M. le président. La parole est à M. Pastor, auteur de la question n° 152, adressée à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question concerne la législation relative aux prélèvements d'organes et, plus particulièrement, aux prélèvements post mortem.
Je rappelle que la loi du 22 décembre 1976, dite « loi Caillavet », a défini les modalités du principe du consentement résumé, qui, depuis, prévaut dans notre pays. Cela signifie que toute personne qui, de son vivant, n'a pas fait connaître son opposition au prélèvement d'organes est considérée comme un donneur potentiel. De ce fait, le prélèvement peut être effectué sans qu'on ait à recueillir l'autorisation de quiconque, sauf s'il s'agit du cadavre d'un mineur ou d'un incapable ; dans ce cas très précis, l'autorisation du représentant légal est requise.
Notre système diffère de celui dit du « consentement explicite », qui s'applique notamment en Grande-Bretagne et selon lequel toute personne doit, de son vivant, exprimer son accord concernant des prélèvements.
Sans remettre en cause le principe qui prévaut en France, les lois sur la bioéthique, qui ont été adoptées en 1994 et sont intervenues dans un contexte de pénurie croissante de greffons, due pour une grande part à l'opposition des familles, ont, en conséquence, prévu la création d'un registre national informatisé des refus.
Ce n'est qu'au début de novembre 1997 que l'Etablissement français des greffes a lancé une campagne d'information sur la mise en place de ce registre.
Toutefois, on peut légitimement se poser la question de l'utilité d'un tel registre. En effet, si le nom du défunt ne figure pas dans le registre, l'équipe médicale pourra continuer, comme par le passé, à demander l'accord de la famille et devra respecter sa décision. Je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous précisiez votre position sur ce sujet.
Par ailleurs, considérant, d'une part, la pénurie de greffons et le nombre croissant de receveurs en attente, et, d'autre part, les difficultés psychologiques que connaissent les familles confrontées à l'urgence des décisions à prendre, le lancement d'une vaste campagne d'information et de sensibilisation sur la législation en vigueur me paraît actuellement plus que souhaitable.
Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous faire connaître vos intentions à cet égard ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner combien cette question est délicate.
Ainsi que vous l'avez rappelé, la loi de bioéthique du 29 juillet 1994 a adopté le principe du consentement présumé. Ainsi, toute personne est considérée comme consentant au don d'éléments de son corps après sa mort, en vue de greffe, si elle n'a pas manifesté son opposiiton de son vivant. La loi donne donc le droit de décider personnellement en la matière, sauf en ce qui concerne les mineurs et les majeurs protégés, pour lesquels le consentement écrit de chacun des titulaires de l'autorité parentale ou du représentant légal est requis.
En conséquence, si une personne veut, de son vivant, s'opposer à un tel prélèvement, elle peut le manifester de trois manières : soit par inscription sur le registre national des refus, dont la création est prévue par cette même loi et qui devrait être mis en oeuvre en juin 1998 - une campagne sera lancée auparavant - par l'Etablissement français des greffes ; soit par volonté exprimée par écrit, sur papier libre, sur une carte ou tout autre support ; soit par information orale donnée à sa famille, et l'on perçoit immédiatement les problèmes que cela soulève.
La loi prévoit cependant également que le médecin est tenu de s'efforcer de recueillir le témoignage - et non la décision - de la famille. Mais vous savez dans quelles conditions la famille est généralement amenée à répondre : à l'hôpital, souvent après un accident, alors qu'elle est sous le choc et au comble du chagrin.
Monsieur le sénateur, vous avez également évoqué la pénurie de greffons et il est vrai qu'environ 350 personnes décèdent chaque année en France en attente d'une greffe.
Toutefois, il convient de souligner que, depuis deux ans, la liste d'attente ne s'accroît pas ; nous avons même le sentiment que, petit à petit, elle a tendance à s'amenuiser. Bref, la situation est en train de changer.
A titre d'information, je vous signale que, en 1996, il a été procédé à environ 3 000 transplantations : 408 ont concerné le coeur, 22 le coeur et les poumons, 81 les poumons seuls, 646 le foie, 1 644 les reins et 55 le pancréas. En 1997, on a enregistré environ 40 transplantations supplémentaires.
Si l'on veut bien se souvenir des événements dramatiques qui, en 1992, ont conduit à une chute inquiétante des dons d'organe, on conviendra que cet acte fondamentalement noble du don d'organe doit reposer sur la confiance : confiance de l'ensemble des Français vis-à-vis de nos équipes médicales et de notre système de greffe, qui est excellent.
C'est parce qu'on n'avait pas pris le temps d'écouter une famille - je fais allusion à l'affaire Damien - que l'émotion avait saisi notre pays. A l'époque, j'étais ministre de la santé et je me suis souvent posé la question de savoir si j'avais eu raison ou non de recommander dans la loi de bioéthique, qui était alors en discussion, une révision de notre dispositif d'information et de consentement.
Plusieurs faits militaient en faveur d'une révision.
Tout d'abord, dans d'autres pays, le système de l'inscription sur un registre, soit pour accepter, soit pour refuser le prélèvement, était bien enraciné et fonctionnait parfaitement.
Par ailleurs, le nombre de patients en attente de greffe augmentait sensiblement ; s'agissant de la greffe de cornée, la chute des dons était spectaculaire.
A cela s'ajoutait l'absence de contrôle de sécurité sanitaire. Alors même que certains virus nous causaient les plus graves préoccupations, dans la pratique, des prélèvements étaient réalisés sans qu'on ait procédé à d'élémentaires contrôles virologiques.
Par-dessus tout, l'affaire Damien avait soulevé une profonde émotion dans notre pays : la famille avait protesté contre un prélèvement excessif et, de manière tout à fait scandaleuse, elle s'était vu adresser la facture du prélèvement !
Dans un domaine aussi sensible, la plus grande attention est requise. C'est pourquoi la mise en place du registre national des refus me paraît extrêmement importante. Ce registre permettra à ceux qui le souhaitent - une petite fraction de la population - d'exprimer clairement son opposition, ce qui est tout à fait respectable. Ainsi, tout sera parfaitement clair. En outre, l'installation du registre va fournir l'occasion d'apporter à chacun une information en dehors de tout contexte dramatique.
Voilà pourquoi je pense qu'il faut maintenir le registre national des refus.
Je vous rappelle que, avant l'été, dans toutes les pharmacies, sera présenté un document très précis et très clair sur les dons et les greffes d'organes. Des informations complémentaires pourront être recueillies auprès du pharmacien.
Dans chaque pharmacie française, des fiches seront mises à disposition. Celles qui auront été remplies seront centralisées à l'Etablissement français des greffes, et, grâce à une transmission électronique, les hôpitaux pourront savoir si telle ou telle personne est inscrite sur le registre, dans le respect, bien sûr, de la confidentialité.
L'Etablissement français des greffes a développé un plan triennal d'éducation sanitaire. La campagne a débuté en 1996 par les établissements de santé publics et privés avec une information ciblée sur les professionnels hospitaliers que nous avons voulu viser en premier. Cette campagne s'est poursuivie en 1997 dans le secteur des professionnels de la santé libérale. En 1998 enfin, une grande action nationale destinée au grand public est prévue. Trois cas de refus seront possibles : le refus du don, le refus des prélèvements scientifiques et le refus des autopsies. Il n'y aura envoi d'une fiche à l'Etablissement français des greffes qu'en cas de refus.
L'attention du secrétaire d'Etat à la santé avait également été attirée sur la diminution du nombre des autopsies, et sur la position très particulière qu'avait prise le professeur Claude Got. Nous en avons donc tenu compte. Le Conseil d'Etat avait d'ailleurs demandé que ces trois cas de refus, don, prélèvement scientifique et autopsie, soient explicitement précisés.
Votre légitime préoccupation, monsieur Pastor, est donc aussi celle du Gouvernement, qui soutient financièrement la campagne d'information. Je prendrai d'ailleurs la parole sur ce sujet lors du lancement de cette campagne dans le public.
Enfin, et l'essentiel est peut-être là, si la campagne se révèle insuffisante et que le fichier des refus ne fonctionne pas de manière satisfaisante, il nous sera possible d'en tenir largement compte lors de la révision de la loi sur la bioéthique que nous allons entreprendre en 1999 et à laquelle, bien entendu, la représentation nationale sera associée.
M. Jean-Marc Pastor. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens à vous remercier de vos propos, car ils apportent une réponse rassurante à cette délicate question.
La campagne d'information, qui ne fait que commencer, revêt une importance toute particulière, notamment à l'école où j'espère que, comme la campagne d'information sur le sida, elle sensibilisera les enfants et les convaincra de la nécessité de cet acte de solidarité qu'est le don d'organes. Ce pourrait être le début d'un vaste mouvement humanitaire.
Reste pour les équipes médicales - qui interviennent, vous l'avez rappelé à juste titre, à des moments particulièrement critiques et très sensibles pour les familles - la difficulté de faire ou non le choix de prélever un organe.
Certes, le registre de l'Etablissement français des greffes devrait les aider mais sa consultation sera-t-elle suffisamment rapide ?
Je me demande s'il ne faudrait pas que chacun de nous porte, par exemple sur sa carte d'identité, un signe distinctif afin de permettre aux équipes médicales d'intervenir immédiatement, sans faire de recherches.

REGIME DE LA TAXE D'HABITATION APPLICABLE
AUX RESIDENTS DES FOYERS DE TRAVAILLEURS