M. le président. La parole est à M. Demilly, auteur de la question n° 149, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Fernand Demilly. Monsieur le ministre, dans une déclaration conjointe, le Président de la République, M. Jacques Chirac, le Premier ministre, M. Lionel Jospin, le Chancelier allemand, M. Helmut Kohl, et le Premier ministre britannique, M. Tony Blair, ont souhaité, début décembre, une réorganisation urgente des industries aérospatiales, tant civiles que militaires, pour aboutir à une intégration européenne fondée sur un partenariat équilibré.
Dans ce contexte, quel est, monsieur le ministre, l'avenir du futur avion de transport de troupes, l'ATF ? La supériorité de l'ATF a été clairement démontrée. Six pays européens se sont engagés dès le mois de juin à lancer un appel d'offres auprès des industriels. Cependant, sans un engagement fort de la France dans les prochains mois, avec une commande globale possible d'une cinquantaine d'appareils, ce programme ATF serait fortement compromis. C'est ce que prétend le rapport remis en juin dernier à M. le Premier ministre par M. Pierre Lelong, président de chambre à la Cour des comptes.
Dans ces conditions, quelles sont, monsieur le ministre, les intentions de votre ministère ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir mentionné la déclaration intergouvernementale du 9 décembre dernier à laquelle nous attachons beaucoup d'importance. Nous souhaitons qu'elle soit véritablement pour les prochaines années un choix d'orientation de restructuration de nos industries de défense.
J'observe que nos amis américains importent moins de 1 % de leurs acquisitions militaires chaque année. L'objectif n'est pas forcément que l'Europe atteigne à un tel niveau d'autosuffisance, mais il est clair que, si nous ne prenons pas des mesures structurelles hardies, compte tenu de la puissance acquise par les industries américaines qui sont assurées d'un marché intérieur extrêmement puissant, le niveau de capacité industrielle et technologique lié à la défense de l'ensemble de l'Europe risque d'être atteint.
S'agissant des avions de transport, le renouvellement de notre propre flotte d'appareils de la force aérienne de projection, visera à remplacer, à partir de 2005, les avions dont nous disposons aujourd'hui, pour l'essentiel des Transall et des C 130, qui nous donnent entière satisfaction, et qui permettent aux unités françaises de s'installer dans des terrains difficiles de façon très efficace.
Le rassemblement des programmes est facilité par le fait que nos principaux partenaires européens ont également des impératifs de renouvellement de leur flotte de transport à peu près à la même période, c'est-à-dire entre 2003 et 2004, au plus tôt, et 2010.
Parmi les solutions envisagées figure le développement d'un nouvel avion en coopération avec les partenaires de l'aéronautique européenne, appelé ATF par nous et FLA par nos partenaires anglophones.
La loi de programmation militaire, qui a été votée par le Parlement en juin 1996, ne prévoit malheureusement pas de financement pour développer cet avion, ce qui veut dire que même son développement devrait être financé après 2002 ; cela nous pose un problème difficile.
La France est intéressée par la construction d'un modèle européen. Elle a donc proposé à ses partenaires européens une nouvelle approche de financement et de conduite de ce programme inspirée de celle qui s'applique aux avions civils.
Dans cette perspective, M. Lelong, ancien président de la deuxième chambre de la Cour des comptes, a remis à M. le Premier ministre, le 13 juin dernier, un rapport préliminaire dans lequel il propose des méthodes de financement compatibles avec l'approche commerciale envisagée pour ce programme ; huit Etats acheteurs sont disposés à s'engager. Les propositions de M. Lelong sont actuellement examinées par mes services.
En outre, la France, avec ses partenaires européens, étudie deux autres solutions.
La première consiste à acheter des avions américains C 130 et C 17 qui sont déjà développés, ce qui peut, après une négociation intense, aboutir à une certaine économie, surtout si l'Europe démontre sa capacité à développer un modèle alternatif.
L'autre solution consisterait à associer la filiale militaire commune d'Airbus - Airbus Military Company - aux industries russes et ukrainiennes qui ont développé un appareil maintenant prêt à passer en fabrication et présentant des performances très intéressantes, l'Antonov 70, en soulignant que si les industriels européens ne proposent pas un partenariat aux industriels russes ou ukrainiens, il est vraisemblable qu'un jour ou l'autre ce sont les industriels américains qui le feront.
Les études préliminaires au lancement du contrat de réalisation, envisagé à l'horizon de l'année 1999, porteront donc sur trois solutions : l'achat d'avion C 130 ou C 17, d'ailleurs, pour les plus gros besoins de transport, le développement de l'ATF et la coopération avec la Russie et l'Ukraine.
Pour permettre, en tout cas, de financer les études préparatoires au projet européen ATF et disposer des éléments d'appréciation techniques et financiers nécessaires à la préparation du contrat de réalisation, j'ai prévu, dans le budget de 1998 du ministère de la défense, dont pourtant vous connaissez les limites, le financement de 50 % des travaux de ce que l'on appelle le « prélancement de l'ATF ».
Ainsi, 64 millions de francs figurent dans les crédits d'études amont du ministère pour 1998. Je n'ai pas souhaité les individualiser, parce qu'au fond il y aura une ligne ATF dans le budget du ministère de la défense lorsque le choix de développer l'ATF aura été décidé. Les crédits d'études préalables, qui sont partagés à 50 % avec Airbus, ont été prévus et seront versés au cours de l'année 1998.
M. Fernand Demilly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demilly.
M. Fernand Demilly. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Ce projet d'avion européen de transport militaire du futur offre, vous le savez, une opportunité exceptionnelle pour l'avenir de notre industrie aéronautique.
Tout est prêt à Toulouse pour lancer ce programme européen, qui va concerner 35 000 emplois, dont 8 000 en France, et ce pendant plusieurs années. Ce programme est qualifié d'essentiel et de vital pour l'industrie aéronautique, y compris les sous-traitants et les fournisseurs, et a des retombées économiques dans presque tous nos départements. En Picardie, ce projet concerne 1 400 salariés.
Tout est prêt mais manque la décision politique. Or la France est concernée par l'ATF qui s'inscrit effectivement, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, dans l'effort d'amélioration des capacités de projection de nos forces.
« Nous avons tous besoin de cet avion de transport », avez-vous dit, monsieur le ministre, début octobre 1997, et vous avez ajouté : « Il y a un accord complet entre un grand nombre de pays européens sur les spécifications et les objectifs opérationnels de cet avion. »
Je souhaite avec vous, monsieur le ministre, que le projet d'ATF européen, en panne depuis un an, soit, après le prélancement que vous avez annoncé, vivement relancé.
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