DROIT APPLICABLE OUTRE-MER
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 196, 1997-1998),
adopté par l'Assemblée nationale, portant habilitation du Gouvernement à
prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à
l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer. [Rapport n°
264 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de présenter à la
Haute Assemblée un projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre
par ordonnances les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à
l'adaptation du droit applicable outre-mer.
Je veux remercier tous les sénateurs qui ont participé à la préparation de ce
texte, M. Jean-Marie Girault, en particulier, car je connais son intérêt pour
l'outre-mer, et qui s'est livré à un examen juridique attentif dont son rapport
en témoigne.
Comme son titre l'indique, ce projet de loi présente une grande diversité.
Pourtant, son unité est bien réelle. Il s'agit en effet de poursuivre la
modernisation du droit qui est en vigueur outre-mer et de garantir le respect
de l'identité propre à chacune de ces collectivités.
Afin d'atteindre cet objectif, le Gouvernement propose une nouvelle méthode de
travail. Elle consiste, après avoir organisé une consultation des collectivités
concernées, à demander au Parlement l'autorisation de légiférer par ordonnances
dans dix-sept matières, et à bref délai.
Le recours à une loi d'habilitation en application de l'article 38 de la
Constitution n'est pas nouveau pour l'outre-mer. Depuis 1976, huit lois
d'habilitation ont été votées pour moderniser le droit des territoires
d'outre-mer ainsi que des collectivités territoriales de Mayotte et de
Saint-Pierre-et-Miquelon.
Je vous propose aujourd'hui d'y recourir à nouveau pour l'ensemble des
départements et des territoires d'outre-mer et pour une grande variété de
sujets.
Je vous le propose dans le strict respect des prérogatives du Parlement. En
effet, je le rappelle, le Conseil constitutionnel a encadré la pratique de
l'habilitation en définissant des obligations. J'ai veillé à ce que ces
obligations soient respectées. Je me suis même attaché à ce que nous allions
au-delà.
Le Gouvernement doit d'abord indiquer avec précision au Parlement la finalité
des mesures qu'il envisage de prendre.
Le Conseil constitutionnel accepte de trouver ces précisions dans les termes
de la loi, éclairés par les travaux préparatoires, notamment par les
déclarations du Gouvernement.
En l'espèce, le Gouvernement indique dans l'exposé des motifs les dispositions
qu'il entend prendre. Ce document, révélateur de l'intention du Gouvernement,
constitue en quelque sorte un engagement qui a pour résultat de préciser
considérablement le domaine de l'habilitation.
Même si le Conseil constitutionnel a rappelé que le « Gouvernement n'est pas
tenu de faire connaître la teneur des ordonnances qu'il prendra en vertu de
cette habilitation », je tiens à préciser que, s'agissant de ce projet de loi,
un certain nombre d'avant-projets d'ordonnances sont d'ores et déjà prêts. Ces
documents de travail ont été transmis pour information aux assemblées locales.
Ils sont à votre disposition. La transparence est donc complète, et la
concertation que nous avons engagée devrait permettre d'aménager ou d'améliorer
le texte si nécessaire.
Ces avant-projets d'ordonnance ne sont, en l'état, que des documents de
travail. Leur exacte rédaction est suspendue à l'habilitation qui sera
donnée.
J'ajoute qu'un grand nombre de dispositions concernées par l'habilitation sont
connues, puisqu'il s'agit d'étendre à l'outre-mer, en les adaptant, des
dispositions législatives déjà en vigueur en métropole.
Il s'agit en particulier de dispositions de droit civil, de droit commercial,
de droit financier, de droit douanier, de droit électoral et de droit pénal. Je
vous propose d'étendre aux territoires d'outre-mer et aux collectivités
territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon des dispositions qui
sont déjà en application en métropole et dans les départements d'outre-mer.
Le délai de l'habilitation constitue une autre garantie essentielle des
prérogatives du Parlement. La brièveté de ce délai traduit, en l'espèce, un
évident respect de ces prérogatives.
Ce délai est fixé au 15 septembre 1998, ce qui est bref compte tenu du nombre
des textes qui devront être pris.
Le domaine dans lequel les ordonnances interviendront est celui de la loi. Il
n'est donc pas possible d'intervenir dans le domaine organique et, par
conséquent, de toucher aux statuts des territoires, dont l'article 74 de la
Constitution dispose qu'ils sont fixés par la loi organique et modifiée dans la
même forme.
C'est la raison pour laquelle il apparaît inutile de préciser dans la loi que
les mesures législatives concernant les territoires d'outre-mer interviendront
dans le respect des compétences statutaires des territoires. Cela va de soi
!
J'indique, de la même manière, que l'habilitation demandée n'a pas pour objet
de modifier la répartition des compétences à Saint-Pierre-et-Miquelon entre la
collectivité territoriale, les deux communes et l'Etat.
En tout état de cause, votre assemblée sera appelée à examiner la conformité
des ordonnances aux principes que je viens de rappeler lors de l'examen des
lois de ratification.
En effet - c'est le dernier point que je tiens à souligner d'une manière
générale - chacune des ordonnances fera l'objet d'un projet de ratification
permettant au Parlement de retrouver la plénitude de ses compétences.
Au-delà du respect des prérogatives du Parlement, je souhaite que la méthode
qui vous est proposée vous paraisse plus pratique et plus simple.
En effet, la technique de la loi portant diverses dispositions relatives à
l'outre-mer vous aurait obligé à examiner et à apprécier en une seule fois un
texte « fourre-tout » comportant de multiples dispositions sur des questions
très éparses. Parfois, il s'agit même d'un inventaire de sujets quelque peu
hétéroclites sur le plan juridique.
Les ordonnances sont un moyen plus simple de légiférer, à travers une loi
d'habilitation. Les différentes ordonnances seront promulguées en trois ou
quatre séries suivant leurs thèmes et elles seront soumises à ratification de
manière échelonnée. Mais, là encore, nous allons nous heurter à des problèmes
de calendrier parlementaire.
Après la méthode, j'en viens au texte lui-même. L'article 1er du projet de loi
précise les matières pour lesquelles il est demandé une habilitation.
Dix-sept rubriques sont classées par matière. Nous nous inscrivons dans la
logique de l'inventaire. Cette énumération est conforme aux exigences posées
par la Constitution en matière d'habilitation.
Tout l'outre-mer est concerné. Cependant, l'habilitation ne concernera les
départements d'outre-mer que pour sept des dix-sept rubriques, et pour des
dispositions très précises.
Sur le fond et au-delà de la modernisation du droit civil, du droit pénal, du
droit des douanes et du droit électoral, le Gouvernement s'est fixé trois
objectifs.
En premier lieu, le Gouvernement souhaite mettre l'accent sur le développement
économique de l'outre-mer. Sont ainsi notamment concernés par la loi
d'habilitation le droit commercial et les activités financières.
Il est également prévu d'étendre en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie
française le régime de l'épargne-logement et les dispositions qui régissent les
rapports entre propriétaires et locataires.
Le prêt à taux zéro et une réglementation de l'urbanisme commercial seront mis
en place à Mayotte.
En Guyane, le Gouvernement proposait, dans son projet initial, de clarifier la
situation des agriculteurs installés sur des terres domaniales pour permettre
la poursuite des investissements que ces agriculteurs font sur leurs
exploitations. Monsieur Othily, nous avons eu l'occasion d'en parler à
plusieurs reprises et je précise que le territoire de la Guyane est à plus de
90 % du domaine de l'Etat.
A la suite du vote d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale, le champ
de l'habilitation a été élargi aux personnes physiques qui en font la
demande.
Lors de ma dernière visite avec le Président de la République en Guyane, cette
question, lancinante depuis plus d'une vingtaine d'années, a été à nouveau
abordée. Nous devons en effet réfléchir à la manière de permettre
l'installation sur les terres de nos compatriotes guyanais, qu'ils soient ou
non agriculteurs. De ce point de vue, il est bien évident que les discussions
avec le ministère des finances promettent d'être serrées !... Mais, avec le
soutien des deux assemblées, nous pourrons avancer dans le règlement de ce
dossier.
En deuxième lieu, le Gouvernement porte son attention sur le domaine social.
Son action est concentrée sur la modernisation du droit du travail et sur les
domaines de la santé publique et de la protection sociale.
Il est donc proposé de prendre diverses dispositions relatives à la
tarification des produits sanguins dans les départements d'outre-mer, au prix
des médicaments dans ces départements et à Saint-Pierre-et-Miquelon, à la
révision des accords de coordination des régimes métropolitains et
néo-calédoniens de sécurité sociale, à l'affiliation des non-salariés résidant
à Saint-Pierre-et-Miquelon à un régime de retraite complémentaire et, à la
suite d'un amendement parlementaire, au remboursement des médicaments
indispensables en matière de prophylaxie et de thérapeutique contre le
paludisme.
En troisième lieu, le Gouvernement entend saisir l'occasion que lui offre ce
projet de loi pour proposer au Parlement des textes spécifiques à certains
territoires afin de garantir le respect de leur identité.
En Guyane, vous le savez, des problèmes se posent en matière d'état civil pour
des personnes - on les appelle parfois les « Français sans papiers » ; elles
sont au moins 6 000 - qui appartiennent à des populations d'origine
amérindienne ou noire marron et qui n'ont pas été déclarées à l'état civil dans
les délais, très courts, applicables sur le territoire métropolitain, ce qui
compromet leur assimilation à la communauté nationale.
Il est souhaitable de prévoir des dispositions législatives propres à la
Guyane en vue de doter ces populations d'un état civil. Il est donc envisagé
d'allonger le délai de droit commun de déclaration des enfants. En principe, ce
délai est de trois jours, mais il convient de le prolonger pour prendre en
compte l'isolement de certaines populations qui ne peuvent pas se rendre auprès
d'un officier d'état civil dans ce délai.
L'Assemblée nationale a souhaité que le champ de l'habilitation soit précisé
quant aux catégories de personnes qui seront concernées par cette disposition.
Cette précision est conforme au projet du Gouvernement de trouver une solution
pour résoudre le problème des « Français sans papier » du fleuve.
Mme le garde des sceaux m'a assuré à ce sujet que les moyens adéquats seraient
mis en oeuvre dans les meilleurs délais afin de régulariser les situations. Il
est pas possible, dans le cadre législatif, de procéder à une régularisation
automatique, mais les mesures qui permettent, avec l'appui du tribunal de
Cayenne, de procéder sur place aux vérifications et aux délivrances de
documents d'état civil, devraient contribuer à mettre fin à cette situation
insoutenable dans l'année.
En Nouvelle-Calédonie, la loi du 29 juillet 1994 relative au don et à
l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale
à la procréation et au diagnostic prénatal sera étendue après avoir été très
largement adaptée compte tenu des compétences du territoire en ce domaine.
L'extension de cette loi est le préalable à l'autorisation, sur le territoire,
des greffes de cornée et des prélèvements de reins.
A Mayotte, il est proposé de clarifier la situation des Mahorais qui ont omis
de souscrire la déclaration recognitive de nationalité française au moment de
l'indépendance des Comores. En effet, à Mayotte, de nombreux problèmes
d'identité se posent faute d'état civil fiable. Par conséquent, nous prenons
ainsi en compte les souhaits qui ont été émis par les parlementaires de
Mayotte.
En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, le Gouvernement envisage
d'instituer deux universités qui succéderont à l'Université française du
Pacifique, favorisant l'épanouissement des cultures océaniennes ainsi, me
semble-t-il, que le rayonnement de ces universités sur le Pacifique Sud.
L'Assemblée nationale a ajouté une habilitation relative à l'adhésion à
l'assemblée permanente des chambres d'agriculture des territoires
d'outre-mer.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales mesures que le
Gouvernement entend prendre par voie d'ordonnances.
Je précise, en outre, que le dernier alinéa de l'article 1er institue une
nouvelle procédure de consultation des assemblées des collectivités
d'outre-mer.
Si la consultation de ces assemblées pour le projet de loi d'habilitation
s'impose au regard des textes constitutionnels ou statutaires, ou encore du
décret de 1960 pour les départements d'outre-mer, il n'y a pas de texte
prévoyant une procédure de consultation préalable et obligatoire des projets
d'ordonnance qui sont pris en application d'une loi d'habilitation.
Les textes précités ne prévoient une telle procédure que pour les lois, voire
pour les décrets, et non pour les ordonnances.
Le Gouvernement a néanmoins souhaité prévoir la consultation des assemblées
élues de toutes les collectivités territoriales ultramarines sur les projets
d'ordonnances en tant qu'ils les concernent. La consultation sur les
ordonnances a, en effet, plus de portée, vous en conviendrez, que la
consultation sur la loi d'habilitation, qui porte simplement sur des intitulés
de chapitres.
Tel est donc l'objet du dernier alinéa de l'article 1er du projet de loi, qui
permettra à toutes les assemblées élues de l'outre-mer de se prononcer sur
chaque ordonnance.
Le projet de loi assortit la procédure de consultation d'un délai d'une durée
raisonnable. Il s'agit en effet de ne pas prévoir un délai trop long, qui
retarderait la prise des ordonnances, ni un délai trop court, qui priverait les
assemblées territoriales de la possibilité d'examiner sérieusement les
textes.
L'article 2 a pour objet de fixer le délai de l'habilitation, qui, je le
rappelle, sera court compte tenu du nombre d'ordonnances et de la date de dépôt
des projets de loi de ratification.
L'article 3 a pour objet de proroger de quinze mois la période transitoire qui
avait été prévue pour mettre en place les organes de fonctionnement de
l'Université française du Pacifique. Cela relevait des dispositions de la loi
du 5 juillet 1996 portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer.
Cette seconde période transitoire permettra au Gouvernement de régler, selon
des modalités différentes de celles qui sont prévues par la loi, la situation
de l'enseignement supérieur dans les territoires d'outre-mer. Je vous ai
indiqué l'esprit dans lequel nous agirons en vous parlant des deux nouvelles
universités, l'une en Nouvelle-Calédonie et l'autre en Polynésie française, qui
permettront de prendre en compte les réalités du développement de
l'enseignement supérieur dans les départements d'outre-mer.
L'Assemblée nationale a ajouté un article 4, qui a pour objet de valider les
concessions d'endigage sur le domaine public maritime sis dans les limites du
port autonome de Nouméa. Cet article résulte d'un amendement déposé par M.
Pierre Frogier, pour lequel je m'en suis remis à la sagesse de l'Assemblée
nationale, sachant que le Gouvernement - je l'avais indiqué à cette occasion -
recherchait aussi des modes de règlement par la voie administrative pour
régulariser la situation.
Tel sont donc l'esprit et la teneur de ce projet de loi d'habilitation que
j'ai l'honneur de vous proposer et des ordonnances qui en découlent.
Il s'agit, par une méthode nouvelle, de moderniser et d'adapter le droit de
l'outre mer. C'est un effort indispensable pour le développement économique et
social, dans le respect de l'identité de chacune des collectivités d'une part,
du pouvoir du Parlement et des assemblées élues d'autre part.
Je vous remercie de vouloir bien adopter ce projet de loi qui a été soumis en
première lecture à l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - M. Loueckhote applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, de règlement et d'administration générale. Adopté par
l'Assemblée nationale en première lecture le 18 décembre 1997, le projet de loi
d'habilitation aujourd'hui soumis à notre examen est destiné à permettre au
Gouvernement de prendre par ordonnances un vaste ensemble de mesures
législatives concernant des domaines juridiques très divers, mesures «
nécessaires », selon l'intitulé du projet de loi, « à l'actualisation et à
l'adaptation du droit applicable outre-mer ».
Les mesures envisagées concerneront aussi bien les départements
d'outre-mer que les territoires d'outre-mer et les deux collectivités
territoriales à statut particulier de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon,
qui obéissent à des régimes juridiques distincts.
Je rappelle brièvement que les départements d'outre-mer et la collectivité
territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon sont soumis au principe dit de «
l'assimilation législative » : les lois métropolitaines s'y appliquent de plein
droit, l'article 73 de la Constitution prévoyant seulement que « le régime
législatif et l'organisation administrative des départements d'outre-mer
peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par leur situation
particulière ». On le verra tout à l'heure à propos d'un amendement qui a été
déposé par notre collègue M. Reux concernant Saint-Pierre-et-Miquelon.
Il est un autre régime auquel sont soumis les territoires d'outre-mer et
Mayotte, c'est celui de la spécialité législative.
L'article 74 de la Constitution dispose en effet que « les territoires
d'outre-mer de la République ont une organisation particulière tenant compte de
leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République ».
Ainsi, à l'exception des lois dites « de souveraineté », selon l'expression
consacrée par la doctrine, l'applicabilité des textes législatifs est
subordonnée, pour les territoires d'outre-mer, à l'adoption d'une disposition
expresse d'extension. Depuis l'arrêt du Conseil d'Etat du 9 février 1990 «
Elections municipales de Lifou », cette exigence vaut également pour toute
disposition modifiant une loi en vigueur dans un territoire d'outre-mer.
En outre, les dispositions législatives qui doivent faire l'objet d'une
extension expresse nécessitent en principe une consultation préalable des
assemblées territoriales intéressées, sauf lorsque la disposition concernée «
n'introduit, ne modifie ou ne supprime aucune disposition spécifique » à ces
territoires « touchant à » leur « organisation particulière ». Je cite en
l'occurrence le texte d'une décision du Conseil constitutionnel en date du 7
juillet 1994.
Je me permets un instant de liberté, monsieur le secrétaire d'Etat, pour dire
un mot de ces terres Australes et Antarctiques françaises, qui nous sont chères
et qui ne comportent pas d'habitants.
S'agissant des procédures de consultation, s'il n'y a pas d'habitants...
(Sourires.)
La terre ou la glace parlent-elles ? La commission
souhaitait vous interroger - c'est une façon de parler ! - sur la définition
qu'il convient de donner de la catégorie juridique des territoires d'outre-mer.
Il faudra peut-être y songer. L'observation m'en a été faite par certains
membres de la commission des lois, et elle est fondée. Mais je ne prétends pas
qu'il s'agisse d'un problème d'une extrême urgence...
(Nouveaux
sourires.)
Les terres Australes et Antarctiques françaises, placées dans cette catégorie
par la loi du 6 août 1955, constituent un territoire d'outre-mer bien singulier
puisque, en effet dépourvu d'habitants, il n'est pas doté d'une assemblée
territoriale.
Pourriez-vous également nous indiquer, monsieur le secrétaire d'Etat, si les
travaux du groupe de réflexion sur l'avenir des terres Australes et
Antarctiques françaises, qui devait initialement rendre son rapport au mois de
septembre dernier, ont abouti et si la commission des lois, à laquelle est
rattaché le groupe d'étude sur l'Arctique, l'Antarctique et les terres
Australes, présidé par notre passionné collègue Lucien Lanier, pourrait en
avoir communication ?
Mais, habitants ou pas, s'agissant toujours de ces terres Australes et
Antarctiques françaises, alors que les instituteurs m'enseignaient, lorsque
j'étais enfant, qu'il y avait cinq continents, que vous connaissez, l'un de mes
petits-fils, son livre de géographie à la main, m'a récemment appris que l'on
en comptait maintenant six. J'ai découvert que le sixième continent était
l'Antarctique ! Il est vrai que, sous la glace, il y a des terres, et ces
immensités doivent susciter la réflexion, même si elles ne comportent pas les
habitants. Je vous demande donc de réfléchir à ce problème du point de vue
statutaire, et cette loi d'habilitation me semble être l'occasion d'en dire
quelques mots.
Le particularisme des procédures qui conditionnent l'application du droit à
l'outre-mer conduit fréquemment, dès lors que des adaptations se révèlent
nécessaires, à différer, pour des collectivités régies par le principe de
spécialité législative, l'entrée en vigeur des actualisations concernant la
métropole. C'est pourquoi, pour bien des textes, nous sommes en retard. C'est,
dirai-je, la faute à tout le monde. Mais je constate aujourd'hui que le texte
qui nous est proposé tend à réduire ce décalage temporel dont nous souffrons
tous.
Bien sûr, on essaie, par des circulaires, d'accélérer les processus, mais il
faudra, je pense, beaucoup de temps encore pour que ces mêmes processus
deviennent des réalités quotidiennes.
Il est possible cependant de constater que, de plus en plus souvent, les
projets de loi comportent des dispositions qui portent extension à l'outre-mer
des mesures proposées. Sans présumer que les recommandations commencent à
porter leurs fruits, il demeure cependant qu'elles restent trop fréquemment
lettre morte - on le verra tout à l'heure à propos de l'université française du
Pacifique -, en particulier lorsque l'application des mesures outre-mer
nécessite des adaptations. En outre, le retard enregistré depuis des dizaines
d'années au détriment des citoyens de l'outre-mer demeure important en dépit de
nombreuses et volumineuses lois balais et des multiples ordonnances prises en
vertu d'habilitations législatives.
Aussi, la commission comprend-elle que le Gouvernement est aujourd'hui conduit
à saisir le Parlement d'un nouveau projet de loi d'habilitation, pour procéder
à l'actualisation, la modernisation et l'adaptation du droit applicable
outre-mer.
Dans le cas présent, l'effort est considérable. La démarche choisie par le
Gouvernement a paru à la commission parfaitement justifiée, même si - je
n'apprendrai rien au ministre et aux sénateurs présents -, ce système de loi
d'habilitation qui appelle des ordonnances est parfois ressenti par le
législateur comme un dessaisissement. Il convient donc que ces procédures
restent exceptionnelles, mais nous devons aussi savoir nous adapter à ces
territoires et départements d'outre-mer.
La commission des lois est donc favorable à ce projet de loi. Elle observe
qu'il se caractérise par un champ particulièrement vaste de l'habilitation, ce
qui est tout à fait inhabituel. L'application de cette procédure aux
départements d'outre-mer est également inhabituelle puisque - je voudrais le
rappeler à mes collègues - les quelque cinquante-cinq ordonnances relatives à
l'outre-mer dénombrées depuis 1958 concernent presque exclusivement les
territoires d'outre-mer et les deux collectivités territoriales à statut
particulier, et, tenez-vous bien, près des trois-cinquièmes portent adaptation
du droit applicable à Mayotte ! Cela mérite réflexion.
Cependant, le champ d'habilitation que vous souhaitez n'est pas contraire aux
exigences définies par la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière
d'habilitation législative.
Le Conseil constitutionnel impose seulement au Gouvernement, afin de préserver
les prérogatives du Parlement, de préciser la finalité des mesures qu'il entend
prendre par voie d'ordonnance.
Sa décision du 12 janvier 1997 - je crois que c'est le moment de le rappeler -
à une époque où le Conseil constitutionnel n'avait pas l'emprise qu'il a
aujourd'hui sur la République - énonce que, s'il est spécifié a l'alinéa 1er de
l'article 38 de la Constitution que c'est pour l'exécution de son programme que
le Gouvernement se voit attribuer la possibilité de demander au Parlement
l'autorisation de légiférer par voie d'ordonnance, ce texte doit être entendu
comme faisant obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au
Parlement, lors du dépôt d'un projet de loi d'habilitation, et pour la
justification de la demande présentée par lui, quelle est la finalité de la
mesure qu'il se propose de prendre.
Dans une décision plus récente, de juin 1986, le Conseil constitutionnel
précise que le Gouvernement a également l'obligation d'indiquer le domaine
d'intervention des mesures envisagées tout en rappelant que le Gouvernement
n'est pas tenu de faire connaître la teneur des ordonnances qu'il prendra.
Je dois dire qu'à l'occasion du présent projet de loi le rapporteur de la
commission des lois a reçu les avant-projets d'ordonnances, à une exception
près, celui qui concerne le régime de l'enseignement supérieur dans les
territoires du Pacifique. J'ai proposé à mes collègues de les consulter. La
commission peut donc ainsi mieux cerner le champ de l'habilitation demandée et
mesurer, avant l'étape ultime de la ratification, l'ampleur de la mise à niveau
juridique qui sera ainsi opérée dans les collectivités d'outre-mer. Je vous
donne acte de tout cela bien volontiers, monsieur le secrétaire d'Etat.
Je tiens à préciser que, pour la plupart des décisions envisagées, les
extensions et adaptations répondent à des demandes formulées par les
collectivités d'outre-mer. D'ailleurs, l'ensemble des avis rendus par les
assemblées territoriales, dont la consultation a été mise en oeuvre au mois
d'octobre dernier, sont favorables, à l'exception, me semble-t-il, de celui qui
émane de Saint-Pierre-et-Miquelon, au motif, notamment, que les extensions
d'articles du code de la construciton et de l'habitation proposées ne
respectent pas les compétences statutaires de cette collectivité en matière
d'urbanisme.
Selon les informations communiquées, seul un département d'outre-mer n'aurait
pas répondu expressément à la consultation : il s'agit de la Martinique.
Peut-être que, depuis, les informations ont été données.
Les domaines du droit concernés par la demande d'habilitation sont nombreux,
vous les avez rappelés tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, et les
extensions et adaptations envisagées sont d'importance variable. L'article 1er
vise ainsi seize blocs de matières juridiques qui doivent correspondre à autant
d'ordonnances.
Je tiens à vous signaler, mes chers collègues, que, lorsque les ordonnances
auront été prises, ce n'est pas la seule commission des lois qui sera saisie
lors des procédures de ratification, ce sera chaque commission du Sénat selon
la nature traitée par chacune des ordonnances.
Certains de ces seize blocs concernent l'ensemble des collectivités
d'outre-mer, notamment celui qui figure en tête de l'énumération. Ainsi,
l'ordonnance relative à la modernisation du droit du travail, qui devrait être
la plus volumineuse, intégrera des dispositions modifiant le code du travail
dans les départements d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, et
procédera à une actualisation de ce même droit dans les territoires
d'outre-mer. Il s'agira là d'un des devoirs les plus importants incombant au
Gouvernement.
S'agissant de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie,
d'importantes avancées en la matière ont déjà été réalisées à l'occasion de la
loi du 5 juillet 1996 portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer.
Cependant, les lois statutaires de ces deux territoires ne donnent compétence
à l'Etat que pour définir les « principes généraux » et les « principes
directeurs » du droit du travail ; aussi les ordonnances devront-elles
respecter cette répartition des compétences, la frontière - je le reconnais -
étant parfois malaisée à tracer.
D'autres blocs ont un objet ponctuel et ne visent qu'une collectivité, tels le
régime de la pêche dans les terres Australes et Antarctiques françaises et la
réglementation de l'urbanisme commercial à Mayotte.
Deux d'entre eux concernent des problèmes spécifiques au département de la
Guyane, comme vous l'avez rappelé tout à l'heure, monsieur le secrétaire
d'Etat. Une ordonnance devra définir des mesures appropriées pour remédier aux
déficiences actuelles de l'état civil et régler la situation de quelques
milliers de Français dépourvus de documents d'identité.
En matière foncière, une autre ordonnance est prévue afin d'élargir les
possibilités de cession gratuite de terres relevant du domaine privé de l'Etat,
qui est aujourd'hui propriétaire de 90 % du territoire guyanais ; je l'ai
découvert en travaillant sur ce rapport. Vous avez raison de souligner,
monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il faudra l'accord du Sénat et de l'Assemblée
nationale car, si nous ne comptons que sur la grande administration de Bercy,
nous nous heurterons à de graves problèmes. Je vous donne donc rendez-vous
ultérieurement.
L'Assemblée nationale a, en outre, élargi le champ de l'habilitation en
ajoutant un nouveau point relatif à l'adhésion des chambres d'agriculture des
territoires d'outre-mer à l'assemblée permanente des chambres d'agriculture.
Quelque chose me dit que, s'agissant du Conseil supérieur de la magistrature,
les magistrats de l'outre-mer voudraient bien avoir une représentation de droit
au sein de cette haute instance. Je ne vous demande pas de réponse aujourd'hui,
monsieur le secrétaire d'Etat : je me fais simplement l'écho d'une
revendication.
Sous réserve de ces observations et de l'adoption d'un amendement présenté par
notre collègue Victor Reux, la commission proposera au Sénat d'adopter
l'article 1er du projet de loi.
L'article 2 répond aux exigences prescrites par la Constitution en fixant un
délai d'habilitation - les ordonnances devront être prises avant le 15
septembre 1998, et je vous souhaite bien du courage, monsieur le secrétaire
d'Etat, car c'est demain ! - ainsi qu'une date butoir, celle du 15 novembre
1998, pour le dépôt des projets de loi de ratification. Le Gouvernement s'est
en effet engagé, à la demande de la commission des lois de l'Assemblée
nationale, à déposer plusieurs projets de loi de ratification afin de permettre
au Parlement d'exercer plus aisément son contrôle.
Les délais sont courts. Vous allez consulter les différentes assemblées des
territoires et départements d'outre-mer. Indépendamment des cyclones - et l'on
nous en annonce un en Polynésie française - même si Internet fonctionne bien,
le délai d'un mois peut paraître bref.
D'un autre côté, je reconnais que, si nous voulons que le dépôt des projets de
loi de ratification intervienne avant le 15 novembre, il faut faire vite. Je
souhaite que le ministère soit très compréhensif quant aux délais laissés aux
différentes assemblées des territoires et départements d'outre-mer pour donner
leur avis sur les projets d'ordonnance.
Telles sont les observations que je souhaitais formuler à propos de l'article
2, que la commission vous proposera d'adopter.
L'article 3 concerne l'université française du Pacifique ; très beau sujet
!
Rappelons que l'article 14 de la dernière « loi balai » du 5 juillet 1996
avait défini un nouveau statut de cette université tout en différant de quinze
mois sa mise en oeuvre pour permettre l'élaboration des décrets d'application
et l'installation des nouvelles structures. Ce délai délimitait ainsi une
période transitoire pendant laquelle l'université devait continuer à
fonctionner sous l'empire des dispositions antérieures du décret du 29 mai
1987. Or, le délai de quinze mois expirait le 9 octobre 1997, monsieur le
secrétaire d'Etat, et les décrets d'application de l'article 14 n'ont pas été
publiés ! Je ne ferai pas de procès, mais il s'agit maintenant de savoir
comment remédier à la situation.
Toujours est-il que l'université française du Pacifique est, depuis le 9
octobre 1997, confrontée à un vide juridique. Mais je n'ai crainte, il n'y a
pas de vide culturel ! Je pense donc que l'on saura remédier à une imperfection
de nature juridique dans les meilleurs délais.
L'article 3 du projet de loi propose de modifier la loi du 5 juillet 1996 pour
substituer au délai initial de quinze mois un délai de trente mois en attendant
que l'ordonnance relative au « régime de l'enseignement supérieur dans les
territoires d'outre-mer du Pacifique » soit prise.
La commission des lois regrette, bien sûr, que des dispositions législatives
adoptées il y a moins de deux ans soient restées lettre morte en créant, de
surcroît, un vide juridique. Il est normal que le Parlement s'en émeuve.
Sur le problème du vide juridique, je voudrais vous dire, monsieur le
secrétaire d'Etat, que l'expression « prorogation de la période transitoire »,
qui figure dans l'exposé des motifs tendant à justifier l'article 3, est
inadaptée. On va voter la prorogation mais, vous n'y pouvez rien, la période
transitoire ouverte initialement s'est achevée. Il est possible d'ouvrir une
nouvelle période transitoire, mais on ne peut pas proroger celle qui a expiré.
Aussi paraît-il nécessaire, afin d'éviter une multiplication des recours
contentieux contestant la régularité des actes pris entre cette date et
l'adoption de l'ordonnance, d'insérer dans le dispositif une mesure de
validation, à titre préventif, mesure à laquelle, je pense, le Gouvernement ne
s'opposera pas.
Si la commission considère que des mesures d'une telle nature doivent rester
exceptionnelles, une validation apparaît nécessaire en l'occurrence pour
garantir la continuité du service public de l'enseignement supérieur en
Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
Le projet de loi s'arrêtait là. Et voilà qu'un article 4 a été introduit à
l'Assemblée nationale, sur l'initiative de M. Pierre Frogier, député de la
Nouvelle-Calédonie, territoire très cher à la commission des lois. Je puis vous
dire que nous avions prévu que la commission des lois fût présente en
Nouvelle-Calédonie du 3 au 12 février. Le voyage est remis mais il se fera, et
vous savez pourquoi nous avons été une première, puis une deuxième fois, amenés
à reporter cette mission qui, pour moi, sera la sixième. On attendait, bien
sûr, la conclusion de l'accord minier.
J'en reviens à l'article 4, qui est incontestablement un cavalier. Mais, en
cette année 1998, qui est une année prépondérante pour la Nouvelle-Calédonie,
on ne peut pas « cavalièrement », traiter d'un problème qui concerne ce
territoire et discuter de la recevabilité d'une disposition. C'est pourquoi la
commission des lois du Sénat accepte de bon gré cet article sous réserve d'une
modification qui ne change rien quant au fond mais qui tient compte de
décisions du Conseil constitutionnel que j'évoquerai dans un instant.
De quoi s'agit-il ?
L'article 4 vise à valider les concessions d'endigage qui ont été délivrées
par les autorités territoriales sur le domaine du port autonome de Nouméa,
ainsi que les actes pris sur leurs fondements.
On s'est en effet aperçu que le territoire n'était pas compétent pour accorder
de telles autorisations, l'Etat ayant seul compétence en matière de domaine
public maritime : c'est le droit depuis 1926. Or, depuis bientôt soixante-douze
ans, il est superbement ignoré.
C'est ainsi que, aujourd'hui, des contentieux apparaissent. Des recours ont
été portés devant la juridiction administrative. Récemment, la cour
administrative d'appel de Paris a rendu une décision excipant de l'illégalité
des concessions.
La validation qui est demandée a pour objet d'éviter que ne soient remis en
cause les actes ayant permis l'édification de certains bâtiments sur les terres
exondées, notamment des bâtiments d'intérêt public, au nombre desquels figurent
les halles du marché municipal de Nouméa ou la capitainerie du port autonome ;
des bâtiments privés se trouvent cependant également concernés.
La commission des lois vous proposera une nouvelle rédaction de cet article
afin de le rendre conforme aux exigences définies, en matière de validation,
par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui manifeste son souci de
respecter la séparation des pouvoirs et rejette toute remise en cause de
décisions juridictionnelles devenues définitives.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais, en conclusion, évoquer brièvement
l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Il s'agit d'un sujet dont nous aurons
certainement l'occasion de reparler.
C'est un territoire qui m'est personnellement très cher, où je me suis rendu
cinq fois depuis 1983, parfois en des moments difficiles.
J'ai été un partisan des accords de Matignon, et cette position n'était pas
partagée par tous mes amis politiques.
Après le drame d'Ouvéa, j'avais le sentiment qu'allait s'enclencher une sorte
de guerre de libération, d'indépendance, au cours de laquelle inéluctablement,
tous les leaders, de tous bords, seraient retrouvés - la Nouvelle-Calédonie
n'est pas si impénétrable ! - et massacrés.
Par ailleurs, je ne connais pas de guerre d'indépendance qui n'ait pas mené à
l'indépendance.
Lorsque les accords de Matignon ont été proposés à la ratification du peuple
français, celui-ci s'est largement abstenu.
Représentant la commission des lois du Sénat à la demande de son président,
j'avais été conduit, en 1988, à accompagner le Premier ministre, M. Michel
Rocard, et plusieurs membres du Gouvernement pour, en quelque sorte, consacrer
sur place les accords qui venaient d'être signés. Je découvris alors une
ambiance très différente de celle que j'avais connue en 1985, à la suite des
graves troubles qui s'étaient produits sur le territoire. Je pus constater
qu'une sorte de réconciliation s'opérait, qui pouvait aboutir à quelque chose
de positif.
Je suis persuadé que les dix années écoulées ont effectivement été positives,
même si je ne sais pas sur quoi tout cela débouchera finalement.
Je disais hier à mes collègues de la commission des lois que, si un accord
était trouvé avec le FLNKS, il faudrait modifier la loi référendaire, dont l'un
des articles prévoit de soumettre aux Néo-Calédoniens une alternative qui peut
être formulée ainsi : « Souhaitez-vous rester rattachés à la République
française ou souhaitez-vous être indépendants ? » Il n'est pas sûr que les
discussions qui vont s'engager permettent de maintenir une telle
alternative.
Le temps vous est et nous est compté, monsieur le secrétaire d'Etat. J'espère
que la patience, l'intelligence et la sagesse des uns et des autres nous
conduiront à une solution positive.
En tout cas, monsieur le secrétaire d'Etat, sachez que la commission des lois
du Sénat vous aidera à trouver la meilleure solution pour tous les habitants de
la Nouvelle-Calédonie, qu'ils soient d'origine métropolitaine ou d'origine
canaque ; ce sont tous des citoyens et nous les respectons tous au même
titre.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Loueckhote.
M. Simon Loueckhote.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
volonté de moderniser le droit applicable à l'outre-mer est une intention tout
à fait louable, et je veux saluer l'initiative de ce projet de loi, dont
certains éléments répondent à des attentes précises, notamment au sein de la
population calédonienne.
Je citerai en particulier l'extension à la Nouvelle-Calédonie de la
législation relative aux dons d'organes, l'application du dispositif de
l'épargne logement et la révision des accords de coordination entre les régimes
métropolitain et calédonien de sécurité sociale.
Il est cependant des domaines dans lesquels l'application de la législation
métropolitaine ne serait, à notre sens, pas du tout opportune, car elle ne
ferait aucun cas des spécificités locales : je veux parler du projet
d'extension à la Nouvelle-Calédonie de certaines dispositions de la loi de 1978
sur la responsabilité et l'assurance des constructeurs.
L'ensemble des professionnels calédoniens concernés est fermement opposé à
l'application du principe de présomption de responsabilité des constructeurs,
qui aurait pour conséquence de renchérir considérablement les tarifs
d'assurance et qui pourrait déstabiliser le marché de la construction.
Il n'est pas dans mon intention de revenir sur l'ensemble des projets de
réforme dont seul le principe nous est soumis aujourd'hui. Néanmoins, je veux
attirer votre attention sur un dossier particulier, auquel nous attachons
beaucoup d'importance : il s'agit de la validation des concessions d'endigage
sur le domaine maritime accordées par le territoire de la Nouvelle-Calédonie ;
M. le rapporteur y a fait assez longuement allusion.
Toute la façade maritime de Nouméa, soit plusieurs centaines d'hectares, sur
lesquels sont installés de nombreux équipements publics et privés, est en effet
concernée par ces concessions d'endigage, qui ont été récemment contestées par
la cour administrative d'appel de Paris, cette juridiction estimant que la
compétence en revient à l'Etat.
Une régularisation de cette situation au moyen d'une disposition législative
s'avère donc urgente.
Toutefois, vous n'ignorez pas que notre préoccupation va, aujourd'hui, bien au
delà de ces questions, car la Nouvelle-Calédonie est désormais entrée dans une
période décisive de son évolution statutaire.
C'est en effet en 1998 que les Calédoniens feront le choix de leur avenir
puisque nous arrivons au terme des dix années de stabilité institutionnelle
voulue par les signataires des accords de Matignon.
A la veille de cette échéance capitale, il est de mon devoir d'informer les
membres de la Haute Assemblée de la situation politique actuelle sur le
Territoire.
En 1988, les signataires des accords de Matignon ont fait le pari de dix
années de paix, de stabilité institutionnelle et de développement, à l'issue
desquelles la population serait consultée sur son maintien ou non au sein de la
République française.
Ce pari, nous l'avons gagné.
Au lendemain des troubles politiques graves qui ont secoué notre territoire,
c'était un formidable défi et nous l'avons relevé.
Grâce à ces accords et avec l'adoption de la loi référendaire de 1988, qui a
fait naître un nouveau statut, un équilibre a pu émerger en Nouvelle-Calédonie,
et il est aujourd'hui incontestable que la poignée de main entre Jacques
Lafleur et Jean-Marie Tjibaou a permis de construire les fondements d'une
société pluriethnique, avec un réel partage du pouvoir.
La paix retrouvée, la stabilité institutionnelle, la volonté et le sens des
responsabilités des différents partenaires, qui ont fait vivre ce nouveau
statut, ont rendu possible l'amorce d'un rééquilibrage de l'activité économique
en faveur du nord du Territoire et des îles Loyauté.
Ce processus n'aurait pu être enclenché sans le soutien qui nous a été apporté
par l'Etat, à travers les contrats de développement.
Arrivant au terme de cette période, nous sommes tout naturellement amenés à en
dresser un bilan.
Force est d'abord de constater que, si le rééquilibrage n'est pas négligeable,
il est encore nettement insuffisant.
On peut d'ailleurs difficilement imaginer que la province Nord et la province
des îles Loyauté ne puissent plus, du jour au lendemain, bénéficier de la
solidarité nationale dans un domaine où tout reste à faire.
Par ailleurs, la pratique des institutions issues de la loi référendaire et
les événements politiques qui ont marqué le Territoire au cours des dix
dernières années donnent à penser que la stabilité que nous avons connue doit
être rapidement consolidée si l'on veut que se poursuive cette oeuvre de
construction d'une société prospère et solidaire.
C'est pourquoi Jacques Lafleur a, le premier, parlé de la nécessité d'une
solution consensuelle, de façon à éviter le scrutin d'autodétermination qui, en
laissant inévitablement un vainqueur et un vaincu, risque de replonger le
Territoire dans une période d'incertitude, ce que personne ne souhaite. Nous
avons pris cette initiative dès la fin de 1995.
Toutefois, la mauvaise volonté de certains leaders indépendantistes, qui ont
utilisé le prétexte du projet de construction d'une usine de transformation du
nickel dans la province Nord et de l'accès à la ressource minière nécessaire à
sa réalisation, a fait rapidement échouer ces discussions.
La Nouvelle-Calédonie est alors entrée dans l'ère des « préalables », les
indépendantistes faisant de ce dossier un préalable à la reprise des
discussions, le fameux « préalable minier », qui a duré plus de deux ans.
Comme vous le savez, un protocole d'accord permettant l'échange de massifs
miniers a été signé, voilà quelques jours, entre le Gouvernement, la société
Eramet et la SMSP, la société minière du Sud-Pacifique.
Le FLNKS a bien annoncé la levée de ce préalable minier, mais pour aussitôt le
remplacer par un autre préalable. Il exige désormais des discussions
bilatérales avec le Gouvernement, prétendument pour régler le contentieux
colonial : pure construction idéologique, destinée à habiller la véritable
intention de certains leaders indépendantistes d'imposer à tous leur propre
vision de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. A les entendre, le contentieux
colonial, qui serait né de la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie en
1853, est exclusivement l'affaire du FLNKS et de l'Etat.
En tant que Mélanésien et au nom de tous les Mélanésiens qui, face à cette
attitude hégémonique du FLNKS, revendiquent leur droit à la différence et au
respect, j'affirme devant la Haute Assemblée que nous ne reconnaissons par au
seul FLNKS la faculté de discuter de cette question avec l'Etat.
Je veux aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, mettre en garde le
Gouvernement contre les risques encourus par la population calédonienne si l'on
persiste à différer la reprise des discussions avec l'ensemble des partenaires
des accords de Matignon.
Il est grand temps de dénoncer la véritable manipulation orchestrée par
certains responsables indépendantistes, qui font encore croire à leurs
militants que le seul langage possible est celui des barricades, de la pression
exercée sur l'économie, sur les institutions et sur les hommes de ce pays.
Le FLNKS crie victoire en s'attribuant la paternité de ce protocole d'accord
qui adopte le principe et les modalités d'un transfert de massifs miniers. Il
en fait un véritable événement, qui marquerait le début d'un rééquilibrage
effectif de l'activité économique en Nouvelle-Calédonie.
Mais l'hypothèse de la construction, dans le nord, d'une usine de
transformation du nickel par le groupe canadien Falconbridge, en partenariat
avec la SMSP, est malheureusement de plus en plus improbable.
Il est grand temps, monsieur le secrétaire d'Etat, d'annoncer la vérité aux
Calédoniens. Nous n'avons aujourd'hui aucune assurance quant à la réalisation
du projet d'usine au nord, en tout cas avec Falconbridge.
En effet, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous avons perdu
tout ce temps pour n'obtenir du groupe canadien qu'une lettre d'engagement à
effectuer, dans un délai de sept ans, des études de faisabilité. Au bout de ces
sept années, Falconbridge aura toute latitude pour annoncer son refus
d'investir en Nouvelle-Calédonie. En définitive, les seuls qui vont être
pénalisés par le protocole seront les Calédoniens, en particulier la société Le
Nickel et la SMSP, qui se voient imposer, pendant sept années, des contraintes
pesant sur l'utilisation de leurs ressources et donc sur leurs propres
programmes d'investissement.
Voilà la vérité dans toute cette affaire, que le FLNKS présente comme l'unique
promesse d'un rééquilibrage en faveur du nord.
On ne peut, par conséquent, que déplorer l'irresponsabilité de tous ceux qui
ont bloqué la recherche d'une solution consensuelle pour de telles raisons.
Si nous avons toujours soutenu le projet de construction d'une usine
métallurgique dans le nord - le Congrès du territoire avait d'ailleurs adopté à
l'unanimité, en novembre 1996, un voeu demandant au Gouvernement de mettre tous
les moyens en oeuvre pour sa réalisation - nous n'avons cependant jamais été
dupes. C'est pourquoi nous avons repris l'initiative de la négociation il y a
un mois.
C'est ainsi que des responsables politiques indépendantistes, regroupés au
sein d'un comité de coordination, qui sont, eux aussi, exaspérés par le
préalable minier et qui ont su tirer les enseignements de dix années de travail
en commun, ont accepté de s'asseoir autour d'une table de négociation avec le
Rassemblement pour la Calédonie dans la République pour construire un véritable
projet de société.
Notre souhait, dès lors, est que le scrutin d'autodétermination prévu par la
loi référendaire de 1988 soit transformé en scrutin de ratification d'une
solution consensuelle.
Je veux insister sur le fait que cette démarche est loin d'être anodine dans
un territoire qui a connu maints soubresauts et bouleversements majeurs.
N'oublions pas qu'il y a dix ans certains voulaient imposer le langage des
armes pour, prétendument, parler d'avenir !
Nous ne retrouvons malheureusement pas chez l'ensemble de nos partenaires,
dont certains veulent nier cette avancée notable et exigent la dissolution du
comité de coordination, une attitude aussi responsable politiquement.
Le résultat de toute cette confusion est le retard considérable qui a été pris
pour aborder la question essentielle de l'évolution statutaire de la
Nouvelle-Calédonie.
Si la conviction qu'il est nécessaire de s'accorder sur un projet d'avenir
n'est pas unanime chez nos partenaires, si aucune solution politique ne
parvient à émerger d'ici au 31 mars, nous adopterons, pour notre part, une
position très claire : nous exigerons l'organisation du scrutin
d'autodétermination.
Ce sera, pour la Nouvelle-Calédonie, l'instant de vérité. Mais nous sommes
prêts à assumer cette responsabilité, car nous refusons de tromper le peuple
français, qui s'est prononcé en 1988, par voie référendaire, sur l'avenir de la
Nouvelle-Calédonie.
Vous n'ignorez pas cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, qu'il ne peut y avoir, en Nouvelle-Calédonie, de solution qui n'ait
qu'un caractère institutionnel.
La loi référendaire de 1988 nous a dotés de nouvelles institutions, dont le
fonctionnement a en grande partie été lié à l'attitude de ceux qui les ont fait
vivre et à leur conception de la démocratie.
La multiplication, ces mois derniers, des barrages dressés sur les routes
calédonniennes nous interpelle, de même que le mépris affiché des libertés
fondamentales telles que la liberté de circulation mais aussi la liberté
d'expression, car les responsables indépendantistes qui ont manifesté leur
volonté de négocier ont été l'objet de menaces et d'agressions.
C'est pourquoi les Calédoniens sont en droit d'avoir des réponses claires aux
questions qu'ils se posent sur leur avenir.
A l'aube du troisième millénaire, face au poids des grandes puissances de ce
monde, pouvons-nous, nous tous, assumer la responsabilité politique et
économique du repli d'une population de 250 000 habitants sur son territoire,
au nom de la revendication d'une indépendance qui ne relèvera que de
l'idéologie et jamais de la réalité quotidienne ?
Le Gouvernement va-t-il accepter, monsieur le secrétaire d'Etat, l'exigence de
la reconnaissance de la souveraineté du « peuple kanak », considéré comme le
premier occupant du territoire ?
L'application de ce concept de souveraineté à une partie de la communauté
calédonienne n'est-elle pas, en effet, une attitude foncièrement
discriminatoire portant en elle les germes de la division et de l'inégalité
?
Allons-nous reproduire, dans le pays des droits de l'homme, l'expérience de
l'île Fidji, où l'on a institutionnalisé la suprématie de la communauté
mélanésienne sur les autres groupes ethniques ?
Nous sommes tout à fait d'accord pour qu'un débat sur la souveraineté soit
engagé, mais il doit porter sur les rapports de la France avec l'ensemble de la
population calédonnienne, qui veut, en toute légitimité, voir reconnaître sa
différence.
Contrairement aux idées reçues, ce but peut être atteint sans sortir du cadre
constitutionnel de la France.
Nous souhaitons même que la spécificité de notre territoire puisse être
reconnue au plus haut niveau, celui de la Constitution.
Dans le même esprit, nous voulons qu'une redistribution des compétences soit
opérée entre l'Etat et les collectivités locales, au vu du bilan que nous
tirons des dix ans de pratique des institutions issues de la loi référendaire
de 1988.
Tous ces objectifs n'ont cependant de sens qu'à l'intérieur d'une solution
négociée qui, pour l'instant, reste encore envisageable.
Mais le temps nous est désormais compté.
En réponse aux exigences de ceux qui veulent couper les liens avec la France,
ne faut-il pas souligner le caractère unique des territoires français dans
l'océan Pacifique, et plus particulièrement de la Nouvelle-Calédonie dans
l'espace mélanésien, pour rappeler que nous ne saurions être assimilés à
n'importe quel autre micro-Etat insulaire de cette partie du monde, alors que
la population calédonienne, dans sa majorité, est profondément attachée à son
appartenance à la République française ?
Sachez que les Calédoniens ne veulent pas renoncer aux valeurs et aux
principes républicains qui sont les leurs depuis tant d'années.
Ils n'accepteront pas d'adhérer à un modèle de société pour le moins
aventureux, à un Etat dont ils ignorent la véritable nature et qui peut fort
bien s'éloigner des règles de l'Etat de droit.
La France acceptera-t-elle de les abandonner à leur sort ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'avenir statutaire de la
Nouvelle-Calédonie ne peut être que l'expression de la volonté populaire et le
résultat d'un fait majoritaire, car tels sont les principes fondateurs de la
République française.
Dans cette lutte pour la défense de nos droits et de nos valeurs communes, la
population calédonienne a besoin de votre soutien.
Aujourd'hui, l'espoir des Calédoniens, dans leur immense majorité, est de ne
pas perdre l'acquis considérable des dix années de paix et de développement qui
leur ont été données par les accords de Matignon et de pouvoir préparer leur
avenir dans l'harmonie et la sérénité.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
sollicite l'indulgence de mes collègues MM. Simon Loueckhote, Georges Othily,
Daniel Millaud et Victor Reux, car je m'introduis au sein d'un débat entre «
ultra-marins », même si je puis moi-même revendiquer, si je puis dire, cette
nature !
M. Simon Loueckhote.
C'est la France !
M. Guy Allouche.
Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest.
Nous, nous sommes en Ile-de-France...
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
Mes chers collègues, en application de l'article 38 de la Constitution, et en
conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le Gouvernement
sollicite du Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances les mesures
législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation à l'outre-mer du
droit applicable en métropole et ce dans le respect de chacune des
collectivités.
Concernant l'outre-mer, le recours aux ordonnances est assez fréquent. Mais la
particularité du projet de loi qui nous est soumis est que l'habilitation
demandée n'a jamais été aussi vaste - je ne reprendrai pas ici l'énumération
des domaines concernés, qui viennent d'être rappelés tant par M. le secrétaire
d'Etat que par notre excellent rapporteur - et qu'elle concerne aussi bien les
territoires et les collectivités territoriales d'outre-mer que les départements
d'outre-mer.
L'article 74 de la Constitution nous rappelle que les territoires d'outre-mer
sont régis par le principe de la spécialité législative. Les règles en vigueur
dans ces territoires ne peuvent résulter que de textes qui leur sont
spécifiques ou de textes généraux dont l'applicabilité outre-mer est
expressément mentionnée.
Quant aux départements d'outre-mer, les lois s'y appliquent de plein droit
sans mention spécifique.
Toutes ces modalités particulières d'application de textes législatifs
expliquent le retard du droit en vigueur outre-mer. Périodiquement, le
Gouvernement dépose des projets de loi portant diverses dispositions relatives
à l'outre-mer - projets de loi « fourre-tout » - avec des dispositions
hétéroclites et souvent techniques.
Nous savons tous que les projets de loi portant diverses dispositions
relatives à l'outre-mer ne suscitent guère l'enthousiasme du législateur, qui
s'en accommode tant bien que mal. En la circonstance, c'est par voie
d'ordonnances que le Gouvernement entend procéder à la modernisation du droit
applicable outre-mer.
Ce projet de loi est-il conforme la Constitution ? Nous le pensons, car il
répond à toutes les exigences rappelées par le juge constitutionnel.
C'est notamment le cas de l'article 1er, qui précise que la finalité de
l'habilitation est « l'actualisation et l'adaptation du droit applicable
outre-mer » et les domaines d'intervention qu'il énumère font l'objet d'une
description détaillée.
Les seize domaines d'intervention sont, certes, d'importance variable, mais
ils sont essentiels pour les populations concernées.
En outre, les délais pendant lesquels le Gouvernement est habilité à prendre
ces ordonnances sont bien délimités : le délai de dépôt des ordonnances est
fixé au 15 septembre 1998 et celui des projets de loi de ratification au 15
novembre 1998.
De fait, le législateur est en droit de s'interroger sur le bien-fondé d'une
telle habilitation qui le dessaisit d'une partie importante de ses compétences.
Ajouterai-je que, pour des raisons aisées à comprendre, le législateur
n'apprécie que fort peu le recours à cet « outil législatif », dont l'usage,
même modéré, prête à controverse ?
A cet égard, il y a lieu d'admettre que le Parlement a souvent débattu des
sujets traités et la seule question réside dans l'opportunité d'une application
outre-mer.
Je note également que vous avez pris soin de déclarer, monsieur le secrétaire
d'Etat, que le Gouvernement n'entend rien imposer par voie d'ordonnances, mais
compte, au contraire, faciliter l'introduction du droit dans des domaines qui
ne sont actuellement pas couverts.
Il nous faut aussi reconnaître que la méthode retenue, outre sa commodité, est
un gage de rapidité de la transposition des dispositions concernées.
L'encombrement du calendrier législatif plaide donc en faveur de cette
méthode.
Nous constatons enfin que le Gouvernement marque le souci de respecter le
pouvoir de contrôle du Parlement : les avant-projets d'ordonnance sont prêts et
ils ont été transmis à la commission des lois - M. le rapporteur en a fait état
hier en commission et, voilà un instant, à cette tribune - il n'y aura pas un
projet de loi de ratification mais plusieurs, et ceux-ci seront renvoyés aux
commissions compétentes au fond et non à la seule commission des lois, comme
c'est souvent le cas pour les projets de loi portant diverses dispositions
relatives à l'outre-mer. C'est une innovation que je souligne avec plaisir.
Par ailleurs, les prérogatives des assemblées des collectivités d'outre-mer en
matière de consultation sont étendues aux ordonnances, ainsi que le prévoit le
dernier alinéa de l'article 1er.
Les ordonnances visées par ce projet de loi d'habilitation fort bien présenté
par notre excellent collègue Jean-Marie Girault, que je tiens à féliciter pour
la qualité, la densité et la précision de son rapport, ont été rappelées à
cette tribune : elles illustrent parfaitement la diversité des domaines
couverts par ce texte, dont l'importance, certes inégale, est toujours en
rapport direct avec les préoccupations qu'expriment souvent nos collègues élus
des départements et territoires d'outre-mer. Aussi faisons-nous nôtre l'urgence
mise à actualiser la législation, puisque le souci de l'efficacité doit être
prioritaire.
En marge de ce texte, je veux avant de conclure évoquer l'évolution - positive
- du dossier calédonien, et témoigner de l'intérêt que nous portons à la
Nouvelle-Calédonie et à ses habitants.
Juste avant moi, notre collègue Simon Loueckhote a fait état de la situation
de ce territoire qu'il connaît parfaitement, et pour cause : il en est l'élu.
Je veux aussi remercier notre excellent rapporteur des propos qu'il a tenus à
ce sujet : nous savons tous que M. Jean-Marie Girault est un fin connaisseur de
l'outre-mer, particulièrement du dossier néo-calédonien. Nous n'avons pas
manqué de noter la gravité du propos qu'il a tenu en rappelant les événements
qui se sont déroulés voilà dix ans maintenant - dix ans déjà ! - et qui ont
marqué l'opinion publique tant française qu'internationale.
Après une longue période de difficultés et de tensions, le préalable minier a
été levé. Les accords de Bercy marquent un tournant. La presse, surtout écrite,
a rendu compte de cet événement politique important intervenu le week-end
dernier. La conclusion de l'accord entre l'Etat et les opérateurs miniers en
Nouvelle-Calédonie permettra aux forces politiques calédoniennes d'engager
enfin les pourparlers politiques et institutionnels.
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous préciser le sens et toute la
portée de cet accord ? Quel en est l'enjeu dans le domaine industriel, dans le
cadre plus global des accords de Matignon ? Le débat relatif à l'outre-mer ne
peut faire abstraction de la nouvelle situation en Nouvelle-Calédonie.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe socialiste
émettra un vote favorable sur ce projet de loi, auquel M. le rapporteur
propose, fort pertinemment, d'apporter deux modifications, l'un des amendements
déposés par la commission étant un amendement de précaution visant l'université
française du Pacifique, l'autre tenant compte de la situation à Nouméa et ayant
trait aux concessions d'endigage.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste, républicain et citoyen.
- M. Othily applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
Gouvernement demande au Sénat de l'habiliter à prendre, par ordonnances, les
mesures nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable
outre-mer.
Lors du débat sur le budget de l'outre-mer, j'ai indiqué que le législateur
était toujours frustré de se voir enlever l'essentiel de sa mission, à savoir
faire la loi.
Ce projet de loi d'habilitation arrive, je crois, à point nommé.
Je voudrais simplement vous rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat, que si la
spécificité des départements et territoires d'outre-mer était prise en compte
lors de l'adoption de la loi, et non
a posteriori
comme nous le faisons
maintenant, les difficultés auxquelles nous sommes aujourd'hui confrontés
seraient certainement moins nombreuses.
Cela étant, l'urgence qu'il convient d'accorder au traitement de certaines
situations délicates ne nous permet pas de retarder le processus de
modernisation du droit applicable outre-mer et, pour la circonstance,
j'apporterai donc mon soutien à votre initiative.
Pour autant, monsieur le secrétaire d'Etat, nous n'abandonnerons pas sans
concession les prérogatives qui sont les nôtres et c'est la raison pour
laquelle je souhaite vivement que les élus locaux soient associés à la
rédaction des ordonnances que le Gouvernement sera habilité à prendre.
Parmi les mesures qui sont proposées, trois concernent particulièrement la
Guyane.
Le paragraphe 5°, de l'article 1er, dans sa rédaction issue de l'Assemblée
nationale, envisage - enfin ! - le remboursement des médicaments indispensables
en prophylaxie et en thérapeutique palustre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, de l'aveu même des services du ministère de la
santé, 10 % de la population guyanaise est très gravement concernée par
l'endémie palustre, puisque l'existence de sources chloroquinorésistantes est
aujourd'hui confirmée. En clair, cela signifie que seules deux spécialités,
l'Halfan et le Lariam, sont de nature à endiguer ce fléau.
Or les deux produits que je viens de citer ne sont pas remboursés par la
sécurité sociale, ou plutôt ils le sont à condition d'être prescrits par un
médecin hospitalier dans le cadre d'un traitement initié à l'hôpital et d'être
délivrés par les pharmacies des hôpitaux.
En pratique, il est impossible de se procurer ces médicaments en pharmacie :
la Guyane ne compte que trois hôpitaux pour une superficie équivalant à 25 % du
territoire métropolitain et, de plus, la prescription d'un traitement
antipaludéen doit être renouvelée tous les mois.
Pourtant, il existe une solution simple, de nature à mettre fin à cet état de
fait : l'inscription du Lariam et de l'Halfan sur la liste des spécialités
remboursables aux assurés sociaux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pour être ratifiée l'année prochaine,
l'ordonnance que le Gouvernement proposera devra impérativement prendre en
compte cette considération.
Pour ce qui concerne l'état civil en Guyane, j'ai pris connaissance avec
satisfaction du projet d'ordonnance que le Gouvernement a soumis aux autorités
locales.
Pour l'avenir, le délai de déclaration des naissances serait porté de trois
jours à un mois. Cette mesure semble particulièrement adaptée à la spécificité
géographique de la Guyane et devrait faciliter considérablement la tâche des
autorités préfectorales et judiciaires.
Pour autant, je regrette que le Gouvernement n'ait pas poursuivi cette logique
plus en profondeur. Cette seule modification de l'article 55 du code civil
prend en considération la situation des personnes à naître, mais ne règle en
rien les difficultés que rencontrent les Guyanais dépourvus d'état civil.
On estime à environ 7 000 le nombre de Français qui ne disposent d'aucun
document d'identité et qui, de ce fait, sont dans l'incapacité de participer à
la vie en société.
Fort heureusement, l'Assemblée nationale a introduit un amendement qui devrait
permettre de trouver des solutions heureuses à cette difficulté. Dans ce cas,
une commission chargée d'étudier la situation de chaque Français sans papiers
devra voir le jour dans les meilleurs délais.
Je rappelle que cette commission devra être composée des différents acteurs de
la vie locale. Je pense évidemment au procureur de la République et au préfet.
Mais, surtout, il est primordial que soient présents au sein de cette
commission le maire de la commune où réside l'intéressé ainsi que deux
personnalités - deux sages de la commune - réputées pour leur connaissance des
populations autochtones, qui sont les plus concernées.
La troisième disposition qui concerne le département de la Guyane est relative
au problème foncier. A l'heure actuelle, vous l'avez rappelé, monsieur le
secrétaire d'Etat, l'Etat possède, à titre privé, 90 % des terres du
département.
De nombreuses réformes foncières ont été effectuées. Malheureusement, les
résultats ne sont pas à la hauteur des espérances. Nous devons, monsieur le
secrétaire d'Etat, profiter de l'occasion qui nous est donnée pour mettre en
place un système efficace de gestion des transferts de propriété.
D'abord, il faut chercher à éviter toute démarche spéculative de la part des
futurs propriétaires fonciers. Je crois savoir que l'ordonnance que vous
prévoyez de prendre subordonnera ces transferts à la condition d'une
exploitation agricole trentenaire. J'aurais préféré que ce fût inscrit dans la
loi d'habitation, mais je suis certain que vous saurez nous apporter des
garanties au sujet de cet élément de stabilité.
Par ailleurs, je relève que le texte, dans sa rédaction émanant de l'Assemblée
nationale, prévoit que ces transferts pourront bénéficier aux « agriculteurs
installés », ce qui est logique, mais également « aux personnes physiques qui
en font la demande ».
Cette dernière acception n'est pas sans m'inquiéter. Que faut-il entendre par
là ? Je souhaiterais que l'ordonnance relative à cette question précise bien
que la condition d'accès à la terre est son exploitation, et rien d'autre.
Par ailleurs, la méthode d'attribution des terres devra nécessairement
entraîner une refonte du décret portant création de l'établissement public
d'aménagement de la Guyane, l'EPAG, en faisant entrer au conseil
d'administration la chambre de commerce et d'industrie, la chambre de métiers,
la chambre d'agriculture et les communautés de communes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis certain que les réponses que vous nous
adresserez sauront apaiser les inquiétudes de certains d'entre nous.
S'agissant de la mise en place des ordonnances, j'invite le Gouvernement à
prendre attache avec les élus de l'outre-mer, afin que l'adoption d'une
législation future fasse l'objet de la concertation la plus large.
C'est seulement dans ces conditions qu'une ratification pourra intervenir.
Dans cette attente, j'apporte mon soutien au projet de loi d'habilitation, qui
permettra certaines avancées indispensables pour nos collectivités.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
voudrais, au début de mon propos, attirer une nouvelle fois l'attention du
Gouvernement et, bien entendu, de la Haute Assemblée, sur la diversité
politique de l'outre-mer français, qui s'exprime dans trois catégories de
collectivités « constitutionnelles » : les départements, les territoires et les
collectivités territoriales.
Chacune de ces catégories représente des spécificités institutionnelles,
géographiques, confrontées trop souvent à l'application de lois et de traités
internationaux, sans réflexion commune préalable, et malgré l'avis du Conseil
d'Etat à ce sujet. J'étais tenté de passer sous silence la confusion entre
association et annexion dans les rapports entre l'Union européenne et les
territoires d'outre-mer français, mais je vais tout de même en parler un peu. A
ce sujet, il faudra, dans les ordonnances, appliquer le principe de
non-discrimination prévue par le traité de Rome et par les décisions
d'association dans le cadre du droit d'établissement et des activités salariées
et autres, dont les autorisations ne pourront être données que par les
autorités du territoire auxquelles devront se soumettre également les candidats
métropolitains.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est la conclusion unanime du
récent débat du conseil économique, social et culturel de Polynésie française.
C'est pourquoi, puisque vous avez l'intention de modifier les principes
généraux du droit du travail, je vous demande de prévoir des dispositions
assurant le droit au travail aux personnes originaires de mon territoire.
En tout état de cause et compte tenu de la diversité que j'ai rappelée, je
préférerais que les ordonnances traitent séparément des aménagements
législatifs qui doivent être apportés à chacun des départements, territoires et
collectivités territoriales. Ainsi, chaque département, chaque territoire,
chaque collectivité territoriale aura sa propre ordonnance.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous hochez la tête. J'ai consulté cet ensemble
d'ordonnances et je vous assure que, pour quelqu'un qui n'a jamais fait de
droit, pour un simple dentiste de quartier comme moi, il n'est pas facile
d'éliminer ce qui s'applique à Saint-Pierre-et-Miquelon et de ne conserver que
ce qui doit être appliqué aux îles Marquises. Nous en discuterons peut-être une
autre fois.
Par ailleurs, se pose la question des délais. Le Parlement, qui dispose de
conseillers techniques performants, pourra se prononcer dans le cadre des lois
de ratification au cours de la prochaine session budgétaire, puisque les
ordonnances seront connues au plus tard le 15 septembre et déposées le 15
novembre.
En revanche, les assemblées locales consultées ne disposeront que d'un délai
d'un mois pour donner leur avis, sans doute à partir du 15 septembre. Je
voudrais, monsieur le secrétaire d'Etat, vous rappeler que l'article 69 de la
loi organique n° 96-312, portant statut de la Polynésie française, prévoit que
l'assemblée « dans tous les cas où son avis doit être recueilli » dispose d'un
délai de deux mois pour se prononcer. Certes, ce délai est réduit à un mois,
comme le précise l'article 73, « par dérogation », car le haut-commissaire «
peut faire inscrire par priorité à l'ordre du jour une question sur laquelle
l'assemblée de Polynésie française ou la commission permanente doit émettre un
avis ».
Encore faut-il que l'assemblée soit en session, et si elle ne l'est pas, un
certain temps est nécessaire pour réunir ses membres car ils sont dispersés sur
un territoire beaucoup plus grand que l'Europe, dont plusieurs aéroports, vous
ne l'ignorez pas, ont été détruits par de récents cyclones.
Mais, et c'est grave, se pose la question de fond, que vous avez voulu
éliminer en disant que la consultation des assemblées n'était pas prévue en ce
qui concerne les ordonnances. En réduisant d'autorité, par une loi simple, à un
mois le délai pour rendre l'avis, on modifie les dispositions d'une loi
organique relative à mon territoire.
Je vois que certains disent non et que l'on continuera à appliquer un système
colonial. Ayant eu un grand-père qui a été gouverneur par intérim des colonies,
je connais un peu le système.
(Sourires.)
En tout état de cause, il faudra respecter les compétences de chacune de
nos collectivités d'outre-mer et, d'ores et déjà, tenir compte des avis et des
souhaits qu'elles auront pu exprimer sur le projet de loi d'habilitation que
nous examinons aujourd'hui et dont l'exposé des motifs est relativement
explicite. Bien entendu, comme l'a dit tout à l'heure M. le rapporteur, il ne
faudra pas omettre - car c'est une obligation qui résulte de l'article 74 de la
Constitution - de transmettre l'avis de l'assemblée des pingouins des terres
Australes et Antarctiques françaises au Parlement !
(Sourires.)
C'est ainsi que l'assemblée de Polynésie française - et je ne cite que
quelques extraits de son rapport - est réservée sur les modifications
susceptibles d'être apportées dans le droit du travail, défavorable à des
modifications de la loi de 1965 relative à la copropriété, favorable à
l'épargne logement, à la modernisation du code des douanes, à la procédure
contentieuse et de recouvrement en matière d'impôts.
On constate donc que le territoire est favorable à de nombreuses
améliorations, ou même à des dispositions nouvelles dans le secteur des
compétences de l'Etat.
C'est ainsi qu'il souhaite, comme cela est du reste prévu par les articles 62
et 63 de la loi statutaire, l'homologation des dispositions pénales adoptées
mais non homologuées de l'assemblée de la Polynésie française. De même, il
conviendrait d'attribuer aux policiers municipaux, comme à ceux de
Nouvelle-Calédonie, le pouvoir de constater par procès-verbal certaines
infractions. Cela pose également le problème de l'amélioration du code des
communes, dont de nouvelles dispositions devaient être promulguées voilà plus
d'un an. Quant à l'Université française du pacifique, le Gouvernement propose
de prolonger sa situation illégale. Je pense que, sur l'initiative de M. le
rapporteur, le texte sera bien amélioré.
Mais monsieur le secrétaire d'Etat, si vous pensez d'ores et déjà à doubler
cette université, encore faudrait-il donner aux deux entités une personnalité
autonome, comme les autres universités françaises.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Bien sûr !
M. Daniel Millaud.
Il faudra qu'elles aient la possibilité de passer des conventions avec les
universités de la zone. C'est très important.
Mais avant toute chose, avez-vous pris seulement l'avis de son président, des
collaborateurs de ce dernier et de l'association des étudiants ?
Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer - mais je pourrais en exposer
d'autres - et parce que les délais, je le crains, seront insuffisants, je
m'abstiendrai dans le vote du projet de loi d'habilitation dont nous
discutons.
M. le président.
La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce
projet de loi d'habilitation concerne seize ou dix-sept matières dont plusieurs
visent Saint-Pierre-et-Miquelon.
Je me réjouis de voir enfin s'ouvrir une réelle perspective d'évolution
positive et moderniste dans certains secteurs importants.
C'est le cas précisément, sans être exhaustif et sans entrer dans les détails,
des dispositions visant la médecine vétérinaire, la modernisation du code des
douanes, la protection complémentaire vieillesse des travailleurs non salariés
de l'archipel, la restructuration de l'organisation juridictionnelle locale et
la modernisation des activités financières.
Je souhaiterais que, dans les ordonnances à venir, la question des retraites
des personnels hospitaliers locaux soit prise en considération, afin d'en finir
avec une discrimination déjà trop ancienne.
Toutefois, je regrette que, contrairement aux souhaits exprimés par les
parlementaires et par le conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon, la mise
en place d'un registre d'immatriculation des navires propre à l'archipel n'ait
pas été intégrée dans ce projet de loi. L'occasion était belle, lorsque l'on
mesure les potentialités de développement des activités maritimes qui
s'annoncent dans toute la région en liaison avec la recherche et l'exploitation
présente et à venir, notamment dans notre zone économique exclusive, des
gisements sous-marins de pétrole et de gaz, pour lesquels nos voisins
nord-américains s'engagent largement. Le gouvernement auquel vous appartenez,
monsieur le secrétaire d'Etat, ne devrait pas négliger cette question.
Je dirai deux mots sur les pages 7 et 8 de l'exposé des motifs concernant le
prétendu souhait des maires des communes de l'archipel de vouloir s'impliquer
davantage dans les dossiers de sécurité puisque, en fait, les correspondances
qu'ils ont adressées au président du conseil général et au préfet indiquent
tout le contraire.
En ce qui concerne l'application à Saint-Pierre-et-Miquelon de la
réglementation nationale en matière de sécurité et des risques d'incendie, je
ne suis pas favorable au texte initial, et l'assemblée locale consultée s'est
prononcée contre.
A ce sujet, j'ai déposé un amendement pour l'application de l'alinéa 3° de
l'article 1er.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des précisions que vous avez
apportées au sujet de l'ordonnance qui éviterait les conflits de compétences, à
Saint-Pierre-et-Miquelon, entre l'Etat, la collectivité et les communes, ainsi
que, plus généralement, des procédures de consultation des projets
d'ordonnances par les assemblées locales, en espérant, comme mes autres
collègues, que nous pourrons respecter les délais prévus.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier les différents intervenants, qui
ont marqué leur intérêt pour la démarche nouvelle proposée dans ce texte, ainsi
que pour le contenu de ce dernier.
Je traiterai ensuite du sujet d'actualité qui nous préoccupe tout
particulièrement et que M. le rapporteur, MM. Allouche et Loueckhote ont
abordé, c'est-à-dire la situation en Nouvelle-Calédonie.
S'agissant de notre démarche, je vous confirme que l'intention du Gouvernement
dans ce domaine est de travailler à actualiser l'application du droit
outre-mer. Autant que nous le pouvons, et comme cela se pratique, je crois,
depuis quelques années, les projets de loi soumis au Parlement prévoient les
conditions d'application outre-mer.
Mais de nombreux textes ne connaissant pas de telles dispositions
d'application subsistent encore. D'où l'idée de réaliser ces fameuses «
lois-balais » - l'expression est un peu péjorative ! - qui tendent à refonder
le droit outre-mer sur la base du droit national élaboré par le Parlement.
L'ensemble des textes concernant cette loi d'habilitation, qui se traduiront
en ordonnances, représentent plus de trois cents pages. C'est donc là encore un
véritable monument législatif que nous aurions à construire, d'où le choix de
la formule des ordonnances, et donc d'une loi d'habilitation. Je comprends bien
d'ailleurs, pour avoir moi-même été parlementaire, qu'une telle loi
d'habilitation suscite des réserves et des réticences de la part de M. Allouche
en raison du désaississement du Parlement qu'elle induit. J'ai été étudiant en
droit dans les années soixante, et je sais bien que les professeurs de la
faculté de droit considéraient avec beaucoup de suspicion les ordonnances. Nous
avons toujours conservé cette culture juridique.
De ce point de vue, le Parlement ne doit pas se sentir tenu à l'écart des
textes que nous avons ainsi à élaborer et ensuite à promulguer.
En effet, la démarche nouvelle que nous proposons vise à associer au maximum
le Parlement et les collectivités territoriales à l'élaboration de ces
ordonnances et non pas à les déposséder. Nous travaillons ici dans l'intérêt
général, pour essayer de faire en sorte que la législation soit la mieux
adaptée possible aux situations particulières de l'outre-mer.
Ainsi, les avant-projets ont déjà été présentés aux assemblées locales. Seule
la Martinique n'a pas encore répondu, mais ce n'est, à mon avis, qu'une
question de délai. Une fois la loi d'habilitation adoptée, les projets
d'ordonnances seront transmis aux assemblées, de même qu'un échange aura lieu
avec les parlementaires, de façon à mieux adapter les dispositions
législatives. Enfin, interviendront les lois de ratification, qui permettront,
en ce domaine, un débat utile.
Ce souci de transparence et d'efficacité législative me paraît reconnu par
tous les sénateurs qui se sont exprimés ici, même si M. Millaud a formulé des
réserves, invoquant des problèmes de délais. Mais nous essaierons de faire au
mieux avec l'assemblée de Polynésie française de façon à associer tout le
monde.
Je souhaite maintenant apporter quelques précisions en réponse aux questions
qui m'ont été posées.
Tout d'abord, M. Loueckhote a évoqué la réaction qui se manifeste en
Nouvelle-Calédonie concernant l'extension de la garantie décennale en matière
de construction. M. le député Frogier m'a également écrit récemment à ce sujet.
S'agissant de ce texte, nous aurons à déterminer si le dispositif doit ou non
être inclus dans l'ordonnance puisqu'un projet de loi de Mme Guigou abordant
ces questions est en cours de discussion. Nous disposons donc de quelque temps
pour ajuster les dispositions en tenant compte de la spécificité de la
Nouvelle-Calédonie.
En ce qui concerne la Guyane, je partage les préoccupations de M. Othily.
S'agissant tout d'abord des problèmes de santé, la Guyane est à ma
connaissance le seul territoire national où les problèmes de paludisme se
posent et où nous devons donc mener une action préventive en cette matière. En
conséquence, il me paraît légitime que les produits destinés à assurer la
protection contre le paludisme soient remboursés dans toutes les circonstances
: c'est en effet un principe d'égalité, et l'ordonnance devra donc se situer
dans cette perspective.
S'agissant des citoyens français n'ayant pas d'état civil, j'ai demandé à Mme
le garde des sceaux que l'opération soit accélérée par la mise à disposition de
personnels.
De la même façon, je viens d'écrire au directeur de cabinet de Mme Guigou pour
lui demander d'envisager d'associer les élus locaux, voire les personnalités de
la commune - « les sages », comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur - lors
de la venue sur place du magistrat, de façon à constater les états civils. Je
souhaite que cette opération se déroule sur l'année 1998, pour que ce problème
soit enfin réglé.
Comme vous le savez, la justice s'était opposée, pour des raisons
constitutionnelles, aux régularisations administratives, puisque l'état civil
des personnes fait partie des garanties des justiciables.
Nous devons donc nous situer dans un cadre juridique qui donne la prééminence
au tribunal de grande instance de Cayenne et au procureur général. Les moyens
vont être renforcés, sur le plan juridique, pour permettre d'accomplir cette
tâche.
Enfin, sur le plan foncier, l'ordonnance demande à être précisée, car l'on
comprend bien l'intérêt que les Guyanais éprouvent à être propriétaires des
terres qu'ils cultivent, voire sur lesquelles ils exercent des activités ; en
effet, certains sont non pas des cultivateurs à temps plein, mais ce que l'on
appelle aujourd'hui des « pluriactifs ».
Comme vous, monsieur le sénateur, je considère, d'une part, que cette
opération ne doit pas donner lieu à un processus spéculatif et, d'autre part,
que le transfert du domaine public de l'Etat vers le domaine privé de
particuliers exerçant une activité soit agricole, soit tout autre, doit se
faire avec une garantie de maintien dans le domaine public. Il ne s'agit pas
que des terres soient transférées pour être vendues selon un processus
spéculatif avant, à mon avis, un délai de prescription trentenaire, qui me
paraît constituer un élément indispensable.
Nous aurons à discuter de ce problème avec l'administration des domaines. La
discussion sera bien évidemment difficile, comme elle l'est d'ailleurs déjà
depuis plus de vingt ans. Mais je pense que nous pourrons parvenir, dans
l'intérêt général, à une solution acceptée par tous.
J'en viens maintenant à l'Université française du Pacifique, évoquée par M.
Millaud.
A cet égard, nous nous sommes trouvés devant une difficulté : en effet, le 9
octobre, l'Université française du Pacifique ne disposait plus de statut,
puisque la période transitoire était révolue.
Le Gouvernement, notamment le ministre de l'éducation nationale, souhaite
maintenant favoriser l'existence de deux universités distinctes. Nous aurons
donc, à mon avis, deux établissements publics ; cette création interviendra
sans doute, compte tenu du délai nécessaire, à la fin de l'année 1998.
Monsieur Millaud, je retiens votre suggestion tendant à consulter les
personnels et les étudiants des universités ; mais mon souhait le plus fort,
dans ce projet, est que ces universités aient une capacité de rayonnement dans
toute la zone du Pacifique Sud.
Quand nous avons établi, au mois d'août dernier, le bilan de l'application du
contrat de développement, nous avons constaté que, malheureusement,
l'université du Pacifique de Papeete accueillait peu d'étudiants en provenance
de pays voisins. C'est dommage pour le rayonnement de la Polynésie et pour la
culture francophone ! L'érection de deux universités en établissements publics
devrait leur permettre de passer des conventions et, probablement, d'étendre
leur capacité à accueillir des étudiants étrangers du Pacifique Sud.
La validation législative prévue à l'article 4 pour la concession d'endigage
se révèle complexe : elle vise des opérations qui ont déjà eu lieu et pose un
problème de domanialité de l'Etat - qui est confirmée - par rapport à des
travaux qui ont été autorisés par le territoire. Une proposition de M. Frogier,
appuyée par M. Loueckhote, tend à aplanir cette situation et à en finir avec un
contentieux qui perdure. Nous avons nous-mêmes cherché une solution par la voie
administrative de la régularisation et je vous proposerai une autre démarche de
coordination, que vient appuyer l'amendement de M. le rapporteur. J'espère que
nous pourrons, de la sorte, parvenir à une solution satisfaisante.
En ce qui concerne les terres Australes et Antarctiques françaises, les TAAF,
le rapport qui avait été commandé à plusieurs personnalités m'a été
officiellement remis voilà deux jours. Je l'ai communiqué aux membres du groupe
de travail qui réfléchit actuellement à l'avenir de ce territoire d'outre-mer,
qui est un territoire de la République depuis 1955 et qui présente la
particularité de ne compter aucun habitant permanent, puisque les deux cents ou
deux cent cinquante personnes qui y vivent n'y sont établies que de façon
temporaire, en tant que scientifiques ou personnels d'assistance.
Le conseil consultatif des TAAF comprend différentes personnalités ou
autorités administratives et son rôle est d'appuyer les travaux de
l'administrateur des TAAF.
Nous devons consolider le principe de notre souveraineté à l'égard des terres
Australes et Antarctiques françaises. En effet, s'il s'agit de territoires
lointains, ils n'en présentent pas moins un intérêt scientifique et économique
à travers la zone de pêche, même si celle-ci n'est pas encore aujourd'hui très
étendue. Notre souveraineté n'y est certes pas remise en cause, mais elle doit
nous permettre, par le biais de la zone économique exclusive, de disposer en
plein coeur de l'hémisphère Sud d'une zone importante dont l'avenir économique
doit être préservé.
Hier, à l'Assemblée nationale, M. Gérard Grignon a interrogé mon collègue
Christian Pierret sur l'éventuelle découverte de champs pétroliers et gaziers
dans la zone économique de Saint-Pierre-et-Miquelon. On peut donc imaginer que
le maintien de la souveraineté française au travers des îles du Pacifique Sud
sur une vaste zone économique peut présenter un intérêt à l'avenir. C'est
pourquoi il faut préserver cette souveraineté, quitte peut-être à en adapter
les modalités, encore que, sur ce point, nous avons moins besoin de solutions
juridiques que de sens pratique pour préserver l'essentiel.
J'en viens maintenant à la Nouvelle-Calédonie, et je remercie les orateurs qui
se sont préoccupés de l'avenir de ce territoire.
Nous sommes parvenus, le 1er février, à régler le problème minier, le «
préalable minier », comme l'a appelé le FLNKS : voilà un peu plus d'un an et
demi que ce sujet donnait lieu à des discussions politiques et le FLNKS posait
comme condition de son entrée dans la négociation la levée de ce préalable.
La question de la construction de l'usine Nord est très ancienne. Les
premières promesses avaient été formulées en 1964 par le général de Gaulle,
mais aucune traduction de ce projet de rééquilibrage de l'activité de la
Nouvelle-Calédonie n'était intervenue en termes d'investissement.
Le Gouvernement, depuis sept mois, a essayé de sortir d'une situation enlisée
et de créer les conditions de réalisation de cette usine, afin de mettre à sa
disposition les gisements susceptibles d'en permettre l'exploitation. Je ne
sais pas, monsieur Loueckhote, si l'usine sera construite, mais je le souhaite
ardemment, parce que tout ce travail accompli, toute cette énergie dépensée
devraient être concrétisés dans l'intérêt de tous ceux qui vivent en
Nouvelle-Calédonie.
Lorsque je me suis rendu dans ce territoire, j'ai entendu toutes les opinions.
Tout le monde souhaite effectivement la construction d'une usine au nord pour
un rééquilibrage du territoire, puisque la seule usine de transformation
métallurgique se trouve au sud, à Doniambo, aux portes de Nouméa.
Nous avons créé les conditions de cette réalisation. Je pense que les
opérateurs industriels, dont la SMSP et son partenaire, Falconbridge, se
saisiront donc de cette occasion, dans le calendrier prévu, pour réaliser cet
instrument industriel qui me paraît indispensable. Il est en effet porteur de
créations d'emplois et générateur d'activités induites dans le nord.
Nous avons en tout cas pesé de tout notre poids pour que l'usine soit
réalisée.
Eramet a participé à la négociation, mais a présenté il y a quelque temps un
projet pour une autre usine au nord, utilisant un autre procédé
hydrométallurgique, avec une société australienne, Queensland Nickel. Après
tout, si ce projet voit lui aussi le jour dans des délais rapides, ce sera bien
pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.
Pour ce qui est des discussions politiques, la Nouvelle-Calédonie vient de
vivre dix années de paix, de développement, de pouvoir partagé entre
communautés, avec des succès mais aussi des réserves et des difficultés, comme
cela se passe toujours sur le terrain dans ce genre d'accords. Je crois
cependant que l'appréciation unanime des gens qui vivent en Nouvelle-Calédonie
comme de ceux de la zone périphérique, qui ont été souvent critiques vis-à-vis
de la France - je pense à certaines grandes puissances - est positive.
Je souhaite que aussi bien la représentation nationale que, au-delà, le peuple
calédonien dans son ensemble mesurent ce qui a été accompli au cours de ces dix
ans.
Il faut maintenant franchir une nouvelle étape. Le référendum
d'autodétermination prévu par les accords de Matignon entre dans le cadre des
textes constitutionnels : il s'agit de se prononcer pour le maintien du
territoire dans la République française ou pour son accession à
l'indépendance.
L'idée qui prévaut en Nouvelle-Calédonie depuis quelques années est non pas
d'aller vers ce référendum avec le risque de diviser la population, mais
d'essayer de trouver une nouvelle solution juridique pour vivre ensemble une
nouvelle étape. Le Gouvernement est fermement attaché à cette démarche et il
souhaite, dans les prochaines semaines, tout mettre en oeuvre pour qu'elle se
réalise, sachant que le calendrier est aujourd'hui impératif et qu'il nous
amènera à l'option du 31 décembre.
Dans l'immédiat, nous allons reprendre contact avec les deux partenaires des
accords de Matignon, le RPCR et le FLNKS, d'abord pour mesurer le chemin qui a
été parcouru et ensuite pour s'assurer que ceux-ci, à travers leur
représentation, sont le plus possible à l'image de la société calédonienne ;
nous essaierons alors de définir une méthode et un calendrier qui devraient
permettre de tracer les voies d'un accord politique.
Loin de vouloir opposer telle ou telle communauté, telle ou telle solution
politique, le Gouvernement veut au contraire s'efforcer, dans l'esprit des
accords de Matignon, de trouver une voie partagée par les deux communautés.
Nous aurons sûrement beaucoup d'efforts à faire et le problème sera difficile à
traiter sur le plan juridique, monsieur le rapporteur. Il nous faudra donc
imagination, sérénité et volonté d'aboutir.
J'ajoute que cette volonté d'aboutir correspond non pas simplement à une
dimension juridique, mais à un objectif de stabilité. Il est légitime qu'en
Nouvelle-Calédonie les investisseurs, ceux qui exercent des activités, mais
aussi les personnes qui y vivent, se demandent quel est l'avenir pour leurs
enfants et ce que nous leur proposons. On ne peut pas bâtir, regarder vers
l'avenir si l'on ne sait pas ce qui se passera d'ici à la fin de 1998 !
Mon souhait, c'est que nous puissions rapidement entamer la discussion,
déterminer les points de divergence - qui sont d'ailleurs déjà connus en grande
partie - et essayer de cheminer ensemble. Je crois que nous aurons l'occasion,
en Nouvelle-Calédonie, de construire avec des hommes et des femmes de bonne
volonté un avenir qui soit un avenir de paix, de développement et de respect
mutuel.
J'espère que le Gouvernement y contribuera, mais je souhaite aussi que le
Parlement y participe parce que je crois que l'image de notre pays nous
commande de construire un avenir de fraternité entre toutes les populations qui
vivent sur ce territoire.
Voilà ce que je souhaiterais vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs.
Mais nous aurons, bien évidemment, l'occasion de reparler de ce dossier
important de la Nouvelle-Calédonie.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er