SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Financement de la sécurité sociale pour 1998.
-Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
1
).
Discussion générale : Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité ; MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Jean-Pierre
Fourcade, président de la commission des affaires sociales, en remplacement de
M. Charles Descours, rapporteur ; Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la
commission des finances ; Mmes Dinah Derycke, Nicole Borvo. M. Jean
Chérioux.
Clôture de la discussion générale.
Exception d'irrecevabilité (p. 2 )
Motion n° 1 de la commission. - MM. le président de la commission, le
secrétaire d'Etat, Mmes le ministre, Nicole Borvo, MM. Louis Boyer, Alain
Gournac, Claude Estier, Michel Souplet. - Adoption, par scrutin public, de la
motion entraînant le rejet du projet de loi.
3.
Rappel au règlement
(p.
3
).
MM. Jacques Habert, le président.
Suspension et reprise de la séance (p. 4 )
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
4. Loi de finances pour 1998. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 5 ).
Emploi et solidarité
I. - EMPLOI (p.
6
)
MM. Philippe Marini, en remplacement de M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial
de la commission des finances ; Louis Souvet, rapporteur pour avis de la
commission des affaires sociales, pour le travail et l'emploi ; Jean Madelain,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la formation
professionnelle ; Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires
sociales.
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
M. Jean-Claude Carle, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Bernard Joly, Guy
Fischer, Alain Gournac, Georges Mazars, André Jourdain.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
Crédits du titre III (p. 7 )
Amendement n° II-24 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme le
ministre, M. Guy Fischer. - Adoption par scrutin public.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits du titre IV (p. 8 )
Amendement n° II-25 rectifié de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme
le ministre, MM. Guy Fischer, Gérard Delfau, Mme Marie-Madeleine Dieulangard,
MM. Jacques Habert, le président de la commission des affaires sociales. -
Adoption par scrutin public.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits des titres V et VI. - Adoption (p.
9
)
II. - SANTÉ, SOLIDARITÉ ET VILLE
Santé et solidarité
(p.
10
)
MM. Jacques Oudin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Louis
Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la
santé ; Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales, pour les affaires sociales ; François Autain.
5.
Décès d'un ancien sénateur
(p.
11
).
6.
Désignation d'un sénateur en mission
(p.
12
).
Suspension et reprise de la séance (p. 13 )
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
7. Loi de finances pour 1998. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 14 ).
Emploi et solidarité
II. - SANTÉ, SOLIDARITÉ ET VILLE
Santé et solidarité
(suite) (p.
15
)
Mmes Joëlle Dusseau, Nicole Borvo, MM. Lucien Neuwirth, Jean-Pierre Cantegrit,
Jacques Habert, Pierre Biarnès, Georges Othily, Gérard Larcher.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; M. Bernard
Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.
Crédits du titre III (p. 16 )
Amendement n° II-26 rectifié de la commission des finances. - M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial de la commission des finances ; Mmes le ministre, Nicole
Borvo, MM. François Autain, Jean-Pierre Fourcade, président de la commission
des affaires sociales ; Mme Joëlle Dusseau. - Adoption par scrutin public.
Vote des crédits réservé.
Crédits du titre IV (p. 17 )
Mme Odette Terrade.
Amendement n° II-27 de la commission des finances. - M. le rapporteur spécial,
Mmes le ministre, Joëlle Dusseau, MM. le président de la commission des
affaires sociales ; le secrétaire d'Etat, François Autain, Mme Nicole Borvo. -
Adoption par scrutin public.
Vote des crédits réservé.
Crédits des titres V et VI. - Vote réservé (p.
18
)
Articles additionnels après l'article 66 (p.
19
)
Amendements n°s II-21 et II-22 rectifié de la commission des affaires sociales.
- M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
; Mme le ministre, M. le rapporteur spécial, Mme Nicole Borvo, M. François
Autain. - Adoption des amendements insérant deux articles additionnels.
Amendement n° II-28 de M. Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur spécial,
Mme le ministre. - Retrait.
Suspension et reprise de la séance
(p.
20
)
Ville et intégration
(p.
21
)
MM. Philippe Marini, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard
Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour
la ville ; Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales ; Mme Gisèle Printz, Joëlle Dusseau, MM. Guy Fischer, Daniel
Eckenspieller.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; MM. Gérard
Larcher, rapporteur pour avis ; le rapporteur spécial.
Crédits du titre III. - Adoption par scrutin public (p.
22
)
Crédits des titres IV à VI. - Adoption (p.
23
)
8.
Communication de l'adoption définitive de propositions d'acte communautaire
(p.
24
).
9.
Dépôt de propositions de loi
(p.
25
).
10.
Dépôt de propositions d'acte communautaire
(p.
26
).
11.
Ordre du jour
(p.
27
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 1998
Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 1998 (n° 108, 1997-1998), adopté
avec modifications par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture. (Rapport n°
119 [1997-1998].)
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, nous reprenons donc aujourd'hui le débat sur
la loi de financement de la sécurité sociale.
Au terme de notre discussion en première lecture, vous aviez adopté un texte
assez profondément modifié par rapport au projet du Gouvernement et à celui
qu'avait adopté l'Assemblée nationale. Je vous avais fait part de mes réserves
sur l'économie générale du dispositif auquel vous étiez parvenu.
L'Assemblée nationale a, pour l'essentiel, rétabli son texte initial. Elle a
souhaité engager dès 1998 la réforme d'ampleur du financement que nous lui
proposions en transférant les cotisations maladie vers la CSG.
Nos débats l'ont fait apparaître, la légitimité de cette substitution n'est,
au fond, contestée par personne. Chacun s'accorde à reconnaître les limites
d'un financement assis sur les seules cotisations, tant par rapport aux besoins
de financement de la sécurité sociale qu'en ce qui concerne l'équité de notre
système de prélèvement.
Faut-il attendre, progresser par petits pas, comme vous le proposez ? Je ne le
pense pas. Il faut avoir le courage d'engager cette réforme afin de pérenniser
véritablement notre système de sécurité sociale. La repousser serait pérenniser
les déséquilibres entre les prélèvements sur les revenus du travail et du
capital, priver les actifs d'une hausse du pouvoir d'achat nécessaire au
soutien de la croissance et fragiliser notre système de protection sociale, car
il ne s'appuierait pas sur une assiette de financement plus large et plus
dynamique.
L'Assemblée nationale a rétabli les mesures que vous aviez rejetées en matière
de politique familiale. Nous avons eu, sur ce sujet, au Sénat, un débat de fond
que je veux saluer de nouveau aujourd'hui.
La majorité sénatoriale a prétendu, dans certaines de ses composantes, qu'à
travers ces mesures nous nous attaquerions à la famille. Je veux répéter ici
que nous sommes tous d'accord pour considérer que la famille est la cellule de
base où l'enfant acquiert ses premiers repères, notamment affectifs, éducatifs,
et où il construit son avenir. Pour nous tous, si la décision de fonder une
famille et d'avoir des enfants est une démarche privée, il est normal, et
d'ailleurs conforme à notre système de protection sociale, que la collectivité
apporte son appui à ceux qui s'engagent dans cette voie.
Pour autant, je ne crois pas que ce soit rompre avec ce principe que
d'introduire plus de solidarité dans notre système d'aide aux familles. Je
rappelle d'ailleurs qu'avant même cette mesure plus de 40 % des prestations
familiales sont aujourd'hui attribuées sous condition de ressources.
Il s'agit de corriger un système où l'aide, à travers les prestations
familiales et le quotient familial, s'accroît aujourd'hui avec le revenu. La
redistribution se fait des plus pauvres vers les plus favorisés, ce qui,
évidemment, n'est pas souhaitable dans une période où tant de familles sont en
difficulté.
Alors que nous sommes confrontés à un déficit majeur, aux difficultés
grandissantes des familles modestes, introduire plus de solidarité, ce n'est
pas s'attaquer à la famille, c'est se donner les moyens d'une politique
ambitieuse au profit de celles qui ont le plus besoin de l'aide de la
collectivité. C'est d'ailleurs ce que le Gouvernement a fait depuis le mois de
juin en accordant plus de 10 milliards de francs aux familles modestes à
travers l'allocation de rentrée scolaire, l'allocation logement et le
dispositif d'accès aux cantines scolaires, par exemple.
Nos débats l'ont montré, la démarche retenue en ce qui concerne les
allocations familiales est le prolongement d'une évolution engagée dans le
milieu des années soixante-dix par la création de prestations sous condition de
ressources dont la dernière illustration a été la mise sous conditions de
ressources de l'allocation pour jeune enfant, décidée par M. Juppé en 1996.
Cette exigence de solidarité et de justice est d'ailleurs largement partagée.
Les associations familiales y adhèrent
(M. Alain Gournac s'exclame),
même si elles contestent les modalités qui
ont été choisies pour y parvenir. Elles souhaitent que nous empruntions la voie
d'une réforme fiscale ; elles proposent notamment la plafonnement du quotient
familial.
Le Gouvernement s'est engagé à aller avec elles jusqu'au bout de la réflexion
et de la concertation. Cette réflexion ne se limitera d'ailleurs pas aux aides
financières ; elle abordera la politique familiale dans sa globalité. Une
politique familiale ne se juge pas à l'aune de l'évolution de telle ou telle
prestation.
Les premières initiatives du Gouvernement s'inscrivent d'ailleurs dans cette
perspective. Favoriser l'insertion des jeunes à travers le plan emplois-jeunes,
accroître l'encadrement scolaire, engager un processus de réduction du temps de
travail qui permette aux familles de consacrer plus de temps à leur vie
ensemble, améliorer la situation du logement, voilà autant de mesures qui me
semblent être au coeur d'une vraie politique familiale !
Nous avions également débattu de manière approfondie de la politique de santé
et d'assurance maladie. La majorité sénatoriale avait adopté un taux de
croissance de 1,7 % pour les dépenses d'assurance maladie, se bornant ainsi à
reproduire le taux retenu en 1997. L'Assemblée nationale est revenue au taux de
2,2 %. Je vous le redis aujourd'hui, cela m'apparaît raisonnable et réaliste.
Nombre d'élus de tous bords, parmi lesquels des sénateurs, d'ailleurs, m'ont
fait part des difficultés rencontrées cette année par les hôpitaux, et
notamment par ceux dont ils ont plus particulièrement à connaître.
Notre système hospitalier doit évoluer, viser l'efficience, mieux s'adapter
aux besoins. Mais cela ne se fera pas sous la seule asphyxie budgétaire.
Il n'est pas possible non plus de restreindre aveuglément les dépenses
médicosociales, tant sont grands les besoins des handicapés et des personnes
âgées dépendantes dans notre pays.
Serait-il raisonnable, par ailleurs, de réduire les objectifs de la médecine
de ville, alors que nous ne sommes pas sûrs de tenir ceux qui ont été fixés
cette année ?
Cette divergence sur les chiffres me semble d'ailleurs renvoyer à un débat
plus profond : si personne ne conteste la nécessité de maîtriser les dépenses,
nous ne pensons pas que nous y parviendrons simplement en édictant des
objectifs comptables et en fixant des enveloppes de manière centralisée.
Notre système de santé n'est pas une machine à dépenser dont on pourrait à son
gré régler le débit. La maîtrise des dépenses suppose une démarche structurelle
: adaptation de notre tissu hospitalier - nous commençons à le faire -
réduction des surconsommations - nous y travaillons avec l'industrie
pharmaceutique et les médecins - modernisation des pratiques de la médecine de
ville.
Ces politiques, outils réels de la maîtrise, qui passent par une meilleure
répartition de l'information, par l'informatisation, par du travail en réseau
entre la médecine de ville et l'hôpital, nous sommes en train de les mettre en
place avec les syndicats médicaux.
Nous n'y parviendrons - c'est notre conviction - qu'en recherchant l'adhésion
et l'implication des professionnels de santé. Avec Bernard Kouchner, nous
revoyons actuellement l'ensemble des partenaires pour avancer sur ces
différentes pistes.
Lors de l'examen du texte issu des travaux de la Haute Assemblée, l'Assemblée
nationale est donc revenue à la démarche initiale proposée par le Gouvernement,
dont les lignes de force sont, comme je l'ai indiqué lors de la première
lecture, la volonté d'assurer la pérennité de notre système de protection
sociale en réduisant de 12 milliards de francs le déficit sur 1998 - objectif
d'ailleurs partagé par le Sénat - le souci d'engager ce redressement en
réformant profondément le système de financement de la protection sociale,
l'introduction de plus de solidarité et de justice dans notre système d'aide
aux familles et l'adoption d'un taux d'évolution des dépenses d'assurance
maladie qui permette à la fois de répondre aux besoins et d'engager les
réformes structurelles nécessaires à une maîtrise à long terme.
Nous allons donc reprendre la discussion sur la base d'un texte qui a le plein
d'agrément du Gouvernement. Voilà pourquoi je vous propose, mesdames, messieurs
les sénateurs, d'adopter ce texte, même si je doute que les deux semaines qui
se sont écoulées depuis la première lecture aient permis à la majorité
sénatoriale de se convaincre du bien-fondé de notre politique de réforme et de
solidarité.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
1998, qui revient devant votre assemblée en nouvelle lecture, n'est guère
différent - Mme Martine Aubry vient de le dire - de celui que vous avez examiné
en première lecture il y a quelques jours.
M. Alain Gournac.
Malheureusement !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
On peut dire cela. Pour ma part, je pense le
contraire, monsieur le sénateur.
Une des différences porte sur la taxe de santé publique sur le tabac, et je
crois nécessaire d'apporter quelques éclaircissements sur ce seul sujet.
L'objectif poursuivi par le Gouvernement en créant cette taxe était double :
certes, contribuer, à hauteur de 1,4 milliard de francs, au redressement des
comptes de la sécurité sociale, mais, surtout, améliorer la lutte contre le
tabagisme en obtenant une augmentation importante du prix des tabacs et
cigarettes et en augmentant les crédits de la prévention.
Comme l'a indiqué M. Dominique Strauss-Kahn lors de la nouvelle lecture de ce
texte à l'Assemblée nationale, les fabricants de tabac sont tentés par une
guerre des prix, dont l'effet serait totalement contraire à nos objectifs de
santé publique - objectifs que partage la Haute Assemblée - à savoir la
diminution de la consommation.
Lors de l'examen du texte en première lecture, j'avais donc annoncé - vous
vous en souvenez sans doute - que, si de nouvelles dispositions fiscales
adaptées et garantissant une véritable hausse des prix du tabac, y compris le
tabac à rouler - vous y étiez très attentifs - était trouvée, le Gouvernement
renoncerait à la taxe de santé publique sur les tabacs.
Les nouvelles dispositions de taxation qui seront proposées dans le projet de
finances permettront d'augmenter le prix de vente des cigarettes, plus
particulièrement des cigarettes blondes et des tabacs à rouler les moins chers,
ce qui répond à nos objectifs de santé publique, en particulier vis-à-vis des
jeunes.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Nous vous l'avions bien dit !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Vous l'aviez dit, mais je vous l'avais promis avant
!
Ces dispositions visent également à décourager les fabricants d'augmenter le
nombre de cigarettes par paquet, ce qui est, à l'évidence, une manoeuvre de
contournement du système actuel de taxation des tabacs. Ces nouvelles
dispositions fiscales seront applicables dès le 1er janvier prochain. Elles
consistent à porter le minimum de perception à 500 francs pour les cigarettes
et à 230 francs pour les tabacs à rouler. Dans ce dernier cas, il s'agit d'une
augmentation de plus de 50 %.
Dans le même temps, des mesures seront prises en matière de prix de vente. Les
cigarettes étant conditionnées en paquets de plus en plus grands, de vingt-cinq
ou trente unités, le prix à l'unité baisse et la consommation augmente. C'est
pourquoi, désormais, le prix sera fixé pour mille cigarettes, comme dans la
plupart des pays européens.
Enfin, afin d'éviter toute tentation de diminuer le prix de vente, le droit de
consommation sera gelé en 1998. Néanmoins, pour garantir à la sécurité sociale
une recette portée à 1,4 milliard de francs, et non 1,3 milliard de francs, la
part de ce droit qui lui sera versée atteindra 9,1 %, au lieu de 6,39 % ; un
amendement en ce sens sera présenté lors de la nouvelle lecture du projet de
loi de finances. Donc, la sécurité sociale - je sais que c'est un de vos
arguments - y gagnera.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
C'est contraire à la
loi organique ! Mais je m'en expliquerai dans un instant.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
J'en suis sûr ! C'est pourquoi je prenais les devants
!
(Sourires.)
Nous vous proposons donc d'adopter le texte issu des travaux de
l'Assemblée nationale ; il s'inscrit dans le cadre de cette réforme et
aboutira, comme la version initiale de l'article 5, à un rendement de 1,4
milliard de francs provenant de la fiscalité des tabacs.
Je ne doute pas que cette mesure satisfasse la commission des finances du
Sénat, qui considérait que le dispositif initial compliquait inutilement la
fiscalité du tabac, puisqu'il ajoutait deux taxes aux trois existantes. « Il
serait plus simple, estimait-elle, de relever la fraction des droits de
consommation sur les tabacs affectée à la CNAM », ce que nous faisons.
Je vous rappelle enfin l'engagement du Gouvernement de porter les crédits en
faveur de la lutte contre le tabagisme de 20 millions à 50 millions de francs
au sein du Fonds national de prévention, d'éducation et d'information à la
santé. La majorité sénatoriale me paraît donc mal fondée à critiquer ce
dispositif introduit en nouvelle lecture : il épouse très fidèlement les
caractéristiques de celui qu'elle a elle-même voté lors de la discussion du
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, à savoir
l'affectation à la Caisse nationale de l'assurance maladie, la CNAM, d'une
fraction des droits de consommation sur les tabacs. En outre, le montant de
cette fraction était inscrit dans la loi de finances de l'année.
A cette époque, elle a eu sans doute la volonté d'aller dans la même
direction, c'est-à-dire de diminuer la consommation du tabac chez les plus
jeunes, dans un souci de santé publique. Je ne pense pas qu'il en soit
différemment aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales, en remplacement de M.
Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez soumis à l'examen
du Parlement un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui appelle
de notre part bien des objections de fond. Certes, nous l'avons dit dès le
début, nous en approuvons l'objectif, puisqu'il s'agit d'abaisser de 33
milliards de francs à 12 milliards de francs le déficit prévisionnel de la
sécurité sociale. Nous n'approuvons cependant ni la méthode, qui consiste à
remettre en cause certains principes fondateurs de la sécurité sociale et à
augmenter encore les prélèvements qui pèsent sur l'activité économique, ni les
risques que vous prenez en vous lançant dans l'aventure du basculement massif
des cotisations maladie sur la CSG, ce qui va entraîner pour de nombreux
Français, et pas nécessairement les mieux lotis, des discriminations
importantes en raison des modalités de ce basculement.
En dépit de ces objections, nous avons adopté un projet qui retient l'objectif
poursuivi - la réduction à 12 milliards de francs du déficit pour 1998 - mais
avec des méthodes différentes de celles qui nous étaient proposées, en
maîtrisant davantage l'évolution des prélèvements et celles des dépenses, sans
menacer l'activité économique, sans remettre en cause le droit à la sécurité
sociale.
Comme il était prévisible, mes chers collègues, la commission mixte paritaire,
réunie le mercredi 19 novembre, a révélé la profondeur des divergences de vues
entre l'Assemblée nationale et le Sénat, ou, plus exactement, compte tenu des
amendements qui ont été votés, en ce qui concerne les points les plus
importants, entre les représentants des groupes socialistes et les
représentants de tous les autres groupes des deux assemblées.
La commission mixte paritaire n'a donc pu parvenir à un accord, et je voudrais
aborder trois points essentiels à la place de mon ami Charles Descours,
rapporteur, qui n'a pu se libérer ce matin de ses obligations.
Tout d'abord, en nouvelle lecture, le mardi 25 novembre, l'Assemblée nationale
a supprimé tous les éléments importants de l'alternative proposée par le
Sénat.
Ainsi, elle a rétabli le basculement massif des cotisations maladie sur la CSG
sans retenir ni l'argumentation du Sénat, ni celle des nombreuses organisations
professionnelles qui continuent à nous écrire pour nous démontrer qu'aucune
mesure compensatrice ne permet à ce jour d'assurer la neutralité de ce
basculement. J'en veux pour preuve, madame la ministre, une lettre en date du
19 novembre 1997 de l'Union des professions artisanales, qui nous indique qu'au
regard des taux annoncés devant la représentation nationale le basculement de
la cotisation maladie vers la CSG se traduira par une perte financière pour
tous les non-salariés dont les revenus professionnels seront supérieurs à 165
000 francs nets annuels. Nous sommes donc loin des 235 000 francs que vous nous
aviez annoncés en première lecture.
L'Assemblée nationale a également rétabli la mise sous condition de ressources
des allocations familiales et la diminution de l'AGED, l'allocation de garde
d'enfant à domicile.
Elle n'a écouté, s'agissant de la politique familiale, ni les justes
observations des parlementaires communistes, ni celles de la majorité
sénatoriale. Elle n'a pas davantage écouté l'avis unanime des organisations
familiales, patronales et syndicales qui se sont exprimées au conseil
d'administration de la CNAF, la Caisse nationale d'allocations familiales.
Enfin, elle n'a pas plus écouté l'avertissement solennel de M. Jean-Paul
Probst, président de la CNAF, qui nous dit que procéder à une réforme
structurelle de la politique familiale du seul fait du déficit de la branche
famille alors que les causes de ce déficit ne font pas l'objet d'une analyse
objective ne lui paraît pas une bonne décision.
M. Alain Gournac.
Il a raison !
M. Jean-Pierre Fourcade
président de la commission des affaires sociales.
Il rappelle que, si un
réexamen d'ensemble de la politique familiale doit être envisagé prochainement,
« cette réforme est menée à contretemps ; une telle réflexion générale devant
précéder et non suivre des mesures structurelles sur lesquelles il sera
impossible de revenir ».
M. Alain Gournac.
Il a parfaitement raison !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
L'histoire de la
protection sociale retiendra que la mesure la plus importante a été décidée
contre l'avis unanime de tous les syndicats et de tous les partis politiques, à
l'exception du vôtre, madame la ministre. Mais j'aurai tout à l'heure
l'occasion de m'expliquer davantage sur le plafonnement des allocations
familiales.
L'Assemblée nationale a par ailleurs rétabli l'ONDAM, l'objectif national de
dépenses de l'assurance maladie, au niveau proposé par le Gouvernement, ce qui
nous paraît psychologiquement dangereux et annonciateur de comportements moins
responsables qu'en 1997, tant pour la médecine de ville que pour la médecine
hospitalière.
Nous savons, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que nombre
d'établissements hospitaliers connaissent des difficultés et que la préparation
des budgets pose problème à bien des conseils d'administration, mais tout de
même ! La différence entre un taux de croissance de 1,7 %, celui que nous
proposions, et un taux de croissance de 2,2 %, celui que vous proposez,
c'est-à-dire 0,5 % de la masse, ne peut être considérée comme étant à la mesure
des problèmes rencontrés en matière de restructuration de nos établissements
hospitaliers. Ce qui est important, c'est la mise en place des outils
d'accréditation et de vérification. Il nous a semblé que, jusqu'à la mise en
place de ces outils, il valait mieux s'en tenir à un ONDAM aussi faible que
possible. L'écart entre nous est de 0,5 point, c'est-à-dire de 3 milliards de
francs !
Vous le savez, madame la ministre, l'injonction d'emprunter faite à la Caisse
nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, a
beaucoup ému le Sénat. Je ne résiste pas à la tentation...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ne résistez pas !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
... de citer la lettre
qui nous a été adressée par une personne particulièrement autorisée, puisqu'il
s'agit du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. Ce
dernier affirme que « d'après les prévisions effectuées par les services de la
Caisse des dépôts et consignations, gestionnaire de la CNRACL, cette
disposition n'est pas nécessaire, puisque les réserves de cette caisse de
retraite devraient s'élever à 1,5 milliard de francs en fin d'exercice si,
comme les années précédentes (...), le calendrier de versement des acomptes est
aménagé ».
C'est donc uniquement un souci en quelque sorte de tranquillité budgétaire qui
vous a poussée à réécrire cette autorisation d'emprunt et nous estimons, au
Sénat, comme particulièrement nocif, et même ridicule sur le plan des finances
publiques, à une époque où l'on se plaît à révérer les rapports de la Cour des
comptes, d'obliger une caisse qui est structurellement excédentaire à emprunter
pour permettre à la caisse de retraite de la SNCF ou à celle des mineurs de
toucher à temps leurs différents acomptes de surcompensation.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Le même directeur
général poursuit d'ailleurs en disant que l'incitation de recourir à des
avances de trésorerie lui paraît « difficilement défendable dans le cas d'une
institution de retraite largement excédentaire » et d'autant moins justifiée
que l'on sait que le Gouvernement, en concertation avec les élus locaux,
examinera en 1998 le problème de fond du financement des retraites du personnel
hospitalier et du personnel municipal. En effet, comme chacun ne le sait pas,
les deux catégories de personnels sont traitées par la même caisse.
J'en arrive au deuxième point de mon exposé. Si l'on peut admettre que
l'Assemblée nationale ait supprimé les principaux points de l'alternative
sénatoriale, il est plus difficile de comprendre que, sur les autres articles,
elle n'ait retenu aucun des apports du Sénat.
M. Alain Gournac.
C'est du sectarisme !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
L'Assemblée nationale
est même allée jusqu'à supprimer des modifications de précision ou celles qui
prévoyaient le dépôt de rapports par le Gouvernement. Pourquoi supprimer un
rapport sur la situation des régimes spéciaux de sécurité sociale,...
M. Alain Gournac.
Du sectarisme !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
... sur le bilan du
basculement d'une fraction des cotisations maladie sur la CSG résultant de la
loi de financement pour 1997 ou sur la distribution des médicaments
remboursables ? Voilà trois sujets importants sur lesquels, mes chers
collègues, la représentation nationale a le droit d'être informée. Les
suppressions décidées par nos collègues de l'Assemblée nationale maintiendront
donc l'opacité.
M. Alain Gournac.
C'est vrai !
M. Jean Chérioux.
C'est de l'acharnement !
M. Alain Gournac.
Pas thérapeutique !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Non, ce n'est pas de
l'acharnement thérapeutique, mes chers collègues, c'est de l'acharnement
idéologique !
(Sourires.)
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Oh ! C'est la première fois qu'on me le dit !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Il ne faut pas me
provoquer, monsieur le secrétaire d'Etat !
(Nouveaux sourires.)
M. Claude Estier.
De quel côté, l'acharnement idéologique ?
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
J'y arrive !
Sur le fond, l'Assemblée nationale a aussi supprimé d'utiles apports du Sénat
tels que l'amendement adopté sur l'initiative de notre collègue Jean Chérioux,
relatif au régime des cultes...
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas gentil !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
... ou celui qui
permettait aux personnes qui assurent la garde d'un enfant à domicile de
bénéficier d'une formation.
Elle a également supprimé l'assouplissement du barème de la taxe sur les
dépenses promotionnelles des laboratoires, alors que la modification du Sénat
était neutre, ou enfin la disposition concernant l'opposabilité des objectifs
régionaux de dépenses des cliniques privées, qui était de bon sens et qui
s'intégrait dans la révision à la baisse de l'ONDAM pour 1998.
L'Assemblée nationale a également supprimé les deux articles que le Sénat
avait adoptés en faveur des jeunes avocats et des jeunes agriculteurs, afin que
ces derniers ne soient pas pénalisés par le basculement des cotisations maladie
sur la CSG.
On pourrait penser sur ce point que l'Assemblée nationale a pris le parti de
n'accepter aucune mesure en faveur d'une quelconque profession. Je reconnais
qu'en effet, dans ce genre de mécanisme, à partir du moment où l'on commence à
céder à tel ou tel, on risque de dénaturer le dispositif.
Or, mes chers collègues, l'Assemblée nationale s'est crue obligée de faire un
geste en direction d'une catégorie sociale, et devinez laquelle : il s'agit non
pas des jeunes avocats ni des jeunes agriculteurs, mais des exploitants de
casinos !
(Sourires.)
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Elle l'a fait à l'unanimité
!
M. Alain Gournac.
C'est vraiment exceptionnel !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sosciales.
Les exploitants de
casinos ? Voilà des gens qui sont à la fois victimes de la crise et dans une
situation conjoncturelle tout à fait nationale !
L'Assemblée nationale a donc préféré les tenanciers de casinos aux jeunes
avocats et aux jeunes agriculteurs. La population jugera !
M. Alain Gournac.
C'est important, les casinos !
(Rires.)
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
L'Assemblée nationale a adopté
cette mesure à l'unanimité !
M. Claude Estier.
Vos amis l'ont également votée, monsieur Fourcade !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Ce n'est pas une
raison. Et je trouve que se préoccuper du sort des casinos est bien
caractéristique d'un ressort idéologique tout à fait particulier !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Ce n'est pas de l'acharnement idéologique, puisque la
gauche et la droite confondues ont voté cette disposition !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Si, c'est bien
idéologique, pour des raisons que chacun comprend.
Troisième point : n'ayant rien retenu des apports du Sénat et n'ayant apporté,
sur son initiative, aucune autre modification à son texte initial que celle en
faveur des casinos, l'Assemblée nationale a, en revanche, accepté deux
amendements du Gouvernement d'une exceptionnelle importance.
Le premier amendement, dont M. Kouchner vient de parler, relève
malheureusement du vieux conflit qui oppose les financiers à ceux qui
s'occupent de santé publique, je veux parler du tabac. En effet, le
Gouvernement avait proposé un mécanisme de taxe de santé publique sur le tabac,
et c'était l'un des rares points qui avait suscité l'agrément de tout le
Parlement - Assemblée nationale et Sénat - mais, évidemment, la SEITA et les
fonctionnaires de Bercy n'étaient pas d'accord et, comme chacun sait, leur
volonté s'impose au Parlement quel que soit le régime politique !
Le Gouvernement a donc proposé, en nouvelle lecture, un amendement défendu par
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui supprime la
taxe de santé publique et prévoit une modification de la loi de finances afin
de permettre de corriger le déficit.
Que nous reste-t-il, mes chers collègues ?
Tout d'abord, je constate, madame la ministre, que le texte que vous nous
proposez ce matin prévoit pour 1998 un déficit de la sécurité sociale non pas
de 12 milliards de francs mais de 13,4 milliards de francs puisque la
disposition adoptée par l'Assemblée nationale augmente le déficit de 1,4
milliard de francs.
Il nous reste la promesse de M. Strauss-Kahn que le Gouvernement déposera un
amendement au projet de loi de finances pour augmenter le prélèvement réalisé
au profit de la CNAM sur les droits de consommation.
Je trouve tout à fait condamnable et tout à fait contraire à la loi organique
cette sorte de vote arraché du projet de loi de financement de la sécurité
sociale contre la promesse que, demain, on rasera gratis. Il est évident que
c'est l'une des causes pour lesquelles le Conseil constitutionnel pourrait
annuler ce texte.
En matière de tabac, même si techniquement la solution proposée par M.
Strauss-Kahn est meilleure et a pour objectif de rétablir davantage d'égalité
entre les fabricants français de tabac et les fabricants étrangers, à tout le
moins, un texte initial aurait dû figurer dans le projet de loi de financement
de la sécurité sociale.
Je réprouve donc formellement la technique employée par le Gouvernement, qui a
pour résultat, je le répète, d'augmenter de 1,4 milliard de francs le déficit
de la sécurité sociale, et ce par le dépôt d'un amendement en nouvelle lecture,
devant l'Assemblée nationale.
J'ai entendu tout à l'heure M. le secrétaire d'Etat indiquer que le prix moyen
des cigarettes et du tabac à rouler augmenterait de manière significative,
comme nous l'avions souhaité, mais aucun élément, sauf une promesse, ne peut
nous le garantir.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est signé !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Nous attendons des
explications. Je trouve tout à fait contraire à la loi organique qui a suivi la
révision constitutionnelle de renvoyer un système de financement d'un texte à
l'autre. C'est une erreur grave, et cette erreur, nous la ferons sanctionner
par le Conseil constitutionnel !
Le second amendement, beaucoup plus grave, concerne l'évolution des
prestations familiales.
Lorsque la majorité sénatoriale a dénoncé les atteintes graves portées par le
gouvernement actuel à la politique familiale, qui subit quatre mesures, et non
pas une seule, vous avez, madame la ministre, souligné avec beaucoup de vigueur
combien les précédents gouvernements étaient eux-mêmes coupables, puisqu'ils
avaient été « condamnés » par le Conseil d'Etat en raison de la revalorisation
insuffisante des prestations familiales en 1995.
De fait, la Caisse nationale d'allocations familiales avait provisionné une
somme de 650 millions de francs en 1997 pour faire face aux conséquences de
cette décision du Conseil d'Etat de mars 1997.
Reste à régler ce que l'on appelle l'effet de base, c'est-à-dire les
conséquences de cette régularisation pour les exercices suivants. Le
Gouvernement l'a évaluée à 3,5 milliards de francs pour 1996, 1997 et 1998. La
commission des affaires sociales du Sénat l'évalue à 2 milliards de francs, car
elle estime que le Gouvernement a surévalué le coût de cette revalorisation. De
toute manière, cela devait se traduire par une augmentation des sommes versées
aux familles par la caisse.
Comment, en effet, le Gouvernement a-t-il résolu ce problème ? Il l'a fait par
un amendement de séance à l'Assemblée nationale, déposé dans la nuit du mardi
25 novembre dernier, lors de l'examen du texte en nouvelle lecture. Cet
amendement, qui n'a pas été examiné par la commission compétente de l'Assemblée
nationale, fige législativement la base de calcul des prestations familiales
pour 1996 et supprime donc l'effet de base pour les années suivantes.
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je tire de cet
amendement et de cette expérience nocturne deux constatations.
D'abord, lors de la discussion en première lecture du texte par l'Assemblée
nationale et le Sénat, le Gouvernement avait supposé acquise cette validation,
bien qu'elle ne figure pas dans le projet de loi. Et nous avons longuement
discuté des dépenses de prestations familiales en supposant votée une mesure
qui ne l'était pas ! Il a fallu rattraper l'affaire en nouvelle lecture à
l'Assemblée nationale, et ce sans que sa commission saisie au fond en ait été
informée. Nous avons donc discuté dans le vide !
L'écart entre l'évaluation du Gouvernement, 3,5 milliards de francs, et la
nôtre, 2 milliards de francs, aurait pu donner lieu à un véritable débat.
Ensuite, je constate que le gouvernement actuel, après avoir accablé ses
prédécesseurs et leur avoir donné le drapeau de l'« anti-familialisme », se
garde bien de réparer leur « erreur » et en profite pour réaliser une nouvelle
économie pour 1998.
Je note d'ailleurs avec amusement que le rapporteur de la commission des
affaires culturelles à l'Assemblée nationale, qui n'avait donc pas examiné
l'amendement, a « salué » à titre personnel les explications du ministre, et a
considéré que c'était « à l'honneur du gouvernement actuel d'honorer les dettes
laissées par son prédécesseur ».
Il me semble qu'il s'est trompé de bonne foi parce que l'objet de l'amendement
est non pas d'honorer cette « dette » mais de râper la base de départ et de
réaliser cette économie de 2 milliards de francs.
Cette malheureuse affaire montre qu'il ne faut jamais donner des leçons de
morale...
M. Alain Gournac.
Il ne vaut mieux pas !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
... avant d'examiner
dans le détail les problèmes qui se posent, surtout si l'on est décidé à ne pas
tenir compte de la jurisprudence du Conseil d'Etat.
Cette nouvelle économie confirme donc que la branche famille est la variable
d'ajustement du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.
C'est pourquoi le texte voté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture,
assorti de ces deux amendements ravageurs votés dans la nuit, est pour la
commission des affaires sociales encore moins satisfaisant que celui qu'elle
avait adopté en première lecture.
L'essentiel demeure toutefois la suppression de l'universalité des allocations
familiales - je distingue bien entre les allocations familiales et les
prestations familiales, dont la plupart sont soumises à plafond de ressources -
à nouveau acceptée par l'Assemblée nationale.
C'est la raison pour laquelle, tout à l'heure, je vous demanderai, mes chers
collègues, de vous opposer solennellement à cette mesure extrêmement grave,
tout à fait contraire à nos traditions depuis 1945 est dénoncée comme telle par
le conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales, en
vous proposant d'accepter une motion tendant à opposer l'exception
d'irrecevabilité à l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1998, tellement cette mesure, confirmée par l'Assemblée nationale
et aggravée par l'amendement nocturne de rectification des bases, nous paraît
contraire au socle fondateur de notre sécurité sociale.
(Applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après avoir
écouté l'excellent propos de M. Fourcade, à mon tour de vous dire, au nom de la
commission des finances, que le projet de loi de financement de la sécurité
sociale, tel qu'il nous revient de l'Assemblée nationale, est consternant.
Aucune des dispositions adoptées en première lecture par le Sénat n'a trouvé
grâce aux yeux des députés. Cette absence totale de dialogue entre nos deux
assemblées intervient précisément au moment où j'entendais M. le ministre de
l'économie et des finances dire hier sur un plateau de télévision qu'aucune
réforme des sociétés ne saurait jamais progresser sans dialogue.
Eh bien, cette absence totale de dialogue m'amène à penser qu'il est bien
inutile de chercher à rétablir le texte du Sénat en nouvelle lecture. La seule
attitude logique semble donc de voter la motion tendant à opposer l'exception
d'irrecevabilité, comme nous le propose M. le président de la commission des
affaires sociales.
Toutefois, ce retour au texte de l'Assemblée nationale a procuré à la
commission des finances une légère satisfaction sur un point, qui fait
d'ailleurs apparaître une divergence d'approche mineure avec nos amis de la
commission des affaires sociales.
L'Assemblée nationale a renoncé à créer la nouvelle taxe spécifique sur les
tabacs affectée à l'assurance maladie. Elle a admis, comme je l'avais fait en
première lecture, qu'il est plus simple de relever la fraction du droit de
consommation sur les tabacs qui a été affectée à la CNAM l'an dernier.
Cette modification ne pourra toutefois désormais plus intervenir qu'en
nouvelle lecture du projet de loi de finances, alors qu'elle aurait pu avoir
lieu dès l'examen de la première partie du projet de budget au Sénat, si la
recommandation de la commission des finances avait été suivie.
M. le président de la commission des affaires sociales a raison de dire que le
déficit final est momentanément accru.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Il n'est pas
momentanément accru aux termes du texte actuel !
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Quoi qu'il en soit, je suis heureux, madame la
ministre, que le Gouvernement ait finalement entendu la voix du bons sens. Lors
du débat en première lecture, vous aviez indiqué que vous n'aviez pas
suffisamment confiance en votre collègue en charge du budget pour procéder de
la sorte. Je me félicite que votre confiance ait pu être raffermie dans
l'intervalle.
Néanmoins, ces péripéties et ces difficultés de coordination démontrent bien
le caractère - comment dire ? - improvisé du projet de loi de financement
présenté par le Gouvernement. Nous en avions déjà eu une illustration avec les
500 millions de francs qui ont été ajoutés en catastrophe au BAPSA pour
compenser la hausse de la CSG aux retraités agricoles. Nous en aurons bientôt
une nouvelle illustration, avec la disposition du projet de loi de finances
rectificative qui allège la cotisation de solidarité payée par les
fonctionnaires afin de compenser la hausse de la CSG pour les plus bas
traitements.
Pour en revenir à la fiscalité des tabacs, le seul tort de la commission des
finances est donc d'avoir eu raison trop tôt.
Permettez-moi d'avoir la faiblesse de penser que la commission des finances a
eu également raison sur d'autres points, sur lesquels elle n'a pourtant pas été
suivie. Je pense notamment à ses positions sur les cotisations d'accidents du
travail ou sur les excédents de constribution sociale de solidarité des
sociétés, la CSSS.
Je regrette tout particulièrement de ne pas avoir été entendu lorsque la
commission des finances proposait de précariser la taxe de 6 % sur la
prévoyance complémentaire, en préconisant son extinction à compter de 1999.
En effet, je le répète, cette taxe est absurde dans son principe puisqu'elle
aboutit à asseoir une contribution sociale sur des dépenses de protection
sociale. Par ailleurs, elle est vraisemblablement inconstitutionnelle, car son
assiette est définie par voie de simple circulaire ministérielle, en violation
de l'article 34 de la Constitution qui fait obligation au législateur de fixer
« l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute
nature ».
La commission des affaires sociales avait d'ailleurs exprimé l'an dernier les
plus vives réserves à l'égard de cette taxe lorsque le gouvernement de M. Juppé
avait demandé au Parlement l'autorisation de la créer par ordonnance.
Néanmoins, le rapporteur de la commission des affaires sociales a invoqué à
l'encontre de l'amendement de la commission des finances la règle dite de «
l'annualité budgétaire ». Or, la seule contrainte de recevabilité résultant de
l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale est que toute disposition
figurant dans la loi de financement de la sécurité sociale doit affecter
directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base.
L'amendement de suppression présenté par la commission des finances satisfait
pleinement cette condition de recevabilité.
Si j'insiste sur ce point et si je récuse l'interprétation qui a été faite du
champ de la loi de financement de la sécurité sociale, c'est parce que, si
cette interprétation devait être confirmée, elle constituerait une restriction
fâcheuse et dénuée de tout fondement juridique de la recevabilité des
amendements parlementaires sur ce projet de loi.
Je voudrais également revenir sur l'objectif national des dépenses d'assurance
maladie, dont le président de la commission des affaires sociales a parlé voilà
quelques instants.
La position de rigueur que la commission des finances avait adoptée, je vous
le rappelle, était de se caler sur l'inflation - 1,3 % en 1998 - comme nous
nous étions calés sur l'inflation à 1,7 % en 1997.
Cette position de rigueur n'a pas été comprise. Je suis pourtant convaincu que
c'est la seule qui soit responsable. Cette position est d'ailleurs confortée,
peut-être anecdotiquement, par le dossier paru dans un hebdomadaire, dont je ne
citerai pas le titre mais qui est politiquement proche du Gouvernement, sur ce
qu'il appelle le « gâchis dans les hôpitaux ».
Ce dossier, qui n'est pas une simple enquête journalistique, se fonde sur 220
lettres d'observations définitives des chambres régionales des comptes,
c'est-à-dire sur des documents publics, élaborés selon une procédure de
vérification minutieuse et contradictoire qui les rend irréfutables. Ce dossier
vous le connaissez, il a été publié récemment sous le titre : « Hôpitaux : un
gâchis de 20 milliards. »
Les chambres régionales des comptes illustrent par des cas concrets la réalité
d'un gaspillage hospitalier qui peut seulement être pressenti par une approche
macro-économique et qui a déjà été souligné par tous les rapports, tous les
contrôles qui ont été faits, que ce soit ceux de l'inspection générale des
affaires sociales, l'IGAS, de la CNAM, de la Cour des comptes, voire de la
Mutualité française.
Le constat est effarant : mépris des procédures de marché public, dérive du
secteur privé à l'hôpital, sous-utilisation chronique des équipements,
opérations immobilières hasardeuses. Ce sont donc de 20 milliards de francs à
50 milliards de francs qui sont perdus en purs gaspillages.
Au regard de ces faits avérés, je crois que la position irréaliste et
irresponsable est non pas celle que nous avons défendue au nom de la commission
des finances ou de la commission des affaires sociales - à savoir un taux de
progression de 1,3 % à 1,7 % pour l'ONDAM - mais bien celle du Gouvernement qui
entraîne, pour 1998, une majoration de 0,5 point de la croissance de cet
objectif national des dépenses d'assurance maladie.
Le relâchement envisagé sera un très mauvais message adressé aux
professionnels de santé, et je voudrais vous mettre en garde, madame la
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, car l'opinion publique évolue sur ces
sujets, et elle n'est pas si naïve que vous semblez le croire.
Le chantage au rationnement des soins comme justification de l'immobilisme n'a
pas paru crédible l'an dernier. Le chantage à l'étranglement financier des
hôpitaux, dont M. le secrétaire d'Etat a parlé avec beaucoup d'éloquence, ne
sera pas compris non plus.
Chacun sait bien qu'à côté des services débordés mis en avant - toujours les
mêmes d'ailleurs - il existe une multitude d'établissements sous-utilisés qui
cherchent à justifier leur existence par une activité dépourvue de véritable
motif médical. Le cas d'une certaine maternité d'une certaine ville du centre
de la France, dont je ne citerai pas le nom parce que chacun l'a en tête, me
semble l'exemple même de ce qu'il ne faut pas faire.
D'une façon générale, ce qui me paraît grave dans ce projet de loi de
financement de la sécurité sociale, c'est le manque de lucidité.
J'en prendrai comme illustration la question des régimes spéciaux de retraite.
Non seulement le Gouvernement et sa majorité ne veulent rien faire en la
matière, mais ils ne veulent même pas savoir. Comme l'a souligné M. Jean-Pierre
Fourcade, la suppression du rapport demandé par le Sénat est révélatrice à cet
égard. Cette politique de l'autruche s'inscrit d'ailleurs dans la continuité de
l'annulation de l'étude qui avait été commandée sur ce sujet par l'Office
parlementaire d'évaluation des politique publiques.
Il y a un même manque de lucidité en ce qui concerne la CNRACL, la Caisse
nationale de retraite des agents des collectivités locales. La fuite dans
l'emprunt, que la commission des finances a dénoncée, est une grave erreur, et
nos collègues sénateurs du groupe socialiste savent d'ailleurs bien que cette
voie est une impasse. Je suis convaincu que, dans les années à venir, le
Gouvernement et sa majorité auront à rendre compte de cette erreur devant tous
les élus locaux. En tout cas, pour sa part, le Sénat aura pris date.
Il y a enfin un manque de lucidité en ce qui concerne la CADES, la Caisse
d'amortissement de la dette sociale. Je regrette que l'Assemblée nationale
n'ait pas cru bon de conserver l'amendement modeste de la commission des
finances du Sénat tendant à inscrire dans la loi la date exacte du terme de
l'existence de cette caisse et à prévoir sa dissolution et la dévolution de son
patrimoine à l'Etat. La portée de cette proposition était certes symbolique,
mais elle était politiquement importante pour bien marquer, devant nos
concitoyens, d'une part, le caractère provisoire de la CADES et, d'autre part,
le caractère exceptionnel de sa réouverture. Il n'est pas responsable de
traiter de manière anodine une mesure si lourde de conséquences. Je vous
rappelle que 230 milliards de francs sont en jeu.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, le projet de loi
de financement de la sécurité sociale issu des travaux de l'Assemblée nationale
paraît à la commission des finances du Sénat devoir être rejeté.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, le débat sur la loi de financement de la sécurité sociale a
montré notre attachement collectif à notre système de protection sociale et
notre perception commune que sa pérennisation implique impérativement de
réduire son déficit chronique. Enfin, nous avons été unanimes dans
l'affirmation de l'importance de la famille comme structure de base de notre
société.
Certes, les débats ont fait apparaître des divergences profondes quant aux
moyens à mettre en oeuvre, mais nul ne peut douter, sauf à se livrer à des
manoeuvres politiciennes, de la sincérité des convictions ainsi affichées.
Le projet de loi élaboré par le Gouvernement est un projet ambitieux, qui
prépare l'avenir en tenant compte des difficultés présentes dues
essentiellement à la crise économique, de l'état actuel de notre système de
soins hospitaliers, ainsi que de la réalité des conditions de vie de la
majorité des familles.
Ce projet ambitieux allie la nécessité des réformes à entreprendre ou à
poursuivre à la volonté de développer la solidarité et la justice sociale.
Le premier objectif de ce projet de loi de financement est de réduire des deux
tiers le déficit initialement prévu pour le régime général en 1998.
Ce déficit a donc été fixé à 12 milliards de francs mais, pour que ce
redressement perdure, le Gouvernement souhaite modifier profondément le mode de
financement, dont chacun s'accorde, ici comme ailleurs, à dire qu'il est
aujourd'hui inadapté.
En effet, dans un contexte où la part des salaires dans la valeur ajoutée est
en diminution constante, il n'est plus possible de concentrer trop
exclusivement le financement de notre protection sociale sur les revenus
salariaux.
Dans un double souci d'efficacité et de justice sociale, le Gouvernement nous
a proposé d'élargir de façon pérenne la base du financement par un basculement
quasi intégral des cotisations maladie des actifs salariés et retraités vers la
CSG et de rééquilibrer les prélèvements entre les revenus du travail et les
revenus du capital.
Dans le même temps, ce basculement redistribuera environ 1,1 % de pouvoir
d'achat vers l'ensemble des salariés.
Cette réforme constitue une étape essentielle, mais, vous l'avez rappelé,
madame la ministre, la question de l'assiette des cotisations patronales reste
posée et fera l'objet de propositions dès la prochaine loi de financement.
Sur l'ensemble de ce premier volet déterminant pour l'avenir de notre système
social, la majorité sénatoriale s'est opposée au projet du Gouvernement.
Ce faisant, elle privait l'ensemble des salariés d'une augmentation de leur
pouvoir d'achat. Si elle avait été suivie par l'Assemblée nationale, cette
disposition aurait en effet eu des conséquences négatives sur la croissance et
sur l'emploi.
La maîtrise des dépenses constitue le deuxième axe de cette loi de
financement.
L'approche du Gouvernement n'a pas été seulement comptable : en fixant la
progression de l'ONDAM à 2,2 %, le Gouvernement a marqué qu'il était attentif
aux besoins de la population, soucieux d'assurer à tous l'accès à des soins de
qualité et décidé à améliorer l'efficience de notre système de santé.
Personne ne nie la nécessité de réformer l'hôpital, d'adapter ses activités et
ses missions aux nouveaux besoins et attentes de nos concitoyens.
Un encadrement draconien serait un frein à ces évolutions nécessaires. Chacun
a pu le mesurer au cours des dernières années, particulièrement l'an
dernier.
Il ne s'agit pas de dépenser plus pour un résultat identique. Il s'agit de
donner les moyens au secteur hospitalier et à la médecine de ville de s'adapter
aux réalités d'aujourd'hui. Cette évolution ne peut se décréter. Elle ne se
fera pas de façon technocratique ou autoritaire. Il y faudra le dialogue, la
concertation avec l'ensemble des professionnels concernés mais aussi avec les
élus et les usagers.
Il y faudra aussi de la pédagogie et de la persuasion, tant ce sujet est
sensible.
Ce deuxième volet n'a pas davantage trouvé grâce aux yeux de la majorité
sénatoriale, qui a souhaité réduire fortement la progression de l'ONDAM au
risque de retarder la mise en place d'une véritable et durable maîtrise des
dépenses de santé.
Le troisième pilier du dispositif gouvernemental concerne la branche famille,
dont le déficit s'est dangereusement accru ces dernières années du fait de
l'application, sans nouveau financement, de la loi famille de 1994.
Il faut à nouveau rappeler que, de 1993 à 1997, les prestations familiales ont
été insuffisamment augmentées, alors que, dans le même temps, des avantages
importants et injustifiés étaient concédés à la minorité des familles les plus
aisées.
Le Gouvernement a souhaité rééquilibrer les aides familiales en direction des
familles les plus modestes ou en difficulté. C'est pourquoi il a mis
immédiatement en place un plan qui a apporté plus de dix milliards de francs
aux familles ; il leur a ainsi assuré un rattrapage.
Dans un deuxième temps, il a souhaité que la branche famille revienne à
l'équilibre, en proposant le plafonnement des allocations familiales et en
limitant les aides à la garde des enfants à domicile.
Je ne reviendrai pas sur ce débat, tout ayant été dit lors de la discussion
consécutive à la déclaration du Gouvernement sur la politique familiale et lors
de l'examen, en première lecture, du projet de loi de financement de la
sécurité sociale.
Une fois encore, la majorité du Sénat s'est opposée violemment au projet
gouvernemental. Rejetant les dispositifs de plafonnement et de limitation, elle
n'a pas hésité, pour équilibrer le budget, à accroître la CSG de 0,1 % et à
grever d'autant le budget des familles qu'elle prétend défendre.
Dès lors, c'est un véritable contre-projet qu'elle a élaboré.
Au choix du Gouvernement de pérenniser et de renforcer notre système de
protection sociale, de marquer sa volonté de le faire évoluer vers plus
d'efficacité, d'introduire plus de solidarité dans la redistribution aux
familles, le Sénat a préféré l'immobilisme et ses risques et a défendu les
intérêts d'une minorité de familles. En agissant ainsi, il a oublié que nos
concitoyens ont, le 1er juin dernier, choisi le changement pour plus de
justice.
Dans ces conditions, l'économie globale ayant été détruite, il n'est pas
étonnant que l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, ait rétabli
l'essentiel du texte, sans reprendre, bien entendu, tout ou partie des
amendements du Sénat. C'est pourquoi la majorité sénatoriale propose
aujourd'hui une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité dont je
dirai quelques mots.
Au nom de la commission des affaires sociales, le président-rapporteur
conteste la procédure utilisée pour deux amendements présentés par le
Gouvernement, en séance, sans examen de la commission compétente.
Le premier concerne la suppression de la taxe de santé publique sur les
tabacs, suppression qui « aggraverait dans l'immédiat le déficit initialement
fixé à 12 milliards ». Il est vrai que les sénateurs ont montré, en première
lecture, leur ferme détermination à lutter contre le tabagisme et que leur
inquiétude paraît, dès lors, légitime.
En ce domaine, il apparaît cependant que la hausse des prix au public a des
effets très dissuasifs mais que la fixation d'une taxe n'aboutit pas
automatiquement au résultat escompté, les fabriquants se livrant sans vergogne
à une guerre des prix, ainsi que l'a rappelé M. Oudin.
C'est la raison pour laquelle, conformément à ce qu'il avait indiqué lors des
débats en première lecture, le Gouvernement a proposé un dispositif différent,
qui répond mieux aux objectifs de santé publique, en particulier à l'égard des
jeunes, objectifs que nous partageons tous et sur lequels nous serons
vigilants.
Le Gouvernement a d'ailleurs précisé que les mesures seraent prises en matière
de prix de vente.
Cet amendement n'a donc pas été présenté à la « sauvette » ; le moyen répond
bien à la volonté sénatoriale.
Cette disposition accroît-elle le déficit immédiat de la
sécurité sociale ?
Je ne le crois pas, puisque les prévisions de recettes provenant des impôts et
taxes affectées, qui ne sont pas individualisés, restent fixés comme dans le
projet initial, à savoir à 403 milliards de francs.
Simplement, la somme de 1,3 milliard de francs ou de 1,4 milliard de francs
proviendra de l'affectation non de la taxe de santé publique, mais d'une partie
plus grande du droit de consommation.
L'essentiel reste que la lutte contre le tabagisme soit effectivement
accrue.
Le second amendement est relatif à la non-revalorisation rétroactive de la
base mensuelle des allocations familiales.
Le Sénat s'en émeut, mais un peu tard ! Pourquoi n'a-t-il pas protesté au
moment où ces revalorisations auraient dû, selon la loi, intervenir ? A
l'époque, la majorité sénatoriale était pourtant en adéquation avec la majorité
gouvernementale en place et disposait sans conteste des moyens nécessaires pour
imposer ses vues. Le Sénat ne l'a pas fait. Il paraît quelque peu inconvenant,
aujourd'hui, qu'il s'indigne vertueusement, oubliant ainsi ses propres
responsabilités !
En réalité, l'opposition du Sénat au projet de loi de financement de la
sécurité sociale tient essentiellement à son opposition résolue à l'article 19,
qui prévoit la mise sous conditions de ressources des allocations
familiales.
La majorité sénatoriale déclare que c'est une question de principe. Sa
position, que l'on pourrait juger légitime, aurait eu plus de crédit si, dans
le même temps, elle ne s'était arc-boutée de toutes ses forces contrte la
limitation des avantages de l'AGED pour 30 000 familles aisées.
En cela, elle est surtout apparue comme défendant les intérêts d'une minorité
de privilégiés !
Dans la motion qui nous sera soumise tout à l'heure, seules les allocations
familiales sont évidemment visées, et on en revient au seul principe :
l'article 19 serait contraire à la Constitution.
Il remettrait « en cause le principe ancien et constant de l'universalité des
allocations familiales, selon lequel ces dernières constituent un droit attaché
à l'enfant, du seul fait de son existence, et que ce droit est identique pour
tous quels que soient les revenus de leurs parents ».
A l'appui de cette thèse, il est fait référence au préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946, à l'ordonnance de 1945, et à deux décrets-lois
des 12 novembre 1938 et du 29 juillet 1939.
J'ai relu ces deux derniers textes. C'est peu dire qu'ils ont beaucoup
vieilli.
En effet, le décret-loi de 1939 est un texte circonstanciel, motivé
exclusivement par une baisse exceptionnelle de la natalité.
Contrairement à ce qui est couramment affirmé, il n'instituait pas les
allocations familiales pour toutes les familles ; il les instituait pour les
seuls actifs, une prestation dite d'assistance étant prévue pour les inactifs
dépourvus de ressource. Le texte de l'époque précise bien : « les pères actifs
» et « les pères inactifs ».
Par ailleurs, pour des raisons exclusivement natalistes, ce texte supprimait
l'allocation familiale alors versée pour le premier enfant, disposition qui,
depuis, n'a jamais été rétablie.
Il faut rappeler aussi que la politique familiale définie par ce texte
comportait une série de mesures allant de la tutelle des enfants naturels à «
la répression des pratiques abortives, et plus généralement à la répression des
vices et la lutte contre les fléaux qui constituent autant de dangers pour
l'avenir de la race », toutes mesures qui ont heureusement été corrigées par
des lois plus récentes.
Cela relativise le caractère d'universalité, voire d'infaillibilité que l'on
veut accorder à ce texte.
Quant au préambule de la Constitution, il serait dommage, voire dangereux, de
le réduire au seul versement des allocations familiales. Ces dernières
d'ailleurs ne sont pas visées explicitement. Car, si tel était le cas, l'enfant
unique n'aurait pas dû être privé de ce droit. Le préambule a en réalité une
portée beaucoup plus large et, par là, beaucoup plus forte.
C'est la garantie par la nation qu'aucun enfant ne sera abandonné. C'est ainsi
qu'en cas de défaillance des parents, pour quelque raison que ce soit, la
nation se substitue à eux et prend totalement en charge l'enfant. C'est
l'affirmation que chaque enfant a droit à l'éducation, au logement, aux soins,
à la culture...
Peut-on affirmer aujourd'hui que tous les enfants ont également accès à tous
ces droits ?
En théorie, oui ! Mais nous savons bien que, dans les faits, les inégalités
subsistent en fonction notamment du niveau de ressources des parents. Nous ne
pouvons pas nous satisfaire de cette situation.
Il est indispensable de remettre en forme notre politique familiale pour aller
vers cet idéal fixé par notre Constitution.
Le Gouvernement s'y est engagé. Il s'est exprimé avec force sur ce sujet en
indiquant que la politique familiale relevait de toutes les politiques, y
compris la réduction du temps de travail et la fiscalité ou le développement
des modes de garde des enfants.
Sur ce point précis, je souhaite qu'un oubli soit réparé. Il s'agit des
crèches parentales, qui ne sont pas citées dans le rapport annexé au projet de
loi de financement.
Je vous demande en conséquence, madame la ministre, de préciser que ces
crèches parentales ne seront pas exclues de l'aide au développement des divers
modes d'accueil des enfants.
En conclusion, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, les
socialistes sont persuadés que le projet de loi de financement, tel qu'il a été
adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, va dans le bon sens et
qu'il prépare des réformes profondes pour lesquelles les socialistes seront
d'ailleurs à vos côtés.
Bien entendu, dans ces conditions, nous ne voterons par la motion tendant à
opposer l'exception d'irrecevabilité qui sera présentée dans quelques
instants.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, aujourd'hui, nous avons à discuter de nouveau du projet de loi
de financement de la sécurité sociale.
Lors de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, nos collègues sont
revenus, pour l'essentiel, au texte qu'ils avaient adopté en première lecture,
balayant ainsi le contre-projet de la droite sénatoriale. Nous avons échappé à
l'aggravation que représentait, pour la France, un plan Juppé
bis.
En effet, il est urgent de rompre avec une politique qui a méprisé les besoins
les plus criants.
L'actualité nous rappelle que des actions fortes doivent être menées pour
lutter, par exemple, contre le saturnisme ou l'amiante, pour ne citer que ces
fléaux qui n'étaient pas pris en compte jusqu'ici.
Plus globalement, il est nécessaire d'améliorer la santé publique dans le
domaine des soins comme de la prévention, et de réduire les inégalités. Le
Gouvernement affirme sa volonté de le faire. Pour ce qui nous concerne, pour
sûr, nous y travaillerons.
Pour asseoir son efficacité et réussir sa restructuration, notre système de
soins est en quête de moyens tant financiers que démocratiques. A la démarche
autoritaire et rigide des ordonnances du plan Juppé, qui ont véritablement
démantelé notre secteur hospitalier,...
M. Jean Chérioux.
C'est l'apocalypse que vous êtes en train de nous décrire !
Mme Nicole Borvo.
... et sur proposition du Gouvernement, les députés ont préféré consolider le
rôle de l'hôpital en s'appuyant sur des outils nouveaux, les SROS, mais aussi
en assurant à l'ONDAM une progression sensible.
Je dis tout de suite que nous la jugeons insuffisante eu égard aux énormes
difficultés accumulées. Le groupe communiste républicain et citoyen attend
beaucoup de la tenue des Etats généraux de la santé, à l'occasion desquels nous
estimons que tous les acteurs doivent se concerter et que doivent être arrêtées
des décisions importantes servant de base à l'élaboration de la prochaine loi
de financement, qui doit rompre avec les logiques antérieures.
Concernant le volet familles, fer de lance de votre bataille, messieurs de la
droite sénatoriale, je tiens à rappeler qu'en aucun cas vous ne pouvez vous
ériger comme leur défenseur privilégié. Permettez-moi d'insister sur le fait
que c'est vous qui, en décidant d'appliquer en 1991 le taux de 1,1 % de CSG à
la branche famille, avez parallèlement permis l'allégement des cotisations
patronales !
A notre sens, le problème du déficit de la branche famille réside
principalement dans son mode de financement. En réduisant la contribution
patronale de la branche famille, vous avez fini par remettre en cause les
principes mêmes de son fonctionnement.
N'est-ce pas M. Juppé qui, en mettant sous conditions de ressources
l'allocation pour jeune enfant, a ouvert cette voie dangereuse que vous
dénoncez aujourd'hui ?
N'avait-il pas l'intention d'aller au-delà, en fiscalisant les prestations
familiales ?
Sur la mise sous conditions de ressources des allocations familiales, notre
position n'a pas varié : nous y sommes hostiles. Grâce à l'attitude positive et
constructive du groupe communiste à l'Assemblée nationale, l'amendement
précisant que cette mise sous conditions de ressources était provisoire a pu
être adopté. Nous en prenons acte.
Cet apport non négligeable, combiné à vos engagements, madame la ministre, de
remettre à plat la politique familiale en 1998 et de ne pas étendre cette mise
sous conditions à d'autres prestations - notamment de santé - nous ont permis
d'avancer dans le débat.
De plus, ces garanties données nous permettent de penser que le versement
d'allocations familiales dès le premier enfant, appelé de nos voeux devant
cette assemblée, sera rapidement envisagé. Nous souhaitons, vous le savez, une
révision de l'assiette des cotisations patronales en fonction de la valeur
ajoutée et de la masse salariale.
J'espère que ces questions seront effectivement mises à plat pour 1998.
Enfin, pour en terminer avec les prestations familiales, j'entends faire le
point sur les insuffisantes revalorisations.
En effet, la loi impose une revalorisation de ces prestations alignée sur les
prix hors tabac.
A deux reprises, en 1993 et en 1995, le gouvernement Juppé est passé outre
cette obligation et a été, à ce titre, sanctionné par le Conseil d'Etat.
L'absence de revalorisation, ou la modération de celle-ci, a entraîné des
pertes considérables pour les familles, surtout pour celles qui étaient déjà en
difficulté. On estime à 6 milliards de francs le montant des arriérés, et à 1,8
milliard de francs le manque à gagner annuel.
Lors de la nouvelle lecture, sur proposition du Gouvernement, a été validée
par amendement la revalorisation rétroactive des allocations familiales pour
1995. Le coût de cette mesure s'élève à 550 millions de francs, mais le « coup
de pouce » consenti au titre de 1995 n'aura aucun impact sur le montant des
allocations des années suivantes, ni sur celles de l'année 1993. Cette mesure a
le désavantage d'effacer la dette de l'Etat. Ce n'est pas acceptable.
Nous souhaitons que ce rattrapage soit total. Certes, celui qui est proposé
par le Gouvernement a pour objet de tenter de remédier à la situation laissée
par la droite, mais le Gouvernement doit en tirer toutes les conséquences et ne
pas faire la même chose que la droite !
M. Jean Chérioux.
C'est pourtant ce qu'il fait !
Mme Nicole Borvo.
Vous êtes mal placé pour le critiquer ! Je vous dis qu'il ne doit pas faire la
même chose !
M. Guy Fischer.
Vous parlez trop vite, monsieur Chérioux ! On verra !
Mme Nicole Borvo.
Les prestations familiales doivent être revalorisées comme il se doit : c'est
justice, en particulier pour les familles populaires, qui sont favorables à une
reprise de la consommation.
S'agissant du financement de notre protection sociale, j'ai largement eu
l'occasion de l'affirmer devant vous : le groupe communiste républicain et
citoyen est très soucieux d'assurer un financement durable qui permet de
répondre à tous les besoins des Français.
A l'Assemblée nationale, le basculement permanent des cotisations sociales
vers la CSG a été rétabli, ce qui conduit à une fiscalisation de la sécurité
sociale et n'entraîne pas nécessairement un gain de pouvoir d'achat ; la
manifestation récente des retraités en témoigne. Nous continuons à dénoncer un
tel basculement.
Ces dernières années, les revenus des ménages, des retraités ont été
lourdement mis à contribution. Tous attendaient du Gouvernement des mesures
favorables ou plus équitables. Bien sûr, nous notons comme positive l'avancée
du Gouvernement qui tend à élargir l'assiette de la CSG à certains revenus
financiers. Toutefois, nous déplorons que le Gouvernement se soit arrêté en
chemin, excluant du champ d'application de la CSG les revenus financiers du
capital, les « vrais », c'est-à-dire ceux des entreprises, banques et
assurances. Tant que cette option ne sera pas choisie, aucun financement
suffisant et durable ne sera dégagé pour équilibrer le budget de la sécurité
sociale.
Les réserves que j'ai eu l'occasion de formuler tout au long de ce débat, et
que je continue de formuler, sur le projet en général, sur le financement de la
sécurité sociale en particulier, auraient conduit notre groupe à s'abstenir.
Elles n'ont toutefois strictement rien en commun avec les motivations
développées par la droite sénatoriale. Pour nous, le débat n'est pas clos ;
d'importants chantiers sont ouverts, auxquels nous entendons participer
positivement.
Quant à la droite, n'ayant obtenu satisfaction ni sur le volet familles ni sur
le financement, et encore moins sur les économies à réaliser sur les dépenses
de santé - qui constitue le fond de sa politique - elle s'abrite derrière
l'article 44, alinéa 2, pour opposer au texte du Gouvernement une exception
d'irrecevabilité. Cette attitude met fin à toute possibilité de débat alors que
les choix que nous devons faire sont cruciaux nous la condamnons. J'aurai
l'occasion plus tard d'expliquer pourquoi le groupe communiste républicain et
citoyen ne peut voter la motion présentée par la commission.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, permettez-moi, à l'occasion de cette discussion générale,
d'aborder un point plus particulier.
En effet, M. le président de la commission des affaires sociales vient de
dénoncer, à juste titre, l'archarnement de l'Assemblée nationale contre le
texte que nous avions voté et son refus de tout dialogue, même sur des points
de caractère plutôt technique.
C'est ainsi qu'elle a supprimé la disposition relative au régime d'assurance
vieillesse des ministres des cultes, que le Sénat avait insérée, sur mon
initiative, à l'article 13. Cela est très regrettable et se traduira, comme je
l'ai dit lors de la première lecture, par une très lourde augmentation des
charges des communautés religieuses à la suite de la très forte augmentation
des cotisations supportées par leurs membres. Et pourtant, lorsque la réforme
de la CAMAVIC, la caisse mutuelle d'assurance vieillesse des cultes, a été
négociée, il avait été prévu que celle-ci interviendrait conjointement avec
celle du régime d'assurance maladie des ministres des cultes géré par la CAMAC,
et dont le montant des cotisations est supérieur à celui du régime général.
Il est regrettable que l'Assemblée nationale n'ait pas accepté cette mesure,
qui était une simple mesure d'équité. Elle a en quelque sorte refusé le
dialogue, non pas le dialogue des carmélites
(Sourires),
mais avec les
ministres des cultes.
M. Claude Estier.
Excellent !
M. Jean Chérioux.
Il faut bien mettre de temps en temps un peu de gaieté dans nos débats,
monsieur Estier !
Je sais bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous aviez dit, lors du débat
en première lecture, que, d'après vous, les ministres des cultes étaient
d'accord sur le texte que vous soumettiez. Ce que je propose concerne plutôt,
je le répète, les communautés religieuses que les ministres des cultes
eux-mêmes. Je sais bien que vous vous intéressez plus, monsieur le secrétaire
d'Etat, au ministre des cultes qu'aux communautés religieuses, mais il est bon
de ne pas oublier ces communautés importantes, qui ont besoin de vivre.
C'est la raison pour laquelle il serait souhaitable que, à l'occasion d'une
dernière lecture, l'esprit inspire l'Assemblée nationale...
M. Claude Estier.
Le Saint-Esprit !
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
L'esprit avec un « E », n'est-ce-pas !
M. Jean Chérioux.
... et qu'elle revienne sur son refus de dialogue.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Exception d'irrecevabilité
M. le président.
Je suis saisi par M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales,
d'une motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
« Considérant qu'en première lecture, le Sénat a profondément modifié le
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 selon trois
orientations principales : sauvegarder la politique familiale, contenir
l'aggravation des prélèvements sociaux et rétablir un véritable objectif de
maîtrise des dépenses d'assurance maladie opposable à tous et d'économies de
gestion ;
« Considérant que l'Assemblée nationale a adopté, en nouvelle lecture, deux
amendements d'une exceptionnelle importance, l'un et l'autre pourtant déposés
en séance par le Gouvernement, sans examen préalable de la commission
compétente ; le premier supprime la taxe de santé publique sur les tabacs et
aggrave ainsi dans l'immédiat le déficit de la sécurité sociale de 1,4 milliard
de francs ; le second porte validation de la base mensuelle des prestations
familiales pour 1996, justifie ainsi
a posteriori
l'évolution des
prestations familiales, telle que le Gouvernement l'a arrêtée en 1998 dans son
projet de loi initial mais conduit à s'interroger sur les conditions dans
lesquelles le Parlement a débattu de l'équilibre de la sécurité sociale en
première lecture ;
« Considérant que pour les autres dispositions du projet de loi l'Assemblée
nationale est revenue pour l'essentiel au texte adopté par elle en première
lecture ;
« Considérant qu'elle a notamment rétabli, à l'article 19 du projet de loi, la
mise sous condition de ressources des allocations familiales, supprimant ainsi
le droit à ces prestations pour les très nombreuses familles dont les
ressources dépassent un plafond fixé par voie réglementaire ;
« Considérant que cette disposition a fait l'objet d'une opposition unanime
des organisations familiales, patronales et syndicales au sein du conseil
d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales au motif qu'il
était grave pour l'avenir de la famille et l'avenir de nos systèmes de
protection sociale qu'une partie des familles n'ait droit à aucune
reconnaissance de la collectivité et aucun retour de son effort contributif,
que d'autres déficits ou d'autres contraintes externes pourraient justifier
demain de mêmes mesures dans les autres branches de la sécurité sociale créant
les conditions d'une contestation de fond de tous nos mécanismes de solidarité
;
« Considérant que cet article remet en cause le principe ancien et constant de
l'universalité des allocations familiales, selon lequel ces dernières
constituent un droit attaché à l'enfant, du seul fait de son existence, et que
ce droit est identique pour tous les enfants, quels que soient les revenus de
leurs parents ; que ce principe, affirmé à maintes reprises, notamment dans le
décret-loi du 12 novembre 1938 sur les allocations familiales, le décret-loi du
29 juillet 1939 relatif à la famille et à la natalité françaises et
l'ordonnance du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale et
jamais démenti depuis lors, s'est agrégé à la tradition juridique et constitue
comme tel un principe fondamental reconnu par les lois de la République ;
« Considérant, en outre, qu'en privant certaines familles et donc certains
enfants des allocations familiales, qui constituent à la fois un des
instruments par lesquels la Nation assure à toutes les familles les conditions
nécessaires à leur développement ainsi qu'un des moyens de la sécurité
matérielle garantie à tous les enfants, l'article 19 méconnaît les droits de
l'enfant et de la famille tels qu'ils sont proclamés par le Préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946, lequel affirme, dans son dixième alinéa, que
"La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires
à leur développement" et, dans son onzième alinéa, qu'elle "garantit
à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la
protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs"
;
« Considérant pour ces deux raisons, que l'article 19 du projet de loi est
contraire à la Constitution, dès lors, de surcroît, que sa portée effective
sera déterminée par voie réglementaire ;
« Considérant que le rapport, annexé à l'article premier du projet de loi,
relatif aux objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre
financier de la sécurité sociale pour l'année 1998 précise que "le
Gouvernement entend (...) prendre les mesures qui permettent un équilibre
financier durable... (qu'il) entend faire un effort net supérieur à 20
milliards de francs à travers des économies et des recettes nouvelles"
;
« Considérant qu'une part substantielle de cet "effort" repose
précisément sur l' "économie" attendue de la mise sous condition de
ressources des allocations familiales évaluée, par le Gouvernement lui-même, à
4 milliards de francs ;
« Considérant, sans qu'il soit besoin d'aborder, du point de vue de leur
conformité à la Constitution, les autres articles du projet de loi, que cette
seule disposition constitue un élément essentiel déterminant les conditions
générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale soumis au Parlement
et est, à ce titre, indissociable de l'ensemble du projet de loi ;
« Le Sénat, en application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, déclare
irrecevable le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998
adopté, avec modifications, par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture (108,
1997-1998). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative
ou son représentant pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire pour
quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond
et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée
n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
semaine dernière, en examinant le texte qui revenait de l'Assemblée nationale,
la commission des affaires sociales a adopté une motion tendant à opposer
l'exception d'irrecevabilité au présent projet de loi.
Cette motion s'explique par son texte même, les considérants en explicitant
clairement l'objet. C'est pourquoi je la défendrai très brièvement.
La mise sous conditions de ressources des allocations familiales ne nous
semble pas seulement une décision néfaste pour l'intérêt de notre pays, le
devenir de notre politique familiale et l'évolution de notre système de
prestations sociales, elle est, pour nous, contraire aux principes fondamentaux
reconnus par les lois de la République et au préambule de la Constitution de
1946, qui sont agrégés à notre bloc de constitutionnalité.
Cette motion d'irrecevabilité n'est pas une surprise. Le président de la
commission des lois, notre excellent collègue Jacques Larché, a développé un
point de vue identique et tout à fait autorisé lors du débat sur la famille qui
s'est déroulé en votre présence, madame la ministre, au début du mois de
novembre dernier.
Cette motion annonce le recours qui sera déposé par les groupes de la majorité
sénatoriale à l'encontre du projet de loi de financement de la sécurité
sociale.
D'autres moyens seront naturellement développés dans ce recours, comme dans
celui que nos collègues députés ont d'ores et déjà annoncé, mais l'atteinte
portée à la famille et à l'enfant à travers la mise sous conditions de
ressources des allocations familiales suffit, pour nous, à entacher
d'irrecevabilité l'ensemble de la loi et à justifier la présente motion, que je
vous demande, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires
sociales, de bien vouloir adopter.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, dans la mesure où l'un des considérants de cette motion tendant à
opposer l'exception d'irrecevabilité porte sur la taxe de santé publique sur le
tabac, je voudrais préciser certains éléments qui figureront dans un amendement
que le Gouvernement va déposer, je le répète, au projet de loi de finances pour
1998.
Cet amendement tend, dans l'article 49 de la loi de finances pour 1997, à
remplacer le pourcentage « 6,39 % » par le pourcentage « 9,1 % ». Nous avons
dit à M. Fourcade qu'il conviendra d'en tirer les conséquences dans le projet
de loi de financement de la sécurité sociale en y faisant figurer les chiffres
que je vais brièvement vous énumérer.
Sans ces précisions, le Gouvernement pourrait justement être accusé de ne pas
faire assez pour la santé publique.
Le paquet de cigarettes brunes, qui coûte en moyenne 12,90 francs passerait,
après la réforme fiscale proposée, à 13,90 francs, soit une augmentation de 8 %
; la cigarette blonde la moins chère passerait de 14,30 francs à 16,70 francs,
soit une progression de 17 % ; la cigarette blonde dite à prix intermédiaire
passerait de 17,50 francs à 18,40 francs, soit une augmentation de 6 % ; la
cigarette blonde haut de gamme passerait de 19,30 francs à 19,40 francs, soit 1
% d'augmentation.
J'en arrive aux minima de perception. Ces minima sont actuellement de 380
francs pour les cigarettes brunes et passeront à 400 francs ; ils
enregistreront donc une hausse de 5 %. Pour ce qui est des cigarettes blondes,
les minima de perception passeront de 380 à 500 francs, soit une augmentation
de 32 %.
Quant au tabac à rouler, lequel est l'objet de toutes vos préoccupations,
mesdames, messieurs les sénateurs, et des nôtres d'ailleurs, les minima de
perception passeront de 150 francs à 230 francs, soit une augmentation de 53
%.
Par conséquent, compte tenu du fait que nous maintenons l'augmentation de 20
millions de francs à 50 millions de francs de la somme que nous mettons à la
disposition de la lutte antitabagisme, puisque nous sommes vraiment d'accord
sur le fond, je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, que cet argument n'a
plus de fondement.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mesdames, messieurs les
sénateurs, tout d'abord, je souhaiterais répondre à M. Fourcade et à Mme Borvo
concernant la validation de la base mensuelle des allocations familiales de
1996. Je voudrais vous rappeler le contexte dans lequel cette validation a eu
lieu.
La majorité précédente, comme vous le savez, n'a pas appliqué, en décembre
1994, les dispositions de la loi qu'elle avait fait adopter cinq mois plus tôt,
le 25 juillet 1994, concernant les règles de revalorisation de la base
mensuelle des allocations familiales.
Le Conseil d'Etat a donc été amené à annuler, en mars 1997, la décision de
décembre 1994. Or, la précédente majorité n'a pris aucune disposition technique
conservatoire pour assurer l'exécution de cette décision de justice.
Le Gouvernement a pris immédiatement, dès juin 1997, les dispositions
conservatoires nécessaires sur le plan technique puisque j'ai été conduite à
demander à la CNAF de garantir les listes des personnes recevant ces
allocations familiales, listes qui sont détruites chaque année au mois de juin,
pour que nous puissions effectivement leur reverser ce à quoi elles ont droit.
Ce faisant, nous appliquons, dans les limites exactes de la chose jugée, la
décision du Conseil d'Etat.
L'opposition actuelle est donc, je crois, assez mal fondée à reprocher au
Gouvernement de se prémunir maintenant pour l'avenir contre de nouveaux
contentieux aux enjeux financiers très lourds et dont l'origine exclusive
réside dans l'inconséquence de la décision qui a été prise en 1994.
Nous donnons aux Français ce à quoi ils ont droit, c'est-à-dire des
allocations familiales dûment revalorisées, en application de la décision du
Conseil d'Etat, mais nous nous garantissons pour l'avenir pour éviter de
nouvelles difficultés.
Sur la forme, il me semble un peu étonnant que l'on nous reproche aujourd'hui
un manque de sincérité du projet de loi de financement de la sécurité sociale,
alors que, l'année dernière, le contentieux étant en cours sur le projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 1997, rien n'avait été prévu pour
cette revalorisation qui, pourtant, était inéluctable puisque les règles de la
loi n'avaient pas été respectées.
Je reviens quelques instants sur la politique familiale.
Il est vrai que le préambule de la Constitution dit très clairement que la
nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur
développement et qu'elle garantit à tous, notamment à l'enfant, la protection,
la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs.
Au demeurant, rien, dans ces notions, n'interdit une modulation en fonction
des ressources. La nation intervient pour offrir des garanties, mais elle n'est
pas, aux termes du préambule, obligée d'intervenir lorsque les ressources des
parents sont suffisantes. D'ailleurs, le principe d'universalité des
allocations familiales n'est pas un principe fondateur de la politique
familiale. Je dois rappeler que, en 1945, le versement était subordonné à
l'exercice d'une activité professionnelle et que son montant variait en
fonction de la zone géographique, ainsi que Mme Derycke l'a rappelé. Le critère
géographique a été abrogé en 1972, mais l'obligation d'exercer une activité
professionnelle est demeurée jusqu'en 1978. Il n'y a donc pas, dans le principe
de base historique fondateur de notre politique familiale, de principe
d'universalité.
Vous le savez, nous en avons déjà beaucoup parlé, 40 % des prestations
familiales sont d'ores et déjà versées sous conditions de ressources. Je ne
crois pas que ce soit contraire à la Constitution. Le Conseil constitutionnel
estime en effet que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le
législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il
déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et
l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec
l'objet de la loi qui l'établit.
La mise sous conditions de ressources des allocations familiales est bâtie sur
des critères objectifs et rationnels : le niveau de revenu, le nombre
d'enfants, la mono-activité ou la bi-activité, la mono-parentalité. Nous sommes
effectivement dans la ligne de cette jurisprudence.
J'ajouterai que nous ne sommes pas les seuls à prendre ce type de décision,
puisque, sans que cela entraîne les mêmes polémiques qu'en France, l'Espagne,
en 1991, puis la Grèce et l'Italie en 1995, le Portugal en 1996 ont été amenés
à mettre sous plafond les allocations familiales. La raison en a été dans
chaque cas identique : les prestations doivent être versées à ceux qui en ont
le plus besoin. Là aussi, notre politique va dans le sens de ce qui se fait
dans d'autres pays.
Madame Derycke, les crèches parentales sont bien évidemment l'un des modes de
garde des enfants qui doivent être développés et aidés. Ils seront l'un des
éléments de la réflexion globale que nous entendons mener sur les modes de
garde des enfants.
Madame Borvo, le versement des allocations familiales pour le premier enfant,
pour les personnes les plus en difficulté, sera également à étudier au cours de
cette réflexion.
J'en terminerai en indiquant à M. Chérioux que, depuis qu'il m'a interrogée,
nous examinons le problème des communautés religieuses. Comme je vous l'avais
dit, j'ai été saisie du problème par l'évêque de Lille, qui a présidé le groupe
de travail mené par l'Eglise. Nous avons repris intégralement les conclusions
de ce dernier - ce dont l'évêque m'a félicitée directement. J'ai donc été
quelque peu étonnée de ses réactions mais, puisque vous m'avez soumis ce
dossier, nous l'analyserons, et j'espère que nous trouverons une solution dans
les meilleurs délais.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception
d'irrecevabilité.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne peuvent
s'inscrire, je le répète, dans la logique de la motion tendant à opposer
l'exception d'irrecevabilité présentée par la majorité sénatoriale.
Notre attitude est sans équivoque. Comme nous l'avons indiqué tout au long des
débats relatifs à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, même
si des engagements ont été pris par le Gouvernement pour accentuer, à l'avenir,
une inflexion vers plus de moyens pour la sécurité, vers une gestion plus
humaine et moins financière de la sécurité sociale, le projet actuel ne nous
donne pas entièrement satisfaction. C'est la raison pour laquelle, à
l'Assemblée nationale, les députés communistes se sont abstenus sur ce
texte.
M. Philippe de Gaulle.
Et voilà !
Mme Nicole Borvo.
Pour autant, les manoeuvres de la droite, majoritaire dans notre assemblée, ne
nous trompent pas. Bien entendu, nous ne sommes pas insensibles au rappel du
principe, que nous estimons intangible, de l'universalité des allocations
familiales.
Mais tout de même, comment oublier les années de restrictions, d'austérité en
matière d'aides sociales et familiales ?
Comment oublier que c'est la majorité sénatoriale qui a joué un grand rôle
dans la précipitation de l'adoption du plan Juppé au Parlement en décembre
1992, avec les suites que l'on connaît ?
Pour conclure, nous n'approuvons pas le projet de loi, mais nous ne
souscrirons pas non plus aux gesticulations hypocrites d'une droite sénatoriale
qui a systématiquement approuvé, ces dernières années, la réduction drastique
des moyens affectés à la protecion sociale.
Par conséquent, nous voterons contre l'artifice de procédure de la majorité
sénatoriale, qui masque mal sa volonté d'aller plus loin encore dans la
réduction des dépenses de santé et de protection sociale et nous voterons donc
contre cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
M. Louis Boyer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Louis Boyer.
M. Louis Boyer.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, au terme de ce débat sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1998, force est de constater que la cohérence du texte
voté par notre assemblée a totalement échappé à la majorité de l'Assemblée
nationale. Cette dernière a préféré s'en tenir à des positions dogmatiques,
détachées de la réalité et des préoccupations de la population.
La pratique démontre ainsi combien sur ce sujet, malgré un objectif commun -
la sauvegarde de notre système de protection sociale - les méthodes sont
radicalement opposées.
Mais l'heure n'est plus au débat d'idées ou au constat simplement résigné des
divergences entre nos deux cultures politiques.
Dans un contexte de grave péril pour notre système de protection sociale, nous
devons nous prononcer aujourd'hui non pas sur la construction d'un équilibre
financier, mais sur la destruction d'un autre équilibre, bien plus précieux,
celui des relations entre la société et la famille.
Votre projet de loi, madame le ministre, tend à supprimer les droits
constitutionnellement reconnus et à aggraver les prélèvements pour réduire le
déficit.
Choisir la voie de la majoration des prélèvements, c'est oublier un peu vite
que notre pays est déjà le champion d'Europe des impositions.
L'augmentation de la CSG aboutit à une rupture caractérisée de l'égalité de
citoyens devant les charges publiques.
Le basculement aggrave les prélèvements pour une grande partie de la
population : les retraités, notamment de l'artisanat ; les non-salariés dont le
revenu est supérieur à 165 000 francs par an - leur nombre excède les 20 %,
contrairement à votre évaluation, madame le ministre - ; les quatre millions de
fonctionnaires dont les primes, représentant jusqu'au quart de leur traitement
de base, vont basculer dans l'assiette de la CSG ; enfin, le million de
salariés des régimes spéciaux dont les cotisations sont inférieures à
l'augmentation de la CSG.
Dans ce sombre tableau, on pourrait voir une éclaircie avec l'augmentation du
pouvoir d'achat d'une partie des salariés. Cependant, la taxation de l'épargne
est à ce point aggravée que l'on retire d'une main ce que l'on a donné de
l'autre.
Les libéraux que nous sommes pensent, au contraire, qu'il faut rétablir une
véritable maîtrise des dépenses dans le domaine de l'assurance maladie. Le
texte voté par notre Haute Assemblée fixait les moyens pour parvenir
précisément à cet objectif. Ils n'ont pas été retenus.
Couplé avec la réduction d'impôt pour les emplois familiaux, la diminution de
l'AGED est également facteur de destruction d'emplois, de développement du
travail au noir et de bouleversements des rythmes familiaux.
Ces mesures priveront de travail des milliers de personnes sans qualification
qui avaient accédé à un emploi et, bien plus, à une reconnaissance sociale, à
la dignité.
Pourquoi, dès lors, madame le ministre, revenir sur ces piliers de la
politique familiale grâce auxquels notre société a évolué et notre démographie
a acquis un dynamisme que nos voisins européens nous envient ?
Ces principes ne supportent pas de dérogations, même transitoires, en
attendant une remise à plat complète de la politique familiale, que vous
entreprendriez l'an prochain.
En supprimant les allocations familiales - c'est bien d'une suppression dont
il s'agit pour 300 000 familles - le Gouvernement vient de dénoncer un contrat
qui liait l'Etat et l'ensemble des familles de France depuis plus de cinquante
ans. Cette mesure confond politique familiale et justice sociale, et bafoue les
principes constitutionnels.
Puisque les tentatives de dialogue constructif ont échoué, le groupe des
Républicains et Indépendants considère que le Sénat doit s'opposer à ce projet
de loi qui menace des droits fondamentaux.
Aussi fera-t-il siennes les conclusions de la commission des affaires sociales
et votera-t-il la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Madame le ministre, votre majorité s'était violemment opposée à l'examen par
le Parlement, au travers de la loi de financement de la sécurité sociale, des
comptes de la protection sociale, qui représentent cependant plus de 1 700
milliards de francs, soit bien plus que le budget de l'Etat lui-même.
Ce débat est légitime et essentiel, et notre groupe souhaiterait y réaffirmer
son attachement. Aussi, comment ne pas regretter les conditions dans lesquelles
il s'est déroulé ?
En effet, ce projet de loi n'est ni sincère ni réaliste, et il ne comporte
aucune vision d'avenir.
Il n'est pas sincère, car il a été impossible à la commission des affaires
sociales d'obtenir des précisions sur certaines mesures, telles que le
basculement brutal des cotisations sociales sur la CSG. Un basculement
progressif aurait été plus efficace et ses effets plus faciles à gérer.
Il n'est pas sincère, puisque le peu d'informations transmises est en totale
contradiction avec celles qui nous sont parvenues des non-salariés, notamment
des artisans, qui subiront une large perte de leur pouvoir d'achat à partir
d'un seuil de revenus largement inférieur à celui que vous avez avancé.
Il n'est pas sincère, parce que le déficit sera certainement plus important
que prévu en 1998, car vous surestimez les recettes et sous-estimez les
dépenses.
En 1997, le taux d'évolution de la masse salariale s'établissait à 3,3 points,
ce qui était optimiste. Or vous prévoyez une augmentation de 4 points en 1998.
Ce n'est pas en voulant imposer les 35 heures aux entreprises que vous allez
améliorer les choses ! Madame le ministre, samedi matin, deux entreprises
étrangères qui travaillent dans mon parc d'activités m'ont informé qu'elles
voulaient le quitter à cause de ces 35 heures !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je ne vois pas le rapport !
M. Alain Gournac.
Le projet de loi n'est pas réaliste, car de nouvelles taxes sont créées, qui
ne rapporteront pas à l'Etat autant de recettes que vous l'escomptez : elles
feront disparaître, en effet, l'assiette imposable. Il en est ainsi pour la
taxe instituée sur les ventes directes des laboratoires. En outre, cela aura un
coût en matière d'emplois pour les dépositaires des fabricants.
Il n'est pas réaliste non plus en prévoyant des objectifs de vente qui ne
permettront pas de mobiliser les acteurs du secteur vers la maîtrise des
dépenses de santé.
Il n'est pas réaliste, car il n'utilise pas les outils créés par la réforme
Juppé pour réduire le gaspillage et accroître la qualité des soins,
c'est-à-dire pour dispenser le juste soin. En outre, pour l'hôpital, il aurait
été nécessaire de s'engager vigoureusement dans la correction des inégalités
géographiques.
Il n'est pas réaliste car, au moment où le reste du monde réalise des
économies, le Gouvernement français augmente les prélèvements, matraque les
petits épargnants, prenant ainsi le risque d'entraîner une délocalisation de
l'épargne.
En outre, en taxant l'épargne, vous allez retirer d'une main le pouvoir
d'achat que vous donnez de l'autre.
Enfin, ce projet de loi ne comporte aucune vision d'avenir, car il n'aborde
pas le problème des retraites et refuse l'excellente initiative de M. Descours,
rapporteur, qui souhaitait que le Gouvernement entame une réflexion sur le
problème des régimes spéciaux.
En refusant d'ouvrir les dossiers, madame le ministre, vous prenez le risque
considérable d'aggraver la situation.
Quant à votre vision d'avenir de la politique familiale, je ne reprendrai pas
l'explication claire et exhaustive de mon collègue Charles Descours, que
j'approuve totalement. Je dirai simplement qu'il n'est pas de mots assez durs
pour qualifier ce que vous êtes en train de faire, au nom d'une prétendue
solidarité que l'on cherche encore dans vos actes.
Il est vrai que vous nous proposez une mise à plat de la politique familiale
l'année prochaine. N'aurait-il pas fallu réfléchir et ouvrir le dialogue avant
d'agir ? Les résultats sont souvent meilleurs !
En conclusion, vous n'avez rien voulu retenir du travail effectué par le
Sénat, qui m'apparaissait riche et de qualité. Vous confirmez des mesures
iniques et contraires à la Constitution.
Vous comprendrez donc que le groupe du Rassemblement pour la République ne
peut accepter votre projet de loi et vote à l'unanimité la motion tendant à
opposer l'exception d'irrecevabilité.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Claude Estier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Mme Derycke a expliqué les raisons pour lesquelles le groupe socialiste votera
contre la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
J'indiquerai simplement que je regrette qu'un débat aussi important se termine
par une motion de procédure, qui nous paraît d'ailleurs totalement infondée. En
effet, comme l'a expliqué tout à l'heure madame le ministre, on ne voit pas
quelles dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui
nous est proposé seraient contraires à la Constitution.
M. Michel Souplet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Souplet.
M. Michel Souplet.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, afin d'éviter des redites, intervenant après mes collègues des
autres groupes, j'indiquerai simplement que la commission a réalisé un travail
très important sur ce texte. Elle y a apporté des corrections fondamentales
qui, comme d'habitude, n'ont pas été retenues.
Le groupe de l'Union centriste, s'en tenant à la position adoptée par ses
représentants au sein de la commission des affaires sociales, et écoeuré par la
façon dont il a été traité, votera cette motion tendant à opposer l'exception
d'irrecevabilité.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des voix.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
30:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 217 |
Contre | 98 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi est rejeté.
3
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. Jacques Habert.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
En application de l'article 44, alinéa 8, du règlement, la réunion
administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe n'a pas pu
s'exprimer à l'occasion du vote de la motion tendant à opposer l'exception
d'irrecevabilité.
Bien évidemment, comme je l'ai déjà fait remarquer, la sévérité particulière
du règlement à notre égard à l'occasion d'un tel vote nous semble tout à fait
anormale. Nous souhaiterions faire partie des groupes ou des formations de
cette assemblée qui peuvent s'exprimer à l'occasion d'un tel scrutin.
M. le président.
Monsieur Habert, vous avez constaté, comme moi, l'impossibilité dans laquelle
je me trouvais de vous donner la parole pour explication de vote. Cela dit, je
transmettrai, bien entendu, votre demande au bureau du Sénat.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre maintenant nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à quinze heures, sous
la présidence de M. René Monory).
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président. La séance est reprise.
4
LOI DE FINANCES POUR 1998
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté
par l'Assemblée nationale.
Emploi et solidarité
I. - EMPLOI
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'emploi et
la solidarité : I. - Emploi.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Marini,
en remplacement de M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je vais donc,
au nom de la commission des finances et en remplacement de notre collègue M.
Emmanuel Hamel, présenter ce projet de budget de l'emploi et formuler quelques
interrogations.
Je dirai tout d'abord quelques mots du contexte de ce projet de budget pour
l'emploi. Les dernières statistiques sont tombées voilà quelques jours, madame
le ministre. Le taux de chômage s'établit, dans notre pays, à 12,5 % et la
tendance, si elle semble s'améliorer pour les plus jeunes, devient de plus en
plus préoccupante pour certaines catégories de chômeurs, notamment pour les
plus âgés ou pour ceux qui sont le plus longtemps dans cette situation.
Par ailleurs, nous savons, pour élargir un peu la perspective, que de 1973 à
1996, c'est-à-dire sur un peu plus de vingt ans, notre économie a compté 4
millions d'actifs supplémentaires alors que 900 000 emplois seulement ont été
créés. Nous connaissons durablement des inadaptations structurelles de notre
marché du travail et tous les gouvernements sont aux prises avec cette
réalité.
Pour 1998, le projet de loi de finances a été établi à partir d'un certain
nombre d'hypothèses économiques, notamment une croissance de 3 % du produit
intérieur brut, croissance que l'on espère plus riche en emplois. Par ailleurs,
nous connaissons les options de l'actuel gouvernement, qui se traduisent par le
dispositif des emplois-jeunes, dont il a été longuement question dans cette
Assemblée, et par un freinage des allègements sur les bas salaires. C'est donc
dans ce contexte, madame le ministre, que nous examinons vos crédits.
Tout d'abord, les crédits consacrés au service public de l'emploi s'élèvent à
13,5 milliards de francs et représentent moins de 10 % du total de votre
budget. Leur progression paraît raisonnable. La subvention de fonctionnement
concernant l'ANPE est stable. Dans le cadre de cette stabilité, et en veillant
à améliorer sa gestion et le bon usage des deniers publics, l'ANPE va devoir
faire face à des missions sans cesse plus complexes.
Sur le fond des choses, je voudrais m'attarder sur un certain nombre de
rubriques : la formation et l'adaptation des salariés, l'aide au départ et
l'indemnisation, les publics prioritaires, soit les jeunes et les différentes
catégories de demandeurs d'emplois, enfin, l'allègement du coût du travail.
J'examinerai d'abord la formation et l'adaptation des salariés. En ce domaine,
notre système franco-français paraît bien complexe. Depuis 1983, la formation
est décentralisée mais l'Etat continue d'intervenir, pour près de 2 milliards
de francs.
Cela me conduit à poser quelques questions.
Tout d'abord, en ce qui concerne la politique contractuelle avec les
entreprises, madame le ministre, quel bilan peut-on faire, quel avenir
envisagez-vous pour cette politique contractuelle et quelle articulation
imaginez-vous avec les négociations qu'entreprendront, aux divers échelons, les
partenaires sociaux ?
M. Guy Fischer.
Demandez à M. Seillière !
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Par ailleurs, s'agissant de l'articulation des
compétences entre l'Etat et les régions, domaine bien complexe et bien confus
pour les demandeurs d'emplois et pour les usagers du système de formation,
quelles appréciations portez-vous et quelles sont vos options en vue de
clarifier un tel domaine ?
En ce qui concerne la formation et la conversion, j'observe une progression
significative. En effet, les crédits s'établissent globalement à 5 milliards de
francs, soit une augmentation de 6,5 %.
Là aussi, je souhaite poser des questions.
Tout d'abord, pour ce qui est des conventions de conversion dont le coût
budgétaire s'alourdirait de plus de 11 %, et comme je n'ai pas très bien
compris, je souhaiterais savoir quelles sont les prévisions, notamment en
matière de licenciements économiques, qui sous-tendent une telle évaluation.
La loi de Robien, dont le coût budgétaire s'établirait à 2,1 milliards de
francs en 1998, semble avoir eu des effets très positifs sur l'emploi et sur la
négociation sociale dans de nombreuses entreprises. Comment voyez-vous la
coexistence entre ce mécanisme et le dispositif légal qui est en cours de
finalisation et qui vise à réduire autoritairement le temps de travail dans de
nombreuses entreprises, celles dont les effectifs se situeraient au-delà d'un
certain seuil ? A l'égard de ce dernier, quelques différences se sont
d'ailleurs exprimées au sein de votre majorité plurielle.
Quittant la formation et l'adaptation des salariés pour aborder l'aide au
départ et l'indemnisation, je voudrais tout d'abord évoquer les préretraites.
Bien que diminuant de plus de 15 %, cette rubrique n'en représente pas moins
11,4 milliards de francs. La comparaison de ce chiffre avec l'exécution de
1997, qui a fait apparaître une annulation de plus de 1 milliard de francs, me
conduit à vous demander quelles sont les hypothèses économiques qui
sous-tendent le chiffre que vous avez retenu et quelle relation vous faites
entre ce budget et la réforme de 1994 en ce domaine.
S'agissant des dépenses d'indemnisation, je relève que la retraite à soixante
ans continue de coûter à l'Etat des sommes importantes : plus de 700 millions
de francs en 1998. Je relève aussi que les ressources affectées au Fonds de
solidarité représentent plus 8 milliards de francs, soit une augmentation de 7
%. Sur ces deux sujets, je souhaiterais que vous nous apportiez, sinon
immédiatement, du moins au cours du débat, quelques éléments globaux concernant
le coût pour l'Etat de l'abaissement de l'âge de la retraite à soixante ans et
quelques précisions sur la revalorisation annoncée de l'allocation de
solidarité spécifique.
Je passe à présent aux publics prioritaires, c'est-à-dire à l'aspect le plus
important de votre budget puisqu'il mobilise près de 70 milliards de francs sur
155 milliards de francs au total. Au premier rang de ces publics prioritaires
se trouvent, bien sûr, les jeunes, auxquels seraient consacrés 25,6 milliards
de francs.
La première question concerne la formation décentralisée, qui apparaît pour un
montant de 4,4 milliards de francs. A-t-on une idée précise de la manière dont
s'articulent les compétences avec les régions et quelles sont vos options en ce
domaine ?
S'agissant de la formation en alternance, les chiffres dont je dispose
montrent une diminution de 30 000 entrées en contrat de qualification, ce qui,
pour moi, est un signe négatif, et une augmentation de 20 000 entrées en
apprentissage, ce qui traduit les effets positifs de la loi que nous avons
votée en 1996.
Toutefois, se pose le problème de la ponction de 500 millions de francs
effectuée sur les fonds consacrés à la formation en alternance, qui vient après
un prélèvement de 1,4 milliard de francs en 1997. Où en est la situation
financière de ces fonds mutualisés au sein de l'Association de gestion du fonds
des formations en alternance, l'AGEFAL ?
J'évoquerai brièvement les emplois-jeunes pour rappeler les inquiétudes qu'ils
nous inspirent, inquiétudes liées à la compétition avec de vrais emplois de
fonctionnaire, d'une part, avec de vrais emplois dans les entreprises, d'autre
part.
Les hypothèses sur lesquelles travaillent les préfets me semblent très
volontaristes, et l'on aura sans doute bien de la peine à situer des activités
émergentes sur des métiers nouveaux pour atteindre les objectifs quantifiés qui
semblent être assignés aux préfets en vue de la mise en oeuvre de la loi.
Passant des jeunes aux demandeurs d'emploi, je signale que l'Association
nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, voit ses
crédits simplement maintenus en francs courants.
Quelle est, madame le ministre, votre opinion en ce qui concerne l'évolution
du statut de l'AFPA. Cette dernière doit-elle rester une association ? N'est-il
pas préférable de la transformer en établissement public ? Dans cette
hypothèse, quelles seraient les options retenues pour le statut de ses
personnels ?
Les crédits de l'allocation formation-reclassement augmentent de 10 %. L'Etat
doit-il continuer à financer 40 % d'un tel dispositif, alors que l'UNEDIC
dégage des excédents financiers ? Se pose aussi le problème de l'efficacité,
voire de l'utilité, du dispositif en termes de reclassement et d'insertion
professionnels, comme il se pose pour les stages pour chômeurs de longue durée,
dont la note augmente de 17 % à 3,8 milliards de francs.
Enfin, j'aurais souhaité également obtenir quelques précisions sur les
contrats initiative-emploi, toujours au regard de l'insertion professionnelle
réelle.
Je termine, madame le ministre, en évoquant l'allégement des coûts du
travail.
Cet allégement des coûts du travail se situe pour l'essentiel, budgétairement
parlant, au budget des charges communes. Ce n'est pas très normal, car il
s'agit bien de mesures relevant de la politique de l'emploi. Il serait donc
souhaitable que ces mesures soient restituées à votre budget et que les
changements de base nécessaires soient opérées.
Le solde de plusieurs mesures complexes se traduit par une diminution de près
de 4 milliards de francs du poste : « Allégement des coûts du travail ». Je
relève notamment - cela me paraît essentiel - l'inscription, au sein du budget
des charges communes, d'une provision pour le passage aux trente-cinq heures,
provision illisible à la lecture des documents budgétaires, non signalée dans
la masse de la progression des crédits et reposant sur des hypothèses de calcul
implicites.
Nous avons tâché de reconstituer ces hypothèses, mais j'aurai souhaité que
vous puissiez nous donner des éléments plus autorisés et plus clairs à ce
sujet.
J'observe aussi que l'abaissement du plafond des salaires concernés par la
ristourne - il passe de 1,33 à 1,3 SMIC - se traduit par une économie d'un peu
plus de 2 milliards de francs.
Du point de vue de la commission des finances, madame le ministre, ces choix
sont très contestables. En effet, nous voyons, d'une part, se ralentir l'effort
d'allégement des charges sociales sur les bas salaires et, d'autre part,
apparaître, avant même que la loi sur les trente-cinq heures ne soit votée par
le Parlement, une provision qui ne nous paraît pas reposer sur des éléments
chiffrés bien précis et qui, selon nos calculs, concernerait 700 000 salariés
sur une demi-année.
Sur le plan des principes, l'annonce d'un texte coercitif en ce domaine, alors
que les entreprises ont besoin de développer leur esprit d'initiative et de
responsabilité pour faire face à la compétition internationale, nous paraît de
nature à renforcer l'attentisme des nombreux décideurs en matière d'emploi et
nous semble, vous le savez, aller à rebours de ce qu'il faudrait faire.
Au total, madame le ministre, votre budget, qui reflète l'une des priorités
essentielles de l'Etat, est un budget fort complexe, touffu et qui appelle des
questions multiples. En ce qui concerne tant les emplois-jeunes que l'aide à
l'insertion dans les entreprises ou l'allégement du coût du travail pour les
emplois pas ou peu qualifiés, il reflète des priorités que nous ne partageons
pas.
Tel est l'essentiel du message que je souhaitais, à ce stade, transmettre à
notre Haute Assemblée, à la suite des travaux de la commission des finances.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Souvet, rapporteur pour avis.
M. Louis Souvet,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le travail
et l'emploi.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers
collègues, il est bien difficile de succéder à M. le rapporteur spécial de la
commission des finances, à qui rien n'a échappé, sans courir le risque de
redites !
Vous connaissez, mes chers collègues, le contexte dans lequel s'inscrit le
projet de loi de finances pour 1998.
A la fin du mois d'octobre, malgré une diminution du nombre des chômeurs de
0,1 %, le taux de chômage reste à 12,5 % de la population active, inchangé
depuis plusieurs mois. Les chômeurs de longue durée représentent 36,4 % des
demandeurs d'emploi et le taux de chômage des jeunes actifs est de 24,7 %.
Le nombre des demandeurs d'emploi est aujourd'hui de 3 123 600 pour la
catégorie 1 et de 3 562 400 si l'on y ajoute ceux qui ont travaillé plus de
soixante-dix-huit heures dans le mois.
Ces mauvais chiffres ne sont pas sans incidence sur l'équilibre financier de
l'UNEDIC, qui aura du mal à assurer le financement de l'allocation de
remplacement pour l'emploi, dont le succès est certain, des conventions de
coopération ou encore de l'allocation aux chômeurs âgés.
L'emploi salarié a cependant augmenté de 98 900 en un an, en progression de
0,7 %, et s'établit désormais à 13 396 200. Sur douze mois, le secteur
industriel a perdu 42 000 emplois et la construction 27 600, tandis que le
tertiaire progressait de 168 700. Mais cette hausse n'est évidemment pas
suffisante pour combler les pertes de l'industrie et de la construction, ni
pour absorber l'excédent naturel de population, de l'ordre de 150 000 personnes
par an en moyenne.
Il faut aussi savoir que les entrées dans les dispositifs « emploi » n'ont
cessé de diminuer, et l'on constate, en outre, une remontée des retours sur le
marché du travail, en raison de l'amélioration perceptible de la
conjoncture.
Je ne veux pas rester sur un constat complètement pessimiste ; il y a en effet
de nombreux signes de reprise de l'activité et d'amélioration de la situation
du marché du travail. Les prévisions tablent sur une croissance de l'emploi qui
oscillerait entre 135 000 et 180 000 personnes, cette année, et 210 000 ou 220
000 l'année prochaine. Quant au chômage, il progresserait de 130 000 cette
année, mais diminuerait de 50 000 l'année prochaine.
L'amélioration du marché du travail est favorisée par deux dispositifs :
l'allégement des charges sociales sur les bas salaires et le développement du
travail à temps partiel, qui concerne désormais 16,6 % des actifs. Il y a aussi
le recours à une plus grande flexibilité.
Or, ce sont ces dispositifs favorables à l'emploi que vous allez, selon nous,
déstabiliser, madame la ministre, avec les trente-cinq heures et les
emplois-jeunes, alors même que la croissance et l'emploi restent très fragiles.
Je rappelle que, déjà, certains instituts de conjoncture révisent leurs
prévisions à la baisse, à la suite de la crise financière en Asie.
J'évoquerai d'abord les trente-cinq heures.
Nous ne pouvons être suspectés d'opposition à la réduction et au partage du
travail puisque nous avons voté la loi de Robien. Mais le dispositif de Robien
suppose une négociation et il n'a aucun caractère obligatoire. Il est purement
incitatif, « pédagogique », avait dit M. Fourcade ; il a d'ailleurs facilité la
modernisation et la réorganisation de l'outil de travail et favorisé la relance
du dialogue social.
Tout autre est le dispositif que vous proposez, madame la ministre. En effet,
il s'agit d'un abaissement « autoritaire » à trente-cinq heures, qui plus est
sans perte de salaire. Certes, une loi proposera un dispositif incitatif avec
un abattement de charges sociales en contrepartie d'une réduction négociée du
temps de travail et d'embauches compensatrices, mais elle redéfinira le travail
à temps partiel et encadrera plus strictement les heures supplémentaires. Les
entreprises subiront donc une très forte pression pour s'engager dans cette
voie.
Certaines d'entre elles pourront sans doute négocier, si elles font vite, des
aménagements du temps de travail. Mais les autres, celles qui n'auront pas
voulu ou pas pu le faire, se retrouveront dans une situation difficile. Un
groupement patronal a même calculé que le surcoût horaire serait de 11,4 % ou
l'équivalent de cinq semaines de congé.
Et je ne parle pas des conséquences indirectes, par exemple dans le cadre du
chômage partiel, qui sera
de facto
plus restrictif ! M. le rapporteur
spécial a d'ailleurs souligné ce point à l'instant. En effet de nombreuses
entreprises ne travaillent que vingt-huit à trente heures par semaine, dans
l'automobile par exemple. Si l'aide au chômage partiel devait disparaître, la
seule variable d'ajustement resterait les effectifs. On assisterait alors à de
nombreux licenciements secs.
Le dispositif crée, en outre, chez les chefs d'entreprise un climat
d'incertitude et d'inquiétude qui aura des conséquences néfastes en termes
d'embauche et même d'investissement. Déjà, l'annonce gouvernementale a entraîné
un raidissement compréhensible - je n'ai pas dit « excusable » - du patronat,
dont la conséquence est le blocage des négociations en cours.
Enfin, les trente-cinq heures isolent la France au sein de l'Europe puisque
nos partenaires n'entendent nullement conduire une politique de l'emploi sur de
telles bases.
Il s'agit donc d'un pari risqué, qui fragilisera un peu plus l'économie, et
d'un pari coûteux pour l'Etat : 3 milliards de francs, avec un effet sur
l'emploi dont plusieurs membres du Gouvernement reconnaissent eux-mêmes qu'il
sera quasiment nul.
Mais ce n'est pas tout. Aux charges nouvelles imposées aux entreprises par les
trente-cinq heures va s'ajouter une augmentation des prélèvements obligatoires
sur l'ensemble des acteurs économiques, au titre des emplois-jeunes, cette
fois.
L'idée de favoriser des activités nouvelles n'était pas mauvaise, dès lors que
ces activités avaient vocation, pour leur plus grande part, à être pérennisées
dans le secteur privé et marchand. Mais le système a été détourné de son but
puisque les emplois-jeunes servent à engager des fonctionnaires sous-payés
qu'il faudra intégrer à un moment ou à un autre.
C'est exactement ce que l'on trouve dans le budget. On constate en effet que,
sur les 150 000 emplois-jeunes prévus pour la fin de l'année 1998, 40 000
relèvent directement de l'éducation nationale et 8 250 de l'intérieur, soit au
total 48 250 emplois de fonctionnaires.
Or ces emplois seront financés, pour 20 %, sur les heures supplémentaires des
enseignants et sur des crédits s'élevant à 117 millions et inscrits au titre
III du budget de l'intérieur, et, pour 80 %, sur les 8 milliards de francs
inscrits au budget de l'emploi. Il s'agit en effet de crédits à répartir.
A 92 000 francs par emploi, les 40 000 « emplois Allègre » coûtent, sur un an,
au budget de l'emploi 3,68 milliards de francs et les 8 250 « emplois
Chevènement », sur six mois, 379 millions de francs. Au total, ces emplois
consomment 4,059 milliards de francs, soit plus de la moitié des 8 milliards de
francs inscrits au budget de l'emploi. C'est dire qu'il reste assez peu pour
les 100 000 emplois-jeunes « classiques ». Les crédits des emplois-jeunes
servent donc, en grande partie, à financer des emplois relevant de la fonction
publique d'Etat, avec
in fine
une augmentation des prélèvements
obligatoires.
Mais l'effet néfaste du financement de ces mesures phares se fait déjà sentir.
Pour éviter une trop forte augmentation du budget, le Gouvernement a dû
procéder à des redéploiements, ce qui est en soi une bonne initiative.
Malheureusement, ces redéploiements portent principalement sur deux
dispositifs que la commission juge essentiels : l'allégement des charges
sociales sur les bas salaires et la formation en alternance.
Je n'aborderai ici que les actions relevant strictement du domaine de
l'emploi, laissant à Jean Madelain le soin de développer ce qui relève de la
formation professionnelle.
L'allégement des charges sociales constitue une mesure essentielle si l'on
veut que la croissance se traduise rapidement en emplois. Or l'article 65 du
projet de loi de finances, qui pérennise le dispositif de ristourne dégressive
fusionnée avec l'abattement famille, abaisse le seuil d'exonération des bas
salaires de 1,33 SMIC à 1,30 SMIC. Avec les mesures réglementaires qui
l'accompagnent - l'exonération ne sera plus revalorisée avec le SMIC -
l'économie sera de 2,5 milliards de francs ; autrement dit, les entreprises
auront à assumer une charge supplémentaire du même montant.
Il en va de même pour le temps partiel. Je rappelle que le travail à temps
partiel ouvre droit, pour l'employeur, sous certaines conditions, à un
allégement de 30 % des charges sociales. S'y ajoute la ristourne dégressive
pour les salaires inférieurs à 1,33 SMIC. C'est cette dernière disposition,
très favorable au temps partiel parce qu'elle n'est pas proratisée au nombre
d'heures de travail, qui est aujourd'hui remise en cause par le même article
65. Ce dispositif avait été adopté afin de simplifier le mode de calcul de
l'exonération, notamment en cas d'annualisation du temps partiel et,
naturellement, afin de le favoriser. L'allégement sera donc « reproratisé », si
je peux me permettre ce néologisme !
Le Gouvernement en attend 4 milliards de francs d'économies. J'admets que ces
fortes incitations au travail à temps partiel ne sont pas exemptes d'effets
d'aubaine. Mais alourdir les charges des entreprises de 4 milliards de francs
ne me paraît pas opportun dans la conjoncture actuelle.
Au total, ce sont 6,5 milliards de francs d'exonération de charges sociales
qui sont ainsi supprimés, dont 4 milliards de francs vont servir à financer les
emplois de fonctionnaires « Allègre et Chevènement ». En raccourci, on peut
affirmer que ce sont les entreprises qui financent les emplois dans l'éducation
nationale et la police.
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Louis Souvet,
rapporteur pour avis.
Une quarantaine de milliards de francs sont
inscrits au budget, au lieu des 47 milliards de francs qui auraient été
nécessaires à législation inchangée.
J'en viens rapidement à deux autres mesures, plus limitées, mais dont les
incidences négatives en termes d'emploi ne doivent pas être sous-estimées. Il
s'agit de l'abaissement du plafond de la réduction d'impôt au titre des emplois
familiaux et de la suppression de l'exonération de charges sociales en faveur
des travailleurs indépendants créant ou reprenant une entreprise.
Sur le premier point, je me limiterai à donner quelques chiffres :
l'allégement du coût du travail domestique, grâce à la réduction d'impôt à
partir de 1992, a permis de créer en moyenne 57 700 emplois nouveaux par an.
Depuis 1996, les emplois de gré à gré classiques ont augmenté de 85 % et le
nombre d'employeurs de 294 %. D'après l'institut Rexecode, la baisse de 50 % du
coût du travail domestique a entraîné une augmentation de l'emploi de 65 %. Et
l'institut de conclure que la réduction de l'aide fiscale aura un effet
destructeur « massif ». Que dire de plus, sinon que le Sénat a bien agi en
rétablissant la réduction d'impôt comme elle était.
Quant à la suppression de l'aide à la création d'activité par les travailleurs
indépendants, soit un montant de 400 millions de francs, qui est justifiée par
les effets d'aubaine et les abus auxquels elle donnerait lieu, elle laisse
perplexe, au moment où l'on dépense 8 milliards de francs pour créer des
activités nouvelles en faveur des jeunes.
Pour justifier les économies permettant de financer les emplois-jeunes, le
Gouvernement invoque aussi un effort de rationalisation. Pourquoi pas ? Le
précédent gouvernement l'avait déjà fait l'année dernière. Encore faut-il
s'entendre sur ce que signifie rationaliser : il ne faut pas que cela se
traduise par un désengagement, que nous estimons malvenu. Je bornerai mon
propos à deux observations, renvoyant pour le reste au rapport écrit.
La première est qu'une fois encore, madame le ministre, vous privilégiez
l'insertion dans le secteur non marchand, au détriment du secteur marchand,
puisque vous ne touchez pas aux CES, mais vous diminuez de façon importante les
CIE. Pour la commission, l'effort de rationalisation ne va pas dans le bons
sens.
La seconde observation est inspirée par les mesures que nous estimons
antiéconomiques - les trente-cinq heures et les emplois-jeunes - que vous
mettez en oeuvre : si l'effet négatif de ces mesures se manifeste très
rapidement, ce que nous craignons, vous ne disposerez pas, madame le ministre,
des moyens de combattre l'augmentation du chômage.
D'une façon générale, le budget, hors mesures prioritaires, s'inscrit dans une
certaine continuité. C'est vrai de la participation de l'Etat au financement du
retrait d'activité et encore plus de la prévention et de l'accompagnement de
restructuration. On remarque une importante montée en charge de la loi de
Robien, à laquelle sont consacrés 2 138 millions, preuve qu'une incitation non
coercitive peut être efficace.
Continuité également pour la gestion de la politique de l'emploi, dont les
moyens diminuent de 0,7 %. Au sein de cet agrégat, les évolutions sont très
contrastées : je mentionnerai seulement la création de deux cent vingt-cinq
emplois, dont cent quatre-vingt-cinq liés à la régulation des coordonnateurs
emploi-formation et quinze inspecteurs du travail. L'ANPE voit son budget de
fontionnement reconduit et ses crédits d'investissement diminués de 50 %. Le
deuxième contrat de progrès, qui s'achève en 1998, a permis de nombreuses
réformes, et une bonne partie des objectifs - pas tous, hélas ! - ont été
atteints. Le transfert des inscriptions à l'UNEDIC a aussi favorisé une
amélioration de l'activité de placement et de recherche d'offres. Il semblerait
cependant que l'agence arrive au bout de ses possibilités, faute de moyens
supplémentaires. Il faudra sûrement réfléchir au rôle futur de l'ANPE dans un
marché du travail plus fluide.
Vous aurez compris, monsieur le président, madame le ministre, mes chers
collègues, que, même si ce budget s'inscrit dans une certaine continuité, les
deux mesures prioritaires qui le caractérisent, les trente-cinq heures et les
emplois-jeunes, ont conduit la commission des affaires sociales à formuler un
avis défavorable sur l'adoption des crédits de l'emploi et du travail.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Madelain, rapporteur pour avis.
M. Jean Madelain,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la formation
professionnelle.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers
collègues, compte tenu du temps limité qui m'est imparti, je me bornerai à
souligner les points principaux qui ont retenu l'attention de la commission des
affaires sociales.
M. Alain Lambert,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
On vous écoute avec attention !
(Sourires.)
M. Jean Madelain,
rapporteur pour avis.
En ce qui concerne la formation des jeunes,
j'insisterai d'abord sur les formations en alternance, dont l'intérêt et
l'efficacité sont reconnus de tous. Cependant, les crédits inscrits à ce titre,
soit 12 089 millions de francs, accusent une baisse de 4,1 %. Celle-ci tient
d'abord au recul des contrats de qualification, pour lesquels 100 000 entrées
nouvelles ont été prévues au lieu de 130 000 en 1997, en raison du moindre
succès de cette formule.
Cette baisse d'intérêt pour le contrat de qualification peut s'expliquer par
la concurrence du contrat d'apprentissage mais, surtout, pensons-nous, par les
incertitudes liées à l'existence de la prime de 5 000 francs ou de 7 000
francs, selon la durée du contrat, versée à l'employeur. Supprimée en principe
le 31 décembre 1996, la prime n'a été reconduite par décret que le 26 mars
1997, et ce jusqu'au 31 décembre. Pour 1998, nous constatons qu'aucun crédit
n'est prévu à ce titre. Cela risque de porter préjudice à un type de contrat
créé sur l'initiative des partenaires sociaux et auquel nous sommes attachés,
car il répond à un besoin spécifique.
La baisse des crédits de la formation en alternance s'explique aussi par une
réduction de la dotation pour les indemnités compensatrices forfaitaires
versées par l'Etat aux employeurs d'apprentis, en application de la loi du 6
mai 1996, à savoir une prime de 6 000 francs par apprenti et une indemnité de
soutien à la formation de 10 000 francs ou de 12 000 francs suivant l'âge,
versée à l'issue de chaque année du cycle de formation.
Inscrits l'année dernière au budget des charges communes pour un montant de 5
274 millions de francs, ces crédits ont été transférés dans le budget du
ministère de l'emploi pour un montant de 4 874 millions de francs, subissant
ainsi une diminution de 400 millions de francs. Ces 400 millions de francs
devraient être mis à la charge, dans des conditions juridiques relativement
floues, des organismes collecteurs des fonds de l'alternance, c'est-à-dire de
l'AGEFAL. Je reviendrai sur ce point.
Ces indemnités forfaitaires mises à part, l'apprentissage bénéficie de crédits
en hausse pour la compensation des charges de 16,3 %, passant de 4 261 millions
de francs à 4 955 millions de francs. Cette hausse, qui aurait dû logiquement
s'accompagner d'une augmentation proportionnelle de la dotation pour les
indemnités forfaitaires, correspond à 240 000 entrées nouvelles en contrat
d'apprentissage, c'est-à-dire 20 000 de plus qu'en 1997.
Mais il faut rappeler que ces crédits d'exonération de charges seront, à la
suite d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale, amputés de 400 millions
de francs pour le plan en faveur du textile. Ces crédits ne seraient plus
nécessaires, puisque l'Etat n'a plus à compenser la totalité de l'exonération
de charges sociales salariales des apprentis, à la suite du transfert des
cotisations d'assurance maladie sur la CSG. En fait, cela revient à faire
supporter une partie du financement du plan en faveur du textile par les
apprentis eux-mêmes, puisqu'ils ne sont pas exonérés de CSG, alors qu'ils le
sont, je le rappelle, de cotisations sociales. Curieuse façon d'encourager
l'apprentissage ! Si l'on veut maintenir à leur niveau actuel les rémunérations
des apprentis, il faudrait les exonérer de CSG. J'ose espérer, madame la
ministre, que vous y porterez attention.
Quant aux stages d'insertion des jeunes non qualifiés, leur financement est
stabilisé à hauteur de 5 077 millions de francs, soit une hausse de 0,50 %. On
y trouve d'abord les actions de formation et d'accompagnement de type
préqualifiant, déléguées par convention de façon anticipée à vingt-trois
régions sur vingt-six, en application de la loi quinquennale.
Figurent ensuite les financements des ateliers pédagogiques personnalisés et
des structures de réseaux d'accueil, qui regroupent trois cent trois missions
locales et trois cent quarante PAIO, les permanences d'accueil, d'information
et d'orientation, deux cent trente-six de ces structures ont reçu le label «
espaces-jeunes ».
Pour la formation des adultes, l'AFPA continue à jouer un rôle déterminant. En
application du contrat de progrès signé avec l'Etat en 1994, l'AFPA a poursuivi
la réalisation de ses deux objectifs : augmenter le nombre de ses prestations
et se réformer, en ce qui concerne tant son organisation que ses règles et ses
modalités de fonctionnement. L'Etat, de son côté, s'engageait à définir ses
propres objectifs en matière de commande publique et à garantir l'apport des
ressources nécessaires à l'association pour qu'elle atteigne ses objectifs.
Les buts fixés sont en passe d'être atteints. Bien que la subvention de
fonctionnement soit stabilisée par rapport à celle de 1997, il faut se
féliciter que les crédits de paiement, en hausse de 9,5 %, permettent à l'AFPA
le maintien ou la modernisation de ses outils pédagogiques et de formation. Au
cours de l'année 1998, sera discuté et mis au point le second contrat de
progrès avec l'Etat, qui s'appliquera dès le 1er janvier 1999.
Il nous faut maintenant revenir sur les fonds de l'alternance et sur
l'organisation qui les centralise et les régule, l'Association de gestion du
fonds des formations en alternance, l'AGEFAL. J'ai dit plus haut que l'AGEFAL
devra abonder de 400 millions de francs le crédit nécessaire au versement des
indemnités forfaitaires aux maîtres d'apprentissage. Avec, il convient de le
rappeler également, la ponction supplémentaire de 100 millions de francs, cela
fait, au total, 500 millions de francs. Il est incontestable que l'on modifie
ainsi la destination des fonds recueillis par les organismes paritaires
collecteurs agréés, les OPCA. Certes, des prélèvements de même nature ont été
effectués en 1996 et en 1997, et nous les avions alors dénoncés. On les
justifiait par l'existence d'importants excédents de trésorerie. Ces excédents
étaient essentiellement de caractère conjoncturel, comme il est expliqué dans
le rapport écrit, mais ils n'existent plus aujourd'hui.
En fait, l'AGEFAL est victime de règles comptables inadaptées. En effet, la
collecte de l'année est rattachée à l'année en cours, alors qu'elle doit
financer les actions de formation de l'année suivante, d'où des excédents
momentanés de trésorerie.
Il faut bien reconnaître que les prélèvements ainsi opérés périodiquement sur
les fonds de l'alternance ne sont pas sains : on ne peut combler les trous du
budget en détournant de leur objet une partie des fonds affectés à l'alternance
!
Au vu des ces différents éléments, la commission des affaires sociales formule
plusieurs suggestions qu'elle souhaiterait voir reprises par le
Gouvernement.
Il lui semble, en premier lieu, qu'un bilan approfondi devrait être fait de la
réforme de la collecte, des grandes orientations définies par les OPCA, des
conditions d'utilisation des 35 % réservés à l'échelon interrégional et de la
mise en oeuvre des formations interbranches. La question des surplus de
collecte, les règles de rattachement de la collecte pour l'année suivante à
l'année en cours pourraient, notamment, être examinées à cette occasion.
Il serait également opportun de repenser le congé individuel de formation -
2,8 milliards de francs de collecte - dont le dispositif date de 1982, et ce
afin de l'adapter aux nouveaux besoins de formation. Rappelons que cette mesure
coûteuse ne profite qu'à 8 % des salariés.
Il serait également souhaitable d'examiner les conditions de la collecte de la
taxe d'apprentissage dans le prolongement de la loi du 6 mai 1996.
Plus généralement, la complémentarité des différents contrats comme des
différents intervenants pourrait être réexaminée pour répondre au mieux aux
besoins des entreprises et à la situation des jeunes à former, dont 40 % ont un
niveau de qualification inférieur au niveau V. L'articulation de ces formations
avec la formation professionnelle continue pourrait aussi être envisagée en
reprenant certaines suggestions du rapport de Virville.
En fait, c'est tout le système de la formation professionnelle, initiale et
continue, qu'il faudrait revoir, en tenant compte des réflexions actuelles sur
la diminution du temps de travail, sa modulation sur l'année, voire sur
plusieurs années ou sur toute une vie, sur le contrat d'activité, sur des
dispositifs encore peu utilisés, comme le compte épargne-temps.
La loi sur la formation professionnelle date de 1971. Or, depuis près de
trente ans, la situation du marché du travail comme les conditions de travail
et de production ont considérablement changé. Cette réforme serait aussi
l'occasion de simplifier les dispositifs. Des textes enchevêtrés, pratiquement
incompréhensibles - je n'en veux pour exemple que le crédit d'impôt-formation,
toujours aussi opaque - conduisent les entreprises à se détourner de mesures
dont le poids administratif est devenu dissuasif.
Il apparaît donc qu'au delà de la poursuite des réformes initiées par la loi
quinquennale la formation a besoin d'une véritable impulsion nouvelle. Au lieu
de quoi, et malgré certains propos annonçant une réflexion et des concertations
sur ces questions, ce projet de budget donne le sentiment d'un certain
désengagement de l'Etat sur des mesures pourtant jugées prioritaires, à
commencer par la formation en alternance.
Compte tenu de ces observations, et en concordance avec les conclusions
présentées par notre collègue Louis Souvet sur les crédits de l'emploi, la
commission des affaires sociales s'est déclarée défavorable à l'adoption des
crédits consacrés au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, mes chers collègues, après les excellents rapports de nos
collègues MM. Marini, Souvet et Madelain, mon propos sera destiné à manifester
notre inquiétude.
Cette inquiétude, qui résulte non seulement de l'examen du budget que vous
nous présentez, madame la ministre, mais également des textes qui l'on précédé
et de ceux qui sont en gestation, je me dois aujourd'hui de vous l'exprimer,
car, depuis quatorze ans que je préside la commission des affaires sociales,
alors que nous avons eu de nombreux dialogues avec différents ministres chargés
de l'emploi, je crois pouvoir dire que nous sommes dans une période où des
choix vont de plus en plus s'imposer.
Bien sûr, madame la ministre, je reconnais volontiers qu'il ne vous était pas
possible, en si peu de temps, de remettre à plat les 155 milliards de francs
d'aides à l'emploi et à la formation que vous devez gérer. Il est clair que,
compte tenu du caractère sédimentaire de beaucoup de ces mesures et des crédits
correspondants, il faudra du temps pour les réaménager et pour leur donner
l'efficacité à laquelle nous sommes tous attachés.
Mais vous êtes au coeur, madame la ministre, d'une situation parfaitement
contradictoire, et c'est sur cette contradiction que je voudrais un instant me
faire l'interprète du Sénat, tout au moins de sa majorité. En effet, le
gouvernement auquel vous appartenez a clairement choisi de s'engager, sans
réticence et sans faux-semblant, en faveur de la monnaie unique, l'euro. Nous
vous en savons gré, car nous pensons, ici, malgré quelques avis
divergents...
M. Maurice Schumann.
Il y en a !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
... que l'euro sera de
nature à conforter la position de notre économie face à la concurrence des
Etats-Unis et des pays d'Asie, même si, pour l'instant, ces derniers
connaissent quelques difficultés.
Nous soutenons donc l'action du Gouvernement en faveur de l'euro. Dans
quelques mois, les parités de change seront définies, la liste des pays
éligibles à la monnaie unique sera déterminée, et nous entamerons alors le
processus définitif.
Toutefois, l'économie française souffre de trois handicaps sérieux.
Le premier est que le taux d'activité de notre pays est faible comparé à celui
qu'enregistrent nos partenaires de l'Union européenne. Ainsi, chez nous, le
rapport entre la population au travail ou au chômage et la population en âge de
travailler est de 65 %, alors que, chez la plupart de nos partenaires, ce ratio
dépasse 70 à 75 %. Cette situation résulte de la longueur de nos processus de
formation des jeunes - elle continue d'ailleurs à s'allonger - et de la
précocité du départ à la retraite. C'est ainsi que, dans la classe d'âge de
cinquante à soixante-cinq ans, nous connaissons le plus bas taux d'activité des
Quinze.
Notre deuxième handicap tient au fait que la durée du travail effectif figure
également parmi les plus faibles d'Europe. Elle a été, en moyenne, en 1997, de
1 630 heures en France - si mes chiffres sont exacts - contre 1 735 heures pour
nos amis britanniques et 1 950 heures pour nos concurrents américains. De plus,
cet écart ne cesse de s'aggraver.
Je n'ai pas tenu compte des chiffres des économies asiatiques, puisque nous
savons tous que le droit du travail chez les « dragons » asiatiques est
beaucoup moins élaboré que chez nous, mais cet écart de 100 heures par an entre
la France et la Grande-Bretagne explique un certain nombre de différences.
Enfin, le troisième handicap est que nous connaissons un taux d'emplois
publics très élevé : il est, chez nous, proche de 25 %, alors que la moyenne
européenne est à 18 %, ce qui entraîne évidemment, chacun le comprend, un taux
de prélèvements obligatoires qui nous classe parmi les pays européens où le
total des dépenses publiques et le poids des prélèvements sur le PIB sont le
plus élevés. Nous sommes, certes, derrière la Suède, le Danemark et la
Finlande, mais nous somme bien au-delà de tous les autres, Allemagne et
Grande-Bretagne notamment.
Moralité, nous avons un taux de chômage qui est parmi les plus élevés d'Europe
- 12,5 % de la population active, juste derrière l'Espagne et l'Italie - et la
question qui se pose est de savoir comment concilier l'objectif européen de
création de la monnaie unique et l'atténuation des handicaps que je viens de
rappeler et qui sont tout à fait spécifiques à notre pays.
Nos trois rapporteurs l'ont bien montré, ni les décisions qui ont été prises
avant l'élaboration de ce budget ni celles qui sont en gestation ne vont dans
la bonne direction ; elles vont plutôt conforter nos difficultés et nos
spécificités.
On l'a bien vu lors du sommet de Luxembourg : on a passé toute une nuit pour
savoir si, dans la résolution finale, on parlerait de « flexibilité » ou de «
souplesse » - c'était, certes, un débat tout à fait intéressant et, finalement,
on a tranché pour la souplesse à la demande instante du gouvernement français -
mais il est clair que, si l'on veut obtenir la fluidité du marché du travail et
une amélioration de l'activité économique et sociale dans les différents pays,
il ne s'agit pas de se contenter de résoudre des problèmes sémantiques.
« Moderniser l'organisation du travail », trouver des « formules souples » «
inciter réellement les chômeurs à chercher un emploi ou une formation »,
développer la formation « tout au long de la vie et pendant les interruptions
de carrière », voilà les expressions que nous trouvons dans le texte de la
résolution finale du sommet de Luxembourg. Or ce programme, il faut le
reconnaître, est assez peu compatible, madame la ministre, avec les principales
orientations d'un projet de budget qui est fondé sur les trente-cinq heures,
sur les emplois-jeunes et sur une certaine diminution, MM. Madelain et Marini
l'ont bien dit, des crédits consacrés à la formation par l'alternance, mesure
qui nous paraissait pourtant, aussi bien en ce qui concerne les contrats de
qualification que les contrats d'apprentissage, une solution susceptible de
raccourcir la durée des formations et d'améliorer l'insertion des jeunes dans
notre société.
En ce qui concerne les trente-cinq heures, nous attendrons l'examen du projet
de loi que vous comptez déposer.
Nous avions pensé ici, en dépit de quelques réticences et de quelques
difficultés avec les organisations patronales, que la loi Robien, que nous
avons votée, permettrait de développer la négociation contractuelle entreprise
par entreprise. Son application était facultative et assortie d'avantages qui
étaient peut-être trop importants - il était toujours possible, au demeurant,
de revenir sur ces avantages - mais cette loi nous paraissait présenter un
caractère incitatif et intelligent, car elle favorisait une négociation, un
approfondissement du dialogue social.
Comme vous le savez, la loi Robien avait un côté offensif et un côté défensif.
S'agissant du côté offensif, elle permettait de créer des emplois
supplémentaires et, pour ce qui concerne le côté défensif, elle permettait, à
l'imitation de l'accord « Volkswagen », célèbre dans l'Europe entière, de
bloquer un certain nombre de licenciements et de sauvegarder des emplois.
Poursuivre une ou deux années cette expérience aurait permis, nous
semble-t-il, d'économiser des textes autoritaires et des mesures qui pourraient
se révéler contraires à la convergence européenne, conséquence inéluctable de
la création de l'euro.
Sur les emplois-jeunes, nous avons eu le temps, au cours de longs débats, de
nous expliquer. Vous connaissez notre position. Mais la manière dont les
commissaires de police, les proviseurs de lycée, les magistrats ou d'autres
fonctionnaires sollicitent les collectivités territoriales pour les inciter à
financer une partie des emplois supplémentaires qu'ils demandent montre bien
que l'on se préoccupe beaucoup moins d'emplois émergents que d'emplois
auxiliaires de la fonction publique, ce qui va dans le mauvais sens. J'ose
espérer que le Gouvernement réagira et qu'il essaiera de donner aux préfets des
instructions pour éviter ce genre de manifestations parfois assorties de
chantage : je pense aux sollicitations du ministère de l'intérieur sur les
contrats locaux de sécurité.
Notre objectif était de dégager des emplois émergents, de consacrer un
financement public pour permettre à des jeunes de s'engager dans une activité.
Je constate, à l'expérience, que, de plus en plus, on crée une sous-fonction
publique qui va aggraver l'un des handicaps et l'une des spécificités de notre
structure économique actuelle.
Sur l'alternance, sur la formation professionnelle, sur la taxe
d'apprentissage, sur les rapports entre l'Etat et les régions, les
départements, les collectivités territoriales, les chambres de commerce et
d'industrie, les chambres de métiers, on constate les mêmes rigidités, les
mêmes mauvaises habitudes que celles que nous avons connues avec l'application
du code du travail. Il est évident que nous devrons ici faire oeuvre de
modernisation, d'assouplissement - j'allais dire de flexibilité, mais non :
d'assouplissement, puisque c'est le terme à la mode ! - pour essayer de mieux
faire converger l'effort de tous.
Le présent projet de budget, dont nos trois rapporteurs ont détaillé les
crédits et les spécificités, ne favorise pas la recherche d'emplois nouveaux,
notamment dans les secteurs de l'audiovisuel et des nouvelles technologies,
pourtant très porteurs. Ainsi, aux Etats-Unis, il manque, à l'heure actuelle,
comme le dit souvent notre collègue Pierre Laffitte, une centaine de milliers
d'emplois dans les secteurs des techniques nouvelles.
Il aurait fallu instiller dans l'économie française des incitations pour créer
des emplois nouveaux dans les secteurs prometteurs plutôt que de compléter les
services des ATOSS ou des surveillants de l'éducation nationale.
C'est en adoptant une résolution et une orientation nettement modernes, en
essayant de s'occuper des emplois de demain et non pas des emplois
d'avant-hier, en essayant d'assouplir l'ensemble de la réglementation, que nous
pourrons parvenir à des résultats.
De même, était-il nécesssaire, cette année, de supprimer un certain nombre de
dispositifs qui permettaient de créer des entreprises nouvelles ? Etait-il
nécessaire de diminuer les crédits de l'alternance ? Tout cela va dans le
mauvais sens !
Vous êtes, madame la ministre, au coeur d'une contradiction fondamentale de
l'économie française : on ne peut pas à la fois - vous l'avez bien vu vous-même
à Luxembourg - être porteur d'une structure européenne telle que la monnaie
unique pour développer la compétitivité de notre économie dans le cadre de
l'économie mondiale et se retrancher derrière un certain nombre d'archaïsmes :
dans notre pays, on travaille moins longtemps qu'ailleurs.
En outre, la plupart des emplois créés depuis dix ans l'ont été dans la
fonction publique. Ce n'est pas dans ces conditions que nous pourrons répondre
au défi de l'an 2000 !
C'est la raison pour laquelle votre projet de budget ne suscite pas chez nous,
comme nos trois rapporteurs l'ont dit, une adhésion spontanée.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Gérard Larcher remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 20 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 20 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Madame la ministre, je n'entrerai pas dans le détail du budget que vous nous
présentez. M. le président Fourcade et MM. les rapporteurs l'ont fait, et je
partage leur analyse.
Ce budget, votre budget, madame la ministre, semble ignorer le contexte et les
réalités de notre économie et de notre pays. J'y reviendrai dans quelques
instants.
Vous vous réjouissez peut-être d'une augmentation budgétaire de 3,8 % par
rapport à 1997. Pour ma part, je ne m'en satisfais aucunement, au contraire !
En effet, la situation de l'emploi est souvent inversement proportionnelle à
l'effort budgétaire consenti par l'Etat.
Les chiffres le prouvent. Ainsi, le montant des aides à l'emploi a été
multiplié par huit en vingt ans et le nombre de chômeurs par plus de sept
durant la même période : 76 milliards de francs ont été investis en 1990 alors
que le chômage atteignait 9 %, 150 milliards de francs l'ont été en 1997 avec
un chômage dépassant 12,5 %, et plus de 155 milliards de francs le seront l'an
prochain.
A l'heure où chacun s'accorde à reconnaître que le problème de l'emploi est
lié à la mondialisation du marché et à l'instantanéité de l'information, il est
temps de sortir d'une vision hexagonale et de regarder la réalité en face. Or,
quelle est la réalité ?
Elle ressort d'une enquête de l'OCDE, dont personne n'a parlé, et pour cause,
à l'exception d'un article paru dans
l'Express
le 30 octobre dernier.
Selon cette organisation, de 1979 à 1995, « chaque fois que la population d'âge
actif a augmenté de 100, les pays du G7 pris dans leur ensemble ont créé 68
emplois privés, 11 emplois publics, 18 chômeurs et 3 inactifs. Quant à la
France, elle a détruit 18 emplois privés, créé 27 emplois publics, 45 chômeurs
et 46 inactifs ». Voilà le contexte.
Certes, madame la ministre, j'ai l'honnêteté de reconnaître que, pour une
bonne part, vous héritez de cette situation. Je l'ai dit à cette même tribune
lors du débat sur les emplois-jeunes : nous assumons une part des
responsabilités.
Mais personne n'oublie aussi que, durant cette période 1979-1995, vous avez
exercé le pouvoir. Je rappellerai que c'est sous un gouvernement socialiste que
la spéculation a été la plus forte et les investissements productifs les plus
réduits. Chacun sait que l'économie de production crée l'expansion alors qu'un
contexte de spéculation génère l'exclusion.
Or, madame la ministre, vous êtes en train de refaire la même erreur. Votre
projet de budget est un retour au passé. Vous ne créez pas les conditions de
l'expansion et de la croissance économique, conditions essentielles à la
pérennité de l'emploi.
Je prendrai trois exemples, si vous me le permettez.
Le premier concerne le plan emploi-jeunes.
Si les contrats sont de droit privé, ils s'inscrivent pourtant dans le secteur
public. Le financement est assuré aujourd'hui par l'Etat et, demain - je le
crains - par les collectivités locales. Les élus locaux partagent cette
crainte.
Vous aggravez encore le poids des dépenses publiques, qui dépassent
aujourd'hui 54 % de notre PIB, alors que la plupart des pays qui ont réduit ces
dépenses, comme la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas, ont enregistré la plus
forte progression de l'emploi productif.
De 1990 à 1995, nous avons engagé 1 100 000 fonctionnaires et perdu 900 000
emplois dans le secteur marchand. Permettez-moi cependant d'ajouter qu'en 1996
l'emploi salarié avait augmenté de 98 900.
Le deuxième exemple concerne la formation professionnelle.
Malgré votre volonté affichée de développer l'apprentissage, force est de
constater, pour reprendre les propos tenus en commission par le rapporteur pour
avis, notre collègue Jean Madelain, que « le système de formation en alternance
reste plongé dans l'opacité la plus totale ».
Ce projet de budget marque même des infléchissements négatifs et comporte des
incertitudes qui m'amènent à penser que certains crédits pourraient être
affectés au financement des emplois-jeunes.
La loi Barrot de 1996 a, certes, commencé à clarifier un domaine marqué par la
complexité. Ce texte n'était, à mon sens, qu'une étape. Il me semble urgent de
poursuivre dans cette voie, car la situation paradoxale du développement entre
contrats d'apprentissage et contrats de qualification va générer des situations
difficiles à gérer.
Le troisième exemple, enfin, est relatif aux trente-cinq heures.
Autant, il est souhaitable de favoriser l'aménagement du temps de travail par
la voie conventionnelle, autant il est absurde de décréter autoritairement la
durée du travail au 1er janvier 2000, comme le précise dans son rapport écrit
notre collègue Emmanuel Hamel, rapporteur spécial, suppléé à cette même tribune
par notre collègue Philippe Marini.
Par ailleurs, je partage tout à fait l'avis et les inquiétudes du rapporteur
pour avis Louis Souvet sur les conséquences désastreuses d'une telle mesure qui
ne favorise pas l'emploi, mais qui au contraire risque, par l'alourdissement
des coûts, d'obliger des entreprises à licencier.
A ce propos, votre collègue Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce
extérieur, a déclaré le 24 novembre dernier à Albi « qu'il n'était pas certain
que le passage aux trente-cinq heures créera beaucoup d'emplois ».
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Un homme très lucide !
M. Jean-Claude Carle.
Voilà trois mesures - auxquelles j'aurais pu ajouter celle qui est relative à
la famille - qu'il faudra financer mais qui vont pourtant à l'inverse du
développement de l'emploi.
La situation de l'emploi ne s'améliorera que si nous avons le courage
d'entreprendre trois réformes essentielles s'inscrivant dans le long terme.
La première réforme est celle des charges qui pèsent sur les personnes morales
et physiques.
Sur l'entreprise, plus qu'un allégement des charges sur les bas salaires, qui
montre rapidement ses limites et engendre des effets pervers, il me semble
indispensable de trouver une nouvelle assiette de la collecte des charges
sociales.
La situation actuelle conduit à constater que « l'homme coûte cher ». Nos
entreprises peuvent être tentées - voire contraintes - de délocaliser et
d'automatiser à grande échelle. Cela a sûrement conduit le même Jacques Dondoux
à ajouter : « C'est vrai, je suis désolé de dire aux élus qu'avec la
mécanisation il y aura moins d'emplois ».
Lorsque l'on sait que la fiscalité locale, via la taxe professionnelle, vient
encore aggraver la situation, il est urgent, contrairement à ce que pensent
certains hauts fonctionnaires, non pas d'attendre mais bien d'agir. A nous
d'avoir le courage politique de mettre en place un calcul plus favorable aux
entreprises de main-d'oeuvre.
De même est-il normal que, dans une nation qui se veut solidaire, un foyer
fiscal sur deux n'acquitte pas l'impôt sur le revenu ? Là encore, plutôt que de
relever sans cesse les taux, il me paraît plus souhaitable d'élargir
l'assiette.
Si ces deux mesures ne sont pas rapidement mises en place, nous verrons
s'opérer - c'est déjà le cas - un exode de nos richesses, des capitaux, comme
des savoir-faire et des cerveaux.
La deuxième réforme est celle de la législation des entreprises, en l'adaptant
à celles qui créent l'emploi, c'est-à-dire nos PME et PMI.
Rappelons que 80 % des emplois sont créés dans les entreprises comptant moins
de cinquante salariés et 65 % dans celles de moins de vingt salariés.
Aujourd'hui, elles sont encore trop assaillies de formalités administratives,
juridiques et fiscales.
Dans un monde économique où la qualité première est la réactivité, des mesures
autour de l'entité qu'est l'entreprise me sembleraient aussi nécessaires que
celles qui sont relatives aux branches ou interbranches et, en tout cas,
meilleures et bien plus efficaces que des mesures décrétées autoritairement.
La troisième réforme est celle du système éducatif.
Nous ne réduirons pas le chômage des jeunes tant que ce système, malgré des
efforts financiers sans précédent, conduira un jeune sur quatre, à l'issue de
ses études, à pousser la porte de l'ANPE. Cela constitue un formidable gâchis
financier, mais surtout un formidable gâchis humain.
Certaines propositions ou déclarations de M. Claude Allègre vont dans le bon
sens, notamment lorsqu'il déclare qu'il faut allier culture générale et
formation technique ou professionnelle. Nous attendons en vain des actes
concrets.
Or, madame la ministre, à l'heure où la plupart des pays industrialisés ont
déjà engagé ces réformes et retrouvé l'emploi là ou il se trouve, c'est-à-dire
dans le secteur marchand, vous nous proposez l'inverse.
A l'heure où, comme vient de le rappeler le président Monory, il faut s'ouvrir
sur le monde, développer la créativité, laisser respirer les personnes
physiques et morales, « libérer tout le génie des Français pour s'investir dans
la nouvelle société, les nouvelles technologies et les nouveaux métiers seuls
créateurs d'emplois durables, ceux que nous voulons pour nos enfants », vous
mettez notre économie sous poumon d'acier et nos concitoyens sous Temesta.
Nous refusons catégoriquement un tel traitement.
Nous ne voulons pas que la France s'endorme.
Nous ne voterons pas en l'état ce projet de budget.
(Applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chaque année,
la discussion budgétaire revêt un caractère nécessairement technique, souvent
convenu. Pourtant, il s'agit bien là d'un acte politique essentiel, qui,
au-delà des déclarations d'intention, traduit la détermination du Gouvernement
et du Parlement à répondre aux attentes de nos concitoyens.
Elle met aussi en évidence les divergences qui nous opposent au sein de cet
hémicycle. L'examen des crédits consacrés à l'emploi et à la formation
professionnelle est, à cet égard, particulièrement significatif.
Nous avons tous pris connaissance des évaluations, terribles dans leur
brutalité, du Commissariat général au Plan, qui constate un phénomène de «
décomposition de la relation au travail et de précarisation de la société
française dans son ensemble », alors que c'est autour du travail que se forge
la personnalité d'un individu, que se décide son intégration dans la société ou
sa marginalisation, que se délivre son statut social.
Je ne citerai que quelques chiffres : l'année dernière, plus de 30 % des
jeunes étaient au chômage deux ans après la fin de leurs études.
Les chômeurs, découragés de chercher un emploi - je pense notamment aux plus
âgés d'entre eux ou aux femmes - sont désormais une catégorie à part entière,
répertoriée. Ils seraient plus de 240 000.
Le récent rapport de la Direction de l'animation, de la recherche, des études
et des statistiques, la DARES, précise que 2,8 millions de personnes ne
perçoivent pas un salaire suffisant pour les mettre à l'abri de la pauvreté.
Au quotidien, la traduction de ces données statistiques, c'est l'impossibilité
de faire face à des dépenses élémentaires comme l'eau, le loyer, l'électricité
; c'est la montée du désespoir et de la violence chez certains de nos
concitoyens ; c'est la fragilisation de notre cohésion sociale.
Le Gouvernement a donc fait du budget de l'emploi et de la formation
professionnelle une priorité. Celui-ci augmente de 3,6 %, avec 155,8 milliards
de francs, alors que ce projet de loi de finances 1998 est placé nécessairement
sous le signe d'une extrême rigueur.
J'analyserai tout d'abord les crédits consacrés à l'emploi, mon collègue
Georges Mazars abordant, quant à lui, les crédits consacrés aux handicapés.
Je relèverai trois grandes évolutions qui caractérisent votre démarche, madame
la ministre, marquant ainsi une rupture avec les budgets précédents. Elles
cristallisent nos approches radicalement différentes sur le problème de la
lutte contre le chômage, monsieur le rapporteur.
Il s'agit de l'innovation des mesures destinées à la réduction du temps de
travail et à la création de nouveaux emplois pour les jeunes ; du renforcement
de l'effort en faveur de certains publics fragilisés ; de la rationalisation
des dispositifs d'allégement du coût du travail pour les bas salaires.
Ce projet de budget amorce en effet la réalisation de deux engagements forts
et « phares » de la nouvelle majorité à l'égard des Français : le plan
emploi-jeunes et le passage de la durée du temps de travail à trente-cinq
heures à l'horizon 2000 et 2002.
Monsieur le rapporteur spécial, vous considérez ces orientations comme «
hasardeuses » ; permettez-moi de les qualifier plutôt d'audacieuses et de
réalistes.
En effet, elles portent en elles les fondements d'un nouveau partage du
travail. Elles encouragent la création de nouveaux métiers, devenus nécessaires
pour l'amélioration de notre qualité de vie et pour leur apport au renforcement
de notre cohésion sociale.
Chacun peut mesurer l'espoir qu'a fait naître chez les jeunes et leurs proches
le plan emploi-jeunes.
La plupart d'entre nous, j'en suis persuadée, s'attachent déjà a en trouver
des applications concrètes sur le terrain, quelle qu'ait pu être leur prise de
position lors de notre récent débat sur ce texte.
M. Guy Fischer.
C'est vrai !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Ce plan va bénéficier, au titre de 1998, d'une enveloppe de plus de 8,35
milliards de francs, auxquels s'ajoutent les 2 milliards de francs débloqués
pour la fin de cette année. Dès 1998, ils devraient permettre de financer 150
000 postes.
Il faut ajouter que l'encouragement à l'initiative individuelle des jeunes est
également présent dans ce projet de budget avec la création de l'encouragement
au développement d'entreprises nouvelles, l'EDEN, qui prévoit l'octroi d'une
avance remboursable et un accompagnement indispensable par des experts agréés
avec un crédit de 200 millions de francs.
Des sondages récents nous révèlent que 60 % des jeunes achevant leurs études
supérieures envisagent leur avenir professionnel dans la fonction publique. Si
l'extrême précarité de notre époque peut expliquer cette recherche de sécurité,
nous nous devons de les rassurer et de les encourager.
Evoquant les dotations affectées à la réduction du temps de travail, vous nous
précisez, monsieur le rapporteur spécial, que vous ne pouvez pas être suspecté
d'y être hostile puisque vous avez défendu le dispositif de la loi Robien dont
la continuité du financement sera assurée grâce à 2,139 milliards de francs.
En revanche, vous contestez la démarche généralisée que permettra d'enclencher
la future loi sur les trente-cinq heures, pour laquelle sont d'ores et déjà
budgétés 3 milliards de francs. Elle devrait concerner de 700 000 à 1 million
de salariés.
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
C'est une autre logique !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Effectivement !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Nous savons que la négociation est la pierre angulaire de tout aménagement du
temps de travail.
Mais nous avons pu constater le peu de résultats probants liés aux
dispositions de l'article 39 de la loi quinquennale, et l'application de la loi
de Robien, en dépit d'un certain succès, demeure trop limitée.
C'est pourquoi le nouveau gouvernement a souhaité insuffler une nouvelle
dynamique.
En ce qui concerne les publics les plus fragilisés, il faut se féliciter de
l'engagement du Gouvernement de conforter les dispositifs existants, tout en
les recentrant sur leur vocation initiale.
Une telle correction avait déjà été apportée par M. Barrot pour le CIE. Il est
urgent de contenir le recours abusif aux CES, qui doivent renouer avec leurs
missions d'origine.
Ainsi, le Gouvernement nous propose de renforcer les dotations en faveur des
dispositifs d'insertion. Avec plus de 11,6 milliards de francs, les contrats
emploi solidarité devraient accueillir 500 000 personnes.
Le Gouvernement élargit par ailleurs les possibilités de poursuivre le
parcours d'insertion depuis les CES et grâce aux CEC, avec une augmentation
conséquente des crédits, pour un montant de 3,144 milliards de francs.
Les moyens consacrés aux entreprises d'insertion, aux associations
intermédiaires et aux entreprises d'intérim d'insertion s'élèvent à près de 348
millions de francs après quelques années de stagnation en francs courants.
A cet égard, madame la ministre, il conviendrait d'exercer une grande
vigilance afin que les champs d'activités couverts par ces structures n'entrent
pas en concurrence avec les emplois-jeunes.
Les mesures de prévention des licenciements et d'accompagnement des
restructurations mobilisent des moyens importants. Nous mesurons combien ces
mesures sont indispensables. Il arrive cependant que des entreprises les
utilisent trop facilement comme des outils de flexibilité.
C'est pourquoi vous avez souhaité, madame la ministre, clarifier les
conditions d'octroi de certaines de ces aides afin de juguler le recours
excessif aux préretraites, aux allocations spéciales du Fonds national de
l'emploi, par exemple. Dans certains cas, ces aides ont en effet profité à des
entreprises parfaitement saines qui ont fait peser sur la collectivité le coût
du rajeunissement de la pyramide des âges de leur personnel.
La question de l'extension de l'allocation de remplacement pour l'emploi - on
connaît l'intérêt de cette allocation en termes de contrepartie d'embauche -
aux personnes âgées de cinquante-six ans ayant cotisé pendant quarante ans
demeure du ressort de la négociation entre les partenaires sociaux. Lors de la
conférence du 10 octobre, le Gouvernement a cependant souhaité faire connaître
son intention de participer au financement de ces départs.
La situation des chômeurs âgés est particulièrement douloureuse et délicate :
les portes des entreprises leur sont pratiquement fermées et les initiatives
que nous prenons en faveur de certaines catégories de chômeurs, les jeunes par
exemple, peuvent renforcer le sentiment d'injustice qu'ils éprouvent.
Ce risque de fracture, il nous faut le combattre, notamment grâce à la
revalorisation de leurs revenus de remplacement.
Ainsi, le Gouvernement s'est engagé à revaloriser l'allocation spécifique de
solidarité de 1 500 francs à compter de 1998, et ce alors qu'il n'avait été
procédé à aucune revalorisation depuis 1994. Les 460 000 allocataires actuels
percevront donc 4 500 francs en 1998.
Parallèlement, la mise en place, par les partenaires sociaux, de l'allocation
pour chômeurs âgés permet à plus de 43 000 personnes de percevoir l'allocation
unique dégressive à taux plein jusqu'à soixante ans, dès lors qu'ils ont cotisé
pendant quarante annuités.
La complémentarité de ces deux initiatives permet d'enrayer l'appauvrissement
de cette génération.
Par ailleurs, le Gouvernement entend enfin rationaliser les exonérations de
charges sociales contribuant à alléger le coût du travail, en particulier pour
les bas salaires.
Les représentants de l'opposition que nous venons d'entendre en font un axe
majeur de leurs propositions pour la relance de l'emploi. Vous venez de nous le
rappeler, messieurs les rapporteurs. Mais quatre ans après l'instauration de la
ristourne dégressive sur les bas salaires, l'efficacité de cette mesure, à la
lumière du rapport entre les emplois ainsi créés et son coût, plus de 40
milliards de francs, est discutable.
Le Gouvernement nous propose donc d'abaisser à 1,3 fois le niveau du SMIC le
plafond qui enclenche le mécanisme, et nous soutiendrons cette proposition. Par
ailleurs, il instaure la proratisation des avantages liés au recours au travail
à temps partiel.
Il s'agit, pour nous, d'une mesure de moralisation indispensable afin de
maîtriser les dérives auxquelles a donné lieu ce dispositif particulièrement
attractif.
Des employeurs ont multiplié ces emplois à temps partiels, notamment en
direction des femmes, qui occupent 85 % d'entre eux. Et les salaires ainsi
versés permettent à peine d'assumer un niveau de vie décent. Le « cas »
hollandais, je ne parlerai pas volontairement d'« exemple », revient souvent
dans les démonstrations. Pour ma part, je ne pense pas que notre pays doive
chercher à imiter ce modèle.
M. Jean Chérioux.
C'est dommage !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Certes, nous sommes convaincus qu'une modernisation de notre système de
financement de la sécurité sociale est nécessaire si l'on veut sauvegarder
notre protection sociale - nous l'avons d'ailleurs initiée grâce à la CSG -
mais nous estimons que cette modification n'en représente qu'un volet et que
nous devons réfléchir et mettre en oeuvre une réforme plus globale.
J'en viens maintenant aux crédits consacrés à la formation professionnelle.
Ils augmentent globalement de 2 % pour atteindre 34 milliards de francs.
M. Jean Madelain, rapporteur pour avis, indique que ce projet de budget
s'inscrit dans une continuité par rapport à 1997. Mais, au-delà des chiffres,
comment ne pas noter que l'accès à la formation professionnelle demeure
pronfondément inégalitaire ?
Cette inégalité se décline sous de multiples facettes. Ainsi, les crédits
profitent essentiellement aux salariés, et de façon presque résiduelle aux
demandeurs d'emploi. Par ailleurs, un salarié d'une PME a huit fois moins de
chances d'accéder à un dispositif de formation que celui qui travaille dans une
grande entreprise, encore qu'il existe, à ce niveau, des disparités selon le
secteur professionnel concerné. En outre, ce sont les cadres qui accèdent
majoritairement à des parcours de formation, alors que les ouvriers qualifiés
ne bénéficient que de 16 % des actions. Enfin, une application à géométrie
variable de la décentralisation dans ce domaine conduit à des disparités dans
la mise en place d'actions préqualifiantes et qualifiantes, en particulier pour
les jeunes les plus en difficulté. Mais nous avions déjà dénoncé ce risque lors
du débat sur la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la
formation professionnelle.
Par ailleurs, l'architecture de notre système de formation professionnelle est
particulièrement alambiquée : certains dispositifs s'adressant à des publics
pratiquement identiques se superposent. En revanche, il existe des carences
évidentes, notamment pour ce qui concerne certains jeunes en grande difficulté.
J'y reviendrai.
Enfin, la collecte des fonds de l'alternance est parasitée par des luttes
d'influence et la question de la séparation entre collecteurs et opérateurs
n'est toujours pas réglée, ce qui ralentit l'assainissement de ce secteur.
Ces constats, que nous dressons déjà depuis un certain temps, nous conduisent
tous à la même conclusion : le système mis en place par la loi de 1971 n'est
pas adapté aux nouvelles exigences du monde du travail. A ce propos, je
constatais tout à l'heure, en entendant M. Madelain, que nous étions sur la
même longueur d'onde, si je puis dire.
La formation en alternance est déterminante pour la bonne intégration de
certains jeunes dans l'entreprise. Elle ne peut toutefois se résumer au seul
apprentissage.
Il est vrai que cette option connaît un regain d'intérêt depuis deux ou trois
ans : on compte actuellement plus de 320 000 jeunes sous contrats
d'apprentissage. Ils devraient être 240 000 en 1998, soit 20 000 de plus qu'en
1997.
Tous budgets confondus, y compris celui du commerce et de l'artisanat, ce sont
donc 10 373 millions de francs qui seront consacrés à son financement.
C'est pourquoi je ne comprends pas votre analyse, monsieur le rapporteur,
quant à la « canibalisation » qu'opérait le plan emplois-jeunes sur leur
insertion professionnelle.
Les problèmes que nous soulevions lors de notre débat sur la réforme du
financement de l'apprentissage restent d'actualité : trop de contrats, soit 25
% d'entre eux, sont rompus en cours d'application et le taux de chômage des
apprentis à l'issue de leur formation est passé en quatre ans de 17 % à 35
%.
Si on ne peut que se réjouir de l'élévation du niveau des diplômes préparés
par cette voie en 1996 - le niveau baccalauréat représentait 21 % - on ne doit
pas sous-estimer le phénomène inverse qui se dessine : pour certains jeunes en
situation d'échec scolaire, l'apprentissage n'est plus une solution, les chefs
d'entreprise préférant accueillir des jeunes de plus en plus formés.
Dès lors, les pistes qui restent ouvertes à ces jeunes sont restreintes,
puisque le programme PAQUE, la préparation active à la qualification à
l'emploi, a disparu, que les contrats de qualification, dont on connaît les
performances, traversent malheureusement une crise puisqu'ils sont
financièrement moins avantageux pour l'employeur, et que les itinéraires
personnalisés d'insertion professionnelle n'en sont qu'au stade
expérimental.
Pour la formation professionnelle des adultes, les moyens de l'AFPA sont
consolidés et il faut saluer l'augmentation très nette de 17 % de la dotation
des stages d'insertion et de formation à l'emploi, les SIFE, qui seront offerts
à 160 000 personnes au total.
Les SIFE permettent en effet d'intégrer dans un parcours des personnes
particulièrement fragilisées telles que les chômeurs de longue durée ou
certains allocataires du RMI, qui représentent près du quart des stagiaires et
parmi lesquels figurent une proportion importante de femmes isolées.
Quant aux allocations de formation reclassement, les AFR, les modifications
intervenues dans leur financement avaient suscité de nombreuses protestations,
car la diminution de la contribution de l'Etat avait conduit l'UNEDIC à
restreindre les critères d'acceptation dans ces stages et leur rémunération, si
bien que certains stagiaires renonçaient alors à poursuivre leur formation.
Les crédits pour 1998 augmenteront de 10 % et l'AFR devrait être
revalorisée.
Les conclusions du récent sommet de Luxembourg consacré à l'emploi placent la
formation professionnelle au centre des engagements pris par les exécutifs
européens pour encourager l'embauche de jeunes et améliorer les chances des
chômeurs de longue durée.
M. Jean Chérioux.
Si on peut parler d'engagements !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Les analyses récentes, dont celle de M. de Virville, mettent par ailleurs
l'accent sur la nécessité d'imaginer de nouvelles formules, dont le compte
épargne temps peut apparaître comme une illustration, afin d'encourager la
mobilité fonctionnelle des salariés, afin de leur donner une chance
supplémentaire ainsi qu'à leur entreprise.
Cette réflexion devrait prendre une dimension nouvelle dans la perspective de
la généralisation de la réduction du temps de travail. Il s'agit pour la
relance de l'emploi, de deux chantiers essentiels qu'il faut entamer en
coopération avec les partenaires sociaux.
Le projet de budget que vous nous présentez, madame la ministre, permet de
poser les premières pierres de ces chantiers ambitieux auxquels nous nous
associerons, nous le voterons donc avec confiance, si tant est qu'il demeure en
l'état.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Madame le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, il y a une
dizaine de jours, le sommet spécial pour l'emploi, tenu à Luxembourg, fixait un
triste constat : 18 millions de chômeurs dans l'Union européenne, dont 5
millions de moins de vingt-cinq ans. La France occupe le troisième rang des
pays ayant les taux les plus élevés, soit 12,6 % de sa population active si
l'on retient le chiffre de 3 millions de personnes concernées par la chômage.
Or le Centre d'études des revenus et des coûts et le Bureau international du
travail estiment que ce n'est là que le noyau dur et que ce phénomène touche
près de 7 millions de personnes, sans compter l'environnement familial
immédiat.
Avec une évolution favorable des crédits, à quoi tend le projet de budget de
l'emploi ? Il prévoit la réduction et la suppression de mesures incitatives
faisant appel à l'initiative et la mise en place d'un programme qui est
détourné de l'objectif posé.
La population active s'accroît de 150 000 personnes par an. Le Gouvernement
propose la création de 350 000 emplois-jeunes sur cinq ans. A cette fin, 8
milliards de francs sont inscrits au budget de l'emploi. L'Etat financera donc
un aide égale à 80 % du SMIC, soit 92 000 francs par emploi-jeune en 1998.
L'embauche se fera sous contrats de droit privé avec des fonds publics. De
plus, ces contrats seront conclus en majorité par des collectivités locales. Il
y a matière à s'interroger sur la validité, pour ne pas dire la légalité du
montage !
Par ailleurs, il est apparu que cette mesure d'insertion servira à financer
des emplois de fonctionnaires, principalement dans l'éducation nationale. En
effet, sur les 150 000 créations de postes programmées pour 1998, près d'un
tiers seront des emplois de fonctionnaires intégrés aux ministères de
l'éducation nationale et de l'intérieur. Ils seront rémunérés pour 80 % sur les
8 milliards de francs inscrits au budget de l'emploi et, pour le reste, sur les
crédits affectés au paiement des heures supplémentaires des enseignants et sur
des crédits inscrits au titre III du budget du ministère de l'intérieur.
Ces créations d'emplois vont entraîner un accroissement des prélèvements
obligatoires qui pèsera sur la croissance et sur l'emploi, puisque ces emplois
n'ont pas vocation à être pérennisés dans le secteur privé.
Cet effet pervers est renforcé par les conséquences des contrats à durée
déterminée qui alimentent un sous-emploi massif. Ainsi, une personne qui a
accupé un emploi précaire bascule très vite dans le régime de solidarité qui
relève de l'Etat. Il en résulte que le nombre des chômeurs indemnisés par le
régime d'assurance chômage est tombé de 54 % de demandeurs d'emploi en 1992, à
47,5 % en 1995 et devrait chuter cette année à 46,7 %. Toujours selon l'UNEDIC,
seulement 1,7 million des chômeurs sont indemnisés par le régime de l'assurance
chômage, dont 55 % touchent moins de 4 000 francs. Finalement, ce sont les
effectifs des personnes qui perçoivent le RMI qui augmentent.
Ce dispostif emploi-jeunes fait face, dans le court terme, à une situation de
détresse. Il privilégie un traitement social au détriment d'une démarche
économique générant concomitamment la réponse sociale.
Trois orientations du projet de budget de l'emploi pour 1998 ne laissent pas
de m'inquiéter à cet égard : la suppression de l'aide pour la création
d'entreprises par des travailleurs indépendants, l'inscription d'une provision
de 3 milliards de francs pour le financement de la future loi sur les
trente-cinq heures et, enfin, l'abaissement à 1,30 SMIC du plafond des salaires
concernés par la ristourne dégressive des charges sociales.
Des réformes structurelles avaient été entreprises dès 1993, et la politique
d'abaissement des charges sur les bas salaires avait commencé à porter ses
fruits. Notre éminent rapporteur spécial, notre collègue Emmanuel Hamel, a
indiqué en commission - le bulletin fait foi - que 50 000 créations d'emplois
avaient été obtenues par dizaine de milliards de francs dépensés.
Les entreprises espéraient une accentuation de l'effort d'allégement des
charges sur les bas salaires. Au lieu de cela, on constate l'abaissement du
plafond des salaires éligibles à la ristourne des charges sociales. La mesure
n'est pas anodine, ni dans l'esprit ni dans la forme ; les vieux démons
idéologiques permettent de récupérer 2 milliards et demi de francs !
Même justification pour l'extinction de l'aide aux travailleurs indépendants
créant ou reprenant une entreprise, la « loi Madelin ». Si l'on ne parle par
d'interventionnisme, le libéralisme est malgré tout suspect.
Avec l'inscription des crédits destinés à financer les trente-cinq heures, on
privilégie l'obligation pour ce qui devrait rester du ressort de la négociation
dans l'entreprise. Que va-t-il advenir des dispositions de la loi de Robien,
dont vient de parler Mme Dieulangard ?
Après dix mois d'expérimentation, cette loi présente un bilan positif. Il a en
effet été établi que 1 200 entreprises y ont eu recours, dont 70 % de PME-PMI.
Dans un tiers des cas, il s'est agi de préserver des emplois menacés, mais les
deux autres tiers relèvent de la volonté d'innover dans l'organisation du
travail. Ce sont 120 000 salariés qui ont été concernés et environ 15 000
emplois qui ont été sauvés ou créés.
Le coût moyen unitaire de ces actions s'établit entre 25 000 et 60 000 francs
selon leur nature. En rapportant ce coût à celui d'un chômeur pour la
collectivité, à savoir de 120 000 à 140 000 francs, chacun peut tirer la
conclusion qui s'impose en ayant présent à l'esprit l'élément humain
indissociable du travail.
Que reproche-t-on à cette loi libérale et sociale qui apporte une réponse aux
nouvelles donnes et exigences instituées par la mondialisation de l'économie ?
La flexibilité et le réaménagement des horaires permettent de satisfaire les
pics de production tout en évitant le chômage technique lorsque la tendance
s'inverse.
Cette politique de la responsabilisation et de l'engagement a permis aux
Pays-Bas de se situer dans les Etats ayant le plus bas taux de chômage. Plutôt
que de se voir imposer une réforme par le Gouvernement, les partenaires sociaux
ont préféré trancher eux-mêmes, et ont opté clairement pour l'emploi au prix
d'une modération salariale négociée. Les syndicats ont fait le premier pas en
admettant que le coût du travail était trop élevé, et le patronat a fait
l'autre en acceptant, dès lors qu'il n'y avait pas hausse des coûts, une
réduction progressive de la durée du travail vers trente-six heures et un
développement du temps partiel.
C'est dans cette voie que j'aurais voulu voir les efforts concentrés. Les
régions pourraient également participer utilement, comme entités
coordonnatrices et incitatives, aux actions à mener en faveur de l'emploi. La
Franche-Comté, par exemple, qui compte encore 13 000 demandeurs d'emploi de
moins de vingt-six ans, a, depuis 1986, lancé des actions qui s'avèrent
positives. Ces résultats s'obtiennent à partir de bassins cernés, d'opérations
ciblées et d'implication des acteurs. La proximité permet l'interaction
conjuguée sous des formes variées de partenariat, de parrainage et
d'accompagnements divers.
Cette prévention au colbertisme supposé du libéralisme, qui sous-tend la
démarche du Gouvernement dans le traitement du chômage, ne permettra pas à la
majorité du Rassemblement démocratique et social européen de voter les crédits
du budget de l'emploi tels qu'ils sont présentés.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du RPR,
de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'an dernier,
la seule priorité clairement affichée par le budget de l'emploi était la baisse
du coût du travail. Cela se traduisait pour l'essentiel par une diminution de
tous les crédits, à l'exception de ceux qui étaient consacrés à l'allégement
des charges des entreprises et des primes accordées à celles-ci.
Tout au cours de ces dernières années, l'incidence sur l'emploi fut
pratiquement nulle.
Dénonçant les effets négatifs d'une telle politique, soucieux de renverser ce
dogme, le groupe communiste républicain et citoyen est,
a priori,
favorable aux orientations du projet de budget de 1998 relatif à l'emploi
et à la formation professionnelle, budget qui s'inscrit, même si ce n'est pas
assez selon nous, dans une optique différente, notamment au niveau de
l'incitation, des aides publiques à l'emploi. Une inflexion est constatée.
Enfin, comme le titraient récemment
Les Echos,
le ministère de l'emploi
va-t-il mériter son nom ?
Marquée par une forte dégradation du chômage, par une accélération de la
diminution de la rémunération salariale et par une baisse des investissements
des entreprises, l'évolution de notre économie reste modérée. Il convient donc
de la dynamiser.
Depuis 1995, le ralentissement de la croissance a différemment affecté
l'emploi selon les secteurs. Le secteur marchand, les secteurs de l'industrie
manufacturière et du bâtiment ont été touchés, alors que le secteur textile
tire son épingle du jeu, enregistrant une hausse sensible. La seule évolution
constatée s'appuie sur les services.
En un an, l'emploi n'aurait progressé que de 0,7 %. Le blocage du patronat est
grand, et ce n'est pas M. Ernest-Antoine Seillière qui, nous semble-t-il, «
poussera » dans le bon sens.
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
C'est le mur de l'argent !
M. Guy Fischer.
Selon les chiffres publiés par l'INSEE, révélateurs d'une inversion de
tendance, 35 000 emplois salariés auraient été créés au deuxième trimestre 1997
contre 18 000 au premier trimestre. Cependant, compte tenu de la nature de ces
emplois et surtout de l'ampleur du problème, la situation demeure
préoccupante.
De surcroît, la situation des salariés est loin de s'améliorer. D'une part, le
temps partiel atteint aujourd'hui 16,6 % d'entre eux, touchant en priorité les
femmes ; d'autre part, la pauvreté chez les salariés ne cesse de gagner du
terrain, puisque 2,8 millions d'entre eux, vivant avec un salaire net mensuel
inférieur à 3 650 francs ou s'échelonnant jusqu'à 4 866 francs, sont recensés
parmi les pauvres.
Comment décemment rester plus longtemps insensibles, et surtout inactifs, face
aux chiffres accablants, tant du chômage que de la pauvreté, et aux
conséquences dramatiques qu'ils engendrent ? Drame social, drame humain et
personnel, le chômage et la précarité rongent notre société et la poussent à
l'explosion.
Si l'année 1996 fut, comme d'habitude, favorable à la bourse - plus de 20 % de
progression, monsieur Chérioux ! - elle fut particulièrement médiocre pour les
salariés, et terrible pour les chômeurs.
Le taux de chômage ne diminue pas. Il s'élève toujours à 12,5 % de la
population active, touchant de manière accrue les jeunes de moins de vingt-cinq
ans, les femmes, les immigrés...
Que ce soit aux niveaux national ou européen, la priorité doit être donnée à
l'emploi. L'exigence de solutions nouvelles et fortes pour lutter contre le
chômage est telle que nous devons intervenir pour orienter différemment les
politiques afin qu'elles soient effectivement créatrices d'emplois.
Conditionnées par la nécessaire application des critères de convergence
préparant l'union monétaire, les politiques économiques des Etats membres ont
échoué.
L'Europe compte malheureusement 18 millions de chômeurs et 50 millions de
pauvres. Nous saluons l'initiative du Gouvernement français, qui a contribué à
la tenue d'un Conseil européen sur l'emploi.
Vous savez qu'à notre sens la construction européenne ne pouvait se concevoir
sans l'adjonction au volet monétaire d'une dimension sociale. De plus, si l'une
des conditions posées par le parti socialiste pour l'adhésion de la France à la
monnaie unique était l'instauration d'un pacte de croissance et de l'emploi,
aujourd'hui cette condition ne nous semble pas remplie. C'est pour cela que, le
18 janvier prochain, nous organisons une manifestation importante afin de
réclamer un référendum sur le passage à la monnaie unique européenne.
M. Jean-Claude Carle.
Et sur la nationalité ?
M. Guy Fischer.
Evidemment, les intentions affichées lors du sommet de Luxembourg des 20 et 21
novembre derniers sont bonnes. Comment ne pas être d'accord avec l'idée de
réduire à 7 % le chômage, de s'attaquer en priorité au chômage des jeunes en le
diminuant de moitié d'ici à l'an 2000, de favoriser l'insertion
professionnelle, d'assurer la formation ?
Les lignes directrices adoptées sur l'insertion des chômeurs retiennent toute
notre attention. Elles tendent à offrir un nouveau départ à tout jeune avant
qu'il n'atteigne six mois de chômage par le biais de formation, de
reconversion, d'expérience professionnelle ; la même démarche est conseillée
pour les chômeurs adultes avant qu'ils n'atteignent douze mois de chômage.
Seulement, nous jugeons les moyens avancés insuffisants : aucune contrainte et
encore moins de sanctions.
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Ce n'est que littérature !
M. Guy Fischer.
L'accord auquel sont parvenus les Etats membres s'inspire largement, à notre
sens, de la logique et des propositions de la Commission de Bruxelles. C'est,
selon nous, le coeur du problème.
Bien que l'Europe semble se tourner vers les trente-cinq heures, le sujet n'a
pas été évoqué. Pour la Commission, le travail demeure un coût et non une
richesse. Fondées sur la compétitivité, appuyées sur l'adaptabilité et
l'employabilité, concepts « à la mode », derrière lesquels se cache en fait la
flexibilité, les propositions de la Commission sont étrangères au droit de
chacun à un emploi stable, rémunéré correctement et conciliable avec une vie
familiale.
Avant tout, la politique de l'emploi et de la formation professionnelle
demeure une compétence nationale. Aujourd'hui, en examinant les crédits que le
Gouvernement entend lui consacrer pour l'année 1998, nous nous attacherons à ce
qu'ils soient à la hauteur des attentes de chacun.
Les crédits s'élevant à 155,6 milliards de francs, dont 112 milliards de
francs sont prévus dans le budget de l'emploi et 43,2 milliards de francs dans
celui des charges communes, enregistrent une hausse de 4,4 %.
Cette progression sensible des crédits, tant pour l'emploi que pour la
formation professionnelle, nous l'apprécions d'une façon générale. Toutefois,
permettez-moi, madame la ministre, d'affiner mon jugement sur votre bubget et
sur le volet emploi, tout d'abord, au regard de ces axes principaux.
Depuis longtemps, nous appelons de nos souhaits une politique novatrive et
volontariste. C'est pourquoi nous prenons acte des crédits nouveaux prévus pour
financer l'emploi des jeunes, le partage du temps de travail, mais aussi la
création de richesses.
Votée récemment par le Parlement, la loi « emploi-jeunes » a suscité
l'engouement que nous connaissons tous, doublé d'un espoir que nous n'avons pas
le droit de décevoir.
En affectant plus de 8 milliards de francs au financement de ces
emplois-jeunes, vous contribuez, madame la ministre, à réaliser effectivement
le développement d'activités nouvelles d'utilité sociale et de proximité.
Comme j'ai eu l'occasion de le faire tout au long des débats sur cette
question, je rappelle qu'à l'occasion de ce type de contrats nous devons offrir
aux jeunes une solide formation et faire en sorte qu'à l'issue des cinq ans
l'emploi soit pérennisé. Il faut éviter de retomber dans le piège des petits
boulots et dans les errements du passé.
A noter aussi qu'en prévoyant 200 millions de francs pour encourager le
développement d'entreprises nouvelles - dispositif EDEN - le budget de l'emploi
vise aussi, parallèlement au traitement de l'insertion des jeunes, à promouvoir
le savoir-faire et les initiatives des jeunes ; c'est la preuve que l'Etat
entend aussi promouvoir l'initiative individuelle créatrice de richesses par le
biais d'avances remboursables.
L'autre point fort qui retient toute mon attention, c'est le financement de la
réduction du temps de travail à hauteur de 5,1 milliards de francs : 3
milliards de francs budgétés aux charges communes et 2,1 milliards de francs
dans ce budget pour assurer la poursuite de la loi de Robien.
Ces crédits permettront le passage aux trente-cinq heures, en 1998, de 700 000
à 1 million de salariés.
Ce grand chantier entrepris par le Gouvernement, nous entendons l'accompagner
et l'enrichir.
Suite aux conclusions positives de la conférence nationale du 1er octobre
1997, le projet de loi d'orientation et d'incitation qui nous sera bientôt
présenté prévoit, d'ici à l'an 2000 : l'abaissement négocié de la durée légale
hebdomadaire du travail, aidé à hauteur de 9 000 francs par salarié, à
condition que la baisse soit d'au moins 10 % du temps de travail et
s'accompagne d'un accroissement d'effectifs d'au moins 6 %.
Répondant à nos revendications, à celles des travailleurs, cette logique, qui
ouvre réellement la perspective de moins travailler pour mieux vivre, doit
corrélativement être accompagnée d'un geste pour l'augmentation du pouvoir
d'achat, afin que chacun puisse jouir de son temps libre. C'est primordial !
Madame la ministre, vous avez annoncé récemment que cette loi-cadre sur les
trente-cinq heures s'appliquerait aux transports urbains.
Evidemment, nous nous réjouissons de cette extension, mais nous regrettons que
vous la conceviez strictement, étant entendu que cette dérogation ne
bénéficiera qu'aux traminots.
Les entreprises publiques, la SNCF, France Télécom, Air France n'auraient
aucun droit à une telle mesure.
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
La fonction publique non plus.
M. Guy Fischer.
Certes.
Au cours des derniers arbitrages, vous avez réglé la question du seuil à
partir duquel le passage aux trente-cinq heures sera impératif d'ici à l'an
2000 en le fixant à vingt salariés.
Mais, sur d'autres points, notamment sur le contingent légal d'heures
supplémentaires, sur le repos compensateur, rien ne semble arrêté dans
l'immédiat. De plus, cette loi-cadre, de par sa souplesse, laisserait une large
part de manoeuvre aux entreprises pour les négociations qui, très
décentralisées, risqueraient de conduire à une modulation excessive du temps de
travail.
Nous dénonçons les dangers de la flexibilité et de l'annualisation du temps de
travail. Je reviendrai plus tard au cours du débat sur notre souci d'assurer
aux salariés une totale représentativité lors de ces négociations.
Mon appréciation se porte maintenant sur le deuxième volet de votre projet de
budget, qui s'efforce de consolider les crédits d'insertion des personnes en
difficulté.
Les mécanismes traditionnels des contrats aidés sont recentrés sur leurs
véritables missions ; c'est le cas notamment des CIE, qui supportent une baisse
de dotation, et des contrats emplois-villes qui sont amenés à disparaître.
L'objectif est d'inciter fortement les jeunes titulaires d'un CIE à s'orienter
vers les emplois-jeunes. Nous ne pouvons qu'être favorables à cette démarche,
notre approche des CIE étant très négative. En effet, ces contrats ont abouti à
une création nette d'emplois très faible par rapport à leur coût exorbitant, en
raison surtout de l'absence de conditions à l'attribution de l'aide.
Les entrées en CES sont maintenues à un niveau identique alors que 10 000 CEC
supplémentaires sont prévus. Je ne vais pas ici me livrer à un bilan
coût-avantages pour juger de l'efficacité de ces dispositifs d'aides à
l'emploi. Je me contenterai de rappeler que nous sommes très attachés à
convertir ces aides en emplois stables.
Moyens d'insertion dans le monde du travail pour les jeunes, les femmes, les
chômeurs de longue durée, les RMIstes, ces aides ont été malheureusement trop
souvent détournées, servant seulement l'objectif d'abaissement du coût du
travail.
Sur ce point, nous avons été très fermes, et cela me conduit, madame la
ministre, à rester réservé sur le troisième volet de votre budget pour
l'emploi.
Je salue toutefois votre volonté de réexaminer dans son ensemble les
mécanismes d'aide à l'emploi dans le secteur privé. Je rejoins votre
appréciation sur la nécessité de revoir avec les différents partenaires tant
les aides accordées au secteur textile que les avantages, jugés parfois
excessifs par les organisations patronales elles-mêmes, accordés aux emplois à
temps partiel.
Vous contenez la dépense budgétaire servant à compenser les exonérations de
charges sociales et diverses primes octroyées aux entreprises à hauteur de 40
milliards de francs, vous abaissez le plafond de la ristourne dégressive de
1,33 à 1,30 fois le SMIC, mais nous attendons de vous un signe fort témoignant
d'un changement de cap de la politique de baisse du coût du travail.
Jusqu'à présent, et j'insisterai sur ce point lors de l'examen de l'article
65, les politiques publiques d'incitation à l'emploi n'ont eu qu'un seul effet
: elles ont cassé la demande et la croissance.
Nous ne sommes pas farouchement opposés au concept même d'aides publiques aux
entreprises, mais ces aides doivent être dirigées autrement : au lieu d'inciter
l'entreprise à baisser ses charges sociales, elles devraient la conduire à
utiliser autrement l'argent pour l'emploi, pour les salaires et la
formation.
Le dossier de la formation, qu'il s'agisse des jeunes pour qu'ils entrent bien
armés sur le marché de l'emploi ou des salariés, doit être évoqué avec beaucoup
de sérieux et d'ambition, tant les enjeux sont grands.
Selon une nouvelle enquête de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de
développement économiques, une large frange de la population serait privée
d'accès au marché de l'emploi faute d'un niveau de compétences de base
suffisant.
Or, dans le climat actuel de modernisation, de compétitivité à outrance et
d'évolution constante des technologies, être qualifié et le rester en se
formant continuellement est une condition d'accès à l'emploi.
Cette année, le budget consacré à la formation professionnelle progresse de 2
%, ses crédits s'élevant à 34 milliards de francs, subventions à l'AFPA,
l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes, et à la
formation des demandeurs d'emploi comprises. J'aurai peut-être l'occasion d'y
revenir : compte tenu des efforts consentis, il est évident que nous aurions
voté ce projet de budget
(Exclamations sur les travées du RPR)
s'il
était resté en l'état, mais, compte tenu de l'opposition idéologique de la
majorité sénatoriale,...
MM. Alain Gournac et Jean Chérioux.
Voilà !
M. Guy Fischer.
... nous nous opposerons fermement à la tentative de celle-ci d'instaurer un
contre-projet marqué par l'austérité.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Madame le ministre, vous avez déclaré que votre projet de budget cherchait à
encourager la création d'emplois sous toutes ses formes.
Vous voulez créer des emplois qui n'existent pas. Pourquoi pas ? Ce n'est pas
critiquable en soi, bien au contraire, s'il s'agit de véritables emplois qui
offrent, par les contrats mis en place, des garanties, des possibilités de
formation et des perspectives d'évolution.
Créer de nouveaux emplois, pourquoi pas ? disais-je. Cependant, je
m'interroge, essayant de comprendre votre méfiance obstinée envers le secteur
privé, seul véritable créateur de richesses, et donc d'emplois.
Vous avez mis en place le plan « emplois-jeunes » et sa kyrielle de nouveaux
métiers virtuels, mais ceux-ci, à supposer qu'ils soient viables,
impliquent-ils nécessairement que l'on se désintéresse de l'emploi privé, que
l'on en diminue les aides ? Vous savez ce qu'en pense la majorité
sénatoriale.
J'ai l'impression que vous êtes persuadée que, quelles que soient les
conséquences négatives de vos mesures, et de manière plus générale de votre
politique, vous resterez dans l'esprit des Français celle qui a créé des
emplois, le chômage dût-il augmenter et les entreprises licencier demain. A
croire que vous attendez plus d'une politique d'image que d'une réelle
politique !
Pourquoi votre plan emplois jeunes doit-il s'accompagner nécessairement d'une
pénalisation du secteur privé ?
Je comprends bien qu'il vous faille trouver de quoi financer ce plan - manière
de dire, toutefois, car je ne comprends vraiment pas que vous vous entêtiez à
créer des emplois parapublics au détriment du secteur privé !
Ainsi, pourquoi remettez-vous en cause l'allégement du coût du travail ?
Pourquoi touchez-vous au dispositif de réduction dégressive des cotisations
patronales de sécurité sociale sur les bas salaires, en abaissant de 1,33 fois
à 1,30 fois le SMIC le plafond de salaire donnant lieu à l'application de la
ristourne ?
Différence minime ? Non ! Car cela se traduira par une charge supplémentaire
de 2,5 milliards de francs pour les entreprises et entraînera inévitablement
des licenciements, au mieux des embauches différées.
Si l'on ajoute la contribution exceptionnelle de 10 % de l'impôt sur les
sociétés - exception dont il serait exceptionnel qu'elle reste exceptionnelle -
on peut craindre que nos chefs d'entreprise ne perdent confiance dans les
capacités de notre pays à faire face, demain, à la concurrence européenne et
mondiale qui ne les ménagera pas.
Pourquoi votre plan emplois jeunes doit-il nécessairement s'accompagner
également d'une pénalisation des emplois familiaux ?
Vous dites vous-même que le gisement dans ce domaine se situe entre 1 million
et 1,2 million d'emplois. Permettez-moi d'ajouter : d'emplois réels.
Madame le ministre, cela ne vaut-il pas toutes les aides que vous êtes prête à
consentir pour faire émerger ce que vos conseillers appellent de « nouveaux
métiers » ?
Entre fin 1994 et fin 1996, ce sont 202 000 emplois familiaux qui avaient été
crées par 590 000 employeurs particuliers. D'après l'IRCEM, l'institution de
retraite complémentaire des employés de maison, auquel vous faites vous-même
référence, ce sont 133 000 emplois qui risquent d'être supprimés par la mise en
oeuvre de vos mesures et 26 500 nouveaux emplois par an qui ne seront pas
créés.
Pour justifier la diminution des aides qui incitaient à la création de ces
emplois, vous brandissez l'emblème idéologique - mais qui fait son effet - des
plus grandes fortunes de France, et vos amis, eux, brandissent l'emblème des
bourgeois de Neuilly-Auteuil-Passy, qui se voient remboursés à hauteur de 85 %
le coût salarial de leurs employés de maisons.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je n'ai pas dit cela !
M. Alain Gournac.
Je l'ai entendu à plusieurs reprises, et encore samedi matin, dans la bouche
de vos amis !
Précisons par honnêteté que, pour bénéficier de cette aide, il faut obéir à
des conditions strictes : que les deux parents travaillent, qu'ils aient au
moins un enfant de moins de trois ans et qu'ils emploient une assistance
maternelle. Nous sommes bien loin de l'employée de maison !
Madame le ministre, je défends l'emploi et je soutiens le secteur privé parce
que je défends notre jeunesse, son avenir et celui de notre pays.
J'en profite pour vous poser une question précise dont la réponse est très
attendue : il s'agit de la désaffection que rencontrent les contrats de
qualification.
Ce type de formation, quand il est correctement dispensé, mène directement à
un emploi véritable. Cela est unanimement reconnu. Or cette formation
supérieure courte est menacée : le nombre de contrats de qualification diminue
de façon inquiétante chaque année à cause, principalement, de l'incertitude
pour l'employeur qui accueille un « étudiant salarié » de percevoir la prime de
7 000 francs.
Cette prime, éteinte au 31 décembre 1996, n'avait été reconduite que le 26
mars 1997. Cet atermoiement - vous voyez que je ne suis pas sectaire ! - fut
regrettable. Pour 1998, quelle décision allez-vous prendre ?
Rendez-vous compte ! Les jeunes qui sont attirés par cette voie parce qu'elle
débouche sur un emploi se mettent en quête d'une entreprise dès le mois de
juillet, au lendemain de la publication des résultats du baccalauréat, pour une
formation qui commence au mois d'octobre.
Comment voulez-vous que des employeurs puissent s'engager pour deux ans dans
un contexte aussi incertain ?
Je connais beaucoup de jeunes qui ont profité de cette formation et qui en ont
été pleinement satisfaits.
J'ai rencontré de nombreux chefs d'entreprise qui ont joué le jeu et qui n'ont
pas eu à le regretter puisque, dans la plupart des cas, ils ont embauché, en
pleine connaissance de cause, le jeune dont ils avaient eux-mêmes assuré la
formation.
Combien de secrétaires bureautiques, de secrétaires bilingues, de secrétaires
de direction, de comptables, d'agents commerciaux ont ainsi été engagés, dans
certaines sociétés que je connais bien, sur un contrat de deux ans avec la
perspective d'obtenir un brevet de technicien supérieur et la certitude de
trouver un emploi dès l'obtention de leur diplôme ?
Bien sûr, il fallait que les deux parties y trouvent leur intérêt : le jeune,
dans l'alternance école-entreprise et le salaire perçu, l'employeur dans la
prime versée à l'entreprise et dans le temps investi dans la formation d'un
futur salarié.
Cette prime est, bien entendu, chargée de dédommager le temps passé par le
maître de stage auprès de son étudiant. Je ne reviendrai pas sur le rôle
primordial et l'efficacité de ce véritable tutorat.
Madame le ministre, je suis heureux d'apprendre que vous avez signé, avec la
région Poitou-Charentes, un contrat pour 1 000 emplois. Immédiatement, la
région a mis en place ce fameux tutorat que je défends depuis des années.
Ainsi, comme nous l'avions proposé lors de l'examen du projet de loi
emploi-jeunes, de jeunes retraités, des préretraités vont se rendre auprès de
ces jeunes pour les aider à saisir leur chance.
M. Jean-Claude Carle.
Absolument ! Excellente initiative !
M. Alain Gournac.
Pour encourager nos employeurs à embaucher massivement ces jeunes en contrat
de qualification, ne pourrait-on pas, madame le ministre, reconduire cette
prime une fois pour toutes, sans la remettre en cause chaque année ?
Votre politique est éloignée des réalités. Il m'est, en conscience, impossible
d'y adhérer. Je crains que vos effets d'annonce et ceux de tout le Gouvernement
ne vous entraînent dans des dérapages inquiétants.
Quand on compare ce que, sur scène, vous prétendez bâtir et ce que, en
coulisse, vous détruirez immanquablement à terme, il y a vraiment de quoi
s'inquiéter !
Quand on voit cette proposition utopique et floue d'abaissement à trente-cinq
heures de la durée du temps de travail évoluer au gré des déclarations,...
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Tantôt dix, tantôt vingt !
M. Alain Gournac.
... quand on voit cette promesse électorale s'interpréter différemment au gré
des réactions du public, quand on voit combien votre effet d'annonce a du mal à
faire face, non pas aux pesanteurs de notre société, comme vous aimeriez nous
le faire croire, mais aux dures réalités économiques de la mondialisation, on
ne peut, là non plus, vous suivre, madame le ministre.
Pour toutes ces raisons, et parce que vos choix relèvent selon moi d'une
imprévoyance économique qui découle d'une bévue idéologique, madame le
ministre, je ne voterai pas ce projet de budget relatif à l'emploi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Mazars.
M. Georges Mazars.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe
socialiste tient d'abord à féliciter le Gouvernement pour l'ensemble du projet
de loi de finances pour 1998. En effet, l'équilibre budgétaire et la volonté de
respecter les critères de Maastricht sont autant d'éléments positifs dans les
propositions budgétaires du Gouvernement.
Maîtriser les dépenses publiques tout en orientant les moyens budgétaires
prioritairement en faveur de l'emploi, du logement, de la recherche, de
l'éducation, de la justice et de la solidarité : tel a été l'objectif du
Gouvernement. Ainsi, les axes prioritaires dégagés montrent la voie d'une
nouvelle politique, une politique de gauche.
L'emploi se trouve au coeur des préoccupations de ce projet de loi de finances
puisque le budget du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle
est en augmentation de 3,6 %. La précarisation de la société française et le
taux inquiétant du chômage exigent des mesures d'urgence, des efforts
particuliers.
La hausse des crédits en faveur de l'emploi, le plan emploi-jeunes et la mise
en route d'un processus conduisant à la réduction du temps de travail sont
autant de dispositions significatives pour répondre avec efficacité à l'urgence
sociale : nous ne pouvons qu'en féliciter le Gouvernement.
Par ailleurs, le sommet européen sur l'emploi, qui fut, rappelons-le, organisé
sur l'initiative de la France, a eu le grand mérite de dégager, à l'échelon
européen, des objectifs en faveur de l'emploi.
Les Français, si l'on en croit notamment les sondages, sont sensibles à ces
orientations et semblent bien approuver cette nouvelle politique. Le groupe
socialiste du Sénat entend manifester son soutien et encourager le Gouvernement
dans cette voie.
Je voudrais m'attacher ici plus particulièrement aux mesures qui, dans le
projet de loi de finances pour 1998, concernent les personnes handicapées.
Le chômage touche toujours plus durement les plus fragiles d'entre nous. Les
personnes handicapées, que leur handicap soit mental ou physique, se trouvent
ainsi victimes entre les victimes de la situation socio-économique.
Nous avons donc, madame la ministre, accueilli très favorablement les
nouvelles dispositions budgétaires proposées par le Gouvernement à cet égard.
Vous avez manifesté un intérêt particulier pour l'emploi de ces personnes, et
nous vous en félicitons.
Les crédits dévolus à en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés sont
nettement en hausse. La somme dégagée pour 1998 sera destinée à financer les
programmes départementaux d'insertion professionnelle ; elle permettra surtout
d'achever la nécessaire couverture du territoire.
De plus, les crédits affectés au reclassement des travailleurs handicapés
s'élèvent à 5,228 milliards de francs, contre 4,944 milliards de francs en
1997, soit une hausse de 5,7 %. Comme l'an dernier, 500 nouvelles places en
ateliers protégés pourront être financées. Quant aux crédits destinés aux
équipes de préparation et de suite du reclassement, les EPSR, ils passeront de
50 millions à 53,38 millions de francs, ce qui améliorera les conditions de
placement des candidats à l'emploi. Est par ailleurs prévue la création de 2
000 places en centre d'aide par le travail, les CAT.
Ainsi, le nombre total de personnes placées sera de 111 850, se répartissant
ainsi : 85 450 en CAT, 13 600 en ateliers protégés et 12 800 en milieu
ordinaire.
En outre, la garantie de ressources est en significative augmentation : elle
passe de 4,712 milliards de francs en 1997 à 4,981 milliards de francs pour
1998.
Par ailleurs, dans le budget de l'action sociale et de la solidarité, est
notamment prévue une augmentation des crédits affectés à l'allocation aux
adultes handicapés, qui s'élèveront en 1998 à 23,4 milliards de francs, contre
22,3 milliards de francs en 1997. Nous nous en réjouissons.
Toutes ces mesures sont positives. Néanmoins, elles ne sauraient être
suffisantes, tant la situation de nos compatriotes handicapés est préoccupante.
Nous savons que ce budget a été élaboré en un temps restreint et que les tâches
du Gouvernement, depuis son arrivée, ont été considérables. Ce budget, nous le
comprenons bien, n'est qu'un budget de transition. Ce n'est donc qu'en vue
d'une politique globale à venir concernant les personnes handicapées que nous
souhaiterions émettre quelques observations.
Je formulerai d'abord, un certain nombre de remarques sur l'association pour
la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés,
l'AGEFIPH.
Rappelons que l'obligation d'embauche de 6 % de personnes handicapées par les
entreprises privées n'est pas respectée. La situation est pire dans le secteur
public. De plus, nous pensons que l'AGEFIPH a, non pas à financer la garantie
de ressources, mais à servir le développement de l'insertion professionnelle.
Pourtant, comme le disait naguère le député Michel Berson, le rôle de l'Etat
est de mobiliser les ressources pour faire appliquer la loi, et non de
ponctionner les ressources pour financer autre chose.
Il s'agit là d'un choix politique : le groupe socialiste souhaite que soit
favorisé le travail en milieu ordinaire afin de promouvoir l'insertion des
personnes handicapées. C'est donc une remise à plat de cet aspect de la
politique en faveur des personnes handicapées qu'il faudra envisager à
l'avenir.
Par ailleurs, une revalorisation de l'allocation compensatrice des frais
professionnels s'impose : il faudrait rehausser le plafond pour aider les
personnes handicapées à s'insérer dans des professions valorisantes.
Quant aux commissions techniques d'orientation et de reclassement
professionnel, les COTOREP, même si leur travail est allégé parce qu'elles ne
prennent plus en charge l'allocation compensatrice pour les personnes de plus
de soixante ans, le problème de la qualité de l'équipe technique reste entier.
De nombreuses orientations sont décrétées trop hâtivement. Surtout, l'examen à
partir du seul dossier est inacceptable : un entretien avec la personne
handicapée, pour le moins, est indispensable. Il faut donc contrôler ces
institutions. De plus, une amélioration des conditions de fonctionnement des
COTOREP se révèle nécessaire.
Par ailleurs, le temps est venu d'évaluer les lois de 1975 et de 1987. Il faut
aussi expertiser le fonctionnement du placement en CAT, en atelier protégé, en
foyer occupationnel. Est-on certain que l'on n'oriente pas un peu vite en CAT
des personnes qui pourraient aller en milieu ordinaire ou moins protégé ? Il
convient de rappeler que chaque place de CAT coûte, en moyenne, 67 500 francs à
la collectivité.
Ne cède-t-on pas, en l'occurrence, à la facilité ? Ne serait-il pas préférable
d'utiliser les fonds disponibles, par exemple à l'AGEFIPH, pour compléter la
formation professionnelle des travailleurs handicapés et leur insertion dans
l'entreprise, les collectivités territoriales ou la fonction publique ?
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Très bonne question !
M. Georges Mazars.
J'ajoute que, dans les CAT, aucun contrôle sur la destination des bénéfices
n'est effectué.
Il ne s'agit là que de quelques exemples. Plus généralement, le temps nous
semble venu de procéder à une refonte de l'ensemble de la politique en faveur
des handicapés. Plutôt que d'augmenter les sommes qui leur sont consacrées, il
convient, à mon sens, d'évaluer les dispositifs en place, de revoir les
diverses affectations budgétaires et de rendre plus cohérent l'ensemble de la
politique menée en faveur de ce public.
M. Jean Chérioux.
Très juste !
M. Georges Mazars.
Cette politique mérite d'être pleinement axée sur la solidarité mais, loin
d'être un assortiment de mesures caritatives, elle doit avoir pour objectif la
lutte contre l'exclusion et marquer une volonté d'intégration de cette
population dans notre société.
A une logique de prise en charge, indispensable pour quelques-uns, il faut
substituer une dynamique d'intégration pour le plus grand nombre, seule
susceptible de valoriser les potentialités, exprimées ou cachées, des personnes
handicapées et de conduire à une citoyenneté plus achevée dans les faits.
En ce début de législature, madame la ministre, il est souhaitable d'évaluer
les dispositifs en place en matière de handicap. Forts de ces évaluations, nous
serons mieux à même d'orienter la politique en faveur des personnes handicapées
vers une réelle intégration.
Le handicap est un problème de société qui nous concerne tous. Autant qu'il
est possible, nous ne devons plus raisonner en termes de simple prise en
charge, comme si les handicapés formaient une population passive. Nous devons
exprimer notre solidarité envers eux en déterminant avec eux leur propre projet
de vie et en les aidant à le réaliser.
A l'avant-veille de la Journée internationale des personnes handicapées, les
acteurs sociaux et les associations concernés attendent avec impatience que le
Gouvernement annonce les grands axes de sa politique à venir en matière de
handicap.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, si le budget
du travail et de l'emploi fait partie des budgets qui progressent sensiblement,
force est de constater que ces crédits sont essentiellement consacrés à une
politique sociale de l'emploi, le secteur économique étant pour sa part
pénalisé.
En effet, vous consacrez, madame le ministre, plus de 8 milliards de francs au
plan emplois-jeunes et 3 milliards de francs au dispositif des trente-cinq
heures, mais vous réduisez dans le même temps l'allégement des charges sur les
bas salaires, réduction accentuée pour le travail à temps partiel.
L'article 65 du projet de loi de finances, qui remet en cause la politique de
baisse du coût du travail et qui rétablit la proratisation des réductions de
charges pour le temps partiel, portera inévitablement atteinte à la création
d'emplois, comme l'a souligné M. Souvet, rapporteur pour avis.
Je vous rappelle que 80 % des emplois à temps partiel sont créés par les
entreprises de moins de cinquante salariés. En les pénalisant, vous pénalisez
donc également un potentiel notable de création d'emplois. De plus, les
associations comme les associations d'aides ménagères, qui ne travaillent
pratiquement qu'à temps partiel, ne seront-elles pas concernées ?
Il est du reste paradoxal de vouloir, d'une part, réduire absolument le temps
de travail et de supprimer, d'autre part, les avantages liés au temps partiel.
Vous préférez imposer de manière unilatérale et autoritaire le passage aux
trente-cinq heures, et donc le partage du travail, plutôt que de favoriser la
création d'emplois à temps partiel. N'est-ce pas contradictoire ?
Madame le ministre, je crains que les trente-cinq heures payées trente-neuf ne
créent pas d'emplois supplémentaires. Au contraire, ce dispositif ne fera
qu'augmenter considérablement les coûts de production et diminuer ainsi la
compétitivité des entreprises. Il provoquera, par conséquent, à terme, une
aggravation du chômage. Il risque aussi d'inciter aux délocalisations et,
surtout, de freiner l'installation d'entreprises étrangères dans notre pays.
Si la baisse du temps de travail est inscrite dans l'histoire, elle doit
s'opérer à raison des gains de productivité. Elle ne peut être décrétée par une
loi qui porte atteinte à l'autonomie des salariés et des entreprises sur ce
sujet capital.
Du reste, à cet égard, la communication du Gouvernement gagnerait à plus de
clarté sur certains points.
Ainsi, le passage aux trente-cinq heures s'effectuera-t-il avec ou sans perte
de salaire ?
Comment pourront s'organiser les toutes petites entreprises, pour lesquelles
le passage aux trente-cinq heures n'équivaut à la création d'un emploi qu'à
partir de neuf salariés ?
Ce passage entraînera-t-il des modifications dans la législation concernant le
temps partiel et les heures supplémentaires ?
Vous avez décidé de pénaliser les très petites entreprises également en
supprimant l'exonération de 30 % sur les cotisations d'assurance maladie des
travailleurs indépendants. Cette disposition va limiter la création
d'entreprises individuelles, domaine dans lequel la France est déjà très en
retard, et donc, là encore, la création d'emplois.
Il est évident que ce projet de budget fait le choix du traitement social du
chômage contre la création véritable d'emplois, en préférant subventionner
plutôt que poursuivre une politique de baisse du coût du travail. Ce choix
idéologique, je le récuse. D'autant que, selon un économiste bien connu,
l'allégement des charges a permis la création de 350 000 emplois depuis 1993
dans les secteurs des services et de la distribution.
Oui, votre choix est idéologique. C'est votre droit le plus strict ! Je
reconnais votre détermination, votre volonté à lutter contre le cancer de ce
siècle qu'est le chômage. Mais votre stratégie n'est pas la bonne.
L'expérience et les études montrent que les emplois type collectivités ou
associations - ces dernières n'interviennent pas dans le secteur marchand - que
les réductions de la durée du travail et les départs anticipés à la retraite,
n'ont des effets positifs qu'à court terme sur le niveau du chômage. En
revanche, à long terme, ils détruisent des emplois dans le secteur marchand et
entraînent donc nécessairement de nouveaux plans sociaux, alors que c'est
l'inverse qui se produit si l'on pratique des allégements de charges.
Une autre politique est donc possible. D'ailleurs, votre projet de budget en
contient une esquisse, madame le ministre. En effet, le Gouvernement a créé un
avantage en crédit d'impôt pour les entreprises qui créeraient de nouveaux
emplois. Encore faut-il que l'entreprise réalise des bénéfices. En outre, cet
avantage est très peu incitatif.
Mais il s'agit quand même d'une timide avancée. Elle est cependant loin d'une
proposition, que je défends depuis deux ans, d'activer les dépenses passives du
chômage en les utilisant pour créer des emplois nouveaux. Je vous ai écrit à ce
sujet, madame le ministre, mais je n'ai pas obtenu de réponse. Il est vrai que
vos prédécesseurs, en dehors d'encouragements de façade, n'ont rien fait non
plus. Ne pourrait-on pas, au moins, expérimenter cette idée, en particulier
pour les entreprises dont parlait M. Fourcade voilà un instant ?
Je suggérerai une autre piste pour créer des emplois. Nos entreprises, en
particulier les plus petites, ne peuvent employer à temps plein des techniciens
ou des cadres qui pourraient seconder le responsable de l'entreprise, lequel
doit tout faire.
Le multisalariat pourrait constituer une solution, à condition que cette
solution soit simple pour l'entreprise et offre toutes garanties pour
l'employé. Il semblerait que des obstacles juridiques en empêchent le
développement. Ne serait-il pas urgent de les lever ?
Enfin, le contenu de votre projet de budget en matière de formation
m'inquiète. La formation en alternance n'est pas votre souci primordial,
particulièrement en ce qui concerne les contrats de qualification, comme le
soulignait M. Madelain, rapporteur pour avis. Les très intéressantes
propositions du rapport de Virville seront-elles mises en oeuvre ?
Ne va-t-on pas, enfin, parler de compétences plutôt que de formation, qu'il
s'agisse des compétences nécessaires à l'entreprise ou de la mise en évidence
et du développement des compétences des individus, salariés ou au chômage ? Ne
faut-il pas créer un véritable marché des compétences pour favoriser l' «
employabilité » ?
Telles sont les pistes d'une autre politique inspirée par le principe que la
croissance entraîne la solidarité, et non pas l'inverse comme le proclamait
votre collègue le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à
l'ouverture de la séance budgétaire à cette même tribune.
Je sais que vous n'aimez pas que l'on vous cite l'exemple américain, mais,
selon une étude récente publiée par le journal
Le Monde
, la France
compterait 25 % d'emplois par habitant en moins que les Etats-Unis, résultat
qui est dû, surtout, au coût du travail.
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Absolument !
M. André Jourdain.
Vous faites fausse route ! Mon opposition est donc une opposition de fond.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, madame le ministre, mes
chers collègues, je ne voterai pas ce budget.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de
budget de l'emploi, comme celui de la solidarité d'ailleurs, est porteur des
priorités les plus fortes qui ont été affirmées par M. le Premier ministre lors
de sa déclaration de politique générale : priorité à l'emploi, priorité à la
prévention et à la lutte contre les exclusions.
Ce projet de budget doit donc contribuer à réaliser les ambitions contenues
dans le pacte de développement et de solidarité qui a été proposé par le
Gouvernement aux Français, en favorisant l'émergence d'un nouveau modèle de
développement plus solidaire et plus riche en emplois.
Je n'ignore pas que vous avez placé votre démarche sous le signe de la
maîtrise des dépenses publiques - comme nous d'ailleurs ! - et que vos
commissions portent un regard critique sur la progression des crédits : plus
3,6 % pour le budget de l'emploi, avec 155,8 millions de francs ; 4,4 % si on
ne prend pas en compte les charges communes.
Je souhaite néanmoins vous rappeler que si ce budget augmente, c'est parce
qu'un certain nombre de ministères - le nôtre aussi, d'ailleurs ! - ont réalisé
des économies pour pouvoir financer ces priorités en faveur de l'emploi et de
la lutte contre les exclusions, malgré une augmentation des dépenses publiques
qui, cette année, je vous le rappelle, sera inférieure à l'inflation, ce qui
n'était pas arrivé depuis quinze ans.
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Ce n'est pas exact !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Barrot lui-même, rapporteur
spécial à l'Assemblée nationale, l'a souligné ! Mais peut-être se trompe-t-il
tout comme moi, monsieur le rapporteur spécial !
J'espère cependant vous convaincre que cette progression est mise au service
d'une action publique nouvelle, comme l'a très bien souligné Mme Dieulangard,
qui produira de l'activité et qui permettra de changer l'approche
traditionnelle des aides à l'emploi.
Je ne suis pas de ceux qui pensent qu'un budget élevé est le signe d'un bon
budget.
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial,
et M. Jacques Oudin.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je pense simplement qu'un bon
budget est un budget qui correspond à des besoins à un moment donné, qui fait
en sorte que chaque franc dépensé soit le mieux dépensé possible et qui répond
correctement aux attentes de nos concitoyens. J'espère que c'est le cas de ce
budget !
Cette volonté de répondre aux souhaits de nos concitoyens passe par le fait de
casser cette spirale du chômage, de l'exclusion, de l'isolement, de la crainte
de l'avenir qui, malheureusement, fait partie de l'état d'esprit actuel de
notre pays.
Aujourd'hui, nous savons que, pour accroître la croissance, il faut d'abord
relancer la consommation. C'est ce que nous avons entrepris, en redonnant du
pouvoir d'achat à ceux qui en ont le plus besoin : augmentation du SMIC,
augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, revalorisation de l'APL,
basculement des cotisations d'assurance maladie vers la CSG.
C'est pourquoi, quant M. Carle me dit que « nous ne créons pas les conditions
de la croissance », je souhaite lui demander si le précédent gouvernement, en
prélevant 120 milliards de francs sur les ménages, en faisant en sorte que la
consommation soit en baisse l'année dernière et que notre croissance soit
inférieure de 0,5 point à l'ensemble de la moyenne européenne, a effectivement
mis en marche ce pays.
Vous nous dites, monsieur le sénateur, que nous mettons la France sous Témesta
! J'ai l'impression qu'elle était sous un traitement beaucoup plus dur ces
dernières années et qu'elle essayait d'avancer tous freins serrés. C'est en
tout cas ce que nous disent l'ensemble des experts économiques ! C'est la
raison pour laquelle nous pensons qu'il faut relancer la consommation. C'est
d'ailleurs là que se trouvent les premiers résultats de l'action du
Gouvernement ; les derniers chiffres viennent d'être publiés.
Monsieur Gournac, je continue à ne pas comprendre vos attaques. Avez-vous
soutenu un gouvernement qui a réussi à lutter contre le chômage ? Ce
gouvernement a-t-il fait preuve d'imagination ? Les Français n'ont-ils pas
choisi ? Ne faut-il pas aujourd'hui essayer autre chose ? C'est ce que nous
tentons de faire, avec modestie, mais aussi, je l'ai dit, avec
détermination.
Une lutte sans merci contre le chômage passe donc non seulement par un
approfondissement de la croissance, mais également par une action sur l'offre,
en facilitant le développement des petites entreprises, notamment par des
simplifications administratives : je rejoins là ce qu'a dit M. Jourdain.
Le Gouvernement annoncera d'ailleurs le 3 décembre prochain, c'est-à-dire
cette semaine, un important programme de simplifications administratives.
Toutefois, l'aide aux PME passe aussi par un crédit d'impôt pour l'embauche de
nouveaux salariés, par l'aménagement de la fiscalité des entreprises
innovantes, toutes choses qui se trouvent dans le budget du ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie pour 1998.
Le budget pour l'emploi est un budget de rupture, a dit Mme Dieulangard, par
rapport à la démarche traditionnelle du ministère, qui est essentiellement
centrée sur le traitement et l'accompagnement social. Elle a raison !
Non pas qu'il faille mettre fin à ces dispositifs qui préparent ou permettent
d'attendre une réinsertion sur le marché du travail. Mais l'accompagnement
social n'a de véritable sens que s'il débouche sur de vrais emplois, car
l'emploi reste la clé pour trouver sa place dans la société.
Deux mesures novatrices illustrent ce tournant vers une politique offensive de
l'emploi. Elles s'accompagnent d'autres dispositions, notamment pour le
développement des PME et des technologies nouvelles, qui figurent dans le
projet de budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Le dispositif en faveur des jeunes va accélérer l'émergence des nouveaux
métiers de demain, des métiers durables et potentiellement solvables, car ils
correspondent à de vrais besoins.
Je sais que nombre d'entre vous en doutent. Mais, à la lecture des premiers
accords que nous signons, je suis de plus en plus convaincue que cette démarche
est la bonne. D'ailleurs, de nombreux élus, qu'ils soient maires, présidents de
conseil général ou de conseil régional, signent aujourd'hui des contrats avec
nous, et ils siègent sur toutes les travées de cette assemblée.
Le tour de France que mes collaborateurs et moi-même avons effectué,
rencontrant non seulement tous les préfets, mais aussi plus de vingt mille
élus, nous a permis de faire passer la logique qui est la nôtre à cet égard, et
que vous partagez, à savoir que ces emplois ne doivent pas entrer dans le champ
des emplois publics et qu'ils ne doivent pas non plus faire concurrence aux
entreprises privées. J'en ai pris l'engagement !
Je peux vous faire part d'une anecdote qui me paraît intéressante : dans les
premières lettres que j'ai reçues des élus, ceux-ci me disent : « Cela ne va
pas ; le préfet m'empêche de développer tel ou tel type d'emploi, parce qu'une
entreprise privée exerce la même activité à côté ou parce qu'il considère que
cela fait partie de mon rôle de maire. »
Eh bien ! je me félicite d'une telle attitude des préfets. En effet, peut-être
pour la première fois depuis des années, nous leur avons dit que nous
attendions d'eux non pas du quantitatif, mais bien une approche qualitative de
ces emplois et que c'est là-dessus qu'ils seront jugés.
Les emplois-jeunes ne doivent pas faire concurrence aux emplois publics ; ils
ne doivent pas faire concurrence non plus aux emplois privés ; ils doivent être
potentiellement solvables et pérennisables, même si j'ai conscience qu'à la
marge nous pouvons nous tromper - nous devons avoir la conviction, quand nous
signons ces accords, qu'il existe des marges de solvabilisation - et ils
doivent être professionnalisés. C'est tout l'esprit de ce que nous faisons
actuellement.
Je citerai quelques chiffres : 8,35 milliards de francs sont consacrés, au
total, aux emplois-jeunes, dont 300 millions de francs affectés aux DOM. Cette
enveloppe a été précédée par l'ouverture de 2 milliards de francs par décret
d'avance en juillet dernier.
Sur le fond, je conteste l'affirmation de M. Souvet, rapporteur pour avis,
selon laquelle l'objet de la mesure est moins de créer des activités nouvelles
que d'offrir aux jeunes des perspectives d'emploi dans le but d'engranger, dans
un court laps de temps, des bénéfices immédiats en termes de statistiques et de
politique.
Je souhaite rassurer M. Souvet - si tant est que ce soit le rassurer - en lui
disant que la plupart des jeunes aujourd'hui au chômage ne sont pas inscrits à
l'ANPE. J'ai demandé aux préfets d'accorder une priorité aux jeunes de nos
campagnes, à ceux des quartiers en difficulté, qui sont loin de l'emploi et qui
ne sont pas inscrits à l'ANPE. Cela ne fera pas baisser les chiffres du
chômage, mais redonnera espoir à ces jeunes et à leur famille. C'est ce que
nous essayons de faire !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les contrats d'objectifs que
j'ai déjà signés ou qui le seront dans les prochains jours démontrent
d'ailleurs abondamment ce fait. Jeudi dernier, j'ai signé des contrats
d'objectifs avec les présidents des conseils régionaux de Poitou-Charentes et
du Limousin, MM. Raffarin et Savy.
J'ai également signé des contrats d'objectifs avec six conseils généraux, avec
des dizaines de villes ou des structures intercommunales, mais aussi avec les
grands réseaux associatifs et les employeurs publics.
Les premiers accords ont été conclus dans différents secteurs : le tourisme,
les sports, les loisirs, l'éducation populaire, l'environnement.
D'autres accords seront conclus dans les prochains jours dans les domaines de
la justice - dès demain - de l'action sociale et de l'insertion, du logement
social, ainsi qu'avec de grands organismes publics. Ces grands réseaux
apporteront à leur structure locale un soutien à la fois dans la définition de
ces nouveaux métiers et dans leur capacité à les professionnaliser, donc à
entraîner des formations.
L'ensemble de ces contrats porte déjà à cinquante-deux mille les engagements
de créations d'emplois sur l'ensemble de la période. Le sens même de ces
contrats d'objectifs est de s'engager à assurer la solvabilité et la pérennité
des emplois-jeunes. Ce sont les critères essentiels.
En outre, une multitude de projets d'intérêt local arrivent actuellement dans
nos services, qui sont étudiés de manière très attentive.
Sommes-nous les seuls ? J'ai entendu, en effet, de nombreuses critiques sur
ces emplois-jeunes, considérant que les nouveaux besoins n'existaient pas, que
l'on ne savait pas très bien si ces emplois virtuels allaient devenir des
emplois réels.
Je tiens à préciser que le gouvernement des Pays-Bas, dont la tonalité
libérale ne vous aura pas échappé, vient d'annoncer un programme de même nature
financé totalement par l'Etat pour 100 000 chômeurs. Sur 350 000 chômeurs aux
Pays-Bas, plus de 100 000 chômeurs seraient concernés, ce qui représente, dans
notre pays, l'équivalent de 1 million au lieu de nos 350 000 emplois-jeunes.
Puis-je vous dire aussi que les gouvernements espagnol et italien viennent de
nous demander de préparer un séminaire pour leurs collaborateurs, car ils
s'intéressent à l'expérience française ? Peut-être n'y aura-t-il qu'en France
que l'opposition continuera à considérer que ces emplois sont virtuels et
qu'ils n'ont aucun sens dans un nouveau modèle de développement européen, que
pourtant nous recherchons et qui est d'ailleurs fortement inscrit dans le
compte rendu de la conférence des 20 et 21 novembre dernier en Europe.
Voilà donc ce que je souhaitais vous dire en la matière. M. Mazars a eu raison
d'insister sur le fait qu'il s'agit bien d'une vision européenne de nos
sociétés de demain qui seront plus porteuses de services et d'une meilleure
qualité de vie pour tous.
Il ne s'agira pas non plus de « petits boulots ». J'ai insisté sur la
nécessité d'assurer la pérennité et la solvabilité des emplois-jeunes. M.
Fischer a souligné ce point avec juste raison.
Sachez enfin, monsieur Jourdain que nous sommes incontestablement là au coeur
de l'activation des dépenses passives. Quand nous nous employons à améliorer la
sécurité de proximité pour éviter d'affecter des crédits au traitement de la
délinquance, quand nous nous efforçons d'améliorer la qualité des services
rendus aux personnes âgées à domicile plutôt que d'hospitaliser celles-ci, nous
sommes bien en train d'activer les dépenses passives que paie aujourd'hui la
collectivité sur le budget de l'Etat ou en matière de sécurité sociale. Mais
nous le faisons, me semble-t-il, d'une façon économique et sans prêter le flanc
à la critique sur le plan social.
Par ailleurs, la loi du 16 octobre 1997 a créé un dispositif d'encouragement
des jeunes à la création d'entreprises. Une ligne nouvelle, dotée de 200
millions de francs, est ouverte à cet effet.
La seconde piste nouvelle est la réduction de la durée du travail. Je
n'insisterai pas longuement sur ce thème car nous aurons l'occasion d'y revenir
au début de l'année prochaine.
Je rappellerai simplement que la France se situe dans la moyenne européenne.
Les Français travaillent moins que les Anglais, mais plus que les Allemands,
les Néerlandais, les Belges et les habitants de l'ensemble des Etats du Nord.
Nous nous situons aujourd'hui au même niveau que l'Italie. La réalité, la voilà
! Cessons de répéter que, non contents d'être ceux qui travaillent le moins,
nous allons encore moins travailler. L'Italie se dirige vers les trente-cinq
heures. L'Autriche est en train de préparer un accord interprofessionnel
national sur les trente-quatre heures. L'Allemagne en est déjà à trente-cinq
heures dans l'industrie, tandis que la Belgique est aujourd'hui à 35,6
heures.
Telle est la réalité. On peut se boucher les yeux, mais elle existe. Ce sont
des faits démontrés par les statistiques de l'OCDE.
Le Gouvernement s'est engagé à passer aux trente-cinq heures au 1er janvier
2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés et en 2002 pour l'ensemble
des entreprises.
Je ne reviendrai pas ici sur le dispositif que nous mettons en place. Il
s'agit d'un dispositif souple, qui fait la part belle aux négociations
puisqu'elles dureront plus de deux ans. Par ailleurs, il apporte, sous forme
d'abattements forfaitaires des cotisations sociales, une aide importante de
l'Etat proportionnelle à l'effort réalisé en matière d'emploi. Le bilan qui
sera dressé à la fin de 1999 permettra de préparer le projet de loi définitif
pour le 1er janvier 2000.
Dans cette perspective, une provision de 3 milliards de francs est constituée,
sans être individualisée, au sein des 43,2 milliards de francs inscrits aux
charges communes, sur la ligne de l'allégement de cotisations sur les bas
salaires. Cette provision permettra de financer le passage aux trente-cinq
heures pour un million de salariés environ.
Cette loi, selon le calendrier parlementaire actuel, devrait être votée au
début du mois de mars.
Cette provision s'ajoute à l'enveloppe de 2,14 milliards de francs prévue pour
financer la loi de Robien, soit 1,3 milliard de francs de plus que la dotation
de 1997. Nous avons, en effet, ménagé les moyens nécessaires à l'ensemble des
conventions déjà signées ou qui le seront jusqu'à l'entrée en vigueur du
nouveau dispositif, soit environ 1 500 conventions.
Bien évidemment, le nouveau dispositif remplacera la loi de Robien lorsqu'il
sera voté, s'il l'est.
J'ajoute que la mesure incitative que la loi mettra en place comportera
plusieurs avantages par rapport à la loi Robien. Je crois savoir que, sur
certains de ces points, M. Gilles de Robien n'est pas en désaccord avec
nous.
Cette mesure incitative sera forfaitaire et non, comme ce dispositif,
proportionnelle aux cotisations sociales et donc aux salaires. Ainsi, elle
contribuera à réduire le coût du travail sur les bas salaires que vous réclamez
par ailleurs. Elle sera dégressive entre 1998 et 2002, au lieu d'être stable de
la deuxième à la septième année, ce qui laissera le temps aux entreprises de
s'adapter. Enfin, elle sera permanente puisqu'une aide structurelle est prévue
in fine
qui permettra de diminuer effectivement le coût du travail.
A l'offensive pour l'emploi par ces nouvelles activités et la réduction de la
durée du travail répond l'offensive pour la prévention et la lutte contre les
exclusions. Les dispositifs traditionnels de traitement social du chômage sont
replacés dans cette perspective. Nous savons bien en effet que nombre de ces
dispositifs ont été dévoyés et utilisés pour des demandeurs d'emploi qui
n'étaient pas en situation de difficulté.
J'ai voulu que les programmes de contrats aidés ne fassent pas les frais, si
je puis m'exprimer ainsi, des emplois-jeunes, non pas pour maintenir coûte que
coûte des formules dont on a trop longtemps usé pour contenir parfois,
d'ailleurs, les statistiques du chômage ou pour compléter les emplois publics,
mais parce qu'il faut impérativement offrir des solutions d'insertion et
d'accompagnement social aux publics en difficulté.
Nombre d'entre vous ont souligné l'augmentation qui continue à être importante
du chômage de longue durée. Nous devons absolument continuer à aider les jeunes
trop éloignés du monde du travail et qui ont besoin qu'on leur remette le pied
à l'étrier ainsi que les adultes chômeurs de longue durée à qui il faut ménager
un sas entre la période de chômage et celle où ils retrouveront un emploi
durable.
Ainsi, les contrats emploi-solidarité seront maintenus au niveau de 500 000
entrées. Comme l'a souligné Mme Dieulangard, il est temps de réorienter ces
contrats vers les personnes les plus en difficulté. Je m'apprête à donner pour
1998 des instructions extrêmement claires sur ce point.
Les contrats consolidés à l'issue d'un CES sont renforcés de 50 % et passent
de 20 000 à 30 000. Tout le monde s'accorde à dire que, pour les chômeurs âgés,
ces contrats constituent une bonne solution après les CES.
Seuls les emplois de ville, qui n'ont d'ailleurs pas répondu aux ambitions
initiales, puisque leur nombre s'est élevé à 12 000 au lieu des 25 000 espérés,
sont supprimés parce que englobés en grande partie par les emplois-jeunes. Nous
avons, néanmoins, conservé 414 millions de francs de crédits pour ceux qui ne
pourraient pas remplir les conditions pour occuper un emploi-jeunes. L'accent
est résolument mis sur l'insertion des personnes les plus défavorisées.
J'en veux encore pour preuve l'augmentation des crédits de l'insertion par
l'activité économique ; 700 postes en entreprises d'insertion seront créés en
1998, soit 10 % du nombre de postes existants. L'insertion par l'activité
économique, qui a beaucoup souffert ces dernières années, disposera d'une
enveloppe en hausse de 6 %, ce dont je me félicite, car, je tiens à le dire, je
me suis battue à cet effet.
Je souhaite, moi aussi, comme Mme Dieulangard, que les emplois-jeunes ne
fassent pas concurrence aux entreprises d'insertion ni aux entreprises privées.
A cet égard, la circulaire envoyée aux préfets est très claire.
Les contrats initiative-emploi entrent désormais dans cette logique
d'insertion des plus défavorisés. Ce dispositif très coûteux au départ - nous
l'avions critiqué pendant la campagne de l'élection présidentielle - et sans
contrepartie de la part des entreprises a produit des effets pervers si
évidents que le gouvernement précédent l'a profondément recentré sur les
publics prioritaires. Finalement, le CIE est proche du contrat de retour à
l'emploi, tel que nous l'avions mis en place les années précédentes.
Deux cent mille entrées sont prévues en 1998, monsieur Marini, ce qui
correspond au niveau atteint cette année. Il ne s'agit pas de la manifestation
d'une volonté de réduire leur nombre, monsieur Souvet ; nous tenons simplement
à tenir compte de la réalité. En effet, nous ne croyons pas que, cette année,
nous pourrons aller au-delà. Bien évidemment, si nous y parvenions, je serais
très heureuse de revenir sur cette question lors du collectif de juin prochain.
Il ne sert à rien de « budgéter » des crédits dont nous savons pertinemment
qu'ils ne seront pas dépensés ou, en tout cas, qui ne le seront pas
convenablement.
Il faut inclure, parmi les mesures d'aide à l'insertion, le programme du FNE
en faveur des chômeurs de longue durée. La capacité d'accueil dans les SIFE est
portée à 160 000 places, soit 30 000 places de plus que ce qui était budgété en
1997, mais ce chiffre est calé sur les besoins tels qu'ils ont émergé.
Telle est, monsieur Marini, la réponse essentielle que nous apportons aux
chômeurs de longue durée. Vous vous êtes demandé si, effectivement, ces SIFE
étaient utiles. Qu'ils soient individuels ou collectifs, ils constituent
aujourd'hui le seul moyen dont dispose le service public de l'emploi pour
donner une formation à des chômeurs de longue durée.
En outre, le taux d'insertion à la sortie de ces stages, qui est de 40 %,
prouve leur utilité, même s'il faut toujours, bien entendu, faire en sorte que
ce taux soit encore plus élevé.
L'orientation de la politique de l'emploi vers les plus défavorisés s'adresse
également aux travailleurs handicapés. Il s'agit là d'une priorité, comme l'a
indiqué M. Mazars. Je développerai tout à l'heure la mesure tendant à créer 2
000 places en CAT. Mais les moyens imputés sur le budget de l'emploi sont
significatifs et en hausse de plus de 5 %. Ainsi, cinq cents places en ateliers
protégés sont créées, la garantie de ressources des travailleurs handicapés
augmente de manière concomitante et les aides individuelles sont renforcées
puisque 10,5 millions de francs supplémentaires sont consacrés aux plans
départementaux d'insertion des personnes handicapées et aux équipes de
préparation et de suivi du reclassement professionnel.
Il faut travailler, de manière plus large, à la politique d'insertion des
handicapés. Nous devons - M. Mazars l'a bien expliqué - mener en faveur de
ceux-ci un travail identique à celui que nous avons commencé de réaliser en
faveur des personnes âgées.
A l'instar de la grille AGGIR qui a été mise en place pour la prestation
spécifique dépendance, nous devons mesurer réellement le handicap en prenant en
compte la personne dans son intégralité, dans sa vie quotidienne, en envoyant
une équipe multidisciplinaire à sa rencontre et non pas en se forgeant une
opinion à partir d'un simple dossier, comme vous l'avez souligné.
Nous devons être capables de mesurer l'aide qui doit être apportée par l'Etat,
qu'il s'agisse du maintien à domicile ou du placement en établissement, en
prenant en compte les capacités financières de l'intéressé et de sa famille,
lorsque c'est nécessaire.
Dans quelques jours, je confierai à un expert une mission sur l'aide à
domicile afin que nous travaillions dans le même cadre pour les personnes âgées
et les personnes handicapées. Vous avez eu raison d'insister sur la nécessité
de mettre en place cette grande politique.
Je redis devant le Sénat que j'ai demandé à une mission conjointe de l'IGASS
et de l'IGF de faire le point sur le fonctionnement actuel des COTOREP et de
nous expliquer les causes de l'évolution extrêmement préoccupante du nombre de
personnes handicapées. Je ne suis pas persuadé que cette évolution corresponde
toujours à la réalité mais, en tout cas, elle prive les handicapés d'une
revalorisation importante de leurs allocations.
C'est aussi la priorité de la lutte contre les exclusions qui éclaire les
choix budgétaires en matière de préretraite et d'indemnisation du chômage.
M. Marini nous a demandé le nombre de licenciements que nous prévoyions pour
1998. On a dénombré 450 000 licenciements en 1995 et 480 000 en 1996. Nous ne
connaissons pas encore le chiffre pour 1997 mais il se situera probablement
dans cette fourchette. En 1998, ce chiffre se situera aux alentours de 450 000,
peut-être sera-t-il inférieur, toutes choses égales par ailleurs, c'est-à-dire
sans crise majeure, bien évidemment !
S'agissant des préretraites, mon souci est d'éviter que la collectivité
n'assume la charge des restructurations pour des entreprises qui n'ont pas
besoin d'une aide de l'Etat. Le rapport public de la Cour des comptes atteste
d'ailleurs la réalité des usages abusifs de l'allocation spéciale du FNE,
notamment dans le secteur de la construction automobile. Il s'ensuit, poursuit
la Cour, « un déséquilibre entre les aides au maintien dans les entreprises et
les aides à la sortie, au bénéfice de ces dernières ». C'est pourquoi, cette
année, nous passons, en moyenne, de 30 000 à 20 000 entrées en préretraite.
En revanche, les préretraites progressives, les moins coûteuses pour la
collectivité et les plus utiles, sont maintenues, en 1998, au niveau de 1997,
c'est-à-dire à 25 000.
La contribution des grandes entreprises aux préretraites totales du FNE sera
augmentée de façon à cibler les mesures sur les entreprises en difficulté, les
régions en crise et les salariés qui ont accompli des travaux pénibles et qui
ont donc besoin de partir en préretraite.
Je me suis aperçue, en prenant mes fonctions, que de grandes entreprises qui
réalisaient des bénéfices importants avaient eu, lors de plans sociaux, de 70 %
à 80 % de préretraites payées à concurrence de 90 % par la collectivité
nationale.
Je souhaite en revenir à la situation qui était celle que j'avais laissée en
1993, à savoir une moyenne de 30 % de préretraites payées par rapport au nombre
de salariés concernés par le plan social et non de 80 % comme c'est parfois le
cas aujourd'hui. L'aide demandée aux entreprises sera d'autant plus importante
qu'elles se situent dans un secteur qui fonctionne bien et qu'elles ont une
situation convenable. J'ai noté avec satisfaction que la commission des
finances et la commission des affaires sociales approuvaient cette
orientation.
M. Marini m'a interrogée sur les congés de conversion. Nous en prévoyons 120
000, comme en 1997. L'augmentation du budget de 11,2 %, pour atteindre 980
millions de francs, est essentiellement due au fait que, en 1996 et en 1997, le
financement de ce dispositif avait été assuré, à concurrence de 830 millions de
francs, par un prélèvement sur les réserves de l'Association de gestion des
conventions de conversion, l'AGCC. Il s'agissait donc d'une « queue de crédits
» importante.
En 1998, ce prélèvement sera limité à 100 millions de francs, ce qui explique
l'augmentation du montant des crédits inscrits au budget du ministère de
l'emploi. Je reconnais que ce point méritait d'être précisé.
Par ailleurs, l'objectif du développement solidaire exige de permettre aux
salariés âgés qui ont commencé à travailler jeunes et qui ont cotisé pendant
quarante ans de pouvoir cesser leur activité. Tel est le sens de l'extension de
l'ARPE à laquelle le Gouvernement est prêt à contribuer à concurrence de 40 %
dès lors que les partenaires sociaux auront conclu des négociations à l'échelon
interprofessionnel ou par branche. Je crois d'ailleurs savoir qu'une réunion
interprofessionnelle se tiendra le 12 décembre prochain.
La même procédure sera suivie s'agissant du régime de solidarité
d'indemnisation du chômage : les 8,115 milliards de francs prévus à ce titre
permettront à la fois de couvrir la revalorisation générale de l'allocation de
solidarité spécifique, l'ASS, et une majoration spéciale pour les allocataires
de celle-ci et du RMI âgés d'au moins cinquante-cinq ans et ayant validé
quarante annuités de cotisations. Les modalités précises seront annoncées dans
les prochains jours.
Enfin, je tiens à signaler à M. Madelain, à propos des crédits de l'allocation
formation-reclassement, l'AFR, que les difficultés soulevées ces dernières
semaines par les modifications des règles d'indemnisation sont dues aux
décisions prises par les partenaires sociaux de l'UNEDIC.
A cet égard, les difficultés rencontrées par un certain nombre de
bénéficiaires de l'AFR, qui s'étaient vu annoncer des indemnités de l'ordre de
4 000 francs et qui, au début du mois de septembre, ont reçu des chèques de 2
000 francs, m'ont amenée à intervenir auprès de l'UNEDIC. Les partenaires
sociaux ont alors pris immédiatement une mesure conservatoire pour annoncer que
ceux qui s'étaient vu notifier des montants les percevraient et pour porter le
minimum de 2 200 francs à 3 200 francs. Cela est correct si nous essayons de
garder une logique entre toutes les mesures de pure assistance et celles qui
concernent les chômeurs faisant un effort important en matière de formation.
J'en viens à l'allégement du coût du travail.
La problématique est évidemment très différente. Je fais partie de ceux qui,
comme je l'ai dit devant vos commissions, pensent que s'il n'y a pas de
problème de coût net du travail dans notre pays, puisque les salaires nets se
situent dans une moyenne européenne correcte, se pose effectivement un problème
de charges sociales sur les bas salaires.
Fallait-il prendre les mesures qui ont été retenues par le Gouvernement et
dont M. Fischer a dit, à juste titre, qu'elles constituaient la seule mesure
importante des budgets de 1996 et 1997 ?
Avec cette ristourne dégressive sur les salaires jusqu'à 1,33 SMIC, les
précédents gouvernements avaient porté l'effort d'allégement de charges au
niveau de 40 milliards de francs.
Aujourd'hui, les experts évaluent - et il n'y a pas de doute sur ce point - à
environ 45 000 en 1997 les emplois dont la création peut être attribuée à ces
40 milliards de francs.
Je ne veux pas déclencher de polémique ici, mais quand j'entends les critiques
sur les emplois-jeunes - 92 000 francs par an - que je vois que, cette année,
ces 45 000 emplois nouveaux ont coûté 1 million de francs à la collectivité
nationale et que ces mesures de 40 milliards de francs doivent se poursuivre
dans le temps alors que nous n'avons prévu pour les emplois-jeunes que cinq ans
pour le financement public, je comprends assez mal, je dois le dire, la
virulence de ces propos. Personnellement, je ne critique pas globalement ces
baisses de charges ; je pense qu'il faut poursuivre l'expertise car nous étions
dans une période de croissance insuffisante, comme je l'ai dit tout à l'heure,
et je considère que ces mesures peuvent avoir un effet à moyen terme.
En tout état de cause, ceux qui, l'année dernière, ont choisi de consacrer 40
milliards de francs à la création de 45 000 emplois - soit à peu près 1 million
de francs l'emploi ! - devraient sans doute être plus mesurés à l'égard de
l'actuel gouvernement quand il tente, pour un coût plus de dix fois inférieur,
de créer des emplois qui profiteront à l'ensemble de la collectivité nationale
ou permettront une meilleure répartition du travail.
Si, sur ces sujets, nous privilégions les débats réels sur les polémiques
inutiles, nous avancerions davantage.
Je n'oppose pas la baisse du coût du travail des bas salaires à l'ensemble des
autres mesures. Notre pays va trop mal pour qu'on ne s'engage pas sur
l'ensemble des pistes et pour qu'on n'ait pas un vrai débat sur ces questions,
au lieu d'entendre des propos qui sont souvent peu conformes à la réalité.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
C'est aussi vrai d'un côté que de l'autre !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur, vous me
répondrez tout à l'heure si vous le souhaitez ! Je réponds à ce que j'ai
entendu tout à l'heure, et vous verrez par la suite que certains éléments qui
ont été avancés ne sont pas vérifiés.
Dans ce contexte, dans lequel nous ne savons pas encore ce que seront
véritablement les effets de la réduction des charges sur les bas salaires, j'ai
pris le parti du
statu quo
: l'enveloppe consacrée à la ristourne
dégressive est maintenue à 40 milliards de francs.
C'est la situation réelle, et il est excessif d'évoquer un alourdissement des
charges sur les entreprises, d'autant plus que le transfert des charges
sociales sur la CSG, qui augmentera de 1,1 % le pouvoir d'achat des salariés,
va peser en moins dans les négociations salariales au sein des entreprises et
que les exonérations de charges que nous mettons en place par la réduction de
la durée du travail va aussi réduire ces charges sociales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous donne rendez-vous en juin prochain.
Nous ferons un bilan, nous verrons où sont intervenues les plus fortes baisses
sur les bas salaires et quels ont été les effets en matière d'emploi. Dans ce
domaine aussi, il faut un peu de modestie et un peu moins d'assurance.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous critiquez la mesure de
proratisation des montants exonérés pour les emplois à temps partiel. Je suis
d'autant plus étonnée qu'aucune organisation, même les organisations
patronales, n'a critiqué cette mesure, qui est un avantage totalement excessif
accordé aux emplois à temps partiel.
Peut-être modérerez-vous vos critiques lorsque vous aurez entendu l'exemple
que je vais vous donner pour illustrer mon propos.
Deux emplois à mi-temps, rémunérés sur la base d'un salaire mensuel de 6 660
francs bruts, donc deux SMIC horaire, ouvraient droit à une exonération de deux
fois 1 200 francs au titre de la ristourne et de deux fois 600 francs au titre
de l'exonération temps partiel, soit au total 3 600 francs, ce qui représente
environ 20 % d'allégement du coût du travail par rapport à un emploi à temps
plein à deux SMIC. Cela signifie qu'une entreprise avait tout intérêt à
embaucher deux salariés à temps partiel plutôt qu'un salarié au SMIC, sans
qu'aucun autre avantage le justifie.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Effectivement !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cet avantage excessif a été
critiqué jusque dans les rangs des organisations patronales.
La deuxième mesure vise à ramener le plafond de l'exonération de 133 % à 130 %
du SMIC. L'effet de cette mesure sur le montant en francs de l'exonération est
atténué par la revalorisation du SMIC de 4 % intervenue en juillet. La « barre
», avant la revalorisation, s'établissait à un salaire mensuel de 8 521 francs.
Elle s'établira, après notre mesure, à 8 663 francs, soit au-dessus du montant
de l'année dernière. Là encore, les chiffres sont là et il faut les
reconnaître.
Le
statu quo
sur la ristourne ne signifie pas l'interruption du
processus d'allégement des charges qui pèsent sur les salaires, je l'ai dit à
propos du basculement des cotisations d'assurance maladie sur la CSG. Comme M.
Fischer, je pense que le changement de l'assiette des cotisations patronales,
qui pénalise aujourd'hui l'emploi, ira dans le sens de ce moindre coût, et de
manière beaucoup plus juste sur les salaires, et favorisera l'emploi.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Enfin, vous savez que nous
sommes contraints de mettre fin au plan d'allégement de charges pour le secteur
textile-habillement-cuir, mis en place par le précédent gouvernement bien que
la Commission de Bruxelles eût clairement prévenu du caractère illicite de ce
plan et mis en garde contre le risque de devoir rembourser ces sommes, à moins
d'étendre le dispositif à l'ensemble des secteurs, ce qui l'aurait porté à 80
milliards de francs.
J'imagine que, tout comme moi, vous pensez bien que le précédent gouvernement,
qui devait déjà trouver 80 milliards de francs pour remplir les critères de
Maastricht, aurait eu du mal à trouver une somme complémentaire. Je doute que
votre commission des finances, si soucieuse de réduire les dépenses de l'Etat,
aurait approuvé le doublement du coût de la mesure.
Cela étant, les inquiétudes des professionnels du secteur, que je connais et
que je comprends parfaitement, ont été entendues. Nous avons obtenu de
poursuivre l'application du plan dans les limites autorisées dans le cadre de
la règle
de minimis
, c'est-à-dire à hauteur de 650 000 francs par
entreprise sur trois ans. C'est l'objet d'un amendement du Gouvernement voté en
première lecture par l'Assemblée et qui vous sera proposé.
Cette mesure est évaluée à quelque 500 millions de francs en 1998 et son
financement est assuré par une réduction des crédits d'exonération de charges
sociales des contrats d'apprentissage à hauteur de la diminution de la partie
salariale de ces charges dans le cadre du basculement des cotisations maladie
sur la CSG. A cet égard, je voudrais rassurer M. Souvet : les apprentis sont
exonérés de la CSG et de la CRDS, et ce basculement n'aura aucun effet sur leur
rémunération. C'est le 5° du III de l'article L. 136-2 du code de la sécurité
sociale, qui dispose que ne sont pas inclus dans l'assiette de cette CSG les
salaires versés au titre des contrats conclus en application de l'article L.
117-1 du code du travail, c'est-à-dire des contrats d'apprentissage. Il n'y
aura donc aucun effet sur la rémunération des apprentis. Nous ne l'aurions
évidemment pas fait si cela avait été le cas.
Les mesures d'allégement de charges inscrites sur le budget de l'emploi ont
fait l'objet d'un traitement différencié en fonction de leur pertinence et de
leur efficacité. Nous avons, par exemple, maintenu, tant que le bilan n'est pas
fait, les exonérations sur les zones de redynamisation urbaine et sur les zones
franches.
En revanche, le Gouvernement a décidé de mettre fin à l'exonération de 30 % de
la cotisation minimale d'assurance maladie des travailleurs indépendants
pendant les deux premières années de leur installation, qui avait été instituée
par la loi Madelin de février 1994, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, la mesure n'a pas produit les effets attendus sur la création
d'entreprises.
Ensuite, la mesure a été utilisée pour contourner le droit du travail par le
biais d'une fausse sous-traitance imposée par des employeurs. Au cours d'un
conflit récent qui a eu lieu à Roissy, nous avons constaté que les bagagistes
s'étaient vu imposer par leur entreprise de s'installer en profession libérale
au titre de la loi Madelin pour ne pas avoir à payer les cotisations sociales
et qu'ils louaient leur porte-bagages à leur employeur. Voilà les effets de
cette loi Madelin, à savoir un contournement du droit du travail et, en tout
cas, pas une aide à ceux qui souhaitent vraiement créer des entreprises, aide
que nous avons mise en place dans le projet de budget pour 1998 et que nous
allons conforter, vous le constaterez, par les annonces du 3 décembre
prochain.
En tout état de cause, le problème sera en grande partie réglé par le
transfert des cotisations vers la CSG, puisque, du fait de ce transfert, la
cotisation minimale de 7 600 francs pour les travailleurs indépendants est
réduite de moitié et que la hausse concomitante de la CSG ne touche pas les bas
revenus. Donc, nous aidons effectivement ceux qui s'installent et qui ont des
revenus peu importants, sans entraîner le détournement qui existait jusqu'à
présent.
Enfin, un dispositif d'exonération au profit du secteur des hôtels, cafés et
restaurants a été prévu dans le projet de budget, pour 160 millions de francs,
qui trouvera son assise juridique si l'amendement du Gouvernement, adopté en
première lecture par l'Assemblée nationale, est voté. Il consiste à étendre le
bénéfice de l'exonération de charges, à hauteur de 25 % pour 1998, aux
rémunérations en nature sous la forme des repas fournis aux salariés. Là, nous
reprenons à notre compte un engagement du précédent gouvernement, auquel je
souscris totalement puisqu'il s'agit de suivre un accord de branche qui a été
conclu par les organisations patronales et syndicales dans un secteur qui en
est peu fourni, et qui avait pour contrepartie cette décision prise par
l'Etat.
J'en viens à la politique de la formation professionnelle, qui est au coeur de
la dynamique de l'emploi et qui, elle aussi, a besoin d'une impulsion
nouvelle.
A champ constant, les crédits de la formation professionnelle augmentent de 2
%, avec un montant de 24,5 milliards de francs, dont la moitié pour les
contrats en alternance.
Il est logique d'y ajouter le financement des formations AFPA, composé de la
subvention de l'Etat et des rémunérations des stagiaires. Ainsi le budget de la
formation professionnelle est-il porté à 30 milliards de francs, soit près de
30 % du budget de l'emploi hors charges communes. Je précise que la subvention
à l'AFPA est maintenue. Cela étant, la poursuite des progrès de productivité
engagés permettra de remplir les objectifs fixés.
Les enjeux de la formation professionnelle sont d'une importance capitale pour
l'emploi. Développer l'accès à la qualification, assurer son entretien et son
développement sont une priorité du Gouvernement. La qualification
professionnelle est elle-même la garantie d'une mobilité professionnelle
réussie dans l'entreprise et sur le marché du travail, et donc un facteur
évident de sécurité de l'emploi.
Il faut développer la formation en alternance. Je voudrais apaiser les
craintes de MM. les rapporteurs car je partage entièrement cette conviction,
ils le savent bien puisque nous avons beaucoup travaillé ensemble sur ce point
entre 1991 et 1993.
C'est une tâche à laquelle doivent s'attacher tous les acteurs, notamment les
entreprises. Le nombre de jeunes actifs de moins de vingt-six ans diminue
régulièrement dans les entreprises : moins 600 000 depuis 1990, alors que les
emplois nets ont augmenté de 700 000. Il devient donc urgent de dresser un
bilan par branche de cet état de fait et d'en tirer un plan d'action. Les
organisations patronales et syndicales se sont mises d'accord le 10 octobre
dernier. Les bilans commencent à être réalisés branche par branche et devront
donner lieu à un plan d'action qui prendra en compte la place des jeunes dans
les embauches, le problème de la pyramide des âges et la formation en
alternance. Je souhaite que ce processus débouche sur des mesures qui
alimenteront la création des 350 000 emplois-jeunes dans le secteur privé.
Vous l'avez souligné, le nombre de contrats d'apprentissage passe de 220 000 à
240 000, alors que les contrats de qualification sont ramenés de 130 000 à 100
000. N'y voyez aucune volonté de ma part de réduire les contrats de
qualification. Il s'agit tout simplement du chiffre auquel nous allons
peut-être arriver en 1997 - encore n'en suis-je même pas sûre - car nous savons
bien aujourd'hui - j'essaie de répondre à M. Gournac - que les contrats de
qualification n'ont plus le succès espéré et attendu dans les entreprises.
M. Alain Gournac.
C'est dommage !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est effectivement dommage.
Tout d'abord, les entreprises ne s'engagent pas suffisamment. J'espère
toutefois que ces accords de branche permettront à nouveau un accroissement des
contrats de qualification.
Ensuite, vous avez été nombreux à le dire, la réorganisation de la collecte
des fonds de formation professionnelle mise en oeuvre en 1995 et 1996, et ce
n'est pas anormal, a perturbé le travail de proximité nécessaire au
développement de ces formes de contrats.
Enfin, la qualité de l'offre de formation des contrats de qualification n'est
pas toujours au rendez-vous. Le manque de lisibilité des dispositifs est aussi
en cause, ainsi que le manque d'information sur les métiers auxquels préparent
les contrats de qualification et très souvent, bien évidemment, une concurrence
avec le contrat d'apprentissage.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que nous travaillions à recréer une
véritable cohérence entre ces deux dispositifs - nous avons besoin de l'un et
l'autre - pour pouvoir effectivement relancer les contrats de qualification.
Je veux aussi rassurer : la prime pour ces contrats de qualification n'est pas
remise en cause. Comme chaque année, elle fera l'objet d'un décret, et non d'un
article de la loi de finances. Ce décret, en cours de préparation, prévoira les
mêmes éléments que l'année passée.
Les rapporteurs s'inquiètent du montant des fonds qui seront consacrés au
développement des formations en alternance et s'interrogent sur l'opportunité
de prélever 500 millions de francs sur ces fonds - je pense, bien évidemment, à
l'AGEFAL.
Là aussi, je veux rassurer M. Marini et M. Madelain. L'AGEFAL est aujourd'hui
le dispositif le plus excédentaire en matière de prélèvement de la collecte
pour la formation en alternance. Le prélèvement de 500 millions de francs
auquel nous allons procéder, et qui a d'ailleurs déjà été réalisé par le passé,
ne met en cause ni le développement du dispositif de formation alternée ni
l'équilibre de l'AGEFAL.
En outre, la trésorerie de l'AGEFAL aura un excédent, au 31 décembre 1997, de
1,7 milliard de francs et les prévisions de dépenses données par les OPCA
eux-mêmes sont de 1 milliard de francs. Enfin, selon les prévisions, la
trésorerie oscillera, au 31 décembre 1998, entre 900 millions et 1,2 milliard
de francs.
Il n'y a donc pas d'inquiétude à avoir en la matière. Jusqu'à présent, le
ministère du travail ne s'est pas trompé dans les prévisions de dépenses
puisqu'elles sont faites en liaison très directe avec les partenaires.
Le recul des contrats de qualification, je l'ai dit, s'explique aussi par
l'attrait de l'apprentissage. Nous allons essayer de travailler à une meilleure
régulation de ces éléments.
Quant aux régions, elles n'ont pas toujours assumé, vis-à-vis des jeunes en
grande difficulté notamment, les responsabilités qui allaient de pair avec la
décentralisation.
(Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. Gérard Delfau.
C'est vrai !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je répondrai, là aussi, à MM.
Marini et Madelain que l'évaluation faite par le comité de coordination montre
du doigt un certain nombre de régions, qui ont, je dirai presque, abandonné les
jeunes en qualification, alors que d'autres ont continué à réaliser un travail
important, notamment en reprenant à leur compte le programme PAQUE, préparation
active à la qualification et à l'emploi, que M. Balladur avait supprimé alors
qu'il portait véritablement ses fruits.
Chacun s'accorde à reconnaître que la formation est un ressort essentiel du
développement économique. Celle-ci est cependant encore fréquemment contestée,
vous l'avez dit : manque de lisibilité des politiques et des dispositifs,
opacité des circuits de financement, inégalité d'accès, mais aussi caractère
trop souvent « occupationnel » et non pas « qualifiant » des dispositifs de
formation.
L'accès à la formation dans l'entreprise reste très inégalitaire, selon la
taille de l'entreprise, le secteur ou le niveau de formation initiale. Le
diplôme acquis en formation initiale reste encore la référence qui marque les
trajectoires professionnelles tout au long de la vie.
Cela n'est pas normal. Nous devons réfléchir à un droit à se former, à évoluer
tout au long de la vie active. Cela fait partie des réflexions que nous allons
mener.
J'ai l'intention de mettre ces réformes structurelles en chantier avec
l'ensemble des partenaires de la formation, en m'appuyant notamment, d'ailleurs
- M. Souvet l'a souligné - sur les conclusions du rapport de Virville, qui a
été remis à mon prédécesseur, M. Jacques Barrot, et qui fournit des bases de
travail très intéressantes.
Ainsi, cette réforme pourrait être conduite autour de trois préoccupations :
développer en quantité et en qualité les formations alternées sous contrat de
travail ; instituer un droit effectif à la qualification dans les entreprises
en privilégiant l'individualisation de l'accès à la formation et en développant
les outils de l'épargne-temps de formation ; promouvoir un dispositif de
validation des acquis plus ouvert, intégrant les nouvelles compétences et
qualifications résultant de l'expérience du travail.
Bien évidemment, nous travaillerons avec l'ensemble des acteurs et nous
réorganiserons avec eux les moyens financiers.
J'en terminerai, pour cette première partie de nos débats sur l'emploi, par
les moyens du service public de l'emploi.
M. Hamel, dans son rapport, a relevé, pour le saluer, « le louable souci
d'économie concernant le fonctionnement du service public de l'emploi ». Cette
analyse est juste, mais je dirai, pour ma part, que j'ai cherché à ajuster les
moyens du service public de l'emploi au niveau de ses missions, compte tenu des
efforts engagés et attendus pour développer son activité et ses
performances.
J'ai demandé, par exemple, à l'AFPA de ne pas se mettre en concurrence, sur le
marché, avec les organismes privés de formation, car ce n'est pas son travail.
Il lui revient plutôt de s'adresser aux publics au chômage, qui sont et doivent
reste sa priorité.
Pour ce qui concerne l'ANPE, 1998 sera la dernière année du contrat de progrès
conclu en 1994 avec l'Etat. Dans l'attente de l'évoluation complète du contrat
de progrès, la subvention de l'ANPE a été maintenue à 5,2 milliards de francs,
soit le même niveau qu'en 1997, et l'ANPE a été autorisée à créer soixante-dix
emplois.
Monsieur Marini, le contrat fixait à l'agence trois objectifs majeurs :
trouver, susciter et satisfaire davantage d'offres d'emplois ; mieux aider les
personnes à chercher et à trouver un emploi ; développer le partenariat avec
les autres acteurs du service public de l'emploi.
Le premier objectif, axé sur les offres d'emploi, supposait que l'ANPE se
tourne vers les entreprises, travaille avec elles et prenne en charge leurs
besoins. Cela représentait un changement de culture, que l'agence a su conduire
avec beaucoup de détermination, depuis les deux contrats de progrès, de sorte
que les objectifs sont atteints et même dépassés puisque la part de l'ANPE dans
la collecte des offres d'emploi atteint 40 % en moyenne aujourd'hui.
L'appui à la recherche d'emploi a également progressé, même s'il faut
poursuivre l'effort, notamment auprès des chômeurs de longue durée.
Quant au développement du partenariat, il s'est déjà traduit par le transfert
des inscriptions aux ASSEDIC, l'organisation d'antennes dans les mairies et la
mise en place des espaces jeunes avec les missions locales et les PAIO.
Aujourd'hui, 236 missions locales sont habilitées à recevoir et à traiter les
offres d'emploi et de formation que détient l'ANPE.
Le nouveau contrat de progrès devra, bien sûr, poursuivre sur cette lancée.
En ce qui concerne l'AFPA, le contrat de progrès, qui s'achève également en
1998, a vu des efforts significatifs en matière d'accueil des publics et de
qualité des formations.
Un point très positif, à mes yeux, est la gestion du personnel de l'AFPA, dont
la modernisation était un objectif central, puisque le statut a changé. Un pas
essentiel a été fait, mais le statut général de l'AFPA a été maintenu.
Monsieur Marini, jusqu'à preuve du contraire, je ne vois pas d'avantage
complémentaire à changer le statut de l'AFPA pour le transformer en un EPIC.
Cela étant, je suis disposée à étudier de nouveau cette question, qui est
d'ailleurs récurrente puisque nous l'examinons année après année.
La gestion des ressources humaines est un élément essentiel de la performance
de l'AFPA. La Cour des comptes donne acte, d'ailleurs, dans son rapport public,
de cet élément de clarté et de rigueur qui caractérise maintenant le
fonctionnement de l'AFPA.
La Cour fait en revanche, des observations sur la gestion budgétaire,
comptable et financière de l'AFPA. C'est, là aussi, un phénomène récurrent. Je
veux simplement signaler, sans me prononcer sur le fond de ces observations,
les efforts engagés par l'AFPA dès 1996 pour se doter d'outils de gestion et
d'un système d'information de meilleure qualité. Ces efforts ont d'ailleurs été
mentionnés par les rapporteurs.
J'ai par ailleurs demandé à la direction générale de l'AFPA de poursuivre son
travail, notamment sur le système de gestion et sur le système financier.
Les services de l'Etat - je conclurai sur ce point - sont, eux aussi, très
fortement sollicités. Comme pour l'administration sanitaire et sociale, j'ai pu
obtenir qu'il soit dérogé à la norme de stabilité des effectifs budgétaires
pour éviter et résorber l'emploi précaire, en partie dans le cadre général de
la loi de décembre 1996, et pour régulariser la situation particulière des
coordonateurs emploi-formation, jusqu'ici maintenus sur des emplois précaires :
185 emplois d'agents contractuels de l'Etat seront ouverts à ce titre en 1998,
et ce processus sera complété en 1999.
Par ailleurs, j'ai souhaité renforcer l'ancadrement des services par
l'ouverture de quinze emplois supplémentaires d'inspecteurs du travail, qui
s'ajouteront aux quarante-trois emplois prévus dans le concours habituel,
recrutés selon une procédure particulière.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, la présentation que je voulais faire
de ce budget de l'emploi et les réponses que je pouvais apporter à vos
principales questions.
MM. les rapporteurs se sont inquiétés des infléchissements qui ont été
apportés au budget de l'emploi. Ils les ont qualifiés de « hasardeux » et même
de « dangereux ». Je préfère, pour ma part, retenir les qualificatifs «
ambitieux » et « volontaristes » utilisés par M. Fischer ou encore « réalistes
» et « audacieux » employés par Mme Dieulangard.
Nous ne devons pas insulter l'avenir. Nous avons tous échoué dans la lutte
contre le chômage ; il faut donc, à cet égard, être modestes.
Nous avons la conviction qu'en renforçant la croissance, qu'en aidant à la
création de nouveaux emplois, notamment dans les nouvelles technologies, dans
les PME, mais aussi dans les services, qu'en réduisant la durée du travail,
qu'en continuant à apporter une aide importante à ceux de nos concitoyens qui
sont exclus, notamment les chômeurs de longue durée, nous pouvons améliorer la
situation de l'emploi.
D'ailleurs, nombreux sont ceux qui, maintenant, sur le terrain, nous
accompagnent dans cette action. Alors que j'ai trouvé ce pays relativement
bloqué en matière d'emploi, j'ai l'impression que, aujourd'hui, bien des
initiatives commencent à se faire jour venant des entreprises, des associations
et des élus. Je m'en félicite.
Il faut, là aussi, faire en sorte que le plus de pistes possibles soient
ouvertes, mais avec une grande rigueur économique et une ambition sociale
qu'attendent les Français. C'est ce que nous avons essayé de faire. J'espère
que l'avenir nous donnera raison.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen
et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant l'emploi et la solidarité : I. - Emploi.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III, 147 506 848 francs. »
Par amendement n° II-24, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de réduire les crédits du titre III de 105 000 000 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Madame le ministre, il est un de vos propos auquel
tout le monde souscrira certainement, celui qui avait trait à la modestie dont
nous devons tous faire preuve, les uns et les autres, vis-à-vis de ce problème
de l'emploi.
Mais, pardonnez-moi de le dire, j'ai eu le sentiment que la modestie
n'intervenait que dans votre conclusion...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous ne m'avez pas bien
écoutée !
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
... et que, pour le reste, nous étions dans un
système fort cohérent, exposé avec beaucoup de conviction, de manière
extrêmement logique, mais auquel nos commissions, dans leur majorité,
n'adhèrent pas.
En effet, selon nous, le véritable levier, le plus efficace, en matière de
lutte pour l'emploi, c'est celui qui consiste à libérer les énergies par une
réduction de la dépense publique et du poids de l'Etat sur l'économie.
C'est la raison pour laquelle la commission des finances s'en est tenue à un
certain nombre de règles qu'elle applique de manière constante et précise aux
différents budgets.
Avant d'en venir aux conséquences que nous en avons tirés pour le projet de
budget de l'emploi - ce sera l'objet de deux amendements successifs - je
souhaite, par souci de vérité des chiffres, faire deux rappels relatifs à
certaines de vos affirmations.
En ce qui concerne la réduction des charges sur les bas salaires, nous nous
sommes fondés, dans nos rapports, sur un travail du Conseil supérieur de
l'emploi, des revenus et des coûts, le CSERC, organisme indépendant constitué
d'experts, vous le savez.
Le rapport du CSERC indiquait, en 1996, que le nombre d'emplois
vraisemblablement créés grâce aux baisses de charges sur les bas salaires était
de 40 000 par dizaine de milliards de francs investis.
Il n'est donc pas possible d'asséner un nombre arithmétique de créations
d'emplois ayant répondu à une telle mesure. On peut faire des simulations,
imaginer ce qui s'est passé dans le tissu économique, mais personne n'a
d'instrument de calcul arithmétique. Pour ma part, je considère, comme les
autres rapporteurs, que l'ordre de grandeur, pour une dizaine de milliards de
francs d'aides publiques, est bien de 40 000 emplois, soit cinq fois plus que
ce que vous avez indiqué, madame le ministre.
Cela étant, dans ce domaine, encore une fois, il est extrêmement difficile de
savoir exactement comment réagit le tissu économique, puisqu'il s'agit, par
définition, d'une multitude de décisions décentralisées. C'est bien d'ailleurs
tout ce qui différencie une politique publique menée au moyen de subventions et
destinée à créer des emplois publics ou quasi-publics - dans ce cas, on connaît
le nombre exact de créations, et c'est un nombre fini - d'une mesure incitative
ayant vocation à diffuser dans tout le tissu, auprès d'innombrables entreprises
: l'impact est, techniquement, beaucoup plus complexe à connaître.
Mais vous avez aussi évoqué les Pays-Bas, dont vous nous avez dit, ce qui nous
a remplis de joie, qu'ils s'intéressaient à l'expérience française des
emplois-jeunes.
M. Alain Gournac.
On va les former !
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Là encore, gardons à l'esprit les ordres de grandeur.
Si, en effet, les Pays-Bas envisagent un tel dispositif pour créer 100 000
emplois publics, encore faut-il ramener ce nombre à celui des chômeurs, qui,
là-bas, est de 350 000.
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
De plus, en France, cette fois, il faut rappeler que
les 100 000 emplois-jeunes qui devraient être créés en 1998 grâce à ce budget
s'ajoutent aux 1,4 million d'emplois déjà aidés ou subventionnés par la
collectivité, et que tout cela doit être rapporté au nombre total de chômeurs,
qui sont plus de 3 millions.
Il faut donc, me semble-t-il, être parfaitement objectifs dans les
comparaisons que nous faisons. Du reste, nous pourrions peut-être importer chez
nous certaines expériences menées par les Pays-Bas, car nous ne sommes pas
seuls à avoir de bonnes idées ! C'est d'autant plus vrai que vous nous invitez
à être au rendez-vous européen. Or, pour ce faire, il est une discipline qui
s'impose à nous, j'y reviens, celle de la maîtrise des finances publiques et du
maintien du déficit public dans des proportions acceptables, comme s'impose à
nous, aussi et surtout, l'harmonisation de nos fiscalités, harmonisation qui ne
nous semble pas être servie par le projet de budget pour 1998.
C'est donc pour l'ensemble de ces raisons de portée générale et au nom de
l'analyse que défend la commission des finances, qui est différente de la
vôtre, que nous proposons des amendements tendant à réduire certains crédits,
notamment au titre III de votre budget.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur spécial,
vous faites allusion à l'enquête du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus
et des coûts de 1995 qui, effectivement, a fondé les décisions du précédent
gouvernement. Ce n'était que des prévisions, mais nos prédécesseurs
escomptaient 200 000 emplois de cette baisse de 40 milliards de francs de
charges.
Sachez que, pour ce qui nous concerne, nous avons parlé pendant une
demi-journée de tous ces éléments avec les représentants du patronat, et que le
bilan commun auquel nous sommes parvenus ensemble au terme de ces réunions a
donné lieu à un document que personne n'a contesté. D'ailleurs, aujourd'hui,
les enquêtes permettent tout de même de savoir à peu près, je ne dis pas à 5
000 près, le nombre de créations d'emplois. Donc, personne n'a contesté que,
cette année, les 40 milliards de francs de baisse des charges ont entraîné
entre 40 000 et 45 000 emplois supplémentaires, et non pas les 200 000 emplois
espérés. Ne confondons pas désir et réalité.
Or, quelle est la réalité aujourd'hui ? Ce sont les 40 000 ou 45 000 emplois
qui ont été créés grâce à cette ristourne. Je n'ai pas dit que le dispositif
n'avait pas de sens. Simplement, il faut attendre et voir si, la croissance
reprenant, il ne va pas avoir des effets complexes.
Je le répète, personne aujourd'hui ne conteste ces chiffres.
Quant aux Pays-Bas, j'ai trouvé votre démonstration d'autant plus intéressante
qu'elle va dans mons sens ! En effet, le gouvernement néerlandais a annoncé
qu'il allait financer sur fonds publics la création de 100 000 nouveaux
emplois, à l'image des nôtres, c'est-à-dire pas des emplois publics - 100 000
qu'il convient de rapporter aux 350 000 chômeurs - mais c'est comme si, en
France, nous avions financé sur fonds publics 1 million d'emplois, et non pas
350 000 !
Reconnaissez que, pour un gouvernement libéral, il y a là peut-être une
convergence de politique. Après tout, nous ne nous trompons sans doute pas sur
toute la ligne !
(Sourires.)
Il est vrai que nous pouvons tirer des enseignements de ce que font les autres
pays. Ainsi, je l'ai dit, le travail à temps partiel choisi - mais non pas
imposé - a été mieux réussi aux Pays-Bas. Il en est de même pour le
développement local, que l'Italie réalise aujourd'hui mieux que nous ne savons
le faire. Ces deux exemples me semblent aller dans le bon sens.
Vous le voyez, monsieur le rapporteur spécial, nous ne sommes pas, nous,
fermés sur l'Hexagone. Nous regardons au contraire ce qui se passe à
l'extérieur.
Mais j'en viens à votre amendement, monsieur le rapporteur spécial. Vous nous
proposez de réduire de 105 millions de francs les mesures nouvelles inscrites à
hauteur de 147 millions de francs au moyen d'une réduction forfaitaire de 1,44
% de chacun des chapitres qui composent le titre III. Je ne vous opposerai pas
le caractère assez inopérant de cet amendement, mais, à partir des éléments
succincts fournis, nous n'obtenons pas les mêmes résultats : une réduction de
1,44 % appliquée aux crédits du titre III représente plus de 120 millions de
francs.
Sur le fond, j'illustrerai l'effet concret qu'aurait cet amendement s'il était
adopté en prenant deux exemples : il faudrait soit supprimer cent quarante
emplois - alors que nous proposons de régulariser la situation des cent
quatre-vingt-cinq personnes recrutées par le précédent gouvernement sans poste
budgétaire - soit fermer douze agences locales de l'ANPE, faute de moyens de
fonctionnement. Je ne suis pas sûre que les demandeurs d'emploi partagent votre
analyse des crédits à inscrire sur cette ligne !
Après les efforts de rationalisation conduits de manière systématique par
cette administration, les crédits budgétaires inscrits au titre III de la
section emploi correspondent strictement aux besoins. Je demande donc le rejet
de cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-24.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Cet amendement ne nous étonne pas ! Encore une fois, nous voici aux prises
avec les propositions de la commission des finances ou, à tout le moins, de sa
majorité, relatives à la progression des dépenses publiques pour 1998.
Notre collègue Philippe Marini, dont on connaît la grande compétence et qui
s'est notamment distingué lors de la discussion de la première partie du projet
de loi de finances par une défense et illustration de la loi Pons et de l'avoir
fiscal, nous propose tout d'abord de réduire le montant des dépenses du titre
III du budget de l'emploi. Je pose la question : qui paiera la casse ?
Nous pouvons envisager, par exemple, de supprimer une partie des dépenses
nouvelles occasionnées par le fonctionnement des services des directions du
travail et de l'emploi. Ainsi, on pourrait choisir de ne pas créer les
cinquante postes d'inspecteurs du travail inscrits à ce budget !
Il est vrai, permettez-moi ce trait d'humour, que la majorité de notre
commission des finances est sans doute moins attentive aux problèmes de risques
sur les lieux de travail qu'aux risques du capital. Elle préfère sans doute
l'assurance de la rentabilité du capital à l'assurance des conditions de
travail !
(Rires.)
On préfère encore ici défendre le capital risque plutôt que
diminuer les risques que le capital peut faire courir au travail.
(M. Pierre Biarnès applaudit.)
Il existe d'autres pistes d'économies, par exemple, la réduction de la
subvention de fonctionnement de l'Agence nationale pour l'emploi. Mme le
ministre a devancé mon argumentation. On ne peut, en effet, oublier que cette
subvention, d'un montant de 5 204 millions de francs, représente à elle seule
60 % des crédits du titre.
On aurait donc bientôt une situation cocasse : en prétendant lutter contre le
chômage, on verrait des agences locales fermées aux chômeurs, sous prétexte de
l'insuffisance des moyens de fonctionnement !
Vous le concevrez aisément, cet amendement est idéologiquement contestable,
car il est uniquement fondé sur une logique comptable, logique que nous ne
partageons pas. Nous le rejetterons sans hésitation.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-24, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
31:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 218 |
Contre | 98 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV, 9 694 738 124 francs. »
Par amendement n° II-25 rectifié, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de réduire les crédits du titre IV de 6 224 000 000 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Ce second amendement relève de la même logique que le
précédent. En effet, il convient de le rappeler, les suppressions de crédits
que nous évoquons ne peuvent, techniquement, que porter sur les mesures
nouvelles et sont à ramener au budget global de l'emploi : les réductions
cumulées de ces deux amendements représentent de l'ordre de 6,4 milliards de
francs sur un budget global de 155,3 milliards de francs ou de 155,4 milliards
de francs ! Cet effort nous semble donc pouvoir être réalisé dans le cadre d'un
redéploiement raisonnable.
S'agissant du titre IV, nous considérons que le crédit de 8 milliards de
francs pour les emplois-jeunes est quelque peu optimiste et nous ne partageons
pas complètement l'assurance de Mme le ministre sur la possibilité de trouver
des métiers émergents, de nouvelles activités susceptibles d'être solvabilisées
au rythme prévu tout en ne concurrençant ni le vrai secteur public ni le
secteur privé. C'est la raison pour laquelle nous préférons réduire de 1
milliard de francs les crédits du chapitre 44-01.
Pour le solde, la réduction est proportionnelle : elle est de l'ordre de 5 %
des encours de crédits concernés, à l'exception de certains chapitres que nous
souhaitons exonérer de la mesure.
Quels sont ces chapitres ? La formation en alternance, l'apprentissage, les
contrats de qualification, le dispositif concernant les travailleurs
indépendants créant ou reprenant une activité ainsi que l'incitation à la
réduction collective du temps de travail.
Cela étant, madame le ministre, en présentant cet amendement, j'ai
paradoxalement l'impression d'agir en conformité avec le programme que vous
avez défendu devant vos électeurs voilà seulement quelques mois. Ainsi, sous
une version distribuée à des millions d'exemplaires, ce programme comportait
notamment cette phrase : « En simplifiant drastiquement les aides à l'emploi
sans augmenter les dépenses publiques, notre objectif est de créer 700 000
vrais emplois pour les jeunes, pour moitié dans le secteur public, pour moitié
dans le secteur privé ; un budget maîtrisé réorientant la dépense publique vers
l'emploi sera un puissant levier d'action ».
Naturellement, nous souscrivons à cette dernière affirmation. Pour ce qui est
des 700 000 emplois, si nous ne voyons toujours pas se manifester ce dispositif
dans le secteur privé, du moins dans ce budget, nous partageons, pour les 350
000 emplois publics, le souci qu'a exprimé dans une question écrite adressée le
25 septembre 1997 à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité l'un de nos
excellents collègues, ancien ministre du budget, M. Michel Charasse : « A
l'occasion de la récente campagne en vue des élections législatives, le
principal parti politique de la nouvelle majorité s'est engagé, dans un
document diffusé très largement dans le public,... » - nous avons les mêmes
sources ! - « ... à lancer un programme ambitieux d'emplois pour les jeunes,
financé pour l'essentiel par l'Etat. Toutefois, afin de ne pas accroître les
charges publiques, le même document stipulait que diverses aides à l'emploi,
dont l'inefficacité est patente, seraient supprimées afin de gager exactement
la charge nouvelle résultant pour l'Etat du plan en faveur de l'emploi des
jeunes ». Et, en conclusion, notre collègue s'interrogeait sur le montant de
l'économie prévue en 1998 pour chacune de ces diverses catégories d'aides
inefficaces.
Dans ces conditions, madame le ministre, nous pensons que la réduction que
nous proposons par cet amendement n° II-25 rectifié est tout à fait raisonnable
; elle est, en outre, conforme aux engagements que vous avez vous-même pris
devant vos propres électeurs.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur spécial,
permettez-mois de redire ce que j'ai dit tout à l'heure : le Gouvernement a
effectivement été conduit à financer ces deux nouveaux programmes en faveur de
l'emploi - emplois-jeunes et durée du travail - par le redéploiement d'un
certain nombre de crédits du ministère du travail, vous l'avez vous-même
relevé, comme des autres ministères. C'est bien, d'ailleurs, ce qu'avait
souhaité M. le Premier ministre en envoyant les lettres de cadrage, en
demandant à chaque ministre de réduire ses dépenses pour que, finalement, nous
parvenions à financer ces deux programmes nouveaux tout en contenant
l'accroissement des dépenses publiques à un taux légèrement inférieur à celui
de l'inflation.
Voilà la réalité, nous avons effectivement réalisé ce que nous avions
annoncé.
S'agissant de l'amendement, j'ai du mal à le comprendre. Là aussi, il faut
nous dire où il faut réduire ces crédits ! Les contours que vous nous proposez
aujourd'hui ne sont pas très clairs.
Vous dites - et je m'en félicite - que vous ne souhaitez pas réduire les fonds
des contrats en alternance, ni les lignes correspondant aux dispositifs des
lois Madelin et Robien. Je le comprends pour cette dernière puisque j'ai
moi-même à coeur d'honorer tous les engagements de l'Etat ; mais, pour le
reste, votre amendement vise bien à appliquer forfaitairement à l'ensemble des
autres dispositifs de la politique de l'emploi un abattement très lourd : plus
de 6 %.
J'en déduis que vous incluez dans cet abattement des dispositifs auxquels vous
étiez, je crois, très attaché, comme le CIE, que vous avez évoqué en vous
étonnant que les crédits à ce titre ne soient pas plus importants, ou les zones
franches, instituées par M. Gaudin dans le pacte de relance pour la ville - sur
ce dernier point, même si je ne suis pas persuadée que ces actions soient
totalement efficaces, je ferai un bilan en juin, comme le prévoit la loi - ou
encore les soldes des contrats de retour à l'emploi, au sujet desquels nous
avons pris des engagements qu'il faut bien honorer.
Je pourrais ainsi continuer à énoncer la liste des conséquences dangereuses
d'un tel amendement : le chapitre 46-71 est également touché. Faut-il renoncer
à augmenter l'indemnisation de chômage pour les bénéficiaires de l'allocation
de solidarité spécifique, ou encore réduire les prestations versées à ces
personnes qui sont aujourd'hui en grande difficulté ?
Doit-on faire de même pour l'insertion des publics en difficulté, prévue au
chapitre 44-74 ? Je le comprendrais assez mal alors que vous nous avez parlé de
votre préoccupation, que nous partageons, face à l'augmentation du chômage de
longue durée.
Quant à l'abattement de 1 milliard de francs sur l'enveloppe des
emplois-jeunes, qu'il me soit permis de dire que le démarrage du programme me
paraît assez remarquable. Nous essayons de répondre concrètement à l'esprit de
la loi telle qu'elle a été votée et nous espérons qu'il n'y aura pas de
dérapage. Nous faisons en sorte que ce soit clair. Beaucoup de jeunes et de
familles ont, en effet, commencé à retrouver de l'espoir grâce à ce
programme.
Je ne comprends donc pas très bien où vous souhaitez réduire les crédits du
titre IV. Aussi, je demande au Sénat de bien vouloir rejeter cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement II-25 rectifié.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Je vais, mes chers collègues, continuer à faire oeuvre de suggestion.
Le budget de l'emploi est assez fortement mis à contribution dans la démarche
de la commission des finances tendant à réduire le déficit budgétaire après le
vote, en première partie, de quelques cadeaux fiscaux pour un montant de 21,3
milliards de francs.
Le montant des sommes en cause - 1 milliard de francs au titre des
emplois-jeunes et quelque 5,2 milliards de francs de manière proportionnelle
dans les dépenses du titre IV - appelle, naturellement, quelques observations
fondamentales.
M. Marini invite les jeunes, les chômeurs de longue durée ou les femmes
souhaitant reprendre une activité professionnelle à payer le prix de l'avoir
fiscal, de la baisse de l'impôt sur les plus hauts revenus ou le maintien du
dispositif Pons et du système des quirats.
L'examen attentif des crédits du titre IV du budget de l'emploi situe assez
précisément les contradictions dans lesquelles s'est placée la commission des
finances.
Posons d'abord la question des emplois-jeunes.
Alors même que vous aviez souhaité, lors de l'examen du projet de loi, une
extension de emplois-jeunes au secteur privé en les transformant en contrats
d'activité, vous nous proposez aujourd'hui une réduction de 1 milliard de
francs des crédits ouverts qui conduirait, en cas d'application, à laisser de
12 000 à 15 000 jeunes sans emploi en 1998.
Il s'agit donc d'un problème de logique à double détente, puisque cela ne
correspond, que je sache, ni à vos intentions affichées en matière de création
d'emplois ni à la démarche adoptée lors de la discussion du projet de loi.
Au demeurant, si tant est que le secteur privé soit seul habilité à créer des
emplois, eh bien ! qu'il le fasse. Vous me permettrez de croire, en la matière,
que la situation financière de nos entreprises pourrait portant justifier
qu'elles consentent un petit effort à cet égard.
Regardons cependant d'un peu plus près la question de la réduction
proportionnelle des dépenses du titre IV.
Faudrait-il, par exemple, que l'on diminue les crédits dévolus à la prise en
charge par l'Etat des dépenses des centres d'apprentissage, alors même que la
majorité sénatoriale a eu l'occasion, à maintes reprises, de marquer sa
préférence pour ce type de formation ? J'observe, en effet, que vous n'excluez
pas de prendre de l'argent sur la dotation de l'Etat aux collectivités locales
prévue au titre de l'apprentissage.
Faudrait-il aussi réduire de quelques centaines de millions de francs les
crédits destinés aux contrats initiative-emploi, à savoir 13 milliards de
francs inscrits au budget du travail, sous prétexte de rigueur budgétaire ?
Ainsi donc, la grande innovation sociale voulue par le Président de la
République en juillet 1995 serait progressivement effacée du paysage économique
et social.
Si vous étiez cohérents, mes chers collègues - et je m'adresse notamment ici à
M. Marini, auteur de cet amendement - vous auriez voté, lors de l'examen de la
première partie du projet de loi de finances, la réduction du taux normal de la
taxe sur la valeur ajoutée que vous aviez relevé à l'été 1995 pour financer la
mise en place du CIE.
On aurait pu aussi envisager de réduire les crédits afférents à la réduction
des cotisations sociales des entreprises, ce qui, vous en conviendrez, n'aurait
été ni très compatible avec l'équilibre des comptes de la protection sociale ni
très logique alors que vous nous affirmez à longueur de débat qu'il faut
réduire les charges pesant sur les entreprises.
Vous ne le faites pas, caractérisant ainsi clairement votre choix d'une
dépense publique pour l'emploi tout entière orientée vers la réduction de la
contribution des entreprises au financement de la protection sociale.
En revanche, vous pensez que l'on peut aussi s'attaquer au dispositif des CES
et autres emplois consolidés, ou encore au dispositif des préretraites
progressives et à celui de l'ARPE.
Méfiez-vous de ce type d'économies qui ne font qu'allonger les listes des
demandeurs d'emploi et créer un peu plus de difficultés pour les familles et
les jeunes concernés.
Tel est, en effet, le cas typique d'économies qui se traduiront par de
nouveaux coût sociaux, par une augmentation de la dépense relative au RMI, ou
encore par des effets macro-économiques négatifs sur la consommation, la
croissance, et donc, en bout de chaîne, les recettes fiscales.
Nous estimons qu'une politique publique en faveur de l'emploi est donc une
nécessité. Cela impose de réfléchir sur ce qui existe : il ne faudrait pas
oublier, dans ce cadre, les 42 milliards de francs de la ristourne dégressive,
ou encore les allégements d'impôts sur les sociétés ou de taxe professionnelle
motivés par l'emploi.
Il convient également de marquer des inflexions sur une analyse critique de ce
qui existe. Ce projet de budget pour 1998 marque en ce sens une première
ébauche de cette transformation de la dépense publique pour l'emploi.
Nous ne partageons donc pas les attendus de cet amendement. Nous le
rejetterons sans ambiguïté et demandons un scrutin public.
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le rapporteur spécial, tout au long de ce débat, vous manifestez,
vous dont on connaît l'aisance, un certain embarras, comme si vous aviez en
vous-même intériorisé l'idée selon laquelle ce projet de budget de la majorité
sénatoriale n'était qu'un affichage politique.
Sur ce sujet très précis du chômage - j'emploie volontairement le terme de «
chômage » et non pas celui d'« emploi » - votre démarche est totalement
incompréhensible pour la très grande majorité des Français.
Si vous souhaitez, monsieur le rapporteur spécial, que nous allions au fond
des choses et que nous réduisions « drastiquement », pour reprendre la formule
qui a été utilisée, les aides à l'emploi, alors, que le Sénat et sa majorité
fassent le bilan du CIE et de son coût !
Que ce même Sénat et cette même majorité se réfèrent notamment à la
déclaration de M. Sarkozy à la tribune de l'Assemblée nationale le 12 mars
1996. Vous vous en souvenez, il a alors expliqué que ce dispositif était
ruineux et n'avait finalement eu qu'un effet d'aubaine.
Nous pourrions aussi, monsieur le rapporteur spécial, faire le bilan des zones
franches, mais le faire à partir des zones d'entreprises de M. Madelin et en
nous référant à ce rapport de l'inspection des finances, dont j'imagine que
vous n'allez pas le contester, qui chiffrait jusqu'à 4 millions de francs le
coût de certains des postes de travail créés par feues les zones franches de M.
Madelin.
Nous pourrions aussi examiner de près le problème des allégements de charges,
mais je n'y insiste pas parce que Mme la ministre a dit exactement ce que je
voulais en dire : être vigilants, car les résultats ne sont pas à la hauteur de
l'argent investi ; poursuivre dans cette voie, en attendant que la croissance
permette d'évaluer l'efficacité de ce dispositif, au demeurant fort onéreux.
S'agissant des dispositifs de formation en alternance, vous nous avez rappelé,
madame la ministre, la baisse des effectifs des personnes en contrats de
qualification ; vous nous avez d'ailleurs rassurés en nous indiquant que cela
faisait l'objet de votre préoccupation.
S'agissant de l'apprentissage, c'est le constat inverse. Mais il y a une ombre
au tableau, et de taille : les conditions de travail.
Un récent rapport effectué à la diligence d'une organisation de salariés
montre que quelques secteurs professionnels - je dis bien quelques - font des
conditions de travail aux apprentis qui vont au-delà de ce qui est supportable,
et cela, bien sûr, au mépris des règles élémentaires du code du travail : durée
du travail notoirement excédentaire ; plus grave, conditions de sécurité trop
souvent non respectées, notamment en matière d'hygiène. Le laxisme d'une petite
partie - je dis bien d'une petite partie - des employeurs, qui est cependant
trop grande, fait que les accidents de travail sont trop nombreux chez les
apprentis.
Il faut également souligner l'inégale qualité de la formation dispensée par
les centres de formation d'apprentis, constat souvent dressé au demeurant mais
qui, pour l'instant, n'a pas donné lieu à une politique.
A partir de ces quelques réflexions, bien peu originales, fondées sur un
rapport récent et autorisé, je voudrais vous demander, madame la ministre,
quelles mesures vous envisagez de prendre, dans l'avenir, pour remédier à cette
situation et à ses conséquences humaines auxquelles, s'agissant de jeunes gens
et de jeunes filles, nous ne pouvons nous résigner.
(Applaudissements sur
les travées socialistes.)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je voudrais réagir aux deux amendements déposés par la commission des
finances.
Tout d'abord, l'assainissement des finances publiques ne peut pas et ne doit
pas se faire contre l'emploi. De ce point de vue, le fait que le rapporteur
général de la commission des finances propose de réduire de 6,329 milliards de
francs au total les crédits du projet de budget de l'emploi alors que notre
pays compte 3,5 millions de chômeurs a quelque chose de très choquant.
Ne croyez-vous pas que cette recherche d'économies pourrait viser d'autres
secteurs ? Pensez-vous que l'opinion publique trouvera judicieux que l'on
propose de diminuer la dépense publique sur cette ligne budgétaire précisément
? Nous ne le pensons pas.
S'agissant des exonérations de charges, je vous rappelle qu'entre le budget de
l'emploi et les crédits inscrits au budget des charges communes, elles
s'élèvent à plus de 45 milliards de francs. Quelle est l'efficacité de ces
sommes prélevées sur les contribuables en termes d'emplois pour ces mêmes
contribuables ou leurs enfants ?
S'agissant de la ristourne dégressive sur les bas salaires, qui touche six
millions de salariés, le CSERC retient une fourchette très large - nous venons
d'en parler, et Mme la ministre a déclaré que personne ne conteste aujourd'hui
ces chiffres - de créations nettes d'emplois allant de 40 000 à 200 000, pour
plus de 38 milliards de francs inscrits au budget en 1998.
En réalité, la seule chose dont on soit sûr, c'est que les exonérations de
charges sans contrepartie exigée en matière d'emplois provoquent avant tout des
effets d'aubaine dont profitent les entreprises. L'employeur embauche des
salariés dont il avait en toute hypothèse besoin, mais il le fait en
externalisant au passage une partie du coût du travail sur la collectivité
nationale.
Il est donc particulièrement mal venu de reprocher au Gouvernement de limiter
les profits de cette fructueuse opéation. S'il est bon que le coût du travail
non qualifié soit maintenu dans certaines limites dans un but de compétitivité
et dans l'intérêt des salariés dont on préserve ainsi les emplois, la réduction
de la ristourne dégressive de 0,03 % ne mettra pas, nous le savons tous, notre
économie en péril. Il s'agit d'une simple mesure d'équité et d'assainissement
dont vous devriez vous féliciter.
En revanche, il est particulièrement consternant d'entendre dire que ce
dispositif de réduction des charges, dont on ne connaît que trop l'efficacité
toute relative, devrait être développé à l'exclusion de tout autre, notamment
au détriment des mesures pour les jeunes.
Avec les emplois-jeunes, l'Etat assume pleinement ses responsabilités et
utilise précisément ses ressources dans l'intérêt général, afin de procurer un
emploi durable et une qualification à des jeunes sans emploi. A l'inverse de ce
à quoi nous assistons depuis plusieurs années, il s'agit enfin d'une mesure
dont les effets sont immédiats, clairement identifiés, et qui profitent
indiscutablement aux jeunes, à l'emploi, à la relance de l'économie et de la
consommation.
Je suis persuadée que l'opinion publique sera intéressée d'apprendre que la
majorité sénatoriale, non contente de s'opposer aux emplois-jeunes par
principe, entend maintenant supprimer les crédits prévus pour leur mise en
oeuvre. La seule logique que l'on peut discerner dans tout cela est purement
financière : baisser encore le coût du travail, c'est-à-dire les salaires
directs et indirects, faciliter parallèlement l'augmentation des profits, mais
ne rien consacrer à des actions positives pour l'emploi des jeunes.
Non seulement cette politique est à l'opposé de notre conception de ce que
doit être une solidarité nationale active et dynamique, mais nous estimons
qu'elle est aussi contraire à un objectif de croissance. C'est pourquoi nous
voterons contre cet amendement.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jacques Habert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Je ferai une première remarque : les dispositions prises par le Gouvernement
en faveur de la formation en alternance me semblent excellentes et je comprends
mal les critiques de M. Delfau à cet égard. Le fait que le Gouvernement ait
donné une priorité à cette action et même renforcé les moyens mis en oeuvre me
paraît tout à fait judicieux.
Deuxième remarque : Mme le ministre a évoqué dans son intervention le problème
des personnes handicapées.
S'agissant de la loi du 10 juillet 1987, je suis frappé par le résultat des
enquêtes qui ont été publiées sur son application.
Selon l'Association des paralysés de France, 93 % des chefs d'entreprise sont
satisfaits du travail effectué par les salariés handicapés, mais seulement un
tiers d'entre eux consentent à les employer.
Il existe là une situation bien regrettable, à laquelle nous devons remédier,
nous en sommes tous d'accord.
Troisième remarque : M. Fischer, comme d'ailleurs Mme Dieulangard, a posé à la
commission des finances la question suivante : comment pouvez-vous demander la
diminution des crédits affectés aux emplois-jeunes, alors que vous êtes - nous
le sommes évidemment - partisans de donner des emplois aux jeunes ?
La commission a expliqué, sur ce point, la politique qu'elle entend suivre
pendant la discussion budgétaire. Mais pour notre part, si nous diminuons ces
crédits, obéissant à une logique traditionnelle en matière budgetaire, c'est
parce que c'est la seule façon dont nous disposons pour montrer notre
désapprobation. Sur quoi ? Sur la discrimination dans la répartition de ces
emplois-jeunes.
Comme la commission l'a toujours dit et comme cela a été souligné dans le
débat, le fait d'avoir exclu le secteur privé du bénéfice de ces emplois semble
tout à fait aberrant.
Ne serait-ce que pour cette raison, nous ne pourrions pas voter une nouvelle
fois une disposition destinée à financer des emplois-jeunes, mais qui ne
concerne que la moitié des forces vives de la nation, et dont tout le poids
retombe à la charge des administrations publiques.
Personnellement, j'ai une seconde raison, en tant que sénateur représentant
les Français de l'étranger, de m'opposer aux restrictions du plan
emploi-jeunes.
Madame le ministre, nous avons souhaité au cours des débats que les jeunes qui
partent à l'étranger puissent bénéficier de ce dispositif. En effet, chaque
fois qu'un jeune trouve un emploi à l'étranger, c'est un chômeur de moins en
France.
Tout le monde reconnaît que, pour le rayonnement de notre pays dans le monde
et pour notre expansion économique, il faut encourager et aider ceux qui
cherchent des emplois à l'étranger. On devrait leur accorder au moins les mêmes
avantages qu'en métropole, alors qu'ils ont été entièrement exclus de ces
bénéfices. En tant que représentant des Français établis hors de France, je ne
saurais l'admettre.
Nous voterons donc l'amendement de la commission des finances...
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Jacques Habert.
... pour montrer notre désapprobation du choix fait s'agissant des
bénéficiaires des emplois-jeunes. Ce geste confirmera les regrets que nous
avions exprimés précédemment !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, mes chers collègues, contrairement à ce que pensent un
certain nombre de nos collègues, la majorité de la commission des affaires
sociales se rallie à l'amendement de la commission des finances, et cela pour
trois raisons.
D'abord, la procédure budgétaire ne nous permet pas de modifier l'affectation
des dépenses. Nous aurions volontiers, pour notre part, augmenté les crédits en
faveur de la formation en alternance, afin de suivre la suggestion de M.
Madelain, ou les crédits affectés à l'apprentissage, en faisant des économies
par ailleurs. Mais cela n'est pas possible : nous n'avons pas le droit, dans le
cadre de la procédure budgétaire - et aux termes de la loi organique - de
proposer ce genre de transfert.
Nous sommes donc obligés de nous rallier à la position de la commission des
finances, qui a conçu un système d'abattements visant un certain nombre de
crédits, aussi bien ceux de l'emploi aujourd'hui que d'autres demain et
après-demain.
Le deuxième argument me paraît plus important.
Lorsque nous comparons la situation de la France - j'ai noté, madame la
ministre, que vous n'aviez pas répondu à ce sujet - à celle de ses partenaires
européens, nous constatons que ce qui la pénalise, c'est le poids de la dépense
publique. Compte tenu du déficit budgétaire, nos dépenses publiques
représentent en effet 55 % de notre PIB. Nous avons le taux le plus élevé, à
part le Danemark et la Suède - et encore ! - par rapport à l'ensemble de nos
partenaires.
L'action fondamentale que nous devons donc développer en ce moment consiste à
réduire l'ensemble des dépenses publiques, afin de nous retrouver - lorsque
l'euro sera en place, et surtout lorsqu'il faudra maintenir la monnaie unique
au cours des prochaines années - dans une situation à peu près comparable à
celle de nos voisins.
Cela est primordial et c'est l'objectif premier. Ce n'est pas parce que nous
allons toucher à tel ou tel secteur ou à tel ou tel mécanisme que nous devons
perdre de vue cet objectif fondamental de réduction du poids des charges
publiques, car cela nous pénalise très fortement par rapport à tous nos
partenaires. Les Anglais l'ont d'ailleurs compris depuis longtemps. Il suffit
de constater comment agit le gouvernement britannique actuel, dirigé par M.
Blair ; loin de majorer les charges publiques, il poursuit au contraire
l'effort de décélération de ces charges qui avaient atteint, voilà une
quinzaine d'années, des proportions beaucoup trop élevées.
Enfin, c'est mon troisième argument, je suis frappé de voir, madame la
ministre, mes chers collègues, que nous discutons de l'emploi sans tenir compte
de la variable fondamentale en la matière : la création nette d'emplois dans
l'économie française.
Nous avons connu la période sombre des années 1991, 1992 et 1993 au cours de
laquelle les suppressions d'emplois ont été plus importantes que les créations.
Ce n'est que depuis le milieu de l'année 1996 que le solde est redevenu positif
et que l'économie française recommence à créer des emplois.
Pendant la période qui court de la mi-1995 à la mi-1996, nous avons perdu 10
000 emplois sur l'ensemble des emplois marchands et, depuis la mi-1996 jusqu'à
la mi-1997, nous en avons crée à peu près 100 000. Comme le disait notre
excellent collègue M. Souvet tout à l'heure, je pense par ailleurs qu'entre le
milieu de l'année 1997 et le milieu de l'année 1998 nous pouvons envisager la
création d'environ 150 000 emplois, soit un chiffre comparable à celui de
l'augmentation de la population active.
Or, il nous paraît absurde - et c'est de cette absurdité que je voudrais
convaincre l'ensemble du Sénat - de majorer les aides à l'emploi de 150
milliards de francs à 155 milliards de francs, alors que, du fait de la
conjoncture, du fait de toutes les mesures prises antérieurement, le nombre des
créations d'emplois augmente. Ce qu'il convient de faire, c'est d'intensifier
les créations d'emplois en réduisant les charges, en réduisant le poids de la
fiscalité beaucoup plus qu'en inventant des systèmes de plus en plus
sophistiqués.
Voilà quelle est notre logique profonde, qui diffère de celle du Gouvernement
et que je veux que vous entendiez madame la ministre.
Dans notre pays, nous sommes en train de recréer des emplois. Dans ces
conditions, desserrons les freins, supprimons les entraves, libérons les
entreprises de leurs charges, faisons un effort sur les bons mécanismes que
sont l'alternance et l'apprentissage et ne gaspillons pas d'argent en créant
des emplois dans des associations, dans les collectivités publiques, arrêtons
le recrutement des 40 000 emplois-jeunes pour le ministère de l'éducation
nationale.
Créons de vrais emplois, durables, pérennes et ne nous ingénions pas à créer
artificiellement des emplois. Telle est notre position, qui est tout à fait
logique. Nous sommes en complète rupture dans cette affaire, madame la
ministre, je le dis clairement, et je voterai l'amendement de la commission des
finances.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR, et de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-25 rectifié, repoussé par le
Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public, émanant, l'une, de la
commission des finances et, l'autre, du groupe communiste républicain et
citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
32:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour l'adoption | 219 |
Contre | 99 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
Titre V. - « Autorisations de programme, 61 420 000 francs ;
« Crédits de paiement, 32 420 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre VI. - « Autorisations de programme, 546 880 000 francs ;
« Crédits de paiement, 233 768 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de
loi de finances concernant l'emploi.
II. - SANTÉ, SOLIDARITÉ ET VILLE
Santé et solidarité
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la santé et
la solidarité.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis maintenant dix ans que je
rapporte, au nom de la commission des finances, le budget des affaires sociales
et de la santé, j'ai vu la dénomination du ministère varier au gré de
l'imagination sémantique des gouvernements et la présentation des crédits
opérer de nombreuses métamorphoses.
Depuis 1996, ces crédits étaient présentés en deux fascicules distincts,
intitulés respectivement « Santé publique et services communs » et « Action
sociale et solidarité ». Pour le budget de 1998, ils n'en forment plus qu'un :
ce nouveau fascicule intègre, en outre, l'ancien fascicule « Ville et
intégration » ainsi que les crédits consacrés à l'action sociale en faveur des
rapatriés et ceux de la mission interministérielle à la lutte contre la drogue
et la toxicomanie, qui étaient antérieurement inscrits au budget du Premier
ministre.
Pour ma part, j'approuve d'autant plus ce regroupement des crédits du
ministère de la santé, de la solidarité et de la ville que je l'avais appelé de
mes voeux l'an dernier. Toutefois, ces modifications de présentation
incessantes obscurcissent considérablement l'analyse. Je crois, monsieur le
secrétaire d'Etat, que vos services eux-mêmes seraient bien en peine de
retracer, à structure constante, l'évolution des crédits des affaires sociales
et de la santé sur les dix dernières années. Je veux donc espérer que la
présentation retenue cette année sera conservée pour les exercices à venir et
que le budget de la santé, de la solidarité et de la famille trouvera enfin le
minimum de stabilité nécessaire à sa lisibilité, j'allais dire à son
efficacité.
L'ensemble formé par les crédits ainsi regroupés s'élève, pour 1998, à 73,1
milliards de francs, soit une progression, à structure constante, de 2,6 % par
rapport à 1997. Il s'agit principalement d'un budget d'intervention, les
dépenses du titre IV en constituant près de 90 %. Celles-ci, qui augmentent de
3,3 %, expliquent l'essentiel de la hausse du budget, les moyens des services
étant stabilisés et les dépenses en capital étant en diminution de 11,8 %. Cela
étant, dans le budget global, les dépenses en capital sont toujours les grandes
sacrifiées.
Dans sa nouvelle conformation, le projet de budget est désormais composé de
sept agrégats de volumes très différents, deux d'entre eux représentant à eux
seuls plus de 80 % des crédits : il s'agit des dépenses en faveur des personnes
handicapées et des personnes âgées, qui représentent 40,9 % du total, et des
dépenses de lutte contre l'exclusion, qui en représentent 40,3 %. En clair, le
premier de ces agrégats correspond pour l'essentiel à l'allocation aux adultes
handicapés et aux centres d'aide par le travail, tandis que le second
correspond au revenu minimum d'insertion.
Viennent ensuite trois agrégats représentant chacun entre 5 % et 7 % du total
des crédits. Tout d'abord, il s'agit des dépenses d'administration générale,
des interventions sanitaires et de l'agrégat dénommé « Développement de la vie
sociale », qui fait quelque peu figure de fourre-tout. Il s'agit ensuite de
dépenses qui apparaissent plus symboliques : ce sont, en effet, des crédits
consacrés à la ville, qui représentent 1 % du total, et des crédits consacrés à
l'intégration qui, eux, en représentent seulement 0,6 %.
Sans entrer dans le détail des crédits, je voudrais formuler quelques
observations que m'inspirent ce projet de budget. Pour le reste, je me permets
de vous renvoyer à mon rapport écrit, ainsi qu'aux excellents rapports de la
commission des affaires sociales.
Tout d'abord, je dois constater la persistance d'évolutions mal maîtrisées.
En 1998, comme les années précédentes, les augmentations de crédits les plus
importantes en volume du budget de la santé, de la solidarité et de la ville
résulteront de la croissance « anarchique » - disons plutôt très forte, peu
maîtrisée - des dépenses sociales obligatoires.
Les crédits consacrés au RMI progresseront, en 1998, à un rythme de 4,5 %. Ce
rythme peut, certes, paraître modéré par rapport aux premières années de mise
en place du dispositif et s'inscrit en retrait par rapport à celui de 1997, où
il était de 5,3 %. Néanmoins, compte tenu de la masse des crédits
correspondants, ce taux d'augmentation correspond à une dépense supplémentaire
non négligeable de 1,097 milliard de francs.
Par ailleurs, du fait des recoupements entre la population concernée par le
RMI et celle qui est concernée par l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH,
il est admis que les dépenses consacrées à ces deux types de prestations sont,
pour une large part, substituables. Ce n'est pas moi qui l'affirme, mais
d'éminentes organisations comme la Cour des comptes ou l'Inspection générale
des affaires sociales. Or, les crédits consacrés à l'AAH sont également en
augmentation sensible en 1998 - 4,6 % - pour atteindre 23,389 milliards de
francs, soit un supplément de crédits de 1,129 milliard de francs par rapport à
1997.
Les efforts, qui correspondaient à une réelle volonté, faits pour contenir les
dépenses relatives à l'AAH ne produisent toujours pas les effets espérés. Le
nouveau barème d'incapacité fixé par la loi de finances pour 1994 n'a modifié
qu'à la marge les décisions des COTOREP, les commissions techniques
d'orientation et de reclassement professionnel. La proportion des allocations
attribuées au titre d'une inaptitude à exercer une activité professionnelle est
restée supérieure à 37 %, alors qu'il s'agissait de baisser ce taux.
Dans son récent rapport sur les minima sociaux, le Conseil supérieur de
l'emploi, des revenus et des coûts s'étonne du peu d'informations disponibles
sur les bénéficiaires de l'AAH et s'interroge sur l'interférence possible entre
la situation du marché du travail et les décisions d'attribution de
l'allocation. Il relève notamment une sur-représentation inexpliquée de la
classe d'âge des cinquante-cinq à cinquante-neuf ans dans la population des
bénéficiaires de l'AAH. Ce phénomène laisse à penser que l'allocation est
utilisée comme une « mesure d'âge » dans les plans sociaux des entreprises, ce
qui est, à l'évidence, une déviation de ses objectifs.
Je me félicite de notre convergence de vue sur ce sujet, madame le ministre,
et j'attends avec impatience les résultats de la mission conjointe que vous
avez confié à l'IGAS et à l'IGF, l'Inspection générale des finances, sur le
fonctionnement des COTOREP.
Je souhaite par ailleurs que la Cour des comptes examine à nouveau la
question, comme elle l'avait excellement fait en 1993. Vous ne m'en voudrez pas
de citer souvent la Cour des comptes, qui est un soutien permanent du
Parlement. Nous avons d'ailleurs souhaité l'extension de son rôle avec la loi
de juillet 1994.
Un autre poste de dépenses en progression sensible est celui des crédits
consacrés aux centres d'aide par le travail, qui s'élèvent, en 1998, à 6
milliards de francs, soit une augmentation de 3,3 % par rapport à 1997.
La création de 2 000 places supplémentaires vise à résorber le stock des
jeunes adultes handicapés maintenus dans des établissements d'éducation
spéciale en application de l'article 22 de la loi du 13 janvier 1989 portant
diverses mesures d'ordre social, dit « amendement Creton ». Selon vos services,
madame le ministre, le nombre de places encore nécessaires serait de 10 000
pour les trois prochaines années.
Voilà dix ans, je me le rappelle, alors que les CAT comptaient 63 000 places -
on en dénombre actuellement 87 000 - on nous disait qu'on allait créer 2 000
places supplémentaires par an, car les besoins étaient au total de 15 000
places supplémentaires. Aujourd'hui, il faut encore 10 000 places !
Partant de ces constats et de ces chiffres, la commission des finances
souhaite que cette évaluation des besoins fasse l'objet d'une programmation
pluriannuelle en bonne et due forme, qui seule permettra un véritable suivi en
cours d'exécution et une évaluation au terme de la période fixée.
Ma deuxième observation portera sur l'augmentation des dépenses de santé.
Les crédits d'interventions sanitaires enregistrent la plus forte progression
de votre projet de budget pour 1998, leur augmentation de 10,3 % les portant à
3,7 milliards de francs. Cet agrégat était déjà en augmentation de 8,5 % en
1997.
Cette croissance rapide des dépenses budgétaires liées à la santé s'accompagne
- cela a fait l'objet d'un débat lors de l'examen du projet de loi de
financement de la sécurité sociale - de ce que la commission des finances
qualifie de relâchement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie
présenté par le Gouvernement à l'occasion de ce projet de loi de financement,
que nous avons à nouveau abordé ce matin. La progression de l'objectif national
de dépenses d'assurance maladie sera de 2,2 %. Nous aurions préféré que
l'augmentation reste soit au taux de 1997, soit au taux de l'inflation. Quoi
qu'il en soit, cela représentera, en 1998, 613,6 milliards de francs.
Une partie de l'augmentation des crédits d'interventions sanitaires s'explique
par la montée en puissance de l'Agence nationale d'accréditation et
d'évaluation en santé, l'ANAES, dont la dotation est portée à 37,3 millions de
francs pour 1998 - soit une augmentation de 43,4 %, mais c'est une institution
jeune - ainsi que par la création des deux agences de veille et de sécurité
sanitaire instituées par la proposition de loi de la commission des affaires
sociales et pour lesquelles une dotation de 80 millions de francs est prévue en
1998.
Par ailleurs, les dotations des quatre autres établissements nationaux à
caractère sanitaire que sont l'Agence du médicament, l'Agence française du
sang, l'Office de protection contre les rayonnements ionisants et
l'Etablissement français des greffes sont toutes présentées en augmentation
pour 1998, alors qu'elles étaient stables ou en diminution en 1997.
Au total, l'ensemble des subventions aux établissements nationaux à caractère
sanitaire augmente de 52,8 % en 1998, pour atteindre 296,2 millions de
francs.
Les établissements nationaux intervenant en matière de santé publique se sont
multipliés depuis le début des années quatre-vingt-dix. Cette politique de
démembrement, poursuivie par vos prédécesseurs, des compétences du ministère de
la santé obéit, c'est vrai, à une logique de spécialisation, mais constitue
également un palliatif à la faiblesse chronique des moyens humains de ses
services centraux. Elle appelle peut-être aussi des précautions de méthode.
A cet égard, je voudrais simplement rappeler les critiques formulées par
l'Inspection générale des affaires sociales dans son dernier rapport public sur
ces délégations de gestion. Elle estime que leurs objectifs sont flous, leurs
financements opaques et la tutelle insuffisante. Ce sont, madame le ministre,
les termes que vous avez repris tout à l'heure au titre de l'emploi dans
certains passages de votre discours.
Le dernier rapport public de la Cour des comptes nous montre également les
risques de cette technique de délégation de gestion appliquée à la politique
d'intégration des populations immigrées. Les errements du fonds d'action
social, de la SONACOTRA et de l'Office des migrations internationales doivent
vous inciter, madame le ministre, à rester très vigilante à l'égard des
nombreux organismes et agences qui exercent les compétences de votre
administration dans le domaine sanitaire et dont, nous le savons, il est
parfois difficile d'exercer la maîtrise et la tutelle.
La vive progression des dépenses d'interventions sanitaires résulte également
de la création d'un fonds d'aide à l'adaptation des établissements
hospitaliers, doté de 500 millions de francs.
Ce fonds d'équipement a son pendant dans le fonds d'accompagnement social pour
la modernisation des hôpitaux, prévu par le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1998, qui sera financé par l'assurance maladie à hauteur
de 300 millions de francs.
Il s'ajoute également au fonds pour l'emploi hospitalier, qui a été créé en
1994, et qui est alimenté d'environ 400 millions de francs par an. Rien que
pour la restructuration hospitalière, nous voilà donc face à trois fonds, dotés
respectivement de 500 millions de francs, 300 millions de francs et 400
millions de francs, soit 1,2 milliard de francs.
La multiplication de fonds spécifiques placés en dehors de l'objectif national
de dépenses d'assurance maladie n'apparaît pas de bonne méthode, au moins pour
la commission des finances, et comporte un risque sérieux de dérapage
financier. Nous en prenons acte pour l'avenir et nous ne manquerons pas d'en
débattre lors de l'examen des prochains projets de budget.
Chacun sait qu'une restructuration génère d'abord des coûts avant de permettre
de réaliser des économies. C'est pourquoi il importe que les restructurations
hospitalières soient financées d'abord par un redéploiement des moyens
existants au sein des nouvelles enveloppes régionales plutôt que par des moyens
budgétaires supplémentaires. Ce principe de rigueur et de cohérence est
d'autant plus justifié que l'offre d'équipements hospitaliers reste globalement
excédentaire et qu'elle génère sa propre demande de soins.
Au nom de la commission des finances, je vous demande donc, madame le
ministre, de veiller au moins à ce que les opérations qui bénéficieront des
concours de ce fonds soient soigneusement sélectionnées parmi celles qui
généreront le plus rapidement des économies de fonctionnement
substantielles.
Je voudrais conclure mon propos en soulignant la nécessité d'organiser enfin
la politique de lutte contre le cancer.
En effet, le budget de la santé ne comporte pratiquement pas de moyens
spécifiquement consacrés à la politique de lutte contre le cancer.
Les crédits consacrés à la politique de lutte contre l'alcoolisme et la
tabagie, d'un montant de 185 millions de francs, n'y contribuent
qu'indirectement. Les crédits destinés à la protection et à la veille
sanitaires, d'un montant respectif de 324,5 et 115,2 millions de francs, n'y
contribuent que très marginalement.
Les seuls crédits spécifiques s'élèvent à 3,5 millions de francs destinés au
suivi du programme national de dépistage du cancer du sein et à 3 millions de
francs destinés au financement des registres des cancers. Par ailleurs, d'après
les informations que j'ai pu obtenir, deux emplois seulement de la direction
générale de la santé sont affectés au suivi de cette politique.
J'estime que cette modestie des crédits budgétaires est révélatrice de
l'inorganisation de la politique de lutte contre le cancer, laquelle ne souffre
pas la comparaison avec la politique de lutte contre le sida.
Il convient pourtant de rappeler que le cancer demeure la deuxième cause de
mortalité après les maladies cardio-vasculaires, avec 28 % des décès, et la
première cause de mortalité prématurée, avec 37 % des décès avant soixante-cinq
ans. Les succès enregistrés depuis l'apparition des premières chimiothérapies,
il y a trente ans, sont toujours limités à certaines formes de cancer
spécifiques, tandis que la mortalité par cancer du poumon continue de
progresser.
Une étude extrêmement intéressante de l'Institut national d'études
démographiques, intitulé :
« Les trois révolutions de la mortalité depuis
1945 »,
fait d'ailleurs apparaître que toutes les causes de mortalité ont
diminué, sauf une, cancers et tumeurs diverses, qui, elle, reste stable, vous
le savez, monsieur le secrétaire d'Etat.
Or, l'inorganisation de la politique de lutte contre le cancer est observable
à tous les niveaux : prévention et dépistage, soins, recherche clinique et
fondamentale.
J'ai auditionné de nombreuses personnalités faisant autorité en matière de
cancérologie, et je formulerai prochainement un certain nombre de propositions
pour améliorer - bien entendu, sous l'angle budgétaire et financier - la
cohérence et l'efficacité de la politique de lutte contre le cancer.
Pour ce qui relève de votre compétence, monsieur le secrétaire d'Etat, je
crois qu'il serait bon que vous prêtiez une oreille attentive au Conseil
national du cancer, qui a fait de l'excellent travail depuis son installation
en 1995. Il se plaint d'une chose : de ne pas être écouté. Vous seul pouvez
donner l'impulsion nécessaire pour fédérer les efforts de la multitude des
intervenants dans le domaine de la politique de lutte contre le cancer.
J'estime d'ailleurs que vos services devraient se réorganiser en conséquence,
comme ils ont su le faire avec un certain succès, je dois le reconnaître, pour
la lutte contre le sida.
Sous réserve de ces observations, la commission des finances vous proposera
deux amendements d'ajustement des crédits de la santé, de la solidarité et de
la ville pour contribuer à l'effort de maîtrise des dépenses du budget de
l'Etat, dont nous venons de parler il y a un instant à propos de l'emploi.
C'est dans ces conditions, et dans ces conditions seulement, que nous pourrons
alors adopter cette partie des crédits de votre ministère.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste, ainsi que sur certains travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Louis Boyer, rapporteur pour avis.
M. Louis Boyer,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la
santé.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, si la progression des crédits de la santé pour
1998, telle qu'elle est affichée par le Gouvernement, est importante - environ
10 % - elle n'est en réalité que de 1,44 % si l'on ne tient pas compte de trois
projets importants : les agences de sécurité sanitaire, le fonds pour
l'investissement hospitalier et la réintégration, dans le budget de la santé,
de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la
toxicomanie.
Cette faiblesse des crédits de la santé est regrettable : le fait que les
dépenses consacrées à la santé par l'Etat représentent moins d'un quart de
point de son budget ne correspond pas aux attentes des Français.
En effet, la politique de prévention et de sécurité sanitaire constitue, au
même titre que la justice ou la sécurité, une des missions régaliennes, et donc
prioritaires, de l'Etat.
La santé aurait donc dû bénéficier de redéploiements plus importants en sa
faveur.
En outre, l'examen du budget de la santé pour 1998 laisse le sentiment qu'il a
été conçu sans ligne directrice, sans grande cohérence.
Tous les aspects positifs de ce budget, qui traduisent la volonté de renforcer
et d'améliorer les interventions publiques dans le domaine de la santé, sont en
effet contrebalancés par des lacunes importantes. Nous en examinerons trois :
la provision réalisée par le Gouvernement pour financer la réforme de la veille
et de la sécurité sanitaires, le renforcement des moyens de la lutte contre la
toxicomanie et la mise en place d'un fonds de modernisation des hôpitaux.
Je commencerai par la sécurité et la veille sanitaires.
Parmi les points positifs de ce budget, la commission des affaires sociales a
particulièrement apprécié que le Gouvernement ait provisionné des crédits à
hauteur de 80 millions de francs pour financer la création de deux agences de
sécurité sanitaire et l'institut de veille sanitaire prévus par la proposition
de loi adoptée par le Sénat.
En effet, cette provision constitue la preuve, si besoin en était, que le
Gouvernement compte respecter les délais qu'il s'était fixés et prévoit
d'installer les agences sanitaires et l'institut de veille sanitaire dès cette
année. Cela ne l'a pas empêché de prévoir des dotations en hausse pour les
agences existantes.
Ayant souligné à de nombreuses reprises l'urgence et la nécessité d'une
réforme de l'administration sanitaire afin de renforcer la sécurité sanitaire
des actes et des produits ainsi que la veille sanitaire, la commission des
affaires sociales ne peut que se réjouir des intentions et des actes du
Gouvernement.
Cependant, la cohérence de cette politique est remise en cause par la baisse
globale des crédits de la veille sanitaire. Ainsi, alors que celle-ci est
censée constituer une priorité du Gouvernement, les crédits des observatoires
régionaux de la santé, qui sont appelés à jouer un rôle majeur dans le nouveau
dispositif de veille et de surveillance de l'état de santé de la population,
sont simplement reconduits pour 1998.
Les crédits destinés aux registres de pathologies subissent un sort identique
: ils sont simplement reconduits pour 1998.
Enfin, les crédits du contrôle sanitaire de l'environnement, qu'ils soient
destinés aux dépenses non déconcentrées ou aux dépenses déconcentrées,
régressent respectivement de 15 % et 13 %.
Autre point positif du projet de budget de la santé pour 1998 : le
renforcement des moyens destinés à la lutte contre la toxicomanie. Ainsi, la
mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, dont
les crédits étaient auparavant rattachés au Premier ministre, voit sa dotation
progresser de 65 millions de francs, pour s'établir à 294 millions de
francs.
Les autres crédits de la lutte contre la toxicomanie progressent eux aussi,
mais dans une moindre mesure : ils représentent désormais 757 millions de
francs et permettront de financer un nouveau plan triennal de lutte.
A cet égard, la commission des affaires sociales estime que le bilan du plan
triennal de lutte contre la toxicomanie 1993-1996, relayé par la plan
gouvernemental du 14 septembre 1995, est très positif. Ce plan a en effet
permis de bien structurer le volet préventif de la lutte contre la toxicomanie
et de diversifier les modes de prise en charge sanitaire.
Je voudrais maintenant évoquer la lutte contre le sida, dont les crédits sont
stabilisés pour 1998. Vous le savez, le nombre de cas de sida nouvellement
déclarés baisse de manière importante depuis deux ans. En outre, le succès
rencontré par les trithérapies a aussi contribué à diminuer fortement
l'incidence de la mortalité par le sida et à changer les conditions de vie des
personnes qui en sont atteintes.
Le poids respectif de cette épidémie dans les différentes populations montre
que celle des usagers de drogues est de loin la plus touchée : quatre cents
fois plus que la population hétérosexuelle et cinq fois plus que la population
homosexuelle. Cela confirme la nécessité de mener parallèlement les actions de
lutte contre la toxicomanie et les actions de lutte contre le sida.
Toutefois, si l'évolution des crédits de la lutte contre la toxicomanie
témoigne de la volonté du Gouvernement de diminuer l'incidence de cette
dépendance, toutes les dépendances ne bénéficient pas de la même priorité.
La commission des affaires sociales a ainsi fermement critiqué le très faible
volume des interventions publiques contre le tabagisme et l'alcoolisme.
A dire vrai, cette critique est constante, et je la formule depuis de
nombreuses années. Il nous paraît, de surcroît, assez choquant que l'Etat
délègue entièrement la politique de lutte contre le tabagisme à une structure
associative, le CNCT - Comité national de lutte contre le tabagisme -, qui a,
en 1997, absorbé 90 % des crédits budgétaires affectés à cette lutte.
A contrario,
il nous semble que les crédits destinés à financer
l'évaluation de la loi Evin sont très importants. Or on ne saurait privilégier
l'évaluation par rapport à l'action, surtout lorsque cette dernière est dotée
de moyens aussi faibles.
La création du fonds d'investissement pour la moderniation des hôpitaux laisse
perplexe. Le principe est bon : mieux vaut, en effet, cibler les interventions
de l'Etat sur des opérations d'adaptation du tissu hospitalier plutôt que de
subventionner des investissements hospitaliers en tant que tels.
Cependant, la mise en oeuvre laisse à désirer. Ce fonds est en effet seulement
doté de 500 millions de francs en autorisations de programme et de 150 millions
de francs en crédits de paiement. Ces faibles montants constituent un assez bon
indicateur du nombre d'opérations de restructuration qui seront entreprises en
1998. Comme l'a indiqué notre collègue Charles Descours dans son rapport sur
l'assurance maladie, la moderniation du tissu hospitalier est en effet reportée
à 1999, lorsque les nouveaux schémas régionaux d'organisation sanitaire et
sociale auront été élaborés.
En outre, nous ne connaissons pas les modalités d'attribution des aides du
fonds. Compte tenu de l'importance des enjeux de la modernisation du tissu
hospitalier, les aides du fonds seront sollicitées par de nombreux
établissements. La commission des affaires sociales examinera les conditions
dans lesquelles elles seront attribuées avec beaucoup de vigilance.
Puisque nous évoquons ici la politique hospitalière, je voudrais regretter la
baisse très importante des crédits destinés aux interventions sanitaires en
direction des publics prioritaires. En effet, alors que le Gouvernement affirme
que la lutte contre l'exclusion constitue une priorité, les aides accordées aux
hôpitaux qui mettent en place des structures d'accueil pour prendre en charge,
sur un plan tant social que médical, les personnes les plus démunies seront
réduites, cette année, de 40 %.
Je ne voudrais pas achever mon propos sans évoquer l'action du ministère de la
santé en matière de démographie médicale et d'orientation des médecins
spécialistes dans les hôpitaux publics. Je dénonce depuis de nombreuses années,
à l'occasion de chaque débat budgétaire, les menaces de sous-médicalisation de
l'hôpital public, notamment dans les petits établissements et dans certaines
disciplines. Il est urgent de réviser le statut et les carrières des praticiens
hospitaliers afin de rendre plus attractive la carrière à l'hôpital public.
En conclusion, je dirai que le budget de la santé, qui ne bénéficie pas de
redéploiements suffisants et réalise de surcroît des économies mal ciblées, ne
permet aujourd'hui qu'un saupoudrage des moyens.
Pour toutes les raisons que j'ai énoncées, la commission des affaires sociales
a émis un avis défavorable quant à l'adoption des crédits de la santé.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les affaires
sociales.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget que nous examinons
aujourd'hui mérite une attention particulière car, s'il est un domaine où les
besoins sont immenses, c'est bien celui de l'action sociale.
Au 31 décembre 1996, la France a franchi le seuil symbolique du million de
titulaires du revenu minimum d'insertion. Compte tenu des ayants droit, ce sont
maintenant près de deux millions de personnes en situation de détresse sociale
qui sont protégées par ce qui avait été conçu, à l'origine, comme un ultime
filet de sécurité, et dont le coût a plus que quadruplé depuis sa création.
En dessous du filet, il y a encore la cohorte des errants et des sans-abri :
ceux qui sont tombés un jour dans la spirale de l'exclusion, pour n'en plus
sortir, hélas !
Ainsi, le Secours catholique a récemment diffusé une étude qui montre que le
nombre de situations de grande pauvreté qui sont prises en charge par cet
organisme a augmenté de 10 % en 1996. Signe d'un désarroi des services publics
: dans 60 % des cas, les personnes en difficulté ont été orientées vers le
Secours catholique par les services sociaux publics eux-mêmes, qui ne pouvaient
plus trouver de réponse appropriée.
Autre symbole de la dureté des temps : les sommes consacrées à l'allocation
aux adultes handicapés augmentent de plus de 5 % cette année parce que les
handicapés ont de plus en plus de difficultés à trouver un travail et à entrer
dans la vie active, et aussi, ne l'oublions pas, parce que les victimes du sida
bénéficient de cette allocation. D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, je
ne connais pas le chiffre exact des bénéficiaires de cette allocation atteint
par cette maladie. Pourriez-vous me le communiquer ? Mais peut-être est-il
confidentiel ?
Il est symptomatique que si, l'on raisonne à frontière inchangée sur les
crédits consacrés à l'action sociale et à la solidarité, en dehors de la
politique de la ville, de la santé publique et des moyens des services, la
hausse apparente de 2,6 % des crédits, qui passent de 61,4 milliards à 63
milliards de francs, est absorbée par des ajustements automatiques. Il s'agit
des besoins constatés en termes d'effectifs et de valorisation des prestations,
sur le revenu minimum d'insertion et sur l'allocation aux adultes
handicapés.
Tel est, au fond, le paradoxe auquel toute politique sociale est aujourd'hui
confrontée : les besoins en termes de solidarité et d'action sociale sont
aujourd'hui immenses, mais la marge de manoeuvre qui est laissée à l'action
volontariste des pouvoirs publics se réduit en raison de l'inertie des
dispositifs en place.
Selon quel critère former alors notre jugement sur ce projet de budget, sinon
en vérifiant s'il se donne bien les moyens de restaurer une marge de manoeuvre
en faveur de l'insertion et de la solidarité ?
L'objectif doit être non plus de dépenser plus, comme en période
d'inflation,...
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
... en constatant passivement l'augmentation des
effectifs de titulaires de minima sociaux, mais de dépenser mieux, en
permettant à notre appareil social de protéger aussi bien et à meilleur coût,
sans réduire le champ des bénéficiaires de prestations.
Il est toujours tentant de juger un budget en fonction de l'augmentation
arithmétique de ses crédits ; en matière d'action sociale, les besoins sont
tels que nous sommes sûrs que nous serons toujours en deçà de ce qui est
nécessaire. C'est pourquoi nous devons juger à partir d'une approche
qualitative.
Le Gouvernement est-il à la hauteur de cette exigence qualitative ? Je dois
malheureusement dire que la commission des affaires sociales a été déçue par
les orientations retenues ainsi que, et peut-être surtout, par leurs
conséquences.
Tout d'abord, le « I » du RMI, c'est-à-dire le volet insertion, est en panne :
alors que les départements consomment près de 98 % des crédits obligatoirement
consacrés à l'insertion, seul un titulaire du RMI sur deux est bénéficiaire
d'un contrat d'insertion. Encore ne s'agit-il souvent que d'un simple
engagement à chercher un emploi, à effectuer des démarches administratives de
base, voire à se soigner.
Le dispositif ne réussit pas à créer des parcours d'insertion durable au
bénéfice de certains publics marginalisés, pour lesquels le RMI fonctionne sans
doute comme une « trappe à pauvreté » ; n'oublions pas que la moitié des
allocataires du RMI le sont depuis deux ans au moins. Il faut donc retrouver
les voies d'une véritable réinsertion par un accompagnement social approprié et
renforcé.
Toutefois, cet effort supplémentaire ne trouvera de sens que si la légitimité
du dispositif est garantie par une lutte soutenue contre les risques de fraude,
qui démoralisent ceux qui ont choisi la voie du travail et de l'insertion.
Or si les gouvernements précédents ont fait des progrès considérables pour
renforcer l'automaticité des contrôles informatisés et imposer de nouveaux
objectifs aux contrôles personnalisés sur pièces et sur place, un seuil semble
aujourd'hui atteint. Il devient de plus en plus coûteux d'effectuer des
croisements avec les données relatives aux travailleurs en activité ou
contenues dans certaines déclarations fiscales ou parafiscales. Il est pour le
moins paradoxal de détecter aujourd'hui plus rapidement un bénéficiaire du RMI
qui décroche un stage de formation que celui qui reprend une activité
rémunérée. Compte tenu de l'importance fondamentale de la gestion au quotidien,
sur le terrain, des personnels des caisses d'allocation familiale, il faut
maintenant franchir une nouvelle étape et instituer une formule qui puisse
inciter la branche famille à mettre en oeuvre de meilleurs contrôles en matière
de lutte contre la fraude au RMI.
Mais notre plus grande déception est apparue à la lecture des mesures prévues
en matière d'hébergement d'urgence et de lutte contre l'exclusion.
Les précédents gouvernements avaient, sur ce point, consenti un très réel
effort, auquel vous avez finalement implicitement rendu hommage, madame la
ministre, dans votre lettre aux préfets du 30 octobre dernier, puisque vous y
indiquiez : « Pour l'essentiel, les besoins d'accueil d'urgence sont
aujourd'hui couverts. » Même si l'exclusion provoque aujourd'hui des dommages à
un rythme plus lent, ils n'en sont pas moins inexorables.
Ne court-on pas un risque à ne pas consolider les digues si difficilement
remises à niveau depuis quatre ans ? S'agissant des centres d'hébergement et de
réadaptation sociale, les CHRS, les besoins sont encore énormes - j'ai eu
l'occasion de recevoir les représentants des associations chargées de gérer ces
centres - de l'ordre de 2 000 à 3 000 places, pour rendre plus humains des
asiles de nuit dont l'ambiance inquiète les sans-abri plus souvent qu'elle ne
les rassure, en raison de l'insécurité qui y règne. Là, ce sont des familles à
la rue auxquelles il faut fournir non plus des locaux collectifs, mais des
pièces individualisées, où une mère peut veiller sur ses enfants. Aussi est-il
sans doute dommage, en termes d'efficacité et d'aide à la réinsertion, d'avoir
réduit cette année de 1 000 à 500 le nombre de places nouvelles en CHRS.
Autre sujet d'étonnement au regard des masses considérables de ce budget : la
révision à la baisse de 24 millions de francs des crédits de l'action sociale,
ramenés de 573 millions à 549 millions de francs. Ces sommes sont pourtant
consacrées soit aux dispositifs nouveaux de secours d'urgence en faveur des
populations les plus fragiles, tels que les « SAMU sociaux », soit aux fonds
d'aide aux jeunes, financés avec les départements, au profit des jeunes en
situation d'errance qui n'ont pas droit au RMI parce qu'ils ont moins de
vingt-cinq ans.
Comment peut-on se résoudre à pratiquer des économies au détriment de
populations qui méritent chacune autant d'attention ? Comment imaginer que
l'Etat choisisse de réduire ses efforts pour ceux qui sont les plus fragiles et
les plus exposés dans notre société, ceux qui sans doute ne sont pas assez
armés pour s'insérer à travers les mécanismes classiques du contrat
emploi-solidarité ou des nouveaux contrats emploi-jeunes ?
Cet infléchissement est finalement d'autant moins compréhensible que le
Gouvernement a bénéficié, pour la préparation de ce budget, de l'arrivée à
échéance du calendrier d'indemnisation des rapatriés prévu par la loi de 1987,
qui a représenté mécaniquement une économie : vous avez, en effet, bénéficié,
madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, d'une économie de 3,5
milliards de francs par rapport à l'année dernière !
S'agissant des dépenses d'aide sociale des départements, la commission des
affaires sociales a pris acte de la hausse de près de 4 % de ces dépenses en
1996, en constatant que cette hausse était toujours deux fois supérieure à
l'inflation et qu'il serait prématuré de voir dans la moindre croissance de
cette année le signe d'un renversement de tendance durable.
Aussi est-il surprenant qu'il ne nous soit pas proposé, maintenant que les
dispositions techniques ont pu être mises au point au cours de l'année écoulée,
d'instaurer un taux directeur opposable à l'évolution des dépenses dans le
secteur social et médico-social.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
La commission des affaires sociales a adopté deux
amendements en ce sens - nous les examinerons tout à l'heure - afin de stopper
une procédure de tarification et de prise en charge des dépenses sociales qui
conduit, dans les conditions actuelles, inéluctablement à un dérapage de plus
en plus insupportable des finances locales.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Ça c'est vrai !
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Le taux directeur opposable que nous envisageons
d'instaurer est non pas une fin en soi, je vous l'accorde, mais un levier qui
permettrait de retrouver une cohérence entre les arbitrages salariaux dans le
secteur parapublic et le financement des dépenses médico-sociales, ainsi que de
relever le défi que pose la lourdeur des effets du glissement
vieillesse-technicité dans certains établissements.
En définitive, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, la
commission des affaires sociales a émis deux regrets.
Tout d'abord, elle a déploré que, dans la conjoncture actuelle, votre projet
de budget ne témoigne pas d'une générosité particulière à l'égard des plus
démunis.
Ensuite, elle a regretté que, malgré les avertissements que nous avions déjà
lancés l'année dernière dans cet hémicycle...
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Ce n'était pas nous !
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Il est vrai qu'ils étaient adressés à vos
prédécesseurs, mais vous n'êtes pas sans savoir ce qui a été dit. Cela prouve,
à l'évidence, l'objectivité de mon propos.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
On en est sûr !
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
La commission a regretté, dis-je, que, malgré les
avertissements lancés l'année dernière, votre projet de budget ne comporte pas
les mesures nécessaires en vue d'assurer une plus grande maîtrise des dépenses
et une meilleure efficacité du système d'action sociale. C'est pourquoi la
majorité de la commission des affaires sociales a décidé d'émettre un avis
défavorable sur l'adoption des crédits relatifs à l'action sociale et à la
solidarité. (
Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 19 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
6 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, le budget que vous nous
proposez atteint un montant de 3,6 milliards de francs et progresse de 10,4 %.
Nous ne savons pas si, pour la majorité sénatoriale, votre tort est de faire
progresser trop vite ces dépenses - c'est ce que peut faire croire la
conclusion d'ensemble de M. le rapporteur pour avis, pour la santé - ou si, au
contraire, ces dépenses ne progressent pas assez.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité,
et
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Absolument !
M. François Autain.
C'est ce que nous laissent penser ses commentaires !
Pour ma part, et les membres de mon groupe partagent cet avis, cette
progression me satisfait parce qu'elle marque l'intérêt retrouvé que porte
l'Etat à la considération de notre système de santé publique.
Pour mieux comprendre les priorités que vous avez retenues, madame la
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je me demande si le meilleur moyen ne
consisterait à procéder à un examen attentif des conclusions de la Conférence
nationale de santé. En d'autres termes, je m'interroge et je vous interroge
donc pour savoir si, réflexions faites, le rapport de la Conférence ne
trouverait pas aussi bien sinon mieux sa place dans la discussion budgétaire
que dans celle de la loi de financement de la sécurité sociale. Il s'agit d'un
avis très personnel, mais nous pourrons en débattre.
Quelle que soit la réponse à cette question, les trois priorités de votre
budget sont claires : la sécurité sanitaire, l'adaptation des hôpitaux aux
besoins de la population et la prévention des risques sanitaires.
La commission elle-même a salué, comme je le fais moi-même maintenant, les
crédits inscrits pour financer la mise en oeuvre de la réforme de la sécurité
sanitaire actuellement débattue par le Parlement. Vous confirmez ainsi, madame
la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, l'urgence que vous attachez à la
mise en oeuvre de ce nouveau dispositif qui, rendons-lui cet hommage, a été
engagé par notre Haute Assemblée, mais qui, nous devons également vous rendre
cet hommage, a été repris par le Gouvernement dès son installation.
Vous nous direz ce qu'il faut penser des baisses de crédits constatées par la
commission dans certains chapitres de la veille sanitaire. Je note, pour ma
part, que les crédits des observatoires régionaux de la santé sont maintenus et
je suis sûr qu'au total la veille sanitaire sort renforcée de ce projet de
budget.
Je regrette que la commission des affaires sociales, saisie pour avis, en
recommandant le rejet de votre projet de budget, compromette ainsi la mise en
oeuvre d'une réforme dont elle a pourtant été l'initiatrice. Je suis sûr,
d'ailleurs, qu'elle déplore avec moi un tel choix dicté par une logique de
cohérence budgétaire qui, jusque-là, a souvent échappé aux rapporteurs pour
avis de tous les budgets que nous avons examinés et continuera d'ailleurs de ne
pas les satisfaire.
La deuxième priorité de votre projet de budget concerne l'adaptation des
hôpitaux aux besoins de la population.
Vous avez fort bien expliqué, à l'occasion de la discussion du projet de loi
de financement de la sécurité sociale, que la restructuration des hôpitaux ne
pouvait réussir que dans un cadre budgétaire réaliste pour les établissements.
A poser un garrot sur les budgets des établissements, comme le faisait le
précédent gouvernement, on n'arrive sûrement à rien !
Votre démarche est tout autre.
D'abord, elle tend à inscrire l'action des agences régionales de
l'hospitalisation dans un cadre démocratique, par l'élaboration concertée de
schémas régionaux d'organisation sanitaire.
Ensuite, elle vise à offrir aux hôpitaux les moyens nécessaires à leur mise en
oeuvre par un taux réaliste de progression de leur budget.
Enfin, elle a pour objet de créer un fonds d'aide à la modernisation
hospitalière destiné à permettre d'accorder un appui significatif à quelques
opérations lourdes et d'ajuster, au cas par cas, la réponse du tissu
hospitalier aux besoins de la population. Ce fonds complètera celui qui a été
institué par le projet de loi de financement de la sécurité sociale chargé,
pour ce qui le concerne, de couvrir le volet social des restructurations.
Ainsi disposez-vous désormais des instruments propres à mettre en oeuvre une
véritable restructuration et à sortir d'une logique purement comptable fondée
sur un discours incantatoire.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, il n'y aura pas de
restructuration hospitalière réussie sans l'adhésion du corps médical
hospitalier. Sur ce point, je souscris à ce que disait M. le rapporteur voilà
un instant : il n'y aura pas d'adhésion des praticiens hospitaliers sans une
amélioration sensible de leurs statuts et de leurs conditions de travail. Ce
sujet est capital pour l'hôpital, donc pour la santé de nos concitoyens. Je
vous demande d'en faire l'une de vos priorités.
La troisième orientation de votre budget porte sur la prévention et la
réduction des risques.
Vous avez souligné l'importance des crédits des programmes régionaux de santé
publique et du Centre français d'éducation pour la santé.
Vous avez également souligné, la commission l'a reconnu, les efforts
importants engagés en matière de lutte contre la toxicomanie. Ce programme
passe, notamment, par un renforcement du dispositif spécialisé de soins aux
toxicomanes et par le développement ou la création de réseaux
toxicomanie-ville-hôpital.
Par ailleurs, vous avez dégagé un budget supplémentaire, afin de financer un
plan triennal destiné à protéger les plus jeunes face aux drogues, notamment
les nouvelles drogues comme l'ecstasy.
Certes, comme l'a fait remarquer M. le rapporteur pour avis, pour la santé,
les crédits de la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme, ainsi que ceux de
la lutte contre le sida enregistrent des progressions moins significatives.
Toutefois, je remarque - j'ai pris la peine de relire le rapport de l'année
dernière - qu'il regrettait alors que le Gouvernement de M. Juppé ait réduit
ces mêmes crédits. Je constate que, cette année au moins, nous enregistrons une
amélioration. Même si elle peut être considérée comme insuffisante, elle
existe.
Je suis d'accord sur un point, avec M. le rapporteur pour avis : le comité
national de lutte contre le tabagisme est le principal bénéficiaire des
crédits. Beaucoup d'argent est consacré par ce comité aux actions en justice.
Pourriez-vous nous préciser, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
le contenu qualitatif de son action ?
Je note que, s'agissant des autres fléaux sanitaires, vous souhaitez améliorer
le dépistage de certaines maladies transmissibles, au premier rang desquelles
figure l'hépatite C.
Je note aussi l'effort particulier que vous envisagez d'entreprendre en faveur
du dépistage du saturnisme et de l'identification des immeubles à risque.
Voilà donc, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, rapidement
évoquées, les grandes lignes du budget de la santé pour 1998.
Je souhaite aborder maintenant un point particulier : la révision, prochaine
désormais, des lois bioéthiques.
Si le calendrier prévu par le législateur est respecté, c'est en 1999 que
cette révision devra être soumise aux deux assemblées du Parlement. Les
premières lois ont montré l'intérêt de cette réflexion quinquennale, qui permet
de dégager, sur des points essentiels pour l'avenir de la science et le progrès
de la santé publique, un consensus propre à garantir l'adhésion de l'opinion
publique et la légitimité de la démarche scientifique.
Il reste que ce coup d'essai législatif - appelons-le ainsi - a montré ses
limites. Les lois votées en 1994 ont souvent posé des interdictions dans des
domaines hier jugés comme futuristes et aujourd'hui investis par les
scientifiques.
Le consensus, c'est aussi, trop souvent, le compromis. A cet égard, le
compromis trouvé sur les prélèvements d'organes pose, en pratique, de nombreux
problèmes.
Enfin, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, certaines
dispositions de la loi n'ont pas reçu, faute d'avoir été parfaitement
réalistes, leurs décrets d'application, loin s'en faut.
Il me paraît donc souhaitable que, dès maintenant, soit mis en chantier un
programme de révision de ces lois qui permette, en amont, d'y associer
pleinement le Parlement. Cette association, qui prendra la forme qui vous
paraîtra la plus souhaitable, devrait être envisagée dans les meilleurs délais
et permettre ainsi de dégager les lignes de force de la révision. C'est sur ces
bases qu'il reviendrait alors au Gouvernement, et à lui seul, de définir le
contenu des nouvelles lois.
Ce travail préparatoire, engagé longtemps à l'avance, permettrait de répondre
à toutes les questions, même celles qui sont complexes, et de trouver ainsi des
réponses claires et adaptées à la réalité.
Je souhaite que vous réfléchissiez à cette méthode et que, très vite, nous
puissions préciser, ensemble, son calendrier.
Telles sont les remarques que je voulais formuler sur votre projet de budget
pour 1998. Puisque la commission des affaires sociales n'a pas été mise en
position de le faire, qu'elle sache que le groupe socialiste votera, pour sa
part, le projet de budget que vous nous soumettez et permettra ainsi la mise en
oeuvre de la réforme de la sécurité sanitaire qu'elle a elle-même voulue.
Ainsi, grâce à nous, ces efforts n'auront-ils pas été vains !
(Applaudissement sur les travées socialistes.)
5
DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR
M. le président.
J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean
Natali, qui fut sénateur de l'Oise de 1974 à 1992.
6
DÉSIGNATION D'UN SÉNATEUR EN MISSION
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date
du 1er décembre 1997 l'informant qu'il avait décidé de placer M. Jean-Jacques
Hyest, sénateur de Seine-et-Marne, en mission temporaire auprès du ministre de
l'intérieur et du ministre de la défense.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la
présidence de M. Paul Girod.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La séance est reprise7
LOI DE FINANCES POUR 1998
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale.
Emploi et solidarité
II. - SANTÉ, SOLIDARITÉ ET VILLE
Santé et solidarité (suite)
M. le président.
Nous poursuivons la discussion des dispositions du projet de loi concernant la
santé et la solidarité.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de budget de la solidarité augmente sensiblement par rapport à 1997 -
2,8 % - ce qui montre clairement les objectifs et les choix du Gouvernement à
un moment où plus de 6 millions de personnes vivent grâce à des minima sociaux.
Cette augmentation est d'autant plus nécessaire que, les années précédentes, on
a relevé, pour la quasi-totalité des lignes budgétaires, des taux d'engagement
proches de 100 % qui illustrent des conditions d'exécution extrêmement tendues.
Les masses les plus représentatives - insertion, personnes handicapées -
croissent respectivement de plus de 4 %.
Quant au projet de budget de la santé, il croît de près de 10 %, ce qui
représente un effort notoire. C'est pourquoi je trouve un peu étonnante la
position du rapporteur spécial lorsqu'il dit, en gros : sortons du budget ce
qui augmente de manière significative et on constate alors que le budget
augmente peu ou n'augmente pas. M. le rapporteur pour avis pour les affaires
sociales fait d'ailleurs une remarque un peu identique.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les affaires
sociales.
Pour une fois, madame Dusseau, que nous nous retrouvons
ensemble, quelle joie !
Mme Joëlle Dusseau.
On conviendra que ce type de remarque est plus une lapalissade qu'un constat
objectif.
L'augmentation de 1 milliard de francs des crédits consacrés au RMI est à la
fois importante et maîtrisée. Cette augmentation traduit la volonté de
renforcer le filet de sécurité qui protège les personnes les plus démunies.
Cependant, elle est aussi le reflet d'une inexorable détérioration de la
situation des plus fragiles, même si, derrière la notion de RMI, se profilent
des réalités très diverses, qu'illustrent d'ailleurs l'importance du
turn
over,
d'un côté, celle des bénéficiaires de très longue durée, de l'autre.
Je ne reviendrai pas sur l'importance théorique de la notion de contrat ni sur
ses limites pratiques, dues à la fois aux conséquences socio-psychologiques de
la marginalisation et à la difficulté extrême qu'ont les chômeurs de longue
durée de retrouver un emploi.
C'est pourquoi je suis très sensible à la forte augmentation des crédits pour
l'insertion par l'économie - 6,9 % - avec une aide forte aux entreprises
d'insertion, aux associations intermédiaires, aux régies de quartier et aux
chantiers écoles, dont le travail est considérable, et qui ont ce double rôle
de faciliter le passage vers un emploi non aidé et de maintenir dans le cadre
du travail des personnes incapables d'en trouver pour des raisons personnelles
ou économiques.
En revanche, je voudrais connaître la raison de la baisse des crédits de la
délégation interministérielle à l'innovation sociale, même s'il s'agit d'une
baisse théorique puisque les crédits pour 1997 ont été touchés par le gel de 15
%. On a donc une baisse effective et une hausse possible. Toutefois, je
voudrais attirer votre attention sur ce secteur qui est, selon moi, très
important car les crédits sociaux gagneraient à être utilisés de façon
innovante, inventive et créative.
La subvention de fonctionnement des CHRS, les centres d'hébergement et de
réadaptation sociale, progresse de près de 3 %, permettant la création de 500
places par transformation de places d'asile de nuit. Il faudra, bien entendu,
que la loi sur l'exclusion prenne à bras-le-corps cette question en redonnant
aux CHRS leur vocation d'hébergement temporaire et en permettant aux personnes
les plus défavorisées un accès à un logement permanent et autonome.
En ce qui concerne les handicapés, je ne peux que me réjouir de l'augmentation
significative - près de 5 % - du budget qui leur est consacré. Cependant,
malgré un quasi-doublement en dix ans des dotations budgétaires, le montant de
l'allocation aux adultes handicapés a augmenté relativement moins vite que
d'autres minima sociaux.
On ne peut que se féliciter, par ailleurs, de l'augmentation significative des
crédits concernant les établissements pour adultes handicapés, en hausse de 3,6
%, ce qui se traduit par 2 000 places supplémentaires dans les centres d'aide
par le travail, les CAT, et 500 places supplémentaires dans les ateliers
protégés.
Mais si le progrès est important, les besoins le sont aussi, car notre pays
est très en retard tant pour le nombre de structures d'accueil que pour leur
adaptation aux différents handicaps ou pour l'insertion des handicapés en
milieu ordinaire.
M'étant fortement impliquée dans la loi sur l'autisme, je ne peux que déplorer
le fait que tant de jeunes et d'adultes enfermés dans cette maladie manquent
des structures et des accompagnements lourds qui leur sont nécessaires, et ce
malgré l'adoption de ladite loi.
Ayant souligné ces points positifs du budget de l'action sociale, je voudrais,
monsieur le secrétaire d'Etat, vous dire mes regrets de voir diminuer les
crédits concernant les droits des femmes.
M. Lucien Neuwirth.
Ah ! Ah !
Mme Joëlle Dusseau.
Certes, le pourcentage des femmes a doublé à l'Assemblée nationale, et on ne
peut que s'en réjouir même s'il n'y a qu'aux alentours de 10 % de femmes
députés, ce qui n'est guère glorieux, et 5 % de femmes sénateurs, qui,
d'ailleurs, sont relativement présentes ce soir. Merci à elles !
(Ce sont
les meilleures ! sur plusieurs travées.)
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Elles sont très efficaces !
Mme Joëlle Dusseau.
Mais les progrès des femmes dans le domaine professionnel et politique ne
doivent pas cacher les difficultés qui sont le lot quotidien de la majorité
d'entre elles.
Sous-qualifiées, sous-payées, sous-payées parce que moins qualifiées, mais
aussi sous-payées à qualification égale, les femmes sont les grandes perdantes
de la société d'aujourd'hui et il ne faudrait pas que la réussite éclatante
d'un certain nombre d'entre elles nous fasse oublier la réalité des autres.
Frappées de plein fouet par le sous-emploi, elles forment ces cohortes de
chômeurs de longue durée, et de ces temps partiels imposés, qui font que, en
France, aujourd'hui, un salarié sur six a un salaire mensuel inférieur au SMIC
mensuel, et parmi ces 2 800 000 salariés, 78,8 %, c'est-à-dire près de quatre
sur cinq, sont des femmes. Tout à l'heure, Mme Aubry évoquait le temps partiel
choisi ; nous savons à quel point dans notre pays, et sûrement ailleurs, le
temps partiel est subi.
Mais le rapport de la femme au travail n'est pas le seul domaine des
inégalités et des difficultés. Le récent projet de loi relatif à la prévention
et à la répression des infractions sexuelles m'a permis d'insister sur le fait
que la famille est souvent le lieu des plus grandes violences, à l'égard des
enfants et à l'égard des femmes. D'où l'importance des centres d'information
sur les droits des femmes, les CIDF - je connais leur travail, j'en ai présidé
un. Ces centres d'accueil pour les femmes battues sont en effet importants car
à entendre certains récits ou à voir l'état des femmes qui y sont accueillies,
on se dit que Zola n'est pas mort et que nous sommes encore au xixe siècle.
Si je me réjouis de la nomination - un peu tardive - d'une déléguée aux droits
des femmes rattachée au ministère de l'emploi et de la solidarité, je déplore
la baisse de 8 % des crédits d'intervention, même si elle est en partie
compensée par les concours communautaires au titre du FSE. Seulement 16
millions de francs sont consacrés aux dépenses non déconcentrées, c'est-à-dire
les aides aux associations ou organismes à vocation nationale. Quant aux
dépenses déconcentrées consacrées aux CIDF, aux structures destinées aux femmes
victimes de violences, aux mesures dans le domaine de l'emploi et de la
formation, elles diminuent de 2,5 millions de francs.
Je terminerai sur quelques points qui m'intéressent particulièrement et qui
concernent le budget de la santé.
Je tiens à féliciter le Gouvernement et M. le secrétaire d'Etat à la santé de
maintenir les crédits concernant le sida. Si le nombre de sida nouvellement
déclarés baisse de manière significative, si les multithérapies permettent un
recul certain de la maladie et une transformation très importante des
conditions de vie des malades et de leur regard sur un avenir qu'ils croyaient
interdit, cet effort doit cependant être poursuivi, en continuant à employer
les multithérapies le plus tôt possible après l'infection - ce qui est
nécessaire et coûte cher - à maintenir, bien sûr un effort de grande ampleur en
faveur de la recherche - car, on le sait, même si le virus devient parfois
indécelable, il est toujours là - et à investir dans la prévention. Cela est
d'autant plus nécessaire qu'un certain allégement du sentiment de la menace
induit un certain relâchement, la multiplication des conduites à risques.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Bien sûr !
Mme Joëlle Dusseau.
De même, je salue la progression de 65 millions de francs des crédits
concernant la lutte contre la toxicomanie. En revanche, je regrette la
faiblesse des crédits relatifs à la lutte contre le tabac et l'alcoolisme.
C'est un reproche que l'on fait depuis très longtemps au budget de la santé.
L'opinion et les médias français, si sensibilisés à l'usage du moindre joint,
sont infiniment laxistes devant ces deux autres fléaux qui coûtent cher en
termes de maladie et de mortalité sur la route.
M. Lucien Neuwirth.
Cherchez l'erreur !
Mme Joëlle Dusseau.
Ils coûtent cher aussi en violences familiales, et cela renvoie au propos que
je tenais voilà quelques instants.
L'effort de prévention qui est à faire doit absolument tenir compte de
l'évolution des publics concernés : d'une part, les enfants de plus en plus
jeunes et, d'autre part, les exclus. Un certain nombre d'études, qui viennent
de paraître, sur la consommation de l'alcool montrent bien que, si cette
consommation continue à reculer globalement, les phénomènes d'exclusion
s'accompagnent d'une énorme consommation d'alcool, qui s'élève à plusieurs
litres par jour et qui est, bien sûr, très difficile à traiter. Il en est de
même d'ailleurs, toujours en ce qui concerne l'exclusion, des problèmes
psychiatriques, qui ont une grande ampleur et sont, eux aussi, très difficiles
à traiter. Je constate et je regrette ces manques, bien sûr, et j'espère
vivement que la loi contre l'exclusion qui est en chantier prendra bien en
compte la totalité des problèmes de l'exclusion, y compris dans ces
aspects-là.
Monsieur le secrétaire d'état, j'ai tenu à vous faire part des interrogations,
des espoirs, mais aussi du soutien des sénateurs radicaux socialistes du groupe
du RDSE à l'égard de ce projet de budget qui, par son augmentation forte et ses
choix déterminés, montre les orientations du Gouvernement en faveur de la
solidarité.
(Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe
socialiste, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
j'ai cru, tout à l'heure, que M. Chérioux critiquait les politiques passées
dans le domaine de la santé et de la solidarité, mais sans doute me suis-je
trompée...
M. Lucien Neuwirth.
Mais non !
(Sourires.)
Mme Nicole Borvo.
En ce qui me concerne, je considère que, après des années de restrictions en
matière de santé et de solidarité imposées par les différents gouvernements de
droite, il est nécessaire de mener une politique qui réponde véritablement aux
besoins de la population.
En effet, les urgences ne manquent pas : état de santé des jeunes alarmant,
saturnisme, réapparition de la tuberculose, sida, manque de politique de
prévention, toxicomanie, etc.
Plus largement, il nous semble nécessaire que les états généraux de la santé
et le projet de loi contre l'exclusion auquel le Gouvernement s'est engagé
permettent d'avancer sur l'ensemble des questions de santé publique et de
protection sociale au sens plein du terme.
Ce budget, premier budget de la santé et de la solidarité présenté par le
gouvernement de la gauche plurielle, progresse de 2,6 %. Ce n'est bien sûr pas
suffisant pour rattraper le retard considérable pris dans nombre de domaines,
mais c'est une amorce positive que nous souhaiterions prolonger.
Même la majorité sénatoriale, qui, par ailleurs, semble vouloir voter contre
ce budget, est forcée de reconnaître les aspects positifs qu'il comporte.
Cela étant, en particulier en matière de prévention, la situation impose
d'aller vite.
Je souhaiterais dire quelques mots du saturnisme, maladie ô combien
d'actualité à Paris. En effet, cette maladie touche de plein fouet les familles
les plus défavorisées. Elle s'ajoute à de nombreux autres problèmes :
précarité, chômage et mauvaises conditions de logement.
Une étude de l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche
médicale, menée sous la direction du professeur Guy Huel et remise en juin 1997
révèle que 5 % des enfants de un à six ans du Val-de-Marne et de Paris
dépassent une valeur de plombémie de 104 picas par litre de sang, alors que le
taux maximal est actuellement de 50 en France.
Les mesures d'urgence sanitaire, de relogement et de meilleure coordination
que le Gouvernement proposerait d'intégrer au projet de loi de lutte contre
l'exclusion tranchent singulièrement avec l'immobilisme des gouvernements
précédents. J'ai pu le constater moi-même pour être intervenue à plusieurs
reprises sur ce sujet.
Le relogement provisoire, ou définitif si l'état du bâti ne permet pas d'autre
solution, est une mesure nécessaire, qui mettrait fin aux aspects les plus
absurdes et les plus graves de cette maladie.
Une véritable politique de santé publique mettrait en place une obligation de
réalisation de dépistage systématique du bâti sur tous les immeubles dégradés
d'avant 1948, date de l'interdiction de l'usage de la peinture au plomb par les
professionnels.
Cette politique permettrait d'agir préventivement, alors qu'aujourd'hui il
faut attendre que l'intoxication de l'enfant soit avérée pour que des mesures
soient prises.
L'établissement d'une carte, accompagnée d'instructions précises quant au
traitement des peintures dans tous les immeubles concernés, dégradés ou non,
ainsi que de toute autre source de contamination contenant du plomb,
contribuerait à prévenir les risques et pas seulement à guérir les maladies.
Elle mettrait fin à une situation humainement insupportable et, il faut bien le
dire, économiquement extravagante.
L'accessibilité du plomb dans un logement doit être reconnue comme un critère
d'insalubrité.
En matière de médecine scolaire et universitaire, la création de 300 postes
d'infirmières au budget de l'éducation nationale est, certes, positive, mais
nous connaissons la réalité, monsieur le secrétaire d'Etat : un médecin pour 8
000 jeunes scolarisés et une infirmière pour 2 500.
Comme le souligne le rapport du haut comité de la santé publique, l'état de
santé des jeunes révèle des tendances inquiétantes. Il confirme une étude,
datant de 1994, qui démontrait que la population étudiante était la plus mal
soignée dans le pays.
Nous serons donc attentifs aux projets conjoints du ministère de l'éducation
nationale et du secrétariat d'Etat à la santé, mais j'insiste dès maintenant
sur la spécificité de la médecine scolaire.
Dans les universités, le manque de moyens de la médecine préventive est
criant. On peut tout juste, dans la plupart des cas, assurer les visites de
base des étudiants de première année, alors qu'il faudrait assurer un suivi
sérieux pour tous.
Comme l'a proposé mon ami Robert Hue à l'Assemblée nationale, un plan
pluriannuel chiffré de créations de postes correctement rémunérés devrait être
élaboré pour rattraper le retard accumulé.
Quant à la toxicomanie, je me réjouis, évidemment, de l'augmentation des
crédits de 3 %. Par ailleurs, et en même temps que le suivi thérapeutique et
social, ainsi que le traitement volontaire dans le respect des principes de la
gratuité et de l'anonymat, mesures qui supposent des moyens importants et
nécessaires, il s'agirait de réfléchir aux moyens de rendre possible la
réintégration sociale des toxicomanes, qui, les expériences sur le terrain le
prouvent, provoque à plus ou moins longue échéance une libre demande de soins.
Cela suppose, évidemment, que la problématique personnelle du toxicomane soit
prise en compte.
J'apprécie, bien sûr, la légère augmentation des crédits consacrés à la lutte
contre le sida. Dans ce cadre, la recherche médicale contre le virus doit être
une priorité.
Comme l'a souligné le rapport de notre collègue M. Migaud, la part des moyens
privés dans les ressources affectées à la lutte contre le sida est en baisse
très sensible. Cela doit nous faire réfléchir et nous inciter à explorer
d'autres voies. En effet, que va-t-il se passer maintenant que l'argent de
Sidaction vient à manquer ?
Ne pourrait-on pas renforcer le potentiel du secteur public en matière de
recherche et de lutte contre le sida et favoriser une réelle transparence dans
l'affectation des moyens ?
La coopération nécessaire à la lutte contre la sida doit se mener sur le plan
national comme au niveau international. C'est dans notre intérêt, mais aussi
dans celui des pays du Sud.
Sur les trente millions de personnes qui vivent avec le virus du sida dans le
monde, 90 % vivent dans ces pays du Sud. Environ 3,8 millions d'enfants de
moins de quinze ans ont été infectés depuis le début des années quatre-vingt et
2,7 millions seraient déjà morts. Ces chiffres sont extraits du rapport de
l'ONUSIDA publié mercredi dernier. Là aussi, nous devons nous sentir
interpellés.
Aussi le centre de gravité des choix en matière de recherche et de soins ne
doit-il plus être l'argent et les bénéfices. Il s'agit d'opérer un renversement
de tendances ; c'est, nous semble-t-il, une question de civilisation.
De façon plus générale, les inégalités devant les soins se développent
parallèlement aux autres facteurs d'exclusion. Pour tenter de remédier aux
aspects les plus dramatiques, ne serait-il pas possible, comme le proposait
déjà le Conseil économique et social en juillet 1995, d'organiser la prévention
le plus en amont possible et de la façon la plus décentralisée possible ? Nous
souhaitons, évidemment, que cette question soit examinée lors de l'examen du
projet de loi contre l'exclusion.
Dans le même esprit, nous souhaitons une revalorisation des minima sociaux,
qui ne devraient en aucun cas être inférieurs à 80 % du SMIC. En outre, le RMI
devrait être un droit personnel, les prestations familiales venant, comme pour
toute famille, s'y ajouter selon les charges de famille. Ainsi, il n'y aurait
pas de confusion entre le revenu ou son substitut, le RMI, qui correspond au
droit à des moyens convenables d'existence en application du préambule de la
Constitution, et les soutiens apportés pour l'éducation des enfants. De cette
façon, les effets pervers de l'annulation de l'allocation pour jeune enfant et
de la majoration pour âge disparaîtraient.
Cette mesure devrait être accompagnée de dispositifs réellement efficaces
conduisant évidemment à l'emploi, afin de ne pas enfermer ces personnes dans la
précarité.
De la même manière, on ne peut se contenter de créer 500 places dans les
centres d'hébergement, même si c'est un progrès. C'est d'une politique de
relance du logement social que les 500 000 mal-logés et les 50 000 personnes
sans abri ont besoin pour vivre décemment.
Les Français, d'ailleurs, ne s'y trompent pas, en estimant très
majoritairement, dans un récent sondage, qu'en matière de lutte contre
l'exclusion la priorité doit être placée dans une autre politique du
logement.
Permettez-moi également de souligner la nécessité de revaloriser l'allocation
aux adultes handicapés, le montant actuel restant insuffisant pour faire face
aux nécessités de la vie.
Par ailleurs, le remplacement progressif de l'allocation compensatrice pour
tierce personne, l'ACTP, par la prestation spécifique dépendance conduit à une
confusion entre le handicap et les difficultés dues à l'âge.
J'apprécie, bien entendu, que le Gouvernement se soit engagé à adresser
rapidement un bilan de la PSD afin d'évaluer les modifications nécessaires. Je
crois que c'est absolument indispensable !
Je dirai quelques mots de l'hôpital. Un système hospitalier en bon état doit
rester le pivot de notre système de soins.
Le taux directeur double pratiquement dans le projet de budget puisqu'il passe
de 1,25 % à 2,30 % en 1998, réalisant, bien sûr, une inflexion positive par
rapport à la politique de la droite.
Toutefois, nous ne pouvons qu'être inquiets de voir le retour d'une logique
considérant telle ou telle région, tel ou tel département comme surdotés, alors
que nombre d'établissements hospitaliers fonctionnent déjà dans des conditions
limites et que ceux qui bénéficient d'un meilleur fonctionnement en font
profiter les villes environnantes, comme c'est le cas, par exemple, du système
hospitalier parisien.
Donner un coup de pouce supplémentaire au taux directeur pour dégager les
crédits nécessaires à l'hôpital, utiliser le fonds de modernisation des
hôpitaux pour agir en faveur d'une amélioration de la qualité des services et
des conditions de travail des personnels et praticiens, ce serait s'inscrire
dans une meilleure prise en compte des besoins de la population.
L'ensemble de ces mesures concernant la santé et la solidarité supposent des
recettes nouvelles.
Il semblerait logique qu'en matière de solidarité ces mesures soient financées
par une extension de l'impôt sur la fortune, qui concernerait alors les biens
professionnels, c'est-à-dire ceux qui sont issus de l'entreprise.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
On n'irait pas loin !
Mme Nicole Borvo.
Le rendement de celui-ci en serait doublé. La création de tranches
supplémentaires pour les plus hauts revenus accroîtrait également les
ressources de l'Etat.
A l'heure où les cinq cents premières fortunes professionnelles représentent
629 milliards de francs, où 25 % des Français les plus pauvres se partagent 1 %
du patrimoine alors que 5 % en détiennent 40 %, il est urgent et nécessaire de
mieux répartir l'effort de solidatité.
Le groupe communiste républicain et citoyen agira dans le sens d'une politique
de santé et de solidarité participant à une politique de progrès social et de
création d'emplois.
Il agira en faveur de la réussite de cette politique en s'opposant
radicalement aux mesures de super-maîtrise comptable que continue de préconiser
la droite. Nous nous en expliquerons lors du débat concernant les amendements
déposés par celle-ci.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyens et sur les travées socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
tous les sondages le confirment, la santé est devenue l'un des soucis majeurs
de nos concitoyens. C'est pourquoi - disant cela, je traduis la pensée d'une
grande partie de mes collègues de la commission des affaires sociales - la
santé requiert un ministère à part entière et non un secrétariat d'Etat,...
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Voilà ! On va lancer une pétition !
(Rires.)
M. Lucien Neuwirth.
... surtout lorsqu'on mesure l'immensité des tâches dans le seul secteur
social.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
J'en profite, vous avez remarqué !
(Nouveaux
rires.)
M. Lucien Neuwirth.
Mon intervention, monsieur le secrétaire d'Etat... - pour l'instant ! - aura
pour objet essentiel une cause qui me tient à coeur et qui intéresse aussi
l'ensemble du Sénat, à savoir la prise en charge de la douleur.
Depuis 1994, année au cours de laquelle nous avons entrepris ce chantier si
important pour nos concitoyens, vous êtes habitués, mes chers collègues, à mes
interventions sur ce sujet.
J'espère que vous considérez avec moi que, tant qu'un homme ou une femme, dans
notre pays, souffrira inutilement, notre combat ne sera pas achevé.
Et ce combat, s'il passe par la publication de textes législatifs ou
réglementaires - travail déjà bien avancé - ne peut s'y résumer. Il faut faire
évoluer la formation et les réflexes des professionnels de santé, il faut que
les patients osent dire qu'ils souffrent, il ne faut plus que la douleur soit
acceptée comme inéluctablement associée à certaines pathologies.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Lucien Neuwirth.
En un mot, notre combat contre la douleur est un combat contre la banalisation
de la douleur.
Vous le savez, mes chers collègues, la prise en charge de la douleur a été
considérablement améliorée depuis que nous avons entrepris, au Sénat, une
action unanime en ce domaine.
A la suite de la loi que le Parlement a adoptée, les établissements de santé
et les établissements médico-sociaux se sont dotés progressivement de
structures ou de moyens propres à prendre en charge la douleur des personnes
qu'ils accueillent, le carnet à souches a été modifié - insuffisamment - le
code de déontologie des médecins également, de même que la formation initiale
et continue des médecins. En outre, les conditions de prescription des
antalgiques ont été assouplies.
A cet égard, une capacité médicale d'évaluation et de traitement de la douleur
a été créée au cours de l'année universitaire 1996-1997.
Un document sur la douleur en fin de vie a été diffusé auprès de tous les
soignants afin de les sensibiliser aux techniques d'analgésie et un guide
élaboré par l'Agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale,
l'ANDEM, relatif à la prise en charge de la douleur, a été adressé à tous les
médecins généralistes.
Enfin, grâce aux crédits dégagés par le Sénat, quinze projets innovants en
matière de formation à la lutte contre la douleur ont été financés et mis en
place en 1996.
De votre côté, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez annoncé, lors de votre
audition devant la commission des affaires sociales, un nouveau plan en faveur
de la prise en charge de la douleur, qui comporte plusieurs actions
intéressantes, au nombre desquelles figurent la prise en compte de l'action
menée contre la douleur dans l'accréditation des établissements de santé et les
contrats d'objectifs et de gestion, un travail de simplification de la
prescription des antalgiques majeurs et l'identification de clauses concernant
la douleur dans les cahiers des charges des réseaux ville-hôpital, ainsi que
des actions de formation en direction des professionnels de santé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais vous dire que l'activité « douleur
» ne peut être identifiée au sein des établissements de santé que s'il existe
un codage des actes, et donc des libellés d'actes diagnostiques et
thérapeutiques.
Au préalable, la description de l'activité médicale et sa valorisation passent
par l'établissement, au sein de la nouvelle nomenclature, d'un chapitre «
douleur » clairement individualisé.
La mise en place effective du codage des actes en vertu de l'article L. 161-29
du code de la santé publique est soumise à l'obligation préalable de disposer
d'une nomenclature d'actes et de libellés d'actes plus adaptés que les
nomenclatures existantes, dont chacun sait que l'obsolescence et le faible
niveau, particulièrement en ce qui concerne les actes couvrant les champs
thérapeutiques anti-douleur, sont largement admis par l'ensemble des
professionnels.
Il me semble en effet essentiel que les principales innovations de la réforme
hospitalière, l'accréditation des établissements de santé et la conclusion de
contrats d'objectifs et de moyens entre les établissements de santé et les
agences régionales de l'hospitalisation soient utilisées pour promouvoir la
lutte contre la douleur.
Ces deux procédures sont idéales pour faire avancer l'hôpital, pour le
réformer de manière progressive et concertée, dans le sens de la qualité des
soins. Or je suis convaincu que la prise en charge de la douleur constitue l'un
des premiers droits des patients hospitalisés, et qu'elle constitue un
excellent indicateur de la qualité des soins.
Je pense ici, notamment, au traitement de la douleur post-opératoire, ou à des
douleurs spécifiques associées, hélas ! à certaines maladies, telles que le
cancer ou le sida.
A cet égard, je voudrais, monsieur le secrétaire d'Etat, obtenir de vous
plusieurs précisions concernant le calendrier, le contenu et le financement de
ces mesures.
Ainsi, je souhaiterais savoir sur quels crédits seront financées les actions
nouvelles en faveur de la prise en charge de la douleur, dans quel délai et,
surtout, selon quelle procédure vous comptez prendre en considération ce
problème dans les travaux concernant le codage des actes et la nomenclature,
ainsi que l'accréditation des établissements de santé ; combien de postes de
praticiens hospitaliers « fléchés » douleur seront dégagés à partir de
redéploiements ; comment vous comptez vous assurer que les centres antidouleur
créés dans les hôpitaux puissent exister enfin de manière pérenne, sans
dépendre du bon vouloir des services existants et sans risquer de disparaître
chaque année ; et, enfin, comment vous comptez favoriser l'indispensable
complémentarité entre le secteur public et le secteur privé dans ce domaine.
Je voudrais aussi attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur
trois dossiers connexes qu'il importe de faire aboutir le plus rapidement
possible.
Il s'agit d'abord des soins palliatifs : accompagner la vie jusqu'au bout,
telle doit être, à mon sens, une des grandes missions des professionnels de
santé. Il faut que cet accompagnement puisse se faire non dans des structures
isolées, loin des lieux de soins, mais dans des lits de fin de vie permettant à
la fois une prise en charge pluridisciplinaire adaptée et un lien maintenu avec
le soin, avec la vie, car la qualité de la vie est indissociable de celle de la
fin de la vie.
Il s'agit aussi des réseaux entre la ville et l'hôpital et de
l'hospitalisation à domicile, qui doivent impérativement être développés. Or,
si la dynamique des réseaux est bien enclenchée, l'hospitalisation à domicile
est en panne, il faut bien le dire, pour des raisons qui tiennent pour
l'essentiel à la réglementation. Je voudrais, madame le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, vous convaincre qu'il faut la faire évoluer dans les
meilleurs délais. Il y a là une attente que vous ne pouvez ignorer, mais aussi,
madame le ministre, une source d'emplois nouveaux.
La santé est un grand et beau combat, il vaut la peine que la nation y
consacre quelques sacrifices.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, la protection sociale des Français établis à l'étranger est
l'un des principaux atouts de notre expatriation : aucun autre Etat n'a élaboré
un système de couverture et d'assistance sociale aussi étendu que le nôtre pour
ses expatriés. Il est donc essentiel que nous allions au-delà de ce qui a été
fait depuis bientôt trente ans et dont nous pouvons nous féliciter.
Comme je le développerai en quelques mots, cette couverture sociale est avant
tout d'essence volontaire. Elle se trouve donc confrontée à la concurrence
d'organismes privés, ce qui implique que des incitations législatives et
réglementaires doivent être prises pour l'améliorer encore et faire en sorte,
d'une part, qu'aucun Français vivant à l'étranger n'en soit exclu et, d'autre
part, que nos entreprises expatriatrices choisissent le système français pour
nos compatriotes expatriés afin de leur assurer une continuité de couverture
sociale.
Forgée autour des quatre axes principaux que sont la CFE, la caisse de
sécurité sociale des Français de l'étranger pour la couverture maladie et
accidents du travail, la retraite, la protection contre la perte d'emploi et le
fonds d'action sociale du ministère, cette couverture sociale s'est développée
à partir de la loi Armengaud sur les retraites du 10 juillet 1965 et de la loi
du 31 décembre 1976 sur l'assurance volontaire maladie et accidents du travail
pour en arriver aujourd'hui à un système assez complet.
La caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, créée par la loi
Bérégovoy du 13 juillet 1984, en constitue l'un des éléments centraux
puisqu'elle permet à nos compatriotes d'avoir, à titre volontaire et non
obligatoire, une couverture française contre les risques maladie, maternité,
invalidité et accidents du travail et qu'elle leur assure ainsi une continuité
de droits avec le régime métropolitain de sécurité sociale.
Nos compatriotes s'en montrent satisfaits puisque, à ce jour, une population
de plus de 100 000 personnes bénéficie de ses services - on enregistre une
augmentation annuelle de 7 % à 10 % pour les différents risques - une grande
partie d'entre eux étant affiliés par l'intermédiaire de leurs employeurs. Les
entreprises représentent 65 % de la clientèle de cette caisse, bien qu'elles
soient constamment sollicitées, ainsi d'ailleurs que les particuliers, par des
compagnies d'assurances privées françaises ou étrangères qui leur proposent des
contrats à la carte ; en effet, aucune obligation de passer par le régime
national de sécurité sociale n'existe en matière d'expatriation.
C'est pourquoi, depuis l'origine, le conseil d'administration, que j'ai
l'honneur de présider, ainsi que la direction de la CFE se sont attachés à
concilier à la fois compétitivité par rapport aux entreprises et effort de
justice sociale pour nos compatriotes.
Certes, nous souhaiterions aller plus loin encore, et nous l'avons montré
récemment en permettant aux Français qui sont à l'étranger depuis plus d'un an
d'adhérer à la CFE, sans que leur soit appliqué le paiement de cotisations
rétroactives, paiement qui dissuadait nombre d'entre eux - surtout ceux dont
les ressources sont les plus faibles - d'adhérer, mais qui avait été rendu
nécessaire pour éviter les adhésions à risque ouvert.
Cette mesure, prise sur mon initiative, a été entérinée à la majorité par le
conseil d'administration, mais nous avons voulu, avant de la rendre définitive,
l'expérimenter pendant un an afin de déterminer quelles en seraient les
conséquences financières pour notre caisse, et ce alors que nous savons qu'elle
représente un espoir pour nos compatriotes, ainsi qu'en témoignent les
nombreuses demandes reçues depuis le 1er octobre, date d'ouverture sans
rétroactivité des possibilités d'adhésion.
N'oubions pas, en effet, que, si nous pouvons nous prévaloir, depuis 1984,
d'être l'une des deux seules caisses françaises à présenter des comptes
équilibrés, et même légèrement excédentaires, c'est grâce à la vigilance et à
la gestion rigoureuse assurées par les administrateurs et par la direction de
la CFE.
Or, nous nous apercevons que les mesures que j'évoquais précédemment, - et
nous ne pouvons que nous féliciter d'avoir prises - entraînent peu à peu la
caisse vers un déséquilibre.
Actuellement, celle-ci doit faire face au déficit de la branche assurance
maladie, lequel est dû principalement à la troisième catégorie de cotisants
chez les non-salariés, pensionnés et autres inactifs. Et, si notre bilan est
pour l'instant toujours stable, c'est grâce aux comptes des salariés et, bien
entendu, à ceux de la première catégorie.
Bien sûr, nous souhaiterions créer une quatrième catégorie de cotisants, car
trop de nos compatriotes ne peuvent encore adhérer, pour des raisons
financières, à la caisse des Français de l'étranger. Mais nous nous exposerions
alors à un exode des entreprises adhérentes, qui, je vous l'ai dit tout à
l'heure, représentent 65 % de nos adhérents, ce qui signifie qu'elles assurent
à elles seules l'équilibre de la caisse, tous risques confondus. Si elles
partaient, notre caisse connaîtrait un déficit important. Qui, alors, le
prendrait en charge ? C'est tout ce que nous avons mis en place depuis
vingt-deux ans qui serait remis en cause, et nos compatriotes seraient les
premiers à en pâtir.
D'autre part, dans cette hypothèse, les entreprises expatriatrices
quitteraient le giron de la sécurité sociale française pour aller vers des
assureurs privés, ce qui induirait une rupture de la continuité des droits avec
la sécurité sociale, à laquelle les Français sont très attachés, nous le
savons.
Partant de ce constat, nous devons donc être très prudents et explorer
d'autres voies qui, tout en répondant à l'attente de nos concitoyens,
ménageraient l'esprit de compétitivité de nos entreprises. Or, il est essentiel
que nous renforcions leur potentiel exportateur et expatriateur.
Déjà, en 1995, conscient que l'amélioration de la situation de l'emploi
passait aussi par la création d'emplois à l'étranger pour nos compatriotes
décidés à s'expatrier, j'avais été à l'origine d'un amendement permettant
d'exonérer temporairement de cotisations ou de faire bénéficier d'abattements
spécifiques les entreprises adhérentes de la CFE engageant un jeune Français de
moins de vingt-six ans sur un emploi nouvellement créé à l'étranger, condition
que j'avais fait reporter à trente ans par un nouvel amendement en 1996.
Par là même, la CFE exprimait sa solidarité avec le douloureux problème de
l'emploi auquel sont confrontés les Français.
C'est d'ailleurs pour la même raison et avec le même souci que nous avons
participé aux premières ébauches du plan emploi-jeunes du précédent
gouvernement qui, en matière d'expatriation, souhaitait mettre en place une
mesure plus ambitieuse : le « contrat d'adaptation spécial expatriation », qui
prévoyait un stage en entreprise de trois mois suivi d'un séjour de quinze mois
ou plus à l'étranger, et dont le coût social aurait été financé par notre
caisse.
Malheureusement, cette mesure est demeurée lettre morte, faute de négociations
et d'un accord avec les syndicats.
Je reste persuadé, madame la ministre, qu'il y a là une idée à creuser et que,
si l'expatriation, bien entendu, ne résoudra pas à elle seule le problème du
chômage, elle peut contribuer à l'améliorer, car chaque emploi gagné est déjà
une victoire.
Ne pourrait-on reprendre ce dossier et dégager des solutions qui soient
acceptables par tous ? Je me tiens à votre disposition et à celle de vos
services pour y travailler.
Avant de conclure sur la caisse des Français de l'étranger, j'évoquerai une de
mes préoccupations actuelles à propos de laquelle vous avez bien voulu
m'apporter, ainsi que vos conseillers, une réponse rassurante : il s'agit du
transfert partiel de la cotisation maladie sur la CSG et de ses répercussions
pour les adhérents de la caisse des Français de l'étranger fiscalement
domiciliés en France, problème similaire à celui que rencontrent les
travailleurs frontaliers.
Vous référant à cette catégorie de personnes, madame la ministre, vous m'avez
indiqué, en commission des affaires sociales, que vous envisagiez de publier
une lettre ministérielle exonérant du paiement de la CSG les Français expatriés
affiliés à la caisse des Français de l'étranger et domiciliés fiscalement en
France, en attendant qu'un texte législatif précis nous soit présenté à ce
sujet. Je ne saurais trop vous rappeler l'importance de cette question pour la
CFE, dont la direction est à votre disposition pour étudier très rapidement la
mise en oeuvre d'une telle disposition.
Ainsi que vous le voyez, madame la ministre, la CFE est véritablement le
pilier central de la protection sociale des Français de l'étranger, et nous
devons conjuguer nos efforts pour qu'elle le demeure et pour que le système
d'assurances volontaires qu'elle gère conserver son équilibre financier -
auquel votre collègue secrétaire d'Etat au budget veille jalousement,
d'ailleurs - équilibre qui est indispensable à la vie de la CFE car, si le
moindre dérapage se produisait, il risquerait fort de signifier, par voie de
conséquence, la fin de la caisse, et donc la rupture avec la sécurité sociale
pour tous les expatriés.
Venons-en maintenant au second volet de la couverture sociale des expatriés,
qui a trait à la retraite.
Nos compatriotes sont d'autant plus attachés à percevoir une retraite
française et les droits qui en découlent que, par expérience, ils savent que,
trop souvent, les pays - en particulier ceux de la zone franc - dans lesquels
ils ont pu cotiser sont défaillants.
Les autorités françaises, et nous-mêmes qui représentons les Français établis
hors de France, nous les encourageons à se constituer une retraite de base
française ou à racheter les années pendant lesquelles ils ont travaillé à
l'étranger sans pour autant cotiser au système vieillesse.
De ce côté, les choses se passent correctement puisque les délais de rachat
sont ouverts jusqu'au 31 décembre 2002. Toutefois, ces rachats sont affectés
d'un taux d'intérêt de 10 % lorsque leur paiement est échelonné, ce qui
contraint nombre de nos compatriotes à abandonner leurs projets.
Si, en 1992, il pouvait paraître normal d'appliquer un tel taux, en relation
avec ceux qui étaient pratiqués à l'époque par les marchés monétaires, il n'en
est plus de même aujourd'hui, alors que ces mêmes taux ont considérablement
diminué. C'est pourquoi, madame la ministre, je vous avais demandé, dans une
question écrite du 3 juillet 1997, de revoir cette disposition et d'indexer le
taux applicable aux rachats échelonnés sur celui des taux d'intérêt fixés
garantis par l'Etat français. Je n'ai pas encore eu votre réponse, mais
j'exprime ici le voeu que vous teniez compte de ma proposition.
S'agissant des questions liées à la retraite, je souhaiterais revenir sur la
loi relative à l'épargne-retraite sur laquelle nos compatriotes expatriés ont
fondé de grands espoirs depuis que, par le biais d'un amendement que j'avais
introduit, ils figurent expressément à l'article 2 du texte sur les fonds de
pension. Ce nouveau système de retraite par capitalisation représente pour eux
une alternative intéressante aux systèmes existants, ainsi qu'en témoignent les
nombreuses questions qu'ils nous posent sur l'avenir réservé à cette loi
indispensable à la pérennité de nos retraites.
Qu'en est-il aujourd'hui ? Quelles suites comptez-vous lui donner ? Je forme
le voeu que, lors de vos travaux, vous n'oubliez pas nos concitoyens qui se
sont établis hors de France et que vous nous indiquiez rapidement quelle
application vous donnerez à ce texte fondamental.
Je ne ferai qu'évoquer le troisième axe de la couverture sociale des Français
de l'étranger, le fonds d'action sociale du ministère des affaires étrangères,
puisque j'ai abordé ce sujet avec le principal intéressé, votre collègue M.
Hubert Védrine.
Je terminerai ce survol de la protection sociale des Français de l'étranger
par ce qui est sans doute l'un des plus vifs sujets d'inquiétude pour tous les
Français, y compris pour les expatriés : le chômage et la protection contre la
perte d'emploi.
Depuis les années soixante-dix, les salariés français qui s'expatrient peuvent
s'assurer contre le chômage afin de recevoir les indemnités prévues en cas de
perte d'emploi, ce qui est une bonne chose, et j'avais oeuvré dans ce sens à
l'époque. Ce qui est moins normal, c'est que, s'ils cotisent sur les mêmes
bases que les salariés métropolitains, ils ne reçoivent pas les mêmes
prestations et qu'ils sont dans l'obligation de revenir en France et de
s'inscrire aux ASSEDIC pour les percevoir. Or, soyons logiques : leur
spécificité, leur connaissance de l'étranger font qu'ils ont plus de chance de
retrouver un emploi sur place. Pourquoi, dans ces conditions, les obliger à
rentrer en France, au risque de provoquer en outre un déséquilibre familial et
financier supplémentaire si le conjoint travaille aussi à l'étranger ?
A plusieurs reprises, nous sommes, mes collègues et moi-même, intervenus
auprès des partenaires sociaux de l'UNEDIC, mais, chaque fois, nous nous sommes
heurtés à un refus de cette instance, qui nous oppose la règle territoriale. Je
serais heureux, madame le ministre, que vous nous aidiez à résoudre ce
problème.
Il me paraît normal, toujours dans cet esprit, que la parité soit de mise
entre salariés métropolitains et salariés expatriés, et qu'à des obligations
égales répondent des droits à prestations égaux, ce qui n'est pas le cas.
J'avais soumis ces deux points, à l'UNEDIC, l'an dernier, à l'occasion du
renouvellement de la convention du régime d'assurance chômage, mais, une fois
de plus, je n'ai pas été entendu. Je souhaite pouvoir compter sur votre appui
et sur votre action auprès des partenaires sociaux afin que des évolutions
puissent voir le jour sur cet important dossier qui nous touche tous.
Vous l'aurez compris, madame le ministre, mon souci est la défense des
Français de l'étranger, lesquels ont droit au même traitement et aux mêmes
égards que les Français qui sont restés en France. Ce sont des Français à part
entière, qui n'ont comme seule particularité, je dirai même mérite, que de
vivre hors du territoire national. Partant de ce constat, ils doivent avoir les
mêmes droits.
A cela vient s'ajouter un désir profond de développer notre expatriation, car
je suis convaincu que c'est l'une des voies qui nous permettra de résoudre, au
moins en partie, les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Quand je parle
d'expatriation, je veux dire l'expatriation vraie, voulue, concertée, légale.
Je parle de Français, qui aiment leur pays, qui sont attachés à la France, à
ses institutions, et envers lesquels nous avons des devoirs.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RDSE et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
c'est notre collègue Philippe Darniche qui devait prendre la parole à cet
instant, mais, retenu en Vendée, il m'a prié de le suppléer.
Ce que nous nous souhaitons avant toute chose, c'est une santé de qualité au
service de tous. Or, en cette période proche de l'hiver, ce projet de budget -
excusez cette image un peu facile - nous paraît un peu « grippé ».
(Sourires.)
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ah !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Comme M. le rapporteur.
(Sourires.)
M. Jacques Habert.
Ce budget de la santé et de la solidarité ne « pèse » que 3,7 milliards de
francs, soit seulement 0,24 % du budget de l'Etat. Ce n'est qu'une goutte d'eau
dans l'océan des dépenses de santé de la nation.
Il faut cependant noter, pour être juste, que ce projet de budget est en
augmentation de 10,4 %. Mais cette croissance un peu en trompe l'oeil n'est due
qu'à trois mesures : d'abord, la création d'un fonds d'aide à l'adaptation des
établissements hospitaliers, dotée de 150 millions de francs de crédits de
paiements. - c'est l'avenir - ensuite, une provision de 80 millions de francs
pour la création des deux agences de sécurité sanitaire, suite à la trop
célèbre « affaire de la vache folle » ; enfin, la réintroduction des crédits de
la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie,
jusqu'à présent rattachés aux crédits du Premier ministre.
Certaines mesures nous paraissent très positives, comme l'abandon des crédits
affectés pour l'indemnisation des maîtres de stages des résidents et, surtout,
l'effort consenti pour lutter activement contre la drogue. J'y reviendrai.
En revanche, d'autres mesures sont négatives, comme l'augmentation dérisoire
des crédits contre l'alcolisme et le tabagisme, pourtant responsables de
nombreuses morts prématurées évitables. Un paradoxe doit être relevé : si la
taxation du tabac rapporte chaque année à l'Etat 47 milliards de francs, votre
ministère ne consacre que 185 petits millions de francs à la lutte contre
l'alcoolisme et le tabagisme, 1,9 million de francs seulement contre le tabac
!
Nous ne pouvons que nous inquiéter de la forte baisse - 32 % - des
interventions sanitaires en direction des publics prioritaires, les personnes
démunies par exemple, et de l'effort très insuffisant de prévention en matière
de santé, notamment par la baisse en francs constants des crédits affectés au
Centre français d'éducation pour la santé.
Dans un tout autre domaine, les hôpitaux doivent être, en toute sécurité,
adaptés aux besoins sanitaires pour remédier rapidement aux inégalités
existantes. C'est la raison pour laquelle nous déplorons, d'une part, la
régression d'un tiers des crédits pour l'accueil des personnes démunies dans
les hôpitaux - ces crédits figurent à l'article 40 du chapitre 47-11 - d'autre
part, l'inégalité flagrante entre régions dans l'affectation des crédits pour
la modernisation et l'aide à l'adaptation des hôpitaux ; enfin, la pénurie dans
certaines spécialités hospitalières comme l'anesthésiologie avec seulement 187
postes pourvus sur 518 offerts en 1997, alors même que trop d'hôpitaux de
proximité manquent désespérément d'anesthésistes. Nous l'avons vu jusqu'à la
télévision dans des affaires récentes, dans lesquelles vous êtes intervenu
plusieurs fois, monsieur le secrétaire d'Etat.
Nous portons à votre connaissance l'urgente nécessité de mettre en place une
véritable et ambitieuse politique de formation en gériatrie mais également de
prévention et d'éducation sanitaire qui doivent, sur le terrain, contribuer à
satisfaire l'exigence de qualité et de sécurité exprimée par les professionnels
et les patients.
Notre collègue Philippe Darniche souhaite également vous interpeller, monsieur
le secrétaire d'Etat, sur la nécessité de favoriser rapidement une meilleure
proximité dans la mise à disposition des médicaments anti-rejets pour les
insuffisants rénaux et les greffés de France. Leurs prescriptions étant
mensuelles et renouvelables, elles entraînent un surcoût de dépenses en termes
de déplacement pour notre sécurité sociale et une fatigue croissante chez ces
malades qui n'aspirent qu'à pouvoir se fournir dans leurs officines de
quartier. C'est un pharmacien, et un pharmacien de qualité qui parle.
Enfin, le plus important reste pour ce budget de la santé pour 1998 qu'il doit
fournir les armes adaptées pour lutter, plus que jamais, contre les ravages du
suicide, de l'alcoolisme et de la toxicomanie chez nos jeunes.
N'oublions pas que 900 jeunes se suicident en France chaque année et que près
de 40 000 tentent de le faire. C'est, pour nous adultes, un véritable appel de
détresse auquel nous devons trouver le temps et les moyens de répondre.
L'alcoolisme et la drogue ne les épargnent pas non plus : 51 % des jeunes de
douze à dix-huit ans reconnaissent consommer occasionnellement de l'alcool ; 15
% des jeunes s'adonnent au haschich, ce qui est une bien mauvaise voie à
suivre. Seule une réelle et sérieuse politique de prévention dans ces deux
domaines extrêmement graves peut nous permettre d'épargner des vies.
Si nous nous félicitons, bien évidemment, de ces crédits de 717 millions de
francs, en hausse de 3,2 %, affectés cette année à la lutte contre la
toxicomanie, nous espérons qu'ils ne seront pas insuffisants pour pallier ce
problème de santé d'ampleur nationale et promouvoir une indispensable politique
de prévention.
Enfin, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut prévenir les
risques d'apparition de nouvelles maladies insoupçonnées, mais prévisibles.
On prête à Socrate l'expression devenue célèbre chez les végétariens et les
adeptes du « bio » : « Que ton aliment soit ton médicament. »
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Exactement !
M. Jacques Habert.
A l'aube du XXIe siècle, n'est-il pas grand temps de reconnaître que notre
alimentation perd progressivement tout caractère naturel au profit des hormones
et, plus récemment, de modifications transgéniques aléatoires et
potentiellement dangereuses pour notre santé et celle de nos enfants ? Votre
décision, monsieur le secrétaire d'Etat, d'autoriser la mise en culture du maïs
transgénique sur notre territoire nous semble peut-être prématurée. Elle a été
accueillie avec la plus grande inquiétude. C'est avec autant d'inquiétude que
les spécialistes médecins attendent les résultats de cette expérience, suite à
votre autorisation.
De même que le trou dans la couche d'ozone - et l'effet de serre qui en
résulte - reste invisible à nos yeux lorsque l'on scrute le ciel, les
conséquences néfastes des organismes génétiquement modifiés, les trop célèbres
OGM, ne sont pas encore perceptibles dans nos assiettes, mais le seront, hélas
! très certainement chez nos enfants et petits-enfants.
(Sourires.)
Pour conclure, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, la protection de la santé va bien au-delà de la seule prise en
compte de la maladie. Elle doit, en réalité, être appréhendée plus globalement,
selon les enjeux humains, matériels et financiers de notre santé publique.
Nous ne sommes pas sûrs que ce projet de budget, avec ses maigres crédits,
réponde à ces enjeux d'intérêt primordiaux pour le pays. Nous attendons, pour
en juger, d'entendre vos réponses à nos observations et aux nombreuses
questions que nous nous sommes permis de vous poser, madame le ministre,
monsieur le secrétaire d'Etat.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Biarnès.
M. Pierre Biarnès.
Madame la ministre, je souhaite vous parler à mon tour de la protection
sociale des Français à l'étranger, car, en ce domaine, ces derniers aimeraient
être enfin traités comme des Français à part entière.
Je suis moins optimiste que mon collègue et ami Jean-Pierre Cantegrit, qui
vient d'intervenir voilà quelques instants à cette tribune.
Alors que la sécurité sociale française tend de plus en plus à s'affranchir de
son ancrage professionnel initial pour devenir un droit universel lié à la
citoyenneté, la solidarité nationale se substituant à la solidarité
professionnelle ou la complétant - vos récentes initiatives en ce domaine en
témoignent de façon éclatante, madame la ministre les Français qui résident
hors de l'Union européenne restent totalement à l'écart de cette évolution. Par
voie de conséquence, la très grande majorité d'entre eux sont sans aucune
couverture sociale. La situation de la plupart des familles bi-nationales -
c'est-à-dire de 60 % des expatriés - et celle des personnes âgées sont tout
particulièrement préoccupantes.
En ce qui concerne les risques sociaux autres que ceux qui sont liés à la
maladie et à la retraite, les Français de l'étranger sont à peu près
complètement ignorés. S'agissant de l'assurance maladie et de la retraite, le
système actuel n'assure la couverture que des plus aisés.
Pour ce qui est de l'assurance maladie, une loi du 13 juillet 1984 a créé la
Caisse des Français de l'étranger, la CFE, caisse qui dépend du régime général
de la sécurité sociale, mais qui est néanmoins autonome par rapport à
celui-ci.
Tous les Français de l'étranger autres que ceux qui résident dans l'Union
européenne, qui relèvent obligatoirement, quant à eux, des systèmes de leurs
pays de résidence respectifs, ont le droit d'adhérer à cette caisse,
volontairement. Mais, en fait, pour des raisons économiques, bien peu peuvent
le faire.
Pour être admis à la CFE, ils doivent, en effet, s'acquitter de cotisations
qui sont à peu près équivalentes au total de la part patronale et de la part
salariale des cotisations métropolitaines. Malgré une modulation en trois
catégories, une modulation obtenue de haute lutte ces dernières années par
l'Association démocratique des Français à l'étranger, l'ADFE, ces cotisations
sont beaucoup trop élevées pour la très grande majorité des Français
concernés.
En effet, 90 % des Français immatriculés dans les consulats disposent des
revenus de leur catégorie socio-professionnelle dans leur pays de résidence.
Hors de l'Union européenne et des pays industrialisés, ces revenus sont trop
souvent inférieurs à ceux de leurs homologues en France. C'est pourquoi la CFE
ne compte que 16 000 adhérents individuels à l'assurance maladie pour le monde
entier. Les grandes sociétés françaises, pour leur part, assurent à leurs frais
17 000 expatriés.
Sur environ 900 000 Français immatriculés, la CFE ne procure donc une
assurance maladie qu'à 66 000 personnes : les adhérents
stricto sensu,
plus leurs ayants droit. En Afrique et en Amérique latine, ce sont environ
130 000 Français qui sont totalement dépourvus de cette protection, faute de
pouvoir payer les cotisations, prohibitives pour eux, de la CFE.
Deux autres faits importants, et liés entre eux, doivent par ailleurs être
notés.
D'une part, ces grosses sociétés françaises, qui assurent à la CFE leurs
cadres et une partie de leurs techniciens français, réalisent ainsi une
excellente affaire, au détriment des plus démunis. Du fait que les cotisations
à la CFE ne sont pas déplafonnées, à la différence des cotisations aux caisses
de la métropole, et parce que les sociétés bénéficient de tarifs de groupe, les
cotisations sont dégressives ! Elles représentent seulement 1,48 % d'un salaire
mensuel de 50 000 francs, contre 22,8 % pour un salaire mensuel de 2 000 francs
!
D'autre part, aucune évolution progressiste ne paraît être possible dans
l'état actuel des statuts de la CFE et de son conseil d'administration, dont la
préoccupation majeure semble bien être de défendre les intérêts de ces
importantes entreprises adhérentes à la Caisse, et ce au détriment de la masse
des adhérents individuels potentiels.
Jusqu'à présent, la direction de la Caisse a prononcé deux refus.
En premier lieu, elle a refusé une amélioration de la solidarité interne, qui
pourrait être renforcée par une modulation accentuée des cotisations. La
création d'une catégorie plus élevée permettrait, en effet, la création, en
contrepartie, d'une catégorie plus basse. Mais, précisément, cela porterait
atteinte aux intérêts des grandes sociétés concernées, qui font du chantage à
leur éventuel départ, même si l'hypothèse est hautement improbable, tant les
avantages que leur offre cette caisse sont grands par rapport à ceux que leur
accorderaient les caisses métropolitaines dont relèvent leurs sièges sociaux ou
les assurances privées.
En second lieu, la Caisse a refusé de faire appel aux fonds publics. Une toute
petite part de la CSG pourrait être affectée à cela, au nom d'une extension
légitime de la solidarité nationale aux Français de l'étranger. Mais cela
entraînerait forcément, en contrepartie, un contrôle accru de l'Etat, et cette
perspective, elle aussi, suscite de très fortes réticences.
Quant à la retraite de la sécurité sociale, la situation est encore beaucoup
plus dramatique. A peine 10 % des Français de l'étranger hors Union européenne
peuvent y accéder, toujours pour les mêmes raisons économiques.
Bref, la situation est bloquée et il est clair que seule une intervention de
l'Etat pourra la modifier. Je souhaiterais - la très grande majorité des
Français de l'étranger le désirent avec moi - que cette intervention ait lieu,
si possible, dans les mois à venir.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je sais comme nous tous que
des problèmes d'une bien plus grande ampleur ont retenu ces mois derniers votre
attention et vont la retenir encore pendant quelque temps. Mais quand les
problèmes des Français de l'Hexagone auront trouvé les solutions que vous avez
imaginées pour eux - et que j'ai approuvées, comme mes deux collègues sénateurs
socialistes des Français de l'étranger, Mme Cerisier-ben Guiga et M. Penne -
serait-il possible que vous vous occupiez un peu, aussi, des problèmes, pas
moins cruciaux et angoissants pour ceux qui les vivent, des Français du bout du
monde ? D'avance, au nom de tous ceux que je représente et qui ont fondé
beaucoup d'espoir en vous, je vous en remercie.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits
consacrés à la santé enregistrent une progression considérable, puisqu'ils
représentent une augmentation de 10,4 % par rapport à l'année dernière.
Cette hausse repose sur trois opérations importantes, parmi lesquelles on
trouve la lutte contre les fléaux sanitaires, c'est-à-dire le sida, la
toxicomanie, l'alcoolisme et le tabagisme.
Comprenez, monsieur le secrétaire d'Etat, ma stupéfaction de constater que le
paludisme n'est pas perçu comme un fléau sanitaire.
Pourtant, en Guyane, l'endémie palustre ne cesse de se développer depuis de
nombreuses années, et la lutte contre ce fléau - car il s'agit bien d'un fléau
- réclame un état d'urgence sanitaire évident. Malheureusement, notre
département ne dispose pas des armes indispensables pour organiser ce
combat.
Tout d'abord, la résistance du parasite aux traitements classiques est de plus
en plus forte et elle nécessite de trouver de nouveaux médicaments et de
nouvelles molécules. Or les industries pharmaceutiques se désengagent à l'égard
de la recherche vaccinale contre le paludisme. Aujourd'hui, les firmes qui
s'intéressent au vaccin peuvent se compter sur les doigts d'une main.
Ensuite, les nouveaux médicaments indispensables en zone d'endémie palustre
sont très chers et ne sont pas toujours remboursés par la sécurité sociale. En
effet, une lettre circulaire de la direction de la sécurité sociale n'autorise
le remboursement de certains médicaments, notamment le Lariam et l'Halfan, que
dans le cadre de la procédure de rétrocession hospitalière aux patients
ambulatoires. C'est-à-dire qu'un patient ne peut pas obtenir ce traitement dans
une pharmacie.
Comment expliquer et justifier une telle discrimination ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous m'avez récemment assuré que la cellule
interrégionale d'épidémiologie allait surveiller les maladies transmises par
les insectes vecteurs et qu'en 1998 une mission d'évaluation des méthodes de
lutte antivectorielle serait confiée à l'Institut français de recherche
scientifique pour le développement en coopération, l'ORSTOM. Cette déclaration
d'intention ne doit pas rester lettre morte.
Vous m'avez également indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'à partir d'un
rapport établi par la direction départementale des affaires sanitaires et
sociales de la Guyane sur les modalités de prise en charge du paludisme l'avis
du Conseil supérieur d'hygiène publique de France sera sollicité sur
d'éventuelles mesures spécifiques complémentaires. Pouvez-vous être plus précis
sur ce point ?
Au début de mon intervention, je faisais référence à l'augmentation
considérable des crédits. Or les crédits consacrés à la santé en Guyane pour
1998 sont identiques à ceux qui sont prévus par la loi de finances de 1997,
soit 35 millions de francs.
Vous conviendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, que la gravité de la
situation sanitaire de la Guyane exige non seulement des actions
exceptionnelles, mais aussi des financements exceptionnels, d'autant que la
Guyane souffre d'une grave déficience de son système de santé. D'ailleurs, un
rapport de l'Organisation des Nations unies prévoit que, dans dix ans,
l'espérance de vie dans notre département atteindra cinquante ans, c'est-à-dire
à peine plus qu'en France au début du siècle.
L'application des lois de décentralisation a créé des inégalités devant la
santé entre les populations résidant dans les trois centres urbains et les
autres. L'exécutif départemental s'est alors engagé dans une politique de
développement de l'accès aux soins. Il a repris à sa charge les structures de
médecine collective exerçant des activités curatives.
Ces vingt-six structures - neuf centres et dix-sept postes - ont été créées
pour assurer la protection sanitaire des populations des communes isolées et
pallier la carence de l'offre de soins privés.
Mais l'éloignement des communes isolées, les caractéristiques météorologiques,
les difficultés du transport fluvial, qui sont encore aggravées par la
sécheresse actuelle, le coût du transport aérien, l'absence de transport
terrestre génèrent des contraintes insupportables pour le département.
Les moyens humains, matériels ou budgétaires ne peuvent répondre de façon
satisfaisante aux besoins de la population. La sécurité sanitaire n'est plus
assurée. Le rapport Merle, commandé par M. Queyranne, met en exergue l'urgence
de la situation et préconise la prise en charge par l'Etat de ces dépenses
auxquelles le département ne peut plus faire face.
Ce rapport préconise également des mesures d'incitation à l'installation de
médecins généralistes libéraux. L'état déplorable des équipements sanitaires
incite en effet les médecins et les infirmières à ne rester que quelques mois
et à ne jamais demander le renouvellement de leur affectation.
S'agissant de l'enseignement supérieur, l'université des Antilles et de la
Guyane dispose actuellement d'un troisième cycle d'études médicales.
Les universitaires, les médecins et les étudiants sont tous d'accord pour
qu'un premier cycle des études médicales soit créé aux Antilles-Guyane,
d'autant que l'université des sciences dispose de professeurs en nombre
suffisant pour dispenser l'enseignement. Le premier cycle existe à la Réunion
et ce sont des professeurs missionnaires qui y enseignent. Si une décision
n'est pas prise pour envisager cette nouvelle filière de formation médicale,
avant dix ans les Antilles-Guyane n'auront plus de médecins originaires de ce
pays.
Un dossier a déjà été constitué et remis à vos services, monsieur le
secrétaire d'Etat, ainsi qu'à ceux du ministère de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie. J'ai également entrepris, à plusieurs reprises,
des démarches pour que cette demande soit satisfaite.
La Guyane souffre également de l'augmentation croissante des dépenses d'aide
médicale. Elle est confrontée, en raison de sa situation géographique, à une
très forte immigration, souvent clandestine, en provenance notamment du Brésil,
du Surinam, du Guyana ou d'Haïti.
La loi du 29 juillet 1992 permet d'accorder l'aide médicale à toute personne
étrangère, sans condition de délai, de durée de résidence ou de régularité du
séjour. A cela s'ajoute la prise en charge par le département des RMIstes, tant
au titre de l'aide médicale que de leur affiliation à l'assurance
personnelle.
Il est bien évident que la situation très particulière de la Guyane génère des
dépenses d'aide médicale démesurées pour le conseil général, et qu'il
conviendrait d'y mettre un terme définitivement.
La Guyane est également confrontée à un fléau inacceptable à notre époque : je
veux parler de la mortalité périnatale.
En effet, les conditions d'accouchement offertes dans les maternités,
notamment de l'ouest guyanais, tout particulièrement à l'hôpital de
Saint-Laurent-du-Maroni, sont lacunaires. Le bloc opératoire, les salles
d'accouchement, l'effectif du personnel ne peuvent faire face à la croissance
exponentielle des accouchements. Il devient donc urgent d'étudier ces
problèmes.
Je souhaiterais enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, attirer votre attention
sur le devenir du laboratoire d'anatomo-cyto-pathologie du département, qui est
actuellement abrité par le laboratoire départemental d'hygiène et d'analyses
biologiques.
Cette structure correspondait à une volonté politique de faciliter l'accès aux
soins, mais la chambre régionale des comptes a estimé qu'elle ne faisait pas
partie des compétences du département. Or sa fermeture serait dommageable pour
la population et les praticiens, et la Guyane serait le seul département à ne
pas disposer d'un tel laboratoire.
Il me semble donc que cette activité devrait se poursuivre en milieu
hospitalier, et que l'hôpital qui pourrait l'accueillir devrait bénéficier
d'une dotation exceptionnelle dès 1998 afin de ne pas être lésé.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, la réalité des situations
pathologique, démographique et géographique de la Guyane exige des mesures
exceptionnelles. Il nous faut déployer des efforts considérables pour mettre en
place une véritable politique de la santé. C'est dans l'espoir que vous nous
aurez entendus - ce que je souhaite - que je voterai ce budget.
(Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, ce soir, par-delà les chiffres du budget qui ont été présentés
par nos rapporteurs, je veux vous parler de l'hôpital public.
(Mme le
ministre s'exclame.)
Je vois votre enthousiasme, madame le ministre, et je
m'en réjouis !
L'hôpital public est un véritable enjeu de service public. C'est aussi le
symbole de l'une des plus belles réussites de ces trente dernières années dans
notre pays. Il y a eu aussi les « Glorieuses » de l'hôpital et nous pouvons en
être tous fiers.
L'accès de tous aux soins de qualité est une réalité que quelques exceptions
réelles ne doivent pas masquer et que certaines enquêtes à grand spectacle ne
doivent pas ternir collectivement.
M. Lucien Neuwirth.
Très bien !
M. Gérard Larcher.
J'en viens à l'hôpital aujourd'hui.
L'ordonnance du 24 avril 1996 reposait sur quelques principes essentiels.
Il s'agissait de maîtriser l'accroissement des dépenses et d'impliquer la
représentation nationale ; de restructurer progressivement l'offre de soins
pour l'optimiser et accompagner son développement dans les limites privilégiées
de la région ; de réformer la tutelle pour la rendre plus efficace et
responsable par la création des agences régionales de l'hospitalisation ; de
contractualiser, tant en externe qu'en interne, les objectifs médicaux et les
moyens qui leur correspondent ; enfin, de développer par la démarche
d'accréditation les actions visant à la qualité et à la sécurité.
Dans leur grande majorité, les responsables hospitaliers s'étaient montrés
ouverts, voire intéressés, par le nouveau dispositif, et prêts à s'y
engager.
Force est de constater que, dix-huit mois plus tard, un certain doute
s'installe, l'inquiétude gagne et de nombreuses interrogations se font jour.
La première et fondamentale question porte sur la définition même des niveaux
quantitatif et qualitatif de l'offre hospitalière nécessaire à la santé des
populations, qui doit concilier, au nom des principes du service public, à la
fois dans les grandes agglomérations, et dans les zones rurales, la sécurité,
la compétence, la permanence et la proximité des soins.
Cette définition n'est, en fait, pas encore réalisée. Les directeurs d'agence
régionale s'y essayent, mais il apparaît aujourd'hui que leur action est encore
trop intellectuelle, hétérogène, inégale, pour constituer une véritable
politique hospitalière, et que parfois les agences, de concepteur de cette «
politique », ont tendance à redevenir malgré elles des « DRASS
bis
»
engluées dans les problèmes du quotidien qu'il faut régler.
C'est donc aux services ministériels et à vous, madame le ministre, monsieur
le secrétaire d'Etat, que reviennent la responsabilité globale d'une telle
définition et la recherche d'une cohérence de l'action publique. Je souhaite
que vous vous y engagiez.
Peut-on attendre un schéma sectoriel santé à l'occasion du futur schéma
national d'aménagement et de développement du territoire ? Telle sera ma
première question.
Ma deuxième question porte sur la méthode. A quel rythme et selon quelle
procédure les nécessaires reconversions, adaptations, modernisations de
l'appareil hospitalier vont-elles s'opérer ?
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Très bonne question !
M. Gérard Larcher.
Ce qui est reproché actuellement au milieu hospitalier, c'est, en termes de
planification, son éparpillement, parfois ses doubles emplois, son manque de
coopération et de mise en réseau, son organisation, qui résulte souvent plus de
circonstances historiques que d'une réflexion de fond qui tendrait à le
structurer en lien direct avec les besoins de la population et en fonction des
obligations et pratiques d'une médecine hospitalière moderne qui ne cesse
d'évoluer.
Il convient de noter que le secteur hospitalier n'est pas le seul à présenter
de telles particularités, mais comme il est stratégique, - j'allais utiliser un
mot facile : vital - la méthodologie prend toute son importance.
C'est donc essentiellement au niveau des secteurs sanitaires que me paraît
devoir être conçue la future organisation hospitalière publique et privée.
N'oublions pas les nécessaires adaptations et complémentarités privé-public,
privé-privé et public-public. Mais encore faut-il le dire et le répéter !
C'est par les acteurs du terrain : professionnels, directeurs d'établissement,
médecins et élus, que doit être imaginé, négocié, conduit ce changement, et non
par des décisions d'apparence « technocratique » venues du haut et qui mèneront
à l'échec.
M. Jean-Claude Carle.
Très bien !
M. Gérard Larcher.
Je pense, par exemple, au rôle des comités régionaux de l'organisation
sanitaire et sociale, au sein desquels nous devons sièger plus nombreux, nous
les élus, pour nous impliquer dans cette nécessaire régulation. Il faut le dire
aussi !
Un autre paradoxe qu'il convient de résoudre est celui de la compatibilité des
politiques de maîtrise des dépenses de santé - auxquelles votre commission des
finances est particulièrement attachée et qui conduisent, dans plusieurs
régions, à l'application de taux négatifs - avec la mise en oeuvre du
changement.
Il faut bien avoir à l'esprit, les uns et les autres, qu'avant de rapporter
en termes financiers, en termes de sécurité, en termes de qualité et en termes
de proximité, toute restructuration coûte non pas seulement en investissements,
mais parfois aussi en fonctionnement.
Alors, comment va-t-on résoudre ce paradoxe ? Je vous interroge, madame le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat.
Enfin, pour faire évoluer l'organisation hospitalière actuelle, qui s'est
construite réellement depuis trente ou quarante ans, il faut aussi prendre en
compte la dimension temps, savoir nous fixer des échéances, négocier les étapes
intermédiaires, se fixer des contrats d'objectifs négociés et concertés avec
tous - élus, directeurs, corps médical, mais aussi personnels et syndicats de
personnels dans les établissements, afin qu'ils comprennent mieux les
évolutions et ne prennent pas les directeurs d'établissement comme des otages
ou des boucs émissaires - pour éviter crises et blocages.
Cela relève, me semble-t-il, également de la responsabilité ministérielle.
Toutes ces interrogations peuvent être illustrées par un cas que je connais un
peu plus, celui de l'Ile-de-France. Pardonnez-moi d'exprimer quelques instants
les préoccupations que nous partageons au sein de l'Union hospitalière de la
région d'Ile-de-France.
L'Ile-de-France est la région pour laquelle, sans concertation initiale, a été
fixé par l'Agence régionale d'hospitalisation un taux cible à quatre ans de 15
francs du point ISA.
Ce chiffre ne tient pas compte des spécificités franciliennes. Il implique des
conséquences médicales et sociales majeures qui ne nous paraissent pas avoir
été réellement évaluées - en tout cas, au départ, elles ne l'étaient pas - ni
surtout clairement expliquées à l'ensemble des personnels hospitaliers
médicaux, non médicaux, ou aux élus.
Certes, nous venons d'engager un travail partenarial avec l'Agence, et nous en
attendons beaucoup. Mais, en 1998, pour la deuxième année consécutive, les
hôpitaux d'Ile-de-France, à quelques exceptions près, vont ainsi se retrouver,
dans les faits, avec un taux d'évolution zéro, voire un taux négatif réel.
Comment, dans ces conditions, engager le processus de restructuration, alors
que seul l'objectif financier semble primer - optiquement en tout cas - ou tout
au moins qu'il est le seul réellement ressenti dans les établissements,
notamment par nos personnels ?
Ce blocage sur des aspects financiers risque de stopper les nécessaires
évolutions et d'engendrer des crises médicales et sociales majeures.
A ce jour, aucune politique hospitalière régionale, reposant sur une réelle
estimation des besoins, sur des objectifs sanitaires précis - je pense
particulièrement à l'accueil des urgences - n'a encore été définie. Nous savons
qu'elle le sera dans les prochaines semaines, et nous l'attendons.
Ce n'est pas un reproche - et je ne voudrais pas que mon intervention soit
perçue ainsi - car c'est une matière complexe ; mais je ne peux aujourd'hui que
le constater, et ce alors que les outils n'ont pas été testés - fusion,
communauté d'établissements où, pourtant, il y a là de vrais projets - et alors
qu'aucun dispositif d'accompagnement social n'est encore mis en place !
Il nous faut là de la visibilité, des choix concertés et clairs et du temps,
un peu de temps, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat.
« L'étranglement » ne peut, à lui seul, servir de levier déterminant ! J'ai
entendu cela quelque part, monsieur le secrétaire d'Etat : c'était aux confins
des terres d'Ile-de-France, et je partage cette appréciation sans réserve.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Merci ! Nous vous citerons !
M. Gérard Larcher.
Aujourd'hui, nous travaillons tous à imaginer réseaux, complémentarité et,
personnellement, je m'y suis engagé, comme vous le savez...
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
En effet !
M. Gérard Larcher.
... avec d'autres élus d'autres départements, imaginant de bousculer les
octrois, les habitudes pour retrouver une notion à laquelle nous sommes
extrêmement attachés ici au Sénat, celle de pays, celle de bassin de vie
partagée et de complémentarité, ce qui existe aussi en Ile-de-France.
Oui, nous voulons sortir des affrontements Assistance publique-hôpitaux de
Paris et hôpitaux généraux ou spécialisés de la couronne, voire hôpitaux du
Bassin parisien.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Gérard Larcher.
Nous avons la volonté d'un partenariat avec notre agence régionale.
Encore faut-il écoute, complémentarité et moyens spécifiques donnés à la
restructuration.
Voilà exprimées, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, quelques
préoccupations. Elles dépassent nos clivages politiques, car nous avons en
commun, me semble-t-il, notre attachement à l'hôpital public et à sa
mission.
Cet hôpital public est aujourd'hui devant sans doute sa plus grande mutation
depuis trente ans. Cette évolution majeure, au-delà de nos différences et de
nos préoccupations, j'ai envie de vous proposer de la faire ensemble.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants,
de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les thèmes clés -
solidarité, développement du lien social, lutte contre les exclusions - qui ont
ponctué ma présentation du projet de budget de l'emploi valent entièrement pour
le projet de budget de la solidarité, dont je développerai les aspects relatifs
à l'aide sociale relevant de l'Etat, à l'action sociale et à l'intégration,
laissant Bernard Kouchner présenter le budget de la santé.
Le projet de budget de la santé, de la solidarité et de la ville pour 1998,
sur lequel nous reviendrons dans quelques instants, s'élève à 73,2 milliards de
francs, en augmentation de près de 3 %.
Nous avons travaillé, avec Bernard Kouchner, en fonction de trois priorités :
d'abord, remplir tous les engagements qui incombent à l'Etat dans sa mission
d'aide et de protection des plus démunis et des plus fragiles, du fait
notamment du handicap ou de l'âge ; ensuite, développer une action offensive
contre toutes les formes d'exclusion ; enfin, répondre aux attentes de nos
concitoyens en matière de protection de la santé et de sécurité sanitaire.
La première priorité consiste à assurer dans sa plénitude la mission qui
incombe à l'Etat de protéger les plus fragiles. Elle donne son sens au budget
de l'aide sociale obligatoire et des programmes d'action sociale de l'Etat qui,
outre les 48,7 milliards de francs du RMI et de l'AAH, représentent un bloc de
crédits de 12 milliards de francs.
Cette priorité s'applique d'abord à la prise en charge des personnes
handicapées.
Le budget prévoit la création de 2 000 places supplémentaires de centres
d'aide par le travail, qui représentent 6 milliards de francs sur les 10,5
milliards de francs de l'aide sociale de l'Etat.
Cet effort de création de places de CAT poursuit à un niveau élevé l'effort
engagé depuis plusieurs années. Mais le retard n'est pas encore comblé, puisque
l'on compte encore 4 600 jeunes adultes maintenus dans des établissements pour
enfants en vertu de l'amendement Creton. Il faudra donc, comme y invite votre
rapporteur, continuer l'effort financier au-delà de 1998, mais sans perdre de
vue qu'il faut aussi s'efforcer d'ouvrir les CAT et de créer les conditions
pour la sortie vers le milieu extérieur du travail, à chaque fois que cela est
possible.
Je crois aussi qu'il faut réfléchir à d'autres formes de travail, comme le
travail à mi-temps, qui n'existe pas aujourd'hui dans les CAT. Cela permettrait
de répondre aux problèmes d'un certain nombre de handicapés et en même temps à
notre problème collectif.
Je sais que l'annulation par le Conseil d'Etat de la circulaire prise pour
l'application du dispositif a pu inquiéter. Cette annulation ne remet pas en
cause le principe posé par la loi ni la prise en charge des personnes relevant
de l'amendement Creton, que M. Chérioux a exposés avec beaucoup de clarté.
Le Gouvernement travaille avec l'association des présidents de conseils
généraux à donner une base légale au dispositif annulé de façon, en effet, à «
bien fixer l'autorité tarifaire compétente » et à assurer ainsi les bases du
fonctionnement des établissements d'accueil.
Je rappelle qu'aux 2 000 places supplémentaires de CAT s'ajoutent 500 places
d'ateliers protégés, et que 250 millions de francs de dépenses nouvelles sont
inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale, contre 100
millions de francs en 1997, qui permettront d'accélérer la création de places
en maisons d'accueil spécialisées ou en foyers à double tarification.
S'agissant de l'allocation aux adultes handicapés, la poursuite de la
progression a conduit à inscrire une dotation de 23,4 milliards de francs, en
hausse de 5 %.
Monsieur Oudin, il est vrai que cette progression est préoccupante. Il faut
malgré tout tenir compte du fait que cette prestation, créée en 1975, a été
attribuée à une population dans l'ensemble assez jeune, de sorte que les flux
de sortie, à mesure que les personnes handicapées accèdent à un avantage
vieillesse, sont moins importants que les flux d'entrée.
Quant à la croissance du nombre de compléments d'AAH - plus de 110 000
bénéficiaires - elle traduit le succès de la politique d'aide à l'autonomie des
personnes handicapées.
Une mission d'analyse de la politique d'attribution et du fonctionnement des
COTOREP a été confiée à l'IGAS et à l'inspection générale des finances pour
mieux cerner les causes de cette augmentation du nombre d'allocataires de
l'AAH.
L'un des facteurs clés réside sans doute dans la précarité sociale, qui crée
ou aggrave les situations de handicap ; mais on ne peut ignorer les pratiques
d'employeurs qui poussent des salariés âgés vers le statut de handicapé, ce qui
expliquerait d'ailleurs la surreprésentation des cinquante-cinq -
cinquante-neuf ans parmi les bénéficiaires de l'AAH, dont fait état M. Oudin en
rapportant l'analyse du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des
coûts.
Votre rapporteur spécial indique enfin que le nouveau barème d'incapacité
institué en 1994 n'a modifié qu'à la marge les décisions des COTOREP, et
redoute un risque de cumul entre RMI et AAH, au titre de l'incapacité à trouver
un emploi. La mission conjointe des inspections est saisie de ces questions,
s'attachera aussi à évaluer les effets de la mise en place de la prestation
spécifique dépendance sur l'activité des COTOREP.
La politique en faveur des handicapés s'appuie également sur des crédits
d'action sociale, en particulier les 120 millions de francs de subvention aux
services d'auxiliaires de vie qui permettent de rémunérer 4 000 personnes à
temps partiel pour aider près de 10 000 personnes handicapées.
L'action en faveur des handicapés doit être intégrée dans chacune de nos
politiques. Ainsi, par exemple, le programme emplois-jeunes profitera
doublement aux personnes handicapées. D'abord, toutes les personnes handicapées
de moins de trente ans à qui leur état le permet pourront y accéder. Ensuite,
des emplois-jeunes vont se développer dans le secteur des services auprès des
personnes handicapées ; je pense à l'intégration scolaire, à l'accompagnement
pendant les loisirs ou à l'interprétariat pour les déficients auditifs.
Beaucoup de ces contrats sont d'ores et déjà mis en oeuvre.
Les autres prestations d'aide médicale ou d'aide sociale et les tutelles
d'Etat ont souffert, ces dernières années, de l'insuffisance de crédits par
rapport à des besoins croissants. L'Etat a accumulé des dettes auprès des
opérateurs qu'il mobilise pour exercer ses missions.
Cette situation, qui perdure depuis quelques années, est parfaitement
anormale. En dépit des contraintes budgétaires, j'ai pris le parti d'un effort
important pour apurer ces dettes.
Les crédits de l'aide sociale de l'Etat pour les populations sans domicile
stable sont ajustés en hausse de 29 millions de francs et sont portés à 350
millions de francs. De même, la dotation de 807 millions de francs pour l'aide
médicale permettra d'apurer une part des dettes auprès des fournisseurs de
soins.
Le souci d'assainir les relations de l'Etat avec ses opérateurs associatifs
vaut également pour le dossier des objecteurs de conscience.
En ce qui concerne les personnes âgées, les crédits inscrits au budget de la
solidarité ne donnent qu'une faible idée de l'ampleur des responsabilités de
l'Etat.
Il faut cependant signaler que les 227 millions de francs de crédits du titre
VI affectés à l'humanisation des hospices permettent d'envisager enfin pour
1999 le terme du plan commencé en 1975.
Il est à craindre que la dépendance des personnes âgées augmente dans les
années à venir, même si l'espérance de vie sans invalidité s'allonge. Quoi
qu'il en soit, nos concitoyens ont le souci légitime de voir nos aînés
bénéficier des conditions de vie les meilleures possibles, et le plus longtemps
possible. C'est une affaire de solidarité entre les générations, au demeurant
créatrice d'emplois si nous savons solvabiliser les besoins. C'est aussi un
enjeu pour la confiance dans l'avenir et la cohésion sociale.
La prise en charge de la dépendance est un sujet majeur, qui doit être traité
à la lumière d'une conception claire des responsabilités de la collectivité par
rapport aux solidarités privées, et qui doit partir d'un bilan objectif des
dispositifs en place comme des réformes en cours.
Une première tâche consiste à évaluer la mise en place sur le terrain de la
prestation spécifique dépendance, tant à domicile qu'en établissement. C'est à
cette fin que j'ai installé mercredi dernier, comme je m'y étais engagée devant
vous, le comité national de la coordination gérontologique.
Je voudrais brièvement rappeler les grandes lignes de la réflexion du
Gouvernement sur ce sujet.
Vous le savez, la loi du 24 janvier 1997 doit, selon son texte même,
s'appliquer de manière provisoire. Elle a cependant le mérite d'exister et de
permettre le versement effectif d'une prestation dépendance, alors que
plusieurs projets précédents avaient avorté et que des expériences qui avaient
été menées n'avaient pas perduré.
Il faut laisser le temps nécessaire à une évaluation exhaustive et objective,
qui permette de justifier ou de corriger les inégalités de traitement sur le
territoire, dès lors qu'elles sont clairement discriminatoires.
S'agissant de la PSD - prestation spécifique dépendance - en établissement,
les différences de traitement, qui vont de un à dix aujourd'hui, devraient se
résoudre à la faveur de la réforme de la tarification qu'il nous faut
maintenant mettre en place.
J'ai rencontré les présidents de conseils généraux et leur ai fait savoir que,
d'ici à quinze jours, un projet de décret annonçant cette tarification serait
soumis à la concertation. Je leur ai également dit espérer que, dans les trois
mois à venir, chacun pourrait « rentrer dans les clous », c'est-à-dire à la
fois les départements qui ne font rien en attendant cette tarification, ceux
qui ont réalisé leur propre tarification - parfois, au détriment des personnes
âgées - et ceux qui - ils sont tout de même nombreux - appliquent aujourd'hui
la prestation spécifique dépendance dans de bonnes conditions.
Ces trois mois devraient donc nous permettre de répondre à beaucoup des
critiques qui sont actuellement adressées à la PSD en établissement.
Si tel n'était pas le cas, je prendrais mes responsabilités : à regret,
j'imposerais un tarif minimal national, ce qui serait malgré tout un peu
aberrant dans la mesure où nous sommes en train de mettre en place une réforme
structurelle qui doit entrer en application dans le courant de 1998.
En tout cas, il n'est pas normal qu'il y ait, aujourd'hui, une rupture
d'égalité entre les différents départements sur ce plan. Je serai donc très
attentive aux évolutions qui se feront jour dans les semaines qui viennent.
J'ajoute que l'augmentation du nombre de lits en cure médicale et en long
séjour est un élément majeur du dispositif.
En ce qui concerne les systèmes d'aide à domicile, l'obstacle principal est
l'incohérence des dispositifs qui se sont sédimentés au fil du temps :
aujourd'hui, certains bénéficient d'aides en nature, d'autres d'aides
financières sous forme d'exonérations de charges sociales ou de primes diverses
et variées, tout cela n'étant d'ailleurs pas lié à la qualité du service
offert, ni au niveau des besoins induits par la dépendance, ni au niveau des
ressources.
J'ai donc décidé, qu'il s'agisse des personnes âgées, des personnes
handicapées ou des jeunes enfants, de remettre à plat l'ensemble des aides à
domicile...
M. Lucien Neuwirth.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
...abordant ce sujet sous deux
aspects : la dépendance physique, qu'elle tienne à l'âge ou au handicap -
encore faut-il la mesurer individuellement, au plus près de la personne, de ses
problèmes de vie quotidienne - la dépendance financière, c'est-à-dire les
moyens de la personne concernée, mais aussi ceux de son entourage et de sa
famille. Je crois en effet qu'il n'est pas normal aujourd'hui que la
collectivité finance de la même manière une personne de plus de soixante-dix
ans, par exemple, en exonérant complètement des charges sociales une aide à
domicile, quelles que soient les ressources financières de cette personne.
Je veux souligner l'importance que revêt la mise en place de l'organisation
gérontologique moderne dont la loi de janvier 1997 a jeté les bases : une
organisation coordonnée entre les partenaires, fondée sur une planification
gérontologique et appuyée sur des équipes médico-sociales ; dans un certain
nombre de cas, cette organisation apporte déjà des résultats significatifs.
La rénovation de la loi de 1975 sur les institutions sociales et
médico-sociales, pour laquelle je compte présenter un projet au Parlement avant
l'été 1998, permettra de compléter la réforme des établissements accueillant
des personnes âgées, sans toucher aux principes de liberté et de souplesse
auxquels le secteur associatif est attaché.
Monsieur Chérioux, vous évoquez de nouveau la question de la régulation sous
enveloppe des dépenses des établissements sociaux et médico-sociaux. Je
n'entends nullement éluder cette question très importante, mais j'ai déjà
indiqué que c'est dans la réforme de la loi de 1975, qui interviendra, je
l'espère, dans le cours de l'année 1998, qu'elle trouvera le cadre le plus
approprié.
La deuxième priorité de ce budget est la lutte contre les exclusions.
La prévention de l'exclusion et la lutte contre celle-ci, sous toutes ses
formes, sont un impératif national.
Comme vous le savez, le Gouvernement tout entier, dix-huit ministres et
secrétaires d'Etat, prépare actuellement un grand programme de lutte contre les
exclusions, qui prendra corps dans un projet de loi, lequel sera sans doute
déposé au mois de février, et dans des textes complémentaires qui sont d'ores
et déjà préparés : celui qui a trait au droit à la justice est préparé par Mme
Guigou ; la réforme concernant l'endettement, par Mme Lebranchu ; l'assurance
maladie universelle, par M. Kouchner et moi-même.
L'architecture de la loi sera prête dans les deux ou trois prochaines
semaines, et le travail se poursuivra avec les associations et l'ensemble des
acteurs.
Je précise, à l'intention de ceux qui s'en sont inquiétés, que le texte sur
les exclusions sera tout à fait différent du projet de loi de cohésion sociale
qu'avait préparé le gouvernement précédent, qui définissait essentiellement des
principes et quelques modalités de suivi statistique des pauvres et des exclus.
Notre projet de loi sera bien un programme d'action de tout le Gouvernement,
chacun dans son domaine devant intégrer dans sa politique la lutte contre
l'exclusion, avec les lois lorsque c'est nécessaire et lorsque réforme il doit
y avoir - dans les domaines du logement et de la santé - mais aussi avec des
programmes d'action, par exemple dans le domaine de l'éducation - par
l'accroissement des moyens des zones d'éducation prioritaires, notamment - ou
dans celui de la culture, en particulier par l'accès des plus défavorisés à la
culture.
C'est donc bien l'ensemble du Gouvernement qui présentera un programme chiffré
s'étendant sur une période de deux ou trois ans et comprenant à la fois des
dispositifs législatifs mais aussi un programme financé sur plusieurs
années.
Est-il besoin de dire que la provision de 225 millions de francs n'est qu'un
premier élément de financement de ce grand programme de lutte contre
l'exclusion ?
Mme Gisèle Printz.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
En ce qui concerne le RMI, M.
Oudin souligne le caractère très relatif du ralentissement du rythme de
progression des dépenses, la dotation augmentant de plus de un milliard de
francs, soit 4,5 % de progression. Je lui en donne acte, tout en précisant que
je n'ai d'ailleurs jamais songé que l'augmentation du RMI puisse être un motif
de satisfaction !
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
En revanche, je ne pense pas
que votre assemblée accepterait de voir sous-doter ce chapitre, au risque de
devoir mobiliser des sommes importantes au collectif. Nous nous situons là dans
la limite de ce que nous prévoyons pour l'année prochaine.
La dotation de 25,3 milliards de francs est, à mon sens, ajustée aux besoins,
compte tenu de la revalorisation annuelle de l'allocation et de la hausse
prévisible du nombre d'allocataires.
Il n'en demeure pas moins qu'il faut tout faire pour prévenir l'entrée dans le
RMI, pour accélérer les sorties grâce à la mobilisation des dispositifs
d'insertion, pour accompagner les parcours d'insertion de façon à éviter le
retour ou l'installation dans le RMI.
Nous pouvons tous dire, comme l'a fait M. Chérioux, que « I » du RMI, le volet
insertion, n'est pas, aujourd'hui, à la hauteur des besoins. Voilà quinze
jours, j'ai eu un échange à ce sujet avec les présidents de conseils généraux
et je compte, dès la fin de la semaine prochaine, annoncer un certain nombre
d'actions : l'Etat prendra toutes ses responsabilités pour aider les conseils
généraux dans leur action d'insertion des RMistes.
J'attends des conseils généraux que, parallèlement - ils m'ont donné leur
accord, mais je souhaite qu'ils le confirment -, ils prennent un certain nombre
de décisions.
Il me paraît anormal qu'aujourd'hui près de 100 000 personnes touchent le RMI
depuis sa création, c'est-à-dire depuis 1989, sans que personne ait jugé utile
de les recevoir.
Par ailleurs, M. Chérioux a raison : trop de contrats d'insertion ne
comportent que des obligations mineures, comme la visite mensuelle ou
trimestrielle à l'ANPE ou le fait d'accompagner le matin les enfants à
l'école.
M. Lucien Neuwirth.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je pense que cela n'est digne
ni des personnes touchant le RMI ni de l'idée que nous nous faisons dans notre
pays d'une véritable insertion.
En ce qui me concerne, je compte prendre toutes les responsabilités qui
relèvent de l'Etat. J'espère que les conseils généraux feront de même pour ce
qui ressortit à leur compétence. Nous savons que, actuellement, beaucoup des
crédits d'insertion ne sont pas dépensés, à moins qu'ils ne le soient pour
payer, par exemple, du personnel d'aide sociale qui ne devrait pas être
rémunéré sur ce budget.
Nous devons travailler tous ensemble pour éviter cette assistance, qui ne
convient pas plus aux RMistes qu'à notre société tout entière.
Le deuxième élément clé de la lutte contre l'exclusion est constitué par les
centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS.
Le projet de budget pour 1998 prévoit le financement de 500 places
supplémentaires de CHRS, qui serviront à pérenniser des structures existantes,
créées pour l'accueil d'urgence. Il faut aussi noter la hausse des crédits de
rénovation de CHRS, portés à 30 millions de francs.
M. Chérioux regrette le « relâchement de l'effort en faveur de la création de
places ». La création de 500 places en 1998 contre 1 000 en 1997 doit être mise
en regard des efforts menés par ailleurs : je pense notamment à l'allocation de
logement temporaire, aux programmes de logements d'urgence ou d'insertion, aux
résidences sociales ou à l'expérience des « pensions de famille ».
Je travaille sur ces sujets avec M. Besson, secrétaire d'Etat au logement.
Lors de l'examen du projet de loi de lutte contre l'exclusion seront annoncés
des éléments très importants permettant de répondre effectivement à nombre des
problèmes que vous avez soulevés, en particulier en matière de qualité de la
vie quotidienne dans les CHRS.
L'extension des capacités en CHRS et en centres d'hébergement d'urgence
répondait notamment à la nécessité d'ouvrir les centres tout au long de
l'année, sans se limiter à l'accueil d'hiver.
S'agissant de l'accueil d'hiver, j'ai été amenée à dire que les efforts
réalisés depuis dix ans font que, aujourd'hui, le nombre de places - 30 000 -
est suffisant.
Il nous reste à travailler sur l'insertion, l'accueil et les conditions de vie
dans ces centres, c'est-à-dire sur les aspects plutôt qualitatifs.
Par ailleurs, vos rapporteurs se sont émus d'une baisse des crédits d'action
sociale en faveur de la lutte contre les exclusions, inscrits à l'article 70 du
chapitre 47-21.
En réalité, cette baisse de 24 millions de francs n'est qu'apparente. Elle
vient de ce qu'une partie des dépenses que cette dotation servait à financer
sont désormais prises en charge sur les crédits des CHRS, au chapitre 46-23. Il
n'y a donc pas, en fait, de réduction de ces crédits.
Enfin, la formation des professionnels du travail social est un élément de la
politique de prévention et de la lutte contre l'exclusion.
L'effort notable consacré au financement des 152 centres qui assurent la
formation initiale des travailleurs sociaux est le signe de la volonté
politique de développer le nombre et la qualification des professionnels dont
nous avons besoin, à côté des nombreux bénévoles du secteur.
Je ne saurais en terminer sans évoquer l'action en faveur des droits des
femmes.
Le conseil des ministres a procédé, récemment, à la nomination de la déléguée
aux droits des femmes. En dépit des progrès accomplis, l'égalité des droits
entre les femmes et les hommes n'est pas acquise, qu'il s'agisse de l'accès à
l'emploi, de la formation et, bien sûr, des salaires. Il est nécessaire de
porter et de promouvoir ces droits, avec l'appui de l'Etat, qui en est le
garant.
Je répondrai à Mme Dusseau que les 72 millions de francs sont consacrés au
soutien des initiatives et des mouvements qui s'emploient à défendre l'égalité
des droits, la parité dans la vie politique et la vie publique, ainsi que les
droits propres comme l'accès à la contraception et à l'IVG, mais ils concernent
aussi les lieux destinés, par exemple, aux femmes qui sont victimes de
violences conjuguales ou sexuelles. Nous savons tous que, aujourd'hui, la lutte
pour les droits des femmes passe aussi par le respect de la parité des hommes
et des femmes dans la vie publique comme dans la vie politique et par une
égalité de traitement dans les entreprises.
J'en arrive au problème des Français de l'étranger, qui a été soulevé à la
fois par MM. Cantegrit et Biarnès.
M. Cantegrit a rappelé que la caisse des Français de l'étranger représentait
un élément essentiel de la protection sociale des Français expatriés.
Les mesures engagées récemment par le conseil d'administration pour faciliter
l'inscription des nouveaux adhérents, en levant l'application de la règle de
paiement rétroactif des cotisations, m'apparaissent, à cet égard, positives,
bien que je partage sa préoccupation légitime d'assurer l'équilibre financier
de cet organisme.
A cet égard, M. Biarnès a raison de poser le problème du caractère restreint
de la caisse des Français de l'étranger lié, notamment, au coût élevé de la
protection sociale. Je sais qu'il a formulé un certain nombre de propositions
que j'étudie actuellement pour déterminer la façon dont nous pourrions élargir
la population concernée : nombre de personnes ne parviennent pas aujourd'hui,
il faut bien le dire, à payer des cotisations qui restent élevées et qui sont,
sans doute, plus facilement ouvertes à des salariés envoyés par de grandes
entreprises qu'à des personnes qui ont décidé, elles-mêmes, de s'expatrier dans
ces pays.
Il s'agit donc de l'un des sujets que nous sommes en train d'étudier, et je
remercie M. Biarnès pour ses propositions.
S'agissant du contrat d'adaptation-expatriation, le conseil d'administration
de la CFE a adopté une position favorable à l'égard de cette mesure et a
accepté le principe d'une ouverture gratuite des droits dans la limite de cinq
mille contrats.
Cette mesure serait financée sur ses excédents de gestion. Ce serait une bonne
chose. Toutefois, sa mise en place suppose au préalable la conclusion d'un
accord entre les partenaires sociaux, afin d'apporter à l'accord
interprofessionnel de 1991 sur la formation professionnelle les modifications
nécessaires.
Jusqu'à présent les négociations n'ont pas pu aboutir en raison d'un désaccord
entre les organisations patronales et syndicales sur les conditions
d'application des conventions collectives de branches, qui prévoient des
clauses particulières pour les périodes d'activité exercées à l'étranger.
Il me paraît aujourd'hui difficile d'aller au-delà de ce blocage, d'autant que
ce type de mesure ne relève pas directement des attributions du Gouvernement.
En tout cas, je suis attentive à ce problème dans son entier.
Cet ensemble extrêmement vaste d'interventions de l'Etat nécessite
d'importants moyens humains et matériels de l'administration. Les mesures
essentielles concernent le personnel. Elles répondent à deux préoccupations,
comme pour le ministère du travail : renforcer l'encadrement de
l'administration et assurer, dans les meilleures conditions, la résorption de
l'emploi précaire. C'est ce à quoi nous essayons de parvenir, notamment en
réintégrant des vacataires qui gèrent aujourd'hui le RMI.
Je laisse à Bernard Kouchner le soin de vous présenter le domaine de la santé
et de vous indiquer la politique hospitalière que nous entendons mener :
celle-ci nous impose, il faut bien le dire, de mettre en place un certain
nombre d'outils qui n'existaient pas véritablement et de prendre l'ensemble de
nos responsabilités politiques.
Bernard Kouchner et moi-même considérons que ce n'est pas à des
fonctionnaires, aussi talentueux soient-ils, de décider de la fermeture ou de
l'évolution de services ou d'hôpitaux dans notre pays.
Nous savons, l'un comme l'autre, que l'hôpital est un lieu essentiel où l'on
naît, ou l'on est soigné, parfois où l'on meurt, un lieu important en matière
d'emplois pour de nombreuses communes, un lieu d'aménagement du territoire.
Nous sommes prêts, Bernard Kouchner vous le dira, à prendre toutes nos
responsabilités politiques pour régler ce problème, non seulement avec les
professionnels de la santé mais également avec les élus et en en débattant avec
nos concitoyens. C'est ainsi que l'hôpital évoluera, et non pas en l'étranglant
par le haut et de manière comptable. Nous en sommes tous convaincus, me
semble-t-il, et j'espère que, l'année prochaine, nous obtiendrons déjà quelques
résultats.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Monsieur le président, messieurs les
rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la part du budget de l'Etat
consacrée à la santé publique est en hausse de 10,4 %, comme nombre d'entre
vous l'ont souligné, parfois pour s'en plaindre, et atteint donc 3,6 milliards
de francs dans le projet de loi de finances pour 1998 que vous examinez
aujourd'hui. Cet effort traduit l'engagement du Gouvernement de mettre en
oeuvre une politique ambitieuse de santé publique.
Certains d'entre vous ont signalé que ces crédits représentaient moins de 0,25
% du budget de l'Etat et ne pouvaient, de la sorte, répondre aux attentes de
nos concitoyens. Toutefois, il convient de rappeler que les dépenses relatives
à la santé sont bien plus importantes que ce seul budget, et nous nous sommes
attachés à assurer une cohérence, ce qui n'a pas toujours été facile, entre les
dépenses du budget de l'Etat et celles de l'assurance maladie.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, pour la santé, nous a fait remarquer
que, hors agences, le budget s'élevait à 1,44 %. Mais ces agences constituent
le bras armé du ministère, monsieur le rapporteur pour avis ! On ne peut les en
éloigner. En particulier, ce sont ces agences qui construisent les lignes de
force que vous avez vous-même soulignées : la sécurité sanitaire, l'équilibre
et la modernisation des hôpitaux, le service du malade.
Plusieurs chapitres traduisent plus particulièrement les actions prioritaires
en 1998.
La première priorité, c'est, madame Dusseau, monsieur Boyer, monsieur Autain,
la sécurité sanitaire.
La mise en place de l'agence de sécurité sanitaire et de l'institut de veille
sanitaire ainsi que la montée en charge de l'agence nationale d'accréditation
et d'évaluation en santé se traduisent par une augmentation très importante du
chapitre 36-81 : les crédits passent de 194 millions de francs à 434 millions
de francs, même si, certains de ces dispositifs étant tout à fait neufs, nous
ne pouvons pas, pour le moment, juger de leur action.
La réduction des autres crédits d'Etat consacrés à la veille sanitaire, sur
laquelle M. Louis Boyer a mis l'accent, est donc à relativiser fortement :
d'une part, le réseau national de santé publique voit ses activités de
surveillance épidémiologique du sida consolidées par un transfert de crédits de
5,2 millions de francs ; d'autre part, une partie de la provision de 80
millions de francs inscrits pour la réforme de la sécurité sanitaire dans la
proposition de loi sénatoriale, si j'ose dire, ou issus de celle-ci, se verra
directement affectée à l'institut de veille sanitaire.
Dans ces conditions, la stabilisation des crédits d'Etat est plus que
compensée par le renforcement opérationnel d'une structure spécialisée, qui
sera d'ailleurs sans doute conduite à bénéficier d'autres transferts de crédits
d'Etat.
En tout état de cause, les réductions de crédits sur les articles 11 et 12 du
chapitre 47-12 ne remettront pas en cause l'action de la direction générale de
la santé, ni celle des services déconcentrés. En effet, ces réductions sont
programmées et porteront essentiellement sur un volant de crédits non
reconductibles qui étaient consacrés à diverses études et enquêtes.
Enfin, j'observe que, tout en reprochant au Gouvernement de diminuer les
dépenses consacrées à la veille sanitaire, ce qui est, je le répète, inexact,
certains d'entre vous proposent de réduire les crédits inscrits au titre III à
hauteur de 80 millions de francs.
Naturellement, nous nous interrogeons, Martine Aubry et moi-même, sur la
logique de cet amendement...
M. François Autain.
Quelle logique !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Si les crédits vous paraissent insuffisants, pourquoi
vouloir encore les diminuer ?
(Rires sur les travées socialistes.)
Pardonnez-moi, mais je ne comprends pas la logique de cette proposition.
M. François Autain.
Ce ne sont pas les mêmes !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Ce ne sont pas les mêmes sénateurs ou ce ne sont pas
les mêmes crédits ?
(Sourires.)
M. François Autain.
Ce ne sont pas les mêmes crédits, bien entendu !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Pourquoi, en outre, compromettre la mise en place des
agences de sécurité sanitaire en supprimant les mesures nouvelles du titre III
?
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Il faut d'abord faire
voter l'Assemblée nationale sur ces agences. Pour l'instant, elle n'a encore
rien voté !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Très volontiers, mais comme je m'adresse au Sénat, je
me permets de formuler ces remarques.
Il y a donc là une petite contradiction, monsieur Louis Boyer !
La deuxième priorité concerne la santé publique, la prévention et la réduction
des risques.
Madame Borvo, vous avez abordé les problèmes de santé publique, en soulignant,
en particulier, la nécessité d'avancer dans notre action contre le saturnisme
et le sida. Vous avez noté que nous avons annoncé, voilà quelques jours, avec
mon collègue Louis Besson, un plan d'action contre le saturnisme.
C'est à Aubervilliers que nous avons présenté ce plan, ce pour une raison très
simple : dans cette ville, non seulement les atteintes par le saturnisme sont
trop nombreuses, mais la politique de la municipalité est tout à fait
déterminante, et nous l'avons saluée.
En résumé, pour répondre à votre préoccupation, madame Borvo, nous avons
proposé, d'abord, un dépistage remboursé à 100 %. Une circulaire a été adressée
au préfet, qui lui commande d'agir pour faire en sorte, comme le demande mon
collègue Louis Besson, que les propriétaires soient chargés de ce dépistage. La
déclaration du saturnisme est, je le répète, devenue obligatoire.
Nous avons fourni un document de l'Agence nationale de santé publique qui
portait sur 13 400 enfants, dont 240 se trouvaient dans un état très
préoccupant.
Par conséquent, s'agissant du saturnisme, madame Borvo, nous sommes très
déterminés et nous commençons à agir.
En ce qui concerne le sida et la toxicomanie, le développement de la réduction
des risques, que j'avais engagé en 1992, a conduit, au cours de ces dernières
années, d'abord, à une amélioration de l'accès aux soins, notamment en matière
de prise en charge du sida, ensuite, à une réduction du nombre de décès par
overdose, enfin, à une diminution du taux de contamination par le virus de
l'immunodéficience humaine, VIH chez les injecteurs de drogue.
Je reviendrai tout à l'heure sur la politique que nous menons en matière de
toxicomanie.
Sans vouloir prolonger le débat, je citerai, à propos du sida, les chiffres
qui nous ont été présentés par M. Peter Piot et qui sont très préoccupants :
ils autorisent un espoir dans notre pays, mais un grand désespoir dans
l'ensemble du reste du monde, puisque trente millions de sidéens sont
actuellement dénombrés et que quarante millions le seront avant la fin du
siècle.
Pour résumer ma pensée, je dirai qu'il existe beaucoup d'espoir dans la
thérapie en France et aucun espoir dans le reste du monde, ce qui est
proprement insupportable. Si nous ne faisons rien, cela équivaut à condamner à
mort entre trente millions et quarante millions d'individus, dont au moins un
million d'enfants. Je rappelle que neuf millions d'enfants sont déjà
orphelins.
J'ai donc proposé - j'espère que le président Chirac interviendra dans ce sens
au sommet d'Abidjan la semaine prochaine - que nous travaillions avec l'Europe,
qui en a accepté le principe, à la constitution d'un fonds de solidarité
thérapeutique. Pour alimenter ce fonds, je souhaite qu'une contribution soit
instituée, aussi minime soit-elle, dans les pays riches - elle serait faible
pour les pays pauvres. Participeraient à ce fonds les laboratoires de produits
pharmaceutiques, toutes les agences internationales des Nations unies, le Fonds
monétaire international et la Banque mondiale. Ce fonds pourrait également être
alimenté par une taxation sur les mouvements de capitaux, infime mais
suffisante.
Ainsi pourrait être pris en charge au moins le minimum de ce qui peut être
proposé là-bas en matière thérapeutique et qui est très efficace chez nous.
Pardonnez-moi d'être aussi rapide sur ce sujet, mais je tenais à apporter ces
précisions devant la Haute Assemblée.
A Mme Dusseau, je dirai que je partage ses préoccupations en matière de
recherche et que les efforts à poursuivre en matière de prévention sont
importants, c'est vrai, malgré les réels progrès réalisés en matière de
traitement : de 40 % à 50 % de mortalité en moins chez nous, entre 1996 et
1997.
J'indiquerai également à Mme Dusseau que sa préoccupation en matière d'autisme
est tout à fait légitime. Il existe, vous le savez, des schémas régionaux
pluriannuels sur l'autisme de 1996 à l'an 2000. Le bilan à mi-parcours montre
que 1 170 places nouvelles adaptées ont été créées en moins de trois ans. Il
faut poursuivre l'effort et le faire porter sur les formations initiale et
continue des professionnels médico-sociaux, qui font souvent défaut.
Un échantillon suffisant d'établissements volontaires devra être expérimenté,
afin de procéder à une évaluation des diverses prises en charge à partir des
grilles d'évaluation. Nous mesurerons cette évolution. Il faut s'attacher -
vous l'avez souligné à juste titre - à combler le retard important pris par
notre pays face à cette affection.
En ce qui concerne les modalités pratiques de la prise en charge, n'oublions
pas, à propos des virus, le problème majeur de la contamination par le virus et
l'hépatite C. Je ne m'étends pas sur ce sujet, mais il est tout à fait
essentiel. Il nous incitera à accomplir des efforts en matière d'indemnisation,
de responsabilisation et de dépistage.
Nous avons décidé - cela fait également partie de notre programme de santé
publique - d'ouvrir les consultations anonymes et gratuites pour le sida et
l'hépatite C. Il s'agit d'une première étape, sans doute insuffisante. Nous
devons cibler sur ce que l'on appelle, hélas ! les groupes à risques car, pour
le moment, il est très difficile de lancer à travers un pays comptant quelque
58 millions d'habitants une étude complète qui déterminerait les 600 000
porteurs potentiels de l'hépatite C, les 450 000 qui sont porteurs du virus
sans le savoir. Mais c'est une préoccupation essentielle de notre département
ministériel.
Je souhaite également faire évoluer le dispositif de réduction des risques,
évidemment en matière de substitution ; en l'occurrence, je parle à nouveau de
la préoccupation exprimée par plusieurs d'entre vous en ce qui concerne la
toxicomanie. On aura tout de même salué la progression des financements de la
MILT, la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie, puisque les
crédits sont passés de 230 millions de francs à 294 millions de francs, soit
une augmentation de 28 %.
En réponse à l'intervention de Mme Joëlle Dusseau, je souhaite aussi aborder
le problème de la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, problème qui a été
également évoqué par M. Habert.
Les crédits consacrés à la lutte contre le tabagisme dans le projet de loi de
finances sont stabilisés, mais l'action publique, au sens large, est beaucoup
plus importante que ne le laissent apparaître les seules masses financières
mobilisées par l'Etat.
Je tiens d'abord à rappeler que le Gouvernement a prévu, parmi les recettes du
projet de loi de finances, d'inscrire une augmentation de la part versée à
l'assurance maladie sur le droit de consommation des tabacs et que je me suis
engagé à en affecter une partie au Fonds national de prévention, qui sera porté
de 20 millions de francs à 50 millions de francs.
Ces crédits viendront renforcer ceux qui sont déjà versés par ce même fonds au
Comité français d'éducation pour la santé ; n'oublions pas non plus les comités
départementaux et régionaux et les nouvelles possibilités données aux régions
de se mobiliser sur ce thème à travers les programmes régionaux de santé.
Par ailleurs, chacun sait que, en ce domaine, l'augmentation des prix est
dissuasive, et de nombreuses études ont prouvé qu'à une élévation du prix du
tabac correspond une baisse sensible de la consommation.
Nous n'oublions pas non plus, Mme Martine Aubry et moi-même, les actions
indispensables à l'égard de la jeunesse et de ses modes particuliers de
consommation tabagique : le tabac à rouler devrait ainsi faire l'objet d'une
augmentation du minimum de perception de plus de 50 %.
Enfin, comme M. Autain l'a souhaité, les relations de l'Etat avec le Centre
national de lutte contre le tabagisme sont clairement encadrées et la
subvention qui est versée à cette association est assortie, chaque année, d'une
convention et de rapports d'activité détaillés. Toutefois, nous avons demandé,
dès le mois dernier, à l'inspection générale des affaires sociales un rapport
sur le Centre national de lutte contre le tabagisme et, au vu de ce rapport,
nous verrons s'il y a lieu de modifier les relations entre l'Etat et cette
association.
En ce qui concerne la lutte contre l'alcoolisme, je rappelle que l'alcool a
été retenu comme premier déterminant de santé par dix-neuf conférences
régionales de santé pour 1997.
Il s'agit en effet, pour nous, d'une préoccupation constante, puisque l'alcool
est directement responsable d'au moins 40 000 décès par an dans notre pays. Si
la consommation de vin diminue régulièrement depuis trente-cinq ans,
puisqu'elle est passée de 127 litres à 63 litres par an et par habitant - ce
qui reste pas mal - la consommation de bière diminue très peu et celle des
alcools forts reste stable, avec 2,5 litres d'alcool pur par an et par
habitant.
Aussi, des actions de lutte contre l'alcoolisme seront conduites à travers des
programmes régionaux de promotion de la santé. En outre, l'année 1998 verra la
révision du statut et du mode de fonctionnement des centres d'hygiène
alimentaire et d'alcoologie.
Enfin, une mesure nouvelle de 2,3 millions de francs a été dégagée pour
renforcer les actions de promotion du travail en réseau qui, sur ce sujet comme
sur bien d'autres, sont particulièrement efficaces et novatrices.
J'en viens à la troisième et dernière priorité : adapter les hôpitaux aux
besoins des populations, monsieur Gérard Larcher.
L'objectif du Gouvernement est bien de favoriser une recomposition du tissu
hospitalier dans une logique de meilleure réponse aux besoins de la population,
mais aussi de plus grande efficience du système hospitalier. Le redéploiement
de moyens entre régions et entre établissements - vous savez très bien de quoi
je parle - dans une perspective de réduction des inégalités, sera donc
poursuivi pour la campagne budgétaire 1998. Mme Borvo nous dit qu'il faudrait
plus que 2,2 %, mais comme on nous dit par ailleurs que c'est beaucoup trop,
permettez-moi de ne plus savoir et de me demander, avec un peu de prétention,
si, finalement, ce taux n'est pas assez équilibré.
Il est également nécessaire de disposer de leviers d'action forts pour
catalyser un mouvement qui a des effets rapides sur le tissu hospitalier. Vous
connaissez, monsieur Gérard Larcher, la nécessité de réformer, de restructurer,
de transformer parfois des services entiers de certains établissements
hospitaliers.
C'est pourquoi nous proposons la création, dans le budget, d'un fond d'aide à
la modernisation hospitalière, qui s'articule avec le fonds d'accompagnement
social prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
1998. L'articulation entre ces deux mesures permettra en complémentarité à la
fois la formation des personnels et la restructuration des établissements.
Les agences régionales de l'hospitalisation instruiront et évalueront les
projets. Elles devront prendre en compte la situation financière, économique et
patrimoniale des établissements, ce qui signifie que ceux-ci devront d'abord
mobiliser leurs propres ressources.
Toutes les activités cliniques et médico-techniques seront éligibles - c'est
très clair, monsieur Gérard Larcher - y compris, par exemple, la reconversion
des services de soins vers le long séjour ou le secteur médico-social.
Bien sûr, ce fonds n'est que de 500 millions de francs, mais, compte tenu des
effets de levier, ce sont entre 1 milliard de francs et 2,5 milliards de francs
d'investissement qui pourraient être dégagés en une année, ce qui devient
raisonnable. Il devrait être concentré sur un nombre volontairement réduit
d'activités, et non pas être saupoudré sur l'ensemble du pays, ce qui n'aurait
plus aucune signification.
Cet effort pourra bénéficier non seulement à des opérations impliquant les
seuls établissements publics, mais également à des opérations associant le
secteur public et les cliniques privées. Vous connaissez l'exemple que j'aime à
citer, celui de Lillebonne, où les choses sont en place pour le moment dans un
bon esprit, et j'espère que les activités s'y développeront malgré la disparité
des statuts. Le montant de 500 millions de francs en autorisations de programme
et de 150 millions de francs en crédits de paiement est, selon nous,
significatif pour une première année. Il sera bien sûr rendu compte des
modalités d'utilisation de ces crédits au Parlement.
S'agissant des praticiens hospitaliers, je partage entièrement votre
sentiment, monsieur Louis Boyer, En effet, leur statut est difficile. Il faut y
revenir. Il s'agit d'une restructuration profonde, qui met en balance un
certain nombre de statuts, le secteur privé et les CHU. Il faut être très
vigilant. Je suis tout à fait disposé, avec nos collègues du ministère de
l'éducation nationale, à revoir tout cela, car qui dit statut dit formation
initiale et nécessairement formation continue.
En ce qui concerne les praticiens que nous devons recruter dans l'urgence pour
faire face aux difficultés que connaissent certaines disciplines, nous venons
de charger le professeur Nicolas, rapporteur général auprès du Haut comité de
santé publique, de coordonner une étude prospective sur la démographie médicale
en anesthésie, en gynécologie-obstétrique, en radiologie et en psychiatrie. En
effet, dans ces quatre spécialités, des centaines de praticiens hospitaliers
font cruellement défaut et on ne peut faire fonctionner les établissements sans
eux.
La mission consiste à proposer des mesures à court et moyen termes pour
permettre une adéquation entre le nombre des spécialistes dans ces disciplines
et les besoins de la population. Les propositions sont attendues pour la fin de
l'année 1997, c'est-à-dire dans un mois, ou au tout début de 1998.
Par ailleurs, des travaux sont en cours pour améliorer l'attractivité des
postes ou des disciplines actuellement moins recherchés. Nous étudions la mise
en place de zones de sécurité sanitaires où l'on pourra proposer des primes à
des praticiens qui, jusqu'à présent, n'ont pas l'intention de s'y risquer, ce
qui représente un coût considérable pour le budget hospitalier. En effet, un
certain nombre de directeurs d'hôpitaux sont obligés de payer à la semaine les
anesthésistes qui manquent, ce qui revient très cher.
M. Louis Boyer,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la
santé.
Quatre mille francs par jour !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Exactement, monsieur le rapporteur pour avis,
c'est-à-dire entre deux millions et trois millions de francs par an.
Nous savons, en effet, que si une réforme en profondeur des études de médecine
est nécessaire, celle-ci ne portera ses effets que dans une dizaine d'années et
que, d'ici là, des mesures doivent être prises, notamment pour renforcer la
présence médicale dans les hôpitaux généraux. Nous devons absolument trouver un
système permettant d'avoir le nombre de praticiens correspondant aux besoins de
santé publique, sinon nous ne nous en sortirons pas.
Je rappelle, enfin, à l'intention de M. Oudin, que l'organisation du dépistage
du cancer du sein et du cancer du col de l'utérus, couvrant tout le territoire
national d'ici à l'an 2000, est prévue. Une réflexion pour sa mise en place
effective est actuellement menée par les services du ministère avec l'assurance
maladie. En effet, l'assurance de qualité de toute la chaîne de dépistage doit
être garantie : formation, qualité des examens - on sait que 30 % des examens
de recherche du cancer du col de l'utérus étaient impossibles à interpréter -
suivi des examens anormaux, recueil des indicateurs et évaluation des
programmes.
La stratégie vise à court terme non seulement l'offre d'un dépistage de
qualité pour toute la population qui participe au programme, mais aussi et
surtout la garantie d'une offre de soins de qualité sur toute la chaîne de
soins.
M. Neuwirth nous a interrogés sur notre programme de lutte contre la douleur.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, d'insister sur le traitement de la
douleur post-opératoire et des douleurs associées au cancer ou au sida. Vous
avez surtout raison, monsieur le sénateur, comme vous le faites depuis de
nombreuses années - et nous vous en remercions - de faire évoluer, ou de tenter
de faire évoluer le corps médical, ce qui est bien difficile.
C'est un drôle de phénomène culturel, comme on dit, une espèce de facilité -
certains y voient même une sorte de goût du pouvoir - que de déterminer
soi-même - c'est le praticien lui-même qui décide, et non le patient - le
moment où on traite la douleur avec suffisamment d'efficacité pour la faire
disparaître.
Pour avoir un peu étudié le phénomène - certes moins que vous, monsieur
Neuwirth - je refuse d'entendre dire qu'il s'agit d'une activité culturelle
judéo-chrétienne. Voyez l'Italie et l'Espagne, pays très proches de l'Eglise,
on y traite pourtant la douleur depuis beaucoup plus longtemps et avec une plus
grande efficacité que chez nous. Je partage donc entièrement votre souci.
La demande d'accréditation sera une réponse. Elle sera conditionnée par
l'effort fait sur la douleur. Oui, dans notre plan, les antalgiques forts -
puisque vous avez posé des questions précises - seront plus facilement
accessibles.
Nous menons, avec le conseil de l'Ordre, une grande étude sur la disparition
du carnet à souches. Si nous y parvenons, ce sera une facilité essentielle car,
quand on cherche le carnet à souches dans un service hospitalier, il n'est pas
là, et quand un praticien en a besoin, il ne le trouve pas. Mais je ne vous
garantis pas que nous y parviendrons, monsieur le sénateur.
Quant aux postes de praticiens hospitaliers, nous en fournirons dès que des
services seront accrédités.
Et puis, le réseau, mille fois le réseau, parce que, comme vous, monsieur le
sénateur - et vous êtes d'ailleurs invité au prochain groupe anti-douleur, qui
le déterminera - nous ne souhaitons pas que seuls les hôpitaux prennent en
charge la douleur dans notre pays. Nous désirons que le réseau, avec les
généralistes, à partir ou à côté de l'hôpital, puisse aller traiter toutes les
douleurs jusqu'aux endroits les plus reculés de notre pays. Si nous ne
parvenons qu'à cela, nous aurons fait un petit travail, une petite avancée. Je
crois d'ailleurs que les choses évoluent légèrement.
Les soins palliatifs, monsieur le sénateur, relève de la même préoccupation.
C'est encore plus difficile d'être pris en charge à ce titre chez soi qu'à
l'hôpital. Nous essayons avec des réseaux, à partir de l'hôpital, de les mettre
en place.
Je rappelle que le plan d'action prévoit, notamment, des actions d'information
et de formation des praticiens. Les actions en direction du grand public seront
financées - vous m'avez posé la question - sur les crédits du chapitre 47-11,
article 61.
Ce sont principalement les budgets hospitaliers qui seront mobilisés à partir
des engagements des projets d'établissements et des contrats d'objectifs et de
moyens.
Les crédits de la formation médicale continue seront également mobilisés, et
la formation contre la douleur a été inscrite comme priorité pour l'année
1998.
Si je suis un peu long sur ce point, c'est que je partage votre sentiment. La
détermination de Mme Aubry et de moi-même est grande et, je l'espère, aussi
grande que la vôtre.
Enfin, nous avons engagé des études pour que les ordonnances soient sécurisées
et normalisées, sinon nous ne pourrons pas faire disparaître le carnet à
souches.
M. Chérioux souhaitait savoir combien de malades du sida bénéficient de
l'allocation aux adultes handicapés. Le système d'information actuel ne permet
pas de déterminer le nombre de bénéficiaires de cette allocation, d'autant que
le secret professionnel s'oppose à un tel décompte. En revanche, je l'ai dit,
nous travaillons sur la déclaration obligatoire de la séropositivité. Nous en
sommes à la consultation des associations, de l'Académie de médecine, du
conseil national du sida et de la CNIL, la Commission nationale de
l'informatique et des libertés. La décision pourra sans doute être prise d'ici
à quinze jours ou trois semaines, mais rien ne sera fait sans une
confidentialité absolue. Puisqu'il existe des traitements précoces et puisque
le dépistage peut avoir lieu précocément, il est nécessaire de prendre en
compte - et non en charge - du point de vue épidémiologique, la
séropositivité.
M. Othily a posé des questions fondamentales sur le paludisme en Guyane. Je
sais quel est l'état des structures dans ce département d'outre-mer pour
l'avoir visité plusieurs fois. Les problèmes de délabrement, de pénurie en
matériel et en personnels de certains centres isolés sont tout à fait navrants.
Ces centres relèvent actuellement de la compétence du conseil général, mais
celui-ci n'est plus en mesure d'assurer leur fonctionnement partout. Les
derniers rapports de la DDASS font état d'une situation particulièrement grave
en matière de soins curatifs : dégradation matérielle, manque de personnel,
voire problèmes d'approvisionnement en médicaments.
Dans l'attente d'une mission de l'inspection générale des affaires sociales,
l'IGAS, prévue pour décembre - les deux inspecteurs doivent arriver entre le 10
et le 20 décembre - il a été envisagé, lors de la réunion qui s'est tenue le 29
octobre 1997 au ministère des départements et territoires d'outre-mer, en
présence de M. Cadenet, conseiller technique au cabinet, de la délégation des
maires du Maroni et du sous-préfet de Guyane, de demander des crédits
exceptionnels qui pourraient éventuellement être gérés par la DDASS, afin de
parer au plus pressé pendant quelques mois : remplacement des équipements de
base, approvisionnement, recrutement et rémunération du personnel.
Quant à la la lutte contre le paludisme, depuis la loi de décentralisation,
elle est de la compétence du conseil général pour ce qui est de la
désinfection. L'Etat finance la lutte antivectorielle, à hauteur de 3,2
millions de francs, et la surveillance des moustiques, à hauteur de 1,2 million
de francs.
S'agissant de la lutte elle-même, le comité de pilotage de lutte contre le
paludisme, présidé par le professeur Gentilini, doit se réunir avant la fin de
l'année. Il ne reste donc pas beaucoup de temps !
L'avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France va être demandé. En
effet, les schémas thérapeutiques ne sont pas simples à déterminer. Il existe
des souches chloroquinorésistantes à distance de la côte, et le recours massif
au lariam ou à l'alfan risque de favoriser l'émergence des résistances. Tel est
le problème. A partir de cet avis, nous prendrons les dispositions nécessaires
pour favoriser l'accès des populations aux traitements.
Enfin, l'Institut français de recherche scientifique pour le développement en
coopération, l'ORSTOM, va entreprendre, en 1998, un audit des techniques de
lutte antivectorielle et la cellule interrégionale d'épidémiologie va renforcer
la surveillance épidémiologique du paludisme.
S'agissant du Conseil national contre le cancer, M. Oudin a posé une question
tout à fait intéressante. Ce conseil a effectivement travaillé et il a remis
plusieurs rapports au précédent gouvernement. Cette année, la conférence
nationale de la santé a repris plusieurs de ses recommandations dans son
rapport.
J'ai rencontré, il y a quelques jours, le professeur Philippe, membre de ce
conseil national et, par ailleurs, président de la fédération nationale des
centres de lutte contre le cancer.
En fait, nous sommes là - c'est la raison pour laquelle je terminerai par
votre question, monsieur Larcher - devant le problème de l'harmonisation
hospitalière.
Il y a, d'un côté, des centres nationaux de lutte contre le cancer, qui
marchent très bien et qui prennent en charge une immense part de la
radiothérapie et de la thérapeutique, et, de l'autre côté, des CHU, qui
prennent en charge exactement 15 % de la cancérologie par organe : poumons,
foie, etc.
Alors, que faire de tout cela ? Lorsque, en dehors des quatre villes que sont
Paris, Lyon, Marseille et Bordeaux, le centre de lutte contre le cancer peut
venir à l'intérieur de l'établissement hospitalier, nous sommes contents.
Seulement, ce n'est pas toujours le cas. Les personnels sont différents, les
dépenses sont différentes, les budgets sont différents, car ces centres, créés
par le général de Gaulle, datent de la fin de la guerre.
Nous sommes donc devant deux cultures qui devraient se compléter et qui
s'opposent. Je suis frappé par cette symbolique, car c'est autour du cancer et
autour du besoin du malade cancéreux que l'on devrait tout organiser, et c'est
cela qui me permet, grâce à M. Oudin, de répondre à M. Larcher.
En somme, ne devrait-on pas aller beaucoup plus loin, monsieur Larcher ? Je
rejoins tout ce que vous avez dit et j'apprécie, vous le savez, les efforts que
vous déployez en faveur du rapprochement des deux établissements de Dourdan et
de Rambouillet, qui ne sont pas dans le même département, mais que l'on essaie
de mettre ensemble et d'harmoniser.
Indépendamment de tout ce qui a été fait, de la nécessité de maîtriser les
dépenses, ne pensez-vous pas que ce serait une révolution au moins conceptuelle
si, au lieu de travailler sur les structures existantes, sur les personnels
médicaux existants, on travaillait par bassin sanitaire - les deux
établissements sont dans le même bassin sanitaire - en fonction des besoins des
malades ?
Et si l'on demandait aux personnels médicaux - pour les structures, c'est plus
difficile, il faudra du temps ! - de bouger un peu plus !
Il y a déjà des propositions formidables. Dans une région de France,
l'ensemble des anesthésistes vont se mettre à la disposition de toute la région
pour les gardes de nuit et de week-end. On ne raisonne pas en fonction d'un
établissement ou d'un autre ; on va prendre en charge les besoins sanitaires
des malades.
Je le sais, c'est très difficile. Dans un premier temps, les personnels
médicaux ne seront pas d'accord.
Monsieur Gérard Larcher, vous avez posé sur un ton que j'apprécie, que nous
apprécions tous, me semble-t-il, ici, la question fondamentale. Ce n'est pas
l'argent qui compte.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Tout de même !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
L'argent, finalement, on peut le maîtriser. Ce qui
compte, ce sont les besoins des malades.
Je sais que M. le rapporteur spécial estime que j'exagère, mais je l'assure
que, si nous harmonisons,...
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Il est un ministre qui disait qu'elle n'était pas le
ministre des comptes. On voit où cela a mené !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je vous assure, monsieur le rapporteur spécial, que,
pour bien compter, il faut savoir satisfaire les besoins. Si les besoins des
populations sont satisfaits, nous aurons avec les élus, avec les syndicats et
avec le personnel un dialogue différent qui nous permettra de maîtriser les
dépenses sans léser qui que ce soit.
A Strasbourg, où se mettaient en place des hôpitaux universitaires en plein
centre de la ville, je me suis trouvé face à une manifestation du personnel de
l'hôpital de Bitche, avec des petites pancartes. C'était extrêmement difficile
à supporter. J'ai tenu à faire un discours pour les deux. Je leur ai dit qu'il
fallait que les uns et les autres se prennent en charge, que les plus gros
établissements aillent vers les petits et que les petits s'ouvrent aux grands,
afin que la symbiose se fasse.
Le lendemain, à Aix-en-Provence, où un hôpital absolument merveilleux sort de
terre et où il y avait également une petite manifestation du personnel de
l'hôpital de Pertuis, cette fois, j'ai dit la même chose.
M. Gérard Larcher l'a dit, mais vous le savez tous, c'est en fonction des
besoins du malade, autour des besoins du malade, dans une région donnée, sur la
trajectoire du patient, qu'il faut, je crois, harmoniser les structures -
encore une fois, ce sera dur - mais peut-être aussi la demande médicale et
l'offre médicale.
(Applaudissements.)
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la santé et la solidarité
inscrits à la ligne « Santé, solidarité et ville » seront mis aux voix
aujourd'hui même, à la suite de l'examen des crédits affectés à la ville et à
l'intégration.
Mais je suis saisi d'amendements sur les titres III et IV.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III, moins 33 075 171 francs. »
Par amendement n° II-26 rectifié, M. Oudin, au nom de la commission des
finances, propose de réduire les crédits du titre III de 80 000 000 francs.
En conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à moins 113 075 171
francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Comme cela a été le cas pour tous les budgets que
nous avons examinés jusqu'à présent et comme ce sera encore le cas pour les
budgets que nous aurons à examiner, la commission des finances, dans le cadre
du nouveau projet de budget qu'elle a élaboré, propose de réduire les crédits
figurant au titre III, sachant que la procédure budgétaire ne nous permet que
de toucher aux mesures nouvelles et non pas aux mesures votées.
Cette réduction des crédits, de 80 millions de francs, on l'espère, serait
répartie sur chacun des chapitres composant le titre.
Afin de permettre de mieux situer l'importance de la réduction, ces 80
millions de francs doivent être rapprochés du montant total qui est de 5,572
milliards de francs.
Pour que vous puissiez mesurer autrement l'effort d'économie demandé, mes
chers collègues, je peux simplement indiquer que les dépenses de personnels du
budget de la santé et de la solidarité sont en progrès de 132 millions de
francs pour 1998.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président, il me
semble inutile de revenir sur des réponses que j'ai faites tout à l'heure. Pour
les mêmes raisons, je m'oppose à des amendements qui visent à réduire des
crédits dont j'ai essayé, avec M. Kouchner, de démontrer combien ils sont
aujourd'hui utiles.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-26 rectifié.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la logique
dans laquelle s'est enfermée la commission des finances de notre Haute
Assemblée n'est pas sans comporter désormais des aspects pour le moins
contradictoires.
Cet amendement que nous sommes amenés à examiner, comme d'autres portant sur
la seconde partie du présent projet de loi de finances, conserve en effet les
caractéristiques apparentes d'une simple disposition comptable, permettant
d'accorder le déficit budgétaire à la réduction des recettes votées par la
majorité sénatoriale en première partie.
Il convient donc de s'interroger sur les dépenses du titre III, que l'on
pourrait éventuellement réduire en appliquant la mesure préconisée par cet
amendement.
On peut difficilement concevoir que les rémunérations des agents du ministère
soient amputées directement, bien que les 80 millions de francs à trouver, dans
la logique de l'amendement, pourraient porter sur un poste de dépenses qui
représente l'essentiel des crédits du titre.
Mais on peut aussi opter pour une réduction sensible des crédits de veille
sanitaire, de ceux de l'Agence du médicament ou encore de ceux de la délégation
interministérielle à la ville.
Vous voyez, par conséquent, que les possibilités d'économie existent, mais
qu'elles posent un certain nombre de problèmes de cohérence avec les objectifs
qu'une véritable politique publique doit avoir en matière de santé publique ou
de lutte contre toutes les formes d'exclusion.
Vous comprendez aisément, monsieur le rapporteur spécial, que nous ne
puissions agréer votre démarche strictement comptable, qui tourne le dos aux
nécessaires interventions publiques en matière de santé et de solidarité
nationales.
Par conséquent, nous voterons contre cet amendement.
M. François Autain.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Je constate qu'apparemment il n'y a pas une grande coordination entre la
commission des finances et la commission des affaires sociales puisque la
première préconise une réduction des crédits, alors que la seconde, au
contraire, en la personne, notamment, du rapporteur du budget pour la santé,
réclamait tout à l'heure une augmentation de ces mêmes crédits.
Je comprends, à la limite, la logique qui a conduit nos collègues de la
commission des finances à déposer un tel amendement. Mais ce que je ne
comprendrais pas, alors, c'est que nos collègues de la commission des affaires
sociales le votent.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
M. Autain n'était sans
doute pas là, tout à l'heure, lorsque j'ai expliqué la logique de la majorité
du Sénat.
M. François Autain.
Si, j'étais là !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il était là, et nous aussi !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Alors, je suis navré de
constater que vous n'avez pas compris ce que j'ai expliqué, mon cher collègue
!
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si, mais il n'est pas d'accord
!
M. François Autain.
J'ai compris, mais vos arguments sont mauvais. C'est tout !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Ma position est
parfaitement claire : nous sommes partisans d'une réduction des dépenses, de
manière à éviter d'aggraver les prélèvements et d'augmenter l'ensemble des
impôts, et c'est pourquoi nous avons accepté une réduction linéaire de
l'ensemble d'un certain nombre de chapitres, sauf en ce qui concerne les
crédits de la justice et du ministère de l'intérieur, car nous considérons
qu'il s'agit là d'actions régaliennes de l'Etat.
Vous pourrez donc reprendre la même argumentation à chaque amendement ; je
vous répondrai la même chose à chaque amendement.
M. François Autain.
C'est un dialogue de sourds !
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Moi aussi, j'ai bien entendu les propos de M. Fourcade.
Or, une relecture attentive des rapports des deux rapporteurs de la commission
des affaires sociales me permet de dire que la philosophie qu'il développe en
est totalement absente.
Tout ce qui a été dit en commission - j'y étais - tout ce qui figure dans les
rapports - nous en avons discuté - aboutissait à la même conclusion : il y a
une augmentation, mais, au regard de tel ou tel élément, elle est insuffisante
; l'augmentation des budgets est donc insuffisante et voilà pourquoi la
commission est contre.
L'argument que vous venez de présenter comme étant celui de la commission des
affaires sociales me paraît, en fait, être le vôtre aujourd'hui et
maintenant.
M. François Autain.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-26 rectifié, repoussé par le
Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
33:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 212 |
Contre | 100 |
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Guy Fischer. Plus cela va, mieux c'est !
M. le président. Le Sénat a adopté.
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV, 2 016 709 527 francs. »
Sur ces crédits, la parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se
réjouissent de la nomination de Mme Geneviève Fraisse au poste de déléguée
interministérielle aux droits des femmes.
Cette nomination illustre l'attention particulière que le Gouvernement
souhaite accorder aux nombreux problèmes que recouvre ce thème. Cette décision
était attendue. Elle a été saluée par l'ensemble des associations féministes et
par de nombreux acteurs de la vie politique et sociale.
La déléguée interministérielle, placée auprès du Premier ministre, aura pour
mission d'animer et de coordonner l'action des ministères en faveur de la
promotion des droits des femmes et de l'égalité entre les sexes. Autant dire
que sa tâche sera grande, tant il est vrai que l'on déplore, aujourd'hui
encore, un énorme déficit sur ce sujet.
S'agissant, par exemple, des questions professionnelles, je ne peux manquer de
souligner la discrimination à l'embauche et le niveau de rémunération inférieur
à celui de leurs collègues masculins dont les femmes sont encore trop souvent
victimes.
Cette situation, contradictoire avec les principes d'égalité de rémunération,
doit être combattue, quitte à ce que des dispositions plus contraignantes
soient bientôt envisagées.
La conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle est un
besoin pour les hommes et les femmes, mais plus particulièrement pour les
femmes.
Les parlementaires communistes ont déjà apprécié positivement la décision du
Gouvernement de passer aux trente-cinq heures hebdomadaires de travail. Cette
disposition peut constituer un volet majeur vers davantage d'égalité. Elle a
d'ailleurs fait l'objet d'une manifestation de soutien, le 15 novembre dernier,
à l'appel du collectif national pour les droits des femmes et de plus de trois
cents personnalités.
Il en est de même pour la place des femmes dans la vie politique. La
composition de notre Haute Assemblée est d'ailleurs bien loin de la parité
réclamée par l'ensemble de la classe politique, même si nous sommes
relativement présentes ce soir.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est vrai !
Mme Odette Terrade.
L'ensemble de ces intentions figurent, bien entendu, dans les projets du
Gouvernement issu des élections de juin dernier.
Mme Gisèle Printz.
C'est n'est qu'un début !
Mme Odette Terrade.
Pour y parvenir, nous ne pourrons faire l'économie d'une politique
volontariste.
Dans cet esprit, nous sommes, quant à nous, disponibles pour toute mesure
allant vers une réelle égalité et parité entre les femmes et les hommes.
Pour autant, vous comprendrez, madame la ministre, que nous ayons besoin
d'être rassurés sur la baisse des crédits ouverts au chapitre 43-02,
concernant, précisément l'action pour les droits des femmes, et sur la
disparition de certaines mesures spécifiques.
Cette diminution de crédits pour 1998 provient-elle de l'incapacité à mettre
en oeuvre telle ou telle action déconcentrée ? Aura-t-elle des incidences sur
le fonctionnement des délégations départementales et régionales ? Ou bien
encore une association agréée aurait-elle renoncé à faire valoir ses droits à
subvention ?
Je vous remercie de nous apporter des éclaircissements sur ce sujet. En effet,
ces crédits ont connu une baisse depuis trois ans, alors même que la crise
économique rend de plus en plus grands les besoins et urgentes les actions.
Par conséquent, il nous semble nécessaire, en regard des besoins, que des
crédits complémentaires soient ouverts.
Enfin, pouvez-vous nous préciser, madame la ministre, les moyens accordés
spécifiquement à la délégation interministérielle qui vient d'être créée et
pour laquelle des crédits n'auraient apparemment pas été prévus pour 1998 ?
M. le président.
Par amendement n° II-27, M. Oudin, au nom de la commission des finances,
propose de réduire les crédits du titre IV de 958 000 000 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
A cette heure tardive et après les excellentes
explications de M. le président Poncelet, voilà quelques jours, de MM. Fourcade
et Marini tout à l'heure - sans oublier les miennes il y a un instant
(Sourires.)
- je serai bref.
Au nom de la commission des finances, je vous propose de réduire de 958
millions de francs les crédits du titre IV. Cette réduction sera également
répartie sur chacun des chapitres composant le titre que nous examinons, et
dont le montant s'élève, je vous le rappelle, à environ 66,670 milliards de
francs.
Cet effort d'économie correspond à moins de la moitié de l'augmentation prévue
pour les dépenses de RMI et d'AAH.
Il est certain que des économies peuvent être réalisées par une activation du
dispositif d'insertion du RMI - tout à l'heure, Mme le ministre et M. le
secrétaire d'Etat l'ont bien montré - ainsi que par un recentrage de l'AAH.
Des économies pourraient également être aisément réalisées sur les dépenses de
tutelle et de curatelle d'Etat, qui progressent trop rapidement en raison de
certaines largesses des tribunaux.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
L'avis du Gouvernement est
évidemment négatif, mais je voudrais redire que je ne comprends pas très bien
la logique de la majorité sénatoriale qui, tour à tour, nous reproche sur
chacun des crédits leur insuffisance et qui, ensuite, réduit ces mêmes crédits
de 1,44 %.
M. Guy Fischer.
C'est vrai, c'est incohérent !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Faut-il réduire le niveau du
RMI de 1,44 % ? Faut-il réduire l'allocation aux adultes handicapés de 1,44 % ?
Faut-il réduire de 70 millions de francs les moyens affectés aux centres d'aide
par le travail ? Faut-il réduire les moyens affectés aux dispositifs d'urgence
pour les sans-abri, à l'approche de l'hiver ? Faut-il réduire les crédits de
veille sanitaire, alors que vous venez de voter la loi instituant ce dispositif
? Faut-il réduire les crédits pour le sida et la toxicomanie, alors que vos
amis viennent de nous demander l'inverse ?
Très franchement, monsieur le rapporteur, j'aurais préféré, si vous souhaitez
vraiment réduire les crédits, que vous nous disiez où et que vous défendiez ces
mesures.
Je ne peux donc que m'opposer à cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-27.
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Lors de l'examen du projet de loi sur les emplois-jeunes, la majorité
sénatoriale, au nom d'une autre philosophie, a présenté un contre-projet.
C'était une attitude cohérente, qui me paraissait tout à fait intéressante
politiquement.
M. Philippe Marini.
Eh bien, nous présentons aujourd'hui un contre-budget !
Mme Dinah Derycke.
Non !
Mme Joëlle Dusseau.
Non, mon cher collègue, vous ne nous proposez en rien un contre-budget !
M. Philippe Marini.
On ne peut pas faire plus, l'ordonnance de 1959 ne nous le permet pas !
Mme Joëlle Dusseau.
Un budget, ce sont des choix, et on peut proposer des choix différents. Là,
vous procédez à une baisse systématique et proportionnelle des crédits.
M. Philippe Marini.
Bien sûr, l'ordonnance ne nous autorise pas à faire autre chose !
M. Guy Fischer.
Vous avez un manque d'imagination évident, monsieur Marini !
M. le président.
Mes chers collègues, je vous en prie ! Seule Mme Dusseau a la parole !
Mme Joëlle Dusseau.
C'est le contraire d'un acte politique, c'est le contraire d'un budget.
Ce qui me choque, en tant que membre de la commission des affaires sociales -
et j'ai pour mes collègues de cette commission beaucoup d'estime, j'aime
travailler avec eux même si, assez souvent, je ne partage pas leurs thèses -
c'est qu'ils acceptent la réduction drastique, mathématique et financière -
avec toute la bêtise que cela peut représenter sur le plan de la démarche - qui
nous est proposée.
M. Philippe Marini.
De toute façon, il y aura des régulations budgétaires en cours d'année !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Pour la vérité des chiffres,
bravo !
Mme Joëlle Dusseau.
Quant aux chapitres concernés, M. le rapporteur spécial les a évoqués : le
RMI, l'allocation aux adultes handicapés voient leurs crédits diminuer. Ce sont
des réductions tout à fait inacceptables, qui répondent au sens le plus
mathématique, le plus apolitique et le plus inintéressant qui soit.
Je ne comprends vraiment pas que la commission des affaires sociales ait
accepté de suivre cette logique-là. Cela me paraît tout à fait anormal !
M. Guy Fischer.
Elle a subi l'oukase de la commission des finances !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Madame Dusseau, nous
pourrions continuer à nous expliquer longtemps ! Un budget n'est pas bon parce
qu'il connaît une forte augmentation : il l'est parce que les choix qu'il
propose sont convenables.
Mme Joëlle Dusseau.
Vous n'avez jamais dit cela en commission, monsieur Fourcade !
M. le président.
Madame Dusseau, je vous ai défendue tout à l'heure contre les interruptions.
Ne les pratiquez pas à votre tour !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Relisez le rapport de
M. Louis Boyer, que vous avez mentionné à l'instant ! Qu'écrivait notre collège
? « Je trouve que, entre la toxicomanie, le sida et le cancer, la hiérarchie
des choix faits par le Gouvernement n'est pas bonne. On devrait mettre
davantage d'argent sur le cancer et moins sur le sida. »
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
M. Louis Boyer n'a pas écrit cela !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
En conséquence, une
réduction mathématique du système n'est pas du tout mauvaise en l'occurrence
!
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
C'est ce que pense la commission des finances !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je ne voudrais pas prolonger le débat, mais,
franchement, je crois que ce n'est pas ce qu'a voulu dire M. Louis Boyer. Il
est très difficile, monsieur Fourcade, de choisir entre la nécessité de lutter
contre le cancer et la nécessité de lutter contre le sida, et M. Louis Boyer a
simplement dit qu'il fallait plus d'argent pour les deux.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Non !
M. François Autain.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Je ne voudrais pas parler à la place de M. Louis Boyer, bien sûr, mais,
puisqu'on a cité son nom, permettez-moi de me référer à son rapport.
Les nombreux motifs d'inquiétude que lui inspirait le budget de la santé
tenaient au fait que, globalement, les crédits de la santé auraient dû
bénéficier de redéploiements en leur faveur de la part des autres postes du
budget de l'Etat, et que les quelques réductions ou stabilisations de crédits
opérées au sein de ce budget de la santé étaient mal ciblées.
Il y là manifestement une explication qui est en contradiction avec ce que
vous venez d'indiquer, monsieur Fourcade.
Mais ce que vous n'avez pas dit, c'est que vous êtes assuré que le budget que
vous nous proposez ne sera jamais appliqué. Par conséquent, vous pouvez le
faire voter sans risque ! C'est sans doute une des raisons pour lesquelles vous
adoptez cette attitude parfaitement irresponsable.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur Fourcade, n'avons nous pas discuté de cette façon-là en commission
des affaires sociales ! Il serait préférable de dire sur quoi la majorité
sénatoriale veut réduire les crédits. Ce serait peut-être plus clair !
M. Philippe Marini.
Sur tout !
Mme Joëlle Dusseau.
Ecoutez M. Marini, ce grand social qui veut tout réduire !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-27, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
34:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Majorité absolue des suffrages | 157212 |
Contre | 100 |
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme, 71 600 000 francs ;
« Crédits de paiement, 38 450 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme, 1 295 404 000 francs ;
« Crédits de paiement, 397 099 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant en discussion
les amendements n°s II-21 et II-22 rectifié tendant à insérer des articles
additionnels après l'article 66. Nous examinerons ensuite l'amendement n°
II-28, visant aux mêmes fins.
Articles additionnels après l'article 66
M. le président.
Par amendement n° II-21, M. Chérioux, au nom de la commission des affaires
sociales, propose d'insérer, après l'article 66, un article additionnel ainsi
rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article 11-1 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975
relative aux institutions sociales et médico-sociales est ainsi rédigé :
« Il en est de même lorsqu'ils sont susceptibles d'entraîner pour les budgets
des collectivités territoriales des charges injustifiées ou excessives compte
tenu d'un objectif annuel ou pluriannuel d'évolution des dépenses délibéré par
la collectivité concernée en fonction de ses obligations légales, de ses
priorités en matière d'action sociale et des orientations des schémas visés à
l'article 2-2 de la présente loi. La collectivité locale concernée peut moduler
l'objectif précité en fonction des catégories d'établissements visées à
l'article 3 de la présente loi. »
Par amendement n° II-22 rectifié, M. Chérioux, au nom de la commission des
affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 66, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré dans le code de la sécurité sociale un article L. 174-7-1
ainsi rédigé :
«
Art. L. 174-7-1. -
Le montant total annuel des dépenses des
établissements et services visés aux 6° et 8° de l'article 3 de la loi n°
75-535 du 30 juin 1975 modifiée, imputables aux prestations prises en charge
par l'aide sociale de l'Etat et, corrélativement, le montant total annuel des
dépenses prises en compte pour le calcul des dotations globales de
fonctionnement de ces établissements ou services, est déterminé par le montant
inscrit à ce titre dans la loi de finances initiale de l'exercice considéré.
« Ce montant total annuel est constitué en dotations régionales limitatives.
Le montant de ces dotations régionales est fixé par le ministre chargé de
l'action sociale, en fonction des priorités en matière de politique sociale,
compte tenu des besoins de la population, de l'activité et des coûts moyens des
établissements ou services, et d'un objectif de réduction des inégalités
d'allocation des ressources entre départements et établissements ou
services.
« Chaque dotation régionale est répartie par le préfet de région, après avis
des préfets de département, en dotations départementales, dont le montant tient
compte des priorités locales, des orientations des schémas prévus à l'article
2-2 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 modifiée, de l'activité et des coûts
moyens des établissements ou services, et d'un objectif de réduction des
inégalités d'allocation des ressources entre départements et établissements ou
services.
« Pour chaque établissement ou service, le préfet de département compétent
peut modifier le montant global des recettes et dépenses prévisionnelles visées
au 5° de l'article 26-1 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 modifiée,
imputables aux prestations prises en charge par l'aide sociale de l'Etat,
compte tenu du montant des dotations régionales ou départementales définies
ci-dessus ; la même procédure s'applique en cas de révision, au titre du même
exercice, des dotations régionales ou départementales initiales.
« Le préfet de département peut également supprimer ou diminuer les prévisions
de dépenses qu'il estime injustifiées ou excessives compte tenu, d'une part,
des conditions de satisfaction des besoins de la population, telles qu'elles
résultent notamment des orientations des schémas prévus à l'article 2-2 de la
loi n° 75-535 du 30 juin 1975 modifiée, d'autre part, de l'évolution de
l'activité et des coûts des établissements et services appréciés par rapport au
fonctionnement des autres équipements comparables dans le département ou la
région.
« Des conventions conclues entre le préfet de région, les préfets de
départements, les gestionnaires d'établissement ou service et, le cas échéant,
les groupements constitués dans les conditions prévues à l'article 2 de la loi
n° 75-535 du 30 juin 1975 modifiée, précisent, dans une perspective
pluriannuelle, les objectifs prévisionnels et les critères d'évaluation de
l'activité et des coûts des prestations imputables à l'aide sociale de l'Etat
dans les établissements et services concernés. »
« II. - Le dernier alinéa de l'article L. 174-7 du code de la sécurité sociale
est abrogé. »
La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis, pour défendre les
amendements n°s II-21 et II-22 rectifié.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Aujourd'hui, chacun des acteurs du système est
déresponsabilisé : l'Etat et les départements, d'une part, car ils financent
des établissements dont ils ne maîtrisent pas l'évolution des dépenses ; les
établissements, d'autre part, parce qu'ils subissent le contrecoup de décisions
qu'ils n'ont pas prises tout en sachant que la collectivité assurera en dernier
ressort le solde des dépenses non couvertes.
Il faut stopper ce processus en instituant un taux directeur opposable aux
dépenses des établissements sociaux et médico-sociaux financés par l'Etat ou
par l'aide sociale départementale.
Le Gouvernement avait proposé ce principe dans le projet de loi de finances
pour 1997, puis l'avait retiré, en se donnant pour objectif de mettre en place
le dispositif dans le cadre de la réforme de la loi du 30 juin 1975 qui devait
être présentée au printemps 1997, et a été ajournée du fait de la
dissolution.
M. Guy Fischer.
A qui la faute ?
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Notre excellent collègue Charles Descours a fait
adopter par la Haute Assemblée un dispositif analogue pour les institutions
médico-sociales dépendant de l'assurance maladie lors de la discussion du
projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Notre but n'est pas de mettre en oeuvre un taux unique d'évolution qui
s'appliquerait de manière aveugle d'un établissement à un autre.
M. Guy Fischer.
C'est ce qu'on dit !
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Cela figerait les situations acquises, donnerait
une prime aux mauvais gestionnaires et pénaliserait au contraire les bons
gestionnaires. Bien entendu, le taux directeur sera adapté à la situation et
aux besoins de chaque établissement et de chaque catégorie d'établissement
après évaluation.
Il faut restaurer un cercle vertueux où l'Etat assumera ses choix en toute
cohérence et où les établissements seront incités à peser sur l'évolution de
leurs facteurs structurels de dépenses.
S'agissant des dépenses de personnel en particulier, le taux directeur devrait
obliger l'Etat à restaurer une cohérence entre les décisions qu'il prend en
matière de revalorisation salariale pour certaines catégories de personnels et
les objectifs généraux qu'il se doit de respecter en matière d'évolution de la
dépense médico-sociale.
Il ne devrait plus être possible, comme cela a été le cas lors de l'extension
du protocole Durieux-Durafour, qu'une simple circulaire prise en fin d'année,
et confirmée ultérieurement par deux décrets, puisse bouleverser gravement
l'équilibre des relations financières entre les établissements et les
collectivités qui les financent.
Se doter d'un taux est devenu d'autant plus essentiel que le débat sur les
trente-cinq heures peut se propager « par contagion » aux personnels du secteur
social et médico-social pour lesquels les contraintes horaires pourtant se
prêtent mal à une annualisation du temps de travail. Si les trente-cinq heures
devaient être étendues au secteur social et médico-social, il en résulterait
immédiatement un surcoût que certains évaluent entre 10 % et 12 % environ, hors
gains de productivité. En tout état de cause, on sait que les gains de
productivité dans ce secteur sont peu importants.
Le taux directeur obligerait aussi l'Etat à être cohérent et à tirer les
conséquences financières des décisions qui sont prises en matière de
renforcement des normes d'encadrement des établissements sociaux. La même
démarche devrait être suivie pour la fixation des normes techniques de sécurité
dont les révisions périodiques engendrent des coûts d'investissements
importants dans ce secteur.
Simultanément, grâce au taux directeur, les établissements seraient mis en
situation de relever le défi du glissement vieillesse-technicité de leurs
personnels.
Les institutions médico-sociales qui ont été mises en place dans les années
soixante-dix comprennent souvent des personnels qui arrivent maintenant à
maturité dans leur carrière et induisent une forte progression des
rémunérations du fait du glissement vieillesse-technicité.
Le taux directeur est donc un levier pour l'avenir : il ouvre la voie à une
réflexion d'ensemble sur les conventions collectives qui régissent le secteur.
Sans doute des progrès pourraient-ils être accomplis en termes de déroulement
des carrières, d'effectif des établissements, et d'horaires, tout en assurant
une meilleure formation des agents et en favorisant le recours à de nouveaux
recrutements plus homogènes.
Il est urgent de rétablir un circuit de financement responsable dans le
secteur social et médico-social. Cette préoccupation prime sur toutes les
autres et peut parfaitement être lancée ce soir, sans pour autant réviser dans
son ensemble la loi du 30 juin 1975. Parce qu'il est urgent et possible d'agir,
la commission des affaires sociales a déposé ces deux amendements :
l'amendement n° II-21, qui porte sur l'ensemble des établissements
médico-sociaux financés par les départements, et l'amendement n° II-22
rectifié, qui est la stricte reprise de celui qui avait été prévu dans le
projet de loi de finances pour 1997.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s II-21 et II-22
rectifié ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le secteur social et
médico-social, il est vrai, ne peut pas faire exception à la politique
d'encadrement des dépenses. Cette discipline budgétaire est d'ailleurs la
contrepartie des mesures nouvelles que nous prévoyons en termes de progression
des capacités des établissements, notamment pour les personnes âgées et pour
les personnes handicapées.
Le principe de l'opposabilité des enveloppes de crédits est aujourd'hui
arrêté. D'ores et déjà, un taux de progression est fixé pour ces dépenses, mais
il n'est pas opposable puisqu'il est essentiellement prévu par circulaire.
Ce principe sera mis en oeuvre à l'occasion de la réforme, dont vous serez
saisis l'an prochain, de la loi du 30 juin 1975 sur les institutions sociales
et médico-sociales de façon à s'appliquer à toutes les structures quelle que
soit la source de financement concernée : crédits de l'assurance maladie, du
budget de l'Etat ou des conseils généraux.
Ce délai va nous permettre de faire suite aux demandes légitimes des secteurs
concernés en mettant en place des outils plus fins d'allocation des ressources
- tableau de bord, guide d'analyse financière et comptable, schémas - dont nous
ne disposons actuellement que pour les établissements sociaux, CAT - centres
d'aide par le travail - et CHRS - centres d'hébergement et de réadaptation
sociale.
Deux missions de l'inspection générale des affaires sociales ont été
diligentées, l'une sur le suivi des dépenses de l'assurance maladie et l'autre
sur la gestion des enveloppes et des campagnes budgétaires. Elles viennent de
me remettre leurs rapports. Ils confirment la nécessité de disposer, pour le
secteur médico-social, d'outils juridiques appropriés ; nous allons les mettre
en place.
Il s'agit d'une réforme complexe, compte tenu notamment de la diversité des
structures concernées dans le secteur médico-social. Mais je suis convaincue
que nous allons y parvenir cette année.
Je ne souhaite donc pas que ces amendements soient adoptés, même si j'en
partage largement les objectifs.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission, que j'avais omis de consulter, sur les
amendements n°s II-21 et II-22 rectifié ?
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Nous avons tous entendu les excellentes explications
de notre collègue M. Chérioux, et Mme la ministre, à l'instant, a longuement
insisté sur le bien-fondé de ces deux amendements en suggérant d'attendre un
peu.
Même si la commission des finances ne s'est pas réunie pour les examiner au
fond, ils vont dans le sens de la rigueur de cette rationalisation qui a été
défendue à l'instant.
Dans ces conditions, à titre personnel, je suis tout à fait favorable à ces
deux amendements.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-21.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Il faut y regarder à deux fois. Pour l'instant, les deux amendements présentés
par M. Chérioux, dont l'un porte sur l'ensemble des établissement
médico-sociaux financés par les départements et l'autre sur les établissements
médico-sociaux financés sur crédits d'Etat, c'est-à-dire les centres d'aide par
le travail et les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, remettraient
gravement en cause le bon fonctionnement de ceux-ci. Il faudra donc un examen
très attentif même dans l'avenir.
La brutalité des mesures financières proposées les menace directement dans
leur mission de santé publique. Au lieu de viser la qualité des soins, elles
mettent en péril leur fonctionnement.
Ces mesures auraient pour résultat de fermer des services que sollicitent les
populations et qui n'ont pas failli.
Les hôpitaux de jour de psychiatrie infanto-juvénile souffrent déjà d'une
telle logique comptable. A Paris, la réduction imposée depuis deux ans par la
tutelle a déjà eu des effets dramatiques et va conduire à court terme, si rien
n'est fait, à la cessation des activités de ces hôpitaux.
Pourtant, ces établissements assurent soins, scolarisation et maintien en
milieu familial de plusieurs centaines d'enfants et d'adolescents souffrant de
troubles mentaux graves. Il n'existe actuellement aucune alternative à leur
action qui puisse donner à ces enfants et à ces adolescents la possibilité de
se développer et de s'insérer dans la société.
Un quart des secteurs de psychiatrie infanto-juvénile sont encore dépourvus de
toute structure d'hospitalisation de jour.
Sur le plan des pathologies représentées dans ces structures, les psychotiques
et les autistes constituent les deux tiers des malades.
Environ un tiers des demandes d'admission reçoit une réponse positive dans un
délai compatible avec les besoins des malades. Dans plus de la moitié des cas,
l'admission est refusée faute de place. Et c'est sur ce genre de dépenses que
la droite veut encore faire des économies !
Cette « supermaîtrise » comptable est inadmissible et vaine : inadmissible,
car elle s'attaque directement aux établissements accueillant des personnes
handicapés ou connaissant de graves difficultés d'insertion sociale, vaine, car
la seule régulation possible est celle de l'efficacité des interventions.
En fait, ces amendements sont les frères jumeaux de ceux dont nous avons déjà
débattu lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité
sociale. Ils ont été balayés en nouvelle lecture. Je suis persuadée qu'ils
connaîtront le même sort et le groupe communiste républicain et citoyen votera
évidemment contre ces deux amendements.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis.
M. Jean Chérioux.
M. Borvo a complètement dénaturé mes propos et je veux lui répondre.
J'ai bien indiqué que le taux directeur devait être appliqué de façon très
précautionneuse et que cela supposait une révision totale des conditions de
fonctionnement des associations.
Mon but n'est pas du tout de faire disparaître ces établissements ; bien au
contraire, il est d'amener ces établissements qui connaissent, chaque année,
des augmentations de 4 à 5 % à revoir leurs conditions de fonctionnement, sinon
les finances départementales et celles de l'Etat seront mises en péril.
M. François Autain.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Les dépenses des centres médico-sociaux doivent être encadrées, nous en sommes
tous d'accord, mais de telle façon que cela ne nuise pas à leur
fonctionnement.
A plusieurs reprises, l'année dernière comme cette année lors de la discussion
du projet de loi de financement de la sécurité sociale, M. Chérioux a tenté de
faire adopter ces amendements mais, à chaque fois, le Gouvernement lui a
indiqué que ses propositions s'appliquaient à la réforme de la loi de 1975.
J'en veux pour preuve la lettre que nous avons reçue les uns et les autres du
président de l'UNIOPSS, l'Union nationale interfédérale des oeuvres et
organismes privés, sanitaires et sociaux, M. Lenoir, que vous connaissez bien
puisqu'il a été ministre de M. Valéry Giscard d'Estaing et qu'il a été, et est
peut-être encore, conseiller du Président de la République, M. Chirac. Cet
homme que nous devons écouter tous avec beaucoup d'attention préconise
d'attendre la modification de la loi de 1975 avant de prendre toute mesure
visant à réglementer l'encadrement des dépenses des établissements
médico-sociaux.
Par conséquent, nous voterons contre cet amendement, tout en demandant au
Gouvernement qu'il nous propose de modifier la loi de 1975 le plus rapidement
possible.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-21, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 66.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-22 rectifié, repoussé par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 66.
Par amendement n° II-28, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 66, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le troisième alinéa du paragraphe I
bis
de l'article 6 de la loi
n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées est
remplacé par les deux alinéas suivants :
« Cette disposition s'impose à l'organisme ou à la collectivité compétente
pour prendre en charge les frais résultant du maintien dans l'établissement
d'éducation spéciale du jeune adulte handicapé. L'organisme ou la collectivité
compétente est l'Etat si le jeune adulte a été orienté par la commission
technique d'orientation et de reclassement professionnel vers un centre d'aide
par le travail ou un atelier protégé sans hébergement ; les organismes
d'assurance maladie en cas d'orientation vers une maison d'accueil spécialisée
; le département dans les autres cas.
« L'organisme ou la collectivité désignée ci-dessus prend en charge
l'intégralité des dépenses occasionnées par la prolongation du placement du
jeune adulte handicapé dans l'établissement d'éducation spéciale, selon les
modalités précisées par décret en Conseil d'Etat. »
« II. - L'article 35 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi
n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les
communes, les départements, les régions et l'Etat est complété par un 11° ainsi
rédigé :
« 11° Les dépenses résultant de la prolongation du placement dans un
établissement d'éducation spéciale d'une jeune adulte handicapé orienté par la
commission technique d'orientation et de reclassement professionnel vers un
centre d'aide par le travail ou un atelier protégé sans hébergement, dans les
conditions prévues à l'article 6-I
bis
de la loi n° 75-534 du 30 juin
1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées. »
« III.
-
Dans le quatrième alinéa de l'article 158
bis
du code
général des impôts, la mention : "à la moitié" est remplacée par la
mention : "au tiers". »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, l'amendement que je vous demande d'adopter tend, dans
l'attente de la réforme de la loi du 30 juin 1975, à désigner l'organisme ou la
collectivité débitrice des frais de maintien des jeunes adultes handicapés
au-delà de l'âge de vingt ans dans les institutions médico-éducatives et à lui
confier la mission d'assurer l'entière prise en charge de ces dépenses.
Chacun sait que, pour une famille, garder un enfant ou un adulte handicapé
peut être difficile. De plus, pour le bien-être et l'épanouissement de cette
personne handicapée, la prise en charge par une institution spécialisée s'avère
plus que nécessaire. Toutefois, les structures d'accueil demeurent
insuffisantes tant pour les enfants que pour les adultes.
Pour parer au plus pressé et éviter que des jeunes adultes handicapés ne
soient de fait exclus des structures existantes, la législation a dû être
adaptée.
Ainsi, « très généreusement », l'article 22 de la loi du 13 janvier 1989, dit
« amendement Creton », a permis le maintien des personnes adultes handicapées
dans des établissements d'éducation spécialisée au-delà de l'âge limite
d'agrément - vingt ans - lorsque celles-ci ne pouvaient être admises dans un
établissement pour adulte désigné par la COTOREP.
Sous couvert de cette disposition, de nombreux adultes ont pu rester dans les
structures destinées à accueillir des enfants et des adolescents.
Rapidement, le problème a été déplacé : les jeunes adultes relevant du «
dispositif Creton » sont venus gonfler les effectifs des établissements
destinés aux enfants, et les admissions de ces derniers ont été retardées,
voire annulées, et les listes d'attente s'allongent.
De plus, cette mesure a engendré un important contentieux entre l'Etat, les
conseils généraux et la Caisse nationale d'assurance maladie sur le point de
savoir qui supporterait - et dans quelles mesure - la charge financière des
adultes concernés.
Bien qu'incomplète, n'appréhendant pas le cas du jeune adulte handicapé
orienté vers les centres d'aide par le travail ou les ateliers protégés
fonctionnant en externat et ne permettant qu'une couverture partielle des
frais, la circulaire du 27 janvier 1995 avait réglé la répartition des charges
entre les différents financeurs : assurance maladie et conseils généraux.
Aujourd'hui, le problème est posé dans toute son acuité, le Conseil d'Etat
ayant annulé la circulaire de 1995. Il est donc urgent non seulement de
réaffirmer notre volonté de développer les capacités d'accueil des structures
destinées aux adultes handicapés, mais aussi de combler ce vide juridique pour
éviter qu'à partir du 1er janvier 1998 certaines personnes ne soient pas prises
en charge.
C'est l'objet de notre amendement, qui remédie aux principales difficultés
d'application de la circulaire de 1985 en garantissant que toutes les décisions
de maintien en établissement seront financées, en désignant même la
collectivité débitrice et en prévoyant que l'ensemble des dépenses supportées
par les établissements d'éducation spécialisés seront prises en charge, et pas
seulement les frais d'hébergement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Cet amendement tend à clarifier les conséquences
financières de « l'amendement Creton », comme vient de le rappeler M. Fischer,
en prévoyant que les dépenses occasionnées par le maintien d'un jeune adulte
handicapé en établissement d'éducation spécialisée soient prises en charge,
selon le cas, par l'Etat, l'assurance maladie ou le département.
Votre commission des finances ne s'est pas non plus réunie pour examiner cet
amendement. Néanmoins, je ne crois pas qu'elle aurait pu lui donner un avis
favorable, car il est gagé par une réduction de l'avoir fiscal, et vous
connaissez la position de la commission des finances en la matière.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cet amendement fait suite à
l'annulation de la circulaire relative à la mise en oeuvre de « l'amendement
Creton ».
J'ai moi-même renoncé à déposer un amendement en ce sens car il aurait sans
doute été qualifié de cavalier social ; il s'agit donc ici d'un cavalier
budgétaire.
Je souhaite dire à M. Fischer et aux membres de son groupe qui ont présenté
cet amendement que je compte proposer, lors de l'examen du prochain DMOS, qui
viendra en discussion au début de l'année 1998, une disposition législative
pour donner une base certaine au financement du placement des personnes
handicapées actuellement prises en charge et qui se trouvent en situation
délicate en raison de l'annulation de cette circulaire.
Je souligne toutefois que cette annulation ne remet pas en cause la prise en
charge des jeunes adultes concernés, mais qu'elle fragilise les modalités
financières de répartition des frais.
Je souhaiterais donc que cet amendement puisse être retiré au profit de
l'engagement du Gouvernement de proposer un tel dispositif à l'occasion de la
discussion du prochain DMOS.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Je ne décrirai pas le système selon lequel
fonctionnent les établissements sociaux et médico-sociaux - cela nous permettra
de gagner un peu de temps.
Je veux seulement faire remarquer qu'avec ce système chacun des acteurs est
déresponsabilisé : l'Etat et les départements, d'une part parce qu'ils
financent des établissements dont ils ne maîtrisent pas l'évolution des
dépenses, d'autre part parce qu'ils subissent le contrecoup de décisions qu'ils
n'ont pas prises tout en sachant que la collectivité assurera en dernier
ressort le solde des dépenses non couvertes.
C'est pourquoi il faut stopper ce processus en instituant un taux directeur
opposable aux dépenses des établissements sociaux et médico-sociaux financés
par l'Etat ou par l'aide sociale départementale.
M. le président.
Monsieur Fischer, maintenez-vous votre amendement ?
M. Guy Fischer.
Je crois que Mme le ministre vient de nous donner une garantie quant à
l'avenir de ce dispositif.
Nous souhaitions ardemment nous faire les interprètes de toutes les familles
qui vivent dans l'angoisse puisqu'elles sont 4 000 à avoir, aujourd'hui, des
enfants placés sous ce régime. Mais, dans la mesure où il n'y aura pas de vide
juridique et à la condition qu'une proposition soit formulée dès le début de
l'année 1998, nous retirons cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° II-28 est retiré.
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de
loi de finances concernant la santé et la solidarité.
Avant d'entamer l'examen des crédits relatifs à la ville et à l'intégration,
je vous propose madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues d'interrompre nos travaux pendant quelques minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le mardi 2 décembre 1997 à une heure cinq, est reprise à
une heure quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Ville et intégration
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la ville et
l'intégration.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour présenter de
manière aussi synthétique que possible les crédits affectés à la politique de
la ville, je formulerai mes remarques en trois parties : tout d'abord, quelques
indications relatives à l'évolution des crédits ; ensuite, quelques remarques
sur les orientations choisies par le Gouvernement au travers de ce projet de
budget ; enfin, quelques observations sur la mise en oeuvre du pacte de relance
pour la ville, un an, à peu de chose près, après son adoption.
S'agissant de l'évolution des crédits, tout d'abord, nous observons que nous
n'avons plus, cette année, de budget de la politique de la ville à proprement
parler, puisque, dans la nouvelle structure ministérielle, il n'y a plus de
département spécifiquement en charge de ce sujet.
Les crédits de la politique de la ville on été fondus au sein de ceux de la
santé et de la solidarité. S'élevant à un peu plus de 750 millions de francs,
ils accusent une baisse de 11 %, laquelle provient essentiellement d'une
diminution de 27 % des dépenses d'investissement. Cela concerne les crédits
spécifiques de la politique de la ville, mais tel n'est pas l'essentiel de
notre débat.
A l'examen de l'effort global de l'ensemble des ministères, récapitulé dans le
document budgétaire dit « jaune », les choses sont assez différentes.
Mise à part la réduction des dépenses d'investissement, les crédits
spécifiques de la politique de la ville n'appellent pas, de notre part, de
commentaires particuliers, le choix ayant été fait - on ne pouvait sans doute
pas procéder autrement - de reconduire les dispositifs existants pour 1998.
D'un point de vue plus global, en se plaçant sur le plan de l'effort
budgétaire total en faveur de la politique de la ville, nous observons une
augmentation en valeur absolue de l'ordre de 1 milliard de francs, qui est le
fait de la mise en oeuvre du plan emploi-jeunes, dont nous avons déjà parlé à
différentes reprises.
En effet, par une sorte de convention, il a été décidé que 10 % des emplois
créés dans la cadre de la nouvelle législation concerneraient la politique de
la ville. On a donc inscrit 10 % des 8 milliards de francs relatifs aux
emplois-jeunes dans le « jaune budgétaire » consacré à la politique de la
ville.
Je dis que c'est une convention, une présentation comptable, car il est sans
doute un peu hasardeux de préjuger le nombre exact d'emplois qui seront créés à
ce titre et qui auront un lien effectif avec la politique de la ville.
Les emplois-jeunes, nous le savons, compte tenu de leur caractère avantageux
pour les employeurs, vont se substituer aux emplois de ville qui avaient été
créés en mai 1996.
A ce sujet, madame le ministre, j'exprimerai un certain regret. J'avais le
sentiment que les emplois de ville étaient spécifiquement orientés vers
l'amélioration de l'« employabilité » des populations en voie d'exclusion,
habitant dans les quartiers dégradés ou en situation difficile, et qu'il
s'agissait d'un dispositif s'adressant spécifiquement à ces catégories en
péril, en déséquilibre social et en voie d'exclusion.
De ce point de vue, les emplois de ville nous semblaient, à la commission des
finances et à moi-même, être un dispositif plus incitatif et plus efficace en
terme de lutte contre l'exclusion sociale.
Au demeurant, je crois avoir lu dans certains documents préparatoires au
sommet de Luxembourg, issus de la Commission de l'Union européenne, qu'il était
important d'insister sur l'amélioration des conditions d'emploi des jeunes les
plus en difficulté socialement.
J'en arrive à la deuxième catégorie de remarques : celles qui sont relatives
aux orientations choisies par le Gouvernement dans ce projet de budget.
L'année 1998 est une année charnière, puisque ce sera celle de l'achèvement
des contrats de ville. Il faudra tirer les leçons de la première année pleine.
L'année 1998 est aussi une année de fonctionnement des mécanismes du pacte de
relance pour la ville.
Madame le ministre, nous sommes quelque peu surpris d'apprendre que vous
attendez les résultats de la mission que vous avez confiée au maire d'Orléans,
M. Jean-Pierre Sueur, pour valider ou pour modifier les options essentielles du
pacte de relance pour la ville.
En la matière, il semble que l'attentisme qui s'exprime soit démobilisateur
pour beaucoup d'acteurs locaux, ce qui pose problème lorsque l'on sait que
toutes les actions concernées ne valent que par la persévérance et la durée de
l'engagement des partenaires de terrain.
L'année 1998 marque l'échéance des contrats de ville, la préparation de la
renégociation des contrats de plan Etat-régions en 1999. Nous sommes dans
l'attente des choix qui devront être faits dans ce domaine.
Nous sommes bien sûr attachés à un texte que nous avons récemment voté, le
pacte de relance pour la ville. Il nous semblait en effet qu'il réalisait une
synthèse des thèmes les plus importants en la matière et qu'il établissait un
cadre cohérent pour réaliser les avancées indispensables, tant en matière de
sécurité et de proximité qu'en matière de lutte contre la délinquance des
mineurs, de maintien de la mixité sociale, d'amélioration du fonctionnement de
la justice, de désenclavement des quartiers et de progrès en matière
d'urbanisme.
Tous ces thèmes contenus dans le pacte de relance de 1996 nous paraissent
garder vraiment toute leur validité, et il nous semble indispensable de les
prolonger. Il faudra notamment redéployer les effectifs policiers sur les sites
les plus en péril, veiller à la sécurité de proximité en donnant un statut aux
polices municipales qui, qu'on le veuille ou non, sont nécessaires pour
permettre aux maires et aux municipalités d'exercer leurs responsabilités.
Un approfondissement est également indispensable concernant la délinquance des
mineurs, domaine qui relève d'une législation issue d'une ordonnance de 1945,
souvent modifiée, mais dont les choix de base n'ont guère été transformés,
alors que la société a beaucoup évolué, que la maturité des adolescents est
atteinte beaucoup plus tôt et que, souvent, les comportements socialement
difficiles s'expriment également de plus en plus tôt.
La législation sur la délinquance des mineurs semble devoir être encore
adaptée, que ce soit en termes de prévention, de mesures éducatives
spécialisées, ou de répression. Il ne faut pas avoir peur de le dire, car
l'ensemble de ces mesures - prévention et répression - constitue un tout auquel
il faudrait redonner une certaine cohérence.
Enfin, madame le ministre, nous sommes très attachés aux quarante-quatre zones
franches urbaines qui sont l'apport majeur du pacte de relance pour la ville.
Nous craignons qu'elles ne fassent l'objet de grandes réserves alors qu'une
discrimination positive au bénéfice des zones les plus compromises en matière
économique et sociale nous semble être une nécessité et répondre à une vraie
mission de l'Etat.
Les indications que nous donne l'association des villes-sièges des zones
franches urbaines, qui regroupe des maires de toute tendance politique, font
état, en un an environ, de l'implantation de 1 100 à 1 200 entreprises dans les
zones franches urbaines, ce qui représenterait plus de 5 000 emplois. C'est un
résultat digne de considération. Cela concerne surtout beaucoup de PME de
services, dans la restauration, la sécurité, beaucoup d'activités artisanales.
Des commerces de proximité font également leur retour.
Les chambres de commerce et d'industrie et les maires soutiennent les zones
franches, de même que nombre de municipalités. Tout cela mérite assurément
d'être encouragé.
Or, nous reviennent des propos divers en la matière, qui mettent en cause ce
qui a été fait l'année dernière. Nous espérons, madame le ministre, qu'il vous
sera possible d'atténuer les craintes ou les incertitudes qui se sont exprimées
en ce domaine.
En matière de politique de la ville, il faut certainement faire preuve de
beaucoup de continuité et de persévérance pour obtenir des résultats, et chacun
sait qu'il s'agit de l'un des plus grands défis que nous adresse la société
d'aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis.
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour la ville.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M. Philippe Marini a présenté le budget
de la ville, notamment ses aspects techniques ; je n'y reviendrai donc pas. Je
souhaite en revanche vous faire partager quelques interrogations exprimées en
commission à l'occasion de la présentation de ce projet de budget.
Parlons de la mission Sueur. Notre Haute Assemblée s'est toujours déclarée
soucieuse que la politique de la ville ne soit pas l'objet d'enjeux ou
d'affrontements strictement politiciens : qu'en est-il aujourd'hui ?
Je m'interroge en constatant que la mission de réflexion confiée à M. Sueur
doit rendre ses conclusions en janvier ou en février prochain. Je ne doute pas
de l'intérêt d'une réflexion de plus, même si la politique de la ville a
d'abord besoin de continuité - M. Marin l'a réaffirmé - mais il me paraît
indispensable de découpler le débat qui ne manquera pas de suivre les
prochaines élections régionales. Car je vois d'ici les pièges ! Je rejoins sur
ce point un certain nombre des interrogations récentes de M. le Premier
ministre.
La deuxième interrogation vise les contrats de ville.
Il nous paraît indispensable de retarder d'un an la signature des prochains
contrats de ville, afin que leur durée soit identique à celle des contrats de
plan et des dispositifs d'aides européens.
A ce sujet, l'évolution des fonds européens consacrés aux zones en difficulté
nécessite une attention particulière. L'exemple et l'analyse d'un cas comme
celui de Valenciennes sont particulièrement significatifs dans le cadre d'un
désengagement de l'Europe d'un certain nombre de plans ; je pense au plan URBAN
ou au plan pour les zones en grande difficulté. Naturellement, la prolongation
d'un an des contrats de ville devrait se faire selon le dispositif antérieur.
Voilà une suggestion concrète et précise pour que nous avons sur le sujet des
politiques coordonnées.
Nous souhaitons également qu'à l'avenir les contrats de ville soient signés au
niveau de l'agglomération, partout où cela sera possible, car l'agglomération a
une dimension pertinente pour une politique globale. La commission n° 2 de la
DATAR, qui prépare le schéma national d'aménagement et de développement du
territoire, l'a d'ailleurs déjà clairement signifié.
La troisième préoccupation est le pacte de relance pour la ville.
Nous nous interrogeons sur la détermination du Gouvernement à poursuivre dans
la voie ouverte par le pacte de relance, notamment dans ses dimensions
économique et sociale ainsi qu'en matière d'emploi. Certaines déclarations ou
certains démentis qui se sont succédé révélaient un certain flottement.
Il nous faut d'abord évaluer les résultats des mesures prévues par ce texte
avant toute modification.
L'association des villes à zone franche vient de publier un « prébilan » des
zones franches urbaines. S'il est contrasté, il n'en est pas moins positif.
Pour ma part, je suis, à l'échelon local, le cas de la zone franche de
Mantes-la-Jolie, qui constitue un bon champ d'observation. Il me paraît
indispensable qu'au cours de l'année 1998, madame la ministre, vous
synthétisiez l'ensemble des observations faites au niveau des départements, en
vue d'une évaluation globale.
L'annonce de la modification du régime applicable aux zones franches urbaines,
même si elle a été ensuite démentie, n'a pas été de nature à inciter les
entrepreneurs à s'y installer ? Globalement, au-delà même des zones franches
urbaines et des zones de redynamisation urbaine, nos entreprises sont lasses de
l'instabilité de nos réglementations sociales et fiscales ; c'est peut-être
pour cette raison que certaines vont s'installer ailleurs.
En outre, bien que les dix-neuf décrets d'application de la loi du 14 novembre
aient été publiés dans un délai record, certaines zones franches ont été
confrontées à des problèmes spécifiques : je pense à Cherbourg où, faute de
réserves foncières disponibles, il a été nécessaire de modifier le plan
d'occupation des sols, et l'on sait quel délai cela requiert !
Les anciens disaient qu'il ne fallait modifier les lois que « d'une main
tremblante ». Je souhaite donc que les conclusions de la mission Sueur aient
d'autres objectifs qu'une « loi patronymique ».
Le Gouvernement a choisi de créer des emplois-jeunes. Si je n'en ai pas
approuvé les modalités, je forme des voeux pour qu'ils rencontrent le succès et
qu'ils aident, sans les piéger, un certain nombre de jeunes. Mais seulement 40
% des emplois de ville prévus au budget de 1997 ont été réellement créés.
Pourquoi ? La préparation de cet avis nous a donné l'occasion d'interroger les
responsables de certaines villes.
Ces entretiens ont souvent fait ressortir le problème de « l'employabilité » -
mot assez terrible - des jeunes et la nécessité de placer l'insertion comme
préalable à nombre d'emplois-jeunes. Je pense ici, en particulier, à
Valenciennes, à Amiens et à quelques autres villes.
Il nous a été dit que de nombreux jeunes issus des quartiers en difficulté ne
pouvaient s'insérer directement dans l'emploi. Ils avaient besoin de
s'accoutumer à des rythmes et d'être réinsérés.
Voilà pourquoi il nous paraît important que ces modalités de réinsertion
soient une priorité et que, autour des emplois-jeunes, des dispositifs
d'insertion soient présents, tout particulièrement dans les quartiers.
Nous souhaitons donc que la nouvelle forme de discrimination positive ne donne
pas seulement lieu à une circulaire aux préfets pour que 10 % de ces emplois
soient réservés aux jeunes de ces quartiers. Il doit exister, au profit de ces
quartiers, des dispositifs d'accompagnement fondés sur l'insertion.
J'en viens au problème de la sécurité, qui constitue ma quatrième
préoccupation.
Depuis longtemps, le Sénat insiste auprès des ministres successifs sur la
nécessité de rétablir la paix publique et de lutter contre le sentiment
d'impunité, en sanctionnant les comportements délictueux. Au demeurant, les
récents événements de Mulhouse et d'ailleurs nous confirment qu'il y a perte de
références.
Un sociologue écrivait dans un grand journal du soir : « Aujourd'hui les
transports, c'est l'Etat, et c'est l'Etat qu'ils agressent. » Je crois que
c'est assez vrai. Il nous faut aujourd'hui faire rimer répression,
réorganisation de la police et de la gendarmerie, mais aussi prévention et,
plus encore, protection judiciaire de la jeunesse.
Tous les services intéressés doivent travailler ensemble pour renouer les fils
du dialogue sur le terrain, pour que ces quartiers retrouvent des repères, le
sentiment de la solidarité et la notion toute simple de ce qui est bien et de
ce qui est mal dans une vie en société.
Il me semble que la nécessité de juguler la violence des mineurs fait l'objet
d'une prise de conscience en Europe. Vous trouverez dans mon rapport écrit des
éléments relatifs au projet déposé devant la Chambre des communes.
Un certain nombre d'éléments de la réflexion qui est menée en Grande-Bretagne,
mais aussi en Allemagne, ne sont pas sans rappeler certains arrêtés municipaux
de cet été, qui étaient plus des appels, pour ne pas dire des cris, lancés en
direction de l'exécutif et de la représentation nationale.
Voilà donc quelques-unes des préoccupations de la commission des affaires
économiques et du Plan, qui s'intéresse à la politique de la ville tout autant
qu'à celle de l'espace rural ; pour nous, ce sont en effet deux facteurs
essentiels de l'équilibre du territoire.
Je pourrais y ajouter l'école et les zones d'éducation prioritaires, la mixité
sociale, la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, la présence
des services publics.
S'agissant de ce dernier point, j'insisterai sur le rôle irremplaçable du
bureau de poste comme guichet bancaire des modestes et des exclus : à Trappes,
dans mon département, les opérations aux guichets portent en moyenne sur 29
francs ! Cela donne à réfléchir ! S'il n'y a plus de bureau de poste, c'est
l'exclusion totale pour un certain nombre de nos concitoyens.
Avant de conclure, je voudrais aborder la question du cadre de vie.
Dans quelques semaines, je présenterai à la commission des affaires
économiques et du Plan un rapport sur les espaces péri-urbains. L'espace
périphérique est un milieu souvent sans nom, sans projet, sinon celui d'être la
future zone industrielle ou commerciale. Ni ville ni campagne, cet espace est
livré aux dépôts, aux friches, aux panneaux publicitaires qui vantent des
produits que les habitants des quartiers, le plus souvent, ne peuvent s'offrir.
Oui, toute la ville a droit au « beau », pas seulement en son coeur historique,
dans ses sites sauvegardés ou dans ses quartiers résidentiels. C'est un enjeu
qui nécessite une volonté ; nous y reviendrons.
Au-delà de l'évolution des crédits, dont on peut donner des interprétations
diverses, ce sont les incertitudes qui planent sur la politique du
Gouvernement, notamment sur le devenir du pacte de relance pour la ville, ainsi
que la disparition d'un véritable ministère de la ville - ce qui, ce soir, vous
aurait permis de souffler !
(Sourires)
- que nous appelions de nos voeux
dans un rapport publié dès 1993 et que nous souhaitions voir lié à celui de
l'aménagement du territoire, qui ont conduit la commission des affaires
économiques et du Plan à émettre un avis défavorable sur l'adoption des crédits
de la ville.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Blanc, rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, ce projet de budget intervient à un tournant : il porte en lui les
fruits prometteurs du pacte de relance pour la ville, mis en place sous
l'impulsion du précédent gouvernement, et, en même temps, il est au service
d'une politique de la ville qui nous semble courir aujourd'hui le risque d'une
démobilisation.
Le défi du pacte, qui était de relancer, à travers des mesures de réduction de
charges fiscales et sociales, l'activité économique dans des zones bénéficiant
d'une discrimination territoriale positive, semble être relevé sur le terrain
avec succès.
Depuis que mon avis est paru, l'association nationale des villes à zone
franche urbaine a publié des estimations intéressantes, montrant que, depuis le
1er janvier 1997, 1 123 entreprises se sont installées, ce qui correspond
environ à 5 849 emplois nouveaux dans ces zones.
Ces implantations d'entreprises ne correspondent pas toutes à des créations
nettes ; il peut s'agir aussi de délocalisations. Il faudra procéder à un
examen au cas par cas pour vérifier si elles sont motivées par un effet
d'aubaine ou si elles ont effectivement permis de sauver des emplois ou d'en
créer.
Le pacte, en tout cas, a eu un effet d'appel très fort auprès des
entrepreneurs, qui n'ont pas été découragés par l'image très négative des
quartiers sensibles que les médias diffusent parfois. Malgré les difficultés,
la vie reprend aux pieds de tours et d'immeubles que l'on croyait voués à
l'exclusion. L'inquiétude de la commission des affaires sociales n'en a été que
d'autant plus grande à constater que la politique de la ville marquait le
pas.
Tout d'abord, quelles que soient votre énergie et votre compétence, madame la
ministre, la commission des affaires sociales a regretté que la structure
gouvernementale actuelle n'ait pas prévu, au minimum, un ministre délégué ou un
secrétaire d'Etat pour vous assister et incarner la politique de la ville au
jour le jour, là où il faut animer et mobiliser les bonnes volontés, dans
toutes les zones prioritaires de la politique de la ville, coordonner les
efforts des grands partenaires de l'Etat et, enfin, négocier avec la Commission
européenne les dérogations nécessaires. Cela vous aurait également permis,
madame la ministre, de prendre un repos bien mérité en cette soirée.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vous remercie, monsieur le
rapporteur, de vous préoccuper de ma santé !
(Rires.)
M. Paul Blanc,
rapporteur pour avis.
L'autre défaut de cette structure est de rompre la
synergie et la complémentarité qui devraient s'établir entre la politique de la
ville et la politique de redynamisation de l'espace rural afin d'assurer le
développement équilibré et harmonieux de notre territoire.
Il existe, je l'ai dit, un risque de démobilisation parce que, cinq mois après
le changement de gouvernement, il est difficile de saisir quelles seront les
lignes directrices d'une action qui semble hésiter entre la continuité et la
volonté, sinon de remettre en cause, du moins de placer au second plan les
mesures spécifiques du pacte de relance, suspectées de donner lieu à des
abus.
Témoignent de cette incertitude originelle les silences initiaux du Premier
ministre, puis votre communiqué de juillet dernier, qui ne tranchait pas entre
politique globale et politique spécifique de la ville, ainsi que votre décision
de confier une vaste mission prospective à M. Jean-Pierre Sueur, dont on
connaîtra les conclusions dans quelques mois. Il faut prendre garde à ne pas
créer pour les entreprises un climat d'incertitude qui viendrait contrecarrer
le souffle nouveau du pacte.
Une autre inquiétude tient aux effets de l'instauration des emplois-jeunes par
rapport aux garanties que présentaient pour les jeunes des banlieues les
emplois de ville.
Parce que les jeunes résidant dans les quartiers sensibles sont trop souvent
victimes d'une discrimination à l'embauche à la seule lecture de leur adresse,
les emplois de ville leur étaient clairement destinés et ils permettaient, en
outre, de financer une formation complémentaire pour relancer une intégration
sociale.
S'agissant des emplois-jeunes, dont le volet formation est insuffisant, voire
inexistant, comme nous l'avons déjà souligné, le risque est grand de voir les
jeunes diplômés au chômage des communes avoisinantes recrutés de manière
préférentielle, ce qui créerait un effet d'éviction au détriment des jeunes des
banlieues. Au départ, les instructions des préfets pourront encore maintenir un
flux d'embauches au profit des jeunes des cités, mais qu'en sera-t-il dans un
an, alors qu'aucune garantie juridique n'est prévue pour éviter une dérive ?
Enfin, une autre inquiétude est née de la diminution de près de 30 % des
crédits de paiement au titre des investissements prévus dans les contrats de
ville, alors que les collectivités seront soucieuses de mener à bonne fin,
cette année, les projets lancés au cours XIe Plan.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a émis un avis
défavorable quant à l'adoption des crédits relatifs à la ville et à
l'intégration.
(Applaudissements sur le banc des commissions.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 13 minutes ;
Groupe socialiste, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, riches d'une culture multiséculaire, reflétant l'histoire et
les traditions de nos régions tout entières, les villes ont connu, au cours des
dernières décennies, une mutation et une expansion sans précédent, signe du
développement économique de notre pays.
Toutefois, cette expansion a engendré des dysfonctionnements, trop longtemps
sous-estimés par les pouvoirs publics, et qui, à l'orée du vingt et unième
siècle, nous conduisent à faire de la politique de la ville une priorité.
La pénurie de logements, dans les années cinquante, a suscité la construction
de grands ensembles préfabriqués, regroupant les individus verticalement, dans
un cadre de vie beaucoup trop restreint. Ce sera la source de nombreux malaises
dans la société contemporaine.
Ces constructions de masse sont allées de pair avec le libéralisme économique
des Trente Glorieuses, jusqu'à ce que la crise des années soixante-dix amène
les pouvoirs publics à revoir leur politique d'urbanisme. Ils décideront, en
1997, plusieurs années après les autres pays européens, d'arrêter la
construction des grands ensembles et de procéder enfin à une réhabilitation du
parc HLM.
En 1981, de nombreuses villes que les dirigeants croyaient fortes, protégées
qu'elles étaient par leurs tours de verre et de béton, se sont révélées
malades, victimes du chômage, de l'exclusion, de la violence ou de la
délinquance. Elles deviendront le creuset de la montée des extrémismes
religieux et politiques. Ainsi, les premières émeutes de Vénissieux ont été un
signal fort du malaise des banlieues.
Cette situation a conduit les gouvernements, notamment ceux de gauche, à
prendre des mesures pour pallier les problèmes rencontrés sur le terrain :
création des zones d'éducation prioritaires, en 1981 ; mise en place des
missions locales préconisées par le rapport de Bertrand Schwartz, en 1982 ;
institution des conseils communaux de prévention de la délinquance, à la suite
des travaux de Gilbert Bonnemaison, en 1983 ; multiplication des conventions de
développement social des quartiers, en 1984 ; création du conseil national des
villes et du développement social urbain, de la délégation interministérielle à
la ville et au développement social urbain ; enfin, mise en oeuvre des premiers
contrats de ville, en 1989.
Madame la ministre, la mission de réflexion sur la ville du xxie siècle, que
vous avez confiée à Jean-Pierre Sueur, souligne de nouveau, aujourd'hui, une
réelle préoccupation ainsi qu'une forte volonté gouvernementale de mener une
politique efficace pour la ville de demain.
Le choix de Jean-Pierre Sueur, qui est entouré d'une équipe d'acteurs de
terrain, marque aussi une certaine distance par rapport aux instances
traditionnelles en charge de la politique de la ville. Nous nous en
réjouissons. Il était en effet primordial qu'une telle mission ne soit pas à
nouveau confiée à une équipe de hauts fonctionnaires, trop peu au fait de la
réalité urbaine et du quotidien des individus dans les quartiers
défavorisés.
Cette mission de réflexion s'avérait nécessaire, d'abord, parce que les
contrats de ville arriveront à échéance à la fin de l'année 1998. Cette
situation suscite de légitimes inquiétudes, notamment chez les acteurs locaux
qui conjuguent leurs efforts dans la mise en oeuvre du développement social
urbain.
J'ai moi-même eu l'occasion de constater, dans l'agglomération de Thionville,
la réussite de plusieurs actions intercommunales exemplaires. Je sais, madame
la ministre, que vous aussi avez eu l'occasion d'apprécier la qualité de
nombreux projets mis en place grâce aux contrats de ville, et je ne doute pas
de votre vigilance quant à l'avenir de ces dispositifs.
La mission de réflexion est nécessaire, ensuite, parce que les dernières
mesures prises au titre de la politique de la ville ont bien vite montré leurs
failles et leurs limites.
Le pacte de relance, annoncé aux acteurs locaux comme un nouveau plan Marshall
et créant une nouvelle géographie prioritaire, n'a servi qu'à donner une image
négative à certaines villes et à montrer du doigt certains quartiers et
certains habitants.
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Je ne suis pas d'accord !
Mme Gisèle Printz.
Il a plus que jamais contribué à importer le principe anglo-saxon de la «
discrimination positive », contre lequel nous met en garde le dernier rapport
du comité national des villes.
De même, la politique de zonage n'a pas pris en compte la dimension économique
et sociale des villes concernées. Je constate, par exemple, dans le département
de la Moselle, que la zone franche de Metz-Borny n'est qu'une extension de
Technopôle 2000. Peut-on alors parler d'une mesure prise en faveur des
quartiers défavorisés ?
En outre, l'imprécision géographique qui aboutit à exonérer de taxe
professionnelle les entreprises situées d'un côté de la rue et non leur
vis-à-vis a conduit les élus locaux à devoir faire face aux protestations
légitimes des entreprises, des commerces ou des professions libérales qui ne
pouvaient bénéficier de ces dérogations fiscales.
Les résultats en termes de créations d'activités et d'emplois ont été peu
concluants, puisque l'on a surtout assisté à des délocalisations d'entreprises
déjà existantes.
Enfin, et c'est certainement la raison la plus importante, cette réflexion
s'avérait nécessaire car la politique de la ville doit être repensée dans son
ensemble à l'approche du prochain siècle, où la moitié de la population
mondiale sera « entassée » dans les seuls territoires urbains.
Ce que doit être la ville, nous le savons car nous en avons un idéal : elle
doit être un lieu d'échanges, de rencontres, de culture, de formation et de
solidarité, un lieu de démocratie et de citoyenneté. La politique de la ville
doit conduire à cet idéal.
Nous voulons de vraies villes où les catégories sociales se mêlent et où, peu
à peu, les ghettos disparaîtront. C'est un grand débat qu'il faut organiser
avec les citoyens, ainsi qu'avec tous les acteurs présents sur le terrain :
élus, urbanistes, associations, sociologues ou acteurs économiques de
proximité.
Les cités ne sont pas toutes semblables, les problèmes non plus. Il ne peut
donc pas y avoir de solution globale venue d'en haut. Chacun a des choses à
dire, des idées à apporter et c'est d'un tel débat que sortiront les
propositions que le Gouvernement devra mettre en cohérence et en conformité
dans l'intérêt de tous.
D'une façon générale, la politique de la ville doit rester interministérielle,
me semble-t-il, tout en étant proche des citoyens.
Il faut traiter la ville dans sa globalité et inciter les bassins de vie à
engager une politique coordonnée et complémentaire en recourant, le cas
échéant, aux structures juridiques de coopération intercommunale.
Bien entendu, cette nouvelle politique ne se fera pas en un jour. C'est la
raison pour laquelle une réflexion approfondie devrait s'engager très
rapidement. Jean-Pierre Sueur nous livrera bientôt son bilan - il est très
attendu - et ses conclusions constitueront, à n'en pas douter, une base
efficace pour la politique de la ville de demain.
Le projet de budget qui nous est soumis aujourd'hui traduit un budget de
transition. Il s'inscrit dans la continuité des engagements de l'Etat et
permettra à la politique de la ville de fonctionner jusqu'à la fin de l'année
1998.
J'avoue mal comprendre les critiques de l'opposition tendant à souligner le
manque d'initiatives prises dans le domaine de la politique de la ville ces
derniers mois. Je tiens à rappeler ici l'augmentation de l'allocation de
rentrée scolaire, de l'aide au paiement des cantines scolaires, de la
progression de l'aide personnalisée au logement et de l'allocation logement
social, la diminution de la taxe d'habitation pour les ménages les plus
modestes.
Le projet de budget de la ville s'inscrit pleinement dans la réflexion que
vous avez décidé d'engager, madame la ministre, et rejoint les priorités que le
Gouvernement s'est fixées pour 1998.
Premièrement, le plan emploi-jeunes permettra, entre autres, d'intégrer une
grande partie des douze mille emplois de ville, en leur assurant un statut plus
souple, ainsi qu'une meilleure rémunération. Comme vous, madame la ministre, je
pense préférable que les jeunes des quartiers en difficulté puissent parfois
travailler ailleurs que dans ces cités.
Vous avez affecté 414 millions de francs au budget pour que les jeunes qui ne
pourront exercer une activité nouvelle voient leur contrat de ville se
prolonger jusqu'à la fin de l'année 1998.
Ce plan emploi-jeunes permettra également de libérer des postes de CES ;
ceux-ci s'adresseront donc à nouveau au public en difficulté pour qui ils
étaient initialement prévus, jouant ainsi pleinement leur rôle
d'intégration.
Deuxièmement, la sécurité tiendra une place prépondérante au coeur de la
politique de la ville. Le Premier ministre a d'ailleurs affirmé, lors du
congrès de Villepinte, la « ferme volonté du Gouvernement d'assurer l'égalité
des citoyens devant le droit à la sécurité ». Ainsi, de jeunes adjoints de
sécurité et de jeunes médiateurs seront mis en place dans les quartiers.
Troisièmement, l'accès au logement sera facilité par la construction de
nouveaux immeubles. La réhabilitation de l'habitat, grâce à la diminution de la
TVA, permettra à de nombreuses familles d'être logées décemment.
Enfin, quatrièmement, l'accès aux services publics, notamment dans le domaine
de l'éducation, de la santé ou de la prévention de la délinquance constituera
également l'un des piliers de la politique de la ville pour 1998.
Au total, et en prenant également en compte les dispositions fiscales très
coûteuses liées au fonctionnement des zones franches, l'effort consacré à la
politique de la ville dépassera 20 milliards de francs en 1998, ce qui
représente une augmentation de 1 milliard de francs par rapport à 1997. Cette
progression, dans un contexte économique de rigueur budgétaire, mérite d'être
soulignée.
Pour conclure, madame la ministre, je félicite le Gouvernement qui a la
sagesse d'inscrire son action dans la continuité pour se donner le temps et les
moyens de procéder à la nécessaire réflexion sur l'avenir de la politique de la
ville. Aussi, mes chers collègues, le groupe socialiste votera en faveur du
budget de la ville et de l'intégration.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, depuis des années, les différentes politiques de la ville,
sanctionnées par des séries de lois parfois contradictoires, du développement
social des quartiers aux contrats de ville, sont loin d'avoir donné les
résultats escomptés. Un certain nombre de villes et de quartiers continuent de
s'enfoncer dans une dérive inquiétante.
C'est la complexité qui caractérise ce problème, entre le taux de chômage,
celui de la délinquance, celui de l'échec scolaire et tant d'autres : économie,
urbanisme, éclatement de la famille, acculturation amènent des villes, des
quartiers à dériver entre violence et désespérance.
Cette situation perdure et se dégrade, malgré la loi de 1990 sur le droit au
logement, la loi d'orientation pour la ville de 1991, la loi sur la diversité
de l'habitat de 1995 et le pacte de relance pour la ville de 1996.
C'est sur ce fond législatif que se situe le projet de budget que vous nous
présentez.
Il se situe à un moment où il est nécessaire de dresser un bilan des lois
antérieures et d'examiner les résultats de la mise en place des quatre cent
seize zones de redynamisation urbaine et des quarante-quatre zones franches
urbaines, dont on peut discuter à la fois du principe, du coût, des limites
géographiques, du détournement de la loi par des entreprises allant s'y
installer et y transportant des salariés ou un siège social, et d'un effet sur
la création d'emplois pour des personnes vivant dans ces zones qui paraît pour
le moment singulièrement limité.
Il était donc urgent de tout remettre à plat, d'où votre décision, madame la
ministre, de confier une mission d'évaluation à Jean-Pierre Sueur, qui devait,
me semble-t-il, vous remettre son rapport d'étape à la fin du mois de novembre
dernier - mais peut-être cela a-t-il été retardé - et son rapport définitif à
la fin du mois de janvier.
Je formulerai maintenant une remarque sur la forte déconcentration des crédits
: 90 % des crédits de la politique de la ville. Elle pose, entre autres, la
question de la nature des politiques choisies et conduites sur le terrain.
Pour ma part, et pour suivre, au titre du conseil régional, ce qui se passe
dans ma propre agglomération, je peux témoigner du fait que si les contrats de
ville, quand ils associent les régions et les départements, permettent de faire
travailler des collectivités ensemble sur un certain nombre de projets communs
- ce qui n'est déjà pas si mal - s'ils donnent la possibilité de faire
réfléchir sur des projets d'agglomération, trop souvent, la réflexion, l'action
et les crédits ne sont pas ciblés sur ce qui devrait être l'essentiel de
l'effort : refuser la segmentation des quartiers par fonction, qui induit la
ghettoïsation, et mettre en oeuvre la mixité des quartiers au sens fort de ce
terme.
Ce refus de la ghettoïsation, primordial, passe par la présence des services
publics dans les quartiers d'habitat social. Tous les rapports d'urbanistes,
mais aussi tous les témoignages d'intervenants de terrain, dénoncent la
faiblesse des services publics dans ces quartiers, qui contribue à ce que la
ville ne soit pas tout à fait la ville, au vrais sens du terme.
Or, avec une baisse des crédits de 7,5 millions de francs par rapport à 1997,
le projet de budget ne fait pas la part belle aux services publics. Il me
semble qu'il y aurait là un correctif à apporter.
Je rejoins d'ailleurs les remarques formulées par M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis, sur le rôle de La Poste et des services publics en
général, notamment dans ces quartiers en difficulté.
Bien entendu, ce refus de la ghettoïsation pour l'avenir passe aussi par tout
ce qui touche à l'urbanisme, par les réhabilitations, mais aussi par les
destructions-reconstructions de certains quartiers urbains, dont la conception
architecturale est elle-même porteuse de violence.
C'est dire que le budget que vous présentez est à la fois un budget de
consolidation et d'attente, qui permet de poursuivre les actions entreprises,
en attendant la mise en place d'une autre politique. Celle-ci est urgente !
Devant l'échec dramatique des politiques conduites depuis des années, malgré
l'argent qui a été consacré et malgré de très nombreuses initiatives souvent
intéressantes, publiques ou associatives, il est vital d'aboutir à des
résultats. Dans l'immédiat, ces résultats passent par une politique extrêmement
volontariste, notamment en matière d'emplois.
C'est pourquoi il est très important que les emplois-jeunes qui se
substitueront aux emplois de ville soient effectivement affectés aux quartiers
en difficulté. Je pense que vous y serez attentive, madame la ministre, car je
sais à quel point vous tenez à l'insertion par l'économique. Mais il faudra
fortement sensibiliser les préfectures et les collectivités sur ce point : les
emplois-jeunes doivent être non pas au service des quartiers en difficulté,
mais dans les quartiers en difficulté.
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Très bien !
Mme Joëlle Dusseau.
Enfin, j'évoquerai précisément l'intégration des immigrés de la deuxième
génération.
Je souhaite vous féliciter de prévoir un crédit spécifique dans des domaines
comme la lutte contre la discrimination à l'embauche ou l'accompagnement des
femmes adultes vers l'emploi et vers les formations qualifiantes.
Vous savez à quel point je suis sensible aux droits des femmes. Par ailleurs,
les femmes et les jeunes filles me paraissent constituer le point d'appui
essentiel pour l'intégration. Nous devons impérativement les aider et les
conforter.
Madame la ministre, les sénateurs radicaux-socialistes du groupe du RDSE
voteront le budget sur la politique de la ville et de l'intégration. Ce budget,
s'il est de transition, permet, en effet, de maintenir les effort nécessaires
dans l'attente de la remise à plat de la politique de la ville que vous avez
engagée.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, l'effort budgétaire en faveur de la politique de la ville et
de l'intégration s'inscrit dans la continuité de l'action développée au travers
des contrats de ville.
Le budget consacré à la ville est un budget d'attente, de transition. Ainsi,
1998 sera une année charnière pendant laquelle devraient se construire de
nouvelles perspectives.
Tout d'abord, il ne nous semble pas que ce soit une mauvaise chose. Depuis une
quinzaine d'années, les gouvernements successifs n'ont cessé de faire et de
défaire, ce qui est considérablement néfaste pour apprécier dans la durée tel
ou tel projet.
M. Paul Blanc,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Néanmoins, ils ont apporté un éclairage en clair-obscur des enjeux difficiles
et majeurs à définir. Un constat doit être fait : inexorablement, la
ségrégation se conforte, l'exclusion se territorialise, et ce depuis le début
des années quatre-vingt.
Ensuite, il nous semble très important de prendre le temps, dans l'urgence, de
construire une politique de la ville à long terme et, par conséquent, de
continuer d'écouter et d'auditionner les différents acteurs de la ville.
Nous tenons à confirmer notre soutien à votre volonté de consulter et
d'élaborer dans la concertation la politique de la ville.
A cet égard, il serait souhaitable, madame la ministre, monsieur le secrétaire
d'Etat, que vous nous indiquiez les premières grandes orientations définies par
la mission de réflexion confiée à M. Jean-Pierre Sueur qui doit rendre son
rapport à la fin janvier. Il serait également souhaitable que vous nous
précisiez les axes de la réforme de la politique de la ville et le sens du
tournant que vous annoncez pour le printemps prochain, mais également le
devenir et le développement, que nous souhaitons tous, des contrats de
ville.
Le Conseil national des villes fait état, dans son rapport de fin de mandat,
des quartiers en difficulté. Il émet une forte réserve sur la « discrimination
positive » qui, il faut le rappeler, a été le fer de lance de la politique de
la ville, notamment au cours des dernières années. Le pacte de relance pour la
ville en est la plus récente illustration.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen partagent cet
avis.
Nous ne connaissons que trop les effets pervers de cette politique qui conduit
bien souvent à la ghettoïsation.
Elle n'a fait que conforter la ségrégation, donc affaiblir la mixité sociale
si nécessaire au bien-vivre de ces quartiers en difficulté.
En atteste le taux de vacance de logements sociaux qui augmente de nouveau. De
plus en plus de familles, y compris des familles modestes, refusent de venir
s'installer dans des quartiers difficiles. Des familles populaires, aux revenus
modestes, mais à bout de souffle sont de plus en plus nombreuses à quitter ces
quartiers, souvent au prix de sacrifices financiers.
Aux Minguettes, 12 % des 6 000 logements sociaux sont vacants. Plus
globalement, 60 % des familles qui vivent en HLM ne paient pas l'impôt sur le
revenu et 45 % touchent l'APL. Une paupérisation est constatée. Il faut donc
absolument stopper ce mouvement et favoriser le maintien d'une population
diversifiée dans ces quartiers.
Nous pensons, par exemple, au niveau du logement, qu'il faut aussi contribuer
plus largement à la réhabilitation des copropriétés. La politique de la ville
ne doit aboutir à opposer les habitants de tels ou tels quartiers ou telle ou
telle catégorie à telle autre.
S'agissant de la sauvegarde de l'emploi, le bilan d'une année de pacte de
relance de la ville est partagé : encourageant pour les uns, mitigé pour les
autres.
En revanche, l'inscription dans le budget de la ville d'un crédit de 1
milliard de francs pour la mise en place des emplois-jeunes nous semble
justifiée. Nous serons très vigilants à l'avenir pour que les collectivités
locales disposent de tous les moyens nécessaires pour la réussite de ce plan
dont les jeunes attendent beaucoup.
Concernant le mal-être des quartiers en difficulté et la violence qui y règne
parfois, les récents mouvements qui touchent les transports en commun - Lille,
Mulhouse, Valence et Orléans en sont les exemples les plus récents - nous
obligent à réaffirmer notre volonté de considérer le problème à la base. Les
raisons principales en sont le chômage, la précarité - source de misère - et la
perte de confiance en l'avenir. Ces fléaux touchent de plus en plus de
personnes. Nous observons même un rajeunissement très important des auteurs
d'actes d'incivilité ou d'actes délictueux.
Tout en étant vigilants face aux actes inaceptables, qu'il faut réprimer, nous
devons - c'est d'ailleurs ce que Mme Elisabeth Guigou préconise - rétablir
l'éducation civique et favoriser la mise en place de projets de dynamisation
dans le cadre scolaire.
Le crédit déployé pour les emplois-jeunes dans le budget de la ville explique
à lui seul la progression de près de 7 % de l'effort public global en faveur de
la ville.
Aussi, en cohérence avec le vote qu'il a émis sur le projet de loi relatif au
développement d'activités pour les emplois-jeunes et compte tenu des
engagements que vous avez pris, madame la ministre, d'améliorer le contexte
budgétaire, le groupe communiste républicain et citoyen votera en faveur du
présent projet de budget, avec la volonté d'encourager et, surtout, de
participer à la réflexion en cours sur la réforme de la politique de la
ville.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
ainsi que sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, le sentiment qui prévaut à l'examen du projet de budget de la
politique de la ville est celui d'une certaine perplexité, pour ne pas dire
d'une perplexité certaine.
Certes, l'effort financier reste, globalement, comparable à ce qu'il était en
1996, dans le prolongement du plan d'urgence lancé en 1993 et de l'effort
exceptionnel consenti l'an dernier, à hauteur de 14 milliards de francs, alors
que la dépense de l'Etat, au titre de la politique de la ville, représentait
encore 8 milliards de francs en 1994.
La constance de cet effort ainsi que le mouvement de globalisation des crédits
consacrés à la politique de la ville à travers le fonds interministériel
d'intervention pour la politique de la ville, mis en place en 1995,
s'inscrivent dans la bonne direction, même si, comme le souligne notre
excellent rapporteur spécial, M. Philippe Marini, ces dispositions rendent plus
difficile la lecture des documents budgétaires.
En fait, notre perplexité trouve sa source dans l'incertitude devant laquelle
nous nous trouvons quant aux orientations futures de la politique de la ville,
incertitude qui nous conduit à discuter de dotations financières sans savoir
dans quel cadre elles seront consommées.
Le projet de budget qui nous est soumis apparaît ainsi comme un budget
d'attente. Attente, en particulier, des conclusions auxquelles aboutira M.
Jean-Pierre Sueur, à l'issue de la mission dont il a été chargé.
Or, la situation nous permet-elle vraiment d'attendre ?
Les acteurs du terrain, qui sont quotidiennement confrontés aux dures réalités
de nos villes et de nos quartiers, qui ont besoin de savoir ce qu'ils feront,
avec qui et avec quels moyens ils le feront, peuvent-ils attendre ?
Les événements dont nous sommes les témoins indignés et consternés nous
laissent à penser qu'on ne peut répondre que par la négative. Sans doute est-il
nécessaire de faire le point sur les politiques de la ville qui ont été
conduites dans notre pays depuis vingt-cinq ans.
Mais il y a urgence, plus, sans doute, qu'il n'y en avait à s'attacher à
modifier le code de la nationalité.
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Certainement !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ce n'est pas si sûr !
M. Daniel Eckenspieller.
Il eût été possible d'organiser un débat parlementaire sur ce sujet brûlant.
L'expérience acquise par un très grand nombre de nos collègues députés et
sénateurs eût permis, par-delà les clivages partisans, de procéder à une large
évaluation et de dégager les lignes de force des actions à pérenniser et de
celles, nouvelles, à défricher.
Le débat pouvait s'engager également avec les associations d'élus locaux qui
ont investi, depuis des décennies, du temps, des budgets, du militantisme, dans
des mairies dont les services ont, sous leur impulsion, modifié leurs modes
d'intervention, créé de nouveaux métiers, inventé de nouvelles relations avec
la population.
Ce débat a été différé. Nous le regrettons.
Nous regrettons également que, contrairement au voeu exprimé d'une manière
récurrente par les acteurs de la politique de la ville - et ce depuis des
années et sous tous les gouvernements qui se sont succédé - on ait persisté à
s'inscrire dans une démarche éclatée.
Ils continueront d'avoir à faire aux interlocuteurs, aux logiques, aux
procédures, du ministère de l'équipement, du ministère de l'aménagement du
territoire, du ministère de l'emploi et de la solidarité, du secrétariat d'Etat
au logement, de la délégation interministérielle à la ville, de la fédération
des offices d'HLM, des gestionnaires du Fonds d'action sociale et des fonds
structurels européens.
Ils souhaitent un interlocuteur gouvernemental clairement identifié et un
relais local tout aussi clairement identifié, qui soit investi d'un réel
pouvoir d'arbitrage et de décision.
Ils souhaitent sortir de l'incertitude chronique qui les a épuisés à travers
des dispositifs qui cohabitent, se superposent, se contredisent parfois, et qui
finissent par conduire à un agrégat de crédits et d'exonérations, auxquels mène
un cheminement qui gaspille l'essentiel de l'énergie dont ils auraient le plus
grand besoin ailleurs.
Ils attendent plus de simplicité, plus de stabilité, plus de cohérence, une
transversalité qui ne se situe pas seulement au niveau de la distribution des
crédits et de l'harmonisation des procédures, mais encore à celui de la réelle
implication des différents services déconcentrés de l'Etat dans le combat qui
est mené pour une vie urbaine plus équilibrée et enfin pacifiée.
Ils ont besoin, aussi, de voir réduit le délai de versement des fonds qui leur
sont accordés, afin de ne plus être confrontés, en permanence, à des problèmes
de trésorerie quasiment insolubles.
(Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité fait un signe
d'assentiment.)
Ma ville - une petite ville de 16 000 habitants - avance
actuellement environ 2 millions de francs, pour des fonds attendus de l'Etat,
du FAS et du Fonds social européen.
Je voudrais évoquer très rapidement encore quelques points particuliers.
Les contrats de ville, d'abord, pour regretter que les crédits de paiement qui
leur sont affectés soient en nette diminution par rapport à 1997.
Le fait que les crédits ne seront pas entièrement consommés en 1997 ne
justifie pas, en soi, cette réduction, puisque la consommation incomplète est
due, pour l'essentiel, à la lourdeur et à la lenteur des procédures, mais pas à
l'insuffisance des besoins, ni à l'absence de projets.
L'intérêt des contrats de ville, du fait de leur approche globale au sein d'un
ensemble urbain, ne semble plus à démontrer.
Compte tenu de cet intérêt, compte tenu du fait que les conclusions
définitives du rapport Sueur ne seront connues que dans plusieurs mois et,
surtout, afin que leur échéance vienne coïncider avec celle des contrats
Etat-région et avec celle des fonds structurels européens, il semblerait
pertinent de les proroger jusqu'en 1999,...
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Daniel Eckenspieller.
... comme l'a opportunément suggéré le rapporteur pour avis M. Gérard
Larcher.
En ce qui concerne, par ailleurs, les dispositifs issus du pacte de relance
pour la ville, 1998 constitue la première année où les mesures qu'ils ont
induits commenceront à être vraiment opérationnelles.
Si, dans le détail, certaines erreurs flagrantes dans la délimitation de ces
zones peuvent sans doute être corrigées, il serait certainement très
dommageable de remettre fondamentalement en cause un dispositif qui porte ses
fruits, dans lequel des acteurs locaux se sont fortement investis et pour
lequel de très nombreux dossiers prennent corps actuellement.
Pourquoi l'Etat n'apporterait-il pas, lui aussi, très concrètement et d'une
manière symbolique, sa contribution à la reconquête des pans de villes en
déshérence ?
Pourquoi n'y implanterait-il pas des services décentralisés, une
sous-préfecture, un hôtel des impôts, une inspection de l'éducation nationale,
une agence pour l'emploi, une direction du travail ?
De telles décisions seraient interprétées comme des signes forts de la
confiance de l'Etat dans ses propres politiques, celles qu'il initie, qu'il
conduit ou qu'il accompagne.
Il n'est pas possible de parler de la politique de la ville sans évoquer les
problèmes d'insécurité et d'incivilité.
Des solutions adaptées doivent impérativement être trouvées, pour restaurer la
confiance des habitants de nos villes.
J'ai été témoin, avant-hier soir, de l'accueil fait à coups de pierres et de
boulons aux sapeurs-pompiers de ma ville de la banlieue de Mulhouse, alors
qu'ils étaient appelés à intervenir à la suite du jet d'un cocktail Molotov sur
un bus du réseau des transports publics.
L'ordre et la sécurité relèvent des missions régaliennes de l'Etat.
A cause de dérives qui se sont produites dans deux ou trois villes de notre
pays, dans un contexte qui reste, heureusement, très marginal, on met
aujourd'hui en cause un outil souvent modeste dont les maires se sont dotés
pour apporter un service de proximité immédiate et un plus grand sentiment de
sécurité à leurs concitoyens.
Au moment où le Gouvernement souhaite faire légiférer sur le statut des
polices municipales, il ne faudrait pas que l'immense majorité des maires,
pétris d'un authentique esprit républicain, se trouvent encore un peu plus
désarmés face à des situations pour lesquelles ils sont interpellés
quotidiennement.
Je dirai encore un mot des emplois-jeunes, en relation avec la politique de la
ville.
Dans une même commune, on trouvera des emplois-jeunes relevant de l'éducation
nationale, de la sûreté nationale, des différents bailleurs sociaux,
d'associations locales, d'établissements publics et, enfin, de la collectivité
elle-même.
Ne serait-il pas logique d'intégrer tous ces jeunes dans une stratégie de
développement local et de faire du maire la clé de voûte d'un système qui
trouverait ainsi toute sa cohérence territoriale, sans rien enlever à chacun
des autres partenaires concernés ?
Toujours à propos des emplois-jeunes, j'aimerais que vous puissiez nous dire,
madame la ministre, si le problème de leur affiliation à l'assurance chômage,
lorsque leur employeur est une collectivité territoriale ou un établissement
public, a pu, à ce jour, trouver une solution.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Oui !
M. Daniel Eckenspieller.
Enfin, mesurant tout le professionnalisme qui est nécessaire aux acteurs de la
politique de la ville, je voudrais souligner tout l'intérêt que présenterait la
création d'un institut des métiers de la ville, telle que l'a envisagée la
ville de Mantes-la-Jolie depuis 1996, en concertation avec le ministère de
l'éducation nationale, la délégation interministérielle à la ville et au
développement social urbain, la DIV, le sous-préfet à la ville du département
concerné et la région d'Ile-de-France.
Un tel projet répondrait également à une priorité communautaire concernant les
interventions du Fonds social européen dans le domaine des nouveaux gisements
d'emploi.
J'aimerais connaître votre sentiment, madame la ministre, sur ce dossier qui,
par-delà des besoins locaux, enrichirait et rendrait plus cohérentes les
actions conduites à travers le territoire national.
En regrettant que les priorités du Gouvernement en matière de politique de la
ville ne soient pas plus clairement affichées dès à présent, nous serons très
attentifs, madame la ministre, aux réponses que vous apporterez aux multiples
questions qui restent en suspens et que se posent aujourd'hui les dizaines de
milliers de combattants de la difficile et épuisante reconquête de la cité
républicaine.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messsieurs les sénateurs, une fois de plus je comprends assez mal le
positionnement du Sénat. Les mêmes personnes - M. Marini, M. Larcher - me
reprochent de ne pas innover, de ne pas faire assez et, dans le même temps, me
soupçonnent de vouloir mettre à bas les mécanismes existants, que ce soient le
pacte de relance pour la ville ou les contrats de ville.
La vérité est ailleurs.
Nous connaissons tous ces quartiers ; nous y travaillons depuis plus de quinze
ans, depuis le rapport Bonnemaison, avec des contrats qui ont porté des noms
divers.
Nous savons aussi que ces quartiers sont fragiles, que toute modification
brutale des dispositifs peut entraîner des résultats catastrophiques aussi bien
pour les élus que pour les associations.
Je comprends donc mal de telles diatribes.
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Ce n'étaient pas des diatribes !
M. Philippe Marine,
rapporteur spécial.
J'ai été très modéré, très courtois !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Très modéré ? Vous avez dit que
nous ne savions pas ce que nous faisions !
Et qu'auriez-vous dit si nous avions rompu les contrats de ville alors qu'il
ne reste plus qu'une année d'application puisque chacun sait qu'ils se
terminent à la fin de 1998 ? Qu'auriez-vous dit si nous avions arrêté le pacte
de relance pour la ville alors même que la loi prévoit un bilan que nous sommes
en train de préparer pour l'été prochain ?
Encore une fois, ces affaires méritent du sérieux. On parle de quartiers en
difficulté, de délinquance, de médias qui montrent des jeunes qui jettent des
pierres. Derrière tout cela, il y a la désespérance, et je n'admets pas qu'on
en parle de cette manière.
On ne peut pas nous reprocher une chose et son contraire ! Je suis ministre de
la ville et je connais bien ces quartiers ; j'y ai travaillé avec ma fondation
pendant quatre ans ; j'y travaille dans ma ville, et je compte bien remplir
complètement cette mission.
Encore une fois, on ne peut en parler comme vous le faites, messieurs, surtout
pas aujourd'hui, et encore moins avant les élections. Jamais vous ne me verrez
adopter une attitude politicienne en la matière.
Nous devons tous réfléchir à ce que ces politiques de la ville nous ont
apporté depuis quinze ans, mais aussi à ce qu'elles ont été incapables de nous
apporter, car, au fond, si ce pacte de relance pour la ville était si
merveilleux, en serions-nous là aujourd'hui ?
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Laissez-le s'appliquer, il n'a pas un an ! Ce n'est
pas sérieux !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur, c'est
d'autant plus sérieux que c'est exactement ce que je fais. Je n'ai rien modifié
au pacte de relance pour la ville, si ce n'est quelques périmètres - certains,
d'ailleurs - à la demande de sénateurs de l'opposition, qui n'étaient guère
admissibles puisqu'ils passaient au milieu de la rue.
Pour le reste, je le laisse s'appliquer, car, moi, je crois à la République.
Quand une loi existe, je l'applique et je vais jusqu'au bout. De même, si je
fais un bilan, c'est parce que la loi le prévoit.
Par conséquent, ne soyez pas si critique avant même de savoir ce que nous
faisons et ne nous demandez pas de changer tout au moment où vous demandez de
ne rien changer ! Il faut être un peu cohérent, surtout s'agissant de ce
problème-là !
Que tout le monde se rassure : il n'y aura pas de modification brutale.
Simplement, nous sommes déterminés à aller plus loin, car, aujourd'hui, tout le
monde se pose des questions sur ces quartiers et sur le bilan des quinze
dernières années.
Je ne jette pas le bébé avec l'eau du bain ! Je sais très bien ce qu'ont
apporté les crédits de la politique de la ville à ces quartiers. Ils ont sans
doute évité une implosion majeure, et s'ils n'ont pas évité la désespérance,
ils ont sans doute évité encore plus d'exclusion, avec son cortège de malheurs
et même de déstructuration forte chez les plus jeunes.
Cela étant, ils n'ont pas donné les résultats attendus, et il faut
qu'aujourd'hui nous le reconnaissions.
C'est la raison pour laquelle, dans cette année de transition, comme l'a dit
M. Fischer - première année du pacte pour la ville, dernière année des contrats
de ville - il m'a paru important de poursuivre la politique menée avec les
mêmes crédits que l'année dernière, tout en réfléchissant pour l'avenir.
Et si l'on enregistre une baisse de certains crédits, il s'agit uniquement de
crédits de paiement en matière d'investissement parce que mes prédécesseurs
n'ont pas su dépenser les sommes qu'ils avaient votées. Pourtant, Dieu sait si
les besoins sont importants, notamment dans les grands projets urbains, ou pour
favoriser le retour des services publics dans ces quartiers ! La vérité, la
voilà !
Pour le reste, nous reconduisons exactement les contrats des années passées,
tels qu'ils ont été signés par mes prédécesseurs et tels que je les ai signés
en tant qu'élue dans ma ville.
Pour ce qui est des emplois de ville, là aussi parlons-en ! On en attendait 25
000 ; il y en a aujourd'hui 12 500.
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
On a arrêté cet été !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Absolument pas ! On n'a pas
arrêté cet été, pas plus que l'application de la loi de Robien, comme on l'a
dit tout à l'heure. Les faits sont têtus. Quand je suis arrivée à la tête du
ministère, il y avait 6 000 emplois de ville, et il y en a 12 500 aujourd'hui !
Je vous ferai parvenir les chiffres exacts.
J'applique les loi telles qu'elles existent jusqu'au moment où elles sont
modifiées.
Les emplois-jeunes vont remplacer les emplois de ville chaque fois que c'est
possible. Avant-hier encore, je participais à un débat, à Strasbourg, avec 300
jeunes. Ils sont ravis d'avoir les emplois-jeunes, car ils vont passer d'un
mi-temps à un temps plein, ils vont doubler leur salaire et ils ont
l'impression qu'ils vont avoir un vrai travail et non pas un petit boulot
reconductible de six mois en six mois. La réalité, la voilà !
Si certains de ces jeunes ne remplissent pas ces contrats, - nous l'avons
aussi prévu - 414 millions de francs sont inscrits l'année prochaine pour
pouvoir les maintenir dans l'ancien dispositif. Cela vous gêne peut-être, mais
c'est cela la vérité !
Mme Printz a beaucoup insisté - elle a eu raison - sur le fait que ces
emplois-jeunes devaient profiter aux jeunes des quartiers en difficulté.
Je n'ai pas dit non plus, monsieur Marini, dans une circulaire aux préfets,
qu'il fallait leur garantir 10 % de ces emplois. J'ai demandé, bien au
contraire, que la priorité absolue soit accordée aux jeunes des quartiers en
difficulté, mais aussi à ceux des zones rurales dévitalisées, qui souvent sont
inscrits au chômage depuis longtemps, ou à ceux qui ne sont plus inscrits à
l'ANPE parce qu'ils n'ont aucun espoir de se voir proposer quelque chose et qui
sont connus des missions locales, des PAIO ou des associations. C'est ceux-là
que nous devons aller chercher.
J'ai demandé aux préfets de soutenir les élus qui font un effort en faveur de
ces jeunes. Je l'ai d'ailleurs rappelé dans une circulaire particulière de
quelques lignes mais extrêmement forte, voilà quelques jours, après avoir eu un
ou deux exemples de non-application.
Je suis donc convaincue que les emplois-jeunes profiteront en priorité à ces
catégories de jeunes que je viens d'évoquer.
Je veux rassurer M. Eckenspieller sur le statut des emplois-jeunes au regard
de l'UNEDIC. Les collectivités locales pourront choisir soit leur régime
d'indemnité chômage particulier, auquel elles peuvent adhérer pour les contrats
qui ne sont pas des contrats publics, soit l'adhésion à l'UNEDIC puisque nous
avons eu un accord écrit des partenaires de l'UNEDIC sur ces emplois-jeunes,
qui sont considérés comme des emplois pérennes, et donc intéressants pour
l'UNEDIC. Qui peut, en effet, considérer aujourd'hui qu'un emploi de cinq ans
n'est pas pérenne ?
Nous sommes donc aujourd'hui, monsieur Marini, dans l'année d'achèvement des
contrats de ville. Nous n'avons pas souhaité en modifier le terme, car, encore
une fois, nous sommes en train de faire un bilan. Nous pourrons, par la suite,
prévoir ce qu'il est nécessaire de faire en ce qui concerne la politique
spécifique de la ville.
En ce qui concerne le pacte de relance pour la ville, nombreux sont ceux qui
se posent des questions, notamment le Conseil national des villes, le CNV, qui
comprend des élus de toutes tendances. Fallait-il « zoner » ? Fallait-il
considérer que nous faisions un progrès en classant ces quartiers en difficulté
en zones urbaines sensibles, en zones de redynamisation urbaine ou en zones
franches ?
Fallait-il ainsi considérer qu'il y avait dans le malheur, dans
l'incompréhension et dans la désespérance des catégories, avec pour certains la
possibilité de voir arriver des emplois et pour d'autres non ? Voilà les
questions qu'avait posées le CNV lorsqu'il avait été consulté par le précédent
gouvernement !
Cela dit, ces zones franches existent, et elles ont entraîné des créations
d'emplois. A cet égard, le bilan présenté par l'association des maires de
villes en zone franche me paraît optimiste.
En tout cas, des emplois ont été créés. Certains sont de véritables créations,
et nous nous en réjouissons ; d'autres sont des délocalisations et, de ce point
de vue, il aurait peut-être fallu être plus sévère dans la loi.
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
C'est prévu dans la loi !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non, ce n'est pas prévu dans la
loi !
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Si, il y a des verrous, il y a des comités...
M. le président.
Si vous souhaitez interrompre Mme le ministre, demandez-lui l'autorisation,
monsieur le rapporteur spécial.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur spécial,
alors que nous avions prévu, à Lille, de refuser des délocalisations, le préfet
nous a fait savoir que nous n'en avions pas juridiquement la possibilité. C'est
vous dire que ce n'est pas prévu ; mais. effectivement, cela aurait dû l'être
!
De la même manière, nous aurions pu être plus contraignants pour les critères
d'embauche dans les quartiers. Aujourd'hui 20 % seulement des emplois créés
doivent revenir à des habitants des quartiers. Si nous y mettons un peu du
nôtre, nous pouvons atteindre des pourcentages beaucoup plus importants. A
Lille, par exemple, nous atteignons aujourd'hui 70 % des 350 emplois qui ont
été créés dans les zones franches.
Faisons un bilan de ce pacte de relance pour la ville qui soit le plus
contradictoire possible, avec les élus - je le fais avec le Conseil national
des villes - avec les acteurs sur le terrain, et regardons comment nous pouvons
l'améliorer.
Vous l'avez dit vous-mêmes, dans ces périmètres, on manque de terrains
importants. Aujourd'hui, les entreprises viennent surtout s'installer en bas
des immeubles ou dans les petits centres commerciaux. Faut-il revoir aussi
cette question et faire en sorte que des entreprises plus importantes puissent
venir s'installer dans ces quartiers ? Cela fait certainement partie des
propositions qu'il conviendra de faire.
Ce bilan d'ensemble, nous le faisons sur le pacte pour la ville mais aussi sur
les contrats de ville. L'administration est en train de réaliser ces bilans
avec les préfets, les maires, les élus. Ce bilan sera aussi un bilan
contradictoire. J'entends que, durant les premiers mois de l'année prochaine,
juste après les élections - en effet, il ne faut pas politiser ce débat - et
avant l'été, les élus, les acteurs sur le terrain puissent donner leur avis sur
ces dispositifs du pacte pour la ville et des contrats de ville.
Aujourd'hui, les critiques sont vives. Les dispositifs sont complexes,
extrêmement bureaucratiques, technocratiques, loin d'entraîner une
contractualisation sur des objectifs clairs.
C'est bien sur tout cela que nous sommes en train de réfléchir, notamment dans
le cadre de la mission Sueur.
Là aussi, on glose sur la mission Sueur. Mais ne croyez-vous pas, alors que
nous allons aborder le XXIe siècle, qu'il est temps de se poser la question de
la forme que devront avoir nos villes ?
Nous sommes tous d'accord pour dire que ces villes sont aujourd'hui des villes
sans mixité sociale, avec, pour les pires d'entre elles, des quartiers où il
n'y a plus qu'une seule fonction : le logement, il n'y a plus d'emplois, ou
très peu, peu de services publics, en dehors des écoles, et peu de lieux
commerciaux, peu de lieux de loisirs, de culture. Et encore, ceux qui existent
sont le fruit de la politique spécifique de la ville !
Nous sommes donc en train de réfléchir non pas seulement aux quartiers zonés,
mais bien à la forme que devront prendre nos villes pour être de nouveau de
vraies villes, c'est-à-dire des villes où se côtoient des catégories sociales
différentes, des villes qui soient esthétiquement correctes, où les services
publics puissent être présents, où la République puisse être présente.
Car, dans le fond, nombre de jeunes qui lancent des pierres, quand on leur
parle des lois de la République, nous demandent où est la République. Où
est-elle, en effet, dans ces quartiers, quand la police n'est pas là ? Et que
leur propose la République en matière d'emplois ?
Voilà ce à quoi nous devons répondre ! C'est préférable aux critiques que j'ai
entendues ce soir !
Sur les formes que doivent avoir nos villes demain, je partage l'opinion de M.
Larcher. Cette réflexion doit dépasser le cadre des quartiers en difficulté.
M. Jean-Pierre Sueur m'a rendu son prérapport vendredi dernier. J'ai eu
l'occasion de le lire ce week-end. Ce prérapport comportera, effectivement, des
propositions sur la recomposition des villes autour des agglomérations.
Il faut que nous traitions le problème des centres-villes, qui peu à peu se
dépeuplent, celui des abords des villes, ces zones périurbaines qui sont
aujourd'hui effrayantes de laideur, dans la plupart des cas.
Il faut que nous fassions en sorte que tous les quartiers redeviennent des
quartiers de mixité sociale et de mixité de fonctions. Cela pose, bien sûr, des
problèmes de logement, mais aussi des problèmes de transports, de présence des
services publics.
Voilà à ce quoi nous sommes en train de travailler : quelle forme faut-il
donner à nos villes ? Quelle est la taille pertinente pour négocier avec l'Etat
et avec les régions ? Quels moyens financiers faut-il y consacrer ? En effet,
il faut traiter le problème de la solidarité financière entre les villes, faute
de quoi on ne traitera pas la question des quartiers en difficulté.
C'est là la première mission de M. Jean-Pierre Sueur, qui est entouré, bien
sûr, d'acteurs du terrain, d'élus, mais aussi d'urbanistes, d'architectes, de
sociologues, d'historiens, car c'est à l'avenir de nos villes pour les vingt
ans qui viennent que nous devons réfléchir.
Par ailleurs, cette mission devra s'interroger - certains d'entre vous l'ont
dit - sur la façon de répondre aux problèmes des quartiers en difficulté à
travers l'ensemble des politiques publiques, car les politiques spécifiques de
la ville qui ont été exclusivement évoquées ce soir par vos rapporteurs ne sont
que résiduelles par rapport à la politique que nous devons mener : c'est bien
une politique de logement et de mixité sociale que nous devons recréer, mais
aussi une politique de transports publics, une politique de services publics
intégrés, une politique d'éducation, d'accès aux soins, tous éléments qui
contribuent effectivement à recréer des vraies villes. C'est bien autour de
cela que nous devons travailler, et c'est bien ainsi que nous réfléchissons.
Certes, il y aura des politiques spécifiques de la ville, bien évidemment, car
tout ne doit pas changer d'un coup. Je suis convaincue, pour ma part, pour
l'avoir vécu et tant qu'acteur de terrain et pour le vivre maintenant de
l'autre, côté que les contrats de ville tels qu'ils existent aujourd'hui sont
beaucoup trop bureaucratiques et technocratiques. Ils ne laissent aucune part
aux élus pour définir véritablement une stratégie de développement pour leurs
quartiers.
Je considère que nous ne sommes plus à une époque où l'Etat et la région
doivent demander à un élu de définir 200 ou 250 actions par quartier de manière
extrêmement parcellisée et technocratique. Au demeurant, quel préfet peut dire
aujourd'hui quelle est véritablement la stratégie de développement d'un
quartier ? Aucun, je crois, et ce n'est pas comme cela que nous travaillons.
Je souhaite donc que l'on fasse davantage confiance aux élus, car ce sont eux
qui ont été choisis par les habitants des quartiers, et ce sont eux qui doivent
dire, avec lesdits habitants, avec les acteurs de terrain, quelle est la
stratégie de développement qui doit être choisie sur chacun des grands axes :
développement économique et emploi, urabnisme, logement et environnement,
action sociale, action culturelle et sportive, prévention de la délinquance et
sécurité. Quelle sont les priorités ? Quels sont les objectifs ? Quels sont les
moyens que l'on y met ?
C'est par des moyens globalisés que l'Etat doit aider les agglomérations et
les villes à développer leurs quartiers. Si nous devons modifier les contrats
de ville, ce n'est pas pour tout mettre en l'air, mais bien pour remettre de la
cohérence, de la stratégie, afin de globaliser les crédits et de faire
davantage confiance aux élus, qui ont été choisis démocratiquement pour
représenter ces villes, mais aussi pour les modifier.
Ainsi, dans mon esprit, si le zonage peut rester pertinent pour quelques
actions spécifiques, il ne doit pas être au coeur même de cette
contractualisation entre l'Etat, les régions et les villes. Ce qui est
important, pour nous, ce n'est pas que les jeunes et les habitants restent dans
leur quartier, mais bien qu'ils circulent à travers la ville.
C'est bien pour cela, d'ailleurs, que les emplois-jeunes sont un progrès par
rapport aux emplois de ville, car leurs bénéficiaires ne vont pas rester dans
leur quartier pour y travailler : ils vont sortir, ils vont pouvoir circuler
dans la ville, y être des citoyens à part entière.
J'ajouterai un dernier point : cette politique spécifique - M. Eckenspieller
l'a très justement dit - doit entraîner, de la part de l'Etat et des régions,
des paiements dans les délais. Nous l'avons vu aussi bien avec la Communauté
européenne qu'avec l'Etat ou les régions, nous ne remplissons pas aujourd'hui
les engagements que nous avons signés avec beaucoup d'acteurs, que ce soient
des élus ou des associations.
Nous sommes ainsi responsables de beaucoup de désagréments et de désespérance
quand, par exemple, les crédits ne sont versés qu'en fin d'année et non avant
l'été et que, de ce fait, une association n'a pas pu envoyer des enfants en
vacances. Je pourrais d'ailleurs multiplier les exemples, vous les avez
vous-mêmes en tête.
Nous devrons, dans ce domaine, faire ce que nous avons fait pour les
emplois-jeunes, c'est-à-dire nous montrer capables de payer à temps, et je
dirai même avant, avec des contrats pluri-annuels, des objectifs, une
évaluation, puis une sanction si cette évaluation n'aboutit pas aux résultats
escomptés.
Voilà la réflexion que nous menons avec Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas une «
petite réflexion d'attente », mais bien une réflexion profonde, au coeur de la
politique de la ville.
Voilà pourquoi je souhaite que, sur ces sujets, nous ne nous opposions pas, et
voilà pourquoi j'ai évité de dire ce que je pense fortement d'un certain nombre
de dispositifs antérieurs que vous avez - ou que nous avons - mis en place. Je
pense, en effet, qu'il ne faut pas déstabiliser ces quartiers, que les
associations et les acteurs de terrain ont besoin de continuité, et je crois
que ce serait une erreur majeure aujourd'hui que nous opposer en la matière,
sauf si nous souhaitons que l'extrêmisme progresse encore, dans et autour de
ces quartiers.
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Pour le moment, vous lui rendez bien service, avec le
texte qui vient d'être voté à l'Assemblée nationale !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous en reparlerons, si vous le
voulez bien, monsieur le rapporteur spécial, mais ce n'est pas notre sujet
aujourd'hui !
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
C'est pourtant vrai !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Allons ! monsieur Marini, c'est faux ! Et, en plus,
c'est bête !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
En matière de sécurité, en
matière de politique du logement et en matière de prévention de la délinquance,
nous n'attendons évidemment pas la fin des contrats de ville pour agir, pas
plus d'ailleurs que, dans l'insertion par l'économique, nous n'attendons le
développement dans les quartiers des contrats emploi-solidarité ou des
emplois-jeunes.
La prévention de la délinquance en est un exemple : lors du colloque de
Villepinte, le Premier ministre a pris plusieurs engagements à effet immédiat
et le conseil de sécurité intérieure a été installé le 19 novembre dernier. J'y
participe auprès du ministre de l'intérieur et du garde des sceaux, et nous
avons pu prendre d'ores et déjà un certain nombre de mesures.
Une mission vient par ailleurs d'être confiée à deux députés sur la
délinquance des mineurs, et mon ministère va travailler en étroite
collaboration avec ces députés.
Nous venons aussi de relancer les contrats locaux de sécurité avec les
ministres de l'intérieur, de la justice, de la défense et de l'éducation
nationale.
J'ajoute - mais vous le savez bien, car vous êtes des élus et des maires - que
de nombreux personnels de police sont aujourd'hui redéployés dans ces quartiers
et que les adjoints de sécurité vont y accomplir des tâches de police de
proximité. C'est ainsi que nous utilisons, à cet égard, les emplois-jeunes.
Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je
souhaitais dire pour répondre aux critiques sur la politique de la ville.
Je pense qu'au moins sur ce sujet nous aurions pu éviter ces oppositions. En
effet, nous avons tous intérêt à le traiter avec modération, après un bilan le
plus ouvert possible.
Je suis moi-même allée devant le Conseil national des villes, auquel j'ai
présenté mon programme d'action. Les élus, dans leur ensemble, toutes tendances
confondues, ont considéré que c'était là ce qu'attendait le Conseil national et
que c'était conforme au rapport qu'ils avaient réalisé en mai dernier.
Cette politique mérite beaucoup mieux que des critiques hâtives. Elle mérite
une très grande détermination pour non seulement les deux ou trois années qui
viennent, mais également pour les dix ans à venir. Les habitants de ces
quartiers, qui sont actuellement tentés par la désespérance, et parfois même
par la violence la plus dure, méritent bien une telle attention et un tel
climat.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis.
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
pardonnez-moi de penser que nous n'avons pas eu recours à la diatribe, mais
plutôt au débat parlementaire dans ce qu'il représente compte tenu de nos
diversités d'approche.
Je constate que nous avons un certain nombre de points communs, que M. Daniel
Eckenspieller a parfaitement relevés : nous avons la République en commun, et
un certain nombre de valeurs qui nous rassemblent autour de principes qui font
que l'Etat de droit - un état respectueux des citoyens et des autres - existe,
qu'il est notre priorité et que, dans la République, il n'y a pas de zone où le
droit serait différent, où le concept du rapport avec les citoyens serait
différent.
Nous avons évoqué, en début de soirée, le droit à la santé, et l'accès de tous
à des soins de qualité, mais je pense aussi au droit de tous les citoyens, quel
que soient leur âge, leur niveau social, à la sécurité et à la tranquillité,
que nous réaffirmons les uns et les autres comme un droit fondamental de la
République.
Je me réjouis que la République nous rassemble autour de ces valeurs, et
lorsque avec Jean-Pierre Fourcade nous avons ensemble préparé le pacte de
relance pour la ville, la République et ses valeurs étaient au coeur de nos
préoccupations.
Par ailleurs, madame la ministre, vous avez retenu l'agglomération comme un
élément pertinent. Depuis longtemps, nous travaillons sur le sujet. La loi du 4
février 1995 portant aménagement et développement du territoire a défini le
pays - nous l'évoquions pour la santé - et l'agglomération comme un lieu
pertinent d'aménagement et d'équilibre du territoire, notamment urbain.
Vous avez parlé de la lutte contre la bureaucratie. Combien nous partageons
cette préoccupation et combien l'an dernier, avec Jean-Pierre Fourcade, nous
avons tenté de lutter contre ce fléau !
Permettez-moi de vous en soumettre tout de suite un exemple, avec les
emplois-jeunes dans mon département des Yvelines. Je participe, en tant que
président de l'union des maires, au comité de mise en place de ces emplois
parce que - moi aussi - comme vous, madame la ministre, j'applique les lois de
la République, que je les aie votées ou non. Eh bien, sachez que le recrutement
d'un emploi-jeunes, à Rambouillet, représente douze exemplaires à remplir, puis
cinq projets à rédiger ! Sachant que douze et cinq également dix-sept et qu'il
faut multiplier ce nombre par 350 000 emplois, cela fait 5 450 000 formulaires
à remplir !
La bureaucratie est partout, reprenant des forces au côté des ministres et des
parlementaires. Pardonnez-moi, madame la ministre, d'illustrer mon propos par
des faits concrèts observés voilà dix jours, mais sachez que le sous-préfet de
Rambouillet, charmant au demeurant, était sidéré. Franchement, au lieu de
remplir douze exemplaires, il devrait être possible de photocopier ce type de
dossier dans les services ! Je vous en supplie : là aussi, luttez contre la
bureaucratie !
Quant au pacte de relance pour la ville, assouplissons-le, mais laissons-le
vivre et ne lui faisons pas un demi-procès en allusion !
Je regrette que vous ne reteniez pas la suggestion de la commission des
affaires économiques et du Plan pour faire coïncider les échéances. Quelles
difficultés, pour un élu, de gérer un contrat de ville, un contrat de plan et
un contrat européen ! Je vous jure qu'il doit faire preuve d'un grand esprit de
compréhension, sans parler des problèmes de lisibilité pour les citoyens
vis-à-vis de l'action de l'Europe, de l'Etat, de la collectivité locale et des
collectivités territoriales associées !
Pour construire une Europe de solidarité, il faut aussi que les citoyens
comprennent clairement que la nation, l'Etat et l'Europe travaillent ensemble
sur un même sujet et que l'on évite une addition des strates. Réfléchisson-y
réellement !
Quant au zonage, pardonnez-moi, mais c'est un mal nécessaire, en tout cas un
mal que l'on nous a exposé comme nécessaire pour prendre des mesures ficales
d'exonération dans les zones de redynamisation urbaine, les ZRU, et dans les
zones franches urbaines, les ZFU. Aujourd'hui, le Conseil d'Etat, consulté, ne
nous a pas proposé d'autre solution ! Cela étant, madame la ministre, si on
nous suggère une autre solution, nous sommes preneurs ! Nous avions même rédigé
avec Jean-Pierre Fourcade une proposition allant dans ce sens. Mais on nous a
renvoyés à nos études au nom de Bruxelles et du Conseil d'Etat !
Enfin, sur le conseil de sécurité, permettez-moi d'exprimer un peu plus haut
mes convictions.
Je crois qu'il faut que la République comprenne qu'elle a des ennemis, et que
ces ennemis sont les intégrismes, d'où qu'ils viennent. Or, l'intégrisme, c'est
une conception dans laquelle, sur le fondement de pensées religieuses ou
philosophiques qui sont par ailleurs respectables, on ne reconnaît pas la
primauté des lois de la République.
Il nous faut, sur ce sujet, être sans faiblesse. Je crois que la République -
je le dis parce que j'ai des convictions philosophiques et religieuses
personnelles - ne sera forte que si elle sait imposer à certains moments ses
valeurs sur toute autre valeur ; il est des valeurs inacceptables, et ces
valeurs inacceptables ne doivent pas être acceptées par la République.
Je crois à la laïcité républicaine, creuset d'intégration. Je crois que la
République est une chance, à condition que nous sachions la valoriser, y croire
ensemble dans nos diversités.
C'est en tout cas, madame la ministre, au-delà de nos diatribes, ce qui nous
rassemble. Mais permettez à la majorité sénatoriale d'avoir sur le sujet, parce
qu'elle y a beaucoup travaillé, y compris avec la minorité sénatoriale - je me
tourne vers M. Fischer - parce qu'elle ne croit pas que la discrimination
positive...
M. le président.
Il vous faut conclure, monsieur Larcher !
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Pardonnez-moi, monsieur le président, j'abuse, mais
je suis de plus en plus en forme dès que le matin arrive !
(Sourires.)
M. le président.
Mais cela ne change pas le règlement !
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Quoi qu'il en soit, la discrimination positive,
pour nous, ce n'était pas montrer du doigt, mais donner une chance à ces
quartiers. Telle était notre préoccupation, tel reste notre objectif, et nous
le partageons, je crois.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Je voudrais tout d'abord faire une remarque sur les
zones franches urbaines et sur les effets d'aubaine, sujets qui avaient bien
sûr beaucoup retenu notre attention dans le cadre de la commission spéciale que
présidait M. Jean-Pierre Fourcade.
Je retrouve dans le rapport de cette commission et dans le commentaire des
articles du projet de loi des éléments dont j'avais gardé la mémoire un peu
confuse, en particulier ceci : « Les aides aux entreprises existantes - quand
on parle d'effet d'aubaine, il s'agit bien de viser des entreprises existantes
qui chercheraient à se délocaliser - en matière de fiscalité locale,
d'exonération de charges patronales et de sécurité sociale ont été limitées aux
entreprises de moins de cinquante salariés exerçant leur activité à titre
prépondérant sur le marché local ». Cela résultait aussi, je crois, de la
négociation avec la Commission de l'Union européenne.
En outre, il existe une autre disposition spécifique qui, elle, concerne les
exonérations des cotisations patronales de sécurité sociale et qui ne vaut que
pour les entreprises installées ou s'installant sur le périmètre des zones
franches urbaines dans la limite de cinquante salariés équivalent temps plein.
En cas d'embauches nouvelles d'au moins cinq salariés, la mesure est
subordonnée à l'embauche d'au moins un salarié pour les résidents du quartier
concerné, ce que l'on sait et ce qui constitue une autre limitation que nous
avions voulue, en particulier dans le cadre de la commission spéciale, et qui
est rappelée dans les documents tout à fait clairs et excellents de la DIV.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Pas dans la loi !
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
La loi énonce des objectifs, puis elle précise : « Il
est institué dans chaque zone franche urbaine un comité d'orientation et de
surveillance chargé d'évaluer les conditions de mise en oeuvre des mesures
dérogatoires prévues au profit de ces zones au regard des objectifs définis par
l'article 1er. A cette fin, le comité d'orientation et de surveillance examine
les effets. »
Alors, peut-être le préfet du Nord est-il insuffisamment volontariste dans
l'interprétation de la loi !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il applique la loi !
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Je pense qu'il en fait une application
a
minima,
madame le ministre.
Je ne prétends pas détenir la vérité sur ce point, mais compte tenu du souci
que nous avions exprimé à l'époque pour éviter les délocalisations issues de
simples effets d'aubaine, il me semble que l'on doit pouvoir trouver, dans le
texte de la loi et dans les travaux des comités d'orientation et de
surveillance, un bon support pour poursuivre les entreprises qui chasseraient
des primes en s'efforçant de s'implanter dans les zones franches urbaines. Le
dispositif n'est absolument pas conçu pour cela et les situations critiquables
qui apparaîtraient constitueraient de véritables abus de droit qu'il doit être
possible, en termes de législation sur les charges sociales comme en termes de
législation fiscale, de sanctionner. Il existe, en la matière, une législation,
une réglementation et une jurisprudence !
Madame le ministre, je voudrais simplement, au moment où nous allons aborder
le vote des crédits figurant aux titres III, IV, V et VI, préciser la position
de la commission des finances car, la politique de la ville ne correspondant
plus à un ministère, ne correspondant plus à un « bleu » budgétaire, les
crédits de la ville dont nous venons de parler sont rattachés à ceux de la
santé et de la solidarité.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
L'année dernière aussi !
M. Philippe Marini,
rapporteur spécial.
Je vais donc, madame le ministre, aller au devant de
vos désirs et recommander un vote positif sur ces différents crédits, cela en
fonction des décisions que nous avons déjà prises tout à l'heure sur le rapport
de notre collègue Jacques Oudin puisque les réductions de crédits conformes à
notre vision des choses en matière budgétaire, auxquelles il a déjà été procédé
au titre de la santé et de la solidarité, tiennent compte des masses
budgétaires de la politique de la ville.
Nous avons déjà voté les amendements, le vote sur les titres a été réservé et
il va maintenant être procédé à leurs mises aux voix : compte tenu des
amendements qui ont été adoptés, mes chers collègues, la commission des
finances vous invite à émettre un vote positif.
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant la santé, la solidarité et la ville.
Je vous rappelle que le Sénat a déjà examiné aujourd'hui même les crédits
affectés à la santé et à la solidarité inscrits à la ligne « Santé, solidarité
et ville ».
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III, moins 33 075 171 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III, modifiés par l'amendement
n° II-26 rectifié de la commission des finances, précédemment adopté par le
Sénat.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Voici le résultat du scrutin n° 35 :
:
Nombre de votants | 308 |
Nombre de suffrages exprimés | 305 |
Majorité absolue des suffrages | 153 |
Pour l'adoption | 208 |
Contre | 97 |
« Titre IV, 2 016 709 527 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV, modifiés par l'amendement
n° II-27 de la commission des finances, précédemment adopté par le Sénat.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme, 71 600 000 francs ;
« Crédits de paiement, 38 450 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme, 1 295 404 000 francs ;
« Crédits de paiement, 397 099 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi relatives à
l'emploi, à la solidarité et à la ville.
8
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 28 novembre
1997, m'informant que :
- la proposition d'acte communautaire E 879 « proposition de règlement (CE) du
Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres
modifiant l'accord de coopération en matière de pêches maritimes entre la
Communauté européenne et la République islamique de Mauritanie » a été adoptée
définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 24
novembre 1997 ;
- et que la proposition d'acte communautaire E 951 COM (97) 554 final «
proposition de décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion
de l'accord euro-méditerranéen entre les Communautés européennes et leurs Etats
membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part » a été
adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil
du 25 novembre 1997.
9
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Pierre Lefebvre, Mmes Marie-Claude Beaudeau, Nicole Borvo, M.
Jean-Luc Bécart, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jean Dérian, Michel Duffour,
Guy Fischer, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Robert Pagès,
Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi relative
aux dates d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse des oiseaux
migrateurs ainsi que de la réglementation de la chasse les concernant.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 135, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Marie-Claude
Beaudeau, Nicole Borvo, MM. Jean Dérian, Michel Duffour, Guy Fischer, Pierre
Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Robert Pagès, Jack
Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi tendant à
soumettre toutes interventions de l'armée française dans un pays étranger avec
lequel la France a signé un accord de défense à l'approbation préalable du
Parlement.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 136, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées,
sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Louis Minetti, Robert Pagès, Mme Marie-Claude Beaudeau, M.
Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Jean Dérian,
Michel Duffour, Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc,
MM. Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi
tendant à instituer une journée nationale de la Résistance.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 137, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de Mme Nicole Borvo, MM. Guy Fischer, Paul Vergès, Mme Marie-Claude
Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jean Dérian,
Michel Duffour, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis
Minetti, Robert Pagès, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une
proposition de loi relative aux droits des couples non mariés.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 138, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de Mmes Danielle Bidard-Reydet, Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc
Bécart, Mme Nicole Borvo, MM. Jean Dérian, Michel Duffour, Guy Fischer, Pierre
Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Robert Pagès, Jack
Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi tendant à créer
un comité national d'éthique du développement.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 139, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de M. Jean-Luc Bécart, Mmes Marie-Claude Beaudeau, Danielle
Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Jean Dérian, Michel Duffour, Guy Fischer,
Pierre Lefebvre, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Robert Pagès, Jack Ralite,
Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi relative au secret
défense.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 140, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées,
sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de Mme Hélène Luc, MM. Ivan Renar, Jack Ralite, Mme Marie-Claude
Beaudeau, M. Jean-Luc, Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM.
Jean Dérian, Michel Duffour, Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Louis Minetti,
Robert Pagès et Mme Odette Terrade une proposition de loi relative à
l'enseignement de la langue et de la culture arméniennes.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 141, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
J'ai reçu de Mme Nicole Borvo, M. Guy Fischer, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM.
Paul Loridant, Jean-Luc Bécart, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jean Dérian,
Michel Duffour, Pierre Lefebvre, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Robert
Pagès, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi
visant à prévenir et réparer les conséquences de l'utilisation de l'amiante.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 142, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
J'ai reçu de M. Ivan Renar, Mme Hélène Luc, M. Jack Ralite, Mme Marie-Claude
Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM.
Jean Dérian, Michel Duffour, Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Louis
Minetti, Robert Pagès et Mme Odette Terrade une proposition de loi tendant à
reconnaître aux communes le droit de moduler les tarifs des écoles municipales
de musique et de danse en fonction des ressources des familles.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 143, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
J'ai reçu de MM. Louis Minetti, Jean Dérian, Michel Duffour, Robert Pagès, Mme
Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole
Borvo, MM. Guy Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM.
Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de loi relative à
l'exercice des mandats locaux et aux moyens financiers des collectivités
locales.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 144, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
10
DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement (CE) du Conseil portant suspension temporaire
totale ou partielle des droits autonomes du tarif douanier commun pour certains
produits de la pêche (1998).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 969 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Accord sous forme d'échange de lettres modifiant l'accord entre la
Communauté européenne et la République socialiste du Vietnam relatif au
commerce de produits textiles et d'habillement paraphé le 15 décembre 1992,
modifié en dernier lieu par l'accord sous forme d'échange de lettres paraphé le
1er août 1995.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 970 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Protocole additionnel sous forme d'échange de lettres entre la Communauté
européenne et la République de Lettonie à l'accord sur la libéralisation des
échanges conclu entre les Communautés européennes et la République de Lettonie
et à l'accord européen conclu entre les Communautés européennes et leurs Etats
membres et la République de Lettonie.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 971 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Protocole additionnel sous forme d'échange de lettres entre la Communauté
européenne et la République de Lituanie à l'accord sur la libéralisation des
échanges conclu entre les Communautés européennes et la République de Lituanie
et à l'accord européen conclu entre les Communautés européennes et leurs Etats
membres et la République de Lituanie.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 972 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Mémorandum d'accord entre la République arabe d'Egypte et la Communauté
européenne en vue de renouveler le système de coopération administrative
existant dans le domaine des produits textiles.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 973 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant l'approbation, au nom de la
Communauté, de la décision PARCOM 96/1 relative à l'élimination progressive de
l'hexachloroéthane dans l'industrie des métaux non ferreux.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 974 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord
entre les Etats-Unis d'Amérique et la Communauté européenne relatif aux mesures
sanitaires de protection de la santé publique et animale applicables au
commerce d'animaux et de produits animaux.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 975 et
distribuée.
11
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, à douze heures :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 84 et 85, 1997-1998) ;
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Agriculture et pêche et article 62 A :
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 3) ;
M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (Agriculture, avis n° 87, tome I) ;
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (Pêche, avis n° 87, tome II) ;
M. Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
et du Plan (Aménagement rural, avis n° 87, tome III) ;
M. Aubert Garcia, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (Industries agricoles et alimentaires, avis n° 87, tome
IV) ;
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (Enseignement agricole, avis n° 86, tome V).
Budget annexe des prestations sociales agricoles :
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 42) ;
M. Bernard Seillier, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales (avis n° 89, tome V).
Intérieur et décentralisation :
Sécurité :
M. Guy Cabanel, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 29) ;
M. Paul Masson, rapporteur pour avis de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale (Police et sécurité, avis n° 90, tome II) ;
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale (Sécurité civile, avis n° 90, tome III).
Décentralisation :
M. Michel Mercier, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 30) ;
M. André Bohl, rapporteur pour avis de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale (avis n° 90, tome I) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits
de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
budgétaires pour le projet de loi de finances pour 1998
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1998 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits,
du projet de loi de finances pour 1998
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits, du projet de loi de finances pour
1998 est fixé au vendredi 5 décembre 1997, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à deux heures cinquante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Fermeture de la clinique de Choisy-le-Roi
126.
- 27 novembre 1997. -
Mme Hélène Luc
tient à attirer l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à la santé
sur la situation de la clinique de Choisy-le-Roi. Selon certaines informations,
la fermeture prochaine de cet établissement qui offre aux habitants de Choisy
et des communes riveraines des soins de qualité serait envisagée. Elle tient à
exprimer la grande émotion et la grande indignation qu'elle partage avec le
personnel de cette clinique, ses usagers et le maire de Choisy. C'est pourquoi
elle lui demande de prendre toute disposition pour empêcher cette fermeture et
assurer à cet établissement le développement indispensable d'activités et de
soins durables qu'il doit apporter au service des populations et des
malades.
Retard dans la mise en oeuvre
du plan Etat-région Languedoc-Roussillon
127.
- 27 novembre 1997. -
M. Roland Courteau
souhaite attirer l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur le retard constaté, dans la mise en oeuvre de certains programmes de
voirie, du contrat de plan Etat-région Languedoc-Roussillon 1994-1998,
notamment dans le département de l'Aude (rocade nord-est de Carcassonne, rocade
nord-est de Narbonne et carrefour des Hauts-de-Narbonne, déviation de
Barbaire...). Plus précisément, il lui rappelle qu'il était prévu, au titre du
XIe Plan, la réalisation d'ouvrages de contournement de la ville de Narbonne
par une rocade nord-est et l'aménagement de carrefours. Ces ouvrages
représentent un caractère d'urgence pour des raisons de sécurité. C'est
pourquoi il lui demande quelles sont les raisons des retards, particulièrement
lourds de conséquences, apportés à la réalisation de ces travaux, si des
assurances peuvent lui être données quant au financement des opérations
programmées et s'il est en mesure de lui communiquer le calendrier de leur mise
en oeuvre.
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du lundi 1er décembre 1997
SCRUTIN (n° 30)
sur la motion n° 1, présentée par M. Charles Descours au nom de la commission
des affaires sociales, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité au projet
de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, adopté avec
modifications par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture.
Nombre de votants : | 318 |
Nombre de suffrages exprimés : | 315 |
Pour : | 217 |
Contre : | 98 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
12.
Contre :
7. - MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Lesein et Robert-Paul
Vigouroux.
Abstentions :
3. - MM. Georges Berchet, Pierre Jeambrun et Georges
Othily.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Pour :
95.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :
Pour :
57.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
44.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Jean Delaneau, qui présidait la
séance.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
Pour :
9.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe Francois
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Abstentions
MM. Georges Berchet, Pierre Jeambrun et Georges Othily.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Delaneau, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 31)
sur l'amendement n° II-24, présenté par M. Philippe Marini au nom de la
commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre III de l'état B
du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale
(budget de l'emploi et de la solidarité : I. - Emploi).
Nombre de votants : | 318 |
Nombre de suffrages exprimés : | 316 |
Pour : | 217 |
Contre : | 99 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
15.
Contre :
7. - MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Lesein et Robert-Paul
Vigouroux.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Pour :
93.
Contre :
1. - M. Emmanuel Hamel.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Gérard Larcher, qui présidait la
séance.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :
Pour :
57.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
45.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
Pour :
7.
Abstentions :
2. - MM. Jean-Pierre Lafond et André Maman.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe Francois
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Abstentions
MM. Jean-Pierre Lafond et André Maman.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 318 |
Nombre de suffrages exprimés : | 316 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 159 |
Pour l'adoption : | 218 |
Contre : | 98 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 32)
sur l'amendement n° II-25 rectifié, présenté par M. Philippe Marini au nom de
la commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre IV de l'état
B du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale
(budget de l'emploi et de la solidarité : I. - Emploi).
Nombre de votants : | 318 |
Nombre de suffrages exprimés : | 318 |
Pour : | 219 |
Contre : | 99 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
15.
Contre :
7. - MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Lesein et Robert-Paul
Vigouroux.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Pour :
93.
Contre :
1. - M. Emmanuel Hamel.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Gérard Larcher, qui présidait la
séance.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :
Pour :
57.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
45.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
Pour :
9.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe Francois
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 33)
sur l'amendement n° II-26 rectifié, présenté par M. Jacques Oudin au nom de la
commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre III de l'état B
du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale
(budget de l'emploi et de la solidarité : II. - Santé, solidarité et
ville).
Nombre de votants : | 318 |
Nombre de suffrages exprimés : | 312 |
Pour : | 212 |
Contre : | 100 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
12.
Contre :
6. - MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau, M. Robert-Paul Vigouroux.
Abstentions :
3. - MM. Pierre Jeambrun, François Lesein et Georges
Othily.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Paul Girod, qui présidait la
séance.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Pour :
94.
Contre :
1. - M. Emmanuel Hamel.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :
Pour :
57.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
45.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
Pour :
4.
Contre :
2. - MM. Philippe Darniche et André Maman.
Abstentions :
3. - MM. Jean Grandon, Jacques Habert et Jean-Pierre
Lafond.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe Francois
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
André Maman
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Abstentions
MM. Jean Grandon, Jacques Habert, Pierre Jeambrun, Jean-Pierre Lafond,
François Lesein et Georges Othily.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 34)
sur l'amendement n° II-27, présenté par M. Jacques Oudin au nom de la
commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre IV de l'état B
du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale
(budget de l'emploi et de la solidarité : II. - Santé, solidarité et
ville).
Nombre de votants : | 318 |
Nombre de suffrages exprimés : | 312 |
Pour : | 212 |
Contre : | 100 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
12.
Contre :
6. - MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau, M. Robert-Paul Vigouroux.
Abstentions :
3. - MM. Pierre Jeambrun, François Lesein et Georges
Othily.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Paul Girod, qui présidait la
séance.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Pour :
94.
Contre :
1. - M. Emmanuel Hamel.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :
Pour :
57.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
45.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
Pour :
4.
Contre :
2. - MM. Philippe Darniche et André Maman.
Abstentions :
3. - MM. Jean Grandon, Jacques Habert et Jean-Pierre
Lafond.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe Francois
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
André Maman
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Abstentions
MM. Jean Grandon, Jacques Habert, Pierre Jeambrun, Jean-Pierre Lafond,
François Lesein et Georges Othily.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 35)
sur le titre III, modifié par l'amendement n° II-26, de l'état B du projet de
loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (budget de l'emploi
et de la solidarité : II. - Santé, solidarité et ville).
Nombre de votants : | 308 |
Nombre de suffrages exprimés : | 305 |
Pour : | 208 |
Contre : | 97 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
12.
Contre :
6. - MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau, M. Robert-Paul Vigouroux.
Abstentions :
3. - MM. Pierre Jeambrun, François Lesein et Georges
Othily.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Paul Girod, qui présidait la
séance.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Pour :
94.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Emmanuel Hamel.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :
Pour :
57.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
45.
SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE (9) :
N'ont pas pris part au vote :
9.
Ont voté pour
Nicolas About
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe Francois
Jean Francois-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Abstentions
MM. Pierre Jeambrun, François Lesein et Georges Othily.
N'ont pas pris part au vote
MM. Philippe Adnot, Philippe Darniche, Hubert Durand-Chastel, Alfred Foy, Jean
Grandon, Jacques Habert, Emmanuel Hamel, Jean-Pierre Lafond, André Maman et
Alex Türk.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.