(précédemment réservé)
M. le président.
Nous en revenons à l'article 8, qui avait été précédemment réservé.
J'en donne lecture :
« Art. 8. _ Dans la même ordonnance, il est rétabli un article 18
bis
ainsi rédigé :
«
Art. 18
bis
. _ L'étranger, qui, après avoir résidé en France
sous couvert d'une carte de résident, a établi ou établit sa résidence
habituelle hors de France et qui est titulaire d'une pension contributive de
vieillesse, de droit propre ou de droit dérivé, liquidée au titre d'un régime
de base français de sécurité sociale, bénéficie, à sa demande, d'une carte de
séjour portant la mention : "retraité". Cette carte lui permet
d'entrer à tout moment sur le territoire français pour y effectuer des séjours
n'excédant pas un an. Elle est valable dix ans et est renouvelée de plein
droit. Elle n'ouvre pas droit à l'exercice d'une activité professionnelle.
« Le conjoint du titulaire d'une carte de séjour "retraité", ayant
résidé régulièrement en France avec lui, bénéficie d'un titre de séjour
conférant les mêmes droits. »
Par amendement n° 70, MM. Dreyfus-Schmidt, Allouche, Authié, Badinter,
Biarnès, Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Chervy, Dussaut, Mme Pourtaud, MM.
Quilliot, Sérusclat et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent
de rédiger comme suit le premier alinéa et le début du deuxième alinéa de cette
article :
« Dans la même ordonnance, il est inséré un article 18
ter
ainsi rédigé
:
« Art. 18
ter
. - ... »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il s'agit d'un amendement de pure forme.
Il n'est pas trop tard pour le rappeler : lorsque nous avons discuté du
rétablissement, sous un autre nom et sous une autre forme, de la commission qui
deviendrait la commission du titre de séjour, nous avons fait remarquer que
l'article relatif à la commission de séjour dans l'ordonnance portait le numéro
18
bis.
Alors, franchement, cette ordonnance est déjà suffisamment difficile à lire
pour que n'y soit pas changé maintenant le numéro de l'article relatif à cette
commission qui doit donner son avis sur les titres de séjour, leur retrait,
leur renouvellement ou leur octroi.
C'est la raison pour laquelle nous vous demandons d'adopter cet amendement,
qui tend à baptiser 18
ter
l'article 18
bis,
de manière à laisser
libre ce dernier numéro pour l'article traitant de la commission du titre de
séjour.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à
cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 70, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 46, M. Vasselle. au nom de la commission des affaires
sociales, propose dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté
par l'article 8 pour rétablir l'article 18
bis
de l'ordonnance n°
45-2658 du 2 novembre 1945, après les mots : « liquidée au titre d'un régime de
base français de sécurité sociale », d'insérer les mots : « et rémunérant une
durée d'assurance égale ou supérieure à quinze ans ».
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Vasselle,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Si vous me
le permettez, monsieur le président, je commencerai par exposer la logique de
l'ensemble du dispositif prévu par la commission des affaires sociales,
dispositif qui s'articule autour des articles 8, 34
bis
et 34
ter.
Cela me permettra d'être plus bref sur les articles suivants.
L'article 8 du projet de loi prévoit la création d'une carte de séjour portant
la mention « retraité », qui serait délivrée aux étrangers titulaires d'une
pension contributive de vieillesse et ayant séjourné en France sous couvert
d'une carte de résident. Cette nouvelle carte permettrait à leurs titulaires,
ainsi qu'à leur conjoint, de résider à l'étranger et d'entrer librement sur le
territoire français afin d'y séjourner temporairement.
Le principe de l'institution d'une carte de séjour « retraité » semble
acceptable, puisque celle-ci vise, selon le Gouvernement, à faciliter le retour
définitif des retraités étrangers dans leur pays d'origine.
Toutefois, pour la commission des affaires sociales, il convient d'encadrer
plus strictement les modalités d'accès à cette carte et de simplifier le
dispositif de droit aux prestations d'assurance maladie qui l'accompagne.
On remarquera tout d'abord qu'il suffit seulement d'un trimestre validé pour
ouvrir des droits à la retraite et que 200 heures de travail rémunérées au
SMIC, soit environ un mois de travail, valident un trimestre.
Dans la rédaction actuelle de l'article 8, tout étranger ayant travaillé 200
heures en France au cours de sa vie et titulaire d'une carte de résident pourra
donc bénéficier de la carte de séjour « retraité ». Cela ne semble guère
contraignant et, pour la commission des affaires sociales, il paraît nécessaire
de prévoir une durée minimale de cotisation afin de limiter les risques
d'abus.
La commission des affaires sociales vous propose donc de limiter l'accès à
cette carte de séjour « retraité » aux personnes qui auraient cotisé au moins
pendant quinze années. Cette disposition ne gênerait en rien les étrangers
installés depuis longtemps sur notre sol, n'aurait pas d'incidence sur la
grande majorité des personnes concernées par cette future carte qui remplissent
cette condition de quinze années de cotisations d'assurance et éviterait les
risques d'abus caractérisés.
En outre, l'introduction d'une telle condition permettrait de résoudre le
problème de la couverture maladie dont bénéficieront les titulaires de la carte
de séjour « retraité ».
En effet, du point de vue de l'accès au droit aux prestations sociales, cette
nouvelle carte pose un problème inédit, car elle autorise le séjour sur le
territoire français du bénéficiaire, tout en prévoyant explicitement sa
résidence à l'étranger. Or l'article L. 311-7 du code de la sécurité sociale
subordonne, pour les personnes de nationalité étrangère, le bénéfice des
prestations sociales à la résidence en France. Il apparaît donc, en l'état
actuel du droit, que les titulaires de la carte « retraité » ne pourraient
bénéficier des prestations sociales lors de leurs séjours temporaires en
France.
C'est consciente de cette difficulté que l'Assemblée nationale a introduit un
dispositif d'accès aux prestations en nature de l'assurance maladie qui est
complexe, je dois le dire, ambigu et qui risque d'être source de nombreux
contentieux.
Elle a entendu réserver l'accès de ces prestations aux retraités ayant cotisé
au moins quinze années et dont l'état de santé vient à nécessiter des soins
immédiats. Elle a par conséquent créé deux catégories de bénéficiaires de la
carte de séjour « retraité » : ceux qui auraient droit aux prestations
d'assurance maladie et qui, dès lors, seraient redevables d'une cotisation
maladie, et ceux qui n'y auraient pas droit et qui se trouveraient exclus de
toute couverture maladie lors de leurs séjours, qui peuvent pourtant durer
jusqu'à un an.
En pratique, ce dispositif semble difficilement applicable. A l'occasion des
auditions auxquelles nous avons procédé, les responsables des différentes
caisses de sécurité sociale, qui devront appliquer ces dispositions
législatives, ont exprimé bien des interrogations.
Il n'a pas paru aux membres de la commission des affaires sociales raisonnable
et responsable d'autoriser, en vertu d'un titre de séjour, des séjours répétés
en France de personnes étrangères sans prévoir de manière concomitante leur
couverture par l'assurance maladie. Lorsqu'elles séjourneront en France, ces
personnes, si elles sont démunies, auront de toute façon la possibilité de se
faire soigner et la collectivité devra en tout état de cause, par le biais de
l'aide médicale ou des créances hospitalières, en supporter le coût.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales vous propose un
dispositif simplifié, clarifié et plus strictement encadré.
A l'article 8, nous proposons que l'accès à la carte de séjour « retraité » ne
se fasse plus qu'au bout de quinze années de cotisations, ce qui éviterait les
risques d'abus auxquels j'ai fait référence précédemment.
Parallèlement, dans la mesure où l'on ouvre ce droit aux seules personnes
totalisant quinze années de cotisations, les titulaires de cette carte
pourraient bénéficier de plein droit - c'est l'article 34
bis
- des
prestations d'assurance maladie, et ce sans aucune limitation, contrairement au
texte de l'Assemblée nationale qui prévoyait la référence à la nécessité de
soins immédiats.
La cotisation d'assurance maladie instaurée par l'Assemblée nationale serait
supprimée, dans la mesure où elle existe déjà.
A l'article 8, la commission des affaires sociales vous propose donc de
limiter l'accès à la carte de séjour « retraité » aux titulaires d'une pension
contributive de vieillesse rémunérant une durée d'assurance égale ou supérieure
à quinze ans.
Telle est l'économie du dispositif adopté par la commission des affaires
sociales sur l'article 8 dont découleront toutes les propositions que nous
ferons dans quelques instants sur les articles 34
bis
et 34
ter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson,
rapporteur.
La commission est très favorable à cet amendement, qui
présente l'avantage de préciser la notion de carte de séjour « retraité ».
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je constate
que vous êtes tous d'accord sur le principe de cette carte « retraité », mais
vos craintes me semblent vaines.
En effet, l'attribution de cette carte de séjour « retraité » est réservée à
des personnes ayant cotisé pendant quinze ans et qui sont donc forcément
titulaires d'une carte de résident de dix ans renouvelable de plein droit.
J'ajoute que les personnes se trouvant sur le territoire national peuvent en
tout état de cause, quelle que soit la durée pendant laquelle elles ont cotisé,
voir leurs frais de santé couverts par l'assurance maladie.
Je ne vois donc pas du tout quelles économies vous réaliseriez avec votre
disposition. Le dispositif prévu par le projet gouvernemental me semble assez
simple : je suis donc contre l'amendement.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Nous abordons un domaine différent
de celui que nous avons traité jusqu'à présent.
Je dois reconnaître qu'avec bonne foi et une certaine humilité vous nous avez
dit, lors de débats précédents, monsieur le ministre, que ce secteur n'était
pas à proprement parler de votre compétence et relevait de celle de Mme
Aubry.
Je sais bien que celle-ci est retenue par des tâches éminentes à l'Assemblée
nationale, mais enfin, je tiens à signaler au Sénat que nous ignorons
totalement le coût du dispositif qu'il nous est proposé d'adopter. En effet, il
aura un coût. Peut-être, le supporterons-nous allègrement, mais enfin ce coût
sera bien réel !
Je vous ai dit combien nous avons apprécié le comportement de votre collègue
Mme le garde des sceaux, qui, à plusieurs reprises, nous a dit que, chaque fois
qu'elle nous proposerait une réforme, elle en préciserait le coût, coût
approximatif bien sûr.
Par conséquent, monsieur le ministre, si nous faisions preuve de mauvaise
volonté, nous serions fondés à interrompre le débat et à attendre que Mme Aubry
veuille bien nous dire - je ne dirai pas ce que vous n'êtes pas capable de nous
dire, cela serait désagréable - mais ce que vous n'êtes pas en état de nous
dire.
Mme Joëlle Dusseau.
Quand même !
M. le président.
Vous n'avez pas la parole, madame Dusseau !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Comment, quand même ? C'est tout à
fait exact : M. le ministre nous a dit, en commission, qu'il n'était pas en
état de nous dire ce que coûterait cette réforme.
(Mme Dusseau
proteste.)
Madame Dusseau, vous êtes tout à fait en droit d'estimer que vous êtes capable
d'apprécier ce coût, que celui-ci n'a aucune importance, que, après tout, le
coeur léger, nous pouvons accentuer encore les déficits de la sécurité sociale.
Tel n'est pas notre sentiment. C'est tout.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur Larché, bien que n'étant pas un homme
universel, je puis vous éclairer.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Ah !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je me suis renseigné, et il apparaît clairement
que le titre de retraité fera plutôt faire des économies à la sécurité sociale,
et ce pour une raison simple.
En effet, les vieux travailleurs prenant leur retraite au pays ne pèseront sur
les comptes de la sécurité sociale que lorsqu'ils reviendront en France, que
lorsque, le cas échéant, se trouvant atteints de maladie grave, ils jugeront
préférable de se faire soigner en France plutôt que dans leur pays d'origine.
Ils se seraient de toute façon fait soigner en France s'ils n'avaient pas eu le
titre de retraité, donc ils auraient pesé, en tout état de cause, sur les
comptes de la sécurité sociale.
On peut considérer que, pour des maladies relativement banales ou pour des
maladies graves qui peuvent être soignées dans leur pays, ils ne feront pas
forcément le voyage vers la France.
M. Guy Allouche.
Et en tant que retraités, ils cotisent toujours.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Au demeurant, ce décompte a quelque chose de
mesquin. Considérons plutôt le bénéfice global de la création de cette carte de
retraité, qui, loin d'alourdir les charges de la sécurité sociale, permettra à
des personnes ayant travaillé en France, de prendre leur retraite dans leur
pays d'origine, comme c'est bien naturel, à l'instar des Français, qui, par
exemple, ont travaillé à Paris, et qui, natifs de Perpignan ou de
Pointe-à-Pitre, préfèrent prendre leur retraite dans leur département
d'origine. Il s'agit là d'une disposition tout simplement humaine.
M. Guy Allouche.
Bien sûr !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Nous nous sommes fondés sur le principe
d'égalité des droits sociaux entre Français et étrangers en situation
régulière, ce qui est le cas de ceux qui ont droit à une pension après avoir
cotisé quinze ans.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Vasselle,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Vasselle,
rapporteur pour avis.
Monsieur le ministre, en réponse à votre
intervention, permettez-moi de formuler quatre observations.
Première observation : nous ne disposons pas d'éléments chiffrés précis sur
les incidences financières de l'ensemble du dispositif.
Les propos de M. le président de la commission des lois ne visaient pas d'une
manière spécifique l'assurance maladie. De ce point de vue, je vous en donne
acte, ce n'est pas sur la branche maladie que les incidences financières du
dispositif seront les plus importantes, loin s'en faut ! C'est plutôt ce qui
résultera de l'article 36, dont nous parlerons dans un instant.
Deuxième observation : nous ne contestons pas l'opportunité de cette carte de
séjour « retraité ».
M. Guy Allouche.
Très bien !
M. Alain Vasselle,
rapporteur pour avis.
Mais il me semble que le ministère des affaires
sociales ne vous a pas suffisamment bien informé sur le contenu du texte et ses
conséquences, d'où mes deux dernières remarques.
Le projet de loi initial ne prévoyait pas de condition de durée de cotisation.
C'est l'Assemblée nationale qui a introduit l'article 34
bis
tendant à
ouvrir les droits aux prestations en nature de l'assurance maladie pour les
titulaires de la carte de séjour « retraité » ayant cotisé au moins quinze ans.
En effet, la législation actuelle ne permettait aux étrangers de bénéficier de
ce droit que s'ils étaient résidents sur le territoire national. Un étranger
non résident ne pouvait donc pas bénéficier de la couverture maladie.
Dernière remarque : en introduisant cette disposition, - je l'ai dit tout à
l'heure - l'Assemblée nationale crée deux catégories de titulaires de la carte
de retraité : ceux qui justifieront de quinze années de cotisations et qui
bénéficieront de la couverture d'assurance maladie et ceux qui ne justifieront
pas de quinze années de cotisations et ne pourront donc pas bénéficier de la
couverture maladie.
La commission des affaires sociales a pensé, pour clarifier les choses, que
c'était non pas à l'article 34
bis
qu'il fallait faire figurer les
modifications adoptées par l'Assemblée nationale et qui faisaient référence à
ces quinze années de cotisation mais à l'article 8, qui vise l'attribution de
la carte de séjour « retraité ».
Monsieur le ministre, si tous les éléments nécessaires vous avaient été
communiqués par le ministère des affaires sociales ou si Mme Aubry avait pu
être présente, peut-être aurions-nous pu avoir un échange profitable sur ce
point. Mais je comprends que vous n'ayez pas une connaissance approfondie de
dispositions qui ne sont pas du ressort direct de votre ministère.
Comme le suggérait M. le président de la commission des lois, faut-il différer
l'examen de ces articles pour les aborder avec Mme Aubry ou acceptez-vous de
vous en remettre à l'avis technique de la commission des affaires sociales,
qui, avec pertinence, formule des propositions ? Je ne doute pas que la
majorité de la Haute Assemblée suivra ces propositions techniques, cohérentes,
qui ont l'avantage de sauvegarder à la fois les intérêts des étrangers et ceux
de notre pays.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 46.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guigua.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Lors de la séance de travail commune à l'Assemblée nationale et au Sénat,
j'avais attiré l'attention sur le problème dont nous débattons.
Représentant les Français de l'étranger, les migrants, j'ai pu constater
qu'ils rencontrent de sérieuses difficultés en matière de couverture sociale.
Or les étrangers qui ont vécu en France sont dans la même situation. Ils paient
des cotisations d'assurance maladie qui n'ouvrent pas droit à prestations s'ils
ont le malheur de rentrer dans leur pays ; ce n'est pas normal.
Certains d'entre nous, Français de l'étranger, connaissons un peu une
situation semblable lorsque l'on nous prélève la CSG alors que nous ne
bénéficions pas de l'assurance maladie française.
Je considère comme une bonne chose que soit corrigée par ce texte l'injustice
commise envers des personnes qui ont travaillé en France, qui ont cotisé à
l'assurance maladie, qui continuent à cotiser sur leur pension de vieillesse et
qui, si elles veulent bénéficier des prestations, sont contraintes de rester en
France et ne peuvent pas rentrer dans leur pays d'origine.
Cependant, je déplore le champ réduit de la disposition en pensant notamment
aux femmes. En effet, quand on soumet le bénéfice de la mesure au paiement de
cotisations pendant quinze ans, on pense toujours aux hommes. La plupart des
femmes, parce qu'elles ont des emplois précaires, parce qu'elles travaillent de
façon discontinue, ne remplissent pas cette condition. Je le sais pour les
Français de l'étranger ; le problème est le même pour les étrangers en France.
Par ailleurs, il se pose avec encore plus d'acuité dans les milieux
défavorisés.
Au demeurant, je ne pense pas que cette mesure pèse lourdement sur les comptes
de la sécurité sociale. Comme l'a très bien dit M. le ministre de l'intérieur,
ces personnes se feront soigner dans leur pays, sans être remboursées dans bien
des cas ; elles ne rentreront en France que pour des maladies graves.
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Le projet de loi introduit dans le domaine qui nous préoccupe actuellement
deux éléments nouveaux.
D'abord, il supprime la condition de résidence pour l'accès au droit à la
retraite.
Avant, il y avait obligation de résider en France pour présenter une première
demande de retraite. Ainsi, les préretraités qui étaient retournés dans leur
pays d'origine devaient revenir en France pour faire instruire leur dossier.
Dorénavant, ce ne sera plus nécessaire.
La deuxième avancée de cette loi, c'est la mise en place d'une carte de séjour
« retraité », qui ouvre à son détenteur la possibilité de revenir en France
s'il le désire pour un an au plus.
Se pose la question de l'accès aux soins éventuels lors du retour en France
quand aucune convention ne lie le pays d'origine et la France.
Le projet de loi initial prévoyait que, lorsque l'étranger était en France, il
pouvait être soigné uniquement en cas de pathologies graves.
Sentant bien qu'il y avait là un problème de fond, et compte tenu du fait
qu'en général ledit étranger payait des cotisations sociales sur ses pensions
de retraite, l'Assemblée nationale a distingué deux cas de figure.
Le premier est celui des étrangers ayant cotisé plus de quinze ans. Dans ce
cas, les intéressés peuvent bénéficier de soins si leur état de santé vient à
nécessiter des soins immédiats. Autrement dit, dans l'état actuel du texte,
l'étranger titulaire d'une carte de résident « retraité », lors d'un séjour
temporaire en France, alors qu'il se rend chez ses enfants ou des amis, ne
pourra pas prétendre au remboursement d'une simple consultation médicale par
exemple.
Le deuxième cas de figure est évidemment celui des personnes qui n'ont pas
cotisé pendant quinze ans.
La commission des affaires sociales propose, elle, premièrement, d'exiger
quinze ans de cotisations pour l'obtention de la carte « retraité » mais,
deuxièmement, allant plus loin que le Gouvernement et l'Assemblée nationale, de
prévoir la prise en charge de tous les soins prodigués aux titulaires de cette
carte, même en l'absence de pathologie grave et même s'il ne s'agit pas de
soins d'urgence.
(M. le rapporteur pour avis fait un signe d'assentiment.)
J'approuve l'extension de la prise en charge de tous les soins, quels
qu'ils soient, au bénéfice de la personne étrangère qui a été titulaire d'une
carte de résident et qui revient pour plusieurs mois en France.
En revanche, je suis réservée quant à l'exigence des quinze années de
cotisations, ce qui m'amènera à m'abstenir sur l'amendement n° 46.
Je sais bien, monsieur Vasselle, que vous avez repris à cet égard une
disposition de l'Assemblée nationale, qui, confrontée à un problème qu'elle ne
savait pas résoudre, a distingué, d'une manière qui ne se justifie pas
réellement, les deux cas de figure que j'ai évoqués.
Je n'ignore pas non plus que nous sommes tenus par une législation qui conduit
à considérer aujourd'hui comme retraité pratiquement quiconque a derrière lui
une activité professionnelle, quelle que soit la durée d'exercice de cette
activité : vous avez raison, monsieur Vasselle, même si l'on a travaillé 200
heures au cours de toute sa vie, on peut être considéré comme retraité.
Il reste que la barre des quinze ans me paraît trop élevée, et je fais miennes
les très pertinentes remarques de Mme Cerisier-ben Guiga à ce sujet. Cela
étant, je crois qu'il est effectivement nécessaire de prévoir une durée
minimale de cotisations pour obtenir la carte de séjour « retraité » et
bénéficier d'une prise en charge de l'ensemble des soins.
Voilà pourquoi je m'abstiendrai sur l'amendement n° 46.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 11, M. Masson, au nom de la commission des lois, propose, à
la fin de la deuxième phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article
8 pour rétablir l'article 18
bis
de l'ordonnance n° 45-2658 du 2
novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en
France, de remplacer les mots : « pour y effectuer des séjours n'excédant pas
un an » par les mots : « pour y séjourner temporairement ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur.
Le problème est ici beaucoup plus simple que celui qui vient
d'être soulevé.
Bien sûr, monsieur le ministre, la commission est pour la carte de séjour «
retraité ». Nous apportons au dispositif une modeste contribution en suggérant
au Sénat de revenir à la rédaction initialement proposée par le
Gouvernement.
L'Assemblée nationale a en effet précisé que le retraité peut entrer en France
à tout moment « pour y effectuer des séjours n'excédant pas un an », alors que
le projet initial avait prévu : « pour y séjourner temporairement », sans fixer
de limite.
Il nous paraît plus efficace de revenir à cette dernière rédaction. Un an nous
semble constituer une durée excessive pour un séjour qualifié de « temporaire
».
Vous pourrez éventuellement, monsieur le ministre, fixer par voie
réglementaire la durée de séjour, étant entendu que celle-ci devra être
raisonnable, c'est-à-dire sensiblement inférieure à un an.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement s'est rallié à l'amendement
présenté à l'Assemblée nationale pour la simple raison qu'il apportait une
précision utile, permettant d'éviter des séjours quasi permanents. La limite
d'un an nous a paru raisonnable.
Je prends dans ma hotte, en quelque sorte, les enrichissements successifs que
la discussion parlementaire permet d'obtenir. C'est ainsi que je m'apprête à y
placer l'amendement que va défendre le groupe communiste républicain et citoyen
et qui demande au Gouvernement de présenter un rapport chaque année sur les
orientations de la politique de coopération. Cela dit, je ne veux pas non plus
charger trop ma hotte !
(Sourires.)
M. Paul Masson,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur.
Monsieur le ministre, je regrette une fois de plus que vous
renonciez à la prérogative gouvernementale de traiter certains points par la
voie réglementaire, vous réfugiant dans la loi pour figer des textes qui, en
définitive, doivent respirer.
Laissez donc les expériences vivre et sachez vous réserver la possibilité
d'intervenir sur la manière dont elles sont menées. Ne déléguez pas totalement
ce rôle au Parlement : il n'est pas fait pour cela !
M. Christian Bonnet.
Exactement !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Le Parlement est fait pour légiférer sur les points majeurs
et non pour, passez-moi l'expression, pinailler dans les coins !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous ne l'avez pas dit aux gouvernements précédents !
M. Christian Bonnet.
Oh si !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article 34 bis