M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de la jeunesse et des sports.
Une fois de plus - une fois de trop ! - une vie d'adolescent a été fauchée, victime de la délinquance et de la violence. Cela est d'autant plus insoutenable que la victime comme les meurtriers appartiennent au même monde, celui de la jeunesse. Le drame est double : un jeune est mort et c'est un autre jeune qui l'a tué.
Il serait injuste d'identifier la jeunesse à la violence. Cela étant, la montée de ce phénomène chez les jeunes inquiète. Elle interpelle !
Mais comment également ne pas s'interroger sur les raisons de cette perte des valeurs les plus essentielles, de cette incivilité poussée parfois à l'extrême, jusqu'à la négation de l'être humain ?
Souvent, à l'origine de la violence se trouve la souffrance sociale. Accablé de chômage, de pauvreté, d'injustices, de difficultés, d'angoisses, le jeune en attente d'âge d'homme peut se prendre à douter de tout, à douter de soi.
Quand la famille, l'école, le travail perdent leur rôle de socialisation, il ne reste que la rue, où ne règne que le rapport de force, sans repères, sans interdits.
Comment ne pas voir dans ce rejet de l'autre le reflet, la conséquence de sa propre exclusion ?
Comment ne pas voir dans la négation de la dignité d'autrui une vengeance à sa propre dignité bafouée ?
Cela n'excuse pas l'inexcusable, mais cela doit nous aider à comprendre pour agir. La violence prend naissance à la racine de la société.
Les jeunes, quand on les interroge, parlent souvent de la société comme d'un monde sans pitié. Comment créer un monde humain qui respecte le genre humain ? La question nous est posée à tous.
Des premières mesures immédiates ont été prises par le Gouvernement. Il fallait le faire ; la police et la justice doivent pouvoir faire leur travail.
Mais le plus dur reste à accomplir : donner une autre place et un autre rôle à la jeunesse dans notre société ; offrir un nouvel horizon aux jeunes, autre que les murs du quartier, de la cité, autre que le chômage, que le mépris et la peur de l'avenir ; créer les conditions d'une nouvelle citoyenneté, faite de droits et de devoirs, bien évidemment, mais aussi de dignité, de respect pour soi-même et pour les autres.
La tâche n'est pas simple, les recettes toutes faites n'existent pas. Mais des notes d'espoir existent. Je les vois dans ces réactions, toutes générations confondues, après le drame de Vénissieux. Je les ai vues, dimanche soir, sur France 3, dans le beau film de Bernard et Nils Tavernier, qui montrait bien que c'est dur, mais qu'on peut en sortir.
Vous avez déclaré lors de votre nomination, madame la ministre, que vous seriez tout autant la ministre de la jeunesse que la ministre des sports.
J'aimerais que vous nous fassiez part de vos réflexions sur ce sujet, mais aussi de vos intentions et de celles du Gouvernement. Quel message envoyez-vous à la jeunesse ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de souligner d'emblée que, si les jeunes sont responsables d'actes de violence, ils sont, dans leur majorité, les premières victimes de cette violence.
Dans toutes les rencontres locales avec la jeunesse auxquelles j'ai participé - je le dis avec une certaine émotion - c'est cette angoisse devant l'insécurité de la vie en général - demain pourra-t-on se former, pourra-t-on trouver un emploi ? - et surtout cette angoisse devant la violence à l'école, au lycée, dans le quartier, qui revenait dans la bouche de la plupart des jeunes, notamment des lycéens.
Vous le savez, le Gouvernement, prenant à bras-le-corps ce problème dramatique, a engagé plusieurs plans qui se traduisent par des mesures concrètes. Je n'en retiendrai que deux : le plan mis en oeuvre sur l'initiative du ministre de l'éducation nationale et auquel se sont joints le ministre de l'intérieur, la ministre de la justice, le ministre de la défense et la ministre de la jeunesse et des sports ; plus récemment, le plan, engagé par le ministre des transports, de lutte contre la violence qui, dans les cités, prend pour cible les transports urbains.
Mais allons un peu plus loin.
Dans leur grande masse, les jeunes sont prêts à s'investir pour agir eux-mêmes contre ces violences. A cet égard, quelles sont leurs propositions ?
Ils veulent, tout d'abord, qu'on les aide à créer des associations, à accéder à des espaces où ils puissent se rassembler, construire des projets, avoir des contacts avec les autres générations. Le mouvement associatif en charge des jeunes est en plein renouveau. Les jeunes demandent au Gouvernement qu'il libère la route pour leur permettre d'agrandir les associations et de créer des liens nouveaux dans les quartiers.
En deuxième lieu, ils disent avoir des droits mais aussi des devoirs, et ils veulent en discuter avec les adultes. Lors de la rencontre nationale de Marly, ils ont discuté, par exemple, avec M. Claude Allègre des règlements intérieurs. Le règlement intérieur doit-il être une chose imposée, à laquelle on leur demande de souscrire quarante-huit heures après leur arrivée au collège ou au lycée, ou peut-il être une charte de vie dont on peut discuter pendant une semaine avec les adultes, les enseignants, le personnel ? Dans cette seconde hypothèse, ils se disent prêts à s'investir et à respecter une telle charte.
Une autre proposition, également adoptée lors de la rencontre nationale, serait qu'une fois par semaine on consacre, dans chaque classe, une heure à discuter avec des adultes, le professeur principal ou un spécialiste des problèmes qui les préoccupent, au premier rang desquels ils placent la violence, mais aussi la santé, la sexualité ou le sida.
Voilà qui témoigne encore de leur désir de s'investir dans la lutte contre la violence !
Bien évidemment, le fond de cette violence - même si cela ne l'excuse pas, cela peut l'expliquer - c'est, vous l'avez dit, la profonde crise sociale et morale que connaissent nombre de familles dans certains quartiers.
Le message que nous devons envoyer à ces jeunes, c'est un message d'espoir, mais un espoir qui se traduise dans des actes. C'est le cas des emplois-jeunes.
Au début des rencontres pour la jeunesse, au mois de juin, aucun jeune ne me posait des questions sur l'emploi parce qu'ils n'avaient même pas l'espoir qu'une ministre soit capable de leur répondre sur une telle question, tellement ils avaient été déçus par les précédents gouvernements !
A partir du moment où nous avons mis en oeuvre les emplois-jeunes, les questions sur l'emploi, puis sur la formation et sur le logement sont réapparues et, finalement, les jeunes nous ont dit qu'ils avaient envie de nous faire confiance, que si, réellement, ces rencontres étaient suivies d'actes, ils retrouveraient leur envie de s'en mêler, de faire preuve d'une certaine citoyenneté.
En conclusion, je dirai que l'un des messages les plus applaudis lors de la rencontre nationale de Marly-le-Roy a été le message, délivré notamment par le Premier ministre, sur la citoyenneté, le retour à l'instruction civique, les droits des jeunes et leur prise de responsabilités dans la vie publique et dans la vie associative. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
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