Sur ces crédits, la parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. A propos du titre IV, je veux évoquer la Caisse des dépôts et consignations. Chacun connaît ici l'immense rôle qu'elle a joué dans la constitution de la France contemporaine et les services qu'elle a rendus et qu'elle est appelée à rendre sont considérables.
Pendant un temps attaquée, elle aussi, par la vague libérale, elle est à nouveau replacée au coeur du dispositif d'intervention des pouvoirs publics, et ce d'autant plus qu'elle a su montrer que gestion rigoureuse et service public ne sont pas incompatibles, bien au contraire. Il faut donc confirmer, monsieur le secrétaire d'Etat, et même étendre les missions d'intérêt général qu'elle assume, et je le dis volontairement au moment où va être nommé un nouveau directeur général en remplacement de M. Lagayette, à qui je veux rendre hommage.
J'ai quelques idées sur la consolidation de ses interventions dans les secteurs des établissements financiers semi-publics, de la politique de la ville et de la cohésion sociale.
Je me bornerai à évoquer une piste parmi bien d'autres : qu'en est-il du devenir de la banque de développement, des petites et moyennes entreprises, cet outil irremplaçable et si fragile ? N'y a-t-il pas mieux à faire en unissant les capitaux publics de la Caisse des dépôts et consignations - je sais que c'est déjà en partie le cas - et l'expertise des agents de la Banque de France ? Vous voyez, monsieur le secrétaire d'Etat, que j'ai de la suite dans les idées !
Quand, enfin, sera menée une politique volontariste de collecte de l'épargne de proximité destinée à la création d'entreprises, tout particulièrement de très petites entreprises ?
Divers organismes, dont « France active », avec l'appui de la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que le réseau des plates-formes d'initiatives locales y font beaucoup avec des moyens dérisoires. La proposition que j'émets permettrait, monsieur le secrétaire d'Etat, de changer de dimension et je sais que vous, qui êtes très attaché au développement économique local, vous m'écouterez avec la plus grande attention.
M. le président. Par amendement n° II-46, M. Belot, au nom de la commission des finances, propose de réduire les crédits figurant au titre IV de 5,1 milliards de francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à moins 12 065 214 000 francs.
La parole à M. Belot, rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Je me suis déjà expliqué sur cet amendement et M. le secrétaire d'Etat nous a déjà répondu. Je n'insisterai donc pas davantage.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement demande au Sénat de rejeter cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-46.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'amendement n° II-46 présenté par le rapporteur spécial de la commission des finances pour le budget des charges communes soulève un certain nombre de questions.
Dans sa version initiale, il tendait à réduire de façon sensible les crédits inscrits dans le budget des charges communes en prévision de la loi sur la cohésion sociale, ce qui, vous en conviendrez, pose quelques problèmes de compréhension à nos concitoyens particulièrement attentifs aux manifestations diverses et préoccupantes de l'exclusion sociale.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Nous n'avons jamais fait cela !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Alors tant mieux ! Je suis bien contente de vous l'entendre dire.
Plus concrètement, par cet amendement, on nous propose de caractériser une réduction que je qualifierai aisément d'« anti-économique » des dépenses du titre IV du budget des charges communes.
Le premier poste de dépenses visé est le chapitre 44-75, qui comprend les dépenses portant « mesures exceptionnelles en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle ».
Je ferai observer que l'essentiel des dépenses de ce chapitre - qui présente quelques aspects de chapitre réservoir - est aujourd'hui constitué par la participation de l'Etat au financement de l'abattement de cotisations familiales des entreprises - le fameux système de la ristourne dégressive, qui fait d'ailleurs l'objet de l'article 65 du présent projet de loi de finances - ce qui revient à dire que la commission des finances nous propose d'une manière assez arbitraire de majorer le déficit de la branche famille de la protection sociale de quelque 3 milliards de francs.
On me rétorquera peut-être que cette somme est choisie à dessein, par symétrie avec celle qui est visée par l'amendement n° II-45. Toutefois, vous en conviendrez, mes chers collègues, nous pouvons nous interroger sur la cohérence des propositions de la commission des finances. En effet, elle nous proposait hier d'épargner, dans la réduction des crédits de l'emploi, les exonérations de cotisations sociales et elle nous propose aujourd'hui de ne pas assurer leur couverture par le budget général.
Sur le fond, nous avons déjà indiqué qu'il y avait lieu d'ouvrir aujourd'hui le débat sur la politique publique en matière d'emploi et de soutien à l'activité, mais vous concevrez tout de même que nous soyons un peu surpris.
Par ailleurs, et c'est le second aspect de cet amendement, la commission des finances, à la recherche de 2,1 milliards de francs d'économies dans le titre IV, a décidé de préconiser une réduction des crédits ouverts au titre du financement des prêts à la construction de logements autres que les logements HLM.
De quoi s'agit-il ? Il peut s'agir de réduire la participation de l'Etat au dispositif Périssol ou de limiter le développement des prêts conventionnés et du financement des logements intermédiaires.
Ainsi, alors que le secteur du bâtiment est assez fortement déprimé et que, depuis des années, la majorité du Sénat s'est prononcée pour le développement de la construction de logements non sociaux, on nous demande aujourd'hui de réduire ces crédits.
Cela peut-il trouver une justification à partir d'une analyse objective des dépenses du chapitre, ou encore d'une baisse des taux d'intérêt qui limiterait les efforts de bonification que doit fournir l'Etat ?
Mais, bien entendu, si tel était le cas, nous ne manquerions pas de proposer, par exemple, que l'allégement de la charge budgétaire du financement de ces prêts serve à accroître la bonification des prêts HLM.
Je crois pouvoir indiquer, par exemple, que l'utilisation de 2,1 milliards de francs au chapitre 44-91, article 10, permettrait de prendre en charge quelque chose comme 4 % de taux d'intérêt des emprunts HLM, c'est-à-dire plus que la rémunération du livret A qui sert à les financer.
Cet amendement aura donc au moins un avantage, celui de nous montrer qu'il n'est pas interdit de penser que les taux d'intérêt des prêts locatifs aidés, les PLA, et des primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, les PALULOS, peuvent tendre vers zéro.
C'est là une piste à creuser, et j'invite le Gouvernement à l'explorer éventuellement...
Pour autant, nous rejetons sans ambiguïté cet amendement n° II-46 qui est, je l'ai indiqué, parfaitement anti-économique, illogique, et qui limite concrètement les capacités de développement et de croissance de l'économie.
M. Gérard Miquel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'amendement n° II-46 prévoit la suppression de 5,1 milliards de francs sur le titre IV.
Est d'abord visée la provision de 3 milliards de francs pour le financement des mesures du projet de loi sur les trente-cinq heures et des plans d'épargne logement. Cette approche est une nouvelle fois idéologique. En effet, le Gouvernement a, sur ce chapitre budgétaire, réalisé des économies, et l'argument de l'augmentation des dépenses avancé par les auteurs de l'amendement ne tient donc pas. Il ne reste donc que leur opposition à la loi sur les trente-cinq heures, qui est l'un des axes fondamentaux de la politique du Gouvernement, approuvée par les Français.
La poursuite au rythme antérieur des allégements de charges en faveur des entreprises n'est pas possible : ils sont passés de 17,5 milliards de francs en 1995 à 40,4 milliards de francs en 1997. Les économies de 6,5 milliards de francs réalisées aux dépens de cette croissance sont donc bienvenues et devraient trouver un écho favorable chez ceux qui, comme nous, souhaitent maîtriser les dépenses budgétaires, d'autant que les experts chiffrent à seulement 45 000 le nombre d'emplois créés grâce à ces quelque 40 milliards de francs d'exonérations sur les bas salaires. Et nous ne parlons pas du rapport coût-emploi du CIE, le contrat initiative-emploi. Il faut comparer ces chiffres avec ceux qui concernent le projet de loi sur trente-cinq heures : 42 000 emplois seraient créés, pour un coût de seulement 3 milliards de francs.
Il faut également les comparer au financement de la loi « de Robien ». Le coût d'un emploi créé en application de cette loi s'élève à 39 000 francs en moyenne.
La poursuite de la politique précédente de lutte contre le chômage n'apparaît pas comme un gage de succès. Pendant les quatre années de la dernière législature, il n'y a pas eu de créations nettes d'emplois. Aussi, ont été dénombrés 450 000 chômeurs supplémentaires, à définition constante, celle du Bureau international du travail, le taux de chômage passant de 10,4 % à la fin de l'année 1992 à 12,8 % en juin dernier. Quelque 320 000 chômeurs supplémentaires ont été comptabilisés sous le gouvernement de M. Juppé.
Au vu de ces résultats, je pense qu'il faut laisser le Gouvernement appliquer sa politique novatrice et déterminée contre le chômage. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera contre cet amendement.
M. Paul Loridant. Bravo !
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. En l'occurrence, je ne comprends pas bien la position de nos collègues de la majorité sénatoriale, qui sont opposés, d'une certaine façon, au financement des trente-cinq heures. En effet, si je me souviens bien, c'est le précédent gouvernement qui a initié ce genre de politique avec ce que l'on appelle la loi « de Robien ».
En 1997, les crédits affectés à l'application de ce texte représentent déjà à 815,4 millions de francs. Pour 1998, et sur un autre chapitre du projet de budget, ils s'élèveront à 2,139 milliards de francs. Les exonérations de charges sociales vont jusqu'à 50 %, et cela sans créer d'emplois chaque fois qu'il s'agit d'une mesure prise à titre préventif, c'est-à-dire environ une fois sur deux.
Bref, c'est une position totalement inexplicable, sauf à penser - mais évidemment je ne saurais le faire - que nos collègues de la majorité sénatoriale prendraient ce prétexte, et uniquement celui-là, pour manifester leur opposition à une politique attendue par l'ensemble du pays.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je serai très bref, pour éviter au Sénat une hypoglycémie.
Madame Beaudeau, notre position est exactement contraire à ce que vous avez dit. En effet, la majorité sénatoriale souhaite, et le président Poncelet l'a rappelé, la baisse des charges sur les bas salaires.
S'agissant de la question des trente-cinq heures, la position de la majorité sénatoriale est simple : le Gouvernement l'a abordée sous l'angle de la contrainte, alors qu'il fallait l'aborder par le dialogue. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - Exclamations sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-46, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin à lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 39:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 220 |
Contre | 97 |
Par amendement n° II-51, le Gouvernement propose de réduire les crédits figurant au titre IV de 9 830 000 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 6 975 044 000 francs. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il s'agit d'un amendement de coordination, qui traduit sur l'état B l'effet mécanique de l'évolution des recettes fiscales nettes sur la dotation du fonds national de péréquation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Belot, rapporteur spécial. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-51, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 246 000 000 francs ;