ACCORD AVEC L'INDE SUR
L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION
RÉCIPROQUES DES INVESTISSEMENTS
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 231, 1997-1998)
autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République d'Inde sur l'encouragement et la
protection réciproques des investissements. [Rapport (n° 314, 1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, les accords d'encouragement et de protection
réciproques des investissements présentés aujourd'hui à votre approbation ont
pour objet d'établir un cadre juridique sûr qui permette de favoriser
l'activité de nos entreprises à l'étranger.
Les quatre accords soumis à votre examen ont été signés avec la Géorgie, le 3
février 1997, avec Cuba, le 25 avril 1997, avec l'Inde, le 2 septembre 1997, et
avec la Moldavie, le 8 septembre 1997.
Leur texte est presque identique. Il contient les grands principes qui
figurent habituellement dans les accords de ce type et qui constituent la base
de la protection des investissements telle que la conçoivent aujourd'hui les
pays de l'OCDE.
Aussi, si vous me le permettez, je me bornerai à en présenter les principales
caractéristiques, avant de dire quelques mots sur chacun des quatre pays.
Les principaux traits de ces accords peuvent ainsi être rappelés.
En premier lieu, il y a l'octroi aux investisseurs d'un traitement juste et
équitable, conforme au droit international et au moins égal au traitement
accordé aux nationaux ou à celui de la nation la plus favorisée.
Il y a, en deuxième lieu, la garantie de libre transfert des revenus et du
produit de la liquidation des investissements ainsi que d'une partie des
rémunérations des nationaux de l'une des parties contractantes.
S'y ajoute, en troisième lieu, le versement, en cas de dépossession, d'une
indemnisation prompte et adéquate, dont les modalités de calcul sont précisées
dans l'accord.
Puis vient, en quatrième lieu, la faculté de recourir à une procédure
d'arbitrage international en cas de différend entre l'investisseur et le pays
d'accueil.
Enfin, le Gouvernement français a la possibilité d'accorder sa garantie aux
investissements que réaliseront à l'avenir nos entreprises dans ces pays,
conformément aux dispositions de la loi de finances rectificative pour 1971,
qui subordonne l'octroi de cette garantie à l'existence d'un tel accord.
Comme vous le voyez, les principes auxquels nous sommes attachés, et qui
fondent la protection des investissements, sont inscrits dans le texte que nous
avons signé avec la Géorgie, Cuba, l'Inde et la Moldavie.
Je crois également utile de souligner l'intérêt que présentent ces conventions
dans nos rapports avec ces quatre pays.
Ces accords s'inscrivent, tout d'abord, dans un processus global destiné à
offrir la plus grande sécurité possible à nos investisseurs. Cette démarche
suivie avec constance a permis de passer des accords de ce type avec plus de
soixante-dix pays.
Par ailleurs, on ne saurait trop souligner que les accords soumis à votre
approbation ont été signés avec des pays qui ont entrepris des réformes
économiques importantes. Cette réalité n'a, bien évidemment, pas échappé aux
investisseurs internationaux, qui y sont déjà bien implantés, et parfois de
manière plus significative que nos propres opérateurs.
Ce simple constat, à savoir l'importance du développement des investissements
étrangers, met logiquement en évidence le souci qui inspire ces accords :
aider, autant que faire se peut, les entreprises françaises à prendre toute
leur place dans ces différentes régions du monde, dont certaines nous sont de
plus en plus proches. Je pense notamment aux pays d'Europe centrale et
orientale.
Pour ce qui concerne l'Inde, je tiens à insister tout particulièrement sur
l'importance de l'accord signé avec ce pays. Vous le savez, nos relations avec
l'Inde évoluent. Elles sont entrées récemment dans une phase nouvelle, avec la
visite du chef de l'Etat à l'occasion de la fête nationale indienne.
Ce voyage a permis de poser les fondements d'un partenariat global, souhaité
par nos deux pays.
Nos relations s'intensifient, mais notre présence sur place, qui certes
s'accroît, reste insuffisante. La France n'est que le septième investisseur en
Inde et notre part du stock total des investissements étrangers directs dans ce
pays est inférieure à 1 p. 100, ce qui est tout à fait insuffisant. Nous sommes
en retard par rapport à nos principaux partenaires, ces derniers ayant
peut-être pris conscience avant nous de l'importance des changements
économiques opérés en Inde depuis 1991. L'accord soumis à votre approbation
constituera donc un signal fort à l'adresse de la communauté d'affaires
française, afin de l'aider à trouver sur ce marché la place qui lui revient.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
d'Inde sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements,
qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Alloncle,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements signé à Paris entre la France et l'Inde le 2 septembre dernier
s'inspire de la soixantaine d'accords similaires auxquels notre pays est déjà
partie.
Nous retrouvons dans cet accord les clauses habituelles sur le traitement «
juste et équitable » des investissements étrangers, sur la protection des
investissements, sur la liberté des transferts et l'indemnisation en cas
d'expropriation ou encore sur le mécanisme d'arbitrage international pour le
règlement des différends.
Le texte ne s'écarte de l'accord type que sur des points mineurs. Ainsi, les
investissements indirects effectués par une société établie dans un Etat tiers
seront couverts sous réserve d'une participation minimale d'au moins 51 % d'un
investisseur français ou indien dans cette société.
En engageant rapidement la procédure de ratification de cet accord, nous
confirmons, ainsi que l'a rappelé M. le Président de la République lors de sa
visite d'Etat en janvier dernier, que l'Inde constitue aujourd'hui une priorité
pour notre politique étrangère en Asie, l'objectif étant particulièrement d'y
renforcer notre présence économique hélas ! encore trop modeste.
Longtemps marquée par le protectionnisme, le dirigisme et l'emprise du secteur
public, l'économie indienne est engagée depuis 1991 sur la voie de la
libéralisation et de l'ouverture à l'extérieur. Un rôle moteur est désormais
dévolu à l'investissement étranger pour soutenir la croissance et pour
moderniser une économie insuffisamment compétitive. La France entend bien ne
pas être absente de ce vaste chantier qui ouvre des perspectives considérables,
à l'échelle d'un pays de près d'un milliard d'habitants. Tel est l'intérêt de
l'entrée en vigueur rapide de cet accord d'investissement.
De manière plus générale, cet accord s'inscrit dans la perspective de la
relance des relations franco-indiennes, qui était l'objectif central du voyage
du chef de l'Etat et qu'il entendait conforter indépendamment des évolutions
politiques qui se produisent actuellement en Inde.
Au cours des années récentes, la qualité des relations franco-indiennes a
donné lieu à des appréciations contrastées. Sans doute n'étaient-elles pas, aux
yeux de beaucoup, à la hauteur du poids politique, économique et démographique
de l'Inde et du rôle que ce grand pays entend jouer sur la scène mondiale.
En matière politique tout d'abord, nos relations ont souffert de contentieux
ou d'incompréhensions. La question des exportations d'armement vers le Pakistan
demeure pour l'Inde un sujet de vive préoccupation et, à ce titre, les
apaisements nécessaires ont récemment été apportés au gouvernement indien en
vue de lever un obstacle sérieux à de bonnes relations.
Par ailleurs, M. le Président de la République a souhaité insister sur un
certain nombre de convergences d'intérêt entre nos deux pays : le refus d'un
monde unipolaire et l'attention portée aux questions de développement.
Sur un plan concret, un protocole financier d'un montant de 125 millions de
francs pour 1998 vient d'être signé. Un haut comité de coopération militaire,
qui suivra les questions stratégiques, la coopération de défense mais aussi la
coopération industrielle, doit être mis en place.
En matière scientifique et culturelle, notre coopération, bien que modeste,
est active et ancienne. Son volet scientifique est particulièrement développé
et repose sur le Centre franco-indien pour la recherche avancée, qui
sélectionne et finance des projets communs. La coopération culturelle est axée
sur l'apprentissage du français, enseigné à 240 000 élèves du secondaire et 60
000 étudiants. L'Inde compte en outre un réseau de quinze Alliances françaises.
Enfin, il faut mentionner le rôle important joué par l'Institut français de
Pondichéry, voué à l'étude de la civilisation indienne.
S'agissant des échanges économiques, la France semble avoir peu profité de la
politique d'ouverture commerciale et de la réduction des barrières tarifaires
entreprise par l'Inde depuis 1991. La France est le dix-huitième fournisseur de
l'Inde, et le onzième si l'on exclut les importations de pétrole. Notre part de
marché se situe depuis plusieurs années autour de 2 %, loin derrière les
Etats-Unis et l'Allemagne, mais aussi après la Belgique, le Japon, la
Grande-Bretagne, l'Australie, la Suisse ou l'Italie.
Un constat similaire peut être dressé dans le domaine des investissements. En
quelques années, l'Inde a considérablement élargi les secteurs ouverts à
l'investissement étranger sans procédure d'approbation préalable. Le flux de
l'investissement direct étranger, qui se limitait à 140 millions de dollars en
1991, a atteint 2,3 milliards de dollars en 1996. Avec les nouvelles mesures
prises en 1997 pour ouvrir davantage encore l'accueil de capitaux étrangers,
l'objectif est d'atteindre un flux de 10 milliards de dollars par an.
La France n'est cependant aujourd'hui que le huitième investisseur, avec 1,5 %
seulement du stock d'investissements, bien qu'une centaine de nos entreprises
soient implantées en Inde. Plusieurs contrats ont pu être signés lors de la
visite du chef de l'Etat, et d'autres semblent en bonne voie. D'ailleurs, un
forum d'initiatives franco-indien doit être créé afin de multiplier les
opportunités de partenariat. A l'évidence, de nombreux progrès restent encore à
réaliser dans ce domaine.
En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, il paraît clair
qu'au cours des années récentes la France est demeurée un partenaire trop
modeste de l'Inde, du point de vue tant politique qu'économique. Il importe
donc que la volonté de relancer nos relations bilatérales soit suivie d'effets
et de résultats concrets, notamment en termes de partenariats économiques.
Dans cette perspective, la commission des affaires étrangères vous recommande
vivement, mes chers collègues, l'adoption de cet accord franco-indien
d'encouragement et de protection réciproques des investissements.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
- Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
d'Inde sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements,
signé à Paris le 2 septembre 1997, et dont le texte est annexé à la présente
loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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