M. le président. « Art. 9. _ Au plus tard le 30 septembre 1999, et après concertation avec les partenaires sociaux, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport établissant le bilan de l'application de la présente loi. Ce bilan portera sur le déroulement et les conclusions des négociations prévues à l'article 2 ainsi que sur l'évolution de la durée conventionnelle et effective du travail et l'impact des dispositions de l'article 3 sur le développement de l'emploi et sur l'organisation des entreprises.
« Le rapport présentera les enseignements et orientations à tirer de ce bilan pour la mise en oeuvre de la réduction de la durée légale du travail prévue à l'article 1er, en ce qui concerne notamment le régime des heures supplémentaires, les règles relatives à l'organisation et à la modulation du travail, les moyens de favoriser le temps partiel choisi et les modalités particulières applicables au personnel d'encadrement.
« Ce rapport précisera également les conditions et les effets de la réduction du temps de travail compte tenu de la taille des entreprises. Il analysera plus particulièrement les moyens de développer l'emploi dans les petites et moyennes entreprises et les incidences des relations entre les entreprises donneurs d'ordre et les entreprises sous-traitantes. »
Sur l'article, la parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Le présent projet de loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail en appelle naturellement un autre, qui en tirera le fruit et les conséquences, à travers une analyse la plus fine possible et la mise en oeuvre devenue législative de la réduction de la durée hebdomadaire du travail.
Il appelle donc une analyse d'efficacité systémique, portant sur l'ensemble des caractères principaux de la situation.
Nous pouvons de manière liminaire rappeler que nous aurions été favorables a priori à une accélération du processus de réduction légale de la durée hebdomadaire du travail, multipliant de fait les conséquences que l'on est en droit d'en attendre sur le plan de l'emploi.
Nous avons souligné, au cours du débat, notre attachement à voir la réduction du temps de travail participer pleinement à la lutte contre le chômage.
De ce point de vue, nous pourrions presque dire que nous préférons un, deux ou trois points de moins en excédent brut de nos entreprises si, dans le même temps, nous constatons une baisse proportionnelle du taux de chômage dans notre pays.
En fin de compte, on est, en effet, bien obligé de se demander à quoi cela peut-il servir d'avoir une industrie forte et compétitive si l'homme ne peut plus y trouver sa place, si le nombre des exclus ne cesse de croître et si rien ne vient fondalement corriger cette situation.
Dans un premier temps, le rapport prévu à l'article 9 dans sa rédaction actuelle a pour objet de tirer le bilan de la relance de la négociation collective qui conduira à l'expérimentation concrète, branche par branche et entreprise par entreprise, de la réduction de la durée du travail.
Cette négociation devra sans doute, dans un certain nombre de secteurs, s'accompagner d'une mobilisation accrue des salariés eux-mêmes, certains syndicats ou organisations patronaux réfléchissant déjà à la possibilité de détourner le présent texte de ses objectifs fondamentaux.
Bien entendu, ainsi que le précise le texte de l'article, on est en droit de se demander quelles conséquences directes la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail aura sur l'emploi et ce qu'elle pourra changer en termes d'organisation du travail.
Je ne reviendrai pas ici sur le débat qui a pu avoir lieu, notamment dans le cadre de la commission d'enquête Arthuis, que le Sénat a cru bon de mettre en place pour justifier par avance son opposition strictement idéologique à toute réduction généralisée de la durée du travail, s'agissant de l'estimation effective de créations d'emplois résultant de la réduction du temps de travail.
Dans l'absolu, elle pourrait être de l'ordre de 500 000 à 600 000 emplois directs, sans négliger les conséquences que l'accroissement du nombre d'actifs employés pourra d'ailleurs entraîner comme créations d'emplois induites, par élévation du niveau de la consommation ou du revenu des ménages.
Dans la mesure où on dénombre plus de trois millions de sans-emploi, ce n'est pas tout à fait négligeable. Cela nécessite donc que nous accordions toute l'attention qui convient à la mise en oeuvre de cette réduction de la durée du travail.
Je suis d'ailleurs enclin à penser que, s'agissant de l'équilibre des comptes publics, cette question, sans être déterminante, ne peut être tout à fait ignorée.
Dans l'esprit de notre commission des affaires sociales, il s'agirait plus ou moins d'opposer dans les faits la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail et des engagements européens plus importants, comme un pacte de stabilité budgétaire indispensable à la poursuite de la politique d'euro fort que l'on nous promet.
En clair, on voudrait accréditer l'idée selon laquelle une réduction de la durée du travail risquerait de faire dériver nos déficits. Or, nous estimons, pour notre part, que ces déficits résultent de la persistance d'un taux de chômage et d'une précarité du travail particulièrement importants, qui génèrent des dépenses d'action sociale considérables et tarissent le niveau des recettes publiques.
Nous pensons même dans les faits que la réduction de la durée du travail peut et doit conduire à une amélioration de la situation des comptes publics et que nous avons, de ce point de vue, plus à gagner qu'à perdre.
Alors que nous allons examiner cet article 9, nous nous opposerons donc sans équivoque aux propositions de la commission.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 9, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit l'article 9 :
« Au plus tard le 31 décembre 2000, et après consultation des partenaires sociaux, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport établissant le bilan d'application de la présente loi. Ce bilan portera sur le déroulement et les conclusions des négociations prévues à l'article 2 ainsi que sur l'évolution de la durée conventionnelle et effective du travail et l'impact des dispositions de l'article 3 sur le développement de l'emploi et l'organisation des entreprises ainsi que sur l'équilibre des comptes publics. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements.
Le sous-amendement n° 30, présenté par M. Gournac, vise, dans la seconde phrase du texte proposé par l'amendement n° 9, après les mots : « effective au travail », à insérer les mots : « , le montant des rémunérations des salariés concernés ».
Le sous-amendement n° 31, déposé par M. Gournac, tend à compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 9 par les mots : « et notamment celui des comptes sociaux ».
Par amendement n° 17, M. Marini propose de compléter l'article 9 par un alinéa ainsi rédigé :
« Un rapport annuel sera présenté par le Gouvernement au Parlement pour évaluer le coût annuel de cette mesure pour les finances publiques au regard des avantages tirés de la création d'emplois. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 9.
M. Louis Souvet, rapporteur. Monsieur le président, la commission souhaite rectifier cet amendement pour y intégrer le sous-amendement n° 30 de notre collègue M. Gournac, qui prévoit que le bilan portera aussi sur les rémunérations versées.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 9, rectifié, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, et tendant à rédiger comme suit l'article 9 :
« Au plus tard le 31 décembre 2000, et après consultation des partenaires sociaux, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport établissant le bilan d'application de la présente loi. Ce bilan portera sur le déroulement et les conclusions des négociations prévues à l'article 2 ainsi que sur l'évolution de la durée conventionnelle et effective du travail, le montant des rémunérations des salariés concernés et l'impact des dispositions de l'article 3 sur le développement de l'emploi et l'organisation des entreprises ainsi que sur l'équilibre des comptes publics. »
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 9 vise à prévoir un bilan de l'application de la présente loi.
La commission vous propose, par coordination avec la suppression de l'abaissement autoritaire de la durée légale hebdomadaire à 35 heures, un amendement visant à prévoir un bilan de la loi Robien « reprofilée » par l'article 3. Ce bilan portera sur le déroulement et les conclusions des négociations, sur l'évolution de la durée conventionnelle et effective du travail et sur l'impact du nouveau dispositif de la loi Robien sur le développement de l'emploi, l'organisation des entreprises et l'équilibre des comptes publics.
M. le président. Le sous-amendement n° 30 est-il soutenu ?...
Le sous-amendement n° 31 est-il soutenu ?...
L'amendement n° 17 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 9 rectifié ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, dont la rédaction traduit le désaccord de fond que nous avons sur le contenu même du projet de loi.
Nous considérons qu'il est important que le Parlement soit saisi d'un rapport avant le 30 septembre 1999, puisque nous souhaitons déposer un second projet de loi sur les conditions du passage à 35 heures au 1er janvier 2000.
Bien évidemment, les conséquences de l'aide à la réduction du temps de travail seront traitées dans ce rapport, ce qui répond au souhait de M. le rapporteur. Je précise d'ailleurs que nous aurons également l'occasion à plusieurs reprises, lors de la discussion aussi bien du projet de loi de financement de la sécurité sociale que du projet de loi de finances pour 1999, de faire le bilan et d'évoquer l'effet sur les finances publiques du dispositif mis en place.
M. le président. Je vais metre aux voix l'amendement n° 9 rectifié.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Nous serons logique avec nous-mêmes et nous ne voterons pas cet amendement puisqu'il s'agit d'évaluer un dispositif que nous n'approuvons pas. M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 9 est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 9