ACCORD-CADRE DE COMMERCE ET DE COOPÉRATION ENTRE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE ET LA CORÉE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 382, 1997-1998)
portant ratification de l'accord-cadre de commerce et de coopération entre la
Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République de
Corée, d'autre part. [Rapport n° 59 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin,
secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet
de loi qui vous est soumis aujourd'hui a pour objet d'autoriser la ratification
de l'accord-cadre de commerce et de coopération entre la Communauté européenne
et ses Etats membres, d'une part, et la République de Corée, d'autre part.
Signé à Luxembourg le 28 octobre 1996, cet accord s'inscrit dans la lignée des
accords du même type déjà signés avec d'autres pays, en particulier en Asie, où
l'Union européenne souhaite renforcer sa présence.
Accord mixte non préférentiel, cet accord, à vocation générale, couvre à la
fois la coopération politique, commerciale, économique, culturelle,
scientifique et technique.
Venant après le lancement du forum euro-asiatique connu sous le nom d'ASEM,
dont la Corée accueillera le troisième sommet en l'an 2000, cet accord doit
permettre de jeter les bases d'une coopération diversifiée et renforcée entre
la Corée et l'Europe.
Troisième partenaire commercial de la Corée, après le Japon et les Etats-Unis,
l'Union européenne enregistre avec ce pays un excédent commercial significatif
qui s'élevait, en 1996, à 12 milliards de dollars, plus de 1 milliard de francs
revenant à la France.
Membre de l'Organisation de coopération et de développement économiques,
l'OCDE, depuis décembre 1996, la Corée a exprimé le souhait de renforcer son
partenariat avec l'Europe, non seulement sur le plan économique, comme en
témoigne le développement des investissements coréens dans les pays de l'Union
européenne, mais aussi sur le plan politique.
Dotée du statut d'observateur à l'Office statistique des Communautés
européennes, l'OSCE, la Corée entretient également un dialogue avec l'Union
européenne sur la situation de la péninsule coréenne, dialogue qui a été
renforcé depuis la décision de l'Union européenne de rejoindre le conseil
exécutif de la KEDO, organisme chargé de fournir deux centrales nucléaires à la
Corée du Nord en échange de l'arrêt de son programme nucléaire militaire.
C'est pour tirer les conclusions de l'intensification des relations
euro-coréennes qui évoluaient, jusqu'à présent, sans cadre institutionnel
d'ensemble, que l'accord qui vous est soumis a été élaboré.
Quels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, le contenu de cet accord et ses
conséquences pour l'Union européenne, notamment pour la France ?
La coopération envisagée est fondée sur le respect des principes démocratiques
et des droits de l'homme. La France, qui est particulièrement attentive à
l'évolution du droit social en Corée, note avec satisfaction les orientations
que les autorités coréennes ont souhaité suivre dans ce domaine.
Prenant acte de la nécessité de procéder à des échanges de vues sur les grands
sujets de politique internationale et régionale, l'accord instaure un dialogue
politique régulier entre les deux parties, qui conviennent, par ailleurs,
d'établir une coopération en matière d'aide au développement, thème auquel la
France, qui oeuvre pour une plus grande synergie des initiatives prises dans ce
domaine à l'échelon international, est particulièrement attachée.
L'intérêt de l'accord réside également dans la diversité des domaines
couverts. Ainsi est-il prévu d'établir une coopération en matière de lutte
contre la drogue et de blanchiment de l'argent. L'accord envisage également le
développement de la coopération dans les domaines de la science et de la
technologie, ainsi que dans ceux de l'environnement et de l'énergie, dans le
but de participer conjointement à la diversification des sources d'énergie et
au développement de formes d'énergie nouvelles.
Le renforcement de la coopération en matière de culture, d'information et de
communication fait également partie du dispositif mis en place qui permettra
l'organisation de manifestations culturelles plus nombreuses et la promotion
des échanges universitaires.
Symbolisée par la présence du TGV, la technologie française est déjà bien
représentée en Corée, qui est, par ailleurs, le pays où le nombre d'élèves et
d'étudiants en français est le plus important en Asie.
Forte de cette influence, la France se félicite de pouvoir contribuer au
rapprochement euro-coréen dans des domaines aussi importants que la culture et
la technologie.
Le développement de la coopération dans le domaine économique et commercial
constitue l'un des piliers centraux de l'accord qui vous est soumis. La crise
financière que traverse actuellement la Corée confère à cet accord une
actualité particulière.
Grâce, au plan de redressement mis en oeuvre par le FMI auquel plusieurs pays
européens, dont la France, ont décidé de participer de manière significative,
la Corée devrait être en mesure de redresser son économie. Elle restera ainsi,
pour l'Union européenne, un partenaire économique et commercial d'avenir, avec
lequel il convient de poursuivre nos efforts pour développer les échanges et
améliorer les conditions d'accès au marché.
La Corée enregistre un déficit commercial important avec les pays de l'Union
européenne. L'accès des entreprises européennes au marché coréen est, en effet,
loin d'être satisfaisant.
Le déficit coréen provient essentiellement d'achats de biens d'équipement et
de composants destinés à la transformation pour la réexportation. En revanche,
les biens de consommation, qu'il s'agisse des article de luxe, des produits
agro-alimentaires ou des véhicules automobiles, pour ne citer que des secteurs
dans lesquels la France dispose d'un savoir-faire reconnu, se heurtent, sur le
marché coréen, à de nombreux obstacles tarifaires et non tarifaires.
La conclusion d'un accord-cadre de commerce et de coopération revêt, dans ce
contexte, une importance particulière. Tout en s'accordant mutuellement le
traitement de la nation la plus favorisée, l'Union européenne et la Corée
s'engagent, en effet, à améliorer les conditions d'accès au marché, en
particulier pour les produits industriels, agricoles et de la pêche et pour les
services tels que les télécommunications et les services financiers.
Des engagements sont également pris pour que la participation aux marchés
publics s'effectue sur la base de la réciprocité et de la non-discrimination. A
cela s'ajoutent des engagements spécifiques dans les secteurs du transport
maritime et de la construction navale.
Les parties s'engagent également - il s'agit d'un élément essentiel de
l'accord - à veiller au respect des droits de la propriété intellectuelle,
industrielle et commerciale. La Corée étant un centre important de contrefaçon,
la France sera particulièrement vigilante à la mise en oeuvre de ces
dispositions.
S'agissant de la facilitation des échanges, il convient également de souligner
les projets de coopération en matière de réglementation technique, de normes,
de vérification de conformité, ainsi que de promotion des échanges
d'informations relatives aux mesures commerciales, notamment dans le cadre des
procédures antidumping.
Enfin, une attention particulière devrait être accordée au développement de la
coopération sectorielle, notamment dans les secteurs de l'agriculture et de la
pêche, où l'objectif annoncé est d'engager des consultations sur
l'harmonisation des mesures sanitaires et phytosanitaires.
Conclu pour une période de cinq ans et tacitement reconductible année après
année au terme de ce délai, cet accord, qui prévoit la constitution d'une
commission mixte chargée de veiller à son application, permettra sans nul doute
de renforcer les positions de l'Union européenne en Corée, pour le plus grand
bénéfice de nos entreprises.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord-cadre
de commerce et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats
membres, d'une part, et la République de Corée, d'autre part, qui fait l'objet
du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Hubert Durand-Chastel,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, l'actualité internationale donne un relief particulier à
l'accord-cadre de coopération entre l'Union européenne et la Corée dont la
ratification est aujourd'hui soumise à notre approbation.
En effet, prise dans la tourmente financière qui a secoué les uns après les
autres les Etats du Sud-Est asiatique, la Corée s'est trouvée contrainte de
solliciter l'aide du Fonds monétaire international. En contrepartie du soutien
accordé par ce dernier, la Corée a dû accepter d'ouvrir aux investisseurs
étrangers non seulement son marché monétaire et son marché obligataire à court
terme, mais aussi le capital de ses entreprises. La crise aura ainsi sans doute
pour effet de faire évoluer une économie qui était restée jusqu'à présent
extrêmement fermée. C'est précisément un tel changement que recherche, sur un
mode concerté, l'accord-cadre de coopération.
En effet, même si les échanges commerciaux ont progressé entre l'Europe et la
Corée au cours des dernières années et se traduisent par un excédent pour les
pays européens, nos entreprises se heurtent encore à de nombreuses difficultés
pour vendre leurs produits dans ce pays.
Aux barrières tarifaires s'ajoutent des pratiques discriminatoires. Ces
entraves concernent d'ailleurs principalement les biens de consommation. Le cas
des automobiles me paraît, à cet égard, exemplaire.
Au premier semestre de 1997, les nouvelles immatriculations de voitures
particulières européennes en Corée ont baissé de 33 %. En 1996, les voitures
européennes représentaient à peine 0,5 % du marché coréen. A l'inverse, les
fabricants coréens ont pu accroître de 38 % leur part de marché sur le vieux
continent.
Ce déséquilibre résulte en partie de pratiques discriminatoires adoptées ou
encouragées par le gouvernement coréen. Ainsi, une campagne dite de « frugalité
», lancée en juillet 1996, vise à détourner les consommateurs des biens
importés présentés comme des articles étrangers à la tradition nationale
d'austérité. Dans cette perspective, certains réseaux de distribution et des
entreprises ont annoncé leur intention de ne plus acquérir de biens
importés.
Ces orientations ne paraissent guère conformes aux engagements souscrits par
la Corée dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce ou de
l'Organisation de coopération et de développement économiques. L'accord-cadre
avec l'Union européenne constitue un moyen de pression supplémentaire pour
obtenir de la Corée une plus grande ouverture de son marché.
Je retiendrai, en particulier, les cinq volets de l'accord qui me paraissent,
à cet égard, particulièrement importants.
Je citerai, d'une part, l'objectif qui consiste à éliminer les obstacles aux
échanges et à supprimer, en particulier, à terme, les barrières non tarifaires,
et, d'autre part, l'amélioration de l'accès au marché pour les services tels
que les services financiers et les télécommunications.
Par ailleurs, l'accord réaffirme la protection de la propriété intellectuelle,
industrielle et commerciale, ce qui n'est bien évidemment pas indifférent dans
un pays qui connaît un problème important de contrefaçons.
Enfin, l'accord-cadre comprend également deux dispositions d'ordre sectoriel
de portée non négligeable. En premier lieu, il engage les signataires à
favoriser l'accès au trafic maritime international dans des conditions de
concurrence loyale. En outre, il encourage les Européens et la Corée à coopérer
pour réduire le déséquilibre structurel entre l'offre et la demande sur le
marché mondial de la construction navale.
En conclusion, la Corée a témoigné de sa maturité politique en renforçant
l'Etat de droit et en organisant une vie politique pluraliste. Elle a su, par
ailleurs, se hisser en deux décennies au niveau des pays développés. L'adhésion
de Séoul à l'OCDE a d'ailleurs consacré ces progrès.
Toutefois, la mutation de l'économie coréenne n'est pas achevée. La crise
financière constitue, à cet égard, un révélateur, mais elle représente aussi
peut-être un accélérateur des évolutions en cours. Il faut rester confiant sur
l'avenir de la Corée et ce pays demeurera pour l'Union européenne un partenaire
privilégié en Asie.
L'accord-cadre apparaît donc comme un élément utile dans la relation entre les
deux partenaires, même si son intérêt s'apprécie différemment selon les
perspectives envisagées. A court et à moyen terme, il pose des principes
importants pour un développement plus harmonieux des relations commerciales
entre l'Union européenne et la Corée ; à plus long terme, il offre une
opportunité pour diversifier une coopération dans de nombreux domaines
demeurés, jusqu'à présent, en jachère.
C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées vous propose, mes chers collègues, d'adopter le présent projet de
loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
- Est autorisée la ratification de l'accord-cadre de
commerce et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres,
d'une part, et la République de Corée, d'autre part, signé à Luxembourg le 28
octobre 1996 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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