M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère des anciens combattants.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Au moment où nous entamons l'examen de ce projet de budget, je souhaite rappeler aux anciens combattants qui sont présents dans les tribunes et qui pourraient s'étonner du faible nombre de sénateurs siégeant dans l'hémicycle que nous avons travaillé cette nuit jusqu'à deux heures vingt-cinq.
Nous vivons actuellement une période d'activité parlementaire telle que, pratiquement toutes les nuits, nous siégeons presque jusqu'à l'aube.
Que l'on ne considère donc pas que le nombre de sénateurs présents dans l'hémicycle est la marque d'un désintérêt pour les anciens combattants et pour leur ministre, cher ancien collègue. (Applaudissements.)
M. le président. Rassurez-vous, monsieur Hamel, les anciens combattants, dont je fais partie, en ont vu d'autres !
M. Emmanuel Hamel. J'en étais, moi aussi !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Le projet de budget sur lequel il nous est proposé de nous prononcer aujourd'hui a fort heureusement beaucoup évolué depuis son dépôt sur le bureau des assemblées. Il ne résout, hélas ! pas tous les problèmes du monde combattant et laisse surtout un goût d'amertume après les promesses faites par le Premier ministre au printemps dernier.
Si nous ne pouvons que nous réjouir de la mesure proposée par le Gouvernement apportant une indemnisation aux étrangers déportés depuis la France entre 1940 et 1945 et ayant acquis depuis la nationalité française, nous pouvons cependant regretter que cette mesure fût la seule présentée à l'époque.
Aussi, devant le tollé soulevé par ce budget sans ambition, aussi bien chez les anciens combattants que parmi les parlementaires, le Gouvernement a dû faire machine arrière et consentir une augmentation de crédits de 40 millions de francs. Nous vous remercions, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir ainsi mené le combat face à Bercy. Je crois savoir qu'il fut rude ; mais je connais votre honnêteté intellectuelle, et je sais que vous êtes allé jusqu'au bout.
Toutefois, cette augmentation de crédits de 40 millions de francs est naturellement loin de combler d'aise les anciens combattants.
Certes, la revalorisation et l'indexation du plafond de la retraite mutualiste en points d'indice de pension militaire d'invalidité était depuis longtemps attendue et mettra fin aux négociations de « marchands de tapis » auxquelles nous nous adonnions allègrement chaque année. Le niveau retenu de 95 points permettra, à partir du 1er janvier prochain, de porter le plafond majorable à 7 488 francs au lieu de 7 140 francs, en 1997.
Certes, l'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens d'Afrique du Nord va élargir le nombre de bénéficiaires. Considérer que dix-huit mois passés en Algérie puissent être une condition suffisante à la reconnaissance de la qualité d'ancien combattant est une avancée dont je me réjouis.
Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, des questions m'ont été posées, comme à vous aussi, certainement, en ce qui concerne les combattants stationnés au Maroc ou en Tunisie et qui, au péril de leur vie, venaient prêter main forte à leurs compagnons au-delà de la frontière. Je sais, d'après la réponse qui m'a été donnée par votre ministère, que cela a déjà été fait. Je souhaiterais néanmoins une analyse quelque peu plus poussée sur ce sujet, afin de vérifier que personne n'a été oublié.
Certes, vous avez accordé une revalorisation de l'allocation différentielle financée par le Fonds de solidarité en faveur des anciens combattants d'Afrique du Nord justifiant d'une durée de cotisation à l'assurance vieillesse d'au moins 160 trimestres. L'allocation différentielle sera ainsi portée à 5 600 francs nets par mois. Mais vous m'accorderez que nous sommes loin de la retraite anticipée promise et que les membres de votre majorité réclamaient à cor et à cri à une certaine période !
Mais quel sort réserve votre projet de budget aux veuves, dont les pensions, souvent misérables, les réduisent à des conditions de vie plus que précaires et indignes du sacrifice qu'elles ont consenti leur vie durant en devant se passer du conjoint appelé sur les champs de bataille ?
Le cas de nos compagnons d'outre-mer n'est-il pas digne de votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que vous ne poursuiviez l'effort de décristallisation amorcé en 1995 ? A l'époque, j'avais essayé de faire en sorte que cet effort soit étalé sur cinq ans ; en effet, nous savons bien que tout ne peut se faire du jour au lendemain et que la mise en place de la décristallisation prendra du temps. Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de revoir ce problème pour les années futures.
Pourquoi ne prévoyez-vous pas un début d'indemnisation des anciens incorporés de force du Reichsarbeitsdienst , le RAD et du Kriegshilfedienst , le KFD ? Pour le moment, je ne l'ai pas vu.
Toutefois, ce cri du coeur face aux injustices qui frappent nos compagnons d'armes et leurs veuves ne doit pas me faire oublier ma mission de rapporteur spécial du budget des anciens combattants et, à ce titre, il me faut vous infliger quelques chiffres, exercice bien fastidieux, mais fort instructif au demeurant.
Les crédits proposés au titre de l'année 1998 s'élèvent à 25,9 milliards de francs, en diminution de 3,5 % par rapport à 1997. C'est la même litanie tous les ans. La baisse des crédits trouve sa cause dans la diminution inéluctable du nombre des ressortissants, la dette viagère représentant à elle seule 79,5 % du budget, et dans une opération purement comptable et donc transitoire de réduction de 360 millions de francs des crédits du chapitre 47-22, consacré à la retraite mutualiste. En effet, l'Etat a décidé de s'aligner sur le régime de droit commun en remboursant la majoration versée par les mutuelles à leurs adhérents à la clôture des comptes de l'année, soit au cours du premier semestre de l'année suivante.
J'en viens aux crédits de l'administration des anciens combattants.
Les services du ministère voient la poursuite de la diminution des effectifs, avec la suppression de 88 postes, et la progression de 2,7 % des moyens de fonctionnement.
L'Office national des anciens combattants, l'ONAC, voit ses subventions de fonctionnement diminuer de 2,55 %. Il bénéficie de deux subventions complémentaires cette année : l'une de 5 millions de francs, pour la remise aux normes des maisons de retraite, l'autre de 41,7 millions de francs, pour les dépenses sociales.
Les qualités de gestion de l'ONAC faisant l'objet - vous le savez d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat - de nombreuses questions qui risquent de porter atteinte à l'image de l'organisme, voire à sa pérennité, le rapporteur que je suis, préfère, avant de se prononcer sur le bien-fondé de ces critiques, effectuer une mission d'information et de contrôle qu'il demandera au président de la commission des finances de lui confier dès 1998.
Je sais que le Gouvernement a décidé de charger deux membres du contrôle général des armées du soin d'opérer une vérification de la gestion des services de l'ONAC. Cette action importante va dans le bon sens, à savoir assurer la pérennité de l'ONAC.
J'en viens à l'action sanitaire et sociale du secrétariat d'Etat. En ce qui concerne les centres d'appareillage, les crédits diminuent de 2,1 % du fait de la baisse d'activité.
Pour les soins médicaux gratuits, la diminution est de 5 %, et pour les prestations sociales, l'augmentation est de 2,5 %.
Venons-en maintenant à la politique de la mémoire. Je ne vous surprendrai sans doute pas, monsieur le secrétaire d'Etat, en vous disant que je suis fort déçu par les crédits que votre budget accorde à la politique de la mémoire et au peu de cas fait au rapport que je vous ai présenté à la suite de la mission d'étude que j'ai effectuée au printemps.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 0,1 % du budget, c'est-à-dire 25 millions de francs. Moins 4,26 % pour les fêtes et cérémonies officielles - je mets à part les commémorations de Verdun - moins 42,8 % pour l'information historique et moins 60 % pour la remise en état des nécropoles nationales, alors même que les résultats de mon étude plaidaient en faveur d'une relance de la politique de la mémoire en direction des jeunes et d'une planification des travaux de rénovation des sépultures de guerre et d'entretien des nécropoles nationales.
Il me semble, monsieur le secrétaire d'Etat - mais cela m'étonnerait, car je vous connais bien - que vous n'appréhendez pas combien la mémoire collective et la transmission de l'expérience et des valeurs sociales d'une génération à une autre concourent à souder la société. Il est de notre devoir de protéger ce patrimoine et de le transmettre.
Je pense que vous n'êtes pas responsable de cette situation. Tout à l'heure, on a parlé de Bercy. Je ne doute pas que vous ferez tout auprès de Bercy pour obtenir ces crédits, car l'information historique est importante et la mémoire constitue ici un défi auquel nous devons répondre.
Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, pour ces différentes raisons et malgré les avancées obtenues en faveur du monde combattant à l'issue du débat à l'Assemblée nationale, la commission des finances a décidé de ne pas voter votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. C'est dommage !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget du secrétariat d'Etat aux anciens combattants est paradoxal à trois égards.
Alors que la conjoncture économique s'améliore et dégage des marges de manoeuvre budgétaires, il voit ses crédits baisser fortement.
Alors que la structure démographique du monde combattant ouvre des possibilités de réaffectations de crédits, le Gouvernement se limite à quelques mesures symboliques.
Alors que la nouvelle majorité s'était engagée sur des dispositions précises, l'examen du budget à l'Assemblée nationale a mis en évidence un constat de désaccord entre ses différentes composantes, escamoté par des concessions de portée limitée de dernière minute.
Pour contenir la déception des associations représentant le monde combattant, le secrétaire d'Etat, M. Jean-Pierre Masseret, dont je salue les bonnes intentions, a certes fait part de ses quarante engagements pour 1998, mais cette liste me paraît hétérogène et peut-être incomplète. Elle constituera, toutefois, un outil fort utile pour apprécier, à l'avenir, les résultats de la politique que mène le Gouvernement en faveur des anciens combattants.
Pour l'instant, comme l'a rappelé M. Baudot, les crédits affectés au secrétariat d'Etat aux anciens combattants, qui s'élèvent à 25,952 milliards de francs, enregistrent une diminution de 3,5 % par rapport au budget de 1997. Cette baisse signifie que les crédits rendus disponibles par une réduction du nombre des pensionnés ne sont pas réaffectés, même de manière partielle, au sein du budget du secrétariat d'Etat. Une baisse des effectifs pensionnés proche de 3,5 % laisse penser que les moyens d'action du département ministériel sont globalement préservés.
La philosophie générale de ce budget peut donc se résumer ainsi : une absence de mesures nouvelles et significatives qui doit être appréciée au regard du maintien des droits et des structures.
En effet, le projet de budget pour 1998 préserve globalement les moyens d'action du secrétariat d'Etat. La diminution de 941 millions de francs des crédits du secrétariat d'Etat s'explique ainsi principalement par des économies mécaniques sur la dette viagère et par une mesure de trésorerie.
La dette viagère, regroupant la retraite du combattant, les pensions d'invalidité et des allocations diverses, diminue de 525 millions de francs. Ce solde est lui-même la résultante de la diminution du nombre des parties prenantes - soit 745 millions de francs de moins - et de l'application du rapport constant - soit 220 millions de francs de plus - liée en particulier à la hausse de la valeur du point de la fonction publique en 1997. De même, la diminution des crédits des soins médicaux gratuits - moins 5 % - d'appareillage - moins 2 % - et des remboursements SNCF - moins 3 % - correspond à des économies de constatation qui constituent autant d'ajustements aux besoins prévisibles dans le cadre de la réglementation existante.
Je rappelle que l'application stricte du rapport constant pour calculer la revalorisation des pensions militaires d'invalidité en fonction de l'évolution des traitements de la fonction publique constitue un minimum aux yeux des associations représentatives du monde combattant. Celles-ci contestent, en effet, son mode de calcul, qu'elles considèrent complexe, peu transparent et incomplet.
Le précédent ministre, M. Pierre Pasquini, avait initié un travail de réflexion sur le sujet, en confiant le soin de proposer une simplification du mode de calcul à une commission spécifique. Il vous appartient maintenant, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire aboutir ce travail, comme vous vous y êtes engagé pour 1998.
Par ailleurs, le financement des structures administratives est calculé au plus juste. L'administration, comme nous l'avons rappelé, perd quatre-vingt-huit emplois. Les crédits de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l'ONAC, diminuent de 2,55 % par rapport à 1997 et ceux de l'Institut national des invalides, l'INI, augmentent parallèlement de 3,37 %.
Je fais remarquer à notre assemblée que l'action sociale de l'ONAC semble véritablement fragilisée, ce qui entraîne souvent, localement, une intervention de compensation des conseils généraux.
La commission des affaires sociales du Sénat s'est également particulièrement inquiétée de la baisse des crédits alloués à la politique de la mémoire, à laquelle les anciens combattants tiennent beaucoup. Ainsi, l'information historique voit ses crédits baisser de 43 %.
Outre ces remarques sur les actions traditionnelles du ministère, l'absence de mesures nouvelles significatives semble confirmer que la satisfaction des demandes du monde combattant ne constitue pas une véritable priorité.
L'article 62, qui permet l'indemnisation des étrangers déportés depuis la France et ayant acquis, depuis, la nationalité française, va dans le bon sens, mais il laisse en suspens d'autre cas liés à la Seconde Guerre mondiale, tels que les combattants volontaires de la Résistance et les enrôlés de force.
M. le président. Je vous invite à conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis. Par ailleurs, la commission des affaires sociales reste perplexe après l'épisode des crédits supplémentaires votés à l'Assemblée nationale.
Lors de la discussion de ce projet de budget, le Gouvernement a proposé l'inscription de 40 millions de francs de crédits supplémentaires afin d'améliorer l'action sociale de l'ONAC, de remettre à niveau les crédits consacrés à l'effort de mémoire, de fixer le plafond de la retraite mutualiste en points d'indice de pension militaire d'invalidité à hauteur de quatre-vingt-quinze points et d'élargir les conditions d'attribution de la carte du combattant en Afrique du Nord avec la prise en compte du critère de la durée de séjour, qui doit être d'au moins dix-huit mois. On peut, au passage, se demander pourquoi dix-huit mois.
Quoi qu'il en soit, ces propositions ont été jugées « inacceptables » par la majorité de l'Assemblée nationale. Il a fallu que le Gouvernement modifie la ventilation de ces 40 millions de francs au détriment de l'ONAC et de la politique de la mémoire à travers une augmentation de l'allocation différentielle pour que le budget soit voté.
M. le président. Je vous demande de nouveau de conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis. Ce tour de passe-passe ne nous convainc pas. La nouvelle disposition en faveur des chômeurs ayant cotisé cent soixante trimestres est un pas en avant, mais elle relève plus, dans sa forme, d'une mesure d'assistance que d'une véritable retraite anticipée. De plus, le recours partiel à la réserve parlementaire - dont ce n'est pas l'objet - n'est pas satisfaisant, puisqu'il n'assure pas la pérennité du financement.
M. le président. Je vous rappelle, monsieur le rapporteur pour avis, que vous disposiez d'un temps de parole de cinq minutes !
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis. J'en termine, monsieur le président.
Toutes les mesures en faveur des anciens combattants ne nécessitent pas forcément des crédits supplémentaires. J'en veux pour preuve la politique de la mémoire, qui fait également appel à l'imagination. Toutefois, un effort limité est nécessaire pour faire avancer les dossiers prioritaires.
En conséquence, soucieuse de défendre les intérêts légitimes du monde combattant, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits des anciens combattants inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998. (M. Rémi Herment applaudit.)
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Quel dommage encore !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 15 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 10 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes ;
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en préambule à cette intervention, permettez-moi d'exprimer un regret : nous examinons ce budget à une heure bien matinale, un dimanche, de surcroît en fin de discussion budgétaire.
Cela tient, il est vrai, aux contraintes d'un calendrier bien chargé, mais je voudrais simplement dire que ce budget doit, néanmoins, faire l'objet de toute notre attention, de toute notre sollicitude, de toute notre sensibilité aussi, car nous savons bien ce qu'il représente et qu'il va bien au-delà des chiffres.
Il s'agit en effet ici d'assurer la reconnaissance légitime de la nation à toutes celles et à tous ceux qui, à un moment de notre histoire, l'ont défendue avec vaillance, courage et dignité.
Je ne m'arrêterai pas sur les chiffres. Ils pourront être discutés, voire critiqués, si l'on fait abstraction du contexte dans lequel ce budget a été élaboré.
Il faut pourtant assumer la lourdeur de l'héritage, notamment les déficits importants laissés par le précédent gouvernement, et redresser la situation financière de la France : l'exercice était réputé impossible il y a quelques mois.
Il faut aussi tenir compte des priorités, par rapport à l'emploi, par exemple, et des données démographiques, qui font, hélas ! que le nombre d'ayants droit est inexorablement en diminution.
Le plus important, au-delà des chiffres, ce sont les mesures nouvelles, qui marquent un changement profond par rapport à la routine des budgets précédents et qui font que le budget qui nous est proposé est plus qu'une étape. Il doit nous permettre de nous engager vers des avancées significatives, car il traduit une autre démarche où la concertation, l'écoute, la considération sont les maîtres mots d'une façon de faire de la politique autrement.
Cette démarche témoigne de l'intérêt et de l'attachement que le Gouvernement porte et que vous portez vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, aux anciens combattants.
A ce sujet, les quarante engagements que vous avez pris pour 1998 vont dans le bon sens. Nous pouvons vous assurer qu'ils ont reçu un accueil très favorable de la part des associations d'anciens combattants.
Parmi les mesures nouvelles figure d'abord celle qui est introduite dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, afin de permettre aux personnes qui ont acquis la nationalité française postérieurement à leur arrestation en France et à leur déportation depuis notre pays de bénéficier d'une pension. Cette mesure met fin à une injustice qui n'avait que trop duré.
Viennent ensuite la revalorisation et l'indexation du plafond majorable de la retraite mutualiste du combattant, indexation faite sur la valeur du point de pension militaire d'invalidité, le plafond étant fixé à quatre-vingt-quinze points, soit 7 490 francs pour 1998, contre 7 091 francs en 1997. Cela correspond tout à fait au souhait des associations d'anciens combattants.
Il ne faut pas oublier non plus, c'est très important, vos déclarations, monsieur le secrétaire d'Etat, devant l'Assemblée nationale, relatives à la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie. Vous avez été le premier à vous exprimer aussi clairement devant la représentation nationale, devant nos collègues députés. Les anciens d'Algérie apprécient que vous mettiez fin à l'hypocrisie, trente-cinq ans après la fin de ce douloureux conflit.
En reconnaissant cet état de guerre, il faut en assumer tous les aspects, toutes les conséquences, toutes les responsabilités et il est légitime d'attribuer la carte du combattant à ceux qui ont effectué au moins dix-huit mois de service en Algérie, même s'ils n'ont pas participé à des actions de feu ou à des actions de combat. Les risques encourus le justifient ; la guerre était omniprésente, même là où l'on ne s'en méfiait pas, et un jeune qui allait en Algérie faisait son devoir comme n'importe quel autre soldat de n'importe quelle autre guerre.
Il faudra sans doute encore affiner et bien définir les conditions d'attribution de la carte du combattant. Avec mon collègue Jean-Marc Pastor, ainsi que le groupe socialiste, nous déposerons un amendement tendant à étendre les conditions d'attribution de la carte du combattant aux opérations qui se sont déroulées en Tunisie et au Maroc à compter du 1er janvier 1952, dont on sait bien qu'elles ont eu le même caractère que les opérations de la guerre d'Algérie.
Nous souhaiterions qu'il soit également possible d'accéder à la demande du Front uni visant à accorder seize points de bonification au titulaire du Titre de reconnaissance de la nation et huit points pour la médaille commémorative dans le décompte des trente points nécessaires pour l'attribution de la carte du combattant.
En relation encore avec la guerre d'Algérie, il faut souligner l'effort qui est fait, au titre de la solidarité, en faveur de ceux des anciens combattants d'Afrique du Nord qui disposent de faibles ressources et qui ont cotisé pendant cent soixante trimestres, le temps passé en Afrique du Nord compris. Ainsi, l'allocation différentielle de solidarité est portée à 5 600 francs nets par mois au lieu de 4 564 francs. Cette mesure, qui concerne tous les chômeurs, et pas seulement ceux qui sont en fin de droits, permettra d'améliorer d'une manière significative la situation de 15 000 personnes environ. Le problème de la retraite professionnelle anticipée reste posé, mais un pas important est franchi dans le sens d'une plus grande solidarité.
D'autres questions méritent également un examen approfondi, comme la reconnaissance des psychotraumatismes de guerre, l'attribution des bénéfices de campagne, la délivrance du Titre de reconnaissance de la nation au-delà du 2 juillet 1962.
Il y a aussi le dossier du rapport constant. A tous les niveaux, on dénonce la trop grande complexité de son mode de calcul et l'on attend une simplification qui, curieusement, ne vient pas.
Je m'arrêterai quelques instants sur la mémoire, le devoir de mémoire qui nous appartient à tous et qui nous incombe à tous, qui ne nécessite pas toujours des crédits, mais qui exige des initiatives, des impulsions, une politique ambitieuse. Il y va des valeurs républicaines, de la devise de la République. Il s'agit de transmettre ces valeurs aux jeunes générations qui vivent au sein d'une société déstabilisée où, hélas ! l'intolérance et les idées extrémistes gagnent du terrain.
Quand on voit, par exemple, ce qui s'est passé, samedi dernier, sur le plateau des Glières, ou quand on entend les propos odieux qui ont été tenus, à Munich, sur le « détail » des chambres à gaz,...
M. Emmanuel Hamel. Odieux, vous avez raison !
M. Gilbert Chabroux. ... on comprend qu'il est temps de prendre des initiatives fortes.
Ne faudrait-il pas, par exemple, créer, en liaison avec le ministère de l'éducation nationale et avec l'aide des mairies, une journée d'éducation laissant une très large place à la mémoire, une journée civique et citoyenne dans les écoles ? N'est-il pas temps d'agir pour un militantisme de la mémoire ? Par ailleurs, ne serait-il pas judicieux de débloquer des fonds européens, grâce à des crédits qui seraient inscrits à votre budget au titre de la mémoire et qui joueraient un rôle de levier ?
Avant de conclure, je voudrais saluer le travail qu'avait effectué le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, M. Marcel Lesbros. En effet, j'avais apprécié l'objectivité de son rapport lorsqu'il avait été présenté devant la commission, puisque M. Lesbros avait conclu son intervention en proposant d'émettre un avis favorable sur ce projet de budget à titre d'encouragement.
Depuis, la politique politicienne a repris ses droits au Sénat et, pour ce projet de budget comme pour les autres, la majorité sénatoriale fait de l'obstruction. Cependant, elle ne changera pas ce qui est une évidence : en quelques mois, le nouveau gouvernement et son secrétaire d'Etat aux anciens combattants ont manifesté, sur le dossier des anciens combattants, une véritable volonté politique.
Il s'agit de persévérer dans cette voie ; c'est une question de respect des principes du droit à réparation, du devoir de mémoire et de la solidarité entre les générations.
Le groupe socialiste, monsieur le secrétaire d'Etat, vous apportera tout son soutien pour que vous puissiez mener à bien votre tâche. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous avons peu souvent l'occasion de parler à cette tribune des problèmes posés par le monde des anciens combattants. Vous comprendrez donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que, malgré le temps très court qui m'est imparti, je profite du débat sur votre projet de budget pour déborder quelque peu des limites strictes du sujet.
En effet, si je m'en tiens au projet de budget qui nous est soumis, je ne peux que constater qu'il n'est pas bon ! Certes, on peut comprendre que ce qui est appelé si peu élégamment la « disparition des parties prenantes » permette une diminution régulière des crédits de votre secrétariat d'Etat, mais faut-il vraiment que celle-ci soit aussi systématique et importante ? Le groupe communiste républicain et citoyen a toujours estimé qu'il faudrait, chaque année, tirer parti des économies budgétaires liées à ces disparitions pour satisfaire pas à pas les justes revendications des anciens combattants et victimes de guerre. Aujourd'hui comme hier, nous le pensons et nous l'affirmons.
Ainsi, une fois de plus est refusé, malgré les promesses concrétisées par des propositions de loi élaborées par les grands groupes politiques, l'octroi aux intéressés d'une retraite anticipée du temps passé en Afrique du Nord. Il en va de même pour le rattrapage du retard relatif au plafond de la rente mutualiste, pour la mise en oeuvre du bénéfice de campagne double pour les fonctionnaires et assimilés, pour le rétablissement total des pensions des grands invalides, pour la décristallisation des pensions des étrangers anciens combattants français... J'arrête là cette énumération, hélas ! non exhaustive.
Bien sûr, monsieur le secrétaire d'Etat, et ce n'est pas négligeable, tenant compte de la volonté et de l'action unitaire des associations d'anciens combattants, ainsi que du travail parlementaire accompli, en particulier celui de mes amis du groupe communiste à l'Assemblée nationale, vous avez aussi avancé, à « petits pas », comme vous le dites. Ainsi, nous apprécions le passage à 5 600 francs, pour les anciens combattants en Afrique du Nord et sous les conditions que vous avez indiquées, de l'allocation du fonds de solidarité.
Mais faut-il pour autant réduire de 7 millions de francs les crédits de la mémoire ? Faut-il renoncer aux 5 millions de francs destinés à financer les actions d'aide sociale de l'ONAC ? C'est inacceptable, d'autant plus que, avec les 10 millions de francs transférés aux maisons de retraite, c'est un recul de 15 millions de francs que subiront les crédits affectés aux services départementaux de l'ONAC pour l'action sociale individuelle.
Nous n'avons pas la possibilité de vous faire revenir sur ces décisions, mais nous espérons, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous proposerez au moins quelques correctifs.
Par ailleurs, l'indexation du plafond de la rente mutualiste sur le point de pension d'invalidité est une bonne mesure, mais il faudrait, pour rattraper le retard en quelques années, atteindre rapidement 130 points, alors que nous en restons, pour 1998, à 95 points.
Nous considérons également comme positives les nouvelles mesures concernant la délivrance de la carte du combattant en Afrique du Nord, mais elles sont encore insuffisantes. Nous proposons donc plusieurs amendements visant à les améliorer. Il s'agit, en particulier, de supprimer l'obligation d'action de feu, compte tenu du caractère particulier de cette guerre et ouvrir des droits aux anciens combattants en Tunisie et au Maroc ; en outre, nous déposerons un amendement tendant à ramener à quinze mois, durée moyenne du séjour en Afrique du Nord, la durée à prendre en compte pour la délivrance de la carte. Je pense d'ailleurs qu'il faudra revoir l'ordre des amendements proposés.
Il faudrait encore, pour les militaires ayant cumulé un minimum de quatre-vingt-dix jours de présence en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 2 juillet 1964, ouvrir le droit au Titre de reconnaissance de la nation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez su, au moins partiellement, rompre avec un passé de tension profonde entre votre administration et les associations d'anciens combattants et victimes de guerre. Je sais que vous les avez beaucoup consultées. Après les avoir écoutées, il faut maintenant mieux les entendre.
En dehors de l'examen du projet de budget, il est vraiment urgent de progresser à propos de la question du rapport constant. Les anciens combattants réclament une formule claire, lisible et respectant le principe même du droit à réparation. La retraite du combattant, les pensions diverses ne peuvent être considérées comme des aidres sociales : il s'agit de bien autre chose, et l'indexation des pensions sur les revenus réels de la fonction publique relève de ce droit à réparation, réaffirmé par tous les gouvernements successifs !
Vous avez édité, monsieur le secrétaire d'Etat, un texte intitulé « Les 40 engagements du secrétaire d'Etat aux anciens combattants pour 1998 ». Nous apprécions cette initiative, mais s'agit-il seulement d'engagements à étudier les problèmes, ou aussi d'engagements à les résoudre ? Le cas du rapport constant est symbolique : la commission a-t-elle pour objectif d'enterrer la question ou au contraire de lui apporter une solution rapidement et dans le respect du droit à réparation ?
Avant de conclure, je souhaite évoquer encore la nécessité urgente de lever la forclusion concernant l'attribution de la carte du combattant volontaire de la Résistance. Vous connaissez tous la question, je n'y insisterai donc pas, mais le problème est réel.
S'agissant des anciens du service du travail obligatoire, le STO, vous avez évoqué, après Lionel Jospin, la mise en place éventuelle d'une commission d'historiens pour étudier leur demande visant à obtenir qu'ils puissent bénéficier du titre de « victimes de la déportation du travail ». Où en sommes-nous sur ce point ?
Pourriez-vous nous dire également, monsieur le secrétaire d'Etat, quelle est votre position en ce qui concerne l'ouverture aux chercheurs des archives d'Arolsen ? Comme nous le voyons, beaucoup de questions restent encore à résoudre.
S'agissant plus précisément du projet de budget pour 1998, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne l'estiment pas, en l'état, suffisamment efficace. Ils s'abstiendront donc, sauf si des modifications utiles étaient adoptées au cours du débat, reconnaissant ainsi les « petits pas » réalisés, mais soulignant aussi leur insuffisance. Ils espèrent que les quarante engagements pris seront tenus en 1998, ce qui leur permettra d'émettre alors un vote positif. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Husson.
M. Roger Husson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la présentation du projet de budget des anciens combattants pour 1998 a provoqué une grande déception parmi les anciens combattants et leurs associations et a suscité mon étonnement.
En effet, les crédits proposés, en baisse de 3,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1997, soit 941 millions de francs, sont inacceptables en l'état et appellent de ma part de sérieuses réserves.
Certes, cette diminution ne semble pas compromettre la stabilité générale du dispositif juridique, administratif et financier visant à permettre la réparation et la solidarité dues au monde combattant. Cependant, ce projet de budget manque d'ambition, car il ne comprend aucune mesure nouvelle significative.
Au cours du débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale le 24 octobre dernier, quelques aménagements, dont je me félicite, ont été apportés au projet initial.
Le premier de ces aménagements concerne la revalorisation du plafond majorable de la retraite mutualiste du combattant et son indexation sur la valeur du point de pension militaire d'invalidité, le plafond étant fixé à 95 points, soit 7 488 francs. Toutefois, cela ne correspond pas un à un réel rattrapage, car on aurait pu le relever d'un point, à partir de 1999, avec un étalement sur cinq ans.
Le second aménagement tient à la reconnaissance officielle de l'état de guerre en Algérie.
Cependant, ces améliorations ne sont pas suffisantes, car les problèmes essentiels demeurent.
Ainsi, ce projet de budget ne comporte aucune mesure permettant de décristalliser les pensions d'invalidité des combattants de nos anciennes colonies, et rien n'est prévu pour instaurer une véritable retraite anticipée, ni pour faciliter l'accès à l'allocation de préparation à la retraite, l'APR, en supprimant le stage de six mois au fonds de solidarité. Je déplore l'absence de mesures d'application immédiate de cette nature.
En revanche, je ne peux que prendre acte de l'existence de deux dispositions qui constituent, certes, des avancées intéressantes, mais qui ne répondent pas aux demandes légitimes du monde combattant, à savoir l'attribution de la carte du combattant et l'allocation différentielle du fonds de solidarité.
En ce qui concerne l'attribution de la carte du combattant aux anciens d'Afrique du Nord, il semblerait normal que, dans un souci d'impartialité, et pour répondre à l'attente des associations, s'impose le critère de territorialité, tel qu'il a été retenu pour les unités de la gendarmerie.
En mars 1994, la notion de temps de présence avait été retenue sur la base de quatre points par trimestre, avec un maximum de vingt points. Le 22 octobre 1996, après réexamen de ce dispositif, un accord était intervenu entre le ministère des anciens combattants et victimes de guerre et le Front uni. Il visait à accorder seize points de bonification aux titulaires du Titre de reconnaissance de la nation, le TRN, et huit points aux titulaires de la médaille commémorative d'Afrique du Nord pour le décompte des trente points nécessaires à l'obtention de la carte.
Or, le décret du 14 mai 1997, en prévoyant d'accorder seulement respectivement douze et six points aux intéressés et en subordonnant l'octroi éventuel de la carte à une action de feu ou de combat, a complètement remis en cause cet accord.
Je vous suggère donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de le reprendre à votre compte et d'exiger son entière application, ce qui permettrait de régler définitivement ce contentieux avec la troisième génération du feu.
Quant à votre proposition visant à exiger une présence de dix-huit mois en Algérie comme condition pouvant se substituer à la participation à des opérations au feu, elle ne permet pas davantage de supprimer les inégalités.
En effet, pourquoi exiger une présence d'au moins dix-huit mois, alors que l'insécurité caractérisant la guerre d'Algérie n'était pas liée uniquement au critère de la durée ? Où est la différence entre l'appelé qui a servi dix-huit mois en Algérie et celui qui y est resté dix-sept mois ?
Bien entendu, j'approuve la prise en compte de la notion de risque encouru, mais se référer à la seule durée de séjour ne me paraît pas approprié. Un réexamen attentif de votre proposition s'impose donc, monsieur le secrétaire d'Etat, d'autant que les associations ne sont pas toutes du même avis sur ce point.
J'en viens maintenant à la seconde mesure constituant une avancée, mais ne correspondant pas à l'attente des anciens combattants, à savoir l'allocation différentielle du fonds de solidarité.
Je constate que son montant sera relevé au 1er janvier 1998 pour les chômeurs de longue durée justifiant de quarante annuités de cotisations sociales, y compris les périodes équivalentes, notamment le temps passé en Afrique du Nord, de façon à leur assurer un revenu de 5 600 francs nets par mois, au lieu de 4 564 francs actuellement.
Je me félicite de la mise en oeuvre de cette mesure pour tous ceux qui pourront en bénéficier, mais je tiens à vous faire observer, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il ne peut s'agir, en aucun cas, d'un équivalent à la retraite anticipée.
En effet, il était permis d'espérer que les anciens combattants chômeurs en fin de droits puissent bénéficier d'une retraite anticipée s'ils justifient des quarante annuités de cotisations exigées, diminuées du temps passé en Afrique du Nord. Or, il n'en est rien !
En vérité, ce problème reste posé pour les chômeurs, mais aussi pour ceux qui sont encore en activité et qui voudraient bien laisser leur place à un jeune, après avoir travaillé pendant quarante ans ou plus.
Il est donc urgent de régler ce problème, dont l'incidence financière reste d'ailleurs faible. En effet, dans cinq ans, tous les anciens d'Afrique du Nord seront à la retraite, et ce dossier sera alors clos, faute de combattants. Ce ne serait pas à notre honneur, car nous devons reconnaissance à la troisième génération du feu.
J'en terminerai en évoquant le cas particulier des départements des régions annexées d'Alsace-Moselle, c'est-à-dire le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle.
En effet, l'annexion par l'Allemagne hitlérienne de ces trois départements a provoqué, pour la population, des conséquences dramatiques représentant une page d'histoire spécifique par rapport à ce qu'ont connu les « Français de l'intérieur » : embrigadement dans les formations politiques du national-socialisme, notamment la Hitlerjugend , incorporation de force dans l'armée allemande, la Wehrmacht , ou dans les unités de travail paramilitaires, le RAD et le KHD, résistance à l'annexion de fait, insoumission, prises d'otages, expulsions, internement dans des camps, comme celui de Tambow - vous avez consenti un effort considérable en faveur des anciens internés - dérobade au STO, apparition de réfractaires.
Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, l'intégration de ces différentes catégories de victimes dans le dispositif de reconnaissance et de réparation laisse subsister divers problèmes, à ce jour non résolus, qui font l'objet de revendications depuis cinquante-deux ans.
Certes, vous êtes né en Moselle.
Certes, depuis que vous êtes secrétaire d'Etat aux anciens combattants, vous vous êtes rendu en Alsace.
Certes, pour recenser ces revendications, vous avez réuni le 30 juin dernier, à Phalsbourg, les représentants des victimes de guerre d'Alsace et de Moselle.
Certes, vous êtes à l'écoute des associations, ce qui n'a pas toujours été le cas de vos prédécesseurs.
Certes, pour examiner les réponses à apporter à ce contentieux, vous vous êtes engagé à consulter prochainement l'ensemble des parlementaires des trois départements afin de proposer une série de solutions.
Or, je constate qu'il n'y a rien dans votre projet de budget pour 1998 concernant les « Malgré-nous » et leurs légitimes préoccupations, et j'en suis fort déçu.
Compte tenu de cette grave impasse, j'ose espérer qu'il est bien dans vos intentions de solder une fois pour toutes le contentieux alsacien-mosellan par une indemnisation globale et forfaitaire pour toutes les catégories de victimes oubliées !
Je vous rappelle que nous nous devons tous de réhabiliter cette douloureuse période de notre histoire par respect pour nos concitoyens alsaciens et mosellans, qui ont toujours eu une attitude digne et courageuse en toutes circonstances.
En conclusion, je dirai qu'en dépit de quelques avancées positives, mais peu nombreuses, avec 65 millions de francs de crédits supplémentaires dont 25 millions de francs pris, en principe, sur la réserve parlementaire, pour la disposition concernant les anciens combattants d'Afrique du Nord au chômage, votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, ne répond, en l'état, ni à notre attente ni à celle du monde combattant.
Il ne permet donc pas d'assurer la mise en oeuvre du droit à réparation et reconnaissance que la France et nous-mêmes lui devons.
En conséquence, le groupe du RPR ne votera pas ce budget.
M. le président. La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment. Pour tenir compte des réserves exprimées par votre propre majorité, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez donc obtenu du Gouvernement l'inscription de 40 millions de francs de crédits supplémentaires en faveur des anciens combattants lors de la discussion du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale.
Si ce résultat doit être souligné, les sénateurs de la majorité sénatoriale ont estimé, pour leur part, que ces mesures étaient insuffisantes, dans leur montant, par rapport aux 745 millions de francs économisés du fait de la diminution du nombre des pensionnés et, dans leur objet, au regard de l'attente de l'ensemble des parlementaires quant à l'annonce d'une véritable mesure de retraite professionnelle pour les anciens combattants d'Afrique du Nord.
S'agissant de la retraite anticipée, vous avez présenté, monsieur le secrétaire d'Etat, une mesure visant à assurer la garantie d'un revenu équivalent à une retraite anticipée, soit 5 600 francs par mois pour les chômeurs qui pouvaient justifier de 160 trimestres de cotisation à l'assurance vieillesse, y compris le temps passé en Afrique du Nord.
Vous avez précisé que cette disposition prendrait la forme d'un relèvement de l'allocation différentielle à due concurrence, à partir du 1er janvier 1998, pour les anciens combattants concernés et que 12 000 à 15 000 personnes pouvaient être intéressées.
Certes, il s'agit là d'un pas en avant ; il ne règle toutefois pas la question puisque la disposition s'apparente plus à une mesure d'assistance qu'à une mesure de réparation.
La majorité sénatoriale s'est donc interrogée sur la façon dont il convenait d'apprécier ce projet de budget et les mesures complémentaires adoptées par l'Assemblée nationale, au regard notamment de revendications du monde combattant telles qu'elles sont exprimées par le Front uni.
Elle a ainsi considéré que la revalorisation de la retraite mutualiste du combattant ne pouvait constituer que l'amorce d'un rattrapage qui devait être confirmé à l'avenir.
Quant au critère des dix-huit mois de présence en Afrique du Nord pour l'obtention de la carte du combattant, il a semblé à la majorité sénatoriale qu'il constituait une avancée, notamment dans le sens de la reconnaissance de la notion de risque.
Elle a estimé, néanmoins, que ce critère ne réglait pas totalement le problème puisqu'un grand nombre d'anciens combattants sont restés moins de dix-huit mois en Afrique du Nord.
Au mois de juin 1995, avec un certain nombre de mes collègues, j'ai déposé sur le bureau du Sénat une proposition de loi tendant à assurer le droit à réparation des anciens combattants et victimes de guerre dans le respect de l'égalité des générations.
Je demandais principalement que le temps passé par les anciens combattants sur le territoire de l'Algérie, de la Tunisie et du Maroc soit considéré sans réduction du taux applicable à leur pension de retraite, d'une part, comme une période d'anticipation par rapport à l'âge de soixante ans et, d'autre part, comme une bonification dans le décompte des trimestres validés.
S'agissant du droit à l'attribution de la carte du combattant dans les conditions particulières découlant de la nature des opérations fixées dans les articles 2 et 3 de la loi du 9 décembre 1974 et leurs décrets d'application, il a été constaté que des dispositions particulières aux membres des unités de gendarmerie ne sont pas appliquées à l'ensemble des militaires concernés.
La proposition de loi visait également à rétablir le principe d'égalité introduit par l'article 1er bis de la loi susmentionnée.
Depuis plusieurs années, les associations d'anciens combattants d'Afrique du Nord demandent que les conditions d'attribution de la carte du combattant soient assouplies afin d'obtenir une égalité de traitement entre les générations du feu.
Pour aboutir à ce résultat, le Front uni souhaite, en dernier lieu, que soit retenu le critère de territorialité, qui consiste à accorder la carte du combattant à tous les possesseurs du Titre de reconnaissance de la nation, c'est-à-dire sur la base du stationnement pendant au moins trois mois en Afrique du Nord, en considération de l'insécurité généralisée qui y régnait, et ce que les intéressés soient crédités ou non d'une action feu ou de combat collective.
L'arrêté du 14 mai 1997 attribuant un quota de douze points pour la possession du Titre de reconnaissance de la nation et de six points pour la possession de la médaille commémorative des opérations en Afrique du Nord, sous réserve de pouvoir justifier d'une participation effective à des combats reconnus par l'attribution d'au moins une action de feu ou de combat collective, tente de mettre au point un système tenant compte à la fois du temps de service accompli en Afrique du Nord et de la nécessité de conserver à la carte du combattant sa valeur et sa signification profonde. Il n'en demeure pas moins que la réflexion avec les associations doit être poursuivie sur les améliorations susceptibles d'être encore apportées à ce dispositif.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de réaffirmer à cette tribune l'importance que le Sénat attache à la question de l'égalité de traitement entre les générations du feu et d'insister sur la nécessité d'apporter d'urgence une solution équitable.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comme l'indiquaient tout à l'heure nos excellents collègues MM. Beaudot et Lesbros, votre projet de budget pour 1998 apparaît plus comme une étape que comme un règlement du contentieux qui oppose le monde combattant au Gouvernement.
Je voudrais donc indiquer que mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même nous faisons nôtres les critiques formulées par les deux rapporteurs et que, en conséquence, nous ne pouvons donner notre aval au projet de budget des anciens combattants pour 1998.
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen des crédits du projet de budget des anciens combattants pour 1998 nous donne l'occasion d'évoquer la reconnaissance dont la nation doit faire preuve à l'égard de ceux qui se sont battus pour elle.
Notre rapporteur spécial et notre rapporteur pour avis ont très bien analysé les conditions de la mise en oeuvre de ce devoir.
Le groupe des Républicains et Indépendants considère, pour sa part, que ce devoir passe d'abord par le maintien des institutions du monde combattant.
Le précédent gouvernement avait confirmé le maintien des structures administratrives existantes et décidé la création d'une nouvelle institution, le Haut conseil de la mémoire combattante.
A la suite du changement de majorité, le ministère des anciens combattants a été rabaissé au rang de simple secrétariat d'Etat et rattaché au ministère de la défense.
Nombreux sont ceux qui craignent qu'il ne soit progressivement absorbé par ce ministère, pour en devenir une simple direction générale.
En outre, les anciens combattants redoutent que les actions les concernant n'échappent progressivement à la tutelle de leur secrétariat d'Etat, au profit d'autres ministères.
Certains signes sont, selon eux, avant-coureurs dans la politique du Gouvernement, comme le développement d'une coopération entre le ministère de la défense et le secrétariat d'Etat aux anciens combattants dans les domaines de la politique de la mémoire et de l'entretien des cimetières, ou encore le financement du quatre-vingtième anniversaire de l'Armistice de 1918 sur des crédits interministériels.
J'en viens maintenant aux problèmes de fond, qui, d'ailleurs, ont déjà été évoqués.
Le premier concerne le mode de calcul du rapport constant. Vous le savez, mes chers collègues, le rapport constant prévoit la revalorisation des pensions militaires d'invalidité en fonction de l'évolution des traitements de la fonction publique.
Son mode de calcul est cependant complexe et ne prend pas en compte certaines indemnités telles que la nouvelle bonification indiciaire prévue par le protocole Durafour et dont l'importance est croissante dans les traitements des fonctionnaires.
Un groupe de travail s'était constitué en 1996, sur l'initiative du précédent gouvernement, sans parvenir à un accord sur une définition plus claire et plus fidèle ; cela prouve que ce n'est pas simple.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai noté votre volonté de poursuivre la tâche entreprise par votre prédécesseur. Mais je ne trouve pas de mesure spécifique dans votre projet de budget pour 1998. Je souhaiterais que vous éclairiez la représentation nationale sur vos intentions en la matière.
Le deuxième problème a trait au gel des pensions des plus grands invalides.
La loi de finances pour 1991 avait institué un gel des pensions militaires d'invalidité les plus élevées en excluant du champ d'application des revalorisations au titre du rapport constant les pensions supérieures à 30 000 francs par mois.
La loi de finances pour 1995 a supprimé cette mesure de gel, qui concernait les grands invalides gravement handicapés et nécessitant les soins de tierces personnes, mais elle n'a pas procédé à la remise à niveau du point de pension des invalides concernés.
Or, l'écart avec les pensions ayant échappé au gel peut atteindre près de 10 % sur toute la période.
Je sais que ce problème concerne moins de 1 000 personnes. Il ne coûterait donc pas très cher à résoudre et permettrait de rendre un devoir de justice envers les grands invalides gravement handicapés.
Le troisième point que je souhaiterais aborder porte sur la décristallisation des pensions servies dans les anciens territoires français.
La France a appliqué aux combattants ressortissants des Etats anciennement placés sous sa souveraineté un régime restrictif d'évolution des pensions militaires d'invalidité concédées, notamment, au titre des deux guerres mondiales.
Cette cristallisation consiste en un blocage de la valeur du point d'indice à la date d'indépendance des Etats concernés. Elle touche 38 000 combattants et ayants cause.
En dépit des revalorisations intervenues en 1994 et en 1995 et de la levée de la forclusion pour les demandes des combattants originaires de l'ex-Indochine française en 1996 et en 1997, la valeur du point de pension cristallisé reste très faible dans la plupart des pays.
Sur ces deux points, aucune disposition particulière n'est inscrite dans le projet de loi de finances pour 1998.
Je souhaiterais enfin évoquer les problèmes spécifiques aux anciens combattants d'Afrique du Nord.
Le problème de la retraite anticipée est le plus important d'entre eux ; c'est le plus difficile aussi, étant donné ses implications budgétaires, qui sont lourdes.
Je n'insisterai donc pas sur les conclusions de la commission tripartite qui évaluait le coût total de cette mesure à 151 milliards de francs pour l'ensemble de la période 1996-2004. Mais je pense, pour ma part, ainsi que mes collègues du groupe des Républicains et Indépendants, qu'une nouvelle réflexion doit s'engager sur le sujet, sur de nouvelles bases et dans la concertation la plus large possible.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget pour 1998 ne prévoyait, à l'origine, aucune mesure particulière pour les anciens combattants d'Afrique du Nord.
Le 24 octobre dernier, sous la pression des députés de l'opposition, mais aussi de la majorité, vous avez proposé un amendement qui porte à 5 600 francs le montant de l'allocation différentielle servie à tous les chômeurs justifiant de quarante annuités, y compris le temps passé en Afrique du Nord.
Cet amendement, adopté à l'unanimité par l'Assembée nationale, va, bien entendu, dans le bon sens.
Il en va de même pour l'attribution de la carte du combattant.
Le projet de budget pour 1998 ne prévoyait à l'origine aucune mesure concernant cette carte.
Néanmoins, face aux critiques des députés et du monde combattant, un second amendement a été adopté par l'Assemblée nationale.
Il prévoit que tous les anciens combattants d'Afrique du Nord justifiant d'une durée de service d'au moins dix-huit mois en Afrique du Nord auront droit à cette carte du combattant, ce qui sera très apprécié par les intéressés, même si la mesure a une portée limitée.
Aux deux mesures qui concernent les combattants d'AFN s'en ajoute une troisième, plus générale.
Il est en effet proposé de porter le plafond de la retraite mutualiste à 95 points d'indice, soit 7 488 francs, comme l'a dit tout à l'heure notre rapporteur. Là encore, c'est un premier pas.
Je voudrais simplement rappeler que la demande des associations est de 10 000 francs et que plusieurs sénateurs du groupe des Républicains et Indépendants ont saisi le Gouvernement sur ce sujet.
Certaines propositions sont raisonnables et portent sur un plan de rattrapage quinquennal, voire décennal.
Monsieur le ministre, si les trois mesures de dernière minute que je viens d'évoquer vont, je le répète, dans le bon sens, elles ne doivent cependant pas dissimuler que les amendements adoptés par l'Assemblée nationale ne représentent qu'une majoration de 40 millions de francs des crédits du secrétariat d'Etat, à mettre en parallèle avec les 745 millions économisés du fait de la diminution du nombre des pensionnés. C'est ce qui me permet de dire que c'est insuffisant.
Surtout, vous n'apportez aucune réponse aux principales revendications du monde combattant. Bien au contraire, de nouvelles incertitudes apparaissent concernant la politique de la mémoire et l'avenir même des institutions.
Aussi je souhaite que vous puissiez nous indiquer vos intentions sur ces différents points qui recoupent d'ailleurs les interrogations de nos deux rapporteurs.
En conséquence, le groupe des Républicains et Indépendants, approuvant les conclusions des commissions des finances et des affaires sociales du Sénat, ne votera pas le budget des anciens combattants.
M. le président. La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le secrétaire d'Etat, avant de vous poser des questions, notamment sur les dossiers spécifiques d'Alsace-Moselle, je souhaite rendre hommage à votre travail, ainsi qu'à celui du Gouvernement en faveur du monde des anciens combattants.
Les différentes réunions auxquelles les élus participent dans leur département confirment partout l'excellente impression que produisent votre travail et votre méthode pour aborder les dossiers.
L'extension des conditions d'attribution de la carte d'ancien combattant aux soldats ayant servi en Algérie tient compte de la notion de risque attaché au conflit algérien.
L'attribution aux anciens combattants chômeurs, quel que soit leur âge, ayant cotisé quarante annuités aux organismes sociaux, y compris le temps passé en Algérie, d'une somme mensuelle de 5 600 francs nets, qui équivaut au montant de la retraite anticipée, représente une avancée sociale significative.
Au nom du groupe socialiste du Sénat, je salue cette mesure qui s'inscrit dans le droit-fil de la politique de solidarité nécessaire aujourd'hui.
Enfin, la transformation du plafond majorable de la rente mutualiste en points d'indice et la fixation de ces points à hauteur de l'indice 95 au lieu de l'indice 91 sont des mesures également très appréciées.
Naturellement, tout cela ne clôt pas le contentieux entre les pouvoirs publics et le monde des anciens combattants.
Mais nous apprécions votre détermination, qui permet, pas à pas, d'avancer sur la voie de solutions progressives.
Vous avez raison de ne pas promettre ce que vous ne pouvez faire. La franchise, comme vous le soulignez vous-même, est la forme première du respect dû aux anciens combattants.
Parmi la liste des questions encore en suspens, qui attendent des réponses et, je l'espère, des solutions, figurent naturellement les dossiers alsaciens-mosellans.
D'une part, s'agissant des incorporés de force dans l'armée allemande, qu'en est-il du statut spécifique des Alsaciens-Mosellans faits prisonniers par l'armée soviétique et retenus au camp de Tambow ? Prévoyez-vous l'extension de la notion de « camp annexe de Tambow » à l'ensemble des camps de prisonniers sous contrôle de l'armée soviétique ?
D'autre part, pensez-vous aligner les droits à pension des incorporés de force dans l'armée allemande sur ceux qui sont accordés aux déportés et prisonniers du Viêt-minh ?
S'agissant du Reichsarbeitsdienst, le RAD, et du Kriegshilfsdienst, le KHD, est-il possible d'attribuer à ceux qui sont concernées le certificat d'incorporé de force, alors qu'ils n'ont pas participé à des combats sous commandement militaire allemand ?
En outre, prévoyez-vous, et dans quel délai, le versement d'une indemnité ? Est-il possible de les faire bénéficier de l'indemnisation de la Fondation Entente franco-allemande ?
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, que pensez-vous des patriotes résistant à l'occupation, les PRO, et de la demande relative au versement de l'indemnité aux ayants cause dès lors que le décès de l'ayant droit est intervenu en cours d'indemnisation ?
A propos des nombreuses revendications des patriotes réfractaires à l'annexion de fait, les PRAF, que pensez-vous de la substitution du titre de patriote résistant à celui de patriote réfractaire, ainsi que du report de la date de fin de période de réfractariat au 8 mai 1945 ?
Enfin, qu'en est-il de l'attribution systématique de la carte du combattant et de la carte du combattant volontaire de la résistance ? En fait, les PRAF souhaitent par-dessus tout que soit défini un statut qui leur serait applicable. Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles sont les initiatives que vous envisagez de prendre à ce sujet ?
Reste la situation des réfractaires à l'incorporation de force, qui sont reconnus réfractaires s'ils ont refusé l'incorporation postérieurement aux dates auxquelles ont été institués respectivement le RAD et la conscription forcée. Ils n'ont pas droit à l'indemnisation de la Fondation Entente franco-allemande. Avez-vous des réponses à leur apporter ?
Je terminerai mon propos sur la question des veuves, question complexe tant les situations juridiques sont nombreuses. C'est pourquoi je souhaite seulement vous interroger sur la réversion de la retraite d'ancien combattant.
Cette réversion me paraît souhaitable, et serait justice faite aux veuves qui, tout au long du vivant de leur époux, auront manifesté un total dévouement. Peut-on envisager cette mesure ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, soyez persuadé que le groupe socialiste du Sénat est à vos côtés et qu'il suit et soutient tous les efforts appréciés que vous faites pour prendre en compte peu à peu les dossiers encore ouverts du monde combattant. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Le Jeune.
M. Edouard Le Jeune. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ayant laissé le soin à mes collègues de s'exprimer sur votre budget, mon intervention ne portera que sur un point : la levée des forclusions qui concernent les conditions d'attribution du titre de combattant volontaire de la Résistance. Il va cependant sans dire que je m'intéresse à tous les problèmes de l'ensemble du monde combattant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'ignorez pas que le droit à réparation a été établi par la loi et qu'aucune forclusion n'a été opposée en dehors de celle qui s'applique aux anciens combattants de la Résistance. Ce droit à réparation ayant un caractère imprescriptible, il y a là un « déni de justice » que je dénonce une fois de plus à cette tribune. Vous le reconnaissez dans la plaquette du 21 octobre 1997 que vous nous avez adressée.
On relève aussi dans ce document sur les quarante engagements de votre secrétariat d'Etat pour 1998 les dispositions que vous envisagez de prendre pour lever la forclusion. Mais j'ai le regret de vous dire qu'elles n'auront qu'une portée très limitée, car la solution n'est pas là, j'y reviendrai dans un instant.
Vous avez très certainement pris connaissance de la proposition de loi n° 389 que j'ai déposée au Sénat ; elle complète la loi 10 mai 1989 et lui enlève toute ambiguïté.
Je me permets de vous rappeler l'engagement pris par Lionel Jospin dans une lettre adressée au président de l'UFAC au cours de la campagne électorale, lettre dans laquelle il écrivait : « Nous nous engageons à lever toutes forclusions pour les combattants volontaires de la Résistance, conformément à la proposition de loi n° 1259, déposée par le groupe socialiste à l'Assemblée nationale. » Je rappelle que cette proposition de loi est similaire, quant au fond, à celle que j'ai déposée, et à d'autres qui avaient été déposées précédemment.
Nous sommes sensibles à votre souci de faire reconnaître, cas par cas, les services accomplis par des résistants, qui se heurte aux dispositions iniques du décret du 19 octobre 1989 et de l'instruction ministérielle du 20 janvier 1989. Néanmoins, nous ne cesserons de demander l'annulation pure et simple de ces deux textes et la publication de dispositions réglementaires simples, claires et conformes à la volonté du législateur.
L'usage d'une possibilité prévue par le décret de 1989, qui, d'après vous, n'a pas été utilisée, mais que vous envisagez d'appliquer, ne réglera pas le contentieux. Cette nouveauté, nous la découvrons dans votre plaquette du 21 octobre 1997.
Je suis surpris que les juristes de notre Association nationale des anciens combattants de la Résistance, l'ANACR, véritables experts, n'aient pas exploité cette possibilité ! A leur avis, votre suggestion ne peut pas être acceptée. Ils insistent, et nous aussi, sur la nécessité de déposer un nouveau projet de loi.
Ce que veulent, depuis fort longtemps, les anciens résistants, c'est la remise en activité de la commission nationale de révision. Il n'y aura pas d'imposteurs, car nous serons vigilants. Ce titre de combattant volontaire de la Résistance est un titre prestigieux, et nous veillerons à lui conserver toute sa valeur.
Je le redis, nous réclamons, monsieur le secrétaire d'Etat, l'examen d'un nouveau projet de loi. Je suis certain que tous les parlementaires, quelle que soit la formation politique à laquelle ils appartiennent, le voteront. Monsieur le secrétaire d'Etat, les anciens combattants de la Résistance récusent - excusez-moi d'employer ce terme - les faux-semblants. Ils réclament la publication de dispositions réglementaires simples et claires.
Pour cela, présentez au Parlement un nouveau texte de loi pour qu'enfin, cinquante-deux ans après la fin de la guerre, la forclusion soit levée sans ambiguïté.
Après tant d'interventions infructueuses, celles de MM. Jarrot, Rabineau, Duroméa, et celles que j'ai faites au cours des années passées, soyez, monsieur Masseret, celui qui nous aura entendus et compris ! Je serai attentif à votre réponse !
M. André Maman. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Biarnès.
M. Pierre Biarnès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous parler d'une injustice, celle qui résulte du sort inéquitable que, depuis bientôt quarante ans, notre pays réserve aux anciens combattants étrangers, notamment africains, qui se sont battus pour lui.
La contribution des étrangers à l'effort de guerre français est ancienne. Lors des deux guerres mondiales, plusieurs centaines de milliers de combattants étaient originaires des territoires d'outre-mer. Ainsi, en août 1944, sur les 240 000 hommes de la première armée du maréchal de Lattre, 112 000 étaient des « indigènes », comme on disait à l'époque ; sur les 18 000 de la deuxième division blindée, ils étaient 7 000.
La France est cependant bien peu reconnaissante envers ces soldats étrangers, qui se sont battus pour elle.
En effet, comme vous le savez, monsieur le ministre, l'article 71 de la loi de finances du 26 décembre 1959 a transformé les pensions, rentes et allocations viagères payées par l'Etat français aux militaires et anciens combattants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté, ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France, en indemnités annuelles en francs, calculées, désormais de façon immuable, sur la base des tarifs en vigueur à la date de leur transformation.
Ainsi, les sommes jusque-là indexées sur le coût de la vie ont été gelées. C'est ce qu'on a appelé la « cristallisation » des pensions et retraites. De plus, il a été décidé que, désormais, les veuves ne pourraient plus bénéficier des sommes versées à leurs maris, une fois ceux-ci décédés.
Ce sont autant de dispositions discriminatoires, très éloignées du statut réservé aux anciens combattants français, leurs frères d'arme.
De fait, depuis l'adoption de cette loi, les écarts se sont creusés de façon très importante entre les anciens combattants français et les anciens combattants étrangers.
Ainsi, si un combattant français invalide à 100 % reçoit 4 000 francs environ de pension mensuelle, un Sénégalais reçoit moins de 1 500 francs.
De même, la retraite militaire, destinée à ceux qui ont passé quinze ans dans l'armée, et la retraite du combattant, destinée à ceux qui ont servi quatre-vingt-dix jours dans une unité combattante, plafonnent à 30 % du taux plein pour les Sénégalais et à moins de 10 % pour les Tunisiens et les Marocains.
Les écarts, au demeurant, se sont aussi creusés entre les étrangers eux-mêmes en raison du décalage des dates de transformation concernant les Etats dont ils sont devenus les ressortissants. Ainsi, si un Sénégalais perçoit moins de 1 500 francs, un Marocain perçoit 400 francs.
Tout cela n'est vraiment pas digne de notre pays !
Au demeurant, le 3 avril 1989, la commission des droits de l'homme de l'ONU, saisie par des anciens combattants sénégalais, n'a-t-elle pas constaté que cette cristallisation suivant le critère de nationalité méconnaissait le principe d'égalité devant la loi posé par le pacte de New York relatif aux droits civils et politiques, ratifié par la France ?
Cette dernière n'a cependant toujours pas obtempéré, si ce n'est par l'adoption de quelques mesures de circonstance très partielles, au gré de nécessités diplomatiques, de visites officielles de personnalités françaises notamment. Ces mesures, qui prennent d'ordinaire la forme de petites subventions sociales occasionnelles à quelques pays africains concernées, ne répondent pas, de toute évidence, à la question posée.
En fait, bien évidemment, tout cela est une question de « gros sous ». Mais est-ce digne de notre pays de mépriser de la sorte, depuis bientôt quarante ans, le sang étranger, le sang noir versé pour nous ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, cette question je l'ai déjà posée à plusieurs de vos prédécesseurs. Leurs réponses, quand ils ont daigné me répondre, ont toujours été très décevantes. Que pouvez-vous me dire, vous-même, aujourd'hui ? (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Roger Husson et Mme Anne Heinis applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord remercier les différents intervenants, en particulier MM. les rapporteurs, tant de leurs propos que de l'esprit avec lequel ils ont abordé le débat, esprit d'ailleurs conforme à la tradition du Sénat.
M. Hamel a eu raison d'indiquer tout à l'heure aux anciens combattants qui assistent, à cette heure tardive - ou matinale - à nos débats, que cette période de l'année est assez chargée pour la représentation nationale, que l'examen du projet de loi de finances réunit en cette enceinte, séance de nuit après séance de nuit : qu'ils ne voient donc pas dans le faible nombre des sénateurs présents la marque d'une indifférence portée aux questions qui préoccupent le monde des anciens combattants.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si certains ont dit qu'ils ne voteraient pas ce « mauvais projet de budget », j'ai eu parfois le sentiment qu'ils le faisaient à contrecoeur et qu'en définitive ils ne trouvaient pas ce projet de budget si mauvais que ça. Je comprends : c'est le jeu normal de la démocratie entre majorité et opposition.
La principale critique a, en fait, porté sur l'affectation des 735 millions de francs induits par la baisse démographique des ressortissants. N'aurait-on pas pu en faire un meilleur usage ?
J'indique seulement que, sur ces 735 millions de francs, 335 millions de francs sont utilisés aux diverses revalorisations, notamment par application du rapport constant.
Tout ne part donc pas en fumée, dans le vide ou dans les caisses de Bercy.
Compte tenu de l'heure, je vais tenter de répondre sans faire de grands discours aux différentes questions évoquées par les uns et les autres.
Le rapport constant est revenu dans un certain nombre d'interventions. J'affirme mon intention de mettre en oeuvre la commission chargée d'examiner les conditions d'application et de lisibilité de la formule qui pourrait être adoptée.
N'ayant encore reçu aucune réponse, je vais demander de nouveau à mes collègues du budget, de la fonction publique et de la défense de désigner leurs représentants au sein de cette commission. En tout cas, celle-ci devra commencer à travailler dès le début de l'année 1998.
La situation des plus grands invalides a fait l'objet de plusieurs interventions, notamment de la vôtre, madame Heinis.
Je ne conteste aucunement la description que vous avez faite. Sur le plan budgétaire, aucune mesure ne figure dans le budget pour 1998. Le coût de la réparation que vous évoquiez se monterait à environ 20 millions de francs par an si l'on voulait rattraper le retard constaté entre 1991 et 1994. Je me borne à vous donner ces chiffres tout simplement, car je ne peux vous donner aucune réponse pour 1998.
M. Le Jeune a parlé de la forclusion pour l'obtention de la carte de combattant volontaire de la Résistance. Monsieur le sénateur, il n'y a pas de forclusion. La délivrance de cette carte est seulement soumise à la présentation d'un certain nombre de témoignages.
Si je ne me suis pas décidé à déposer un projet de loi sur ce sujet, c'est parce que j'ai estimé que cette procédure était vraiment trop longue à mettre en oeuvre par rapport aux enjeux immédiats.
J'ai exposé ma position à la commission de l'attribution de la carte, qui est chargée d'examiner la validité des dossiers présentés. Cette commission est d'accord pour que tout dossier qui ne comprendra pas les éléments formels exigés par le décret, notamment les deux témoignages, dont un validé, soit réexaminé dans le cadre d'une enquête administrative diligentée par le préfet.
Si ce dispositif ne donne pas satisfaction, j'aurai alors recours à la procédure législative. Mais accordez-moi quelques mois !
M. Edouard Le Jeune. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Le Jeune, avec l'autorisation de M. le secrétaire d'Etat.
M. Edouard Le Jeune. Vous dites, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'enquête sera diligentée par le préfet. Mais avec quel personnel ? Le personnel qui travaille dans les offices départementaux d'anciens combattants n'est pas suffisant pour assumer la tâche qui lui incombe. Dès lors, comment le préfet trouvera-t-il le personnel compétent pour mener les enquêtes en question ? Fera-t-il appel aux agents des renseignements généraux ? Ce n'est pas leur travail ! Une loi est vraiment nécessaire : on ne peut pas s'en sortir autrement.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. En vérité, très peu de cas se poseront, et nos préfets sont des gens de grande qualité capables de gérer au mieux toute situation administrative.
Cela dit, je le répète, si nous n'avons pas satisfaction, nous prendrons le chemin de la procédure législative.
On m'a interrogé sur l'ouverture des archives d'Arolsen.
Je me suis moi-même rendu sur place pour voir comment on pouvait utiliser ce fonds. Un inspecteur général du secrétariat d'Etat s'y est rendu également voilà quelques jours ; il doit me rendre un rapport.
J'ai eu le sentiment que les responsables de l'établissement avaient le souci de renseigner en priorité les victimes ou leurs familles, car des informations qu'ils délivrent peuvent découler des droits à réparation.
Ils ont engagé un travail d'informatisation et de numérisation extrêmement important mais très long à réaliser. Ils ne souhaitent pas être gênés dans l'exercice de ce travail également prioritaire.
J'ai le sentiment personnel qu'il se passera plusieurs années avant que les archives d'Arolsen ne soient complètement ouvertes aux historiens et aux chercheurs.
La commission d'historiens chargée d'étudier la requête des victimes du STO se mettra en place au début de 1998.
Madame Heinis, le Haut Conseil de la mémoire combattante, qui, en effet n'a jamais siégé, se réunira pour la première fois le 13 janvier 1998, sous la présidence de M. le président de la République ; j'en assure le secrétariat administratif. L'objet de cette première réunion sera le programme de célébration du quatre-vingtième anniversaire de l'année 1918.
Mme Printz, notamment, m'a interrogé sur la situation des veuves. Pour 1998, les pensions de veuves ne subiront aucune modification : aucune baisse ni aucune augmentation. Elles seront simplement revalorisées par application du rapport constant.
Vous avez soulevé le problème du reversement de la retraite du combattant. Je n'y suis pas favorable. En effet, la retraite du combattant est un droit à réparation personnel, qui s'apprécie indépendamment du niveau de ressources et de la situation familiale. Il s'agit d'une réparation modeste de 2 600 francs par an versée aux anciens combattants titulaires de la carte.
Si cette retraite devait être reversée aux veuves, je crains qu'alors elle ne soit considérée comme un revenu, ce qui entraînerait rapidement une appréciation des conditions de ressources. On quitterait alors le domaine de la réparation. Cela me semble dangereux, et je ne conseille pas aux anciens combattants de s'attacher à cette revendication.
Mme Heinis m'a aussi interrogé sur le maintien des structures existantes. Je peux la rassurer dans la mesure où je n'ai aucun mandat de liquidateur du département ministériel des anciens combattants. Je m'efforce, au contraire, de créer les conditions nécessaires à son avenir.
Le fait qu'il dépende aujourd'hui du ministère de la défense ne me paraît pas constituer un handicap. Des synergies peuvent s'en dégager. Je ne crois pas que le monde ancien combattant le voie comme une difficulté.
Je me permets de rappeler que, au début de 1997, il avait été question de rapprocher les directions départementales de l'Office national des anciens combattants des directions départementales de l'action sanitaire et sociale, ce qui avait soulevé un véritablé tollé. Le Gouvernement précédent avait promptement reculé ; il n'est plus question de cela aujourd'hui.
Certains m'ont demandé de supprimer le délai de six mois imposé au chômeur ancien combattant pour bénéficier de l'allocation de préparation à la retraite. Pour moi, l'allocation différentielle qu'il touche pendant cette période est une marque d'espérance et correspond à une période transitoire devant déboucher sur une nouvelle activité professionnelle. Si l'option était irrévocable, il pourrait s'ensuivre des difficultés.
En l'état actuel des choses, si, au bout de six mois, la recherche de travail s'est révélée infructueuse, à ce moment-là, l'APR peut prendre le relais.
Si ce délai n'existait pas, il faudrait prévoir des mesures de contrôle extrêmement contraignantes. En tout cas, c'est mon sentiment.
Je ne suis pas fermé à toute réflexion, mais je ne pense pas qu'il faille supprimer, dans la précipitation, cette période transitoire.
Monsieur Baudot, votre rapport est excellent, je vous l'ai déjà dit. Comme il n'est sorti qu'après le vote du budget à l'Assemblée nationale, les éléments qui y figurent n'ont pu être pris en compte. Il fait l'objet d'une étude sérieuse par les services du département ministériel ; nous essaierons de lui donner une conclusion.
Monsieur Chabroux, vous avez raison, le devoir de mémoire est très important. Ainsi, dans l'affaire du plateau des Glières, avant même que le préfet du département considéré n'intervienne, j'avais mandaté le directeur interdépartemental des anciens combattants et victimes de guerre de Lyon pour agir. Nous avons ensuite fait appel au préfet, en accord avec le ministre de l'intérieur et le Premier ministre, pour qu'il prenne la décision que vous connaissez.
Il aurait été inutilement provocateur qu'une manifestation partisane, organisée par un parti qui véhicule des thèses d'extrême droite, se déroule dans une nécropole nationale.
Hier, une déclaration scandaleuse a été faite à Munich. Comme si l'importance de l'événement devait s'apprécier au nombre de lignes dans un livre d'histoire, comme si les victimes étaient passées par pertes et profits ! Chacun se déterminera en conscience sur ce sujet.
Nous devons nous adresser à l'Europe pour obtenir des crédits destinés à l'accomplissement du devoir de mémoire. J'y travaille, notamment pour Verdun, monsieur le président du conseil général de la Meuse.
Monsieur Chabroux, il faut laisser à l'école sa responsabilité d'éducation. En revanche, avec le monde des anciens combattants, avec la jeunesse, avec les enseignants, mais en dehors de l'école, nous avons tout intérêt à organiser une journée civique, une journée citoyenne consacrée aux valeurs de la République française, car notre société a besoin d'un socle de valeurs, même en cette fin de siècle.
Le XXIe siècle se construira avec les outils technologiques et scientifiques du XXIe siècle, mais sur la base de valeurs. Or, les meilleures valeurs que l'on puisse transmettre à nos jeunes, ce sont bien celles de la République française, n'est-ce pas, monsieur Hamel ?
M. Emmanuel Hamel. Je suis d'accord avec vous !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. La liberté, l'égalité et la fraternité !
Par conséquent, nous avons pris des intitiatives avec les communes et avec les départements. J'espère que les premières opérations verront le jour d'ici au premier trimestre de l'année 1998.
S'agissant de la mémoire, j'en reste là. Je sais que les crédits ne sont pas exceptionnels. Cependant, je souhaite noter qu'il faut y ajouter trente-trois postes créés pour l'entretien des nécropoles, ce qui représente, sur le plan budgétaire, un supplément d'environ 3,5 millions de francs pour l'année 1998. De la sorte, les chiffres sont moins mauvais que ceux qui ont été indiqués tout à l'heure. Mais je ne peux pas débattre plus longtemps de cette question, pourtant centrale, car il me faut aborder d'autres sujets dans les treize minutes de temps de parole qu'il me reste. En ce qui concerne la carte de combattant d'Afrique du Nord, le critère de territorialité qui a été quelquefois évoqué est nettement moins avantageux que le dispositif que j'ai accepté au cours des débats de l'Assemblée nationale. Le critère « gendarmerie » aurait débouché sur l'attribution probable de vingt mille à vingt-cinq mille nouvelles cartes d'ancien combattant. Le dispositif qui vous est proposé portera sur quatre-vingt mille cartes au minimum. Ce système est donc meilleur, et je vous rends attentifs à cette réflexion.
On a également évoqué un accord du 22 octobre 1996. Depuis que j'ai pris mes fonctions dans ce ministère, j'entends parler de cet accord !
J'ai ici la lettre que mon précécesseur, Pierre Pasquini, a adressée, le 19 décembre 1996, à M. le Premier ministre de l'époque. J'en communiquerai des photocopies à ceux qui le souhaiteront. Je vous donne lecture de certains passages de cette lettre :
« Le groupe de travail a recherché les moyens » - il est fait référence à un groupe de travail qui s'est réuni trois fois, les 17 et 24 septembre et le 22 octobre 1996 - « d'assouplir les règles d'attribution... ».
« Deux mesures peuvent être envisagées : l'une, très généreuse, proposée par le Front uni et qui reposerait sur la seule présence en AFN ; l'autre, plus restrictive, que je propose » - écrit M. Pasquini - « pour garder à la carte du combattant une certaine valeur et éviter qu'elle ne soit attribuée à des militaires qui n'ont jamais entendu un coup de feu ». Ce sont les termes mêmes de la lettre !
M. Pasquini poursuit : « La mesure que je propose de retenir est plus restrictive. Elle prendrait en compte le temps passé en AFN en valorisant le TRN et la médaille commémorative, mais elle exigerait la participation à une action de feu collective pour le moins. »
Cela a été acté par ce qu'on appelle les « bleus de Matignon » en date du 4 février 1997. Il y est écrit : « Le Premier ministre... retient la proposition de décompte des points du ministère des anciens combattants. »
Par conséquent, manifestement, aucun accord n'a été conclu. J'ignore pourquoi on a parlé d'accord ! Lorsqu'un accord existe, il est appliqué ! Or, en l'occurrence, je viens de vous donner lecture de la lettre de mon prédécesseur en date du 19 décembre 1996 : je ne lui en fais pas grief, mais il ne parle pas d'un accord.
M. Emmanuel Hamel. Reconnaissez que ce fut un grand combattant ! C'est un homme remarquable, comme vous !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Je vous remercie, monsieur Hamel !
Je tenais à apporter ces précisions afin de rétablir la vérité.
En revanche, s'agissant du délai, on me propose dix-sept mois, dix-huit mois. Il est incontestable qu'une frontière est une frontière et qu'un délai est expiré à un moment donné.
Pour l'instant, j'ai choisi de retenir la durée moyenne de séjour en Algérie, en ayant conscience que le sujet prête à discussion. Les années à venir devraient permettre un rapprochement des points de vue. Pour l'essentiel, il semble que ce soit déjà le cas.
Le Front uni suggère de faire l'impasse sur l'opération de feu pour tenir compte de la notion de risque représentée par un temps de présence sur le sol d'Afrique du Nord. Telle est exactement ma proposition : avec la prise en compte de cette notion de risque, l'exigence de l'opération de feu disparaît.
Par conséquent, sur le plan du principe, un rapprochement très net s'est opéré. Un décalage demeure, c'est certain, sur l'appréciation du temps, mais un accord peut intervenir à terme.
Je suis très sensible aux propos qui ont été tenus par certains orateurs, notamment M. Chabroux, en ce qui concerne la situation des soldats qui ont servi en Tunisie et au Maroc avant de servir en Algérie. Il est effectivement probable que l'amendement adopté par l'Assemblée nationale ne règle pas la totalité de leur problème.
Je ne peux pas vous répondre aujourd'hui que je vous donnerai satisfaction. Je prends le problème en compte et je m'engage à lui trouver une solution au cours de l'année 1998. En effet, si un ancien combattant a passé trois mois au Maroc, trois mois en Tunisie, puis quinze ou seize mois en Algérie, il serait un peu ennuyeux de lui opposer le fait qu'il ne soit pas resté dix-huit mois en Algérie ! Il y a là une vraie question qui n'avait pas été décelée et qui, de toute évidence, mérite une réponse dans les meilleurs délais. Celle-ci ne se traduira pas immédiatement par l'approbation d'un amendement, parce que je n'ai pas les moyens de le faire. Mais je m'engage à régler ce problème.
J'en viens au cas de l'Alsace-Moselle. Bien sûr, ce sont les sénateurs de cette région qui ont évoqué ce douloureux problème.
M. Roger Husson. C'est normal !
M. Emmanuel Hamel. Tous les autres y pensent aussi !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Je n'ai pas dit le contraire !
Mme Printz a effectué un balayage complet des questions qui se posent sur le sujet des anciens combattants d'Alsace-Moselle. Il me faudra bien rester au moins cinq ans à mon poste pour tout régler, madame le sénateur ! (Sourires.) En tout cas, soyez persuadée que je viserai au plus court et que, les 16 et 17 janvier 1998, je serai à Strasbourg, où seront réunis la totalité des parlementaires d'Alsace et de Moselle. Nous ferons ensemble, une fois de plus peut-être, le tour de la question afin de déterminer les points sur lesquels il sera possible de progresser et ceux qui poseront des difficultés.
Monsieur Husson, en 1998, je n'aurai probablement pas la capacité de régler une fois pour toutes ce contentieux qui existe, comme vous l'avez signalé, depuis plus de cinquante ans. D'autres avant moi n'y sont pas parvenus !
Mais je connais, en effet, la situation de l'Alsace-Moselle et les drames vécus par la population, obligée d'aller dans les Hitlerjugend , d'entrer dans la Wehrmacht , dans le Kriegshilfedienst ou le Reichsarbeitsdienst . Je connais le problème de l'insoumission. Je connais les problèmes qui sont liés à l'obligation de quitter son village, sa maison. Je connais le sort des patriotes réfractaires à l'annexion de fait, des patriotes résistant à l'occupation et internés dans les camps spéciaux.
Tout cela constitue, en effet, un lourd contentieux. Je n'y suis pas inattentif, mais je ne peux pas, Madame Printz, vous le comprendrez, aborder les questions une à une, car il ne me reste que cinq minutes de temps de parole. En revanche, je vous donne rendez-vous les 16 et 17 janvier prochain.
Une autre question très importante a été évoquée : il s'agit de la décristallisation. Finalement, je suis satisfait que cette question soit reprise par tout le monde. Vous m'objecterez que cela ne transparaît pas dans le projet de budget pour 1998. C'est exact !
La question de la décristallisation ne concerne pas seulement le ministère des anciens combattants ; elle concerne également et, surtout, le ministère de la défense, au travers des pensions militaires : deux cent mille personnes sont concernées par la décristallisation, dont soixante-quatre mille seulement relèvent du département ministériel des anciens combattants. Ce n'est pas une raison pour s'en désintéresser !
Je souhaite tout de même signaler à la représentation nationale que la France est le seul pays au monde qui, ayant eu des colonies et s'en étant séparé, a maintenu des liens financiers avec des anciens combattants qui ont acquis une autre nationalité, et ce par dérogation au code des pensions militaires, d'invalidité et des victimes de la guerre. C'est tout à l'honneur de notre pays ! Nous devons au moins en être conscients, même si des interrogations demeurent dans un certain nombre de domaines. Nous y travaillons ! Cela représente de l'argent, car, à un moment, donné il est toujours question, c'est exact, monsieur Biarnès, de « gros sous ».
Notre intention est d'instaurer une égalité de traitement en termes de pouvoir d'achat par rapport à la réalité locale. On n'ajustera pas - en tout cas, je ne crois pas pouvoir le faire - l'ensemble des pensions de ces anciens combattants, qui appartiennent à des pays aujourd'hui souverains, au niveau des prestations qui sont versées dans notre pays. Je reconnais que nous avons des pas à faire, mais il faut tenir compte des réalités, notamment pour le Maroc, la Tunisie et Madagascar. Certaines situations sont effet préoccupantes et nous nous honorerions tous à apporter quelques éléments de réponse.
Il me reste deux minutes, monsieur le président. J'évoquerai donc deux points pour terminer.
En ce qui concerne la retraite anticipée, la disposition qui été prise tend à offrir une retraite anticipée non pas en termes juridiques, mais au titre de la solidarité nationale pour les chômeurs anciens combattants qui comptent quarante annuités de cotisations.
Cette mesure va bien au-delà de l'engagement pris initialement par le Premier ministre actuel concernant les chômeurs de longue durée en fin de droits. Cela représente un effort financier considérable.
Certes, ce n'est ni le Pérou ni le paradis, je veux bien l'admettre ! Toutefois, la décision visant à allouer, à compter du 1er janvier 1998, 5 600 francs à une personne qui perçoit actuellement 4 600 francs, n'est pas négligeable.
Il s'agit non pas d'assistanat, mais de solidarité à l'égard de ceux qui se sont engagés pour défendre le pays, qui ont répondu à l'appel de la nation, et dont la vie professionnelle et personnelle a souvent été perturbée, voire compromise. Ne laissons pas ces hommes au bord du chemin ! Faisons jouer la solidarité !
Le reste relèvera des discussions que nous aurons avec Mme Aubry. En effet, les mesures qui seront prises en faveur des personnes ayant quarante annuités de cotisations interféreront avec la disposition votée par l'Assemblée nationale. Les intéressés disposeront d'un panel de possibilités et ils choisiront en fonction de leurs intérêts propres parmi les diverses prestations qui leur seront proposées.
L'avant-dernier point que je souhaite traiter concerne la retraite mutualiste.
Je dépasse mon temps de parole, monsieur le président. M'accordez-vous une minute trente supplémentaire ?
M. le président. Mais oui, monsieur le secrétaire d'Etat ! On sent votre expérience de marathonien !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Je vous remercie !
La retraite mutualiste est actuellement plafonnée à 95 points. Mon objectif est de porter ce plafond à 100 points le plus rapidement possible.
J'ai entendu proposer un plafond de 130 points ou de 10 000 francs. Je ne serai plus secrétaire d'Etat aux anciens combattants quand on en sera là !
M. Rémi Herment. Vous êtes pessimiste !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. En revanche, l'objectif des 100 points pourrait être atteint dans les meilleurs délais. Après, nous verrons bien.
Pour ce qui est de l'ONAC, je puis vous affirmer que je suis très attentif au maintien de ses services, notamment de ses services de proximité.
La question du plan financier a été abordée.
Pour traiter de l'action sociale, il me faudrait disposer d'au moins dix minutes. Sachez, en tout cas, que je suis déterminé à mettre cette question à plat à partir du 1er janvier 1998 afin, précisément, d'organiser l'avenir de l'ONAC. Il n'est pas question que nous allions dans le mur !
Au contraire, nous voulons assurer la pérennité des services de proximité de l'ONAC ; les maisons de retraite sont confrontées à de grandes difficultés dans leurs relations avec la DDASS, à propos des prix de journée ou de la médicalisation, par exemple ; les écoles de rééducation professionnelle ont un réel avenir puisqu'elles seront mises au service de la défense nationale pour aider à la réinsertion sociale de l'armée professionnelle.
Ceux qui quitteront l'armée au bout de cinq, de sept ou de huit ans devront être réinsérés socialement et recevoir une formation par le biais, par exemple, des écoles de l'ONAC. Nous sommes donc très attentifs à ce dossier. Il faudra probablement que l'ensemble du conseil d'administration se saisisse rapidement de ces questions.
Je n'ai pas répondu à toutes les questions qui m'ont été posées, mais je suppose que j'ai dépassé le temps de parole dont je disposais.
J'aurais aimé que ce budget, qui, finalement, n'est pas si mauvais, puisse être adopté par la Haute Assemblée. Je n'ai toutefois plus beaucoup d'espoir après avoir entendu M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis, ainsi que les intervenants de la majorité sénatoriale. Il comportait pourtant des mesures utiles et intéressantes. Le Sénat a adopté, en 1997, le budget des anciens combattants présenté par mon prédécesseur. J'ai la faiblesse de penser que celui-ci est pourtant meilleur. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère des anciens combattants et figurant aux états B et C.
ÉTAT B