CONVENTION DOUANIÈRE AVEC CUBA
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 76, 1997-1998)
autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle
entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
République de Cuba pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes
douanières. [Rapport n° 146 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin,
secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'heure
de l'internationalisation des échanges et de la mondialisation de l'économie,
la grande fraude commerciale à l'échelle mondiale prend une ampleur sans
précédent. Son corollaire est, naturellement, un accroissement, voire une
sophistication, des infractions douanières.
La complexité des circuits économiques, dans laquelle la criminalité organisée
trouve de nouveaux terrains d'action, la favorise.
Dans cet environnement, le but des Etats a toujours été de se doter de moyens
juridiques et stratégiques visant à mieux appréhender les nouveaux types de
délinquance, dans un cadre multilatéral ou bilatéral.
Les conventions des Nations unies, sur les stupéfiants en 1961, sur les
substances psychotropes en 1971 et contre le trafic illicite de stupéfiants et
de substances psychotropes en 1988, y répondaient.
Au sein de l'Union européenne, pour parer aux effets néfastes de la mise en
place de l'union douanière et de politiques communes, les nouvelles formes de
fraude ayant de graves conséquences financières et économiques, un mécanisme de
coopération administrative a accompagné le mouvement de libéralisation des
échanges et la suppression des formalités douanières.
A l'échelon national, enfin, la France s'est engagée très tôt sur la voie de
la coopération internationale. Les dispositions pertinentes du code des douanes
dans le domaine de la coopération internationale - article 65, paragraphe 6 -
n'offrent effectivement qu'une faible base juridique, notamment en ce qui
concerne la protection de la confidentialité des renseignements et informations
échangés entre administrations. Dès 1936, elle signait avec les Etats-Unis son
premier accord bilatéral de ce type. Au total, dix-neuf conventions sont en
vigueur et une dizaine sont en négociation ou en cours d'approbation.
Les trois conventions signées avec Cuba, la Pologne et l'Ukraine qui vous sont
proposées prévoient spécifiquement la communication spontanée de renseignements
concernant les opérations illicites, la transmission sur demande de documents
qui les corroborent, le recours à des enquêtes permettant l'audition de
personnes suspectes ou de témoins, la possibilité d'utiliser, à titre de
preuves, les documents et informations recueillis dans le cadre de la
convention, ainsi que la possibilité, pour les agents des douanes, de
comparaître en tant que témoins ou experts devant les tribunaux de l'Etat
contractant et requérant. L'assistance organisée ne pourra cependant porter
atteinte à l'ordre public, à un secret industriel, commercial ou
professionnel.
L'assistance administrative dans la lutte contre la fraude est déterminante.
L'échange de renseignements est l'un des instruments privilégiés. La
coopération internationale est, en effet, indispensable pour lutter
efficacement contre la mondialisation de la fraude liée à celle de
l'économie.
En 1996, l'assistance administrative a constitué un peu plus de 8 % des
sources des enquêtes diligentées par les services douaniers. Ce pourcentage
atteint près de 12 % si l'on inclut les enquêtes mises en oeuvre sur
information de l'Unité de coordination de la lutte anti-fraude.
Près de 14 % des enquêtes menées sur la base d'une information communiquée
dans le cadre de l'assistance administrative ont eu des résultats positifs. A
ces 14 %, il convient d'ajouter toutes les enquêtes ayant une autre source,
mais pour lesquelles l'assistance administrative aura été utile, sinon
déterminante.
Au total, ces conventions devraient permettre à la fois d'assurer une
meilleure perception des droits et taxes, de protéger la sécurité et la santé
des citoyens français, d'assurer une protection plus efficace des entreprises
contre les menaces d'irrégularités liées aux échanges internationaux - la
concurrence déloyale ou les contrefaçons - et de protéger notre patrimoine
culturel.
Elles sont, à ce titre, un élément important de nos relations bilatérales.
Cuba, de par sa situation géographique entre une aire de production de drogue
- l'Amérique latine pour la cocaïne, les Caraïbes pour le cannabis - et une
aire de consommation - les Etats-Unis - constitue naturellement un Etat de
transit dans le trafic de stupéfiants susceptibles d'affecter nos départements
de la zone.
De la même façon, les saisies réalisées tant à La Havane que dans les
principaux aéroports européens, notamment Madrid, Barcelone, Rome et Francfort,
et portant, en 1996, sur plus de 200 kilogrammes de cocaïne, prouvent
l'existence d'un itinéraire Colombie-Cuba-Europe. Dans l'une des affaires - 36
kilogrammes de cocaïne saisis -, les auteurs du trafic ont été trouvés en
possession de billets à destination de Paris.
Sur un plan général, la France est le sixième partenaire commercial de l'île.
Aussi le texte signé à La Havane le 8 novembre 1996 est-il important.
Telles sont les principales dispositions de la convention d'assistance
administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République de Cuba pour la prévention, la recherche et la
poursuite des fraudes douanières, signée à La Havane le 8 novembre 1996, qui
fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Alloncle,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, le Sénat est invité à adopter un projet de loi portant
approbation d'une convention d'assistance administrative mutuelle, signée le 8
novembre 1996 à La Havane entre la France et Cuba.
La France a déjà signé trente et un accords de ce type, et dix-neuf sont déjà
entrés en vigueur.
Le présent texte entend instituer un cadre de coopération entre les
administrations douanières des deux pays, qui a notamment pour objet
d'améliorer la lutte contre le trafic de stupéfiants. En effet, Cuba, du fait
de sa situation géographique entre une zone de production de drogue -
l'Amérique latine et les Caraïbes - et une zone de consommation - les
Etats-Unis - constitue naturellement un Etat de transit dans le trafic de
stupéfiants.
La France n'est pas épargnée par ce trafic, comme certaines affaires l'ont
montré.
C'est dire l'intérêt des mécanismes d'assistance et d'information réciproques
qui ont été mis en place entre les deux services douaniers et dont vous avez
rappelé l'économie générale, monsieur le secrétaire d'Etat.
Cet accord est conclu avec un pays dont le régime quelque peu anachronique
témoigne d'une étonnante capacité de résistance. La France entretient à l'égard
de Cuba un dialogue critique tendant à encourager une transition pacifique vers
plus de démocratie. A chaque occasion, la France attire l'attention des
autorités cubaines sur la situation préoccupante des libertés individuelles et
s'efforce, par des interventions discrètes mais efficaces, de favoriser la
solution des situations particulières.
Cela ne nous empêche pas de réaffirmer régulièrement, en particulier dans le
cadre de l'assemblée générale des Nations unies, notre position à l'égard de
l'embargo décidé par les Etats-Unis contre Cuba en 1960, embargo qui contribue,
selon nous, plus à désespérer la population cubaine qu'à permettre toute
véritable évolution politique pourtant hautement souhaitable.
Sur le plan commercial, Cuba a été, en 1996, notre quatre-vingt-dix-neuvième
fournisseur et notre quatre-vingtième client. Notre pays est aujourd'hui le
sixième partenaire commercial de Cuba, avec une part de marché qui s'élève à 7
%. Deux secteurs constituent l'essentiel de nos échanges avec l'île : les
produits des industries agro-alimentaires et les produits agricoles.
Mes chers collègues, à l'heure de la mondialisation des flux commerciaux et
financiers, les méthodes de travail des douanes françaises et européennes
doivent s'adapter continuellement à des méthodes de fraudes toujours plus
sophistiquées. Cette convention bilatérale devrait permettre de compléter
l'arsenal déjà existant. C'est la raison pour laquelle je vous invite à adopter
le texte qui nous est soumis.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, monsieur le sécrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
membres de la commission des affaires étrangères voudront bien excuser un
membre de la commission des lois d'intervenir à propos d'une convention. Chacun
comprendra que je souhaite prendre la parole lorsque j'aurai rappelé que je
préside actuellement le groupe d'amitié France-Caraïbes du Sénat et que,
auparavant, j'étais président du groupe France-Cuba. Par conséquent, je connais
bien ce pays et ce peuple, qui est particulièrement sympathique et proche de
nous.
Cela me conduit à demander que les conventions qui peuvent être signées par la
France avec Cuba soient ratifiées plus rapidement. Je rappelle en effet que
Cuba est maltraité, comme les autres pays d'ailleurs, par les Etats-Unis et par
la loi Helms-Burton. Le peuple cubain est soumis à un embargo qui est devenu
tout à fait ridicule à une époque où l'URSS n'existe plus, où Cuba ne saurait
évidemment représenter le moindre danger pour les Etats-Unis, et où, plus
encore, ces derniers déroulent le tapis rouge devant le Chef de l'Etat chinois
auquel ils pourraient, me semble-t-il, adresser au moins autant de reproches
qu'au régime de Cuba.
Cela étant dit, nous attendons une autre convention et la ratification d'une
autre.
Tout d'abord, une convention d'entraide judiciaire serait absolument
indispensable, en particulier pour nos propres ressortissants. Ainsi, par
exemple, un jeune homme ayant eu, pendant les vacances, un accident mortel avec
une voiture de location a été retenu à Cuba à la charge de notre ambassade à
défaut de cette convention de coopération judiciaire. Je me permets par
conséquent d'insister auprès de vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que
cette convention soit prochainement signée, Cuba ne demandant pas mieux.
Par ailleurs, une convention sur l'encouragement et la protection réciproques
des investissements a été signée le 25 avril 1997. M. le rapporteur vient de
dire que la France est le sixième partenaire commercial de Cuba. Or le
tourisme, qui se développe actuellement beaucoup, permettrait un net
accroissement des investissements français si cette convention était ratifiée
rapidement.
J'espère donc qu'il n'en ira pas de cette convention comme de celle dont nous
discutons aujourd'hui, et qu'il ne faudra pas attendre un an pour qu'elle soit
soumise à la ratification du Parlement.
Voilà ce que, avec beaucoup d'insistance, je voulais vous demander, monsieur
le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Josselin,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, j'ai été très attentif à
votre plaidoyer en faveur de Cuba, dont nous suivons avec beaucoup d'attention
l'évolution non seulement politique, mais aussi économique et sociale.
La réflexion sur les futurs accords de Lomé sont une raison supplémentaire
d'examiner cette situation, Cuba faisant évidemment partie de la zone Caraïbes
dans laquelle la France est également présente.
J'ai entendu l'espoir qui est le vôtre qu'une convention d'entraide judiciaire
puisse être rapidement signée et ratifiée. J'en ferai part à mon collègue M.
Hubert Védrine, qui ne manquera pas d'examiner cette question avec Mme
Elisabeth Guigou.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Merci, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de la convention
d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République de Cuba pour la prévention, la
recherche et la poursuite des fraudes douanières, signée à La Havane le 8
novembre 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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