PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

M. le président. La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1998, adopté par l'Assemblée nationale.
Nous en sommes parvenus aux explications de vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 1998.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation des débats décidée le 4 novembre 1997 par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de quinze minutes pour ces explications de vote, à l'exclusion de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, qui dispose de cinq minutes.
La parole est à M. Vinçon. (Applaudissements sur les travées du Rassemblement pour la République.)
M. Serge Vinçon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme de ces vingt jours de débat budgétaire, je tiens tout d'abord à noter, pour m'en féliciter, la qualité et la sérénité de nos discussions. L'échange d'idées s'est déroulé dans le respect de l'autre,...
M. Pierre Fauchon. C'est vrai !
M. Serge Vinçon. ... et c'est ainsi que fonctionnent le mieux, à mon avis, nos institutions. Durant tous ces jours et toutes ces nuits, le Sénat a fait la preuve qu'il était une assemblée moderne, résolument tournée vers le xxie siècle, et qu'il avait toute sa place, par sa contribution, dans notre vie démocratique.
La discussion d'un projet de loi de finances est toujours un rendez-vous essentiel de notre vie parlementaire. Il définit avec précision les contours d'une politique voulue par le Gouvernement et fixe ce que seront les priorités qui guideront cette politique.
Devant ce premier projet de budget présenté par le Gouvernement, soutenu par la majorité singulièrement plurielle issue des dernières élections législatives, la majorité sénatoriale et notre groupe ne pouvaient rester silencieux.
Dans cette perspective, la majorité sénatoriale a décidé, sur l'initiative du président de la commission des finances, M. Christian Poncelet, et du rapporteur général, M. Alain Lambert, de fixer, pour l'examen de ce projet de budget, plusieurs règles de conduite : réduire le déficit budgétaire à 236,3 milliards de francs, ce qui permettrait à la France de mieux respecter les critères de convergence pour son entrée dans l'euro, supprimer les prélèvements fiscaux supplémentaires que propose le Gouvernement, notamment sur les familles et les entreprises,...
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Raymond Courrière. Il fallait le faire l'an dernier !
M. Serge Vinçon. ... poursuivre, au contraire, le processus quinquennal d'allégement de l'impôt sur le revenu voté l'an dernier et, enfin, maintenir en « francs courants » le montant des dépenses au niveau fixé par la loi de finances pour 1997.
Cet exercice nécessitait à la fois rigueur et sens des responsabilités ; il a été réalisé par la majorité sénatoriale. Nous avons donné la preuve au Gouvernement et à nos compatriotes qu'une autre politique est possible pour la France et que les Français ne sont pas condamnés à voir s'alourdir en permanence les prélèvements obligatoires...
M. Raymond Courrière. Ils ont voté !
M. René-Georges Laurin. Vous, taisez-vous !
M. Serge Vinçon. ... s'accroître la sphère publique au détriment des emplois marchands et enfin se renforcer l'assistanat aux dépens de l'initiative.
Comme l'ont déjà excellemment souligné MM. Josselin de Rohan, Philippe Marini et Jacques Oudin lors de la discussion générale, le Gouvernement fait preuve d'optimisme quant à l'évolution du PIB qu'il attend en 1998. Cela rappelle étrangement la loi de finances pour 1993 et ses prévisions utopiques.
On nous assure, explication chiffrée à l'appui, que la croissance sera de 3 % en 1998. L'ensemble des données utilisées par le Gouvernement pour bâtir son projet de budget nous semble pourtant peu crédible, qu'il s'agisse de l'évolution attendue de l'investissement des entreprises - une hausse de 4,1 % - de celle de la consommation des ménages - en progression espérée de 2 % - du niveau du dollar - estimé à six francs - de l'évolution des taux d'intérêt ou du fait que la demande intérieure devrait prendre le relais de la demande étrangère.
Vient, hélas ! s'ajouter à ce scepticisme la crainte des conséquences inéluctables de la crise financière asiatique, que certains économistes estiment jusqu'à 0,5 point de perte de croissance. M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a d'ailleurs reconnu devant le Sénat, voilà deux semaines, qu'il était préoccupé par ces conséquences.
M. René Régnault. Il a raison !
M. Serge Vinçon. Le déficit du projet de budget général de l'Etat présenté par le Gouvernement est annoncé comme étant en « nette diminution », à savoir de 27 milliards de francs, par rapport à la loi de finances initiale pour 1997. Le Gouvernement a plusieurs fois déclaré qu'il avait réussi à résoudre la « quadrature du cercle » en réalisant un projet de budget réputé impossible avant l'été.
D'un projet de budget qualifié d'« impossible » par le Gouvernement, nous sommes passés à un projet de budget « facile ». Il est vrai qu'il est plus aisé de boucler un budget avec 60 milliards de francs de prélèvements obligatoires supplémentaires sur les ménages et sur les entreprises, en stoppant la baisse de l'impôt sur le revenu et en réhabilitant la dépense publique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. Raymond Courrière. C'est deux fois moins que Juppé !
M. Serge Vinçon. A quoi sert-il de mettre la France en apnée pour atteindre l'objectif des 3 % de déficit par rapport au PIB, alors que vous relancez la dépense publique ? Or la continuité d'une politique de rigueur budgétaire, de maîtrise des déficits et de baisse de la dépense publique peut seule placer la France dans une perspective durable d'assainissement de ses finances, c'est-à-dire de croissance et d'emploi.
M. Jean Chérieux. Très bien !
M. Serge Vinçon. S'agissant des recettes du projet de budget pour 1998, la majorité sénatoriale a eu un comportement responsable en démontrant que la poursuite de la réforme de l'impôt sur le revenu sur les quatre prochaines années était possible.
« Il n'y aura pas d'augmentation des prélèvements obligatoires et il n'y aura pas de baisse des impôts », nous annonçait le Premier ministre dans son discours de politique générale.
Vous n'avez, hélas ! pour nos compatriotes, respecté que la seconde partie de cet engagement. Il y a eu reniement de la première promesse ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Vous ne ferez croire à personne que les prélèvements obligatoires ramenés au PIB sont en diminution de 0,1 % en 1998. Il s'agit là d'un astucieux trompe-l'oeil : le Gouvernement est passé maître dans ce qu'il est convenu d'appeler le « saucissonnage fiscal ». (Exclamations ironiques sur les travées socialistes.)
En effet, c'est bien sur trois textes différents, à savoir le texte portant mesures d'urgence à caractère fiscal et financier, le MUFF, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 et le projet de loi de finances pour 1998, que se répartissent les nouveaux prélèvements qui pèsent sur les Français. Ainsi, le MUFF a certes été voté en 1997, mais ses répercussions sur les entreprises, en 1998, s'élèveront à 24 milliards de francs.
Je ne rappellerai pas ici les très nombreuses majorations fiscales figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. Elles ont été dénoncées par notre groupe, et le Sénat a opposé l'exception d'irrecevabilité.
A l'occasion de l'examen des dispositions fiscales de ce projet de budget, notre groupe a tenu à remettre en cause les nouveaux prélèvements voulus par le Gouvernement et sa majorité plurielle.
Je pense ainsi à la réduction au tiers de l'avantage procuré par la demi-part supplémentaire dont bénéficient les personnes seules ayant élevé un ou plusieurs enfants. Le Sénat est revenu sur cette mesure particulièrement brutale n'ayant fait l'objet d'aucune concertation.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Serge Vinçon. Je pense ensuite aux débats que nous avons eus sur le dispositif quirataire. Le Gouvernement nous a dit qu'il voulait supprimer ce système et qu'il réfléchirait ensuite à son remplacement. La majorité du Sénat a raisonné différemment, et a tenu à prendre en compte les intérêts de la construction navale française, créatrice d'emplois, et de notre marine marchande. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Le dispositif quirataire, tel qu'il résulte de nos débats, est porteur de davantage de sécurité et d'assurances pour l'avenir.
M. René Régnault. A quel prix !
M. Serge Vinçon. Je pense également à l'attaque sans précédent dont ont été victimes les familles en matière fiscale. Vouloir réduire de moitié, comme le souhaite le Gouvernement, le plafond de la réduction d'impôt accordée au titre de l'emploi d'un salarié à domicile, c'est s'inscrire dans une démarche dogmatique faisant abstraction de la réalité. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants).
En 1996, 475 600 salariés relevaient du dispositif « emplois familiaux classiques » et 1 269 000 foyers fiscaux bénéficiaient de la mesure.
M. Gérard Roujas. Prouvez-le !
M. Serge Vinçon. Le Gouvernement a focalisé l'attention de l'opinion publique sur l'emploi de personnes à domicile pour garder des enfants, mais quelle sera la situation, une fois le projet du Gouvernement adopté, des personnes âgées, malades ou handicapées qui, ne pouvant bénéficier des aides spécifiques mises sous conditions de ressources, recouraient à l'emploi de personnes à domicile pour les aider dans les actes quotidiens de la vie ?
Avec ces mesures, le Gouvernement remet en cause le libre choix du travail pour les femmes et le maintien à domicile des personnes âgées. (Exclamations sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Ivan Renar. Voilà un homme à femmes !
M. Serge Vinçon. Curieuse conception de la solidarité !
Quant au rééquilibrage annoncé entre fiscalité du travail et fiscalité du capital, il convient de remarquer qu'il s'effectue par la seule aggravation de la fiscalité sur l'épargne.
Un mot, enfin, sur la loi de défiscalisation outre-mer, qui a subi, pour reprendre l'expression de notre rapporteur général, « un bien injuste procès en sorcellerie ».
Le Gouvernement nous dit vouloir « moraliser » ce type d'investissements, pour lequel des abus auraient été constatés.
M. René Régnault. Oui !
M. Serge Vinçon. Nous lui en donnons acte, mais le projet de sa majorité ne tendait pas à moraliser ces investissements, il tendait a les faire disparaître !
MM. Philippe François et Jacques Oudin. Très bien !
M. Serge Vinçon. Là encore, la majorité du Sénat a pris ses responsabilités à l'égard de nos compatriotes de l'outre-mer et n'a pas voulu que l'assistanat prenne le pas sur l'initiative. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. André Maman. Très bien !
M. Serge Vinçon. La démarche engagée par la majorité sénatoriale sur le volet dépenses de ce budget est claire : nous avons voulu limiter la dépense publique.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Très bien !
M. Serge Vinçon. En effet, la prévision gouvernementale de croissance des dépenses publiques de 1,36 % repose sur un montage en trompe-l'oeil. Elle est obtenue de façon optique, grâce à la réduction massive des crédits militaires : les dépenses d'équipement sont en recul de plus de 8 % au mépris non seulement de la qualité de notre défense, mais aussi de l'activité de nos industries de défense, avec plus de 20 000 suppressions d'emplois de haut niveau.
Je vous avoue ma surprise de constater l'abstention du groupe communiste dans le vote des crédits du titre V, pourtant si importants pour l'emploi ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Les économies sont obtenues ici par des rationalisations et des étalements de programmes, autant d'attitudes de l'Etat dénoncées encore récemment par la Cour des comptes ! Cette réduction des crédits représente une menace pour l'application de la loi de programmation militaire, qui, à peine votée, n'est plus respectée, et une menace aussi pour la cohérence de la réforme de notre outil de défense.
Les efforts dont se targue le Gouvernement, l'Etat s'en exonère largement. Les dépenses de fonctionnement progressent de 3,15 % en 1998, c'est-à-dire plus de deux fois plus vite que le taux d'inflation prévu par la loi de finances.
Pour avoir vu à l'oeuvre les gouvernements socialistes dans l'époque récente, le Gouvernement actuel se situe dans la même ligne : la bonne dépense publique est celle qui augmente et la meilleure dépense publique est celle qui sert au fonctionnement de l'Etat. Incapable de résister aux sirènes du « encore plus d'Etat », le Gouvernement ne fait aucune économie sur son train de vie. C'est sur les investissements que portera l'essentiel de la compression des dépenses,...
M. René Régnault. Vous en êtes convaincu ?
M. Serge Vinçon. ... une baisse de 0,5% au détriment de l'emploi et de l'effort nécessaire d'équipement du pays.
Ce qui frappe, en France, par comparaison avec les autres Etats membres de l'Union européenne, c'est le niveau atteint par le chômage et le pourcentage de la population active qui se trouve sans emploi. On peut estimer à cinq millions les personnes qui ne sont pas titulaires d'un véritable emploi.
Malheureusement, le projet de loi de finances pour 1998 va amplifier cette situation en détruisant encore des emplois marchands pour créer des emplois à la charge de la collectivité, des collectivités locales plus particulièrement. Les emplois Aubry nous en ont donné l'illustration lorsque le Gouvernement a refusé d'inscrire la clé de répartition du financement dans la loi.
La voie empruntée par le Gouvernement pour sa politique de la fonction publique n'a pas manqué d'être dénoncée par notre groupe comme allant à contre-courant de celle dans laquelle s'engagent tous nos partenaires.
N'ayons pas peur de rappeler qu'en France un actif sur quatre occupe un emploi public, que depuis 1973, ce sont 1 600 000 emplois publics qui ont été créés, alors que, dans le même temps, 600 000 emplois étaient détruits dans le secteur privé.
Pourquoi s'obstiner à ne pas voir un lien entre la montée du chômage et la progression des emplois publics ?
Le plus grave, ici, c'est que le Gouvernement a stoppé net le mouvement de réduction initié par le précédent gouvernement, alors qu'il s'agit à l'évidence de la politique à mettre en oeuvre.
En faisant repartir à la hausse des créations d'emplois publics, le Gouvernement s'engage sur les traces de ses prédécesseurs socialistes. Rappelons ici qu'entre 1981 et 1984 ce sont 200 000 emplois de fonctionnaires qui ont été créés, pour un coût global de 22 milliards de francs.
La majorité sénatoriale a fait preuve de beaucoup de responsabilité en votant la réduction des dépenses de fonctionnement et des dépenses d'intervention en moyenne de 1,4 %. Ces réductions ont provoqué, tant sur les bancs du Gouvernement que sur les travées de l'opposition sénatoriale, des réactions qu'il est intéressant de rappeler. En résumé, nos propositions avaient pour conséquence de bloquer le fonctionnement de l'Etat, entendait-on !
Il faut être sérieux et rappeler à nos collègues de l'opposition sénatoriale que, dès la semaine prochaine, la Haute Assemblée aura à examiner le projet de loi de finances rectificative pour 1997. A cette occasion, ils se rendront compte que les annulations de crédits effectuées par le Gouvernement au mois de juillet et au mois d'octobre sont sensiblement supérieures à celles qui ont été adoptées par le Sénat. En toute logique, nos collègues socialistes et communistes rejetteront, je l'espère, ce collectif budgétaire, puisque le Gouvernement va encore plus loin que la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
Pour conclure, je tiens à remercier vivement M. Christian Poncelet, président de notre commission des finances, notre collègue Alain Lambert, rapporteur général, et l'ensemble des rapporteur spéciaux et des rapporteurs pour avis, qui, par l'excellence de leurs travaux et le sens du vrai service du pays dont ils ont fait preuve, ont permis au Sénat de se prononcer sur l'ensemble des budgets analysés en toute connaissance de cause et dans un contexte de réflexion et d'approfondissement digne d'une discussion budgétaire.
Mes remerciements vont également à nos présidents de séance successifs, qui ont su diriger nos débats avec talent, impartialité et rigueur.
Nous remercions enfin l'ensemble des fonctionnaires du Sénat de leur aide précieuse tout au long de ces longues séances budgétaires, sans oublier les collaborateurs de nos groupes politiques.
Parce qu'il représente une alternative crédible à la politique initiée par le Gouvernement, le groupe du Rassemblement pour la République votera le projet de loi de finances pour 1998 tel qu'il résulte des travaux du Sénat.
Il émet le souhait que le Gouvernement aura entendu le Sénat et qu'il sera convaincu, à terme, de l'absolue nécessité de réduire les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires pour que la France puisse entrer dans le troisième millénaire en situation de compétitivité, en étant capable de relever les défis de notre temps.
La majorité plurielle risque de ne pas reconnaître dans quelques jours le budget qu'elle va finalement adopter : il n'aura été qu'un leurre dont elle se sera rendue complice.
Souvenons-nous de cette phrase d'Albert Camus : « La vérité, comme la lumière, aveugle. Le mensonge, au contraire, est un beau crépuscule qui met chaque objet en valeur. » (Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que vous avez au maximum quinze minutes.
La parole est à M. Blin.
M. Maurice Blin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget dont nous achevons l'examen fera date dans l'histoire de la Ve République. Son enjeu est capital. Il a valeur de symbole. C'est pourquoi je voudrais, au nom de mon groupe, l'évoquer sans polémique inutile, mais avec tout de même une certaine gravité.
Je le ferai sans esprit polémique (Exclamations ironiques sur les travées socialistes) , parce qu'il ne me paraît pas nécessaire de redire, une fois de plus, combien les politiques financière, économique et sociale de l'actuel gouvernement sont éloignées de celles que le Sénat souhaite pour la France.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Maurice Blin. A cet égard, mon groupe et moi-même remercions à notre tour et très vivement le président de la commission des finances et son rapporteur général du travail exemplaire qu'ils ont accompli. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Ils ont démontré qu'une plus grande maîtrise de la dépense publique était à la fois nécessaire et possible sans que les services que l'Etat doit assurer à la collectivité en soient affectés.
M. Bernard Piras. C'est faux !
M. Maurice Blin. Cette règle que respectent aujourd'hui tous nos voisins, je dis bien tous,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Maurice Blin. ... a été appliquée lors de l'examen des recettes en première partie de la loi de finances.
Elle l'a été aussi dans la seconde partie, qui traitait des dépenses. La majorité sénatoriale l'a comprise, défendue et appliquée. Elle aussi, nous l'en remercions.
Pas de polémique, ai-je dit, et cela pour une seconde raison.
Cet affrontement d'idées et de mots, qui a fait les délices de la France d'hier et parfois le charme du débat parlementaire, et auquel, j'en conviens, monsieur le secrétaire d'Etat, vous excellez, n'est plus à la mesure de l'enjeu.
Il ne s'agit pas de savoir si notre pays reste ou non fidèle à des principes généreux, mais tragiquement abstraits. Il s'agit de savoir s'il fait ce qu'il doit pour continuer à compter dans un monde, celui de demain, qui tourne désormais le dos à celui d'aujourd'hui.
Or, j'observe avec tristesse que la France de 1998 aborde le xxie siècle avec des recettes héritées du xixe, ...
M. Alain Gournac. Oh, oui !
M. Bernard Piras. A qui la faute ?
M. Maurice Blin... celles-là mêmes auxquelles ont renoncé les pays avec lesquels, par un étrange paradoxe, elle dit vouloir construire l'Europe sociale. Elle serait même tentée de leur donner des leçons.
M. Bernard Piras. Cela vous gêne ?
M. Maurice Blin. Quel peut être son crédit lorsque, avec un taux de chômage de plus de 12 %, elle s'adresse à des voisins qui ont ramené le leur à la moitié du sien, et cela précisément parce qu'il se sont gardés de ses erreurs ?
Plusieurs sénateurs socialistes. A qui la faute ? Merci Balladur ! Merci Juppé !
M. Maurice Blin. Comment ne comprenez-vous pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'ère de l'idéologie est définitivement close et qu'en politique on a nécessairement tort quand on prétend avoir raison tout seul ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
L'histoire n'appartient pas à ceux qui parlent ou qui communiquent, fût-ce avec zèle. Elle appartient à ceux, tout simplement, qui réussissent. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.) Or, monsieur le secrétaire d'Etat, je le dis, croyez-le, sans joie : vous allez échouer !
M. Josselin de Rohan. Eh oui !
M. Maurice Blin. Oh ! je sais bien, pour l'instant, comme on dit, tout baigne encore. Oubliés les remèdes que le précédent gouvernement avait courageusement mis en oeuvre,...
M. René Régnault. On voit où ça l'a conduit !
M. Maurice Blin. ... je veux dire la stabilisation de la dépense publique, la résorption de la dette, l'allégement programmé de l'impôt, la maîtrise des dépenses de santé, la réduction du train de vie de l'Etat. Ils ne répondaient pourtant pas à je ne sais quelle assurance doctrinaire. Non. Ils rompaient simplement avec des décennies de facilités. (M. de Menou applaudit.)
Certes, je vous le concède, ils n'ont pas toujours été compris. Est-ce à dire qu'ils n'étaient pas utiles ? Nous croyons pour notre part, et tout au contraire, qu'ils le sont plus que jamais. Il arrive à plus d'un peuple de se tromper. La dignité de l'élu consiste alors non à le suivre et à l'entretenir dans l'illusion, mais à l'éclairer et le convaincre.
M. Alain Lambert, rapporteur général. A le guider !
M. Maurice Blin. C'est le prix à payer pour garder l'estime de soi... et celle des autres ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Ce n'est pas - et je le regrette, monsieur le secrétaire d'Etat - la voie que vous avez choisie. A une politique rigoureuse et salvatrice, vous avez substitué une politique molle et lénifiante. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Plusieurs sénateurs du RPR. Très bien !
M. Maurice Blin. En veut-on quelques exemples ?
Vous demandez à l'Etat et aux collectivités territoriales de financer la création de 350 000 emplois à la finalité sociale hautement proclamée, mais, en fait, reconnaisons-le, bien incertaine. Coût : 7 milliards de francs en 1998 et 35 milliards de francs dans trois ans.
M. Bernard Piras. Et le chômage ?
M. Maurice Blin. Dans le même temps, vous réduisez de près de 9 milliards de francs les crédits d'équipement militaire, condamnant à très court terme de 18 000 à 20 000 emplois hautement qualifiés, fer de lance de notre technologie et de nos exportations. A qui fera-t-on croire que la France va y gagner ?
M. Jean Huchon. Très bien !
M. Maurice Blin. Vous imposez à des chefs d'entreprise une réduction de la durée hebdomadaire du travail de trente-neuf à trente-cinq heures. Vous préférez la loi rigide, aveugle,...
M. Bernard Piras. C'est faux !
M. Maurice Blin. ... indifférente aux réalités économiques, au contrat souple...
M. Bernard Piras. C'est faux ! Demandez à Toyota !
M. Maurice Blin. ... qui, seul, répond aux conditions de plus en plus diversifiées de la production moderne.
Croire, pour parodier un sociologue célèbre, que l'on peut changer l'entreprise par décret, c'est pécher par aveuglement et, je le crains, par orgueil. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Vous aggravez, par des mesures obliques, la fiscalité des ménages, de l'épargne, des entreprises, comme si vous vouliez les punir, ces entreprises, de ne pas créer assez d'emplois alors que, plombées par les charges, elles n'en peuvent mais !
Vous risquez, là encore, de casser une croissance sur laquelle vous comptez par ailleurs pour abonder les ressources de l'Etat et de voir nous quitter les plus entreprenants, les plus compétents de nos jeunes que nous avons coûteusement formés dans nos universités et nos écoles.
Vous multipliez les réglementations et les interdits. Au nom de la défense de l'environnement naturel, qu'au demeurant nous approuvons, vous créez un environnement général étouffant (Exclamations sur les travées socialistes) qui transforme celui qui ose en suspect.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Maurice Blin. Il est vrai que cela occupera des milliers d'agents de l'Etat dont le nombre, rapporte à la population, est le plus élevé d'Europe.
M. Jean-Claude Carle. Eh oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous n'êtes pas fonctionnaire, vous ?
M. Maurice Blin. Comme me le disait, il y a peu, un fonctionnaire à la naïveté touchante d'un dossier soumis à son approbation et qui tardait à la donner : « Je suis bien embêté, je n'ai rien trouvé ».
M. Bernard Piras. Vous êtes conscient de ce que vous dites !
M. Maurice Blin. La vie, voyez-vous, est un match : il y faut un arbitre. Mais ce n'est pas lui qui gagne, ce sont les joueurs. Or, au train où nous allons, il n'y aura bientôt plus beaucoup de joueurs sur le terrain. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.- Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Pour finir, je formulerai deux observations encore, mes chers collègues. Elles seront brèves, mais je crois qu'elles portent loin si j'en juge par les réactions de l'opposition sénatoriale.
Vous rêvez, monsieur le secrétaire d'Etat, d'une société plus juste, et cela vous honore.
M. Ivan Renar. Doux Jésus !
M. Maurice Blin. Pour ce faire, vous vous acharnez à répartir l'emploi, le temps de travail, la richesse. Nous la voulons, nous, plus équitable,...
M. Ivan Renar. Et Pineau-Valencienne !
M. Maurice Blin. ... c'est-à-dire d'abord soucieuse de reconnaître sa dette à l'égard de ceux qui produisent, travaillent durement, peinent et parient sur l'avenir, salariés et employeurs confondus, à leurs risques et périls. La vraie justice c'est cela ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Ce n'est pas protéger à n'importe quel prix situations et droits acquis alors que d'autres, dans le même temps et du même coup, sont purement et simplement détruits. Seule une société forte, non divisée contre elle-même, peut-être juste.
Je crains enfin que vous ne vous soyez mépris - tous vos choix depuis six mois en témoignent - sur la véritable signification du scrutin de mai dernier qui vous a ramenés aux affaires. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Philippe François. Exact !
M. Ivan Renar. C'est une bonne autocritique !
M. René Régnault. N'insultez pas la démocratie !
M. Dominique Braye. Calmez-vous, mes chers collègues !
M. Maurice Blin. Car, écoutez bien, cette élection, ce n'est pas vous qui l'avez gagnée, c'est nous qui l'avons perdue. (Exclamations et rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen. - Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Ivan Renar. C'est tout le mal qu'on souhaite au Paris - Saint-Germain !
M. Maurice Blin. Ce n'est pas du tout la même chose, et vous le savez très bien. Le peuple français peut se laisser séduire un moment par la facilité,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Lincoln !
M. Maurice Blin. ... mais, dans ses profondeurs et dans sa majorité, il sait que l'on ne marche ni longtemps ni droit avec des béquilles, fussent-elles celles d'un Etat dont l'assistance coûte de plus en plus cher. Un peuple debout est nécessairement un peuple responsable. Tel est, mes chers collègues, le constat de l'histoire, et il est sans appel.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très juste !
M. Maurice Blin. A la veille du défi historique que lui lance un autre peuple et de l'avènement de la monnaie européenne, il est temps...
M. Ivan Renar. De faire un référendum.
M. Maurice Blin. ... que le nôtre se redresse. La majorité sénatoriale fera tout pour l'en convaincre et pour l'y aider. (Vifs applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les sénateurs non inscrits m'ont demandé d'exprimer leur sentiment en cette fin d'examen budgétaire.
Je voudrais sans attendre vous indiquer que nous voterons le budget modifié par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jacques Mahéas. Quel scoop ! (Rires sur les travées socialistes.)
M. Philippe Adnot. Nous le voterons essentiellement pour soutenir la ligne de conduite définie par M. le président de la commission des finances et la majorité sénatoriale, qui nous paraît primordiale pour aujourd'hui et pour demain.
M. Bernard Piras. Quelle est la monnaie d'échange ?
M. Philippe Adnot. Nous voulons indiquer clairement qu'il faut en finir avec la dérive des dépenses publiques, qu'il faut arrêter de financer les dépenses de fonctionnement de l'Etat par l'emprunt, qu'il faut stopper la hausse des prélèvements obligatoires, conséquence directe de ce qui précède.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Prenez-vous en au gouvernement Juppé !
M. Philippe Adnot. Certains nous diront que tout cela est très formel et qu'il n'en restera rien. Nous ne partageons pas ce point de vue. L'exercice auquel nous nous sommes livrés est l'affirmation d'un changement profond de mentalité. Nous voulons rompre avec la notion de « toujours plus égal toujours mieux ».
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Bernard Piras. Vous la remplacez par quoi ?
M. Philippe Adnot. Cette ligne de conduite aura vocation à se poursuivre, même en cas de changement de gouvernement. Voilà pourquoi nous voterons ce budget rectifié par le Sénat.
En effet, pour autant, nous ne sommes pas satisfaits de ce budget. En effet, nous devons, au-delà de l'équilibre comptable, nous intéresser à son aspect qualitatif, et il faut bien se rendre à l'évidence : le Gouvernement, à travers ses choix, a systématiquement privilégié les dépenses de fonctionnement au détriment de l'avenir, au détriment de l'investissement, seul capable de participer au bon positionnement de la France. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Dans l'avenir, nous devrons aller plus loin et ne pas hésiter à remettre en cause tout ce qui en germe porte la marque d'une économie suradministrée, de plus en plus pesante pour les forces vives de notre pays.
M. Bernard Piras. C'est une blague !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est le goulag !
M. Philippe Adnot. Aucun d'entre nous ne doit oublier que la meilleure manière d'aider l'emploi est de rendre compétitif notre pays en diminuant ses charges. Mais nous aurons l'occasion d'en reparler, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme les autres orateurs, j'avais rédigé une explication de vote qui, reprenant les éléments du projet de budget, devaient expliciter les raisons qui nous avaient incités à le modifier, un hommage particulier étant rendu à M. Poncelet, président de la commission des finances au rapporteur général, Alain Lambert,...
M. Charles Pasqua. Très bien ! Bravo !
M. Henri de Raincourt. ... à la commission des finances, et aux différents rapporteurs.
Mais, compte tenu de l'intervention excellente, il me permettra de le dire, prononcée à l'instant par M. Blin (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste) à laquelle mes amis du groupe des Républicains et Indépendants et moi-même souscrivons totalement - qui d'ailleurs en serait surpris ? - il ne m'a pas semblé opportun de redire ce qu'il avait lui-même si bien expliqué.
M. Bernard Piras. Il vaut mieux !
M. Henri de Raincourt. Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, ayant écouté avec attention le propos que vous avez tenu avant la suspension de séance à cette même tribune, propos empreint de courtoisie, mais très sévère sur le fond, j'ai souhaité présenter quelques éléments d'appréciation personnelle.
Vous nous avez dit, à de nombreuses reprises, que vous respectiez la démarche dans laquelle nous nous étions engagés, mais vous l'avez assorti d'une condamnation forte, ce qui est tout à fait légitime, personne ne peut vous en faire grief. Vous nous avez donc reproché le fait que la démarche dans laquelle la majorité du Sénat s'était engagée était anti-économique, antisociale, qu'elle allait contre les intérêts de la jeunesse...
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est vrai !
M. Henri de Raincourt. ... et, par conséquent, que nous avançions en tournant le dos à l'avenir de notre pays.
M. Bernard Piras. Tout à fait !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est vrai !
M. Henri de Raincourt. De la même manière que je respecte l'appréciation que vous avez portée sur notre démarche, je souhaite que vous acceptiez que je me demande, compte tenu de la situation de la France aujourd'hui, au regard du contexte dans lequel elle se trouve enclavée, si les mesures que notre pays a prises dans le passé et s'apprête à prendre aujourd'hui vont lui permettre d'affronter l'avenir dans les meilleures conditions.
M. Jacques Mahéas. C'est vraiment la langue de bois !
M. Henri de Raincourt. Si nous acceptons d'ouvrir les yeux, que constatons-nous ? Que la France, année après année, augmente les prélèvements fiscaux et sociaux de toute nature,...
M. Claude Estier. Balladur !
M. Henri de Raincourt. ... que jamais nous n'avons consacré autant de crédits à la politique pour l'emploi et que, jamais, il n'y a eu autant de chômeurs.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est vrai !
Mme Danièle Pourtaud. A qui la faute ?
M. Henri de Raincourt. De la même manière, si nous considérons les dépenses d'aide sociale qui sont consenties tant par l'Etat que par l'ensemble des collectivités territoriales, que constatons-nous ? Plus on dépense, plus, malheureusement, il y a de pauvres, plus il y a de laissés-pour-compte !
Ce constat n'est guère porteur ni pour les uns ni pour les autres !
Accepterons-nous un jour de poser tous ces éléments sur la table et d'en discuter sereinement pour déterminer quelles sont les mesures qu'il convient de prendre ?
Il est certain que, face à la conception que vous avez développée, monsieur le secrétaire d'Etat et ceux qui vous soutiennent, qui se fonde sur une intervention sans cesse grandissante de l'Etat, conception étatiste que nous connaissons bien et dont aujourd'hui, avec le recul, nous pouvons mesurer les effets (Murmures sur les travées socialistes), nous sommes en mesure de dire que, dans les pays où elle a été appliquée, elle a abouti à l'inverse de l'objectif qui était recherché : elle est inefficace sur le plan économique et inéquitable sur le plan social.
Il faut donc se sortir de ce piège. Pour cela, regardons autour de nous.
Dans des pays qui sont gouvernés par des majorités différentes, qu'elles soient de droite ou de gauche, là où l'on a redonné de la liberté, là où l'on a redonné de l'oxygène à ceux qui ont le courage, la volonté et aussi le dynamisme pour entreprendre et pour se lancer,...
M. Bernard Piras. Ce n'est qu'une affirmation !
M. Henri de Raincourt. ... des résultats tout à fait positifs ont été obtenus ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Bernard Piras. Démontrez-le !
M. Henri de Raincourt. Aux Etats-Unis, le mois dernier, mon cher collègue, 400 000 emplois ont été créés.
M. Bernard Piras. Quels emplois ? Des emplois au rabais !
M. Henri de Raincourt. Si, nous, proportionnellement, nous n'en avions créé que 50 000 ou 80 000,...
M. Jean Chérioux. Nous n'en serions pas là !
M. Henri de Raincourt. ... nous n'en serions pas là où nous en sommes aujourd'hui.
M. Bernard Piras. Démago !
M. Henri de Raincourt. En Grande-Bretagne, en Hollande, partout de bons résultats ont été obtenus,...
M. Bernard Piras. Avec quels salaires ? Avec quelles conditions de vie ?
M. Henri de Raincourt. ... ce qui signifie que le chômage est en réalité un choix politique, qui résulte d'une conception étatique de l'organisation de la société. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Et c'est bien la raison pour laquelle le Sénat a voulu, une fois encore, lucidement, courageusement, objectivement,...
M. René-Pierre Signé. Arrêtez-le !
M. Henri de Raincourt. ... tirer les leçons du passé et s'engager délibérément dans les voies de l'avenir. Quelles sont-elles ? C'est, naturellement, la limitation des dépenses publiques ; c'est, bien entendu, la diminution des prélèvements fiscaux et sociaux.
A cet égard, mes chers collègues, le budget pour 1998 va réserver de bien mauvaises surprises.
M. Jacques Larché. Eh oui !
M. Henri de Raincourt. Sur qui va reposer l'effort ? Sur les familles, sur les entreprises, sur les épargnants, trois catégories de Français qui font vivre, tourner, avancer la « maison France »...
M. Bernard Piras. Mais les Français ont voté !
M. Henri de Raincourt. Or, du fait du budget de 1998, la « maison France » va voir son rythme se ralentir, sa compétitivité diminuer, hélas ! Nous ne pouvons pas suivre le Gouvernement dans cette voie.
L'année dernière, lors de la discussion du budget pour 1997, nous avions voulu, avec le gouvernement de l'époque...
M. Michel Sergent. Vous avez perdu !
M. Henri de Raincourt. ... donner un signal de baisse de la dépense publique et des prélèvements obligatoires.
Il était donc tout à fait légitime que nous cherchions à avancer dans la même direction. Nous avons, en effet, la certitude - suffisamment d'exemples sont là pour le montrer - que c'est cette direction qui nous ouvrira les portes de l'avenir.
M. William Chervy. Ah ! Ça ira, ça ira, ça ira !
M. Marcel Charmant. Les Français vous ont jugés !
M. Henri de Raincourt. A la veille du jour où le Gouvernement va étudier un projet de loi sur la mise en oeuvre publique, laïque et obligatoire des trente-cinq heures (Rires sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste), probablement payées trente-neuf, je voudrais dire que c'est sûrement un mauvais coup pour la France.
M. Marcel Charmant. Qu'en sait-il, lui, du haut de son château ?
M. Henri de Raincourt. On va assister à cette chose extraordinaire : ce sont les fonds publics qui vont, d'une manière généralisée, venir baisser, dans les entreprises privées, les charges résultant de ces dispositions. On croit rêver ! Comment, en 1997, un pays tel que la France peut-il continuer à s'engager avec un tel aveuglement...
M. Bernard Piras. Et vous, qu'est-ce que vous avez fait avant ?
M. Henri de Raincourt. ... dans cette voie qui ne peut être qu'une impasse ?
J'entends bien ce que l'on dit sur le côté gauche de cet hémicycle. Eh bien, l'opinion publique,...
M. Marcel Charmant. Elle a tranché !
M. Henri de Raincourt. ... à laquelle vous vous référez si souvent,...
M. Michel Sergent. Les urnes !
M. Henri de Raincourt. ... est en train, me semble-t-il, d'ouvrir les yeux et de voir que la France, dans cette compétition mondiale, ne pourra pas jouer son jeu avec les mesures que vous nous proposez.
Monsieur le secrétaire d'Etat, telles sont les raisons pour lesquelles je voulais répondre à l'intervention que vous avez faite avant la suspension du dîner.
Avec détermination, le groupe des Républicains et Indépendants votera le budget tel qu'il a été modifié par le Sénat sur proposition de la commission des finances.
Quels que soient les cris et les vociférations, manifestations, il faut bien le dire, d'une certaine incompréhension, nous savons que, ce faisant, nous n'avons qu'un seul but : le service de la France. C'est un but que nous partageons tous ici, mais nous en avons une conception différente. Eh bien, il est heureux que le budget, élément essentiel de la vie politique nationale, nous permette de faire nettement la différence entre la conception des uns et celle des autres. Donnons-nous rendez-vous pour l'avenir ! (Vifs applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, les débats budgétaires se sont toujours déroulés de manière très correcte. Je demande à chacun de respecter les autres durant les explications de vote. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
La parole est à M. Régnault. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Roland du Luart. Il ne doit pas y avoir deux poids deux mesures, monsieur le président !
M. le président. Je demande à la majorité du Sénat d'écouter le représentant du groupe socialiste dans le calme. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. René Régnault. Monsieur le président, lorsqu'ils me permettront de m'exprimer... (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. le président. Monsieur Régnault, c'est vous qui avez donné l'exemple tout à l'heure ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, du RDSE et de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est de la provocation !
M. Bernard Piras. Présidez, monsieur le président !
M. André Vezinhet. Ou démissionnez !
M. le président. Maintenant, mes chers collègues, on écoute religieusement M. Régnault !
M. René Régnault. Monsieur le président, monsieur le secétaire d'Etat, mes chers collègues, merci de permettre à un représentant de la majorité nationale de s'exprimer.
M. Josselin de Rohan. Majorité grâce au Front national !
M. René Régnault. Alors que s'achève le marathon budgétaire, je voudrais me féliciter - mais peut-être suis-je imprudent ! - de la qualité de nos débats, au cours de ces dernières semaines. La sérénité a toujours présidé à nos échanges.
Je crois sincèrement que nous le devons au Gouvernement (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean-Claude Carle. Ça c'est le gag !
M. René Régnault. ... qui s'est toujours efforcé de répondre avec courtoisie aux questions posées, mais aussi - j'ai l'honnêteté de le dire - à la maestria du président de la commission des finances et de notre rapporteur général. (Vifs applaudissements sur les mêmes travées, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Enfin, la qualité de nos travaux a été rehaussée par le concours compétent et la disponibilité de tous nos collaborateurs comme de l'ensemble des personnels du Sénat. A tous, je veux dire merci. (Applaudissements.)
Si je devais résumer d'une phrase les derniers moments que nous venons de vivre, je dirais que l'intervention de mon prédécesseur à la tribune a amplement montré que la France avait bien changé de majorité et que la peine faite à certains était réelle : j'ai cru la deviner au travers de son propos.
Mais voilà, la démocratie s'est exprimée !
M. Charles Descours. Merci Le Pen !
M. René Régnault. J'aurais aimé, monsieur de Raincourt, que vous nous parliez des conditions dans lesquelles chôment les travailleurs de certains pays auxquels vous faisiez référence. J'aurais aimé que vous nous parliez de la protection sociale, de la santé, des conditions de formation dans ces pays.
M. Marcel Charmant. Ils n'en ont rien à faire !
M. René Régnault. Ce projet de loi de finances pour 1988 dont nous venons de terminer l'examen n'a plus maintenant, tel qu'il a été modifié par la majorité sénatoriale, qu'un lointain rapport avec celui que le Gouvernement avait présenté initialement...
M. Jean Chérioux. Heureusement !
M. Alain Gournac. C'est bon pour les Français !
M. René Régnault. ... et avec celui que l'Assemblée nationale a adopté le 19 octobre. Pourtant, ce projet de budget correspondait aux engagements que le Premier ministre, avec son gouvernement, avait pris devant les Français. C'est d'ailleurs peut-être pour cette raison que la majorité sénatoriale, au lieu de se livrer à un examen attentif du projet, a préféré, optant pour une attitude d'opposition dogmatique, tenter d'élaborer un autre budget.
Cette tentative nous est apparue dès le départ comme irréaliste et inadaptée, monsieur le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je le trouve très réaliste !
M. René Régnault. Irréaliste, car la cohérence de ce contre-budget n'a pas toujours été évidente.
Alors que certains membres éminents de la majorité demandent plus de crédits pour les transports ou le nucléaire militaire - et je pourrais multiplier les exemples - vous avez voté la réduction des crédits.
Alors que de nombreux maires de votre bord politique mettent en place des emplois-jeunes, vous en supprimez le financement.
Nous, monsieur le rapporteur général, je vous le dis, nous ne voulons pas augmenter l'emploi public par doctrine. Pour nous, il s'agit de faire émerger de l'activité, de mettre des jeunes au travail, de les rendre responsables, expérimentés, en leur permettant d'accéder à la vie active et à la consommation, ce qui les fera aussi contribuer au gonflement des carnets de commande. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Alors que vous réclamez une réduction des dépenses, vous supprimez l'une des principales écononomies réalisées par ce budget, celle qui porte sur la ristourne dégressive.
Alors que vous avez rétabli de nombreuses niches fiscales et aggravé ainsi les pertes de recettes, vous avez fait retirer en seconde délibération, du fait des pertes induites, une disposition, soutenue sur toutes les travées, concernant la réduction du coût de la collecte et du traitement des ordures ménagères par application d'une TVA réduite.
Votre projet de budget, monsieur le rapporteur général, est également inadapté. Vos propositions constituent même un budget archaïque, tournant le dos aux défis de la France d'aujourd'hui et de demain.
En effet, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous avez voulu démontrer, me semble-t-il, qu'une autre politique était possible, et vous avez proposé un mélange de poursuite de la politique du gouvernement précédent et de politique ultra-libérale. M. de Raincourt vient d'ailleurs de l'affirmer à la tribune.
Je crois que vous avez surtout démontré que l'opposition, majorité dans cette enceinte, n'avait pas entendu le message des électeurs et n'avait pas su tirer le bilan de son échec. (Vifs applaudissements sur les travées socialistes.)
En effet, sur quoi reposait la politique précédente, et donc votre contre-budget aujourd'hui ?
Au-delà de la présentation « enrobée » sur la désétatisation, sur la nécessité d'aider les forces vives de la nation, au-delà de ces mots vides de sens qui ne trompent plus les Français, c'est en réalité l'injustice fiscale et sociale que vous prônez et que vous entendez inlassablement promouvoir.
M. Alain Gournac. Démago !
M. René Régnault. C'est la réalité, non de la démagogie !
Injustice fiscale, d'abord : les ménages ont eu à subir plus de 200 milliards de francs de hausses d'impôts concentrées sur les prélèvements non progressifs - TVA, taxe intérieure sur les produits pétroliers, contribution sociale généralisée, contribution au remboursement de la dette sociale - alors que l'impôt sur le revenu, seul impôt progressif payé par un Français sur deux, a été abaissé et que les impôts sur le capital ont été systématiquement réduits.
Vous proposez de continuer dans cette voie en abaissant encore le barème de l'impôt sur le revenu et en rétablissant la plupart des niches fiscales supprimées par le gouvernement actuel.
Or ces avantages fiscaux permettent essentiellement à quelques Français fortunés de réduire considérablement, et parfois de réduire à néant, leur contribution aux charges de la nation par le biais de l'impôt sur le revenu...
Par exemple, la réduction peut atteindre un million de francs dans le cadre du régime quirataire dont il a été question tout à l'heure.
M. Josselin de Rohan. On le dira aux Bretons !
M. René Régnault. Il est vrai, monsieur de Rohan, que M. Pinault fait mieux !
Autre exemple représentatif de vos choix et de notre profonde différence : vous supprimez la réduction d'impôt pour frais de scolarité, qui profite à tous,...
M. Alain Gournac. Et les allocations familiales ?
M. René Régnault. ... et vous rétablissez totalement l'aide à l'emploi à domicile, qui ne profite qu'à 0,25 % des familles.
M. Alain Joyandet. Revoilà la lutte des classes !
M. René Régnault. Oui, et de quelle classe vous êtes-vous préoccupés ? De la classe des 0,25 % de favorisés ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Cela témoigne bien de votre conception particulière du soutien à la famille, qui est un de vos chevaux de bataille contre le Gouvernement. (Vives exclamations sur les mêmes travées.)
Pour ce qui est de l'injustice sociale, je rappelle que les salariés avaient été mis à la diète sous les gouvernements Balladur et Juppé : à peine plus de 2 % de croissance annuelle pour le privé, gel en 1996 et une hausse de seulement 1 % en 1997 pour le public. La conséquence avait été mécanique : le pouvoir d'achat avait baissé pour la majorité des Français. Pourtant, vous persistez en proposant un nouveau gel des traitements des fonctionnaires.
Or cette politique a eu pour résultats une croissance molle, un accroissement des inégalités et du chômage et des comptes publics dans le rouge.
La consommation a augmenté d'à peine plus de 1 % en moyenne sur ces quatre années du fait des ponctions fiscales et de l'incertitude, de la crainte du lendemain, du manque de confiance des Français dans votre politique, qui a entraîné un accroissement de l'épargne de précaution.
Quant à l'investissement, il a chuté. En quatre ans, il n'y a pas eu de créations nettes d'emplois et plus de quatre cent cinquante mille personnes sont malheureusement venues grossir les rangs des chômeurs.
M. Hilaire Flandre. Et avant ?
M. Pierre Martin. Et en quinze ans ?
M. René Régnault. Pourtant, vous souhaitez poursuivre cette politique puisque vous supprimez les crédits pour le financement des trente-cinq heures et ceux pour les emplois-jeunes, avec des explications qui ne peuvent convaincre.
Quant aux comptes publics, malgré des hausses de prélèvements sans précédent, malgré plus de 150 milliards de francs de recettes de privatisation, le déficit public n'a pas réellement bougé : 4,1 % du PIB fin 1992 et plus de 4 % fin 1997 ; la dette publique, elle, a explosé puisqu'elle a augmenté de 81 %, ce qui représente 30 000 francs par habitant. C'est l'héritage légué à nos enfants ! (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Hilaire Flandre. Et l'origine ?
M. René Régnault. Le nouveau Gouvernement a donc dû réagir. C'était indispensable...
M. Alain Gournac. Pour réagir, il a réagi !
M. René Régnault. ... pour que la France respecte les conditions du passage à la monnaie unique. Çà l'était également pour casser l'enchaînement « déficit - dette » dans lequel vous étiez engagés, que vous nous avez légué et pour lequel les Français vous ont sanctionnés. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
La principale action, outre la compensation des pertes de recettes fiscales, a consisté en une stricte maîtrise des dépenses...
M. Hilaire Flandre. Vous avez la mémoire courte !
M. René Régnault. ... en veillant à protéger le redémarrage de la demande et de l'investissement.
Pourtant, plutôt que de saluer cet effort qui n'avait jamais été réalisé pendant la législature précédente, vous avez multiplié les réductions de dépenses utiles et importantes, avec parfois un réel arbitraire, et vous supprimez des économies importantes comme celles qui portent sur la ristourne dégressive.
Je vous le dis, mes chers collègues, ce n'est pas sérieux... (Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac. Parce que vous, vous êtes sérieux !
M. Dominique Braye. C'est vous qui n'êtes pas sérieux !
M. René Régnault. ... ce n'est pas responsable, ce n'est pas crédible.
Ce budget fictif, ce budget d'une majorité qui ne l'est plus, n'est pas celui qu'ont souhaité les Français. Au contraire, il contient tous les ingrédients qu'ils ont refusé : l'injustice fiscale et sociale, la baisse des salaires et du pouvoir d'achat, la non-priorité à l'emploi.
C'est pourquoi, laissant la majorité sénatoriale à ses espoirs, à ses rêves et à son idéologie...
M. Alain Lambert, rapporteur général. Mais non ! A son avenir !
M. René Régnault. ... je préfère maintenant regarder le vrai budget de la France, celui que l'Assemblée nationale a adopté et qu'elle devrait adopter de nouveau dans quelques jours.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ce projet de loi de finances correspond à nos attentes, pour plusieurs raisons que je souhaite souligner sans être exhaustif.
La première raison, c'est qu'il permet d'accompagner la reprise de la croissance durable et forte.
M. Dominique Braye. On verra !
M. René Régnault. On le voit déjà et on le verra ensemble ! (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) La croissance se rétablit progressivement dans notre pays, en grande partie grâce à l'action du Gouvernement.
M. Jean Chérioux. C'est la méthode Coué !
M. René Régnault. S'agissant de la méthode Coué, vous n'avez pas de leçon à nous donner ! Vous savez la pratiquer !
En soutenant la demande par le transfert des cotisations sociales sur la CSG, par le quadruplement de l'allocation de rentrée scolaire et, dans ce budget, par l'instauration d'un crédit d'impôt pour la réhabilitation des logements, en arrêtant la progression des prélèvements obligatoires, en aidant les PME innovantes, le Gouvernement crée l'environnement dont notre économie a besoin.
La deuxième raison de notre soutien, c'est que ce budget inscrit clairement notre pays dans l'Europe, dans la monnaie unique (M. Chérioux proteste) en permettant de respecter le critère des 3 % de déficit. Vous avez su, monsieur le secrétaire d'Etat, remettre la France en bonne position... (Applaudissements sur les travées socialistes. - Vives protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Vous qui aviez promis de réduire l'impôt sur le revenu sans le financer, vous n'avez pas de leçon à nous donner !
Vous avez su, dis-je, monsieur le secrétaire d'Etat, remettre la France en bonne position sans recours aux artifices précédents et ce, notamment, par un strict contrôle des dépenses publiques.
La troisième raison, c'est que c'est un budget porteur d'avenir. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
MM. Hilaire Flandre et Dominique Braye. Quel avenir ?
M. René Régnault. Dans ce cadre de rigueur, vous avez su, monsieur le secrétaire d'Etat, dégager les moyens nécessaires à la construction de la société de demain : les crédits pour l'emploi sont largement augmentés, notamment pour financer les mesures nouvelles pour les trente-cinq heures et pour les emplois-jeunes ; ceux de l'éducation, du logement, de la justice et de la culture ont progressé sensiblement.
Enfin, quatrième raison, ce budget remet au coeur de l'action politique la justice sociale. Je donnerai quelques exemples : il accroît fortement les crédits pour le logement social ; il allège la taxe d'habitation pour les Français les moins aisés ; il augmente l'allocation versée aux anciens combattants d'Afrique du Nord ; il majore les retraites agricoles les plus modestes ; enfin, et surtout, il entame une profonde réforme fiscale en réduisant des avantages fiscaux coûteux et injustes.
M. Alain Gournac. Demain, on rase gratis !
M. René Régnault. Nous savons que cette réforme se poursuivra par la baisse de la TVA, la réforme de la fiscalité du patrimoine, l'introduction d'une fiscalité écologique, la réforme tant et tant attendue des finances locales et la réforme de l'intercommunalité fondée sur la démocratie et la solidarité.
M. Hilaire Flandre. Que ne les avez-vous pas réalisées dans les années quatre-vingt !
M. René Régnault. Sachez, monsieur le secrétaire d'Etat, que le groupe socialiste du Sénat entend participer à ces réformes et vous apporter son concours. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Un sénateur du RPR. Ce serait bien la première fois ! (Sourires.)
M. René Régnault. En avançant dans ces directions, monsieur le secrétaire d'Etat, vous préparez ainsi notre pays au prochain millénaire, en menant une politique qui concilie l'efficacité économique et la solidarité. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac. Vous dégraissez le mammouth !
M. René Régnault. Cela n'est d'ailleurs aucunement contradictoire. Au contraire de ce que voudraient nous faire croire les libéraux, un pays n'est jamais aussi fort que lorsqu'il sait mobiliser par le partage des droits et des devoirs toute son énergie.
Vous avez donc répondu positivement à nos attentes, et surtout à celles qui ont été exprimées par les Français au printemps dernier.
Nous soutenons donc votre action et, si nous avions pu, nous aurions voté votre projet de budget. (Rires sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Comme nous devons nous prononcer sur cette copie fictive à laquelle se sont employés, pendant des semaines, nos collègues de la majorité sénatoriale, bien entendu, nous ne voterons pas la proposition qui nous est soumise ici ce soir. (Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
La proposition de la majorité sénatoriale, c'est le budget de l'échec, la faillite de la France par rapport aux défis politique et historique qui l'attendent.
M. Roland du Luart. Vous ne manquez pas d'air !
M. René Régnault. C'est la raison pour laquelle nous voterons résolument contre cette proposition. (Vifs applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Huées sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste).
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne parlerai que dix minutes seulement...
Un sénateur socialiste. C'est beaucoup !
M. Guy Cabanel. ... car j'ai souhaité laisser cinq minutes au représentant des radicaux de gauche de mon groupe, qui exprimera un point de vue différent. C'est le respect de son expression comme le respect de la mienne que je vous demande.
M. René-Pierre Signé. Vous êtes un groupe pluriel !
M. Guy Cabanel. Effectivement !
L'heure est venue de juger le budget de la France. La difficulté, c'est que nous avons l'impression qu'il y a deux budgets, ce qui explique d'ailleurs le fait que je désire partager mon temps de parole.
M. René-Pierre Signé. Il y en a un qui est sans valeur !
M. Guy Cabanel. C'est votre jugement !
Il y a donc deux budgets, l'un présenté par le Gouvernement, l'autre modifié à la suite des travaux de la commission des finances et adopté au fur et à mesure des débats par la majorité sénatoriale.
M. René-Pierre Signé. C'est celui-là qui n'est pas le bon !
M. Guy Cabanel. Cependant, il ne faudrait pas pour autant trop troubler le peuple français, car ce projet de loi de finances, amendé ou non, est établi dans un contexte qui évolue favorablement pour la France.
M. Jean-Louis Carrère. Bravo M. Jospin !
M. Guy Cabanel. Je ne voudrais pas que notre débat d'aujourd'hui obscurcisse le jugement du peuple français.
Ce contexte favorable est fondé sur une balance commerciale excédentaire, sur un dollar à six francs et sur une croissance mondiale qui prend de l'ampleur, malgré quelques troubles en Asie. La conjoncture européenne, légèrement en retard dans ce mouvement général, s'améliore également. Nous avons donc l'espoir d'une croissance soutenue en France pour l'année prochaine, et un budget a été élaboré.
En ce qui concerne le projet de budget du Gouvernement, je dirai ce que j'en pense et je le ferai avec mesure.
Le Gouvernement a choisi de limiter les dépenses publiques sans rigueur, tout au moins sans rigueur excessive, de ne pas entraver la croissance économique, sans pour autant créer les conditions d'une relance de l'investissement privé lourd.
Le Gouvernement s'est également attaché à maîtriser les déficits publics et ce serait malhonnête de ne pas le reconnaître dans cet hémicycle ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Le Gouvernement s'est aussi efforcé de stabiliser la dette qui, malheureusement, demeure encore à un niveau qui la rend lourde de conséquences sur l'économie française et sur les finances de la France.
M. René-Pierre Signé. La dette avait dérapé !
M. Guy Cabanel. Le projet de loi de finances initial suppose une relance de la consommation. Toutefois, le Gouvernement a opéré des choix, qui sont mal perçus dans cet hémicycle.
M. René Régnault. Eh oui !
M. Guy Cabanel. Ces choix sont le refus de la poursuite de la baisse de l'impôt sur le revenu des personnes physiques pour 1998, accroissement de la fiscalité des entreprises - cette disposition figure déjà dans les mesures d'urgence fiscales et financières qui sont prises - et augmentation des prélèvements sur l'épargne.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Guy Cabanel. Cependant, le projet de budget qui a été élaboré par le Gouvernement comme celui qui a été amendé par le Sénat ont obéi à deux contraintes qui me paraissent fondamentales et que je tiens à rappeler ici.
En premier lieu, il importait de satisfaire aux critères du traité sur l'Union économique et monétaire. Tant le texte du Gouvernement que le projet de budget amendé par la commission des finances ont pris en compte ces contraintes. On ne peut que s'en réjouir ! L'entrée de notre pays dans l'euro constitue un objectif fondamental, qu'il ne faudrait pas manquer !
La seconde contrainte est tout aussi incontournable : lutter contre le chômage et soutenir l'emploi. Sur cette seconde contrainte, les appréciations sont différentes : des divergences apparaissent entre le texte du Gouvernement et celui du Sénat.
En effet, le Sénat croit non pas à la stimulation de l'emploi par des mesures d'Etat ou des mesures autoritaires, mais à l'esprit d'entreprise : c'est l'entreprise qui, logiquement, doit favoriser l'emploi, de sorte qu'à la logique du Gouvernement s'oppose celle de la commission des finances.
Dans ces conditions, je suis conduit à faire un choix avec la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen et, ce choix, je le fais en faveur du texte amendé par la commission des finances. (Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. René-Pierre Signé. C'est un mauvais choix !
M. Guy Cabanel. Je le fais tout en sachant que cela a été un exercice difficile...
M. René-Pierre Signé. C'est une erreur !
M. Guy Cabanel. ... et certains diront peut-être un exercice sans lendemain. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Il faut tout de même respecter la logique de chacun !
M. René-Pierre Signé. Pas quand on dit n'importe quoi !
M. Guy Cabanel. Nous sommes là pour échanger des idées ! La démocratie exige le libre débat.
M. Roland du Luart. Ils aimaient mieux le régime soviétique !
M. Guy Cabanel. Soyons raisonnables, écoutons-nous les uns les autres ! Je sais bien qu'il est infiniment plus difficile de débattre après un bon repas !
M. Marcel Charmant. Cela ne vous oblige pas à dire des contrevérités !
M. Guy Cabanel. L'histoire de l'économie est marquée de grands combats entre des penseurs !
M. Ivan Renar. Il n'y a pas de penseurs ici !
M. Guy Cabanel. Nous n'allons pas trancher le débat ce soir entre John Maynard Keynes et Milton Friedman, ni vous ni moi !
M. Marcel Charmant. Vous ne pouvez pas imaginer ce que c'est que d'être minoritaires ici !
M. Guy Cabanel. Il faudra bien choisir des mesures qui correspondent aux besoins de la France... (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) La vie est dure ce soir !
M. Marcel Charmant. Il faut donner la priorité au social !
M. Guy Cabanel. Les mesures proposées... (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. le président. Terminez, monsieur Cabanel ! Ne dialoguez pas !
M. Guy Cabanel. Je ne dialogue pas, je m'efforce d'achever mon intervention !
Les mesures proposées par la commission me paraissent satisfaisantes pour exprimer l'esprit de la libre entreprise.
M. René-Pierre Signé. Non !
M. Guy Cabanel. Je sais que cet effort a été difficile. Je sais que le budget de la défense a été rejeté pour des raisons qui n'ont pas de rapport avec les principes financiers immédiats. Je sais que certains budgets ont été minorés...
M. René-Pierre Signé. Honteusement !
M. Guy Cabanel. ... dans leurs crédits de fonctionnement. Je sais que d'autres budgets ont été votés. Moi-même, j'ai fait voter le budget de la santé, le budget du ministère de l'intérieur et je ne suis pas gêné de l'avoir fait. Cependant, il existe, dans l'ensemble, une opposition doctrinale. Pour ma part, mon choix est fait, c'est le choix de mes amis qui constituent la majorité du groupe du RDSE, à savoir le texte voté par le Sénat et amendé par la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Guy Cabanel. Pour conclure, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, quel que soit le budget qui sera appliqué en 1998, que la croissance nous donne des marges de manoeuvre et qu'elle vous donne la chance, peut-être l'année prochaine, de vous engager dans la voie d'un allégement des charges fiscales et sociales qui pèsent sur les entreprises.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Les trente-cinq heures !
M. Guy Cabanel. Il y aura là une véritable création d'emplois (Mmes Brisepierre et Olin applaudissent), un changement de mentalité, un retour à l'espérance des classes moyennes françaises et, peut-être, une vraie santé économique. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Luc. (Ah ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous arrivons au terme de la discussion de ce premier projet de loi de finances après le changement du 1er juin dernier. Il n'est pas inutile de rappeler, dans cet hémicycle, que les Françaises et les Français ont voté pour censurer la droite au pouvoir...
M. René-Pierre Signé. Bravo !
Mme Hélène Luc. ... et une politique que, avec eux, nous avons combattue avec détermination.
M. Roland du Luart. Et avec l'aide du Front national !
Mme Hélène Luc. Ce vote était marqué par une immense aspiration au changement. Notre peuple a signifié un rejet sans appel du libéralisme, de l'austérité qu'il subit, d'abord au nom de la crise puis au nom d'autres objectifs comme la réalisation d'une Europe de la finance, au lieu d'une Europe de l'emploi, sociale, et démocratique que nous voulons construire.
Sur de tels enjeux, comme sur celui des politiques économiques et financières, le contrôle des peuples est primordial. Au sujet de l'euro, la consultation des Français s'impose. (Exclamations sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Ces politiques libérales successives ont affaibli la France. Elles ont engendré pauvreté, précarité et désespérance.
M. Josselin de Rohan. C'était mieux sous Staline !
Mme Hélène Luc. La déstructuration du patrimoine industriel, l'engagement des profits et des fortunes dans la spéculation au détriment de l'investissement productif ont, en effet, accru sans cesse le chômage, générant un gâchis humain sans précédent.
Les Françaises et les Français n'en peuvent plus de cette insécutité de vie, de cette inquiétude du lendemain, de cette inquiétude pour leur avenir et celui de leurs enfants. Ils veulent pouvoir donner toute sa place à cette jeunesse qui aspire à entrer de plain-pied dans la société, avec son intelligence, sa motivation et son enthousiasme.
L'attitude de la majorité sénatoriale nous a donné l'impression, tout au long de ce débat, que celle-ci vit dans une autre France, celle où M. Balladur ou M. Juppé auraient encore été Premier ministre, comme vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, celle où le Parlement aurait été dominé de manière quasi absolue par les partis de droite.
La majorité sénatoriale reste sourde au verdict du suffrage universel et cela pose aussi un problème pour le bon fonctionnement de nos institutions. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Gournac. Bravo les communistes !
M. Jean-François Le Grand. Ah ! C'est bien communiste !
M. Alain Joyandet. Rappelez Staline !
Mme Hélène Luc. Le mode de scrutin, qui favorise outrancièrement la droite au Sénat, réduit à la portion congrue la possibilité donnée au peuple de se faire entendre dans notre assemblée. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont déposé deux propositions de loi pour améliorer l'adéquation du Sénat à la réalité politique française et ils ont demandé qu'elles viennent immédiatement en discussion.
M. Ivan Renar. Très bien !
Mme Hélène Luc. L'attitude de la majorité sénatoriale a été de prendre systématiquement à contre-pied les choix du 1er juin, ce qui lui fait perdre toute crédibilité.
M. Alain Gournac. On verra !
Mme Hélène Luc. S'agissant de la première partie du projet de budget, celle qui est relative aux recettes, les principaux amendements qui ont été adoptés parlent d'eux-mêmes : suppression de la réduction d'impôt pour frais de scolarité, allégement du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune, redressement substantiel du plafond de restitution de l'avoir fiscal, et bien d'autres mesures du même type.
En clair, les limitations que le Gouvernement a commencé à mettre en oeuvre contre la spéculation, les mesures tendant à ramener l'argent vers l'emploi et à l'éloigner de la Bourse, toutes ces mesures ont été combattues pied à pied par la droite sénatoriale.
Le seul point positif concerne la restauration de l'abattement dont bénéficient certains salariés, notamment les journalistes et les artistes.
M. Jean-Marie Girault. Démagogie !
M. René-Pierre Signé. Vive la gauche !
Mme Hélène Luc. Rappelons tout de même que, devant la mobilisation des salariés, la commission des finances a dû prendre en compte le caractère injuste de cette disposition. Un accord doit être trouvé rapidement avec ces professions.
La première partie a donc été marquée par une protection systématique des revenus spéculatifs et par cette mesure que je considère inacceptable et qui vise à maintenir les provisions sur licenciement.
Croyez-vous, monsieur le rapporteur général du budget, que l'on facilitera la création d'emplois en encourageant les licenciements ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Cela n'a rien à voir !
Mme Hélène Luc. L'examen de la deuxième partie du projet de budget a sans doute été plus édifiant encore quant au décalage entre la volonté des citoyens et les choix de la droite sénatoriale. Adeptes du dogme libéral, votre objectif était de réduire à tout prix le déficit public. Nous sommes, bien entendu, pour une gestion équilibrée des finances publiques. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Josselin de Rohan. C'est nouveau !
Mme Hélène Luc. Cela peut se faire par la mise à niveau des recettes en prenant l'argent là où il est (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées), chez les spéculateurs et les grands patrons,...
M. Henri de Raincourt. C'est nouveau ! (Sourires.)
Mme Hélène Luc. ... et non, comme vous le faites, en réduisant toujours plus les dépenses publiques utiles comme celles qui concernent l'emploi, la formation, la santé et le service public.
Ainsi, de façon systématique, exception faite pour quelques budgets (Ah ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants), vous avez effectué des coupes claires sur de nombreux crédits qui sont pourtant essentiels pour la nation. C'est ainsi que le budget de l'éducation nationale affiche une diminution de 2,1 milliards de francs au titre de l'enseignement scolaire et de 1 milliard de francs pour l'enseignement supérieur.
Comment peut-on laisser faire, alors que la qualité du système éducatif pour lutter contre l'échec scolaire, les exclusions et les violences insupportables, pour préparer la France au pari de l'intelligence du xxie siècle, exige tant de l'éducation nationale, qui a un rôle de pivot dans le redressement de notre société ? (M. Carrère applaudit.)
Comment pouvez-vous justifier vos propos, monsieur le rapporteur général, lorsque vous déclarez qu'il s'agit de diminuer d'un tiers le nombre de postes ouverts aux différents concours de recrutement des personnels enseignants, de réduire l'effectif des personnels de l'administration centrale (M. Carrère applaudit à nouveau), de diminuer les rémunérations et de réaliser des économies sur les heures supplémentaires ?
M. Roland du Luart. C'est faux !
Mme Hélène Luc. Mais dans quel monde la droite sénatoriale vit-elle pour décider de réduire les crédits consacés à l'emploi de 6 milliards de francs dont 1 milliard de francs sur les emplois-jeunes.
M. Marini, rapporteur spécial, indiquait tranquillement que le levier le plus important de la lutte contre le chômage est constitué par une réduction des dépenses publiques. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan. Mais oui !
M. Henri de Raincourt. C'est évident ! Il n'y a que vous qui ne le comprenez pas !
Mme Hélène Luc. Ainsi, 1 milliard de francs sur les crédits consacrés aux emplois-jeunes seraient supprimés si les vues de la majorité sénatoriale l'emportaient. Je veux témoigner de la duplicité des élus de la majorité (Protestations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants) qui, au Parlement, rejettent les emplois-jeunes et suppriment les crédits alors que, sur le terrain, - j'en ai eu la preuve à Choisy-le-Roi - ils disent qu'il n'y en a pas assez !
M. Ivan Renar. C'est vrai !
M. Josselin de Rohan. La droite est au pouvoir à Choisy-le-Roi ? (Rires sur les travées du RPR.)
Mme Hélène Luc. Alors qu'il y a là un appel d'air pour les jeunes, l'espoir de pouvoir enfin commencer à construire un projet de vie pour de nombreux jeunes, les élus de droite ont recours à la démagogie et au double langage. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes. - Protestations et sourires sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.) Vous ne devriez pas rire, messieurs, c'est un problème trop important pour les jeunes. Je ne supporte pas que vous riiez à cette occasion. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye. Nous, nous ne supportons pas la démagogie !
Mme Hélène Luc. Quand vous êtes devant les jeunes, vous ne faites pas cela !
Sur qui comptez-vous donc, monsieur le rapporteur général, pour redresser la France ?
M. Alain Gournac. Pas sur les communistes !
Mme Hélène Luc. Sur les spéculateurs, sur un patronat qui a trop souvent choisi de délocaliser pour augmenter ses profits ? Nous considérons que c'est bien la collectivité publique qui peut donner le signal de la lutte contre le chômage, impulser, investir dans l'emploi,...
M. Hilaire Flandre. On l'a vu à l'Est !
Mme Hélène Luc. ... et le CNPF serait bien inspiré d'en faire autant, plutôt que de mener des combats politiciens qui n'ont rien à voir avec le développement des entreprises et leurs salariés.
Dans quel monde la majorité sénatoriale vit-elle lorsqu'elle décide de réduire le budget de la solidarité,...
M. Alain Gournac. Dans celui de l'économie !
Mme Hélène Luc. ... de la santé et de la ville à hauteur de 1,3 milliard de francs,...
M. René-Pierre Signé. C'est de l'affichage !
Mme Hélène Luc. ... ou quand elle réduit le budget affecté aux départements et territoires d'outre-mer de 40,3 millions de francs (M. le secrétaire d'Etat fait un signe d'assentiment) alors que, comme l'a rappelé M. Paul Vergès, la situation est si critique dans ces départements et territoires ?
Remise en cause de la revalorisation salariale des fonctionnaires avec 3 milliards de francs, suppression de 3 milliards de francs pour le financement des trente-cinq heures, réduction de 2 milliards de francs des crédits affectés à l'épargne logement et de 500 millions de francs pour l'accession à la propriété, réduction des crédits pour les logements sociaux des fonctionnaires - mais exonération de la CSG pour les stock options ! - la liste des mesures d'austérité est bien longue.
M. Raymond Courrière. C'est social !
M. Roland du Luart. Dans deux mois, vous allez voir les coupes dans les crédits ! Mme Hélène Luc. Ces réductions sont d'autant plus insupportables qu'elles s'appliquent à un projet de loi de finances, présenté par le Gouvernement de la gauche plurielle, (Ah ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) qui s'inscrit, hélas ! dans le carcan des critères de Maastricht (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées) et qui - écoutez bien, messieurs ! - encore marqué par la gestion passée, est un budget de transition, comme vous l'avez vous-même qualifié, monsieur le secrétaire d'Etat, et d'inflexion sociale.
M. Alain Joyandet. Le prochain budget sera plus à gauche !
M. Gérard Larcher. Oui, on verra !
Mme Hélène Luc. Les députés communistes ont voté ce budget. Nous aurions fait de même au Sénat si la majorité ne l'avait complètement dénaturé,...
M. René Régnault. Eh oui !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Amélioré !
Mme Hélène Luc. ... car il reflète - c'est la nature même d'une loi de finances - la politique qui est développée à l'heure actuelle dans notre pays. Il permet, par là même, de présenter des évolutions positives dans le cadre d'un certain nombre de fascicules budgétaires de la deuxième partie venant conforter les mesures positives de la rentrée en matière sociale.
Nous sommes donc au départ de chantiers nouveaux et ambitieux, et un immense travail, que nous voulons réussir avec le Gouvernement, reste à accomplir pour permettre la réussite du changement. Mais il faut des résultats concrets, et vite, comme pour les emplois-jeunes, les trente-cinq heures qui doivent se conjuguer avec la croissance et une relance économique forte, condition incontournable pour éradiquer le fléau qu'est le chômage.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne reprendrai pas les propos de mon amie Marie-Claude Beaudeau, qui avait fort bien expliqué notre vote sur la première partie. Je regrette, je le dis franchement, que certains de nos amendements n'aient pas été acceptés par le Gouvernement, (Exclamations sur certaines travées du RPR)...
M. Josselin de Rohan. Cela viendra sûrement !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Cela va venir !
Mme Hélène Luc. ... mais cela viendra.
Des signes de changement auraient pu être adressés en ce qui concerne l'impôt de solidarité sur la fortune, comme nous l'avons demandé.
Une réflexion sur la fiscalité du patrimoine est décidée ; nous en prenons acte. En effet, pouvons-nous accepter la situation indécente d'un Pineau-Valencienne, grand patron, qui détient la neuvième fortune de France avec 12 milliards de francs, l'une des plus importantes du monde...
M. Roland du Luart. Vous vous trompez ! Ce n'est pas M. Pineau-Valencienne !
Mme Hélène Luc. ... et qui a échappé l'an dernier à l'impôt de solidarité sur la fortune, (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants)...
M. Roland du Luart. Il va vous demander des dommages-intérêts !
M. Jean Chérioux. Et Tapie ?
Mme Hélène Luc. Cela ne vous plaît pas, c'est clair !
Pouvons-nous l'accepter, alors que les Restaurants du Coeur ouvrent leurs portes pour accueillir les nombreux citoyens qui n'ont plus, ou ont à peine, le minimum pour se nourrir et nourrir leur famille ? (Exclamations et sourires sur les mêmes travées.) Il est indécent, messieurs, de rire quand je parle des Restaurants du Coeur ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
Nous avons proposé aussi, notamment par la voix de mon ami Paul Loridant, des mesures tendant à rééquilibrer la fiscalité locale en accentuant l'efficacité de la taxe professionnelle.
Nous avons noté avec intérêt, monsieur le secrétaire d'Etat, votre volonté d'engager rapidement une réflexion sur la globalité de la fiscalité locale, d'une part, et un débat sur les politiques économiques et financières, d'autre part.
M. Dominique Braye. Réfléchissons... Réfléchissons...
Mme Hélène Luc. Il y a urgence, car les collectivités locales craquent sous les effets de la crise et les populations ne peuvent pas être sollicitées plus encore par l'impôt local.
Toutes ces propositions, la majorité sénatoriale les a rejetées. Nous espérons, en revanche, que le Gouvernement, qui ne pouvait pas, en quelques mois, renverser totalement la vapeur,...
M. Charles Descours. Ce n'est pas de la voile !
Mme Hélène Luc. ... saura étudier nos propositions et les intégrer dans son prochain budget.
Nous attendons de lui qu'il accélère la politique engagée pour ramener l'économie au service de l'homme, pour donner le souffle du renouveau,...
M. Charles Descours. Le souffle dans les voiles, c'est bon !
Mme Hélène Luc. ... du progrès social dont notre pays a tant besoin.
La majorité sénatoriale, elle, par le vote de son contre-budget, a montré qu'elle n'avait cure de la volonté du peuple.
D'évidence,...
M. le président. Je vous prie de bien vouloir conclure, madame Luc.
Mme Hélène Luc. Je termine, monsieur le président.
D'évidence, il est plus facile pour vous de faire adopter des mesures financières aussi rétrogrades en restant arc-boutés sur le dogme de la pensée unique que d'aller vous expliquer, dans les semaines qui viennent, là où la France souffre,...
M. Charles Descours. Vous allez faire l'euro !
Mme Hélène Luc. ... là où la France attend le changement,...
M. Pierre Fauchon. Quel culot !
Mme Hélène Luc. ... là où la France s'engage pour la réussite et pour son avenir.
Nous voterons donc résolument contre le projet de budget modifié par la droite sénatoriale.
Je voudrais dire aux fonctionnaires du Sénat combien toutes les sénatrices et les sénateurs de notre groupe ont apprécié une fois de plus leur compétence, leur travail et - pourquoi ne pas le dire ? - leur gentillesse. Qu'ils en soient remerciés très chaleureusement. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes. - Sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants, on fredonne le début de l'Internationale. )
M. le président. La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme de débats qui n'ont pas toujours été faciles, qui ont été souvent animés, mais qui se sont malgré tout déroulés dans un climat de respect et de courtoisie, notamment au sein de la commission des finances, sous l'autorité bienveillante et conviviale de son président, M. Christian Poncelet,...
M. Jean-Pierre Camoin. Allez au fait !
M. Yvon Collin. ... nous allons devoir maintenant nous prononcer sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 1998.
Exercice rituel, le vote d'un texte de loi n'est pourtant plus aussi simple quand la conjoncture politique offre deux chambres parlementaires dont la majorité de l'une soutient le Gouvernement alors que la majorité de l'autre se trouve plutôt en état d'opposition - c'est un euphémisme !
M. Charles Descours. Il y a un groupe qui est dans le même cas !
M. Yvon Collin. Le choix des radicaux, au nom desquels je m'exprime,...
M. Guy Cabanel. Des radicaux de gauche !
M. Yvon Collin. ... est de rejeter le texte tel qu'il a été modifié par la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Initialement, bien entendu, nous l'approuvions, car le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement avait, à notre avis, plusieurs qualités.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ah !
M. Yvon Collin. Tout d'abord, il était sincère. En effet, ce projet de budget, contrairement aux précédents projets de loi de finances, a été élaboré sans artifices comptables. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Ensuite, il a été bâti dans le respect des engagements européens sans pour autant imposer la rigueur.
Cette seconde performance méritait d'être soulignée à sa juste valeur.
Enfin, les priorités déterminées par le Gouvernement répondaient parfaitement aux difficultés rencontrées par notre pays. En mettant l'emploi et la solidarité au coeur des préoccupations budgétaires, on offrait des perspectives d'espoir à tous ceux qui se trouvent en marge de notre société.
Le projet de loi de finances pour 1998, sans avoir la prétention de régler tous les maux dont souffre la France, avait toutefois l'ambition de permettre la construction d'une société plus moderne, plus juste et plus solidaire.
Que reste-t-il de ces intentions ?
M. Dominique Braye. Rien !
M. Yvon Collin. Après les nombreux amendements adoptés par la Haute Assemblée, il en ressort un texte qui ne correspond plus aux objectifs initialement fixés.
M. Alain Gournac. Heureusement !
M. Yvon Collin. Mes chers collègues, grâce à votre talent ou plutôt à cause de votre talent - il faut bien le reconnaître - nous avons emprunté la machine à remonter le temps. (Très bien ! sur les travées socialistes.) Le projet de loi de finances pour 1998 ressemble, à ce stade des débats, et dans certains de ses aspects, à ce que l'on a connu l'année dernière, ...
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Yvon Collin. ... et ce n'est pas si loin que cela !
Les profondes modifications, telles que la baisse de l'impôt sur le revenu, la baisse du barème de l'impôt sur les sociétés, le rétablissement de la déductibilité pour indemnité de licenciement sur le bénéfice des sociétés, ou encore le maintien de la réduction d'impôt pour les emplois à domicile, contrarient le principe de justice fiscale qui guidait le texte d'origine.
Ensuite, s'agissant des dépenses, le Gouvernement avait opéré de savants redéploiements afin de contenir le déficit budgétaire à 3 %, tout en créant de nouvelles impulsions. Le Sénat a sérieusement inversé l'ordre des priorités en abondant certains secteurs qui étaient à juste titre soumis à de légères restrictions.
Inversement, une majorité d'entre vous, mes chers collègues, a jugé bon de réduire les crédits de budgets aussi fondamentaux que le budget de l'éducation nationale ou le budget de la solidarité, de la santé et de la ville.
Dans ces conditions, vous aurez compris que mes collègues radicaux...
M. Guy Cabanel. De gauche !
M. Yvon Collin. ... et moi-même voterons contre ce texte. Nous sommes en effet contraints de rejeter un projet de loi de finances ainsi dépouillé de ses ambitions. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Descours. Et M. Strauss-Kahn ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai eu l'honneur de participer à vingt jours de débat grave et passionnant qui s'achèvent en un débat aigu et passionné.
MM. René-Georges Laurin et Henri de Raincourt. Où est le ministre des finances ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je dois dire que, ce soir, la sagesse du président de la commission des finances, M. Christian Poncelet, la cohérence du rapporteur général, M. Alain Lambert, sont des bienfaits qui me semblent inégalement contagieux. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Ce qui me paraît important, au terme de ce véritable débat, c'est que les citoyens qui nous regardent, qui nous écoutent et qui nous liront auront en main deux projets de budget : d'un côté, un projet de budget du Gouvernement, sur lequel je reviendrai rapidement et auquel la majorité sénatoriale fait un mauvais procès (Protestations sur les travées du RPR), et, de l'autre, un contre-budget,...
M. Alain Gournac. Un bon budget !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... qui a pu être mis au point grâce au dynamisme de la commission des finances. Mais ce contre-budget est dur aux faibles, il est inspiré d'exemples étrangers...
Mme Nelly Olin. Ah non !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... qui n'ont pas toujours été des références pour notre pays.
Il y a donc deux projets de budget, deux projets de société : nous sommes bien en démocratie. Il est dommage que les élections qui auraient dû se dérouler en mars 1998 aient eu lieu une année plus tôt,...
M. Dominique Braye. Vous le reconnaissez : c'est dommage !
M. Alain Gournac. C'est dommage pour la France !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... car les citoyens auraient été éclairés.
Je voudrais tout d'abord répondre rapidement à M. Vinçon. Comme l'a très bien dit M. Cabanel, notre pays bénéficiera l'an prochain d'une croissance de 3 %, perspective qui reste raisonnable.
Certes, il y a des orages en Asie, mais il y a, à l'intérieur de notre pays, à l'intérieur de l'Europe continentale, des ferments de croissance, un redémarrage de la consommation dont témoignent de nombreux indicateurs. Lorsque la consommation, en Allemagne, en France et au Benelux aura redémarré, l'investissement suivra ; l'Europe continentale - nous devons tous nous en réjouir - vivra à nouveau une période de croissance dynamique dont elle avait perdu le secret entre 1991 et 1997.
M. Alain Gournac. On verra !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Oui, nous verrons...
Le Gouvernement est accusé de dépenser plus.
M. Dominique Braye. C'est vrai !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Qui a doublé les aides à l'emploi entre 1992 et 1997 ? Qui a accru les emplois publics de 3 % par an entre 1974 et 1981 ?
Le Gouvernement a limité les dépenses de l'Etat et, comme l'a dit M. Collin - mais on en jugera a posteriori - le budget présenté par le Gouvernement est un budget sans artifices. Vous verrez que la progression des dépenses limitée à l'inflation sera réalisée sans les surprises que nous avons eues au mois de juillet après avoir confié un audit à deux personnalités incontestables. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen. - Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Vous nous accusez de taxer plus. Vous verrez, lorsque nous aurons l'occasion d'examiner le collectif budgétaire, que les impôts, levés par la nouvelle majorité uniquement sur les grandes entreprises et pas sur les ménages, comme en 1995,...
M. Jean Chérioux. Et les veuves ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... sont venus simplement se substituer à des recettes qui manquaient par rapport aux prévisions de 1997.
Rappelons-nous que, en 1995, 140 milliards de francs d'impôts supplémentaires avaient frappé principalement les familles, arrêtant nette la progression de la consommation. Selon l'INSEE, les Français ont connu une baisse de revenus de 1,3 % en 1996. Nous verrons l'an prochain que les Français garderont leur gain de revenu réel. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Josselin de Rohan. Vous racontez des inexactitudes !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Nous aurons l'occasion d'en reparler, monsieur le sénateur !
Le projet que vous nous proposez est inspiré par un dogmatisme du « dépenser moins », alors que notre objectif est de « dépenser mieux ». (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
MM. Dominique Braye et Alain Gournac. Plus !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. Régnault et Mme Luc ont bien montré que vous avez fait des coupes graves : vous avez retiré 9 milliards de francs au soutien à l'emploi, au soutien aux emplois-jeunes, au soutien aux chômeurs de longue durée, au fonctionnement du service public de l'emploi. Vous avez retiré 2 milliards de francs à la recherche et à l'éducation nationale,...
M. Dominique Braye. Il faut dégraisser le mammouth !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... alors que les Etats-Unis, qui sont vos inspirateurs, réalisent des investissements de plus en plus importants en matière de recherche et d'éducation. Vous avez retiré 1 milliard de francs aux dépenses sociales qui touchent les plus faibles.
M. Josselin de Rohan. Et la défense ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je ne citerai pas les Restaurants du Coeur, mais je trouve qu'il est grave d'avoir frappé en cet hiver de telles catégories sociales ! (Applaudissements sur les travées socialistes et du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Josselin de Rohan. Et la défense ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Quant à la fiscalité, nous avons fait un effort,...
M. Charles Descours. Non !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... et nous le poursuivrons pour supprimer un certain nombre d'avantages fiscaux exagérés.
Je prendrai deux exemples seulement : la famille (Vives exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Attendez que j'en parle !
M. Dominique Braye. Vous l'avez assassinée !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je parle de la famille ! A ma gauche, une mesure...
M. Charles Descours. Le parti communiste est contre !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... qui touche 60 000 familles.
M. Charles Descours. Mais non, ce n'est pas vrai !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je parle de toute la gauche !
Soixante mille familles sont touchées par la réduction de moitié des aides abusives aux emplois à domicile. A ma droite, vous avez supprimé vous-mêmes les crédits d'impôt de 400 francs par enfant au collège, de 800 francs par enfant au lycée. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye. Démago !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Si, vous l'avez fait ! Vous avez supprimé le crédit d'impôt de 1 200 francs accordé par étudiant ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen et du RDSE.) Vous avez touché 2 300 000 familles !
Par conséquent, le nombre de familles touchées est de 60 000, d'un côté, et de 2 300 000, de l'autre !
Prenons un autre exemple : la baisse de l'impôt sur le revenu, à laquelle vous êtes attaché,...
M. Philippe François. Oui !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... avantage les contribuables les plus élevés. Ainsi, 1 % des redevables bénéficieraient de 15 % des avantages de la baisse de l'impôt sur le revenu. Je pense donc que la justice fiscale est de notre côté. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen et du RDSE.)
Maintenant, sans vouloir trop prolonger le débat, je voudrais dire un mot de l'avenir, et tout d'abord de l'avenir immédiat.
M. Poncelet, avec sa grande sagacité, m'a dit que j'allais faire comme mon prédécesseur, c'est-à-dire que, le 15 janvier, j'allais réviser à la baisse les recettes fiscales - le 15 janvier 1997, c'est vrai, les recettes fiscales que vous aviez votées, messieurs, ont été estimées à la baisse par les techniciens de quinze milliards de francs - et que j'allais prendre un arrêté d'annulation de dix milliards de francs au mois de mars.
Eh bien ! monsieur Poncelet, nous ferons moins mal que nos prédécesseurs, (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE), ce qui, j'en suis d'accord n'est pas une performance.
Vous êtes, messieurs, orfèvres pour juger nos prédécesseurs !
Comme nous avons calculé les impôts au plus juste, comme nous n'avons pas dissimulé les dépenses sous le moquette (Protestations sur les mêmes travées) - je vous signale que vous aurez à voter le financement de la « jupette » dans le collectif de 1997, car il n'était pas prévu dans le projet de loi de finances initial - comme nous avons fait un budget sincère, nous n'aurons pas à faire des corrections dès que le Parlement souverain se sera prononcé. (Applaudissements sur les travées socialistes.) Mais ce n'est pas le plus important.
Le plus important, c'est l'Europe, dont très peu d'orateurs ont parlé.
M. Charles Descours. Si, les communistes !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'Europe est une perspective importante,...
M. Charles Descours. Oui !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... une Europe dynamique,...
M. Charles Descours. Oui !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... une Europe équilibrée.
M. Charles Descours. Oui !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est grâce aux décisions que nous avons prises en 1997 que nous sommes aujourd'hui dans la perspective de l'euro, alors que nous en étions éloignés cet été. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Nous croyons à l'Europe, nous croyons à une Europe rééquilibrée... (Protestations sur les mêmes travées), nous croyons à la priorité de l'emploi.
Le recul du chômage dans notre pays se fera de trois façons.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Il ne se fera jamais tant que vous serez là !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le chômage reculera, d'abord grâce à la croissance. Si la croissance est de 3 % l'an prochain, 200 000 emplois seront créés par les entreprises. Nous y comptons.
S'y ajoutent deux dispositifs qui enrichissent le contenu de la croissance.
Un sénateur du RPR. Vous pouvez toujours compter dessus !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le premier, c'est les emplois-jeunes, dont vous avez réduit les crédits, alors que les collectivités locales, heureusement ! se décident rapidement. On fera les comptes dans les mois qui viennent de ceux qui ont joué le jeu des emplois-jeunes et de ceux qui ont fermé la porte aux jeunes ! (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur certaines travées du RDSE.)
Le deuxième dispositif, c'est la réduction de la durée du travail, à propos de laquelle vous agitez des épouvantails. Vous verrez, demain, que la réduction de la durée du travail que nous proposons sera organisée dans l'entreprise par la négociation et qu'elle débouchera sur l'emploi, avec l'aide de l'Etat. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Je terminerai, (Ah ! sur les mêmes travées) - je vous donne au moins satisfaction sur ce point - en disant que nous croyons à l'emploi et que nous croyons que ceux qui sont au bord de la route doivent avoir une deuxième chance. (Brouhaha sur les travées du RPR.)
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, laissez M. le secrétaire d'Etat en terminer.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Nous croyons que l'éducation, c'est important ; nous croyons que les emplois jeunes, c'est important ; nous croyons que les dispositifs que vous avez votés pour les chômeurs de longue durée doivent être préservés, et non pas écornés comme vous l'avez fait.
Un sénateur du RPR. Vous croyez au Père Noël !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. En conclusion, il y a deux projets de budget et deux projets de société : il y a, d'un côté, le laisser-faire et la nonchalance et, de l'autre, la volonté de croissance solidaire.
Notre budget est une étape, et nous continuerons.
Pour terminer sur une note consensuelle,...
M. Charles Descours. Tony Blair !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... je veux, à mon tour, adresser des remerciements.
Je remercie M. le président et MM. les vice-présidents du Sénat pour la façon dont ils ont organisé et maîtrisé des débats qui, sauf exception, ont toujours été d'une très grande courtoisie et d'une très grande richesse.
M. Pierre Biarnès. Joyeux Noël et bonne année ! (Rires et applaudissements.)
M. Alain Joyandet. C'est Coluche !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je veux remercier aussi M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général, qui ont fait en sorte que nous ayons un véritable débat républicain.
Je veux remercier les sénateurs de la minorité comme de la majorité qui ont participé activement au débat budgétaire ; ce faisant, ils ont participé à un vrai débat républicain.
Je veux, enfin, remercier les collaborateurs et le personnel du Sénat ainsi que la presse. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Le Sénat va procéder au vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 1998.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Conformément à l'article 60 bis du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l'article 56 bis du règlement.
Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal.

(Le sort désigne la lettre B.)
M. le président. Le scrutin sera clos quelques instants après la fin de l'appel nominal.
Le scrutin est ouvert.
Huissiers, veuillez commencer l'appel nominal.

(L'appel nominal a lieu.)
M. le président. Le premier appel nominal est terminé. Il va être procédé à un nouvel appel nominal.
Le scrutin va rester ouvert encore quelques minutes pour permettre à ceux qui n'ont pas répondu à l'appel nominal de venir voter.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
MM. les secrétaires vont procéder au dépouillement.

(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 57 : :

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 312
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 216
Contre 96

6