M. le président. « Art. 6. _ I, - A. _ Après les mots : "contrats transformés", la fin de la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 322-12 du code du travail est supprimée.
« I. _ Le troisième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« Pour ouvrir le bénéfice de cet abattement, le contrat doit prévoir une durée hebdomadaire du travail qui peut être calculée, le cas échéant, sur le mois, comprise entre dix-huit heures, heures complémentaires non comprises et trente-deux heures, heures complémentaires ou supplémentaires comprises. »
« II. _ Le quatrième alinéa du même article est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il n'est toutefois ouvert, dans ce cas, que lorsque le temps partiel calculé sur une base annuelle résulte de l'application dans l'entreprise d'un accord collectif définissant les modalités et les garanties suivant lesquelles le travail à temps partiel est pratiqué à la demande du salarié. »
« III. _ Dans la première phrase de l'antépénultième alinéa du même article, les mots : "trente jours" sont remplacés par les mots : "soixante jours".
« III bis. _ Dans l'avant-dernier alinéa du même article, les mots : "six mois" sont remplacés par les mots : "douze mois".
« IV. _ L'abattement prévu à l'article L. 322-12 du code du travail s'applique ou est maintenu, dans des conditions identiques à celles prévues par cet article, dans une entreprise qui a réduit conventionnellement la durée collective du travail pour les salariés employés sous contrat de travail à durée indéterminée, dont la durée du travail fixée au contrat est comprise entre les quatre cinquièmes de la nouvelle durée collective du travail et trente-deux heures, toutes heures travaillées comprises, et sous condition que les garanties prévues aux articles L. 212-4-2 et L. 212-4-3 leur soient appliquées.
« V. _ Par dérogation aux I et II du présent article, l'abattement continue à s'appliquer aux salariés dont le contrat de travail en a ouvert le bénéfice en application des dispositions en vigueur avant la date de publication de la présente loi. »
Par amendement n° 7, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer les paragraphes I A, I, II, III bis et V de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 6 modifie l'article L. 322-12 du code du travail, relatif à l'abattement de charges sociales dont bénéficie, sous certaines conditions, le temps partiel, sur deux points essentiels : il cherche à éviter certains abus dans l'utilisation du temps partiel annualisé ; il prévoit la survie du dispositif d'abattement de charges sociales pour le temps partiel lorsque l'entreprise a conclu un accord d'abaissement du temps de travail.
Cet article durcit les conditions d'attribution de l'abattement sur les cotisations patronales accordé lors de l'embauche de salariés à durée indéterminée à temps partiel ou lors de la transformation d'un emploi à temps plein en un emploi à temps partiel.
En conséquence, la commission propose de supprimer les dispositions qui constituent des obstacles au développement du travail à temps partiel pour ne conserver que les paragraphes III et IV.
De façon pragmatique, le paragraphe III de cet article allonge de trente à soixante jours le délai ouvert pour déclarer une embauche à temps partiel à l'autorité administrative et pour bénéficier de l'abattement sur les cotisations sociales du temps partiel.
Le paragraphe IV vise, lui, à maintenir le bénéfice de l'abattement pour les horaires à temps partiel qui, à la suite de la réduction du temps de travail, basculeraient en dehors du champ de la définition du temps partiel.
La commission vous propose donc, mes chers collègues, un amendement de suppression des paragraphes I A, I, II, III bis et V.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je m'en suis longuement expliquée hier, il nous semble que, si nous souhaitons le développer en France, le travail à temps partiel doit être, dans la mesure du possible, choisi et ne pas se traduire par des pressions qui seraient exercées sur les salariés ou par une détérioration de leurs conditions de vie.
Cet amendement tendant à ôter du dispositif les trois conditions restrictives qui permettent de « moraliser », comme certains l'ont dit, le travail à temps partiel, je ne peux que lui être défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole, contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Mme la ministre vient de le dire, cet amendement tend à supprimer la quasi-totalité des dispositions visant à la moralisation du temps partiel contenues dans le projet de loi. La majorité sénatoriale propose, en effet, de supprimer la limitation à l'octroi de l'abattement de 30 % des charges patronales en cas de passage de contrats à temps plein à contrats à temps partiel pour un même volume horaire lorsqu'il n'y a pas de créations nettes d'emplois. C'est pourtant une mesure intéressante pour les deniers publics qui se trouvent, en l'espèce, utilisés pour financer le développement de la flexibilité et non pas le développement de l'emploi.
La commission propose de supprimer également le relèvement du seuil minimum de 16 heures à 18 heures pour donner droit à l'abattement de charges patronales. Je ferai la même observation. Seize heures de travail hebdomadaires, selon la législation actuelle, représentent une durée inférieure à un travail à mi-temps, et ne permettent pas, nous en sommes bien loin, d'assurer un revenu simplement acceptable. Je l'ai qualifié hier de « revenu proche de l'assistanat ». Seize heures par semaine, c'est un temps partiel subi, et il est alors paradoxal de voir le salarié, qui est d'ailleurs, dans 85 % des cas, une salariée, réduit à cette condition, alors que son employeur bénéficie, pour ce travail à temps partiel, du soutien des finances publiques. Là aussi, le relèvement du seuil minimum à 18 heures, qui constituera dans les prochaines années la mesure d'un mi-temps, est une mesure indispensable de moralisation et d'équité.
La commission propose de supprimer la disposition aux termes de laquelle l'abattement n'est ouvert en cas d'annualisation - et nous parlons ici de temps partiel annualisé - que lorsque celle-ci résulte d'un accord collectif d'entreprise. On ne saurait mieux exprimer la différence qui nous oppose entre le temps partiel choisi, que nous acceptons, et le temps partiel subi, que vous défendez de facto par votre amendement.
Or le dispositif proposé par le Gouvernement est l'exemple même d'une mesure de moralisation, d'une mesure qui prône le respect des personnes, de leur vie familiale - à laquelle j'avais cru comprendre que la majorité sénatoriale était tout aussi attachée que l'opposition sénatoriale - plutôt que la contrainte à l'égard des salariés considérés comme de la simple main-d'oeuvre.
La commission propose enfin de supprimer la mesure adoptée par l'Assemblée nationale qui étend de six à douze mois le délai pendant lequel une entreprise qui a licencié des salariés à temps plein doit demander l'autorisation de l'administration avant d'embaucher à temps partiel et de bénéficier ainsi de l'abattement.
En quoi pourtant cette mesure vient-elle heurter le développement du travail à temps partiel choisi que vous souhaitez ? C'est une simple mesure de précaution à l'encontre des abus constatés et de prudence à l'égard de l'usage des aides financières de l'Etat.
En réalité, vous entendez accélérer le développement du recours au travail à temps partiel, le plus souvent subi, si l'on en juge par les conditions que vous définissez, et au bénéfice exclusif des employeurs, sans tenir compte des exigences d'une vie normale pour les salariés.
Il est vrai que le développement du travail à temps partiel offre un avantage considérable en termes statistiques : il met en avant des créations d'emplois en nombre, mais ne dévoile ni la nature et la qualité de ces emplois ni le montant des revenus qui y sont attachés.
Nous ne faisons pas ce choix. Les emplois dont nous entendons favoriser la création doivent être de vrais emplois, encadrés par des règles justes et acceptables par tous. Les emplois à temps partiel, dans cette perspective, doivent bénéficier d'une attention particulière. Ils sont, en général, exercés par des personnes faiblement qualifiées, et notre devoir est de leur assurer une protection particulière, compte tenu de la situation de nécessité dans laquelle elles se trouvent le plus souvent.
Nous voterons donc contre cet amendement, néfaste à la fois pour les finances publiques et pour les conditions de vie et de travail des salariés. Nous avons demandé au Sénat de se prononcer par scrutin public, considérant que cette partie de la loi était essentielle, car ce sont aujourd'hui plus de 3,5 millions de salariés de notre pays qui sont concernés.
Mme Odette Terrade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. La commission des affaires sociales, en tout cas sa majorité, est apparemment particulièrement attachée au travail à temps partiel, dont le véritable nom est d'ailleurs plutôt « travail à rémunération partielle ».
On nous présente, en effet, le travail à temps partiel comme un moyen de création d'emplois, procédant d'ailleurs d'une vision quelque peu idéaliste de la relation entre le salarié et l'employeur, et qui ferait d'une sorte de « libre échange » entre les deux parties le fait générateur du recours à ce type d'aménagement du temps de travail.
Le débat est assez ancien maintenant pour que l'on sache si le recours au travail à temps partiel est librement consenti par le salarié ou s'il peut lui être imposé par la stricte application de règles d'un marché du travail pour le moins déstructuré.
C'est tellement vrai que, malgré les aménagements accordés pour le recours au travail à temps partiel dans le cadre de la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle de 1993, il demeure toujours dans notre code du travail des dispositions de requalification des emplois à temps partiel, dès lors qu'il y a accumulation d'heures complémentaires qui révèlent, en général, la véritable nature du travail à temps partiel, c'est-à-dire un moyen comme un autre de comprimer le coût du travail et de peser sur les salaires.
Le travail à temps partiel est, dans les faits, rarement choisi.
Il procède bien souvent d'une nécessité pour le salarié soit de ralentir son activité professionnelle, pour des raisons familiales ou autres, soit d'une orientation pure et simple de l'entreprise, qui tend alors à considérer le travail comme une matière première dont il faut user avec circonspection.
Les motivations du recours au temps partiel sont assez largement connues ; il s'agit, par exemple, d'assumer des charges d'éducation d'un enfant en bas âge, par défaut de mode garde collective accessible, ou encore de mettre en oeuvre un parcours de formation personnel que l'entreprise n'a pas souhaité prendre en charge.
Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que les salariés qui utilisent le plus le travail à temps partiel sont des femmes.
Le problème est que, sur le fond, la place des femmes dans le monde du travail n'est pas encore tout à fait respectée, comme on le constate à l'examen, par exemple, des données sur le niveau des rémunérations à qualification égale avec les hommes.
On ne peut également oublier que nombre des créations d'emplois intervenues dans la dernière période l'ont été sous ce régime, puisque les chiffres sont respectivement de 215 000 embauches en 1994 et 216 000 en 1995.
A la fin de 1995, selon les éléments à notre disposition, pour ces emplois à temps partiel qui sont aidés, dans le cadre du dispositif corrigé par l'article 6, ce sont 2,3 milliards de francs que l'Etat a mobilisés au titre de la dépense budgétaire.
Et je ne parle pas des effets de seuil, qui procèdent de l'application de la ristourne dégressive sur les bas salaires, ou des effets induits par la modicité des rémunérations nettes sur le niveau de la consommation et du pouvoir d'achat de ces salariés.
En revanche, rien ne vient remettre en cause un autre aspect fondamental de la situation dans la démarche de la commission, à savoir la constatation que l'accroissement du nombre d'emplois à temps partiel ne constitue pas, loin de là, un obstacle à la progression de la productivité apparente du travail et qu'il faut bien voir, dans ces phénomènes, l'une des raisons de la réduction tendancielle de la part des salaires dans la valeur ajoutée.
On ne peut enfin oublier que le temps partiel est bien souvent une forme déguisée d'annualisation, le recours à ce type d'emplois assez souvent rémunérés autour du SMIC horaire d'ailleurs, étant en particulier fort pratiqué dans les entreprises du commerce ou de la grande distribution. Et cela pour le plus grand bien des comptes de groupes comme Auchan, Carrefour ou Pinault - Printemps - La Redoute, qui disposent ensuite - on l'a vu lors de la tentative d'offre publique d'achat sur Casino - de véritables trésors de guerre.
Nous voterons donc sans équivoque contre l'amendement n° 7 de la commission, dont nous demandons le rejet.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 80:
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 220 |
Contre | 96 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article additionnel avant l'article 7
M. le président.
Par amendement n° 35, Mme Joëlle Dusseau propose d'insérer, avant l'article 7,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le quatrième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail, le
nombre : "sept", est remplacé par le nombre : "dix". »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Article 7