur spécial, certaines dépenses de
prestige « vampirisent » les dépenses utilitaires réellement indispensables.
Avoir des ambassades somptueuses et, dans le même temps, des consulats qui ne
sont jamais repeints et des écoles qui prennent l'eau n'est pas acceptable.
Bien sûr, l'objet véritable de cet amendement n'est pas tant de réduire des
crédits, qui ne sont déjà pas élevés, que de reporter 2 millions de francs sur
l'aide sociale aux français de l'étranger. En effet, cette aide sociale
diminue, même si elle a été partiellement préservée d'une baisse entraînée par
les variations des taux de change.
En outre, il faut bien voir que le budget du ministère des affaires étrangères
pour aider les Français en difficulté est très restreint. Un département qui
compte un million d'habitants dispose, en moyenne, de 1 milliard de francs pour
l'aide sociale - et encore, ce n'est pas lui qui paie le RMI ! - alors que,
pour l'aide sociale proprement dite aux Français de l'étranger, le ministère
des affaires étrangères dispose de 97,6 millions de francs.
Avec cette somme, réellement faible, il arrive quand même à verser six mille
allocations à des personnes âgées et à des handicapés. Mais il parvient de plus
en plus rarement à verser une aide à des adultes en difficulté et rien n'est
prévu pour les enfants.
Ces aides absorbent déjà 85 millions de francs ! Par conséquent, il ne reste
que 3 millions de francs pour rapatrier les personnes très démunies. Je vous
signale que, depuis plus d'un an, faute d'argent, on ne rapatrie plus de
Français d'Algérie ! Il ne reste que 3 millions de francs pour l'organisation
de la sécurité des communautés françaises. La faiblesse d'une telle somme fait
frémir, quand on pense à ce qui s'est passé à Brazzaville au mois de juin. Et,
s'agissant des secours exceptionnels et de l'aide médicale, il reste un peu
plus de 4 millions de francs.
Dans ces conditions, les Français de l'étranger sont vraiment abandonnés si
jamais ils échouent dans leur expatriation. Même si les services consulaires et
la sous-direction des personnes à la direction des Français de l'étranger
jonglent avec les crédits et font vraiment de leur mieux pour les répartir dans
les meilleures conditions, il faut bien voir que, partout, la crise économique
frappe les plus faibles, qu'elle lamine les classes moyennes dans des
continents entiers - je pense en particulier à l'Amérique latine - que la
précarité s'aggrave partout, que la maladie, la perte d'emploi, la solitude -
veuvage, divorce - tout cela précarise considérablement des Français qui ne
sont pas des privilégiés. En effet, seuls 10 % des Français de l'étranger
bénéficient d'un sursalaire lié à l'expatriation ; les autres perçoivent des
rémunérations ou ont des revenus de l'ordre de ceux du pays où ils habitent.
Par conséquent, ces crédits étant la seule expression de la solidarité
nationale envers les Français établis à l'étranger, il une semble qu'ils
doivent augmenter et non pas diminuer.
Je m'inquiète, bien sûr, quant au devenir de cet amendement. Je dois dire
qu'il constitue un peu un test sur les pouvoirs ou l'absence totale de pouvoirs
du Parlement en matière budgétaire.
M. Maurice Schumann.
Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
En effet, si j'obtenais la supression de ces deux millions de francs, mais que
ce soit une suppression sèche, c'est-à-dire sans que ces deux millions de
francs soient transférés à l'aide sociale des Français à l'étranger,
évidemment, je préférerais retirer cet amendement. Toutefois, je pense aux
centaines de Français de l'étranger que je rencontre au cours de mes tournées ;
je tiens alors le bureau des pleurs et je vois ce que c'est d'être sans aucune
aide, de ne pas pouvoir se faire opérer de la cataracte quand on est en train
de devenir aveugle, de ne pas obtenir un sou d'aide quand on a sept ans et
qu'on est orpheline de père et de mère à Sao Paulo, et quand on est ruiné par
une guerre civile de préférer rentrer en France pour toucher le RMI que
d'essayer de reprendre son activité à Brazzaville.
S'expatrier - nous l'avons tous fait - c'est souvent partir avec une certaine
inconscience, en entonnant : « La victoire, en chantant, nous ouvre la
barrière... », mais il ne faudrait pas, au moment où l'on s'échoue sur un
rivage lointain, soupirer
Esperanza ! (Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur celle du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
La commission des finances n'a pas été saisie de cet
amendement ; je ne peux donc pas m'exprimer en son nom.
A titre personnel, je partage tout à fait le point de vue de Mme Cerisier-ben
Guiga. J'ai souligné dans mon rapport, ainsi qu'elle a bien voulu le dire, que
certains aménagements me semblaient trop somptueux - je pense à certains
programmes de travaux - et que, par conséquent, la priorité devait être donnée
aux hommes, à nos compatriotes.
J'apporte donc mon total soutien à cet amendement, en précisant qu'il serait
judicieux de viser l'article 30, qui concerne les services diplomatiques et
consulaires. Cela permettrait d'éviter que les abattements ne puissent
s'appliquer soit aux écoles, soit à d'autres chapitres.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
La commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées n'a pas eu connaissance
de l'amendement ; elle n'a donc pas pu en délibérer.
A titre personnel, j'y suis très favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Mme Cerisier-ben Guiga a défendu avec
beaucoup de flamme, et à juste titre puisqu'elle est au contact direct des
situations qu'elle décrit, l'amendement qu'elle a déposé.
Son propos va, peut-être, un peu loin, lorsqu'elle dit que les Français de
l'étranger sont à l'abandon. Je ne crois pas que l'on puisse prétendre cela. La
France est, en effet, le seul pays au monde à offrir un dispositif de ce type à
ses expatriés, et ce sur tous les plans, depuis le Conseil supérieur des
Français de l'étranger jusqu'à toutes les formes d'aide sociale.
Il ne faut pas l'oublier ! Cela signifie que notre pays n'est pas à montrer du
doigt. Simplement, il faut raisonner en termes de perfectionnement et éviter -
puisque nous abordons le problème sous cet angle - les situations de
détresse.
Sur le plan humain, dès lors que cet amendement tend à envoyer une sorte de
message, je le reçois volontiers. J'ai l'intention de m'employer à faire en
sorte que, dès le prochain budget, cet élément soit pris en considération plus
encore qu'il ne l'est actuellement. On ne peut pas dire qu'il ne le soit pas du
tout, mais il ne l'est sans doute pas suffisamment, vous le savez mieux que
quiconque.
Toutefois, en ce qu'il modifie l'équilibre délicat instauré au sein du budget,
je ne peux malheureusement pas émettre un avis favorable sur cet amendement,
d'autant que les crédits immobiliers auxquels vous faites allusion sont
reconduits à l'identique, c'est-à-dire qu'ils n'augmentent pas, malgré les
multiples raisons que nous aurions de les accroître.
Les demandes de travaux immobiliers sont, en effet, innombrables, et pas
uniquement de prestige : ceux-ci concernent tous les établissements
diplomatiques, consulaires ou culturels de nos implantations. Les besoins dans
ce domaine sont considérables. On ne peut pas opposer la dimension humaine et
la dimension immobilière, vous le savez : vous parlez vous-même des autres
aspects de notre réseau. Il s'agit, par exemple, des travaux pour
l'amélioration de l'accueil dans les consulats. Finalement, tout est un peu lié
!
Bref, je comprends très bien votre préoccupation ; j'y suis sensible, je la
respecte, je la trouve justifiée. J'ai l'intention d'y consacrer mon énergie
pour les négociations à venir, mais je ne peux pas accepter que se trouve ainsi
modifié l'équilibre du budget. N'y voyez vraiment, je le souligne encore,
aucune espèce de désintérêt par rapport au souci qui vous anime.
(M. Guy
Penne applaudit.)
M. le président.
Madame Cerisier-ben Guiga, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je le retire, monsieur le président, en espérant que les paroles
d'encouragement de M. le ministre seront suivies d'effet, notamment à Bercy et
au cabinet du Premier ministre.
Je constate que lorsque le projet de budget nous est soumis, il est trop tard
; nous ne pouvons plus rien changer. Peut-être faudrait-il envisager une
concertation avec le Sénat, notamment la commission des affaires étrangères,
dans la phase préparatoire du budget.
M. le président.
L'amendement n° II-15 est retiré.
M. Jacques Habert.
Je le reprends, monsieur le président.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° II-15 rectifié.
Vous avez la parole, monsieur Habert, pour le défendre.
M. Jacques Habert.
Cet amendement est intéressant. La réorientation des crédits proposée par nos
collègues du groupe socialiste me paraît être une tactique très novatrice. Mme
Cerisier-ben Guiga a évoqué les prérogatives du Parlement à l'égard des crédits
qu'il doit attribuer. Cette idée ne me semble pas mauvaise et nous pourrions,
je crois, tenter l'expérience, au bénéfice de nos compatriotes spoliés.
Vous connaissez, mes chers collègues, la situation tragique dans laquelle se
trouvent les Français qui, à l'étranger, ont été pris dans des conflits et ont
vu, en quelques heures, leurs vies en péril et tous leurs biens détruits.
Ce matin, à quatre heures, nous évoquions les drames de Brazzaville et le
problème des indemnisations éventuelles. Le ministre de la coopération nous a
précisé qu'à son grand regret il ne pouvait rien faire car aucun crédit n'avait
été prévu à cet effet. En fait, aucun mécanisme d'indemnisation n'existe.
Cependant, les douze sénateurs des Français établis hors de France avaient
suggéré, voilà six ans, de créer un fonds d'indemnisation par le biais d'une
proposition de loi déposée au moment de la guerre du Golfe. Nous avons
maintenant repris et actualisé cette proposition, avec l'assentiment de tous
nos collègues.
Je vous demande, monsieur le ministre, d'y être attentif et de voir comment
elle pourrait être acceptée et appliquée.
Les coopérants rapatriés du Congo ont obtenu, en tant que fonctionnaires, une
petite indemnisation. Mais ceux de nos compatriotes qui travaillaient librement
dans le commerce ou les petites entreprises n'ont rien eu. Pourtant, au cours
des journées tragiques des 8 et 9 juin derniers, ils ont vu en un instant leurs
efforts anéantis ; ils ont perdu en quelques heures les fruits du travail de
toute une vie. A certains, il ne reste plus rien !
Rapatriés par l'armée française, ces malheureux compatriotes sont arrivés à
Paris. Au passage, je tiens à rendre hommage à la cellule de crise du Quai
d'Orsay et de la direction des Français de l'étranger, qui a effectué un
remarquable travail d'accueil. Nombre de nos collègues ont d'ailleurs pu en
être les témoins.
Une fois ces rapatriés accueillis, deux mois ont été nécessaires pour les
réinsérer en France, aussi bien que possible. Mais il reste beaucoup à
faire.
Ces familles sont donc en France. Les enfants peuvent, enfin, aller à l'école.
Nos compatriotes perçoivent le RMI, les petites aides nationales, ce qui est
bien. Mais on ne peut s'en tenir là.
Il n'est pas possible que la France se désintéresse de ceux qui lui avaient
permis d'être présente en Afrique et qui ont tout perdu là-bas. Elle doit faire
quelque chose, il faut tout essayer.
L'initiative de nos collègues du groupe socialiste, que je remercie, va dans
ce sens. Si nous avions été consultés, nous nous serions bien évidemment
associés à leur proposition. Si la commission des affaires étrangères en avait
eu connaissance, elle y aurait aussi donné un avis favorable, comme son
président, M. de Villepin, l'a dit.
Je vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter cet amendement, qui
permettra, du moins, au ministère des affaires étrangère d'étudier cette
question et de réfléchir aux solutions qui doivent être trouvées.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-15 rectifié.
M. Guy Penne.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. Maurice Schumann.
Contre votre propre amendement ?
M. le président.
La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne.
Je prends en effet la parole contre mon propre amendement et je vais m'en
expliquer, car vous ne savez peut-être pas tout.
Cet amendement avait simplement pour objet d'attirer l'attention de M. le
ministre sur une situation extrêmement délicate, qui a parfaitement été décrite
par M. Habert, mais qui l'avait été encore mieux et avec beaucoup plus de
sincérité par Mme Cerisier-ben Guiga.
M. de Cuttoli a invité M. Habert à reprendre l'amendement n° II-15. Ce dernier
prétend ne pas avoir été consulté sur notre proposition. Voilà un mois, j'ai
adressé une lettre à mes collègues ici présents pour les consulter sur la
possibilité de recourir à la réserve parlementaire pour accroître les crédits
affectés à la sécurité.
J'attends encore les réponses de MM. Habert, de Cuttoli et d'Ornano. Seule Mme
Brisepierre et M. le président de la commission des affaires étrangères ont
répondu favorablement ; pour les autres, ce fut vraiment « silence radio ».
Alors, quand je vous vois faire votre cinéma, permettez-moi de vous dire que je
trouve cela assez scandaleux !
J'ai assisté hier à la démarche à laquelle se sont livrés certains de nos
collègues de la majorité sénatoriale face au budget défendu par M. Allègre. La
même tactique que celle qui nous a amenés jusqu'à quatre heures ce matin est de
nouveau utilisée.
En fait, les résultats seront maigres car, en fin de compte, l'Assemblée
nationale reviendra sur la disposition proposée. Vous faites donc de la pure
démagogie.
Nous avons expliqué, pour notre part, pour quelles raisons nous avons déposé
cet amendement. Si M. le ministre n'avait pas pris un engagement aussi ferme,
nous l'aurions maintenu car il se justifiait.
Nous sommes tous scandalisés par les dépenses somptuaires, qui ont été faites
mais nous songeons beaucoup au sort de nos compatriotes. Compte tenu de
l'engagement pris par M. le ministre, Mme Cerisier-ben Guiga a parfaitement eu
raison de retirer l'amendement n° II-15 et je suis solidaire de ce retrait.
De toute façon, vous savez très bien que si le groupe socialiste de
l'Assemblée nationale est hostile à cet amendement, il ne sera pas adopté.
M. Charles de Cuttoli.
Supprimons le Sénat !
M. Guy Penne.
Par conséquent, vous vous amusez, monsieur de Cuttoli, et vous n'êtes pas
d'une grande franchise parce que c'est vous qui avez incité M. Habert à
reprendre cet amendement. Vous n'avez même pas eu le courage de le faire !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Charles de Cuttoli.
Je ne m'amuse pas avec le malheur des Français de l'étranger !
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Cuttoli.
M. Charles de Cuttoli.
Pour ma part, pour les raisons qui ont été exposées, je voterai cet
amendement, comme l'a déjà pressenti M. Penne, et ce sans difficulté aucune.
Mais je désirerais tout de même dépassionner quelque peu ce débat, qui a pris
des proportions auxquelles personne ne s'attendait.
M. Penne m'a accusé d'avoir incité M. Habert à reprendre l'amendement n°
II-15. Je me souviens que, lors de la séance du 5 mai 1977, consacrée à un
débat de politique générale, le Premier ministre d'alors, M. Raymond Barre,
avait pris la décision de créer un fonds de secours pour les Français de
l'étranger âgés et nécessiteux.
Ce jour-là m'exprimant au nom de l'ensemble des Français de l'étranger, j'ai
évoqué la situation des Français de l'étranger âgés, nécessiteux, handicapés
qui ne pouvaient pas bénéficier du fonds national de solidarité et qui
n'attendaient plus qu'une chose : qu'on leur ferme les yeux.
M. le Premier ministre se tourna alors vers ses collaborateurs. Visiblement,
c'était la première fois que ce problème était évoqué devant lui. Il me donna
l'assurance qu'il ferait étudier le dossier. Quelques mois plus tard, en
septembre, devant l'assemblée générale de l'Union des Français de l'étranger,
il annonçait effectivement la création d'aides spécifiques.
Monsieur Penne, si aujourd'hui j'ai incité M. Habert à reprendre cet
amendement, voilà quelques années, j'avais aussi incité M. Barre à venir en
aide à nos compatriotes âgés et nécessiteux.
Cela dit, monsieur Penne, nous sommes d'accord sur plusieurs points. Tout
comme vous, je ne vois pas l'intérêt de dépenser 400 millions de francs dans
une ambassade à Pékin et 280 millions de francs dans une ambassade à Berlin
alors que nous sommes confrontés à tant d'autres priorités.
Je remercie M. le ministre des apaisements qu'il nous a donnés. J'espère qu'il
pourra tenir, d'un point de vue budgétaire, les engagements qu'il a pris devant
nous. Néanmoins, je voterai cet amendement.
M. Robert-Paul Vigouroux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux.
Monsieur le président, l'amendement de M. Habert n'a pas été distribué.
M. le président.
Non, monsieur Vigouroux, car son texte est identique à celui de l'amendement
de Mme Cerisier-ben Guiga.
M. Robert-Paul Vigouroux.
Il s'agit donc simplement d'un amendement politicien.
M. Charles de Cuttoli.
C'est vous qui avez l'habitude de la politique politicienne.
M. Jacques Habert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
J'ai demandé la parole non seulement pour expliquer mon vote, mais surtout
pour répondre à notre collègue Guy Penne.
Ce qu'il a dit à propos de notre « silence » n'est pas exact, en tout cas pour
ce qui me concerne. Informé de son initiative, je lui ai dit oralement que je
l'approuvais entièrement.
Après nous en être entretenus avec le président de la commission des affaires
étrangères, que je prends à témoin, nous avons tous, je crois, signé une
demande tendant à recourir à la réserve parlementaire pour venir en aide aux
victimes des événements de Brazzaville.
M. Guy Penne.
Certains n'ont pas signé cette demande.
M. Jacques Habert.
Il me semblait que nous l'avions tous signée ; en tout cas, moi, je l'ai
fait.
M. Guy Penne.
Mme Brisepierre était d'accord mais non les autres !
M. le président.
Monsieur Penne, vous n'avez pas la parole. Laissez M. Habert s'exprimer.
M. Jacques Habert.
Je le répète, monsieur Penne : je vous ai fait part de mon accord, et j'ai
signé cette demande, que j'ai retournée à M. de Villepin, qui la faisait
circuler entre nous.
Revenons à l'objet de notre débat. Je ne me fais aucune illusion sur le sort
de l'amendement n° II-15 rectifié. Nous savons tous que l'Assemblée nationale
le repoussera. Mais, en attendant, il me semble utile de le voter. Il ne s'agit
pas du tout d'un amendement politicien.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Qu'est-ce donc alors ?
M. Jacques Habert.
C'est une expérience intéressante, vous l'avez dit vous-même. Il s'agit de
mieux utiliser des crédits inscrits au budget et de les orienter vers nos
compatriotes spoliés et ruinés, qui en ont le plus grand besoin.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet amendement, afin que
nous puissions étudier toutes les possibilités qu'il offre en matière de
compensations et d'indemnisations.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-15 rectifié, repoussé par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 5 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 5 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les affaires étrangères.
Culture
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la
culture.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Maurice Schumann,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Trois sujets d'interrogation, trois
sujets d'inquiétude, trois sujets de satisfaction, telle est, madame le
ministre, mes chers collègues, la conclusion que je tire d'un examen attentif
et, je le crois, objectif du projet de budget dont nous sommes saisis.
Une analyse me conduira, bien entendu, à une conclusion précise, mais je
souhaite vous indiquer par quel cheminement j'y suis parvenu.
En premier lieu, j'évoquerai donc trois motifs d'interrogation.
Le premier porte sur les structures de votre ministère et sur leur
rationalisation.
Il y a un mot qui est à la mode rue de Valois, c'est le mot « fusion ». Oh, il
ne m'inquiète ni ne m'indigne en lui-même, il peut comporter de très bons
éléments et conduire à de bonnes décisions. Par exemple, rien n'est plus normal
que de vouloir fusionner la mission interministérielle des Grands Travaux et le
Grand Louvre.
Je suis déjà beaucoup plus perplexe lorsqu'il s'agit de la fusion de la
direction du patrimoine et la direction de l'architecture. J'ai été très
favorable au retour de l'architecture dans le ministère de la culture, mais
j'attends maintenant avec impatience le document qui est en préparation, je le
sais, à votre ministère pour indiquer selon quelles modalités aura lieu le
rapprochement entre ces deux directions qui, ne l'oublions pas, sont souvent
rivales.
Il y a une troisième fusion qui a été annoncée par vous-même, madame le
ministre, à Strasbourg - depuis lors vous n'en avez plus parlé - et à laquelle,
je dois vous le dire, je serais assez nettement hostile : il s'agit de la
fusion de la direction du théâtre et de la danse, d'une part, et de la
direction de la musique, d'autre part. Laissez-moi vous dire, à ce propos, que
je suis aussi attaché à la préservation de l'identité musicale qu'à la
préservation de l'identité nationale, et vous me connaissez assez pour savoir
que ce n'est pas peu dire.
Après ce premier motif d'interrogation, il y en a un deuxième, que je vous
soumets très simplement : quand nous présenterez-vous un nouveau projet de loi
sur cet élément essentiel de votre ministère qu'est le patrimoine
architectural, qu'est le patrimoine tout court ?
Je sais bien que vous n'y êtes pas défavorable. Je sais que s'il y a des
réticences et des hostilités elles viennent non pas de la rue de Valois, mais
d'une artère plus éloignée du centre de Paris.
Laissez-moi vous dire cependant que je tiens beaucoup à ce qu'il y ait une
relève de la loi sur le patrimoine actuellement en vigueur et qui viendra à
expiration au cours de l'année prochaine. Pourquoi ? Eh bien ! je n'ai, pour me
justifier, qu'à évoquer un souvenir qui remonte à l'an dernier.
Initialement, un projet de budget nous était présenté qui avait pour résultat
de faire peser une très grave menace sur le patrimoine. Le Sénat a joué son
rôle, il a adopté un amendement - et je dois rendre hommage à votre
prédécesseur, M. Douste-Blazy, qui a joint ses efforts aux nôtres pour obtenir
de M. le Premier ministre un arbitrage favorable.
Ainsi, un crédit supplémentaire de 70 millions de francs a été dégagé et,
quand est venue l'heure des gels et des annulations, nous avons renouvelé nos
efforts et nous avons obtenu le maintien de ce crédit. C'est ainsi que le
minimum vital - je n'en dis pas plus - a été préservé, tant il est vrai que
cette référence qu'est la loi en vigueur est précieuse et tant il est vrai
qu'il est souhaitable qu'elle ne disparaisse pas. Enfin, le troisième point
d'interrogation est classique, je dirai même qu'il est rituel. Tous les
rapporteurs du budget de la culture l'ont évoqué. Vous m'avez déjà deviné, il
s'agit de la répartition des crédits entre Paris et la province. Actuellement,
on nous dit : 52 ou 53 % pour la province, 5 % pour l'Ile-de-France et le
reste, c'est-à-dire 42 %, pour Paris. Tout cela, bien entendu - et cela me
paraît important - hors établissements publics.
Je me permets de vous demander si vous pourriez nous fournir ces proportions
transposées, y compris les établissements publics.
J'en arrive à mes trois sujets d'inquiétude.
Le premier, madame le ministre, porte, vous n'en serez pas surprise, j'en suis
sûr, sur la préparation du prochain millénaire, sur la célébration de
l'avènement du prochain millénaire. Nous savons comment il est préparé en
Allemagne. Nous savons que l'Allemagne fêtera le transfert, le retour de sa
capitale à Berlin et qu'en même temps aura lieu une exposition universelle à
Hanovre. Nous savons comment l'Italie prépare la célébration de l'avènement du
prochain millénaire : elle célébrera le jubilé, si j'ose m'exprimer ainsi, du
Vatican. Tout cela est très réconfortant. Il y aura donc une participation
spécifiquement italienne, une participation spécifiquement allemande. Y
aura-t-il une participation spécifiquement française ?
On nous a parlé - ce sont des bruits que nous avons recueillis, ce ne sont que
des bruits, je le reconnais - d'un budget de 1 milliard de francs à 1,2
milliard de francs. On nous a dit que le financement pourrait être assuré par
la Française des jeux, grâce à de nouveaux jeux liés d'ailleurs à la naissance,
à l'aube du prochain millénaire. En bref, je voudrais savoir où nous en sommes,
compte tenu de la mission qui a été créée à la fin de l'année dernière et dont
la direction a été confiée à un homme que j'ai toutes les raisons de connaître
puisqu'il est président-directeur général du Centre Georges-Pompidou et que
j'en préside moi-même le conseil d'orientation.
Il y a incontestablement urgence, car nous n'avons devant nous, vous n'avez
devant vous, madame le ministre, que deux ans à peine. Il me paraît essentiel
que, encore une fois, nous sachions à quoi nous en tenir, que nous ayons un
programme et un programme de financement annexé au plan de célébration.
Le deuxième motif d'inquiétude que j'ai tient aux musées. Là encore, je vous
pose une question. On a beaucoup parlé d'une loi sur les musées. Quand
verra-t-elle le jour et quelle orientation comptez-vous lui donner ?
J'ai des responsabilités personnelles, que vous connaissez, dans la
conservation d'un grand musée, responsabilités qui m'ont été confiées par
l'Institut de France, je suis donc à même de comprendre les graves difficultés
auxquelles se heurtent les conservateurs, qui, dans l'ensemble, tirent le
meilleur parti possible des moyens de fonctionnement qui leur sont alloués.
Peut-être y aurait-il lieu de se demander - mais c'est une simple suggestion -
si, pour ne citer qu'un exemple, il est toujours judicieux de créer des espaces
nouveaux au moment même où l'on est amené à fermer des salles, faute de
personnel - mais c'est une remarque annexe.
Je voudrais, à ce propos, évoquer un problème capital, celui de la Réunion des
musées nationaux. Je sais que vous vous en occupez, et je le dirai dans un
moment.
En 1993, la Réunion des musées nationaux était excédentaire ; en 1994, elle
est devenue déficitaire ; le déficit ne cesse de s'aggraver et on peut se
demander s'il est structurel. Je l'ai longtemps cru. Mais je me suis rapproché
de votre ministère et j'ai su que vous aviez élaboré un plan triennal et que
celui-ci a pour objet de nous ramener en trois ans, comme son nom l'indique, à
la situation de 1993. Je me permets de vous demander si la première année du
plan triennal tend à vous rapprocher de ce but, ce que je souhaite très
sincèrement.
Lorsque ce but aura été atteint, peut-être devra-t-on s'interroger sur la
différence qu'il y a - et sur les conséquences à en tirer - entre les
attributions diverses de la Réunion des musées nationaux.
Il y a, parmi ces attributions, les achats d'oeuvres d'art, les organisations
d'expositions - la Réunion des musées nationaux s'en occupe fort bien - et les
activités commerciales, qui ont de plus en plus d'importance. Si la preuve est
faite que le déficit que l'on déplore depuis quelques années n'est pas un
déficit structurel, ne tient pas à la nature des choses, alors peut-être
pourra-t-on imaginer une autre forme d'activité commerciale dans les musées
nationaux ? Mais, encore une fois, le but de ma question, c'est de vous
demander - et je sais que vous y répondrez avec précision - si les résultats de
la première année du plan triennal sont, à cet égard, encourageants.
Enfin, j'ai un troisième sujet d'inquiétude, qui tient au cinéma.
Tout le monde sait que l'aide au cinéma est assurée par un fonds qui dispense,
d'une part, des crédits sur lesquels il a à se prononcer, des crédits qui, par
conséquent, sont sélectifs, et, d'autre part, des crédits dont l'attribution
est pratiquement automatique.
D'ailleurs, la partie automatique des crédits n'est pas négligeable : elle a
été, au cours de l'année dernière - je n'ai pas encore les chiffres de cette
année - de 276 millions de francs.
Aussi, je me demande si cette attribution automatique ne va pas,
involontairement, bien entendu, à l'encontre des intérêts directs du cinéma
français, et voici exactement ce que je veux dire : il y a, tout le monde le
sait maintenant et tout le monde le voit, à la lisière de nos villes, des
mastodontes, des cinémas, qui comportent huit, neuf ou dix salles et qui sont
indubitablement, il faut bien le dire, les moyens d'expansion des grands succès
ou des moindres succès hollywoodiens, disons des grandes productions
hollywoodiennes.
Il n'est pas question, bien entendu, de procéder à des mesures d'interdiction.
Il ne peut pas être question de riposter à la naissance de ces multiplexes par
ce que j'appellerai une sorte de police défensive. Non, bien entendu, il ne
s'agit pas de cela. Mais il s'agit de savoir s'il appartient aux contribuables
français de les financer indirectement par l'intermédiaire du fonds d'aide au
cinéma et à cause du jeu automatique de l'attribution d'une partie importante
des subventions, puisque je disais, voilà quelques instants, que le chiffre
atteint est largement supérieur à 200 millions de francs.
Je vous cite quelques chiffres. L'année dernière, les multiplexes
représentaient 11 % des entrées. Pour le premier semestre de cette année, ils
ont représenté 10 % des entrées. Bientôt, cela correspondra à près du quart des
entrées - évidemment je n'en ai pas la preuve, j'extrapole, mais cette
extrapolation n'est pas faite au hasard - nous pourrons nous demander si les 52
% que représentent encore les entrées dans les cinémas projetant des films
américains ne seront pas encouragés et si, par voie de conséquence, le cinéma
français ne sera pas marginalisé chez lui.
Encore une fois, ce que je demande, c'est que le mode de distribution des
fonds d'aide au cinéma soit révisé de façon telle qu'il devienne volontaire,
qu'il s'applique aux cas particuliers qui se posent et qu'ils n'offrent pas des
inconvénients comparables à ceux qu'offraient à une époque déjà lointaine, à
laquelle j'étais rapporteur du budget de la culture, et où nous avions
constaté, ici même, que ces mécanismes avaient pour résultat d'encourager, par
le jeu des réinvestissements, le cinéma pornographique. Aujourd'hui, ce
problème ne se pose plus, et en grande partie grâce au Sénat.
Le problème que je viens de soulever n'est pas moral, comme l'était le
précédent, mais il est politique, au meilleur sens du terme.
A partir du moment où le terrain a été déblayé par trois sujets
d'interrogation et par trois sujets d'inquiétude, nous en arrivons aux trois
sujets de satisfaction.
Le premier, c'est indubitablement le montant du budget. Il est en augmentation
de 6,4 %, si nous y comprenons les autorisations de programme, ce qui nous mène
à un total de 15,109 milliards de francs. Mais ce qui, à mon avis, est beaucoup
plus important, c'est que si nous ne tenons pas compte des autorisations de
programme, l'augmentation est de 3,8 % et, si mes calculs sont justes, cela
revient à dire que les crédits de paiement s'accroîtraient, l'an prochain, de
plus de 500 millions de francs.
Bien entendu, il se trouvera toujours quelqu'un pour dire que, par rapport aux
besoins, c'est insuffisant ! Mais qui, dans les circonstances présentes, et
compte tenu des contraintes budgétaires, pouvait espérer mieux qu'un
renversement de tendance ?
Le deuxième sujet de satisfaction, c'est que, à l'intérieur de cette
majoration de crédits - les 550 millions de francs que j'évoquais il y a un
instant - 245 millions de francs iraient au patrimoine. Cela est évidemment
essentiel pour une raison fondamentale, qui s'appelle l'emploi.
L'an dernier, quand j'avais déposé, avec l'approbation de l'ensemble du Sénat,
l'amendement grâce auquel 70 millions de francs ont été récupérés puis
maintenus, j'avais rappelé qu'un nombre appréciable d'entreprises, représentant
au total près de 40 000 emplois, pouvaient être condamnées à mort, étant donné
leur stricte spécialisation, par une diminution excessive, voire par un montant
insuffisant, des crédits du patrimoine.
Il est évident que, si les crédits sont, cette année, abondés dans la
proportion que je viens d'indiquer, le péril sera conjuré, et nous ne pourrons
que nous en féliciter et vous en remercier, madame le ministre.
J'ai d'ailleurs procédé à une comparaison ; je me suis demandé ce qu'aurait
donné une application rigoureuse et chiffrée de la loi sur le patrimoine,
encore en application. J'ai abouti à un chiffre : 1,633 milliard de francs. Or,
le chiffre qui nous est proposé dans votre projet de budget est de 1,616
milliard de francs. A 17 millions de francs près, la loi est donc
rigoureusement respectée.
Vous voyez d'ailleurs combien j'avais raison, tout à l'heure, de vous dire que
cette référence était utile et combien vous avez eu raison de souhaiter - car
je sais que vous le souhaitez - qu'il n'y ait pas d'interruption et qu'une loi
du patrimoine succède à l'autre et assure la continuité de l'effort.
D'ailleurs, il me souvient que, le 26 mars dernier, au moment où pesait une
menace, une menace grave, sur les crédits du patrimoine - encore une fois,
l'arbitrage de M. Juppé, dont je tiens de nouveau à le remercier, a permis de
trancher le problème - j'avais écrit au Premier ministre pour lui dire
textuellement : « N'oublions pas que 80 % des crédits du titre IV correspondent
à des emplois ».
Enfin, le troisième sujet de satisfaction - j'en ai déjà indiqué deux qui sont
importants - c'est le budget dévolu au spectacle vivant. Il augmente de 8 %,
mais, pour ce qui concerne le théâtre, il augmente de 12 %.
C'est ce qu'on a appelé - je crois qu'on a eu raison - une offre culturelle
améliorée en région. L'expression va loin, mais elle nous mène à nous
interroger sur ce que la décentralisation peut offrir comme avantage.
J'estime, pour ma part, que cette offre culturelle prendra tout son sens
lorsque, comme nous le souhaitons tous, elle aboutira à un véritable
partenariat avec les collectivités territoriales, lorsque, pour tout dire, le
bénéficiaire sera, plus complètement encore, rapproché du distributeur.
J'en arrive au terme de mon exposé.
Lorsque je me rappelle, sans rien en retrancher, les interrogations que j'ai
posées et auxquelles vous répondrez, lorsque je me rappelle les trois motifs
d'inquiétude et les trois motifs de satisfaction, je suis obligé de dire que
les motifs de satisfaction l'emportent, et la commission des finances a estimé,
à l'unanimité de ses membres présents, qu'elle ne pourrait pas refuser de
donner un avis favorable sans renier, ou tout au moins sans avoir l'air de
rétracter, les remontrances et les doléances qu'elle a multipliées dans le
passé.
Je vous confirme donc, madame le ministre, que je propose au Sénat de donner
un avis favorable.
Mais pouvons-nous nous en tenir là ? Je réponds non. A cause, cette fois, non
plus d'une inquiétude mais d'une angoisse, et qui ne vous met personnellement
pas en cause, pas plus d'ailleurs que vos prédécesseurs, surtout votre
prédécesseur immédiat.
Quelle est cette angoisse ? Je la présente très simplement : votons-nous un
budget définitif ou bien, dans quelques semaines, dans quelques mois, sans
aucune consultation préalable, nous trouverons-nous en présence de gels, suivis
d'annulations, qui remettront en cause les résultats dont nous avons lieu,
actuellement, de nous féliciter et de vous féciliter ?
Je sais bien, on me répondra : « Mais la situation ne serait pas nouvelle. Il
y a des précédents ! ». C'est tout à fait vrai. Il y a beaucoup de précédents,
sous tous les gouvernements, quelle que soit leur coloration. Mais je suis tout
à fait à l'aise, maintenant que je n'appartiens pas à la majorité
gouvernementale, pour répéter ce que j'ai dit à l'époque où j'y appartenais, il
y a deux ans, à cette tribune même, alors que votre prédécesseur venait de nous
annoncer des mesures nouvelles. Je lui ai dit : « Je vous remercie de ces
mesures nouvelles, mais elles seraient un leurre si, demain, certaines
régulations devaient remettre en cause des engagements solennellement pris
devant le Parlement. »
Alors, je dois vous dire que les efforts qui seront déployés pour éviter la
répétition de ces erreurs trouveront dans la commission des finances du Sénat
et dans la personne de son rapporteur, comme je le sais, j'en suis sûr, dans
les personnes du président et des rapporteurs de la commission des affaires
culturelles, un soutien constant.
Il est vrai, madame le ministre, qu'un budget est une autorisation et non pas
une obligation de dépenser. Mais il est non moins vrai que la logique d'un
régime démocratique nous interdit d'admettre que ce budget, une fois voté par
les élus du suffrage universel direct ou indirect, soit vidé d'une partie
importante de son contenu sans aucune consultation préalable, sans aucune
discussion préalable, bref, sans la volonté de respecter la parole donnée - un
projet de budget, c'est une parole donnée - ou tout au moins, si l'on estime
inévitable de la rétracter partiellement, de négocier ces rétractations de
façon telle qu'en tout état de cause les économies ne soient jamais consenties
ou imposées au détriment de ce qui doit être notre préoccupation constante :
l'emploi.
Toute autre attitude vous étonnerait de ma part. En tout état de cause, le
service prioritaire de la culture s'accommoderait mal d'une nouvelle offense à
la dignité du Parlement.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, madame la ministre, mes chers collègues, au travers du budget de
la culture, c'est toute une vision de la société et du rôle que l'Etat se donne
pour lui apporter un supplément d'âme qui apparaît derrière l'aridité des
colonnes et des chiffres.
Madame la ministre, votre budget est la pierre de touche permettant à la
représentation nationale de juger si l'Etat a la volonté, selon la très belle
formule de Malraux, de « donner à tous les clés du trésor ».
Loin d'être le variable d'ajustement de l'Etat, tentation permanente, hélas !
de tous les gouvernements, le budget de la culture doit à la fois revêtir un
caractère prioritaire et permettre les réformes nécessaires pour que la culture
ne reste pas hors du temps, hors du siècle, serais-je tenté de dire.
C'est à l'aune de ces deux critères que je me propose, madame la ministre,
d'examiner les grandes lignes du budget qui nous est aujourd'hui soumis.
Globalement, le budget pour 1998 traduit un effort incontestable en faveur de
la culture, tant dans ses grandes masses que dans les actions qu'il va
permettre. Il progresse de 3,78 % par rapport à 1997, calcul établi à structure
constante et tenant compte du rattachement de l'audiovisuel public aux services
du Premier ministre.
Cette augmentation, comme vient de le souligner M. Maurice Schumann, est
appréciable au regard des difficultés et de la contrainte budgétaire qui
caractérisent notre époque. Cela représente un effort vers la conquête du 1 %
mythique ; mythique parce que, depuis que Jean Vilar l'avait réclamé, il y a
plus de trente ans, peu de budgets l'ont atteint. Néanmoins, cette année, vous
vous en rapprochez, madame la ministre.
La diminution des crédits affectés aux grands travaux vous a, certes, donné
une marge de manoeuvre supplémentaire. Je m'en félicite, car j'imagine combien
la tentation a dû être grande de profiter de cette situation pour réduire
d'autant les crédits d'investissement de votre ministère.
Vous avez su garder, pour les affecter à d'autres chapitres, les crédits
globalement consacrés auparavant à ces grands travaux.
Seul le Louvre émargera, cette année, au budget de la culture. C'est tout à
fait essentiel, car nous avons la chance, avec cette structure, d'avoir le plus
beau musée du monde. Maintenir le programme d'achèvement des travaux, permettre
son fonctionnement dans de bonnes conditions me paraît être, pour paraphraser
une formule célèbre, une « ardente nécessité », essentielle au même titre que
la promotion et la préservation du patrimoine - j'y reviendrai dans un
instant.
Si l'on entre très rapidement dans le détail des chapitres, on peut constater
que les capacités d'action directe du ministère vont profiter modérément de ce
renforcement des crédits.
Le titre III, qui prévoit les moyens des services, augmente de 2,6 %, attitude
que je qualifierai de raisonnable puisqu'elle permet, en évitant toute dérive,
d'assurer dans de bonnes conditions l'accueil du public dans les grandes
structures - je pense, notamment, à la Bibliothèque nationale de France - et,
en même temps, d'améliorer le fonctionnement des services, dont on sait qu'ils
vont être regroupés, sur le plan matériel, dans une opération qualifiée, du nom
d'une de ces rues du vieux Paris qui font son charme, « Opération des
Bons-Enfants ».
Les crédits d'intervention culturelle augmentent de 2,5 %. Leur évolution est
contrastée.
Je me félicite qu'ils augmentent de 15 % pour les musées. Je reviendrais dans
un instant, après M. Schumann, sur les difficultés de la Réunion des musées
nationaux.
Ils augmentent de 11 % pour l'architecture. L'effort se poursuit pour montrer
aux architectes et aux élèves architectes que le transfert d'un ministère
réputé riche à un ministère réputé l'être moins ne se fera pas au détriment de
la qualité de leurs études.
Je me réjouis aussi de voir que les crédits des archives augmentent de 11 %.
On sait aujourd'hui à quel point la mémoire d'un pays est essentielle.
En revanche, je constate avec inquiétude que les crédits du livre et de la
lecture n'augmentent que de 1 %. C'est peu - d'autant qu'une bonne partie est
consacrée à la Bibliothèque nationale de France - alors que la lecture est de
plus en plus menacée par les nouvelles formes d'accès au savoir.
Si l'on n'y prête garde, la galaxie Gutenberg, à laquelle beaucoup, à
commencer par moi, restent fidèles parce que c'est leur formation, risque de
n'être plus, demain, qu'une forteresse assiégée.
J'en viens, enfin, aux dépenses en capital. C'est le point essentiel, le noyau
dur, le saint des saints de votre budget, madame la ministre, qui explique pour
une large part l'attitude qu'ont adoptée les commissions compétentes du
Sénat.
Les dépenses en capital augmentent très sensiblement, les crédits du
patrimoine, au sein même de ce chapitre, progressant de 39 % en autorisations
de programme.
Inutile de vous dire, madame la ministre, combien cette relance, qui marque le
retour à la loi de programme du 31 décembre 1993, était souhaitée par le Sénat,
conscient qu'il est de l'importance du patrimoine en termes économiques,
d'abord, tant pour le tourisme que pour les entreprises spécialisées - plus que
d'autres, vous connaissez leur savoir-faire exceptionnel, madame la ministre,
vous qui connaissez l'oeuvre Notre-Dame, qui, en tout cas, avez su y être
sensible - conscient qu'il est aussi que la préservation de nos monuments et de
nos sites est essentielle au maintien de la cohésion nationale.
Voilà un siècle et demi, Prosper Mérimée, que l'on connaît plus comme écrivain
que comme inspecteur général des monuments - c'est bien dommage ! - avait su
rendre les plus hautes instances de l'Etat sensibles à la notion même de
patrimoine. Il est essentiel que cette tradition propre à notre pays soit plus
vivace que jamais.
A cet égard, la commission des affaires culturelles attache du prix à ce que
la Fondation du patrimoine, issue d'une initiative du Sénat et d'un rapport de
notre collègue Jean-Paul Hugot, puisse compléter harmonieusement les efforts de
l'Etat, notamment pour le petit patrimoine rural, souvent de grande qualité,
mais qui pèse lourdement sur le budget des communes.
Voilà pour ce qui est, madame la ministre, mes chers collègues, des grandes
lignes de ce budget et des éléments de satisfaction que la commission a
soulignés.
Je souhaite maintenant, dans un deuxième temps, relever les grands axes de la
réforme que traduit la politique culturelle initiée par ces crédits.
Il s'agit, tout d'abord, de la modernisation, dans un certain nombre de
domaines, de l'administration.
Plusieurs mesures de réorganisation vont donner un visage nouveau à
l'administration centrale du ministère, notamment la fusion des directions de
l'architecture et du patrimoine et la fusion programmée des directions de la
musique, de la danse et du théâtre.
Autant la première apparaît logique, sous la seule réserve que la mission de
protection du patrimoine n'entre pas en concurrence avec la promotion de
l'architecture, autant la seconde, qui a soulevé les inquiétudes des
professionnels concernés, nécessitera beaucoup de prudence dans sa mise en
application pour que chaque secteur - vous vous y êtes, je crois, engagée -
conserve son identité.
S'y ajoute la création, initiative qu'il convient de saluer, d'une agence
d'ingénierie culturelle qui gérera la maîtrise d'ouvrage du ministère et
permettra, par la fusion de plusieurs organismes, de réelles économies de
fonctionnement.
La déconcentration est le deuxième axe de la réforme que permet ce budget.
En soi, elle est une bonne chose. Pour ne retenir qu'un seul chiffre, 52 % des
crédits d'interventions culturelles sont déconcentrés. Cela va dans le sens du
rééquilibrage des crédits entre Paris et la province, souhaité par le Sénat et
engagé depuis plusieurs années. Encore faudra-t-il que les moyens mis à la
disposition des directions régionales des affaires culturelles suivent, et
surtout, - la commission tenait à attirer votre attention sur ce point - que
l'Etat fixe les grandes règles de la répartition des crédits.
Vous y verrez peut-être, mes chers collègues, la trace d'un jacobinisme
culturel, mais il nous paraît essentiel que, dans ce domaine, l'équité soit
préservée et que l'Etat, dont c'est le rôle, veille, au moyen de son
administration centrale, à éviter entre nos régions des distorsions par trop
marquées dans les interventions culturelles.
Troisième axe de réforme, la clarification des relations entre l'Etat et ses
partenaires est illustrée par deux mesures : la charte du service public
permettra de formaliser les obligations des réseaux culturels subventionnés, et
le Fonds de contractualisation, doté de 23 millions de francs, favorisera le
renforcement de la collaboration entre les services de l'Etat et les
collectivités locales, notamment pour ce qui est des enseignements artistiques.
C'est une initiative dont notre commission s'est félicitée.
Cette réforme est d'autant plus importante qu'elle va de pair avec la
poursuite de l'aménagement culturel du territoire. Cela fait bien longtemps
qu'il n'y a plus en France, dans ce domaine, de « désert francais », et je
m'étais plu, l'année dernière, à saluer l'effort essentiel accompli par les
collectivités locales, effort qui représente, sachez-le, plus de 50 % des fonds
publics consacrés à la culture.
Il est néanmoins essentiel, devant les inégalités de développement économique
des régions, que l'Etat poursuive une action volontariste de rééquilibrage.
Vous prévoyez deux mesures en ce sens : d'une part, le financement des grands
projets en région, avec la poursuite de projets aussi intéressants que le
Centre de la mémoire contemporaine de Reims ou le Centre du costume de scène de
Moulins, d'autre part, le renforcement des réseaux de diffusion culturelle en
province.
Enfin, la politique culturelle du cadre de vie est le quatrième axe d'une
réforme administrative originale.
Vous profitez du transfert de la direction de l'architecture au sein de votre
ministère pour dégager une politique sur laquelle, je crois, on peut fonder de
réels espoirs, car, si l'effort en matière d'architecture se poursuit très
classiquement, avec des moyens permettant, dès cette année, à la réforme des
études, dite réforme Frémont, de se dérouler convenablement, votre budget va
au-delà, et ce par deux mesures : la création d'un réseau de diffusion de la
création architecturale et le renforcement des zones de protection du
patrimoine architectural urbain et paysager.
Il est essentiel de réintroduire la notion d'esthétique dans l'urbanisme.
Si la politique urbaine conduite depuis tant et tant d'années a abouti à une
dégradation des conditions de vie des habitants des zones urbaines,
contrairement aux espoirs qu'elle avait suscités - je fais allusion à la charte
d'Athènes, pour ne prendre que cet exemple - c'est peut-être parce que le souci
du beau en était absent. Or, le beau n'est pas seulement un souci gratuit.
Souvenons-nous de l'article « Beau » de l'
Encyclopédie
, que Diderot a
tenu à rédiger et dans lequel il écrit que le beau mène au bien.
C'est peut-être, dans le domaine de l'environnement et de la politique
urbaine, un axe essentiel. Je souhaite, en tout cas, que le transfert de la
direction de l'architecture au sein du ministère de la culture soit davantage
qu'une simple réforme administrative et qu'il marque le retour de l'esthétique
urbaine, oubliée depuis bien longtemps.
Après avoir examiné l'évolution des crédits du ministère de la culture, puis
les grands axes de la réforme administrative, je voudrais, madame le ministre,
vous faire part de deux sujets d'inquiétude, qui vont bien au-delà du seul
souci de cet exercice budgétaire.
Le premier tient à la nécessaire extension de la notion de patrimoine. C'est
une évolution admise depuis quelques années, car le patrimoine ne recouvre plus
seulement le patrimoine monumental : son champ d'action s'est diversifié et
s'étend à des domaines nouveaux. L'un est particulièrement essentiel, à mes
yeux, je veux parler du patrimoine industriel.
Or la France a pris beaucoup de retard dans ce domaine par rapport à d'autres
pays, comme la Grande-Bretagne ou l'Allemagne. Je me limiterai à un seul
exemple, auquel je suis très sensible en tant qu'élu lorrain. Si l'on veut
aujourd'hui visiter un écomusée de la sidérurgie, il faut désormais aller en
Sarre, car nous ne disposons plus, en France, contrairement à ce qui existe
pour les mines, de ce type de structures. C'est particulièrement regrettable.
En effet, de nombreuses destructions ont déjà fait disparaître des pans entiers
des vestiges de l'âge d'or industriel de notre pays.
Il me paraît pourtant essentiel de rappeler aux générations futures comment, à
travers des activités économiques aujourd'hui disparues, notre pays s'est
formé. Il n'est pas indifférent, dans ces temps où la tentation du repli sur
soi et du rejet de l'autre se développe, de montrer que la France s'est
constituée par des apports de populations divers, rendus nécessaires par
l'industrialisation qui ont fait la fortune de bien des régions, à commencer
par la mienne !
Le succès des Journées du patrimoine, voilà quelques semaines, a montré,
madame le ministre, l'intérêt que les Français attachent au patrimoine.
M. le président.
Veuillez conclure, je vous prie, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar,
rapporteur pour avis.
Il me paraît donc essentiel qu'une double action
d'inventaire et de protection soit engagée.
Il est une seconde difficulté que je vois pour l'avenir, et que M. Maurice
Schumann a longuement évoquée, je veux parler de la crise de la Réunion des
musées nationaux et des difficultés croissantes, année après année, pour
l'acquisition des oeuvres d'art, que la jurisprudence Walter ou que les
évolutions du marché de l'art rendent de plus en plus problématique.
Telles sont, madame le ministre, les deux préoccupations sur lesquelles
j'entendais appeler votre attention pour que, dans l'avenir, tant l'acquisition
des oeuvres d'art que le patrimoine industriel reprennent ou prennent la place
prioritaire que la commission souhaite leur donner.
Je conclurai en indiquant que la commission des affaires culturelles,
consciente de ces évolutions, a fait trois voeux avant de donner un avis sur
votre budget.
Elle a souhaité, tout d'abord, que des mesures de régulation budgétaire ne
viennent pas, une fois de plus, compromettre un effort incontestable en faveur
de la culture et que ce budget ne soit pas un autre rocher de Sisyphe.
La commission a souhaité, en outre, qu'une nouvelle loi de programme sur le
patrimoine puisse intervenir à l'expiration, prochaine, de l'autre et, enfin,
qu'un grand débat sur la culture puisse avoir lieu devant la représentation
nationale.
C'est dans ces conditions, madame la ministre, que la commission des affaires
culturelles a donné, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption des crédits
de votre ministère.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Vidal, rapporteur pour avis.
M. Marcel Vidal,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le cinéma
et le théâtre dramatique.
Monsieur le président, madame la ministre, mes
chers collègues, je souhaite, en introduction, exprimer mes remerciements à Mme
la ministre pour la qualité des échanges que nous avons eus dans le cadre de la
préparation de cette discussion budgétaire.
Le budget du cinéma s'élève à 1,59 milliard de francs, en progression de 4,6 %
par rapport à 1997. Cette progression s'explique essentiellement par une
augmentation de 4,9 % des recettes du compte de soutien, qui représente 80 % du
budget du cinéma et, dans une moindre mesure, par une progression de 2,9 % des
dotations du ministère de la culture.
Ces crédits supplémentaires permettent, en premier lieu, de renforcer les
moyens du soutien financier aux industries du cinéma.
La commission a constaté avec satisfaction qu'une mesure nouvelle de 22
millions de francs était prévue en faveur des salles de cinéma situées dans les
zones d'influence des multiplex. C'est un point important. Il est aujourd'hui
acquis que les multiplex participent au redressement de la fréquentation.
Pendant dix ans, de 1982 à 1992, le grand écran a perdu 40 % de ses
spectateurs, ce qui a entraîné la fermeture de sept cents salles de cinéma,
mais aujourd'hui, on ne peut pas négliger les effets positifs de ces
équipements sur l'économie de ce secteur.
Il est cependant indéniable que le développement des multiplex suscite des
difficultés. Dans certaines villes, leur implantation désordonnée remet en
cause des équilibres urbains fragiles. De ce point de vue, je vous rejoins,
madame la ministre, pour penser avec vous que l'extension de la loi Royer aux
équipements cinématographiques est une réponse qui n'est pas tout à fait
satisfaisante.
Plus généralement, le développement des multiplex renvoie à la question de la
concentration croissante des industries françaises du cinéma et du maintien
d'un cinéma indépendant. C'est là un enjeu majeur de la politique du cinéma.
Cette politique doit, en effet, accompagner la modernisation du cinéma français
en tant qu'industrie, tout en préservant le pluralisme du cinéma français en
tant qu'art.
En second lieu, l'augmentation du budget du cinéma permet, mes chers
collègues, de développer des actions culturelles, en particulier en faveur du
patrimoine cinématographique.
Les crédits affectés à la politique de conservation et de restauration du
patrimoine s'élèvent à 52 millions de francs, soit une progression de 10,6 %
par rapport à l'exercice écoulé. C'est, pour nous, un motif de satisfaction.
Les oeuvres cinématographiques constituent aujourd'hui des éléments de notre
patrimoine culturel au même titre que les livres. Le service des archives du
Centre national de la cinématographie, chargé du plan nitrate, reçoit ainsi un
soutien accru et justifié.
La commission a, en revanche, regretté que cette politique de restauration ne
s'accompagne pas d'une véritable politique de valorisation du patrimoine
cinématographique.
La France dispose, dans ce domaine, d'institutions réputées, comme la
Cinémathèque française, le musée Langlois ou la Bibliothèque du film. Ces
institutions sont cependant placées, depuis dix ans, dans des situations
provisoires en vue de leur emménagement dans un palais du cinéma qui n'a
toujours pas vu le jour, madame la ministre, peut-on espérer que ce projet
puisse aboutir prochainement ? Plus généralement, que comptez-vous faire pour
accroître la diffusion des films anciens auprès du grand public ?
Au-delà des chiffres, je tiens à vous faire part, mes chers collègues, de
plusieurs questions qui nous ont semblé être des enjeux importants pour la
politique du cinéma.
L'industrie du cinéma français doit aujourd'hui faire face à des mutations
importantes de son environnement économique. Je veux parler de la concentration
croissante des entreprises de l'audiovisuel et du cinéma, du développement des
télévisions numériques, mais également de la déréglementation des échanges
internationaux dans le secteur de la communication et de la culture.
Dans ce contexte, le rôle du ministère de la culture consiste non seulement à
chercher, à l'échelon national, la politique la plus adaptée aux mutations en
cours, mais également à défendre, à l'échelon international, la légitimité de
la politique française en faveur du cinéma.
Madame la ministre, vous avez hérité de votre prédécesseur d'un certain nombre
de projets de réforme que vous avez repris à votre compte. Je veux parler de
l'extension de la taxe sur les services audiovisuels, destinée au compte de
soutien, à l'ensemble des chaînes thématiques, de la réforme de l'agrément des
oeuvres cinématographiques et aussi de la réforme du soutien automatique aux
exploitants de salles.
Dans un contexte marqué par le développement des multiplex, cette dernière
réforme tend à accroître la redistributivité du soutien à l'investissement des
salles de cinéma. Nous nous en félicitons.
A l'échelon international, les négociations en cours de l'accord multilatéral
sur les investissements suscitent, en revanche, beaucoup d'inquiétude. Ces
négociations visent à éliminer les obstacles aux investissements internationaux
au sein des membres de l'OCDE. Elle mettent de nouveau en cause le système de
protection de notre secteur culturel, en particulier le dispositif de soutien
financier à l'industrie cinématographique.
La France, dans le prolongement des négociations du GATT, a jugé indispensable
l'insertion d'une clause d'exception générale en faveur des secteurs de
l'audiovisuel et de la culture. J'aimerais, madame la ministre, savoir de
quelle façon vous êtes associée à cette négociation et quelles sont les chances
de voir la position de la France s'imposer.
Enfin, j'en arrive, mes chers collègues, aux crédits du théâtre dramatique.
Ils s'élèvent, pour 1998, à 1,55 milliard de francs, soit une progression de
11,9 % par rapport à 1997. Toutefois, hors crédits affectés à la rénovation du
théâtre de l'Odéon, la progression n'est plus que de 4,8 %, soit 66 millions de
francs de crédits supplémentaires.
Les subventions de fonctionnement des théâtres nationaux atteignent 350
millions de francs, en progression de 4,5 % par rapport à 1997, soit 15
millions de francs de crédits supplémentaires.
Les crédits d'intervention, destinés, en particulier, au réseau de
décentralisation dramatique, aux théâtres missionnés et aux compagnies
dramatiques indépendantes, augmentent de 20 millions de francs.
Nous observons avec satisfaction que, pour la quatrième année consécutive, les
crédits affectés aux compagnies n'ont finalement pas fait l'objet d'annulations
en cours d'année.
En revanche, l'incertitude sur le montant et la date du versement des
subventions a encore entraîné des difficultés de programmation et, surtout, de
trésorerie.
Vous avez annoncé, à cet égard, madame la ministre, la publication d'une
charte du service public des arts de la scène. Cette charte devrait rappeler
les missions et les obligations des structures subventionnées. C'est un élément
positif. Le soutien public implique, en effet, des engagements précis
concernant la création et la diffusion. On pourrait imaginer que,
réciproquement, figurent dans cette charte les obligations auxquelles s'engage
le ministère de la culture à l'égard, par exemple, des compagnies dramatiques
indépendantes.
J'en viens aux crédits affectés à l'enseignement de l'art dramatique. Ils
s'élèvent, pour 1998, à 68,1 millions de francs, en progression de 7,9 % par
rapport à 1997. Ces crédits sont encore insuffisants pour créer un véritable
réseau d'enseignement public du théâtre dramatique. Non seulement certains
départements sont dépourvus de structures de formation de qualité, mais la
quasi-totalité des élèves des conservatoires nationaux sont issus de cours
privés parisiens dont les frais de scolarité ne les rendent pas accessibles à
tous.
Plus généralement, l'absence d'un réseau structuré d'enseignement public d'art
dramatique conduit à délaisser le théâtre amateur. Il est vrai, et c'est l'une
des subtilités de la répartition des compétences ministérielles, que le théâtre
amateur relève du ministère de la jeunesse et des sports. Toujours est-il qu'il
n'y a pas de véritable politique en faveur du théâtre amateur. Vous appelez de
vos voeux, madame la ministre, une démocratisation des pratiques artistiques ;
passera-t-elle par un soutien accru au théâtre amateur ? J'aimerais, sur ce
point, connaître vos projets.
Mes chers collègues, le budget du théâtre dramatique pour 1998 se caractérise
également par une plus grande déconcentration des crédits. Le pourcentage des
crédits déconcentrés de la direction du théâtre et des spectacles devrait
passer, en effet, de près de 30 % à un peu moins de 50 %.
Cette déconcentration des crédits, nous l'avons souvent appelée de nos voeux
au niveau des collectivités locales. Elle suscite l'inquiétude des professions
concernées. Je crois qu'elle ne sera profitable que si les services centraux
changent véritablement leur méthode de travail. La déconcentration suppose en
particulier la mise en place d'un réel pilotage des politiques menées par les
directions régionales des affaires culturelles. On imagine mal, en effet, que
la déconcentration des crédits se traduise par la mise en oeuvre d'autant de
politiques culturelles qu'il y a de directeurs régionaux des affaires
culturelles ou de préfets de région ! Les marges de manoeuvre laissées aux
directions régionales des affaires culturelles doivent donc avoir comme
contrepartie une véritable évaluation de leur action.
Vous avez évoqué, madame le ministre, la possibilité de réunir, d'une part, la
direction du théâtre et des spectacles et, d'autre part, la direction de la
musique et de la danse dans une direction des arts de la scène. Cette réforme
suscite des inquiétudes parfois légitimes. Elle aurait cependant le mérite de
donner aux directions régionales des affaires culturelles un interlocuteur
unique pour tout ce qui concerne le spectacle vivant et de renforcer le
caractère pluridisciplinaire des scènes nationales, voire des centres
dramatiques nationaux.
Je ne voudrais pas achever cet exposé sans mentionner le problème important
des intermittents du spectacle. En mars dernier, les partenaires sociaux ont
prorogé jusqu'en décembre 1998 le régime d'assurance chômage prévu par les
annexes VIII et X de l'UNEDIC. L'Etat s'est engagé, pour sa part, à mettre en
oeuvre un certain nombre de réformes. Où en est-on ? Ce régime, qui constitue
un élément essentiel de soutien au théâtre et au cinéma, sera-t-il pérennisé
?
Sous réserve de ces observations, la commission des affaires culturelles,
compte tenu des réformes engagées et de l'évolution des crédits, a donné un
avis favorable à l'adoption des crédits du cinéma et du théâtre dramatique.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 28 minutes ;
Groupe socialiste, 27 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 30 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
8 minutes.
La parole est à M. Hugot.
M. Jean-Paul Hugot.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la communauté
culturelle active, la pratique culturelle et les publics restent encore trop
réduits, ce que nous déplorons tous. En effet, s'il est vrai que les pratiques
culturelles ont évolué depuis 1960, la démocratisation de la culture, telle
qu'on pouvait la rêver voilà trente ans, est encore loin d'être une réalité.
Nous devons donc tendre à nous rapprocher toujours davantage de l'égalité
d'accès à la culture, ainsi que l'a toujours affirmé le Président de la
République, M. Jacques Chirac.
Madame le ministre, s'agissant de votre propre démarche, illustrée par votre
projet de budget pour 1998, je me félicite tout d'abord - c'est un aspect
pratique important - du document annexé au projet de loi de finances qui
regroupe l'ensemble des financements de la politique culturelle et qui permet
d'avoir une meilleure vision globale de notre politique culturelle et de son
coût. Il est d'ailleurs intéressant de constater que près de la moitié des
crédits qui sont considérés comme étant consacrés à la culture émanent d'autres
budgets que celui du ministère de la culture. Ne serait-il pas opportun, au vu
de ce constat, de relancer l'idée d'un comité interministériel des affaires
culturelles chargé de veiller à ce que les préoccupations culturelles irriguent
toutes les activités de l'Etat, ainsi que le proposait M. Jacques Rigaud dans
son rapport de la commission d'étude de la politique culturelle de l'Etat ?
Madame le ministre, vous avez également indiqué en commission qu'un débat
parlementaire consacré à la politique culturelle pourrait utilement être
organisé dès que des progrès auraient été réalisés dans l'élaboration de
certains projets mis à l'étude au sein de votre ministère. Je souhaiterais
savoir dans combien de temps ce débat pourra à votre avis avoir lieu, si le
principe en est maintenu. Un tel débat me paraît en effet particulièrement
opportun au moment où notre société marque une accélération dans son évolution
et où les choix que nous devons faire doivent donc accompagner cette
évolution.
Concernant votre projet de budget, j'aimerais formuler tout d'abord quelques
remarques, puis vous poser quatre questions.
Ma première remarque vise à constater que vous avez peut-être bénéficié, pour
la préparation du projet de loi de finances pour 1998, de marges de manoeuvre
plus importantes que vos prédécesseurs, en raison de la diminution des crédits
consacrés aux grands travaux lancés par François Mitterrand, alors Président de
la République.
Pour ne citer qu'elle, la Bibliothèque nationale de France est enfin terminée.
Elle aura pesé lourdement sur les dépenses du ministère de la culture : près de
10 milliards de francs. Elle continuera d'ailleurs à grever dans l'avenir les
dépenses de fonctionnement de votre ministère pour plus de 600 millions de
francs par an.
J'en viens à ma deuxième remarque : s'agissant du patrimoine monumental, je me
réjouis tout particulièrement de l'augmentation très significative des dépenses
en capital qui traduit l'importance de l'effort accompli et qui devrait
permettre de relancer l'emploi dans ce secteur, ce qui n'est pas
négligeable.
Il faut bien reconnaître que les régulations budgétaires en cours d'année
avaient pu malmener récemment ce secteur. Nous souhaitons tous que cette
mésaventure ne se renouvelle pas.
En revanche, permettez-moi, madame le ministre, de m'inquiéter peut-être, mais
au fond sans véritable raison, de l'action qui sera accomplie en faveur du
patrimoine rural non protégé. En effet, compte tenu du délai de mise en place
de la Fondation du patrimoine, à la création de laquelle le Sénat a souhaité
prendre une part très active, ce patrimoine rural ne pourra probablement pas
bénéficier, en 1998, du soutien qu'il pourrait attendre de cette instance en
année pleine de fonctionnement. Par conséquent, l'aide de l'Etat ne
devrait-elle pas être un peu plus qu'une aide logistique cette année ?
J'aimerais connaître vos intentions à ce sujet.
Ma troisième remarque concerne la poursuite de la politique d'aménagement
culturel du territoire engagée par les précédents gouvernements. Nous voyons
avec satisfaction que le programme des grands projets en région, décidé en
1994, n'est pas remis en cause.
En revanche, je regrette que la plus grande majorité des crédits de
subventions aux établissements publics ne profite qu'aux établissements
parisiens. Peut-être est-il regrettable pour ce secteur que vous n'ayez pas
souhaité suivre votre prédécesseur au bénéfice de la province.
Peut-être est-ce d'ailleurs l'occasion de se rappeler que cette politique
culturelle, en province notamment, tient beaucoup au dynamisme des
collectivités locales, dont nous devons relever le caractère déterminant des
contributions. Il est clair que, si la vie culturelle de la France
contemporaine est à ce point extrêmement diversifiée, innovante et vivante sur
l'ensemble du territoire, c'est aux villes, aux régions et aux départements
qu'on le doit largement, et je sais que le ministère en est conscient. C'est
ainsi que ce dernier donne un ressort nouveau à ces initiatives de terrain par
les mesures de déconcentration qu'il nous faut aussi saluer.
Après avoir fait ces quelques remarques, je souhaiterais vous poser quelques
questions, madame le ministre.
La première concerne la place que vous avez réservée dans votre projet de
budget à la politique du livre et de la lecture, dont M. le Président de la
République a fait une priorité nationale.
Le précédent gouvernement avait placé la lutte contre l'illettrisme au coeur
de l'instauration du rendez-vous citoyen et du programme d'actions pour le
renforcement de la cohésion sociale, deux projets qui ne figurent plus dans vos
propres propositions.
En outre, j'ai constaté que les crédits destinés à la direction du livre et de
la lecture ne progressaient que de 1 % dans le projet de budget pour 1998.
Or - je pense que ce n'est pas une découverte - d'après une récente étude de
l'INSEE, l'illettrisme touche aujourd'hui un jeune sur dix. Il s'agit là d'un
fléau qui atteint les populations les plus fragiles. Je me demande donc si nous
n'aurions pas pu favoriser, par le biais de la culture, une meilleure
insertion.
Madame le ministre, si vos collègues chargés de l'éducation nationale doivent
travailler à lutter contre cette gangrène, votre ministère est également
directement concerné. Je souhaiterais donc que vous fassiez en faveur de la
lutte contre l'illettrisme un effort tout particulier ; 1 % au regard de
l'augmentation des crédits de votre ministère, c'est trop peu ! J'aimerais que
vous m'apportiez quelques précisions sur ce sujet, et peut-être aussi quelques
engagements.
Ma deuxième question a pour objet l'annonce que vous avez faite voilà quelques
semaines d'ouvrir des archives en principe fermées au public, comme celles qui
sont relatives aux événements du 17 octobre 1961. L'enjeu de cette décision
n'est pas négligeable.
Le projet de loi qui a été annoncé me paraît satisfaire un souci de plus
grande transparence. Mais, si des limites, notamment le respect d'un certain
délai, ont été fixées à la consultation des archives, c'est probablement pour
des raisons qu'il ne faudrait pas bafouer par un nouveau texte de loi peut-être
hâtif. J'aurais souhaité connaître l'état d'avancement de votre réflexion sur
ce projet.
Ma troisième question porte sur les emplois-jeunes.
Il est intéressant de constater que la professionnalisation et la demande du
public, à laquelle les équipements culturels de proximité répondent, sont
telles que de nouveaux postes de travail se créent ou évoluent, deviennent
spécialisés et ne peuvent plus être occupés par des emplois occasionnels ou
bénévoles. Oui, il y a des emplois émergents à combler ; mais ces derniers ne
semblent pas correspondre systématiquement aux emplois-jeunes, qui ne
s'accompagnent d'aucune formation et qui, je le crains, ne satisferont pas les
demandeurs sur le terrain.
Pouvez-vous, madame le ministre, nous indiquer avec précision vos intentions
pour la mise en place de ce plan, coûteux pour les finances publiques, et nous
dire notamment quelles catégories d'emplois seront créées, quelle formation est
prévue pour ces jeunes et quels débouchés seront offerts à ces derniers dans
cinq ans ?
J'en viens à ma dernière question. L'année dernière, un conflit assez dur
s'est déroulé concernant le régime d'assurance chômage des intermittents du
spectacle. Sur l'initiative du précédent gouvernement, un rapport, établi par
M. Cabanes, a présenté des solutions acceptées par les différents acteurs du
secteur, l'UNEDIC et l'Etat. Les solutions trouvées supposaient que le
Gouvernement s'engage à entreprendre un certain nombre de réformes. Je
souhaiterais connaître l'état d'avancement du dossier.
Tels sont les points que je voulais soulever, madame le ministre. Tout cela
s'inscrit d'ailleurs dans l'excellent rapport de M. Maurice Schumann.
Je vous remercie de l'attention que vous voudrez bien porter à mes
interrogations.
Le groupe du RPR, suivant les conclusions de M. le rapporteur spécial, se
propose de voter ce projet de budget de la culture pour 1998 que vous présentez
à la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le violoniste
Yehudi Menuhin, qui a passé son enfance dans ma commune de Ville-d'Avray, où il
avait pour voisin un autre musicien, également écrivain, Boris Vian, est
l'auteur d'une petite fable intitulée
le Violoniste et le Comptable.
Un royaume qui serait peuplé uniquement de violonistes deviendrait vite
ingouvernable pour cause d'exubérance. Habité seulement par des comptables, le
royaume irait vite à sa perte pour excès de sérieux. Pour être équilibrées, nos
sociétés doivent faire leur place aux uns et aux autres, « à l'âme des uns et
aux chiffres des autres », pour reprendre l'expression employée tout à l'heure
par M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Nos sociétés seront vivantes si
elles savent favoriser le dialogue des violonistes et des comptables.
Notre débat de ce jour, madame le ministre, a donc une signification forte.
Aujourd'hui, dans cet hémicyle, les violonistes et les comptables ont
l'occasion de se parler. Il nous appartient de faire en sorte que ce soit pour
le plus grand bien du « royaume ».
Vous l'avez compris, mes chers collègues, je vais centrer mon propos sur la
musique. Je le ferai en élu local, ce qui, après tout, est le rôle d'un
sénateur.
S'agissant en particulier de la musique, l'ancien maire de Strasbourg que vous
êtes, madame le ministre, a bien sûr vécu le même type d'expérience, et
certainement les mêmes émotions, la seule différence étant que c'était dans une
grande ville.
La ville que j'ai l'honneur d'administrer est au contraire l'une des plus
petites de France, sinon la plus petite, à être le siège d'une école nationale
de musique et de danse.
Cette école est évidemment notre fierté, mais elle représente aussi une charge
qui, dans un budget total modeste, est à la limite du supportable pour des
contribuables, qui peuvent être tentés de considérer alors cette école, sans
mauvais jeu de mots, comme une « danseuse ».
(Sourires.)
Dans notre situation extrême - une « grande école » dans une « petite
ville » - les vrais problèmes apparaissent de manière aveuglante. C'est
pourquoi j'ai choisi de partir de cet exemple un peu personnalisé.
Le statut « national » de cette école présente de nombreux avantages, et
d'abord une réputation assise sur une incontestable garantie de qualité. Par
leurs oeuvres de composition musicale ou par leurs prestations en concert, le
directeur et les enseignants de cette école font progresser la musique dans
notre pays. Leur activité de ce fait représente le meilleur et le plus
entraînant des exemples qui soit, en même temps qu'elle donne le modèle d'une
exigence incontournable aux élèves, lesquels voient ainsi leurs motivations
soutenues de manière tout à fait exceptionnelle.
Les missions d'une école de musique, à partir du moment où elle est nationale,
sont à mon sens principalement de deux ordres : apporter un enseignement
supérieur spécialisé et appeler tous les scolaires de nos villes à découvrir la
musique.
Il est très important de répondre au mieux aux souhaits d'amateurs désireux
d'améliorer leur pratique, et cela jusqu'aux niveaux supérieurs. Nos écoles
sont bien là dans leur rôle. Mais nombre de communes n'offrent pas cette
possibilité, car ce n'est pas une obligation. En revanche, lorsque nos écoles
nationales forment des professionnels de la musique elles assurent directement
une responsabilité obligatoire... pour l'Etat.
Que les professionnels soient formés avec les amateurs, en quelque sorte en
formation « open », est bon pour les uns et pour les autres. Pédagogiquement
intéressante, cette formule est budgétairement malheureusement source de
confusion, voire inflationniste pour les communes. La confusion des formations
ne favorise pas en effet la clarté des comptes.
Vous avez dû le vérifier vous-même, madame le ministre, la contribution de
l'Etat au fonctionnement de nos écoles nationales s'érode régulièrement. Elle
est loin aujourd'hui de couvrir les charges correspondant à la formation des
professionnels du secteur que l'Etat devrait couvrir.
Alors, dans la pratique, le relais est pris par les communes qui sont devant
un choix difficile : soit elles suivent comme elles peuvent, soit elles ferment
leurs écoles de musique. Fermer représente une extrémité devant laquelle la
plupart reculent encore, mais jusqu'à quand ? Transférer cette charge de l'Etat
sur le contribuable local est cependant un très mauvais service à rendre, à nos
budgets municipaux bien sûr, mais aussi à l'image des écoles de musique dans
nos villes : les écoles deviennent celles par lesquelles l'impôt, sinon le
scandale, arrive. Elles deviennent des victimes toutes désignées à la vindicte
de contribuables prompts à s'enflammer et en veine de boucs-émissaires. Et cela
est ravageur pour la musique et pour l'harmonie dans nos villes, ce qui est
presque aussi grave.
Les professions de la musique ont droit de cité autant que les autres. Les
charges liées à la formation des juristes ou des ingénieurs ne sont pas
supportées par les villes qui accueillent les universités ou les grandes écoles
qui les forment.
Madame le ministre, veillez à ne pas laisser dévaloriser les métiers de la
musique. La formation des musiciens, et plus généralement des artistes - c'est
en effet vrai aussi pour les architectes, les peintres, les sculpteurs, les
spécialistes des métiers d'art et bien d'autres - doit bénéficier de
l'attention de l'Etat, comme les formations qui conduisent à d'autres
professions.
J'ajoute qu'aujourd'hui non seulement l'Etat ne remplit plus ses obligations
dans ces domaines, mais encore que ce qui est devenu son « concours » financier
- je me refuse à parler de subvention de l'Etat aux écoles nationales de
musique, car cela accréditérait l'idée que l'Etat « soutient », alors qu'il
doit « porter », et je ne veux pas croire que l'Etat puisse se désengager de
cette responsabilité concernant la formation professionnelle - ce « concours »
de l'Etat, donc, est apporté dans des conditions qui, elles-mêmes, posent
problème. Nous ne savons pas, en début d'année, à quel niveau il sera fixé.
Nous devons nous estimer heureux lorsque nous apprenons en fin d'année qu'il
n'a pas été excessivement réduit par rapport à ce qu'il était l'année
précédente. La régulation, enfin, ou la déconcentration étant invoquées comme
alibi, il est, dans le meilleur des cas, payé si tardivement, que c'est parfois
l'année suivante !
J'appelle votre attention sur ce point, madame le ministre : la nouvelle
comptabilité communale M14 l'interdit désormais.
Imaginez un instant que le compte administratif d'une ville ne puisse pas être
arrêté en équilibre pour la seule raison que l'Etat n'aurait pas rempli en
temps et en heure ses obligations. Vous imaginez les réactions du préfet ou de
la chambre régionale des comptes ! Si j'évoque cette question, c'est que j'en
ai déjà menacé notre préfet. Il m'a dit : « Ne faites pas ça ». Je lui ai
répondu : « Mais si, je vais le faire ! »
Il se trouve que, dans une petite ville, ce n'est pas une simple hypothèse
d'école puisque les charges d'une école nationale de musique sont loin d'y être
marginales - cela représente 10 % du budget de ma ville - et que l'obtention ou
non de ce qui reste une dette de l'Etat peut effectivement déséquilibrer
complètement le compte communal.
Mais j'arrête sur cette question particulière, même et surtout si elle est
irritante, qui ne visait qu'à illustrer un propos plus général.
Madame le ministre, il est temps qu'une loi sur la musique vienne restaurer
l'harmonie qui doit régner dans ce domaine - et c'est à dessein que j'emploie
le mot : « harmonie ». Cette loi devra élever le débat à la fois en rappelant
quelle place doit tenir la musique dans notre société, en apportant des
solutions à une foule de problèmes apparemment subalternes comme celui que
j'évoquais à l'instant. Cette loi était prévue par votre prédécesseur, mon ami
M. Philippe Douste-Blazy. Envisagez-vous, madame la ministre, d'en reprendre la
principe ? Cela me paraît souhaitable tellement les problèmes sont nombreux et
le champ à couvrir vaste.
Je viens de m'arrêter sur un des sujets à traiter, celui des formations
professionnelles. Permettez-moi d'en aborder rapidement un autre : comment
faire pour qu'on puisse parler de « Conservatoire dans la ville » ou de «
musique offerte à tous ».
A mon sens, deux axes doivent être privilégiés pour cela : d'une part
développer les initiations à la musique dans nos écoles primaires, par la
participation d'intervenants de grande qualité venant de nos conservatoires et
qui, sans se substituer à l'instituteur, mais avec lui, feront accéder nos
enfants à la musique dans les meilleures conditions pédagogiques et de qualité
musicale ; d'autre part, faire en sorte que le maximum d'enfants puissent en
profiter.
Là aussi, vous avez devant vous un immense chantier. Vous en mesurez
certainement l'enjeu. Il s'agit bien de l'éducation générale de nos enfants. Il
s'agit aussi de faire en sorte que les conservatoires, dont le coût serait
supporté alors par tous apparaissent bien au service de tous et non d'une
petite minorité d'élèves qui fréquentent leurs cours. Le conservatoire dans la
ville, c'est vraiment le violoniste de Menuhin qui ouvre le dialogue avec le
comptable ! Il y va de l'avenir de la musique dans nos villes et dans notre
société !
Au moment de conclure, madame la ministre, j'évoque un dernier sujet dont M.
Schumann traitait déjà dans son remarquable rapport introductif. Vous
réfléchissez, je crois, à la mise en place d'une grande direction du spectacle.
Certes, le spectacle est une finalité naturelle de la musique : si le musicien
trouve son bonheur en jouant pour lui-même ou pour ses proches, il s'épanouit
pleinement en concert. Si vous allez effectivement dans le sens de cette
restructuration de votre administration, il faudra, madame la ministre, que la
musique et la danse ne se retrouvent pas sacrifiées sur la « scène » de
spectacles parfois plus facilement accessibles à tous. Il sera également
indispensable que votre administration n'oublie pas que la musique ce n'est pas
que du spectacle. C'est aussi, je viens d'essayer de le démontrer, entre
autres, des formations professionnelles ou une initiation en milieu
scolaire.
Mes chers collègues, la musique, c'est bien plus que du spectacle, c'est la
vie, et il faut que cela dure !
Quant à la danse, Paul Valéry n'en faisait-il pas « l'expression la plus
achevée de l'âme » ?
Malgré ces observations, que, j'espère, vous prendrez plutôt comme des
invitations à faire toujours mieux dans un domaine cher à beaucoup d'entre
nous, je vous confirme, madame la ministre, que le groupe de l'Union centriste
adoptera votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Maman.
M. André Maman.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de
budget du ministère de la culture, que le Gouvernement soumet à l'appréciation
de notre assemblée, est plutôt bon. MM. les rapporteurs, dans leurs excellents
rapports, l'ont déjà dit ; les intervenants avant moi aussi.
En effet, pour la première fois depuis plusieurs années, il progresse, de
manière sensible, pour s'élever à un peu plus de 15 milliards de francs, ce qui
représente une progression de 3,8 % par rapport à 1997. Il semble ainsi
témoigner de l'importance qui est accordée à la culture par le Gouvernement, ce
qui est d'autant plus remarquable, si l'on compare avec le budget global de
l'Etat, dont la progression est de 1,6 %.
Si l'on doit se féliciter de voir les crédits du ministère de la culture
progresser, il convient pourtant de formuler quelques observations, qui seront
de nature à mettre en perspective ce relèvement des crédits dans ce domaine.
Pour ma part, je tiens à souligner trois points.
Tout d'abord, le projet de budget du ministère de la culture pour l'année 1998
se limitera à 0,95 % des charges de l'Etat et se maintiendra donc en deçà de
l'objectif du 1 % culturel, ce qu'il convient de regretter.
Ensuite, comme l'a très bien fait remarquer, notre excellent collègue M.
Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles, il convient de ramener cette proportion à 0,85 %, compte tenu des
transferts de compétences qui sont intervenus au cours des deux derniers
exercices.
Enfin, il s'agit de resituer ce projet de budget dans le contexte favorable de
la diminution des crédits destinés aux grands travaux. Néanmoins, et en dépit
de ces précisions, il faut naturellement se réjouir de l'augmentation des fonds
alloués à la culture, qui est supérieure, rappelons-le, à celle du budget de
l'Etat, et qui témoigne de l'importance toute particulière que le Gouvernement
attache au domaine culturel.
L'évolution des crédits ayant été finement analysée avant moi, je me bornerai
à faire quelques remarques sur vos choix et sur vos orientations, madame la
ministre.
Je soulignerai tout d'abord l'important effort que vous consacrez à la
politique de protection de notre patrimoine. En effet, et l'on peut s'en
réjouir, le projet de budget que vous nous proposez accorde une place de choix
aux crédits du patrimoine, puisque ce secteur connaîtra une augmentation de 40
% de ses dépenses.
Nous savons que le ministère de la culture envisage, pour 1998, le démarrage
de chantiers visant à remettre en état certaines grandes institutions
culturelles, comme le théâtre national de l'Odéon ou encore le Centre national
d'art et de culture Georges-Pompidou.
Nous ne pouvons que nous féliciter du rôle important dévolu à l'Etat dans ce
domaine, car nos concitoyens tiennent fortement à la conservation, à la
protection et à la valorisation de leur patrimoine. Ils y sont de plus en plus
sensibles. La visite des monuments historiques, par exemple, est devenue l'une
des pratiques favorites des Français. L'incroyable succès que rencontrent tous
les ans les Journées du patrimoine, pendant lesquelles les Français sont
invités à visiter des monuments habituellement difficiles d'accès, en témoigne
largement.
Madame la ministre, l'importance de l'effort consenti par votre ministère en
faveur de ce patrimoine est d'autant plus louable que cela devrait permettre
d'apporter une contribution non négligeable à la politique de lutte contre le
chômage. Ces travaux seront, sans aucun doute, créateurs d'emplois, et l'on ne
peut qu'être satisfait d'une telle perspective.
Ensuite, et c'est le deuxième point que j'aimerais aborder maintenant, vous
avez manifesté votre volonté de ne pas consacrer la majeure partie de ces
crédits au patrimoine parisien, mais, au contraire, de favoriser le
développement des grands projets régionaux.
La culture est l'instrument par excellence de l'unité nationale et, à cet
égard, les grands projets régionaux illustrent bien le rôle, trop souvent
sous-estimé malheureusement, que doit jouer la culture dans une stratégie
d'aménagement du territoire. De ce point de vue, le projet de budget que vous
proposez semble aller là encore dans le bon sens puisque 162 millions de francs
seront affectés, en 1998, à l'avancement de onze grands projets en région.
Cette volonté de ne pas se consacrer exclusivement au patrimoine parisien vous
honore, madame la ministre, et ce rééquilibrage des dépenses vers la province
témoigne d'une certaine vision territoriale de l'action culturelle de l'Etat.
Cette action en faveur de la décentralisation culturelle et l'amélioration des
équilibres entre la capitale et la province me semblent aller dans la bonne
direction et contribue à la mise en place d'un véritable aménagement culturel
du territoire. Même si ce mouvement a été initié par certains de vos
prédécesseurs, il nous faut vous féliciter, madame la ministre, de le
prolonger.
Enfin je tiens à vous rendre justice et à saluer la volonté dont vous faites
preuve pour renforcer l'enseignement artistique et culturel, tant dans le
milieu scolaire que dans les établissements spécialisés. En effet, le montant
des crédits consacrés à ce secteur connaît une progression sensible de 6,9 % en
ce qui concerne les dépenses ordinaires et de 40,3 % en ce qui concerne les
autorisations de programmes. Ainsi, il faut se féliciter que de nouveaux moyens
soient affectés à l'éducation culturelle et artistique. L'enjeu est
naturellement de favoriser l'accès du plus grand nombre à la culture. C'est là
une condition essentielle de la démocratisation de l'action culturelle.
Les rapporteurs et plusieurs intervenants l'ont déjà dit, la culture doit être
pour tout le monde, et non pas seulement la culture que l'on donne, mais aussi
celle que l'on crée soi-même. Il faut participer. Il est capital que le plus
grand nombre de personnes puissent avoir accès aux activités culturelles où
qu'elles se trouvent sur notre territoire.
Nous devons tous nous réjouir que vous inscriviez votre démarche dans cette
longue tradition française, depuis André Malraux, selon laquelle la culture est
un enjeu démocratique de premier ordre.
Je souhaiterais, maintenant, madame la ministre, attirer votre attention sur
un point, qui me paraît mériter une attention toute particulière.
Il me semble, en effet, que la révolution des échanges que le monde connaît
actuellement exige une politique culturelle ouverte. Notre pays, en effet, a
trop souvent tendance à adopter une attitude de repli que je crois
préjudiciable. La culture ne se résume pas, de manière exclusive, à la
conservation de notre patrimoine national. Elle doit, à tout prix, éviter de
s'enfermer à l'intérieur de sa tradition particulière, et ce même si cette
dernière s'est toujours prévalue d'une vocation universelle. A l'inverse, notre
politique culturelle doit s'ouvrir aux autres sociétés, tant au sein de l'Union
européenne que dans le reste du monde.
L'enjeu d'une telle ouverture est de favoriser l'accès de nos concitoyens à
des cultures qu'ils ignorent malheureusement trop souvent, et sans lesquelles
la pleine compréhension du monde qui les entoure devient difficile, voire
impossible. Je suis convaincu que la préservation de la connaissance de notre
langue et de la diffusion de notre culture ne passera que par la capacité de
notre pays à s'ouvrir aux autres et à participer, avec ces derniers, à des
projets de création d'envergure européenne ou internationale.
A cet égard, madame la ministre, en tant que sénateur des Français établis
hors de France, je crois vraiment qu'il est indispensable de porter une
attention toute particulière à l'ensemble des associations culturelles
françaises qui, à l'étranger, oeuvrent à la promotion des relations entre la
France et les autres pays. Ces liens prennent la forme de manifestations
diverses : expositions, concerts, rencontres, etc., et ne peuvent perturber
qu'à la condition que notre pays soutienne l'ensemble de ces initiatives. Les
organisateurs se sentent trop souvent isolés et ne rencontrent pas toujours
l'aide nécessaire pour mener à terme leurs projets.
Je souhaite que vous portiez également votre attention à cet aspect de la
culture, celle des Français de l'étranger et ce, afin de promouvoir des
rapports de plus en plus étroits entre notre pays et les autres peuples.
En conclusion, madame la ministre, pour toutes les raisons que j'ai évoquées
précédemment, et me rangeant à l'avis de la commission des affaires culturelles
à laquelle j'appartiens, je voterai, ainsi que mes collègues du groupe des
non-inscrits, le budget que vous nous proposez.
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi,
en ce jour où nous examinons le budget de la culture, de saluer la mémoire
d'une grande chanteuse, grande poétesse, qui nous a quittés cette semaine,
Barbara et de lui rendre hommage.
Les commissions des finances et des affaires culturelles du Sénat ont voté
votre projet de budget, madame la ministre, nous pouvons nous en réjouir, mais
ce consensus sur l'effort budgétaire qui a été fourni cette année ne doit
cependant pas masquer la rupture fondamentale que représente, me semble-t-il,
ce budget de la culture par rapport à ceux des quatre années précédentes.
Le Gouvernement, qui a décidé d'inverser la tendance, s'est engagé à terme à
porter à nouveau le budget de la culture au niveau symbolique de 1 % du budget
de l'Etat conformément à l'engagement pris par M. le Premier ministre dans son
discours de politique générale à l'Assemblée nationale au mois de juin
dernier.
Cette promesse, nous ne sommes pas les seuls à l'avoir affichée, mais force
est de constater que nous sommes les seuls à la tenir. Dans un contexte de
rigueur budgétaire qui n'est pas moins contraignant que l'année dernière, le
budget de la culture bénéficie, avec celui de la justice, de la plus forte
augmentation au sein du budget de l'Etat.
Il va sans dire que l'importance donnée à la culture dans notre pays dépend de
choix politiques profonds. Permettez-moi de constater que seuls les
gouvernements de gauche ont fait progresser les crédits qui lui sont alloués.
Ceux-ci sont en effet passés de moins de 0,50 % du budget en 1981 à 1 % dans la
loi de finances initiale de 1993. Durant cette période, ils ont constamment
progressé, sauf, bien entendu, entre 1986 et 1988. Depuis 1993, en revanche,
ils ont chuté de façon vertigineuse. Malgré les différents habillages, le
budget de la culture, à périmètre constant, a subi une baisse de 20 % depuis
1993.
Il est une autre différence, mes chers collègues, qui n'est pas sans
importance, même si elle peut vous paraître anecdotique : c'est cette fois sans
tour de passe-passe que le budget pour l'année prochaine nous est présenté, et
son augmentation, à structure constante, représente bel et bien 3,8 %.
C'est encore insuffisant peut-être, mais nous avons inversé la tendance et
nous sommes sur la bonne voie.
On entend souvent dire que la culture est un facteur d'intégration et qu'elle
contribue à construire le lien social. Pour le dire plus simplement, je dirai
que, si la culture est un luxe, c'est un luxe dont on ne peut se passer, c'est
même le dernier recours dans certaines situations. La vigueur et le dynamisme
de la création dans les quartiers d'exclusion sociale et économique sont là
pour l'attester.
Aussi commencerai-je par évoquer les sujets qui sont particulièrement chers au
groupe socialiste : la démocratisation de la culture et le soutien aux artistes
et à la création contemporaine. J'évoquerai ensuite l'effort important qui est
fait pour le patrimoine, non pas dans la seule perspective de protéger la
mémoire mais aussi dans un projet d'avenir où le cadre de vie devient le
nouveau décor de la démocratie.
J'examinerai d'abord comment votre budget favorise l'accès à la culture,
madame la ministre.
Il s'agit de permettre à la fois la diffusion des oeuvres et de susciter
l'intérêt de publics de plus en plus larges.
Est-il besoin de le préciser ? L'intervention de l'Etat dans le domaine
culturel est tout à fait légitime.
Je pense cependant que les missions de service public doivent y être
redéfinies. Je salue donc votre projet d'une charte du service public pour le
spectacle vivant. Celle-ci sera sans doute l'occasion d'une large réflexion
menée avec les acteurs culturels et les collectivités territoriales. Ce n'est,
en effet, qu'avec eux que peut se définir cette mission de service public. Et
nous pourrions aller plus loin, en étendant peut-être le principe de cette
charte à l'ensemble des pratiques artistiques.
Permettez-moi simplement de faire remarquer qu'aujourd'hui le public continue
d'éprouver parfois un sentiment d'exclusion par rapport à la création
contemporaine. Pour les arts de la scène notamment, la reconquête du public
n'est pas une mince affaire !
Vous l'avez fort bien exprimé, madame la ministre : « S'il doit à tout prix
protéger la liberté de création, l'Etat ne peut pas être un pur mécène, comme
il ne peut imposer un art et des artistes officiels. Il ne saurait oublier son
devoir de démocratisation de la pratique artistique. »
L'éducation est le premier axe d'une politique de démocratisation de la
culture. Cette mission devrait être au centre des obligations des
établissements culturels subventionnés par le ministère de la culture.
Il s'agit tout d'abord de susciter la curiosité et l'intérêt dès le plus jeune
âge et 55 millions de francs de crédits supplémentaires seront affectés aux
actions artistiques en milieu scolaire. Notons à cet égard que plus d'un
million de jeunes seront bientôt concernés par les actions en leur faveur dans
le domaine du cinéma. En outre, 1,5 million de francs supplémentaires seront
destinés à la promotion de la lecture à l'école primaire et à l'université.
Par ailleurs, les 23 millions de francs qui seront engagés dans une
contractualisation avec les collectivités territoriales contribueront également
à ces différentes actions.
Nous pensons que les actions d'éducation artistique en milieu scolaire
devraient être confortées et développées. Je suis consciente de la difficulté
que cela représente, notamment parce que les propositions dans ce domaine
dépendent largement du ministère de l'éducation nationale. Envisagez-vous
d'engager un travail interministériel sur cette question ?
Par ailleurs, il me semble que nous devrions associer davantage les artistes à
ce type d'opération. Malgré les apparences, ils sont souvent ravis de faire ce
travail. Vous savez comme moi que des peintres aussi reconnus que Gérard
Garouste, Robert Combas ou Di Rosa s'investissent depuis plusieurs années avec
des enfants en difficulté.
Il s'agit ensuite de renforcer les enseignements spécialisés dans les
différentes activités artistiques. A ce titre, les subventions de
fonctionnement versées aux établissements nationaux d'enseignement progressent
sensiblement cette année - 11,9 % par rapport à 1997 - et 220 millions de
francs sont destinés aux écoles d'art, cela méritait d'être souligné.
De façon générale, l'action culturelle est au coeur de votre projet, madame la
ministre. La délégation au développement et aux formations, dont les
initiatives sont orientées vers les quartiers défavorisés, l'éducation
artistique, la politique de la ville voit ses crédits augmenter de 9,5 %.
Ceux-ci avaient chuté, je le rappelle, de 15 % en 1997, ce qui était bien le
signe du peu d'attention portée par le gouvernement précédent à la fracture
sociale, malgré ses déclarations fracassantes. Permettez-moi cependant de
m'interroger sur la façon dont ces différentes actions seront concrètement
menées. En effet, cette délégation est quelque peu à la dérive. Sera-t-elle
encore l'instrument clé de cette politique ?
La démocratisation de la culture, comme toute forme de démocratisation
d'ailleurs, est en grande partie une question de proximité. C'est pourquoi,
madame la ministre, nous nous félicitons que vous intensifiez le mouvement de
déconcentration. La déconcentration, ce n'est pas moins d'Etat, c'est un Etat
plus proche des gens.
Mais le grand danger de la déconcentration, vous le savez, c'est le risque de
clientélisme ou d'arbitraire. Rapprocher les lieux de décision, c'est aussi
rapprocher les conflits d'intérêts. Nous avons tous entendu les inquiétudes
d'une partie de la profession après votre décision de déconcentrer l'ensemble
des crédits d'intervention du ministère vers les directions régionales des
affaires culturelles, les DRAC. Il faut répondre à cette inquiétude et offrir
la garantie que cette déconcentration ne se traduira pas par des disparités
choquantes. Et vous avez raison, madame la ministre, lorsque vous déclarez que
les responsables des directions régionales des affaires culturelles doivent
être mieux reconnus. Il faut qu'ils deviennent des interlocuteurs à part
entière, au fait des préoccupation des artistes.
Par ailleurs, pourrez-vous nous donner des précisions sur la façon dont ces
crédits vont être affectés par secteur au sein de ces mêmes DRAC ? En effet, la
globalisation des crédits est une source d'inquiétude légitime pour les acteurs
culturels. Je rejoins sur ce point les remarques et les interrogations de notre
rapporteur pour avis, M. Philippe Nachbar.
Permettez-moi maintenant, à propos de la déconcentration, d'ouvrir une
parenthèse sur le rééquilibrage entre Paris et la province.
Le Gouvernement en avait fait sa priorité l'année dernière, mais les chiffres
contredisaient ces effets d'affichage. En effet, si les actions du ministère ne
sont pas encore réparties assez équitablement sur l'ensemble du territoire
français, les monuments historiques, eux, le sont. C'est pourquoi la réduction
importante des crédits du patrimoine l'année dernière était en totale
contradiction avec l'objectif affiché de rééquilibrer le rapport
Paris-province.
Cette année, l'effort demeurera encore insuffisant, mais nous pouvons relever
des évolutions importantes. L'augmentation des crédits d'investissements pour
la restauration du patrimoine - cela a été rappelé longuement par M. le
rapporteur spécial - ainsi que la hausse des crédits d'intervention du titre IV
vont bénéficier principalement à la province. Par ailleurs, de grands projets
régionaux continuent d'être soutenus : il s'agit du Centre de costumes et
accessoires de Moulins ou encore de la création du Centre de mémoire
contemporaine à Reims, dont les crédits avaient été annulés les années
précédentes.
Toutefois, malgré ces efforts, Paris et l'Ile-de-France continuent de
bénéficier de 50 % des crédits du ministère. C'est la localisation de la
quasi-totalité des établissements publics nationaux à Paris qui fait obstacle à
un véritable rééquilibrage du budget en faveur de la province. C'est pourquoi
j'attire votre attention sur le fait que l'action culturelle de proximité dans
la région d'Ile-de-France n'est pas globalement plus soutenue qu'ailleurs.
Enfin, on connaît la participation importante des villes au financement de la
culture, elle s'élève en moyenne à près de 40 %. Or, les dépenses culturelles
de la ville de Paris demeurent très en dessous de la moyenne des villes de
province représentant seulement 7 % à 8 % du budget municipal. L'engagement
financier de l'Etat dans la capitale a, me semble-t-il, clairement partie liée
avec la faiblesse de l'engagement financier de la Ville de Paris.
Je voudrais insister maintenant sur l'un des obstacles à la démocratisation de
la culture, particulièrement pour le spectacle vivant. Je veux parler des
tarifs souvent excessifs qui sont pratiqués. Envisagez-vous, madame la
ministre, de faire en sorte que l'argent cesse d'être un obstacle pour l'accès
à la culture ?
J'en viens au second point de mon exposé : le soutien aux artistes et à la
création contemporaine est une priorité. Sans ce soutien, toute politique de
démocratisation de la culture est vouée à l'échec. Inversement, toute politique
active de soutien à la création est vouée à l'échec si elle ne s'accompagne pas
d'une politique de démocratisation de la culture. Je ne crois pas qu'un artiste
puisse faire du bon travail s'il n'a pas le souci d'être ancré dans la cité et
de rendre son oeuvre accessible.
A ce titre, la priorité donnée cette année au spectacle vivant est une bonne
chose, car ce secteur avait grandement pâti des coupes budgétaires de l'année
dernière. Au total, le budget de la direction du théâtre et des spectacles
augmente de 12 %.
Le soutien à la création théâtrale et aux arts de la rue bénéficie, quant à
lui, de 8 millions de francs supplémentaires. C'est donc mieux, mais c'est
peut-être encore insuffisant.
Le spectacle vivant, ce n'est un secret pour personne, représente, en effet,
et cela depuis de nombreuses années, un système bloqué, organisé autour de
quelques places fortes, les scènes nationales, qui absorbent presque toutes les
subventions. Il ne s'agit pas de remettre en cause leur travail, qui est d'une
grande qualité ; il s'agit de rompre avec cette logique et de dire, en quelque
sorte, « place aux jeunes ».
Cette année, le secteur du cinéma n'est pas sacrifié. Les crédits budgétaires
du Centre national de la cinématographie augmentent même de 3,8 %. Rappelons
qu'ils avaient chuté de 25 % l'année dernière. Les crédits du compte de
soutien, quant à eux, augmentent de 5,8 %. C'est important lorsqu'on sait que
le besoin de fiction est au centre de la révolution satellitaire que nous
vivons aujourd'hui. Mais ce sujet a été excellemment traité par mon collègue
Marcel Vidal, et je ne m'y attarderai donc pas.
Dans le domaine des arts plastiques, les crédits d'intervention progressent de
15,5 millions de francs. Les crédits de commande publique et d'achat d'oeuvres
augmentent de 9,8 %. Là encore, l'effort supplémentaire est important. Je suis
pour ma part très attachée à la politique de commande publique, qui est la
marque la plus sûre du soutien apporté aux artistes d'aujourd'hui.
Mes chers collègues, je pourrais encore vous citer de nombreux chiffres en
augmentation, de nombreuses sommes supplémentaires destinées à soutenir les
diverses activités artistiques qui font la richesse de notre culture et
pratiquer aussi une comparaison systématique de ce projet de budget avec le
budget pour 1997. Vous l'avez vu comme moi dans le bleu de cette année, les
signes « plus » ont remplacé les signes « moins ».
Je me permettrai néanmoins de rappeler les désastres auxquels donne lieu la
pratique des gels de crédits, et cela plus particulièrement pour les petites
structures, qui sont alors contraintes de déposer leur bilan dans l'attente des
sommes promises. Le gouvernement précédent excellait, hélas ! dans ce type de
pratiques. Madame la ministre, il faut aujourd'hui rompre définitivement avec
ces pratiques, d'autant plus qu'en réalité les gels de crédits sont souvent
suivis par leur annulation.
Pour finir, et parce que je sais combien mes collègues du Sénat avaient été
sensibles à ce thème l'année dernière, je parlerai de l'une des grandes
priorités de ce budget : la restauration des crédits du patrimoine.
La réduction draconienne qu'avait subie ce secteur l'année dernière, en dépit
d'une loi de programme votée par cette même majorité, avait mis en péril un
grand nombre d'emplois et de savoir-faire. On avait estimé à pas moins de 3 000
à 4 000 le nombre d'emplois menacés dans le secteur. Il était donc essentiel de
rétablir ces crédits. Cette année, ils augmentent de 32,8 %.
Mais ce qui est le plus novateur dans ce budget, et à mon avis fort judicieux,
c'est la fusion entre la direction du patrimoine et celle de l'architecture.
Madame la ministre, vous l'avez affirmé avec force : « Notre société est mise
au défi de créer une civilisation où chacun trouve sa place ».
C'est parce que le rétablissement des crédits du patrimoine s'accompagne des
mesures nouvelles importantes en faveur de l'architecture, dont les crédits
augmentent de 6 %, que ce chapitre budgétaire n'est pas seulement un hommage au
passé ; il permet d'inventer aussi les espaces de l'avenir. La vie urbaine est
source d'angoisse pour nos concitoyens. C'est pourquoi une politique de
construction du cadre de vie est au coeur de l'action culturelle.
La fusion entre les directions que j'ai évoquées n'est donc pas simplement le
fait d'une rationalisation administrative. C'est aussi et surtout, me
semble-t-il, le signe d'un projet culturel ambitieux, que je salue.
Quel est notre passé ? Quel sera notre avenir ? Qui sommes-nous ? Ce sont les
questions qui nous taraudent, aujourd'hui comme hier. C'est à ces questions que
veulent répondre les falsificateurs d'aujourd'hui, qui prônent le repli
identitaire et la haine, et c'est pour répondre autrement à cette inquiétude
que nous avons un projet culturel.
Enfin, les priorités affichées par ce budget, ainsi que l'engagement de l'Etat
dans le soutien à la culture française, c'est ce qui fonde en partie
l'exception culturelle prônée par la France. Notre pays s'est battu sur la
scène internationale pour défendre ce principe. Nous avons su démontrer que les
biens culturels ne sont pas de simples marchandises. Mais, aujourd'hui, nous
sommes inquiets, madame la ministre, mon collègue M. Vidal l'a rappelé.
En effet, cette exception risque d'être battue en brèche par les négociations
actuellement en cours à l'OCDE sur l'accord multilatérel sur l'investissement.
Je me joins à mon collègue M. Vidal pour vous demander si vous pouvez nous
préciser où en sont ces négociations et quelle sera la position de la
France.
En conclusion, je dirai que ce budget de reconstruction, dans tous les sens du
terme, montre la voie d'une importance grandissante accordée à la culture, qui,
je n'en doute pas, avec notre soutien, verra ses moyens augmenter encore dans
les années à venir.
Victor Hugo disait à ceux qui voulaient réduire les crédits alloués à la
littérature et aux arts : « On pourvoit à l'éclairage des villes, on allume
tous les soirs, et on fait très bien, des réverbères dans les carrefours, dans
les places publiques ; quand donc comprendra-t-on que la nuit peut se faire
aussi dans le monde moral, et qu'il faut allumer des flambeaux pour les esprits
? »
Eh bien, madame la ministre, il me semble que vous l'avez compris, et nous
voterons votre budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi
que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt et une
heures trente-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour
1998 concernant la culture.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'aborderai à
grands traits trois sujets : le budget, le sens de la politique des arts et de
la culture, le pluralisme artistique et culturel dans le monde
d'aujourd'hui.
Je formulerai cinq remarques sur ce projet de budget.
Premièrement, vous stoppez, madame la ministre, la « descente » des crédits
qui, ces dernières années, a fragilisé, voire cassé, nombre de pratiques et
lieux culturels petits ou grands dans la diversité de leur forme,
particulièrement en ce qui concerne la jeunesse.
Le budget de votre ministère était devenu insaisissable, recomposé avec des
compétences nouvelles chaque année, gelé pour une part, à peine voté puis
diminué au printemps, encore à l'automne. Il était comme mis en procès au sein
même de l'Etat.
Cette tendance s'inverse avec une hausse de 3,8 % à compétences constantes.
C'est bien ! Il faut résolument continuer.
Deuxièmement, c'est d'aurant plus important que, par ailleurs, le marché sans
rivage régule de plus en plus culture et médias avec les conséquences que l'on
sait contre les audaces et le pluralisme de la création et, j'ajouterai, le
patrimoine.
Pensons, par exemple, aux vestiges archéologiques de l'église de Saint-Amand à
Rodez, traités à la légère par une société immobilière, autorisée formellement
par le dernier gouvernement, et ce en contradiction avec la loi.
Les comptes attaquaient les contes dans un espace jusqu'ici piloté par
l'alliance d'un libéralisme d'Etat et du libéralisme d'affaires, tempéré si
nécessaire d'humanitaire, dans les quartiers en difficulté, par l'envoi
d'artistes chargés de traiter le pauvre dans l'homme et non l'homme dans le
pauvre.
A la Villette, vous avez dit, madame la ministre, que les artistes ne peuvent
être employés dans un rôle de médecin du social. C'est très bien, d'autant
qu'il y a, dans le monde des arts et de la culture, du combustible à haute
teneur de civilisation, atout incontournable pour qui veut - c'est je crois
votre cas - travailler au réalisme du changement qu'appellent les mutations de
notre société, qui doit venir à bout du réalisme du
statu quo.
Il est grand temps de réguler l'intégrisme financier en culture. Il y a des
déprivatisations à opérer.
Malheureusement, quelques mesures récentes concernant cinéma et télévision ne
me semblent pas prendre le tournant nécessaire. J'évoque là le
non-conventionnement des chaînes étrangères.
Troisièmement, vous réaffirmez avec le Premier ministre votre attachement au 1
% dans la clarté. Je fus le porte-parole de cette campagne dans les années
soixante-dix. Nous étions cent trente-sept organisations dans un comité
national pour le 1 %, chiffre symbolique voulant instituer définitivement la
notion de responsabilité publique en culture.
Depuis, le 1 % a connu une histoire disons brouillée ; gardons-le mais,
surtout, chiffrons les budgets en fonction des besoins. Je pense que le 1 % est
un plancher et qu'il faut l'utiliser plus comme élan que comme but.
Quatrièmement, une campagne est menée dans un quotidien sur le thème : les
subventions étouffent-elles la créativité ? C'est une constante tendant à faire
renoncer les pouvoirs publics à leur responsabilité permanente dans l'histoire
culturelle de notre pays.
Je veux dire que les Français, à 60 %, veulent maintenir ou augmenter la
responsabilité des pouvoirs publics en culture, y compris en temps de crise,
selon l'enquête que le service des études et de la recherche du ministère a
effectuée voilà un an.
Peter Brook, venant de Grande-Bretagne, où le thatchérisme aurait eu des
vertus créatrices, a bien répondu : « Il ne faut pas sortir les vieux clichés
qu'on crée mieux dans la misère ; il vaut mieux des aides que pas d'aide. » Il
ajoute : « En Angleterre, l'idée de théâtre nationalisé lancée par Bernard Shaw
s'est concrétisée après un demi-siècle, et nous avons aujourd'hui le National
Theatre, le Royal Shakespeare Theatre ou le Royal Court, dynamiques grâce à
leurs subventions. Le théâtre a vécu sur cette lancée, malgré les coupes
budgétaires criminelles de Margaret Thatcher, qui ont touché la culture. »
Cinquièmement, bien évidemment, je regrette la forte annulation de crédits de
juillet dernier, que vous avez trouvée sur votre bureau en arrivant et qui a
fait que votre budget - l'un des plus modestes - a été parmi les plus touchés.
Un geste significatif et symbolique aurait été nécessaire. Dans les recettes du
budget, avec Ivan Renar, nous avons proposé vainement un ajustement à partir de
La Française des Jeux.
Je souhaite enfin que le budget que nous allons voter ne soit pas remis en
cause en cours d'année.
J'aborde maintenant le sens de la politique des arts et de la culture.
Beaucoup de réflexions sont en cours au ministère, chez les professionnels et
bien au-delà. Je souhaite y participer, à partir de l'article que vous avez
fait paraître dans
Le Monde
de vendredi dernier, intitulé
Pour une
politique des arts de la scène.
Je note d'abord ce que vous voulez voir inclure dans une charte du service
public pour les arts de la scène.
Vous êtes pour « un effort constant de démocratisation ». Vous dites que «
hommes et oeuvres doivent être assurés d'une plus grande circulation sur
l'ensemble des scènes publiques ». Vous notez que « les jeunes n'ont pas
toujours la place qui leur revient dans l'effort public consenti pour la
culture ». Vous affirmez « une volonté d'approfondir et d'élargir la relation
des gens aux langages du théâtre, comme de la musique et de la danse ». Vous
déplorez « l'absence de politique nationale claire et forte ».
J'adhère à ces démarches auxquelles j'ajoute quelques mots sur la création,
très soucieux de ce domaine essentiel de l'activité humaine.
L'Etat a une responsabilité envers la création artistique, sa liberté, ses
audaces, son pluralisme. Or, vous le savez, la dernière mode de pensée est de
tirer sur les artistes, qui ne savent ni être compréhensifs pour ceux-là ni
être Dupont-la-Joie pour quelques autres, ni être gestionnaires pour
beaucoup.
Maurice Schumann accueillant François Jacob sous la coupole déclarait
récemment : « La seule faute que le destin ne pardonne pas au peuple est
l'imprudence de mépriser les rêves. »
C'est le courage de la création et, s'il y a à travailler à la manière
d'Heiner Müller : « L'herbe même il faut la faucher afin qu'elle reste verte »
disait-il, l'approche des institutions culturelles, notamment avec ceux qui y
crééent, il y a à réaffirmer deux droits : premièrement, celui des artistes à
créer dans la liberté et le pluralisme ; deuxièmement, celui des citoyens à
rencontrer les créations et à pouvoir s'exprimer. Ces deux droits, l'histoire
le prouve, s'épaulent, mais en même temps se choquent. C'est une permanence de
la vie artistique que Cocteau avait bien vue : « Picasso m'a enseigné à courir
plus vite que la beauté, je m'explique, disait-il : celui qui court à la
vitesse de la beauté ne fera que pléonasme et carte-postalisme. Celui qui court
moins vite que la beauté ne fera qu'une oeuvre médiocre ; celui qui court plus
vite que la beauté, son oeuvre semblera laide, mais il oblige la beauté à la
rejoindre et, alors, une fois rejointe, elle deviendra belle définitivement.
»
L'art, comme tout un chacun, souffre de ce processus « du rejoindre », mais si
il cède, il n'y a plus d'invention possible. On ne peut vivre qu'en avançant
et, en art, il n'y a pas de démocratie. L'invention artistique sert la
démocratie, elle lui est même incontournable, mais elle ne saurait s'y
soumettre. Ce qui est vrai, c'est que dans « le rejoindre » se mêlent
reconnaissance de la création, travail du partenaire, option d'autrui,
c'est-à-dire la vie, qui a du mal à sortir du monde soit-disant fini d'avant la
chute du mur - et des deux côtés - pour appréhender le monde de l'infini - « La
défense de l'infini » écrivait Aragon - le monde du multiple, où nous
entrons.
Nous sommes contemporains de nouveaux « nouages » à faire vivre. L'oeuvre dite
réussie n'est pas la simple atteinte d'un effet projeté, pas plus que vu de
l'autre côté, l'idée discernée en elle par le lecteur, ne peut prétendre saisir
la chose en son entier. Il en va d'un vrai dialogue où l'imprévisible survient.
Il y a là un degré d'activité, un travail du lecteur, d'autant plus important
qu'un artiste, aujourd'hui, quelle que soit la nature de son art, doit lutter
contre un flot qui émousse toute réceptivité. Charles Péguy a traité aussi de
cela dans un magnifique poème,
Le marbrier de Carrare.
En recherche, on retrouve la même question d'en finir avec les tentations
d'instrumentalisation réciproque et ces dénis imaginaires de la complexité du
réel, qui sont aussi bien le fantasme de l'expertise sociale que celui du refus
du concept et de l'analyse au nom du vécu.
A Aubervilliers, dans la ville où j'ai des responsabilités, il y a une
floraison d'expression, notamment de la jeunesse, en musique, en danse et en
théâtre. C'est un écho du travail de création depuis longtemps à l'oeuvre et
aussi un réel besoin d'expression lié au « bouger » de la société. Nous faisons
tout pour qu'il n'y ait pas enfermement. La tâche est inouïe.
A La Villette, Nicolas Frize disait que, rencontrant ces jeunes en expression,
son souci était qu'ils se posent moins la question : qui suis-je ? que la
question : qui je deviens ? moins la question de leur expression que celle de
leur propre élaboration. Toutes les équipes, dans leur diversité, travaillant
sur le programme culturel de quartier de Cognac parlent dans le même registre,
en tout cas témoignent qu'il n'y a pas de voie courte, sauf à avoir une pensée
restreinte du commun.
On ne peut ni parler ni agir avec l'art comme avec la culture. Au-delà de la
charte du service public, tout à fait nécessaire pour les arts de la scène, je
pense qu'il faut mettre au jour une responsabilité publique générale en art et
en culture, l'art ne s'identifiant pas à la culture, la question étant même de
faire entrer la création contemporaine en culture.
L'art travaille sur l'exception, la culture sur la règle. L'art convoque la
pensée, même s'il est le lieu de « l'impossible théorie », comme le dit si
finement Paul Ricoeur. La culture, souvent assujettie à la « gestionnite » peut
gérer des déficits de pensée. L'art résiste. Il y a une culture de
renoncement.
Catherine Diverrès, François Bon, Armand Gatti, beaucoup de jeunes cinéastes,
souvent des femmes, disent des mots très forts sur ce sujet. Ils sont, dans
leurs oeuvres, de plus en plus du monde, mais sans commenter l'histoire, avec
laquelle ils sont cependant de plus en plus liés au quotidien.
Je voudrais, très brièvement, évoquer mon troisième point : l'accord
multilatéral sur l'investissement, l'AMI, dont les négociations, menées dans un
quasi-secret depuis 1995 au siège de l'OCDE, à Paris, sur l'initiative des
Américains, visent à une libéralisation totale des investissements.
En voici quelques aspects.
Les investissements étrangers bénéficieront du même traitement que les
investissements nationaux, sans en avoir les obligations ; les investisseurs
n'auront plus à recourir à leur Etat d'origine, en cas de conflit d'affaire,
pour attaquer éventuellement l'Etat d'accueil. Le droit d'auteur, considéré
comme un investissement, court-circuitera le droit moral. Les accords européens
sur l'audiovisuel risquent de devenir lettre morte.
Luciana Castellina, députée européenne avec qui vous avez beaucoup et bien
travaillé, madame la ministre, et qui m'accompagnait lors d'une conférence de
presse ici même, il y a quelques semaines, ainsi que le directeur général de la
SACD, a eu ces mots : « On n'est pas toujours conscient qu'il s'agit non pas
d'un marché plus vaste, mais surtout d'un marché différent, avec des
protagonistes différents, des mécanismes différents, des produits différents,
réglementés par d'autres législations. »
Et elle ajoutait : « Si l'espace, le territoire, est unique, et donc a besoin
de règles ou de législation à cette échelle, il n'y a pas de Parlement à ce
même niveau global. Alors, qui fixe les règles ? De qui émanent ces normes ?
»
Les gouvernements sont désormais sous le contrôle des marchés financiers,
disait un des participants, et pas le moindre, du forum de Davos. Allons-nous
vers l'épanouissement d'une « république mercantile universelle », pour
reprendre une expression d'Armand Mattelart ?
Devant ce déferlement-bouleversement, il y a trois attitudes : soit soutenir,
soit pratiquer l'impuissance démissionnaire, soit se recroqueviller sur son «
chez soi ». Tout cela serait fatal !
Il faut bâtir une alternative mais, tout de suite, réclamer une clause
d'exception culturelle générale. Vous l'avez dit vous-même à Beaune, madame la
ministre, lors des rencontres cinématographiques de l'ARP, en octobre
dernier.
Je veux dire à nos collègues, comme aux artistes et à nos concitoyens, que ce
sujet intéressant les arts et la culture les concerne tous dans leur quotidien,
dans leurs rêves : il y a besoin qu'il en soit parlé publiquement. Le plus vite
sera le mieux, les négociations devant être conclues au printemps prochain. Les
acquis du GATT ont été conquis, mais ils ne l'ont été que pour cinq ans. La
bataille contre l'actuelle conception de l'AMI, qui mutile le pluralisme, fait
partie de ce que la métaphore de Torga approche : « L'univers, c'est le local
sans les murs. »
Voilà ce que je souhaitais dire, madame la ministre, en pensant aussi au
Métafort d'Aubervilliers, qui a besoin pour s'élancer de notre commune
attention.
Pour conclure, je demande une nouvelle fois la tenue d'un grand débat sur les
arts et la culture au Parlement, un grand débat franc, adulte, en plein
pluralisme, en pleine tension vibrante, avec, en son coeur, en tout cas pour
moi, cette éthique de Picasso : « A force de sauter, on peut retomber du
mauvais côté de la corde. Mais si on ne risque pas de se casser la gueule,
comment faire ? On ne saute pas du tout ! »
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal.
Madame la ministre, le projet de budget que vous présentez devant la Haute
Assemblée marque un changement : il s'agit d'une approche nouvelle de la
politique culturelle.
La présentation effectuée par les différents rapporteurs, M. Maurice Schumann
et Philippe Nachbar, en témoigne. Sans entrer dans le détail des éléments
comptables, je retiendrai et soulignerai essentiellement la hausse de 3,8 % du
budget de la culture, qui représente une progression de 550 millions de francs
par rapport à 1997.
Contrairement à ce qui s'était passé les années précédentes, la culture a
franchi avec succès l'étape des redoutables arbitrages budgétaires et nous
voyons là le témoignage de la volonté gouvernementale de rompre avec la
tendance à l'immobilisme qui se manifestait, hélas ! ces derniers temps.
Oui, ce budget traduit bien une ambition et un projet de société où la
culture, comme l'éducation nationale, occupe une place centrale, de façon à
donner aux citoyens les clés du savoir, de la connaissance, et à leur permettre
l'accès à la découverte du monde des arts.
C'est là un véritable défi que vous engagez pour notre pays, et nous vous en
félicitons, car nous savons combien votre démarche est animée par la
préoccupation constante d'assurer le rayonnement de la France à travers sa
culture.
Ce rayonnement n'aurait aucune signification sans la participation des
citoyens, et nous accueillons très favorablement votre décision d'augmenter le
montant des crédits affectés aux actions artistiques en milieu scolaire.
Nous avons en effet, dans ce domaine, accumulé un retard préoccupant. Il
convient donc d'engager des actions de sensibilisation et d'éveil aux
différents arts dès le plus jeune âge.
Dans cette perspective, il sera intéressant de confier cette mission à des
jeunes gens ou jeunes filles, dans l'optique des emplois-jeunes proposés par
Martine Aubry.
La diffusion de la culture auprès des enfants doit être une priorité, de même
que son offre, car nous savons combien l'accès à la culture demeure encore lié
à la condition sociale.
Cette préoccupation, vous la partagez, et nous comptons sur votre
détermination pour favoriser l'initiation aux arts le plus tôt possible et
donner à chaque enfant les éléments de connaissance qui le conduiront sur les
chemins de la découverte culturelle.
Appréhender une culture, c'est aussi percevoir à travers elle une identité
forgée, tout au long de l'histoire, par l'apport d'innombrables créations, sans
distinction d'origine ou de race. En ce sens, une politique culturelle
ambitieuse contribue à renforcer la cohésion sociale, mais aussi à resserrer
les fils du tissu social.
Vous souhaitez, madame la ministre, démocratiser l'accès à la culture,
renforcer son rôle d'intégration ; sur ce point, nous ne pouvons que vous
suivre, car nous mesurons tous les dangers d'une culture sélective.
Par ailleurs, vous avez inscrit parmi vos priorités la valorisation de
l'architecture, que vous rattachez fort justement au patrimoine.
Il aurait été facile pour vous de gérer simplement le transfert récent de la
direction de l'architecture vers votre ministère, mais vous allez au-delà, en
réformant cette direction et en donnant à l'architecture toutes ses lettres de
noblesse.
A cet égard, je rappellerai simplement la progression de 14 % des crédits
destinés à l'enseignement de l'architecture. Elle traduit votre volonté de
réformer cet enseignement, mais aussi votre souci de promouvoir l'architecture
par le biais de différentes actions de sensibilisation, en particulier dans le
milieu scolaire.
Enfin, et surtout, après la forte baisse des crédits du patrimoine monumental,
nous notons avec intérêt leur augmentation de plus de 30 %.
Ces orientations démontrent votre volonté d'inverser les tendances, et je peux
vous assurer que les élus locaux, qui sont confrontés à des difficultés
financières pour restaurer et entretenir le patrimoine monumental de leur
commune, apprécieront ces choix budgétaires.
Emettons le voeu que la politique de contractualisation entre l'Etat et les
collectivités locales soit poursuivie et renforcée, car ces contrats permettent
de mieux finaliser les objectifs, de soutenir des actions culturelles
conjointes et, surtout, de mieux diffuser l'offre culturelle sur l'ensemble du
territoire.
A ce titre, nous saluons votre volonté d'attacher un intérêt particulier aux
actions culturelles innovantes qui participent à la politique d'aménagement du
territoire.
Je voudrais, à l'occasion du débat de ce soir, attirer votre attention sur les
décisions de classement du patrimoine, notamment du patrimoine industriel.
Le classement est souvent synonyme, dans les esprits et dans les actes, de
classement de patrimoine architectural.
Dans chaque région existent pourtant des sites industriels, le plus souvent en
friche, qui témoignent de l'histoire sociale et économique qui a forgé leur
identité. Notre collègue Philippe Nachbar l'a d'ailleurs démontré avec force en
présentant son rapport.
Le Languedoc-Roussillon garde ainsi la trace de sites miniers dans les hauts
cantons du département de l'Hérault ou d'anciennes manufactures de
l'arrondissement de Lodève, dans les Cévennes gardoises. Ces sites constituent
autant de lieux de mémoire et d'histoire sociale, dont la valeur pédagogique
est incontestable.
Aussi serait-il souhaitable d'encourager de manière plus affirmée le
classement de ces sites, qui témoignent de l'histoire industrielle de la
France, et de réfléchir au moyen de les réhabiliter et de les mettre en
valeur.
Je ne saurais parler du patrimoine sans évoquer les mesures qu'il serait
souhaitable de prendre dans le domaine de la facture instrumentale, et je pense
en particulier à la restauration et à la construction des orgues.
La réduction de 32 %, en 1997, des crédits affectés à cette restauration avait
beaucoup inquiété les facteurs d'orgues, toutes générations confondues,
menacés, il est vrai, de voir disparaître leur métier, avec les conséquences
qu'on peut imaginer tant sur le plan économique que sur le plan culturel.
Notre collègue Daniel Hoeffel a récemment attiré votre attention par le biais
d'une question orale sans débat, non seulement sur l'avenir de la facture
d'orgues, mais aussi sur l'intérêt de la restauration des instruments et du
maintien de ce patrimoine.
Nous connaissons, madame la ministre, votre intérêt pour cette question, et il
nous serait agréable que vous nous confirmiez votre décision de soutenir ce
secteur d'activité très important en France comme en Europe.
Madame la ministre, votre budget trace des perspectives encourageantes : c'est
une première étape qui s'inscrit dans un projet de société ambitieux, où la
politique culturelle retrouve toute sa place. Nous vous apporterons notre
soutien avec sincérité et détermination.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Il n'est pas toujours facile d'être artiste, femme ou homme de culture dans
notre pays ; mais il serait injuste de vous en faire porter la responsabilité,
madame le ministre, vous qui êtes au gouvernail depuis moins de six mois. Et
chacun connaît le dynamisme culturel de la ville de Strasbourg, qui est presque
aussi grand que celui d'Aubervilliers, me disait à l'instant mon collègue Jack
Ralite.
(Sourires.)
Cela étant, obstacles et difficultés en tout genre ne manquent pas, et je
voudrais vous faire part de trois préoccupations.
La première concerne la fiscalisation des activités de structures culturelles,
celles qui fonctionnent sous forme d'association régie par la loi de 1901.
Ces structures ont à faire face à de nombreux contrôles et redressements
fiscaux, certaines activités comme la publicité, la billetterie étant désormais
assimilées à des activités commerciales. Sont donc exigées, avec effet
rétroactif sur plusieurs années, TVA, taxe professionnelle et autres impôts sur
les sociétés.
Cette vision fiscale et commerciale de la création et de la diffusion
culturelles pose de graves problèmes. Elle rejoint celle des comptables,
supérieurs, arrogants et glacés, qui nous parlent toujours du coût de la
culture mais se gardent bien d'évoquer le coût de l'absence de culture.
Certaines de ces structures ne peuvent faire face aux sommes exigées : nous
avons tous en tête quelques exemples. Permettez-moi de citer celui de La Grande
Ecurie et la Chambre du Roy, cet ensemble dirigé par Jean-Claude Malgoire, qui
est contraint à la liquidation judiciaire pour assumer un redressement !
Il y a là un grave danger pour la vie culturelle. Un tel dévoiement de la
notion de culture menace cette exceptionnalité française héritée de notre
histoire. Il y a le risque d'un appauvrissement culturel. Mon ami Jack Ralite
le soulignait à l'instant en évoquant la mise en cause de la subvention
publique, qui est en fait la trace d'un lien avec la société.
Car l'activité culturelle n'a rien de commercial. J'ai pu prendre connaissance
de rapports du fisc sur des structures culturelles ; j'avais l'impression de
vivre sur une planète différente !
En attendant, l'Etat reprend d'un côté ce qu'il donne de l'autre ; d'un côté,
il libère, de l'autre, il asservit.
Il est donc urgent, selon moi, de redéfinir un cadre précis, un statut, y
compris sur le plan fiscal, plus adapté à la réalité des activités
culturelles.
Des propositions de loi existent ou sont en attente, visant par exemple à la
création d'établissements publics culturels. Un projet de loi a également été
annoncé, modifiant l'ordonnance de 1945 sur le spectacle vivant. Il importe
d'agir vite, mais tout changement des « règles du jeu » doit naturellement se
faire dans la clarté et la concertation.
Je sais que cette situation vous préoccupe et que vous agissez.
Dans l'immédiat, l'Etat doit prendre ses responsabilités en faisant cesser les
procédures en cours ; c'est un minimum. Il y va de la survie de nombreuses
structures.
Je voudrais maintenant vous faire part de certaines inquiétudes concernant les
projets de regroupement de la direction du théâtre et de la direction de la
musique, ainsi que des craintes que fait naître la déconcentration des
crédits.
Parmi les musiciens et les gens de théâtre, on redoute que la spécificité
inhérente à chacun de ces deux arts et les responsabilités de l'Etat dans ces
domaines ne disparaissent au profit d'une organisation peut-être trop vague du
spectacle vivant.
Si la déconcentration a pour avantage, tout au moins sur un plan théorique, de
rapprocher l'Etat des citoyens, le risque n'existe-t-il pas de voir être mises
en oeuvre vingt-six politiques culturelles différentes dans vingt-six régions
?
Les exemples que nous connaissons - Vitrolles, Marignane, Orange, Toulon - en
témoignent : l'Etat est le garant de l'unité nationale et de la « santé » de la
culture. Comment concilier cet impératif et la déconcentration envisagée ? Vous
le savez, le prince est souvent plus éclairé que les gouverneurs de ses
provinces.
Sans m'éloigner des propos qui précèdent, je souhaiterais, enfin, évoquer
brièvement les problèmes auxquels sont confrontées les compagnies du spectacle
vivant, notamment les plus modestes d'entre elles.
Un projet de loi dont nous aurons à connaître tout prochainement prévoit de
modifier la licence d'entrepreneur de spectacles. Les compagnies ont, certes,
besoin de la reconnaissance de leur existence, mais sûrement pas d'une
autorisation d'exercice.
Peut-être conviendrait-il de mettre en place un statut juridique spécifique
non pas assis sur des autorisations administratives, mais bien plutôt sur une
reconnaissance de la capacité des compagnies à réaliser des spectacles.
Une commission de professionnels, au sein de laquelle seraient représentées
ces petites compagnies, pourrait être une solution intéressante, à l'instar du
régime d'autorisation ayant cours dans les professions cinématographiques.
L'absence de statut juridique et fiscal précis ainsi que de contreparties
réelles à cette licence revisitée sont vécues par les artistes, les plus
jeunes, en particulier, comme une atteinte fondamentale au droit de produire du
spectacle.
Ce problème, parmi d'autres, impose que nous redéfinissions les objectifs de
la politique culturelle dans notre pays.
Lisibilité de l'action culturelle menée par l'Etat, lisibilité des aides
apportées à la culture, redéfinition des moyens mis en oeuvre, tels sont les
axes politiques attendus par nos concitoyens. Les jeunes compagnies, les plus
modestes peuvent y tenir leur place pleine et entière, mais aussi les
associations, afin de promouvoir une politique du spectacle vivant
audacieuse.
Madame le ministre, j'ai voulu brièvement évoquer quelques aspects du vécu
quotidien qui perturbent l'excellent travail qu'accomplissent nos structures
culturelles, dans l'immense majorité des cas, non pour donner, comme le disait
M. Nachbar, un supplément d'âme, mais bien parce que, comme l'affirmait si bien
André Malraux, « si le mot culture a un sens, il est ce qui répond à l'homme
quand il se demande ce qu'il fait sur Terre. Tout le destin de l'art, tout le
destin de ce que les hommes ont mis sous le mot culture tient en une seule idée
: transformer le destin en conscience. »
C'est tout le bien que nous vous souhaitons, madame le ministre, en votant
votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication, porte-parole du
Gouvernement.
Je tiens, au préalable, à adresser de très vifs
remerciements à MM. les rapporteurs et à l'ensemble des orateurs qui ont abordé
tous les aspects de ce budget et qui ont tenu des propos encourageants à
l'égard de mon action. Je comprends l'attente qu'ils ont manifestée et
j'apprécie l'intérêt qu'ils ont porté à la fois aux crédits du budget de mon
ministère mais aussi aux perspectives ouvertes par ce budget.
Ce budget, comme vous l'avez souligné, augmente de 550 millions de francs par
rapport à la loi de finances initiale de 1997. Si l'on y ajoutait, monsieur
Ralite, les crédits qui ont été annulés cet été, il augmenterait même de 1,174
milliard de francs.
Vous avez souligné à quel point il était important de maintenir ces crédits.
En plaçant la culture au coeur de la citoyenneté, vous avez exprimé une
conviction très forte. J'entends trop souvent dire, en effet, que l'exception
culturelle que nous défendons est une spécificité française qui ne servirait
guère nos intérêts au-delà de nos frontières.
Si nous avons conçu cette exception culturelle et si elle reste au coeur des
négociations internationales, c'est parce que nous mesurons la place que la
culture tient dans la démocratie. Elle permet à nos concitoyens de comprendre,
de procéder à des échanges, de savoir qui ils sont, de s'intéresser aux autres,
de s'ouvrir à leur regard, mais aussi de cheminer par l'esprit et non pas
seulement en fonction de leur condition sociale ou de leur pays d'origine.
L'effort consenti pour 1998 permet de replacer le budget de la culture au
coeur de l'action qui doit être menée en direction de nos concitoyens. Il
s'agit d'un budget de reconstruction. L'effort ne devra pas s'arrêter là. Pour
certains d'entre vous, consacrer 1 % du budget général à la culture est un
objectif quelque peu mythique, jamais atteint. Je considère, pour ma part, que
ce taux doit être compris non pas comme un plafond, mais comme un plancher.
En effet, les élus locaux connaissent bien le poids de l'effort culturel dans
nos villes, nos villages et nos quartiers. Cet effort, supporté à concurrence
de 60 % par les collectivités territoriales doit être conforté par l'Etat afin
que la culture soit accessible à tous, quel que soit le lieu de résidence,
l'âge ou la profession.
L'effort entrepris est donc un effort de démocratisation. C'est sous cet angle
que j'ai voulu aborder l'ensemble des crédits qui sont soumis à votre examen.
En effet, la concentration de cet effort sur la démocratisation de la culture
ne signifierait rien si elle ne se traduisait pas dans les chiffres.
En examinant le budget de l'exercice en cours ainsi que les budgets
antérieurs, je me suis rendu compte que deux domaines d'actions ont
particulièrement souffert de la diminution des crédits. Il s'agit du patrimoine
et du spectacle vivant. Cela me semble très dangereux.
Le patrimoine permet, en effet, à chacun, même s'il ne sait pas lire, de
connaître des lieux, un cadre, une histoire, la vie de ceux qui nous ont
précédés. Il permet, même à un petit enfant, de savoir où il est et où il vit.
L'intégration dans le cadre de vie de cette formation à l'esthétique, à la
forme, à l'espace et à la construction proprement dite éveille la curiosité.
Si le patrimoine, pour moi, est vivant et si j'ai voulu traduire cette vie en
l'associant à l'architecture, c'est parce que je crois qu'il est en constante
évolution. Nous le construisons sans cesse. Il ne faut pas nous en
désintéresser. Douter du patrimoine ou s'en désintéresser reviendrait à douter
de notre capacité à continuer de le construire.
C'est pourquoi je voulais restaurer les crédits consacrés au patrimoine.
Ceux-ci sont en augmentation de 39 %. Comme vous l'avez souligné, monsieur
Schumann, ils sont revenus, à 17 millions de francs près, au niveau prévu par
la loi de programme. Il importe de reconduire régulièrement ces crédits année
après année. Par ailleurs, nous devons poursuivre nos efforts en direction du
patrimoine industriel. Celui-ci a d'ailleurs été cette année particulièrement à
l'honneur, lors des journées du patrimoine.
Notre mémoire ne doit pas être sélective ; il ne faut pas oublier le
patrimoine paysan et ouvrier de notre pays. A l'aube de l'ère des nouvelles
technologies de la communication, il ne faut pas oublier que nous devons aussi
notre prospérité au labeur de nos anciens.
Nous devons non seulement concentrer nos efforts sur notre patrimoine mais
aussi respecter les hommes et les femmes qui ont bâti la civilisation de notre
pays. Nous avons, sans doute, pris du retard dans la protection d'une partie de
ce patrimoine modeste, qui était parfois déconsidéré car il était lié à des
technologies qui n'étaient plus employées.
Mais l'histoire même de la technologie nous permet aujourd'hui de comprendre
où nous nous situons. Le patrimoine est donc un acte non pas de conservation
mais de confiance.
Le deuxième pilier de ce budget est le spectacle vivant. La musique, la danse
et le théâtre, toutes ces disciplines appartiennent aux arts de la scène et
participent de cette priorité. A l'heure où nos concitoyens ont les yeux rivés
sur le petit écran, le spectacle vivant est une présence et en même temps un
contact avec le public.
Ce contact-là, c'est-à-dire la découverte d'une oeuvre à partir de la présence
physique de comédiens, de danseurs, de chanteurs, de musiciens doit être
encouragé, car nous en avons besoin. En effet, une société ne peut être vécue «
par écrans interposés ». Elle doit s'ouvrir à l'échange, à la présence et à la
création.
Voilà pourquoi ce budget est, pour moi, à la fois un acte de confiance et un
acte de conviction. A l'heure où l'art contemporain est particulièrement
critiqué et où certains de nos concitoyens estiment que la création
contemporaine est inaccessible et incompréhensible, il faut encourager la
création et donner à ceux qui prennent le risque de créer la possibilité de
continuer de le faire et d'aller au contact du public. A cette fin, des crédits
sont nécessaires. Le patrimoine et toutes les activités qu'il induit retrouvent
toute leur vigueur.
Les crédits consacrés au spectacle vivant augmentent de plus de 270 millions
de francs, ce qui permettra de soutenir les orchestres, les compagnies de danse
et de théâtre, bref, tous ceux qui créent aujourd'hui dans notre pays.
Cette augmentation permettra aussi de rendre, grâce à la charte de service
public, cette création accessible à ceux qui s'en sentent aujourd'hui parfois
exclus.
Nous avons également souhaité définir une troisième priorité. Il s'agit du
rôle que peuvent jouer les collectivités sur l'ensemble du territoire, que ce
soient les communes, les départements ou les régions. Ce sont eux qui
supportent aujourd'hui la plus grande part de l'effort culturel dans notre
pays.
Nous avons souhaité innover, en introduisant, dans ce projet de budget pour
1998, un fonds de contractualisation doté de 23 millions de francs, qui
permettra de soutenir les expériences innovantes et celles qui traduisent un
engagement commun des collectivités publiques dans des projets culturels. En
effet, nous pouvons, grâce à ce fond, soutenir et encourager la coopération
intercommunale, et en même temps affirmer la présence de l'Etat dans ces
initiatives.
Je reviendrai un instant sur quelques aspects de ce projet de budget. Vous
avez souligné, pour l'approuver, l'effort qui a été fait en termes de crédits
pour l'architecture et le patrimoine. Vous avez également souligné ce qui
permet de poursuivre la transformation du patrimoine existant et de réaliser de
grands projets sur l'ensemble de notre territoire. Il est vrai que chacun est
sensible à ce qui permet d'assurer la diffusion de la culture partout, qu'il
s'agisse de lieux ou d'activités culturelles qui correspondent aux aspirations
de nos concitoyens.
Quelques-uns de ces grands chantiers ont été évoqués. Vous avez cité,
notamment, la restauration du Grand Palais, le nouveau Centre de la mémoire
contemporaine de Reims ou le Centre national du costume de scène à Moulins. Il
y en a bien d'autres, comme le Cargo, à Grenoble, qui rouvrira en 1998.
A cet égard, je voudrais préciser que notre politique ne se limite, à des
projets architecturaux.
Certains d'entre vous ont fait référence à l'économie qui résulte, en 1998, de
l'achèvement des grands projets réalisés au cours des dernières années. Certes,
ces bâtiments sont pratiquement terminés. Cependant, nous devons assurer le
fonctionnement et la montée en charge des institutions que ces bâtiments
abritent.
Tel est notamment le cas pour la Bibliothèque nationale de France. Lors de la
préparation du projet de budget pour 1998, nous nous sommes demandé si cette
bibliothèque devait être ouverte totalement ou partiellement et si elle devait
être entièrement accessible au public. J'ai fait un choix et je l'ai défendu.
Il a été accepté que cette bibliothèque non seulement soit ouverte au public et
aux chercheurs, mais aussi joue son rôle de coeur de réseau pour l'ensemble des
bibliothèques françaises.
Nous devons, à chaque fois, raisonner avec la volonté d'« optimiser » en
quelque sorte l'argent public, afin que tous les établissements majeurs de
notre pays soient le plus possible ouverts à toutes les activités liées à leur
mission, mais aussi au maximum de personnes.
Ainsi, j'ai souhaité que la Bibliothèque nationale de France soit ouverte aux
jeunes de seize ans. A partir de cet âge, en effet, on a des exposés à faire au
lycée et un certain nombre de recherches à effectuer. Il faut avoir le contact
avec le livre. Je remercie l'orateur qui a évoqué ce point. La lecture est au
coeur du devoir que nous avons. En effet, nous ne pouvons nous passer de la
lecture, mais encore faut-il, dans toute la mesure possible, permettre aux plus
jeunes d'entre nous d'accéder à l'écrit.
J'ai également pris note de différents propos concernant les musées. J'y
reviendrai dans un instant, en répondant directement aux questions qui ont été
posées.
S'agissant des acquisitions, l'une de mes inquiétudes portait sur le fait que
nous disposions en 1997 de crédits très faibles, non seulement pour financer
les acquisitions traditionnelles des musées, mais aussi pour acquérir les
oeuvres qui sont bloquées en douane et qui risquent de quitter le territoire.
Nous avons pu, dans le projet de budget pour 1998, renforcer considérablement
les crédits d'acquisition, puisqu'ils augmentent de 29 millions de francs. Par
ailleurs, le Fonds du patrimoine sera doté, au total, de 97 millions de francs,
réservés en priorité à l'acquisition des oeuvres ayant fait l'objet d'un refus
de certificat pour éviter leur sortie du territoire et, par conséquent, un
appauvrissement de notre patrimoine artistique national.
Il s'agit donc d'une première étape, d'un premier pas, qu'il faudra, bien
évidemment, confirmer.
En ce qui concerne le spectacle vivant, je voudrais apporter une précision.
J'ai signalé, au début de mon intervention, que les crédits alloués à celui-ci
progressent de 277 millions de francs. Au total, ce sont 4,240 milliards de
francs qui seront consacrés en 1998 au spectacle vivant.
Cette évolution, cette place tenue par le spectacle vivant témoigne de notre
attachement à cette forme de création artistique.
Quant au cinéma, qui fait également partie de mes priorités, 222,7 millions de
francs en dépenses ordinaires y seront consacrés en 1998 sur le budget du
ministère de la culture. S'y ajouteront, je le rappelle pour mémoire, après M.
le rapporteur, 2,85 milliards de francs à travers le compte de soutien, contre
2,29 milliards de francs en 1997.
Ainsi, non seulement le spectacle vivant mais aussi la production
cinématographique bénéficieront d'une progression des moyens qui leur sont
alloués, ce qui, je crois, devrait dynamiser l'ensemble des professions liées à
ces disciplines artistiques.
Pour le spectacle vivant, nous avons axé nos efforts selon deux orientations :
conforter le réseau d'institutions et d'établissements publics qui sont les
acteurs majeurs de la diffusion et renforcer les moyens consacrés à
l'enseignement des disciplines du spectacle.
En ce qui concerne la charte du service public, nous avons souhaité commencer
par l'appliquer au spectacle vivant mais il est vrai que cette démarche peut
parfaitement être étendue à d'autres disciplines que celles qui relèvent des
arts de la scène. Cette charte sera élaborée en concertation avec l'ensemble
des professions intéressées. Elle permettra de donner corps à notre objectif
d'élargissement des publics, tout en définissant des références communes à
l'ensemble des partenaires.
Ce qui m'importe en effet dans cette concertation, c'est que les
professionnels puissent avoir l'occasion non seulement de dialoguer avec le
ministère et avec les différents partenaires concernés, mais aussi entre eux.
En effet, il est important que les professionnels aussi aient un débat sur la
manière dont ils conçoivent le service public et le service du public, qui peut
être, et doit être, leur but.
Je souhaite aussi, à travers cette réflexion, que l'on puisse réfléchir à
l'allocation des moyens logistiques et financiers qui y sont attribués. Je
pense que certains lieux peuvent avoir un usage pluridisciplinaire et être
largement ouverts, en tout cas plus qu'ils ne le sont aujourd'hui.
La formation et l'enseignement des disciplines artistiques du spectacle seront
renforcés. J'en veux pour preuve les crédits qui y sont consacrés : 8 millions
de francs de crédits d'intervention supplémentaires pour ce qui concerne
l'enseignement de la musique et 11 millions de francs d'autorisations de
programme pour réaliser les investissements nécessaires. Ces crédits nous
permettront de consolider le réseau des conservatoires nationaux de région et
les écoles nationales de musique pour améliorer la qualité de l'enseignement
mais aussi, et surtout, pour favoriser l'enseignement des disciplines
nouvelles.
J'en viens aux interventions en milieu scolaire, qui constituent l'un des
soucis que vous avez fortement exprimés. Elles seront multipliées, car elles
sont l'un des plus sûrs moyens de sensibiliser les jeunes à la création
musicale.
Je souhaite aussi, au cours de l'année prochaine, promouvoir, en relation avec
le ministère de l'éducation nationale, l'éducation à l'image, notamment en
direction des plus jeunes, car il faut aussi leur apprendre à comprendre et à
décoder les images, comme on leur apprend à lire.
Il est, selon moi, essentiel de ne pas disjoindre la démocratisation des
pratiques culturelles et la politique d'excellence. Je crois que l'une ne va
pas sans l'autre. S'agissant du théâtre, ma collègue Mme Marie-George Buffet
est tout à fait d'accord pour que le théâtre amateur rejoigne le ministère de
la culture, ce qui nous permettra de mener une action cohérente dans ce
domaine. Cela sera un pas en avant. En effet, il paraît étrange que,
contrairement à la musique, à la danse ou aux arts plastiques, il existe, dans
le monde du théâtre, cette séparation un peu artificielle qui ne favorise pas
les liens entre la création et la diffusion des pratiques culturelles.
Parallèlement, j'envisage de promouvoir les formes nouvelles de création dans
le domaine du spectacle. Huit millions de francs supplémentaires seront alloués
en 1998 au soutien à la création théâtrale et aux arts de la rue. La création
chorégraphique sera, pour sa part, encouragée. La création du Centre national
de la danse, installé à Pantin, va participer de cet effort.
De même, je souhaite que les musiques actuelles bénéficient de moyens
nouveaux. A ce effet, j'ai prévu 5,3 millions de francs de plus en crédits
d'intervention et 4 millions de francs supplémentaires en investissement pour
rendre possible la création ou la transformation de lieux appropriés à cette
nouvelle forme de création artistique. Nombre d'élus, qui ne siège pas dans
cette assemblée, ont compris l'opportunité ainsi offerte. En effet, je suis
assaillie de projets et de demandes.
Je répondrai maintenant aux questions de MM. les rapporteurs et des divers
intervenants.
J'ai déjà dit un mot en ce qui concerne les grands travaux, je n'y reviens
pas. Cela me permet d'enchaîner sur la répartition des crédits entre Paris et
la province, question qui a été lancée par M. Schumann et reprise par plusieurs
d'entre vous.
Hors établissements publics, pour 1998, le rapport est le suivant : 39 % pour
Paris, 5,5 % pour l'Ile-de-France et 55,5 % pour la province. Si l'on prend en
compte les établissements publics, 54 % des crédits sont consacrés à Paris, 4,5
% à l'Ile-de-France et 41,5 % à la province.
On peut constater, ainsi que cela a été souligné, que les établissements
publics nationaux changent l'équilibre et empêchent une diminution de la part
des crédits consacrés à Paris. En effet, l'Etat a aussi une responsabilité
vis-à-vis de ces grands établissements publics : il faut les soutenir, mais
aussi correctement les calibrer et les gérer.
Abordons maintenant la question de l'organisation du ministère, pour laquelle
je nourris, effectivement, une grande ambition. Les fonctionnaires qui y
travaillent, qu'il s'agisse de l'administration centrale ou des services
déconcentrés, doivent sortir de la précarité, de l'incertitude dans laquelle
ils ont dû travailler au cours des dernières années. En effet, la tâche est
dure quand on ne sait pas comment répondre, quand on ne sait pas non plus
comment programmer les investissements et les réalisations du ministère de la
culture.
Ce ministère doit être un grand ministère de notre pays pour être digne de
l'ambition culturelle qu'il exprime. C'est bien la raison pour laquelle je
souhaite fortement le consolider.
Cette consolidation du ministère est fondée sur la transformation de plusieurs
secteurs. J'ai déjà évoqué le rapprochement du patrimoine et de l'architecture,
qui a été bien compris à la fois par votre assemblée et par les interlocuteurs
intéressés.
Ce rapprochement permet de travailler autrement sur l'espace public et de
prendre en compte l'ensemble de la démarche urbaine pour inscrire les monuments
dans leur cadre urbain et changer la politique d'investissements et de
restauration du patrimoine classé. A cet égard, je pense que les restaurations
doivent prendre moins de temps et que nous devons parfois faire des choix pour
que nos concitoyens comprennent quelle est l'intention des reponsables
publics.
Vous l'aurez remarqué, je préfère ce terme de « rapprochement » à celui de «
fusion ». En effet, il s'agit, certes, de rapprocher des disciplines
différentes, mais tout en conservant, notamment pour les arts de la scène, des
politiques artistiques indépendantes, même si elles communiquent entre
elles.
Il y a en effet des logiques communes à l'ensemble des arts de la scène. Il
convient, par exemple, de chercher à traiter mieux et de façon plus efficace
vis-à-vis de nos partenaires les problèmes sociaux et fiscaux, les questions
relatives aux droits d'auteur et aux artistes interprètes, ainsi que les
rapports avec les collectivités locales.
Par ailleurs, le maire ou le professionnel ne doivent pas avoir à passer par
trente-six bureaux pour présenter leur projet ou poser leurs questions. C'est à
l'administration de se transformer et de rendre au public et à ses partenaires
un service meilleur.
J'ai donc souhaité que la direction du théâtre et des spectacles et la
direction de la musique et de la danse se rapprochent au sein d'une direction
qui définira les orientations et les directives communes aux deux domaines et
donnera leur sens et leur finalité aux crédits déconcentrés dans les régions.
Cela ne veut pas dire que je remette en cause les prérogatives locales, mais je
rappelle que les DRAC sont composées de fonctionnaires du ministère et je
considère qu'il y a une plus grande cohérence à trouver dans le fonctionnement
des services de l'Etat en région, au regard des actions qui sont décidées par
le Parlement et engagées à l'échelon national.
Tout cela doit se faire tranquillement, avec du temps, car je ne crois pas aux
décisions magiques. Ce n'est pas parce que l'on décide, à un moment donné, de
créer des entités que celles-ci se créent immédiatement. Il y a des traditions,
des cultures, des habitudes de travail dont il faut tenir compte et, en tout
état de cause, si l'on veut bien servir un projet, encore faut-il que les
personnes qu'il concerne se sentent impliquées. C'est la raison pour laquelle
j'ai demandé tant à M. François Barré, directeur de l'architecture et du
patrimoine, qu'à M. Dominique Wallon, tout récemment nommé, de conduire ce
projet et de mettre en oeuvre les orientations que j'ai fixées de façon la plus
ouverte et avec le plus de concertation possible, afin que chacun puisse
comprendre la démarche et y apporter sa contribution. Je pense ici, notamment,
aux personnels de cette administration. Ils sont en effet les premiers
impliqués.
En ce qui concerne la direction du développement et des formations, madame
Pourtaud, vous relevez une certaine baisse de l'activité et de la stimulation
qu'exerce cette direction. Celle-ci doit continuer d'assumer les missions qui
relèvent de l'action territoriale, des enseignements et de la démocratisation
de la culture. Connaissant maintenant mon projet et la manière dont je souhaite
pouvoir le conduire, vous aurez compris à quel point cette direction devient
stratégique, essentielle, même à l'intérieur du ministère. Nous devons, là
aussi, consolider, remettre sur pied et développer tout ce qui relève de la
direction du développement et des formations.
La déconcentration a fait couler beaucoup d'encre. Pourtant, il faut bien
constater que, sur 3,3 milliards de francs de crédits d'intervention, 1,3
milliard de francs sont d'ores et déjà déconcentrés en 1997. On en connaît les
effets, et ils sont positifs. Les lois de décentralisation ont permis, avec les
crédits déconcentrés, de responsabiliser autrement et d'équilibrer la relation
partenariale entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Les subventions déjà déconcentrées reviennent aux orchestres régionaux, aux
théâtres lyriques et à une grande part des compagnies dramatiques.
En 1998, les crédits déconcentrés s'élèveront à 1,7 milliard de francs. De
nouvelles structures seront concernées, comme les scènes nationales, les
centres dramatiques nationaux et les centres chorégraphiques.
Cependant, j'ai obtenu du Premier ministre un délai supplémentaire d'un an
pour mener à son terme, dans le cadre de la réforme de l'Etat, le processus de
transformation du ministère et des services déconcentrés que j'ai souhaité
enclencher. Cette année supplémentaire nous laissera le temps de traiter avec
attention et opportunément chaque situation spécifique.
Surtout, la déconcentration ne prend tout son sens qu'à la condition, que
j'entends bien remplir, d'une politique nationale forte. Je parlais
précédemment de directives. Je crois que la charte du service public traduit
également cette intention. De la même façon, le développement de la politique
de contractualisation, qui sera possible grâce aux contrats de Plan
Etat-région, sera une autre opportunité.
Mais nous avons beaucoup parlé de l'activité du ministère pour 1998. Qu'en
est-il de l'an 2000 ? La célébration du changement de millénaire est évidemment
un moment très important pour notre pays. Quand j'ai pris mes fonctions, j'ai
trouvé le dossier en l'état. Si la concertation et l'appel à projets avaient
déjà été lancés depuis quelque temps, en ce qui concerne le financement, rien
n'était véritablement clarifié. A part l'hypothèse d'un financement par
prélèvement sur les recettes d'un jeu, aucun crédit budgétaire n'était
envisagé. A l'issue des premiers échanges qui ont eu lieu avec le Premier
ministre, nous avons pu mobiliser des crédits plafonnés à 500 millions de
francs. Je rappelle que nous avons aujourd'hui une contrainte, ne pas faire
exploser les dépenses publiques, et qu'il nous faut donc, à ce titre, trouver
des financements complémentaires. Savoir si ce sera un jeu ou autre chose, le
débat est encore largement ouvert.
Je puis simplement vous rassurer sur la volonté du Gouvernement,
singulièrement du Premier ministre, de préparer une célébration du prochain
millénaire digne de notre pays, à la fois pour nos concitoyens et pour l'image
de la France dans le concert européen et international.
M. Schumann m'a interrogée sur la loi « musées ». Ce projet de loi date de
1992 ; il est donc assez ancien. Je crois important de rénover le statut
juridique des musées, dont l'origine remonte à 1945, mais j'ai souhaité, dans
un calendrier législatif chargé, prendre le temps de l'expertise sur ce projet
que j'ai trouvé à mon arrivée.
Je désire, en particulier, que l'on approfondisse la réflexion sur deux
questions importantes que soulève ce texte. Il s'agit, d'une part, des
questions de domanialité publique pour les objets mobiliers et, d'autre part,
des bases du contrôle technique sur les musées des collectivités locales.
J'ai pris connaissance des positions des associations d'élus. Au-delà d'une
approbation de principe du texte, elles ont manifesté clairement le souhait
d'une concertation approfondie sur les objectifs autant que sur les moyens. Je
me suis engagée vis-à-vis des grandes associations d'élus à répondre à leur
attente. Pour ce qui a trait à la situation de la Réunion des musées nationaux,
il faut reconnaître qu'elle s'était effectivement gravement dégradée, ce qui
s'était traduit, en 1996, par un déficit important lié, non seulement à la
diminution de la fréquentation des musées, mais aussi et surtout aux résultats
préoccupants des services éditoriaux et commerciaux.
C'est pourquoi, comme vous l'avez rappelé, un plan d'action a été mis en place
pour une durée de trois ans. Il vise à rééquilibrer les comptes de la Réunion
des musées nationaux et à ramener son fonds de roulement à son niveau de
1993.
J'ai plaisir à vous annoncer ce soir que les résultats enregistrés à la fin du
mois d'octobre traduisent une amélioration plus sensible encore que celle que
l'on pouvait envisager. Si cette tendance se poursuit, la RMN devrait
enregistrer un résultat positif de 18 millions de francs, au lieu des 5
millions de francs que le plan prévoyait pour cette année. Il n'en reste pas
moins que l'effort doit être poursuivi et qu'il faut parvenir à une gestion
tout à fait stabilisée. Sachez que je m'en préoccupe !
Pour ce qui est des multiplexes, plutôt que de les diaboliser, il faut, je
crois, être très attentif à la manière dont on les implante. J'ai donc envisagé
de modifier la réglementation en vigueur, car elle ne permet pas de résoudre
les problèmes de concurrence qui se posent parfois dans les zones urbaines où
plusieurs équipements peuvent être projetés, avec un risque de concurrence et
de dégradation des programmations.
Il est clair qu'intervenir dans la programmation de cinémas qui relèvent d'une
gestion privée est évidemment délicat. Cependant, au nom de la diversité de la
diffusion, qui doit être notre objectif, il est important que ces équipements
soient considérés comme des équipements culturels et non pas simplement comme
des instruments de diffusion de masse. Il faut donc aussi soutenir, ce que j'ai
souhaité faire, les salles alternatives, essentielles pour leur rôle de
découvreur de talents et d'animation culturelle. J'ai demandé au comité
consultatif de la diffusion cinématographique d'examiner les conditions dans
lesquelles certains engagements pourront être demandés aux opérateurs en
situation de position dominante. C'est d'ailleurs cette voie qui a été choisie,
par exemple, dans le cadre de l'implantation d'un multiplexe Gaumont à
l'Aquaboulevard. En attendant la modification de la législation, je n'hésite
pas non plus à user de mon pouvoir de recours contre certaines décisions.
Parallèlement, un guide d'information destiné aux élus est en voie
d'achèvement. Il pourra donc être diffusé très prochainement.
J'ai souhaité également renforcer les aides financières destinées aux salles
indépendantes, qui bénéficieront, en 1998, de 20 millions de francs
supplémentaires dans le cadre du compte de soutien sélectif.
Que ceux qui s'interrogent sur le devenir du Palais du cinéma se rassurent.
C'est un projet auquel je tiens beaucoup, et il sera réalisé. Le Gouvernement
doit encore rendre très prochainement des arbitrages en matière de grands
travaux sur Paris, et c'est à la suite de ces arbitrages que la décision
définitive sera connue. Mais ni le principe de la réalisation de ce grand
projet, qui date de 1993, ni la perspective de le réaliser dans des délais
proches ne sont remis en question.
Concernant la valorisation du patrimoine cinématographique, vous avez souligné
l'importance de l'enveloppe destinée au plan nitrate et le travail accompli
tant par les services des archives du film du CNC que par la Cinémathèque
française pour retrouver les oeuvres et les restaurer. Je souhaite que ces
efforts contribuent à une meilleure diffusion des oeuvres, que ce soit sous
forme de cassettes ou de copies accessibles au public, ou grâce à la création
d'un réseau national de salles associées à la Cinémathèque. Ce serait une bonne
façon de lancer et de soutenir l'initiation cinématographique.
En ce qui concerne le patrimoine rural non protégé, je rappellerai un chiffre.
Au chapitre 66-20, les autorisations de programme prévues vont être portées de
32 millions de francs à 35 millions de francs. Nous maintenons donc l'effort en
faveur de ce type de patrimoine.
Par ailleurs, la Fondation du Patrimoine - projet que j'ai trouvé bien en
difficulté en prenant mes fonctions - inaugurera son premier chantier le 18
janvier prochain.
J'en viens aux enseignements artistiques et à la politique du livre, sujets
qui ont été évoqués par plusieurs intervenants.
S'agissant de la lecture, ma priorité est véritablement le public jeune. En
effet, c'est dans les classes, que ce soit dans les zones d'éducation
prioritaires ou dans les zones rurales, que l'on peut engager des parrainages
de classes, par exemple, et un travail à long terme.
Nous avons décidé de soutenir de façon plus importante les relais-livres en
campagne, services polyvalents liés à la lecture, mais incluant également
l'accès aux nouvelles technologies. Plusieurs projets sont en cours. Nous
signons ces jours-ci les premières conventions, qui seront financées, en 1998,
sur des crédits déconcentrés.
Plusieurs actions seront également menées en faveur des publics éloignés du
livre, que ce soit dans les hôpitaux ou dans les prisons. Nous apporterons
notre soutien à l'ouverture de services d'accès à Internet et à la formation à
ces techniques à un public le plus large possible, notamment au sein des
bibliothèques.
S'agissant des crédits liés à la lecture, il faut replacer les crédits
directs, que vous avez évoqués, dans l'ensemble des dépenses consacrées
aujourd'hui au livre et à la lecture.
Avec une augmentation de 1 % et un peu plus de 1 milliard de francs de
crédits, l'action en faveur du livre et de la lecture représente pratiquement
le quart des crédits d'intervention, en raison du poids de la dotation générale
de décentralisation.
Il faut en effet, pour être juste, compter dans la capacité d'intervention du
ministère la dotation générale de décentralisation, qui représente un effort
considérable sur le plan financier, avec une évolution à la hausse qui nous
permet de déclencher les nouvelles initiatives.
L'enseignement artistique est véritablement l'une des clés et l'une des
orientations que nous devons développer.
J'ai souhaité consacrer l'année 1998 à un travail approfondi sur un projet de
réforme des enseignements artistiques en liaison avec l'éducation nationale, et
ce dans l'ensemble des disciplines. Simultanément, nous voulons réformer les
formations spécialisées. En effet, à mon avis, nous devons assurer aux
professionnels des métiers culturels une formation initiale et un droit à la
formation continue et, dans certains cas, à la réinsertion professionnelle
dignes de l'effort de formation qu'ils ont consenti au début de leurs
apprentissages.
Par conséquent, s'agissant des métiers culturels qui dépendent de mon
ministère, je pense que nous devons revaloriser l'ensemble des formations et
améliorer la reconnaissance de celles-ci. Nous nous y consacrerons en 1998, ce
qui supposera un gros effort de l'Etat sur le plan financier. Je compte bien
justifier une part de la demande budgétaire pour l'exercice 1999, dès le mois
de janvier prochain, sur la base de ce projet de réformes. Puisque vous avez
beaucoup insisté sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que
je pourrai compter sur votre appui déterminé.
La collaboration avec l'éducation nationale se développe bien. Je considère
même qu'il faut, avant d'envisager des textes de loi, commencer par agir et par
développer les projets de façon très concrète, afin de convaincre les personnes
réticentes. En effet, cela permet d'avancer beaucoup plus rapidement
ensuite.
En ce qui concerne les intermittents du spectacle, nous devons, puisqu'il
s'agit de professionnels, appliquer intégralement les conclusions du rapport
Cabanes. Nous nous y sommes en effet engagés. Il a été fait référence au projet
de loi qui viendra en discussion devant le Parlement au printemps prochain et
qui prévoit la création de la licence d'entreprise de spectacles. Les
réticences des petites compagnies à cet égard proviennent surtout, je pense,
d'un manque d'explication et de compréhension, car cette licence ne crée
d'empêchement ni quant à leur liberté de programmation ni quant à leur
activité.
En revanche, comme le guichet unique, comme le croisement des fichiers
sociaux, elle permet de lutter contre les entreprises du spectacle que je
qualifierai d'« illégales », contre la concurrence déloyale et contre aussi,
parfois, le travail illégal.
J'en viens à la problématique fiscale des associations, question à laquelle je
vous sais très sensible, monsieur Renar. Elle concerne d'ailleurs aussi,
au-delà du secteur de la culture, les domaines du sport et de l'action
sociale.
Le problème tient souvent au fait que l'assujettissement des associations à la
TVA entraîne juridiquement leur assujettissement à la taxe professionnelle et à
l'impôt sur les sociétés.
Un expert en fiscalité, mandaté par le Gouvernement, étudie actuellement les
issues envisageables.
Par ailleurs, j'ai demandé au Premier ministre, qui attend évidemment le
résultat de cette expertise pour trancher, que le spectacle vivant, qui peut
aujourd'hui bénéficier d'une exonération de la taxe professionnelle à hauteur
de 50 %, voie cette exonération passer à 100 %.
Mon collègue Dominique Strauss-Kahn vous a d'ailleurs récemment annoncé que,
comme je le lui avais vivement demandé, il suspendra les poursuites dans
l'attente du rapport de l'expert. Ce sera à mon avis une très bonne chose pour
sortir des contentieux qui existent aujourd'hui.
M. Philippe Nachbar,
rapporteur pour avis.
Très bien !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
D'un mot, messieurs les
rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais encore une fois
vous exprimer toute ma gratitude. Votre décision sera pour moi non seulement un
encouragement, mais aussi l'expression de votre volonté de voir ces crédits
respectés et non gelés,...
M. Maurice Schumann,
rapporteur spécial.
Voilà !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
... afin d'évaluer et
d'expertiser le résultat des actions qui pourront être menées grâce à votre
vote.
(Applaudissements.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la culture
et figurant aux états B et C.
ETAT B
M. le président.
« Titre III : 184 432 629 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV :
moins
406 669 629 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ETAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 1 438 490 000 francs ;
« Crédits de paiement : 369 541 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 263 040 000 francs ;
« Crédits de paiement : 1 130 488 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la culture.
Communication
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les crédits
relatifs à la communication : crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel,
d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits aux services généraux du
Premier ministre.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean Cluzel,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
ministre, mes chers collègues, ayant présenté analyses et chiffres dans mes
deux rapports écrits, je me bornerai, à cette heure, à quelques réflexions sur
la presse, d'abord, sur l'audiovisuel, ensuite.
Dans un monde saturé de messages et d'images, la presse quotidienne française
doit faire face à de grandes difficultés, en dépit de l'aide que lui apporte,
au nom de la défense du pluralisme, l'Etat, deux entreprises publiques et les
collectivités locales.
Si cette presse n'en a plus le monopole, elle continue d'être le symbole de la
liberté d'expression.
Aujourd'hui comme hier, la presse doit rester fidèle à son éthique.
Aujourd'hui comme hier, il lui faut assurer l'équilibre économique de ses
entreprises.
On se trouve là au confluent de deux logiques : la première, longtemps
privilégiée en France, tend à soumettre la presse à un mode de régulation
politique, faisant prévaloir les considérations d'égalité et de pluralité sur
celles d'efficacité économique ; la seconde, dominante dans les pays
anglo-saxons, est une logique de marché, où le bien public résulte non de
l'intervention de l'Etat, mais du libre jeu des initiatives individuelles.
Les risques du mode de régulation à l'anglo-saxonne nous sont connus. Ils
résident moins dans la subordination de la presse aux intérêts économiques que
dans un réel appauvrissement culturel résultant de la loi des grands nombres.
Par son accumulation quasi infinie, l'information résiste mal à la tentation de
la surenchère. Dans une société en quête de spectaculaire, elle instaure un
système de relativité généralisée, qui finit par estomper la frontière entre le
vrai et le faux, l'important et l'accessoire. C'est ainsi que la démocratie
pourrait être fragilisée par les conséquences des difficultés auxquelles la
presse quotidienne doit faire face.
C'est pourquoi le projet de budget pour 1998, tel qu'il arrive de l'Assemblée
nationale, n'est pas totalement rassurant. Au-delà des déclarations
d'intention, il y a les faits. La presse continue de vivre sous perfusion
budgétaire : plus de 8 milliards de francs d'aides publiques en tous genres lui
sont consacrés, sans que l'efficacité en soit vraiment garantie.
En présentant les crédits d'aide à la presse, vous avez affirmé ceci, madame
la ministre de la culture et de la communication : « Pour la presse écrite,
nous faisons clairement le choix d'un plan de développement de la presse
quotidienne. » Au Sénat, nous sommes bien évidemment majoritairement favorables
à cette orientation. Toutes les formes de presse ont leur importance ; mais,
s'il faut faire des choix, s'il faut se donner des priorités, celle de la
presse d'information s'impose, eu égard à son importance pour la démocratie.
De plus, vous avez déclaré qu'il fallait rompre avec la logique de
compensation des charges au profit d'une logique d'incitation à la
modernisation.
Sur ce point également, nous sommes majoritairement d'accord avec vous et,
lorsque je dis « majoritairement », je n'envisage évidemment pas les clivages
politiques et je vise l'ensemble de notre assemblée.
Le Sénat attend maintenant de connaître les propositions des groupes de
travail en cours de constitution, souhaitant que ces groupes puissent formuler
des propositions claires, efficaces et que celles-ci soient suivies de
décisions puis de réalisations.
Je m'exprimerai maintenant sur un sujet précis, celui de la taxe de 1 % sur le
hors médias, au nom de M. le président de la commission des finances qui me l'a
demandé et en mon nom personnel, pour souhaiter que le Gouvernement et le
Parlement trouvent l'équilibre pour la nouvelle taxe entre, d'une part, les
redevables et, d'autre part, les bénéficiaires.
Fort heureusement, madame la minsitre, mes chers collègues, le débat n'est pas
clos ; il va se poursuivre tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Nous
serons donc heureux, madame la ministre, de connaître les intentions du
Gouvernement en l'instant et compte tenu des décisions qui ont été prises tant
à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, souhaitant que nous puissions aboutir à un
équilibre conforme à l'esprit initial d'un projet de budget auquel j'avais, dès
l'abord, apporté mon soutien.
Sur les crédits d'aide à la presse, je conclus donc que votre commission des
finances a décidé, à l'unanimité, de vous proposer de les voter, mes chers
collègues.
J'en arrive maintenant au secteur public de l'audiovisuel.
L'espace audiovisuel est désormais sans frontières et cet espace est ouvert
sur le monde.
Or, dans sa croisade en faveur de l'exception culturelle, la France est
isolée. Le renouvellement de la directive « télévision sans frontière » l'a
bien montré et les récentes décisions que le CSA a été obligé de prendre le
prouveraient s'il en était besoin.
De plus, dans sa lutte au sein de la concurrence internationale, la France est
divisée. Au moment des grandes manoeuvres sur le numérique, les Français sont
partis au combat en ordre dispersé alors que trop de chaînes publiques ont des
vocations mal définies, notamment sur le plan international.
Les opérateurs privés sont eux-mêmes divisés. On a vu que les premières
manifestations de la compétition entre bouquets satellites ont entraîné des
surenchères pour l'acquisition de catalogues de films étrangers. Nul doute que
cette concurrence franco-française - et le problème des droits en est une autre
manifestation presque caricaturale - sera finalement nuisible à la diffusion de
la culture française.
Enfin, si la France est isolée, divisée, la France est également, hélas !
aveuglée. Elle ne voit ni la puissance des forces économiques et sociologiques,
qu'elle croit pouvoir endiguer, ni même que, sur son propore sol, les règles du
jeu audiovisuel ont changé !
L'année dernière, on pouvait contester l'importance des recettes publicitaires
et les dérives en résultant pour le budget de 1997 et pour les chaînes du
secteur public, en particulier pour France 2. Plusieurs de mes collègues et
moi-même étions alors intervenus pour regretter l'importance des ressources
publicitaires.
A cet égard, le budget de l'audiovisuel - c'est non pas une critique, madame
la ministre, mais une constatation - n'apporte guère d'amélioration en dehors
de la décision que vous soumettez au Parlement d'augmenter la redevance de 5 %
sans en modifier l'assiette.
En France, le secteur public de l'audiovisuel se trouve dans l'obligation
d'appliquer une politique qui ne correspond pas aux missions qu'il tient du
législateur, et ce sous de nombreux gouvernements et depuis de nombreuses
années. Je n'en donnerai pas le point de départ pour ne gêner personne.
En fait, la seule variable d'ajustement des recettes est devenue, surtout pour
France 2, le montant des ressources publicitaires et la seule variable
d'ajustement des dépenses est devenue le montant du budget de programmes.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Très bonne formule
!
M. Jean Cluzel
rapporteur spécial.
Cette situation est d'autant plus grave que, dans ce
secteur, la mondialisation s'est produite plus rapidement, plus brutalement,
plus totalement qu'ailleurs.
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
M. Jean Cluzel
rapporteur spécial.
Je considère, personnellement - et l'on comprendra
que j'insiste sur le mot « personnellement » après le vote intervenu le 6
décembre 1996 dans cette assemblée - que seule la limitation des exonérations
de redevance aux cas sociaux pourrait donner au secteur public les ressources
dont il a besoin pour faire régresser la part de publicité, surtout pour France
2 mais également pour France 3, et échapper ainsi à une course à l'audience qui
empêche nos deux grandes chaînes publiques généralistes de jouer pleinement
leur rôle.
De plus, sachons bien que la France ne gagnera pas une bataille pour sa survie
audiovisuelle à coups de règlements.
Nous savons également que, pour la première fois dans l'histoire de
l'humanité, la représentation du monde ne se transmet plus seulement par les
parents, par l'école, par les églises ou par les livres, mais également par des
conglomérats d'intérêts originaires des pays les plus puissants de la planète,
qui veulent imposer leur manière de voir, leur manière de vivre à l'humanité
tout entière. On songe aux groupes Bertlesmann et Kirch en Allemagne, à Ruppert
Murdoch aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Asie, à Bill Gates et à sa
panoplie de satellites. On pense également à Ted Turner et CNN, chaîne mondiale
d'information en continu, dont l'influence et le rôle se sont imposés dès la
guerre du Golfe, en 1991.
C'est ainsi, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues,
que la télévision fait passer, en permanence, des messages qui, en raison de la
puissance envoûtante de l'image, uniformisent d'abord les comportements puis la
culture. En voici quelques exemples pris dans notre quotidien.
Premier exemple : dans l'adaptation d'un « Maigret » de Simenon, avec Bruno
Cremer, le commissaire interroge un tenancier de bistrot parisien qui lui
rétorque : « objection, votre honneur ! », comme dans les films policiers
américains.
M. Maurice Schumann.
C'est exact !
M. Jean-Claude Cluzel,
rapporteur spécial.
Deuxième exemple : lors d'un tournage dans un petit
village du Centre avec un groupe d'enfants d'une école primaire, plusieurs se
prénommaient Kevin, Sue Ellen, Christopher, notamment, au gré des séries de
télévisions américaines passées quelque sept ou huit ans auparavant.
Enfin, dernier exemple tout récent, l'importance accordée, à Paris tout ou
moins, à la célébration d'Halloween, avec sorcières et citrouilles ? Comment
nier, dans ces conditions, que la télévision fasse passer des messages ?
Ajoutons un exemple de système de valeurs véhiculé par l'image : dans le
générique de France 3 - Ile-de-France, en 1995 il est vrai , le monument
historique illustrant la région parisienne n'était autre que, vous l'avez
deviné, le château de Disneyland !
C'est pourquoi la mondialisation de la communication impose d'énormes efforts,
si nous refusons - et nous le refusons - d'être absorbés par des cultures, des
systèmes éducatifs ou, tout simplement, des moyens de connaissance qui ne sont
pas les nôtres. Sinon, des réactions identitaires et nationalistes risquent de
se faire jour. Là encore, la voie va devenir étroite, car la France risquerait
d'avoir à choisir entre se soumettre aux impératifs internationaux ou sombrer
dans le repli nationaliste.
C'est toujours le même débat de fond : veut-on ou non un secteur public qui
constitue la deuxième branche de l'alternative - la seule, du reste - à ce
scénario catastrophe ? Un certain nombre de pays, en suivant l'exemple des
Etats-Unis, ont répondu négativement à cette question. La France et la plupart
des pays de l'Union européenne ont choisi une autre voie qui consiste à
équilibrer secteur public et secteur privé. C'est la seule qui puisse assurer
le maintien de notre humanisme.
M. Maurice Schumann.
Très bien !
M. Jean Cluzel,
rapporteur spécial.
Si l'on fait ce choix du secteur public - et nous
l'avons fait tous ensemble - il faut donner à ce secteur les moyens nécessaires
à l'exercice de ses missions.
C'est en ayant pleinement conscience de cet enjeu que la commission des
finances a pris la décision, à l'unanimité, de vous proposer le vote de ce
projet de budget. Elle n'en sous-estime pas pour autant les lacunes - elle a
bien entendu les critiques de nos collègues de la commission des affaires
culturelles, qui sont du reste longuement analysées dans le rapport écrit -
mais elle constate que ces lacunes ont des origines, qu'elles ont des effets,
qu'il faut en rechercher les causes, et que ces causes résident dans des
erreurs accumulées depuis tant et tant d'années sous des gouvernements de
droite ou de gauche. Là encore, je ne donne pas de date et je ne cite pas de
nom, pour ne gêner personne.
C'est, pour nous, une question d'intérêt général. Nous n'agissons pas ainsi
pour satisfaire ou critiquer les uns ou les autres. L'intérêt général, pour
nous, c'est celui de la France, celui de la culture de notre pays, de notre
audiovisuel public.
Puisse beaucoup de sagesse - madame la ministre, je m'adresse particulièrement
à vous - s'allier à beaucoup de détermination pour le prochain projet de loi
sur la communication audiovisuelle. Puisse ce projet de loi permettre aux
pouvoirs publics, Gouvernement et Parlement réunis, de mettre en place les
structures et les moyens nécessaires à notre secteur public de l'audiovisuel
afin que ce secteur remplisse correctement ses missions, toutes ses missions, à
l'intérieur comme à l'extérieur de nos frontières.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la
communication audiovisuelle.
Monsieur le président, madame le ministre,
mes chers collègues, s'il me fallait résumer le projet de budget de
l'audiovisuel public d'une formule, ce serait par l'expression probablement un
peu lapidaire : « une bonne occasion manquée ».
L'occasion, madame le ministre, vous avez su la créer et je vous en donne
acte, c'est l'augmentation des crédits de 3,3 % par rapport à la loi de
finances de 1997. Cette augmentation semble traduire une volonté de donner de
l'élan à l'audiovisuel public. L'occasion, c'est l'augmentation sensible du
taux de la redevance, décision courageuse qui paraît s'inscrire dans la même
perspective. Notre rapporteur spécial l'a présentée comme l'une des solutions
pour élargir la couverture par des moyens publics de la télévision publique.
Je n'insisterai pas sur ces deux points - ce qui est peut-être injuste - et je
m'attarderai en revanche quelque peu sur l'autre volet de ma formule
introductive, l'aspect manqué de l'occasion créée, afin d'expliquer le jugement
défavorable que la commission des affaires culturelles a porté sur ce projet de
budget.
L'an dernier, nous avions donné un avis favorable à l'adoption d'un budget
plus difficile que le vôtre, car la restauration des finances publiques
primait. Mais le gouvernement d'alors, me semble-t-il, avait tiré de ses
faibles marges de manoeuvre un meilleur parti.
C'est ici que se situe le coeur de notre critique d'aujourd'hui : derrière la
paille des augmentations, quelle sera l'évolution de l'audiovisuel public,
quels horizons lui tracez-vous, en un mot, quel est le grain des réalités ?
Ce qui apparaît dans votre projet de budget, c'est une conception que je me
permets de qualifier d'erronée. Je ne crains pas d'employer un terme un peu
fort, car la cause est essentielle. Vous avez une conception erronée du sens et
des missions du secteur public, une conception qu'aggrave à nos yeux un
singulier manque d'ambition, de vision d'avenir.
J'ajoute que cette analyse est confirmée par la constatation, que nous sommes
obligés de faire, de l'étonnant immobilisme du Gouvernement face à la nécessité
de plus en plus impérieuse d'adapter la loi de 1986 sur la communication
audiovisuelle aux bouleversements actuels qui secouent ce secteur.
Je reviens rapidement sur ces différents points en présentant une série
d'observations qui vont illustrer mon propos.
Ma première observation porte sur la part relative des recettes publicitaires
- cela a été souligné - et des ressources publiques dans le financement des
chaînes publiques. C'est un critère important des ambitions de la
programmation. Or le rapport évolue légèrement en faveur des recettes
publicitaires. Sur quoi se fonde, dans ces conditions, madame le ministre,
l'idée que vous avez développée devant les commissions du Sénat et de
l'Assemblée nationale que le projet de budget devait inverser la « spirale
infernale » des années passées ?
Ma deuxième observation est que les crédits budgétaires affectés à
l'audiovisuel public sont concentrés de façon accrue dans le budget de France 2
et dans celui de France 3, ce qui ouvre vraisemblablement la voie à des
régulations déstabilisatrices pour la gestion de ces chaînes.
En revanche, ce risque est épargné aux chaînes estimables et attrayantes, mais
périphériques au sein du secteur public, que sont La Sept-Arte et La
Cinquième.
Un clivage fâcheux en résultera, me semble-t-il, entre une télévision de niche
chargée des vertus du service public, à laquelle d'ailleurs vous avez réservé
la qualification de « référence » du service public, et une télévision de masse
- je pense à France 2 et à France 3 - implicitement vouée à l'alignement sur
les chaînes commerciales privées. N'avez-vous pas l'impression, madame le
ministre, que, de la sorte, vous risquez de miner peu à peu la légitimité de
l'audiovisuel public ?
Ma troisième observation porte sur la redevance. Elle va augmenter
sensiblement, nous l'avons vu, et je reconnais qu'il s'agit d'une décision
courageuse, d'autant qu'elle correspond à la voie indiquée par M. le rapporteur
spécial et consistant à limiter strictement les exonérations aux cas relevant
de l'intervention sociale.
Toutefois, cette augmentation de la redevance est à mon sens déjà marquée du
sceau de l'anachronisme. En effet, la véritable « spirale infernale », s'il en
est, c'est précisément la diversification radicale des services et des
équipements de réception que provoquera la numérisation.
Celle-ci rendra probablement bientôt obsolète le financement de la redevance,
nous le pensons, nous le savons même. Or, aucune réflexion n'est actuellement
menée, que je sache, sur le financement futur de l'audiovisuel public. Alors,
hésitons à parler d'avancées, lesquelles ont d'autant moins de signification
pour l'avenir que les idées d'avenir que nous attendions quelque peu dans ce
projet de budget pour 1998 semblent faire défaut sur de trop nombreux plans
!
J'en arrive au manque d'ambition que je crois avoir pu diagnostiquer et que
nous devons donc dénoncer amicalement, madame le ministre. Ce sera ma quatrième
observation.
Le projet de budget, à un moment crucial de l'évolution du paysage
audiovisuel, ne prévoit aucune mesure d'importance pour accélérer l'adaptation
de France Télévision aux exigences nouvelles de l'économie de la
communication.
Certes, quelques mesures de modernisation sont prévues en faveur de La
Cinquième et de l'INA, mais le degré de préparation des réalisations envisagées
semble, s'agissant au moins de La Cinquième, difficilement justifier
l'attention particulière que le Gouvernement porte à cette chaîne. C'est du
moins l'impression que nous a laissé l'audition par notre commission du
président de La Cinquième. Mais sans doute a-t-il poussé trop loin le sens de
la modestie.
J'ai indiqué, en introduisant mon propos, que la vacuité du projet de budget
face aux défis de la société de l'information trouvait sa contrepartie logique
dans le temps considérable que le Gouvernement met à élaborer un projet de loi
modifiant la loi sur la liberté de la communication, alors que l'urgence de
certaines adaptations et la nécessité de combler certains vides juridiques ne
sont mis en doute par personne.
J'étudie longuement ce point dans mon rapport écrit ; aussi, je me contenterai
ici de citer un seul exemple, mais qui me paraît particulièrement préoccupant
et, oserai-je dire, significatif.
La Cour de justice de l'Union européenne a rendu à la fin de 1996, on s'en
souvient, un jugement aux termes duquel un service de télévision localisé dans
un Etat membre et répondant aux conditions posées par cet Etat membre pour
autoriser la diffusion peut obtenir sa diffusion dans tout autre Etat membre
sans autre formalité.
A la demande du Gouvernement, le CSA a tiré les conclusions de cette
jurisprudence en renonçant à conventionner les chaînes étrangères autorisées
dans leur pays d'établissement et demandant leur distribution sur les réseaux
câblés français.
Or vous n'ignorez pas, madame le ministre, que l'article 34-1 de la loi de
1986 dispose que les services non conventionnés pour un autre support ne
peuvent être distribués sur le câble qu'après avoir passé une convention avec
le CSA. Celui-ci va donc violer la loi sur vos indications !
Je trouve absolument consternant qu'aucun autre moyen de satisfaire à la
réglementation européenne - et je pense à la modification de la loi,
puisqu'elle est sans doute nécessaire - que la violation de la loi n'ait été
préventivement utilisé.
Et puisque le choix a été d'ignorer la lettre de la loi, il aurait au moins
fallu en respecter l'inspiration. Vous savez qu'un des premiers objectifs de
notre législation de l'audiovisuel est de prévenir les atteintes à l'ordre
public par le biais d'un média dont l'influence sociale est très considérable.
Or voici les chaînes étrangères exonérées de tout contrôle préalable à cet
égard.
En vous rappelant que l'ordre public reste une compétence exclusive des Etats
membres, je vous suggère respectueusement, madame le ministre, de faire en
sorte que la déclaration préalable que les chaînes étrangères devront faire au
CSA soit expressément l'occasion pour celui-ci de vérifier la conformité du
service demandeur à nos valeurs essentielles, et je ne parle pas là de la
protection des industries culturelles uniquement ; je pense à des choses plus
fondamentales.
Je terminerai en disant un mot de la restructuration de l'audiovisuel
extérieur.
Vous savez que la distinction entre l'extérieur et l'intérieur n'est presque
plus qu'une distinction administrative. Il faut absolument en tenir compte dans
la réforme étudiée en ce moment, et faire en sorte que toutes les ressources de
l'audiovisuel public soient mobilisées pour enrichir de façon concertée notre
offre internationale.
Je salue, de ce point de vue, l'amendement présenté par notre rapporteur
spécial, favorable à la création d'un fonds à l'exportation des programmes
audiovisuels, et je partage avec M. Cluzel la conviction que nous avons une
vocation particulière à nous opposer à l'hégémonie de la seule source qui
s'impose aujourd'hui.
C'est pour toutes ces raisons que la commission des affaires culturelles a
émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'audiovisuel public pour
1998.
Je souhaite que vous ne preniez pas cet avis comme une condamnation
a
priori
d'une action qui a un peu de mal à se mettre en place, mais dont
nous ne connaissons pas encore le déploiement futur. Je souhaite, madame le
ministre, que vous considériez plutôt cet avis comme un rappel de l'urgence et
un appel à l'action.
L'audiovisuel public aborde manifestement une nouvelle période de son
existence. Il appartient à l'Etat de préciser ses horizons, ses moyens, ses
stratégies. La communication audiovisuelle est en cours de bouleversement ; il
faut sans plus tarder lui donner le cadre juridique précis et sûr que les
opérateurs français attendent pour engager leur redéploiement.
Tels sont nos souhaits, et nous vous aiderons, madame le ministre, si vous les
faites vôtres !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard, rapporteur pour avis.
M. Alain Gérard,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la presse
écrite.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues,
les aides directes à la presse inscrites dans le projet de budget pour 1998
diminuent de 1,03 % par rapport à la loi de finances de 1997. Les crédits
passent, en effet, de 248,8 millions de francs à 246,3 millions de francs.
L'évolution légèrement négative des crédits d'aide à la presse pour 1998
s'inscrit dans une tendance au repli lancée avec le gel de 15 %, opéré en
février 1996, gel dont, il convient de le rappeler, le Sénat avait
partiellement rattrapé les effets lors du vote de la loi de finances pour 1997
en portant les crédits du projet de budget de 230,2 millions de francs à 248,8
millions de francs.
Vous nous direz, madame le ministre, quelle signification vous attachez à
cette continuité. Si elle est due à votre souci de la bonne gestion des
finances de l'Etat, je ne puis que vous approuver, si du moins votre projet de
budget ne méconnaît pas l'indispensable contrepartie de la rigueur financière.
Je pense naturellement au recentrage des aides de l'Etat au profit de la presse
d'information générale et politique.
Ce recentrage a été inauguré les années passées, avec prudence, en particulier
grâce au plan d'aide arrêté en mai 1995. Vous poursuivez le mouvement avec un
certain dynamisme, il faut le reconnaître.
J'approuve cette orientation et j'insisterai sur deux conditions,
fondamentales à mes yeux, de sa mise en oeuvre.
Je pense qu'il faut infléchir de façon très progressive la répartition des
aides afin que la remise en cause du système ne soit pas excessivement
traumatisante pour l'économie de certaines catégories de presse.
Je pense aussi, et surtout, qu'il faut une très grande cohérence dans la
démarche, sauf à créer un climat de suspicion qui en rendra difficile
l'aboutissement.
Je dois dire que votre projet de budget des aides à la presse me paraît trop
partiellement satisfaisant à cet égard.
Je noterai tout d'abord quelques motifs de satisfaction.
Le premier concerne les aides au portage. Il en existe deux.
La première est la compensation des charges liées au portage des quotidiens
nationaux. Le fonds correspondant augmente de 233 %, les crédits passant de 2,4
millions de francs en 1997 à 8 millions de francs. Ce fonds permet le
remboursement de la totalité des charges sociales de portage des quotidiens
nationaux. Il s'agit d'une mesure prise pour cinq ans dans le cadre du plan de
réforme des aides à la presse décidé en mai 1995, que je viens de
mentionner.
La seconde mesure d'aide au portage n'est pas limitée à la presse nationale.
Un crédit de 45 millions de francs, en augmentation de 200 % par rapport à
1997, est accordé au fonds d'aide au développement du portage créé par la loi
de finances initiale pour 1997 et dont les modalités de fonctionnement viennent
d'être fixées.
J'approuve sans réserve ces fortes augmentations de crédits : le portage est
une forme de distribution de la presse quotidienne dont les avantages sont bien
connus. Il est justifié d'accentuer les aides dans ce domaine afin de favoriser
la mise en place des moyens lourds, dont seule une partie de la presse
régionale dispose à l'heure actuelle. J'ajoute que ces aides sont ciblées par
nature, seule la presse d'information générale et politique étant portée.
Mon second motif de satisfaction est l'augmentation des aides à la presse à
faibles ressources publicitaires. En 1998, le crédit du fonds d'aide aux
quotidiens nationaux sera porté de 15,7 millions de francs à 19 millions de
francs, ce qui représente une augmentation de 21 %. Le fonds d'aide aux
quotidiens régionaux départementaux et locaux à faible ressources en petites
annonces sera, quant à lui, maintenu à son niveau de 1997, soit 7,8 millions de
francs.
Je suis en revanche plus que réservé sur l'évolution des crédits d'allégement
des charges de télécommunications des entreprises de presse. Les crédits de
1998 diminuent de 47 % dans le projet de budget, s'établissant à 13 800 000
francs contre 26 400 000 francs en 1997.
Or cette aide intéresse particulièrement la presse régionale et locale en
raison du nombre élevé de ses correspondants, 25 000 pour la presse régionale.
J'ajoute que le champ d'application du dispositif a progressivement été étendu
aux transmissions numériques de données éditoriales, ce qui a contribué à
favoriser la modernisation de la presse et son adaptation aux nouvelles
techniques.
Le Gouvernement a justifié le repli des crédits de 1998 en se fondant sur
l'archaïsme supposé d'un système établi à une époque où le coût du téléphone
était élevé. La diminution du prix des communications téléphoniques avec
l'entrée de ce secteur dans la concurrence en 1998 implique donc, nous dit-on,
la disparition progressive de ce système. Mais il s'agit d'une aide très
concentrée sur la presse régionale et locale d'information générale et
politique, ce qui correspond à la logique générale de réorientation des aides,
et j'ajoute qu'elle favorise l'utilisation par la presse, en interne, des
nouvelles techniques de l'information. Et ce n'est pas le fonds d'aide au
multimédia, doté de 15 millions de francs, qui va sur ce plan compenser la
perte de 13 milliards de francs d'allégement des charges téléphoniques.
Cette aide est donc loin d'être dépassée, et le pari de la diminution des
charges téléphoniques me paraît un peu optimiste, et en tous cas prématuré,
pour justifier un repli aussi important des crédits : ni la progressivité ni la
cohérence ne me paraissent vraiment au rendez-vous !
Je suis moins critique à l'égard du remboursement à la SNCF des réductions de
tarifs accordées à la presse.
Il s'agit de la principale aide directe en volume. Elle recule de 32,3 % par
rapport aux crédits de 1997, pour s'établir à 95 millions de francs. C'est
brutal, mais au moins a-t-on pris soin de ne pas dégrader les conditions
tarifaires accordées pour le transport des quotidiens. En 1998, le taux de la
compensation restera fixé pour eux à 70 % du tarif, le taux des autres
publications étant abaissé à 22 %.
Je voudrais dire aussi un mot des aides indirectes.
Il s'agit essentiellement de la contribution du budget au transport postal de
la presse, fixée à 1,850 miliard de francs, contre 1,900 milliard en 1997,
chiffre prévu par le contrat de plan 1995-1997 entre l'Etat et La Poste. Une
nouvelle grille tarifaire est entrée en application en mars dernier. Modulée
pour avantager la presse d'information générale et politique, elle comporte
cependant d'importantes augmentations de tarifs pour toutes les catégories.
Peut-être pourrez-vous nous donner votre sentiment sur la cohérence de cette
réforme, élaborée avant votre arrivée au ministère, avec votre propre
démarche.
Je voudrais m'écarter un peu de l'examen du projet de budget pour évoquer très
rapidement une initiative du Gouvernement qui me paraît intéressante.
Vous avez indiqué, madame le ministre, que le Gouvernement allait lancer un
plan de développement des quotidiens, ainsi que des hebdomadaires locaux.
Je crois que l'intention est bonne, compte tenu des difficultés spécifiques et
du concours de la presse quotidienne au fonctionnement de la démocratie.
J'aimerais cependant en savoir plus sur vos intentions en ce qui concerne le
prélèvement sur les investissements publicitaires dans le hors-média, qui doit
financer ce plan, ainsi que les modalités d'affectation des recettes ainsi
dégagées. J'aimerais en particulier savoir quelle est votre position sur
l'insertion des agences de presse parmi les bénéficiaires potentiels des
crédits. Je voudrais aussi avoir la certitude que la pérennité de la taxe
n'annonce pas une débudgétisation des aides à la presse.
En fonction de ces observations, la commission des affaires culturelles a
décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur le vote des crédits de la
presse pour 1998.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 22 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 16 minutes ;
Groupe des Républicains et indépendants, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyens, 11 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
6 minutes.
La parole est à M. Diligent.
M. André Diligent.
Madame le ministre, nous attendons avec impatience le grand débat que vous
nous avez promis, je crois, pour la rentrée prochaine, sur la réforme de
l'audiovisuel. En effet, on est pris par moments de vertige devant l'ampleur et
la vitesse des évolutions techniques de ces dernières années dans le domaine de
la communication.
C'est presque un lieu commun de le dire, mais, si l'on pense aux bouquets
numériques, aux connexions sans fil, à Internet, aux localisations par
satellite, aux réseaux d'ordinateurs, à la déferlante du virtuel et même au
téléphone portable, on comprend que, devant cette explosion tous azimuts, il va
être de plus en plus difficile de légiférer, même à court terme.
Je me demande si, régulièrement, il ne serait pas souhaitable que vous
organisiez ce que j'appellerai de grandes assises de la télécommunication, au
sein desquelles le point serait fait sur les grandes étapes à franchir, les
précautions à prendre, les inflexions à donner, les textes à préparer, les lois
à envisager, les conventions internationales à prévoir afin que ne soit pas
laissé uniquement aux mains des chercheurs, de qualité d'ailleurs, ou
d'industriels le soin de travailler, et ce en ordre dispersé.
Nous sommes devant une tâche fondamentale pour l'avenir de notre société, pour
l'avenir de notre pays et pour notre démocratie.
Autant dans un passé relativement récent, nous pouvions imaginer les
évolutions auxquelles nous assistions, autant ajourd'hui un futur relativement
proche peut nous réserver encore bien des surprises.
Je pense toujours à cette phrase de Teilhard de Chardin, qui écrivait : « A
l'échelle cosmique, toute la physique moderne nous l'apprend, seul le
fantastique a des chances d'être vrai. »
Dans cette attente, et dans le cadre de notre discussion budgétaire, je me
contenterai, madame le ministre, compte tenu du temps qui m'est imparti, de
présenter quelques très brèves observations relatives, d'abord à la qualité des
programmes, car on parle toujours beaucoup, dans cet hémicycle et dans les
parlements en général, de technique, mais insuffisamment de politique des
programmes ; j'aborderai ensuite rapidement le problème de l'aide à la presse
écrite. Je le ferai de façon très modeste après le remarquable rapport -
personne ne s'en étonnera, car cela est devenu une tradition dans cette maison
- de notre collègue Jean Cluzel, et ceux de MM. Hugo et Gérard.
Je ne suis personnellement ni « un père la vertu » ni « un rabat-joie ».
J'avoue que je serais plutôt du genre « bon public », et il m'arrive de prendre
plaisir - je vais peut-être vous décevoir cher Jean Cluzel, vous qui êtes
membre de l'Institut - aux émissions de
prime time,
d'animation et de
pure distraction, car je n'oublie pas que la mission de la télévision est, non
seulement d'informer, d'éduquer, mais aussi de distraire, et le bon peuple a le
droit à la distraction.
Néanmoins, j'entends de plus en plus de gens me dire qu'ils aimeraient pouvoir
regarder les documentaires, les émissions littéraires, culturelles ou de
vulgarisation, mais qu'elles sont programmées trop tardivement. Je n'ai pas
entendu cette plainte une fois, mais au moins cent fois !
Or, quand on la transmet aux responsables de nos chaînes, ils nous répondent
presque automatiquement : « Voyez l'audimat, les audiences sont trop faibles.
»
Nous entrons ainsi dans un cercle vicieux : comme les émissions sont
programmées à l'heure où la plupart des téléspectateurs souhaitent se coucher,
ce n'est pas demain que l'audimat sera meilleur !
M. Alain Gournac.
C'est vrai !
M. André Diligent.
On en arrive ainsi, pour une raison fallacieuse à sous-estimer les capacités
d'intérêt du public pour des oeuvres classiques ou de grande qualité.
Autant je tiens à rendre hommage au professionnalisme de la direction de
France 3, qui obtient des résultats particulièrement probants - je le fais avec
d'autant plus de conviction que je représente notre assemblée à son conseil
d'administration - autant je ne peux me dissimuler que je souhaiterais de sa
part une plus grande ouverture.
Je prends un exemple : cette chaîne vient de signer un contrat avec la Comédie
française pour la diffusion d'un certain nombre de pièces de Molière. Cela
répond à un souhait que nous nourrissions depuis longtemps. Pourquoi nos
grandes scènes nationales, pour le théâtre, l'opéra, la danse, la musique, ne
travailleraient-elles pas en partenariat constant avec cette télévision de
service public, qui a la même finalité qu'elles ?
Malheureusement, j'ai déchanté parce que j'ai appris que ces pièces allaient
être diffusées en seconde partie de soirée, c'est-à-dire à l'heure, je le
répète, où la majorité des téléspectateurs éteignent leur poste. Il paraît,
m'a-t-on dit, que Molière n'est pas fait pour le grand public !
(Exclamations.)
Alors là, je demande à voir... En ce moment, on joue à Roubaix
Les
Précieuses Ridicules
de M. Jean-Baptiste Poquelin. La pièce est jouée avec
un entrain endiablé par les Deschiens, qui, pendant une semaine, se sont
produits devant un public, en délire, à guichets fermés.
Les grands classiques, lorsqu'ils sont de qualité - et ils sont généralement
de qualité - sont tout à fait accessibles au grand public auquel il est
nécessaire de montrer ces oeuvres.
Dans les premiers temps, la télévision affichait une grande ambition, nous
nous en souvenons, celle de faire découvrir à nos concitoyens les richesses de
notre patrimoine national. Où en sommes-nous sur ce plan ?
Si j'ai cité cet exemple, ce n'est pas seulement pour défendre les droits d'un
public d'initiés, c'est aussi parce que je suis persuadé qu'une grande partie
des téléspectateurs, pour peu qu'on le veuille vraiment, est tout à fait
capable de se familiariser avec la fréquentation des grands classiques. Les
nécessités commerciales ont fait trop souvent oublier cette mission initiale de
la télévision de service public.
Je sais que ces problèmes ne vous laissent pas insensible. Aussi, je souhaite
vous voir reprendre l'amendement qui a été adopté par le Sénat à la
quasi-unanimité lors de la séance du 20 février dernier, amendement portant
création d'un comité consultatif d'orientation des programmes. Ce souhait est
depuis longtemps formulé par l'Association média-télévision-téléspectateurs,
qui réunit à la fois l'Union des associations familiales, l'UNAF, et la ligue
de l'enseignement,...
M. Jean Cluzel,
rapporteur spécial.
Absolument !
M. André Diligent.
... ce qui est garant de sa crédibilité. J'ai remarqué, voilà quelques jours,
que, à l'occasion d'une question orale, le président de l'Association des
maires de France, M. Delevoye, soutenait un projet sensiblement identique.
Le comité serait composé de ce que l'on appelait dans le temps « les forces
vives » - c'était un beau nom - et que l'on appelle maintenant, d'une façon
plus ou moins heureuse, « la société civile ». Je ne vois pas où est la société
incivile.
(Sourires.)
Y siégerait des représentants d'associations de
téléspectateurs, du corps enseignant, de parents d'élèves, de mouvements
familiaux, des professionnels de l'audiovisuel et du monde de la culture.
Un tel comité existait à l'époque de l'ORTF. Je me souviens des débats
passionnés qui se livraient en son sein. On y trouvait des représentants de la
culture populaire, mais aussi des membres de l'Académie française et de
l'Institut.
M. Jean Cluzel,
rapporteur spécial.
Absolument !
M. André Diligent.
Il n'avait qu'un pouvoir consultatif. La direction gardait une grande liberté.
Mais on apprenait beaucoup de choses au cours de ces contacts trimestriels.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que, à l'occasion du projet de loi
qui doit prochainement nous être soumis, vous réfléchissiez à ce problème. Je
serais étonné, compte tenu de votre ligne philosophique, que vous ne repreniez
pas l'amendement en question à votre compte ; je vous le cède volontiers.
Que l'on ne me dise pas, en tout cas, que le rôle que nous souhaitons
attribuer à ce comité est assumé par les conseils d'administration. Ce n'est
pas vrai ! j'en suis témoin. Un conseil d'administration n'a ni le temps, ni
les moyens de remplir ce rôle. La question reste posée et vous pourrez compter
sur le total appui du Sénat si vous reprenez cette idée.
J'en arrive au problème de la presse écrite.
Pour nous, la défense de la presse écrite, c'est à la fois la défense du
pluralisme et celle de l'indépendance réelle des journaux.
Je formulerai deux observations.
C'est devenu une banalité que de constater que la plupart des télévisions
privées et des journaux sont adossés à de grandes sociétés qui bénéficient
amplement des marchés de l'Etat : je pense aux entreprises du bâtiment, de la
distribution de l'eau, du traitement des déchets, etc. Je ne mets nullement en
cause l'honnêteté des dirigeants de ces sociétés, mais il est clair que ce
mélange des genres risque d'être dangereux pour la démocratie. Je vous laisse
le soin de réfléchir sur ce point, non pas pour déclarer une guerre civile et
montrer du doigt certaines personnes, mais simplement pour voir s'il n'y aurait
pas des précautions à prendre.
Faut-il rappeler qu'aux Etats-Unis, souvent montrés du doigt comme les
champions de l'ultra-libéralisme, la commission fédérale de la communication a
institué des règles strictes pour éviter les monopoles. Dans ce pays, un groupe
dominant dans la presse écrite n'a pas le droit de posséder une chaîne de
télévision et vice-versa.
En 1979 déjà, un rapport Vedel, incontesté, mais resté lettre morte, fixait
comme objectif prioritaire de préserver la presse de nouvelles concentrations
et de nouvelles dépendances, afin de maintenir, voire de développer le
pluralisme. Cet objectif est malheureusement encore tout à fait d'actualité.
Le rapport présentait différentes propositions, notamment la création d'une
commission des opérations de presse garantissant pluralisme et transparence
financière, le remplacement progressif des dispositions de l'article 39
bis
par des prêts à taux réduit et l'aide à la création.
J'approuve entièrement, les propos de notre éminent rapporteur spécial, M.
Cluzel, sur la dispersion de l'aide à la presse écrite, mais, si l'article 39
bis
devait être maintenu, il serait, à mon avis, souhaitable que sa
philosophie soit inversée. En effet, en réservant les aides qu'il prévoit aux
entreprises dégageant des bénéfices, cet article enrichit les riches et creuse
l'écart qui les sépare de celles qui gardent tout juste la tête hors de
l'eau.
Une autre idée développée par les spécialistes de la presse française fait son
chemin depuis près de quinze ans : la création de chartes rédactionnelles. Il
s'agit d'une formule consistant en un contrat propre à chaque quotidien, signé
entre les propriétaires, la direction, la rédaction en chef et l'équipe
rédactionnelle, qui les engagerait et garantirait l'orientation philosophique
ou politique du journal, ses références, le système de valeurs auquel il
adhère, les règles qui s'imposent à tous, et donc le pluralisme.
Ces chartes sont d'autant plus nécessaires que le phénomène de concentration
des titres et le développement des groupes de presse suscitent plus que jamais
des inquiétudes.
On pourrait imaginer que l'octroi des aides publiques soit directement lié à
l'existence de cette charte pour toute publication d'information politique
générale : il en existe encore une quinzaine en France, qui ne demandent qu'à
prospérer et à se développer.
Telles sont les observations que je souhaitais présenter, madame le ministre,
à l'occasion de cette discussion. Je n'oserais affirmer que, au Sénat comme à
la télévision, les prestations les plus intéressantes ont lieu à une heure
tardive !
(Sourires.)
On en aura sans doute la preuve tout à l'heure en écoutant
nos collègues, mais j'espère que la mienne aura au moins retenu votre
attention.
Je dirai en conclusion que deux sortes de dangers nous guettent dans le
domaine de l'audiovisuel.
On l'a vu, l'incroyable évolution de la technologie risque d'entraînter une
sorte d'anarchie planétaire. Il suffit de penser aux multiples problèmes que
pose déjà l'utilisation d'Internet.
Dans la presse écrite, c'est au contraire une sorte d'uniformisation de la
pensée - il y a quelques temps, on dénonçait déjà le « politiquement correct »
- qui peut provoquer son hyperconcentration.
Décidément, je pense que se vérifie la pensée de Wells : « La civilisation est
une course entre éducation et catastrophe. » C'est plus que jamais vrai à
l'époque de la communication.
(Applaudissements.)
M. Jean Cluzel,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget de la communication qui nous est présenté ce soir laisse voir, non pas
une catastrophe, mais une progression de 18 milliards de francs, soit 3,3 %
d'augmentation, par rapport à l'an passé.
On nous annonce également une augmentation de 5 % de la redevance.
On nous dit aussi que ce budget de l'audiovisuel devrait rétablir un équilibre
entre publicité et redevance et mettre ainsi fin à une « spirale internale » -
je vous cite, madame le ministre - qui conduisait le service public à sa
perte.
Ces annonces ont, il est vrai, de quoi nous réjouir.
Toutefois, en analysant ce projet de budget, on constate qu'il est malgré tout
frileux et manque un peu d'ambition, notamment pour l'audiovisuel public.
Mes éminents collègues MM. Cluzel et Hugot viennent d'en faire une critique
exhaustive, que j'approuve pour l'essentiel. Je ne la reprendrai donc pas, me
contentant d'insister sur quelques points qui me paraissent significatifs du
manque de consistance de ce projet de budget.
Que prévoit-on pour le financement de France Télévision ?
Nonobstant vos déclarations générales, madame le ministre, les recettes dues à
la publicité, loin de diminuer, devraient progresser de 4,6 %. Vous dénonciez
pourtant autrefois la trop grande part de publicité dans le financement de
l'audiovisuel public.
M. Alain Gournac.
C'est vrai !
M. Michel Pelchat.
Où est donc la rupture annoncée ? Où est l'amélioration promise du service
rendu au public ?
S'il y a une hausse de la redevance, ce n'est pas France Télévision qui en
profitera puisque le montant de la redevance affecté à France 2 et France 3
diminuera de plus de 40 millions de francs !
La hausse des crédits de remboursement des exonérations de la redevance - 206
millions de francs sont promis pour 1998, contre 43,3 millions en 1997 - ne
peut suffire, vous le comprendrez, à rassurer France 2 et France 3.
On sait très bien que Bercy tarde toujours à exécuter les décisions
budgétaires. C'est pourquoi, madame le ministre, je doute fortement de la
réalité, de ces remboursements qui, dans les faits, se révèlent souvent n'être
qu'une « virtualité comptable », comme vous l'avez d'ailleurs vous-même
reconnu.
De l'adoption de l'amendement de M. Le Guen à l'Assemblée nationale, qui a
opéré un transfert du produit de la redevance entre France Télévision et RFI -
pour 200 millions de francs - je dirai que c'est une bonne chose. Il était en
effet plus logique d'alimenter par la redevance France Télévision, dont les
chaînes sont regardées par ceux qui paient cette redevance, et de soutenir par
des crédits budgétaires RFI, qui est l'un des domaines de l'action
audiovisuelle extérieure de la France et relève donc, à ce titre, davantage du
ministère des affaires étrangères. On aurait d'ailleurs intérêt, dans d'autres
domaines, à clarifier ainsi les responsabilités de chacun.
Avec les crédits budgétaires, voulez-vous, madame le ministre, constituer des
réserves pour France 2 et France 3 à la veille de nouvelles régulations, ou
bien éviter que les chaînes du cinquième réseau - je veux parler de la
Sept-Arte et de La Cinquième, qui sont, au demeurant, d'excellenes chaînes - ne
soient « fragilisées » par la régulation budgétaire ?
Permettez-moi, madame le ministre, de m'interroger sur vos choix. Sont-ils les
meilleurs ?
Faites-vous le bon choix lorsque vous prévoyez que le développement régional
de France 3 ne sera pas repris en 1998, alors que celui-ci est primordial pour
cette chaîne ?
Faites-vous le bon choix lorsque vous augmentez considérablement le budget de
la Sept-Arte et de La Cinquième sans donner à ces chaînes les moyens juridiques
de se développer puisque vous avez mis un frein au proccessus de fusion entre
elles qui a été engagé voilà un an ?
Faites-vous le bon choix lorsque vous déclarez vouloir vous donner encore le
temps de la réflexion avant de présenter devant le Parlement un nouveau projet
de loi sur l'audiovisuel, alors que, pour régler bien des problèmes, un texte
est absolument nécessaire notamment en ce qui concerne le point que je viens
d'évoquer ?
Il y a urgence, madame le ministre ! La télévision occupe une place beaucoup
trop importante dans la vie des français pour qu'on la néglige !
Vous prévoyez plus d'argent pour l'audiovisuel public, mais quelle place
laissez-vous au service public de l'audiovisuel dans les nouveaux modes de
diffusion ?
Certes, dans votre budget, figurent 100 millions de francs pour les nouvelles
technologies à travers l'Inathèque, la banque de données BPS et la radio
numérique. C'est un bon début mais ce n'est pas suffisant, car rien n'est prévu
pour la télévision. Aucune stratégie n'est envisagée pour France Télévision
dans ce domaine. Or les enjeux de la révolution numérique sont considérables
!
Il y a deux jours, j'étais à Rennes, au Centre commun d'études de
télédiffusion et télécommunication, le CCETT. J'ai pu constater, une fois
encore, l'importance du numérique hertzien, qui touche maintenant l'ensemble
des secteurs de transmission. Or notre pays est très en retard par rapport à
ses voisins dans l'exploitation de ce mode de diffusion. Je pense en
particulier au Royaume-Uni, dont le dernier
Broadcasting Act
date déjà
de juillet 1996, et qui s'est lancé dès cette année dans la télévision
numérique hertzienne avec CTI, la filiale de TDF, qui a été choisie par la BBC
comme diffuseur. C'est une bonne chose pour nous mais, en France, nous ne
faisons rien dans ce domaine.
La numérisation de la diffusion hertzienne terrestre présenterait pourtant de
nombreux avantages, en particulier une multiplication et une diversification
des services pour le consommateur et une gestion plus rationnelle des
fréquences pour les pouvoirs publics. Il en va de même pour la diffusion
multiplexée par micro-ondes, qui permettrait d'atteindre les régions les plus
reculées, comme le Haut-Rhin, comme Strasbourg, madame le ministre !
(Sourires.)
Je ne parle pas du câble, qui est, lui, le parent pauvre de nos modes de
diffusion ; nous en avons prix l'habitude ! Ne pourrait-on pas prévoir un plan
de raccordement de tous les logements qui sont raccordables ?
Savez-vous qu'il y a actuellement seulement environ 3 millions de foyers
raccordés au câble et que près de 4 millions de foyers seraient dès demain
raccordables ? Pourtant, M. Jospin a bien dit, à Hourtin, que le câble devait
être présent partout. Or, là où il est, on ne l'utilise pas.
Une utilisation à 100 % des infrastructures du câble donnerait, notamment, une
bouffée d'oxygène aux chaînes thématiques, aujourd'hui asphyxiées, surtout si
l'on en juge par les deux mauvais coups qui viennent successivement de leur
être portés, du fait, d'une part, d'une décision du CSA et, d'autre part, du
projet de réforme de la taxe CNC.
En effet, je le rappelle, le CSA vient d'annoncer que les chaînes thématiques
étrangères voulant être reprises sur le câble en France seront soumises non
plus au conventionnement mais au simple régime déclaratif.
Précisons que le CSA a affirmé prendre cette mesure « à titre provisoire », en
attendant le projet de loi sur la communication audiovisuelle, qui ne devrait
pas être présenté au Parlement avant le printemps 1998.
Cette décision empressée du CSA est d'autant plus étonnante qu'elle instaure
une concurrence parfaitement déloyale entre les chaînes thématiques françaises,
toujours soumises au conventionnement du CSA, et leurs homologues étrangères,
bien que le Parlement ait adopté l'année dernière, à l'unanimité, une
disposition tout à fait contraire.
Quant au projet de modification du régime de la taxe CNC, tel que vous l'avez
présenté récemment, madame le ministre, et qui, je l'espère, sera discuté
prochainement au Parlement, il prévoit la taxation des chaînes thématiques.
Or, comme je vous l'écrivais récemment, ces très jeunes chaînes - la plupart
ont moins de deux ans -, au budget cent fois inférieur à celui des chaînes
hertziennes, ont encore l'envergure de simples PME. Si elles réalisent,
globalement, un chiffre d'affaires de 2 milliards de francs, il ne faut pas
oublier qu'elles accusent 500 millions de francs de pertes.
Dans un marché en plein bouleversement du fait de l'arrivée du numérique sur
les bouquets et les réseaux câblés, le secteur des chaînes thématiques demeure
excessivement fragile. Aucune de ces chaînes, quasiment, n'est en mesure
d'investir dans la production audiovisuelle, car leur chiffre d'affaires n'est
pas suffisant.
Il paraît donc prématuré de les assujettir à une taxe dont elles n'auraient
aucun retour puisqu'elles ne bénéficient pas, vu leur faible chiffre
d'affaires, des aides provenant de cette même taxe.
Cette nouvelle taxe ne ferait que les fragiliser davantage, car les taxer dès
leur montée en charge - à partir de 12 millions de francs de chiffre d'affaires
- revient à repousser leur accession à l'équilibre et, par là même, leur
capacité d'investir dans la production.
Comme vous l'avez dit vous-même, madame le ministre, les chaînes thématiques
sont « l'avenir de l'industrie nationale de programmes ». Elles contribuent en
effet très activement à la qualité et au pluralisme de l'offre de programmes
auprès des téléspectateurs et recueillent d'ailleurs un succès grandissant
auprès du public. Elles forment même actuellement le seul gisement de
croissance de la production audiovisuelle française.
Aujourd'hui, il me faut malheureusement constater que leur avenir est bien
assombri.
Pitié, madame le ministre, pour les chaînes thématiques ! Laissons-leur au
moins une chance de se développer si on veut qu'elles aient des programmes de
qualité.
Enfin, madame le ministre, faites-vous le bon choix lorsque vous augmentez la
redevance sans accompagner cette mesure d'un projet ni même d'une réflexion sur
la refonte du système de recouvrement, qui est totalement archaïque ?
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
M. Michel Pelchat.
Comme je le disais déjà l'an passé devant cette assemblée, le moment est venu
pour nous de savoir si, dans le contexte de restructuration de l'audiovisuel
public, nous décidons ou non de poursuivre le financement de l'audiovisuel
public par une taxe affectée.
Le moment est même venu de savoir si nous maintenons un financement mixte de
l'audiovisuel public, et dans quelles conditions.
D'aucuns disent et diront que le financement mixte ne saurait constituer un
principe intangible. D'autres proposent et proposeront catégoriquement de
supprimer la redevance au motif que cet impôt est archaïque.
Je ne partage pas ces points de vue, vous le savez, mes chers collègues. Si
nous voulons garantir la pérennité d'un service public de l'audiovisuel, nous
devons maintenir le paiement d'une redevance affectée représentant une part
majoritaire du financement de l'audiovisuel public.
Cela étant, je considère que le système actuel de la redevance est totalement
obsolète et qu'il faudra très prochainement le réformer.
En effet, la redevance est aujourd'hui assise sur les téléviseurs à tube
cathodique, comme l'a rappelé tout à l'heure M. Hugot, associant un tuner et un
moniteur. Or ces téléviseurs disparaîtront dans quelques années, pour être
remplacés par des écrans plats et des tuners multi-usages dont la
commercialisation a d'ailleurs déjà commencé dans notre pays ; même dans notre
pays, devrais-je dire !
Dans un très proche avenir, il faudra donc modifier l'assiette actuelle de la
redevance audiovisuelle ; sinon, elle disparaîtra, madame le ministre !
Je pense qu'une grande réflexion sur ce sujet devrait associer le Parlement et
les professionnels du secteur, sous votre conduite.
Dans cette perspective de changement, je présenterai tout à l'heure un
amendement d'uniformisation de la taxe qui va dans cette direction et qui
constitue un premier pas vers l'avènement d'une taxe unique, dont l'assiette
resterait à déterminer. Si ma proposition est adoptée, les recettes
supplémentaires obtenues pour 1998 seront de l'ordre de 70 millions de
francs.
Ces recettes supplémentaires permettraient notamment de réduire d'ores et
déjà, à due concurrence, le montant de la publicité autorisée sur les chaînes
publiques, dont on regrettait tout à l'heure l'importance.
A l'heure où la télévision payante connaît un véritable essor en Europe, en
particulier en France, il est primordial de garantir une télévision publique de
qualité et accessible à tous. C'est pourquoi il est indispensable qu'une
évolution des missions du service public de l'audiovisuel soit décidée, afin de
préserver l'identité de ce secteur, qui doit garder la base la plus large de
téléspectateurs.
« Informer, cultiver, distraire », telle était la trilogie aux contours flous
qui figurait néanmoins dans les cahiers des charges des sociétés publiques de
l'audiovisuel lorsqu'elles furent créées en 1974. Depuis, l'Etat a toujours
ajourné l'actualisation ou la redéfinition des missions de la télévision
publique, et cela malgré plusieurs réformes successives tant des cahiers des
charges que des dispositions législatives, sans compter les dizaines de décrets
qui ont été pris à son sujet.
Aujourd'hui, le secteur public de l'audiovisuel est un vaste chantier car il
doit s'adapter à un paysage concurrentiel en profonde mutation, tant en France
qu'à l'étranger. La France a pris du retard, madame le ministre ! Nous devons
le combler, et vite ! Les choses avancent sans nous !
Dans les prochains mois - je souhaite que ce soit avant le printemps -, dans
le cadre de la discussion au Parlement de votre projet de loi sur la
communication audiovisuelle, il nous appartiendra d'essayer de définir
clairement la place de l'audiovisuel public.
C'est ce que j'attends depuis fort longtemps et c'est ce que j'espère plus que
jamais.
Dans cette attente, ce soir, avec le groupe des Républicains et Indépendants,
malgré de nombreuses critiques et réserves, je voterai le budget de la
communication audiovisuelle, simplement pour tenir compte de l'augmentation de
3,3 % que vous nous proposez et qui est deux fois supérieure au taux de
l'inflation prévu pour 1998.
Bien entendu, je sais que cette augmentation demeure très aléatoire, et c'est
pourquoi, madame le ministre, l'administrateur de France 2 que je suis sera
particulièrement vigilant quant à la réelle exécution de ce budget de la
communication audiovisuelle, notamment des affectations budgétaires que
j'évoquais tout à l'heure.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bouquets
numériques, MMDS,
pay per view,
services en ligne, Intranet, Internet et
j'en oublie, d'autres viendront. Pourtant comme le rappelait récemment
Dominique Wolton ; « l'accroissement des échanges ne garantit nullement une
meilleure communication ».
Nous traversons cette révolution sans bien savoir quelles en seront les
conséquences, ce que les lois du marché nous préparent et dans quelles mesures
l'ensemble de nos échanges et de nos activités en seront profondément modifiés.
L'écrit pourra-t-il résister ? Enfin, madame la ministre, nous traversons ces
bouleversements sans bien savoir comment l'Etat et le service public y
tiendront leur place.
Nous examinons aujourd'hui un budget qui nous réconforte. C'est un budget de
reconstruction pour le service public de l'audiovisuel. Mais l'ensemble du
secteur attend des réponses aux questions que pose ce nouveau paysage en
ébullition. La très prochaine loi sur laquelle nous allons dès demain réfléchir
est dans toutes nos pensées, même à l'occasion de l'examen de ce budget.
Ce budget restaure donc la place du service public. Comme nous l'avions dit
l'année dernière, l'asphyxie financière et le recours forcé aux recettes
publicitaires atteignent profondément les missions de notre télévision
publique. Le petit écran a pénétré l'ensemble des foyers français ; il est
devenu le principal vecteur d'informations. Il a été et reste une source
essentielle de démocratisation de l'information et de la culture, mais il est
aussi l'objet de critiques nombreuses qui accusent ses effets néfastes.
Mais, comme le dit encore Dominique Wolton ; « la télévision est actuellement
l'un des principaux liens sociaux de la société individuelle de masse ». Aussi
ne peut-on contester le rôle que le service public doit jouer dans le paysage
audiovisuel français. Il doit contribuer au pluralisme, à la qualité et à la
diversité des programmes ainsi qu'à combattre le cercle vicieux de la course à
l'audience, qui conduit, en réalité, à créer les besoins plutôt qu'à y
répondre.
Ce budget nous est présenté comme un budget d'étape. Mais c'est une étape
décisive pour le secteur public de l'audiovisuel qui a particulièrement
souffert des réductions budgétaires ces dernières années.
Le budget que nous examinons s'élève à 18 millards de francs. Il progresse de
3,3 %, ce qui représente 571 millions de francs supplémentaires. Cela se
traduit par une augmentation du financement public des sociétés nationales de
programmes, d'une part, et par la maîtrise raisonnable de la croissance des
ressources publicitaires, d'autre part.
Que signifie concrètement cette évolution ? D'une part, la télévision publique
sera plus à même d'assurer ses missions de service public. D'autre part, elle
confortera d'autant notre industrie de programmes.
La présence de l'Etat relève non pas ici d'une conception abstraite et
générale du service public, mais de la nécessité pressante d'endiguer
l'importance des recettes publicitaires dans le financement de la télévision
publique. Celles-ci seront maîtrisées cette année.
En effet, si les ressources publicitaires augmentent encore l'an prochain,
cette hausse sera nettement inférieure à celle des années précédentes. Ainsi,
en 1996 et en 1997, les recettes publicitaires ont respectivement augmenté de
20 % et de 9,5 %. Cette année, elles ne progressent que de 4 %. C'est encore
trop peu et je ne doute pas que nous irons plus loin au cours des prochaines
années.
L'effort supplémentaire de l'Etat a été permis par une hausse de 5 % du taux
de redevance. C'est un choix que l'on peut discuter. Le monde satellitaire, en
effet, justifiera-t-il encore le paiement d'une taxe ? Pour ma part, j'estime
que le principe de la redevance doit perdurer parce qu'il constitue une
ressource sûre pour la télévision publique et que cette dernière en a bien
besoin. Par ailleurs, le taux de redevance français est le plus faible d'Europe
après l'Espagne.
Permettez-moi simplement, tout comme M. Cluzel, de regretter la baisse
importante du montant des remboursements d'exonération. Celle-ci s'élève en
effet à 57,5 % cette année. C'est un manque à gagner important pour
l'audiovisuel public.
Par ailleurs, il faut également souhaiter que ne soient pas annulés, cette
année, les crédits provenant des remboursements d'exonération dont la part
croît par rapport au produit de la redevance attribué à France Télévision.
Le financement public doit permettre à France 2 et à France 3 de développer
leur mission de service public. France 2 a vocation à être une chaîne
généraliste destinée à un large public ; France 3, quant à elle, doit et va
pouvoir reprendre le développement de sa régionalisation.
Je suis, pour ma part, très attachée à l'existence d'une chaîne publique
généraliste. Si la révolution numérique nous met face à la perspective d'une
télévision spécialisée et thématique, je crois, quant à moi, à l'attrait des
chaînes généralistes pour nos concitoyens.
Ces efforts budgétaires en faveur de la télévision publique seront d'abord
destinés à servir l'une des grandes priorités de ce budget, à savoir les
programmes. Ainsi, sur les 303,3 millions de francs de mesures nouvelles, près
de 142 millions de francs seront consacrés aux programmes.
Pour France Télévision, le budget pour 1998 prévoit 101 millions de francs
supplémentaires destinés à améliorer la qualité des programmes. Ces deux
chaînes sont les plus sujettes à la pression publicitaire et à celle de
l'audimat. Aussi, l'intervention de l'Etat en faveur des programmes y est-elle
particulièrement précieuse.
Mais qu'on ne s'y trompe pas : affimer que l'audimat est une contrainte ne
revient pas à dire que seuls les mauvais programmes font de l'audience. France
Télévision, en dehors de la concurrence qu'elle subit, a profondément vocation
à toucher un large public. Et - faut-il le préciser ? - on peut faire de
l'audience avec des programmes de qualité.
Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, pour atteindre cet objectif, il
est impératif de ne pas être constamment soumis à l'audimat et à
l'interprétation qu'en font les régies publicitaires.
Pour La Sept-Arte et La Cinquième, le rétablissement du financement public
était une urgence. Le budget précédent avait exigé d'elles des économies très
importantes. En effet, l'anticipation de la fusion par la loi de finances, au
mépris du rôle du Parlement, avait faussement justifié 140 millions de francs
d'économies. Or, 60 % des dépenses de La Sept sont des dépenses de
programme.
Le budget de La Sept augmente de 7,3 %, celui de La Cinquième de 6,7 %.
L'importance des mesures nouvelles en faveur de ces deux chaînes est venue
heureusement compenser la baisse plus forte qu'avaient subie ces deux budgets
l'année dernière. Cela va se traduire par 44,9 millions de francs
supplémentaires destinés aux programmes pour la Sept et par 7 millions de
francs pour La Cinquième.
Le monde audiovisuel de demain fera de la détention de programmes la
principale richesse. Aussi, je vous félicite de ces différentes mesures qui
représenteront un soutien important pour l'industrie française de
programmes.
Cependant, pour ce qui est de l'industrie de programmes, le problème de la
circulation des oeuvres devrait être traité avec une attention particulière.
Pour que les productions françaises soient présentes sur les bouquets
numériques, la question des délais de diffusion devra impérativement être posée
dans la nouvelle loi.
Par ailleurs, nous nous félicitons du soutien qui est apporté cette année au
cinéma. Le budget du compte de soutien géré par le CNC augmente de 5,8 %.
Bien que nous en ayons débattu voilà peu de temps, je voudrais dire un mot du
projet européen de fonds de garantie audiovisuel, destiné à soutenir la
production. Celui-ci a récemment été rejeté à Bruxelles. Nous connaissons votre
désir de voir ce projet aboutir. Nous vous soutenons dans cette démarche et
espérons que votre ténacité sera couronnée de succès.
L'ensemble de ces mesures permettra de consolider la créativité de nos chaînes
publiques et de les renforcer afin qu'elles affrontent le monde du numérique
avec quelques chances de ne pas y perdre leur âme.
Dans le même ordre d'idée, je voudrais dire un mot des réformes structurelles
qui sont attendues dans l'audiovisuel public. Celles-ci ne se contenteront pas
de permettre des économies : elles créeront des synergies importantes. Ainsi en
est-il de la holding France Télévision. Ainsi en est-il ou en sera-t-il - je ne
sais plus bien comment le dire - de la fusion entre Arte et La Cinquième.
Permettez-moi de formuler une requête : si la fusion entre Arte et La
Cinquième est aujourd'hui une réalité économique, elle n'est toujours pas une
réalité juridique. Or, ce hiatus entraîne un certain nombre de difficultés pour
ces chaînes. Ne pourrait-on pas accélérer le processus ?
J'en viens, à présent, à ce qui est au centre de nos préoccupations, à savoir
la place du service public dans le monde satellitaire ainsi que dans le monde
des nouvelles technologies et des nouveaux services. Il faut que le service
public puisse tenir une place de choix dans ce nouveau paysage.
Tout d'abord, quelle sera la place de la télévision publique dans la diffusion
numérique ? Nous espérons que le service public sera bientôt présent sur tous
les bouquets. Nous pensons, en effet, que la télévision publique n'a pas
vocation à être instrumentalisée dans une concurrence entre bouquets. Et, cela
va de soi, le service public n'a pas non plus vocation à participer au capital
d'un opérateur. Aussi, souhaitons-nous que le principe d'exclusivité du service
public sur TPS soit rapidement remis en cause. Le service public doit être de
droit et, à sa demande, repris en clair par tous les bouquets français.
C'est pourquoi je salue la diffusion de La Cinquième et de La Sept sur Canal
Satellite. Je relève aussi avec satisfaction la décision de son président de
maintenir la diffusion d'Arte en analogique pour l'Afrique du Nord. Par souci
d'économie, le gouvernement précédent avait imposé le passage au numérique sans
s'inquiéter des centaines de milliers de francophones qui allaient être
brutalement privés de ces programmes.
Le monde audiovisuel, nous l'avons dit, fera une place de plus en plus
importante aux chaînes thématiques. L'avenir du service public dépend donc de
sa capacité à développer ce type de chaîne.
Les mesures nouvelles pour France 2 lui permettront, après la chaîne Histoire,
de développer le projet Orphéo, chaîne consacrée à l'opéra et à la musique
classique. France 3 pourra reprendre le projet de chaîne régionale différé
l'année dernière en raison des coupes budgétaires.
Ces différentes chaînes ainsi que celles qui vont venir doivent-elles
bénéficier de ressources publiques ? Les trois exemples cités me semblent être
parfaitement dans la vocation du service public. Mais une réflexion sur les
développements thématiques du secteur public dont les moyens financiers restent
limités devra certainement être menée. Je me permets, à ce titre, de regretter
qu'il n'ait pas été possible d'organiser la reprise d'
Euronews.
Enfin, les nouvelles technologies promettent des changements importants
auxquels il doit pouvoir s'adapter ou, mieux, dont le service public doit
pouvoir profiter. C'est pourquoi nous nous félicitons des mesures importantes
qui sont consacrées cette année à l'innovation.
Je dirai un mot sur la BPS. Le stock de programmes de la BPS, constitué de 3
000 contenus socioéducatifs, est consultable à la carte et représente un
formidable gisement de programmes pour les enseignants, les formateurs ou les
animateurs. Cette banque de programmes consultable sur le site Internet de La
Cinquième deviendra un outil précieux et moderne pour la formation.
Ainsi, 22,5 millions de francs supplémentaires permettront à quatre cents
sites, à deux cents centres sociaux et à deux cents établissements d'éducation
de recevoir l'offre de la BPS. Les premières expérimentations qui ont lieu
depuis février 1997 ont été concluantes. C'est 30 millions de francs que le
président d'Arte-La Cinquième a décidé de consacrer, en 1998, au développement
de cette banque.
Par ailleurs, nous nous félicitons du lancement d'un plan de numérisation des
archives de l'INA ainsi que du centre de consultation du dépôt légal des
programmes audiovisuels à la bibliothèque François-Mitterrand.
Enfin, grâce à l'augmentation des crédits publics, France 3 va pouvoir mener à
bien la numérisation de ses rédactions et la mise en réseau de ses stations
régionales.
Mais l'enjeu des années à venir sera certainement la capacité de l'Etat à
réguler correctement ce secteur. Il le pourra en préservant les intérêts du
secteur public et en faisant également en sorte que nos groupes privés puissent
se développer en France et à l'étranger, ainsi qu'en préservant ou en
réintroduisant le pluralisme.
Couper le cordon ombilical entre le pouvoir politique et l'audiovisuel public
était le but de la première loi des gouvernements socialistes sur la liberté de
communication ; c'est ainsi qu'est né le CSA, ou plutôt ses prédécesseurs.
Aujourd'hui, l'ouvrage doit être parachevé, en limitant les effets de la
concentration verticale des groupes ou de trop hétéroclites
diversifications.
Limiter l'influence dans les médias des groupes qui dépendent de la commande
publique est certainement nécessaire. On voit bien à quels indéfendables
marchandages cela peut donner lieu. Mais tout aussi importante pour le citoyen
sera la garantie du pluralisme par une amélioration et un contrôle du
fonctionnement du marché.
Ainsi, garantir l'accès aux programmes pour toutes les chaînes et, en
particulier, celles du service public, est une nécessité. On pense aux droits
sportifs et au cinéma, vitaux pour les chaînes. Le fait que deux groupes
contrôlent en France la distribution et la production des oeuvres
cinématographiques ne constitue peut-être pas la meilleure garantie de fluidité
du marché.
L'article 18 de la loi de 1986, qui donne compétence exclusive au CSA en
matière de concurrence, devra peut-être être revu, afin de mieux organiser la
nécessaire interpénétration réciproque entre la régulation spécifique du
secteur et la régulation de droit commun de la concurrence par le Conseil de la
concurrence.
Je souhaite consacrer maintenant quelques instants à Radio France puis, plus
généralement, à notre paysage radiophonique.
Le budget de Radio France est stable. La partie publique sera financée
uniquement par la redevance à concurrence de 2,53 milliards de francs. Les
recettes commerciales restent au même niveau qu'en 1997.
Radio France est le premier groupe radiophonique en France avec une audience
cumulée de 27,1 % en 1996 ; cette situation est maintenue en 1997.
Vous avez, là aussi, madame la ministre, choisi de donner les moyens à cette
société publique de préparer l'avenir en prévoyant 15 millions de francs de
mesures nouvelles, dont 10 millions de francs pour développer la radio
numérique et le DAB et 5 millions de francs pour l'amélioration de
l'information. En tant qu'administrateur de Radio France, je ne peux que m'en
réjouir.
Je m'interroge cependant sur la présentation du budget interne de cette noble
maison qui attribue 8 millions de francs de mesures nouvelles à la nouvelle
antenne « Le Mouv », dont le budget est porté à 27 millions de francs hors
diffusion.
Plusieurs incertitudes planent encore sur ce programme destiné aux jeunes :
d'une part, vous avez, madame la ministre, lancé une mission d'audit et,
d'autre part, la même interrogation demeure quant aux fréquences disponibles
pour l'éventuel développement de ce programme. Peut-être pourrez-vous nous
donner votre sentiment ?
J'évoquerai maintenant brièvement le paysage radiophonique et son évolution.
Je souhaite vous féliciter, madame la ministre, d'avoir permis, en contribuant
à son financement, que l'audit du plan de fréquence ait lieu. Nous pourrons
certainement y voir ainsi plus clair.
Cependant, au regard des premières attributions proposées par le CSA pour
l'appel d'offres en cours, je m'interroge sur l'évolution de ce secteur.
On conforte la position en oligopoles de quatre opérateurs multiprogrammes. On
a, en quelque sorte, remplacé les trois grands privés des ondes longues par
quatre grands de la FM. Le rêve d'un paysage radiophonique où les opérateurs
locaux autonomes et les opérateurs nationaux contribueraient à offrir un
véritable choix à tout auditeur paraît s'éloigner.
Il me semble que l'on devrait réfléchir à une évolution de notre paysage
radiophonique avec deux objectifs.
Le premier serait de garantir la présence sur le marché des opérateurs
indépendants ; j'y reviendrai dans un instant à propos du fonds dit « Le Guen
».
Le second consiste à veiller à ce que les opérateurs ne proposent pas un
produit monocolore et qu'ils soient en situation de concurrence loyale. Or,
force est de constater que l'un de ces opérateurs ne contribue en aucune façon
à cette mission essentielle des médias qu'est l'information. Des obligations en
ce domaine devraient être, à mon avis, imposées à tout opérateur qui vise à
l'obtention d'un réseau national.
Je dirai maintenant quelques mots du fonds de modernisation pour la presse,
que vous créez, madame la ministre. Il me semblerait juste que ce fonds soit
ouvert à tous les médias locaux d'information.
Le développement des médias locaux dans notre pays est en effet une nécessité,
et ce ne serait que justice puisque ce sont eux qui pâtissent le plus du
développement du hors média.
L'information locale intéresse de plus en plus nos concitoyens, comme en
témoigne le succès des informations régionales de France 3 et celui de la
presse quotidienne régionale, la PQR, qui continue à représenter 50 % du tirage
total de la presse d'information politique et générale.
Télévisions locales du câble, télévisions locales hertziennes, radios
indépendantes et presse quotidienne régionale sont toutes nécessaires pour
assurer le bon fonctionnement de notre démocratie. J'ai toujours considéré,
pour ma part, qu'en fournissant des informations locales elles accomplissent en
quelque sorte une mission de service public qui justifie l'intérêt et l'aide de
la collectivité nationale.
Je soutiens totalement la démarche entreprise par M. Jean-Marie Le Guen et
selon laquelle les imprimés qui ne sont que des supports de publicité doivent
contribuer au financement des médias d'information. En effet, depuis de
nombreuses années, le hors-média s'est développé plus rapidement que l'ensemble
du marché.
Mais je souhaite attirer plus particulièrement votre attention, madame la
ministre, mes chers collègues, sur ce qui se passe au niveau du marché
publicitaire local. Ce sont 85 % des investissements publicitaires qui vont sur
le hors-média, contre moins de 7 % à la presse quotidienne régionale, environ 3
% à la radio et 1 % à la télévision.
Par ailleurs, un tiers des investissements publicitaires français sont
destinés à toucher des cibles locales, soit environ 50 milliards de francs,
répartis eux-mêmes en deux moitiés inégales, la plus grosse venant d'annonceurs
nationaux et la plus petite d'annonceurs locaux.
Il faut encore savoir que 91 % des annonceurs locaux investissent moins de 20
000 francs par an.
Tous ces chiffres me semblent avoir deux indications. D'une part, le hors
média local, qui représente plus de 18 milliards de francs, ne sera pas touché
par la taxe dite « Le Guen ». Or, 1 % de ce montant représenterait 180 millions
de francs. D'autre part, les médias locaux, qui ont la plus petite part du
marché publicitaire local et dont on connaît les difficultés, qu'il s'agisse
des radios commerciales indépendantes ou des télévisions locales, ne toucheront
rien. Ces derniers jours, nombre de ces radios et télévisions s'en sont émues
auprès des parlementaires.
C'est pourquoi, je proposerai, la semaine prochaine, d'étendre le bénéfice du
fonds à tous ces médias locaux.
Par ailleurs, il me semble qu'une réflexion sur l'enjeu que représentent les
médias locaux pour parachever la décentralisation méritera d'être menée à
l'occasion de la future loi sur la communication.
J'en viens, tout naturellement, aux aides à la presse.
La presse joue un rôle essentiel dans les démocraties pluralistes. Pas plus
Internet aujourd'hui que la télévision hier ne peuvent remplacer la presse
écrite. S'ils la menacent, c'est financièrement en captant ses ressources, et
non pas parce qu'elle serait devenue inutile, superflue.
Au contraire, face à l'accélération et au foisonnement des informations venues
des quatre coins de la planète, l'écrit laisse le temps et l'espace du recul de
la critique et de la réflexion. Et notre société en a plus que jamais besoin,
me semble-t-il.
Si l'aide de l'Etat à la presse reste une nécessité, il est aussi de sa
responsabilité d'aider ce secteur à évoluer pour reconquérir ses lecteurs,
comme vous l'avez très justement affirmé, madame la ministre.
Votre budget prévoit une stabilité et un léger redéploiement des aides au
profit de la presse d'information politique et générale.
Alors que le précédent gouvernement avait, dans son budget initial, imposé des
coupes claires, votre budget prévoit la stabilité des aides à la presse par
rapport au budget rectifié de 1997. Le détail des chiffres ayant déjà été donné
par MM. les rapporteurs, je n'y reviens pas.
Si personne ne conteste le bien-fondé de l'aide de l'Etat à la presse, on peut
légitimement, devant l'importance des montants, s'interroger sur la
transparence du système et sur son adéquation aux objectifs que l'on cherche à
atteindre.
Je vous épargnerai une litanie de chiffres, et je n'en retiendrai que deux ou
trois.
Si le chiffre d'affaires total de la presse a progressé de 1 % en 1996, celui
de la presse nationale d'information générale et politique recule de près de 3
%, avec une baisse sensible de sa diffusion, la presse locale progressant,
elle, légèrement, de 1,9 %.
Si la part de la presse sur le marché publicitaire national continue
inexorablement à baisser - 47,3 % en 1996 contre 56,2 % en 1990 - les magazines
représentent un tiers des investissements, la presse quotidienne régionale 20 %
et la presse quotidienne nationale seulement 9,7 %.
Tous ces chiffres montrent clairement où doit porter l'effort : je veux, bien
entendu, dire sur la presse d'information, plus particulièrement la presse
quotidienne. C'est ce que votre budget commence à traduire. Je citerai deux
exemples et ferai quelques suggestions.
Le fonds d'aide au portage est enfin mis en place, après bien des annonces
restées sans suite du gouvernement précédent. Son montant, 45 millions de
francs, est triplé par rapport à 1997.
Le nouveau « fonds de modernisation de la presse d'information politique et
générale », créé par cette loi de finances, sera abondé par la nouvelle taxe de
1 % sur le hors média et sera maintenu tant que les objectifs n'en seront pas
atteints. Je me permets de souhaiter qu'il ne conduise pas à un désengagement
inverse de l'Etat. Je rejoins là le souhait du rapporteur pour avis, M. Alain
Gérard.
Il me semble également que l'on peut se féliciter, compte tenu de la fragilité
des entreprises de presse, de la décision du Sénat, rejoignant l'arbitrage
initial du Premier ministre, de revenir sur la suppression des abattements
fiscaux pour les journalistes.
Enfin, une réflexion sur le prix de la presse quotidienne devrait à nouveau
être menée ; il me semble que les prix supérieurs à ceux des publications
équivalentes à l'étranger sont l'une des raisons de l'évaporation du
lectorat.
Il est également nécessaire d'aider ce secteur à évoluer. Là encore, deux
exemples peuvent être relevés dans votre projet de budget.
Le premier, c'est le fonds d'édition multimédia géré par le CNC, qui est doté
de 15 millions de francs pour 1998, alors que seulement 20 millions de francs
sur cinq ans avaient été prévus par le précédent gouvernement.
La presse doit, comme elle avait su le faire pour le minitel et peut être plus
encore, considérer qu'il ne s'agit pas d'un univers concurrent et qu'elle doit
s'en saisir.
Le second exemple de cette nécessaire évolution que l'Etat doit aider concerne
le plan social de la presse parisienne initié par un accord entre le syndicat
de la presse parisienne et le syndicat du livre en 1992. Il est financé chaque
année par l'Etat ; 13,2 millions de francs lui seront consacrés en 1998.
J'ajouterai un regret : aucune aide n'est prévue pour le lancement d'un
nouveau journal. Un trop petit nombre de nouveaux journaux naissent et peu
perdurent. Je salue d'autant plus les entrepreneurs qui, courageux, se lancent
dans le secteur difficile de l'information. Mais à côté des PME innovantes que
le Gouvernement envisage de soutenir, ne pensez-vous pas, madame la ministre,
qu'un fonds pourrait aider les nouveaux journaux à atteindre le seuil critique
?
Je voudrais, enfin, saluer le maintien des aides à l'expansion de la presse
française à l'étranger au niveau de 21,5 millions de francs, tout en regrettant
qu'il n'ait pas été possible de rétablir une partie de l'amputation subie
l'année dernière.
Enfin, je souhaiterais attirer votre attention sur une aide qui ne grèverait
sans doute pas de manière dramatique le budget de l'Etat mais qui serait, elle
aussi, porteuse d'avenir.
La presse d'information manque avant tout de lecteurs, nous l'avons dit.
Pardonnez-moi cette remarque digne de M. de La Palice, mais les lecteurs de
demain sont les collégiens et les lycéens d'aujourd'hui.
Aider les jeunes à se familiariser avec la presse écrite d'information
générale et politique est, à mon avis, aussi indispensable que de leur donner
accès à Internet pour les préparer à leur vie de citoyen.
Là encore, le prix est, d'après les enseignants, un handicap. Peut-être
pourrait-il y avoir une aide pour les achats par les établissements scolaires
?
Pour conclure ce long exposé, je voudrais évoquer encore le défi que
représente ce qu'il est convenu d'appeler « la société de l'information » aussi
bien pour la collectivité que pour tout un chacun et rappeler, avec François
Mitterrand, que : « Le progrès n'a que l'âme de celui qui s'en sert ».
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les mutations
technologiques imposent, dans le domaine de l'audiovisuel, des transformations
tous azimuts qui nous contraignent à légiférer parfois dans l'urgence. Il est
aujourd'hui difficile d'aborder les questions de la télévision hors d'un
contexte qui mêle des enjeux de déréglementation, de libéralisation des marchés
au sein d'un secteur où prévaut, pour l'essentiel, une visée très étroitement
économiste et gestionnaire.
L'examen du projet de loi de finances pour 1998 laisse apparaître une
augmentation des ressources du secteur public de l'audiovisuel de 3,28 %, qui
est à mettre en regard de l'augmentation de 1,2 % de ce même budget l'an
dernier.
Cette augmentation repose pour une très large part sur un accroissement du
montant de la redevance de 5 %, ce qui ramène les dotations budgétaires
proprement dites à une réduction de l'ordre de 34,1 %.
C'est la quatrième fois consécutive que ces dotations budgétaires sont en
baisse, avec, d'ailleurs, le remboursement aux chaînes publiques de
l'exonération de la redevance.
Il y a un risque, il ne faut pas se le cacher, à accentuer le désengagement de
l'Etat dans un secteur pourtant en pleine mutation.
Lors de sa déclaration de politique générale, M. le Premier ministre
soulignait la nécessité « de rééquilibrer le partage actuel entre les
ressources publiques et les recettes publicitaires », et ce afin « d'encourager
et de soutenir un service public fort et de qualité ».
Vous savez notre attachement et celui de nos compatriotes au service public de
l'audiovisuel ; nous partageons donc les préoccupation du Premier ministre.
Cependant, je me permets d'insister sur la nécessité qu'il y aurait, selon
nous, à aller encore plus loin dans le rééquilibrage entre ressources publiques
et publicité. Ainsi, l'objectif fixé en termes de progression des recettes
publicitaires pour 1998, qui est de 4 % pour France 3 et France 2, reste, en
dépit d'une pause, encore trop élevé.
La recherche des recettes publicitaires contraint les responsables de nos
chaînes à une course à l'audience dont nous connaissons tous les méfaits.
Outre le fractionnement des programmes, près de dix-huit minutes s'écoulent
entre la fin du journal télévisé de vingt heures et le début des programmes en
soirée. Cette quête de ressources « contamine » le contenu même de ce qui est
diffusé ou oeuvre en faveur de la non-diffusion de telle ou telle
programmation.
Il en est ainsi pour les oeuvres de fiction mais également pour des pans
entiers de l'activité culturelle de notre pays - théâtre, concert, poésie - qui
sont absents du petit écran ou programmés à des heures impossibles, maintenant,
par exemple, comme l'a souligné avec esprit notre collègue M. André Diligent
-...
M. Jean Cluzel,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Ivan Renar.
... parce qu'ils ne sont pas porteurs de recettes publicitaires
suffisantes.
Je souhaiterais abandonner le seul terrain des chiffres pour tenter d'aller
plus au fond de la réalité de notre audiovisuel public.
Nous avons, en effet, une responsabilité politique particulière en matière
d'audiovisuel public et peut-être serait-il souhaitable que la représentation
nationale participe plus que par le passé à l'élaboration même de cette
politique ; je pense bien sûr au Parlement, mais aussi aux élus locaux, aux
associations de spectateurs, de téléspectateurs, aux artistes, etc., bref à
tous ceux qui oeuvrent à l'enrichissement du lien social dans notre pays.
Certes, le CSA existe, mais il s'agit d'une instance de régulation. Prenons
garde de ne pas nous dessaisir de ce que nous voudrions que soit notre
audiovisuel, et le législatif n'en est qu'un aspect.
Une réflexion doit être engagée sur l'audiovisuel public. Un projet de loi est
annoncé. Nous souhaitons que l'indispensable concertation soit mise en oeuvre
rapidement.
Dans le paysage audiovisuel, souvent terne et quelquefois accablant, il y a
heureusement quelques scintillements et on les trouve dans l'audiovisuel
public. Ainsi, la progression de l'audience de France 3 est réconfortante, car
le souci de la qualité semble être partagé par une majorité de nos conditoyens,
et pas seulement en province.
Un certain nombre des projets novateurs de cette chaîne justifient d'ailleurs
pleinement que nous y prêtions attention. Développement régional, ouvertures de
nouvelles éditions locales appellent, selon nous, un effort budgétaire dans la
durée.
Mme Danièle Pourtaud.
Effectivement !
M. Ivan Renar.
Cela étant, l'arrivée de nouvelles technologies appelle des moyens budgétaires
supplémentaires mais aussi une autre approche du secteur audiovisuel. Je pense
notamment au développement du numérique qui mêle technologies informatiques et
images audiovisuelles. Faisons en sorte que, dans nos choix budgétaires,
l'audiovisuel public ne soit pas le laissé-pour-compte d'une évolution devenue
aujourd'hui incontournable.
Là aussi, on risque le pire et le meilleur. Le pire n'est pas certain même si,
souvent, trop souvent, la technique pense qu'elle peut se passer de la pensée
et qu'un jour les machines feront des films et que les ordinateurs, sans aucun
doute, iront les voir.
(Sourires.)
Nous connaissons les avancées de La
Cinquième, avec le développement de sa banque de programmes. Il va sans dire
que France Télévision doit aussi y prendre toute sa place.
Notre pays ne manque pas de compétences audiovisuelles, notamment dans
l'audiovisuel public. Des désengagements financiers successifs, mais aussi une
absence de lisibilité politique de ce que nous souhaitons pour notre télévision
ont pu conduire, ces dernières années, à un certain flottement.
Chacune des chaînes publiques se doit, sauf à disparaître, de garder et de
promouvoir une ligne éditoriale originale ; la course, non pas à la qualité,
mais à l'audimat entre telle ou telle chaîne ne peut qu'aboutir à de
formidables gâchis et au nivellement par le bas.
Les restructurations doivent, pour réussir, être au service de cette
différence et non pas être motivées par la recherche absolue de la seule
économie comptable.
Le pluralisme, l'innovation, l'originalité, la promotion de notre culture
nationale, mais au-delà de l'ensemble des cultures européennes, tout cela doit
trouver un plein essor au sein de nos chaînes publiques.
Le petit écran est un instrument privilégié de cette « exception culturelle ».
Les tentations sont grandes, ici ou là, de revenir sur certaines avancées en ce
domaine.
Le récent sommet de la francophonie a permis le constat d'un certain nombre de
nos manques. Radio France internationale et Radio France outre-mer, qui ont la
charge du rayonnement de notre culture, appelle une attention budgétaire
particulière.
J'en viens à l'aide à la presse écrite, que nous soutenons comme un instrument
irremplaçable de l'Etat pour concourir au développement - parfois, hélas ! à
son seul maintien - d'une presse écrite menacée de toute part, alors même que
l'on sait son existence vitale pour notre démocratie. S'il est le plus
pratique, le terme d'« aide » n'est d'ailleurs pas le meilleur, puisqu'il
s'agit, en fait, d'un concours à l'exercice de la démocratie et de la
citoyenneté dans notre pays.
La loi de finances pour 1997 avait réduit de 14 % les aides directes à la
presse, de 24,9 % l'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources
publicitaires et de 50 % l'aide à l'expansion économique de la presse française
à l'étranger. Autant dire que l'on revient de loin !
Dans le projet de budget qui nous est soumis, l'Etat maintient son aide à
hauteur de 246 millions de francs. Certains redéploiements sont prévus et l'on
voit un renforcement notable de l'aide au portage.
Il convient de bien distinguer, au sein de l'ensemble de la presse écrite de
notre pays, une presse économiquement stable, soutenue par des groupes
capitalistes aux profits élevés et au fort rendement publicitaire, et une
presse d'information générale et politique qui connaît de graves difficultés
économiques, avec notamment la presse quotidienne, mais aussi les hebdomadaires
locaux, auxquels je pense particulièrement.
L'amendement « 1 % » sur le hors média constitue, pour cette dernière, certes,
une avancée, mais peut-être pourrions-nous aller plus loin,
L'aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires est assise sur le
produit de la taxe sur la publicité à la télévision. Sur le produit de cette
taxe qui atteint, je crois, 60 millions de francs, seuls 30 millions vont aux
quotidiens. Est-il inconcevable et serait-ce trop demander que la totalité de
ce produit soit affectée à ces journaux ?
Le secteur de la communication tient une place prépondérante aujourd'hui dans
l'économie des pays industrialisés, la part de ce secteur au sein de l'économie
américaine est là pour nous le rappeler.
Générateur d'emplois, vecteur culturel, son immersion au plus près du
quotidien de chacun en fait un formidable instrument de partage, partage de
rêve, s'agissant de production audiovisuelle, partage de différences et de
ressemblances aussi, que l'on ne doit pas laisser au seul secteur marchand.
A ce titre, madame la ministre, le projet de budget marque une étape.
Il y a place dans notre pays - l'histoire et le maintien d'un cinéma de
qualité et riche de diversité en constituent un bon exemple - pour une
production audiovisuelle de qualité, pour une presse davantage au service de la
citoyenneté. Mais cela ne saurait se faire sans une intervention forte du
pouvoir politique. Rappelons-nous l'intervention de Bill Clinton en faveur des
autoroutes de l'information. Un tel dessein se profile dans le projet de budget
qui nous est proposé. Mais nous devrons aller plus loin. Puisse le débat autour
de l'audiovisuel, annoncé pour le début de l'an prochain, y contribuer.
Les synergies doivent être renforcées afin d'oeuvrer à la mise en place d'un
grand service public, tout entier orienté vers le différence, vers la
créativité, mêlant savoir-faire anciens - je pense à la SFP, par exemple - et
connaissances nouvelles.
Nombres d'acteurs de l'audiovisuel public y participent. La convention
collective de ce secteur est-elle réellement un frein au développement de
l'audiovisuel public ? Nous ne le pensons pas. Sa disparition ne serait-elle
pas la porte ouverte à la croissance de l'intermittence du spectacle ?
Les questions sont nombreuses. Nous devrons les apprécier dans leur globalité,
en ayant à coeur de définir les objectifs et les missions de service public
pour notre audiovisuel.
Nous resterons, pour notre part, au service de signes forts d'une politique
dynamique et novatrice pour notre télévision, mais aussi pour la presse écrite,
en ayant toujours en tête ce que disait le poète : « La parole n'a pas été
donnée à l'homme, il l'a prise. »
M. le rapporteur faisait tout à l'heure appel à la sagesse du Sénat. Eh bien !
madame la ministre, nous ne serons pas sages et nous voterons votre projet de
budget !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Madame le ministre, bien que vous sembliez en douter, notre groupe est attaché
à un service public audiovisuel fort, pluraliste et conforté par une gestion
saine et équilibrée.
C'est pourquoi nous avons approuvé la présidence commune à France 2 et France
3 et soutenu celle de La Cinquième et de Arte afin de favoriser les synergies
et de donner un maximum de cohérence aux stratégies mises en oeuvre par les
chaînes publiques.
Or, les déclarations que vous avez faites, madame le ministre, devant notre
commission des affaires culturelles, m'ont profondément surpris. Vous avez
affirmé que le précédent gouvernement avait malmené l'audiovisuel public et
qu'il fallait redresser et rééquilibrer les ressources des chaînes
publiques.
Vos amis ont, en effet, longuement critiqué par le passé la trop grande part
de recettes publicitaires dans le budget de France 2 et France 3 qui risquait
de placer les deux chaînes publiques dans une logique commerciale éloignée des
préoccupations du service public.
Dans cette perspective, on pouvait penser que vous alliez réduire les
objectifs publicitaires de ces chaînes et augmenter la part de financement
public de l'Etat.
Quelle n'a pas été ma surprise de constater que vous stabilisiez la part des
recettes publicitaires dans le financement du secteur public, et ce sans même
essayer d'inverser la tendance à leur accroissement actuellement constatée !
Bien trop souvent, en politique, les mots sont éloignés des actes.
Permettez-moi de considérer qu'en l'occurrence les records sont pulvérisés !
En outre, vous avez prétendu, devant notre commission des affaires
culturelles, vouloir assurer la sécurité financière des organismes audiovisuels
publics et, dans le même temps, vous abaissez la part de la redevance affectée
à France 2 et à France 3 dans le montant des crédits publics qui leur sont
consacrés. Vous exposez ainsi France 2 et France 3 au risque de régulation
budgétaire ! En toute logique, vous auriez dû leur réserver la part de la
redevance qui leur est actuellement affectée, car c'est une recette sûre.
Votre choix est d'autant plus incompréhensible que vous avez décidé
d'augmenter le taux de la redevance de 5 %.
Vous me permettrez, une fois encore, de constater que, dès que le Gouvernement
rencontre un problème, son premier réflexe est d'augmenter les prélèvements.
C'est pourtant, non aux conséquences, mais aux causes qu'il faut s'attaquer
!
Cette augmentation de la redevance, vous la justifiez en avançant qu'elle doit
permettre au secteur public de ne plus recourir aux recettes publicitaires. Or,
je le répète, la part de la publicité dans les ressources des chaînes publiques
n'est aucunement réduite. Je conviens que cette diminution est un objectif
difficile à atteindre. Mais il ne faut pas annoncer quelque chose, faire son
contraire et, en outre, augmenter les prélèvements.
Soyez certaine, madame le ministre, que nous serons vigilants, notamment au
cours de l'année prochaine, et que nous veillerons à ce que des coupes
budgétaires ne viennent pas compromettre la qualité des programmes des deux
chaînes généralistes qui, jusqu'à présent, l'audimat le prouve, se portent
plutôt bien face à leurs concurrentes du secteur privé.
J'évoquerai maintenant les modes de fonctionnement des chaînes publiques et de
la présidence commune.
S'agissant de La Cinquième et de Arte, il y a bien eu, de la part du président
commun de ces deux chaînes, un effort de recomposition des structures.
Cependant, ainsi que l'a fort bien exposé notre rapporteur pour avis, M.
Jean-Paul Hugot, cet effort ne permettra pas de réaliser les économies
budgétaires qui étaient attendues en 1997. D'où la situation financière
difficile de ces chaînes.
En ce qui concerne la présidence commune à France 2 et France 3, je
souhaiterais rappeler que son organisation est un véritable paradoxe et exige
une réflexion approfondie, qui d'ailleurs a déjà été engagée par le précédent
gouvernement.
En effet, l'Etat, unique actionnaire, ne nomme pas le président et ne peut pas
plus le révoquer. En revanche, il est censé contrôler la gestion des deux
entreprises publiques. Dans les faits, nous constatons qu'il n'exerce pas ses
responsabilités d'autorité de tutelle.
L'expérience a également montré que le conseil d'administration n'exerce pas
non plus de contrôle sur la présidence commune. Les récents scandales qui ont
éclaté a propos des animateurs-producteurs ont particulièrement illustré ce
fait.
De son côté, le CSA nomme le président commun aux deux chaînes, mais n'a pas
légalement de pouvoir de contrôle sur leur gestion.
Le constat est clair : aucun contrôle ne s'exerce véritablement sur la
présidence commune. Je pense qu'il n'est pas possible de continuer ainsi, et je
souhaiterais connaître votre opinion sur ce dossier particulièrement important,
madame le ministre.
Enfin, il me semble indispensable que vous nous confirmiez le dépôt rapide
d'un projet de loi sur la communication audiovisuelle. Cette question déborde
sans doute le cadre de l'examen de votre projet de budget, mais il est frappant
de constater à chaque instant, que, sur de multiples dossiers, l'adaptation de
notre législation est nécessaire. Cela signifie non pas plus de lois, mais des
lois adaptées aux besoins.
Ainsi, nous souhaitons connaître vos orientations s'agissant, notamment, du
développement du câble, qui a tant de mal à émerger, du développement du
numérique et des bouquets, de la nécessité absolue de faire cesser la
cohabitation de plusieurs standards de décodeurs numériques, qui aboutit à une
situation absurde.
De même, il faut revoir les compétences du CSA. Ainsi, la montée de la
violence et de la pornographie sur nos écrans nécessite un peu plus qu'une
simple signalétique, dont les effets sont bien aléatoires.
Enfin, concernant l'attribution des fréquences radios, un audit a eu lieu
l'année dernière. Cela fait longtemps que ce secteur appelle une remise à plat
et l'apparition de nouvelles règles. Quels choix allez-vous faire dans ce
secteur, madame le ministre ?
Nous avions commencé l'année dernière l'examen d'un projet de loi qui visait à
apporter un certain nombre de solutions. Madame le ministre, il est urgent d'en
discuter pour ne pas « rater » notre entrée dans la société de l'information du
XXIe siècle.
En conclusion, sur les budgets de la communication audiovisuelle, je tiens à
saluer l'excellent travail effectué par M. Jean-Paul Hugot, dont le rapport
nous a permis de mieux appréhender un budget toujours très complexe et, en même
temps, essentiel pour notre société. S'agissant de la presse, j'approuve
également totalement le rapport établi par M. Alain Gérard, qui a retracé et
commenté de façon exhaustive les différents problèmes de ce secteur. Je m'en
tiendrai à une seule question, celle de la déontologie des journalistes.
Vous avez annoncé, lors d'un récent colloque, que vous aviez demandé aux
différents responsables de radios et de télévisions publiques de mettre en
place, auprès de leurs principales rédactions, des médiateurs. Cela me paraît
être une bonne idée, susceptible de répondre aux attentes et au mécontentement
tant des auditeurs que des téléspectateurs.
Je souhaiterais donc connaître les modalités de mise en place d'une telle
mesure, son coût et sa date d'application.
Vous avez également annoncé l'organisation d'une réflexion sur la formation
des journalistes, remarquant que trop peu d'entre eux avaient suivi une
formation initiale ou avaient participé à une formation continue, ce qui, sans
doute, expliquait en partie les dérives constatées par rapport à l'éthique que
leur métier exige.
Permettez-moi de penser qu'au nom de la liberté de la presse, que vous
brandissez toujours si volontiers, mais que vous semblez avoir oubliée, en
l'occurrence, le problème du respect de l'éthique doit trouver des solutions au
sein de la profession, par exemple, par l'autodiscipline ou encore grâce à
l'établissement d'une charte interne des usages.
Il ne me semble pas que ce soit à l'Etat d'encadrer le métier des journalistes
!
Ce que j'appelle de mes souhaits, c'est que nos concitoyens disposent d'une
information de qualité : c'est cela la responsabilité des journalistes !
Mes interrogations ainsi que celles de mes autres collègues montrent bien le
manque de visibilité de votre budget, l'absence d'une stratégie cohérente et
dynamique pour les deux secteurs de la communication, tout particulièrement
pour l'audiovisuel public.
Madame le ministre, parce que votre projet de budget, tel que vous nous le
présentez, affiche un taux de progression qui pourrait, en apparence, sembler
satisfaisant mais qui est uniquement financé par un démantèlement de notre
politique de la défense, parce que votre projet de budget ne présente aucune
ambition pour notre pays sur le sujet si sensible de la communication, le
groupe du Rassemblement pour la République ne peut que refuser de le voter en
l'état.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication,
porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, ayant commenté ce projet de budget devant vos commissions, je
consacrerai essentiellement mon intervention aux réponses aux différents
intervenants.
Je voudrais, tout d'abord, remercier M. le rapporteur spécial et MM. les
rapporteurs pour avis d'avoir examiné dans le détail et commenté le projet de
budget que je présente à la fois pour la presse et pour l'audiovisuel.
J'ai la faiblesse de penser - je l'ai dit devant la commission des finances et
la commission des affaires culturelles du Sénat, ainsi que devant les députés -
que ce projet de budget est bon, non seulement parce qu'il est en augmentation,
mais aussi parce qu'il marque un véritable tournant dans la perception, dans
l'appréhension et dans la prise de position de l'Etat face à un secteur en
pleine mutation.
En effet, ce projet de budget marque une priorité à l'égard de la presse
écrite - je remercie M. Cluzel, rapporteur spécial, et M. Gérard, rapporteur
pour avis, de l'avoir souligné - grâce à deux mesures : d'une part, le maintien
du système d'aide à la presse que nous connaissons maintenant depuis quelques
années, avec, cependant, un accent mis sur certaines priorités, tels l'aide au
portage et le développement du multimédia ; d'autre part, la mise en oeuvre du
fonds proposé par M. Le Guen, qui permettra - je l'espère - d'abonder le fonds
de modernisation de la presse écrite, notamment de la presse d'information
politique et générale et des titres quotidiens régionaux ; cette presse fournit
en effet quotidiennement à ceux qui la lisent actuellement, et qui devront être
plus nombreux encore, demain, un mode d'information particulièrement précieux
pour la démocratie.
Mais ces aides à la presse ne peuvent être conçues comme des compensations
permanentes à des déficits d'activités économiques privées.
Je tiens à insister sur ce point : pour aider les entreprises de presse, il
nous faut les encourager à prendre le tournant stratégique de la modernisation
de leurs structures. Je constate en effet que, chez certains de nos voisins
européens, les journaux sont moins chers, ont un meilleur équilibre budgétaire
et connaissent une fidélisation de leurs lecteurs dans de meilleures
conditions.
M. Michel Pelchat.
La distribution !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Nous devons donc nous
interroger sur le rôle des pouvoirs publics, sur la manière dont est organisée
la chaîne de la presse, depuis la rédaction, la production, jusqu'à la
distribution, sur la conquête de nouveaux lecteurs et sur les tarifs, qui
doivent permettre à tous nos concitoyens, y compris à ceux qui ne disposent pas
d'un revenu élevé, d'avoir accès à l'information. L'enjeu est important.
Pour moi, le secteur de la communication est un tout. Même si l'on a beaucoup
parlé de la mutation de l'audiovisuel, avec la télévision numérique, les
chaînes thématiques et les nouveaux services, c'est en fait l'ensemble du
secteur de la communication, y compris celui de la presse écrite, qui est
confronté à cette mutation.
Dans le cadre de ce projet de budget, j'ai souhaité bien marquer la mission du
secteur de l'audiovisuel public.
Je considère en effet que, dans un paysage de plus en plus concurrentiel, le
secteur public audiovisuel permet d'assurer une véritable régulation. Je ne
crois pas en la morale du marché, lequel est principalement déterminé par la
possibilité pour les entreprises de réaliser des profits. A partir de là, nous
savons bien que, s'agissant d'informations, de programmes, d'influence
culturelle, linguistique, mais en même temps de modes de vie - comme cela a
été dit tout à fait justement, cela commence en effet par les comportements et
cela continue par une influence culturelle déterminante - nous devons assurer
l'indépendance, le pluralisme et la régulation de l'ensemble de ce secteur,
tout en lui permettant de s'adapter aux nouveaux défis technologiques.
C'est la raison pour laquelle ce projet de budget marque un tournant. Il le
marque non seulement par la proportion entre les recettes budgétaires, les
recettes de redevance et les recettes publicitaires, mais aussi par
l'importance du soutien accordé aux programmes et à l'innovation, avec comme
vous avez bien voulu le rappeler, les projets, tels les programmes
pédagogiques, à travers la BPS, la banque de programmes et de services et avec,
le projet de l'INA, visant à valoriser le patrimoine audiovisuel de notre
pays.
J'aurais souhaité présenter un document budgétaire beaucoup plus facile à
lire. Dès ma nomination au ministère de la culture et de la communication, j'ai
constaté que les crédits liés à la communication étaient traditionnellement
éparpillés et qu'il était donc nécessaire d'opérer une synthèse pour parvenir
véritablement à apprécier ce budget. Je remercie donc tous ceux qui,
patiemment, se préoccupent de le comprendre, de le connaître, et j'espère qu'il
nous sera donné de disposer, pour le prochain projet de budget, d'un document
synthétique permettant de comprendre l'évolution des données chiffrées
concernant l'ensemble du secteur de la communication. Ce serait à mon avis une
façon de respecter le contrôle que doit exercer le Parlement sur les crédits
publics.
J'entendais tout à l'heure l'un des intervenants évoquer le fait que l'Etat,
qui est actionnaire, n'exerce pas son contrôle dans le secteur public
audiovisuel. Je dirai que cela commence déjà par le contrôle des parlementaires
sur le budget.
Nous devons apprécier ce budget dans toutes ses composantes que sont les
crédits budgétaires, les comptes d'affectation spéciale et les aides
indirectes. Or, la diversité des éléments contribue à une certaine opacité,
notamment pour le public.
Nous sommes confrontés à une autre difficulté, avec l'éparpillement de la
tutelle.
Il fut un temps où le ministère de l'information dépendait directement du
Premier ministre et où l'information dans le secteur public était conçue comme
la parole politique, issue du pouvoir politique. Cette époque est révolue.
Nous devons passer à l'étape suivante, qui consiste à garantir l'autonomie du
point de vue du pouvoir économique et à éviter les effets négatifs de trop
fortes concentrations, qu'elles soient verticales ou horizontales.
En effet, si nous souhaitons être capables d'un bon suivi, d'une bonne
évaluation, d'un bon contrôle et d'une bonne capacité d'anticipation pour
l'ensemble d'un secteur, il nous faut donner à l'administration de l'Etat les
moyens de pouvoir conduire correctement son travail.
Ce point m'amène également à évoquer la nécessité de simplifier et de mieux
organiser l'audiovisuel intérieur et l'audiovisuel extérieur. Nous menons
actuellement une réflexion avec le ministère des affaires étrangères sur ce
point, car nous mesurons bien, de part et d'autre, les difficultés. Nous voyons
bien, avec l'apparition des chaînes thématiques, des bouquets satellites, des
différents services passant sur de nouveaux supports de communication et de
l'explosion numérique, à quel point cette limite est tout à fait précaire et en
même temps de moins en moins pertinente, et qu'il faut considérer - je le dis
d'emblée - le secteur audiovisuel ainsi que le secteur de la presse écrite,
bref, tout le secteur de la communication, comme un secteur économique
déterminant à part entière pour notre pays.
D'autres pays, comme les Etats-Unis, l'ont compris depuis longtemps. Il n'est
pas forcément nécessaire d'imiter le modèle américain, car nous avons nos
traditions et notre manière de voir. De plus, nous avons la faiblesse de penser
que nous pouvons avoir des entreprises tout à fait performantes tant sur le
plan technologique que sur le plan de la matière rédactionnelle et des
programmes. C'est vrai, y compris pour le divertissement. En effet, il n'est
pas du tout évident, mesdames, messieurs les sénateurs, de pouvoir proposer des
divertissements de qualité en dehors des responsabilités et des charges du
service public.
Il convient donc que nous puissions reconnaître cette part économique, source
à la fois d'emplois et de recettes.
Je voudrais revenir sur quelques-unes des questions qui ont été abordées, et
tout d'abord sur celles qui concernaient la presse écrite.
Je remercie très vivement M. Cluzel de son rapport écrit. L'ensemble des
rapports qu'il a produits depuis plusieurs années constitue bien évidemment une
source inépuisable d'inspiration.
Je répondrai tout d'abord sur le plan du soutien à la modernisation de la
presse quotidienne et des aides à la presse.
Le plan de soutien à la modernisation des quotidiens et des hebdomadaires
locaux trouve sa légitimité dans ce rôle particulier que joue cette forme de
presse dans le débat d'idées, dans l'ouverture sur le monde, sur la société et
sur le lien social. Il intervient alors que les entreprises doivent moderniser
d'urgence leurs structures pour mieux répondre aux attentes et au pouvoir
d'achat des lecteurs. La question est d'autant plus cruciale pour cette forme
de presse qu'elle doit supporter des frais structurels - industriels,
rédactionnels et de distribution - ainsi que des coûts sociaux particulièrement
lourds.
Le plan de soutien sur lequel nous travaillons avec les représentants des
quotidiens et assimilés prendra en compte l'ensemble de l'activité des
entreprises, des études à la commercialisation, la publicité et la distribution
en passant par la rédaction.
Des groupes de travail ont été mis en place pour avancer dans l'élaboration de
ce plan de soutien.
Nous comptons, bien entendu, participer au financement de ce plan de soutien,
et ce à travers le compte d'affectation spéciale lié à la taxe sur les
investissements publicitaires hors média.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai éprouvé quelques inquiétudes à propos
des amendements qui ont été votés par votre honorable assemblée, parce qu'ils
ont considérablement réduit l'assiette de cette taxe et son produit global
équivaut aujourd'hui au montant des aides traditionnelles accordées au portage.
Pour un plan de soutien à la modernisation de la presse écrite, cela devient
très peu. Il nous faudra, dans la suite de la discussion du projet de budget de
la communication pour 1998, dégager une solution équilibrée susceptible, sans
léser les intérêts de quiconque, d'apporter à la presse écrite les moyens
d'assurer sa mutation.
Les problèmes qui se posent à la presse écrite sont aujourd'hui différents de
ceux qui se posent aux radios ou aux télévisions locales. Les problèmes de
structures ne sont pas comparables, ni même le cadre réglementaire et
législatif.
Il convient vraiment d'accorder, pour une période donnée, en l'occurrence pour
la durée du plan, c'est-à-dire quatre à cinq ans, une priorité à la presse
écrite.
Si nous étendons le dispositif à un trop grand nombre de bénéficiaires, nous
serons confrontés à une difficulté ; une distribution sporadique de moyens ne
nous permettra pas de jouer notre rôle de soutien et de stimulation.
Les groupes de travail en cours de constitution travailleront à l'amélioration
de la connaissance du lectorat, à la modernisation de la fabrication et de la
diffusion, au financement du développement.
Le développement de la lecture, en particulier chez les jeunes, ne dépendra
pas du plan de soutien et donc du financement par la taxe du 1 % sur le hors
média. Cette opération, nous la financerons grâce au plan sur la lecture
publique, qui concerne à la fois le livre et la presse écrite. Pour nous, la
lecture est un tout, nous associerons donc la presse écrite à toutes les
entreprises de soutien à la lecture publique.
En matière d'aides, nous avons l'intention, dès le printemps, d'étudier avec
l'ensemble des formes de presse les évolutions souhaitables.
Le constat est simple : le volume global des aides est très important ; il n'a
pourtant pas permis d'empêcher les rachats de titres par des industriels ou des
groupes étrangers ; il n'a pas non plus permis d'assainir la situation
financière des entreprises. Il faut donc rendre les aides plus efficaces et
conforter ce secteur économique en ne se contentant plus de compenser ses
déficits chroniques.
Voilà donc quelques-unes des réflexions que m'inspiraient les questions posées
par les rapporteurs et par les différents orateurs qui ont évoqué cette
question.
Concernant la taxe sur le hors média, l'assiette de cette taxe doit comprendre
les imprimés adressés parmi lesquels figurent les
mailing
, les éditions
publicitaires, les imprimés non adressés, les annuaires et les guides ainsi que
la presse gratuite.
Sur tous ces points, il y a eu débat. Nous avons néanmoins souhaité réunir
tous ceux qui participent aux travaux de l'observatoire de la publicité. J'ai
participé à une rencontre qui rassemblait tous les professionnels et je leur ai
expliqué ce qui allait se passer. Je préfère que les dispositifs soient connus
avant d'être lancés, qu'ils soient mis en place de façon transparente et après
concertation.
Il faut tenir compte du fait que les annonceurs, ce sont aussi des entreprises
appartenant à tous les secteurs. Il ne faut pas leur donner le sentiment qu'il
s'agit d'une pénalisation.
Néanmoins, un constat s'impose : la publicité dans la presse écrite est en
diminution rapide, ce qui pose le problème de la survie de tous les titres de
la presse quotidienne d'information politique et générale dans notre pays.
Concernant l'extension du bénéfice du fonds de modernisation aux autres médias
que la presse quotidienne, la question a été posée, notamment pour les agences
de presse.
Les agences de presse ne sont pas écartées, mais ce fonds ne servira pas à
financer l'évolution de l'AFP. Si l'on considérait que l'AFP pouvait bénéficier
des crédits de ce fonds, on ne pourrait pas résoudre le problème. Le
financement du secteur public de l'information doit être fait par des crédits
publics.
Je suis, bien sûr, sensible à tous les arguments qui ont été évoqués,
notamment par Mme Pourtaud, et qui nous amènent à penser que nous ne pourrons
consacrer les crédits liés au 1 % à la presse écrite que pendant une période
temporaire.
Personnellement, je souhaite qu'une fois le plan de modernisation engagé, nous
puissions consacrer les fonds récoltés au développement de l'information dans
l'ensemble des secteurs, en particulier dans la nécessaire adaptation aux
nouvelles technologies. Nous pourrions ainsi avoir une vision à long terme qui
permettrait de répondre correctement aux problèmes posés.
En ce qui concerne les charges téléphoniques, l'ouverture de la concurrence
nous a conduits à constater une multiplication des tarifs de la part
d'opérateurs qui sont de plus en plus nombreux.
Un tel contexte rend difficilement praticables les demandes de remboursement
de factures.
Les systèmes mis en oeuvre sont extrêmement compliqués et ils nécessitent une
gestion lourde et coûteuse. Nous nous demandons donc s'ils sont les meilleurs
possible.
Il convient dans le même temps de constater que, depuis que cela existe,
c'est-à-dire depuis une quinzaine d'années, le poids des charges téléphoniques
dans les coûts des journaux a considérablement évolué. Cette charge devrait
être progressivement intégrée dans l'économie propre des titres, même s'il peut
encore exister des compensations.
Pour ce qui concerne la réforme de l'aide au transport postal, les accords
Galmot ont conduit à réduire la part assumée par La Poste dans le soutien à la
presse, le système de calcul étant modifié en prenant en compte non seulement
le poids, mais aussi la manipulation des titres.
Cette évolution doit se poursuivre. Sur cinq ans, la part de l'Etat restant
stable à hauteur de 1,9 milliard de francs, la formule du ciblage conduit à
limiter ces augmentations pour les publications d'information politique et
générale. Une évaluation des résultats de cette réforme a été confiée à un
observatoire. J'attends les premières conclusions pour envisager des évolutions
éventuelles qui apparaîtraient nécessaires et qui permettraient de pallier les
effets négatifs constatés.
En ce qui concerne maintenant l'audiovisuel public, il a été dit que le
rapport n'était pas assez bon entre les crédits publics et les ressources
publicitaires.
En réponse, je me contenterai de citer quelques chiffres, mesdames, messieurs
les sénateurs, et de relever que ce n'est pas moi qui ai fixé comme objectif
une progression spectaculaire des ressources publicitaires en 1997 de 7 % pour
France 2 et de 30 % pour France 3.
Le but, à mon sens, n'était pas alors de remplir des missions de service
public, mais d'atteindre des objectifs commerciaux et de justifier en la
compensant la baisse assez considérable des crédits publics.
A ceux qui évoquaient La Sept et La Cinquième, je dirai que le fait d'avoir
anticipé la fusion et l'effet d'économie qu'elle induisait dès le budget de
1997 en réduisant les crédits de ces deux chaînes publiques de 140 millions de
francs a remis en question l'équilibre financier de la chaîne. Il s'agit
pourtant d'une chaîne culturelle européenne dans laquelle la France est engagée
contractuellement à parité avec l'Allemagne, qui, elle, à continué de verser à
la même hauteur ses crédits publics. Mais si cela s'était poursuivi,
n'aurait-ce pas remis en question, tout simplement, un accord bilatéral, qui
engage d'ailleurs également d'autres pays européens ?
Je crois que cette décision a été assez préjudiciable et je réponds à ceux qui
me disent qu'il y a urgence : oui, il y a urgence, mais précisément, s'il y a
urgence, ne mettons pas la charrue devant les boeufs ! Or, en l'occurrence, on
a diminué les crédits avant de créer la structure.
Il y a, j'en conviens, urgence sur le plan du droit afin de donner une
sécurité juridique à la décision qui a été prise, et sur laquelle je ne
reviendrai pas, de fusionner La Sept et La Cinquième.
Pour ma part, ce que j'ai souhaité - vous voyez bien où est le changement -
c'est restaurer les crédits tout en maintenant le projet de fusion et non pas
voir perdurer une situation qui a été pénalisante pour les programmes des deux
chaînes. Je souhaite tout simplement redonner à La Cinquième les moyens
d'assurer la réalisation de sa grille et de développer les programmes
pédagogiques, ainsi que le cahier des charges le stipule.
Je ne fais donc que respecter la décision de fusion qui a été prise et
affecter les crédits qui sont nécessaires à l'application du cahier des charges
des deux chaînes. Je tenais à insister sur ce point.
S'agissant du rapport entre les différentes recettes, je rappellerai quelques
chiffres. Les ressources publiques représentaient 47,9 % du budget total en
1997 pour France 2 ; elles en représenteront 47,8 % en 1998. Pour France 3, les
ressources publiques représentaient 60,7 % en 1997 ; elles en représenteront 60
% en 1998. Les recettes publicitaires représentaient 48,2 % pour France 2, en
1997 ; elles représenteront 48,2 % en 1998 ; et pour France 3, elles
représentaient 30,5 % en 1997 ; elles représenteront 31 % en 1998.
Par conséquent, s'il est vrai que les crédits publicitaires augmentent pour
l'année 1998, le budget global de France 2 et de France 3 augmente lui aussi.
Il faut donc s'attacher au résultat et comparer ce qui est comparable,
c'est-à-dire les recettes publicitaires qui ont été collectées l'année dernière
et celles qui le seront cette année.
Messieurs les sénateurs, lorsqu'un train à grande vitesse est lancé sur les
rails, on ne l'arrête pas sur un mètre !
Je suis obligée de faire une étape, mais il n'est pas si facile de ralentir ce
processus et, dans le même temps, de préserver l'équilibre financier des
chaînes. Je me suis en effet engagée à ce que les chaînes ne soient pas en
déficit. Or, ce n'était pas le cas pour France 2 à qui l'on avait supprimé 200
millions de francs de crédits.
M. Michel Pelchat.
Budgétaires !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Des crédits budgétaires,
certes, mais ils ont été supprimés !
Par conséquent, il fallait commencer par se préoccuper de redresser la
situation financière de cette chaîne dont tout le monde s'est accordé à dire
ici qu'elle était fondamentale, ce que je pense également.
J'en viens à la répartition entre la redevance, les recettes de publicité et
les crédits budgétaires.
La redevance permet d'attribuer en 1998 2,3 milliards de francs à France 2 et
3,3 milliards de francs à France 3.
La publicité représente 2,5 milliards de francs pour France 2 et 1,7 milliard
de francs pour France 3.
Les crédits budgétaires, dont on a beaucoup parlé ici et que certains, à
l'Assemblée nationale comme au Sénat, ne jugent pas bon d'attribuer à ces deux
chaînes publiques, représentent, pour l'une comme pour l'autre, 103 millions de
francs.
Comparativement aux 2,3 milliards de francs et aux 3,3 milliards de francs
provenant de la redevance, on constate que la part des crédits budgétaires est
minime. Devant la volonté et l'engagement du Gouvernement - je l'ai dit et
répété devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs - de ne prendre aucune
décision qui mettrait l'ensemble des chaînes d'information du secteur public en
déficit, je m'interroge.
Prenons l'exemple de RFI, qui diffuse l'image de notre pays et l'information
que la France peut apporter non seulement aux pays francophones, mais également
à un certain nombre d'autres, qui sont d'ailleurs heureux de capter cette
radio. Est-il plus justifié d'accorder la redevance au secteur public, qui est
déjà assuré par ailleurs de bénéficier de fortes ressources ?
Dans le cas de RFI, le budget n'a pas augmenté, puisqu'il a fallu cette année
rattraper son déficit. Ne faut-il donc pas assurer une ressource et répartir ce
que représente l'effort porté par nos concitoyens en matière d'augmentation de
la redevance ?
Pour moi, en effet, il n'y a pas une partie du service public à l'intérieur de
l'Hexagone et une autre en dehors. Le service public est un tout et je le
réaffirmerai dans la prochaine loi sur l'audiovisuel.
L'intérêt de l'ensemble de nos concitoyens qui paient cette redevance est
d'avoir accès à une information de qualité et d'avoir un secteur public - qu'il
s'agisse de la télévision ou de la radio - à la hauteur de leur attente et de
leur effort financier. C'est cela que nous devons évidemment mettre en oeuvre
et réussir.
S'agissant toujours des moyens, des critiques ont notamment été émises sur le
projet de taxation des chaînes thématiques par la loi de finances rectificative
de 1997.
Je sais que ces chaînes sont en développement, d'où le projet d'instaurer une
taxe allégée. Mais il en faut une dès maintenant car, vous le savez, pour être
efficace, une taxe doit être créée suffisamment tôt. En effet, il faut un
certain délai entre sa création et le moment où l'on commence à en récolter le
fruit.
J'ai également veillé à ce que les productions réalisées pour ces chaînes
reçoivent des subventions majorées pour aider à leur décollage. Cette nouvelle
que j'ai annoncée récemment a été fort bien perçue et comprise par les
professionnels qui se lancent dans ce secteur.
C'est parce que nous souhaitons que ces chaînes présentent et produisent des
programmes de qualité que nous avons élaboré une réforme du mode de
taxation.
L'assujettissement à la taxe est aussi la condition à l'accès au compte de
soutien, accès que les chaînes thématiques n'ont pas aujourd'hui. Nous avons
souhaité remédier à cette situation et, en même temps, anticiper en adaptant
les modalités de taxation à la situation particulière de ces chaînes
thématiques.
Parallèlement, le compte de soutien sera aménagé pour que les productions
lancées sur l'initiative des chaînes thématiques bénéficient d'un soutien
majoré.
Voilà qui devrait améliorer la situation et permettre aux chaînes thématiques
de se développer et de se lancer rapidement dans la réalisation de
programmes.
J'en viens à la télévision numérique terrestre. Je suis d'accord avec vous,
cette nouvelle technique ne peut être ignorée. Je voudrais simplement indiquer
que la France est actuellement le pays en Europe où les nouvelles chaînes se
développent le plus vite grâce au succès des deux bouquets numériques :
Télévision par Satellite, TPS, et Canal Satellite. C'est une particularité
française. Plus de 500 000 foyers se sont équipés au cours des six derniers
mois. Ce succès est envié à l'étranger, c'est du moins ce qui ressort des
réflexions que j'ai entendues.
On ne peut pas donc dire que l'audiovisuel numérique est à la traîne. Il a mis
peut-être un peu plus de temps à démarrer, mais il se développe aujourd'hui
très vite. Nous pouvons, et nous devons poursuivre.
En fait, dans les années quatre-vingt, parallèlement au lancement du câble
puisque la question s'était posée, on a créé Canal Plus, la Cinq, M 6...
M. Jean Cluzel,
rapporteur spécial.
Bien sûr !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Les décisions prises alors
visaient à développer rapidement la diffusion hertzienne, mais l'effort n'a pas
pu être poursuivi jusqu'au bout.
Vous avez évoqué la nécessité qu'il y a de raccorder tous les logements là où
le câble existe. Je vous rappelle que j'ai été la première élue locale de
France à prendre une telle décision, dans la ville dont j'étais le maire,
notamment avec l'idée que les logements sociaux devaient bénéficier des mêmes
services et des mêmes développements que les autres, et dans la perspective
d'une communication interactive afin de pouvoir disposer de fibre optique qui
rendrait cette communication possible.
Nous sommes aujourd'hui également parmi les premiers à disposer d'un accès à
Internet par le câble et à tous les développements possibles, notamment dans le
cadre du plan multimédia du Gouvernement, qui permettra d'inciter les
établissements de formation à s'équiper.
Si je vois bien quel est l'avantage du câble, je sais aussi qu'il serait
extrêmement difficile aujourd'hui de relancer dans notre pays un plan câble
aussi lourd que celui qui avait été lancé à l'époque.
Il nous faut analyser, en particulier dans le cadre de la loi, les différentes
formes complémentaires de diffusion liées à l'évolution et au développement des
supports.
Il a été dit que la redevance devenait une vieille dame et qu'elle n'était
donc plus adaptée à un audiovisuel caractérisé par la convergence des
technologies.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le dis clairement, je suis opposée
à la suppression de la redevance. Nous devons donc ensemble réfléchir à son
adaptation afin de pouvoir l'étendre aux différents supports qui transmettent
des images et des services et qui représentent les services audiovisuels
classiques et transformés dont nous disposons aujourd'hui et que nous aurons
encore demain sur des écrans de télévision.
Même si la redevance est une source de recettes significatives, il importe de
réfléchir à son évolution, à la modification de son assiette, à son adaptation
aux nouvelles technologies, comme nos prédécesseurs l'avaient fait en 1949 en
prenant acte du développement de la télévision.
En quelque sorte, nous sommes confrontés exactement aux mêmes questions et aux
mêmes défis. Je souhaite simplement que nous mettions en oeuvre cette même
capacité à anticiper sur l'avenir de l'ensemble de ce secteur.
M. Diligent a beaucoup insisté sur le comité consultatif des programmes. Je
vous rappelle que deux organismes semblables ont existé, le Haut conseil de
l'audiovisuel, qui a été remplacé en 1982 par le Conseil national de la
communication audiovisuelle, créé en même temps que la Haute Autorité. Il était
également composé de forces vives et comprenait sept collèges de sept
personnes. Il a été supprimé par la loi sur l'audiovisuel de 1986.
Faut-il réintroduire le CNCA ? Pour ma part, je suis ouverte à toutes les
propositions. Cela étant, la qualité des programmes nécessite un effort
d'expression, des exigences qu'il appartient à l'Etat de déterminer dans le
cahier des charges, sans oublier la possibilité de consulter les
téléspectateurs. Ils peuvent en effet faire part de reproches ou de remarques
sur des problèmes de déontologie, qui ont été récemment évoqués à l'occasion
d'un colloque consacré à l'autodiscipline organisé par Reporters sans
frontières.
Monsieur le sénateur, je n'ai jamais cherché à imposer une charte ou un code
de déontologie aux professionnels. Les questions déontologiques appartiennent à
la profession, aux personnes qui exercent le métier de l'information. Je l'ai
dit très clairement dès le début, l'Etat n'a pas à se substituer ou à imposer
un code. C'est normal, sinon ce serait aller à l'encontre du sens de la
responsabilité que les professionnels de l'information exercent et en même
temps de la reconnaissance de cette responsabilité.
Toutefois, je dois faire un constat : aujourd'hui, avec le recours accru aux
pigistes et à des personnes sans formation adéquate - ce sont les journalistes
eux-mêmes qui me l'ont dit - il serait sans doute utile que nous aidions au
développement de formations qui relèvent alors, comme pour d'autres métiers, de
la responsabilité commune des pouvoirs publics, des entreprises de presse et
des professionnels. C'est en ce sens que je travaille puisque je vais très
prochainement créer une table ronde sur la formation.
J'ai demandé que les entreprises publiques créent une fonction de médiateur
dans leur média. C'est nécessaire si l'on veut connaître l'avis des
téléspectateurs et prendre en compte les conflits et les désaccords qui peuvent
exister. On constate que là où interviennent des médiateurs, il y a un
véritable profit à tirer de leur présence.
Tout à l'heure, j'entendais dire que le Gouvernement ferait preuve
d'immobilisme. Je le répète, il faut mesurer l'urgence, mais il ne faut pas
agir dans la précipitation. Nous devons proposer une loi susceptible de
rassembler - j'insiste vraiment sur ce point - le Gouvernement et le Parlement,
pour établir des bases juridiques nouvelles permettant d'adapter le secteur de
l'audiovisuel dans son entier aux défis qui lui sont lancés.
C'est la raison pour laquelle je ne veux pas avancer sur ce point sans prendre
le temps nécessaire à l'élaboration, à l'examen et à l'expertise. Je m'en
tiens, cependant, aux délais qui ont été fixés par le Premier ministre, puisque
je serai en mesure, le 7 janvier 1998, de faire une première communication au
Gouvernement sur les grandes lignes du texte qui sera déposé à la fin du mois
de mars pour examen en conseil des ministres, et donc dans la foulée, au
Parlement.
Je respecte donc les délais qui sont d'autant plus raisonnables que je ne
pouvais pas reprendre la loi qui était en discussion lorsque j'ai pris mes
fonctions. En effet, elle ne répondait pas aux règles que vous-mêmes, mesdames,
messieurs les sénateurs, vous venez de rappeler : la concurrence, la nouvelle
régulation économique, la transparence, le pluralisme, l'indépendance à l'égard
du pouvoir économique, l'organisation du secteur public. Tous ces sujets
n'étaient pas complètement traités dans le projet de loi. Il m'a semblé
nécessaire de répondre à cette attente dans l'intérêt de l'ensemble du secteur,
dans un but de clarification des responsabilités publiques, en particulier
vis-à-vis de l'audiovisuel du secteur public.
Telle est l'orientation que je me suis fixée : pouvoir répondre à ces
défis.
Bien évidemment, je me livrerai à la concertation nécessaire, notamment avec
les parlementaires qui sont très compétents en la matière. Leur avis me sera
utile.
J'évoquerai un dernier point : la SFP.
Je remercie M. Renar d'en avoir parlé, car j'aurais déploré qu'il ne soit rien
dit sur ce que je considère comme l'un des problèmes les plus brûlants et les
plus difficiles parmi ceux auxquels je suis confrontée. Ce n'est pas récent,
c'est une vieille histoire. En fait, l'exemple à ne pas suivre, c'est de
prendre des demi-mesures qui ne permettent pas de trancher tout en garantissant
la pérennité du secteur public.
La question à laquelle j'ai été confrontée est bien celle-ci : privatiser ou
assumer les responsabilités de l'Etat ? J'ai estimé, pour ma part, que les
responsabilités de l'Etat ont été assumées cahin-caha pendant quinze ans. Il
fallait bien que l'Etat continue à les assumer, mais cette fois correctement en
stoppant le processus de privatisation et en remettant à niveau la capacité de
production de la SFP avec son chiffre d'affaires, ce qui est la condition de sa
pérennité.
Ce sont des décisions difficiles à prendre, mesdames, messieurs les sénateurs,
car il faut pouvoir les faire comprendre aux personnels.
C'est aussi de ma responsabilité que de pouvoir engager une action avec une
entreprise qui reste le témoin d'une performance, d'un savoir-faire et d'une
culture dans des métiers qui ont été exercés avec excellence, mais qui ne
disposaient plus d'un marché suffisant.
Il en est découlé une sorte de dépression. Cette société a été embarquée,
malgré les efforts des présidents successifs et en dépit des abondements
financiers. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à un choix difficile à opérer.
J'ai défendu ma position à Bruxelles. Je continuerai à la défendre parce que je
crois qu'il y a une place, dans un marché ouvert à la concurrence, pour une
entreprise qui continue à appartenir au secteur public.
La culture de service public est un atout. Certains pays commencent à entendre
notre argumentation sur l'exception culturelle. Dans le cadre des négociations
de l'AMI, le Gouvernement français a demandé une exception générale sur la
culture et sur l'audiovisuel en spécifiant tous les secteurs concernés afin que
l'on ne puisse pas contester sa demande sur la base de sa généralité.
Je constate qu'un nombre croissant de pays nous rejoignent. Je ne peux pas,
comme je l'espérais, vous annoncer que le fonds de garantie est enfin accepté
par le conseil des ministres de la culture, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et
la Suède s'y étant opposés. Je peux toutefois vous dire que nous continuerons
d'essayer de convaincre. Il n'y a aucune arrogance dans le plaidoyer de la
France sur l'exception culturelle, mais nous savons qu'il ne peut pas y avoir
de monde solidaire sans un humanisme compris, ce qui suppose que l'on respecte
l'identité culturelle de tous les habitants d'un pays.
Si l'audiovisuel, si l'information sont confrontés au développement de
proximité, c'est que l'on passe de chez soi au monde, et nous devons réussir
leur adaptation.
La télévision est devenue un espace public, qui peut être un formidable forum
de démocratie, mais qui peut aussi, en même temps, être un puits vide de sens
dans lequel on pourrait se perdre.
Nous avons les uns et les autres, pouvoirs publics, Parlement, à savoir garder
ce cap, car nos concitoyens attendent de nous que nous prenions les plus sages
décisions.
J'ai la faiblesse de penser que ce budget pouvait constituer une première
pierre, je le considère en tout cas comme tel ; je vous indique en conclusion
que je suis prête à poursuivre les efforts en ce sens.
(Applaudissements.)
M. le président.
Nous allons maintenant examiner les lignes 46 et 47 de l'état E annexé à
l'article 44, puis l'article 48.
Ligne 46 de l'état E
M. le président.
J'appelle la ligne 46 de l'état E concernant la redevance pour droit d'usage
des appareils récepteurs de télévision.
LIGNES |
||||
---|---|---|---|---|
1997 |
1998 |
DESCRIPTION |
PRODUIT
1996-1997 |
EVALUATION
1997-1998 |
. | . |
Culture et communication |
. | . |
46 | 46 | Nature de la taxe : | 11 638 370 000 | 12 415 212 000 |
. | . |
- Redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de
télévision.
|
. |
Par amendement n° II-18 rectifié, M. Pelchat propose, à la ligne 46 de l'état E, de remplacer la somme : « 12 415 212 000 francs » par la somme : « 12 485 212 000 francs ».
La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Je vous avais avertie, lors de mon allocution, madame le ministre, du dépôt de cet amendement, qui vise à remédier à ce qui paraît être le comble de l'archaïsme en matière de redevance, à savoir la redevance pour possession d'un poste de télévision noir et blanc.
Les services de la redevance gèrent actuellement encore 300 000 comptes de ce type. J'attire d'ailleurs au passage votre attention, madame le ministre, sur les grandes difficultés que nous avons à obtenir des renseignements précis sur ce point auprès des services de la redevance et du secrétariat d'Etat au budget. J'espère que vous pourrez nous faciliter la tâche à cet égard dans les prochaines semaines.
En tout cas, nous savons qu'il reste environ 300 000 postes noir et blanc. Puisque vous avez rappelé tout à l'heure que vous demandiez un effort supplémentaire aux Français en faveur de l'audiovisuel public, j'estime qu'il conviendrait que les redevances soient du même montant, car il n'y a pas aujourd'hui des pauvres qui posséderaient un récepteur noir et blanc et des riches qui pourraient s'offrir un récepteur couleur.
Bien souvent, ceux qui acquittent la redevance pour un poste noir et blanc possèdent aussi un récepteur couleur, ou s'ils possédaient autrefois un poste noir et blanc, ils sont passés depuis à la couleur, sans que ce fait soit connu des services de la redevance.
C'est pourquoi je crois qu'il serait utile d'instaurer une taxe unique, comme vous en avez aujourd'hui l'occasion. Cela rapporterait quelque 70 millions de francs supplémentaires, qui seraient certainement les bienvenus pour nos chaînes publiques, en particulier pour France 2.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pu examiner cet amendement, mais je dois rappeler qu'il s'applique à une taxe parafiscale dont nous ne pouvons pas modifier le montant. Nous pouvons soit la voter, soit refuser de la voter, c'est tout.
En fait, M. Pelchat le sait bien, et je pense qu'avec cet amendement il ne souhaitait en fait que solliciter l'avis du Gouvernement sur ce point.
Sur le fond, cet amendement tire les conséquences de l'évolution législative à laquelle vous venez, madame le ministre, de consacrer un long moment dans votre intéressante intervention.
Au passage, je vous remercie d'avoir indiquer que vous resteriez en liaison avec la commission des affaires culturelles et la commission des finances, ainsi, et cela nous a touchés, qu'avec l'ensemble des sénateurs qui s'intéressent plus particulièrement à ce dossier.
Je pense que mes collègues seront d'accord pour que j'en prenne acte et que j'accepte en leur nom votre proposition de tenter ensemble non pas de mettre au point une solution définitive mais, tout au moins, d'avancer sur des voies dont nous avons commencé l'exploration il y a bien longtemps et qui devraient nous conduire vers un accord général sur notre audiovisuel public, d'une part, et sur notre production de programmes, d'autre part.
J'en reviens à l'amendement n° II-18 rectifié.
Quant à l'orientation qu'il traduit, monsieur Pelchat, je ne peux qu'exprimer, au nom de la commission des finances, un accord complet.
Quant à la proposition financière, pour les raisons que j'évoquais tout à l'heure, elle ne peut être retenue.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je rejoins tout à fait M. le rapporteur spécial quant à l'impossibilité de voter cet amendement ; je vais néanmoins répondre à M. Pelchat sur le fond.
Monsieur le sénateur, je peux parfaitement partager certaines de vos réflexions sur la nécessité de consolider et d'élargir les bases du financement du secteur public de l'audiovisuel par des ressources publiques.
Je ne pense cependant pas opportun de chercher à augmenter les recettes de la redevance en 1998 par la suppression du taux spécifique pour les téléviseurs noir et blanc.
En fait, sur les quelque 21 millions de comptes de redevance ouverts, il ne subsistera plus que 370 000 comptes noir et blanc en 1998, comptes dont la moitié des titulaires sont en outre exonérés.
Par ailleurs, et surtout, l'application du taux « noir et blanc » dans les départements d'outre-mer fait bénéficier ces derniers d'un régime adapté, qui tient compte du fait que les téléspectateurs reçoivent un service de télévision réduit par rapport à l'ensemble des programmes que reçoivent les téléspectateurs de métropole.
En fait, je pense que c'est l'évolution des modalités de la redevance qui permettra de répondre le mieux à votre préoccupation, monsieur le sénateur.
M. le président. Votre amendement est-il maintenu, monsieur Pelchat ?
M. Michel Pelchat. Je remercie M. le rapporteur spécial et Mme le ministre de leur réponse, qui m'engage à retirer mon amendement.
Comme l'a indiqué tout à l'heure M. Cluzel, je souhaitais effectivement revenir sur ce point important que j'ai déjà, en maintes occasions, soulevé ici, notamment au sein de certaines commissions dont nous n'avons malheureusement plus que des souvenirs...
La réponse qui m'a été apportée me donne pleinement satisfaction. J'espère qu'elle se traduira dans des actes dans les toutes prochaines semaines ou, tout au moins, dans les tout prochains mois.
M. le président. L'amendement n° II-18 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la ligne 46 de l'état E.
(Après une première épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte la ligne 46 de l'état E.)
Ligne 47 de l'état E
M. le président.
J'appelle la ligne 47 de l'état E concernant la taxe sur la publicité
radiodiffusée et télévisée.
LIGNES |
||||
---|---|---|---|---|
1997 |
1998 |
DESCRIPTION |
PRODUIT
1996-1997 |
EVALUATION
1997-1998 |
. | . |
Culture et communication |
. | . |
47 | 47 | Nature de la taxe : | 100 000 000 | 103 000 000 |
. | . |
- Taxe sur la publicité radiodiffusée et télévisée.
|
. |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la ligne 47 de l'état E.
(La ligne 47 de l'état E est adoptée.)
M. le président. Le vote sur l'ensemble de l'article 44 est réservé.
Article 48
M. le président.
« Art. 48. - Est approuvée, pour l'exercice 1998, la répartition suivante du
produit hors taxe sur la valeur ajoutée de la taxe dénommée « redevance pour
droit d'usage des appareils récepteurs de télévision », affectée aux organismes
du secteur public de la communication audiovisuelle : (en millions de francs.)
Institut national de l'audiovisuel
383,4
France 2
2 364,5
France 3
3 295,0
Société nationale de radiodiffusion et de télévision d'outre-mer
1 132,6
Radio France
2 544,0
Radio France internationale
294,6
Société européenne de programmes de télévision : La SEPT-ARTE
956,5
Société de Télévision du savoir, de la formation et de l'emploi : La
Cinquième
710,9
Total
11 681,5
« Est approuvée, pour l'exercice 1998, le produit attendu des recettes des
sociétés du secteur public de la communication audiovisuelle provenant de la
publicité, pour un montant total de 4 419,8 millions de francs hors taxes. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 48.
(L'article 48 est adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, je vous rappelle que les crédits concernant la
communication inscrits à la ligne « Services généraux du Premier ministre »
seront mis aux voix le vendredi 5 décembre à la suite de l'examen des crédits
affectés à la fonction publique et à la réforme de l'Etat.
ÉTAT B
SERVICES DU PREMIER MINISTRE
I. - Services généraux
M. le président.
« Titre III : 277 082 257 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 275 255 388 francs. »
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Je voudrais, madame
la ministre, parler des crédits d'aide à la presse.
Contrairement à ce qui vient de se passer pour l'audiovisuel, je voterai, avec
mes collègues, les crédits d'aide à la presse, parce qu'ils sont à peu près
identiques à ce qu'ils étaient dans la loi de finances pour 1997, mais aussi
parce que nous avons apprécié les intentions que vous avez exprimées tout à
l'heure.
Si vous me le permettez, madame la ministre, je vais revenir sur le hors
médias, dont vous nous avez parlé tout à l'heure.
Vous avez exprimé deux préoccupations.
Au premier chef, vous souhaitez que le produit de cette taxe ne se réduise pas
trop du fait du rétrécissement de l'assiette.
Par ailleurs, vous voudriez que les bénéficiaires ne soient pas trop nombreux,
car on aboutirait, s'ils l'étaient, à un saupoudrage qui ne profiterait à
personne.
Nous partageons ces préoccupations, je crois pouvoir le dire au nom de M.
Alain Gérard, rapporteur pour la presse écrite, et, je pense, de beaucoup de
mes collègues ici présents.
M. Jean Cluzel,
rapporteur spécial.
Et du rapporteur spécial !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Je ne voulais pas
parler en son nom, mais puisqu'il s'associe à mes propos, je l'en remercie.
Telles étaient en tout cas les préoccupations de la commission des affaires
culturelles lorsqu'elle a déposé un amendement, qui n'a finalement pas été
adopté : il s'agissait bien, pour nous, de ne pas disperser les crédits et de
ne pas trop réduire l'assiette.
Nous avions seulement souhaité éliminer les catalogues de vente par
correspondance - tout le monde est à peu près d'accord sur ce point - ainsi que
certains documents distribués par des associations à but non lucratif, que nous
connaissons bien dans nos communes et que nous ne voulons voir pénalisées ; je
pense que telle n'est pas non plus votre intention, madame la ministre.
Nous nous rendions bien compte que l'amendement méritait d'être précisé. Nous
constatons que, après le vote du Sénat, des précisions restent encore à
apporter, nous vous en donnons acte, car nous avons enregistré vos
déclarations.
Nous avions pris, dans notre amendement, une autre précaution qui, m'a-t-il
semblé, rejoignait le souci que vous avez exprimé tout à l'heure. Nous avions
souhaité limiter dans le temps l'application de cette taxe. Pourquoi ? Tout
simplement parce que nous voulions éviter le risque de débudgétisation. On le
sait, dès qu'il existe unetaxe, on observe une tendance fâcheuse à réduire les
crédits proprement budgétaires.
Or nous ne voulions pas que les aides directes à la presse soient réduites
sous prétexte qu'il existerait dorénavant une taxe. Nous tenons à ce que les
ressources procurées par le produit de cette taxe s'ajoutent à l'effort normal
réalisé par l'Etat pour aider la presse.
J'ai saisi l'occasion de l'examen de ces crédits pour apporter ces
explications, afin que, dans la suite du débat, il soit éventuellement tenu
compte des intentions qui sous-tendaient cet amendement et pour vous suggérer,
madame la ministre, si vous me le permettez, de l'aborder tel qu'il était dans
son esprit et dans sa lettre.
MM. Jean Cluzel,
rapporteur spécial,
et Alain Gérard,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. le président.
Par amendement n° II-16, MM. Gérard Larcher et Gouteyron proposent de réduire
les crédits figurant au titre IV de 100 000 francs.
La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron.
Cet amendement relève d'un procédé bien connu dans les assemblées
parlementaires et qui consiste à proposer une réduction de crédits pour, en
réalité, appeler l'attention du Gouvernement sur une volonté des auteurs de
l'amendement. En vérité, cette volonté est très largement partagée dans notre
assemblée : nous sommes en effet nombreux à souhaiter vivement de voir le
portage se développer, ce qui passe par une augmentation des aides au
portage.
J'ai signé cet amendement avec notre collègue Gérard Larcher, qui, présidant
ce soir la séance, ne peut pas le défendre lui-même. Je vais faire de mon mieux
à sa place.
M. Gérard Larcher a récemment présenté un rapport sur nos services postaux.
J'avais moi-même, il y a plus longtemps, mandaté par la commission des affaires
culturelles, réalisé une étude sur la distribution de la presse, et je m'étais
intéressé à la distribution postale.
Ce qu'on peut dire de cette distribution postale, c'est qu'elle n'est
satisfaisante pour aucune des parties : l'Etat juge que cela lui coûte cher,
1,9 milliard de francs pour être précis, ainsi que vous l'avez rappelé tout à
l'heure, madame la ministre ; les entreprises de presse lui voient beaucoup
d'inconvénients ; quant à La Poste, elle estime à 3,5 milliards de francs le
déficit d'exploitation qui en découle pour elle.
Dans le même temps, nous constatons que le portage est très développé dans
certains pays : aux Etats-Unis, au Japon, mais aussi en Europe. Ainsi, aux
Pays-Bas, près de 90 % de la presse est distribuée par voie de portage ; en
Allemagne et au Royaume-Uni, cette proportion est respectivement de 60 % et 50
%. Or, en France, nous en sommes encore à peu près aux balbutiements.
Certes, ce n'est pas la meilleure solution partout : le portage n'est possible
que lorsque la densité de la population est suffisante, mais il appartient aux
entreprises de presse d'en apprécier l'opportunité.
Quoi qu'il en soit, le portage ne nous paraît pas, dans notre pays, occuper la
place qu'il mérite, et nous souhaiterions, madame la ministre, que l'Etat fasse
en sa faveur un effort tout particulier.
Vous allez bien sûr me dire, à juste titre, que les crédits inscrits à ce
titre dans votre projet de budget enregistrent déjà une augmentation
considérable puisque le fonds qui avait été créé à cette fin en 1997 voit sa
dotation passer de 15 millions à 45 millions de francs.
C'est effectivement une augmentation substantielle mais nous voudrions, pour
les années suivantes, que l'effort consenti soit encore plus important. Il faut
réellement passer à la vitesse supérieure si l'on veut changer les choses.
L'avantage notable du portage - je parle sous le contrôle de mon ami Alain
Gérard - c'est qu'il fidélise le lecteur et qu'il peut, par conséquent,
constituer un remède extrêmement efficace à la baisse du lectorat.
Tel est le sens de cet amendement, madame la ministre, qui vise
essentiellement à vous donner l'occasion de nous exposer les intentions du
Gouvernement à ce sujet.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Cluzel,
rapporteur spécial.
Monsieur le président, avant de vous répondre sur cet
amendement n° II-16, que la commission des finances n'a pas examiner, je
voudrais, avec votre permission, et après le président Gouteyron, remercier Mme
la ministre des propos qu'elle a tenus concernant la poursuite de l'étude de
l'assiette et des bénéficiaires du 1 % sur le hors média.
Je suis, dans cette affaire, tenu à la plus grande discrétion. J'avais pris
une position publique, mais celle-ci n'a pas été retenue par la majorité de la
commission des finances, non plus que par le Sénat.
Le président Gouteyron a parfaitement relancé le débat et vous avez dit,
madame la ministre, avec une hauteur de vues que nous avons appréciée, que ce
débat n'était pas clos, qu'il devait se poursuivre et que nous le reprendrions
lors de la seconde lecture dans notre assemblée. J'en suis heureux.
S'agissant de l'amendement n° II-16, je dirai, à titre personnel, qu'un
amendement cosigné par le président Gérard Larcher et le président Gouteyron ne
peut que recueillir un avis favorable, s'il est maintenu, bien entendu, après
les explications de Mme le ministre.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président de
la commission des affaires culturelles, je vous remercie des propos que vous
avez bien voulu tenir à l'occasion de l'examen des crédits d'aide à la presse
et lors de la présentation, à titre personnel, de cet amendement n° II-16.
Je comprends parfaitement votre souhait de voir le portage se développer. Ce
souhait vient conforter, d'une certaine manière, le choix que j'ai opéré en
vous proposant de tripler les crédits consacrés à l'aide au portage.
Nous voulons tous fidéliser le lecteur et, en même temps, favoriser une
amélioration sensible du service de portage.
Partout où le portage se développe et permet au lecteur d'avoir son journal le
plus près possible, c'est-à-dire chez lui, on constate que cela le convainc
davantage de rester ou de devenir fidèle à la presse écrite.
Pour autant, monsieur Gouteyron, je ne suis pas favorable, aujourd'hui, à une
telle augmentation de l'aide. Celle-ci serait prématurée car ce n'est qu'à la
fin de 1997 que, grâce au décret que nous avons pris, nous allons expérimenter
une première aide, d'un montant de 15 millions de francs. Autrement dit, nous
ne savons pas encore dans quelles conditions ces sommes seront dépensées.
Dans le projet de budget pour 1998, nous passons à 45 millions de francs. Les
contacts que nous avons eus avec les responsables de presse font apparaître
qu'eux-mêmes considèrent cette somme comme relativement importante.
Je précise que les activités de portage peuvent également bénéficier d'autres
types de soutien, notamment au titre de la création d'entreprises dès lors
qu'il s'agit d'une activité nouvelle.
Si nous passions dès maintenant à 90 millions de francs, il y aurait fort à
craindre, je vous le dis franchement, que cette somme ne serait pas dépensée.
Certains professionnels sont mêmes venus me dire que 45 millions de francs,
c'était peut-être trop !
Il serait d'autant plus dommage que l'enveloppe de l'aide au portage ne soit
pas intégralement mobilisée que l'enveloppe des aides à la presse n'a pas
connu, elle, de hausse significative.
Je crois donc que cet amendement anticipe sur une évolution à venir. Si le
portage se révélait être un succès, nous pourrions retenir votre proposition
dans le prochain budget.
M. le président.
Monsieur Gouteyron, l'amendement n° II-16 est-il maintenu ?
M. Adrien Gouteyron.
Madame la ministre, vous l'avez bien compris, nous souhaitions vous entendre
dire ce que vous venez de dire, à savoir que vous êtes décidée, dans le cas où,
comme nous l'espérons, les crédits seraient consommés, à augmenter ces crédits
de façon à répondre à la demande des entreprises de presse.
Permettez-moi, en retirant l'amendement, de former un voeu : que l'utilisation
de ces crédits soit suivie de près et que, si la consommation n'en était pas
satisfaisante, on recherche les causes de cette situation, car il n'y a pas de
raison que, dans notre pays, ce mode de distribution ne se développe pas comme
ailleurs.
M. le président.
L'amendement n° II-16 est retiré.
Personne ne demande plus la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
SERVICES DU PREMIER MINISTRE
I. - Services généraux
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 17 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 10 500 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant en discussion
l'amendement n° II-17, tendant à insérer un article additionnel après l'article
62
quater
.
Article additionnel après l'article 62
quater
M. le président.
Par amendement n° II.17, M. Cluzel propose :
A. - Après l'article 62
quater
, d'insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Il est créé un fonds pour l'aide à l'exportation des programmes
audiovisuels.
« Ce fonds participe, par l'octroi de prêts ou de garanties, au financement
des programmes audiovisuels de nature à être diffusés à l'étranger.
« Il peut prendre des participations dans des sociétés ayant pour objet la
production ou la distribution de programmes audiovisuels.
« Il concourt, en liaison avec tous les organismes publics ou privés
concernés, aux opérations de promotion commerciale de nature à favoriser les
exportations de programmes audiovisuels.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent
article.
« II. - A compter du 1er janvier 1999, le taux du prélèvement affecté au fonds
national pour le développement du sport prévu à l'article 48 de la loi de
finances pour 1994 (n° 93-1352 du 30 décembre 1993) est porté à 3,4 %.
« III. - Le début de l'article 36 de la loi de finances pour 1984 (n° 83-1179)
du 29 décembre 1983 est ainsi rédigé :
« I. - Il est institué, à compter du 1er janvier 1999, une taxe assise :
« 1°) sur les abonnements et autres rémunérations acquittés par les usagers
afin de recevoir les chaînes de télévision diffusées par voie hertzienne ou par
satellite ;
(le reste sans changement). »
B. - En conséquence, de faire précéder cet article additionnel d'une division
ainsi rédigée : « Culture et communication ».
La parole est à M. Cluzel.
M. Jean Cluzel.
Monsieur le président, si vous le voulez bien je défendrai mon amendement à
titre personnel, puis je donnerai l'avis de la commission, en tant que
rapporteur spécial.
Nous connaissons tous la situation de notre pays en matière d'exportation de
produits audiovisuels. Quelques chiffres suffisent à la décrire. Nous occupons
moins de 2 % du marché mondial. En 1996, nous avons exporté pour 496 millions
de francs de programmes audiovisuels, quand les Etats-Unis en exportaient dans
la seule Europe pour cent fois plus.
Nous assistons actuellement au passage des Etats-Unis d'une position de
suprématie, où ils étaient les meilleurs, à une position d'hégémonie, où ils
vont devenir les seuls.
Nous avons consenti de grands efforts en faveur de notre cinéma, et nous avons
bien fait. Ce sont en effet ces efforts, accomplis sous des gouvernements
successifs et d'orientations différentes, qui permettent au cinéma français
d'exister.
De tels efforts, nous devons, me semble-t-il, dans l'intérêt de notre pays, en
faire pour les programmes audiovisuels.
Pareille action s'est-elle produite à travers le monde ? Oui, au Canada.
Le Canada se trouvait dans la même situation que nous à la fin des années
soixante-dix. Il a pris des décisions courageuses de fixation de quotas, de
contenu canadien des programmes, mais aussi d'aide à l'industrie canadienne de
programmes audiovisuels.
Par conséquent, le moment paraît venu, pour nous tous, de prendre les
décisions qui s'imposent, d'autant que, Mme Danièle Pourtaud le rappelait tout
à l'heure à la tribune, Bruxelles ne semble pas très favorable à la création
d'une aide européenne.
Si l'Europe soutient la France dans les domaines économique, social ou
financier, il ne semble pas qu'elle ait beaucoup soutenu nos industries de
programmes audiovisuels.
J'arrêterai là mon propos, madame la ministre. Toutefois, cet amendement
soulève un problème de recevabilité.
Dans la mesure où je n'ai aucun amour-propre d'auteur, je souhaite que vous
indiquiez au Sénat si vous acceptez de créer un fonds
ad hoc.
Vous
pouvez le faire soit maintenant, soit à l'Assemblée nationale, avant la fin de
la discussion budgétaire. Si, pour telle ou telle raison ce n'était pas
possible, je souhaite que vous puissiez intégrer cette disposition dans le
projet de loi sur la communication audiovisuelle que vous nous avez annoncé.
J'attends donc avec intérêt et espoir les précisions que vous voudrez bien
apporter au Sénat.
M. le président.
Si je comprends bien, la commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement
avant de se prononcer sur l'amendement n° II-17.
(Sourires.)
M. Jean Cluzel,
rapporteur spécial.
Absolument, monsieur le président.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur Cluzel, vous
aviez déjà insisté, lors de l'entretien que nous avions eu, sur la nécessité de
soutenir la diffusion des programmes produits par les entreprises françaises.
Le constat que vous avez dressé dans votre rapport et que vous venez de
rappeler est tout à fait exact ; il correspond bien à la réalité. Les
exportations des oeuvres américaines représentent certes 75 % des échanges
mondiaux de produits cinématographiques et audiovisuels mais il ne faut pas
sous-estimer pour autant les efforts accomplis par les producteurs et les
distributeurs français avec le soutien des diffuseurs pour améliorer notre taux
de couverture et notre extension.
Les pouvoirs publics soutiennent ces efforts non seulement en accroissant
chaque année, avec l'accord du Parlement, les crédits consacrés à l'industrie
des programmes audioviduels et cinématographiques - ils s'élèvent cette année à
1,6 milliard de francs, ce qui n'est pas rien - mais aussi grâce à des
subventions particulières au doublage et au sous-titrage pour le Centre
national du cinéma et aux subventions aux organismes interprofessionnels
assurant la promotion des exportations. Ces dernières s'élèvent à 6 millions de
francs.
J'ai demandé, par ailleurs, à mes services d'étudier, en liaison avec les
services compétents du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie,
la façon la mieux appropriée d'adapter le dispositif actuel de soutien à
l'exportation afin de tenir compte des particularités du marché des oeuvres
cinématographiques et audiovisuelles.
Vous avez souligné, à juste titre, que la réglementation française apporte aux
producteurs les garanties nécessaires à une solide implantation sur le marché
national, alors que les chaînes publiques et privées ont de fortes obligations
à l'égard des producteurs indépendants puisqu'elles représentent entre 15 % et
20 % de leur chiffre d'affaires.
Cette situation, qui rend inopportune toute taxation supplémentaire des
diffuseurs, sauf l'adaptation en cours du dispositif de soutien aux chaînes
diffusées par câble ou par satellite, doit permettre aux producteurs d'être
plus offensifs et plus compétitifs sur le marché international.
Le cinéma français est l'un des plus présents au monde, et sa position me
paraît très affirmée en Europe. Il faut souhaiter que cette situation perdure ;
les signes en ce sens sont éminemment positifs.
Les exportations audiovisuelles ont, pour leur part, doublé en trois ans. Je
n'oublie pas non plus l'investissement consenti à l'échelon européen au titre
du plan média II, qui est fortement soutenu par la France.
Si, comme je l'indiquais tout à l'heure, aucune décision susceptible de nous
réjouir aujourd'hui n'a été prise lors du dernier conseil des ministres de la
culture, j'ai néanmoins fait adopter un amendement qui a été repris à
l'unanimité et qui tendait en quelque sorte à « passer le bébé » à la
présidence anglaise, qui sera chargée de résoudre cette question. Or, ce sont
parfois ceux qui sont le plus hostile à certaines dispositions qui sont amenés
à les prendre. J'ai constaté assez fréquemment que cette règle s'appliquait en
politique. Puisque la présidence britannique a décidé de faire de ce secteur
une véritable priorité et sa figure de proue, comme je l'ai déjà dit à mon
collègue anglais, il faudra aboutir à des résultats. J'y compte bien.
Néanmoins, je reprendrai votre suggestion, monsieur le sénateur, comme je
reprendrai celle de Mme Pourtaud.
Je précise, au passage, que les questions qu'elle a posées ne sont pas
nécessairement liées à la seule réflexion sur le 1 % hors média ; elles le sont
aussi à l'évolution des réglementations et des recettes du secteur de
l'audiovisuel.
Quoi qu'il en soit, nous poursuivrons la réflexion, y compris avec les
entreprises elles-mêmes. C'est pourquoi il est nécessaire de disposer encore
d'un peu de temps avant d'ajouter une taxe supplémentaire.
Je vous donne cependant l'assurance que nos préoccupations sont pleinement
partagées, tant par mon collègue des finances que par mon collègue du ministère
des affaires étrangères.
Nous aurons, lors de la discussion du projet de loi sur la communication
audiovisuelle mais aussi lorsque des mesures concrètes seront prises, la
possibilité de revenir sur votre proposition.
En conséquence, la création d'un fonds pour l'aide à l'exportation des
programmes audiovisuels me paraît quelque peu anticipée.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Jean Cluzel,
rapporteur spécial.
Monsieur le président, je remercie Mme la ministre de
ses explications. Le rapporteur spécial informe l'auteur de l'amendement qu'il
n'est pas recevable
(Sourires.)
et ce dernier, tout en le regrettant, le
retire.
(Nouveaux sourires.)
M. le président.
L'amendement n° II-17 est retiré.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
M. Cluzel ayant accepté de
retirer son amendement, je me dois d'ajouter que nous allons orienter, dans
toute la mesure possible, les crédits dont nous disposions déjà dans le sens
qu'il souhaite.
M. Jean Cluzel,
rapporteur spécial.
Je vous remercie, madame le ministre.
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la communication.
3
COMMUNICATION DE L'ADOPTION
DÉFINITIVE D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 27 novembre 1997, l'informant que la proposition d'acte communautaire n° E 892 (proposition de règlement [CE] du Conseil portant rétablissement d'un taux de droit de 12 % applicable par la Communauté sur certains produits relevant de la position NC 5607) a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 18 novembre 1997.
4
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Michel Duffour, Robert Pagès, Jean Dérian, Mme Marie-Claude
Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM.
Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti,
Jack Ralite, Ivan Renar, Mme Odette Terrade une proposition de loi garantissant
le secret des correspondances émises par la voie des télécommunications.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 128, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de MM. Michel Duffour, Robert Pagès, Jean Dérian, Mme Marie-Claude
Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM.
Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti,
Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi
interdisant l'utilisation des listes électorales à partir de l'origine
géographique, ethnique ou religieuse présumée des électeurs.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 129, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de MM. Michel Duffour, Robert Pagès, Jean Dérian, Mme Marie-Claude
Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM.
Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti,
Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi tendant à
démocratiser le contrôle des citoyens sur les opérations de vote.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 130, distribuée et
renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Michel Duffour, Robert Pagès, Jean Dérian, Mme Marie-Claude
Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM.
Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti,
Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi tendant à
reconnaître le génocide du peuple arménien et à protéger les génocides contre
leurs contestations.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 131, distribuée et
renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Robert Pagès, Jean Dérian, Mme Marie-Claude Beaudeau, M.
Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Michel Duffour,
Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti,
Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi relative
au droit du conjoint survivant et des enfants dans la succession.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 132, distribuée et
renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Robert Pagès, Michel Duffour, Mme Marie-Claude Beaudeau, M.
Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Jean Dérian,
Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Jack Ralite,
Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi relative au nom
patronymique.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 133, distribuée et
renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Edmond Lauret une proposition de loi relative à l'emploi dans
les départements d'outre-mer.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 134, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
5
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au lundi 1er décembre 1997 :
A neuf heures trente :
1. - Discussion en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1998 (n° 108, 1997-1998), adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture.
Rapport (n° 119, 1997-1998) de M. Charles Descours, fait au nom de la
commission des affaires sociales.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
A quinze heures et le soir :
2. - Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 84 et 85, 1997-1998).
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Emploi et solidarité :
I. - Emploi :
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 17) ;
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(Travail et emploi, avis n° 89, tome IV) ;
M. Jean Madelain, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(Formation professionnelle, avis n° 89, tome IV).
II. - Santé, solidarité et ville :
Santé et solidarité :
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 18) ;
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(Affaires sociales, avis n° 89, tome I) ;
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(Santé, avis n° 89, tome II).
Ville et intégration :
M. Philippe Marini, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 19) ;
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (Ville, avis n° 87, tome XXIII) ;
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(avis n° 89, tome III).
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits
de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 1998
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1998 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits de la deuxième partie,
non joints à l'examen des crédits, du projet de loi de finances pour
1998
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits, du projet de loi de finances pour
1998 est fixé au vendredi 5 décembre 1997, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 29 novembre 1997, à deux heures dix.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL,
DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Michel Dreyfus-Schmidt a été désigné rapporteur pour la proposition de loi
n° 55 (1997-1998), dont il est l'auteur avec plusieurs de ses collègues,
tendant à préciser le mode de calcul de la durée maximale de détention
provisoire autorisée par le code de procédure pénale.
M. André Bohl a été désigné rapporteur pour avis sur la proposition de
résolution n° 75 (1997-1998) de M. Maurice Blin et de plusieurs de ses
collègues tendant à créer une commission d'enquête sur les conséquences pour
l'économie française de la réduction de la durée du travail à trente-cinq
heures hebdomadaires (dont la commission des finances est saisie au fond).
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Lutte contre le bruit causé par les survols aériens
125. - 27 novembre 1997. - M. Alain Gournac attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les nuisances sonores dont se plaignent trente communes des Yvelines regroupées en un comité qu'il préside et qui sont liées aux nombreux survols aériens. Il demeure persuadé que l'adoption de mesures techniques particulières serait de nature à limiter considérablement le bruit lié à ces survols. Il conviendrait tout d'abord d'élever l'altitude d'interception de l'axe ILS de 1 000 voire 2 000 pieds, ce qui réduirait de façon importante le bruit perçu au sol. Cette solution est en partie subordonnée au relèvement de l'altitude de transition. Elle pourrait être fixée à 19 000 pieds comme aux Etats-Unis. Il conviendrait ensuite d'interdire dès 21 heures l'utilisation de la route MOSUD. L'intensité du trafic étant beaucoup moins importante à ce moment de la journée, l'ensemble des vols pourrait être dirigé vers le nord. Cette route pourrait être remplacée par une autre passant au sud de Paris en haute altitude (10 000 pieds). C'est une disposition tout à fait possible qui nécessite l'attribution de la balise EPR utilisée par les contrôleurs d'Orly à l'aéroport de Roissy. Il conviendrait également de favoriser, à l'atterrissage comme au décollage, la procédure face à l'ouest avec une composante de vent arrière jusqu'à cinq noeuds. Il conviendrait encore de profiter de la densité du trafic aérien, plus faible la nuit, pour diriger les avions sur les zones peu urbanisées. La mise en place de cartes statistiques, indiquant les couloirs à emprunter obligatoirement, serait en ce cas indispensable. Il attire enfin son attention sur la nécessité d'inciter les contrôleurs et les pilotes à une plus grande rigueur dans le respect de certaines contraintes. Susciter chez eux une prise de conscience, individuelle et collective, des conséquences de leur comportement est aujourd'hui nécessaire. Il croit fortement à la formation et au développement, dans la profession, d'une culture antibruit. C'est près d'un million d'habitants qui, dans les Yvelines, est concerné par ces nuisances auxquelles s'ajoute l'inquiétude que crée chez nos concitoyens la décision du Gouvernement d'étendre la capacité de l'aéroport de Roissy. C'est pourquoi il lui demande que soient mises en oeuvre les propositions que lui fait ce comité et qui constituent des solutions techniques exploitables.