SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances pour 1998. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Agriculture et pêche (p. 2 )

MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Alain Pluchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'agriculture ; Josselin de Rohan, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la pêche ; Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'aménagement rural ; William Chervy, en remplacement de M. Aubert Garcia, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les industries agricoles et alimentaires ; Albert Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement agricole ; Jean-Michel Baylet.

Suspension et reprise de la séance (p. 3 )

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT

3. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Hongrie (p. 4 ).

4. Conférence des présidents (p. 5 ).

5. Loi de finances pour 1998. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 6 ).

Agriculture et pêche (suite) (p. 7 )

MM. Louis Minetti, Gérard César, Michel Souplet, Jean Grandon, Serge Mathieu, Jean-Marc Pastor, Bernard Joly, Yann Gaillard, Rémi Herment, Roland du Luart, Marcel Bony, Robert-Paul Vigouroux, Jean Bizet, Louis Moinard, Jean-Paul Emorine, Marcel Vidal, Michel Doublet, Jean-Paul Amoudry, Henri Weber, Alain Dufaut.

6. Modification de l'ordre du jour (p. 8 ).

7. Loi de finances pour 1998. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 9 ).

Agriculture et pêche (suite) (p. 10 )

M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Crédits du titre III (p. 11 )

M. Louis Minetti.
Amendement n° II-29 rectifié de la commission des finances. - MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; le ministre, Louis Minetti. - Adoption par scrutin public.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre IV (p. 12 )

M. Paul Raoult.
Amendements n°s II-30 rectifié de la commission des finances et II-32 à II-34 de M. François. - MM. le rapporteur spécial, Philippe François, le ministre. - Retrait des amendements n°s II-32 à II-34 ; adoption, par scrutin public, de l'amendement n° II-30 rectifié.
Adoption des crédits modifiés.

Crédits du titre V. - Adoption (p. 13 )

Crédits du titre VI (p. 14 )

Amendement n° II-35 de M. Bourges. - MM. Gérard César, le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.
Adoption des crédits.

Article 62 A. - Adoption (p. 15 )

Budget annexe des prestations sociales agricoles
(p. 16 )

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances.

Suspension et reprise de la séance (p. 17 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

MM. Bernard Seillier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Louis Minetti, Alphonse Arzel, Gérard Roujas, Georges Mouly, Michel Moreigne.
MM. le président, Christian Poncelet, président de la commission des finances ; Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Adoption des crédits figurant aux articles 32 et 33.

Article additionnel après l'article 62 quater (p. 18 )

Amendement n° II-31 de M. Minetti. - MM. Louis Minetti, le ministre. - Retrait.

Intérieur et décentralisation

DÉCENTRALISATION (p. 19 )

MM. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances ; André Bohl, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Daniel Hoeffel, Jean Puech, René Régnault, André Vallet, Jean Dérian, Alain Vasselle, Philippe Arnaud, Alain Dufaut.
MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, Christian Poncelet, président de la commission des finances.

Crédits du titre III. - Vote réservé (p. 20 )

Crédits du titre IV (p. 21 )

M. Daniel Goulet, Mme Hélène Luc.
Vote des crédits réservé.

Crédits des titres V et VI. - Vote réservé (p. 22 )

8. Transmission d'un projet de loi (p. 23 ).

9. Dépôt de propositions d'acte communautaire (p. 24 ).

10. Ordre du jour (p. 25 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à midi.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 1998

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale. [N°s 84 et 85 (1997-1998).]

Agriculture et pêche

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère de l'agriculture et de la pêche.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en présentant ce projet de budget pour 1998, j'ai l'impression de revenir quelques années en arrière. En effet, comme dans la période 1992-1993, notre politique agricole est sous tension : tension européenne avec le programme Agenda 2000 et la réforme de la politique agricole commune, la PAC, tension internationale avec la reprise éventuelle des négociations de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, tension nationale avec la perspective d'une loi d'orientation.
Comme vous l'avez déclaré à cette même tribune, le 5 novembre dernier, monsieur le ministre, « nous avons devant nous des échéances très importantes qu'il nous faut préparer en définissant de façon précise les orientations et les principes que nous voulons faire prévaloir pour notre agriculture ».
Ce débat d'orientation, qui est encore frais dans nos mémoires, me permettra donc de faire l'économie de développements généraux pour concentrer mon analyse sur un certain nombre de points précis de technique budgétaire et fiscale.
Comme vous le savez, l'un des points qui a suscité le plus de discussions depuis la présentation de votre projet de budget est celui de l'adéquation des crédits destinés à la Société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, la SOPEXA.
Vous vous êtes prudemment retranché derrière les résultats à venir de l'inspection conduite par de hauts fonctionnaires du ministère de l'agriculture et du ministère des finances pour ne pas prendre position explicitement sur le niveau de cette dotation.
Pour ma part, je pense que l'Etat n'a pas vocation à demeurer en permanence le bailleur de fonds très majoritaire de cet organisme, dont chacun connaît ici l'efficacité.
En revanche, il me semble que la réduction opérée est trop brutale pour ne pas perturber le fonctionnement de la SOPEXA en 1998. Bien sûr, il convient de gérer au mieux la dépense publique, mais son efficacité ne peut être assurée que si elle s'inscrit dans la durée, par exemple dans le cadre d'une convention quinquennale, et que si elle est relayée par un financement professionnel soigneusement mesuré. De la même manière, un audit de l'ensemble des organismes concourant à la promotion de nos échanges extérieurs peut se révéler judicieux.
Quoi qu'il en soit, nous devons impérativement consolider l'exercice 1998, quels que soient les résultats de la mission d'inspection commune. L'année dernière, nous avons réussi à doter la prime d'orientation agricole, la POA, et le fonds de gestion de l'espace rural, le FGER, grâce à un prélèvement sur le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA.
Cette année, je constate que le projet de loi de finances rectificative de fin d'année va prélever des sommes importantes sur les réserves des offices - 105 millions de francs - et sur celles du fonds des calamités agricoles - 15 millions de francs.
J'observe également que, à deux reprises le mois dernier, des économies de constatation de 180 millions et de 570 millions de francs ont été opérées sur le budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA.
J'ai donc la conviction que des redéploiements de crédits sont possibles, si l'on en a la ferme volonté, pour abonder la dotation de la SOPEXA, peut-être pas à hauteur de 40 millions de francs, mais en tout cas pour un minimum de 20 millions de francs. C'est l'opinion de la commission des finances et, je le crois, d'une très grande majorité du Sénat. Je ne doute pas que vous nous rassuriez, monsieur le ministre, sur l'avenir financier de la SOPEXA en 1998.
La discussion de la première partie de la loi de finances au Sénat a permis de mettre en évidence un certain nombre d'interrogations que se posent quasiment tous les sénateurs des départements ruraux. Elles sont d'importance inégale, mais elles conditionnent souvent des politiques importantes localement. Vous me permettrez donc d'en analyser quelques-unes.
S'agissant du financement de l'équarrissage, la taxe spécifique que nous avons votée récemment ne devrait rapporter que 500 millions de francs au lieu des 700 millions de francs attendus pour 1997. Le produit encaissé permettra-t-il de faire face aux besoins ou devons-nous envisager une impasse de financement et, dans ce cas, comment compteriez-vous la traiter ?
Depuis plusieurs années, le Sénat unanime demande un abaissement de la taxe sur les sciages de 1,2 % à 1 %, compte tenu de l'importance de cette activité dans nombre de régions forestières. Comme l'a souligné M. le rapporteur général, il semble que la perception de la taxe unique sur les produits forestiers soit très imparfaite, notamment au niveau d'un certain nombre de magasins spécialisés. Pouvez-vous prendre l'engagement, monsieur le ministre, de diligenter une enquête à très bref délai sur ces « trous noirs » fiscaux et, si ces suppositions étaient avérées, de recycler le produit des rentrées nouvelles de taxe dans un abaissement de la taxe sur les scieurs ?
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cette opération conforterait l'efficacité d'un dispositif, le fonds forestier national, qui a fait ses preuves et que nous entendons préserver.
Je ne dirai que quelques mots du fonds de gestion de l'espace rural. Regrettant que l'arrêté d'annulation du 9 juillet ait diminué ses crédits de 145 millions de francs, soit, à 5 millions de francs près, exactement la somme que nous avions réussi à obtenir lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1997, je dois aussi constater que le flou continue d'entourer ses missions.
En 1995, nous avons décidé que ses missions seraient assez larges. En 1996, nous avons décidé de les recentrer sur les projets dont les agriculteurs sont les « parties prenantes ». En 1997, l'Assemblée nationale nous propose de revenir au dispositif de 1995. Je ne suis pas sûr que la loi de finances soit le meilleur vecteur d'une discussion sereine, qui devrait mieux trouver sa place dans la loi d'orientation.
En revanche, deux mesures de bon sens devraient être prises : une régularisation de ses dotations en régime de croisière et la recherche d'une synergie avec tous les autres dispositifs d'aménagements rural : plan de développement rural, opérations groupées d'aménagement foncier, les OGAF, programmes Leader. Pouvez-vous nous donner des assurances, monsieur le ministre, sur cette régularité et sur cette synergie ? Et, bien que la réponse soit des plus délicates, avez-vous progressé dans la voie de la recherche d'une ressource pérenne qui puisse être affectée à ce fonds de gestion de l'espace rural ?
Dans un projet de budget globalement reconduit, je constate que le Gouvernement a maintenu l'installation des jeunes à la terre au premier rang de ses priorités. Je m'en félicite. Toutefois, la suppression du fonds d'intervention pour le développement industriel local, le FIDIL, moins de deux ans après sa création, peut paraître surprenante.
Au-delà de l'effet d'affichage, vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que le nouveau fonds créé, le fonds d'installation en agriculture, le FIA, s'insérerait « dans la politique globale des PIDIL, les programmes pour l'installation des jeunes en agriculture et le développement des initiatives locales. Il vient en renforcer les actions qui incitent à l'installation, qu'il s'agisse des actions de parrainage ou des audits d'exploitation ».
Si je comprends bien - et je vous demande de nous le confirmer, car certains responsables locaux demeurent inquiets - le FIA reprendra l'intégralité des actions déjà programmées dans les PIDIL. La nouveauté résiderait alors dans l'octroi d'une prime spécifique à la transmission d'exploitation. La commission des finances m'a chargé, sur ce point précis, de vous poser trois questions techniques.
Premièrement, l'enveloppe budgétaire, qui n'est accrue que de 10 millions de francs, permettra-t-elle de financer et les anciennes actions et les nouvelles ? Si vous atteignez votre objectif de 3 000 installations nouvelles en 1998, soit un coût de 150 millions de francs, il ne resterait que 10 millions de francs pour financer les PIDIL. Il y a là un problème de répartition d'enveloppe sur lequel nous aimerions recevoir quelques éclaircissements.
Deuxièmement, un certain nombre de collectivités locales consacrent des sommes non négligeables à l'installation de jeunes agriculteurs, sans que nous disposions d'éléments d'information suffisants pour mesurer leur synergie avec les actions financées par votre ministère. Je souhaiterais donc qu'il y ait un travail commun conduit entre toutes les parties prenantes, peut-être dans le cadre des conseils départementaux d'orientation agricole, afin que l'argent public soit dépensé avec l'efficacité maximale.
Troisièmement, malgré des demandes réitérées de la commission des finances de la Haute Assemblée, il n'existe encore aucune récapitulation de l'ensemble des aides destinées à l'installation des jeunes, qu'elles soient budgétaires, financières, fiscales ou sociales. Ce manque de tableau de bord est difficilement compréhensible. Pouvons-nous espérer que la Cour des comptes, par exemple, sera rapidement en mesure de nous éclairer sur ce point ?
Les mesures dites « agri-environnementales » ont également retenu l'attention de la commission des finances, qui a manifesté le souci d'attirer l'attention du Gouvernement sur trois points précis.
En premier lieu, la prise en compte de l'environnement a conduit à l'élaboration du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA, spécifique à l'élevage. Or, il apparaît que d'autres secteurs - je pense plus particulièrement aux installations viticoles - vont devoir consacrer des sommes particulièrement importantes pour traiter leurs effluents grâce à des investissements de mise aux normes. Je souhaiterais donc connaître les mesures spécifiques qu'entend prendre le Gouvernement, notamment en ce qui concerne la déduction pour investissement, pour éviter que ces investissements ne pénalisent trop vigoureusement ce secteur d'activité, qui attend d'ailleurs que soit publié le rapport prévu sur les conséquences, pour les coopératives viticoles, de l'extension du champ d'application de la contribution sociale de solidarité des sociétés.
En deuxième lieu, au niveau communautaire, les mesures dites « agro-environnementales » ne sont financées sur fonds européens que jusqu'à la fin de l'exercice 1997. J'aimerais donc connaître l'état des négociations en cours visant à renouveler ce dispositif. Compte tenu de la diminution des surfaces primables au titre de la prime à l'herbe et de la baisse du nombre des dossiers réglés, il y a théoriquement une réserve financière disponible pour assouplir les critères de la prime, pour en relever le montant, voire pour lancer d'autres actions.
J'observe que, sur l'exercice de 1996, 715 millions de francs ont été budgétés, alors que la dépense semble n'avoir atteint que 676 millions de francs, hors concours communautaires. Cette baisse semble confirmée en 1997. Si tel était le cas, quelle utilisation serait faite des 30 millions à 40 millions de francs disponibles ? Ont-ils été annulés, ou peuvent-ils être transférés, par exemple, sur le financement de la SOPEXA ?
En troisième lieu, s'agissant plus particulièrement du chapitre budgétaire relatif au PMPOA, j'observe que les crédits destinés aux bâtiments d'élevage en zone de montagne n'ont toujours pas fait l'objet d'une inscription séparée, alors que le Sénat le demande depuis de nomreuses années. Le 5 novembre dernier, vous avez même déclaré à cette tribune, monsieur le ministre, que vous entendiez « gérer distinctement » les crédits montagne et les crédits PMPOA. Si ces crédits ne sont pas fongibles, je ne comprends pas pourquoi ils ne sont pas clairement individualisés dans la nomenclature budgétaire.
S'agissant des crédits PMPOA, et compte tenu de l'abondement de 150 millions de francs sur le FNDAE, le fonds national pour le développement des adductions d'eau, je souhaiterais connaître votre estimation du taux de consommation des crédits sur l'exercice en cours. Je me permets en effet de rappeler qu'en 1996 le taux de consommation des crédits du chapitre 61-40 n'a été que de 48 %, suscitant ainsi d'importants crédits de report, qui échappent de fait à l'autorisation de dépense donnée par le Parlement.
En conclusion de ces quelques propos, qui seront substantiellement étoffés par les contributions des rapporteurs pour avis, je dirai que le projet de budget soumis à notre appréciation n'appelle ni critique virulente ni louange excessive.
Les conditions de son élaboration comme la situation de nos finances publiques n'ont pas rendu possibles des inflexions marquées. Nous serons néanmoins très vigilants sur un certain nombre de dossiers sensibles, qu'il s'agisse de la limitation des aides publiques, de l'avenir de l'enseignement agricole, de la vocation productrice et exportatrice de notre agriculture ou de la promotion de l'esprit d'entreprise. Mais n'anticipons pas trop sur la loi d'orientation agricole !
Au total, mes chers collègues, la commission des finances vous demandera d'adopter ce budget modifié par les deux amendements que je défendrai en son nom lors de l'examen des crédits. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Pluchet, rapporteur pour avis.
M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'agriculture. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, année après année, l'examen des crédits inscrits au budget de l'agriculture prend un caractère de plus en plus artificiel, tant l'avenir de ce secteur paraît aujourd'hui suspendu aux mutations en cours de l'environnement international et communautaire.
La crise que traverse le monde agricole et même rural, outre ses aspects « nationaux », trouve en effet essentiellement sa source dans la dérive des mécanismes internationaux et communautaires qui en avaient permis le développement.
Ainsi, au-delà des mesures attendues en 1998, l'avenir de notre agriculture est conditionné par la renégociation de la ligne directrice budgétaire du « paquet Santer », pour l'intégration des pays d'Europe centrale et orientale, les PECO, et par la reprise des négociations agricoles dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.
Ces trois échéances induisent plusieurs contraintes convergentes, dont nos agriculteurs subissent et subiront les effets : une rigueur budgétaire accrue, imposée par la mise en place de l'euro et pour le coût de l'intégration des PECO ; la nécessité d'un découplage accru des aides directes, pour entrer dans la « boîte verte » de l'OMC ; enfin, une meilleure prise en compte d'objectifs environnementaux et ruraux dans la politique agricole.
Par ailleurs, les récentes propositions de la Commission européenne sur le volet agricole de l'Agenda 2000 ne font que renforcer les incertitudes pesant sur les agricultures française et européenne.
C'est dans un tel contexte que s'inscrit l'avis de la commission des affaires économiques sur les crédits du ministère de l'agriculture.
Il convient, à ce propos, de rappeler la politique courageuse menée par le précédent gouvernement en 1996 et durant le premier semestre 1997 afin de faire face aux difficultés du monde agricole. Cette politique était également ambitieuse, ainsi qu'en témoignait le projet de loi d'orientation pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. La commission des affaires économiques espère que le nouveau gouvernement prendra conscience de l'importance, tant pour notre agriculture que pour l'ensemble de la société, de la nécessité d'établir un nouveau contrat entre la nation et ses agriculteurs à travers un projet de loi d'orientation agricole aussi audacieux que celui qui a été déposé en mai dernier par le précédent gouvernement.
M. René-Pierre Signé. Oh ! la la !
M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. René-Pierre Signé. Merci du conseil !
M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis. Pour ce qui est des aspects budgétaires, les crédits du ministère de l'agriculture enregistrent, dans le projet de loi de finances pour 1998, une baisse de 0,2 % par rapport à 1997, pour s'établir, hors pêche, à 35,057 milliards de francs. Après son adoption par l'Assemblée nationale, ce budget s'accroît néanmoins de 1,22 % grâce à une certaine revalorisation des retraites agricoles les plus modestes.
En ce qui concerne les priorités budgétaires définies initialement par le Gouvernement, la commission des affaires économiques constate, en premier lieu, la baisse globale d'environ 1 % du sous-agrégat intitulé « Installation et modernisation ».
De plus, l'annonce de la création du fonds pour l'installation en agriculture, le FIA, cache en fait la suppression du FIDIL, instrument utile et efficace qui donnait ses premiers résultats. La commission note, à cet égard, que les conditions du fonctionnement du FIA restent encore très imprécises.
En second lieu, la commission des affaires économiques observe que l'augmentation des crédits affectés à la sécurité et à la qualité de l'alimentation tient aussi à l'adoption d'une nouvelle nomenclature budgétaire, dont elle ne conteste en aucune façon la nécessité, mais qui doit être prise en compte afin d'apprécier les augmentations de crédits à leur juste valeur.
Par ailleurs, le commission des affaires économiques souligne que la sécurité et la qualité de l'alimentation sont considérées comme des priorités depuis plus de deux ans et que les crédits qui figuraient à ce titre dans le projet de loi de finances pour 1997 étaient déjà en nette augmentation.
A ces priorités, le Gouvernement en a ajouté une, à la demande des parlementaires : il s'agit de la revalorisation des retraites agricoles. J'observe que, sur les 680 millions de francs affectés à ce poste, 180 millions de francs proviennent d'une économie constatée par la Cour des comptes, à la suite d'une surévaluation des prestations maladie du BAPSA.
Si nous pouvons nous féliciter d'une telle économie, il convient néanmoins de préciser que l'effort budgétaire du ministère en faveur des retraites agricoles est nettement inférieur à celui qui a été effectué par les précédents gouvernements, qui avaient su mobiliser plus de un milliard de francs en année pleine pour engager une réelle revalorisation des retraites agricoles.
M. René-Pierre Signé. Alors, qu'y a-t-il de bon dans l'actuel gouvernement ?
M. Alain Pluchet, rapporteur pour avis. Les chiffres parlent d'eux-mêmes, mon cher collègue !
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas un discours objectif !
M. Alain Pluchet rapporteur pour avis. Au titre des politiques insuffisamment prises en compte, la commission des affaires économiques relève le cas du soutien aux secteurs fragiles et aux zones défavorisées ainsi que celui du montant des crédits affectés à la SOPEXA.
La commission constate que les dotations aux offices baissent de près de 2 % et que les crédits consacrés à la valorisation de l'espace rural diminuent également.
En raison de la mauvaise orientation des crédits, la commission des affaires économiques a donné un avis défavorable quant à l'adoption des crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Marcel Charmant. Et la commission des finances les diminue !
M. le président. La parole est à M. de Rohan, rapporteur pour avis.
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour la pêche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'avis de la commission des affaires économiques sur les crédits de la pêche intervient cette année dans un contexte particulier, tant à l'échelon national que sur le plan communautaire.
Pour ce qui concerne la France, la relance de la production entreprise en 1995 s'est confirmée en 1996, et ce malgré la baisse continue du nombre de navires et de pêcheurs.
La France confirme, par la valeur de sa production, estimée à 5,8 milliards de francs, son troisième rang derrière l'Italie et l'Espagne, mais devant le Danemark.
Le montant du déficit commercial enregistré en 1996 pour les produits de la pêche s'est accentué par rapport à 1995, s'établissant à 10,9 milliards de francs. En volume, le taux de progression des échanges est proche de 5 % à l'exportation et avoisine 6 % à l'importation. Une érosion des prix plus accentuée chez nos fournisseurs a conduit toutefois à une moindre progression des importations en valeur.
Sur le plan communautaire, le Conseil « pêche », réuni à Luxembourg les 14 et 15 avril dernier, a adopté le quatrième plan d'orientation pluriannuel - le POP IV - et ce malgré l'opposition de la Grande-Bretagne et de la France.
Engagée par le Conseil « pêche » du 22 avril 1996, la négociation sur ce nouveau POP avait échoué lors du Conseil de décembre 1996. Le nouveau POP, qui s'étale de 1997 à 2002, a fait l'objet de longs débats.
Malgré de réelles avancées par rapport aux propositions initiales de la Commission européenne, le POP IV soulève d'importantes difficultés. La réduction envisagée de la capacité de pêche est de 30 % pour les stocks les plus vulnérables de l'Union, définis comme « menacés d'extinction », et de 20 % pour les stocks surexploités.
A la fin du mois d'octobre, treize POP nationaux ont été mis en place. La France, quant à elle, aura deux grilles d'objectifs.
Dans la première grille, certains segments ne feront pas l'objet de diminutions de capacité, le Gouvernement français s'étant engagé auprès des instances communautaires à réaliser la réduction effective de l'effort de pêche en jouant, par exemple, sur la limitation des jours de mer.
Dans cette catégorie se trouvent les chalutiers de plus de 30 mètres, les chalutiers pélagiques de plus de 50 mètres, les chalutiers et senneurs de Méditerranée.
Dans la seconde grille, figurent les chalutiers de moins de 30 mètres, les non-chalutiers de 15 à 25 mètres et de plus de 25 mètres ainsi que les chalutiers de Méditerranée.
Si, pour cette catégorie, l'effort de réduction était insuffisant, il faudrait diminuer la puissance de la flotte.
Il est apparu impossible pour notre pays d'obtenir que le retard accumulé avec le POP III puisse être étalé sur le POP IV. Or les aides à la construction et à la modernisation des navires de pêche sont subordonnées à la réalisation des objectifs du POP III. Autrement dit, la Commission ne nous autorisera à reprendre notre effort de modernisation que si nous sommes fidèles aux engagements que nous avons pris au titre du plan d'orientation prioritaire précédent.
Comptez-vous, monsieur le ministre, réaliser un nouveau plan de sortie de flotte pour débloquer les aides à la modernisation, qui ne sauraient demeurer indéfiniment gelées ? C'est en effet l'avenir de notre flotte de pêche qui est en cause. Comment un tel plan sera-t-il financé et combien coûtera-t-il ? Ce sont évidemment des questions qui nous importent beaucoup.
Il semble difficile, en tout état de cause, d'échapper à cette contrainte si nous voulons éviter de brutales diminutions en capacité et en puissance dans un avenir relativement proche, diminution qui causeraient beaucoup de désagréments et probablement, à nouveau, des troubles sociaux.
C'est dans ce contexte particulier que s'inscrit l'action des pouvoirs publics.
L'année 1997 aura été marquée par l'adoption de la loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines, qui a été promulguée voilà à peine quelques semaines.
La commission des affaires économiques tient, à cette occasion, d'une part, à souligner le caractère ambitieux et courageux de ce texte, qui avait été déposé par le précédent gouvernement en première lecture au Sénat en septembre 1996, et, d'autre part, à se féliciter, monsieur le ministre, que vous ayez poursuivi le processus d'adoption de ce texte, qui a été notablement enrichi par le Sénat.
Rappelons pour mémoire que cette loi a pour ambition de préparer le secteur des pêches maritimes et des cultures marines à la prochaine décennie, en offrant aux hommes et aux entreprises un cadre juridique, économique et social rénové, nécessaire pour accompagner une mutation engagée depuis déjà plus de trois ans.
S'agissant du budget proprement dit, les dotations consacrées à la pêche maritime et aux cultures marines sont en quasi-reconduction par rapport à celles de l'année précédente, avec un peu plus de 185 millions de francs, soit une diminution de 0,25 %.
Je souhaite que le projet de loi d'orientation, qui contient de nombreuses mesures, tant économiques et fiscales que sociales, puisse connaître une réelle traduction budgétaire dans les mois à venir.
Les dotations pour 1998 sont en effet maintenues au niveau de 1997, tant en dépenses ordinaires, avec 147,13 millions de francs - dont 125 millions de francs de subvention au fonds d'intervention et d'organisation des marchés des produits de la pêche maritime et des cultures marines, le FIOM, et 22,6 millions de francs pour la restructuration des entreprises -, qu'en crédits d'équipement, avec 40,2 millions de francs en crédits de paiement.
La dotation du chapitre 44-36, en diminution de 0,31 % par rapport à 1997, devrait néanmoins permettre de poursuivre l'adaptation de la filière pêche - annonce anticipée des apports, caisses chômage et intempéries, qualité et actions structurantes sur le marché - et l'exécution du plan de sortie de flotte autorisant le réajustement de la flotte française par rapport au programme communautaire d'orientation pluriannuel de la flotte de pêche.
S'agissant du chapitre 64-36, le montant de la dotation est maintenu en autorisations de programme comme en crédits de paiement. La priorité est donnée à la modernisation de la flotille, ainsi qu'à la mise aux normes sanitaires et à l'équipement des ports de pêche dans le cadre des contrats de plan Etat-région.
La commission des affaires économiques avait donné, dans un premier temps, un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche consacrés exclusivement à la pêche maritime et aux cultures marines, sous réserve néanmoins de l'avis que donnerait la commission des finances sur l'ensemble des crédits du ministère. Cet avis étant défavorable, votre rapporteur souhaite que le Gouvernement prenne en compte les propositions de la commission des affaires économiques sur l'ensemble des crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche. Il s'agit ici, je le rappelle, non pas de dépenser plus, mais de dépenser mieux. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Revol, rapporteur pour avis.
M. Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'aménagement rural. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet avis, qui n'a pas d'équivalent à l'Assemblée nationale, est la manifestation de l'intérêt porté par le Sénat à l'aménagement rural.
Rappelons que l'aménagement et le développement de l'espace rural sont considérés à la fois comme la déclinaison rurale d'une politique globale de l'aménagement du territoire, comme l'un des aspects naturels de la politique agricole et comme l'un des objets possibles de prescriptions environnementales. Ainsi, l'aménagement rural ne peut plus être considéré comme un « sous-produit de l'activité agricole ».
L'indécision sur le contenu évolutif de la notion d'aménagement rural s'accompagne d'une opacité dans la nature des crédits qui peuvent précisément lui être attribués.
Si l'on retient les seuls crédits explicitement considérés comme d'aménagement rural dans le bleu budgétaire, les dotations représenteront près de 37,5 millions de francs, soit une baisse de 20 % environ par rapport à 1997.
La dotation de 140 millions de francs destinée au fonds de gestion de l'espace rural dans le projet de loi de finances pour 1998, en baisse de 10 millions de francs par rapport à 1997, devrait cependant permettre de faire face, selon les informations obtenues par votre rapporteur, aux différents projets départementaux.
Une autre approche conduit à considérer comme des crédits d'aménagement rural les crédits gérés par les services en charge de ce volet de la politique au ministère de l'agriculture, à savoir la direction de l'espace rural et de la forêt. Il faut alors ajouter aux crédits budgétairement considérés comme des crédits d'aménagement rural les crédits d'aménagement foncier et d'hydraulique et ceux des grands aménagements régionaux. Ces crédits sont, eux aussi, en baisse.
Le bilan est identique si l'on prend en compte les crédits destinés à la compensation des handicaps ou des contraintes spécifiques, c'est-à-dire les indemnités « montagen » et les mesures agri-environnementales.
Ce sont ainsi 1,7 milliard de francs environ que le budget de l'agriculture consacrera à la compensation de contraintes particulières, soit une baisse de 6 %, sous l'effet de la forte réduction des crédits affectés aux mesures agro-environnementales.
Si l'on prend comme référence le document consacré aux concours publics à l'agriculture en regroupant toutes les dépenses d'aménagement rural, ce sont 6,6 milliards de francs environ qui seraient consacrés à l'aménagement rural, dont près de 70 % au titre de la compensation de différents handicaps, avec une participation communautaire de l'ordre de 45 %.
La commission des affaires économiques tient à souligner l'importance des crédits communautaires en matière d'aménagement rural. C'est pourquoi un examen minutieux des propositions de la Commission européenne sur le volet agricole d'Agenda 2000 et ses répercussions en matière de politique rurale se révèle dès à présent indispensable. Ce rapport, loin d'analyser en profondeur le dispositif proposé par la Commission au mois de juillet dernier, effectue une première présentation et en souligne les difficultés.
Les mois à venir seront décisifs pour l'aménagement rural tant sur le plan communautaire qu'à l'échelon national. En effet, la commission des affaires économiques s'interroge sur l'avenir du projet de loi sur l'espace rural prévu à l'article 61 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995, ainsi que sur la présentation par les pouvoirs publics du schéma national d'aménagement du territoire. Ces documents avaient fait l'objet d'importantes concertations.
Qu'en sera-t-il, en outre, du projet de loi d'orientation agricole annoncé par le Premier ministre au mois de juin dernier et qui fait actuellement l'objet de réunions de travail ?
Rappelons pour mémoire que le projet de loi d'orientation agricole et forestière, déposé au mois de mai par le précédent gouvernement, consacrait un titre entier à l'aménagement et au développement de l'espace rural.
Enfin, les pouvoirs publics donneront-ils une suite au comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire qui s'est tenu à Auch le 10 avril dernier ? A cette occasion, le précédent gouvernement avait adopté quatre-vingts mesures en faveur des régions et du développement du territoire. Quatre volets constituaient l'ossature de ce comité interministériel en matière rurale, à savoir le développement économique, le logement, la revitalisation des villes rurales et le maintien des services publics.
M. René-Pierre Signé. On ne s'en était pas aperçu !
M. Henri Revol, rapporteur pour avis. Le monde rural a besoin aujourd'hui de décisions au plus proche du terrain ; or, l'orientation des crédits de ce budget ne va pas dans le sens de l'aménagement rural. Les incertitudes relatives au projet de loi sur l'espace rural, au schéma national d'aménagement du territoire et au projet de loi d'orientation agricole ne sont pas levées.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable sur les éléments de ce budget touchant à l'aménagement rural. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Chervy, rapporteur pour avis.
M. William Chervy, en remplacement de M. Aubert Garcia, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les industries agricoles et alimentaires. Notre collègue et ami Aubert Garcia n'ayant pu être parmi nous ce matin en raison des mauvaises conditions climatiques, je présenterai donc en son nom le rapport de la commission des affaires économiques sur les crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche consacrés aux industries agricoles et alimentaires.
Au cours de l'année écoulée, l'industrie alimentaire a confirmé la reprise amorcée en 1993, et ce malgré une année difficile due à la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB. Ainsi, la production a augmenté, comme en 1996, de 1,8 % en volume.
Par rapport à 1995, la consommation des ménages a progressé moins rapidement et la croissance des exportations a été nettement plus faible. En effet, les exportations qui jouaient traditionnellement un rôle moteur pour la production ont connu le plus faible taux de croissance en volume depuis 1982.
Néanmoins, la baisse des importations en volume a favorisé les produits français et a permis d'atteindre un excédent commercial record de 58 milliards de francs.
Notons que les résultats du premier semestre 1997 ont confirmé ceux de 1996 avec un excédent de 29,8 milliards de francs, soit 7 milliards de francs de plus que celui qui a été dégagé un an plus tôt. Ce bilan positif est en contraste avec la situation de l'emploi qui a continué à se détériorer.
Parmi les défis auxquels doivent faire face les industries alimentaires en France, deux d'entre eux ont été, au cours de ces derniers mois, au coeur de l'actualité.
Il s'agit, tout d'abord, des relations entre l'industrie agro-alimentaire et la grande distribution. La réforme de l'ordonnance de 1986 n'est entrée en vigueur qu'au début de cette année : il est donc prématuré de dire dès maintenant si le point d'équilibre a été trouvé.
Le second défi majeur auquel l'industrie agro-alimentaire a dû faire face en 1996 et en 1997 est apparu à l'occasion de la crise dite de « la vache folle ». Outre les conséquences dramatiques pour l'ensemble des producteurs et pour l'industrie de la viande, c'est l'industrie alimentaire dans son ensemble qui a été confrontée à l'exigence d'une sécurité alimentaire renforcée.
C'est d'ailleurs dans ce contexte général de crise de confiance du consommateur que sont intervenues, à l'échelon européen, les premières autorisations de mise sur le marché d'organismes génétiquement modifiés, les OGM. Ainsi, plus que jamais, les problèmes de sécurité sanitaire, qui constituent une priorité pour le budget de 1998, sont au coeur du développement des industries alimentaires.
Au-delà des mesures à court terme, la réorganisation des services du ministère de l'agriculture, le projet de loi relatif à la qualité sanitaire des denrées destinées à l'alimentation humaine ou animale présenté par le précédent gouvernement et l'examen par le Sénat de la proposition de loi ayant trait au renforcement de la veille sanitaire constituent des premières avancées.
Enfin, le grand enjeu des années à venir, pour le développement des industries agro-alimentaires, est sans aucun doute la capacité de celles-ci à exporter.
C'est dans cette optique que s'inscrit le projet de budget pour 1998.
La commission des affaires économiques constate que ce projet confirme la tendance, amorcée depuis une décennie, au désengagement de l'Etat du financement direct du secteur agro-alimentaire, même si l'appréciation portée sur les crédits de politique industrielle varie selon que l'on prend en compte le montant de la dotation initiale du projet de budget pour 1997 ou le volume des crédits votés dans la loi de finances pour 1997.
De plus, les crédits affectés à la société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires connaissent une diminution sans précédent de plus de 20 %. Or ces crédits revêtent un caractère essentiel pour soutenir les produits agricoles et alimentaires sur les marchés d'exportation.
L'industrie agro-alimentaire est, certes, une branche industrielle plutôt prospère et elle n'est sans doute ni plus ni moins aidée par la puissance publique que d'autres branches de l'industrie. Cela dit, s'il ne peut plus s'agir d'accorder des subventions sans limites, il est parfaitement légitime de revendiquer, pour l'industrie agro-alimentaire, une politique d'environnement favorable, qui nécessiterait moins, sans doute, de nouveaux crédits qu'une réorientation de ceux qui existent et peut-être une meilleure prise en compte par le ministère de l'agriculture de sa dimension industrielle.
En conséquence, la commission des affaires économiques, n'ayant pas suivi votre rapporteur, a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits du ministère de l'agriculture consacrés aux industries agro-alimentaires. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur le banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Vecten, rapporteur pour avis.
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement agricole. Obligé d'être bref, je me dois aussi d'être objectif, et pour être sûr de me conformer à ce devoir, monsieur le ministre, je commencerai par les mesures positives que comporte, selon nous, le projet de budget de l'enseignement agricole, lequel s'élèvera à 4 470 millions de francs, soit une hausse de 4,6 %.
Je citerai d'abord l'effort de déprécarisation des personnels enseignants, qui s'appuie sur la loi Perben mais aussi, et pour la première fois, sur la création de soixante-cinq emplois par transformation de crédits de vacations et d'heures supplémentaires.
Ce procédé, fréquent dans l'éducation nationale, était jusqu'à présent interdit à l'enseignement agricole, dans lequel, pourtant, la précarité des personnels enseignants sévit avec une ampleur inquiétante. Je me félicite donc que cet interdit soit levé et j'espère que cette démarche sera poursuivie.
J'énumérerai ensuite, le temps m'étant compté, la reprise bien nécessaire du plan de rénovation du parc immobilier de l'enseignement supérieur, la progression des dépenses pédagogiques de l'enseignement technique, la mise en place du fonds social lycéen et la création symbolique, dans tous les sens du terme, de quatorze emplois de personnels non enseignants.
Je saluerai enfin la poursuite du rattrapage, qui n'aura que trop tardé, des subventions à l'élève de l'enseignement privé à temps plein, tout en souhaitant, monsieur le ministre, que soient également revues les modalités de calcul d'autres aides, notamment celles qui sont attribuées aux écoles d'ingénieurs privées.
Mais un budget, ce n'est pas une accumulation de mesures ; c'est d'abord la traduction d'une politique.
Nous constatons que ce budget ne trace qu'une seule perspective, la croissance dite « raisonnée » des effectifs, et se place toujours sous le signe d'un traitement budgétaire inéquitable de l'enseignement agricole.
Mes chers collègues, quand un effort d'austérité s'impose, il doit être équitablement réparti. Tel n'est manifestement pas le cas au sein du système éducatif : le projet de budget accentue encore l'inégalité de traitement entre ses deux composantes, l'enseignement agricole et l'éducation nationale. L'une est fort bien servie, et ses crédits augmentent de plus de 3 %, alors même que ses effectifs stagnent ou régressent ; l'autre reste condamné à la portion congrue : les crédits de l'enseignement agricole public n'augmentent que de 1,5 %, comme l'an dernier, alors que ses effectifs croissent de 3 %. Cela se passe de commentaire.
J'en viens à la « croissance raisonnée » des effectifs, mais je préfère, vous le savez, appeler un chat un chat et la croissance raisonnée un quota.
Ce quota de 2 %, il est désormais prévu de l'atteindre en trois étapes et en trois rentrées. Imposé par un réflexe malthusien, sa justification reste à trouver, les conditions de sa réalisation à inventer et ses conséquences à explorer.
L'objectif de cette année - plus 3 % - a été pratiquement respecté, au détriment de l'accueil en quatrième, en troisième et en cycle court, ce qui ne me paraît pas conforme à la vocation de l'enseignement agricole ni à celle du service public, et au prix d'un nouveau recul de la proportion des élèves scolarisés dans le public - 40,45 % - ce qui me semble très négatif.
En outre, nous risquons, demain, d'assister à des mouvements des flux d'entrée qui dépendront non pas de la demande sociale ou des débouchés, mais uniquement de la plus ou moins grande difficulté des établissements à « rester dans le quota ».
Tout cela est absurde et bien éloigné de la gestion prévisionnelle de l'enseignement agricole en fonction de l'évolution des métiers et des besoins de formation, dont nous aurions besoin pour que cet enseignement reste un instrument efficace au service de l'économie agricole et rurale.
Nous souhaitons que l'Observatoire national des formations puisse jouer pleinement son rôle d'instance indépendante de réflexion, d'évaluation et de prospective.
Nous pensions aussi que l'élaboration du troisième schéma prévisionnel des formations et la discussion de la future loi d'orientation permettraient d'amorcer, en 1998, une nouvelle réflexion sur l'avenir de l'enseignement agricole.
Toutefois, l'examen du projet de budget nous fait craindre que ces attentes ne soient déçues, car les jeux semblent déjà faits.
C'est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles a émis un avis défavorable en ce qui concerne l'adoption des crédits de l'enseignement agricole. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 43 minutes ;
Groupe socialiste, 36 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 30 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 25 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 21 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.
La parole est à M. Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parce qu'elle structure la plupart de nos paysages, parce qu'elle occupe encore - et fort heureusement - un nombre important d'actifs et aussi parce qu'elle nourrit bien des hommes, l'agriculture est un sujet toujours très attendu.
Monsieur le ministre, vous nous apportez la satisfaction d'un budget en légère augmentation. Dans un contexte général de maîtrise des finances publiques, c'est évidemment un premier point très positif à mettre à votre actif.
Ensuite, les trois priorités que vous affichez répondent, je le crois, aux principales difficultés que rencontrent les exploitants agricoles.
En dotant le nouveau fonds pour l'installation en agriculture de 160 millions de francs, en créant une prime aux cédants ou en favorisant les stages, vous faites de l'installation des jeunes agriculteurs une orientation fondamentale. Il est effectivement essentiel de tout mettre en oeuvre pour favoriser l'installation des jeunes, que ces derniers soient issus ou non d'un milieu agricole. L'agriculture a besoin d'un seuil minimal d'exploitations témoignant de sa diversité d'activité et de sa diversité sociale, d'autant plus que la concentration des exploitations est en inadéquation totale avec les questions d'emploi et d'aménagement du territoire.
Mais que serait une installation sans une bonne formation ? C'est là, mes chers collègues, la deuxième priorité du Gouvernement. Je m'en félicite, et je me permets de rappeler combien il est regrettable que cet aspect ait été oublié par le passé. Monsieur le ministre, votre prédécesseur avait manifesté la volonté d'encadrer les moyens et les effectifs dévolus à l'enseignement technique agricole. Cette démarche s'est heurtée à une demande croissante. Quelle que soit l'évolution des effectifs, les innovations techniques, génétiques ou biotechnologiques, l'accroissement des fonctions comptables et gestionnaires au sein de l'exploitation mais aussi le rôle d'acteur dynamique du monde rural rendent indispensable le soutien à la formation.
Figure également parmi les grandes priorités de ce budget le problème de la sécurité alimentaire. L'augmentation de 14,3 % des crédits consacrés à ce volet témoigne d'une réelle ambition. Les craintes soulevées par l'encéphalopathie spongiforme bovine ou par l'utilisation excessive d'hormones conduisent à une forte vigilance sur les questions sanitaires. Les besoins de qualité et de sécurité alimentaire traduisent aussi tout simplement l'apparition de nouvelles exigences des consommateurs en matière de goût. L'abondement des crédits en faveur des contrôles de produit, de la traçabilité ou des politiques de labels devrait aider à combler les attentes en ce domaine tant des producteurs en termes de moyens techniques et humains que des consommateurs en termes de garantie de la qualité alimentaire.
Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques remarques que je souhaitais faire sur le projet de budget de l'agriculture pour 1998. Toutefois, compte tenu de la prépondérance des financements communautaires bénéficiant à l'agriculture et de l'actualité des débats européens relatifs à l'Agenda 2000, j'évoquerai quelques instants la réforme de la politique agricole commune.
Je ne sais si un vent de libéralisme a soufflé sur Bruxelles, mais les orientations que la Commission propose cadrent mal avec les intérêts de l'agriculture française et, plus généralement, avec ceux de l'agriculture européenne.
Dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et compte tenu de la mauvaise répartition des aides entre les producteurs ou entre les régions, une réforme de la PAC est bien entendu nécessaire.
Sur les principes définis dans le « paquet Santer », chacun peut déceler de bonnes intentions. Qui n'est pas pour l'amélioration de la compétitivité de l'agriculture européenne ? Qui n'est pas pour la garantie d'un niveau de vie équitable pour la population agricole ? Ou encore, qui n'est pas pour l'intégration d'objectifs environnementaux ? Tout le monde, ici, peut rallier ces objectifs qui correspondent à nos valeurs traditionnelles et culturelles.
Toutefois, en ce qui concerne les instruments choisis pour y parvenir, on retrouve le même consensus que celui que j'évoquais à l'instant, mais, à l'inverse, pour les dénoncer. Vous-même, monsieur le ministre, vous avez exprimé de vives réserves sur cette réforme lors du dernier Conseil des ministres de l'agriculture à Bruxelles. J'approuve votre position, et je crois que ne ne suis pas le seul si je me réfère aux débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle voilà trois semaines.
Soucieuse d'entamer le prochain round de négociations de l'Organisation mondiale du commerce dans les meilleures conditions, la Commission décide d'aligner les prix communautaires sur les prix mondiaux. C'est une politique à haut risque. En effet, le marché est soumis à de fortes fluctuations. Demain, faudra-t-il s'aligner sur le prix américain du maïs si celui-ci est à 70 francs le quintal si tout va bien ou faudra-t-il vendre à 40 francs le quintal si tout va mal ? Dans le second cas, le budget de la Communauté sera-t-il suffisant pour compenser les pertes ?
Le projet tel qu'il s'articule actuellement, c'est-à-dire la baisse des prix de soutien avec, en contrepartie, des aides directes partiellement déconnectées de la production, profitera dans le meilleur des cas aux grandes exploitations céréalières de type industriel du Nord et du Centre, qui sont suffisamment compétitives pour aborder le marché mondial. En revanche, on peut imaginer que le dispositif sera défavorable pour les productions irriguées et pour l'élevage extensif plus fortement présents sur les exploitations à taille humaine du sud de la France. L'un des principaux objectifs de la réforme, qui consiste, comme je viens de le dire, à garantir un niveau de vie équitable à la population agricole, est on ne peut plus contrarié dans ce cas de figure. Certaines régions pourront peut-être tirer leur épingle du jeu tandis que d'autres s'enfonceront dans les difficultés.
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Jean-Michel Baylet. Il n'est pas acceptable de mettre en place une baisse uniforme des prix alors que la diversité des secteurs agricoles impose à l'évidence une approche différenciée. Une diminution des prix des céréales de 20 % n'aura pas les mêmes répercussions pour le blé, pour les oléagineux et pour le maïs. L'Union européenne ne doit pas renoncer à apporter au maïs et aux oléagineux des compensations spécifiques sous prétexte que ce système de soutien ne serait pas conforme aux règles de l'OMC.
S'agissant de la viande bovine, il n'est pas certain que la réduction de 30 % du prix de soutien soit suffisante pour rendre possibles les exportations sans restitutions, si l'on en juge par les écarts de productivité constatés avec des pays tels que l'Australie ou l'Argentine.
Il est aussi regrettable que la PAC n'offre aucune perspective au secteur des fruits et légumes, qui est pourtant particulièrement fragilisé depuis quelques années. Il est indispensable de relire la nouvelle organisation commune de marché à la lueur du texte de l'Agenda 2000, dans lequel l'emploi apparaît comme étant un critère de référence. Or le secteur des fruits et légumes est, de tous les secteurs agricoles, celui qui emploie le plus de main-d'oeuvre, à critère économique de référence équivalent.
Par ailleurs, indépendamment des bonnes intentions affichées par la Commission à l'égard du développement rural, on ne peut que constater l'absence totale de la prise en compte d'un objectif rural à part entière ; nous savons, monsieur le ministre, que cela équivaut, à ce stade de la procédure, à une coupe budgétaire draconienne, d'autant plus qu'elle n'est même pas clairement définie, alors que la France est le premier Etat membre de l'Union européenne à bénéficier de l'objectif 5 b.
De plus, l'impératif de compétitivité va accélérer la restructuration des exploitations, économies d'échelles et performance obligent. L'argument avancé par le commissaire Fischler, expliquant que le FEOGA-garantie pourra constituer le moyen pour intervenir sur toutes les zones rurales pour financer leur développement, tient difficilement.
Quid de nos campagnes, monsieur le ministre ? Ne serait-il pas temps que le « paquet Santer » intègre les principes du « paquet Delors », dans lequel la prise en compte de l'amélioration de la compétitivité avait été associée à une vraie politique de cohésion économique et sociale, à laquelle je tiens personnellement, et vous aussi, je le sais ? Or force est de constater que le « paquet Santer », en l'absence de ligne politique solide et avec de nombreux voeux pieux, devient une péréquation purement comptable.
Aussi, nous espérons qu'un objectif rural à part entière, autrement dit, en jargon communautaire, un objectif 2 b, avec des engagements politiques et budgétaires clairement définis, sera intégré in fine dans la nouvelle réforme.
Nous attendons de la PAC qu'elle soit un instrument durable au service des hommes, un facteur d'équilibre territorial et un levier du développement économique des pays qui appartiennent à l'Union européenne. En un mot, nous en attendons un effet socio-économique, et non une spéculation économique.
Enfin, je voudrais terminer sur le problème de la répartition franco-française des primes obtenues au titre de la PAC ou, plus exactement, sur le plan de régionalisation des aides céréalières, dont vous avez annoncé récemment la mise en oeuvre, monsieur le ministre.
Le dernier projet, qui envisage le maintien de la distinction entre « cultures sèches » et « cultures irriguées », a reçu un écho plutôt favorable sur le plan national. Cependant, au niveau local, le nouveau barème de répartition entre rendement départemental et rendement national, qui passe de deux tiers - un tiers à cinquante-cinquante, suscite de graves inquiétudes, en particulier parmi les producteurs de maïs.
Pour mon département, la nouvelle répartition entraînera une diminution globale de plus de 2 millions de francs ; mais ce seront en fait quelque 8 millions de francs en moins pour les cultures irriguées, soit un manque à gagner d'environ 1 000 francs par hectare. Le maïs représentant 84 % de la surface irriguée, les maïsiculteurs seront les grands perdants du nouveau plan, alors qu'ils ont entrepris, bien avant la réforme de la PAC, d'importants efforts d'irrigation. Dans une région très sensible aux variations climatiques, et notamment à la sécheresse, on ne peut parler d'irrigation de confort.
Chez moi, monsieur le ministre, l'irrigation permet le maintien de petites exploitations de type familial et garantit des produits de qualité. Ces structures contribuent fortement au dynamisme du tissu rural et elles offrent un attrait pour les jeunes agriculteurs. En brisant les espoirs d'installation et en plongeant les producteurs de maïs dans des difficultés financières, le plan de régionalisation envisagé aura des effets contraires à ceux qui sont recherchés.
Inquiet de cette perspective, je me permets de profiter de la discussion budgétaire pour évoquer ce sujet sensible et pour vous demander que les départements concernés par ce problème continuent à bénéficier d'un rendement spécifique pour le maïs tant que les investissements hydrauliques ne seront pas amortis.
Enfin, monsieur le ministre, conscient des efforts que vous-même et M. le Premier ministre accomplissez en ce moment et constatant que la politique du Gouvernement va dans le bon sens et est d'ailleurs comprise et approuvée par les Français, il va de soi que je voterai votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. Bravo !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures dix, sous la présidence de M. Michel Dreyfus-Schmidt.)

PRÉSIDENCE
DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Monsieur le ministre, habituellement, c'est-à-dire hors période budgétaire, nous reprenons nos travaux le mardi à seize heures, afin de permettre aux divers groupes de se réunir auparavant. Voilà qui explique que nombre de nos collègues n'aient pas encore rejoint l'Hémicycle.

3

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
DE HONGRIE

M. le président. J'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation de l'Assemblée nationale hongroise, conduite par son président, M. Zoltan Gal, et venue en France à l'invitation de MM. les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale.
Au nom de la Haute Assemblée, je lui souhaite la bienvenue et je forme des voeux pour que son séjour en France contribue à fortifier les liens d'amitié entre nos deux pays, tant à titre bilatéral que, dans un temps que beaucoup pensent proche, dans le cadre de l'Union européenne. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

4

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
A. - Du mardi 2 décembre au mardi 9 décembre 1997 inclus :
Suite du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n° 84, 1997-1998), selon le calendrier établi par la conférence des présidents du 4 novembre 1997 et modifié par le Sénat le 20 novembre 1997.
B. - Mercredi 10 décembre 1997, à quinze heures :
1° Conclusions de la commission prévue par l'article 105 du règlement sur la proposition de résolution tendant à requérir la suspension des poursuites engagées contre M. Michel Charasse, sénateur du Puy-de-Dôme (n° 83, 1997-1998).

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi portant ratification de l'accord-cadre de commerce et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République de Corée, d'autre part (n° 382, 1996-1997) ;
3° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l'aide alimentaire de 1995 (n° 372, 1996-1997) ;
4° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord international de 1994 sur les bois tropicaux (ensemble deux annexes) (n° 64, 1997-1998) ;
5° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Cuba pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières (n° 76, 1997-1998) ;
6° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Pologne (n° 77, 1997-1998) ;
7° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ukraine pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières (n° 78, 1997-1998) ;
8° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif au règlement définitif des créances réciproques entre la France et la Russie antérieures au 9 mai 1945 sous forme de mémorandum d'accord et de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie sur le règlement définitif des créances réciproques financières et réelles apparues antérieurement au 9 mai 1945 (n° 104, 1997-1998) ;
9° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale (n° 365, 1996-1997) ;
10° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya en vue d'éviter les doubles impositions en matière de transport aérien en trafic international (n° 41, 1996-1997) ;
11° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales (n° 219, 1996-1997).
C. - Jeudi 11 décembre 1997 :

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

A neuf heures trente :
1° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, consacrant le placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution des peines privatives de liberté (n° 285, 1996-1997.
La conférence des présidents a fixé au mercredi 10 décembre, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi ;
2° Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de résolution de MM. Maurice Blin, Henri de Raincourt, Josselin de Rohan, Jean François-Poncet et Gérard Larcher tendant à créer une commission d'enquête chargée d'examiner le devenir des grands projets d'infrastructures terrestres d'aménagement du territoire, dans une perspective de développement et d'insertion dans l'Union européenne (n° 107, 1997-1998) ;
3° Proposition de résolution de MM. Maurice Blin, Henri de Raincourt, Josselin de Rohan, Louis Souvet et Jean Arthuis tendant à créer une commission d'enquête sur les conséquences pour l'économie française de la réduction de la durée du travail à trente-cinq heures hebdomadaires (n° 75, 1997-1998) ;
4° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de résolution de M. Henri de Raincourt, des membres du groupe des Républicains et Indépendants, apparenté et rattachés administrativement tendant à créer une commission d'enquête pour procéder à un examen approfondi des procédures en vigueur en matière de régularisation des étrangers en situation irrégulière sur le territoire français et pour en évaluer les conséquences économiques et financières (n° 95, 1997-1998) ;
5° Proposition de loi de M. Gérard César et des membres du groupe du Rassemblement pour la République, apparentés et rattaché administrativement, portant mesures urgentes relatives à l'agriculture (n° 8, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 10 décembre, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 10 décembre.
A quinze heures :
6° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures ;
7° Suite de l'ordre du jour du matin.
D. - Lundi 15 décembre 1997, à seize heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 1997 (AN n° 447).
La conférence des présidents a fixé au lundi 15 décembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
E. - Mardi 16 décembre 1997 :
A neuf heures trente :
1° Treize questions orales sans débat :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 99 de M. Marcel Charmant à M. le ministre de l'intérieur (problèmes causés par les biens immobiliers abandonnés) ;
N° 107 de M. André Pourny à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (dégâts causés par les buses aux élevages de volaille de Bresse) ;
N° 108 de M. Georges Mazars, transmise à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation (situation des anciens fonctionnaires d'Afrique du Nord) ;
N° 110 de M. Gérard Larcher à M. le secrétaire d'Etat à la santé (situation budgétaire des hôpitaux d'Ile-de-France) ;
N° 111 de M. François Lesein à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (respect du principe de présomption d'innocence par les médias) ;
N° 115 de M. Guy-Pierre Cabanel à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (politique des transports) ;
N° 116 de M. Michel Duffour à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (avenir de l'université Paris-X et du pôle Léonard-de-Vinci) ;
N° 120 de M. Sosefo Makapé Papilio à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (grille indiciaire de l'enseignement) ;
N° 122 de M. Alain Dufaut à M. le ministre de l'intérieur (avenir des sapeurs-pompiers) ;
N° 124 de M. Robert Calmejane à Mme le ministre de la jeunesse et des sports (conditions de retransmission de la Coupe du monde de football) ;
N° 125 de M. Alain Gournac à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (lutte contre le bruit causé par les survols aériens) ;
N° 126 de Mme Hélène Luc à M. le secrétaire d'Etat à la santé (fermeture de la clinique de Choisy-le-Roi) ;
N° 127 de M. Roland Courteau à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (retard dans la mise en oeuvre du plan Etat-région Languedoc-Roussillon).

Ordre du jour prioritaire

A seize heures :
2° Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au fonctionnement des conseils régionaux (n° 27, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé au lundi 15 décembre, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
F. - Mercredi 17 décembre 1997, à quinze heures :
1° Eloge funèbre de M. François Mathieu ;
2° Sous réserve de leur création, nomination des membres :
- de la commission d'enquête sur le devenir des grands projets d'infrastructures terrestres d'aménagement du territoire ;
- de la commission d'enquête sur les conséquences pour l'économie française de la réduction de la durée du travail à trente-cinq heures hebdomadaires ;
- de la commission d'enquête sur la régularisation des étrangers en situation irrégulière.
Les candidatures à ces trois commissions d'enquête devront être déposées par les groupes au secrétariat du service des commissions avant le mardi 16 décembre 1997, à dix-huit heures.

Ordre du jour prioritaire

3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la nationalité (n° 145, 1997-1998).
G. - Jeudi 18 décembre 1997 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente :
1° Suite de l'ordre du jour de la veille.
A quinze heures :
2° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 1998 ;
3° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 1997.
H. - Eventuellement, vendredi 19 décembre 1997 :

Ordre du jour prioritaire

A à neuf heures trente et à quinze heures :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la nationalité (n° 145, 1997-1998).
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents s'agissant de l'ordre du jour établi en application de l'article 48, troisième alinéa, de la Constitution ?...
Ces proposition sont adoptées.

5

LOI DE FINANCES POUR 1998

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale.

Agriculture et pêche (suite)

M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi concernant le ministère de l'agriculture et de la pêche.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Monsieur le ministre, si je m'en tiens à vos propos, de nouvelles orientations pour l'agriculture de demain marquent ce budget.
Annoncé comme un budget de transition et de quasi-reconduction, il augmente en effet, par rapport à l'année dernière, de 0,2 %, hors budget annexe des prestations sociales agricoles. Cependant, une telle augmentation nous semble beaucoup trop faible, au regard des enjeux et des défis auxquels est confronté le monde agricole d'aujourd'hui.
Il s'inscrit dans un contexte original, avec la perspective de la prochaine réforme de la politique agricole commune, la PAC, réforme particulièrement inquiétante, et la préparation, en parallèle, de la nouvelle loi d'orientation agricole dont vous avez commencé à définir les grands axes. Saisis du document préparatoire, nous avions d'ailleurs formulé à l'époque un certain nombre de remarques et exprimé notre inquiétude sur ce qu'il est convenu d'appeler le « paquet Santer ».
Nous sommes encore plus inquiets aujourd'hui, comme la plupart des exploitants agricoles. En témoignent de nombreuses manifestations et les déclarations des différents syndicats.
En raison de l'importance de l'agriculture au sein de l'Union européenne, notre pays est particulièrement touché par toute réforme de la PAC. Or la réforme qui porte le nom de « paquet Santer » constitue un véritable acte de guerre contre l'agriculture à visage humain, qui est la spécificité de l'agriculture française et même de l'agriculture européenne de qualité.
En accroissant la concurrence entre agriculteurs sur le marché mondial par l'abaissement des prix agricoles, on accroît les difficultés de ceux qui travaillent dans ce secteur.
Cette réforme se caractérise par une logique de concentration hyper-capitaliste, dans un contexte de renégociation des accords de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, ce que l'on appelle la libéralisation du commerce et sur laquelle il y aurait beaucoup à dire.
Les conséquences de telles logiques sont évidentes, puisque l'on constate une accentuation non seulement des déséquilibres écologiques et territoriaux, mais aussi des écarts de revenus entre les différents exploitants. J'ai eu, à plusieurs reprises, l'occasion de vous le dire ici, en séance publique ou dans d'autres enceintes, monsieur le ministre, et je le répète : ce projet est inadmissible. Il faut, certes, réformer la PAC, mais pas dans ce sens-là !
Cette réforme devrait viser à une modulation et à un plafonnement des aides publiques, à la mise en place d'un prix minimum garanti pour un volume donné de production, au développement de la complémentarité, au renforcement des organisations de producteurs et, surtout à l'application réelle de la préférence communautaire.
Il est donc plus que jamais nécessaire que notre pays fasse pression au niveau européen. Après tout, la France est la première puissance agricole européenne, et il nous revient, à ce titre, de régler non seulement des questions agricoles stricto sensu , mais aussi ce problème particulier, qui constitue un véritable débat sur un vrai projet de société. Vers quel monde allons-nous ? Telle est la question !
L'installation des jeunes - vous l'avez vous-même évoquée dans le document préparatoire à la loi d'orientation - constitue, à mon avis, un modèle de ce à quoi il faut tendre et, surtout, un modèle du type de discussion que nous devons avoir.
La seule position cohérente - nous espérons que c'est celle qui sera adoptée par le Gouvernement français - serait d'exercer une pression sans relâche pour faire en sorte que l'Union européenne ne sacrifie pas les atouts européens en termes de qualité et de diversité. Pour l'instant, et je m'en félicite, chaque fois que ces questions sont venues en discussion à Bruxelles, si j'en juge à ceux de vos propos qui ont été rendus publics, vous vous êtes opposé à des mesures condamnant à plus ou moins long terme cette agriculture à visage humain.
Cependant, nous restons vigilants et, si le budget présenté va dans le sens de la réorientation de certains crédits et de la mise en avant de priorités que nous jugeons également essentielles, il appelle de notre part quelques critiques.
La première priorité retenue concerne l'installation des jeunes. Les crédits qui lui sont consacrés sont en augmentation de 3,4 % ; c'est une bonne chose. Depuis des années, tout le monde le sait ici, je me bats pour que des mesures concrètes, réellement efficaces, soient prises dans ce domaine. J'ose espérer que, au-delà du budget, je ne serai pas une nouvelle fois déçu.
La création du fonds pour l'installation en agriculture, doté de 160 millions de francs, est un bon début, mais ce n'est qu'un début. Elle était d'autant plus nécessaire que moins de la moitié des jeunes s'installant accédaient jusqu'à aujourd'hui à la dotation aux jeunes agriculteurs déjà existante. Cette dotation est en effet soumise à des critères d'attribution très restrictifs, d'où le faible nombre de ses bénéficiaires. Cependant, elle reste importante pour de nombreux jeunes, et il est indispensable de reconduire les crédits qui lui sont affectés. Dans le même sens, nous soutenons l'effort budgétaire en faveur des stages à l'installation, avec des crédits en augmentation de 26 %.
Toutes ces mesures sont bonnes et même indispensables puisque - on ne le répétera jamais assez - aujourd'hui, pour quatre exploitants partant à la retraite, un seul jeune s'installe !
Si les efforts consentis dans ce budget sont notables et doivent permettre l'installation de 10 000 jeunes environ, ce sont 35 000 installations qui seraient nécessaires pour simplement maintenir le nombre d'agriculteurs. La pression, vous le voyez, doit donc être maintenue, car il reste encore à faire, dans le sens d'une accélération du dispositif.
Une agriculture dynamique, valorisant nos potentiels régionaux et fondée sur la qualité est donc possible en France comme en Europe, à condition que suffisamment de jeunes viennent dans cette profession ; mais, pour cela, il faut prendre les initiatives nécessaires.
C'est pourquoi il est essentiel d'inverser la tendance et d'impulser une nouvelle dynamique de renouvellement et de rajeunissement. Je ne répète pas ici ce que j'ai déjà indiqué lors du débat sur l'agriculture, que nous avons eu il y a peu.
Une deuxième des priorités retenues dans votre budget me paraît également aller dans le même sens, et je m'en félicite, monsieur le ministre : je veux parler de l'effort consenti en faveur de l'enseignement et, globalement, de la formation professionnelle. Les crédits augmentent de 5 %.
Si j'apprécie la création d'un fonds social destiné à aider et à améliorer la situation des familles les plus défavorisées, je m'interroge sur l'inégalité entre l'augmentation de 2,5 % des moyens du secteur public, contre 8 % pour le secteur privé. Que l'on me comprenne bien, il s'agit non pas, pour moi, de prôner la diminution des crédits du secteur privé mais plutôt de voir ceux du secteur public atteindre le même niveau d'augmentation. C'est d'autant plus nécessaire que l'enseignement agricole public est particulièrement défavorisé et en difficulté, et ses personnels souvent en situation précaire et mal rémunérés.
Or, aujourd'hui, le métier d'agriculteur ne s'improvise pas, si tant est qu'il ait pu un jour s'improviser, ce qui mériterait discussion. Des formations performantes et adaptées sont donc indispensables ; il faut s'en donner les moyens.
Dans le même sens, il serait urgent de lancer des campagnes nationales de revalorisation, au sein de la société française, de l'image du métier d'agriculteur, de sa modernité, des connaissances techniques et scientifiques nécessaires à son exercice. Cette activité est, en effet, trop souvent déconsidérée, y compris par une part importante d'exploitants agricoles eux-mêmes, ce qui tend à décourager encore plus des jeunes potentiellement intéressés. Des crédits devraient être débloqués à cette fin, ce qui n'est pas le cas dans le budget présenté aujourd'hui ni même dans un autre budget ; c'est d'ailleurs l'une des critiques que nous faisons au projet de loi de finances. Il faut donc une vraie campagne, de vrais moyens sur un thème : « Devenez paysan, c'est un vrai avenir ».
En ce qui concerne la troisième priorité de votre budget, à savoir la sécurité et la qualité alimentaire, elle répond à une préoccupation toujours plus forte des consommateurs, et nous sommes en total accord avec ce choix. Cela vient conforter, d'un certain point de vue, les remarques que j'ai faites au début de mon intervention : il est indispensable, pour notre pays, de défendre un modèle agricole européen fondé sur la qualité et la diversité des productions, dans une logique de développement durable et équilibré, et non avec le souci unique de la productivité et de la concurrence, qui sont toutes deux de faux défis. Et, quand je parle de modèle européen, je sais ce qu'il doit à la France !
Mais ce budget appelle d'autres remarques.
La reconduction des dotations consacrées à l'intervention et à la modernisation des filières est une bonne chose, mais, au regard des besoins énormes dans ces domaines, elle nous semble tout de même insuffisante.
Parallèlement, si nous apprécions que les dotations pour l'aménagement rural et forestier soient également reconduites, il est cependant nécessaire à nos yeux de rendre plus transparente l'administration des fonds qui y sont liés, et, disant cela, je pense notamment au fonds de gestion de l'espace rural, le FGER.
Les dérives constatées dans une gestion relevant trop souvent d'une pratique connue dans nos campagnes sous le nom de « pompe à fric », si je peux me permettre l'expression, et mise au service des mieux informés, empêchent ce fonds d'atteindre l'objectif qui devrait être le sien : être véritablement au service de l'aménagement du territoire.
Dans un domaine proche, il est appréciable que les crédits affectés au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA, soient maintenus. Mais, là encore, une meilleure gestion des dossiers et la réduction des inégalités de traitement sont nécessaires.
La différence de traitement entre agriculteurs « intégrables » et « non intégrables » - différence justifiée par la recherche d'une prétendue efficacité environnementale - peut accentuer l'avantage économique au profit d'élevages très importants, la mise aux normes étant l'occasion d'une modernisation de l'outil de production. Prenons garde ! A terme, cette attitude pourrait ne profiter qu'à l'agrandissement de quelques-uns, donc à la concentration, au lieu de servir à l'installation des jeunes. Il vous faut donc, monsieur le ministre, faire preuve de vigilance dans la définition des conditions d'attribution.
Enfin, je tiens à faire remarquer le recul des crédits consacrés à la SOPEXA, la société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, qui nous semble particulièrement regrettable.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. En effet !
M. Louis Minetti. Cet organisme a un rôle important à jouer auprès des petites et moyennes entreprises pour le développement et la promotion de leurs exportations.
Il serait donc nécessaire de pallier cette baisse, sous une forme budgétaire qu'il reste à trouver d'ici à la fin de l'année.
Il convient de mentionner également la diminution sensible de l'indemnité spéciale de montagne et des crédits aux régions défavorisées, ce qui est en net décalage avec les intentions affichées par la loi d'orientation agricole de replacer le territoire au coeur de la politique agricole.
En conclusion, monsieur le ministre, je réaffirmerai notre volonté de voir la France se doter d'une loi d'orientation agricole ambitieuse et valorisant ce que j'ai brossé à grands traits comme un modèle rural spécifique à la France et, sans doute, à l'Europe, loi capable de constituer une base de référence avant les négociations de la PAC et de l'OMC.
Si le budget que nous avons examiné présente des lacunes et quelques manques d'envergure que j'ai signalés, il n'en reste pas moins inscrit dans une logique rompant avec un certain nombre des budgets précédents. Nous espérons que cette approche se concrétisera, et nous verrons, à la fin de ce débat, comment nous allons nous déterminer. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. César. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Hélène Luc. C'est M. Minetti que vous applaudissez ? (Sourires.)
M. Gérard César. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention porte sur trois points importants de votre budget : les retraites agricoles, la SOPEXA et la prime d'orientation agricole, la POA.
Lors du débat agricole qui a eu lieu dans cette enceinte le mois dernier, vous avez admis, monsieur le ministre, que le montant de nombreuses pensions de retraites resterait très insuffisant.
Ce constat est confirmé par les retraités eux-mêmes et formulé dans le rapport de M. Daniel Garrigue, parlementaire chargé de mission par l'ancien gouvernement pour faire le point sur l'état des retraites.
Ce rapport souligne le décalage existant entre les différentes retraites, met l'accent sur l'action restant à mener et sur leur nécessaire revalorisation. Chacun sait que le rapport actifs-inactifs est particulièrement défavorable : 1 actif pour 2,3 retraités en 1997.
Par ailleurs, il convient de noter des modalités de constitution des droits très complexes, de nombreuses carrières comme chef d'exploitation incomplètes, des différences énormes de cotisations selon la taille des exploitations et un recours inégal au fonds de solidarité vieillesse.
Face à ce problème, des efforts financiers ont été engagés depuis 1994, mais ils restent insuffisants en ce qui concerne les actuels salariés.
L'Assemblée nationale a voté, sur votre proposition, un crédit de 680 millions de francs pour revaloriser les plus petites pensions. Cette majoration profitera surtout aux conjoints, aux anciens aides familiaux et à ceux qui ont été chefs d'exploitation pendant quelques années. L'augmentation sera de 5 100 francs par an pour une carrière complète dans l'agriculture, soit 37,5 années ; son montant sera dégressif entre 37,5 et 32,5 années d'activité, et ceux qui n'atteignent pas 32,5 années seront écartés de la mesure.
C'est ainsi que 275 000 petits retraités agricoles seront concernés. Or tout laisse supposer que beaucoup d'intéressés subiront de fortes restrictions dans le calcul de leur revalorisation. En effet, si 275 000 personnes devaient bénéficier de 5 100 francs supplémentaires, c'est une dépense d'environ 1,4 milliard de francs qui devrait être inscrite dans la loi de finances, au lieu des 680 millions qui y figurent.
Sur le principe, l'augmentation est bonne, à condition que des mesures restrictives, telles que prorata ou minorations, ne viennent affaiblir vos promesses et les effets d'annonce du ministre des finances. En effet, l'augmentation actuelle de 5 100 francs par an pourrait se trouver réduite à moins de 50 francs par mois pour les personnes ayant exercé leur activité pendant 32,5 années.
Par ailleurs, monsieur le ministre, les veuves qui, en 1995, ont bénéficié de la mesure de cumul de leurs droits propres et de leur pension de réversion seront-elles écartées de l'augmentation de leur retraite forfaitaire, aujourd'hui proposée ?
Sur ces questions de retraite, je vous engage, monsieur le ministre, à traduire votre volonté, qui est forte, d'améliorer le sort de ces retraités misérables par des mesures immédiates, car ils attendent effectivement les 5 100 francs promis.
Enfin, il importe qu'un calendrier de rattrapage échelonné soit arrêté pour parvenir à 75 % du SMIC, soit 3 778 francs par mois. Une telle orientation relève de la solidarité nationale et non d'un ajustement au sein du budget du ministère de l'agriculture à travers la subvention d'équilibre au BAPSA, le budget annexe des prestations sociales agricoles.
Monsieur le ministre, ne décevez pas nos retraités !
Le deuxième point que je veux aborder concerne la SOPEXA.
J'ai pu, monsieur le ministre - et ce n'est qu'un exemple - apprécier avec vous-même, lors du salon du SIAL Mercosur à Buenos Aires, le soutien efficace apporté aux entreprises du secteur agro-alimentaire par la SOPEXA. C'est une multitude de PME et d'exploitations individuelles qui sont à l'origine des performances exceptionnelles à l'exportation du secteur agricole et alimentaire. Les grands marchés internationaux s'ouvrent, la concurrence y est de plus en plus vive, et les grands pays exportateurs renforcent les moyens publics consacrés à la promotion.
Ainsi est-il inquiétant, voire dangereux, de diminuer les crédits de soutien : 197,8 millions de francs dans la loi de finances de 1997 ; 157,8 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1998, soit une diminution de 40 millions de francs.
En admettant qu'il soit nécessaire de revoir certaines missions de la SOPEXA, il n'était pas utile de baisser son budget aussi brutalement.
Vous avez admis vous-même, devant la commission des affaires économiques et du Plan, ne pas méconnaître le risque que fait peser cette réduction de crédits sur des actions importantes de la SOPEXA si des moyens alternatifs de financement ne sont pas trouvés.
Par ailleurs, il importe que les conclusions de la mission d'analyse de cette société, conduite par l'inspection générale des finances et par l'inspection générale de l'agriculture, soient rendues rapidement, à défaut d'être connues pendant l'examen du budget.
Enfin, mon troisième point a trait à la prime d'orientation agricole.
Concernant la politique agro-alimentaire, c'est la fin de l'embellie ; l'Etat se désengage de façon continue depuis les cinq dernières années. Si l'on se livre à une rapide comparaison, on constate que, en 1994, 220 millions de francs étaient inscrits en autorisations de programmes et 219 millions de francs en crédits de paiement, contre 173 millions en autorisations de programmes et 150 millions de francs en crédits de paiement pour l'année 1998.
En treize ans, les crédits ont été globalement divisés par quatre.
La suppression des aides au secteur agro-alimentaire, prônée par certains au motif que c'est l'allégement des charges pesant sur les entreprises qui constituera le levier majeur de l'intervention publique, est contradictoire avec la stratégie européenne. De plus, nous savons tous que les charges ne cessent de progresser.
L'Union européenne, quant à elle, en maintenant les aides à certains secteurs grâce à des plans sectoriels bien ciblés, confirme la nécessité de conduire une politique particulière à l'égard de certains secteurs agro-alimentaires.
L'amélioration du stockage, le conditionnement et la transformation sont des secteurs porteurs, en particulier pour la coopération agricole, qui doit demeurer un secteur dynamique pour le maintien à la fois des productions, de nombreux emplois directs et indirects et de la valeur ajoutée apportée à ses adhérents.
Sans ces crédits, la prime d'orientation agricole et le FEOGA, le fonds européen d'orientation et de garantie agricole, deviendraient rapidement inefficaces, monsieur le ministre, et je vous demande donc de les maintenir dans votre budget au niveau de 1997.
Il en va de l'avenir de nombreuses entreprises agro-alimentaires qui, par le levier financier que constitue la prime d'orientation agricole, pourront investir, donc se moderniser et être compétitives pour l'avenir de notre agriculture. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Souplet.
M. Michel Souplet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur l'agriculture qui a eu lieu dans cet hémicycle, le 5 novembre dernier, a été l'occasion pour nombre de nos collègues de s'exprimer sur la politique agricole qu'ils souhaitent voir appliquée par le Gouvernement, sur les décisions et les mesures que l'on saura mettre en place et imposer, tant sur notre territoire que sur la scène internationale. En effet, nul ne doit oublier les grandes échéances à venir, à savoir la nouvelle réforme de la politique agricole commune et les prochaines négociations internationales au sein de l'Organisation mondiale du commerce.
Cependant, tout le monde s'accorde à dire que l'agriculture française doit tenir une place de premier rang dans les futures discussions. Nous attendons donc avec impatience, monsieur le ministre, votre projet de loi d'orientation agricole, qui déterminera l'avenir de nos agriculteurs et de leurs exploitations. Si elle est vraiment une loi d'orientation et non un texte d'aménagement, elle pourra servir de référence pour toute l'agriculture européenne, ce qui nécessite, de votre part et celle de l'ensemble des participants, beaucoup d'audace, de fermeté et d'ambition. Il faudra un consensus des acteurs principaux que sont les organisations professionnelles agricoles représentatives.
Cette loi permettrait de répondre de façon résolue à la nouvelle politique agressive américaine après la loi du Fair Act adoptée au début de l'année dernière.
Pour en revenir au budget agricole, mon intervention portera plus spécialement sur le rôle et sur la fonction sociale de l'agriculture. En effet, et je l'ai déjà mentionné à maintes reprises dans cet hémicycle, j'ai souvent privilégié la fonction économique de l'agriculture. Ce fut d'ailleurs quasiment la seule qu'on lui reconnaissait pendant des décennies.
Je reviendrai sur l'importance des secteurs agricole et agro-alimentaire dans la balance commerciale.
Il est très important pour notre pays d'assurer la sécurité alimentaire en volume et en qualité, comme vous le souhaitez, monsieur le ministre, grâce à la compétitivité de notre agriculture. Il faut aussi maintenir, voire accroître sa part de marché vers les pays importateurs, en particulier les pays émergents, et ne pas laisser l'exclusivité de l'approvisionnement des ces marchés aux seuls grands pays traditionnellement exportateurs : la France et l'Europe doivent y avoir leur part.
Il ne faut pas négliger non plus le rôle évident de l'agriculture dans la protection de l'environnement et l'aménagement du territoire. Sans entrer dans les détails, Bruxelles souhaite promouvoir une « politique rurale intégrée communautaire », la PRIC, pour répondre aux nouvelles demandes de la société. Cette politique lierait les aides à l'agriculture à des critères environnementaux ou ruraux.
Monsieur le ministre, dans votre discours devant l'Assemblée nationale, vous vous êtes exprimé ainsi : « Il n'y a pas dans mon esprit de rupture entre la politique agricole au niveau national, qui sera définie par la loi d'orientation, et le débat au niveau communautaire. En d'autres termes, il ne s'agit pas de définir une orientation productiviste pour la PAC et une orientation, appelons-la territoriale, pour la loi d'orientation. Il s'agit d'un seul et même débat. »
Monsieur le ministre, pour répondre à ce double objectif, votre budget me paraît tiède et manque d'ambition. Vous affichez votre priorité pour la fonction sociale de l'agriculture. Je ne suis donc pas surpris de certaines coupes importantes qui affectent la vocation économique de celle-ci, même si je les regrette. En revanche, je m'attendais à des mesures un peu plus volontaristes permettant aux agriculteurs d'assurer et de pérenniser leurs actions en matière d'aménagement du territoire et de protection de l'environnement.
Le monde agricole ne voudrait pas être la victime d'une certaine idéologie. Si vous avez la volonté d'axer votre politique sur le volet social, permettez-moi de vous dire que les moyens que vous voulez mettre à la disposition des acteurs du monde agricole ne sont pas à la hauteur de vos ambitions. En disant cela, je n'oublie pas - et vous n'avez de cesse de le répéter pour justifier ce projet de budget - que, dans un contexte de difficultés économiques et sociales, « l'équité dans l'attribution des soutiens publics est une exigence que nos concitoyens recherchent légitimement ».
Pour Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, l'agriculture serait responsable de tous les maux en matière d'environnement. On cite les situations qui paraissent dangereuses, et l'on a raison, mais on ne dit pas souvent, voire jamais, les efforts importants dus aux technologies modernes et à la volonté des agriculteurs de les appliquer. C'est ainsi que, pour des augmentations très sensibles des rendements, on a réduit parfois de moitié, voire plus, l'utilisation d'intrants tels que les engrais, les amendements et les produits phytosanitaires.
En ce qui concerne le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, seuls 175 millions de francs d'autorisations de programme sont prévus dans le projet de budget pour 1998. Les éleveurs se sont pourtant engagés progressivement, mais massivement, dans le programme de remise aux normes des bâtiments d'élevage.
Ces travaux sont financés pour un tiers par les éleveurs, pour un tiers par l'agence de l'eau, le dernier tiers incombant à l'Etat et aux collectivités locales.
Les éleveurs ont démontré, par le nombre d'études déjà réalisées, qu'ils étaient déterminés à moderniser et à améliorer les conditions sanitaires de leurs installations. Ils respectent le PMPOA engagé en 1994 après la loi sur l'eau de 1992 ainsi que l'arrêté sur la redevance de pollution de 1993.
Les agences de l'eau ont globalement respecté leurs obligations et ont ouvert les crédits nécessaires aux agriculteurs. Les collectivités locales, principalement les régions, participent également et honorent leur engagements.
Il semble que seule la participation de l'Etat soulève quelques problèmes. Le coût du programme avait été initialement évalué par l'administration à 3,5 milliards de francs. Or la forte mobilisation des éleveurs - 90 % d'adhésions au lieu des 50 % prévus - ainsi que la sous-estimation du coût moyen des travaux par exploitation conduisent à un quadruplement des besoins initiaux, soit 14 milliards de francs.
Le terme de ce programme a donc été repoussé de 1998 à 2001. Si la ligne programmée en 1997 a été annulée à 25 %, ce sont pourtant 283 millions de francs qui ont été attribués au PMPOA grâce à la mobilisation financière du Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE. Or, cette année, le projet de loi ne prévoit pas qu'une partie des fonds du FNDAE soit affectée, alors qu'il est indispensable que l'engagement du FNDAE pour le PMPOA soit en 1998 au même niveau qu'en 1997.
Si l'Etat ne se donne plus les moyens de sa politique, il sera nécessaire de repousser une fois de plus le calendrier des mises aux normes.
Puisque j'aborde la question environnementale, je souhaite, monsieur le ministre, vous interpeller sur le thème des biocarburants, l'utilisation à des fins non alimentaires de grande masse de la production agricole étant un sujet cher aux organisations agricoles et auquel M. Machet et moi-même consacrons toute notre énergie depuis plusieurs années.
La semaine dernière, à Bruxelles, est paru le Livre blanc sur l'énergie. Or, seules quelques lignes, dans cet ouvrage, ont été consacrées aux carburants d'origine agricole.
Par ailleurs, la loi sur l'air, votée en fin d'année 1996, précisait « le droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé ». Or, plus de la moitié de nos concitoyens considèrent que les problèmes d'environnement affectent actuellement leur santé, et si l'on hiérarchise ces problèmes, on constate que la qualité de l'air arrive en tête de liste avec la qualité de l'eau. Nous venons de connaître, voilà quelques jours encore, des problèmes de pollution très graves à l'occasion desquels on a évoqué beaucoup de choses pour y faire face, mais pas du tout l'utilisation des carburants d'origine agricole.
M. Michel Doublet. Très bien !
M. Michel Souplet. L'aboutissement de la mise en oeuvre du nouveau système de défiscalisation, dans le projet de loi de finances, sera l'occasion de l'agrément d'un volume d'ETBE - éthyl tertio butyl éther - supérieur, puisqu'il était de 210 000 tonnes, et qu'il pourrait atteindre 270 000 tonnes, ce dont je me réjouis.
Toutefois, qu'en est-il, monsieur le ministre, de l'application de la loi sur l'air, qui prévoit l'incorporation obligatoire d'oxygène dans les essences à partir de l'an 2000 ? Pour l'instant, les décrets d'application ne sont toujours pas parus.
Par ailleurs, où en est la mise en forme des décrets définissant le taux minimal d'oxygène dans les essences, sachant qu'un objectif de 2 % permettrait de garantir un impact significatif en matière environnementale ?
Je compte donc sur vous, monsieur le ministre, pour que le Gouvernement français veuille promouvoir les biocarburants et faire progresser leur utilisation. Monsieur le ministre, intervenez auprès de votre collègueMme Voynet, ministre de l'environnement. Les Français croient à la valorisation de la biomasse. Les agriculteurs aussi, malgré les dénégations de quelques hauts fonctionnaires du Plan ou des finances. Faites preuve, là encore, de pugnacité.
Il est une autre mesure qui mérite un autre « traitement » budgétaire, je veux parler de la prime à l'herbe.
Cette mesure, qui a été mise en place en accompagnement de la réforme de la PAC, arrive à échéance. Or elle est un instrument efficace d'occupation de l'espace et de protection de l'environnement. Cette mesure concerne 104 000 éleveurs, avec 42 % de la surface en herbe française.
Si le projet de budget prévoit une enveloppe de 680 millions de francs, celle-ci est cependant inférieure de 5 % à celle de l'an dernier. Cette dotation ne correspond pas aux nécessités actuelles et ne pourra satisfaire la demande des agriculteurs ; en outre, elle est insuffisante pour que la prime à l'herbe soit un véritable outil d'aménagement du territoire.
Son champ d'application devrait donc être élargi à l'ensemble des zones herbagères. Cette mesure pivot de l'agriculture française doit être pérennisée. Il faut donc y mettre les moyens, c'est-à-dire doubler les primes. Elle deviendrait ainsi plus incitative pour le maintien et l'entretien des surfaces en herbe.
Les mesures agri-environnementales que vous présentez sont caractérisées par une volonté de simplification en regroupant les mesures et en affichant les priorités, l'accent étant mis, notamment, sur les plans de développement durable.
Si votre prédécesseur, monsieur le ministre, attribuait aux plans de gestion durable des objectifs de production, de gestion durable de l'environnement et d'emploi, en revanche, vous semblez, quant à vous, privilégier la dimension environnementale dans le contrat de développement durable que vous présentez.
Or, si ces plans, initiés par la réforme de la PAC en 1992, orientaient le système d'exploitation vers des modes de production intégrant mieux les préoccupations environnementales, il faut aussi conforter la viabilité économique et assurer beaucoup mieux la transmission des exploitations. Le développement durable, consacré en 1992 lors du sommet de Rio sur l'environnement, répond à ce principe : « Protéger l'environnement et l'aménagement du territoire tout en conciliant le développement économique de notre société ».
Pour ce qui concerne le volet économique, je parlerai principalement de la situation délicate, déjà évoquée par plusieurs prédécesseurs à cette tribune, de la SOPEXA. Certes, comme vous l'avez indiqué à l'Assemblée nationale, le budget global de la SOPEXA est en augmentation ces dernières années. En réponse à mes collègues députés, vous avez annoncé la mise en place d'une mission qui étudierait l'adéquation des moyens attribués par l'Etat aux objectifs de cette société. Nous comptons tous sur l'efficacité et, surtout, sur la rapidité de cette mission, qui, je l'espère, admettra la nécessité de l'investissement public pour la promotion à l'exportation de nos produits agricoles et agroalimentaires.
La France est le deuxième exportateur mondial de ces produits, avec un solde commercial excédentaire de 58,5 milliards de francs sur les 122 milliards de francs d'excédent de la balance commerciale globale. Au moment où nos concurrents maintiennent ou renforcent le soutien public pour la promotion de leurs produits, il est risqué d'envisager une baisse des crédits de cette société dont la fonction vise à renforcer la capacité exportatrice de nos entreprises qui sont essentiellement des PME pour lesquelles l'accès aux marchés extérieurs est plus difficile et plus risqué. C'est pourquoi il est important, voire vital, de les accompagner financièrement et administrativement dans leur volonté d'exporter.
Tels sont, monsieur le ministre, les différents points que je souhaitais vous soumettre. Pour éviter les redites, mes collègues du groupe de l'Union centriste évoqueront d'autres sujets, en particulier le « paquet Santer », la fiscalité agricole mal adaptée, l'installation des jeunes, les organismes génétiquement modifiés, l'Agenda 2000, etc. Je suis solidaire de leur prise de position, et je vous remercie, monsieur le ministre, de m'avoir entendu ; je serai attentif aux réponses que vous pourrez m'apporter. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Grandon.
M. Jean Grandon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénateurs non inscrits, au nom desquels je m'exprime sur le projet de budget de l'agriculture, n'ignorent pas le contexte de redéploiement des efforts budgétaires et de rigueur dans lequel il a été élaboré.
La marge de manoeuvre est nécessairement limitée et, parce qu'il faut nous en tenir aux chiffres, un constat s'impose.
Il s'agit d'un budget de reconduction qui n'exclut pas quelques priorités auxquelles nous sommes sensibles : je pense à l'enseignement et, dans une moindre mesure, à la politique d'installation avec, certes, un recentrage des moyens.
Ce budget recèle aussi un certain nombre de points faibles, et le dossier qui retient notre attention, en l'espèce, est celui des retraites agricoles les plus modestes, qui ne nous paraît pas avoir été pris ici en compte. Nous y reviendrons.
Première observation : l'augmentation des crédits consacrés à l'enseignement agricole est incontestable.
Avec une progression de 410 millions de francs pour s'établir à près de 6,6 milliards de francs, les dépenses bénéficiant à l'enseignement et à la recherche traduisent, monsieur le ministre, une véritable volonté politique que nous espérons voir consolidée tant dans la loi d'orientation de l'agriculture que dans le troisième schéma prévisionnel national des formations agricoles en préparation.
Cette volonté doit s'accompagner d'une réflexion de fond sur la vocation et le rôle de cet enseignement, tenant compte des contraintes de notre fin de siècle en termes d'aménagement du territoire, de qualité et de sécurité alimentaires, et d'environnement bien entendu.
Pour autant, les crédits alloués à l'enseignement supérieur privé, même s'ils progressent de l'ordre de 4 %, ne semblent pas répondre aux engagements. Il n'y a pas deux types d'enseignement, le public d'un côté, le privé de l'autre. L'un comme l'autre assument des missions essentielles.
Je souhaite simplement vous redire l'attachement de notre groupe à l'égalité de traitement entre l'enseignement public et l'enseignement privé ainsi que notre souci de préserver l'équité de l'accès des jeunes à ce dernier.
Deuxième observation : de la formation à l'installation, la transition est trouvée pour évoquer la substitution du fonds d'intervention pour le développement industriel local, le FIDIL, par le fonds pour l'installation en agriculture, le FIA, qui devra financer une nouvelle prime à la transmission des exploitations pour encourager l'installation, notamment en dehors du cadre familial.
Etait-il opportun de créer un instrument financier supplémentaire alors que le précédent commençait seulement à produire ses effets ?
Nous aimerions donc connaître les modalités concrètes d'application de ce dispositif, de même que nous voudrions être rassurés sur le maintien des dispositifs existants, voire sur leur adaptation à l'évolution du monde rural que nous subissons aujourd'hui.
A ce stade, je souhaiterais évoquer, monsieur le ministre, la dotation de la Société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, dont, sans sous-estimer les impératifs auxquels vous êtes confronté en matière de finances publiques, la réduction se révèle drastique dans le projet de budget.
La France est le deuxième exportateur mondial de produits agricoles et alimentaires ; ses 15 000 entreprises et ses 500 000 emplois directs, implantés essentiellement en milieu rural, dégagent un solde commercial de 58 milliards de francs.
Comment interpréter mais encore expliquer cette mesure, au moment où les marchés internationaux s'ouvrent et où les grands pays exportateurs renforcent les moyens publics consacrés à la promotion de leurs produits ?
Il serait paradoxal que seule la France renonce à renforcer sa capacité exportatrice et fragilise ainsi la présence de ses PME sur les marchés extérieurs.
Troisième et dernière observation : les retraites agricoles les plus faibles. Il ne s'agit, ni plus ni moins, que de manifester notre solidarité nationale à l'égard des femmes et des hommes qui ont fait notre agriculture et de leur permettre de disposer de ressources décentes.
La loi de modernisation intervenue en février 1995 et les résultats de la conférence annuelle de février dernier sur la revalorisation des retraites avaient suscité beaucoup d'espoirs.
Il existe de surcroît un document de travail - le rapport Garrigue - qui trace quelques pistes : revaloriser les petites retraites des chefs d'exploitation, poursuivre l'effort en faveur des veuves, améliorer la situation des conjoints en activité, fixer à 24 000 francs la retraite forfaitaire des retraités conjoints devenus ensuite exploitants.
Ce rapport reste d'actualité et il serait judicieux d'y puiser les éléments d'une politique volontariste dans ce domaine.
Il est donc indispensable que des dispositions immédiates soient prises en faveur des retraites les plus basses et qu'un calendrier de rattrapage progressif soit mis en place.
Solidarité nationale, disais-je à l'instant. Nous devons manifester un souci de justice et de dignité envers celles et ceux qui ont travaillé toute leur vie à la modernisation de l'agriculture et de notre territoire national. La France a besoin de ses « paysans » pour garantir la pérennité de la ruralité. Il ne faut relâcher ni notre soutien ni nos efforts en faveur de l'agriculture au moment où se profilent de nouveaux défis avec les négociations communautaires de demain et des négociations mondiales qui interviendront en l'an 2000.
Monsieur le ministre, les sénateurs non inscrits considèrent que, si ce projet de budget répond pour partie à ses attentes, il reste encore trop en retrait, particulièrement dans son volet social. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Habert. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom de la cinquantaine de mes collègues qui sont membres du groupe d'études de la viticulture de qualité que j'ai l'honneur de présider, je me permets plus particulièrement d'attirer votre attention sur la situation de la filière vitivinicole.
Selon les plus récentes prévisions du ministère de l'agriculture et de l'ONIVINS, l'Office national interprofessionnel des vins, la production des vins de 1997 s'élèverait à 56 millions d'hectolitres, dont 23,9 millions en vins de qualité produits dans des régions déterminées, les VQRPD, 13,4 millions en vins de pays, 8,2 millions en vins de table et 10,5 millions en vins destinés à la production de cognac.
Tous vins confondus, la production marque un recul de 6 % par rapport à la précédente campagne et de 3 %, si l'on compare à la moyenne des cinq dernières années.
Par rapport à 1996, toutes les catégories de vins enregistrent une baisse, les vins de pays et les vins de table marquant les plus forts reculs avec, respectivement, des baisses de 12 % et de 7 %. Les VQPRD diminuent de 3 %. Sur la moyenne des cinq dernières années, les vins de table enregistrent une forte baisse - 24 % - cependant que les vins de pays progressent légèrement - 2 %. Les vins aptes à faire du cognac diminuent de 3 % par rapport à la précédente récolte, mais sont en hausse de 4 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années.
S'agissant du cognac, il y a lieu de souligner que les professionnels ont engagé une réflexion pour mettre en oeuvre une politique de restructuration du vignoble que rendent nécessaire la surproduction, l'abondance du stock, la stagnation des exportations.
La baisse enregistrée en 1997 est pour partie imputable aux calamités agricoles qui ont affecté plusieurs régions de production, en particulier le midi de la France.
M. Alain Lambert, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il ne faut pas oublier le calvados !
M. Serge Mathieu. Il en fait partie de toute façon !
Pour ce qui concerne notre commerce extérieur des vins, l'année 1996 a constitué une année exceptionnelle : la France a en effet exporté l'année dernière 13,6 millions d'hectolitres pour une valeur de 24,8 milliards de francs.
Les exportations françaises des vins ont ainsi dépassé le précédent record enregistré en 1987, avec 13 millions d'hectolitres en volume. La baisse des importations de 4 % par rapport à 1995 prolonge une tendance enregistrée en 1994, avec une diminution de 8 %. La valeur des importations se limite à 2,6 milliards de francs.
Le bilan établi par l'ONIVINS dégage donc un solde excédentaire de 22,2 milliards de francs ; il n'en reste pas moins qu'il est essentiel de poursuivre l'action de promotion des vins français à l'étranger, en particulier sur certains marchés émergents tels que ceux des pays asiatiques. A cet égard, on constate que la crise financière qui affecte les places boursières asiatiques retentit fortement sur les importations des vins français par ces pays, cette constatation s'appliquant particulièrement aux vins de Bordeaux.
Concernant toujours le secteur des exportations, on ne peut que déplorer la diminution de la dotation allouée à la SOPEXA dans le projet de loi de finances pour 1998.
Pour ce qui concerne les plantations, en particulier celles de VQPRD, il importe de tout mettre en oeuvre pour empêcher la disparition des droits à plantations puisqu'une demande des producteurs s'est fait jour en ce domaine.
Les services des douanes vont donc alerter les détenteurs de ces droits afin que ces derniers ne soient pas perdus. A cet égard, il y a lieu de déplorer que les professionnels ne soient pas parvenus à établir un accord sur les modalités du dispositif destiné à éviter que des droits de plantation ne tombent en désuétude ; un débat s'est toutefois instauré sur le transfert de ces droits d'une région à une autre.
L'augmentation des charges sociales et de la fiscalité s'appliquant à la viticulture est particulièrement préoccupante. La réforme de l'assiette des cotisations sociales élaborée en 1993 a certes permis d'importantes améliorations. Toutefois, l'assiette des cotisations sociales demeure trop large, puisqu'elle englobe tous les bénéfices des exploitations sans qu'il soit permis d'établir une distinction entre les bénéfices réinvestis dans l'entreprise et ceux qui rémunèrent le travail des exploitants.
Bien entendu, par définition, le revenu des exploitants viticoles varie en fonction des aléas climatiques et de l'évolution des marchés qui déterminent les volumes de production et les stocks constitués. C'est pour ces raisons que les revenus sont particulièrement soumis à d'importantes fluctuations annuelles.
Cette situation est encore plus préoccupante lorsque les exploitations sont assujetties au régime fiscal des bénéfices réels, qui est mieux adapté à une activité agricole plus régulière.
On doit toutefois se réjouir que la fiscalité des stocks à rotation lente permette d'atténuer l'impact du délai entre la production et la commercialisation des vins.
Certes, le code général des impôts ouvre la possibilité d'une déduction fiscale pour investissements. Toutefois, cette disposition est exclusive de celle qui précède, ce qui engendre pour les exploitations viticoles d'importants problèmes de trésorerie dans la gestion de leurs stocks.
Je voudrais à présent évoquer la réforme de l'organisation commune des marchés, l'OCM. Je vous rappelle, monsieur le ministre, qu'en 1994 les producteurs européens avaient adopté une position commune de rejet de la proposition présentée par la Commission de l'Union européenne de réforme de l'organisation commune des marchés vitivinicoles.
Devant cette unanimité, Bruxelles avait finalement retiré son texte qui avait mis au grand jour les divergences d'intérêts entre les pays du nord de l'Europe et ceux du sud de l'Europe. Le commissaire européen à l'agriculture, M. Franz Fischler, devrait présenter en avril prochain une première mouture du projet d'OCM fondé sur le constat qu'il y aura moins d'excédent dans l'Union européenne et qu'il n'est donc plus question de recourir systématiquement à l'arrachage.
Il est important qu'un consensus intervienne entre les différents pays de l'Union européenne pour étudier et pour amender le projet d'organisation commune des marchés qui sera présenté par la Commission européenne.
En tout état de cause, il est probable que l'on aboutira en ce domaine à une forme de compromis. De plus, il est avéré que le principal obstacle, tient non pas aux divergences entre les pays de l'Union, mais à celles qui naissent avec les pays tiers continuant à planter sans discernement. Il conviendra en outre de prendre en compte l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale qui ouvrent un marché de 100 millions de consommateurs.
Il est également fondamental que l'OCM permette de préserver la compétitivité de la production vinicole européenne.
Je voudrais à présent aborder un thème auquel mes collègues du groupe d'études de la viticulture de qualité sont particulièrement sensibles : il s'agit du débat sur la relation entre la consommation modérée de vin et la santé. Des études approfondies, menées tant aux Etats-Unis qu'en Europe par des chercheurs réputés, ont permis d'établir qu'une consommation régulière et maîtrisée de vin provoque des effets bénéfiques sur la santé, en particulier sur le système cardio-vasculaire.
M. Michel Doublet. Très bien !
M. Serge Mathieu. C'est pourquoi, monsieur le ministre, il me semble qu'il faut rompre avec l'esprit de la loi Evin qui a diabolisé le vin et qui empêche toutes les actions de promotion et d'information, notamment scientifique, sur le vin.
M. Roland Courteau. On l'a dit en 1990 !
M. Serge Mathieu. Je voudrais, monsieur le ministre, me féliciter que vous ayez décidé, dès le mois d'août, une distillation préventive de 5,5 millions d'hectolitres. J'ai accueilli également comme une saine mesure l'action que vous avez reconduite afin d'encourager les viticulteurs à ne pas vinifier une partie de leur production en destinant une fraction de ladite production à des débouchés « non vins ». Cette action, qui répondait à une demande de la profession, permet aux viticulteurs dont le rendement est supérieur à 90 hectolitres à l'hectare de livrer, dans la limite de 18 hectolitres à l'hectare, des volumes de moût pour ces produits « non vins ».
J'ai bien noté la décision arrêtée le 18 août de poursuivre l'action en faveur de l'allégement des charges qui pèsent sur les viticulteurs engagés dans une politique d'amélioration qualitative et d'adaptation de leur vignoble par l'institution d'une aide à l'hectare.
Je me réjouis, en outre, de la poursuite de l'effort des pouvoirs publics en faveur de la restructuration du vignoble.
Je crois qu'un problème se pose concernant les difficultés techniques et le coût de la mise aux normes au titre des installations classées par les petites caves coopératives et par les caves particulières qui doivent engager pour ces actions d'importantes dépenses.
Je terminerai mon exposé, monsieur le ministre, mes chers collègues, en évoquant le budget de l'enseignement agricole.
Les dotations budgétaires consacrées à l'enseignement et à la recherche dans le projet de loi de finances pour 1998 augmentent de 4,9 % et atteignent 6,6 milliards de francs, alors que l'augmentation n'était que de 2,2 % en 1997.
Je conviens qu'il y a lieu de poursuivre une réflexion sur les effectifs souhaitables d'élèves de l'enseignement agricole et, plus généralement, sur la place de l'enseignement agricole dans notre système éducatif.
A cet égard, le critère est, bien sûr, le taux d'insertion professionnelle des anciens élèves de l'enseignement agricole ; mais quelle finalité doit-on donner à l'enseignement agricole ? S'agit-il de limiter sa vocation à la formation des futurs exploitants ou bien d'en diversifier les objectifs afin de permettre aux élèves de l'enseignement agricole d'accéder à des emplois dans le domaine de l'environnement, de l'aménagement de l'espace rural ou de l'animation ?
Concernant l'enseignement agricole privé, les crédits de fonctionnement s'élèvent à 2,57 milliards de francs, enregistrant ainsi une hausse de 8 % par rapport à 1997. Cette importante progression s'explique par la revalorisation des rémunérations des enseignants des établissements à temps plein, directement pris en charge par l'Etat, et par l'application effective du principe de parité de financement entre l'enseignement public et l'enseignement privé fixé par la loi Rocard de 1984.
Je me dois de faire une mention toute particulière au rôle assuré par les maisons familiales rurales d'éducation et d'orientation, dont l'enseignement en alternance permet aux élèves de demeurer périodiquement au contact de l'exploitation et donc de disposer des meilleures chances pour une installation en agriculture.
J'ajoute que les maisons familiales rurales ont fait un effort significatif de diversification de leur formation dans les disciplines de l'aménagement et de l'animation. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Pastor. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. Ecoutons-le religieusement !
M. Henri Weber. Prenons des notes !
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le ministre, à l'occasion de l'examen du projet de budget de l'agriculture, vous me permettrez de situer en introduction le contexte dans lequel notre société évolue, l'agriculture, la ruralité et l'aménagement de l'espace étant des notions étroitement liées.
Quand je regarde sous l'angle de leur évolution nos sociétés, j'ai peur. J'ai peur que l'on ne soit en train de tirer le rideau sur toute une période de notre histoire, une période qui a commencé avec le xixe siècle et dont le trait dominant était le souci de réduire les inégalités sociales, de protéger les plus faibles, de rechercher la parité entre les différents groupes sociaux.
Or j'ai la forte conviction que l'on ne pourra pas persévérer dans un modèle de développement qui nous conduit tout droit à une forme de désintégration sociale.
C'est dans ce cadre qu'il m'apparaît - et j'y crois fermement - qu'une des réponses aux maux dont souffre notre société aujourd'hui se trouve certainement dans nos campagnes.
M. William Chervy. Très bien !
M. Jean-Marc Pastor. Je suis persuadé que l'équilibre de notre territoire et des hommes qui y vivent ne pourra se faire dans le seul contexte du libre-échangisme mondial, qui trop souvent détruit notre agriculture, notre territoire et les hommes.
Il est temps de renvoyer l'économie vers les territoires. En fait, la question centrale est la suivante : quels sont les moyens d'inverser le déclin démographique, économique, politique et culturel du monde agricole et rural ?
Il faut d'abord une volonté politique, et vous l'avez, monsieur le ministre,...
M. William Chervy. Il l'a !
M. Jean-Marc Pastor. ... comme vos actions le prouvent.
Mais il faut aussi s'appuyer sur un rééquilibrage des activités productives et sur l'abandon partiel d'une vision seulement financière de l'économie, car qualité de nos produits et valeur des territoires sont des atouts à développer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
Ce sont toutes ces interrogations qui doivent fixer une orientation, un sens à l'acte politique pur. Comment, monsieur le ministre, votre projet de budget traduit-il ces orientations ? Et comment ces dernières seront-elles reprises dans la négociation sur la réforme de la PAC ou lors de la préparation de la loi d'orientation ?
Dans un contexte budgétaire contraint et limité, où les marges de manoeuvre sont difficiles à dégager, le projet de budget de l'agriculture et de la pêche pour 1998, avec 35,2 milliards de francs, traduit une volonté certaine de l'Etat de maintenir ses efforts dans ces deux secteurs. En effet, hors dotations exogènes - BAPSA et charges de bonification - il progresse de 0,2 %. Il s'agit donc d'un budget qui rompt avec un mouvement de réduction des crédits constaté depuis quelques années, en particulier avec celui de votre prédécesseur. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Mais la rupture est également marquée en ce sens que ce projet de budget s'inscrit parfaitement dans la politique générale du Gouvernement, qui a réaffirmé le rôle essentiel de l'agriculture et exprime deux volontés fortes.
La première est d'engager l'agriculture sur la voie de l'avenir, ce qui est rendu possible au moyen du soutien à l'enseignement et à l'installation des jeunes.
La seconde est que l'agriculture soit un facteur d'aménagement de l'espace rural et, par là même, de développement rural.
Tout cela pour rappeler qu'en dépit de contraintes multiples auxquelles vous avez été confronté - marges de manoeuvre limitées, rétablissement à opérer, mais aussi préparation de la réforme de la PAC et remise en chantier du projet de loi d'orientation agricole, puisque de l'une et de l'autre dépend aussi notre agriculture de demain - vous avez eu, monsieur le ministre, la volonté d'orienter le budget agricole, de traduire une nouvelle logique. C'est donc un tournant important.
Je tiens à préciser aussi que le budget de l'agriculture ne représente que 20 % de l'ensemble des dépenses publiques profitant à l'agriculture.
Vos dernières prises de position à propos du « paquet Santer » sont de nature à nous rassurer tous.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. René-Pierre Signé. Nous étions inquiets !
M. Jean-Marc Pastor. C'est bien, en effet, dans les politiques communautaires que l'on retrouve le plus de dysfonctionnements ; il faudra bien rétablir l'équité.
Compétitivité, certes, mais nouveaux grands équilibres liés à notre agriculture plurielle sont les enjeux du débat européen. Le principe du plafonnement ou de la dégressivité des aides, voire la mise en place de critères limitant l'intensification, est nécessaire aujourd'hui.
Votre pragmatisme vous conduit, monsieur le ministre, à opérer avec méthode et prudence, et donc à proposer une sorte de bilan pour la fin 1999 avant d'entamer les étapes ultérieures. Sachez que nous y sommes sensibles.
L'attente était réelle pour connaître la manière dont vous dégagerez les quatre priorités budgétaires que j'ai perçues dans vos propositions.
La première priorité est l'installation des jeunes. Dans tous les domaines, en effet, quel meilleur moyen d'assurer l'avenir que d'y préparer les jeunes ?
Actuellement, l'installation se heurte à plusieurs barrières, comme l'importance des capitaux à mobiliser et les difficultés à attirer vers le métier d'agriculteur des jeunes non issus du monde agricole et hors cadre familial, amorce d'une nouvelle osmose sociale.
Un milliard de francs est consacré à relancer l'installation des jeunes. De plus, la mise en place d'un outil spécifique, le fonds pour l'installation en agriculture, doté de 160 millions de francs devrait permettre de répondre aux besoins qui, jusqu'ici, n'étaient pas satisfaits.
Outre le fait que les actions positives du FIDIL ont été conservées - il faut le rappeler - nous saluons la création d'une prime à la transmission en agriculture pour la reprise d'exploitation sans successeur.
Par ailleurs, à côté de ce nouvel instrument, les moyens traditionnels d'aide à l'installation sont maintenus à l'identique : 10 000 dotations aux jeunes agriculteurs pourront ainsi être financées grâce à une dotation de 645 millions de francs et 45 millions de francs sont réservés aux opérations groupées d'aménagement foncier les OGAF.
Dans le même souci d'accompagnement des installations, un effort de formation important est prévu, avec une augmentation de 27 % des crédits consacrés aux stages d'installation. La dotation atteindra, pour la première fois, 100 millions de francs. Cela permettra d'augmenter le nombre de stagiaires et d'élargir ainsi les stages à des jeunes n'appartenant pas au monde agricole.
La deuxième grande priorité concerne la sécurité sanitaire et la qualité de l'alimentation.
Le budget pour 1998 prévoit les moyens de répondre à cette préoccupation. En effet, les crédits sont en nette hausse, de 14,3 %.
Je ne vous le cache pas, monsieur le ministre, c'est une priorité qui m'agrée au plus haut point, d'autant que l'année 1996, marquée par la douloureuse affaire de la vache folle et, plus globalement - mais cela en découle - par les interrogations des consommateurs sur la nature de leur alimentation, nous a conduits à étudier par quels moyens nous pouvions intervenir pour limiter les dégâts causés par la rupture entre producteurs et consommateurs.
La seule façon d'y parvenir est, bien sûr, « la traçabilité ».
M. Raymond Courrière. Il a raison !
M. René-Pierre Signé. C'est un expert !
M. Jean-Marc Pastor. Ce budget en fournit les moyens, puisque les crédits consacrés au contrôle et à la santé animale connaissent une progression inégalée : 6,4 % pour les crédits du Centre national d'études vétérinaires et alimentaires, 8,7 % pour les crédits de l'Institut national des appellations d'origine et 21 % pour les crédits affectés à l'utilisation des labels et à la promotion des signes de qualité. C'est une nette avancée qui montre le souci du Gouvernement d'assurer la sécurité des consommateurs et de contribuer à l'amélioration des produits.
Ainsi, au moment où se met en place un nouveau dispositif de sécurité sanitaire et où la qualité et la sécurité des produits sont une préoccupation majeure des consommateurs, le projet de budget dégage des moyens dans ce sens, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Je retrouve là, monsieur le ministre, un signe majeur de la relation nécessaire entre l'agriculture, la qualité des produits, le territoire et les consommateurs.
La troisième grande priorité, qui a été largement évoquée à cette tribune, concerne l'enseignement et la formation.
En rupture avec la tendance des années 1993-1997, il faut le reconnaître, la volonté de conforter l'enseignement agricole s'exprime par une croissance de 4,9 % des dotations destinées à l'enseignement public et de 8 % de celles de l'enseignement privé. Votre prédécesseur avait choisi une autre voie : il avait engagé une politique de maîtrise des dépenses avec des normes de croissance et d'effectifs.
Personnellement, je préfère une formation tournée vers l'avenir, vers l'industrie agro-alimentaire, vers le tourisme rural, vers l'environnement, qui sont les composantes premières de notre ruralité et de notre espace rural, vers une formation solide et adaptée aux mutations du moment, afin de permettre aux jeunes de pratiquer une agriculture durable et diversifiée.
En ce qui concerne les moyens en personnel, 150 emplois seront créés en 1998. Un signe révélateur avait déjà été donné à la rentrée de 1997 par le réemploi des agents contractuels et par la levée du gel qui frappait 140 emplois de personnel ATOS, le personnel administratif, technicien, ouvrier et de service.
Je ne veux pas passer sous silence la nécessité de redonner vie et espoir à l'enseignement public, peut-être par une loi de programmation. La qualité de l'enseignement agricole public est saluée par tous, mais cet enseignement a aussi besoin aujourd'hui d'une reconnaissance. Tout en restant rattaché à l'agriculture, l'inscription d'un budget civil de l'enseignement agricole serait peut-être de nature à conforter vos orientations.
N'oubliez pas, monsieur le ministre, que près de 25 % du personnel est en situation précaire et que de nombreux postes budgétaires pourraient être financés par les heures supplémentaires ou les vacataires.
La quatrième priorité de ce budget est le volet social par l'amélioration des retraites agricoles.
Mais, monsieur le ministre, puisque vous l'avez largement évoquée, je me bornerai à rappeler que cela constituait un engagement du Gouvernement, que vous avez tenu, et que la première étape enclenchée cette année devra être poursuivie.
Outre ces quatre grandes priorités, nous voyons se dessiner une autre volonté majeure dans le budget que vous nous proposez : celle de faire de l'agriculture l'acteur du développement durable et de conforter sa mission d'occupation de l'espace. Tous les outils budgétaires sont mobilisés pour atteindre cet objectif.
Je note avec satisfaction que vous avez majoré à nouveau les crédits du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles prélevés par l'ancienne majorité pour rouvrir la dotation du fonds de gestion de l'espace rural, qui mérite quand même une expertise. Cette dotation de 140 millions de francs est le trait d'union indispensable avec l'aménagement du territoire.
Quant aux interventions nationales plus directes, c'est la reconduction de la prime à la vache allaitante, les indemnités compensatoires de handicaps naturels, les mesures agri-environnementales qu'il conviendra de renforcer avec les primes à l'élevage extensif. Le tout représente un montant de l'ordre de 835 millions de francs, en augmentation de plus de 60 millions de francs par rapport au budget de l'an dernier.
Restent, sur le volet environnemental, les engagements pris par votre prédécesseur pour le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, les fameux PMPOA, notamment une mesure totalement inopportune de prélèvement, pour ne pas dire de détournement, de près de 170 millions de francs pour trois ans, sur le fonds national pour le développement des adductions d'eau.
La maîtrise budgétaire aura des répercussions plus importantes sur d'autres secteurs tels que l'hydraulique agricole ou la prime d'orientation agricole, qu'il importe également de mentionner et dont la diminution s'explique en partie - ne l'oublions pas, mes chers collègues - par l'étalement du contrat de plan décidé par le précédent gouvernement, laissant apparaître comme seule marge de manoeuvre la POA déconcentrée.
Comme d'autres intervenants l'ont indiqué, des répercussions seront également à noter sur la SOPEXA, dont le budget a tout de même progressé de 31 % de 1992 à 1997 - il convient de le souligner - mais avec une dotation publique qui a diminué de 9,2 % sur la même période.
Attention tout de même : la conjugaison des deux mesures, l'une liée aux décisions de l'ancien gouvernement, l'autre à ce projet de loi de finances, conduira à trouver des mesures spécifiques afin de conforter l'activité de PME en zones rurales qui oeuvrent dans ce sens et qui rapportent à la France un excédent commercial dans l'agro-alimentaire de près de 58 milliards de francs. Vous pourriez, monsieur le ministre, nous rassurer dans ce domaine.
Enfin, quelques inquiétudes persistent sur la politique rurale globale et sur les crédits d'animation et de fonctionnement qui me paraissent tout de même relativement insuffisants.
D'une façon générale, toutes ces mesures vont dans le sens d'une véritable agriculture durable. Mais elles ne deviendront efficaces que par la réforme de certaines structures - je fais notamment allusion aux commissions départementales d'orientation - par une transparence accrue pour toutes les opérations foncières et par les limitations des cumuls, fonciers, bien entendu.
Enfin, les questions liées à la ruralité dans son ensemble, pour répondre aux interrogations de départ que j'avais annoncées, devront être complétées par la loi d'orientation agricole, et ce pour rééquilibrer les territoires, pour développer la notion d'agriculture durable et pour ouvrir enfin notre agriculture vers notre société. Ces enjeux seront importants dans les mois qui viennent.
Pour nous y préparer, ce budget est facteur d'espoir, car il insuffle un renouveau, notamment grâce à la volonté de rajeunissement dynamisée par le soutien à l'installation, à une politique d'enseignement public affirmée et à la confirmation des mesures agri-environnementales.
En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dirai que la tâche est lourde, car elle conduit à la réconciliation plus générale des hommes, à la réconciliation des zones et des territoires et à la réconciliation des milieux urbains et ruraux.
L'harmonie générale peut se faire par le maintien de notre espace, par notre agriculture plurielle, et cela nécessite une vraie solidarité que vous sollicitez aujourd'hui, monsieur le ministre.
Mon groupe voit dans ce budget des signes positifs forts pour le maintien d'une agriculture à la française, moderne, utilisatrice de l'espace et porteuse d'un véritable équilibre social. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'exercice du débat budgétaire sur l'agriculture est, cette année, encore plus symbolique et déterminant que les années précédentes.
Intervenant dans un contexte marqué par la reprise du chantier de la loi d'orientation et par le coup d'envoi de la PAC, qui inquiète fortement nos agriculteurs, ce projet de budget pour 1998 doit traduire d'ores et déjà la nouvelle logique de l'agriculture de demain.
Avec une hausse de 1,22 % par rapport à 1997 et des priorités telles qu'elles nous sont présentées, on pourrait s'attendre à un quasi-consensus autour de ce budget. Pourtant, il n'en a point été ainsi à l'Assemblée nationale, et je crains qu'il n'en soit de même ici.
M. Raymond Courrière. C'est la politique politicienne !
M. Bernard Joly. Installation des jeunes, enseignement et formation professionnelle, sécurité et qualité des produits, enfin, retraites des agriculteurs, ces quatre priorités répondent à la fois aux attentes des consommateurs et à celles du monde rural, et sont traduites dans le projet de budget par des hausses, il est vrai, incontestables.
Mais permettez-moi de faire quelques observations.
La première est relative au soutien à l'installation des jeunes, enjeu majeur pour le monde agricole. « Les bras manquent à l'agriculture » : déjà, en 1850, ce constat avait été fait par M. de Rainneville dans un rapport adressé au ministre de l'agriculture et publié au Moniteur universel.
Ayant pris la mesure de cet enjeu, votre prédécesseur avait amorcé une nouvelle dynamique avec la mise en oeuvre de la charte pour l'installation. Les crédits prévus pour 1998, en hausse de 3,4 %, poursuivent cette politique, et je ne peux que souscrire à cette continuité.
Néanmoins, je m'interroge encore sur l'intérêt de remplacer l'actuel FIDIL, qui n'avait pas encore fait ses preuves mais commençait, semble-t-il, à produire des effets bénéfiques, par un nouveau fonds, le FIA. Sans doute me confirmerez-vous, monsieur le ministre, que les objectifs du FIA sont plus larges que ceux du FIDIL, et je m'en réjouis. Mais, dans ce cas, pensez-vous réellement qu'avec une dotation en hausse d'à peine 10 millions de francs vous lui donnez les moyens d'atteindre ces objectifs ?
Par ailleurs, on peut regretter qu'en donnant une priorité à l'installation, vous n'ayez augmenté aucun des moyens permettant les restructurations foncières. Je pense notamment aux opérations groupées d'aménagement foncier qui sont l'occasion d'actions de restructuration profonde, facilitant et orientant la transmission des exploitations, comme elles sont l'occasion d'expériences innovantes en matière d'installation.
Enfin, l'atténuation du coût de la transmission des exploitations, notamment par le biais fiscal, reste un dossier ouvert.
Ma deuxième observation a trait à ce qui doit faire la force de notre agriculture et lui donner confiance en elle-même, à savoir la valorisation de la production. La sécurité et la qualité des produits sont désormais les premières exigences du consommateur. Cette politique fait l'objet d'une attention réaffirmée avec une hausse de crédits très significative. J'en prends acte.
Ma troisième observation porte sur l'enseignement et la formation. Là encore, l'augmentation est incontestable. Elle permettra de faire face à la progression importante des effectifs d'élèves. Mais je ferai à cet égard une mise en garde : il n'est pas dans la vocation du ministère de l'agriculture de prendre en charge l'ensemble des besoins de scolarisation du milieu rural, ni même de consacrer une part croissante de son budget à un enseignement de moins en moins agricole. Il est donc indispensable que cette évolution s'accompagne d'une réflexion profonde sur la place de l'enseignement agricole par rapport à l'enseignement en général et sur sa vocation, réflexion qui prenne en compte les nouvelles exigences de l'aménagement du territoire, de l'environnement, de la qualité et de la sécurité des produits.
Ma quatrième observation concernera les retraites.
Cette année, 700 millions de francs supplémentaires ont été dégagés, permettant un relèvement des pensions les plus modestes, particulièrement celles des conjoints et des aides familiaux. Je salue cet effort, bien qu'il soit intervenu dans des conditions assez précipitées et cacophoniques. Mais on est loin du niveau décent - et encore plus loin des trois quarts du SMIC - auquel aspirent légitimement des hommes et des femmes qui ont travaillé durement et ont contribué depuis plus de quarante ans à faire de la France la deuxième puissance exportatrice mondiale sur le plan agricole et agro-alimentaire !
J'ose espérer, monsieur le ministre, que cette mesure n'a pas seulement le caractère d'effet d'annonce pour adoucir une pilule qui serait alors bien amère, mais qu'elle s'inscrit dans une perspective claire et pluriannuelle de parité des prestations entre les retraités du monde agricole et les autres. Je serai heureux de vous entendre sur ce point.
Au-delà des priorités affichées, que je soutiens dans le principe, sinon dans leur traduction, il est malheureusement des insuffisances ou des choix que je désapprouve.
On a toujours déploré la très grande pesanteur des prélèvements forcés et des dépenses de fonctionnement, lesquelles augmentent d'ailleurs dans votre budget de 1,4 %. Vos choix, monsieur le ministre, obèrent encore plus la capacité d'accompagnement économique de l'agriculture.
Ainsi en est-il, comme l'ont souligné d'autres intervenants, de la réduction de 20 % des crédits attribués à la SOPEXA. Je m'en étonne d'autant plus que vous avez réaffirmé à plusieurs reprises votre souhait d'encourager la promotion des produits agricoles et agro-alimentaires, notamment dans le document préparatoire à la loi d'orientation. Paradoxal, mais surtout critiquable, cette décision fragilise la présence des PME françaises sur les marchés étrangers.
Il en est de même pour la diminution de 1,7 % de la dotation aux offices ou des crédits aux industries agro-alimentaires à travers la prime d'orientation agricole. Elle risque de remettre en cause leur capacité à agir en faveur de la nécessaire modernisation et de l'adaptation des filières agricoles, dans un contexte international de plus en plus ouvert et concurrentiel.
J'évoquerai, après M. Souplet, une autre question qui inquiète le agriculteurs de la Haute-Saône, à savoir la prime à l'herbe. On le comprend quand on sait que 70 % des exploitations en bénéficient. Instituée en 1992, pour cinq ans, de façon à contrebalancer les aides aux grandes cultures, une prime de 300 francs à l'hectare a été versée. Sera-t-elle maintenue au-delà et, le cas échéant, sera-t-elle revalorisée ?
Enfin, j'en viens à ma dernière observation sur ce qui constitue un autre enjeu important pour l'agriculture et qui répond à une demande sociale forte : la valorisation de l'espace rural et la protection de l'environnement.
Votre projet, monsieur le ministre, reste peu ambitieux sur les programmes agri-environnementaux à un moment où le besoin d'accompagnement des agriculteurs vers de nouvelles méthodes de production se fait de plus en plus sentir. Le fonds de gestion de l'espace rural, le FGER subit encore une érosion de ses moyens de 10 millions de francs.
Enfin, la simple reconduction des crédits pour le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole et pour les bâtiments d'élevage en zone de montagne ne permettra sans doute pas d'atteindre les objectifs avant des décennies ; elle risque surtout de décourager les éleveurs qui se sont pourtant engagés massivement dans ce programme.
Avouez que ces insuffisances sont plutôt paradoxales pour un gouvernement qui prône le développement durable et cherche à responsabiliser les agriculteurs !
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Bernard Joly. Pour toutes ces raisons, la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera ce budget de l'agriculture, sous réserve des réponses qui seront faites à mes questions. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un maire rural de l'Aube, M. Paul Ragon, maire de Chamoy, qui présidait notre association départementale des communes forestières, avait coutume de dire : « Les arbres ne sont ni de droite ni de gauche et, d'ailleurs, ils ne votent pas. » Il aurait pu ajouter : ils ont aussi le tort de vivre longtemps. (Sourires.)
La politique, c'est vrai, a du mal à prendre en compte la forêt. Son horizon est trop court. La mention « forêt » apparaît quelquefois, puis disparaît du nom du ministère qui la gère. Ainsi, monsieur le ministre, êtes-vous celui de l'agriculture et de la pêche. Votre prédécesseur y ajoutait l'alimentation, mais la forêt était déjà oubliée. Les forestiers, au sens large, en conservent quelque amertume.
M. Roland du Luart. Très juste !
M. Yann Gaillard. Vous n'êtes nullement visé par les quelques remarques que je vais me permettre de faire en m'inspirant des travaux que mène la fédération nationale des communes forestières de France, présidée par notre collègue Jacques-Richard Delong, en pleine concertation avec M. Plauche-Gillon et la forêt privée. Elles n'ont pour objet que d'attirer votre attention, que j'ai tout lieu de supposer bienveillante, comme le laisse penser l'entrevue que vous avez bien voulu nous accorder le 29 septembre dernier, après notre congrès de Hyères.
J'évoquerai un premier point, souvent ignoré.
La forêt, dans notre pays, est en régulière expansion : elle couvre 15 millions d'hectares, soit 27 % du sol métropolitain, contre 7 millions d'hectares, soit moins de la moitié, à la veille de la Révolution. La forêt publique est le détachement avancé de cette reconquête : elle couvre 4,2 millions d'hectares, dont 2,5 millions d'hectares pour les forêts des 11 000 communes forestières de France, et 1,7 million d'hectares pour les forêts domaniales, les deux étant gérées par l'Office national des forêts, selon les règles strictes du code forestier et d'une noble et ancienne tradition.
La surface n'est pas seule à augmenter. En volume, l'accroissement annuel de la forêt s'élève à 75 millions de mètres cubes, alors que la récolte est de 50 millions de mètres cubes. Cela tient à la croissance des boisements effectués avec l'aide du fonds forestier national depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui représentent plus de 2 millions d'hectares, à la conversion des taillis en futaies, mais aussi à la sous-exploitation de certains massifs. Les prévisions établissent à plus de 10 millions de mètres cubes la disponibilité supplémentaire de bois par an au début du XXI siècle par rapport à la récolte actuelle.
Cette richesse nationale, comme vous le savez, monsieur le ministre, assure 550 000 emplois, l'essentiel en zone rurale, pour la gestion, la récolte, le négoce et la transformation. Les 25 millions de mètres cubes de bois d'oeuvre, les 10 millions de mètres cubes de bois d'industrie et les 15 millions de mètres cubes de bois de feu font vivre le bâtiment et les travaux publics, l'emballage, l'ameublement, pour le bois d'oeuvre, les papiers cartons, les panneaux, la xylochimie pour le bois d'industrie. La France est exportatrice nette de grumes de feuillus et résineux, de sciages feuillus et de bois de trituration. On peut d'ailleurs regretter qu'une partie plus grande de cette ressource ne fasse pas l'objet d'une seconde transformation sur le sol national.
A ce rôle économique s'ajoute, bien sûr, un rôle majeur dans le domaine de l'environnement et de l'aménagement du territoire. Composante naturelle fondamentale du milieu naturel de notre pays, la forêt joue un rôle important dans la climatologie, le cycle de l'eau, le maintien de la biodiversité animale et végétale, ce qui n'a pas échappé aux rédacteurs de la directive « habitat » ni aux docteurs de Natura 2000.
Enfin, la forêt est, comme chacun sait, un antidote aux poisons de la société urbaine, et les membres de cette dernière viennent y chercher de plus en plus des lieux d'exercice ou de détente, un refuge, voire un rêve.
Cependant, cet acquis exceptionnel est aujourd'hui menacé. La menace est double : elle tient à l'étiolement des moyens budgétaires, ainsi qu'à certaines offensives extérieures, qu'elles viennent de Bruxelles ou du grand Nord.
S'agissant des moyens, je parlerai d'abord du Fonds forestier national, le FFN.
Je ne reprendrai pas l'ensemble du dossier, car vous le connaissez, mes chers collègues ; en effet, à la suite de la catastrophique réforme de 1991, le sujet a été discuté ici à plusieurs reprises, en 1994 et en 1995, et des avancées ont pu être obtenues grâce à notre action. Le redressement reste toutefois très insuffisant : les recettes et les crédits prévus pour 1998 sont de 422 millions de francs, très en retrait par rapport aux besoins réels.
Je rappellerai simplement quelques chiffres.
En 1990, les recettes du FFN étaient de 808 millions en francs courants, soit 913 millions en francs constants de 1996 ; en 1990, les crédits de reboisement du FFN accordés aux communes étaient de 63 millions de francs, soit 72 millions de francs constants ; ils sont retombés à 23 millions de francs en 1995.
Cette baisse des moyens s'est bien entendu traduite par une baisse du nombre total d'hectares reboisés avec l'aide du FFN, en forêt communale et en forêt privée, 31 709 hectares ayant été reboisés en 1990, contre 18 619 en 1995, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur l'emploi en zone rurale et sur l'activité des entreprises : pépinières, entreprises de reboisement, de travaux sylvicoles, etc.
S'agissant toujours des moyens, notre préoccupation va aussi à l'Office national des forêts, gestionnaire de la forêt publique.
Les deux tiers du terrain d'action de cet Office sont constitués par la forêt communale, qui est donc intéressée au premier chef par la bonne santé de l'établissement public et par sa capacité à répondre aux besoins du terrain.
Or l'Office national des forêts traverse actuellement une situation financière difficile due à la progression des charges de personnel notamment, plus rapide que celle des recettes en raison de l'insuffisance du versement compensateur de l'Etat, encore diminué par rapport à celui de cette année puisqu'il passe de 851 millions de francs à 846 millions de francs.
De cette situation les effets risquent de se faire rapidement sentir sur la gestion des forêts publiques et sur la mobilisation des bois. Une telle éventualité serait déplorable et économiquement injustifiable, quant on sait que 1 million de mètres cubes de bois d'oeuvre supplémentaire mobilisé et mis sur le marché représente 6 milliards de francs de chiffres d'affaires cumulés, fournissant à l'Etat 1,5 milliard de francs d'impôt et taxes.
A cet égard, nous nous interrogeons, monsieur le ministre, sur certaines études qui sont menées actuellement à l'Office - réflexions stratégiques sur les services rendus par l'établissement et leur évolution à venir en fonction des attentes de la société - ainsi qu'à la direction de l'espace rural et des forêts, sous le nom de « bilan du régime forestier ».
Que cherche-t-on ? A diminuer le rôle des propriétaires forestiers dans la gestion de l'Office, ou, pour employer le jargon actuel, à se diriger vers une « cogestion multifonctionnelle » ? Mais, dans ce cas, posera-t-on le principe d'un financement pour les services que la forêt, publique ou privée, rend à la société ? Pouvez-vous nous répondre sur ce point, monsieur le ministre ?
Enfin, je rappellerai qu'il n'y a toujours, au budget de votre ministère, qu'un misérable crédit de 2,5 millions de francs, intitulé « subvention aux collectivités pour l'acquisition de forêts », pour aider les communes qui achètent des forêts et, par là, investissent à long terme pour les générations futures.
Je passe sur la question - pourtant urgente - des dégâts occasionnés par les cervidés en forêt, pour laquelle nous attendons que les mesures préconisées, dans le rapport que le Gouvernement a déposé en avril dernier et qui lui avait été commandé par la loi du 6 juillet 1992 - attribution de contingents de cervidés plus élevés - soient mises en oeuvre.
Parmi les problèmes auxquels la forêt et la filière bois se trouvent aujourd'hui confrontées, je désire évoquer la gestion non budgétaire durable et l'écocertification des bois.
En matière de gestion durable, la France peut s'enorgueillir d'un bilan exemplaire. Ce bilan est formellement attesté par un outil scientifique incontesté : l'inventaire forestier national. La problématique du moment est que, sous la pression conjuguée d'organisations écologiques internationales et de groupes industriels de pays exportateurs de bois fortement organisés, la demande d'écocertification progresse, que les bois vendus proviennent de forêts bien gérées et que ce soient des bois écologiquement corrects. Il convient donc de prendre en compte cette problématique nouvelle et d'adopter, dans le cadre communautaire, par exemple, des mesures qui répondent aux exigences des acheteurs sans pénaliser les producteurs.
C'est l'une des raisons pour lesquelles nous attachons un grand prix aux articles de principe, dont nous avions débattu avec vos services, sur la triple vocation - productive, touristique et écologique - de la forêt et l'affirmation de la nécessité d'une gestion durable.
Ecartées du projet de loi d'orientation agricole, les dispositions relatives à la forêt seront reprises dans un projet de loi d'orientation forestière qui doit venir en discussion en 1998. Du moins est-ce l'engagement que vous avez pris, monsieur le ministre, en réponse au président de la commission des finances, M. Christian Poncelet, devant notre assemblée, au cours du débat sur l'agriculture, le 5 novembre dernier.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de la forêt, nous voulons croire en votre parole. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'agriculture a aujourd'hui plusieurs missions, chacun s'accorde à le dire. Non seulement elle produit, mais encore elle valorise les espaces ; non seulement elle entretient le milieu rural, mais encore elle crée de l'emploi dans les exploitations, en amont de celles-ci et en aval. Elle constitue donc le dernier rempart contre la désertification dans bien des régions.
La réforme de la politique agricole commune de 1992 avait institué une baisse des prix payés aux producteurs et instauré des primes prévisibles, mais mal distribuées.
Que s'est-il produit ? Un grand nombre d'agriculteurs ont disparu. En fait, 200 000 paysans ont quitté la terre depuis 1992. Les rescapés, ceux qui sont restés à la terre, se sont partagé les hectares et, de ce fait, s'en sortent mieux aujourd'hui. Toutefois, nous refusons que 200 000 paysans disparaissent encore demain, alors qu'il n'en reste plus que 700 000 environ en France, dont 500 000 à temps plein.
La nouvelle réforme prévue de la politique agricole commune est, semble-t-il, tout aussi dangereuse. Si, dans l'énoncé des objectifs, elle peut être séduisante, évoquant la compétitivité des produits, l'environnement, la place du territoire, dans ses modalités pratiques, elle ne l'est plus du tout. En effet, les propositions qui sont faites impliquent une baisse des prix pour le lait et la viande, ainsi que pour les céréales.
Quelles incidences auront-elles, par exemple, sur le revenu des producteurs de lait ? Les simulations effectuées par plusieurs organismes permettent d'imaginer les évolutions de revenu pour les producteurs et de voir quels systèmes ne pourraient pas s'adapter. Les tendances mises en évidence par les différentes simulations sont concordantes.
Le revenu moyen des éleveurs laitiers baisserait sensiblement : de 7 % par rapport à l'excédent brut d'exploitation de l'exercice 1996, selon l'Institut national de la recherche agronomique. Le revenu des exploitations laitières serait d'autant plus pénalisé que leur système de prodution est intensif et qu'elles ont recours au maïs ensilage : 14 % à 24 % de baisse de l'excédent brut d'exploitation par rapport à 1996 pour les systèmes laitiers intensifs. En revanche, les exploitations herbagères sans maïs auraient peu à perdre ou ne perdraient rien avec la réforme, surtout si le complément extensif s'applique aux vaches laitières.
Avec des diminutions de prix payés plus modérées que celles qui sont prévues pour les prix de soutien, le revenu évoluerait de façon moins défavorable et pourrait même progresser dans les exploitations semi-intensives ainsi que dans les systèmes herbagers.
Enfin, la part des aides dans le revenu s'accroîtrait de façon spectaculaire puisqu'elle atteindrait 80 % du résultat courant avant impôt pour les exploitations laitières.
Ces simulations ne permettent pas de prendre en compte les capacités d'adaptation des exploitations laitières ; cependant, elles conduisent à deux observations.
Premièrement, la recherche de l'extensification peut se traduire par une augmentation du nombre de vaches, ce qui entraînera une dégradation du marché de la viande bovine.
Deuxièmement, la pression à l'agrandissement des surfaces sera forte, ce qui rendra plus difficile l'installation des jeunes.
Les agriculteurs français sont en colère, même s'ils ne sont pas encore dans la rue, parce que dans le projet de réforme de la PAC qui sera soumis à négociation dès le début de l'année prochaine, les experts de Bruxelles envisagent de réduire d'un peu plus de 30 % les prix garantis aux professionnels, en tout cas aux producteurs de viande bovine, de céréales et, dans une moindre mesure, de lait. En échange, l'Union européenne pourrait remettre en place un système d'aide individuelle correspondant au volume de production de chaque agriculteur.
En dehors de l'aspect purement financier de l'affaire, ce que redoutent les intéressés, c'est que cette nouvelle réforme n'incite nombre d'entre eux à produire beaucoup et n'importe comment, au mépris de la qualité mais aussi de la sécurité alimentaire.
Enfin, ce qui inquiète nos agriculteurs français, c'est que, derrière cette nouvelle réforme de la PAC, il y a une volonté plus ou moins affichée, pour le moment, de la Commission européenne de mettre l'agriculture communautaire en position de faiblesse face à la concurrence américaine, d'autant que ce modèle, en imposant la suprématie des gros, empêchera les petits d'émerger, à commencer par les jeunes.
Monsieur le ministre, vous savez combien nous préoccupent les conséquences néfastes qu'auraient les propositions de réforme de la PAC présentées par la Commission européenne, connues sous le nom d'Agenda 2000, ce qu'on appelle aussi le « paquet Santer », sur l'agriculture de notre pays.
Ce que Bruxelles nous propose, ce sont de nouvelles baisses des prix, compensées très partiellement par des aides directes liées à l'animal, et non aux hommes et au territoire. Ces baisses de prix ne nous satisfont en rien puisqu'elles conduisent à refuser toute reconnaissance de la dignité du travail des paysans et vont, à coup sûr, à l'encontre des intérêts que nous défendons.
De plus, les aides directes liées aux animaux conduiront inéluctablement à la mort du bassin allaitant, donc de l'élevage à base d'herbe, soumis à une concurrence déloyale de la part de l'élevage bovin intensif sous toutes ses formes, s'il faut en croire les engagements qui ont été pris à l'égard de celui-ci et qui lui sont très favorables.
A un moment où l'aménagement du territoire doit être au coeur des préoccupations françaises et européennes, l'Agenda 2000 contient des propositions qui vont exactement à l'opposé de nos objectifs.
M. Roland du Luart. C'est vrai !
M. Rémi Herment. C'est pourquoi nous souhaitons, monsieur le ministre, que vous rejetiez cette réforme et que vous proposiez une alternative conforme à nos attentes.
Notre vision n'exclut pas la nécessité de la compétitivité, mais à condition que les agriculteurs puissent l'assumer. On ne peut mettre sur le même marché, d'une part, les produits ne présentant aucune garantie de sécurité qui sont payés un dollar par semaine d'éleveurs taïwanais et, d'autre part, des produits élaborés par des agriculteurs français, dont les revenus sont tout à fait différents et à qui on a demandé de faire des produits sains, mesurés, contrôlés, identifiés, vérifiés, « traçabilisés ».
Il faut d'abord observer que les aides prévues en compensation des baisses de prix sont partielles, c'est-à-dire qu'elles ne compenseront pas l'intégralité de la perte.
Ensuite, ces aides relèvent d'un principe que nous ne pouvons accepter. En effet, apporter une prime au revenu « fonctionnarise » en quelque sorte les agriculteurs et, dans le domaine de la viande bovine, par exemple, la proposition qui est faite aujourd'hui nous paraît aberrante : un producteur de viande bovine pourra-t-il admettre que, demain, son revenu soit constitué de 200 % d'aides ?
Quel citoyen pourra cautionner une telle orientation et la conforter à terme ? La profession agricole a montré qu'elle était capable de créer des emplois. Ne laissons pas partir cette main-d'oeuvre-là !
Accepter le nouveau projet de réforme de la politique agricole commune c'est, en fait, accepter le risque de voir plus d'agriculteurs de l'Hexagone contraints de quitter la terre et plus de jeunes abandonner leur projet d'installation.
Si le besoin d'une refondation de la PAC, eu égard à l'environnement européen et international, se fait sentir, c'est un autre projet que le projet Santer qu'il faut à notre agriculture. Ce projet ne prend d'ailleurs en considération ni la diminution constante du nombre d'exploitations, ni le vieillissement de la population agricole, ni l'évolution des structures. En outre, le projet Santer tend à faire de la libéralisation des marchés la composante quasi unique de la politique agricole et ouvre la voie de l'uniformisation des politiques sectorielles.
L'échéance majeure est proche : c'est le somment européen des chefs d'Etat et de Gouvernement des 12 et 13 décembre prochain à Luxembourg qui fixera les orientations politiques, notamment en matière agricole. Cette échéance est cruciale, monsieur le ministre, vous le savez bien ; une fois les orientations définies, il sera impossible de revenir dessus.
Puissiez-vous, monsieur le ministre, traduire les angoisses et les attentes d'une profession qui a toujours répondu présent quels qu'aient pu être les moments, si difficiles, qu'a traversés notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d'abord évoquer le rebondissement de la crise de l'épizootie d'encéphalopathie spongiforme bovine, ou ESB.
Lorsque notre groupe de l'élevage avait consacré, au printemps dernier, un dîner-débat à ce dossier, nous avions perçu un sentiment d'optimisme dû à un apaisement de cette crise. Malheureusement, depuis lors, plusieurs événements sont venus confirmer que nous n'étions pas sortis de cette grave situation.
On a ainsi constaté que l'embargo frappant les exportations de viande britannique avait été violé, pour plus de 1 000 tonnes de produits, ce qui n'a pas manqué d'entraîner une relance de la suspicion des consommateurs sur les qualités sanitaires de la viande bovine.
Par ailleurs, nous avons tous déploré un troisième cas d'ESB, détecté récemment dans le département du Calvados, ce qui démontre que l'épizootie n'est pas pleinement éradiquée.
Fort heureusement, on a pu observer une reprise de la consommation de viande bovine, mais celle-ci se situe tout de même à environ 10 % en dessous du niveau qu'elle atteignait avant la crise. Or, dans le même temps, les autorités communautaires ont diminué le recours à l'intervention.
La Commission européenne a décidé l'exclusion des abats à risques à compter du 1er janvier 1998 ; on doit voir là une mesure de précaution, mais elle retentit gravement sur la valorisation du cinquième quartier.
La loi relative à l'équarrissage, entrée en vigueur le 1er janvier 1997 et suivie de la parution très rapide de textes réglementaires, semble régler le problème de l'élimination des viandes et des carcasses sur lesquelles pèse une suspicion. Toutefois, il reste à préciser les conditions de financement de l'équarrissage et de l'incinération des farines et des déchets d'animaux.
La crise de l'ESB a eu des retentissements importants sur le plan européen puisque le Parlement européen a voté une motion de censure avec sursis contre la Commission européenne, ce qui a constitué un événement institutionnel sans précédent. Ce sursis s'achèvera à la fin de 1997, mais il exige de la part de la Commission européenne des réformes, dont certaines ont déjà été mises en oeuvre, telles que l'étiquetage de la viande bovine ou la restructuration des services de la Commission.
La crise de l'ESB aura au moins eu une conséquence heureuse : elle aura favorisé la traçabilité de la viande, avec la mise en place d'un étiquetage informatif détaillé. En effet, un accord interprofessionnel conclu en février 1997, immédiatement étendu par les pouvoirs publics, sur l'initiative de votre prédécesseur, M. Vasseur, précise que, depuis le 1er octobre 1997, l'étiquetage de la viande bovine doit nécessairement préciser l'âge de l'animal, sa catégorie et son type racial. A défaut de ces mentions, l'étiquette devra indiquer « origine non renseignée ».
J'aborderai maintenant, monsieur le ministre, le projet de réforme de la politique agricole commune présenté par la Commission de l'Union européenne sous le nom de « Agenda 2000 ».
Les discussions du comité spécial agricole sur le projet de la Commission pour la viande bovine ont fait ressortir de profondes divergences : d'un côté, la Commission veut l'extensification de la production et, de l'autre côté, certains Etats remettent en cause la baisse du prix de soutien qui est envisagée et qui serait, à terme, de l'ordre de 30 %.
Le débat porte également sur les critères de densité, qui sont actuellement, pour la prime aux bovins mâles, de 90 animaux par exploitation et de 2 unités de gros bétail par hectare.
Il y a lieu de déplorer que neuf de nos partenaires soient favorables à la réforme, le Royaume-Uni proposant même une diminution de 35 % des prix garantis à l'échéance 2000 ou 2002. La France, pour sa part, suggère une étude d'impact des propositions de la Commission. Je rejoins vos propos, monsieur le ministre, lorsque vous estimez que les prévisions d'exportation annoncées par les autorités européennes sont excessivement optimistes.
Peut-on réellement compter sur une compensation à 80 % par une augmentation des primes à la vache allaitante et aux bovins mâles, complétée par une prime à la vache laitière de la diminution des prix garantis ? Ces mesures permettront-elles de développer l'extensification de la production et la suppression de l'aide au maïs ensilage ?
Comme vous, j'affirme, monsieur le ministre, que le stockage privé n'est pas adapté au secteur de la viande bovine. Il me semble, en définitive, que le projet présenté par M. Jacques Santer, de développer les exportations en abaissant les prix, risque de sacrifier des secteurs entiers de la filière bovine.
Je suis totalement solidaire des propos de M. Pierre Chevalier, président du conseil de direction de l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture, l'OFIVAL, lorsqu'il s'interroge sur les assurances de stabilité du marché en dehors de toutes mesures de maîtrise des marchés avec l'abandon de l'intervention publique.
S'agissant toujours de l'Agenda 2000, j'ai pris connaissance avec intérêt des déclarations du directeur général de l'agriculture de la Commission de Bruxelles, qui a expliqué que le calcul des droits pour la prime à la vache laitière de 145 écus par tête serait ajusté selon le rendement laitier de chaque Etat membre, en divisant le quota national par le rendement moyen communautaire.
Je souscris pleinement, monsieur le ministre, aux propositions de la profession laitière tendant à instituer un double prix du lait : un prix garanti et un prix déterminé par les cours mondiaux, afin de conquérir de nouveaux marchés, notamment dans les pays émergents asiatiques.
En ce qui concerne le problème de la production des veaux, je déplore que la France soit réellement isolée parmi ses partenaires européens. Il est nécessaire de mettre un terme à la prime à la mise précoce sur le marché selon le poids des carcasses et à la prime à l'abattage des veaux nouveau-nés.
Ainsi que vous l'aviez exprimé lors du Conseil agricole des 20 et 21 octobre dernier, « nous sommes en train de ruiner l'équilibre du marché déjà fragile et avec lui l'équilibre du marché de la viande bovine et du lait ». La prime à la commercialisation précoce se révèle, en effet, inéquitable.
Je suis heureux de constater que vous avez réussi à modifier favorablement tout cela le 28 novembre dernier, lors du comité de gestion des viandes bovines.
En marge des problèmes spécifiques de l'élevage, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les problèmes posés par le maïs transgénique : après un an de tergiversations, je me réjouis que vous ayez donné votre feu vert à la mise en culture du maïs transgénique produit par Novartis, cette décision appartenant au Premier ministre.
Il semble que le Gouvernement ait intérêt à adopter une position qui clarifie la situation. Pour tenter de prévenir les critiques attendues des organisations écologiques et des mouvements de défense des consommateurs, un système de biosurveillance devrait être mis en place : ce terme recouvre un dispositif de cultures expérimentales, étroitement contrôlées, pouvant à tout moment remettre en question l'autorisation de mise en culture.
Une division de l'Europe sur la culture du maïs transgénique n'aurait pas manqué de conforter la position des Etats-Unis qui cherchent à écouler maïs et dérivés du maïs transgénique. Bien entendu, à vouloir refuser a priori ce produit d'un nouveau type, sans preuves scientifiques étayées, l'Europe engage sa crédibilité.
Enfin, monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'utilisation d'un produit de traitement phytosanitaire utilisé, entre autres, dans la culture du tournesol : le gaucho, fabriqué par les laboratoires Bayer, entraîne des conséquences écologiques déplorables pour l'environnement, notamment pour les apiculteurs et pour le petit gibier.
Ainsi, un apiculteur de mon département qui possède mille quatre cents ruches, dont certaines à Loudun (Sourires), a-t-il perdu quarante tonnes de miel de tournesol, ce qui représente un manque à gagner de 440 000 francs. Ne convient-il pas d'interdire l'utilisation de ce produit sur le territoire national ou, pour le moins, de faire expertiser le produit par un laboratoire neutre ?
J'ai bien noté qu'après le vote de l'Assemblée nationale de votre projet de budget, monsieur le ministre, vos crédits augmentent de 1,22 %. J'enregistre avec satisfaction l'effort qui a été accompli en faveur de la revalorisation des retraites agricoles qui ont bénéficié d'une dotation de 500 millions de francs, abondée par un prélèvement sur le BAPSA de 180 millions de francs.
Mais il s'agit là d'un premier pas, car il est clair que le nombre de retraites agricoles, notamment de pensions de réversion, sont à un niveau indigne de notre société, en particulier pour les anciens travailleurs agricoles qui ont entamé leur vie professionnelle dès l'adolescence.
M. Roland Courteau. C'est exact !
M. Roland du Luart. Je salue, monsieur le ministre, la priorité que vous avez donnée à l'installation des jeunes, dont la dotation budgétaire atteint 1 milliard de francs.
Je me réjouis, en outre, que le fonds de gestion de l'espace rural ait été doté de 140 millions de francs.
Enfin, je me félicite de l'effort consenti dans le domaine de l'enseignement agricole, aussi bien public que privé, où l'on constate quelques créations d'emploi.
Je regrette, en revanche, que les crédits pour la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, qui constitue un instrument d'orientation de l'élevage bovin, passent de 659 millions de francs en 1996 à 650 millions de francs dans le projet de budget pour 1998.
Je suis encore plus sévère pour les dotations affectées aux indemnités compensatrices et handicaps naturels, puisque les crédits inscrits dans le budget au chapitre 44-80 sont en baisse de 5,5 %, à hauteur de 1 560 millions de francs.
Je sollicite un renforcement des crédits affectés à la mise aux normes des bâtiments d'élevage et j'estime, comme notre collègue Alain Pluchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, qu'il est indispensable que l'engagement du FNDAE, en complément du PMPOA, soit reconduit en 1998 au même niveau qu'en 1997, soit à hauteur de 150 millions de francs.
Enfin, je considère, comme notre collègue Joël Bourdin, rapporteur spécial, qu'il est essentiel que la France poursuive son effort de promotion des produits agricoles et alimentaires sur les marchés extérieurs. A cet égard, je déplore vivement la diminution de 20,22 % des crédits consacrés à la SOPEXA dans le projet de loi de finances pour 1998.
Dans quelques mois, monsieur le ministre, vous nous présenterez le projet de loi d'orientation agricole que vous préparez en concertation avec les organisations professionnelles. Permettez-moi tout de même de m'étonner que vous n'ayez pas repris le texte préparé par votre prédécesseur qui avait donné lieu à de nombreux échanges fructueux entre votre ministère et lesdites organisations professionnelles.
Je crois qu'il faudra, dans ce texte, renforcer l'organisation économique de l'agriculture sur la base de filières mieux structurées et intensifier l'effort en faveur de la qualité des produits et de leurs propriétés sanitaires. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bony.
M. Marcel Bony. Monsieur le ministre, nous sommes à la croisée des chemins ! La population mondiale augmente d'un milliard d'habitants tous les douze ans. Ses besoins alimentaires progressent également, mais sans que nous puissions nécessairement les capter, car les gros importateurs comme l'ex-URSS vont devenir autosuffisants, voire exportateurs, de même que les pays en pleine expansion comme la Chine, alors que les débouchés réels n'existent pas en Afrique, continent non solvable.
Par ailleurs, dans les pays développés, la part du budget des ménages consacrée à l'alimentation tend à diminuer, ainsi par ailleurs que le nombre d'agriculteurs, dont les situations sont extraordinairement diverses, en France singulièrement.
Cette diversité des situations naturelles, des productions et des structures donne une image peu lisible du problème agricole, laquelle est de plus brouillée par l'amalgame pratiqué avec le problème rural.
C'est dans ce contexte régi par les accords du GATT devenu OMC - sigle qui n'a plus rien d'américain ! - et imprégné de l'atmosphère impressionniste d'une Europe qui se cherche, que s'inscrivent votre action et votre budget, monsieur le ministre. Pour qualifier ce dernier, je dirais qu'il est équilibré, ouvert et volontaire.
L'équilibre résulte du maintien des efforts en faveur du soutien de l'élevage et de l'agriculture en difficulté, du développement d'une agriculture respectant mieux l'environnement et de la valorisation de l'espace forestier.
L'ouverture s'évalue aux larges champs de réflexion laissés pour l'avenir, se gardant de proposer un seul modèle de développement aux exploitants dans un temps où vous nous annoncez le prochain dépôt du projet de loi d'orientation agricole, dans un temps où une réforme de la politique agricole commune est à l'ordre du jour avec l'Agenda 2000, où l'élargissement de l'Union européenne à l'Est est programmée, dans un temps, enfin, où il importe de relégitimer les transferts financiers en faveur de l'agriculture.
La volonté dont vous faites montre dans votre budget, monsieur le ministre, se mesure à l'aune du contexte difficile des finances publiques. Je formulerai trois observations à cet égard.
D'abord, les crédits du ministère de l'agriculture progressent de 1,2 %, ce qui représente un effort appréciable, notamment par comparaison avec ceux de l'an dernier, qui étaient en diminution.
Ensuite, l'avenir n'est pas laissé en friche, grâce à l'affichage de trois priorités : l'installation, l'enseignement et la recherche, la sécurité et la qualité de l'alimentation.
Pour autant, les retraités de l'agriculture n'ont pas été laissés pour compte, et l'amélioration des retraites dans les cas les plus criants est un effort louable qu'il faut reconnaître comme un premier pas.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Marcel Bony. Cependant, même s'ils n'ont pas tous une incidence budgétaire directe, quatre points me préoccupent.
En premier lieu, le contrôle des structures prévoit que la commission ad hoc a deux mois pour se prononcer sur les dossiers relatifs au foncier. Ce délai paraît trop court pour donner véritablement une opportunité à d'autres candidatures de se déclarer : quatre mois de délai seraient préférables dans l'optique de l'installation.
En deuxième lieu, la sécurité alimentaire passe par la traçabilité, laquelle dépend de l'identification des animaux. Il semble que la fiabilité de cette identification soit loin d'être optimale. Il conviendrait donc d'y porter une meilleure attention.
En troisième lieu, je souhaite affirmer l'importance d'une gestion claire des signes de reconnaissance de la qualité. La jungle des marques et labels, la furtivité des appellations parfois, ne facilitent pas l'achat par le consommateur. En outre, la promotion de la qualité est liée à une aide aux organismes de mise sur le marché, assortie d'un contrôle renforcé. Il paraît en effet difficile de répondre à l'attente massive des consommateurs à l'aide de signes de qualité gérés par des syndicats de défense des produits qui n'ont pas le pouvoir d'intervention sur les actes commerciaux. Il y va, notamment, de la crédibilité des produits hors normes.
Enfin, en quatrième lieu, le maintien des AOC fromagères et la modernisation des fromageries fermières impliquent un triple accompagnement : pédagogique, pour améliorer le savoir-faire des fromagers fermiers ; financier, pour réaliser les travaux de mise aux normes, souvent onéreux ; enfin, réglementaire, pour gérer, avec les modulations qui s'imposent, les quotas de lait en vente directe à l'échelon non pas national, mais départemental.
Votre budget, monsieur le ministre, présente un autre avantage qui ne me semble pas négligeable, celui de préserver le territoire et la montagne.
Si l'on ajoute le maintien des crédits de la prime à la vache allaitante à celui des moyens de la prime à l'herbe et de ceux des actions agri-environnementales, si l'on considère que le fonds de gestion de l'espace rural est crédité dès le projet de budget, ce qui conforte son existence, on peut déjà dire que les zones défavorisées sont prises en compte.
La montagne proprement dite n'est pas en reste, puisqu'elle bénéficie d'une légère revalorisation de 1,5 % des indemnités compensatoires de handicaps. Quant aux subventions allouées aux bâtiments d'élevage, elles sont reconduites en 1998, ce qui est presque un événement, même si, bien entendu, elles restent insuffisantes et si leur plafond est trop bas.
Le Puy-de-Dôme que je représente, est particulièrement sous-équipé en la matière. La moyenne des vaches allaitantes y est de dix-sept par élevage, alors qu'un objectif de quarante est jugé raisonnable. Le besoin d'agrandissement et de modernisation est, là, manifeste.
Lorsqu'on parle de la montagne, monsieur le ministre, il s'agit au moins autant d'aménagement du territoire que d'agriculture pure. C'est pourquoi je voudrais ajouter une pensée.
L'aménagement du paysage par les agriculteurs suppose la mise en place de plans de gestion de l'environnement qui associent les collectivités locales, les propriétaires fonciers, les exploitants et les usagers de la nature. Il existe des commissions communales ou intercommunales d'aménagement foncier où l'on retrouve ces partenaires et qui ont vocation à exercer l'autorité de gestion de l'environnement. Pourquoi ne pas leur conférer cette compétence ? Cela permettrait de pallier le manque d'une maîtrise d'ouvrage reconnue pour organiser le cadre patrimonial.
Pour conclure, j'évoquerai simplement le dernier Conseil européen de l'agriculture au cours duquel une étape a été franchie dans l'élaboration de la politique agricole commune de l'an 2 000. La position française a été bien accueillie à Bruxelles. Toutefois, des inquiétudes demeurent, naturellement. Je citerai ainsi, pour le Massif central, les productions de viande bovine et de lait. C'est pourquoi l'emploi, l'agriculture familiale et l'équilibre des régions devront être assurés.
En tout état de cause, monsieur le ministre, le plus dur, vous le savez, n'était pas ce budget. Le plus dur reste à accomplir. L'idée émergente d'un pacte privilégiant moins les performances économiques que la survie de toutes les exploitations et l'entretien des paysages mérite d'être creusée. L'élu que je suis peut vous accompagner dans cette voie, mais il vous appartient d'en baliser clairement l'itinéraire. J'ai confiance en votre volonté, en votre clairvoyance et en votre ténacité pour ce faire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole à est M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention concernera les chapitres 61-84 et 61-02.
Le premier a trait à un crédit affecté au financement des opérations réalisées par les cinq sociétés d'aménagement régional, les SAR, parmi lesquelles figure la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale, une société d'économie mixte créée en 1957 sur l'initiative du ministère de l'agriculture et dont le capital est réparti entre la région, les départements, la ville de Marseille, les chambres d'agriculture, la caisse nationale et les caisses régionales du Crédit agricole des départements, la Caisse des dépôts et consignations.
Outre son rôle d'équipement et d'entretien du canal de Provence, d'aménagement hydraulique du Calavon-Sud-Luberon et du plateau du Val-de-Durance, ce qui représente 260 kilomètres de galeries souterraines ou de canaux à ciel ouvert et 4 500 kilomètres de canalisations pour l'irrigation de 80 000 hectares, la SCP effectue des missions d'expertise et d'assistance pour la réalisation d'aménagements à l'étranger. Nous savons tous l'importance présente et plus encore future des marchés de l'eau dans le monde. Les dépenses d'investissement sont couvertes par l'autofinancement, des subventions publiques et des emprunts.
La SCP fonctionnant selon un régime de droit privé doit donc réaliser un strict équilibre financier, sans la moindre subvention de fonctionnement. Sa gestion est soumise à de nombreux contrôles d'une grande rigueur.
Or, on peut constater que les crédits destinés aux SAR ont connu une baisse très marquée et continue depuis des années : 189 millions de francs en 1994, 133,5 millions de francs en 1995, 118,5 millions de francs en 1996 et 113,57 millions de francs en 1997. Cette diminution s'est bien évidemment reportée sur la SCP avec, au cours de ces mêmes années, des crédits successifs de 57,02 millions de francs, de 38,9 millions de francs, de 29,57 millions de francs et de 28,32 millions de francs.
Tout en étant bien conscient de la nécessité de réaliser des économies, je regrette néanmoins cette diminution progressive des crédits qui freine par trop la construction des équipements en cours et retarde les projets, d'autant que continue à augmenter le coût de l'entretien des réalisations, qui sont pourtant indispensables à notre agriculture et qui font la preuve de leur efficacité. Et je ne parle pas des répercussions sur l'emploi dans une région en difficulté. Une nouvelle baisse de ces crédits serait très préjudiciable, et je sollicite au moins leur maintien au niveau actuel.
Le second point que je soulève est celui de la protection de la forêt méditerranéenne. Si les incendies de forêts ont été en partie jugulés par les moyens matériels et humains mis en place, ce qui est une preuve de leur utilité, nous devons rester très vigilants, car le mal est loin d'être éradiqué ; 3 450 hectares ont été en effet ravagés cet été sur les communes du massif du Garlaban et sur la commune de Marseille.
Or, les crédits affectés au Conservatoire de la forêt méditerranéenne sont passés de 100 millions de francs en 1991 à 62 millions de francs en 1997. Cette somme est certes reconduite dans ce budget, mais en francs constants. Je demande surtout que les gels de crédits opérés en 1997, d'un montant de 15,5 millions de francs, ne se renouvellent pas cette année, afin de sauvegarder au mieux cette belle forêt méditerranéenne. (M. Pastor applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de finances est un exercice délicat qui dépasse largement l'aspect purement comptable.
Deux constats apparaissent à première vue dans ce budget de l'agriculture.
Le premier concerne l'ensemble des concours publics à l'agriculture. Pour l'année 1998, ils connaissent une légère baisse en francs constants, même si l'effort national, avec 35,486 milliards de francs, est en augmentation de 1,22 % par rapport à l'année précédente.
J'en viens au second constat : malgré des efforts financiers accomplis dans ce budget tant sur le plan de la sécurité et de la qualité de l'alimentation, que sur le plan de l'enseignement agricole et de la formation professionnelle, et malgré un début de revalorisation des retraites agricoles les plus faibles, nous ne percevons pas de réelles perspectives à long ou à moyen terme pour notre agriculture.
M. Jean-François Le Grand. Très bien !
M. Jean Bizet. Je n'ignore pas que l'exercice est difficile ; mais la France, au sein d'un contexte de mondialisation chaque jour plus ouvert, doit anticiper les évolutions de demain et préparer dès maintenant les grandes orientations de notre agriculture, qui seront autant de réponses, voire de contre-propositions au « paquet Santer ».
M. Yann Gaillard. Très bien !
M. Jean Bizet. N'oublions pas, en effet, que la France est leader sur le marché international des produits agricoles transformés avec 11 % des échanges internationaux, devant les Pays-Bas - 9,5 % - et les Etats-Unis - 9 %.
N'oublions pas qu'un emploi agricole, est à l'origine de quatre emplois induits dans nos zones rurales.
N'oublions pas que, derrière nos agriculteurs, fournisseurs de matières premières, il y a 4 200 entreprises de transformation, 392 000 salariés et 750 milliards de francs de chiffre d'affaires.
Si je me suis permis de rappeler ces chiffres, c'est parce qu'il faut bien comprendre que toute erreur de prospective en la matière aura des effets induits importants sur l'emploi dans nos industries de transformation, c'est-à-dire dans nos zones rurales.
Permettez-moi de souligner six points parmi ceux qui me semblent les plus importants.
Le premier concerne la filière laitière. Si une baisse de 10 % des prix du lait et la suppression de la prime au maïs ensilage, en compensation de la revalorisation de la prime à la vache laitière, permettraient sans doute de dynamiser la production laitière française, ce serait néanmoins une erreur stratégique fondamentale. En effet, 90 % du lait français s'écoule sur le marché européen.
Si la reconduction des quotas laitiers me semble une saine orientation, je pense très sincèrement qu'il est indispensable de maintenir notre prix sur le marché intérieur et de conquérir des parts de marché supplémentaires sur le marché mondial, parts de marché annoncées en progression de 2 % à 3 % annuellement.
Il apparaît que la seule solution pour y parvenir est le « double prix, double quota », solution qui présente l'intérêt d'éviter, en plus, d'importants surcoûts financiers au budget communautaire et de recueillir l'assentiment de la majorité des producteurs.
Il s'agit là d'une volonté politique forte de la France, volonté que nous devons faire partager à nos collègues européens en assurant la compatibilité de cette procédure avec les règles de l'OMC. Toute erreur de stratégie à cet égard laisserait aux Etats-Unis et à l'Australie ces mêmes parts de marché.
Le deuxième point concerne la filière de la viande rouge. A ce propos, je tiens à souligner l'importance de la revalorisation de la prime à l'herbe. Le projet de budget prévoit 680 millions de francs pour cette mesure. Le montant prévu pour 1998 est cependant en retrait par rapport aux 715 millions de francs inscrits dans le projet de loi de finances initiale pour 1997.
Cela ne répond plus, loin s'en faut, aux nécessités du moment. Ainsi, un double effort est impératif : il faut, d'une part, doubler le montant de la prime à l'hectare et, d'autre part, élargir les critères d'accès. Sur ce point, il convient d'abaisser le taux minimal de 75 % de surface agricole utile en herbe en deçà duquel une exploitation n'est pas éligible. Il conviendrait également de garantir l'éligibilité des contrats actuels et la possibilité de commencer un nouveau contrat dès 1998.
A côté de cette revalorisation de la prime à l'herbe, il demeure important de continuer à mettre l'accent sur la traçabilité des viandes grâce à l'étiquetage officiellement mis en place le 1er octobre 1997.
Cet étiquetage, compte tenu de l'éventualité d'importations de viandes américaines anabolisées dans un avenir plus ou moins proche, devra prendre en compte cette mention fondamentale à laquelle les consommateurs européens sont très attachés : je veux parler de l'absence d'activateur de croissance.
Le troisième point concerne à la fois la filière laitière et la filière de la viande : il s'agit de l'indépendance protéique de notre pays, qui a été réduite lors des dernières négociations de Blair House . Ce sont autant de concessions inacceptables faites aux Américains à l'époque.
Je souhaite que la France soutienne le nouveau plan « protéines » que les professionnels de la filière souhaitent vous présenter prochainement. Il n'est pas concevable d'accepter plus longtemps que l'Europe dépende, à concurrence de près de 45 %, des importations de soja américain.
J'ai souligné, au début de mon propos, monsieur le ministre, la nécessité d'avoir une prospective claire en ce qui concerne l'évolution de notre agriculture.
Je salue la décision prise par le Gouvernement, le 27 novembre dernier, tendant à autoriser la culture du maïs biotransgénique en France, mettant ainsi fin à l'incohérence des positions précédentes et à la distorsion de concurrence subie par les maïsiculteurs français qui produisent près de 50 % de la production européenne de maïs.
Je salue la création d'un dispositif de biovigilance et la modification de la composition de la commission du génie biomoléculaire, ce qui permettra une meilleure information et une plus grande transparence vis-à-vis des consommateurs.
Je tiens cependant à souligner que ces orientations ne doivent pas entraîner une augmentation des procédures administratives, spécificité franco-française, qui constitue un frein à l'évolution de la recherche appliquée en biotechnologies.
N'oublions pas que ces décisions engagent la compétitivité de nos agriculteurs mais également l'avenir des entreprises agroalimentaires qu'une absence de stratégie fragiliserait au sein de la concurrence internationale.
Le plan de maîtrise des pollutions d'origine agricole, vous le savez, manque d'ambition.
L'enveloppe de mise aux normes des bâtiments d'élevage me semble en deçà des besoins. Aux 175 millions de francs programmés s'ajoutent, il est vrai, 150 millions de francs en provenance du FNDAE ; mais le total, soit 325 millions de francs, est en deçà des besoins estimés, quant à eux, à 350 millions de francs.
N'oublions pas que cette action participe non seulement à la protection de notre environnement et à la reconquête de la qualité des eaux, mais aussi, pleinement quoique indirectement, à la sécurité et à la qualité de l'alimentation au travers, demain, de la qualification des élevages.
Le quatrième point concerne les efforts entrepris en faveur de l'amélioration des plus faibles retraites agricoles. Je me réjouis, monsieur le ministre, que vous ayez pris la décision de continuer l'action engagée par votre prédécesseur, même si cette dernière est encore loin des orientations programmées par celui-ci.
Il est en effet important qu'un agriculteur retraité qui a cotisé toute sa carrière au régime des non-salariés agricoles, puisse bénéficier d'une pension au moins égale à 75 % du SMIC, soit 3 778 francs par mois.
Le cinquième point concerne l'emploi dans l'agriculture. Je veux également souligner l'importance des groupements d'employeurs, qui, sur l'ensemble du territoire national, représentent déjà 1 596 entités.
Apportant, par leur flexibilité, une réponse adaptée aux demandes d'emploi partiel et saisonnier en agriculture, ces groupements d'employeurs, lorsqu'ils sont constitués d'exploitants agricoles, devraient être placés sous le régime simplifié de l'agriculture en matière de TVA.
Enfin, le cinquième et dernier point, monsieur le ministre, concerne l'augmentation de la CSG. Afin de placer les agriculteurs de notre pays à parité avec les salariés, il est indispensable de diminuer le taux de la cotisation d'assurance maladie des exploitants non de 4,75 points, comme cela a été initialement annoncé, mais de 6,96 points.
Tels sont, monsieur le ministre, les différents sujets sur lesquels je souhaitais mettre l'accent, considérant qu'au-delà d'un aspect purement comptable, comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, il faut, dans l'approche des problèmes agricoles de notre pays, avoir le souci de redonner des orientations claires à nos agriculteurs.
Ces orientations avaient été définies en 1962. Elles ont porté leurs fruits et façonné une agriculture qui, aujourd'hui, dans un environnement international ayant considérablement évolué, doit, à son tour, parfaire sa mutation.
La logique de baisse des prix avec une compensation des revenus a été engagée dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, en 1992. La volonté de nos partenaires américains d'amplifier cette baisse a un effet pervers ; elle risque de déconnecter nos agriculteurs de leur mission première, à savoir la production de matières premières, et non la perception de subventions de compensation. Elle risque, en outre, de fausser totalement la notion de coût de production, faisant abstraction de la qualité et de la sécurité de nos productions agricoles européennes, et tout spécialement françaises.
Le récent échec du président Clinton au Congrès où une majorité de démocrates lui a refusé l'application du fast track doit nous faire réfléchir.
Monsieur le ministre, loin de moi l'idée de revenir à un protectionnisme désuet, mais l'ultra-libéralisme n'est pas non plus la solution.
Ce coup de frein américain au libre-échange est l'occasion de présenter dès maintenant des contre-propositions. Nous savons que c'est votre intention ; nous souhaitons que cela devienne une réalité dès maintenant ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Moinard.
M. Louis Moinard. Comme vous le savez, monsieur le ministre, le budget de l'agriculture est un acte politique puisqu'il concerne non seulement les agriculteurs mais aussi l'industrie alimentaire et le monde rural : c'est de l'avenir de notre pays qu'il s'agit.
Vous le savez très bien, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas aborder le budget de l'agriculture française en ignorant le contexte international et communautaire dans lequel il s'inscrit.
D'ailleurs, les mutations brutales que vit le monde agricole à l'heure actuelle en font craindre sa dérive. En clair, il ne suffit pas d'augmenter le budget de 1,22 % pour que tout aille mieux. Il faut à l'agriculture française une ligne directrice qui la projette dans son avenir. Cette projection dans l'avenir se trouvait dans l'ambitieux projet de loi d'orientation pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du précédent gouvernement. Monsieur le ministre, quelles perspectives dessinez-vous pour l'agriculture française ? Quelle ambition lui proposez-vous ?
Si je partage totalement l'analyse faite par MM. les rapporteurs, dont je salue, devant notre assemblée, le travail remarquable, je voudrais m'arrêter et vous interroger, monsieur le ministre, sur les points suivants : la politique agricole commune et le « paquet Santer », le fonds de gestion de l'espace rural, l'installation des jeunes agriculteurs, les retraites agricoles, l'application de la directive européenne Natura 2000 et, enfin, la gestion des ressources en eau.
Tout d'abord j'évoquerai la réforme de la politique agricole commune. Il est de notre devoir de dénoncer les dangers qui découlent de cette réforme.
Le « paquet Santer » est un projet européen pervers qui menace les agricultures française et européenne.
Vous le savez, monsieur le ministre, sous le prétexte de la compétition internationale et de l'élargissement futur de l'Union européenne, il prévoit une baisse très sensible des prix agricoles actuels pour les rapprocher des cours mondiaux en laissant jouer les mécanismes de l'ultra-libéralisme.
Il est prévu - dois-je le rappeler ? - des réductions de prix de 10 % pour le lait, de 20 % pour les céréales et de 30 % pour la viande bovine, avec une compensation partielle à la charge du contribuable.
Je précise que ces réductions de prix ne seront pas répercutées au niveau des consommateurs. Ce qui s'annonce, c'est non pas une juste rémunération des produits agricoles souhaitée par les agriculteurs français, mais une dépendance encore plus grande à l'égard des Etats. Cette dépendance est fragilisée, car le filet de sécurité de protection des prix se distend.
Monsieur le ministre, on ne peut pas arbitrairement baisser les prix des produits agricoles qui ne prennent pas en compte les charges, lesquelles ne sont pas planifiées à l'échelle mondiale, sans assurer un revenu décent à ceux qui participent à la vitalité économique et sociale du monde rural et à l'aménagement de notre territoire.
Aussi, je vous demande de nous exprimer clairement la position du Gouvernement sur les propositions de l'Agenda 2000.
S'agissant du fonds de gestion de l'espace rural, vous en vantez les mérites, mais il n'est pas abondé en fonction des ambitions affichées. Je vous demande de bien vouloir nous définir le cadre politique de la gestion de ce fonds. Permettez-moi de vous suggérer d'y associer les élus locaux, le monde rural étant une entité qui dépasse le seul monde agricole.
J'insisterai maintenant sur l'impérieuse nécessité de favoriser l'installation des jeunes agriculteurs.
Vous le savez, monsieur le ministre, aucune mesure de remplacement de la préretraite n'étant prévue, l'installation de jeunes agriculteurs est durement pénalisée.
Pouvez-vous nous indiquer les mesures que vous entendez mettre en place pour orienter la distribution des terres au profit des jeunes ? Ce qui est prévu ne répond que très partiellement à l'urgence de l'enjeu du maintien de la place de l'agriculture dans notre économie.
Arrêtons-nous un instant sur les retraites agricoles.
Tout le monde s'accorde à reconnaître que trop nombreux sont les agriculteurs retraités avec de très faibles ressources. On ne peut pas continuer à parler de solidarité et d'équité quand on accepte le niveau des retraites agricoles. Aussi, je vous demande de nous proposer une programmation du rattrapage afin de poser l'acte politique tout en tenant compte des limites financières.
Venons-en à la reprise de la concertation relative à la procédure Natura 2000.
On ne peut pas séparer l'évolution de l'agriculture de la protection de notre environnement. Nous sommes au moins d'accord sur cette affirmation, monsieur le ministre. Toutefois, j'avoue ne pas comprendre l'absence de bon sens dans l'approche de ce dossier. C'est souvent surréaliste, c'est rarement sérieux !
Monsieur le ministre, je vous demande d'intervenir auprès de votre collègue chargée de l'environnement. Comment pouvez-vous accepter que des sites à protéger soient délimités sans que l'on connaisse exactement les mesures de protection qui seront imposées ?
M. Jean-Paul Amoudry. Bravo !
M. Louis Moinard. A ce stade de la reprise des négociations, je sais que la France est montrée du doigt par la Commission européenne. Et alors ? Je vous demande de vous exprimer clairement sur la création du réseau Natura 2000 en France. Quels sont les engagements précis qu'elle a pris auprès des autorités européennes ?
Enfin, la gestion des ressources en eau sera le dernier point de mon intervention.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous connaissez la problématique : la consommation d'eau, qu'elle soit domestique ou agricole, a augmenté de telle sorte que nous réalisons que l'eau est un bien précieux qu'il faut gérer.
Je crois qu'une bonne gestion doit s'attaquer à la fois aux excès ou gaspillages de consommation et à la recherche de nouvelles ressources. Vous le savez, l'agriculture moderne est grande consommatrice d'eau.
Aujourd'hui, acteurs hautement responsables, les agriculteurs vous interrogent, monsieur le ministre. Ils veulent bien limiter au plus juste les besoins en eau des cultures, mais ils vous demandent de leur donner les moyens d'augmenter les ressources en eau. Il semble que les barrages ne correspondent plus aux nouvelles philosophies. Alors, que prévoyez-vous à court et à moyen terme, en concertation avec tous les acteurs, pour augmenter les ressources en eau ?
En conclusion, monsieur le ministre, la place de l'agriculture dans notre économie et pour l'équilibre de notre territoire est trop importante pour que les questions de ses acteurs restent sans réponse. Je vous remercie de ne pas décevoir le monde rural dans son ensemble. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après un débat prébudgétaire qui nous a permis de donner nos appréciations sur le projet de budget de l'agriculture pour 1998, je rappellerai les points forts de mon intervention ; mais, auparavant, je souhaite évoquer la place de notre agriculture au sein de l'agriculture européenne et mondiale.
En Europe, nous sommes la première puissance agricole, ce qui montre la nécessité d'une très bonne négociation de l'Agenda 2000, si nous voulons pérenniser nos exploitations, installer des jeunes et aménager l'espace rural.
Mais ce sur quoi il faut être très attentif, c'est sur les quantités que nous produisons. Les chiffres sont très révélateurs. Je ne prendrai que les principales productions : les céréales représentent 2,78 % de la production mondiale, la viande bovine 4,5 %, la viande porcine 2,8 % et les volailles 4,7 %. A l'évidence, nous devons orienter notre agriculture vers des productions de qualité avec beaucoup de rigueur sur l'identification et l'origine de nos produits.
La France est un pays qui a une histoire très riche et de belles régions. Nous avons les atouts pour valoriser nos productions ; nous savons que les agricultrices et les agriculteurs ont, dans une très large majorité, un savoir-faire et une capacité d'initiative qui nous permettent d'être optimistes pour les années à venir.
Mais, avant tout cela, il faut préserver la spécificité de l'agriculture française, avec des exploitations agricoles à dimension humaine, qui peuvent malgré tout être compétitives et assurer des produits de qualité.
A présent, monsieur le ministre, je reviendrai sur plusieurs points qui me tiennent à coeur et sur lesquels j'avais attiré votre attention à l'occasion du débat d'orientation. Vous ne m'aviez pas alors apporté les réponses attendues.
Les régions en voie de désertification sont des régions d'élevage extensif. Comment, avec la perspective d'une baisse de 30 % du prix d'intervention, pouvons-nous espérer maintenir des éleveurs et installer de jeunes agriculteurs ? Il faut envisager des aides aux surfaces en herbe. Pour la simplification des dossiers, les primes aux vaches allaitantes et aux bovins mâles pourraient être globalisées en fonction du nombre d'unités de gros bétail sur l'exploitation, au regard du livre des bovins. Je souhaiterais que vous me répondiez sur ce point, monsieur le ministre.
S'agissant des zones de montagne, les agriculteurs réclament une prise en compte réelle de la spécificité montagne dans les politiques agricoles française et européenne, tant sur le plan économique que sur le plan du foncier, de la formation, de la gestion de l'espace, des droits à produire et des droits à prime.
Les aides à la montagne, telles que les subventions dites « bâtiments d'élevage » et « aides à la mécanisation », sont en régression constante. Dans l'immédiat, il serait souhaitable de débloquer ces crédits. Trop de dossiers sont encore en attente.
En outre, les critères de l'ISM, l'indemnité spéciale de montagne, ont été de plus en plus restrictifs au cours des dernières années.
Parmi vos priorités, monsieur le ministre, vous évoquez l'installation des jeunes et de jeunes hors cadre familial, mais vous faites valoir l'importance des capitaux nécessaires à leur installation, capitaux qui n'auront que peu de rentabilité mais qui sont indispensables.
Les études prévisionnelles d'installation font souvent apparaître de lourds investissements pour dégager un salaire disponible souvent inférieur au SMIC. A partir du moment où ils pourront avoir comme perspective un meilleur revenu, des jeunes s'installeront. Toutefois, pour cela, il faut redéfinir les conditions de transmission des exploitations et de financement à taux préférentiel.
Pour favoriser l'installation des jeunes agriculteurs, je souhaiterais que le dispositif de préretraite soit reconduit uniquement en direction des agriculteurs qui cèdent leur exploitation à des jeunes qui veulent s'installer ou qui sont installés depuis moins de cinq ans, l'Union européenne participant pour 50 % au coût de la préretraite. En ce qui concerne les retraités agricoles, vous devriez prendre davantage en compte le rôle qu'ils ont assuré dans l'aménagement de l'espace rural et faire en sorte que la revalorisation des plus petites retraites permette à celles-ci d'atteindre celles des autres secteurs.
Monsieur le ministre, vous avez fait valoir votre volonté de donner les moyens financiers nécessaires à l'aménagement de l'espace rural. Le FGER pourrait être un financement très appréciable, pour les agriculteurs mais aussi pour les collectivités locales.
Dans le cadre de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, la dotation initiale s'élevait à 500 millions de francs, ce qui constituerait un financement minimal pour atteindre l'objectif que vous vous fixez.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire une proposition sur la mise en oeuvre du FGER. Il a été institué à la demande de la profession agricole et il doit être utilisé pour améliorer les conditions d'exploitation et d'entretien de nos espaces ruraux. Les agriculteurs doivent être prioritaires, ce que je conçois naturellement. En revanche, et ce depuis quatre ans, les collectivités locales, maîtres d'ouvrage, peuvent faire réaliser les travaux par des agriculteurs ; mais souvent, s'agissant de chemins d'exploitations agricoles, ils ne peuvent être réalisés par ces derniers, alors que ces travaux permettraient d'améliorer les conditions d'exploitation.
Monsieur le ministre, devant cette difficulté, les collectivités locales ne pourraient-elles pas confier ce type de travaux à des entreprises ?
Je terminerai mon propos par cette citation de Claude Michelet : « Nous avons la chance en France d'avoir les meilleurs agriculteurs du monde, et tout le monde a l'air de penser que c'est normal. » (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées de RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal. Monsieur le ministre, dès votre arrivée au ministère de l'agriculture et de la pêche, vous avez annoncé votre intention de présenter devant le Parlement une loi d'orientation agricole, témoignant ainsi de votre volonté de traduire, dans un acte politique et législatif fort, un projet ambitieux pour l'agriculture de notre pays.
A la veille du troisième millénaire, c'est un nouvel enjeu qui se présente pour l'agriculture et ses hommes, qui ont toujours su s'adapter, au prix parfois de réformes complexes mais aussi de courageuses initiatives, aux exigences de la modernisation et de la mondialisation des échanges, notamment au cours des trente dernières années.
Grâce aux efforts consentis par l'ensemble de la profession, la France est aujourd'hui la principale puissance agricole de l'Union européenne.
La loi d'orientation envisagée s'inscrit dans la volonté, que nous partageons et approuvons, de soutenir le monde agricole et de le préparer à de nouveaux défis, destinés à consolider la place et le rôle de la France dans les échanges internationaux.
Nous sommes très sensibles aussi à votre préoccupation de favoriser le développement harmonieux et équilibré du territoire à travers la politique agricole.
Cette préoccupation, vous l'avez récemment rappelée à Bruxelles, lors d'un conseil des ministres de l'agriculture, et nous ne pouvons que vous approuver, dans cette assemblée où nous sommes attentifs aux questions de l'aménagement du territoire et de l'espace rural.
Vous avez également annoncé une future loi forestière qui viserait à relancer la filière bois, mais aussi à préciser les outils de gestion, de protection et de valorisation de la forêt.
Elu en Languedoc, et me souvenant d'avoir été chargé, en 1983, d'un rapport sur la protection de la forêt méditerranéenne par notre collègue Pierre Mauroy, alors Premier ministre, je ne peux que vous féliciter d'engager un travail législatif sur cette question, qui préoccupe beaucoup les élus de plusieurs régions françaises.
Les graves incendies que l'on déplore chaque année au moment de la période estivale attestent de l'urgence qu'il y a à élaborer un nouveau cadre juridique.
Monsieur le ministre, vous avez tracé les contours de votre politique. Le budget que vous nous présentez aujourd'hui est un budget de transition, en attendant la discussion des lois d'orientation sur l'agriculture et sur l'aménagement du territoire, mais aussi l'échéance de la réforme de la politique agricole commune.
Votre budget traduit néanmoins une volonté de changement et rompt avec la tendance à la réduction des crédits de ces dernières années.
Vous avez fort justement défini des priorités qui favorisent l'installation des jeunes agriculteurs et relancent de manière significative le soutien à l'enseignement agricole.
L'enseignement et la formation sont au coeur des préoccupations gouvernementales, et nous constatons que l'enseignement agricole n'a pas été oublié. En effet, le retard accumulé dans ce domaine depuis quelques années devenait préoccupant.
Il était urgent et impératif, pour l'avenir de notre agriculture, de relancer et de revaloriser l'enseignement agricole, qui a souvent pâti d'une image dévaluée par rapport à d'autres disciplines.
Les mesures que contient votre projet de budget, aussi bien en création de postes qu'en dotations destinées à actualiser les programmes scolaires ou à soutenir la recherche, s'inscrivent dans cette volonté de préparer les jeunes gens et les jeunes filles aux enjeux de l'agriculture moderne.
Je veux souligner, à cet effet, que la France, contrairement à d'autres pays, ne forme pas de docteurs en agriculture, le plus haut niveau de formation étant celui d'ingénieur agronome.
Cela ne remet pas en cause la qualité des travaux scientifiques de nos ingénieurs, mais ces derniers souffrent, sur le plan international, d'une dévalorisation de leurs compétences et de leur diplôme par rapport aux docteurs en agriculture formés dans les universités étrangères.
Il conviendrait donc de réfléchir sur ce point, qui est important pour l'avenir de la recherche, secteur où la France se situe parmi les pays les plus performants.
Dans ce domaine, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous connaissez le rôle moteur que joue le site d'Agropolis, à Montpellier, qui participe à la diffusion dans le monde entier du savoir issu de ses recherches.
Je souhaite insister aussi sur l'importance des échanges avec les lycées agricoles étrangers et l'apprentissage des langues vivantes.
L'agriculture ne fonctionne plus en vase clos. Il est indispensable d'encourager les jeunes gens à vivre des expériences dans le cadre de l'Union européenne et au-delà.
Nous savons que vous manifestez un réel intérêt pour ces questions, car, en donnant la priorité à l'enseignement, sans oublier le rôle de la formation continue, vous traduisez votre objectif de préparer des techniciens performants pour affronter, demain, les défis de l'agriculture.
Vous souhaitez, par ailleurs, faciliter l'installation des jeunes agriculteurs et vous avez créé, à juste titre, un fonds d'installation.
Il conviendra aussi de simplifier les procédures administratives, qui trop souvent retardent l'installation des jeunes.
Monsieur le ministre, préparer l'avenir de l'agriculture en assurant la qualité de ses produits, c'est votre deuxième priorité.
La véritable révolution de l'agriculture au cours de ces trente dernières années est d'avoir, enfin, privilégié la qualité par rapport à la quantité.
Je citerai l'exemple des efforts tout à fait remarquables accomplis par les viticulteurs méridionaux pour produire des vins d'une qualité incontestée en France mais aussi à l'étranger.
La fierté des viticulteurs du Languedoc-Roussillon est d'être enfin reconnus comme de véritables producteurs de qualité et de participer ainsi à la promotion de nos vins à l'étranger.
Je rappelle que le record des exportations de vins a été établi l'année dernière, avec 13,6 millions d'hectolitres pour une valeur de 24,8 milliards de francs, preuve, s'il en est, de la qualité de nos produits et aussi de la part importante que cela représente dans notre économie !
Vous vous êtes prononcé en faveur d'une gestion rigoureuse des signes de qualité ; l'exemple de la viticulture démontre la justesse de ce choix.
Nous comptons sur vous pour conforter dans ses missions l'Institut national des appellations contrôlées et pour veiller au foisonnement de labels qui induisent souvent le consommateur en erreur et portent préjudice aux efforts de qualité recherchés dans l'ensemble des filières.
Il m'est agréable de conclure ce propos en évoquant un produit de qualité cher aux Languedociens et aux Provençaux.
Depuis quelques années, la culture de l'olivier suscite un fort engouement de la part des jeunes agriculteurs, notamment grâce à l'aide technique apportée par la Société interprofessionnelle des oléagineux, protéagineux et cultures textiles, la SIDO.
Animant au Sénat, sous l'égide de la commission des affaires économiques, le groupe de travail sur l'oléiculture, il est de mon devoir d'attirer votre attention sur cette culture, dont l'intérêt réside non seulement dans le témoignage d'une civilisation, mais aussi et surtout dans son potentiel économique. En effet, en 1993, la France produisait 1 600 tonnes d'huile d'olive et en consommait 37 000.
Nombreux sont les jeunes agriculteurs qui relancent des oliveraies familiales ou en créent de nouvelles. Il convient de les soutenir dans leurs efforts de qualité, mais en tenant compte aussi de considérations liées à l'environnement et à la reconquête des espaces naturels.
La réforme de l'organisation commune des marchés doit intégrer ces objectifs, et nous comptons sur votre détermination pour soutenir ce secteur agricole devant les instances européennes.
Monsieur le ministre, votre budget trace les perspectives d'un projet nouveau pour l'agriculture. Il privilégie l'avenir et les jeunes en préparant les réformes que vous avez annoncées. Nous vous assurons très vivement de notre soutien. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget que l'on présente aujourd'hui devant nous est, si l'on s'en tient aux chiffres, un budget de reconduction. Mais, si on le regarde de plus près, on s'aperçoit qu'il est en totale rupture avec ce qui a été fait par le précédent gouvernement.
M. Jean-Marc Pastor. Heureusement !
M. Michel Doublet. Ainsi, la volonté que vous affichez, monsieur le ministre, d'ériger l'installation des jeunes comme une de vos grandes priorités ne reflète pas la réalité. J'en veux pour preuve l'abandon du FIDIL au profit du FIA moins de deux ans après sa création.
Etait-il bien opportun de créer ce nouveau fonds alors que le FIDIL commençait à se mettre en place et n'avait pas encore produit tous ses effets ? Comment allez-vous, monsieur le ministre, financer à la fois les actions du FIDIL et la prime d'orientation des terres du FIA ? Pensez-vous vraiment que ce fonds permettra de développer l'emploi des jeunes tout en assurant un revenu de substitution pour les agriculteurs en situation financière difficile ?
Autre preuve du manque d'ambition de ce budget, l'abandon du système de la préretraite, arrivé à son terme légal au mois d'octobre dernier. La non-reconduction de cette mesure est d'autant plus regrettable que, réglementairement et budgétairement, l'Union européenne pourrait continuer le cofinancement à hauteur de 50 %.
Toutes ces mesures aboutissent, en fait, à une baisse des aides à l'installation. On constate, d'ailleurs, que de plus en plus de jeunes prennent le risque de s'installer hors des dispositifs de soutien de l'Etat.
C'est ainsi que l'on note une désaffection de nos jeunes agriculteurs pour les prêts bonifiés. Une mise à jour de ces prêts doit avoir lieu au plus vite afin de donner à nos jeunes les moyens d'adapter et de moderniser leur exploitation pour faire face à la compétition européenne et internationale.
Cette adaptation passe également par l'enseignement et la formation. Si je ne peux que me réjouir de l'augmentation de ces crédits, je m'inquiète de la diversification des formations. L'enseignement agricole doit être recentré sur les formations à la production et à la transformation tout en intégrant les nouvelles exigences en matière d'environnement et de qualité. Une réflexion en profondeur sur sa vocation et sur la place qu'il doit avoir face à l'éducation nationale doit être entreprise. Il ne faudrait pas, en effet, qu'il perde son autonomie.
A l'autre bout de la filière, les efforts consentis par le Gouvernement en faveur des retraites, en dépit d'un progrès significatif, ne me semblent pas suffisants.
Quand atteindrons-nous l'objectif d'une pension au moins égale à 75 % du SMIC pour un agriculteur qui a cotisé toute sa vie ?
Quand parviendrons-nous à une véritable parité entre homme et femme qui ont tous deux travaillé la terre ?
Je crains fort que, pour le moment, ces questions ne trouvent pas de réponse.
Il est un autre chapitre sur lequel le budget manque de moyens, monsieur le ministre ; je veux parler des mesures agri-environnementales.
La faiblesse des crédits consacrés à la modernisation des exploitations met nos agriculteurs en grande difficulté. Ces derniers sont en effet régulièrement attaqués sur des questions d'environnement.
Afin que leurs méthodes d'exploitation soient respectueuses de l'écologie, il faut leur donner les moyens financiers nécessaires à la mise en oeuvre des mesures qui ont été prises tant au niveau européen qu'à l'échelon français.
Je me permets d'ajouter que, sur le plan national, il devrait y avoir une entente entre les différents ministères concernés par le sujet.
Finalement, en dehors des priorités affichées, et qui ne trompent personne, ce budget opère des coupes claires sur tout ce qui concerne le volet économique.
L'un des choix les plus critiquables est la suppression de 40 millions de francs sur le montant des crédits attribués à la SOPEXA. Cette mesure est incompréhensible, car elle met la France en position de repli sur elle-même, et ce à l'heure où la plupart des grandes puissances renforcent les moyens publics qu'elles consacrent à la promotion des produits.
Beaucoup d'entreprises qui travaillent à l'exportation sont des PME. Elles n'ont pas les moyens d'assurer elles-mêmes leur promotion sur les marchés extérieurs. Une augmentation budgétaire s'impose donc si l'on veut qu'elles accèdent aux marchés mondiaux et qu'elles prennent des parts de marché.
En résumé, monsieur le ministre, je dirai que ce budget ne me paraît pas répondre à l'attente de nos agriculteurs, ni faire face aux défis qui vont se présenter à l'aube de l'an 2000. On ne peut nier tous les aspects économiques et vouloir une grande politique agricole.
La capacité à produire, la qualité de nos produits, l'innovation dans le respect de notre environnement sont nos meilleurs atouts pour demain.
Ce budget ne permettra pas d'atteindre ces objectifs et de redonner confiance à nos agriculteurs.
Enfin, pour en terminer, comme mon collègue Serge Mathieu, je m'inquiète de la situation viniviticole, et plus particulièrement de celle du cognac. Je vous demande, monsieur le ministre, de prendre les mesures nécessaires à la survie économique de sa région de production. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Mon propos sera exclusivement consacré à la situation de l'agriculture de montagne, qui traverse à l'heure actuelle une phase de profonde interrogation.
En effet, si les agriculteurs de montagne partagent les préoccupations communes à l'ensemble de la profession, ils ont, de surcroît, plusieurs motifs d'inquiétude spécifiques portant essentiellement sur l'indemnité spéciale de montagne, sur les concours à la modernisation des bâtiments et à la mécanisation ainsi que sur les perspectives de la réforme de la politique agricole commune. Ce sont autant de lignes politiques qui se caractérisent, hélas ! par un recul, voire par l'abandon de la prise en compte des handicaps particuliers à la montagne.
Alors même que, depuis quelques années, les autres aides agricoles augmentent, l'indemnité spéciale de montagne tend globalement à se marginaliser, car l'enveloppe qui lui est consacrée subit une érosion constante, que confirme, hélas ! le projet de budget pour 1998.
Ainsi, 1,56 milliard de francs est prévu par ce budget au titre des indemnités compensatrices de handicaps naturels, au lieu de 1,65 milliard de francs en 1997, ce qui représente un recul de 5,5 %.
Si, d'un point de vue individuel, l'ISM s'est maintenue en francs constants et si une revalorisation de 1,5 % est à prévoir pour 1998, c'est notamment grâce à la diminution du nombre d'unités de gros bétail bénéficiant de cette prime, diminution principalement imputable aux conditions restrictives de son attribution.
Par ailleurs, la profession déplore une forte diminution des crédits d'aide aux bâtiments et à la mécanisation. Vous avez prévu, monsieur le ministre, de reconduire, en 1998, les 45 millions de francs inscrits l'année dernière à ce chapitre dans la loi de finances initiale. Mais, vous le savez, ce montant est bien en deçà des besoins, que la profession agricole évalue à quelque 100 millions de francs.
Pour l'heure, l'urgence est aux nombreux dossiers déposés au cours des derniers mois, qui sont actuellement en attente de règlement.
Permettez, monsieur le ministre, que, pour illustrer mon propos, je cite le cas du département de la Haute-Savoie, où plusieurs dizaines de dossiers présentés au titre de la modernisation des bâtiments d'élevage et de l'aide à la mécanisation représentent, au total, une demande de plus de 3 millions de francs en attente de règlement ! Or les crédits d'engagement actuellement annoncés s'élèvent à 530 000 francs, si bien que les besoins non satisfaits se montent à plus de 2 600 000 francs.
Enfin, la politique agricole commune vient accroître cette inquiétude. Cette politique est déjà perçue comme privilégiant les aides de compensation économique plutôt que les aides de compensation des handicaps. Et la réforme de la politique agricole commune pour les années 2000-2006, qui vient d'être engagée, ne manque pas d'inquiéter. En effet, ses orientations ne reprennent plus l'objectif de maintien d'un nombre suffisant d'exploitations, pas plus qu'elles ne veillent à la répartition territoriale des productions, l'agriculture de montagne n'étant plus dotée que d'aides relatives à la gestion des espaces naturels.
De surcroît, des départements tels que la Haute-Savoie sont fortement pénalisés par le zonage actuel des fonds structurels. Le projet de réforme en cours d'élaboration n'apporte, en l'état, pas de solution satisfaisante, même si nous savons que vous vous efforcez d'obtenir des corrections dans ce domaine. Soyez-en ici remercié.
Autant dire que le projet de réforme de la PAC, tel qu'il est aujourd'hui conçu, abandonne purement et simplement toute référence à l'agriculture de montagne et constitue une nouvelle étape de la disparition progressive des politiques spécifiques à ce territoire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la France ne peut accepter une telle perspective !
A l'heure de la discussion du projet de budget de l'agriculture pour 1998 et à la veille du sommet de Luxembourg, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous adresser quelques requêtes.
En ce qui concerne d'abord l'indemnité spéciale de montagne, une revalorisation substantielle tant de son montant que du plafond communautaire doit constituer l'un des objectifs prioritaires, pour une politique de véritable compensation des handicaps.
S'agissant de la modernisation des bâtiments d'élevage et de la mécanisation, nous devons assurer des moyens budgétaires suffisants. Je me permets d'évoquer la somme des handicaps de l'agriculture en zone de montagne, qui se traduisent par l'obligation de renforcer les charpentes et l'isolation thermique, de réaliser des volumes de stockage d'aliments pour de longs mois d'hiver, ainsi que de consacrer des dépenses importantes à la satisfaction des exigences environnementales et à la dépollution.
Rappelons que, pour leur très grande majorité, les exploitations agricoles concernées étant de taille moyenne ou modeste, elles ne bénéficient pas de l'aide de 15 % accordée par l'Etat pour les programmes obligatoires de lutte contre les pollutions d'origine agricole.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous prie de bien vouloir, dans l'immédiat, trouver une solution aux problèmes posés par les dizaines de dossiers en attente et, pour l'avenir, proposer une politique adaptée aux spécificités et aux handicaps vécus par l'agriculture de montagne.
Sur le plan européen enfin, même si cette question déborde le cadre de notre discussion budgétaire, je vous demande, monsieur le ministre, de tout faire pour que la spécificité de l'agriculture de montagne trouve sa juste place dans les orientations du prochain sommet de Luxembourg.
Avant de terminer cette intervention, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous lancer un appel à propos des moyens consacrés à la restauration des terrains en montagne : je souhaite qu'ils soient substantiellement et durablement renforcés. La solidarité nationale doit en effet s'exercer à l'égard des populations qui font le choix de vivre dans des régions où la nature des sols comme les données climatiques éprouvent rudement le cadre de vie naturel, rendant la sécurité des personnes et des biens d'autant plus difficile à assurer. ( Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE. )
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le ministre, le projet de budget consacré à la pêche maritime et aux cultures marines que vous nous présentez aujourd'hui répond à une double exigence : d'une part, il s'inscrit dans une volonté légitime de rigueur budgétaire ; d'autre part, il doit accompagner la réforme résultant de la loi d'orientation que nous avons votée, ici même, voilà quelques semaines.
Le temps m'étant très compté, je me bornerai à vous livrer ici quelques suggestions. Certaines sont d'ailleurs d'ores et déjà à l'oeuvre dans le présent projet de budget. D'autres mériteraient peut-être que les prochains projets de loi de finances, préparés avec plus de temps, les traitent plus précisément.
Après la forte augmentation de 1996, le budget pour 1998 reconduit l'effort de 1997. Le niveau de l'ensemble des dotations accordées au secteur est en effet maintenu, tant en termes de dépenses ordinaires - elles représentent 150 millions de francs - qu'en termes de crédits d'équipements.
La priorité - nous l'avons bien compris - est donnée à la modernisation de la filière ainsi qu'à une meilleure adéquation entre les capacités de capture et l'état de la ressource.
C'est pour cette raison que l'OFIMER, l'Office interprofessionnel des produits de la mer, et le Conseil supérieur d'orientation des politiques halieutiques vont engager une nouvelle approche des problèmes liés à la ressource et au marché des produits de la mer. Je souhaite qu'elle soit fructueuse.
J'aimerais cependant insister sur la dimension économique et sociale qui, plus que tout autre, doit être examinée dans son approche communautaire et internationale. A quoi bon, en effet, légiférer pour tenter de soutenir la filière pêche de notre pays si le volet social de ce secteur n'est pas harmonisé à l'échelon européen ? Si nous voulons pouvoir continuer à défendre une Europe bleue, il est nécessaire que nos frontières communautaires demeurent des instruments de régulation des marchés intérieurs, face aux évolutions d'une économie chaque jour plus mondialisée et à la merci d'une concurrence chaque jour plus dure.
L'internationalisation de nos échanges est une chance pour nos produits halio-alimentaires, j'en conviens volontiers. Mais il ne faut pas qu'elle soit une source de déstabilisation de nos capacités de capture.
Dans ce domaine, la programmation du quatrième plan d'orientation pluriannuel, le POP IV, et le règlement définitif du POP III posent un certain nombre de problèmes ; le retard du POP III a pour conséquence que, d'ici à la fin de 2001, la France aura à réduire la puissance de sa flotte d'au moins 58 000 kilowattheures.
Quant aux aides à la modernisation, la réouverture des crédits à ce type d'investissement est suspendue à l'application stricte d'un nouveau plan de sortie de flotte.
La gestion de la ressource est une réelle nécessité, mais encore faut-il que cesse le scandale écologique que constitue la pêche minotière pour la biomasse maritime. Notre devoir, ici comme partout, doit être celui d'une responsabilité vigilante envers les générations futures !
Je compte donc sur votre détermination, monsieur le ministre, pour inciter nos partenaires européens à fixer une politique globale, empreinte de logique économique et, surtout, environnementale.
J'en viens maintenant à la pêche hauturière et à la nécessité de fixer la cap de ce segment d'activité particulier par la mise en place d'une mission ad hoc . Il ne peut y avoir d'exploitation saine et durable si les perspectives de travail, notamment dans les eaux dites profondes, ne sont pas tracées. Dans le même temps, la flotte industrielle de pêche fraîche vieillit et les crédits à la modernisation sont suspendus.
N'est-il pas temps de créer un fonds spécial d'adaptation de l'appareil de production sur le modèle des SAFER, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, et de programmer, à moyen terme, un plan général pour la pêche hauturière, industrielle et semi-industrielle ?
Il est important, monsieur le ministre, que nous réfléchissions davantage à la dimension économique internationale de cette pêche éloignée, qu'elle soit fraîche, surgelée ou transformée.
La grande pêche et la pêche thonière sont aussi, à n'en pas douter, des chances à exploiter pour notre commerce extérieur. Il est de notre devoir de soutenir ces sociétés d'armement qui oeuvrent très souvent à partir de bases avancées, car, à défaut, nous risquons de compromettre gravement ces aspects essentiels de notre pêche.
Je le rappelle, la France est l'une des toutes premières nations maritimes du monde. Il est impératif de maintenir et de soutenir son pavillon sur toutes les eaux placées sous notre juridiction, soit 11 millions de kilomètres carrés !
La loi d'orientation donne désormais le droit de sanctionner plus largement le piratage et l'exploitation illégale de nos eaux australes et antarticques ; mais ces mesures n'auront d'effet qu'à la condition d'ajouter au corpus réglementaire les moyens techniques, financiers et humains nécessaires !
La politique générale de nos pêches maritimes et de nos cultures marines suppose peut-être, avant toute autre chose, une réflexion économique sur l'avenir du marché ainsi qu'une réflexion sur la consommation des produits de la mer. A quoi bon, en effet, produire davantage si l'on ne consomme pas dans les mêmes proportions ?
L'un des grands enjeux de la politique alimentaire de demain reposera sur la qualité de ces produits de la mer, qualité dont dépend leur consommation même. Or il est nécessaire de stimuler cette consommation. Il faut donc que soit élaboré en ce sens un schéma directeur, passant par une politique de transformation et de valorisation.
C'est par leur qualité, leur fraîcheur et leur attractivité que nos produits sauront séduire les consommateurs et justifier, peut-être, les différences éventuelles de leurs coûts de production. Le souci légitime d'hygiène et de garantie sanitaire de nos concitoyens rend à la fois plus nécessaire et plus rentable une évolution en ce sens, surtout quand un soupçon pèse sur d'autres filières alimentaires.
L'aménagement du territoire doit également être l'une de nos préoccupations dans l'organisation de la filière pêche. Notre littoral a trop longtemps souffert de son enclavement pour qu'il ne soit pas nécessaire de le doter aujourd'hui d'ambitions généreuses, en termes d'investissements lourds mais aussi d'investissements humains.
De même, le développement des lycées professionnels aquacoles et maritimes doit rester l'une de nos priorités : il en va de l'avenir de la profession. N'est-ce pas là, de plus, un argument de taille face à l'internationalisation de nos équipages ? Je refuse, pour ma part, que nous cautionnions les visées iniques de ces sociétés mixtes qui usent de la captation de nos quotas nationaux et qui abusent de ce non-droit.
Il faudrait peut-être, monsieur le ministre, définir plus précisément le lien économique réel qui doit exister entre les navires et leurs pays d'attache ; nous éviterions ainsi bien des malentendus, bien des abus, bien des rancoeurs. Pour ne rien vous cacher, je crains une nouvelle distorsion de concurrence ; mais je resterai vigilant, tant l'intérêt de nos pêcheurs en dépend.
De même, peut-être aurait-il été intéressant de mieux prendre en considération le danger que représente la pratique actuelle de la pêche plaisancière et sous-marine pour l'équilibre du stock halieutique, notamment dans la région Provence - Alpes-Côte d'Azur ? Les professionnels souffrent trop souvent de ces activités mal réglementées, mal contrôlées et exercées par des « amateurs » qui deviennent de véritables concurrents pour les pêcheurs inscrits maritimes.
Le POP IV s'annonce difficile, monsieur le ministre, et nous comptons sur votre détermination pour optimiser notre budget pêche. Les mesures techniques ne peuvent en aucun cas remettre une fois de plus en cause l'équilibre fragile sur lequel travaillent et vivent nos marins-pêcheurs et leurs familles. Gardons pour cela le sens du dialogue social et ne négligeons aucun des interlocuteurs concernés.
C'est en espérant que vous apporterez des réponses précises en ce sens que nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut. Ce débat budgétaire n'est qu'une étape dans l'élaboration de notre politique agricole ; il n'en demeure pas moins un acte politique majeur qui permet de cerner les grandes orientations du Gouvernement à destination de l'ensemble du monde rural.
Au regard des documents que vous avez bien voulu nous transmettre, monsieur le ministre, je ne vous cacherai pas plus longtemps mes doutes sur l'impact réel de ces orientations.
Sans même qu'il me soit nécessaire d'épiloguer sur la réalité du niveau des concours publics en faveur de l'agriculture en 1998, le rapporteur spécial nous ayant éclairés avec beaucoup de talent sur ce sujet, il me suffit de revenir quelques mois en arrière pour expliquer ce sentiment de malaise.
Depuis le 19 juin dernier et la déclaration de politique générale du Premier ministre, au cours de laquelle nous avons appris que le Gouvernement souhaitait mettre en avant « la contribution des agriculteurs et des entreprises agro-alimentaire au développement de notre économie, ainsi qu'à notre excédent commercial », nous attendons toujours le début de la traduction concrète de cette belle annonce.
Monsieur le ministre, chacun s'accorde sur la définition des priorités du ministère dont vous avez la charge. Celles-ci s'inscrivent d'ailleurs dans la continuité de l'action de votre prédécesseur. Mais, après mon collègue et ami Philippe François, qui s'interrogeait à cette même tribune, le 5 novembre dernier, lors de notre débat sur l'agriculture, je pose la question : où se trouvent la dynamique et les orientations fortes que Philippe Vasseur, dont l'action mérite d'être saluée, avait su donner aux budgets qu'il a eu à nous présenter ?
Ce manque d'ambition, on le retrouve d'ailleurs au plan communautaire, dans les négociations sur la nouvelle politique agricole commune, et au plan national, dans l'élaboration de la loi d'orientation agricole, pourtant attendue avec impatience, je vous l'assure, par nos agriculteurs.
N'ayant pas la prétention de pouvoir être exhaustif en quelques minutes seulement sur un sujet aussi vaste, qu'il vaudrait mieux aborder en parlant de ses différentes composantes, chaque production offrant sa gamme de problèmes, je me contenterai de faire quelques observations, fruits de mon expérience dans le Vaucluse.
Sénateur depuis maintenant dix ans dans un département essentiellement rural, je connais en effet bien les préocupations rencontrées par les agriculteurs et leur inquiétude face à l'avenir. En fait, monsieur le ministre, je ne crois pas qu'ils seront plus rassurés que moi en analysant les détails de ce budget.
Pour le démontrer, je n'évoquerai pas les dispositions qui figurent dans ce projet, les vingt-six intervenants qui se sont exprimés avant moi l'ayant fait longuement et avec beaucoup de talent. J'évoquerai seulement celles qui, malheureusement, en sont absentes.
Je voudrais en particulier souligner la regrettable absence de manifestation claire de la volonté du Gouvernement d'apporter son soutien à deux secteurs d'activité essentiels pour l'agriculture méditerranéenne, à savoir la viticulture, d'une part, les fruits et légumes, d'autre part.
Que ce soit dans le cadre de la préparation de la loi d'orientation agricole ou dans ce projet de budget pour 1998, je ne trouve aucun signal fort à destination de ces professionnels. Compte tenu de l'importance économique de ces filières, vous comprendrez que je m'en étonne.
Dans le domaine des fruits et légumes, je n'ignore pas qu'une réunion importante s'est tenue la semaine dernière à Paris entre les organisations professionnelles et vous-même, monsieur le ministre.
Vous savez donc que les difficultés rencontrées par nos producteurs du fait des aléas climatiques et économiques subis depuis 1990 ont considérablement affaibli les entreprises de fruits et légumes, qui sont pourtant déjà confrontées à une concurrence extrêmement redoutable.
Monsieur le ministre, ces cris d'alarme, croyez-moi, nous les entendons depuis longtemps dans le Vaucluse, et nous les comprenons.
Votre prédécesseur, grâce aussi aux propositions des parlementaires - et notamment de mon ami Jean-Michel Ferrand, député de Vaucluse, dont le rapport a été très bien accueilli l'an dernier - avait commencé à prendre ce problème à bras-le-corps, en collaboration avec les professionnels, qui sont conscients des efforts à fournir en matière d'organisation de la filière.
J'ose espérer que les propositions que vous avez formulées la semaine dernière déboucheront sur des avancées concrètes et rapides.
Par ailleurs, les viticulteurs, dont le dynamisme et le travail pour améliorer la qualité sont reconnus de tous, attendent eux aussi des mesures de soutien. Or force est de constater, à la lecture de ce projet de budget, que l'on n'en trouve point, ou très peu.
Nos viticulteurs, déjà préoccupés par les conséquences de l'application de la loi Evin - qui frappe indistinctement, nous le savons, le vin et les alcools forts - et par les risques, en termes d'image, entraînés par l'implantation d'un laboratoire souterrain pour le traitement des déchets radioactifs sur la zone de production des Côtes-du-Rhône, attendent une plus grande écoute et, là encore, des mesures concrètes.
Enfin, vous me permettrez d'ajouter un mot concernant une autre production traditionnelle du Vaucluse : je veux parler de la lavande, dont la couleur et les odeurs ont tant fait pour la réputation de cette région de Provence.
Les professionnels souhaitent ardemment que le plan de relance de cette production, initiée en 1988, soit prolongé et que l'ONIPPAM, l'Office national interprofessionnel des plantes à parfum, aromatiques et médicinales, poursuive en 1998 son appui financier à ce programme, au-delà de ses engagements initiaux qui arrivent à échéance à la fin de ce mois.
Monsieur le ministre, vous l'aurez compris, nous ne sommes pas particulièrement convaincus par le projet de budget que vous nous présentez.
Nous ne nous contenterons pourtant pas de ces critiques. Après avoir dernièrement apporté sa pierre à l'édifice en déposant une proposition de loi, le groupe auquel j'appartiens va, dans le même esprit, vous présenter dans quelques instants des amendements destinés à rééquilibrer ce budget. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

6

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. A la demande du Gouvernement et en accord avec la commission des finances, la discussion des crédits de la sécurité, qui était initialement prévue aujourd'hui mardi 2 décembre, est reportée en tête de l'ordre du jour du samedi 6 décembre.
L'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui et celui de la séance du samedi 6 décembre sont modifiés en conséquence.

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LOI DE FINANCES POUR 1998

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale.

Agriculture et pêche (suite)

M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'agriculture et de la pêche.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai eu l'occasion d'évoquer devant vous les grandes orientations de la politique agricole dans ses aspects nationaux et communautaires le 5 novembre dernier. Je le ferai à nouveau tout à l'heure en répondant aux questions qui m'ont été posées aujourd'hui et, la semaine prochaine, j'aurai l'occasion de vous exprimer mes intentions au sujet du projet de la loi d'orientation agricole.
Il me revient auparavant de vous présenter les grandes lignes de la politique budgétaire que je propose pour 1998.
Le projet de budget qui vous est présenté traduit l'ambition du Gouvernement pour l'agriculture et la pêche de notre pays.
Mon ambition est de conduire une politique tournée vers l'avenir, favorisant le dynamisme économique, qui n'oublie pas les mesures sociales nécessaires à l'amélioration de la situation des agriculteurs et des pêcheurs et qui prenne en compte les attentes des citoyens en matière d'environnement et de qualité sanitaire des produits alimentaires.
Avec 35,7 milliards de francs, le budget du ministère de l'agriculture et de la pêche sera en augmentation de 1,22 % par rapport à 1997. C'est là une rupture avec la réduction continue des crédits constatée depuis quelques années.
J'affecterai ces moyens budgétaires à quatre priorités : l'installation des jeunes, la qualité et la sécurité sanitaire, l'enseignement agricole, l'amélioration de la situation des retraités agricoles.
Première priorité, l'installation des jeunes en agriculture, à laquelle MM. Bourdin et Pluchet ont consacré une bonne partie de leurs rapports.
J'en ai fait un élément essentiel de mon projet de budget pour 1998 en y affectant près de 1 milliard de francs.
Je considère, en effet, que le renouvellement des générations et l'arrivée dans ce métier de jeunes agriculteurs y apportant leur énergie, leur dynamisme, leur imagination et leur soif d'entreprendre est le seul véritable gage d'une agriculture vivante, durable et occupant de façon équilibrée l'ensemble du territoire.
Je sais que l'installation est difficile et qu'elle se heurte à de nombreuses difficultés. J'en évoquerai trois.
La première, c'est, bien sûr, l'importance croissante des capitaux qu'il faut mobiliser pour s'installer.
La deuxième tient aux insuffisances de notre politique de structures, qui n'a pas permis de mettre un frein à la course à l'agrandissement et à la concentration des exploitations. Conçu pour contrôler des personnes physiques, notre arsenal législatif et réglementaire est inopérant pour contrôler le développement du phénomène sociétaire. Je veillerai à corriger cette situation dans la loi d'orientation en cours de préparation.
La troisième difficulté provient des problèmes que nous rencontrons pour attirer vers le métier d'agriculteur des jeunes qui ne sont pas issus du monde agricole.
Pour répondre à ces difficultés, il ne faut bien évidemment pas rejeter les dispositifs qui ont fait leurs preuves : 10 000 dotations jeune agriculteur pourront ainsi être financées cette année et seront accompagnées par des crédits d'opérations de groupements d'aménagement foncier liées aux opérations agri-environnementales, qui sont maintenus, vous l'avez signalé, à 45 millions de francs.
Mais j'ai tenu également, pour répondre aux nouveaux défis que nous devons relever, à mettre en place un instrument financier nouveau, le Fonds d'installation en agriculture, le FIA, doté de 160 millions de francs. J'ai indiqué aux différentes organisations professionnelles que nous arrêterions ensemble les modalités concrètes d'utilisation de ce fonds.
Le FIA est destiné à inciter les exploitants sans successeur à céder leur exploitation à un jeune agriculteur plutôt que de la laisser à un agriculteur déjà installé et désireux de s'agrandir. C'est une aide à vocation structurelle.
M. Gérard Roujas. Très bien !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Cette action sera conduite dans la continuité des orientations de la charte nationale pour l'installation en agriculture et du PIDIL, le programme pour l'installation des jeunes en agriculture et le développement des initiatives locales, en favorisant cependant plus que par le passé l'installation de jeunes agriculteurs hors cadre familial.
Il s'agira, bien sûr, d'aider à des installations qui ne se seraient pas réalisées spontanément.
Je souhaite une gestion aussi souple que possible du dispositif. C'est le préfet qui, après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, appréciera le respect des conditions relatives au cédant, au repreneur et à la transmission.
J'espère avoir convaincu M. Joly et M. Dufaut du bien-fondé de cette évolution du PIDIL vers le FIA.
Réunir les capitaux nécessaires à l'installation est nécessaire, mais ce n'est pas suffisant. C'est pourquoi je vous propose d'augmenter de près de 30 % les crédits consacrés aux stages à l'installation. Cette dotation importante de 100 millions de francs permettra d'accompagner plus de jeunes, notamment de jeunes venant d'autres horizons, et de favoriser leur intégration et leur réussite professionnelle.
J'ajoute, pour répondre à M. Bony, que je trouve moi aussi trop court le délai imparti à la commission départementale d'orientation pour se prononcer sur les dossiers relatifs au foncier. La question du contrôle des structures, primordiale dans une politique d'installation, sera examinée dans le cadre de la loi d'orientation agricole que je prépare.
M. Gérard Roujas. Très bien !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. J'en viens à ma deuxième priorité, l'enseignement et la formation professionnelle agricoles, ainsi que l'enseignement supérieur agronomique et vétérinaire.
L'enseignement et la formation professionnelle agricoles constituent une originalité remarquable de l'environnement dans lequel évolue l'agriculture, en même temps qu'un élément d'occupation du territoire et de dynamisme du monde rural.
Notre système d'enseignement, la qualité de ses contenus, ses performances en matière d'insertion professionnelle nous sont enviés.
L'éducation n'avait pas été suffisamment prise en compte dans les choix budgétaires de ce ministère alors que les demandes des familles et des élèves étaient et demeurent considérables.
M. le Premier ministre a décidé que le retour à la priorité à l'éducation était une priorité nationale. Conformément à cette orientation, j'ai inversé les tendances du passé dans mon projet de budget pour 1998 : les crédits destinés à l'enseignement et à la formation professionnelle s'élèvent à 6,438 milliards de francs, en progression de 4,9 %.
Cette priorité se traduit aussi par la création de 150 emplois et par une impulsion nouvelle donnée au mouvement de résorption de la précarité avec la transformation, pour la première fois dans ce ministère, des crédits de vacation et d'heures supplémentaires en emplois nouveaux : 65 emplois d'enseignants seront ainsi créés.
La priorité à l'enseignement et à la formation est également marquée par l'augmentation des moyens du secteur public, qui s'établissent à 3,7 milliards de francs, ce qui permettra notamment d'accroître de plus de 9 % les dépenses de formation pédagogique de l'enseignement technique.
La présentation que fait le rapporteur pour avis, M. Vecten, des intentions qui, à ses yeux, auraient guidé l'élaboration du budget de l'enseignement agricole ne correspond pas du tout à mon analyse. Il dénonce « la croissance raisonnée, c'est-à-dire la programmation autoritaire des effectifs » comme seule perspective retenue pour l'enseignement agricole.
Je ne partage pas ce point de vue. Quand M. Vecten déclare : « L'accélération de la croissance des effectifs a coïncidé avec la prise de conscience de la nécessité de la maîtrise des dépenses publiques » et que « sans cette coïncidence, cette accélération n'aurait soulevé aucune émotion particulière », je me dois de dire mon désaccord. La maîtrise des flux d'élèves, et non pas « la limitation autoritaire des effectifs », est une manière de poser la question de l'identité de l'enseignement agricole.
Nous avons fait, j'ai fait le choix d'une agriculture diversifiée et multifonctionnelle au sein des territoires ruraux. Ce choix délimite un large champ d'intervention pour l'enseignement agricole : des métiers de la production à ceux des services, en passant par ceux de l'aménagement et des industries agro-alimentaires, mais à la condition de se fixer comme objectif l'emploi et l'activité des élèves formés.
D'ailleurs, M. Vecten y insiste dans son rapport, en soulignant les bons taux d'insertion des anciens élèves. Or, les effectifs, à la rentrée scolaire de 1997, ont été freinés dans les classes conduisant au brévet d'études professionnelles agricoles « services aux personnes », là où la progression était proche de 10 % l'an depuis trois années, là où les résultats de l'insertion sont en recul de plus de dix points entre les deux dernières enquêtes 1995 et 1997.
Dans les autres secteurs, productions en particulier, les effectifs continuent à progresser, et c'est là une très bonne chose.
Vous le savez, je n'ai pas instauré un numerus clausus à l'entrée en classe de quatrième ou en CAPA, le certificat d'aptitude professionnelle agricole. La réalité est la suivante : la baisse démographique et la nouvelle organisation du collège reportant l'orientation en fin de classe de quatrième expliquent, à elles seules, la diminution d'effectifs en classe de quatrième à cette rentrée scolaire.
Il y a donc non pas de « logique des quotas » dans le pilotage de l'enseignement agricole, mais une volonté de fournir à l'agriculture et au secteur agricole les hommes et les femmes qualifiés dont ils ont besoin.
L'enseignement supérieur fait l'objet en 1998 d'une remise à niveau importante puisque la quasi-totalité des formations de troisième cycle seront désormais prises en compte dans la contribution de l'Etat au fonctionnement des établissements.
L'enseignement supérieur doit pouvoir s'inscrire dans le mouvement général de modernisation des méthodes d'enseignement. En plus de l'ouverture sur l'université, l'ouverture sur l'extérieur est indispensable. A cet effet, les bourses à l'étranger voient leurs crédits majorés de 40 %.
M. Vidal a, à juste titre, dénoncé une lacune dans notre dispositif de formation supérieure agronomique, en remarquant que nous ne formions pas de docteurs en agriculture.
Cette question recouvre deux aspects : en premier lieu, celui des équivalences de diplômes de troisième cycle sur le plan international ; en second lieu, celui de l'habilitation de nos écoles à délivrer le doctorat. Actuellement, cinq de nos écoles sont habilitées à délivrer ce titre.
J'ai également voulu que les familles défavorisées ne soient pas oubliées, et j'ai donc lancé dès la rentrée 1997 la première étape de la mise en place du dispositif du fonds social lycéen. Le budget 1998 y affecte 7 millions de francs.
Enfin, les crédits de l'enseignement privé augmentent également de 8 %, l'Etat respectant ainsi strictement ses accords, notamment ceux qu'il a passés dans le cadre de la loi de 1984.
Dans ces conditions, permettez-moi de dire à M. Vecten mon étonnement de l'avis défavorable de la commission des affaires culturelles qui ne nous avait pas habitués à un jugement aussi critique sur des projets de budget moins favorables.
Certains d'entre vous ont fait état d'une évolution différenciée des crédits de l'enseignement agricole public et de ceux de l'enseignement agricole privé.
L'explication est simple : pour ce qui concerne l'enseignement public, sur les 3,2 milliards de francs qui y sont consacrés, un crédit de 2,81 milliards de francs, soit près de 90 %, est constitué par les rémunérations de personnel dont les paramètres, tels que l'évolution des salaires dans la fonction publique, répondent à des considérations extérieures à la seule maîtrise du ministre de l'agriculture.
En revanche, pour ce qui est de ma propre responsabilité - certains d'entre vous l'ont d'ailleurs observé - vous noterez que les crédits de subventions des établissements dans l'enseignement technique augmentent de plus de 14 % - je dis bien 14 % - ceux de l'enseignement supérieur augmentant de 5,6 % et les investissements augmentant, quant à eux, de 6 %.
Pour l'enseignement privé, la progression des crédits de 8 % est due, d'une part, à l'augmentation des effectifs et, d'autre part, à l'application du dispositif de rattrapage destiné à respecter l'objectif de parité avec les moyens du secteur public, contenu dans la loi de 1984 sur l'enseignement agricole.
Je pense, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous ne souhaitez pas la remise en cause des textes législatifs qui sont le fondement de l'enseignement agricole.
MM. Pluchet et Chervy, dans leurs rapports pour avis, ont évoqué la troisième priorité, à savoir la sécurité et la qualité de l'alimentation pour lesquelles les crédits augmentent de 14 %.
La qualité sanitaire des produits qu'ils consomment est devenue l'une des préoccupations majeures de nos concitoyens.
Le niveau des exigences que les pouvoirs publics imposent dans ce domaine va croissant, et les contrôles sont toujours plus nombreux, plus sophistiqués, afin non pas d'atteindre le risque zéro, qui n'existe pas, mais d'assurer que tout a été mis en oeuvre pour garantir la sécurité sanitaire maximale des produits alimentaires. Au-delà des contrôles sanitaires, un effort important est également engagé pour assurer l'identification des produits alimentaires et leur traçabilité.
Cette préoccupation est partagée par la Haute Assemblée qui a débattu, il y a peu, d'une proposition de loi déposée par deux de ses membres, MM. Huriet et Descours, et visant à créer une agence de sécurité sanitaire des aliments. Celle-ci sera constituée au terme des travaux parlementaires ; elle permettra de conforter le dispositif existant, dont je peux dire, sans forfanterie, qu'il est déjà performant.
Sans attendre l'issue de ces travaux, je souhaite que les crédits consacrés aux contrôles sanitaires des produits alimentaires, à la santé animale et à l'hygiène des aliments augmentent. Ils connaissent, dans le projet de budget que je vous propose, une progression jamais égalée de 21,3 % par rapport à 1997.
La protection sanitaire des végétaux est renforcée de façon comparable avec une augmentation de 16,7 %. Les crédits consacrés aux analyses vétérinaires et phytosanitaires ainsi qu'au fonctionnement des postes d'inspection frontaliers et de la brigade d'intervention sont, quant à eux, en progression de 13 %.
Au-delà de la qualité sanitaire des produits alimentaires, j'entends également amplifier l'effort d'identification des produits pour en permettre une meilleure valorisation.
Cette volonté se traduit par une remise à niveau des crédits de l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO, qui progressent de 8,7 %. pour atteindre 72 millions de francs, et par un effort particulier - une hausse de 21 % - pour encadrer et pour soutenir les autres démarches qualitatives.
La quatrième priorité, ce sont les retraites agricoles.
Un effort significatif est réalisé à ce titre dans le projet de budget que je vous soumets. J'aurai l'occasion d'y revenir dans la soirée en présentant le projet de budget annexe des prestations sociales agricoles.
A côté de ces quatre priorités engageant l'agriculture vers l'avenir, le budget pour 1998 tel que je l'ai conçu sera aussi un moyen de mener une politique agricole tournée vers l'occupation de l'espace rural et le développement rural.
L'agriculture, comme toutes les autres activités économiques, est confrontée à un processus lourd de concentration territoriale et de délocalisation.
Mon ambition est de construire une politique agricole qui, sans négliger les marchés, privilégie le territoire : politique d'installation, politique de structure, politique de compensation des handicaps et de rétribution des services environnementaux.
La loi d'orientation devra privilégier l'occupation de l'espace afin que le territoire agricole et forestier français, qui représente 80 % de la surface du pays, cesse de se déséquilibrer. Elle doit également prendre en compte la nécessité de préserver l'environnement, de protéger les paysages et les ressources naturelles.
J'insisterai donc sur le maintien des crédits consacrés à l'aménagement rural et à la politique de l'environnement.
M. Bony souligne justement que l'agriculture de montagne est doublement utile, sur le plan strictement agricole, mais aussi sur le plan territorial et paysager.
La politique de la montagne que nous avons mise en place en 1985 en tient compte, et j'entends m'en inspirer pour élaborer, dans le cadre de la loi d'orientation, un contrat territorial d'exploitation prenant en compte cette double dimension de l'agriculture.
MM. Revol et Bourdin, dans leurs rapports, ont évoqué notamment les crédits du fonds de gestion de l'espace rural, dont on sait combien ils ont pu subir d'attaques l'an passé. Ils sont pratiquement reconduits à hauteur de 140 millions de francs.
M. Amoudry insiste sur la nécessité de stabiliser le FGER. Il est en effet impératif de stabiliser le principe de cette dotation budgétaire. Le FGER a beaucoup trop souffert des incertitudes qui ont pesé sur son niveau comme sur ses modalités de gestion.
M. Vigouroux m'a interrogé sur les sociétés d'aménagement régional, les SAR. Comme il le sait, les crédits de l'Etat consacrés aux grands aménagements régionaux répondent aux dispositions de la politique générale de redressement des finances publiques. Il me paraît important et inéluctable, pour garantir l'existence même de ces sociétés, que les régions et les départements accompagnent systématiquement l'action de l'Etat, ce qui n'est pas le cas actuellement. En effet, le faible taux de contractualisation des crédits du chapitre 61-84 ne me permet pas de défendre efficacement cette ligne.
M. Gaillard s'est inquiété du sort réservé à la forêt. Le Gouvernement n'a pas voulu que soit traité avec négligence le dossier forestier. J'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec les responsables de la forêt et de la filière bois, et j'irai, ce jeudi, m'exprimer devant les directeurs régionaux de l'Office national des forêts.
Nous avons décidé de dissocier le volet forestier du volet agricole dans la loi d'orientation, et ce pour deux raisons : la première tient au calendrier - en effet, il convient de pouvoir examiner dès le printemps la loi d'orientation agricole - et la seconde tient au fond, à savoir que la politique forestière ne se définit pas avec les mêmes interlocuteurs, en France comme en Europe.
Le développement de la compétitivité et de la qualité de l'agriculture ne va pas nécessairement de pair avec l'occupation du territoire. Plus l'agriculture se développe, plus elle se concentre. Il nous faut donc une politique volontariste de localisation des productions et de gestion du territoire pour la production. Le FGER en sera l'un des instruments.
J'ai tenu à faire cesser l'hémorragie des crédits destinés à la restauration des terrains en montagne. Je crois, ainsi qu'il a été dit, que la solidarité nationale doit s'exercer sur ce registre. Il en va de la responsabilité de l'Etat.
MM. Minetti et Amoudry ont fait part de leurs inquiétudes quant à l'avenir de la politique de la montagne. Ces inquiétudes sont injustifiées. Les indemnités compensatrices de handicaps naturels ne diminueront pas en 1998. Elles connaîtront même une évolution légèrement positive de 1,2 %. Par ailleurs, les crédits consacrés aux bâtiments d'élevage sont reconduits.
Les crédits de prime à l'herbe et de mesures agri-environnementales sont également maintenus. Ils constituent un élément essentiel d'une politique d'occupation du territoire.
Dans le cadre de l'enveloppe de 835 millions de francs inscrite dans le projet de budget pour 1998, j'ai engagé avec la profession les discussions sur la meilleure affectation possible de ces dotations.
M. Bourdin peut être rassuré : les crédits consacrés à la prime à l'herbe sont maintenus. J'ai en effet proposé à la Commission la reconduction de la « prime à l'herbe ». Cette mesure doit rester le socle des mesures agri-environnementales en France, et ce tant que les systèmes herbagers ne seront pas mieux pris en compte par la politique agricole commune.
J'ai aussi souhaité favoriser le développement d'actions encourageant la reconversion à l'agriculture biologique, l'extensification ou encore l'entretien par les agriculteurs de zones fragiles ou de grand intérêt écologique.
C'est pourquoi, alors que, depuis deux ans, aucune action nouvelle de ce type n'avait pu être financée, j'ai souhaité que le budget pour 1998 permette à la fois de poursuivre les actions déjà engagées et de mettre en oeuvre de nouvelles opérations locales ou régionales.
Par ailleurs, en application d'une politique d'aménagement rural soucieuse de l'environnement, j'ai tenu à préserver les crédits affectés au Programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA.
Les crédits que consacre le ministère de l'agriculture à ces actions sont reconduits en 1998. Ainsi que l'ont indiqué MM. Pastor et Souplet, le FNDAE, le Fonds national pour le développement des adductions d'eau, contribuera en 1998, comme il l'a fait en 1997, au financement du PMPOA.
Cette décision a entraîné soixante-neuf départements conventionnés à revoir à la baisse l'engagement de l'Etat pour ce qui concerne les actions d'assainissement pour l'année 1997. Un premier bilan sera réalisé à la fin de l'année afin de voir dans quelle mesure les agences de l'eau prennent le relais des conseils généraux pour les actions d'assainissement en milieu rural et d'eau potable.
Cependant, leur mise en oeuvre soulève des difficultés. C'est pourquoi, en très étroite concertation avec Mme Dominique Voynet, j'ai décidé d'adapter ces programmes afin de restaurer un traitement plus juste des dossiers entre les élevages et d'en augmenter l'efficacité, en particulier dans les zones d'excédent structurel.
Les décisions seront soumises au comité national de suivi du PMPOA du 18 décembre prochain.
Le projet que je défends d'une agriculture vivante et équilibrée sur tout le territoire ne signifie pas pour autant l'abandon des moyens destinés à soutenir les productions agricoles.
Les dotations d'intervention en faveur des marchés et de la modernisation des filières sont pratiquement reconduites, qu'il s'agisse des crédits des offices agricoles, avec 3 059 millions de francs, ou de ceux du fonds d'intervention et d'organisation des marchés des produits de la mer, le FIOM, avec 125,3 millions de francs.
M. de Rohan, rapporteur pour avis, et M. Weber se sont exprimés avec précision sur la question des pêches maritimes et des cultures marines. En ce domaine, ils ont noté que la priorité du budget porte sur la consolidation de la filière.
Les deux tiers du budget de ce secteur seront gérés par l'OFIMER, qui a été créé par la loi d'orientation relative à la pêche. Il s'agit de conforter les relations contractuelles entre les opérateurs aux différents stades, du producteur au détaillant, de valoriser les produits en misant sur la qualité, et d'informer autant les consommateurs que les agents qui interviennent aux différents stades.
La filière doit pouvoir compter sur une production régulière et de qualité. Je sais que les producteurs sont soucieux - c'est légitime - de savoir comment ils pourront renouveler leur outil de travail : le bateau.
MM. de Rohan et Weber ont été très précis sur la question du programme d'orientation pluriannuel, qui fixe, sur le plan communautaire et pour chaque pays, des objectifs de réduction de flotte pour préserver les stocks.
Je serai d'autant plus précis dans mes réponses que je ne sache pas les avoir encore données publiquement.
Le POP français pour la période 1997-2001 est en cours d'adoption par la Commission des Communautés européennes.
Négocié depuis plusieurs mois, ce cadre prévoit des éléments de souplesse conformes à mon souci que la France réalise ses obligations communautaires, notre pays étant handicapé par le retard d'exécution du POP III. J'ai obtenu, à cet égard, la possibilité de disposer d'une année supplémentaire pour parvenir à résorber ce retard, soit 20 000 kilowatts, et ce avant que ne soit engagé le POP IV.
M. Henri Weber. Heureuse nouvelle !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Quant au POP IV, il nécessitera un effort supplémentaire, limité à 39 000 kilowatts et étalé sur quatre ans, soit quatre fois moins que le précédent programme. La première échéance de ce POP IV se situera au 31 décembre 1998.
J'ajoute que, pour les départements d'outre-mer, les conditions du POP seront fixées ultérieurement et que j'ai fait valoir à la Commission la nécessité de permettre un développement raisonnable des flottilles concernées.
Ce cadre étant désormais tracé, il convient de le mettre en oeuvre et je tenais à préciser dès aujourd'hui devant le Parlement mes orientations en la matière, puisque de nombreuses questions m'ont été posées sur le sujet.
Il est nécessaire, tout d'abord, de permettre la reprise maîtrisée et régulière de l'investissement, en évitant les à-coups auxquels l'exécution des POP précédents nous a conduits.
Pour réussir, il nous faut donc combler notre retard au titre du POP III et engager le début de réalisation du POP IV. Si nous y parvenons, je suis convaincu que, grâce aux améliorations obtenues pour l'application du POP IV, ce dernier pourra être respecté sans qu'il soit nécessaire de recourir à des plans généraux de sortie de flotte aidée : les départs naturels et la gestion de l'effort de pêche devraient suffire.
Je ne vois pas d'autres solutions pour sortir de l'impasse actuelle que de mettre en oeuvre ce qui, pour moi, doit être le dernier plan de sortie de flotte.
Ce plan de sortie de flotte sera accompagné d'un plan social. Ce dernier doit être réussi ; c'est pourquoi j'ai l'intention de consacrer 30 millions de francs à cet effet sur les crédits pour 1997 et pour 1998.
Le marché spéculatif de l'occasion qui se développe depuis un an nous impose une réévaluation des barèmes. Mais le dopage artificiel de ce marché par les achats liés à la captation des quotas devrait être désormais largement tempéré après le vote de la loi « pêche » que vous avez approuvée à l'unanimité : tous les armements ont jusqu'à la fin de l'année 1998 pour respecter le lien économique réel avec notre territoire.
Je le répète, ce plan général doit être le dernier. Mis en place en janvier 1998, il s'achèvera au début du printemps.
Je souhaite associer les régions à cet effort exceptionnel ; mais, plus fondamentalement, je souhaite les associer à la mise en place d'une politique structurelle concertée.
Le mois de décembre doit être mis à profit pour établir les conditions de cette collaboration, mais j'indique dès à présent combien il me paraît légitime que nous convenions de lier les possibilités de renouvellement des flottes régionales, en termes de capacités nouvelles, à la contribution de celles-ci à l'effort national de sortie de flotte.
Dès que nous réussirons à passer ce cap, nous pourrons rétablir au printemps prochain les conditions d'une reprise maîtrisée du renouvellement de notre flotte.
Je ne pourrais pas terminer cette présentation sans répondre aux nombreuses questions qui m'ont été posées sur la réforme de la politique agricole commune.
Les raisons qui justifient cette réforme sont connues : les marchés mondiaux vont évoluer ; la société en général, les consommateurs en particulier, formulent de nouvelles demandes à l'égard de leur agriculture ; la conjoncture internationale dans laquelle elle se situe aujourd'hui va connaître des modifications fondamentales - vous avez été nombreux à le souligner - avec l'élargissement de l'Union aux pays d'Europe centrale et orientale et le nouveau round de négociations multilatérales ; enfin, les dysfonctionnements actuels de la PAC ne peuvent perdurer.
Pour toutes ces raisons, la PAC doit connaître une nouvelle réforme. Mais celle-ci doit répondre à un véritable projet politique pour l'agriculture européenne.
C'est cette volonté politique qui doit être réaffirmée lors de la prochaine réforme de la PAC.
L'Europe doit, en premier lieu, disposer des moyens lui permettant de soutenir son agriculture et de lui garantir une réelle préférence.
Il est crucial pour la réforme que son financement soit assuré à long terme et à un niveau suffisant. La ligne directrice agricole doit ainsi être maintenue dans son principe et dans ses modalités de calcul. C'est elle qui définit les moyens affectés à la PAC, notamment à la PAC réformée.
L'Europe - je l'ai déjà dit en Conseil agricole - ne doit pas avoir honte de sa politique agricole. La plupart des pays développés ont une politique agricole visant à conforter leur production nationale et la place de celle-ci dans les échanges mondiaux. N'oublions pas que la politique agricole européenne n'est pas faite que d'aides au revenu des agriculteurs. Elle permet aussi d'orienter la production, de favoriser des modes de production plus respectueux de l'environnement, d'imposer des contraintes sanitaires souvent supérieures à ce qui est exigé hors de nos frontières. Tous ces aspects de la PAC seront renforcés à l'avenir.
Non seulement nous n'avons pas à rougir, mais nous devons exiger de nos partenaires qu'ils prennent en compte, comme nous le faisons, les aspirations des consommateurs et la protection de l'environnement, ainsi que l'acquis communautaire en matière de sécurité sanitaire. C'est l'un des enjeux importants des prochaines négociations multilatérales.
Cette réforme, je ne pourrai l'accepter que si le projet actuellement en discussion est substantiellement amendé.
La baisse de prix préconisée comme réponse aux difficultés dans tous les secteurs n'est pas acceptable. Au contraire, j'estime que chaque secteur de production doit faire l'objet d'une approche spécifique.
M. Gérard Miquel. Très bien !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. J'ai déjà eu l'occasion de présenter les amendements que je réclame de façon détaillée, en particulier lors du dernier Conseil des ministres de l'agriculture.
Je considère avoir été entendu par le Conseil, notamment lors de sa dernière réunion avant l'importante rencontre des chefs d'Etat et de Gouvernement de la mi-décembre.
C'est dans ce contexte-là que j'ai fait prévaloir un certain nombre d'amendements et la déclaration adoptée par les ministres des Quinze reprend en très grande partie les préoccupations que je rappelais tout à l'heure, c'est-à-dire la nécessité de défendre l'identité agricole européenne et l'affectation à la politique agricole des moyens de ses ambitions.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. La prise en compte par les Quinze des idées que nous défendions a été reconnue et saluée par les organisations professionnelles en France. Nous disposons ainsi d'un appui solide pour la suite des négociations, qui vont se dérouler tout au long de l'année à venir.
Je finirai par des réponses diverses destinées à vous apporter des informations sur les sujets que je n'ai pas encore évoqués.
M. Vidal a cité à juste titre l'exemple de la viticulture méridionale comme modèle de démarche pour l'amélioration qualitative d'un produit.
Je suis, comme lui, convaincu que les efforts conduits, notamment dans le Languedoc, ouvrent désormais les portes du marché mondial à la viticulture méridionale.
Je veillerai à ce que les pouvoirs publics, après avoir accompagné cet effort de restructuration, soutiennent la démarche commerciale.
M. Gérard César. Nous vous en remercions !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. M. Vidal a aussi évoqué la filière oléicole.
Peu de produits incarnent mieux l'identité méditerranéenne que l'olivier. Je confirme à M. Vidal que nous poursuivrons, en 1998 et en 1999, avec la Société interprofessionnelle des oléagineux, protéagineux et cultures textiles, le soutien engagé au bénéfice de cette production.
Elle est l'un des meilleurs exemples d'activité agricole économiquement performante et tenant compte des considérations liées à l'emploi, à l'environnement et à l'espace rural.
M. Dufaut a souhaité attirer mon attention plus particulièrement sur les fruits et légumes.
Je le remercie tout d'abord d'avoir bien voulu me donner acte de mon souci de concertation avec les représentants professionnels de ces filières, et je voudrais le rassurer sur le côté très concret des avancées que j'ai pu réaliser.
A titre d'exemple, je peux lui confirmer que l'arrêté interministériel permettant de mettre en oeuvre 500 millions de francs de prêts bonifiés au taux de 2,5 % à 4 % au bénéfice des viticulteurs et des arboriculteurs victimes du gel de l'hiver dernier est signé.
Mon prédécesseur en avait parlé, sans le concrétiser. J'ai préféré le concrétiser, sans trop en parler, ce qui explique que M. Dufaut n'en ait peut-être pas été informé. (Très bien ! sur les travées socialistes.) J'ai par ailleurs reçu les représentants nationaux du secteur des fruits et légumes, et je leur ai présenté un plan pluriannuel de réorganisation de ce secteur, qu'ils ont accueilli très positivement.
Cet ensemble de mesures permettra la restructuration des encours à moyen et à long terme des entreprises fragilisées par plusieurs années de difficultés. En outre, l'accompagnement des investissements en serres et vergers des entreprises performantes qui souhaitent leur développement a également été signifié à ces professionnels.
En outre, des mesures conjoncturelles ont été décidées pour compenser les difficultés rencontrées, au cours de cette campagne, dans la commercialisation de quelques produits spécifiques.
La lavande, enfin, est effectivement une production que je n'oublie pas : j'ai d'ailleurs décidé d'aller, dès la semaine prochaine, rencontrer, chez eux, les représentants des professionnels concernés.
Monsieur Minetti, je sais votre attachement profond à la nécessaire revalorisation du métier d'agriculteur. Je partage votre préoccupation. Je crois que cette revalorisation passe largement par la politique de formation qu'il convient de développer, ainsi que par la politique d'installation des jeunes, que ce projet de budget vise à favoriser.
M. Souplet a appelé mon attention sur les biocarburants. L'incorporation obligatoire possible de composés oxygénés dans les carburants et combustibles d'ici au 1er janvier 2000 est expressément prévue par la loi sur la qualité de l'air.
Il n'en demeure pas moins nécessaire de mettre en place une politique fiscale adaptée pour rendre compétitifs ces produits avec les carburants d'origine fossile.
Pour l'année 1998, l'enveloppe d'exonération fiscale est de 1 256 millions de francs. Cette enveloppe tient compte des nouveaux projets qui seront développés.
M. du Luart a évoqué la situation de l'apiculture, se faisant l'écho des nombreuses questions qui m'ont été adressées sur ce point. Je répondrai avec précision sur ce sujet.
Le monde apicole est confronté depuis quelques mois à des problèmes de mortalité massive d'abeilles, ainsi que de non-retour dans les ruches.
Les services vétérinaires du ministère ainsi que le CNEVA, le Centre nationale d'études vétérinaires et alimentaires, ont confirmé ce constat, en particulier en Vendée, en Picardie et dans la région Centre.
Un insecticide à base d'imidaclopride, utilisé pour le traitement des semences de tournesol, a été mis en cause par les apiculteurs.
J'ai immédiatement demandé qu'une expertise complète soit effectuée, et nous avons soumis ce dossier à la commission d'études de toxicité des produits antiparasitaires à usage agricole.
Des experts ont été désignés le 13 novembre dernier et feront rapport à la commission le 11 décembre prochain.
Cela permettra au comité d'homologation compétent de me faire des propositions dès ce mois-ci.
D'ores et déjà, je vous confirme que, dans certaines des régions les plus touchées, l'utilisation des produits incriminés sera interdite en 1998.
Je ne manquerai pas de vous faire part des conclusions des travaux d'expertise en cours et des suites complémentaires que je serai amené à leur donner.
M. du Luart a également évoqué le problème des organismes génétiquement modifiés. Comme il l'a souligné, le Gouvernement a pris, jeudi dernier, un certain nombre de décisions à leur sujet.
Il a décidé de lancer une conférence citoyenne de consensus sur les biotechnologies afin de prendre en compte les aspects éthiques, environnementaux et sociaux que pose l'utilisation des plantes génétiquement modifiées.
Ensuite, il mettra en place un système de biovigilance permettant de suivre les conséquences de la culture sur les grandes surfaces des plantes génétiquement modifiées.
Enfin, il autorisera, en prenant comme principe de référence le principe de précaution, la mise en culture du maïs tolérant à la pyrale de Novartis, déjà autorisé à l'importation et donc à la consommation.
Pour les autres espèces - colza, betterave - un moratoire des mises sur le marché a été adopté en attendant les résultats du débat public.
M. Baylet m'a fait part de la nécessité d'assurer une forte cohérence entre la politique nationale concernant la gestion de l'eau et les actions régionales et départementales dans ce domaine.
Je partage pleinement cette préoccupation, et j'ai tenu, dès l'été, à ouvrir le débat sur l'irrigation des grandes cultures.
Il appartient en effet, me semble-t-il, aux agriculteurs eux-mêmes et à leur ministre de proposer les mesures appropriées pour concilier une gestion économe des ressources en eau et la préservation d'une technique culturale indispensable au maintien de certaines cultures. C'est notamment le cas dans certaines zones de son département, le Tarn-et-Garonne.
Le débat est donc ouvert. J'ai souhaité franchir, en 1999, une première étape dans la diminution de l'écart entre les aides aux cultures sèches et les aides aux cultures irriguées.
Cette évolution, extrêmement progressive, me paraît nécessaire non seulement pour des raisons d'équité, mais aussi pour permettre de justifier, vis-à-vis de l'ensemble de nos concitoyens, la légitimité des techniques d'irrigation bien conduites.
Je remercie M. Mathieu de son exposé très complet et de ses remarques souvent pertinentes sur la situation viticole. Je peux l'assurer de ma grande attention pour ce secteur.
La viticulture est l'une des activités agricoles employant le plus de main-d'oeuvre, bien implantées sur de nombreuses régions souvent difficiles de notre territoire et peu coûteuses en crédits publics.
Il importe par conséquent d'apporter la plus grande attention à la prochaine réforme de l'organisation commune du marché vitivinicole.
Je m'emploie à préparer cette échéance, en étant à l'écoute des viticulteurs de toutes nos régions.
C'est vrai, je n'ai pas encore rencontré ceux du Beaujolais, mais cela viendra. Je rencontre la semaine prochaine l'interprofession des Côtes-du-Rhône, après celle de Bourgogne, en octobre.
Vous avez été nombreux, avec M. Pastor, à vous inquiéter de la réduction des crédits accordés à la SOPEXA.
Je n'évoquerai pas, pour défendre mon projet, la continuité avec les budgets présentés par mes prédécesseurs, qui avaient notablement réduits les moyens accordés à cet établissement. J'entends au contraire redonner à la SOPEXA les moyens nécessaires à son action.
C'est pourquoi j'ai engagé, avec mon collègue de l'économie, des finances et de l'industrie, un audit de fonctionnement de la société. J'ai par ailleurs demandé au directeur général de la SOPEXA de préparer un contrat d'objectifs dès que les conclusions de l'audit en cours seront connues, c'est-à-dire dans quelques semaines, je l'espère.
Ainsi seront créées les conditions du développement dans la durée de l'action de la SOPEXA au service des PME françaises.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mes orientations pour les mois qui viennent se retrouvent dans ce projet de budget. Le débat que nous aurons à l'occasion de la présentation du projet de loi d'orientation agricole, rendez-vous qui se situera au cours du semestre prochain, me permettra de revenir en détail sur ces orientations.
En attendant, je tiens à vous dire que mon dialogue avec la Haute Assemblée restera soutenu et continu. Vous savez en effet combien je suis attaché, chaque fois que cela est possible, à répondre à vos préoccupations, qui sont aussi celles de nos concitoyens. J'entends continuer à le faire. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de l'agriculture et de la pêche et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 40 062 023 francs. »

Sur ces crédits, la parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. M. le ministre vient de signaler l'intérêt que je porte aux jeunes, à leur installation et à l'enseignement. Je le remercie de m'avoir entendu.
Mon intervention sur les crédits du titre III aura essentiellement pour thème l'enseignement agricole, sur lequel j'aimerais apporter des précisions supplémentaires.
Les dotations inscrites dans le projet de loi de finances pour 1998 au titre de l'enseignement agricole sont en progression de 4,64 % par rapport aux crédits prévus pour 1997, les crédits destinés à l'enseignement agricole public progressant, eux, de 1,5 %.
Malgré cette progression, force est de constater que le projet pour 1998 accentue le déséquilibre entre l'enseignement qui relève du ministère de l'éducation nationale et celui qui ressortit au ministère de l'agriculture.
Les manques en personnel deviennent de plus en plus préoccupants dans l'enseignement agricole public.
S'agissant des personnels enseignants, le projet de budget qui nous est soumis prévoit la création de 135 emplois d'enseignants, 65 de ces postes étant réservés à la « déprécarisation ». L'augmentation nette des effectifs est donc seulement de 70 emplois, l'adverbe « seulement » ayant toutefois ici un sens positif.
Il est à noter que les enseignants recrutés pour ces emplois ne seront en poste qu'à la rentrée 1999 et, pour mémoire, que le nombre des enseignants titulaires est passé de 92 postes pour 2 770 élèves supplémentaires en 1996 à 48 postes pour 2 130 élèves en 1997.
L'insuffisance des emplois d'enseignant conduit l'enseignement agricole à faire appel à des non-titulaires au fil des rentrées, alors que l'emploi précaire représente déjà 25 % de l'effectif des personnels enseignants. Il faut, par conséquent, améliorer cette situation.
De même, s'agissant des personnels non enseignants - les personnels administratifs, techniques, ouvriers, et de service, ou ATOS, et les ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers de service, ou ATOS - la situation n'est guère plus encourageante, même si ce projet de budget rompt avec les régressions passées en permettant la création de 14 postes.
J'en viens à l'installation des jeunes agriculteurs.
L'évolution du monde rural impose de poursuivre et d'amplifier la modernisation de l'enseignement agricole. Peut-être devons-nous aller plus loin en nous attachant à privilégier en la matière une vision prospective des besoins.
On observe une très forte demande des jeunes pour les formations dispensées par l'enseignement agricole. Parmi ces jeunes, certains viennent du monde non agricole.
Il importe également de noter que les transformations du monde rural, de l'agriculture, mais aussi plus largement de l'environnement rural appellent une réflexion plus approfondie encore sur les métiers de demain.
A ce propos, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous signaler à nouveau l'intérêt que je porte au maintien et au développement de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort. Chacun sait que Mme Hélène Luc ne manque jamais d'intervenir au sujet de cette école, qui est indispensable pour le développement de l'enseignement de cette discipline.
N'est-il pas envisageable de promouvoir un enseignement public de meilleure qualité, tenant compte non seulement des besoins des jeunes, mais aussi des perspectives d'installation dans notre pays ?
Tels étaient quelques-uns des éléments sur lesquels je souhaitais insister plus que je ne l'avais fait lors de la discussion générale.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Par amendement n° II-29 rectifié, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de réduire les crédits figurant au titre III de 140 061 953 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à moins 99 999 930 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. L'amendement n° II-29 rectifié, tout comme l'amendement suivant, n° II-30 rectifié, participe d'une approche que nous avons définie ensemble, qui a été retenue par la commission des finances et qui vise à réduire la progression des dépenses publiques.
Cette approche, validée par le Sénat tout entier lors de l'adoption de l'article d'équilibre il y a quelques jours, est la seule possible pour réduire les prélèvements obligatoires, notamment ceux qui sont à la charge des agriculteurs.
Je ne développerai pas plus avant ces principes, qui ont déjà été exposés à plusieurs reprises lors de l'examen d'autres budgets. J'observerai cependant que le budget de l'agriculture n'est jamais épargné par les opérations de régulation, c'est-à-dire d'annulation de crédits. En 1996, le montant de ces annulations a atteint 667 millions de francs, représentant 1,87 % des crédits ouverts par la loi de finances initiale. En 1997, ce pourcentage a été doublé pour atteindre 4,27 % des dotations initiales, soit 1,5 milliard de francs.
Les deux amendements qui vous sont soumis visent à réduire globalement les crédits de 499 millions de francs, c'est-à-dire bien moins que ne l'avait fait la régulation de 1997, ce qui représente 1,39 % du budget voté par l'Assemblée nationale ou 1,44 % des crédits des titres III et IV.
Mes chers collègues, je vous invite à voter ces deux amendements pour réaliser l'équilibre que nous souhaitons.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Sur les crédits figurant au titre III, M. Minetti a déjà eu l'occasion d'attirer mon attention lors de son intervention.
Je sais qu'il a une opinion marquée sur ces questions. Nous pourrons les évoquer à nouveau demain matin, lors d'une réunion de travail que nous aurons à huit heures. Je pourrai lui faire part une nouvelle fois des orientations que je compte suivre en ce domaine, orientations qui sont proches des siennes pour une bonne part.
Je confirme par ailleurs ce que j'avais dit en commission à Mme Luc, à savoir que je me rendrai dans les trois prochains mois à Maisons-Alfort. Ce sera pour moi un plaisir que de découvrir cette grande école.
S'agissant de l'amendement n° II-29 rectifié, je voudrais préciser que les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat compte tenu d'un équilibre économique et financier qu'elles définissent.
Le Gouvernement n'entend pas remettre en cause l'équilibre global du budget qui a été élaboré pour 1998 et qui permet de réorienter la dépense publique sur les besoins prioritaires tout en respectant les contraintes de financement, notamment au regard des engagements européens de la France.
C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° II-29 rectifié.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-29 rectifié.
M. Louis Minetti. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Je ne suis peut-être pas assez instruit, mais je ne comprends pas que la commission des finances nous propose une réduction de crédits à partir d'observations portant sur le budget de l'an dernier : c'était à l'ancien gouvernement qu'elle devait adresser ses remarques !
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-29 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des finances, l'autre, du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 36:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 214
Contre 101

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 415 334 120 francs. »

Sur ces crédits, la parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Si ce projet de budget s'inscrit largement dans la continuité, il affiche des priorités fortes dans le domaine de l'installation des jeunes agriculteurs, de l'enseignement, de la sécurité alimentaire et de la retraite des exploitants agricoles. C'est aussi un budget de l'anticipation et de la vision prospective de notre agriculture. Il pose les jalons de la prochaine loi d'orientation pour laquelle vous avez engagé une large concertation, monsieur le ministre.
L'agriculture française doit rester une activité économique majeure, dynamique et source de richesses. Cependant, on lui demande désormais de prendre en compte des objectifs d'emploi, mais surtout d'environnement et d'aménagement du territoire.
Sur le plan européen, nous arrivons au terme de la mise en oeuvre quinquennale de la politique agricole commune décidée en 1992, assortie de ses mesures d'accompagnement. La révision engagée et l'examen des propositions Santer vont ainsi peser durablement sur les orientations de notre agriculture pour les prochaines années.
La politique agricole et la nouvelle réforme de la PAC se décident, il est vrai, en grande partie, à Bruxelles. Toutefois, il est possible de disposer, sur le plan national, d'une marge de manoeuvre quant à la répartition des aides communautaires, notamment des aides en faveur de la grande culture. Il est ainsi nécessaire de préserver les mesures structurelles existantes qui arrivent à échéance, tout en les faisant évoluer.
J'évoquerai principalement la prime à l'herbe et les mesures agri-environnementales.
Depuis 1993, ces nouvelles dotations ont permis de mettre en oeuvre des mesures contractualisées en matière de protection des sols, des eaux et des paysages. Elles favorisent une agriculture moins intensive et elles bénéficient ainsi aux agriculteurs volontaires, tout en répondant aux attentes de notre société en termes d'environnement.
Les crédits inscrits au titre de la « prime à l'herbe » et des mesures agri-environnementales, après avoir été diminués sensiblement par le gouvernement précédent, sont maintenus pour 1998.
Ces crédits s'inscrivent, dans votre projet de budget, respectivement à concurrence de 715 millions de francs pour la prime à l'herbe et de 120 millions de francs pour les mesures agri-environnementales. Les 50 % complémentaires sont apportés par le FEOGA.
La prime à l'herbe a permis de freiner sensiblement la disparition progressive des surfaces en herbe. Elle assure une meilleure occupation et un bon entretien du territoire. Son maintien s'impose donc comme un soutien en faveur d'un élevage extensif, d'une production de qualité, d'une valorisation de l'action de l'agriculteur.
Cependant, si la prime à l'herbe s'applique à l'ensemble du territoire, elle reste principalement versée aux éleveurs installés en zones de montagne et s'adresse aux éleveurs de vaches allaitantes. Les éleveurs des zones intermédiaires, comme l'Avesnois, et des bassins laitiers traditionnels où l'on ne peut faire que du lait ne peuvent y prétendre en raison de conditions d'octroi trop rigoureuses.
Dans le cadre des réflexions actuelles sur la nouvelle PAC et de la future loi d'orientation, les agriculteurs de ces zones souhaitent une revalorisation de cette prime, fixée à 300 francs par hectare depuis 1995 et jugée trop peu incitative par rapport à la prime au maïs, qui est dix fois supérieure.
Il est également nécessaire d'élargir les critères. Le taux de chargement de 1,44 unité de gros bétail à l'hectare limite fortement les interventions dans les zones intermédiaires comme les territoires de bocage. Il faut veiller à une charge de structure correspondant mieux aux situations locales et tenir compte des conditions territoriales agricoles spécifiques. Il faut donc encourager à terme une meilleure décentralisation des décisions.
Quant aux mesures agri-environnementales, je peux témoigner de leur succès au vu des opérations menées dans l'Avesnois.
La PAC rénovée devrait s'attacher à primer plus les surfaces que les têtes de bétail. Il conviendra que le ministère de l'agriculture accompagne plus fortement cette tendance. En aucun cas, il ne faudra réduire ces mesures à des territoires déterminés, même s'ils sont défavorisés par leurs conditions naturelles.
Sur le plan de la procédure, je souhaiterais que l'on procède à une simplification des dossiers, car leur constitution exige des compétences qu'il est difficile d'imposer à tous les agriculteurs ; les instructions, dans ce domaine, sont également trop longues et tendent à décourager les bonnes volontés et donc les initiatives favorables.
Je terminerai mon propos en évoquant le fonds de gestion de l'espace rural ; il était menacé en 1997, et je me félicite de son maintien dans votre projet de budget, monsieur le ministre. Compte tenu des réalisations menées, des attentes et des besoins, je souhaiterais que l'on puisse garantir son avenir dans la prochaine loi d'orientation agricole.
Toutes ces mesures vont dans le sens des attentes de la PAC rénovée ; elles offrent de réelles perspectives de développement durable auxquelles notre société est aujourd'hui attachée ; elles nécessitent toutefois une revalorisation sensible des enveloppes de crédits qui y sont affectées et un assouplissement des critères d'éligibilité.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, annonce clairement les orientations de l'avenir. Mais il pose également le problème crucial de la nécessité d'un rééquilibrage dans la répartition des aides communautaires.
Ce rééquilibrage est de votre responsabilité ; je suis certain que vous saurez le mener avec détermination et efficacité. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-30 rectifié, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de réduire les crédits figurant au titre IV de 358 535 027 francs.
Par amendement n° II-32, MM. François, Peyrefitte, César, Dufaut, Gaillard et Rigaudière proposent de réduire les crédits figurant au titre IV de 160 000 000 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à 275 334 120 francs.
Par amendement n° II-34 MM. François, Peyrefitte, César, Dufaut, Gaillard et Rigaudière proposent de réduire les crédits figurant au titre IV de 140 000 000 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à 275 334 120 francs.
Par amendement n° II-33, MM. François, Peyrefitte, César, Dufaut, Gaillard et Rigaudière proposent de réduire les crédits figurant au titre IV de 21 850 000 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à 393 484 120 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-30 rectifié.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Les arguments que je pourrais développer pour défendre cet amendement sont les mêmes que ceux que j'ai évoqués précédemment en ce qui concerne l'amendement n° II-29 rectifié.
Toutefois, je souhaite ajouter à l'intention de notre collègue M. Minetti, qui s'est interrogé tout à l'heure sur les régulations, que celles-ci ont été opérées le 9 juillet et le 19 novembre 1997 : sur le titre IV, ont été annulés respectivement 580 millions de francs et 718 millions de francs. Par conséquent, notre proposition se situe très en deçà de ces annulations.
M. le président. La parole est à M. François, pour défendre l'amendement n° II-32.
M. Philippe François. Sous couvert d'une légère augmentation des crédits de 10 millions de francs par rapport au précédent FIDIL, le ministère nous propose un fonds pour l'installation en agriculture, appelé FIA, dont on ne connaît pas la destination. Ce fonds nous paraît inutile.
En effet, le FIDIL, par son soutien aux projets d'initiatives locales, constituait, nous semble-t-il, un meilleur outil d'intervention, car son champ d'application était plus large.
Les 160 millions de francs économisés sur l'article 27 du chapitre 44-41, comme nous le proposons, pourraient donc, par exemple, servir à continuer de financer ces projets.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-32 ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Nous ne pouvons qu'être d'accord quant à l'intérêt que présente l'amendement n° II-32, puisque, au nom de la commission des finances, je suis moi-même intervenu sur ce sujet en début de journée.
La commission entendra donc avec beaucoup d'attention la réponse du ministre. Il ne semble pas, en effet, qu'il ait répondu très précisément sur ce point.
Néanmoins, quelle que soit la qualité de cet amendement, je suis obligé de lui réserver un avis défavorable, compte tenu des amendements présentés par la commission des finances.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s II-30 rectifié et II-32 ?
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. S'agissant de l'amendement n° II-30 rectifié, je dirai ceci : même punition, pour des raisons identiques à celles que j'ai développées à l'occasion de l'amendement n° II-29 rectifié ! Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° II-32, je rappelle que le fonds pour l'installation en agriculture a pour objet de relayer, en l'amplifiant, l'ancien FIDIL. L'augmentation des crédits s'élève, en effet, à 10 millions de francs par rapport à 1997.
En outre, la nouvelle aide à la transmission de l'exploitation devrait bénéficier d'un cofinancement de l'Union européenne à parité. Jusqu'à présent, les crédits communautaires ne participaient pas au financement des programmes pour l'installation et le développement des initiatives locales.
Par ailleurs, le FIA permettra de poursuivre les actions déjà engagées dans le cadre des programmes pour l'installation et le développement des initiatives locales, les PIDIL.
J'apprécierais donc, après de telles assurances, que les auteurs de cet amendement veuillent bien le retirer. Dans le cas contraire, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. François, pour défendre les amendements n°s II-34 et II-33.
M. Philippe François. L'amendement n° II-34 a pour objet de réduire de 140 millions de francs les crédits figurant à l'article 10 du chapitre 44-83.
Il ne semble pas opportun qu'une ligne du budget de l'agriculture soit affectée au FGER. En effet, la nature des interventions de ce fonds justifie pleinement la création d'une ressource affectée dont l'origine pourrait provenir, par exemple, d'une taxation des opérations entraînant l'« artificialisation » de l'espace, telle la taxe sur le changement de destination des terres.
Le montant de la ressource de cette taxe, à savoir 500 millions de francs, pourrait permettre, d'une part, de doubler les crédits du FGER - soit 280 millions de francs - d'autre part, d'augmenter la prime à l'herbe de 100 francs par hectare - soit 220 millions de francs - et d'utiliser l'économie ainsi réalisée par le ministère sur le FGER en poursuivant le programme actuel de préretraite en 1998.
S'agissant de l'amendement n° II-33, il est anormal que le ministère de l'agriculture contribue autant au budget des SAFER.
En effet, compte tenu du changement de nomenclature de cet article « SAFER Fonctionnement » dans le budget de l'agriculture - dans le budget de 1997, cet article était l'article 10 du chapitre 44-44 intitulé « Interventions dans le domaine foncier » ; dans le projet de budget pour 1998, ce même article est devenu l'article 60 du chapitre 44-80 « Amélioration du cadre de vie et aménagement de l'espace rural » - la réduction de crédits doit être compensée par le ministère de l'environnement, afin que les SAFER - ne souffrent pas d'une diminution du budget.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-34 et II-33 ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Ces deux amendements ont le mérite de poser de vraies questions.
En ce qui concerne l'amendement n° II-34 relatif au financement du FGER, il est vrai que ce fonds a connu et continue de connaître bien des vicissitudes. Il faut peut-être penser à lui trouver une ressource pérenne. Celle-ci pourrait d'ailleurs provenir d'une taxe. Toutefois, tant que cette taxe n'est pas votée, il est difficile de supprimer les dotations budgétaires, sauf à créer une solution de discontinuité.
Je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement sur cet amendement, mais, en tout état de cause, l'avis de la commission des finances est réservé.
L'amendement n° II-33, qui porte sur le financement des SAFER - vaste sujet ! - vient effectivement à point. Il serait bon que le mode d'action des SAFER, leur financement, etc., soient largement évoqués au travers d'une loi d'orientation.
Il est difficile, dans l'instant, d'être favorable à une réduction de 50 % des crédits des SAFER, sauf à leur poser un problème de survie immédiate. La question se posera néanmoins à terme, et c'est sans doute dans le cadre d'une loi d'orientation, je le répète, qu'il faudra l'examiner.
Je souhaite donc avoir l'avis du Gouvernement sur cet amendement, qui suscite également un avis réservé de la part de la commission des finances.
M. Fernand Tardy. N'importe quoi !
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s II-34 et II-33 ?
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. L'amendement n° II-34 tend à supprimer la dotation budgétaire du FGER dans la perspective de substituer à la ressource budgétaire une recette affectée. Pour ce faire, il est proposé, en contrepartie, de créer une ressource affectée provenant d'une taxation des opérations entraînant ce qu'il est convenu d'appeler une « artificialisation » de l'espace, c'est-à-dire une taxe sur le changement de destination des terres.
Comme vous le savez, les dispositions relatives aux recettes du budget de l'Etat ne peuvent être adoptées que lors de l'examen de la première partie de la loi de finances. Or notre débat sur le budget de l'agriculture se situe dans le cadre de l'examen des dépenses inscrites dans la seconde partie de la loi de finances. Il n'est donc pas possible, à ce stade de la procédure, de revenir sur les dispositions relatives aux ressources.
En outre, en application du principe d'universalité du budget, les recettes ne peuvent être affectées, je le rappelle, à des dépenses particulières.
Même si tel n'est pas son objet, l'amendement n° II-34 aurait pour effet de supprimer la dotation du FGER. J'y suis évidemment défavorable car, ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, le FGER me paraît constituer un outil essentiel, sur lequel il convient de s'appuyer pour favoriser l'équilibre de l'agriculture sur l'ensemble du territoire.
J'en viens à l'amendement n° II-33 relatif aux crédits destinés aux SAFER ; ceux-ci ont subi des réductions drastiques depuis plusieurs années puisqu'ils sont passés de 65 millions de francs, en 1993, à 43,7 millions de francs, en 1997.
La subvention de l'Etat ne représente que 15 % des charges de structures des SAFER, ce qui correspond à la part de mission de service public qui leur est dévolue dans les domaines de l'observation du marché foncier, de surveillance des transactions et d'interventions foncières.
Les SAFER répercutent leurs frais sur la revente des terres. Baisser la subvention aboutirait donc à un renchérissement du prix des terres. Réduire de la sorte les crédits des SAFER conduirait tout simplement à leur disparition.
Il convient également de rappeler que la tutelle des SAFER relève du ministère de l'agriculture et de la pêche et non du ministère de l'environnement. Il ne paraît donc pas possible de proposer une compensation à partir des crédits d'un autre département ministériel.
Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur cet amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je demanderai à mes collègues, que nous avons entendus avec beaucoup d'intérêt sur des sujets que nous étudierons probablement assez vite, de bien vouloir retirer leur amendement.
M. le président. Monsieur François, les amendements n°s II-32, II-34 et II-33 sont-ils maintenus ?
M. Philippe François. Je constate que la commission des finances trouve extrêmement intéressants les sujets que nous avons évoqués !
Mme Hélène Luc. Vous n'allez quand même pas léser les agriculteurs !
M. Philippe François. J'ai cru comprendre, également, que M. le ministre trouvait un certain intérêt aux remarques que nous avons formulées.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Tout à fait !
M. Philippe François. J'en déduis qu'ils devraient logiquement être d'accord avec nous ! (Rires.)
Toutefois, l'un et l'autre sont réservés, pour des raisons que je conçois parfaitement, à savoir que les SAFER risquent de se heurter à des difficultés actuellement insurmontables.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Evidemment !
M. Philippe François. Il n'en reste pas moins que nous souhaiterions voir cette préoccupation prise en compte dans les études que l'on effectuera ultérieurement sur les sujets en question.
Moyennant quoi, bien entendu, nous retirons ces trois amendements, monsieur le président.
M. le président. Les amendements n°s II-32, II-34 et II-33 sont retirés.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-30 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des finances, l'autre, du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 37:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 214
Contre 101

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 80 900 000 francs ;

« Crédits de paiement : 24 270 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 923 860 000 francs ;

« Crédits de paiement : 385 420 000 francs. »
Par amendement n° II-35, MM. Bourges, Belcour, Besse, Cazalet, César, Jourdain et Rigaudière proposent :
I. - De réduire les autorisations de programme de 175 000 000 francs ;
De majorer les autorisations de programme de 175 000 000 francs ;
II. - De réduire les crédits de paiement de 52 500 000 francs ;
De majorer les crédits de paiement de 52 500 000 francs.
La parole est à M. César.
M. Gérard César. Cet amendement vise à faciliter le contrôle du Parlement sur les crédits du chapitre 61-40 intitulé « Adaptation de l'appareil de production agricole » et particulièrement sur ceux de l'article 30 de ce chapitre intitulé « Modernisation des exploitations ».
L'individualisation des crédits correspondant, d'une part, au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole et, d'autre part, aux dotations allouées à la modernisation des exploitations devient absolument nécessaire pour faciliter l'analyse du chapitre budgétaire 61-40.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. S'agissant d'un amendement de nomenclature, la commission souhaiterait, avant de se prononcer, connaître l'avis du Gouvernement, qui est seul juge en la matière.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Cet amendement vise à individualiser, au sein du chapitre 61-40, les crédits consacrés au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole et les crédits destinés aux bâtiments d'élevage en zone de montagne.
Il n'est pas indispensable d'individualiser ces deux types de dépenses dans la loi de finances, car leur gestion est suivie de façon distincte. L'individualisation des crédits relève, au demeurant, du pouvoir réglementaire.
D'une manière générale, nous avons opéré, dans le projet de loi de finances pour 1998, une rationalisation de la nomenclature budgétaire qui se traduit par une réduction très sensible du nombre des lignes.
Je ne souhaite donc pas revenir sur ce processus de simplification et de clarification ; mais il va de soi - et j'en donne l'assurance à M. César - que le Parlement sera totalement informé des résultats de cette gestion par le biais des réponses apportées aux commissions.
Sous le bénéfice de cet engagement, je demande à M. César de retirer cet amendement.
M. Gérard César. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. J'ai bien noté les explications de M. le ministre, s'agissant en particulier du suivi de la gestion. Etant assuré qu'il tiendra ses engagements, je retire donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-35 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'article 62 A, qui est rattaché pour son examen aux crédits de l'agriculture et de la pêche.

Agriculture et pêche

Article 62 A



M. le président.
« Art. 62 A. - Il est inséré, après l'article 1121-3 du code rural, un article 1121-4 ainsi rédigé :
« Art. 1121-4. - Les personnes dont la retraite a pris effet avant le 1er janvier 1998 bénéficient, à compter de cette même date, d'une majoration de la retraite forfaitaire qui leur est servie à titre personnel, lorsqu'elles justifient de périodes de cotisations à ladite retraite ou de périodes assimilées déterminées par décret et qu'elles ne sont pas titulaires d'un autre avantage servi à quelque titre que ce soit par le régime d'assurance vieillesse des membres non salariés des professions agricoles. Toutefois, le bénéfice d'une retraite proportionnelle acquise à titre personnel et inférieure à un montant fixé par décret ne fait pas obstacle au versement de ladite majoration. Ce décret fixe le montant de la majoration en tenant compte des durées justifiées par l'intéressé au titre du présent article et du montant de la retraite proportionnelle éventuellement perçue. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 62 A.

(L'article 62 A est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'agriculture et de la pêche.

Budget annexe des prestations sociales agricoles

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, pour 1998 est en hausse de 0,6 % par rapport à 1997, année de quasi-stabilité. Je n'évoquerai pas les chiffres que vous retrouverez dans mon rapport, comme dans celui de Bernard Seillier. En revanche, la commission des finances a souhaité attirer l'attention de la Haute Assemblée sur un certain nombre de points.
En premier lieu, la commission des finances rappelle son attachement à l'existence d'un budget annexe pour les prestations sociales agricoles. Ce régime de protection sociale présente une double singularité : un financement entièrement budgétisé et un équilibre garanti par la solidarité nationale. Cette singularité doit être préservée.
De même, les caisses de mutualité sociale agricole doivent conserver leur autonomie, même si des améliorations sont souhaitables eu égard aux critiques formulées par la Cour des comptes.
Le contrôle des prestations et des cotisations, notamment, devrait être revu de manière à le renforcer. De même, les frais de gestion doivent être maîtrisés.
En second lieu, la commission des finances note que le BAPSA fait l'objet d'importantes réformes depuis quelques années.
L'année dernière, le gouvernement précédent avait mené à son terme l'ambitieuse réforme de l'assiette des cotisation sociales, de telle sorte que le financement de la protection sociale agricole est désormais assuré de manière rationnelle.
En 1998, le BAPSA sera marqué par deux décisions essentielles : le basculement des cotisations sociales sur la contribution sociale généralisée, d'une part, et la revalorisation des retraites agricoles d'un faible montant, d'autre part.
Je suis bien sûr conscient des problèmes d'articulation que pose l'examen concomitant par le Parlement du BAPSA et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et je souhaiterais, à cet égard, savoir ce que vous envisagez de faire, monsieur le ministre, pour mettre un terme à cette situation. Cependant, la réintégration des masses budgétaires en jeu dans le budget de l'Etat entraînerait la disparition du BAPSA.
Le Gouvernement a décidé de réduire de 4,75 points les cotisations d'assurance maladie en contrepartie d'une hausse de la CSG de 4,1 points. Les salariés du régime général bénéficient ainsi d'un gain de pouvoir d'achat de 1,1 %.
Or tel ne sera pas le cas pour les non-salariés agricoles. En effet, l'application d'une telle mesure aux agriculteurs se traduirait, du fait de l'hétérogénéité des assiettes applicables aux salariés du régime général et aux non-salariés agricoles, par une baisse de leur pouvoir d'achat. La cotisation AMEXA, assurance maladie, invalidité et maternité des exploitants agricoles, a donc été diminuée de 5,5 points.
Cependant, cette mesure ne respecte pas le principe de la parité de l'effort contributif entre les non-salariés agricoles et les salariés du régime général.
En effet, pour que le gain de pouvoir d'achat, à savoir 1,1 %, soit identique, la baisse des cotisations AMEXA aurait dû être de 6,5 % et non de 5,5 %.
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. En outre, les jeunes agriculteurs, les pluriactifs agriculteurs, à titre secondaire, ainsi que les veuves et veufs ou divorcés reprenant l'exploitation de l'ex-conjoint verront leur pouvoir d'achat diminuer, puisqu'ils bénéficiaient d'allégements de cotisations qui ne se reporteront pas dans la CSG substituée. Cette mesure suscite donc les réserves de la commission des finances.
En revanche, la revalorisation des petites retraites agricoles est bien accueillie par la commission. Je regrette cependant que le rapport de M. Daniel Garrigue sur les pensions de retraite n'ait pas été transmis à la Haute Assemblée.
En premier lieu, 700 00 retraités agricoles non imposables bénéficieront, en 1998, de la suppression de leur actuelle cotisation maladie de 2,8 % sur leur pension, mais seront également exonérés de CSG.
En second lieu, les plus faibles pensions seront revalorisées de 5 100 francs par an, pour une carrière entière. Cette mesure profitera à 275 000 petits retraités agricoles, et elle correspondra à un coût net de 680 millions de francs.
Elle sera financée, d'une part, par l'augmentation des dotations allouées aux prestations vieillesse, à concurrence de 680 millions de francs, et, d'autre part, par une réduction de 180 millions de francs des prestations maladie, résultant de la régularisation de la dotation globale hospitalière au titre de 1996.
Enfin, je terminerai en évoquant avec satisfaction le règlement de la question des contrats de retraite complémentaire facultative par capitalisation, que l'on a appelés « contrats COREVA », question qui s'était posée après l'annulation par le Conseil d'Etat du décret du 26 novembre 1990 relatif à ces contrats.
L'article 55 de la loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines du 18 novembre 1997 prévoit un nouveau système de retraite complémentaire des agriculteurs, qui prend la forme de contrats d'assurance de groupe dont les cotisations pourront être déduites du revenu imposable ; c'est une bonne chose.
Mes chers collègues, la commission des finances, pour ces différentes raisons, vous propose d'adopter, en l'état, le projet de BAPSA pour 1998. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.) M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bernard Seillier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les grandes lignes du projet de budget annexe des prestations sociales agricoles pour 1998. Elle viennent de nous être clairement présentées par M. le rapporteur spécial.
Je voudrais surtout évoquer ici les débats que ce projet de budget annexe a suscités au sein de la commission des affaires sociales.
En effet, la portée du BAPSA pour 1998 est difficile à appréhender en première analyse, car, étant arrêté antérieurement au dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce budget ne tient pas compte du basculement de la majeure partie des cotisations maladie vers la contribution sociale généralisée ou de la mise sous condition de ressources des allocations familiales.
Par ailleurs, le Gouvernement a présenté tardivement, lors de l'examen du BAPSA par l'Assemblé nationale, une mesure de revalorisation des petites retraites, mesure revendiquée à juste titre par le monde agricole, et qui constitue une avancée significative pour des personnes - souvent des femmes d'agriculteurs - les pensions sont inférieures au revenu minimum d'insertion.
En première lieu, le projet de BAPSA pour 1998 appelle, de la part de la commission, un certain nombre de critiques.
Ces critiques sont liées aux mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mesures qui rendront nécessaires, lorsque la procédure d'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale sera achevée, des ajustements substantiels.
Outre l'aspect problématique du vote du Parlement sur des montants qui devront être largement révisés ultérieurement, on ne peut qu'être très réservé sur les effets du transfert des cotisations maladie vers la CSG.
D'abord, il faut être prudent sur les chiffres transmis par le Gouvernement et les gains de pouvoir d'achat attendus, qui ne tiennent pas compte des prélèvements sur l'épargne et le patrimoine, comme l'a bien montré la discussion, au Sénat, du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Ensuite, il convient de souligner qu'un nombre très important d'agriculteurs, qui bénéficiaient d'un allégement de cotisations sociales, vont perdre cet avantage différentiel tout en devenant redevables de la CSG : il s'agit, en particulier, des jeunes agriculteurs - 30 000 personnes environ - des pluriactifs, des préretraités - 25 000 personnes - des veuves ayant acquis l'exploitation de leur ex-conjoint, des retraités agricoles qui bénéficient de prestations maladie d'une autre régime, des conjoints retraités qui bénéficient de la seule retraite forfaitaire, des retraités titulaires de majoration de pension pour enfants. Cette question a été longement évoquée à l'Assemblée nationale sans réponse satisfaisante.
Enfin, pour respecter le principe de parité et permettre aux exploitants agricoles de bénéficier du même gain de pouvoir d'achat que les salariés du régime général - plus 1,1 % - la baisse des cotisations maladie aurait dû être, selon les organisations professionnelles, de 6,5 points et non pas de 5,5 points. Il convient donc, à notre avis, de revaloriser l'effort particulier opéré en faveur du monde agricole.
S'agissant de la mise sous condition de ressources des allocations familiales, vous savez que la commission des affaires sociales a fait de son rejet une position de principe, estimant que les conséquences directes et indirectes de cette mesure sur notre système de protection sociale sont inacceptables.
Il convient de préciser que cette mesure, telle qu'elle est prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, concernera environ 11 000 familles d'exploitants agricoles et entraînera une diminution du montant des prestations d'environ 70 millions de francs.
En second lieu, les mesures positives du BAPSA, qui concernent notamment la revalorisation des petites retraites agricoles mais également deux dossiers aux enjeux essentiels pour la protection sociale agricole, ne sont pas exemptes d'interrogations.
En ce qui concerne la revalorisation des petites retraites agricoles, vous ne nous avez pas caché, lors de votre audition devant notre commission, monsieur le ministre, toute l'importance que vous attachiez à cette question. Nous ne pouvons que nous réjouir du fait que vous ayez pu, dans des délais rapides, mener à bien ce dossier.
Toutefois, la commission des affaires sociales aurait évidemment préféré que cette mesure figure dès l'origine dans le projet du BAPSA et n'apparaisse pas à la dernière minute, sans pouvoir être retracée dans le document budgétaire soumis à l'examen de la représentation nationale, altérant ainsi, sans que cela soit recherché, la sincérité des comptes.
Ensuite, je relève que l'amélioration des retraites agricoles a été une préoccupation constante des gouvernements qui se sont succédé depuis plusieurs années. La mesure annoncée récemment ne doit donc pas faire oublier, en particulier, la revalorisation intervenue dans le cadre des lois de finances depuis 1994 jusqu'à 1997 en faveur des plus petites retraites.
Enfin, le coût de la mesure annoncée par vous-même, monsieur le ministre, soit 700 millions de francs, est couvert en partie seulement par la majoration des crédits de la subvention d'équilibre de 500 millions de francs. Il est donc permis de s'interroger - cela a déjà été fait - sur les ajustements qui seront rendus nécessaires ; il serait en effet regrettable que ceux-ci s'opèrent au détriment de la couverture maladie des exploitants agricoles.
S'agissant de votre action à la tête du ministère de l'agriculture, monsieur le ministre, la commission des affaires sociales tient à souligner les initiatives que vous avez prises à la suite du rapport de la Cour des comptes de 1996, qui a fait apparaître de graves irrégularités dans la gestion de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole.
Notre commission se félicite de ces initiatives, qui étaient nécessaires afin d'éviter que les irrégularités de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole ne jettent le discrédit sur l'ensemble des caisses de la MSA, leurs administrateurs et leurs cadres, qui gèrent avec beaucoup de dévouement et de compétence ce régime spécifique de sécurité sociale.
Enfin, nous avons suivi avec beaucoup d'attention les propositions visant à régler le contentieux concernant les contrats dits COREVA. Le décret fixant leur régime a, en effet, été partiellement annulé par le Conseil d'Etat en 1996, ce qui a suscité une vive inquiétude chez les 110 000 souscripteurs de ce système de retraite complémentaire.
Au total, au vu de l'ensemble des dossiers, compte tenu, d'un côté, de l'impact sur le BAPSA de dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale qui suscitent des observations critiques de la part de la commission, mais compte tenu aussi, de l'autre côté, des mesures contenues dans le BAPSA pour 1998 lui-même, la commission des affaires sociales s'on remet à la sagesse du Sénat sur les crédits du BAPSA pour 1998. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 6 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne méconnais pas l'importance des soubresauts divers intervenus à la MSA et dans quelques autres organismes financiers liés aux retraites agricoles et à la couverture sociale.
Toutefois, ce soir, je centrerai mon intervention sur ce qui me paraît être l'essentiel, à savoir les problèmes posés par les retraites des exploitants agricoles, notamment les plus faibles d'entre elles.
Tout à l'heure, nous examinerons d'ailleurs l'amendement que j'ai déposé à ce sujet et qui tend à une revalorisation de ces retraites à hauteur de 75 % du SMIC brut dans un délai maximal de trois ans.
Il est effet insupportable que de nombreux retraités agricoles, ou leur conjoint, disposent de pensions d'un montant souvent inférieur au RMI.
Les anciens exploitants agricoles, qui ont travaillé dans des conditions difficiles, le plus souvent dès l'âge de quatorze ou quinze ans et dans bien des cas au-delà de soixante ans, voire de soixante-cinq, bénéficient en général de pensions de retraite d'un montant inférieur à celui des autres catégories de salariés.
Quant aux femmes, leur situation est encore souvent plus mauvaise, alors elles ont presque toujours joué un rôle essentiel dans l'exploitation agricole.
Mme Hélène Luc. Ça, c'est vrai !
M. Louis Minetti. Toutes celles qui dépendent de la mutualité sociale agricole au titre de conjoint ont bien souvent à peine 1 500 francs par mois.
Cette situation est d'autant plus intolérable qu'en amont et en aval de l'agriculture certaines firmes agro-alimentaires et certains organismes financiers, profitant, par un système de vases communiquants, des fruits de tout ce travail, sont devenus des fleurons de la finance internationale.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, l'annonce par vous-même et par M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en octobre dernier, d'un crédit supplémentaire de 500 millions de francs pour permettre une amélioration de la situation est un premier pas intéressant, dont je me félicite. Cela montre que les pressions que, depuis des mois, nous sommes un certain nombre à exercer ont servi à quelque chose.
Je prends également en compte les exonérations sur la CSG.
Mais dans les faits, la revalorisation annoncée ne correspond qu'à une hausse moyenne d'environ 500 francs par mois et par pension. Ce n'est certes pas négligeable, mais on est encore loin du compte. Sachant que de nombreuses pensions n'excèdent pas 1 500 francs, on ne saurait se contenter d'une telle augmentation.
D'où, encore une fois, notre amendement, qui vise à ce que le niveau des retraites soit porté à 75 % du SMIC, qui n'est d'ailleurs pas la seule référence possible.
Nous proposons parallèlement que le Gouvernement soumette, à l'issue de ces trois années, un rapport analysant l'état d'avancement de la question.
Un tel objectif nécessite une volonté politique - mais vous l'avez manifestée, monsieur le ministre - d'engager des négociations entre les pouvoirs publics, les organisations syndicales et les associations de retraités ainsi que les organismes bancaires et agro-alimentaires en amont et en aval de la profession.
Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, j'avais déposé un amendement tendant à augmenter les ressources financières à cet effet. Il s'agissait de la taxation des bénéfices des entreprises agro-alimentaires d'amont et d'aval et des entreprises financières. Cette proposition demeure, même si son adoption a été reportée. J'ai d'ailleurs eu le plaisir d'entendre M. le secrétaire d'Etat au budget me dire qu'elle était intéressante et qu'il allait y réfléchir, peut-être pour l'inclure dans le prochain projet de loi de finances rectificative. Nous verrons bien !
J'espère que le Gouvernement saura écouter tous ces exploitants agricoles, répondre à leurs attentes, eux qui sont un élément essentiel de notre société, et favoriser ainsi indirectement le renouvellement et l'avenir de ce secteur fondamental pour notre pays. Mais j'ai confiance, car je crois, monsieur le ministre, que vous écoutez beaucoup ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Arzel.
M. Alphonse Arzel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de BAPSA que nous examinons aujourd'hui a été arrêté antérieurement au dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. En conséquence, il ne tient pas compte de certaines mesures ayant des effets directs sur son équilibre financier telles que le basculement de la majeure partie des cotisations d'assurance maladie vers la contribution sociale généralisée ou bien encore la mise sous condition de ressources des allocations familiales.
Or l'appréciation que l'on peut porter sur le volet social de la politique agricole doit désormais prendre en compte, non seulement le projet de loi de finances, mais également le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
S'agissant particulièrement des prestations familiales, ce poste de dépenses continue de baisser fortement, accusant une diminution de 6,5 % par rapport à 1997, en raison, il faut le préciser, de la décroissance rapide du nombre de bénéficiaires.
Ces dépenses ne tiennent pas compte de la mise sous condition de ressources des allocations familiales souhaitées par le Gouvernement. Cette mesure devrait concerner près de 11 000 familles d'exploitants agricoles et entraîner ainsi une diminution des dépenses d'environ 510 millions de francs pour le BAPSA.
S'agissant du basculement des cotisations de l'AMEXA sur la CSG, figurant dans le projet de BAPSA pour 1998, il n'intègre pas le nouveau transfert prévu pour 1998 par le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette absence de cohérence est d'autant plus critiquable que les modalités d'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ont été conçues pour permettre une coordination. Le Gouvernement a fixé à 5,5 points le taux de la baisse des cotisations d'assurance maladie pour les exploitants agricoles en activité. Si ce taux assure la neutralité du basculement des cotisations de l'AMEXA sur la CSG, il ne respecte pas le principe de la parité de traitement avec les salariés du régime général, ce qui pourtant avait été l'élément essentiel de la réforme des cotisations sociales agricoles.
Contrairement à ce que vous avez prétendu, monsieur le ministre, le basculement des cotisations sociales vers la CSG s'effectue dans des conditions défavorables aux exploitants agricoles.
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avions indiqué qu'il convenait d'être très prudent sur les chiffres transmis par le Gouvernement et sur les gains de pouvoir d'achat attendus, qui ne tenaient pas compte des prélèvements sur l'épargne et le patrimoine. Par ailleurs, nous avions souligné qu'un certain nombre d'agriculteurs bénéficiant d'un allégement de cotisations sociales, notamment les jeunes, allaient perdre cet avantage différentiel tout en devenant redevables de la CSG.
C'est donc à juste titre que les organisations professionnelles voient dans le choix du Gouvernement un grave manquement à l'esprit de la réforme.
Je voudrais donc rappeler l'action essentielle du Sénat, lors de l'examen, le 13 novembre dernier, du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en faveur non seulement des préretraités de l'agriculture, mais également des jeunes agriculteurs.
La majorité sénatoriale, à cette occasion, a tenu à mettre en lumière le manque de réflexion et de concertation qui a présidé au basculement des cotisations maladie vers la CSG. Elle a rappelé que 25 000 préretraités agricoles étaient exonérés de cotisations sociales maladie et que, pour ceux d'entre eux - un tiers environ - qui étaient imposables, le basculement posait le problème du respect des engagements de l'Etat. En effet, ces agriculteurs sont partis en préretraite en abandonnant leur exploitation à des jeunes, et ce en contrepartie de leur exonération de cotisations sociales. Le basculement vient alors annuler l'aider promise. C'est donc dans un souci d'équité que la majorité sénatoriale a supprimé l'article 3 du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Par ailleurs, pour ce qui concerne les jeunes agriculteurs qui s'installent aujourd'hui, ils bénéficient d'abattements dégressifs sur les cotisations maladie. La majorité sénatoriale a donc proposé de réduire, dans les mêmes proportions, l'assiette de la future CSG majorée, faute de quoi ces jeunes agriculteurs verront leur prélèvement augmenter massivement.
Pour respecter le principe de parité, et donc permettre aux exploitants agricoles de bénéficier du même gain de pouvoir d'achat que les salariés du régime général, la baisse de cotisations d'assurance maladie aurait dû être de 6,5 points, et non pas de 5,5 points.
En nouvelle lecture, le 25 novembre dernier, l'Assemblée nationale n'a pas souhaité retenir l'amendement voté par le Sénat en faveur des jeunes agriculteurs et a rétabli, en outre, l'article portant sur la majoration des taux de CSG. C'est notamment pour ces deux raisons, et égalemet du fait du nombre important de familles concernées par la mise sous condition de ressources des allocations familiales - environ 11 000 familles d'exploitants agricoles, je le répète - que le groupe de l'Union centriste ne pourra pas, dans sa globalité, donner son aval au projet de BAPSA pour 1998, puisque mes collègues de la commission des affaires sociales s'abstiendront.
Le projet de BAPSA subit le contrecoup des mesures prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui sont, à nos yeux, inacceptables et que nous avons suffisamment décriées, le 13 novembre dernier, au Sénat.
Le problème de l'intégration du BAPSA au sein de la loi de financement de la sécurité sociale, pour ce qui est de la présentation des comptes, est posé ; le ministre de l'agriculture a-t-il encore un droit de regard sur les crédits du BAPSA ?
Pour conclure, je voudrais évoquer le problème de la revalorisation des retraites agricoles. Avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, lors du débat pré-budgétaire du 5 novembre dernier, nous nous sommes félicités de la mesure exceptionnelle de revalorisation des petites retraites. Il s'agit là d'une amélioration très significative pour les anciens aides familiaux, les conjoints d'exploitants et ceux d'entre eux qui ont accompli une carrière mixte. Nous ne pouvons que souhaiter que l'effort du Gouvernement continue dans cette voie.
Je voudrais toutefois faire remarquer que les gouvernements précédents avaient également accompli des efforts significatifs dans le domaine des retraites agricoles, il ne faut pas l'oublier.
Je ne peux terminer mon propos sans évoquer le constat très critique fait par la Cour des comptes à l'égard de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, qui ne peut qu'altérer l'image même de la mutualité sociale agricole.
Avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous exprimons le souhait que la Caisse centrale soit désormais gérée dans la plus grande transparence et avec la plus grande rigueur, afin que ne puissent se reproduire de telles irrégularités. Nous tenons, monsieur le ministre, à saluer votre intervention, car vous avez su prendre rapidement les décisions énergiques qui s'imposaient devant une telle situation. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roujas.
M. Gérard Roujas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si je devais résumer en quelques mots le projet de budget annexe des prestations sociales agricoles pour 1998, je dirais qu'il est marqué du sceau de la solidarité pour l'assurance maladie et l'assurance vieillesse des non-salariés du régime agricole.
Sachant qu'en 1996 le rapport entre actifs et retraités était d'un cotisant pour 4 bénéficiaires en ce qui concerne l'assurance maladie, et d'un cotisant pour 2,2 bénéficiaires, en ce qui concerne l'assurance vieillesse, nous comprenons combien doit jouer la solidarité interprofessionnelle et la solidarité nationale.
En 1998, sur un montant prévu de recettes, hors restitution de TVA, de 87,68 milliards de francs, la part issue de cette solidarité s'élève à 71,4 milliards de francs, soit près de 81,5 % des recettes globales.
Les cotisations professionnelles proprement dites ne représentent, quant à elles, que 18,5 % de ces mêmes recettes.
Je crois bon de préciser également que la subvention du budget de l'Etat atteindra, en 1998, la somme de 7,8 milliards de francs, contre 7,2 milliards de francs en 1997.
Dans un contexte budgétaire difficile, vous avez souhaité, monsieur le ministre, et le Gouvernement avec vous, aller plus loin dans cette solidarité en faveur de celles et de ceux qui, dans le monde agricole, ayant travaillé dur, perçoivent des retraites que chacun d'entre nous juge notoirement insuffisantes.
Ainsi, 13 000 aides familiaux retraités et quelque 170 000 conjoints retraités verront leur retraite portée à 23 747 francs par an, alors que, sans votre intervention dans le cadre de ce budget, ils n'auraient perçu que 18 647 francs par an !
Il en est de même pour les 100 000 retraités ayant été successivement aides familiaux ou conjoints et chefs d'exploitation, qui verront leur retraite passer de 22 017 francs à 25 697 francs par an.
On pourra toujours vous rétorquer, monsieur le ministre, que les retraites seront encore trop faibles ; il n'en reste pas moins vrai qu'il s'agit là d'un effort important, marquant la volonté du Gouvernement de s'attaquer au difficile problème des retraites agricoles.
Cet effort n'est, d'ailleurs, qu'une première étape puisque, vous l'avez rappelé à diverses reprises, l'année 1998 sera marquée par l'élaboration d'un plan sur les retraites agricoles.
Certains ont évoqué - c'est le cas de notre collègue Philippe Madrelle - une retraite à 75 % du SMIC pour les retraitées agricoles conjointes d'exploitants.
Il s'agit là d'une proposition intéressante, et cet objectif pourrait être atteint au cours de la présente législature.
La solidarité, nous la retrouvons également dans le transfert de la cotisation d'assurance maladie vers la CSG, qui permettra à quelque 700 000 petits retraités agricoles non imposables au titre de l'impôt sur le revenu, principalement des anciens chefs d'exploitation, de bénéficier d'un pouvoir d'achat supplémentaire, puisque la cotisation maladie de 2,8 %, qui est appliquée actuellement à leur pension de vieillesse, disparaîtra et qu'ils ne seront pas assujettis à la CSG.
Le gain de pouvoir d'achat sera également sensible - environ 5 % en moyenne - pour près de 200 000 exploitants dont les revenus sont particulièrement faibles.
Soyez assuré, monsieur le ministre, que les bénéficiaires de ces mesures sauront les apprécier à leur juste valeur, puisque la majoration de leur retraite sera de l'ordre de 500 francs par mois en moyenne : 425 francs d'augmentation de la retraite et 75 francs en raison du transfert de la cotisation d'assurance maladie vers la CSG.
La philosophie qui sous-tend ces décisions est, nous le voyons bien, en rupture avec la philosophie dominante de ces dernières années.
Ce budget de solidarité a été élaboré avec la volonté manifeste de préserver et d'améliorer, chaque fois que possible, le régime de protection sociale des agriculteurs. Sachez, monsieur le ministre, que, pour le mettre en oeuvre, vous pouvez compter sur le soutien des sénateurs socialistes. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, en cette fin d'année 1997, votre budget est examiné dans un contexte un peu spécial, celui, en particulier, des nouvelles mesures de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances ; mais cela ne saurait aller, comme il fut déclaré à l'Assemblée nationale, jusqu'à rendre contestable l'existence même du BAPSA. Il n'en demeure pas moins que l'articulation entre les deux n'est pas évidente, avouez-le.
En l'état, le BAPSA pour 1998, pour imparfait qu'il soit - mais quel budget est parfait ? - n'en revêt pas moins des aspects positifs. Ainsi, le bouclage financier est assuré et la solidarité nationale est affirmée ; c'est, précisément, l'autonomie du BAPSA.
Ce budget est en légère hausse, ce qui a permis au rapporteur de la commission des affaires sociales de parler de « budget de stabilité ». Il enregistre la progression des mesures prises en faveur de veuves depuis 1995, en même temps que la revalorisation des petites retraites décidée en 1996.
Mais ce projet de BAPSA prévoit surtout, par un apport supplémentaire, un relèvement des pensions en direction de trois catégories de bénéficiaires, à savoir les aides familiaux, les conjoints d'exploitant et les veuves, sur lesquelles notre attention a toujours été appelée.
Certes, nous sommes encore loin d'une équité entre le régime général et le régime agricole, et la solidarité nationale devra se manifester plus fortement encore.
Votre attachement à cette situation, monsieur le ministre, est, je crois, bien connu. Vous vous êtes engagé à aller plus loin dans les années à venir, à prolonger l'effort réalisé cette année. Nous y serons attentifs.
Par ailleurs, se poursuit heureusement le nécessaire financement de l'étalement des prises en charge partielles de cotisations pour les exploitants en difficulté.
Pour ce qui concerne le gain de pouvoir d'achat, espéré pour certains, du transfert des cotisations maladie sur la CSG, les chiffres que vous avez avancés, monsieur le ministre, ont ici ou là été contestés. Je veux bien, pour l'heure, partager votre analyse selon laquelle les bénéficiaires seraient à peu près au nombre de 200 000, agriculteurs, salariés et retraités non imposables.
Puis-je appeler en cet instant votre attention sur un point particulier ? Le projet de BAPSA pour 1998 prévoit une décélération du secteur médicosocial, pour les soins à domicile notamment. Nul n'ignore cependant que ce type de soins est un élément important d'une politique sociale voulue par les uns et les autres depuis des années. Or, de ce strict point de vue, il y a une distorsion entre le sort réservé, en matière de fonctionnement, aux centres de soins infirmiers des caisses de mutualité sociale agricole et aux centres du régime général.
Aux fins d'établissement d'une parité, une proposition de loi a été déposée, cosignée par une soixantaine d'entre nous. Certes, l'initiative de la venue en discussion d'une proposition de loi n'est pas de votre responsabilité directe, monsieur le ministre, mais j'espère que, si le sujet est un jour abordé - je le souhaite, et mon souhait ne date pas d'aujourd'hui - il trouvera un écho favorable auprès du Gouvernement.
Pour l'heure, l'avis de sagesse proposé par M. Seillier, l'excellent rapporteur de la commission des affaires sociales - à laquelle j'appartiens - sera pour moi un avis favorable. (Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget des prestations sociales agricoles s'élève à 87,7 milliards de francs.
Les retraites constituent le principal poste de dépenses. Elles progressent de 2,2 %, malgré la diminution du nombre des retraités, mais il convient d'ajouter à ce pourcentage la revalorisation des retraites modestes qui profitera aux conjoints ayant travaillé sur les exploitations, aux anciens aides familiaux et aux anciens chefs d'exploitation à carrière courte, dès lors que ces retraités ont consacré la totalité ou l'essentiel de leur carrière à l'agriculture.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Michel Moreigne. Cette majoration, pour 37,5 années de carrière, sera de 5 100 francs par an et son montant sera dégressif pour une carrière comprise entre 37,5 et 32,5 années d'activité.
Le nombre de bénéficiaires sera d'environ 275 000 petits retraités agricoles, 168 000 conjoints ayant participé à une exploitation, 13 000 anciens aides familiaux et 94 000 retraités ayant eu une carrière mixte en tant que conjoints ou aides familiaux, d'une part, et chefs d'exploitation pendant une brève période, d'autre part.
Le coût global de la mesure représente 1 milliard de francs dans le projet de budget pour 1998 et les dépenses supplémentaires s'élèveront à environ 700 millions de francs.
En outre, 700 000 retraités agricoles non imposables bénéficieront dès 1998 de la suppression de leur actuelle cotisation maladie de 2,8 % sur leur pension, sans devoir en contrepartie acquitter la CSG. Le coût de cette mesure est estimé à 500 millions de francs.
Cette revalorisation était nécessaire, monsieur le ministre, mais pouvez-vous nous préciser si un calendrier de revalorisation des retraites agricoles jusqu'à un minimum représentant 75 % du SMIC figure dans vos objectifs ? Je n'en doute point.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez résolu le problème du régime COREVA, qui concerne près de 110 000 agriculteurs. La réforme de ce système de retraite facultatif par capitalisation est intervenu à la suite d'une décision du Conseil d'Etat, grâce à l'insertion d'un article additionnel dans le projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines.
Le système mis en place respectera les droits acquis. Les agriculteurs pourront dorénavant souscrire auprès de l'assureur de leur choix, en bénéficiant des mêmes déductions fiscales et sociales.
Les dépenses d'assurance maladie sont cohérentes avec les objectifs nationaux qui sous-tendent le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je note par ailleurs l'apparition d'un nouveau chapitre, doté de 100 millions de francs : « contribution à la modernisation de l'assurance maladie ».
Si les dépenses au titre des prestations familiales diminuent fortement, certaines dispositions - telle la majoration de l'allocation de rentrée scolaire - n'apparaissent pas dans le BAPSA.
Enfin, comme l'an dernier, 110 millions de francs sont prévus pour financer les étalements et prises en charge de cotisations en faveur des exploitants en difficulté. En ce qui concerne les recettes, les cotisations professionnelles progressent globalement de 2,3 % par rapport à celles qui figurent au décret de financement de 1997.
Le basculement des cotisations maladie sur la CSG apparaît pour 1998 : l'augmentation de 4,1 % de la CSG des actifs sera compensée par une diminution de 5,5 % de la cotisation maladie. Je ne polémiquerai pas sur ces différents pourcentages, qui semblent quelque peu diviser les sénateurs. Quoi qu'il en soit, il serait équitable que, sur ce point, les agriculteurs bénéficient du même gain de pouvoir d'achat que les salariés, ne serait-ce qu'au nom de la parité.
Monsieur le ministre, je constate les progrès accomplis par cette nouvelle étape dans la revalorisation des petites retraites ainsi que le progrès que constitue la remise en ordre de la Caisse centrale de mutualité sociale agricole, sans oublier la solution que vous avez apportée au problème du régime COREVA.
Pour ces différentes raisons, le groupe socialiste vous apportera son soutien en votant le projet de BAPSA pour 1998. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Avant de donner la parole à M. le ministre, je souhaite rappeler que, ce matin, la conférence des présidents a considéré que, étant donné les délais qui nous sont imposés pour la discussion budgétaire, une certaine concision devait être de mise.
Une quinzaine de minutes ont ainsi été prévues, monsieur le ministre, pour vous permettre de répondre aux différents orateurs. Naturellement, le Gouvernement dispose du temps qu'il souhaite, mais je crois qu'il est important, pour l'équilibre de nos débats, que nous nous en tenions aux engagements pris lors de la conférence des présidents.
Mme Hélène Luc. Vous avez le temps,... mais ! (Sourires.)
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je confirme vos propos, monsieur le président, tout en soulignant qu'il ne s'agit pas d'une décision prise de manière arbitraire par la conférence des présidents : M. le ministre chargé des relations avec le Parlement nous a donné son accord pour que les délais soient respectés, afin que nous puissions, dans les vingt jours qui sont impartis au Sénat, examiner le projet de loi de finances.
M. le président. Je suis sûr que nous aurons été entendus !
La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, j'ai bien entendu l'appel à la concision que vous-même et le président de la commission des finances venez de lancer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier vos rapporteurs, MM. Bourdin et Seillier, ainsi que les différents intervenants de la qualité de la discussion.
Plutôt que de détailler les chiffres, je voudrais mettre en évidence les points clefs de ce projet de BAPSA et répondre aux questions que vous m'avez posées et qui portent sur des sujets essentiels pour les agriculteurs, actifs et retraités.
Le BAPSA devrait s'élever, en 1998, hors restitutions de TVA, à 88,2 milliards de francs, soit une progression de 1,1 %.
Les prestations de vieillesse s'élèveront, après l'amendement adopté par l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement pour revaloriser les faibles retraites, à 49 milliards de francs. Elles constituent le principal poste de dépenses du BAPSA.
Les retraites proprement dites progresseront de près de 4 % par rapport à celles qui étaient prévues dans le BAPSA de 1997.
Cette augmentation s'explique, pour 300 millions de francs, par la deuxième étape du dispositif prévu en faveur des retraites agricoles par la loi de finances pour 1997. Elle s'explique surtout par la mesure décidée par le Gouvernement de relever en 1998 les faibles retraites agricoles.
Vos rapporteurs, comme tous les intervenants, ont exprimé leurs préoccupations au sujet du niveau des pensions servies à beaucoup d'anciens agriculteurs ou agricultrices.
C'est un sujet sur lequel j'avais été, comme vous, fortement sensibilisé dès avant ma nomination au ministère de l'agriculture et de la pêche.
J'ai donc fait procéder à un état des lieux qui a révélé que certaines catégories de retraités n'avaient pas été prises en compte dans les mesures antérieures et percevaient des retraites d'un niveau très faible.
La majoration que j'ai prévue profitera donc aux conjoints ayant travaillé sur les exploitations et aux anciens aides familiaux, comme à ceux de ces retraités qui ont été chef d'exploitation pendant une courte période.
Cette majoration sera, pour une carrière pleine, de 5 100 francs par an. Ainsi, un retraité ayant travaillé trente-sept années et demie en qualité de conjoint participant à l'exploitation, qui perçoit, cette année, 18 150 francs, verra, en 1998, grâce à cette mesure, sa pension portée à 23 750 francs, soit une majoration de 30 %.
Au total, 275 000 petits retraités agricoles, dont 168 000 conjoints, bénéficieront ainsi d'un relèvement de leur pension.
Le coût de cette mesure est de 1 milliard de francs en année pleine. Elle entraînera, en 1998, des dépenses supplémentaires de 760 millions de francs, ce qui, compte tenu des économies mécaniques sur le fonds de solidarité vieillesse, correspondra à un coût net de 680 millions de francs. Celui-ci sera couvert par une économie de 180 millions dont bénéficiera le BAPSA sur la dotation globale hospitalière au titre d'une année précédente et par une augmentation de 500 millions de francs de la subvention du budget de l'Etat.
Par ailleurs, la substitution de la CSG aux cotisations maladie que prévoit la loi de financement de la sécurité sociale entraînera, en 1998, la suppression pure et simple des cotisations maladie, sans contrepartie de CSG, pour les retraités agricoles non imposables. Ainsi, 700 000 petits retraités agricoles bénéficieront, en 1998, de la suppression de leur cotisation maladie de 2,8 % et, de ce fait, d'un gain de pouvoir d'achat de 500 millions de francs.
C'est donc, au total, avec la majoration des petites retraites, un effort supplémentaire de 1,5 milliard de francs que je retiens en faveur des retraités agricoles. Je remercie vos rapporteurs et l'ensemble des intervenants, particulièrement MM. Mouly, Roujas et Moreigne, d'avoir souligné le caractère significatif de cet effort et, à ce titre, l'aspect positif de ce projet de BAPSA.
Vous avez été également unanimes à souhaiter que l'effort que nous accomplirons en 1998 soit poursuivi au cours des années ultérieures.
A cet égard, il me paraît difficile de se fixer dès maintenant, comme le propose M. Minetti, un objectif chiffré à terme de trois ans, ne serait-ce que parce que nous ne connaissons pas les contraintes que supporteront les finances publiques et les comptes sociaux d'ici là.
Plus généralement, en réponse aux préoccupations que vous avez exprimées, je souligne que la majoration décidée pour 1998 constitue une première étape dans le relèvement des retraites agricoles. L'effort sera poursuivi. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Nous le ferons, comme cette année, avec le souci de traiter les cas qui n'ont pu être réglés auparavant, et d'améliorer en priorité la situation des titulaires des pensions les plus modestes.
Par ailleurs, votre rapporteur spécial, M. Bourdin, a fait part de ses préoccupations concernant la retraite complémentaire des agriculteurs, à la suite de l'annulation par le Conseil d'Etat du décret qui créait le régime COREVA.
Les dispositions que le Parlement a adoptées en votant la loi du 18 novembre 1997 d'orientation sur la pêche permettront aux exploitants agricoles de continuer de s'assurer une retraite complémentaire dans des conditions dorénavant conformes aux règles prévues en la matière par l'Union européenne.
Les textes d'application de ces dispositions législatives seront publiés dans les tout prochains jours. Ainsi, les droits que se sont constitués les 110 000 agriculteurs ayant adhéré au régime COREVA seront intégralement préservés dans le nouveau dispositif : les adhérents à ce régime pourront continuer de s'assurer, à partir du 1er janvier 1998 et sans interruption, des droits à retraite complémentaire avec la déductibilité fiscale et sociale de leurs cotisations.
Les dépenses d'assurance maladie, maternité et invalidité sont évaluées, pour 1998, à près de 33,8 milliards de francs, ce qui représente approximativement le même montant que celui qui était prévu dans le BAPSA de 1997, compte tenu de l'application des mesures générales de régulation des dépenses de santé.
S'agissant des crédits pour l'assurance veuvage, je confirme à M. Mouly que la légère diminution des crédits constitue, comme il le pense, un simple ajustement à l'évolution des dépenses constatées.
Les dépenses de prestations familiales, évaluées à 4,1 milliards de francs, diminuent en raison de la baisse du nombre des bénéficiaires.
Je tiens à cet égard à rassurer M. Arzel et à lui préciser que la mise sous condition de ressources des allocations familiales diminuera en 1998 cette catégorie de dépenses du BAPSA de 70 millions de francs seulement et non de 510 millions de francs, comme il a pu le dire.
M. Alain Vasselle. Ce sont 70 millions de francs de diminution de trop !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Enfin des crédits de 110 millions de francs sont prévus, comme en 1997, pour financer les étalements et les prises en charge partielles de cotisations pour les exploitants en difficulté.
J'en viens maintenant au financement du BAPSA, tout d'abord, aux contributions professionnelles, cotisations et CSG, puis aux ressources provenant de la solidarité interprofessionnelle et de la solidarité nationale.
Des modifications importantes affectent les contributions professionnelles figurant dans ce projet de BAPSA à la suite du transfert d'une partie des cotisations maladie sur la CSG que prévoit la loi de financement de la sécurité sociale.
Il faut distinguer les cotisations et la CSG.
Les cotisations des agriculteurs sont, depuis 1996, calculées intégralement sur leurs revenus professionnels. Elles évoluent donc comme ceux-ci.
Les cotisations qui ne sont pas concernées par le transfert sur la CSG, c'est-à-dire des cotisations prestations familiales, vieillesse et des cotisations maladie qui subsistent, progressent d'environ 2 % par rapport à celles qui sont effectivement attendues en 1997, compte tenu du niveau des revenus agricoles en 1995 et en 1996.
A côté des cotisations, la CSG représentera dorénavant une part de plus en plus importante du financement de notre protection sociale.
A cet égard, la majoration, en 1998, de la CSG destinée au financement de l'assurance maladie aura des conséquences différentes pour les exploitants en activité et pour les retraités agricoles.
Pour les premiers - les exploitants en activité - la CSG sera majorée, comme pour les actifs des autres catégories sociales, de 4,1 points en 1998.
En contrepartie, le taux de leurs cotisations maladie sera diminué de 5,5 points. Cette baisse prend ainsi en compte les caractéristiques propres de l'assiette de la CSG pour les agriculteurs, ce qui - je le signale à M. Arzel - n'avait pas été le cas lors du transfert réalisé l'an dernier.
Le tiers des exploitants ayant les plus faibles revenus - inférieurs à 30 000 francs par an - bénéficieront d'un gain de pouvoir d'achat de 5 % en moyenne. Pour la plupart des autres agriculteurs, la substitution de la CSG aux cotisations sera neutre.
Globalement, cette opération entraînera pour les agriculteurs actifs un gain de pouvoir d'achat de 140 millions de francs.
J'ai cependant bien noté l'observation de MM. Seillier et Mouly sur l'effet de ce transfert pour un certain nombre de jeunes agriculteurs, et j'examinerai si nous pourrons en tenir compte dans le calcul des cotisations.
A propos de ce transfert, les rapporteurs et M. Arzel ont remarqué que, pour les exploitants agricoles en activité, la diminution des cotisations maladie aurait dû être non de 5,5 % mais de 6,5 % pour leur assurer le même gain de pouvoir d'achat qu'aux salariés.
Je leur répondrai, tout d'abord, que, sur les bases prévues, l'opération entraînera globalement, en 1998, pour les agriculteurs actifs et retraités, un gain important de pouvoir d'achat de 660 millions de francs et que celui-ci bénéficiera aux plus modestes d'entre eux, qu'il s'agisse des actifs et des retraités. Je ne crois pas que ce soit le grave manquement que signalait tout à l'heure M. Arzel...
Ensuite, la disparité de traitement qui pourrait ainsi exister par rapport aux salariés devra être examinée lors de la préparation de l'assurance maladie universelle, réforme qui implique l'harmonisation des efforts contributifs des différentes catégories sociales.
Les financements provenant de la solidarité interprofessionnelle et de la solidarité nationale s'élèvent à 71,4 milliards de francs et concernent tout d'abord les transferts de compensation démographique pour un montant de 32,5 milliards, en progression d'environ 1 % par rapport à ceux qui étaient prévus au BAPSA de 1997 ; ensuite, les recettes de taxes, principalement celles de TVA, pour un montant de 26,1 milliards de francs, compte tenu de la révision à la baisse des recettes attendues en 1997 par rapport aux évaluations initiales ; enfin, les remboursements des fonds de solidarité vieillesse et invalidité pour un montant de 3,4 milliards de francs.
Au total, la subvention du budget de l'Etat s'élèvera, après l'abondement de 500 millions de francs prévu pour financer la revalorisation des faibles retraites, à 7 806 millions de francs contre 7 225 millions de francs dans le BAPSA de 1997.
M. Marcel Charmant. Très bien !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je voudrais maintenant essayer de répondre aux importantes questions que vous avez soulevées concernant, d'une part, les conséquences sur le BAPSA des lois de financement de la sécurité sociale, d'autre part, les irrégularités de gestion de la Caisse centrale de mutualité sociale agricole et leurs incidences sur le régime agricole.
S'agissant des conséquences sur le BAPSA des lois de financement de la sécurité sociale, je voudrais dire d'entrée de jeu que mon sentimentrejoint celui des rapporteurs de vos deux commissions.
Il me paraît normal que le Parlement puisse, en discutant le BAPSA, continuer de procéder à un examen particulier et approfondi des dépenses de prestations sociales agricoles et de leur financement, notamment en raison de l'importance des concours publics en jeu.
Pour ce qui est de la cohérence entre BAPSA et loi de financement de la sécurité sociale, j'ai bien noté les suggestions de vos rapporteurs.
Je voudrais maintenant faire écho aux propos de M. Mouly sur l'importance du maintien à domicile des personnes âgées.
Dans cet esprit, il a présenté, avec d'autres sénateurs, une proposition de loi visant à permettre à la mutualité sociale agricole de faire bénéficier le centre de soins infirmiers qui dépend d'elle de l'avantage dont bénéficient les centres de santé du régime général, c'est-à-dire d'une subvention égale à une partie des cotisations sociales dues pour le personnel médical.
Le maintien d'une disparité de traitement entre les centres relevant des différents régimes ne me paraît pas, en effet, justifié. Je vais donc étudier cette proposition sur laquelle je ne peux pas, à ce stade, donner de réponse définitive.
Vous avez évoqué les graves irrégularité relevées par la Cour des comptes dans la gestion de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole et vous avez été nombreux à vous inquiéter de leurs conséquences possibles sur le régime agricole.
Ainsi que cela a été dit, dès que j'ai eu connaissance des faits constatés par la Cour des comptes, j'ai demandé des explications au président de la Caisse centrale et, ne les ayant pas obtenues, j'ai suspendu, par arrêté du 7 juillet dernier, le conseil d'administration et nommé un administrateur provisoire en la personne de M. Babusiaux, conseiller maître à la Cour des comptes.
Celui-ci a pris rapidement les mesures d'urgence nécesaires au redressement de la caisse centrale.
A la suite de la démission des membres du conseil d'administration survenue en octobre, l'assemblée générale de la mutualité sociale agricole se réunira demain pour élire un nouveau conseil d'administration. Il aura dorénavant la responsabilité de poursuivre l'effort de redressement et d'assurer le fonctionnement régulier de la Caisse centrale.
Par ailleurs, afin que des abus tels que ceux qu'a constatés la Cour des comptes ne puissent se reproduire, les textes concernant notamment les contrôles sur la Caisse centrale et ses relations avec ses partenaires seront modifiés. Le Parlement en sera donc saisi.
Le projet de BAPSA que je vous présente ce soir, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, marque, je le répète, un effort résolu pour revaloriser les plus faibles retraites. Je souhaite le poursuivre pour parvenir à assurer aux deux millions d'anciens agriculteurs et agricultrices le niveau de retraite qu'ils méritent. J'ai bien entendu ce qui a été dit dans cet hémicycle.
C'est dans cet esprit que je vous demande d'adopter ce projet de BAPSA. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles et figurant aux articles 32 et 33 du projet de loi.

Services votés

M. le président. « Crédits : 92 100 627 785 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 32, au titre des services votés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mesures nouvelles

M. le président. « II. - Crédits : 942 372 215 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits au paragraphe II de l'article 33, au titre des mesures nouvelles.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant en discussion l'amendement n° II-31, tendant à insérer un article additionnel après l'article 62 quater.

Article additionnel après l'article 62 quater



M. le président.
Par amendement n° II-31, M. Minetti, Mme Terrade, M. Lefebvre et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
A. - Après l'article 62 quater, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le cinquième alinéa de l'article 1121 du code rural est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le total de la retraite forfaitaire et de la retraite proportionnelle représente un montant minimal qui est fixé en fonction du nombre des intéressés et par référence au montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance.
« Ce total est progressivement remis à niveau à compter de la promulgation de la loi de finances pour 1998 (loi n°... du...) dans un délai de trois ans. »
B. - De faire précéder cet article additionnel d'une division additionnelle ainsi rédigée :
« Budget annexe des prestations sociales agricoles. »
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Je me suis déjà largement expliqué tout à l'heure sur ce point. Je n'insisterai donc pas.
Cela dit, j'ai entendu les réponses de M. le ministre ; je les trouve très positives, et j'attends maintenant son avis sur notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. La commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. L'amendement vise à fixer un montant minimal pour les retraites agricoles par référence au SMIC et à déterminer son évolution sur trois ans.
J'ai aussi entendu ce qu'a dit tout à l'heure M. Moreigne sur le même thème.
Si je comprends la préoccupation de M. Minetti, il me paraît difficile, je le répète, de programmer l'augmentation des retraites agricoles sur trois ans, ne serait-ce que parce que nous ne savons pas ce que seront les contraintes des finances publiques et des comptes sociaux. Il est également difficile de retenir comme référence dans la loi le SMIC pour les retraites agricoles.
Il existe d'ores et déjà, pour les retraites des chefs d'exploitation, ce que l'on appelle un minimum contributif, qui est fixé par rapport à la retraite minimale du régime général.
En outre, le Gouvernement s'est engagé à poursuivre l'effort de relèvement des pensions.
Sous le bénéfice de ces précisions, et aussi de cet engagement, j'apprécierais que M. Minetti acceptât de retirer cet amendement qui, au demeurant,...
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Article 40 !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... comme vient de le dire M. le rapporteur spécial, pourrait se voir opposer l'article 40 de la Constitution.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très juste !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. J'espère, monsieur le sénateur, que nous n'en arriverons pas à une telle extrémité, d'autant que nous sommes convenus d'en reparler à huit heures demain matin ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Minetti, avez-vous entendu l'invitation à un petit déjeuner (Nouveaux sourires.) et les arguments de M. le ministre ?
M. Louis Minetti. Je sens bien que le couperet est prêt, mais je n'ai aucun goût pour la guillotine ! Compte tenu du fait que nous allons en reparler - ce qui veut dire que le débat reste ouvert et que nous allons, en hommes sérieux, continuer à travailler pour les vieux agriculteurs - je retire cet amendement.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. L'amendement n° II-31 est retiré.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.

Intérieur et décentralisation

DÉCENTRALISATION

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la décentralisation.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un budget, ce sont des comptes. Ce sont aussi des intentions et l'occasion d'affirmer une politique.
Si nous nous en tenons strictement aux comptes, l'année 1998 apparaîtra d'abord comme la dernière année de la mise en oeuvre du pacte de stabilité.
Si nous prenons en considération les chantiers qui attendent tant les collectivités locales que le Gouvernement en 1998, cette année apparaîtra, à l'évidence, comme une année chargée et pleine d'interrogations.
C'est à ces deux idées que je bornerai les quelques commentaires que je souhaite faire sur le rapport écrit dont vous disposez.
S'agissant d'abord du pacte de stabilité, qui s'achèvera en 1998, je crois me souvenir qu'il avait été vivement critiqué lors de sa mise en oeuvre, à l'occasion du vote de l'article 32 de la loi de finances pour 1996. Depuis, il semble qu'il ait, pour sa dernière année, fait l'objet d'un consensus, en quelque sorte, entre l'ensemble des acteurs, puisque le Gouvernement a décidé non seulement de ne pas le modifier, mais aussi d'en appliquer strictement les termes.
Nous n'avons cessé de dire que ce pacte de stabilité n'a jamais satisfait les collectivités locales. Force nous est pourtant de convenir qu'au terme de ces trois années il a donné aux collectivités locales des perspectives claires et une certaine lisibilité sur le devenir de leurs relations financières avec l'Etat. Même si, pour reprendre l'expression de notre président, « il n'a jamais représenté un pactole pour les collectivités locales », il leur a néanmoins assuré une certaine sécurité.
Monsieur le ministre, au nom de la commission des finances du Sénat, je dois vous donner acte du fait que le Gouvernement a strictement appliqué les dispositions de l'article 32 de la loi de finances pour 1996 et que le pacte de stabilité a donc été parfaitement respecté.
Dans le jargon que nous avons pris l'habitude d'utiliser, ce que nous appelons « l'enveloppe normée » des concours de l'Etat aux collectivités locales s'accroît, conformément aux dispositions de la loi de finances pour 1996. De ce point de vue, la commission des finances n'a aucune critique à apporter à ce budget. La progression de cette enveloppe normée se fait, je le rappelle, par indexation sur le taux prévisionnel d'évolution des prix.
Toutefois se pose cette année un problème particulier : celui de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, qui, au sein du pacte de stabilité, continue à obéir aux règles propres qui ont procédé à sa création et, surtout, à des règles qui ont été ajoutées à la suite de discussions parlementaires ultérieures.
Très naturellement, dans le projet de loi de finances pour 1998, la DGF a été « recalée » par rapport aux estimations de la loi de finances initiale pour 1997 pour servir de base au calcul de la DGF pour 1998. Mais, pour la première fois, nous assistons à une régularisation négative de la dotation globale de fonctionnement - la DGF de 1996 a en effet été calculée à partir d'index qui se sont révélés surévalués - de quelque 750 millions de francs qui doit être imputée sur cette dotation versée aux collectivités locales.
Le système même du pacte veut que, s'il n'y a pas de versement au titre de la DGF, il doit y avoir un versement au titre de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, puisqu'il s'agit là de la variable d'ajustement.
Le Gouvernement a souhaité, en quelque sorte, neutraliser les effets de cette régularisation négative de la DGF. Pour ce faire, il a décidé - il faut le souligner, car rien ne l'y obligeait dans la loi ; il s'agit donc d'une décision politique du Gouvernement - d'abonder de 350 millions de francs les crédits globaux versés aux communes au titre de cette neutralisation.
Sur les crédits en eux-mêmes, il n'est donc pas nécessaire de faire un grand commentaire.
Pour ce qui est des concours qui ne figurent pas dans l'enveloppe normée, toutes les règles ont été observées. On peut simplement noter au passage que les dotations au titre du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, sont en baisse, ce qui est révélateur d'une certaine diminution des capacités d'investissement des collectivités locales. Cela aussi mérite d'être souligné, étant donné la part qu'elles jouent dans l'investissement public ciblé.
J'en viens aux interrogations.
Que va-t-on faire l'année prochaine ? Quel sera le nouveau pacte qui liera les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales ? Il vous appartient, monsieur le ministre, de nous parler de ce pacte de demain et de nous faire des propositions.
Il nous semble qu'il devra garantir une évolution des recettes au moins équivalente au taux de l'inflation pour les collectivités locales et, pour être un pacte véritable, il doit être étendu à l'évolution de toutes les dépenses. Il faut en effet veiller à garantir la stabilité des recettes, afin qu'elle ne soit pas remise en cause.
Mme Hélène Luc. Vous n'auriez jamais dû faire un tel pacte de stabilité ! Cela aurait été plus simple !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Je voudrais, sans être totalement exhaustif, insister sur un point : la stabilité des concours de l'Etat aux collectivités locales.
Beaucoup de ces concours sont calculés à partir d'index que le pouvoir exécutif retient en fonction soit de ses calculs, soit de la politique qu'il entend mener, soit encore des nécessités de l'équilibre budgétaire. C'est son affaire !
Ces index, il les oppose aux collectivités locales. S'ils se révèlent surévalués, il me semble que les sommes versées aux collectivités locales doivent être acquises. Les espérances ou les calculs du Gouvernement ne devraient pas pouvoir leur être opposés.
Parallèlement à la stabilité des recettes et des concours financiers de l'Etat, nous devons nous orienter vers une plus grande maîtrise des dépenses. Plusieurs sujets d'actualité nous font penser, monsieur le ministre, que nous sommes encore loin d'une telle maîtrise.
J'aborderai très rapidement trois dossiers.
Je commencerai par celui des sapeurs-pompiers. La mise en oeuvre de la loi nouvelle n'est pas sans causer de nombreux soucis, à vous-même, monsieur le ministre, comme à l'ensemble des élus locaux. La masse des crédits nécessaires pour faire face aux dépenses, notamment en matière de personnel, ira probablement en augmentant. Le mode de répartition des dépenses entre les diverses collectivités est certes abordé par la loi de 1996, mais nous croyons avoir compris que vous envisagiez de prendre par décret des mesures fixant une sorte de contingent de « dépenses-incendie » minimal pour les collectivités. Nous serions heureux de vous entendre sur ce point.
Le deuxième dossier qui nous préoccupe, c'est, bien entendu, celui de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL.
Certes, pour cette année, il n'y a pas d'augmentation des cotisations ; mais l'ouverture d'une possibilité d'emprunt dans la loi de financement pour la sécurité sociale montre bien que, s'il n'y a pas danger pour 1998, l'engagement d'emprunts se traduira forcément par la nécessité de leur remboursement et donc par des dépenses supplémentaires au titre de la CNRACL.
Enfin, et c'est le troisième dossier, le dispositif emplois-jeunes n'est pas sans avoir des répercussions financières sur les budgets des collectivités locales. A ce propos, nous devons nous interroger sur la pérennité du financement par l'Etat, tant les collectivités locales ont été, en quelques sorte, « averties » par le système du RMI, qui leur coûte aujourd'hui plus de 3,5 milliards de francs, sans qu'elles aient obtenu la moindre compensation.
Telles sont les quelques questions qui se posent à nous quant à la maîtrise des dépenses, volet qui, oublié dans le premier pacte de stabilité, serait, nous semble-t-il, le bienvenu dans le second pacte, lequel serait non pas évidemment de stabilité, mais de progrès.
Si les comptes ne soulèvent pas de commentaire spécial, l'année 1998 risque néanmoins d'être chargée pour les collectivités locales, compte tenu des annonces qui ont été faites.
Je voudrais, tout d'abord, revenir sur ce que l'on a appelé « l'excédent des collectivités locales ».
En effet, dans le rapport qu'ils ont rendu au Gouvernement, MM. Bonnet et Nasse ont noté que le secteur des administrations publiques locales était devenu « globalement excédentaire en 1996 » et que « cet excédent devrait s'accroître encore en 1997 ».
Toutefois, ne tirons pas de cette situation intéressante la conclusion que les collectivités locales pourraient financer un certain nombre d'équipements, du domaine de l'Etat notamment. Je pense, par exemple, à un plan Université 2000 bis.
Si les collectivités locales connaissent une telle situation financière, c'est en premier lieu grâce à l'énorme effort de gestion qu'elles ont accompli.
Dans le rapport écrit, je montre comment la maîtrise de leurs dépenses de fonctionement a permis aux collectivités locales d'accroître leur épargne disponible pour maintenir leur effort d'investissement à un moment où les choses n'étaient pas faciles. Cette contribution prépondérante des collectivités locales à l'investissement public constitue, nous le savons tous, l'un des moteurs de la reprise économique, moteur qu'il convient de ne pas enrayer, alors qu'un certain nombre de chantiers s'ouvrent devant nous.
Je n'en citerai que quelques-uns.
L'un de ces premiers chantiers est celui des relations fiscales entre l'Etat et les collectivités locales, compte tenu du poids des compensations que l'Etat est amené à supporter dans son budget du fait des diverses mesures législatives régulièrement arrêtées pour atténuer l'effet des impôts directs locaux.
En 1984, le poids des compensations atteignait un peu plus de 24 milliards de francs. En 1997, il va dépasser 76 milliards de francs ! L'Etat prend en charge 23 % du produit théorique de la fiscalité directe locale ; il y a là un vrai problème.
La taxe professionnelle est, bien sûr, l'impôt le plus coûteux pour l'Etat - plus de 57 milliards de francs - malgré l'effort imposé ces dernières années aux collectivités locales, à travers la réforme de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, et aux contribuables, avec l'augmentation du plafonnement de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée.
Mais, parallèlement, l'Etat encaisse la taxe professionnelle de France Télécom et de La Poste, ce qui fait une rentrée de plus de 6 milliards de francs avec les taxes foncières de ces deux établissements, même s'il en redistribue une certaine partie.
C'est finalement maintenant un système complètement opaque qui régit les rapports financiers entre l'Etat et les collectivités locales du fait des compensations des exonérations. Il faudra bien régler ce problème un jour, même si cela est difficile. Je tiens à relever que l'Assemblée nationale vient de voter deux amendements qui vont alourdir le poids de la taxe d'habitation pour le budget de l'Etat de plus d'un milliard de francs.
Le deuxième chantier qui nous attend est celui du soutien à l'investissement. Le rôle des collectivités locales est essentiel dans ce domaine.
Je crois qu'il nous faudra revoir quelques-unes des règles de fonctionnement du fonds de compensation de la TVA. Les collectivités locales sont très souvent amenées à investir pour le compte de l'Etat, et il est anormal que, dans ce cas, elles n'aient pas accès au fonds de compensation de la TVA, même s'il y a un encadrement par un système de conventionnement.
Vous avez annoncé l'ouverture d'autres chantiers, monsieur le ministre : je veux parler de la révision des bases cadastrales, de la taxe professionnelle, de la taxe d'habitatioin et de l'intercommunalité.
Ce sont des chantiers extrêmement importants. Nous souhaitons que la Haute Assemblée, plus particulièrement sa commission des finances, soit associée aux travaux que mènera le Gouvernement sur ces dossiers d'une très grande complexité. Nous souhaitons également que les conclusions rendues par le comité des finances locales l'an dernier concernant l'établissement de nouvelles bases cadastrales soient prises en compte.
En conclusion, monsieur le ministre, je voudrais évoquer la situation personnelle des élus locaux au regard des nouveaux textes qui viennent d'être votés sur le financement de la sécurité sociale et qui, sur deux points, semblent conduire à une certaine injustice.
Les indemnités des élus locaux sont soumises à la contribution sociale généralisée ; elle vont l'être dorénavant au taux renforcé, c'est-à-dire 4,1 %.
Comme M. le ministre de l'agriculture vient de le rappeler, des mesures visant à neutraliser les effets de l'utilisation de la CSG comme mode de financement de la sécurité sociale ont été mises en place pour presque toutes les catégories professionnelles.
Or rien n'a été prévu pour les indemnités des élus locaux. En quelque sorte, ces indemnités sont assimilées à des produits d'épargne. Je ne pense pas que ce soit ce que souhaite le Gouvernement. Par conséquent, je vous demande, monsieur le ministre, de rassurer les élus locaux sur ce point.
M. René Régnault. Bonne remarque !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Un deuxième point soulève des interrogations : il s'agit des ressources prises en compte pour le calcul du plafonnement au-delà duquel ne sont plus servies les allocations familiales.
Les indemnités des élus locaux sont soumises à l'impôt sur le revenu - c'est une bonne chose - soit selon un régime particulier, soit selon le régime général. Les termes extrêmement généraux de l'article 19 de la loi de financement de la sécurité sociale ne me semblent pas permettre que les indemnités échappent à l'enveloppe de ressources prises en compte pour calculer le plafond au-delà duquel les allocations familiales ne sont plus versées.
Or je crois que l'on découragerait les jeunes, notamment les mères de famille, de se lancer dans la vie publique si, en contrepartie de quelques milliers de francs d'indemnité qui ne couvrent ni le temps passé ni l'argent dépensé, ils devaient à la fois sacrifier leur vie de famille et perdre le bénéfice des allocations familiales.
Je vous demande par conséquent, monsieur le ministre, de nous rassurer également sur ce point.
Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que l'avis favorable que je serai amené à émettre, au nom de la commission des finances, sur les crédits que vous nous soumettez soit en quelque sorte teinté d'inquiétudes. Je souhaite que vous puissiez les apaiser et permettre aux élus locaux de ce pays de poursuivre leur tâche. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants et du RDSE. - M. Courrière applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. André Bohl, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les concours de l'Etat aux collectivités locales évolueront en 1998 conformément aux règles du pacte de stabilité qui, défini par l'article 32 de la loi de finances de 1996, aura régi les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales pendant trois ans. Ces concours connaîtront une progression limitée.
Il convient tout d'abord de donner acte au Gouvernement de sa volonté de ne pas remettre en cause les engagements pris par l'Etat à l'égard des collectivités locales pour une période de trois ans.
En outre, comme en 1997, aucune augmentation du taux de la cotisation employeur à la CNRACL n'est prévue pour 1998 ; mais cette troisième année d'application du pacte de stabilité conduit la commission des lois à réitérer certaines observations qu'elle souhaite voir prises en compte au cours de la réflexion qui sera menée sur les suites à réserver à ce pacte après 1998, dernière année de son application.
Une première observation concerne le périmètre du pacte de stabilité, qui devrait également concerner les charges des collectivités locales. Cette préoccupation est d'autant plus forte que nous sommes dans un contexte de contraction des ressources locales.
En outre, l'indexation de l'enveloppe du pacte de stabilité sur la seule évolution des prix hors tabac ne tient, à l'évidence, pas compte du rôle économique des collectivités, qui réalisent les trois quarts de l'investissement public.
La commission des lois tient à relever également les conséquences du recalage à la baisse de la dotation globale de fonctionnement de 1997, qui induit, comme l'an passé, une progression de l'enveloppe du pacte de stabilité inférieure à celle des prix dans la loi de finances initiale.
Cette dotation essentielle pour nos collectivités subit, outre les effets du recalage de la DGF de référence, ceux de la régularisation négative de la DGF pour 1996, à concurrence de 750,4 millions de francs.
Le bilan de la répartition de la DGF de 1997 fait ressortir, cette année encore, une mise en oeuvre efficace des critères définis en 1993 et en 1996, notamment pour la répartition de la dotation de solidarité urbaine.
Mais ce bilan suscite également des interrogations pour l'avenir face au poids croissant de la DGF des groupements, qui a représenté un peu plus de 5 milliards de francs et a requis 357 millions de francs supplémentaires.
Par ailleurs, la croissance de 1,38 % de la DGF en 1998 offrira des perspectives limitées aux communes qui, n'étant éligibles ni à la dotation de solidarité urbaine ni la dotation de solidarité rurale, ne bénéficieront que de la seule dotation forfaitaire.
En dépit du maintien des règles du pacte de stabilité en 1998, la commission des lois s'interroge, à l'examen de l'évolution des concours de l'Etat, sur l'existence de moyens nouveaux pour les collectivités locales.
Les incertitudes qui pèsent sur les budgets locaux demeurent préoccupantes. Elles ont été mises en évidence par le récent rapport établi par notre collègue Joël Bourdin, au nom de l'Observatoire des finances locales.
Les collectivités locales doivent faire face à des contraintes fortes liées à l'évolution des charges au titre de leurs dépenses courantes. Rappelons que les départements consacrent 60 % à l'aide sociale et les régions 52 % à l'éducation et la formation professionnelle.
Les collectivités locales assument, en particulier, au titre des compétences spécifiques transférées par l'Etat, des charges en progression sensible.
L'étroitesse des marges de manoeuvres fiscales, la modération de l'évolution des concours de l'Etat, ainsi que la rigidité de certaines dépenses ont conduit les collectivités locales à réduire leur effort d'investissement.
Cette évolution se produit dans un contexte marqué par de nouvelles exigences liées à l'application des normes européennes dans les domaines du traitement des déchets et des ordures ménagères, de l'eau et de l'assainissement.
Ces exigences, qui ont déjà été soulignées dans le rapport établi par M. Daniel Hoeffel, au nom du groupe de travail sur la décentralisation, entraîneront des coûts financiers importants, notamment en termes de dépenses d'équipement.
On peut donc s'interroger sur la capacité des collectivités à financer les équipements nécessaires au respect des réglementations nouvelles.
Dans ce contexte, clarifier les règles du jeu entre l'Etat et les collectivités locales demeure une priorité majeure.
L'exigence de stabilité des charges implique en particulier l'ouverture d'une réflexion sur les normes - notamment dans le domaine de l'environnement - et sur les dates butoir qui leur sont applicables, difficilement conciliables avec un contexte d'évolution très limité des ressources locales.
Elle implique également que la procédure de l'étude d'impact soit généralisée, afin d'évaluer précisément le coût financier des mesures intéressant les collectivités locales.
Enfin, la situation de la CNRACL demeure, pour les collectivités locales, un sujet de préoccupation majeure, en dépit de l'absence d'augmentation de la cotisation employeur en 1998.
C'est bien une réflexion sur l'ensemble des mécanismes de compensation et de surcompensation qui doit être engagée.
Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé son intention d'engager une réflexion sur le coût pour l'Etat des compensations des exonérations et des dégrèvements législatifs, même si le présent projet de loi de finances ne prévoit aucune mesure destinée à le limiter.
Si la situation actuelle n'est, à l'évidence, pas satisfaisante, encore faut-il souligner que les collectivités locales sont fondées à escompter une compensation effective de ces exonérations ou dégrèvements qu'elles n'ont pas décidés elles-mêmes.
En outre, elles sont en droit d'attendre une compensation intégrale et concomitante des charges qui leur sont transférées, compensation qui, au fil du temps, a été moins bien assurée.
La clarification doit également concerner les conditions d'exercice des compétences locales.
Plusieurs grands chantiers, dont certains ont été lancés sous la précédente législature, devraient connaître des développements en 1998. Il en est ainsi de la réforme de l'intercommunalité et du régime des interventions économiques.
Le groupe de travail sur la décentralisation, présidé par notre collègue Jean-Paul Delevoye, y a lui-même consacré une part importante de ses réflexions. Nous souhaitons que vous y portiez attention, monsieur le ministre.
Le Gouvernement a par ailleurs indiqué que la fiscalité locale serait réexaminée en 1998.
La réforme des valeurs locatives, qui a fait l'objet d'importants travaux approuvés, sous certaines réserves, par le comité des finances locales, que préside notre collègue Jean-Pierre Fourcade, apparaît cependant comme un préalable à toute réforme concernant le système de financement local.
Dans un contexte caractérisé par la prolifération des normes, la commission des lois est par ailleurs particulièrement attentive au processus de codification.
Cependant, cet important travail ne peut avoir toute sa portée qu'à la double condition qu'il s'accompagne d'une plus grande stabilité de la règle juridique et que la partie législative du code général des collectivités territoriales, adoptée en 1996, puisse être suivie, dans un délai rapide, de la partie réglementaire, qui en constitue le complément indispensable.
Enfin, s'agissant de la fonction publique territoriale, la commission des lois relève que la mise en place, voulue par le Gouvernement et l'Assemblée nationale, d'emplois publics ou parapublics, en marge des règles ordinaires de la fonction publique territoriale, aura pour effet de recréer une précarité que le législateur a entendu combattre par la loi du 16 décembre 1996. En outre, cela posera, à terme, la question de l'intégration des intéressés dans la fonction publique territoriale.
Je terminerai mon rapport oral par quelques observations relatives à l'administration territoriale.
Les crédits qui lui sont consacrés s'élèvent à 6,16 milliards de francs, soit une baisse de 2,7 %. Cette évolution intègre néanmoins une économie de 220 millions de francs qui étaient destinés à compenser le coût de la suppression de la franchise postale sur le courrier interadministratif et qui se sont révélés supérieurs aux besoins.
Condition d'un dialogue efficace entre l'Etat et les collectivités locales, la déconcentration apparaît comme un aspect essentiel de la réforme de l'Etat qui devrait conduire celui-ci à réorienter ses missions autour d'une fonction d'impulsion, de coordination et de péréquation.
Sous la précédente législature, cette démarche de déconcentration s'est en partie concrétisée au travers de certaines mesures concernant, notamment, la déconcentration de la gestion des crédits de l'Etat expérimentée, avec succès, en matière d'emploi.
La commission des lois considère que le processus de déconcentration administrative doit être poursuivi.
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission des lois a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'administration territoriale et à la décentralisation inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998. ( Applaudissements. )
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 15 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 13 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 6 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 6 minutes.
Je rappelle que, ce matin, la conférence des présidents, en accord avec M. le ministre des relations avec le Parlement, et compte tenu des délais impartis au Sénat pour la discussion budgétaire, a souhaité que la réponse du Gouvernement aux différents orateurs n'excède pas une durée de trente-cinq minutes.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. le président. Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà de l'aspect budgétaire, je voudrais exprimer ma foi en l'avenir de la décentralisation, un thème qui, je le crois, tient à coeur au Sénat.
N'hésitons pas à affirmer que, globalement, la décentralisation est une réussite, bien qu'elle soit exposée régulièrement aux critiques, que la hausse de la fiscalité locale lui soit parfois injustement imputée et que les excédents de trésorerie soient évoqués avec une certaine régularité.
Le groupe de travail de la commission des lois du Sénat a affirmé, au début de cette année, que la décentralisation représentait la réponse adaptée à notre société. En témoigne l'effort important accompli en faveur des équipements publics, puisque près des trois quarts d'entre eux sont réalisés par les collectivités locales.
En outre, le processus de décision est proche du citoyen, ce qui, dans les domaines de compétence qui ont été transférés aux collectivités, constitue un gage d'efficacité.
Ce bilan est positif, malgré les défis que la décentralisation avait à relever : défi de l'évolution démographique, avec le poids des personnes âgées qui pèse de plus en plus lourdement, en particulier sur les départements ; défi du chômage et de l'exclusion sociale, qui a entraîné un accroissement important des dépenses d'aide sociale ; défi de la fracture territoriale, puisque les collectivités locales sont fortement engagées dans des actions concrètes pour réduire les déséquilibres territoriaux.
Il convient de prendre en considération ces éléments lorsque l'on juge la politique des collectivités locales et la décentralisation.
L'évolution de la décentralisation, que MM. les rapporteurs ont excellemment exposée, est évidemment liée aux relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir, au travers de votre budget, respecté le pacte de stabilité, quel que puisse être par ailleurs le jugement personnel que nous pouvons avoir, les uns et les autres, sur ce pacte de stabilité.
Mme Hélène Luc. Ah oui !
M. Daniel Hoeffel. Le moment de vérité sera inévitablement l'année 1999. Quelle sera alors la nature des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales ? Quelle sera l'évolution des dotations ? Quelle réforme faudra-t-il prévoir pour la DGF ? Je reconnais, en effet, que la réforme de 1993, probablement adaptée à la situation de l'époque, ne permettra plus de faire face tant aux besoins qui s'expriment au travers de la dotation de solidarité rurale et de la dotation de solidarité urbaine qu'à l'intercommunalité intégrée, qui absorbera, année après année, une part de plus en plus importante de ces dotations.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. La totalité !
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. MM. les rapporteurs ont également évoqué l'avenir de la CNRACL. La solidarité avec les régimes spéciaux devra-t-elle continuer à peser sur la seule CNRACL ou bien devra-t-elle faire l'objet d'une péréquation ou d'une solidarité plus large ?
J'espère, monsieur le ministre, que les mesures qui entreront en vigueur en 1999 feront l'objet d'une concertation préalable entre le Gouvernement et les associations d'élus, dans un esprit de partenariat, avec, si possible, l'instauration d'un pacte de stabilité financière des dépenses et des recettes. (Très bien ! sur les travées de l'Union centriste.)
Tel est, me semble-t-il, le souhait de l'ensemble des élus locaux. Ce sera une condition de la réussite de la décentralisation dans l'avenir.
Je conclurai en évoquant parallèlement des réformes inéluctables.
Je parlerai tout d'abord de la réforme de l'intercommunalité. Vous avez annoncé récemment, monsieur le ministre, qu'un projet de loi serait déposé au Parlement au printemps prochain. Nous en sommes heureux, d'autant que le contenu de cette réforme se situera dans la continuité des travaux préparatoires que le Sénat a engagés depuis un certain temps et qui vont dans le sens de la simplification des structures, de la préservation du volontariat, mais avec incitation, et d'une meilleure solidarité fiscale et financière entre les communes.
Le deuxième point à clarifier concerne l'avenir des « pays », qui émergent dans la loi de février 1995. J'espère qu'ils ne deviendront jamais une structure territoriale supplémentaire et inutile ! (M. Machet applaudit.) Mais seront-ils un jour la préfiguration de l'intercommunalité de demain ?
M. André Maman. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. C'est une question qui mérite d'être posée.
Tout cela est nécessairement lié au statut de l'élu, qui doit être adapté à la fois à l'évolution des structures et au fait que les fonctions de l'élu sont de plus en plus lourdes et les responsabilités qu'il assume de plus en plus complexes.
Dès lors se pose le problème du cumul ou du non-cumul des mandats. Je souhaite que le Sénat fasse preuve, à cet égard, d'une vision ouverte et évolutive. Cela me paraît être la voie du réalisme.
En conclusion, je réitère ma confiance en l'avenir de la décentralisation, qui mérite d'être étendue progressivement. En effet, un pays moderne est un pays décentralisé, et un Etat efficace est un Etat qui se concentre sur ses fonctions régaliennes.
Dans cet esprit, monsieur le ministre, je voterai le projet de budget de la décentralisation que vous nous présentez. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Puech.
M. Jean Puech. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, souscrivant aux analyses de nos rapporteurs et à l'acte de foi en la décentralisation de notre collègue Daniel Hoeffel, je ferai observer que les collectivités locales n'ont pas été au centre des débats budgétaires du Parlement.
La stabilité des dotations de l'Etat a plutôt prévalu, conformément à ce que le Gouvernement nous avait annoncé, et nous nous en réjouissons. Cependant, l'examen des budgets des différents ministères, notamment, bien sûr, ceux du ministère de l'intérieur et du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a été l'occasion de prendre connaissance des projets gouvernementaux pour le premier semestre de 1998.
Le programme est chargé : projet de loi relatif à l'intercommunalité, projet de loi relatif aux interventions économiques des collectivités territoriales, projet de loi contre les exclusions, projet de loi sur le sport, projet de loi relatif au schéma national d'aménagement du territoire.
Il faut y ajouter très certainement les travaux relatifs à la réforme du code des marchés publics, à la réforme comptable des départements et des régions, à certains aspects de la fiscalité locale, à la protection judiciaire de la jeunesse, à la prise en charge des personnes handicapées et, bien sûr, à la réforme de la tarification des établissements sociaux et médico-sociaux.
Tous les niveaux de collectivités territoriales et tous les élus sont et seront donc concernés par l'évolution de ces dossiers. Malgré les préoccupations électorales qui vont nous accaparer à un titre ou à un autre, nous devons bien avoir conscience que continuera de se jouer, à l'occasion de l'examen de tous ces projets, l'avenir de la décentralisation.
En effet, la tentation sera toujours grande de revenir au centralisme sous couvert du rôle régulateur de l'Etat et de pratiquer l'égalitarisme sous couvert d'équité. Or, la décentralisation et l'aménagement du territoire sont les deux volets indissociables d'une même orientation politique dont les fondements sont la reconnaissance de la différence, le droit à l'expérimentation, la gestion de proximité, la démocratie et les initiatives locales, l'autonomie des pouvoirs et la répartition des compétences.
Monsieur le ministre, seul un dialogue confiant entre l'Etat et les collectivités locales permettra d'atteindre ces objectifs. Cela suppose deux préalables : d'une part, une grande transparence dans les relations financières entre les uns et les autres et, d'autre part, une concertation technique et politique menée suffisamment en amont de la mise au point de tous les projets de textes évoqués.
Aussi, je me pose une simple question : la période électorale dans laquelle nous entrons nous permet-elle sérieusement de satisfaire ces deux conditions ? Sans doute, la réponse à cette question peut-elle être différente selon les dossiers. Je souhaite que la réponse à cette question soit donnée en toute clarté et pour chaque projet, tant par nous que par le Gouvernement. Si nous voulons accomplir un travail efficace profitable à tous, nous ne pouvons nous dérober à cette interrogation préalable.
Je souhaite ainsi qu'à l'occasion de ce débat vous puissiez nous apporter quelques éléments de réponse aux questions essentielles que je vais essayer maintenant de préciser, monsieur le ministre.
La première d'entre elles a bien sûr trait aux règles du jeu qui doivent présider aux relations financières entre les collectivités locales et l'Etat : je pense notamment à la renégociation du pacte de stabilité financière.
En cette matière, il n'est guère possible d'échapper aux contraintes du calendrier budgétaire de la loi de finances de 1999. Tous les élus en sont conscients. Toutes les associations d'élus, lors de leurs congrès, se sont exprimées sur ce sujet. Les grands chapitres de cet exercice sont donc connus de tous.
Aussi, monsieur le ministre, comment concevez-vous les travaux préparatoires, la concertation ? Vous le savez, j'ai toujours souhaité, d'une part, qu'un travail méthodologique sérieux soit réalisé au préalable en toute transparence - et je m'adresse, à cet égard, bien évidemment autant aux services de Bercy et des autres ministères, qu'à vos propres services - et, d'autre part, que le champ de nos travaux englobe à la fois les charges et les recettes. Un premier pas avait été accompli ; il faut poursuivre dans cette voie et essayer d'aller plus loin.
Dans cette attente, je relèverai quelques points fondamentaux qui me paraissent devoir être arrêtés d'un commun accord entre le Gouvernement et les collectivités territoriales, si l'on ne veut pas que cette négociation soit biaisée dès le départ.
Qu'en est-il des incidences prévisibles sur la fonction publique territoriale des négociations salariales relatives aux rémunérations et à l'aménagement du temps de travail, sans parler des conséquences des mesures concernant les sapeurs-pompiers professionnels dont nous vous avons saisi à plusieurs reprises ?
Quand recommenceront les travaux sur l'avenir de la CNRACL ?
Le Gouvernement appliquera-t-il avec toute la rigueur requise les mesures qu'il a annoncées, qui consistent à maîtriser l'inflation des normes et à produire systématiquement les études d'impact nécessaires après les avoir soumises à une concertation préalable et avant d'engager l'examen des textes législatifs ?
Enfin, il convient que le Gouvernement annonce aussi rapidement que possible ce qu'il entend faire à propos de la révision des valeurs locatives et du calendrier de la réforme de la fiscalité locale qu'il envisage. Des orientations ou des décisions prises sur ces deux sujets dépendront, pour partie, les dispositions à arrêter en matière de relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
Sur l'ensemble de ces thèmes, malgré la période chargée difficile que j'évoquais - celle des élections - les élus territoriaux seront présents.
Le Gouvernement entend lancer sans attendre un second grand débat qui me préoccupe. Le Premier ministre réunira un comité interministériel d'aménagement du territoire le 15 décembre et donnera ainsi, sans doute, le coup d'envoi à sa politique d'aménagement du territoire.
Or, au-delà du fait de savoir s'il est opportun ou non de remettre en chantier la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de 1995, j'ai cru comprendre - et la DATAR s'en est fait largement l'écho dans toutes les réunions et les rencontres publiques récentes ainsi qu'au congrès de l'Association des maires de France - que les projets gouvernementaux nous engageaient, de fait, vers des évolutions « institutionnelles » qui ne seraient pas sans conséquences à court, à moyen et à long terme. Je ne veux, ici, que poser des questions.
On semble souhaiter structurer la France en agglomérations et en pays. Pourquoi pas ? Mais quelle serait l'articulation avec la carte institutionnelle actuelle et quelles sont les évolutions à prévoir ? Quelles sont les incidences sur la politique contractuelle, sur la position française à l'échelon européen en matière de zonages, sur la fiscalité et sur l'évolution des dotations ?
Le Gouvernement a levé, il est vrai, un coin du voile sur certaines de ces questions, mais nombre d'entre elles restent dans l'ombre. Je connais les contraintes qui sont les siennes à l'échelon européen, notamment, mais est-ce une raison suffisante pour précipiter en un mois - le mois de janvier - une concertation avec les élus territoriaux et leurs associations qui engage autant l'avenir de leurs collectivités ?
Monsieur le ministre, je ne veux pas croire qu'il s'agirait, par une telle procédure, de procéder à une recentralisation de fait, même si on l'habille d'une exigence de démocratie locale.
Or, je sais que le bon fonctionnement de la démocratie locale est, pour vous, une préoccupation constante. Elle l'est pour nous aussi dans cette assemblée, contrairement à ce que l'on voudrait parfois faire croire à l'opinion, à travers certaines déclarations sur notre représentativité.
Ainsi, il faut bien dire un mot du débat sur le cumul. J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer personnellement à ce sujet, dès le mois de septembre, notamment lors du congrès de l'Association des présidents de conseils généraux, l'APCG, congrès auquel vous nous avez fait l'honneur de vous rendre.
Je reconnais, pour ma part, que la situation française actuelle est particulière, comme l'est aussi la décentralisation en France : ni fédéralisme ni centralisme. L'interdiction de tout cumul entre l'exécutif territorial et le mandat législatif ne peut renforcer, contrairement à ce que l'on croit, la tentation fédéraliste. Peut-être peut-on aller dans ce sens, mais il faut alors engager un débat de fond. Ainsi, le pouvoir des exécutifs locaux se trouverait renforcé, ce qui ne manquerait pas d'entraîner une évolution, voire une révolution des relations entre l'Etat, ses échelons déconcentrés et les collectivités.
A l'inverse, le maintien du cumul, tel que nous le vivons encore, malgré les premières restrictions, peut conduire à un renforcement de l'Etat central par la dilution et la dispersion des responsabilités. D'ailleurs, c'est la raison fondamentale de la dérive que nous constatons tous dans l'évolution de la décentralisation.
D'un transfert de compétences, à l'origine décidé par les lois de décentralisation, nous sommes progressivement passés à la délégation de pouvoirs et maintenant à la simple délégation de gestion par laquelle, bien souvent, l'Etat en vient peu à peu à se substituer à la présence et à l'expérience des élus sur le terrain.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Jean Puech. Telles sont les réflexions exprimées sommairement qui m'amènent à privilégier la possibilité d'associer un mandat délibératif et une seule fonction exécutive.
J'ajoute que le bon fonctionnement de la démocratie locale doit s'accompagner de deux évolutions essentielles.
La première concerne la restauration du contrôle démocratique. En effet, il convient de moderniser, d'adapter et de clarifier les modalités d'exercice du contrôle sur les institutions.
Voilà encore un an ou deux, je n'aurais pas abordé ce sujet. Aujourd'hui, il est, vous le savez, au centre des préoccupations de tous les élus territoriaux. La surmédiatisation des « affaires », comme on dit, est en passe de discréditer jusqu'au plus modeste et au plus honnête des élus locaux.
Le contrôle financier des chambres régionales des comptes n'a pas encore trouvé sa juste mesure, de l'avis même de ceux qui l'exercent, et il apparaît trop souvent en contradiction avec le précédent contrôle de légalité exercé par les préfets et parfois même en conflit avec le contrôle juridictionnel.
En effet, l'interprétation du droit dans des matières aussi complexes que les marchés publics, la gestion des personnels et l'intervention économique devient systématiquement affaire d'experts dont les élus, et a fortiori le citoyen, sont maintenant exclus. Le découragement ne cesse de gagner les élus, et le civisme, dont la première définition est l'intérêt porté à la chose publique, est relégué au dernier rang des préoccupations des seconds, les citoyens.
M. Louis Boyer. Très bien !
M. Jean Puech. Ce constat n'est pas seulement le mien ; il est celui de tous les analystes de la vie publique.
La seconde évolution concerne la réforme de l'Etat. On cite l'exception française pour le cumul des mandats, mais la cite-t-on pour le doublement quasi systématique des échelons territoriaux par ceux de l'Etat ? Ce phénomène est aussi unique en Europe.
Là encore, la déconcentration constitue une orientation fondamentale, mais elle ne peut être efficace sans une évolution de la structure même des échelons déconcentrés de l'Etat.
La décentralisation ne peut sans doute avancer de façon significative tant que l'Etat n'a pas mené sa propre révolution interne. Vous-même, monsieur le ministre, comme tous vos prédécesseurs, avez constaté le cloisonnement excessif des administrations, l'hypertrophie des administrations centrales et l'opacité entretenue par bon nombre de corps d'Etat, du plus modeste au plus prestigieux.
En définitive, je souhaite établir une corrélation qui, je l'espère, ne sera pas « hasardeuse » entre les intentions du Gouvernement en matière de politique d'aménagement du territoire et le fonctionnement de la démocratie locale, et donc de nos institutions territoriales. Le lien me paraît évident.
Tout le monde reconnaît l'importance et la gravité de tels débats. Dès lors, il faut éviter qu'ils ne deviennent l'objet de surenchères électorales prochaines qui - il suffit de lire la presse pour s'en convaincre - ont déjà commencé ! Mais je pense qu'il nous revient, à vous comme à nous, de ne pas tomber dans cette dérive.
Enfin, monsieur le ministre, le calendrier gouvernemental comporte des sujets que nous devons aborder en priorité, car ils ont déjà fait l'objet d'échanges nombreux. Ces dossiers avancent.
Leur examen devrait permettre de clarifier les règles juridiques d'intervention des collectivités territoriales, c'est-à-dire l'efficacité de leurs politiques, la transparence de leurs interventions et donc la décentralisation : je veux parler notamment du code des marchés publics, des interventions économiques des collectivités locales, des sociétés d'économie mixte et de certains sujets relatifs à l'action sociale.
Monsieur le ministre, telles sont les quelques réflexions que je tenais à vous présenter sur les nombreux chantiers annoncés et sur leur calendrier.
Notre pays est encore le plus jacobin des pays d'Europe. Il est celui où le pouvoir administratif est le plus concentré et le plus lourd.
Le Gouvernement a-t-il la volonté de faire avancer à maturité la décentralisation ou souhaite-t-il - je ne le pense pas - en rester là, laissant ainsi à ses administrations, en définitive, le soin de gérer la décentralisation ?
Telle est bien, en résumé, la question centrale que, jusqu'ici, ce débat budgétaire n'a pas permis d'aborder au fond, discret qu'il a été ou qu'il est en ce qui concerne les collectivités territoriales.
C'est la raison pour laquelle je me suis permis de vous solliciter, monsieur le ministre, par ces quelques réflexions et ces quelques questions. Je vous remercie par avance des réponses qu'il vous sera possible de nous livrer. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'il me fallait qualifier de deux termes ce projet de budget, je retiendrais les mots clés de « stabilité » et de « transition ».
C'est d'ailleurs autour de ce binôme que je souhaite construire mon intervention, à savoir une première partie descriptive, brossant à grands traits la manière dont nos collectivités vont être traitées en 1998, puis une seconde partie plus prospective, relative aux évolutions et même aux « petites révolutions » qu'elles vont connaître avant l'an 2000 - nouvelle intercommunalité, révision des bases locatives, de la fiscalité locale, sortie du pacte de stabilité financière, etc.
C'est en effet à bon droit que ce projet de budget, à plusieurs reprises déjà, a été reconnu comme stabilisant les transferts financiers aux collectivités.
Sans doute est-ce encore insuffisant !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est sûr, mais vous allez améliorer !
M. René Régnault. Les élus locaux - nous sommes nombreux, ici, à l'être - aimeraient bien sûr voir les dotations attribuées à leur collectivité en hausse.
Néanmoins, je dirai que, eu égard aux mauvaises surprises que le projet de budget leur réservait à chaque fin d'été ces dernières années, ils peuvent afficher, cette année, comme ils l'ont fait lors du récent congrès des maires, un certain contentement.
Les gouvernements précédents avaient en effet l'habitude de grignoter, voire de ponctionner, ici ou là - sur le fonds de compensation pour la TVA, sur la dotation globale d'équipement, la DGE, sur la dotation de gestion des espaces ruraux ! - dans les diverses dotations.
M. Alain Vasselle. Et que faisait M. Charasse ?
M. René Régnault. Bref, monsieur Vasselle, le compte n'y était plus. Je n'ai eu de cesse, pour ma part, de dénoncer ces opérations, que j'ai quelquefois osé qualifier de « hold-up déguisé ».
Le compte n'y était pas non plus avec le pacte dit de stabilité. Je continue à considérer qu'il s'agit d'un dispositif néfaste pour nos collectivités. Je comprends bien, toutefois, que le Gouvernement, notamment en raison de la nécessaire concertation préalable, n'avait pas matériellement le temps de le remettre en cause.
Je veux rappeler, pour étayer mon analyse, que la dotation de compensation de la taxe professionnelle fut amputée de 3 milliards de francs en 1994. A ces 3 milliards de francs de réfaction furent ajoutés 2,7 milliards de francs supplémentaires en 1995. A son entrée dans le pacte stabilisé, la DCTP avait donc déjà perdu 5,7 milliards de francs.
Cette réfaction par rapport à 1993 s'est maintenue, et l'ajustement à la baisse s'est effectué à partir de cette situation. En se basant sur une DCTP maintenue en francs courants - assiette et taux - en moyenne nationale, il faut le reconnaître, le fameux pacte de stabilité a entraîné, par sa clé d'évolution calée sur le seul indice des prix, une perte cumulée au cours des trois dernières années de l'ordre de 20 milliards de francs au travers du seul effet DCTP, soit l'équivalent du quart de la DGF des communes pour 1998.
C'est dire que les collectivités territoriales, monsieur le ministre, ont bien contribué à l'effort demandé pour atteindre le critère de convergence, notamment l'objectif des 3 % de déficit exigé pour l'entrée dans l'euro.
Globalement, les collectivités locales constatent donc une stabilité des concours versés par l'Etat en 1998. La DGF, le plus important de ces concours, progressera de 1,38 % pour atteindre 106,3 milliards de francs, soit plus de 88 milliards de francs pour les communes et leurs groupements.
Le montant total des concours s'élève à 250 milliards de francs et représente, pour le budget de l'Etat, le troisième poste de dépenses après le service de la dette et l'éducation nationale. Ce montant, il me paraît intéressant de le comparer aux 294 milliards de francs que l'ensemble des collectivités territoriales ont demandé aux contribuables locaux, tous impôts confondus, y compris les compensations et dégrèvements, pour 1997.
Je veux encore souligner, pour en remercier le Gouvernement, la neutralisation de la régularisation négative introduite par le précédent gouvernement sur proposition de M. Auberger, alors rapporteur général de l'Assemblée nationale. Il en aurait coûté 750 millions de francs sur la DGF de 1998.
Monsieur le ministre, vous aviez pris l'engagement devant le comité des finances locales de la neutraliser. J'étais, pour ma part, intervenu dans ce sens. Vous y êtes parvenu, et je vous en remercie.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. René Régnault. Je dois aussi à la vérité de dire notre sentiment mitigé sur la CNRACL. En effet, d'une part, nous observons avec satisfaction le maintien du taux pour 1998, mais, d'autre part, nous sommes réservés sur le recours à l'emprunt pour boucler l'exercice qui vient.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. L'endettement !
M. René Régnault. S'ajoutent à cela notre inquiétude mais aussi notre volonté d'une véritable négociation sur l'avenir de la caisse, prenant en compte les problèmes de la compensation et de la surcompensation, qui coûtent actuellement 19,1 milliards de francs par an aux collectivités territoriales.
Ce projet de loi de finances constitue aussi un budget de transition. Il marque en effet une étape vers des réformes de fonds des finances locales qui seront abordées dès 1998.
Il s'agira d'entamer la discussion pour fixer de nouvelles règles d'évolution des dotations de l'Etat. Nous demanderons notamment que les principaux concours de l'Etat n'évoluent plus seulement selon la seule inflation, mais prennent aussi en compte la croissance économique, comme c'était le cas avant la réforme des conditions d'attribution de la DGF introduite en 1996.
Le gouvernement socialiste de M. Rocard avait retenu - j'y avais directement contribué - deux clauses importantes : pas de régularisation négative et indexation sur les prix plus deux tiers de la croissance.
Je souhaite que nous revenions à de telles dispositions dans le cadre de la charte financière scellant les relations financières et la relation aux charges transférées ou nouvelles.
Mais 1999 doit aussi être l'année de l'ouverture du grand chantier des finances locales : réforme des valeurs locatives, projet de loi sur l'intercommunalité fondé sur la démocratisation et la solidarité, avec l'émergence d'une réelle et large réflexion sur la taxe professionnelle allant de la cotisation minimale à la taxe professionnelle unique.
C'est précisément autour de ces quelques idées que je souhaite maintenant articuler mon propos.
S'agissant de la réforme des valeurs locatives, véritable serpent de mer, il est vrai, de notre paysage politique, un coin de voile a été levé par vous-même, monsieur le ministre, lors du congrès de l'Association des maires de France, voilà quelques jours. Les grandes lignes de la future réforme de la fiscalité locale ont été esquissées, ou tout au moins les grands principes qui la sous-tendent : équité fiscale, transferts de charges entre contribuables locaux, au nom de l'équité, et harmonisation fiscale.
Par ailleurs, dans un souci d'efficacité, dans les agglomérations notamment, la taxe d'habitation pourrait être harmonisée et la multiplicité des taux corrigées. Cette réforme devra être étalée dans le temps, ce qui plaide encore, s'il en était besoin, pour un démarrage dans les plus brefs délais.
S'agissant de l'intercommunalité, nous en savons, là encore, davantage depuis le congrès de l'association des maires de France, où les contours du projet nous ont aussi été présentés.
Les attentes des élus - je pense, notamment, aux responsables d'organismes intercommunaux - sont fortes en ce domaine. J'ai déjà eu l'occasion, dans mon département, au sein, par exemple, de l'association départementale des maires, de les rassurer en soulignant notamment tout le travail préparatoire substantiel entrepris depuis quelques mois par le Gouvernement.
Vous souhaitez donner à ce dossier une dimension nouvelle, monsieur le ministre, et notamment moderniser le cadre de l'exercice des compétences locales tout en garantissant l'équilibre financier en matière de répartition de la DGF. Tout cela va dans la bonne direction. Je dirai même que cela s'impose. J'y reviendrai. Il est en effet devenu urgent d'amplifier un mouvement qui concerne aujourd'hui près de 1 500 structures à fiscalité propre, qui, ensemble, réunissent plus de 31 millions d'habitants.
A ce stade de mon intervention, je me permettrai même une petite note costarmoricaine. Mon département participe de façon significative à la dynamique intercommunale. Quelques chiffres suffisent à donner la dimension de l'élan suscité : sur 372 communes, 312 adhèrent à un établissement public de coopération intercommunale, ce qui représente près de 90 % de la population.
Votre projet est notamment guidé par un souci de simplification, monsieur le ministre. C'est heureux, c'est nécessaire. Que de fois n'a-t-on pas dénoncé, avec raison, l'entassement, l'empilement de nos structures. A ne pas y prendre garde, l'écheveau pourrait bien devenir indémêlable ! Même certains élus avertis finissent par se perdre dans l'imbroglio juridico-institutionnel.
Or, précisément, votre projet entend clarifier le cadre institutionnel. Ainsi, il ambitionne de limiter à deux le nombre de formules juridiques de l'intercommunalité : la communauté de communes, qui regrouperait les actuelles communautés de communes mais aussi les communautés de villes et les districts, et une structure à taxe professionnelle unique avec des compétences larges. Vous souhaitez effectivement étendre cette formule de la taxe professionnelle unique.
Parallèlement, vous êtes favorable à une intervention plus forte de l'Etat, à travers les dotations annuelles aux groupements qui optent pour la mutualisation de la taxe professionnelle. Malgré la tentation, voire les pressions qui pourraient s'exercer, je crois que, pour l'instant, afin que la coopération, en pleine expansion, ne soit pas asphyxiée financièrement, il convient de maintenir le couplage entre la DGF des communes et la DGF de l'intercommunalité.
Si l'intercommunalité, fondée sur la loi de 1992, a bien évolué, il convient toutefois d'observer que son adaptation est cruciale. Le mouvement que nous observons me semble s'orienter plus vers un système de type fédératif, chacun venant se servir au mieux de ses intérêts particuliers, que vers un système de type communautaire, où la mise en commun de toutes les potentialités, notamment financières, permettrait à l'ensemble, sur un concept de solidarité bien compris, de progresser au travers de projets, d'actions impossibles à imaginer, à conduire ou à réaliser isolément.
La démocratisation de l'intercommunalité est de nature à faire mieux comprendre, à nourrir cette notion de solidarité nouvelle ; c'est un problème culturel, qui nécessite que les populations se sentent davantage concernées, impliquées.
Je vais, pour ma part, jusqu'à imaginer que, pour une période transitoire, le conseil communautaire soit composé de deux collèges, l'un des maires des communes concernées, l'autre d'élus du suffrage universel, le collège des électeurs étant composé de l'ensemble des électeurs des communes engagées dans l'établissement public de coopération intercommunale.
M. Alain Vasselle. Encore une usine à gaz !
M. René Régnault. Vous en avez fabriqué un certain nombre dans d'autres domaines, monsieur Vasselle, notamment la fonction publique territoriale. On peut en parler ! (Exclamations sur le banc des commissions.)
M. le président. Poursuivez votre propos, monsieur Régnault, nous aurons un débat sur l'industrie ultérieurement ! (Sourires.)
M. René Régnault. La solidarité se nourrit aussi du partage et de l'harmonisation fiscale sur l'espace intercommunal choisi.
Des écarts de taux de taxe professionnelle trop élevés sont des handicaps réels à ce mouvement fondamental d'actions dans un cadre solidaire.
La taxe professionnelle d'agglomération est une nécessité. Il convient de l'assortir : d'une part, d'un complément de taxe additionnelle sur les autres composantes de la fiscalité locale, autrement dit d'une fiscalité mixte - elle a été retenue dans le précédent projet sur l'intercommunalité - notamment pour les regroupements les moins bien dotés en assiette de taxe professionnelle. Il faut l'assortir, ensuite, d'un lissage dans le temps avec, de manière transitoire en matière d'harmonisation, la faculté de ne pas réduire totalement la fourchette des taux.
Je pense enfin que la réussite de la mise en oeuvre de cet aspect de l'intercommunalité est incontournable historiquement et que, politiquement, cela nécessiterait un fonds financier d'accompagnement. A cet effet, alors que la dotation de compensation de la taxe professionnelle sert les communes les plus riches en assiette de taxe professionnelle, donc en développement économique concentré, je propose que l'on étudie la possibilité d'utiliser une fraction de cette dotation - 10 %, voire 20 % - pour constituer, près du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, le FNPTP, cette enveloppe d'accompagnement de la mise en oeuvre de la taxe professionnelle unique, ce qui ne déstabiliserait pas les communes les plus aisées, voire les plus chanceuses.
Ce sont là des suggestions. J'ai en conscience, si nous n'avançons pas sur le terrain de la démocratisation et de la solidarité financière, nous ne ferons pas avancer la coopération ; pis, nous la mettrons en difficulté jusqu'à en ruiner les espoirs. C'est donc à cet effet que je me suis permis de tracer ces deux pistes de réflexion.
Monsieur le ministre, eu égard à l'heure et au temps qui m'est imparti, et ne souhaitant pas abuser davantage de la patience de notre assemblée, je joins d'un mot ma voix à ce qui a été dit sur l'effet de trop-plein des normes et directives sans cesse renouvelées, comme je rejoins complètement les propos de M. le rapporteur spécial concernant l'effet de la CSG et de la CRDS sur les indemnités des élus.
Au terme de cette intervention, monsieur le ministre, je veux vous dire toute notre confiance en votre volonté déterminée de conduire les réformes que je viens d'évoquer et auxquelles nous portons, dans cette enceinte en particulier, et le groupe socialiste tout spécialement, un intérêt majeur. Je puis d'ores et déjà vous assurer de notre soutien constructif et sans faiblesse. (Applaudissements sur les travées socialistes, aussi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout à l'heure, notre collègue M. Hoeffel rappelait la volonté de la commission des lois d'exprimer son sentiment sur la décentralisation en indiquant qu'il s'agissait de la réponse la mieux adaptée aux problèmes de notre société.
Il est vrai que les lois de mars 1982 ont grandement contribué à « déscléroser » une vie politique qui souffrait de sa trop large centralisation.
En tant que maire, je me félicite de la plus grande autonomie concédée aux acteurs locaux par les lois de 1982, mais, à mon sens, monsieur le ministre, ces textes étaient également un appel à des initiatives nouvelles. Force est de constater que cet appel n'a pas été entendu par les gouvernements qui se sont succédé depuis.
La décentralisation est aujourd'hui en panne ; plus que jamais, il paraît nécessaire de la relancer par des actes concrets de décentralisation et de déconcentration nouveaux et de clarifier les responsabilités que doivent assumer les différents acteurs.
Il n'est besoin que de choisir quelques exemples pour s'apercevoir de l'étendue des domaines dans lesquels la déconcentration et la décentralisation pourraient avoir une plus large place.
Tout d'abord, en matière d'infrastructures routières, quand en finira-t-on avec l'absurde distinction entre les routes nationales, les routes départementales et les routes communales, source de confusion et, bien souvent, d'immobilisme ? Pourquoi ne pas confier à une seule autorité la gestion et l'entretien de toutes les routes placées dans un même territoire ?
Je suis persuadé qu'en matière culturelle la décentralisation n'a pas non plus accompli tous les pas qu'elle devrait franchir. Songez qu'aujourd'hui l'ensemble des collectivités locales contribuent pour plus de 60 % à l'investissement sous toutes ses formes, mais qu'il ne leur est même pas possible de classer un monument historique !
L'éducation nationale souffre également des lourdeurs d'une trop grande centralisation. Sa gestion dépend encore entièrement de l'administration « mammouth » que M. Allègre semble avoir bien du mal à dégraisser.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Il l'engraisse, même !
M. André Vallet. Il me semble qu'une gestion paritaire, à l'échelon des académies, par les élus locaux et les représentants de l'Etat serait sans doute de nature à redynamiser un secteur primordial qu'il est si délicat de faire avancer. Les ministres de l'éducation nationale successifs, dont vous avez été, monsieur le ministre, le savent bien.
Il n'est bien entendu pas question de transférer purement et simplement ces champs de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales : il s'agit de les gérer ensemble. Il est bien évident que des liens forts doivent subsister entre l'Etat et les différentes collectivités, mais des passerelles doivent exister entre elles afin qu'elles puissent coordonner leur action.
Il pourrait, par exemple, en être ainsi dans le domaine de la santé - à ce sujet, permettez-moi de vous faire remarquer que les agences régionales sanitaires créées par le gouvernement de M. Juppé allaient dans le bon sens - mais aussi en matière de justice, de politique touristique et, certainement, de nombreux autres secteurs.
Cependant, élargir les compétences des collectivités territoriales par des actes de déconcentration et de décentralisation nouveaux serait bien délicat si une telle opération ne pouvait s'appuyer sur une clarification des responsabilités respectives de la région, du département et de la commune. Qui fait quoi ? Pourquoi existe-t-il encore aujourd'hui des participations croisées des différentes collectivités pour un même projet ? En tout état de cause, le sort de la décentralisation et, sans aucun doute, la réussite de son éventuelle relance dépendent très largement d'une clarification des compétences et des responsabilités de chacun de ses acteurs.
Selon un sondage des 24 et 25 octobre dernier, 70 % des personnes interrogées souhaiteraient que le maire dispose de pouvoirs plus importants en matière de sécurité et de lutte contre la délinquance.
Je ne peux, monsieur le ministre, que me féliciter de votre prise de conscience de l'importance d'une politique de sécurité, comme vous l'avez exprimé au cours d'un colloque organisé à Villepinte, le 25 octobre dernier. Même si je ne pense pas, comme vous, que « la sécurité est un concept de gauche », je suis heureux de constater que, pour vous aujourd'hui, la sécurité n'est pas uniquement un droit abstrait et un concept global, mais que « ce sont les couches sociales les plus pauvres et les plus démunies qui souffrent de l'insécurité », cette insécurité résultant très largement du « mal vivre » de ces personnes.
Cette nouvelle attitude me paraît aller dans le bon sens, et je me permets de m'en réjouir. Nous, élus locaux, souhaitons pouvoir travailler en effet avec vous dans ce sens. Aussi quelle n'est pas ma surprise, monsieur le ministre, de vous entendre annoncer, outre la création de 15 000 agents locaux de médiation et de 20 000 adjoints de sécurité, ce dont je me félicite également, que vous avez placé ce personnel sous l'autorité du ministre de l'intérieur, sans pouvoir d'intervention des maires !
Monsieur le ministre, le sentiment d'insécurité est bien souvent atténué du fait de l'action des polices municipales. A ce propos, j'enregistre avec plaisir votre volonté d'étendre leurs compétences à la police de la circulation.
Bien que vous souhaitiez encadrer et mieux contrôler ces services locaux de police, je pense que seule l'élaboration d'un véritable statut des polices municipales, qui a toujours été reportée, est de nature à définir avec précision les compétences de chacun. En effet, si la complémentarité entre police nationale et police municipale est désormais largement admise, une réelle clarification de leurs compétences respectives est nécessaire. Elle est d'ailleurs demandée par tous les maires du pays.
Il ne faudrait pas en effet, monsieur le ministre, que les écarts de la police municipale d'une commune que nous connaissons tous et dont la presse a tant parlé jette le discrédit sur l'ensemble de ce service local de sécurité, ni qu'ils servent de prétexte à une limitation trop stricte de ses pouvoirs.
Nous ne pouvons pas accepter, monsieur le ministre, que, comme vous l'indiquiez, la loi n'autorise pas les polices municipales à intervenir en cas de flagrant délit. Il faudrait alors revoir le code de procédure pénale et supprimer l'article 73, qui fait de cette intervention un devoir pour chaque citoyen.
Nous ne pouvons pas non plus accepter que les policiers municipaux doivent travailler de nuit sans être armés. Le souci de la sécurité la plus élémentaire de ces agents supprimerait beaucoup de leur efficacité, puisqu'ils ne seraient plus envoyés dans certains quartiers où leur présence est pourtant la plus nécessaire.
La mise en place de contrats locaux de sécurité complète le dispositif de votre politique locale ; mais, outre que vous n'en précisez ni le contenu ni même les conditions d'élaboration, je crains beaucoup que ne s'opère un transfert sur les services municipaux des tâches administratives assumées aujourd'hui par la police nationale.
Dans l'opposition, monsieur le ministre, vous dénonciez souvent les transferts de charges. J'espère que vous ne changerez pas d'opinion et que les responsables des collectivités locales, particulièrement les maires, auront enfin les moyens de leurs compétences. En effet, si les maires ne manquent pas de responsabilités en matière de sécurité et de police, leur place n'est pas vraiment définie dans le dispositif de protection des biens et des personnes.
Monsieur le ministre, vous n'ignorez certes pas que, dans certains cas, les habitants d'une commune viennent plus volontiers se plaindre à la mairie qu'au commissariat. Dès lors, il me semblerait logique d'adapter le droit à la pratique et de confier au maire des compétences d'accueil et d'écoute.
Les policiers remplissent une mission difficile qu'il n'est pas question de compliquer. Je pense cependant que le maire devrait pouvoir donner des instructions claires à la police nationale, notamment en ce qui concerne les missions de service public, par exemple l'accueil et l'écoute des victimes, qui restent bien souvent mal perçues par nos concitoyens.
Les incertitudes et les ambiguïtés dans les missions et les compétences des différents responsables de la sécurité des citoyens révèlent l'impérieuse nécessité d'un important développement de la décentralisation dans ce domaine également. Une telle évolution passe par une nouvelle loi de décentralisation complétant les lois de 1982, pour mieux définir les compétences et pour avancer dans l'intercommunalité. Sans doute existe-t-il aujourd'hui un mouvement insidieux de recentralisation.
La déception, malheureusement croissante, de la population à l'égard du personnel politique semble bien être liée au sentiment d'une relative impuissance à peser sur le cours des choses. Les responsables des collectivités locales, et plus spécialement les maires, conservent encore ce capital de confiance ; pourquoi ne pas l'exploiter ?
Tout cela ne m'empêchera pas de voter, avec la totalité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, tout comme de nombreux collègues de l'opposition, le projet de budget que vous nous présentez. Je souhaite cependant que les problèmes que je viens d'évoquer puissent être abordés plus largement et plus longuement dans les prochains mois.
M. le président. La parole est à M. Dérian.
M. Jean Dérian. Monsieur le ministre, un premier constat s'impose : le budget en faveur des collectivités locales n'évolue que très faiblement cette année.
Nous avons pris acte de la volonté gouvernementale de mettre tout à plat en 1998 afin d'élaborer les nouvelles bases des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
Nous nous félicitons du choix gouvernemental en faveur de cette concertation sur un sujet aussi sensible et aussi proche de la vie quotidienne de nos compatriotes. Effectivement, pour bon nombre de citoyens, les collectivités locales sont les acteurs de premier plan des choix politiques. Or, nous savons tous ici que les marges de manoeuvre financières des collectivités territoriales sont de plus en plus étriquées.
Cela inquiète beaucoup le groupe communiste républicain et citoyen aurait souhaité que ce budget, qui porte un peu plus d'innovations.
Cependant, monsieur le ministre, soucieux de nous inscrire dans votre démarche de concertation, nous comprenons que la réflexion nécessite un peu de temps pour être constructive et pour apporter des réponses adéquates aux revendications des acteurs locaux.
J'en arrive aux points délicats qu'il conviendra de régler au cours de l'année 1998.
Pour commencer, je tiens à évoquer la nécessaire sortie du pacte de stabilité et nos propositions pour les futures relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
L'année 1998 va se terminer avec le pacte de stabilité, que nous préférons dénommer « pacte de régression ». En effet, ce pacte n'a fait que retranscrire la volonté du gouvernement précédent de limiter les aides de l'Etat aux collectivités locales. En attestent les principes d'évolution retenus pour le calcul de l'évolution de la dotation globale de fonctionnement.
Le groupe communiste républicain et citoyen a vivement combattu la volonté unilatérale du gouvernement Juppé de mettre en place un pacte de prévisibilité de leur dotation, étant donné l'évolution minimale retenue.
L'arrêt de ce pacte devrait permettre à l'ensemble des acteurs locaux de réaffirmer les besoins des collectivités locales. Il va aussi offrir la possibilité de revoir les modalités de progression des dotations sous enveloppe, notamment de la DGF.
Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, le groupe communiste républicain et citoyen a déposé un amendement qui visait, premièrement, à prendre en compte le taux d'évolution du PIB, en volume de l'année précédente - sous réserve qu'il soit positif - à hauteur de 1 % au lieu de 0,5 % ; deuxièmement, à prendre en compte l'indice égal à la somme du taux prévisionnel d'évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation des ménages, hors tabac.
En application de son mode d'évolution actuelle, la dotation globale de fonctionnement devrait normalement progresser, en masse, de 2,4 % en 1998, et représenter 107,083 milliards de francs.
Mais la DGF de 1996 a été surévaluée, car les indices économiques réalisés, sur la base desquels la DGF évolue, étaient inférieurs aux prévisions. En conséquence, les collectivités ont, selon la loi, perçu 750 millions de francs de trop ! Elles subissent donc une réduction équivalente sur la DGF de 1998, ce qui entraîne une évolution minorée à plus 1,38 % seulement, comparée au montant total de la DGF réellement ouvert en loi de finances initiale de 1997.
C'est la deuxième année consécutive que la base de calcul de l'ensemble des dotations bloquées est « recalée » à la baisse, du fait que les indices d'évolution constatés sont inférieurs à ceux qui étaient prévus. En 1997, les collectivités locales ont déjà perdu 700 millions de francs de DGF pour les mêmes raisons.
Cela porte préjudice aux collectivités, au regard de leurs difficultés financières. Et, comme toujours, cela se retourne contre les contribuables, qui sont continuellement plus taxés.
J'en arrive tout naturellement à la fiscalité locale et aux questions, monsieur le ministre, qu'il vous faudra prendre en compte dès 1998.
Premièrement, les coefficients de majoration forfaitaire qui s'appliquent depuis 1981 aux bases brutes des quatre taxes directes locales sont différents selon la taxe, ce qui conduit à favoriser le secteur économique.
Ainsi, depuis 1981, soit en dix-sept années, la progression moyenne a été de 89,5 % pour les locaux d'habitation, de 37,3 % pour les propriétés non bâties, et de seulement 18,3 % pour les locaux industriels et commerciaux.
De la sorte, l'application différenciée des coefficients de majoration forfaitaire a conduit à une surrevalorisation des locaux d'habitation et des propriétés non bâties industrielles et commerciales.
Comme nous venons de l'illustrer, il devient urgent de réviser les bases cadastrales et de lier les quatre taxes.
Concernant plus particulièrement la taxe professionnelle, tout le monde conviendra que la réforme annoncée par le Gouvernement pour 1998 est très attendue. Effectivement, il est nécessaire de freiner la dérive des compensations d'exonérations et de dégrèvements d'impôts locaux pris en charge par le contribuable national à la place des revenus concernés.
Posons-nous la question de l'évolution des taux, du devenir de l'abattement de 16 % à la base de la taxe professionnelle par rapport à la dotation de compensation de la taxe professionnelle, mais également du rehaussement de la cotisation minimale de cette même taxe.
Concernant, par exemple, l'abattement de 16 % consenti aux entreprises et pris en charge par l'Etat par le biais de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, les collectivités locales subissent chaque année une chute de ce remboursement. C'est encore le cas cette année, pour 715 millions de francs.
L'abattement consenti aux entreprises n'est donc plus, à l'heure actuelle, compensé entièrement par l'Etat, puisqu'il ne l'est qu'à 60 %.
La dotation de compensation de la taxe professionnelle sert, en fait, de variable d'ajustement dans la logique du pacte. Autrement dit, les compensations de taxe professionnelle dues aux collectivités sont réduites pour permettre à l'Etat de financer les dotations placées sous enveloppe.
Toujours concernant cette même taxe, il nous semble important de l'encadrer, c'est-à-dire de faire jouer le plafond et le plancher de la taxe professionnelle. Lors de l'examen de la première partie, le groupe communiste républicain et citoyen a déposé un amendement qui tendait à porter la cotisation minimale à 1 %.
Cette proposition va dans le sens de l'instauration d'une solidarité fiscale entre entreprises, quel que soit leur lieu d'implantation et leur nature.
Enfin, le produit de cette taxe pourrait être versé aux collectivités locales, via le Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle. Une cotisation minimale de 1 % rapporterait, en effet, de 4 à 5 milliards de francs et concernerait moins de 10 % des entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions de francs.
Dernière suggestion - ou plutôt dernière interrogation - au sujet de la taxe professionnelle : le groupe communiste républicain et citoyen souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur le cas de certaines communes dont l'apport de taxe professionnelle est presque nul, mais qui ont sur leur territoire des établissements publics exonérés, comme c'est le cas à Villejuif, ville hospitalière, à Saint-Martin-d'Hères, ville universitaire, ou encore à Saint-Brieuc, dans mon département, qui accueille, comme toutes les villes préfectures, de nombreuses administrations et établissements publics.
Sans pour autant élargir l'assiette de la taxe professionnelle à ses établissements publics, l'Etat ne doit-il pas prendre en compte ces situations atypiques ?
Par ailleurs, le groupe communiste républicain et citoyen estime que les différentes exonérations attachées aux taxes locales sont mal réparties. Ainsi, 75 % de ces exonérations concernent la taxe professionnelle. Ne faut-il pas réfléchir aux aides possibles en faveur des contribuables assujettis à la taxe d'habitation et - ou - à la taxe foncière ?
J'en viens au bilan de la décentralisation. Sans faire la liste des charges transférées de l'Etat aux collectivités locales depuis une quinzaine d'années, le groupe communiste républicain et citoyen estime qu'elles ont été nombreuses à ne pas avoir été accompagnées des mesures financières.
Actuellement, de nouvelles charges tendent à s'ajouter pour les collectivités, notamment en matière d'environnement, de sécurité de secours et d'incendie, mais aussi avec le plan « emplois-jeunes ».
S'agissant de l'environnement, nous souhaitons que la TVA soit ramenée à 5,5 % pour le traitement des ordures ménagères.
M. Alain Vasselle. D'accord !
M. Jean Dérian. En ce qui concerne la sécurité, l'incendie et le secours, mon collègue Pierre Lefebvre vous fera part de nos inquiétudes lors d'une intervention portant sur le titre concerné.
En ce qui concerne le plan « emploi-jeunes », qui met les collectivités locales à contribution, nous sommes soucieux que l'Etat puisse permettre à ces dernières non seulement de pérenniser ces emplois au terme du contrat de cinq ans, mais également de tenir compte de l'obligation de formation qui est, pour le moment, à la seule charge des collectivités.
Le dernier point que je voulais évoquer concerne la CNRACL. La stabilité des cotisations retenue pour cette année nous satisfait. Nous espérons cependant que les négociations entre l'Etat et les collectivités locales aboutiront à une réduction du taux de cotisation à la CNRACL.
En conclusion, le groupe communiste républicain et citoyen émet un avis favorable sur le projet de budget de la décentralisation. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les relations entre l'Etat et les collectivités locales constituent l'un des éléments primordiaux de l'équilibre républicain de notre pays. En effet, engagé voilà quinze ans, le processus de décentralisation a inscrit de manière irréversible la démocratie de proximité et la participation citoyenne au coeur du fonctionnement des collectivités locales.
M. Paul Loridant. Vous avez voté contre en 1981 et en 1982 !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Et vous en 1969 !
M. Alain Vasselle. Dans ce contexte, les relations budgétaires entre l'Etat et les collectivités territoriales sont essentielles. La question des transferts des charges et des relations financières avec l'Etat reste la première grande priorité de tous les élus.
A ce titre, le pacte de stabilité financière a constitué une première étape importante, car, face à la dégradation de la situation financière de bon nombre de collectivités, il était urgent d'arrêter de considérer les ressources locales comme un outil supplémentaire d'ajustement par le transfert sans cesse croissant des charges de l'Etat vers les collectivités locales sans compensation réelle...
M. René Régnault. Que ne l'avez-vous dit l'année dernière !
M. Alain Vasselle. ... et, de ce point de vue, je rejoins la position qu'a défendue à l'instant notre collègue du groupe communiste.
M. Paul Loridant. Républicain et citoyen ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle. Les collectivités locales, acceptant au fil des ans les règles du jeu fiscales et financières entre l'Etat et elles-mêmes, se sont de plus en plus orientées vers l'autofinancement et le désendettement. Force est de reconnaître le bien-fondé du principe même du pacte de stabilité,...
M. René Régnault. Il retrouve les chemins de la vertu !
M. Alain Vasselle. ... assurant aux collectivités locales une plus grande sécurité et une meilleure lisibilité dans l'évolution de leurs ressources.
Dès lors, en cette dernière année du pacte de stabilité, il est impérieux de ne pas remettre en cause les principes régissant depuis 1996 les relations financières entre l'Etat et les collectivités.
Le présent projet de budget semble traduire cette volonté et ce souci, monsieur le ministre.
Aujourd'hui, beaucoup d'élus s'accordent à reconnaître que la décentralisation est globalement une réussite au niveau de la qualité des services.
M. Paul Loridant. Merci la gauche !
M. René Régnault. Oui, merci la gauche !
M. Alain Vasselle. Il n'en est pas moins vrai que nous avons dû faire face à certains dysfonctionnements et que la décentralisation a eu certains effets pervers ici et là.
Trop souvent, les transferts de compétences n'ont pas été accompagnés des transferts financiers correspondant à la charge nouvelle que ces compétences entraînaient.
Ne cédez pas, monsieur le ministre, aux sirènes de Bercy en nous transférant de nouvelles charges sans compensation.
Le contexte économique et social auquel nous sommes confrontés, lié à la montée du chômage et à la progression incessante de l'exclusion, n'est pas de nature à apaiser les inquiétudes des élus locaux, qui éprouvent de plus en plus de difficultés à boucler leur budget tout en maîtrisant leur fiscalité sans faire régresser leurs investissements, lesquels ont des effets directs et déterminants sur l'emploi.
Permettez-moi, en ma qualité de maire d'une commune de 185 habitants, d'appeler votre attention sur trois points relatifs l'un aux dotations de l'Etat, l'autre à un sujet qui paraît anecdotique mais qui n'est pas sans importance dans mon département - je veux parler de l'article 23 de la loi du 22 juillet 1983 - et le dernier au problème que pose l'application des normes s'imposant aujourd'hui à l'ensemble de nos collectivités.
Sur le premier point, concernant les dotations d'Etat, les communes rurales bénéficient de l'effort conjugué de la DGF, de la DGE, la dotation globale d'équipement, de la DDR, la dotation de développement rural, lorsqu'elles sont organisées dans l'intercommunalité, et l'ensemble de ces concours financiers permet aux communes, bon an mal an, de faire face à leurs responsabilités. Encore que, de ce point de vue, je tiens à appeler votre attention sur le retrait à mon sens trop important qu'a représenté la réforme qui a été engagée au titre de la DGF et dont les répercussions ont été dommageables au titre de la DGE.
La réforme qui a été engagée a eu pour résultat de fondre dans une seule dotation la DGE première part et la DGE deuxième part. Auparavant, étaient éligibles à la DGE première part les communes de plus de 2 000 habitants, il y avait un droit d'option pour les communes de 2 000 à 10 000 habitants ou pour les groupements de communes, n'étaient éligibles qu'à la première part les communes de plus de 10 000 habitants. Or la réforme a regroupé dans un même fonds l'ensemble des communes de moins de 20 000 habitants.
Lors de la première réunion de la commission qui a été appelée à donner un avis sur les domaines d'intervention et sur les taux de subvention, le représentant de l'Etat dans notre département de l'Oise nous a communiqué le montant de la dotation de l'Etat affectée au titre de la DGE. Quelle a été notre surprise de constater qu'en 1995 notre dotation était de 35 millions de francs, - 12 millions de francs pour la première part et 23 millions de francs pour la deuxième part - alors qu'en 1997, nous ne recevions plus que 30 millions de francs, soit 5 millions de francs de moins qu'en 1995. Autrement dit, nous avons subi une perte nette qui a été dommageable essentiellement pour les communes rurales, car il a bien fallu partager l'ensemble de l'enveloppe entre les communes rurales et les communes comprenant entre 2 000 et 20 000 habitants, puisqu'elles devenaient éligibles à la DGE spécifique deuxième part. (Murmures sur les travées socialistes.)
M. René Régnault. Ce n'est pas le système que nous avons mis en place !
M. Alain Vasselle. Je souhaite que l'engagement qui avait été pris en son temps - et je ne doute pas, monsieur le ministre, qu'en ce qui vous concerne vous veillerez à ce qu'il en soit ainsi - soit tenu. Ainsi, l'ensemble des départements doivent retrouver, au titre de la DGE, une dotation au moins équivalente à ce qu'elle était avec le cumul de la première part et de la deuxième part. En effet, cela est essentiel s'agissant de la politique d'investissement des communes, en particulier des communes rurales. Et vous savez bien que cette politique d'investissement a une répercussion sur l'activité de notre pays, notamment sur celle des entreprises du bâtiment et des travaux publics.
Par conséquent, tout moyen en retrait par rapport à ce qu'il était antérieurement, au profit des collectivités, ne peut qu'avoir des répercussions dommageables sur nos collectivités locales.
Je souhaiterais maintenant appeler votre attention sur un deuxième point, même s'il peut paraître un peu anecdotique : je veux parler de l'article 23 de la loi du 22 juillet 1983, qui définit dans quelles conditions les communes de résidence doivent contribuer aux dépenses des écoles des communes d'accueil.
Les dispositions de cette loi ne permettent pas de prendre en considération certaines situations que nous rencontrons dans nos communes rurales.
J'avais d'ailleurs attiré l'attention de M. Perben - il était à l'époque ministre de la fonction publique certes, mais il suivait de près tout ce qui touchait à la décentralisation - sur le fait qu'aux termes de l'article 23 ne sont prises en considération, pour dispenser les communes de résidence de leur contribution aux communes d'accueil, que celles qui possèdent sur leur territoire une cantine ou une halte-garderie, c'est-à-dire un équipement public.
Or il existe, dans l'ensemble de nos communes, des « réseaux d'assistantes maternelles » qui ont la capacité, en application de dispositions réglementaires et législatives, d'accueillir les jeunes enfants le matin avant l'école, le midi à l'heure des repas et le soir en attendant que les parents rentrent de leur travail.
Ces assistantes maternelles, qui peuvent assumer les mêmes fonctions que celles qu'offrent une halte-garderie ou une cantine, ne sont pourtant pas reconnues en tant que telles par l'article 23 de la loi de 1983 comme élément de référence pour le calcul de la participation.
M. Perben était d'accord pour modifié les dispositions de cet article 23. Seriez-vous vous-même favorable, monsieur le ministre, à un tel aménagement, qui permettrait de prendre en considération l'existence de ces assistantes maternelles ?
Vos services ont répondu à une question écrite que j'avais posée et à une interpellation que nous avions faite par l'intermédiaire de l'Association des maires de France, que cet aménagement était envisageable, sous réserve que soit passée une convention entre les conseils généraux et les communes concernées.
Nous devons donc établir un modèle de convention ; je l'ai suggéré à M. Jean-Paul Delevoye, président de l'Association des maires de France. Mais il faudrait que nous obtenions l'aval de votre ministère pour intégrer cette disposition soit par la voie réglementaire, soit par la voie législative. Ainsi, cette difficulté à laquelle se heurtent les communes rurales serait résolue de même que 90 % des contentieux qui résultent de l'application de l'article 23 de la loi du 22 juillet 1983.
Enfin, monsieur le ministre, j'attire votre attention sur le problème que posent les normes, notamment celles qui sont liées aux services que doivent apporter les collectivités locales à leurs administrés, à savoir le service de l'eau et celui des déchets ménagers.
Nous sommes tenus par les échéances de 2002 et de 2005, si bien que nous allons devoir faire supporter à nos administrés, dans un délai relativement bref, le poids d'une charge nouvelle induite par le respect de normes résultant des différents textes législatifs adoptés par le Parlement. Ces normes entraînent des coûts financiers majeurs.
Lorsqu'on fait l'addition du poids que va représenter aujourd'hui la fiscalité directe locale, à travers les impôts communaux, les impôts liés à l'intercommunalité - communautés de communes et districts - les impôts qui pourraient résulter des initiatives pouvant être prises à la suite des ententes interrégionales, le poids du service de l'eau - le prix du mètre cube va passer, souvent, à trente ou quarante francs, pour respecter les normes telles qu'elles ont été fixées par la loi - et le service des ordures ménagères, je peux vous dire, monsieur le ministre, que des ménages qui vivent dans un logement HLM vont supporter une contribution financière équivalente à un ou deux mois de salaire.
Nous allons donc atteindre la limite de la capacité contributive d'un certain nombre de nos concitoyens ; nous allons avoir des impayés considérables et des difficultés majeures de gestion au plan de nos communes, que l'Etat aura d'ailleurs à supporter, mais qu'il répercutera à travers les frais de rôle que nous voyons sur nos feuilles d'impôt, puisqu'il prend en compte totalement les impayés constatés sur le territoire national.
Le Gouvernement se doit d'étudier très attentivemenet ce problème majeur pour y apporter des solutions acceptables. L'une d'entre elles pourrait consister notamment à assouplir les conditions financières faites à nos collectivités, avec des prêts à taux raisonnable, étalés sur trente ans ou quarante ans, pour leur permettre de financer des équipements lourds tels que des usines d'incinération ou des réseaux d'assainissement.
Monsieur le ministre, tels sont les quelques points sur lesquels je souhaitais attirer votre attention et celle du Gouvernement à l'occasion de l'examen du projet de budget sur la décentralisation. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les nombreuses réunions que je conduis avec les maires au niveau local ainsi que le récent congrès de l'Association des maires de France m'ont permis de relever un certain nombre d'inquiétudes et, de plus en plus souvent, de « ras le bol », si vous me permettez l'expression, de la part de mes collègues élus locaux.
Je vais essayer de m'en faire l'écho, notamment sur deux points indissociables, à savoir la responsabilité des collectivités et de leurs élus et les moyens dont ils disposent.
S'il est bien vrai qu'être homme c'est être responsable, il est évident, a fortiori , qu'être élu c'est accepter la responsabilité. C'est dans la nature même de l'élu, ou alors il y aurait de quoi s'inquiéter.
Mais la responsabilité a un corollaire : la capacité. C'est d'ailleurs un principe de droit. Et je crois pouvoir dire aujourd'hui qu'il y a rupture entre la responsabilité des élus et leur capacité à agir, non par manque de volonté mais par manque de moyens.
En effet, nous ne ne comptons plus aujourd'hui les compétences nouvelles mises à la charge des collectivités sans s'être assuré préalablement de savoir si celles-ci disposaient bien des moyens techniques ou financiers nécessaires à l'exercice de ces nouvelles responsabilités.
Il en est ainsi des grandes lois sur l'eau, les déchets, l'environnement, pour ne citer que celles-ci.
S'agissant par exemple de l'assainissement, il faut des schémas directeurs d'assainissement, et c'est bien qu'ils soient élaborés au niveau local. Mais lorsque l'on charge le maire de la vérification et du suivi de la conformité des assainissements individuels, alors là, monsieur le ministre, le petit maire rural que je suis ne sait plus faire. Et quand un de mes collègues s'adresse à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales - c'est arrivé dernièrement - pour demander conseil, il reçoit en retour une brève réponse administrative : « Depuis les arrêtés du 6 mai 1996, je n'ai plus réglementairement d'avis à donner sur ce dossier. Aussi je vous en fais retour. » Cela se passe souvent ainsi sur le terrain.
L'Etat, après s'être déchargé sur les collectivités, les laisse singulièrement seules, désarmées face à d'énormes responsabilités. Il y a là nature à nourrir des inquiétudes grandissantes, et j'appelle, monsieur le ministre, votre vigilance sur ce point.
Sur le plan financier, je sais bien que le pacte de stabilité est respecté ; je sais bien que l'Etat peut dire qu'il a, dans le cadre de la décentralisation, transféré aux collectivités les moyens nécessaires à l'exercice des compétences transférées, même si ce n'est pas tout à fait exact.
Je sais bien aussi que l'on dit aujourd'hui que l'Etat est le premier contribuable des collectivités locales mais vous savez que ses concours sont insuffisants au regard des charges nouvelles que, jour après jour, l'Etat impose aux communes, et ce souvent « mine de rien ».
Ainsi, nous venons d'apprendre que la décision de M. Claude Allègre et de Mme Ségolène Royal d'informatisation multimédia des établissements scolaires devra être financée par les collectivités locales à hauteur de 10 milliards de francs,...
Mme Hélène Luc. Pour partie !
M. Philippe Arnaud. ... 5 milliards de francs seulement étant à la charge de l'Etat.
Et que dire quand l'Etat, qui n'arrive plus à assumer ses propres responsabilités - et cela ne date pas d'aujourd'hui - se tourne vers les collectivités pour que celles-ci investissent à sa place, notamment pour les universités, les routes nationales, les gendarmeries ou les perceptions, et la liste est longue !
Mais le comble, c'est que l'Etat refuse alors le remboursement de la TVA au double prétexte que ces investissements ne sont pas de la compétence de la collectivité et que l'investissement est destiné à un tiers, alors que ce tiers est l'Etat lui-même !
Pour les lourds programmes d'investissement public des toutes prochaines années qui atteignent 60 milliards de francs d'ici à l'année 2002 pour les seuls déchets ménagers, montant énorme et insupportable pour nos contribuables locaux, il y a urgence à rendre au moins éligible au FCTVA la totalité de ces investissements qui visent à valoriser les déchets, ce qui n'est pas le cas actuellement, et à ramener à 5,5 % le taux de TVA pour la collecte de ces déchets.
D'ailleurs, sur ces deux derniers points, à savoir les investissements pour le compte de l'Etat et la TVA sur les ordures ménagères, j'ai déposé des amendements visant à régulariser ces situations paradoxales.
Je voudrais également attirer votre attention sur la DGE deuxième part, qui n'est pas accessible aux communautés communes de plus de 20 000 habitants.
Or, il arrive que ces communautés soient composées de petites communes rurales de moins de 2 000 habitants qui ont fait un véritable effort de solidarité en se regroupant et que leur EPCI, l'établissement public de coopération intercommunale, ne puisse bénéficier de la DGE pour ses investissements collectifs.
Ne pourriez-vous apporter une réponse à ce problème qui va à l'encontre de l'objectif recherché : favoriser la solidarité intercommunale ?
J'évoquerai aussi, monsieur le ministre, l'abondance de normes en tous genres intéressant les équipements scolaires, sportifs et de loisirs, les jeux d'extérieur pour enfants, les services de restauration, l'amiante ! Responsable de tout, le maire doit faire face. Sa responsabilité est engagée et l'administration se couvre en multipliant les avertissements. Tout ne peut pourtant pas être fait tout de suite ! Et d'ailleurs, quand c'est fait, c'est aussitôt à refaire !
Oui, des efforts sont à consentir pour la sécurité de nos concitoyens, oui des directives doivent préciser suffisamment les améliorations à apporter à nos équipements. « Suffisamment », monsieur le ministre, mais pas au point de rendre impossible leur réalisation !
En ce domaine comme en beaucoup d'autres, le mieux est l'ennemi du bien, et, vous le savez, sur ce terrain-là, il n'y a pas de limite.
On peut d'ailleurs s'interroger sur certaines exigences quand un grand ministre de ce gouvernement, par ailleurs éminent scientifique, déclare à propos de l'amiante que certaines contraintes imposées par les textes en vigueur sont excessives et non fondées scientifiquement, mais qu'en bon ministre de la République il n'a pas d'autre choix que d'appliquer la loi !
Vous le voyez, monsieur le ministre, si le problème des moyens - notamment financiers mais pas seulement - est bien posé aux élus locaux, il n'en reste pas moins que ces derniers demeurent responsables moralement, civilement, et même pénalement. Des améliorations heureuses ont été apportées, sur l'initiative du groupe de l'Union centriste du Sénat, à la responsabilité pénale des élus : ils ont maintenant droit aux circonstances atténuantes. Mais ce n'est pas suffisant, en tout cas ce n'est pas satisfaisant. Responsable municipal vous-même, monsieur le ministre, vous savez que les élus ne fuient pas leurs responsabilités : ils demandent seulement à avoir les moyens de les exercer.
Les détenteurs du pouvoir local se sentent de plus en plus fragilisés, à la merci de nouvelles contraintes juridiques et financières qui sont le fait de décisions prises, souvent, sans concertation.
Alors, s'il vous plaît, pensez-y lorsque vous réviserez le pacte entre l'Etat et les collectivités pour prendre en compte l'ensemble des charges pesant sur elles.
Avant de conclure, je dirai un dernier mot, monsieur le ministre, sur un point qui a déjà été évoqué et qui intéresse le statut des maires et leur régime indemnitaire. Celui-ci, chacun le reconnaît, reste encore très modeste. Une mesure récente, le glissement des cotisations de sécurité sociale vers la CSG, va s'appliquer aux indemnités des élus locaux, sans possibilité pour eux de compensation.
Cette conséquence est passée inaperçue, et c'est fâcheux, car cela va représenter dès 1998 une diminution de 7,5 % de leur indemnité, et ils ne seront toujours pas assurés sociaux ! Ce ne sont pas eux, pas pour cela en tout cas, qui viendront manifester ; mais s'il faut que les élus restent désintéressés, il convient tout de même qu'ils soient justement indemnisés et qu'ils ne soient pas moins bien traités que les autres catégories de citoyens. Je souhaite que vous trouviez un remède à cette situation.
J'en viens à ma conclusion, monsieur le ministre.
Poursuivez, parachevez la décentralisation, en toute transparence. Reconnaissez aussi des droits aux élus par l'amélioration de leur statut, et alors vous aurez contribué à conforter la démocratie. Mais n'oubliez pas de prendre en compte les réalités du terrain sur lesquelles j'ai essayé de vous apporter un témoignage personnel et sincère. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aborder le financement budgétaire de la décentralisation revient, c'est vrai, à traiter la question fondamentale des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales, autrement dit à se pencher tout autant sur la réforme de l'Etat que sur l'évolution et l'adaptation de la réforme de 1982. J'examinerai donc successivement ces deux thèmes.
S'agissant de la réforme de l'Etat, je suis tenté, monsieur le ministre, de reprendre à mon compte les termes de la question écrite du 28 août dernier de mon collègue M. Georges Gruillot, sénateur du Doubs. Qu'en est-il de l'évolution de ce dossier et avez-vous l'intention de poursuivre l'effort engagé dans ce domaine par le précédent gouvernement ? Quelles que puissent être les orientations retenues et quelle que soit l'appréciation portée sur elles par la nouvelle majorité, ce projet de réforme a le mérite de poser la question du devenir de l'environnement administratif et institutionnel de notre pays.
Désormais, en effet, l'Etat n'est plus le bloc monolithique sur lequel s'est appuyé le pouvoir avant la décentralisation. Son champ d'action, sa capacité à agir, ses ambitions sont différents. Les lois de décentralisation, la construction européenne, mais aussi, d'une certaine manière, le mouvement des privatisations et l'évolution du service public en ont modifié le cadre et les perspectives.
Alors, de quel Etat la France a-t-elle besoin à l'aube du troisième millénaire ? De quel Etat par rapport à l'Union européenne, aux collectivités locales et à tous les acteurs économiques et sociaux ? Il importe que les voies de sa modernisation s'inscrivent dans la reconnaissance des échelons territoriaux et dans la prise en compte du rôle essentiel des collectivités. Seule une véritable articulation entre, d'une part, l'Etat central et ses services déconcentrés et, d'autre part, les collectivités est susceptible de favoriser cette évolution, qui doit tirer les conséquences de notre plus ou moins grande dépendance à l'égard de l'environnement international.
Ainsi, monsieur le ministre, qu'en est-il de la poursuite, voire de l'engagement, du processus de déconcentration ? Jean-Paul Delevoye déclarait très justement, voilà quinze jours, en ouverture du 80e congrès de l'Association des maires de France : « Construire l'Europe sans perdre son identité, franchir après la décentralisation l'étape de la déconcentration est un redoutable défi pour notre pays, mais il y va, me semble-t-il, du devenir de notre société. »
Peut-on donc espérer, à quelques semaines de son délai ultime, la mise en oeuvre du décret sur les décisions administratives individuelles ? De la même manière, qu'en est-il de l'expérimentation des rapprochements de différents services de l'Etat dans les départements ?
J'aimerais, monsieur le ministre, comme l'a fait tout à l'heure notre collègue Jean Puech, vous convaincre de la nécessité de ces efforts de modernisation de nos structures d'Etat, tant elles portent en elles les germes des prochaines étapes de la décentralisation.
En ce qui concerne justement la décentralisation, nous sommes nombreux - vous le savez, et cela a été dit ce soir - élus et parlementaires de toutes tendances, à appeler de nos voeux une clarification et une meilleure répartition des compétences de chacune de nos collectivités.
Initialement, les transferts de compétences ont été opérés dans l'espoir de mettre fin aux financements croisés. Au lieu de cela, cette pratique s'est pérennisée, généralisée et le plus souvent compliquée, tant et si bien que l'on assiste à une sorte de dilution des responsabilités et de confusion des pouvoirs très préjudiciables pour tous.
Au-delà de la lourdeur des délais d'instruction, le risque est réel de voir le financeur principal devenir le décideur en lieu et place de la collectivité qui détient pourtant la compétence juridique en la matière. Compte tenu du rôle et du poids des collectivités dans le développement local, il importe d'améliorer le système actuel, afin d'en augmenter la lisibilité et d'en bien démontrer aux citoyens l'efficacité, du point de vue tant administratif et financier que fiscal. Cela revient, en fait, à recentrer les pouvoirs et à asseoir les missions de base et les spécialisations de chaque collectivité sur des compensations financières équivalentes aux charges en cause.
Cela passe, bien sûr, par une nouvelle répartition de la fiscalité. Les conseils généraux, collectivités locales que je connais bien, ne cessent, par le biais de leurs associations représentatives, l'Association des présidents de conseils généraux, l'APCG, présidée par notre collègue Jean Puech, et l'Union des conseillers généraux de France, au sein de laquelle j'assume la fonction de secrétaire général, de réclamer que les règles soient précisées, que les compétences soient clairement identifiées et que les nouveaux transferts de compétences s'accompagnent effectivement des transferts de moyens correspondants.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Alain Dufaut. L'évolution exponentielle du coût de l'aide sociale est l'archétype de cette dérive permanente des dépenses obligatoires que les départements assument de plus en plus difficilement, à recettes constantes.
Je ne résiste pas au plaisir de vous citer trois autres exemples, tout aussi significatifs, bien que moins visibles.
Le premier concerne l'inéligibilité au FCTVA des investissements réalisés par les collectivités locales sur des biens appartenant à l'Etat ou à des particuliers, dès lors que cette intervention est motivée par une menace pour la sécurité publique et qu'elle est rendue nécessaire par l'inaction des propriétaires. Je me bats depuis plus de deux ans, monsieur le ministre, pour que ces travaux soient éligibles au FCTVA, et cela sans succès.
Je vous rappelle pourtant que cette question, qui concerne au premier chef l'entretien des rivières, conduit la plupart des syndicats d'hydraulique à la faillite. Dans un département tel que le mien, le Vaucluse, régulièrement et durement touché par les inondations, comme celle de Vaison-la-Romaine, en 1992, qui a fait trente morts, ce problème est grave, croyez-moi.
Le deuxième exemple, que je ne développe pas faute de temps - je vous renvoie pour cela aux discussions relatives à la première partie du projet de loi de finances pour 1998 - est celui de la taxe professionnelle de France Télécom.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Alain Dufaut. A ce phénomène, il convient d'ajouter la propension de l'Etat, comme cela a été dit à l'instant, de faire participer les collectivités locales à des investissements relevant normalement de son domaine de compétence. Tel est le troisième exemple, celui des routes nationales et des déviations d'agglomération. Comment supporter des clés de financement fixant les participations de l'Etat et de la région respectivement à 27,5 %, celles du département et de la ville respectivement à 22,5 %.
Alors qu'il s'agit d'une compétence de l'Etat, celui-ci, en sa qualité de maître d'ouvrage, récupère la TVA et ne financera en fin d'opération que 7 %.
C'est ainsi que le paradoxe suivant apparaît : la priorité de certains équipements entrant dans le cadre de compétence étatique est déterminée en fonction du taux de contribution des collectivités locales à leur financement.
Ce chantage n'est pas sérieux, il ne peut durer et ne constitue certainement pas la bonne méthode pour favoriser un aménagement du territoire rationnel.
Dans un souci de clarification, il conviendrait par conséquent que l'Etat finance seul, ou essentiellement avec l'aide des conseils régionaux, puisqu'il s'agit de la seule collectivité n'incluant pas dans sa compétence un réseau de voirie, l'aménagement des routes nationales.
Je n'irai cependant pas jusqu'à proposer, comme mon collègue André Vallet, qu'une seule collectivité finance l'intégralité des voiries.
J'en reviens aux compétences. Pour reprendre l'expression de M. Hauswirth lors du colloque organisé à Marseille le 27 février dernier, il serait vain d'imaginer une répartition des compétences comme un jardin à la française : une belle construction géométrique aux lignes clairement tracées.
Le multipartenariat n'est pas à proscrire, bien au contraire ; il est même à la base de la coopération locale et constitue une des clés du développement et de l'aménagement de nos territoires. Les contrats de plan en sont, bien sûr l'illustration.
Ce qu'il convient au contraire de corriger, ce sont les enchevêtrements administratifs et financiers, notamment en reprenant l'idée de la désignation d'un « chef de file », d'un leader, pour chaque compétence partagée.
L'article 65 de la loi d'orientation du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire prévoit le dépôt d'un projet de loi de clarification. Nous souhaitons assister sur ce thème à un nouvel essor, dont l'impérieuse nécessité ne vous échappera pas.
De la gestion efficace des compétences, elle-même accompagnée d'une reconnaissance d'un droit à l'expérimentation locale, dépendent les fiscalités locale et nationale et, par voie de conséquence, la compétitivité économique et notre pays. Sans quoi, monsieur le ministre, nous aboutirons à un paradoxe pour le moins surprenant : celui de renouer avec une « société bloquée », comme celle, justement, contre laquelle la réforme de 1982 entendait lutter. Un retour préjudiciable à la case départ, en quelque sorte !
Cela étant, monsieur le ministre, force est de reconnaître que vos moyens ne sont pas, loin s'en faut, à la hauteur de ces objectifs. Certes, vous souffrez de l'organisation gouvernementale qui veut que, tout en étant responsable de la décentralisation, vous ne soyez pas le gestionnaire des crédits des collectivités.
Ces dernières sont d'ailleurs les grandes oubliées de ce budget 1998. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est notre collègue M. René Dosière, député PS de l'Aisne et rapporteur pour avis de la commission des lois de l'Assemblée nationale, lors de la séance du 30 octobre 1997.
M. René Régnault. Il a mal lu le projet de loi !
M. Alain Dufaut. Le Sénat, représentant au Parlement des collectivités locales, ne peut, lui aussi, que le regretter ! (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Mesdames, mmessieurs les sénateurs, les concours aux collectivités locales inscrits au budget du ministère de l'intérieur dans le projet de loi de finances pour 1998 s'élèvent seulement à 25,4 milliards de francs. On ne peut donc pas, à proprement parler, dire que les collectivités locales ont été les grandes oubliées du budget. On a oublié, pour une fois de les ponctionner, voilà ce qu'il faudrait plutôt dire !
Cette somme de 25,4 milliards de francs, bien évidemment, ne retrace pas l'ampleur des transferts qui sont effectués par l'Etat aux collectivités locales, soit plus de 250 milliards de francs.
J'ai pris connaissance avec beaucoup d'intérêt des rapports de MM. Michel Mercier et Bohl, que je remercie de leurs travaux au sein de leur commission respective, et j'ai écouté avec beaucoup d'attention les différents intervenants.
Je constate - à les entendre, cela est clair - qu'avec quinze ans de recul on peut juger très positivement les lois de décentralisation. Personne aujourd'hui, en effet, ne conteste que la décentralisation a été un grand progrès ; M. Hoeffel a d'ailleurs dit qu'un Etat moderne était un Etat décentralisé, ou tout au moins un Etat qui fait à la décentralisation toute sa part.
Il n'est pas exact, selon moi, d'affirmer que la décentralisation est en panne. Elle devra, certes, progresser encore et beaucoup, et nous nous apprêtons à lui faire franchir un nouveau pas l'année prochaine.
Ce pas, nous le franchirons ensemble, en étroite concertation, car il va de soi que l'Etat doit accompagner la décentralisation. De ce point de vue, la déconcentration est un axe essentiel de la réforme de l'Etat. A cet égard, M. Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, à partir de travaux qui sont d'ores et déjà engagés fera un certain nombre de propositions au début de l'année prochaine.
J'aborderai en quelques mots ce qui préoccupe légitimement le Sénat, je veux parler de la situation financière des collectivités locales.
Sur ce sujet, il me semble que nous posons un diagnostic commun, et ce n'est pas seulement l'élu local que je suis qui le ressent ainsi.
Les collectivités locales ont dû faire face à des défis nouveaux ; elles en ont encore devant elles. Nombre d'entre vous ont évoqué le poids des normes nouvelles dans le domaine de l'eau, des ordures ménagères,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Des stades de football !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. ... des stades de football, de la sécurité et, naturellement, à ce propos, je pense à la mise en oeuvre de la loi du 3 mai 1996 relative aux services départementaux d'incendie et de secours.
Il faudra bien mettre en oeuvre tout cela.
L'Etat vous demande par ailleurs de vous associer à certains grands projets d'intérêt national, comme le programme des emplois-jeunes, qui consiste à mettre le pied à l'étrier à tout une génération qui ne peut pas attendre que le ciel s'éclaircisse. Il s'éclaircira, mais il faut, en quelque sorte, devancer l'appel.
La capacité de financement que dégagent les collectivités locales ne leur laisse que des marges de manoeuvre étroites. Cela pénalise le nécessaire effort d'investissement.
Pour le court terme, le Gouvernement a décidé - vous l'avez mentionné, messieurs les sénateurs - de mettre en oeuvre le pacte de stabilité financière dans sa dernière année. Il n'était guère question de revenir sur les engagements pris au mois de juin dernier.
Vous avez bien voulu approuver cette démarche avec - si j'ai bien compris en écoutant M. Dérian - des points de vue nuancés ; mais l'essentiel est que, pour des raisons même diverses, vous approuviez la démarche qui a été suivie par le Gouvernement.
En 1995 - vous vous en souvenez - la discussion préalable avec les élus locaux avait permis de dégager deux objectifs prioritaires : la nécessaire capacité de prévision des budgets locaux et l'association des collectivités locales à l'effort de réduction des déficits publics. Je dois dire que, de ce point de vue, elles ont tenu leurs engagements.
S'agissant de la capacité de prévision, les règles d'indexation des différentes dotations ont été appliquées et la dotation globale de fonctionnement a pu bénéfier d'une progression plus soutenue, liée à la croissance économique, alors que seule l'inflation était prise en compte en 1994 et en 1995.
En revanche, la maîtrise des déficits publics s'est traduite - il faut bien le dire - par la diminution de certaines dotations, ramenant l'augmentation des concours de l'Etat à la seule inflation des prix.
D'autres mesures, comme la suppression de la DGE pour les villes de plus de 20 000 habitants ont été décidées par la loi de finances de 1996, si mes souvenirs sont bons. Je tenais à le rappeler à M. Vasselle.
M. René Régnault. Il ne s'en souvient plus !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement a donc choisi de maintenir le dispositif, pensant que l'improvisation n'était pas une bonne chose.
Nous avons confiance dans la capacité de réaction des collectivités locales, dans leur capacité de comprendre un enjeu aussi crucial que celui de l'emploi des jeunes pour lequel l'Etat sollicite leur engagement, même s'il prévoit pour sa part d'y consacrer des moyens importants puisqu'il supportera 80 % de la charge.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je vous en prie, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, je voudrais obtenir de vous une garantie concernant la rémunération de ces jeunes.
L'Etat indique qu'il va assurer le financement de cette rémunération à concurrence de 80 % du SMIC, laissant 20 % à la charge de la collectivité territoriale qui recrutera ces personnels.
J'avais pensé - sans doute étais-je naïf - que cette disposition serait inscrite dans la loi. Or, c'est un décret qui est prévu.
Aussi, pour ne pas être déçu par la suite, je vous demande de prendre l'engagement que ce décret sera maintenu pendant cinq ans. En effet, lorsqu'une mesure est inscrite dans une loi, il faut une autre loi pour la modifier, tandis que, si une disposition figure dans un décret, elle peut être modifiée très rapidement. Par conséquent, je crains que nous ne nous trouvions un jour, par décret, en raison de difficultés budgétaires, dans l'obligation de financer non pas 20 % mais 30 %, voire 40 % de la rémunération susvisée.
Il serait donc très important pour nous d'avoir l'assurance ferme que l'on ne touchera pas à cette répartition 80 % - 20 %.
Je ferai remarquer, au passage, qu'il s'agit encore d'une charge supplémentaire imposée aux collectivités locales sans aucune compensation, ce qui est contraire aux lois de décentralisation.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement n'a qu'une parole. Il s'est exprimé très clairement sur ce sujet, et je ne peux que renouveler l'engagement qu'il a pris et qui a été formulé par Mme Aubry. Cette répartition fait partie du pacte de confiance passé entre le Gouvernement, d'une part, et les collectivités locales, de l'autre.
Cela dit, monsieur Poncelet, je ne suis pas d'accord avec vous pour considérer qu'il y a transfert de charges. Ces jeunes seront employés pour une large part dans le cadre d'activités qui seront définies par l'autorité qui les recrutera, que ce soient les communes, les départements ou d'autres établissements publics locaux.
S'il est vrai par exemple, comme l'a dit M. Vallet, que les adjoints de sécurité relèveront de l'Etat à travers la police nationale, il en ira différemment des agents locaux de médiation qui pourront être employés dans un cadre souple, diversifié, notamment dans le cadre de contrats locaux de sécurité.
Je conteste tout à fait l'expression « transfert de charges » dans la mesure où c'est un effort collectif qui sera mis en oeuvre, chacun prenant sa part, l'Etat prenant non pas plus que la sienne, mais les quatre cinquièmes de la charge.
C'est aussi ce souci de respecter les engagements de l'Etat qui nous a conduits à ne pas augmenter le taux des cotisations à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.
Certains d'entre vous se sont inquiétés du fait qu'une possibilité d'emprunts avait été ouverte à la CNRACL par la loi de financement de la sécurité sociale. Je crois pouvoir vous dire que, normalement, la CNRACL ne devrait pas avoir à utiliser cette possibilité puisque les prévisions dont nous disposons à ce jour font état d'un excédent de 1,4 milliard de francs à la fin de 1998.
Quant au périmètre du pacte de stabilité, il est analogue à celui de 1997. Toutes les règles d'indexation des dotations ont été respectées. On peut même dire que le Gouvernement est allé un peu au-delà de ses strictes obligations légales en neutralisant les effets de la régularisation négative de la dotation globale de fonctionnement pour 1996, qui s'élève à 750 millions de francs.
Il est vrai que la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, a été minorée d'autant, puisque c'est la variable d'ajustement.
Sur ce point, je répondrai à M. le rapporteur spécial, qui m'a posé une question.
Une erreur de prévision a été commise en 1996, je vous le rappelle, puisque l'indice d'évolution des prix qui avait été évalué à 2,1 % n'a en fait été que de 1,9 %.
Pour 1996, le périmètre du pacte de stabilité aurait dû s'établir à 153,407 milliards de francs. Or il a été surestimé de 300 millions de francs par rapport à l'estimation initiale, qui était de 153,709 milliards de francs. Par conséquent, c'est cette surestimation qui est venue en quelque sorte en déduction des 750 millions de francs dont il a fallu minorer la DCTP. La différence, soit 450 millions de francs, a été neutralisée. C'est mathématique. Dès lors, je pense que l'engagement pris par M. le ministre de l'intérieur le 10 juillet dernier devant le comité des finances locales a été tenu ; du moins j'ai la conscience tranquille. En tout cas, vos arguments, monsieur le rapporteur spécial n'ont pas ébranlé ma sérénité.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Je le vois bien, et je le regrette pour l'avenir !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Rien ne vous empêchera d'essayer de nouveau !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. C'est bien mon intention !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. J'en viens maintenant à la masse de la dotation globale de fonctionnement. Comme l'a relevé M. Régnault, elle progresse de 1,38 % par rapport à celle qui était répartie l'an dernier, soit un rythme légèrement supérieur à l'inflation.
Un peu supérieure à celle de 1997, cette progression devrait permettre de dégager des marges de manoeuvre un peu plus favorables pour la dotation d'aménagement et pour la mise en oeuvre de la péréquation au sein de la DGF, notamment au travers de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale.
Nous n'avons pas encore d'indications sur le développement des groupements intercommunaux, celui-ci déterminant fortement l'évolution de la DSU et de la DSR.
En 1997, les groupements intercommunaux ont absorbé 5 milliards de francs en 1993.
Il est clair qu'une nouvelle étape est aujourd'hui nécessaire. J'y reviendrai dans la deuxième partie de mon exposé.
Compte tenu des estimations retenues pour la dotation forfaitaire et en prévoyant la progression de l'intercommunalité à des niveaux proches de ceux de 1997, le solde à répartir devrait croître, pour la DSU, entre 2 % et 3,5 % et, pour la DSR, de 4,5 % à 6 % selon les choix que fera le comité des finances locales en janvier prochain ; en effet, ces affaires se règlent toujours en étroite concertation.
Les dotations de l'Etat au Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, le FNPTP, et au Fonds national de péréquation, le FNP, évoluent comme les recettes fiscales nettes de l'Etat, soit 4,35 %.
En outre, le FNPTP bénéficiera de l'abondement de 1,336 milliard de francs constitué par le retour de fiscalité locale payée par La Poste et France Télécom, en application de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service de La Poste et des télécommunications.
Une partie de ce fonds sera consacrée à la compensation d'exonérations de la taxe professionnelle prévue dans le cadre du pacte de relance pour la ville.
En 1998, la contribution devrait être limitée à 570 millions de francs, ce qui portera les dotations de l'Etat au FNPTP à 2,30 milliards de francs, soit une augmentation de 29 % par rapport à 1997.
Cela nous permettra d'envisager plus favorablement la répartition entre les différentes parts du fonds, notamment la dotation de développement rural, au profit notamment de l'intercommunalité, et le Fonds national de péréquation. Ce dernier constitue le levier le plus puissant pour nourrir la péréquation des dotations au bénéfice des communes pauvres en ressources fiscales, notamment en taxe professionnelle.
J'en viens aux dotations d'équipement inscrites dans le pacte de stabilité, qui recouvrent la dotation globale d'équipement et les dotations d'équipement scolaire. Elles progressent comme la formation brute de capital fixe des administrations publiques, soit 2,5 % en 1998, pour s'établir à près de 10 milliards de francs.
Après deux années de baisse consécutive à la suppression de la première part destinée aux villes en 1996 - j'ai déjà évoqué ce problème - la dotation globale d'équipement progresse de 2,5 % et s'établit à 5,1 milliards de francs.
Les dotations de financement des transferts de compétence - la dotation générale de décentralisation, la DGD-Corse et la DGD - formation professionnelle - progressent au même taux que la DGF, soit 1,38 %. Elles atteindront au total 20,973 milliards de francs.
Compte tenu des ajustements techniques, la seule DGD s'élèvera à 14,593 milliards de francs en 1998, soit une progression de 1,55 % par rapport à 1997, rythme supérieur à celui de l'inflation.
Par ailleurs, les dotations non comprises dans le pacte méritent examen. Aucune mesure n'est proposée qui puisse réduire, si peu que ce soit, les compensations versées aux collectivités locales au titre des exonérations et dégrèvements de fiscalité locale. Pourtant, et vous en avez fait le constat, l'Etat contribue à concurrence de 73 milliards de francs à la fiscalité locale, et il n'était pas inimaginable de commencer à corriger cette situation anormale. Mais le Gouvernement a préféré éviter toute précipitation. Je le dis particulièrement à l'intention de M. Puech : nous prendrons le temps qu'il faudra pour que toutes les consultations soient menées convenablement, aussi bien avec vos commissions, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'avec les grandes associations d'élus.
J'aborderai maintenant la question du FCTVA. Il est estimé à 20,72 milliards de francs pour 1998, soit un montant similaire à celui qui a été consommé en 1997, les règles de ce fonds n'étant pas modifiées par le projet de loi de finances pour 1998.
J'évoquerai peut-être tout à l'heure le problème du versement aux groupements. Je l'ai déjà traité ici même lors d'une récente question d'actualité ; je passerai donc rapidement sur ce sujet.
Le prélèvement au titre des amendes de police progressera de 5 % en 1998, pour s'établir à près de 2 milliards de francs.
Ainsi, c'est la première fois depuis longtemps que les collectivités locales ne se verront pas mises à contribution, d'une manière ou d'une autre.
Enfin, des mesures ont été adoptées lors du débat à l'Assemblée nationale ; je sais que la Haute Assemblée les souhaitait. Je pense à la revalorisation de 1,1 % des bases de la fiscalité locale et à l'éligibilité au FCTVA des investissements réalisés par les groupements sur le patrimoine communal. Il s'agit du problème que j'évoquais tout à l'heure.
L'année 1998 devra être celle d'une réflexion sur l'après pacte de stabilité. Je tiens à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, pour l'ensemble de vos interventions sur ce sujet. Nos idées à cet égard se rejoignent souvent.
Vous avez abordé, par exemple, le problème des « pays » et de la restructuration du paysage. Nous devons progresser avec beaucoup de prudence, j'en suis bien conscient. Je crois, monsieur Hoeffel, que nous sommes d'accord : les « pays » ne doivent pas constituer un niveau supplémentaire d'administration décentralisée ; ils doivent rester un espace de projet, au sens de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de 1995.
M. Daniel Goulet. Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. M. Puech et d'autres intervenants ont évoqué la question du non-cumul des mandats. Sur ce sujet, des avis divers se sont exprimés. La concertation est engagée. Il faudra laisser le débat se dérouler.
Il est clair que la question du statut de l'élu ne peut pas être dissociée du problème du non-cumul des mandats. (M. Hoeffel fait un signe d'approbation.) Il faudra faire progresser ces dossiers parallèlement.
Par ailleurs, je le dis à regret devant vous, mais c'est justice : la CSG est prélevée sur les indemnités des élus, comme elle l'est sur les rémunérations qui sont perçues à des titres divers par nos concitoyens. Il n'y a pas de dérogation à la règle !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Pour les salariés, il y a suppression des charges sociales, mais pas pour les élus !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Nous reprendrons cette discussion à une autre occasion !
Monsieur Puech, le conseil interministériel pour l'aménagement du territoire se tiendra, effectivement, le 15 décembre prochain.
Il a été suggéré de « pousser » un certain nombre d'idées, par exemple de renforcer les agglomérations ou les pays. Je tiens à vous préciser que cette loi interviendra en son temps. La loi d'aménagement du territoire ne sera pas soumise au Parlement avant le mois de juin mais, de toute façon, je déposerai auparavant le projet de loi sur l'intercommunalité : ce dernier devra régler les modalités pratiques qui permettront d'avancer, notamment sur la voie de l'intercommunalité, qu'il s'agisse des agglomérations ou du reste du territoire.
Je pense, en effet, que le problème se pose aussi pour l'intercommunalité en milieu rural, même si on peut constater qu'elle a progressé beaucoup plus vite, depuis 1992, que l'intercommunalité à l'échelon des agglomérations.
L'année 1998 ne sera pas une année de quiétude, puisque nous devrons examiner la sortie du pacte. Le Gouvernement s'est attaché à réunir les conditions pour faciliter la réflexion sur ces sujets difficiles. La logique veut que nous traitions ensemble des questions concernant les institutions.
M. Régnault a évoqué la démocratie dans un certain nombre de structures intercommunales. J'ai écouté avec intérêt sa suggestion. Il faut également que nous abordions la question des compétences et que cela se traduise au niveau des évolutions financières.
Je souhaite que la poursuite de la réflexion sur l'intercommunalité trouve sa place dans les travaux sur la fiscalité locale, notamment sur la taxe professionnelle d'agglomération qui doit être vivement encouragée, et dans une réflexion plus large sur une meilleure allocation des ressources entre collectivités.
Plusieurs d'entre vous sont intervenus sur la nécessaire mise en oeuvre de la révision des bases cadastrales. Je partage leur souci.
D'autres orateurs ont évoqué le problème des sapeurs-pompiers. J'ai réuni les associations d'élus, les syndicats, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers voilà quelques jours. Je réunirai également, le 18 décembre prochain, les présidents des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, qui sont presque tous élus aujourd'hui. Je procéderai aussi à la réunion de tables rondes informelles au début de l'année prochaine, de façon à réunir les moyens qui permettront l'application effective de la loi du 3 mai 1996. Comme vous, je crois que cette loi relative à la départementalisation des services d'incendie et de secours va dans le bon sens.
Des études d'impact ont été réalisées sur les conséquences de l'application de cette loi, lesquelles n'ont pas été exactement mesurées. Un certain nombre de grandes associations d'élus, l'Association des maires de France, l'Association des présidents de conseils généraux, notamment, ont exprimé la crainte que l'on s'oriente vers l'étatisation. Ce ne serait pas raisonnable, le cumul de tous les budgets départementaux représentant 25 milliards de francs.
Vous mesurez bien qu'il s'agit là d'un chantier nouveau qu'il nous appartient d'ouvrir ensemble. Il importe, en effet, que chacun y soit véritablement associé, afin que les responsabilités soient peut-être mieux marquées.
Allons ensemble de l'avant, mais autant que possible du même pas, de façon que cette loi se traduise par un réel progrès - un progrès, certes, pour les sapeurs-pompiers, mais surtout un progrès pour la sécurité de nos concitoyens - et cela, naturellement, dans le respect des équilibres auxquels je sais que vous êtes attachés.
Nous devrons sans doute réexaminer par ailleurs les conditions dans lesquelles fonctionne la dotation globale de fonctionnement au regard de l'intercommunalité.
J'ai entendu des avis divers s'exprimer, mais je pense que c'est là une direction que nous devons privilégier, faute de quoi la part de l'intercommunalité - certains s'en sont plaints ! - risque d'absorber tout le reste. Par conséquent, il importe de mieux distinguer les différentes enveloppes.
Un projet de loi sera déposé au printemps, je le répète ; il permettra de donner une traduction concrète à ces éléments et montrera la nécessité de poursuivre la décentralisation que, comme vous, le Gouvernement souhaite.
Il va de soi qu'une réflexion devra également être conduite sur l'avenir de la CNRACL, réflexion qui me paraît indissociable d'une réflexion plus vaste sur la place de cette institution dans l'équilibre global des régimes spéciaux et sur ce que l'on appelle la compensation et la surcompensation.
C'est, en effet, l'ensemble de notre sécurité sociale qu'il nous faut considérer si nous voulons progresser sérieusement.
M. René Régnault. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Bien entendu, il faudra également progresser - de nombreux intervenants s'en sont fait l'écho - quant aux dossiers relatifs aux charges nouvelles : je pense aux normes relatives à l'eau, aux déchets, aux ordures ménagères.
Je ne reviendrai pas sur les SDIS, sur la sécurité dans les stades ou dans les gymnases.
Il ne servirait à rien de veiller aux ressources des collectivités locales - je sais qu'elles doivent être protégées - si, dans le même temps, les charges des collectivités n'étaient pas maîtrisées mieux qu'elles ne l'ont été au début des années quatre-vingt-dix. C'est l'ensemble de ces paramètres que nous devons avoir présents à l'esprit avant d'ouvrir ce grand chantier.
Je suis prêt à engager la concertation nécessaire. On ne peut retarder indéfiniment les échéances : la décentralisation doit franchir des étapes nouvelles. Je ferai en sorte que vos commissions soient associées étroitement que possible avec, bien entendu, les grandes associations d'élus. Nous aurons l'occasion d'en reparler à cette concertation, très prochainement, je vous le promets.
Je tiens à vous remercier de la qualité de vos interventions et, en même temps, de l'intention que vous avez manifestée de voter les crédits du ministère de l'intérieur concernant les collectivités locales. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et de l'Union centriste.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la décentralisation inscrits à la ligne « Intérieur et décentralisation » seront mis aux voix à la suite de l'examen des crédits affectés à la sécurité, le samedi 6 décembre prochain.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 350 506 925 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 72 303 296 francs. »

Sur ces crédits, la parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sur le titre IV du budget de l'intérieur et de la décentralisation a pour objet d'interroger le Gouvernement sur un problème auquel sont confrontés de nombreux départements ruraux.
En effet, des difficultés d'application de l'article R 234-36 du code des communes, tel que rédigé par le décret n° 94-366 du 10 mai 1994, pris pour l'application de la loi n° 93-1436 du 31 décembre 1993 portant réforme de la dotation globale de fonctionnement et modifiant le code des communes et le code général des impôts, et portant dispositions diverses relatives aux dotations de l'Etat réparties par le comité des finances locales, se sont manifestées.
Ce article précise que les groupements de communes de moins de 10 000 habitants sont éligibles au fonds d'action locale, c'est-à-dire au partage du produit des amendes de police relatives à la circulation routière, s'ils exercent cumulativement la totalité des compétences en matière de voies communales, de transports en commun et de parcs de stationnement, transférées par les communes membres de la structure intercommunale.
Or, dans les départements ruraux, souvent couverts par de nombreuses communautés de communes, comme c'est le cas pour mon département de l'Orne, aucune de celles-ci n'exercent cumulativement les trois compétences requises par le décret.
Ne serait-il pas nécessaire de modifier cette réglementation en rendant éligibles au fonds d'action locale, donc à la répartition du produit de ces amendes de police, les communautés de communes de moins de 10 000 habitants, dès lors qu'elles exercent au moins l'une des trois compétences précitées ?
Il s'agit d'un problème d'importance puisque, du fait du blocage réglementaire que je viens d'évoquer, aucune affectation des crédits d'Etat n'est effectuée par le conseil général aux communautés de communes ayant pourtant massivement reçu la compétence en la seule matière de voirie.
Monsieur le ministre, pouvez-vous éclairer la Haute Assemblée sur les moyens qu'il conviendrait de mettre en oeuvre, afin de pouvoir remédier aux difficultés d'application du dispositif réglementaire que je viens d'exposer ?
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu de l'heure avancée, je bornerai mon propos à quelques observations concernant la décentralisation.
La loi de décentralisation qui a été votée en 1982, c'est-à-dire la première année du gouvernement de gauche, a constitué l'une des premières grandes lois : le principe du transfert des compétences et du transfert des moyens y était très clairement édicté.
Monsieur le ministre, tout au long des dernières années, la situation financière des collectivités territoriales s'est fortement dégradée, vous le savez.
Mes amis Marie-Claude Beaudeau, Paul Loridant et Jean Dérian ont beaucoup parlé des problèmes de la fiscalité locale. Je soulignerai simplement que les moyens financiers des collectivités locales n'ont pas progressé au même rythme - loin s'en faut - que les charges des communes, des départements et des régions.
Ainsi, les droits de mutation n'ont cessé de diminuer, du fait, bien évidemment, de la crise économique. Ils semblent enregistrer, en cette fin d'année, une petite progression, mais cette dernière sera loin de résoudre toutes les difficultés financières des départements, notamment.
Je prendrai un exemple que je connais bien, celui de l'école. Pour l'enseignement primaire, il était acquis depuis longtemps que les communes payaient tout. En ce qui concerne les collèges, nous savons dans quelles conditions les départements ont pris le relais de l'Etat : les départements ont hérité de collèges qui étaient d'anciennes écoles primaires et qui ont dû être adaptés. Songez aux collèges de type Pailleron ou Bender.
Dans le seul département du Val-de-Marne - nous nous en étions déjà entretenus, monsieur le ministre, lorsque vous étiez en charge de l'éducation nationale - il a fallu reconstruire vingt-six collèges et entreprendre des travaux importants dans 101 autres collèges, et je ne parle pas des collèges industrialisés, qui ont maintenant entre vingt-cinq et trente ans, et qui nécessitent de très importantes réparations, dont le coût s'élève à la moitié du prix de la construction d'un collège neuf. Ce n'est pas rien !
En ce qui concerne l'équipement, il est beaucoup question du plan informatique. Il semble que nos chiffres diffèrent quelque peu en ce domaine. M. Allègre avait parlé d'un investissement total de 3 milliards de francs : si j'ai bien compris, 1 milliard de francs serait pris en charge par le ministère de l'éducation nationale et donc 2 milliards de francs resteraient à la charge des collectivités territoriales.
Voilà qui me paraît totalement en contradiction avec le principe que M. Allègre avait énoncé et selon lequel il ne devait pas y avoir d'inégalité entre les communes, les départements ou les régions qui peuvent payer ces équipements et ceux qui ne le peuvent pas. Je dois dire que j'approuve pleinement ce principe.
S'agissant des dotations de fonctionnement des collèges, il a beaucoup été question des cantines scolaires. Dans le Val-de-Marne, les crédits qui leur sont affectés ont augmenté de 38 %, avec l'aide du département, afin d'aider les élèves qui ne pouvaient pas se nourrir ; 16 millions de francs ont été affectés à l'académie de Créteil qui comprend les départements du Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis et de la Seine-et-Marne. Il s'agit d'un progrès - je m'empresse de le souligner - par rapport aux années précédentes. Loin de moi l'idée de le sous-estimer !
Le département du Val-de-Marne consacre, à lui seul, 20 millions de francs aux cantines scolaires. Nous sommes donc loin du compte. J'espère que, l'année prochaine, l'effort sera accru.
En effet, en donnant la possibilité à un plus grand nombre d'enfants de se nourrir, nous avons été amenés à construire des self-services ce qui a entraîné des dépenses supplémentaires.
S'agissant des budgets des collèges, la quasi-totalité des départements ajoutent - M. Puech pourrait nous le confirmer - des dépenses pédagogiques à celles qui sont affectées par l'Etat, parce que ces dernières sont insuffisantes, y compris pour la pratique du sport.
En conclusion, nous abordons là une nouvelle étape de la décentralisation. Après M. Defferre, vous pouvez être - je suis même certaine que vous le serez - le ministre qui fera progresser la démocratie communale, départementale et régionale. A cet égard, il faut donner une autonomie financière aux communes, aux départements et aux régions, c'est-à-dire redébattre de la fiscalité des collectivités territoriales. Le secrétaire d'Etat au budget a accepté notre proposition tendant à créer un groupe de travail sur ces questions. Vous y êtes intimement associé, et je peux même dire que vous en êtes le maître-d'oeuvre.
Je tiens à souligner le rôle important que jouent les départements et les régions, mais aussi et surtout les communes qui sont l'échelon le plus proche de la population. A l'heure où il est beaucoup question de proximité, où les problèmes de nos concitoyens et des jeunes en particulier sont mis en avant, il importe que la commune puisse réellement jouer son rôle. Elle ne doit pas seulement être une collectivité qui inscrit à son budget des dépenses obligatoires ; elle doit disposer d'une latitude certaine pour y inscrire aussi des actions en faveur de l'ensemble des habitants, notamment des jeunes et de la population des quartiers difficiles. On ne dira jamais assez l'importance du rôle que jouent les élus locaux, notamment au sein des conseils généraux.
M. le président. Madame Luc, je vous demande de conclure.
Mme Hélène Luc. Je termine, monsieur le président.
La notion d'intercommunalité, dont il est souvent question, est très vaste. J'y vois, pour ma part, une coopération intercommunale financière et surtout pas - et je pense que telle est bien aussi votre conception, monsieur le ministre - une limitation de l'autonomie de la commune et de tout ce qu'elle représente comme foyers de démocratie en France. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 545 500 000 francs ;

« Crédits de paiement : 458 800 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 10 554 020 000 francs ;
« Crédits de paiement : 6 066 756 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la décentralisation.

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TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la nationalité.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 145, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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DÉPÔT DE PROPOSITIONS D'ACTE
COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil autorisant le royaume des Pays-Bas à appliquer une mesure dérogatoire aux articles 2 et 28 bis paragraphe 1 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires-matériaux usagés et déchets.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-976 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil portant attribution d'une aide macrofinancière supplémentaire à l'Ukraine.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-977 et distribuée.

10

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, fixée à aujourd'hui, mercredi 3 décembre 1997, à onze heures, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 84 et 85, 1997-1998).
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Economie, finances et industrie :
I. - Charges communes et article 63 :
Comptes spéciaux du Trésor (articles 34 à 38, 38 bis, 39 à 43 et 43 bis ) :
M. Claude Belot, rapporteur spécial (Charges communes, rapport n° 85, annexe n° 9) ;
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial (Comptes spéciaux du Trésor, rapport n° 85, annexe n° 45).
II. - Services financiers (et consommation) et article 63 ter :
M. Bernard Angels, rapporteur spécial (Services financiers, rapport n° 85, annexe n° 10) ;
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (Consommation et concurrence, avis n° 87, tome IX).
Budget annexe des Monnaies et médailles :
M. Claude Haut, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 41).
Services du Premier ministre :
I. - Services généraux (à l'exclusion des crédits relatifs à l'audiovisuel, à la presse et à la fonction publique) :
M. Henri Torre, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 35).
II. - Secrétariat général de défense nationale :
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 36).
III. - Conseil économique et social :
M. Claude Lise, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 37).
IV. - Plan :
M. Claude Haut, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 38) ;
M. Jean Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 87, tome XII) ;
M. Bernard Barbier, président de la délégation du Sénat pour la planification (rapport d'information n° 96).
Budget annexe des Journaux officiels :
Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 39).
Economie, finances et industrie :
III. - Industrie (et Poste) :
M. Bernard Barbier, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 11) ;
M. Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (Industrie, avis n° 87, tome V) ;
M. Jean Besson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (Energie, avis n° 87, tome VI).
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (Technologies de l'information et Poste, avis n° 87, tome XXI).
Commerce extérieur :
Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 13) ;
M. Michel Souplet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 87, tome X).
Economie, finances et industrie :
IV. - Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat :
M. René Ballayer, rapporteur spécial (rapport n° 85, annexe n° 12).
M. Jean-Jacques Robert, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 87, tome VIII).

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions
précédant l'examen des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
budgétaires pour le projet de loi de finances pour 1998

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1998 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits,
du projet de loi de finances pour 1998

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits, du projet de loi de finances pour 1998 est fixé au vendredi 5 décembre 1997, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 3 décembre 1997, à une heure cinquante.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 2 décembre 1997
à la suite des conclusions de la conférence des présidents

Du mardi 2 décembre au mardi 9 décembre 1997 inclus :
Suite du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (n° 84, 1997-1998) selon le calendrier établi par la conférence des présidents du 4 novembre 1997 et modifié par le Sénat le 20 novembre 1997.
Mercredi 10 décembre 1997 :
A 15 heures :
1° Conclusions de la commission prévue par l'article 105 du règlement sur la proposition de résolution tendant à requérir la suspension des poursuites engagées contre M. Michel Charasse, sénateur du Puy-de-Dôme (n° 83, 1997-1998).

Ordre du jour prioritaire

2° Projet de loi portant ratification de l'accord-cadre de commerce et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République de Corée, d'autre part (n° 382, 1996-1997).
3° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l'aide alimentaire de 1995 (n° 372, 1996-1997).
4° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord international de 1994 sur les bois tropicaux (ensemble deux annexes) (n° 64, 1997-1998).
5° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Cuba pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières (n° 76, 1997-1998).
6° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle en matière douanière entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Pologne (n° 77, 1997-1998).
7° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ukraine pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières (n° 78, 1997-1998).
8° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif au règlement définitif des créances réciproques entre la France et la Russie antérieures au 9 mai 1945 sous forme de mémorandum d'accord et de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie sur le règlement définitif des créances réciproques financières et réelles apparues antérieurement au 9 mai 1945 (n° 104, 1997-1998).
9° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale (n° 365, 1996-1997).
10° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya en vue d'éviter les doubles impositions en matière de transport aérien en trafic international (n° 341, 1996-1997).
11° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales (n° 219, 1996-1997).
Jeudi 11 décembre 1997 :

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

A 9 h 30 :
1° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, consacrant le placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution des peines privatives de liberté (n° 285, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 10 décembre 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)
2° Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de résolution de MM. Maurice Blin, Henri de Raincourt, Josselin de Rohan, Jean François-Poncet et Gérard Larcher tendant à créer une commission d'enquête chargée d'examiner le devenir des grands projets d'infrastructures terrestres d'aménagement du territoire, dans une perspective de développement et d'insertion dans l'Union européenne (n° 107, 1997-1998).
3° Proposition de résolution de MM. Maurice Blin, Henri de Raincourt, Josselin de Rohan, Louis Souvet et Jean Arthuis tendant à créer une commission d'enquête sur les conséquences pour l'économie française de la réduction de la durée du travail à trente-cinq heures hebdomadaires (n° 75, 1997-1998).
4° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de résolution de M. Henri de Raincourt, des membres du groupe des Républicains et Indépendants, apparenté et rattachés administrativement, tendant à créer une commission d'enquête pour procéder à un examen approfondi des procédures en vigueur en matière de régularisation des étrangers en situation irrégulière sur le territoire français et pour en évaluer les conséquences économiques et financières (n° 95, 1997-1998).
5° Proposition de loi de M. Gérard César et des membres du groupe du Rassemblement pour la République, apparentés et rattaché administrativement, portant mesures urgentes relatives à l'agriculture (n° 8, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 10 décembre 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi ;

- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 10 décembre 1997.)
A 15 heures :
6° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance, avant 11 heures).
7° Suite de l'ordre du jour du matin.
Lundi 15 décembre 1997 :
A 16 heures et le soir :

Ordre du jour prioritaire

Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 1997 (AN, n° 447).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 15 décembre 1997, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
Mardi 16 décembre 1997 :
A 9 h 30 :
1° Treize questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 99 de M. Marcel Charmant à M. le ministre de l'intérieur (Problèmes causés par les biens immobiliers abandonnés) ;

- n° 107 de M. André Pourny à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Dégâts causés par les buses aux élevages de volaille de Bresse) ;

- n° 108 de M. Georges Mazars transmise à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation (Situation des anciens fonctionnaires d'Afrique du Nord) ;

- n° 110 de M. Gérard Larcher à M. le secrétaire d'Etat à la santé (Situation budgétaire des hôpitaux d'Ile-de-France) ;

- n° 111 de M. François Lesein à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (Respect du principe de présomption d'innocence par les médias) ;

- n° 115 de M. Guy-Pierre Cabanel à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Politique des transports) ;

- n° 116 de M. Michel Duffour à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (Avenir de l'université Paris-X et du pôle Léonard-de-Vinci) ;

- n° 120 de M. Soséfo Makapé Papilio à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (Grille indiciaire de l'enseignement) ;

- n° 122 de M. Alain Dufaut à M. le ministre de l'intérieur (Avenir des sapeurs-pompiers) ;

- n° 124 de M. Robert Calmejane à Mme la ministre de la jeunesse et des sports (Conditions de retransmission de la Coupe du monde de football) ;

- n° 125 de M. Alain Gournac à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Lutte contre le bruit causé par les survols aériens) ;

- n° 126 de Mme Hélène Luc à M. le secrétaire d'Etat à la santé (Fermeture de la clinique de Choisy-le-Roi) ;

- n° 127 de M. Roland Courteau à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Retard dans la mise en oeuvre du Plan Etat-région Languedoc-Roussillon).

Ordre du jour prioritaire

A 16 heures :
2° Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au fonctionnement des conseils régionaux (n° 27, 1997-1998) ;
(La conférence des présidents a fixé au lundi 15 décembre 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)
Mercredi 17 décembre 1997 :
A 15 heures :
1° Eloge funèbre de M. François Mathieu ;
2° Sous réserve de leur création, nomination des membres :
- de la commission d'enquête sur le devenir des grands projets d'infrastructures terrestres d'aménagement du territoire ;

- de la commission d'enquête sur les conséquences pour l'économie française de la réduction de la durée du travail à trente-cinq heures hebdomadaires ;

- de la commission d'enquête sur la régularisation des étrangers en situation irrégulière ;

(Les candidatures à ces trois commissions d'enquête devront être déposées par les groupes au secrétariat du service des commissions avant le mardi 16 décembre 1997, à 18 heures).

Ordre du jour prioritaire

3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la nationalité (n° 145, 1997-1998).
Jeudi 18 décembre 1997 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 :
1° Suite de l'ordre du jour de la veille ;
A 15 heures :
2° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 1998 ;
3° Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 1997.
Eventuellement, vendredi 19 décembre 1997 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 et à 15 heures :
Suite de projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la nationalité (n° 145, 1997-1998).



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Réforme du réseau national de la Banque de France

128. - 2 décembre 1997. - M. Jean-Marc Pastor attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'inquiétude persistante qui règne dans le réseau des comptoirs et succursales de la Banque de France. Ce personnel, ainsi que des responsables des collectivités locales concernées craignent en effet les conséquences sur l'emploi, d'une part, et sur la qualité du service aux usagers, d'autre part, de l'éventuelle fermeture d'un grand nombre de caisses de la Banque de France au plan national. En effet, depuis de nombreux mois, le gouverneur de la Banque de France prépare une réforme du réseau destiné à l'adapter et à préparer son intégration au système européen des banques centrales. Cette réforme paraît être basée sur : une réduction de moitié environ du nombre de comptoirs au niveau national ; des disparitions d'emplois, par centaines. Une telle perspective peut difficilement être comprise alors que : la Banque de France dégage des bénéfices importants ; l'existence d'un réseau dense de succursales constitue la garantie d'un service de qualité au moment d'assurer la transition entre le franc et l'euro. De plus, la disparition de nombreuses succursales entraînerait souvent la fermeture d'autres administrations et d'agences bancaires commerciales. L'inquiétude se nourrit de l'incertitude. C'est notamment en raison d'informations contradictoires que l'appréhension grandit ces dernières semaines. Aussi, il y a aujourd'hui urgence à clarifier la situation et à préciser ce qui paraît possible et acceptable quant à la réforme envisagée du réseau national de la Banque de France.

Désamiantage de Jussieu

129. - 2 décembre 1997. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur les difficultés de la mise en route du plan de désamiantage du campus de Jussieu. Le campus de Jussieu avec ses 200 000 mètres carrés de locaux est l'un des plus grands ensembles amiantés. Le plan de désamiantage et de mise en sécurité du campus signé en décembre 1996 a fait l'objet d'un contrat entre les établissements du campus et l'Etat. Il a fallu de longues années de lutte en faveur de la sécurité et de la santé des nombreux personnels et usagers du campus de Jussieu pour aboutir à cet engagement. Aujourd'hui, il s'agit d'appliquer intégralement le plan de désamiantage et de mettre à disposition de l'établissement public du campus de Jussieu les moyens nécessaires à sa réalisation, ainsi que d'ouvrir des négociations entre tous les partenaires intéressés pour aboutir à une mise en oeuvre concrète du contrat de désamiantage. Pour toutes ces raisons, elle lui demande ce qu'il compte faire, afin que les engagements pris par l'Etat soient respectés.

Emploi-jeunes dans les associations

130. - 2 décembre 1997. - M. Jean-Patrick Courtois appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les inquiétudes des responsables d'associations nationales quant aux modalités des contrats emploi-jeunes, définies par la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997, et spécifiquement les modalités s'appliquant à la fin du contrat de cinq ans. Il apparaît que de nombreuses associations nationales souhaitent conclure des conventions avec l'Etat dans le cadre de cette loi et ainsi développer des activités pour l'emploi des jeunes. Pourtant, ces associations hésitent à recruter un grand nombre de jeunes gens car elles redoutent la sortie du dispositif dans cinq ans. D'une part, les associations ne savent aujourd'hui si elles pourront dans cinq ans pérenniser les emplois créés, en dehors des aides apportées dans le cadre de la présente loi. D'autre part, dans le cas où ces emplois ne seraient pas pérennisés, elles ne savent pas si elles devront verser aux jeunes finissant leur contrat de cinq ans, des indemnités de fin de contrat ou de licenciement. Si tel était le cas, il est préférable qu'elles puissent le prévoir et ainsi éviter de mettre en péril leur situation financière. Par conséquent, il la remercie de bien vouloir lui apporter les précisions nécessaires, qui permettront aux associations de pouvoir participer à la création d'emplois pour les jeunes dans la plus grande sérénité.



ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 2 décembre 1997


SCRUTIN (n° 36)



sur l'amendement n° II-29 rectifié, présenté par M. Alain Lambert au nom de la commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (budget de l'agriculture et de la pêche).

Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages exprimés : 315
Pour : 214
Contre : 101

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 8. _ MM. Jacques Bimbenet, Guy Cabanel, Henri Collard, Jean Francois-Poncet, Paul Girod, Georges Mouly, Jean-Marie Rausch et André Vallet.

Contre : 11.
Abstentions : 3. _ MM. Pierre Jeambrun, Bernard Joly et Pierre Laffitte.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :

Pour : 95.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 74.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Michel Dreyfus-Schmidt, qui présidait la séance.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :

Pour : 57.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 45.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :

Pour : 9.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët


François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Georges Othily
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Abstentions


MM. Pierre Jeambrun, Bernard Joly, et Pierre Laffitte.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Michel Dreyfus-Schmidt, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 37)



sur l'amendement n° II-30 rectifié, présenté par M. Alain Lambert au nom de la commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre IV de l'état B du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale (budget de l'agriculture et de la pêche).



Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages exprimés : 315
Pour : 214
Contre : 101

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 8. _ MM. Jacques Bimbenet, Guy Cabanel, Henri Collard, Jean Francois-Poncet, Paul Girod, Georges Mouly, Jean-Marie Rausch et André Vallet.

Contre : 11.
Abstentions : 3. _ MM. Pierre Jeambrun, Bernard Joly et Pierre Laffitte.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :

Pour : 95.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 74.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Michel Dreyfus-Schmidt, qui présidait la séance.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :

Pour : 57.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 45.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :

Pour : 9.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët


François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
François Lesein
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Georges Othily
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Abstentions


MM. Pierre Jeambrun, Bernard Joly et Pierre Laffitte.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Michel Dreyfus-Schmidt, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.