SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Maroc
(p.
1
).
3.
Communication de M. le président de l'Assemblée nationale
(p.
2
).
4.
Retrait de l'ordre du jour d'une question orale sans débat
(p.
3
).
5.
Questions d'actualité au Gouvernement
(p.
4
).
RÉFORME DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE (p. 5 )
MM. Jacques Machet, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.
CONSÉQUENCES SUR LE LOGEMENT DE LA SUPPRESSION
DES ALLOCATIONS FAMILIALES (p.
6
)
MM. Jean Clouet, Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.
EXEMPTION DU SERVICE NATIONAL
POUR LES JEUNES TITULAIRES D'UN CONTRAT DE TRAVAIL (p.
7
)
MM. Bernard Joly, Alain Richard, ministre de la défense.
SITUATION SCOLAIRE EN SEINE-SAINT-DENIS (p. 8 )
Mmes Danielle Bidard-Reydet, Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
INQUIÉTUDES DES AGRICULTEURS (p. 9 )
MM. Gérard César, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.
MODERNISATION DE LA VIE POLITIQUE (p. 10 )
MM. Guy Allouche, Lionel Jospin, Premier ministre.
RETRANSMISSION DE LA COUPE DU MONDE DE FOOTBALL
DANS LES HÔTELS ET LES CAFÉS (p.
11
)
M. Jean Bernard, Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.
FONCTIONNEMENT DE L'HÔPITAL GÉNÉRAL DE DAKAR (p. 12 )
MM. Jean-Pierre Cantegrit, Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
SITUATION AU KOSOVO (p. 13 )
MM. Marcel Debarge, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.
PLAN DE RATTRAPAGE SCOLAIRE
EN SEINE-SAINT-DENIS (p.
14
)
M. Christian Demuynck, Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES ROUTIÈRES (p. 15 )
MM. Jean-Pierre Raffarin, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des
transports et du logement.
6.
Transmission d'une proposition de loi
(p.
16
).
7.
Dépôt d'une proposition d'acte communautaire
(p.
17
).
8.
Ordre du jour
(p.
18
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
DU MAROC
M. le président.
Mes chers collègues, je suis heureux de saluer la présence dans notre tribune
officielle de notre ami M. le président de la Chambre des Conseillers du
Royaume du Maroc, accompagné de plusieurs membres du bureau de cette assemblée,
qui sont accueillis au Sénat depuis deux jours.
J'ai moi-même eu le plaisir d'être reçu au Maroc dans des conditions
merveilleuses, et je remercie Mme Brisepierre, présidente du groupe d'amitié
sénatorial France-Maroc, qui a beaucoup agi pour cette réussite.
C'est un nouveau Sénat - vous me pardonnerez d'appeler ainsi votre assemblée,
monsieur le président - qui vient de voir le jour, et je suis très heureux de
vous transmettre les voeux que forme le Sénat français tout entier pour
l'avenir de cette institution.
(Mmes et MM. les sénateurs ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et
applaudissent.)
3
COMMUNICATION DE M. LE PRÉSIDENT
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale la lettre suivante :
« Paris, le 24 mars 1998
« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous informer qu'au cours de la séance du mardi 24 mars
1998 Mme Nicole Catala a été désignée comme vice-présidente de l'Assemblée
nationale, en remplacement de M. Pierre Mazeaud, nommé membre du Conseil
constitutionnel.
« A la suite de cette nomination, le bureau est ainsi composé :
« Président : M. Laurent Fabius.
« Vice-présidents : MM. Jean Glavany,
Yves Cochet,
Michel Péricard,
Gilles de Robien, Mme Nicole Catala, M. André Santini. « Questeurs : MM.
Bernard Derosier,
Jacques Brunhes,
Henri Cuq. « Secrétaires : MM. René André, Augustin Bonrepaux,
Bernard Charles, Mme Nicole Feidt, MM. Germain Gengenwin,
Serge Janquin,
Pierre Lequiller,
Germinal Peiro, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont,
Yvette Roudy, MM. Guy Teissier,
Jean Ueberschlag. « Je vous prie, monsieur le président, de croire à
l'assurance de ma haute considération.
« Signé : laurent fabius. »
Acte est donné de cette communication.
4
retrait de l'ordre du jour
d'une question orale sans débat
M. le président. J'informe le Sénat que la question orale sans débat n° 189 de M. Jean-Jacques Robert est retirée, à la demande de son auteur, de l'ordre du jour de la séance du mardi 31 mars.
5
questions d'actualité
au gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
réforme de la politique agricole commune
M. le président.
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.
Le 18 mars dernier, la Commission européenne a soumis aux Quinze les quatre
chapitres de l'Agenda 2000 qu'elle avait annoncés en juillet dernier et dont
l'un concerne la réforme de la politique agricole commune.
Une fois de plus, c'est l'agriculture qui risque de susciter le plus de
critiques, notamment en France. En effet, la stratégie de la Commission
européenne consiste à diminuer les prix garantis pour les trois principales
productions européennes : de 20 % pour les grandes cultures, c'est-à-dire les
céréales, les oléagineux et les protéagineux, de 30 % pour la viande bovine et
de 15 %, au lieu des 10 % initialement annoncés, pour les produits laitiers.
Ces baisses de prix seraient compensées, mais en partie seulement - 50 % pour
les céréales, 60 % pour le lait et environ 85 % pour la viande bovine - par des
aides directes aux producteurs.
M. le Président de la République a exprimé, jeudi dernier, son désaccord
profond avec le texte de Bruxelles.
Monsieur le ministre, le Gouvernement est-il fermement décidé à se battre en
présentant, au nom de la France, une demande de réorientation de ce projet de
réforme, le 31 mars prochain ?
Pouvez-vous nous indiquer quelle sera la position de la France sur les
oléo-protéagineux ?
Enfin, jusqu'où iriez-vous dans une politique de renationalisation des aides
si celle-ci était proposée par Bruxelles ?
Monsieur le ministre, je serai très sensible aux précisions que vous pourrez
nous apporter sur ces points, qui sont vitaux pour l'agriculture et, par voie
conséquence, pour notre pays.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le sénateur, la Commission
européenne a en effet adopté, le 18 mars dernier, des propositions - et je
souligne ce mot - relatives à l'avenir de la politique agricole commune. Il
reviendra bien évidemment au conseil des ministres de l'Union européenne de
décider des nouvelles orientations de la PAC, à l'issue d'une négociation que
vous pouvez deviner longue. Elle ne fait que commencer avec cette démarche
initiale de la Commission, qui est d'ailleurs dans son rôle en faisant des
propositions.
Le Gouvernement a d'ores et déjà marqué son désaccord avec ces propositions et
sa volonté d'en obtenir la réorientation.
Le Président de la République partage ce point de vue - vous y avez fait
allusion.
La France exprimera cette position à Bruxelles le 31 mars, lors du conseil de
l'agriculture de l'Union. Par conséquent, les choses sont claires.
Je n'entrerai pas dans le détail des orientations présentées par la
Commission, mais je pourrais, comme vous, dénoncer le sort que celle-ci entend
réserver aux oléagineux par exemple. L'Europe doit pouvoir préserver sa
production dans ce secteur.
Plus généralement, les propositions de la Commission appellent les critiques
suivantes.
D'abord, ces propositions résultent d'un esprit de système au nom duquel la
baisse des prix serait une panacée applicable au lait et à la viande bovine
aussi bien qu'aux grandes cultures. Ce n'est pas acceptable. Voilà un
raisonnement dans lequel on ne peut entrer d'une façon aussi systématique.
Ensuite, ces propositions préparent mal l'avenir. Elles accumulent des aides
compensatoires, qui, on le sait, susciteront le scepticisme croissant de
l'opinion et ne franchiront pas le cap des prochaines négociations au sein de
l'Organisation mondiale du commerce. Ainsi, on affiche des baisses de prix, qui
seraient souhaitables pour des raisons de compétitivité, et l'on entend les
compenser en partie par des mesures dont on connaît déjà la fragilité. Voilà
toute la faiblesse du dispositif !
On peut dire également que l'élargissement de l'Union ne se préparera pas avec
de simples baisses de prix garantis.
C'est une autre orientation qu'il faudra prendre et, sans préjuger le résultat
des divers épisodes qui interviendront ou des négociations, que nous ménerons
avec énergie, vous pouvez le croire, je pense qu'il faudra plutôt aller dans le
sens d'une prise en compte des fonctions multiples de l'agriculture -
production, occupation du territoire et environnement - mais aussi dans celui
d'une réelle flexibilité à accorder aux Etats membres pour répondre aux
attentes de leurs agriculteurs eu égard aux spécificités de leurs productions,
et dans le sens de l'octroi d'aides qui ne soient plus exclusivement assises
sur la production. On a déjà commencé à s'engager dans ces directions.
Il s'agit non pas d'aller vers une renationalisation de la première des
politiques communes de l'Europe, mais bien de préparer une Union élargie par
plus de subsidiarité et de flexibilité. Il est parfaitement possible de
s'engager dans cette voie sans créer de distorsions de concurrence ni mettre en
péril l'unité de la PAC. C'est en tout cas ce dont nous sommes convaincus.
Par rapport aux propositions de la Commission européenne, le Gouvernement
n'entend ni susciter un projet alternatif, démarche qui serait vouée à l'échec,
ni se contenter d'amendements techniques qui ne seraient pas à la hauteur de
l'enjeu ; il compte bien susciter, par ses prises de position claires et sans
ambiguïté, une réorientation de ces propositions vers une réforme qui soit à la
hauteur des attentes du monde agricole, de la société dans son ensemble et des
enjeux de l'avenir, dont votre question, monsieur le sénateur, se faisait
l'écho.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
CONSÉQUENCES SUR LE LOGEMENT
DE LA SUPPRESSION DES ALLOCATIONS FAMILIALES
M. le président.
La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
le socle de ma question est humain, social, économique, financier, et donc
pluriel.
(Sourires.)
Mais celle-ci ne s'adresse, en l'occurrence, qu'au
seul membre du Gouvernement chargé plus particulièrement du logement, et donc
du bâtiment.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'égalitarisme vient à nouveau de frapper.
Depuis le début du mois, 350 000 familles, « abusivement nanties » - a-t-on
idée d'être ingénieur ou professeur et d'avoir des enfants ! - viennent d'être
privées de leurs allocations familiales et de certains autres avantages de même
nature.
Le préjudice subi atteindrait, dit-on, plusieurs milliards de francs - le
chiffre le plus généralement retenu se situe autour de 4 milliards, soit
l'équivalent de 4 % du marché des logements neufs du secteur privé pour l'an
dernier.
Or les familles qui viennent d'être frustrées sont, en général, propriétaires
de leur logement ou aspirent à le devenir.
Pour ce faire, elles avaient résolu ou envisageaient de s'endetter et, en
conséquence, d'avoir à acquitter des mensualités de remboursement. Ces
mensualités proviennent de la partie finale de leurs revenus, celle qui
subsiste après leurs dépenses de consommation.
C'est précisément cette partie finale qui vient de leur être confisquée.
Ma question est la suivante, monsieur le secrétaire d'Etat : ne redoutez-vous
pas de nombreux cas d'insolvabilité et la nécessité pour certaines familles de
quitter leur logement, d'où une détérioration du marché des logements anciens ?
Ne craignez-vous pas non plus une baisse de la demande de logements neufs, ce
qui casserait la timide reprise de l'activité du bâtiment ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, 350 000 familles attendent votre réponse !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Monsieur le sénateur, pour avoir, bien
sûr, écouté avec beaucoup d'attention votre question, j'ai noté qu'elle
revêtait une dimension tout à la fois humaine, sociale, économique et
financière.
Monsieur le sénateur, il faut savoir que, en matière d'accession à la
propriété, ou de charges de logement en général, on utilise la notion de taux
d'effort, c'est-à-dire le rapport entre la mensualité de location ou
d'accession et le revenu du ménage concerné.
Pour déterminer le taux d'effort, on ne retient ni les avantages fiscaux ni
les prestations familiales. Je pourrais donc - mais ce serait une réponse trop
sommaire - vous dire que le taux d'effort pour les familles que vous avez
évoquées n'a pas changé, puisque ne sont en cause que les prestations
familiales.
Il faut savoir également, monsieur le sénateur, que, si nous prenions en
compte les répercussions du plafonnement des allocations familiales et de
l'AGED sur le revenu, leur incidence sur le taux d'effort n'excéderait pas 2 %
et se situerait entre 0,5 % et 2 %.
Vous avez indiqué que 350 000 familles étaient concernées. C'est exact. Vous
avez évoqué la somme de 4 milliards de francs. Elle aussi est,
approximativement, exacte.
Sachez que la préoccupation que vous avez exprimée a été partagée par le
ministre de l'équipement, des transports et du logement, ainsi que par le
Premier ministre, et que des décisions ont été prises. Je me permets de vous
les rappeler très succinctement.
D'abord, pour les accédants confrontés à la progressivité des annuités de
remboursement des prêts d'accession à la propriété, un plafonnement et une
stabilisation des taux ont été récemment institués ; cette mesure a bénéficié à
500 000 familles.
En ce qui concerne les familles qui ne peuvent rester dans un logement ou
accéder à un logement qu'avec l'allocation logement ou l'aide personnelle au
logement, je me permets de rappeler qu'aucune des lois de finances qui ont été
votées au cours des quatre dernières années n'a prévu de véritable
actualisation des aides en question.
Très précisément, alors que les prix ont augmenté d'environ 8 % au cours de
ces quatre années, les aides n'ont crû que de 1 %. Il en est résulté, pour les
familles bénéficiaires, une perte de pouvoir d'achat de 7 %, ce qui n'a guère
ému la représentation nationale majoritaire au cours de la dernière année !
Or, en l'occurrence, le nombre des familles concernées n'est plus de 350 000
mais de 6 150 000, les revenus de 94 % d'entre elles ne dépassant pas deux
SMIC, 3 millions d'entre elles ayant des revenus situés entre le RMI et le
SMIC.
Aussi admettrez-vous facilement que, si l'on veut mener une politique
familiale dans le domaine du logement, il faut, par souci d'équité et de
justice sociale, privilégier ces familles qui, sans les aides appropriées, ne
peuvent ni accéder à la propriété ni se maintenir dans leur logement.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
exemption du service national pour les jeunes titulaires d'un contrat de
travail
M. le président.
Avant de donner la parole à M. Joly, je tiens à saluer M. le Premier ministre
et à le remercier de venir assister à cette séance de questions au
Gouvernement.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense et concerne l'exemption
du service national pour les jeunes titulaires d'un contrat de travail à durée
indéterminée.
La loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national prévoit que les
jeunes gens titulaires d'un contrat de travail de droit privé à durée
indéterminée, conclu au moins trois mois avant la date d'expiration de leur
report initial, pourront bénéficier, sur leur demande, d'un report
supplémentaire d'une durée de deux ans, report pouvant être prolongé.
Dans la pratique, le poids des procédures hypothèque l'avenir de nombre de
jeunes et d'entreprises, pour la plupart artisanales. Ces dernières ont souvent
fait l'investissement d'une formation au sein de leur structure ; elles ont
besoin de ce personnel-là, et pas d'un autre, et elles en ont besoin
maintenant, et pas dans plusieurs mois. Les jeunes, eux, sont déjà intégrés
dans leur milieu professionnel, sont opérationnels et assurés d'un emploi.
Pourquoi briser un montage qui satisfait tout le monde et qui ne coûte rien à
la collectivité, ce qui n'est pas le cas des emplois-jeunes, lesquels, de plus,
ne sont pas pérennes ? Faut-il grossir sciemment les rangs des chômeurs alors
qu'on s'ingénie à rendre à chacun sa dignité ? Dans certains cas, il suffirait
de ne pas créer l'exclusion.
Il s'agit non de transgresser la loi ou de substituer le pouvoir exécutif au
législateur, mais de donner des instructions précises permettant d'offrir
rapidement des réponses claires qui rassurent les parties.
Dans cette période d'abandon du service national au profit d'un
professionnalisme de l'armée, le Gouvernement peut-il s'engager à ce que tous
les titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée soient assurés
d'être exemptés du service national sur simple production du document aux
autorités compétentes ?
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE,
ainsi que sur celles de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le sénateur, la loi du 28 octobre 1997,
qui a donc été examinée et adoptée par les deux assemblées assez récemment, ne
prévoit pas d'exemption du service national pour motif de détention d'un
contrat de travail à durée indéterminée. C'est la loi ! Elle offre une simple
possibilité de report, ainsi que vous l'avez rappelé, lorsque l'insertion
professionnelle d'un jeune peut être compromise par son incorporation.
Je souligne que cette possibilité de report a été décidée par la majorité de
l'Assemblée nationale, avec l'abstention de son opposition, et qu'elle a été
fortement critiquée dans cette enceinte.
M. Jean-Jacques Hyest.
Certes !
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Aujourd'hui, nous appliquons la loi telle qu'elle
a été votée, mais je me souviens fort bien que la majorité sénatoriale aurait
souhaité qu'on ne prévoie aucune mesure dérogatoire, alors que la majorité de
l'Assemblée nationale avait adopté, avec l'accord du Gouvernement, cette mesure
partielle qu'est le report sous condition.
Cette disposition, parce qu'elle est équilibrée, permet de concilier des
impératifs auxquels nous sommes tous sensibles : d'une part, l'accès des jeunes
à l'emploi, dont le Gouvernement a fait une priorité ; d'autre part, la
nécessité, pour nos armées, en cette période de transition, de disposer d'un
certain nombre d'appelés.
Le passage d'une armée de conscription à une armée professionnelle affecte
l'organisation d'une institution de la République qui regroupe 500 000 de nos
concitoyens. Le remplacement de 200 000 appelés par 60 000 professionnels ne
peut se faire en un an ! L'armée a absolument besoin des appelés. Au moment où
je vous parle, 140 000 appelés sont rigoureusement indispensables au
fonctionnement de nos armées, et ceux qui, dans cette assemblée, s'intéressent
plus particulièrement aux questions de défense le savent.
Pour ces appelés, nous devons faire prévaloir un principe qui, j'en suis
certain, recueille ici l'unanimité, à savoir le principe d'égalité. Il ne
serait pas juste, me semble-t-il, d'y contrevenir en exemptant systématiquement
de service national les jeunes titulaires d'un contrat de travail, ce qui
reviendrait à ne le faire accomplir, pendant la période de transition, que par
les jeunes privés d'emploi.
Les demandes de report pour emploi sont examinées par des commissions
régionales indépendantes, dont le rôle a été défini par un décret du 17 mars
1998 et que nous sommes en train de mettre en place.
M. le président.
Monsieur le ministre, je vous prie de conclure.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
J'ai pratiquement terminé, monsieur le
président.
Afin d'éviter tout retard, une assistance technique sera fournie par les
services de la défense à ces commissions, de manière que les décisions prises
soient adaptées au cas de chaque jeune.
Je veux souligner que, dans le texte de loi, nous avons modifié le code du
travail de manière que le contrat de travail du jeune ne soit pas rompu avec le
départ pour le service militaire et que l'intéressé soit réintégré d'office
dans son emploi lorsque son service est achevé. Ainsi, la plupart des jeunes
titulaires d'un contrat de travail pourront effectivement concilier leurs
obligations militaires et la préservation de leur emploi.
(Applaudissements
sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
situation scolaire en seine-saint-denis
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Avec 1 400 000 habitants, dont 29 % ont moins de vingt ans, la
Seine-Saint-Denis recèle de grandes potentialités mais souffre également d'un
échec scolaire très important.
Au seuil du troisième millénaire, notre pays, quatrième puissance économique
mondiale, doit permettre à cette jeunesse d'accéder à une formation de grande
qualité.
En annonçant officiellement pour le département, le 2 mars dernier, un « plan
de rattrapage », réclamé depuis près de dix ans par les intéressés, M. le
ministre de l'éducation nationale s'est lancé un véritable défi pour la
réussite scolaire. Ce défi, c'est aussi le nôtre.
En effet, nous devons combler des retards importants par rapport aux résultats
nationaux : 15 points de retard pour la scolarisation en maternelle ; 5,2
points de retard pour les résultats d'évaluation en cours élémentaire deuxième
année ; 12 points de retard pour les résultats du brevet des collèges ; 15
points de retard pour l'ensemble des baccalauréats.
J'ajoute que près de 30 % des élèves de ce département quittent chaque année
le système scolaire sans aucun diplôme.
L'étude des moyens qui ont été annoncés pour les quelque 1 000 établissements
scolaires du département a permis de constater leur insuffisance par rapport
aux besoins reconnus. Ce constat entraîne une forte mobilisation, qui touche
l'ensemble de la communauté scolaire, les parents d'élèves et les élus.
Les diverses manifestations, notamment celle de samedi dernier et celle de cet
après-midi, qu'on me dit massives et que je soutiens, traduisent un malaise
profond et une volonté forte d'être entendus.
Supprimer l'échec scolaire implique l'engagement de tous les hommes et de
toutes les femmes du département. Le rapport Fortier a d'ailleurs rendu hommage
à « ces ressources humaines de très grande qualité ». Madame la ministre
déléguée chargée de l'enseignement scolaire, les paroles méprisantes de M. le
ministre de l'éducation nationale doivent cesser.
(Rires et exclamations sur
les travées du RPR.)
M. Robert Calmejane.
C'est ça la majorité plurielle !
M. Dominique Braye.
La question !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Les enseignants de la Seine-Saint-Denis se battent au quotidien, souvent dans
des conditions très difficiles, pour la réussite de leurs élèves. Ils méritent
non des insultes mais le respect.
M. le président.
Posez votre question, madame Bidard-Reydet !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Supprimer l'échec scolaire implique également de dégager des moyens concrets
qui soient à la hauteur des objectifs.
Le ministère reconnaît lui-même pour la rentrée de 1998 un déficit de 500
postes dans le secondaire, toutes catégories confondues.
M. le président.
Posez votre question, s'il vous plaît !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Je vais la poser, monsieur le président.
(Exclamations sur les travées du
RPR.)
Vous avez prévu 235 créations de poste ; il en manque donc 265.
Pouvez-vous annoncer pour septembre 1998, d'une part, la création des 265
postes manquants dans le secondaire et, d'autre part, la création de 100 postes
dans le premier degré afin de permettre une bonne scolarisation dès le plus
jeune âge ?
Vouloir le succès scolaire pour les jeunes de la Seine-Saint-Denis est une
grande ambition. Nous la partageons mais nous voulons les moyens pour la
réussir.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Madame la sénatrice
(Murmures ironiques sur les travées du RPR),
vous le savez, dès son
arrivée, le gouvernement de Lionel Jospin s'est attelé à la lutte contre les
inégalités scolaires. C'est dans cette perspective qu'un plan de rattrapage
pour la Seine-Saint-Denis a été annoncé par Claude Allègre.
Madame la sénatrice, je crois qu'il faut s'en tenir aux faits. Loin d'avoir
prononcé les paroles que vous lui prêtiez tout à l'heure, le ministre de
l'éducation nationale s'est au contraire fortement engagé en faveur de ce
département, après que celui-ci eut été abandonné pendant quatre ans, en
annonçant ce plan de rattrapage.
(Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste.)
Cela ne s'était pas vu depuis plusieurs années !
M. Dominique Braye.
Laissez-nous rire !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Il est certain que le département de la
Seine-Saint-Denis présente certaines spécificités, mais je voudrais avant tout
en évoquer les atouts parce que je crois qu'il ne faut pas stigmatiser un
espace géographique, quel qu'il soit.
L'un de ses principaux atouts, c'est effectivement la jeunesse de sa
population. Nous devons mobiliser nos énergies pour que ce jeune public
scolaire puisse trouver des perspectives.
Certes, des conditions sociales et économiques difficiles ont des
répercussions sur l'école.
M. Alain Gournac.
Des paroles, toujours des paroles, encore des paroles !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
L'école va faire tout ce qu'elle peut pour aplanir ces
difficultés mais, vous le savez, elle ne pourra pas tout faire à elle seule.
En tout cas, nous avons engagé résolument la mise en oeuvre du plan de
rattrapage présenté le 2 mars, qui porte sur 1 500 heures d'enseignement, douze
médecins scolaires, trente-deux infirmières, vingt-deux assistantes sociales,
trente personnels administratifs techniciens, dix-huit conseillers principaux
d'éducation, le renforcement de l'encadrement de l'inspection académique,
trente-quatre maîtres d'internat et surveillants d'externat, 3 500
emplois-jeunes supplémentaires.
Nous avons bien précisé qu'il s'agissait d'une première étape, que ce plan
permettrait la mise en place de groupes de travail et de réflexion autour des
établissements scolaires.
Alors, la mobilisation qui se manifeste actuellement dans la rue, nous voulons
la voir d'abord comme une mobilisation positive des équipes éducatives, qui
veulent s'en sortir.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Tout à fait !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Il faut maintenant que les équipes éducatives se
réunissent, se mettent autour de la table...
M. Alain Gournac.
Qu'elles se mettent au travail !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
... pour faire émerger, collège par collège, école par
école, un projet d'établissement.
Mme Danièle Bidard-Reydet.
Il est fait !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Des équipes d'inspecteurs de vie scolaire sont
actuellement dans les 70 collèges les plus exposés afin de mettre en place un
plan pluriannuel de rattrapage.
Cette première enveloppe de moyens doit nous permettre de faire renaître
l'espoir au sein des équipes éducatives, dont certaines sont, c'est vrai, au
bout de leur énergie. C'est précisément pour cette raison que le Gouvernement
fait un effort sans précédent en faveur de ce département.
M. le président.
Je vous prie de conclure, madame.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Ma conclusion c'est que, maintenant, les élus doivent
nous aider à remobiliser les équipes éducatives de façon positive autour des
projets pluriannuels que nous avons à mettre en place, afin que les élèves qui
sont aujourd'hui dans la rue puissent retrouver le chemin des établissements
scolaires.
Nous arriverons, j'en suis convaincue, tous ensemble, à reconstruire le
système scolaire en Seine-Saint-Denis parce qu'il y a là une énergie
formidable, tant du côté des élèves que du côté des enseignants.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac.
Démagogie !
M. le président.
Je me permets de rappeler aux orateurs comme aux membres du Gouvernement
qu'ils disposent chacun de deux minutes et demie pour s'exprimer.
INQUIÉTUDES DES AGRICULTEURS
M. le président.
La parole est à M. César.
M. Gérard César.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Depuis plus d'un an maintenant - et j'ai l'impression que ce n'est pas fini !
- partout dans notre pays, les agriculteurs manifestent à juste titre leurs
inquiétudes et leur profond désarroi face aux propositions ultralibérales de la
Commission européenne en vue d'une réforme de la politique agricole commune.
Le Président de la République en personne vient d'ailleurs récemment d'alerter
le Gouvernement contre de telles propositions qui, en préconisant une baisse
des prix agricoles garantis dans les céréales, la viande bovine et le lait,
sont effectivement excessives et ne correspondent pas au modèle européen
d'agriculture que nous souhaitons. J'ajoute que le problème se pose également
pour les cultures irriguées et non irriguées, ainsi que, bien sûr, pour les
aides.
Je n'oublie pas les filières qui marchent bien actuellement et qui justifient
que soient accordés de nouveaux droits à produire, des aides à l'investissement
pour moderniser les installations ainsi que des soutiens financiers de l'Union
européenne pour favoriser l'exportation et donc les emplois qui en découlent.
C'est notamment le cas de la viticulture girondine ; celle-ci doit continuer à
alimenter le marché grâce à l'obtention de droits nouveaux de plantation,
accordés par Bruxelles et par l'Etat français.
A la veille du conseil extraordinaire de l'agriculture des Quinze du 31 mars
prochain, quelle attitude le Gouvernement entend-il adopter pour préserver
l'avenir de notre agriculture et, au-delà de celle-ci, le modèle agricole
européen ?
Par ailleurs, le 18 mars dernier, la Commission européenne a confirmé qu'un
pourcentage d'aides européennes - environ 30 % du total - serait attribué par
les Etats membres. Certes, cet élément a tendance à conforter le projet du
ministre de l'agriculture visant à l'instauration d'un contrat territorial
d'exploitation, mais celui-ci ne me semble guère susceptible de constituer un
véritable outil global de politique agricole.
Au demeurant, ce projet de contrat n'est-il pas le signe d'une nouvelle
nationalisation rampante de notre agriculture, qui entraînerait, d'une part,
une distorsion de concurrence entre les Etats membres et, d'autre part, une
fonctionnarisation de notre agriculture, et cela à deux ans des négociations
qui doivent être menées dans le cadre de l'organisation commune des marchés
?
Je souhaite connaître la position du Gouvernement sur ces deux points
essentiels pour l'avenir de notre agriculture, en espérant que puissent être
levées les légitimes inquiétudes des agriculteurs.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le sénateur, votre question me
permet de revenir, en insistant, sur un point que j'ai eu l'occasion de traiter
tout à l'heure en l'absence de M. Le Pensec.
La Commission, qui jusque-là est dans son rôle, a présenté des propositions le
18 mars dernier. A ce stade, il ne s'agit que de propositions. Le Gouvernement
français a immédiatement réagi. Il s'est d'ailleurs trouvé sur ce point en
accord avec le Président de la République. Le Gouvernement et le Président de
la République se sont réunis et ont travaillé ensemble.
Les choses sont très claires : la France considère que les propositions telles
qu'elles ont été avancées par la Commission ne sont pas acceptables. Elles
relèvent, en effet, d'un esprit de système, que j'ai dénoncé voilà un instant
et qui consiste à mettre en avant un dispositif fondé presque uniquement sur la
baisse des prix. Elles traduisent une sorte de fuite en avant, dans une
approche purement libérale du sujet.
Par ailleurs, pour équilibrer, dans la présentation, ces baisses de prix, qui
s'appliqueraient à des productions tout à fait essentielles pour la France,
comme la viande bovine, le lait, les céréales et d'autres encore, un système de
compensation est mis en place, dont nous savons qu'il ne tiendra pas. En effet,
d'autres négociations, dont le principe est accepté, s'engageront au sein de
l'Organisation mondiale du commerce, qui est l'enceinte multilatérale
compétente pour traiter ces questions. Elles mettront immédiatement en évidence
la fragilité et le caractère improvisé de ce système de compensation. Ne
subsisteront alors que les baisses de prix, qui ne nous paraissent pas apporter
la réponse appropriée.
Par conséquent, je peux vous rassurer : face à ce problème, le Gouvernement
est extrêmement conscient, vigilant et mobilisé. L'entente avec le Président de
la République est complète sur ce point.
La France a bien l'intention de défendre non seulement ses intérêts, mais
également sa conception de l'agriculture française et européenne et de
l'aménagement de l'espace.
Il s'agit d'une négociation qui durera longtemps. Toutefois, sachez que vous
pouvez compter dès maintenant sur notre détermination pour maintenir ce modèle
fondateur de la première grande politique commune de l'Europe, à laquelle il
n'est pas question de renoncer. Elle a su s'adapter au fil des années, en
restant toujours fidèle à ses principes initiaux. C'est sur cette base que le
Gouvernement défendra avec beaucoup de fermeté nos intérêts.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées de l'Union
centriste.)
MODERNISATION DE LA VIE POLITIQUE
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le Premier ministre, la démocratie vient de vivre un vendredi noir.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
A droite de l'échiquier politique, où il n'est question que de crises,
tricheries, compromissions honteuses, séismes et naufrages
(Protestations sur les mêmes travées),
l'heure de vérité a sonné.
M. Dominique Braye.
Ce sont les incendiaires qui crient au feu !
M. Jean Chérioux.
Ce sont des pompiers pyromanes !
M. Guy Allouche.
Je n'ai fait que reprendre les expressions de vos propres responsables
politiques, mes chers collègues !
Les élections territoriales des 15 et 22 mars derniers ont subitement et
profondément modifié le paysage politique du pays.
La mise en cause du mode de scrutin régional, aussi fondée soit-elle, ne doit
pas masquer, et encore moins excuser, la mise en danger des valeurs
essentielles de la République. La fronde de notables locaux relève d'une
volonté politique mûrement réfléchie.
Aucun mode de scrutin ne recèle les vertus immunisantes contre l'extrémisme et
les accords honteux.
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Schosteck.
L'an dernier, 70 députés socialistes ont été élus grâce aux voix du Front
national !
M. Guy Allouche.
La réforme des modes de scrutin envisagée est de bon augure.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ça, c'est vrai !
M. Guy Allouche.
J'espère qu'elle inclura la réforme du mode de scrutin sénatorial, dont
l'iniquité n'est plus à démontrer !
(Vives protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux.
C'est scandaleux !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Nous attendons soixante-dix démissions !
Mme Paulette Brisepierre.
Absolument !
M. Guy Allouche.
Trop important, l'abstentionnisme ne semble plus être une marque d'incivisme ;
sa signification et ses raisons sont plus profondes. La réappropriation par les
citoyens des institutions devient urgente et commande la mise en oeuvre de
mesures significatives.
La première phase de réformes économiques et sociales annoncée le 19 juin
dernier étant accomplie ou sur le point de l'être, dès lors que le Président de
la République fait désormais sien votre plan de modernisation de la vie
publique,...
M. Dominique Braye.
C'est le sien !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Malicieux !
M. Guy Allouche.
... il nous paraît important, monsieur le Premier ministre, que vous nous
fassiez part des enseignements que vous tirez des récents scrutins et du plan
d'action gouvernemental pour les mois à venir.
(Vifs applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye.
Il ne fallait pas jouer avec le feu !
M. le président.
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Monsieur le sénateur, les Français ont voté. Nous nous
attendions à ce que, neuf mois après la mise en place d'une nouvelle majorité,
s'opèrent un certain nombre de changements tranquilles, selon la démocratie,
dans des régions de France, sans savoir où ils se produiraient et que, par
ailleurs, les Français indiquent, au travers de votes essentiellement locaux,
le jugement qu'ils portaient sur la majorité, sur l'opposition et sur l'action
du Gouvernement.
Il est vrai que, à l'occasion de ce qui aurait dû être une élection
intermédiaire sereine, a éclaté tout à coup un séisme politique, surtout, il
faut bien le dire, d'un côté du champ politique, mais il nous concerne tous.
Les élections régionales ont donné des résultats satisfaisants en voix pour
les candidats de la majorité. Celle-ci est arrivée en tête dans une dizaine de
régions ; mais, dans plusieurs d'entre elles, elle a été frustrée de ce qui
pouvait apparaître comme le résultat normal du scrutin, tel que les électeurs
l'avaient voulu.
Pour les élections cantonales, le résultat a été plus net : la majorité a
conquis quatre cent trente sièges, cependant que l'opposition en perdait
l'équivalent, et plus d'une dizaine de départements ont changé de responsables,
même si la plupart des départements sont encore détenus par des majorités
issues de l'opposition.
Si les choses ont été plus nettes s'agissant du scrutin cantonal, c'est
peut-être parce que les électeurs se sont exprimés directement et sans aucun
truchement.
M. Jean-Jacques Hyest.
Vive le scrutin majoritaire !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Les conditions de ces élections et le problème de
l'alliance avec l'extrême droite dans notre pays ont entraîné une double
crise.
M. Alain Gournac.
Et l'extrême gauche ?
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
La différence, monsieur le sénateur, en tout état de
cause et quoi qu'on pense des formations politiques, c'est que l'alliance des
forces de la majorité a été présentée en avril...
M. Alain Gournac.
Ils ne se sont même pas levés lors de l'hommage qui a été rendu à Maurice
Schumann ! C'est honteux !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
... les alliances formées au sein de la majorité
nouvelle ont été présentées ouvertement et clairement au pays, qui s'est
exprimé, qui a choisi de porter cette majorité à l'Assemblée nationale, et
c'est toute la différence !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.
- M. Braye s'exclame.)
Monsieur le sénateur, supportez que je vous réponde ! Pourquoi serais-je
encouragé par le président à venir vous retrouver si, ici, il était plus
difficule de s'exprimer qu'ailleurs !
Si un certain nombre des vôtres avaient voulu présenter dans cette élection un
projet nouveau d'alliance avec l'extrême droite, ils en avaient le loisir !
Mais, alors, il fallait qu'ils le disent, et les Français auraient pu faire ce
qu'ils en pensaient.
(Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
Nous vivons donc - c'est un fait, je le dis sans esprit polémique - une
double crise.
Tout d'abord, il y a une crise de l'opposition. Un débat a lieu en son sein et
c'est à elle qu'il revient d'apporter les réponses aux interrogations
soulevées.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Vous jetez de l'huile sur le feu, monsieur le Premier ministre !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Pas du tout !
M. Jean-Pierre Raffarin.
On attend d'un Premier ministre des propos d'apaisement !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
C'est exactement ce que j'ai fait à l'Assemblée
nationale ! Et c'est ce que je m'apprêtais à faire...
M. Gérard Larcher.
Eh bien, faites-le !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
... en déclarant que les principaux responsables des
formations politiques de l'opposition - je reprends les termes que j'ai
utilisés mardi dernier - ont fait des déclarations claires et fermes.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Merci de le reconnaître !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Je suis heureux que cela se soit passé ainsi.
J'ai été amené à m'exprimer dans ce débat, comme l'a fait le Président de la
République, parce que, si j'étais resté silencieux, on aurait pu penser que le
glissement qui s'opérait m'arrangeait, en quelque sorte.
M. Dominique Braye.
C'est exact, il vous arrangeait !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Or ce n'est pas le cas, parce que cela nous concerne
tous.
Je souhaite donc que l'opposition tire les leçons de la situation.
Il y a ensuite, naturellement, une crise au sein des conseils régionaux, dans
la mesure où, depuis dix jours, ils semblent plongés, particulièrement là où
des alliances contre nature ont été nouées, dans une sorte de confusion.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Certains d'entre eux !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Surtout là où des alliances ont été conclues !
Je regrette, à titre personnel, que, faute d'un consensus entre la majorité et
l'opposition, nous n'ayons pas pu conduire la réforme du mode de scrutin des
élections régionales, qui aurait sans doute été souhaitable.
M. Jean Chérioux.
Il a été instauré par qui ?
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Monsieur le sénateur, le problème n'est pas de savoir
par qui il a été instauré en 1986, puisque, aussi bien en 1986 qu'en 1992, ce
mode de scrutin ne vous a pas empêchés de remporter des victoires sans procéder
à une alliance avec l'extrême droite !
Si vous craigniez, comme nous, que ces régions soient plus difficiles à
gouverner, ou que certains des vôtres aient la tentation de passer ces
alliances, il fallait alors répondre à l'appel que nous vous avons lancé - que
je vous ai lancé - afin que nous trouvions ensemble les voies d'un consensus
pour changer ce mode de scrutin avant les élections !
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Gournac.
Prenez-vous-en à la majorité plurielle !
M. Dominique Braye.
Vous saviez qu'il y aurait un problème !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Je vous avais dit que je ne voulais pas, en tant que
Premier ministre, être accusé de changer le mode de scrutin quelques mois avant
les élections et que seul un consensus m'autoriserait à le faire.
M. Dominique Braye.
Vous saviez que vous ne l'obtiendriez pas !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Il n'est pas trop tard pour y procéder,...
M. Dominique Braye.
Si, il est trop tard !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
... et c'est justement pourquoi, monsieur Allouche,
vous m'interrogez sur la modernisation de la vie politique.
Mon engagement sur ce plan est parfaitement clair. J'avais d'ailleurs fait des
propositions au pays en 1995, lors de l'élection présidentielle.
Dans la déclaration de politique générale qui a suivi les élections
législatives des mois de mai et juin derniers, j'ai renouvelé des engagements
et un certain nombre d'entre eux ont commencé à être traduits dans les
faits.
Nous avons porté à l'Assemblée nationale un nombre accru de femmes.
M. Dominique Braye.
Vous n'êtes pas les seuls !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Le Gouvernement comporte en ses rangs, et à des postes
de responsabilité, plus de femmes qu'il n'y en a jamais eu dans les
gouvernements de la République jusqu'à maintenant.
Nous avons amorcé la réforme de la justice tendant à sa plus grande
indépendance et des propositions seront formulées dans ce sens le 15 avril
prochain au conseil des ministres.
Nous avons engagé une réforme visant à réduire le cumul des mandats et, le 8
avril prochain, des projets de loi seront présentés par le Gouvernement au
conseil des ministres, puis déposés à l'Assemblée nationale.
Ce travail de modernisation de la vie publique doit se poursuivre, et je le
poursuivrai !
Je tiens à vous confirmer ici que le Gouvernement présentera bientôt un projet
de réforme du mode de scrutin pour les élections régionales, comme il s'y était
engagé.
M. Dominique Braye.
Il fallait le faire avant !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Mais je voudrais aussi souligner, mesdames, messieurs
les sénateurs, qu'il ne faut pas croire que les Français ne veulent tirer,
comme leçon de ces élections, que la nécessité de procéder à des réformes des
institutions ou des modes de scrutin.
Aucun mode de scrutin n'empêchera des alliances si certains hommes ou
certaines femmes veulent s'y prêter.
(M. Caldaguès s'exclame.)
Nous
devons tous le savoir !
Par ailleurs, nous ferons reculer l'extrémisme dans notre pays si, comme le
souhaite le Gouvernement, nous accordons la priorité d'abord à la lutte contre
le chômage et contre les exclusions, notamment pour changer la vie de ceux qui
ne trouvent pas leur place dans notre société, ensuite à l'affirmation de la
France sur la scène internationale - nous le faisons, je crois que nous l'avons
prouvé lors de la crise irakienne, aux côtés du Président de la République -
enfin à la défense, au moment de l'instauration de l'euro, d'une conception de
la construction européenne plus équilibrée et qui prenne davantage en compte,
là encore, les nécessités de la croissance et du développement de l'emploi.
Si chacune des deux grandes forces de la vie politique française, quelles que
soient leurs diversités internes, la droite républicaine d'une part, la gauche,
d'autre part, affirme ces valeurs, croit à ces principes, fait vivre le message
de la République - y compris de manière différente ; nos divergences et nos
façons diverses de faire vivre les valeurs de la République sont, en effet,
nécessaires pour que le débat public reste intéressant pour les Français - si
donc, chacun, nous affirmons nos valeurs, si nous refusons toute compromission
d'un côté et toute tentation de jouer de l'autre, si nous traitons les
problèmes cruciaux du chômage, de l'exclusion et aussi de la sécurité pour nos
concitoyens,...
M. Dominique Braye.
Elle manque, la sécurité !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
... nous pourrons, ensemble et en même temps, pour que
la démocratie vive, faire reculer l'extrémisme dans notre pays.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen. - MM. Hamel et Trucy applaudissent
également.)
RETRANSMISSION
DE LA COUPE DU MONDE DE FOOTBALL
DANS LES HÔTELS ET LES CAFÉS
M. le président.
La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard.
Ma question s'adresse à Mme le secrétaire d'Etat au tourisme.
Dans quelques semaines sera donné le coup d'envoi de la Coupe du monde de
football, événement sportif international s'il en est, puisque, lors de cette
compétition, suivant la formule désormais fameuse « la France accueillera le
monde ».
Cependant, la retransmission télévisée des matches de la Coupe du monde
inquiète les professionnels du tourisme.
En effet, une société vient d'acquérir de la Fédération internationale de
football les droits d'exploitation, notamment de retransmission, pour la Coupe
du monde 1998 et prétend pouvoir concéder ou autoriser la diffusion des matches
aux hôteliers, aux cafetiers et aux restaurateurs, exigeant d'eux qu'ils
acquittent un droit spécifique.
Selon cette société, le paiement de ce prélèvement sera dû pour chaque poste
de télévision installé dans une chambre d'hôtel, dans un café ou dans un
restaurant.
Si l'on tient compte du fait que les hôteliers payent déjà une redevance
audiovisuelle pour chaque téléviseur installé dans une chambre ou que les
cafetiers versent une redevance quatre fois supérieure à la moyenne, peut-on
permettre la création d'un nouveau droit spécifique pour un événement comme la
Coupe du monde de football ?
Cette société, soutenue par le Groupement des radiodiffuseurs français, le
GRF, entend même poursuivre les « contrevenants » qui n'acquitteront pas ces
droits de retransmission.
Le Gouvernement peut-il rassurer les professionnels de ce vaste secteur
d'activité, qui n'entendent pas acquitter ces droits supplémentaires et
s'inquiètent de cette perspective ?
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Monsieur le sénateur, je veux
d'abord vous demander de bien vouloir excuser l'absence de Mme Demessine, qui
est en réunion à Bruxelles.
Vous avez fait part de l'inquiétude des hôteliers, restaurateurs et cafetiers
quant au paiement d'un droit spécifique susceptible de leur être réclamé lors
de la retransmission dans leur établissement des matches de la Coupe du monde
1998.
Le ministère de la jeunesse et des sports et le secrétariat d'Etat au tourisme
ont été interpellés sur cette question par les professionnels.
La gestion des droits et des autorisations de diffusion des matches de la
Coupe du monde de football 1998 relève du droit privé et confère à leurs
titulaires - la Fédération internationale de football, le Groupement des
radiodiffuseurs français, le GRF, et la société ISL - la maîtrise de leur
commercialisation sans que l'Etat puisse imposer une prérogative de puissance
publique.
Cela étant dit, les contacts qui ont été pris permettent déjà de rassurer la
profession.
Ainsi, aucun droit ne sera demandé par GRF et ISL pour la diffusion de
l'événement dans les chambres d'hôtel, sur l'ensemble du territoire
français.
De même, aucun droit ne sera demandé par GRF et ISL dans les bars-cafés, les
restaurants, les hôtels, dès lors que la diffusion aura lieu sur un seul et
unique téléviseur, dans le cadre naturel de l'activité de l'établissement et à
destination de son public habituel.
Le GRF et la société ISL se réservent simplement la possibilité de réclamer
des droits si de grands hôtels organisent des soirées exceptionnelles.
D'ailleurs, les grandes chaînes hôtelières ont commencé à négocier avec GRF et
ISL pour résoudre ce problème.
Ces précisions sont de nature à rassurer l'ensemble de la profession.
J'espère qu'ainsi la Coupe du monde sera une grande réussite pour tous, avec
toutes les animations qui vont avoir lieu autour des stades, avec les écrans
géants dans les quartiers populaires et avec ces possibilités pour les
cafetiers et les hôteliers.
J'espère aussi que l'équipe de France obtiendra de beaux résultats !
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées de l'Union
centriste.)
FONCTIONNEMENT DE L'HÔPITAL GÉNÉRAL DE DAKAR
M. le président.
La parole est à M. Cantegrit.
Je le prie de m'excuser d'avoir interverti sa question avec la suivante. Sans
doute les propos de M. le Premier ministre m'avaient-ils impressionné.
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les
ministres, je viens d'effectuer un voyage au Sénégal, à Dakar. J'ai eu
l'occasion de visiter l'hôpital principal et de m'entretenir avec le médecin
général et son adjoint sur le fonctionnement et l'avenir de cet
établissement.
Je constate qu'une immense inquiétude règne sur le devenir de l'hôpital
principal de Dakar. Si je m'adresse à vous, monsieur le Premier ministre, c'est
parce que vous avez effectué récemment un voyage au Sénégal et que l'on vous a
entretenu du problème de l'hôpital principal de Dakar.
Cet établissement est pratiquement en état de cessation de paiement. Plus de 1
milliard de francs CFA est dû. L'hôpital vit au jour le jour. Tout
dernièrement, la filiale d'Air Liquide a coupé l'approvisionnement en oxygène
de l'hôpital exigeant un règlement comptant. Vous avez été informé de cette
situation, monsieur le ministre délégué à la coopération.
Un malentendu extraordinaire règne sur la mission de cet hôpital et son
statut. Cet hôpital est géré par la France et par des médecins militaires
français qui font leur devoir avec talent et la gestion financière de
l'établissement est assurée par la paierie de France. Cela est contradictoire
avec le fait que cet hôpital est devenu un hôpital public sénégalais devant la
déficience d'un certain nombre d'hôpitaux publics de la ville de Dakar, comme
l'hôpital Le Dantec, qui est en travaux et n'a pas encore rouvert. De plus, le
Gouvernement sénégalais paie les subventions accordées à l'hôpital principal
avec un très grand retard et les institutionnels sénégalais, malgré des
garanties données, ne paient pas les factures en instance.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous dire ma préoccupation. L'hôpital
principal de Dakar est, depuis 1880, un phare de l'aide médicale française dans
cette partie de l'Afrique. Son action est exemplaire : il a soigné et sauvé
tant de vies et il a montré qu'avant et après la période de colonisation, par
son assistance médicale, la France n'oubliait pas ses amis sénégalais.
Il vous appartient de donner aux militaires français gestionnaires de cet
hôpital des consignes claires et précises pour qu'ils sachent quelle est la
politique de la France pour ce grand hôpital : doivent-ils poursuivre leur
tâche et dans quelles limites ? Bref, ils ont besoin de savoir où ils vont et
il ne semble pas que notre chef de mission à Dakar leur ait donné une ligne de
conduite à suivre.
M. Christian Poncelet.
Tout à fait exact !
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Or, c'est ce qu'ils attendent de vous, monsieur le ministre.
(Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
sénateur, l'hôpital principal de Dakar occupe en effet une place maîtresse dans
le dispositif de santé de Dakar et je sais l'importance que les Français de
l'étranger - la communauté française à Dakar est importante - lui
reconnaisse.
J'évoquerai brièvement le statut de cet hôpital. Il s'agit d'un établissement
placé sous la tutelle du ministère des forces armées sénégalaises, mais sa
gestion, par une convention de novembre 1971, est effectivement confiée à la
France. Ses structures répondent d'ailleurs aux impératifs de la comptabilité
publique française. Je rappelle que les recettes et les dépenses sont
directement rattachées au département sous forme de fonds de concours.
Si sa qualité médicale est universellement reconnue, sa situation ne manque
pas d'être préoccupante. En effet, le déficit d'exploitation est considérable
et il existe des tensions de trésorerie - faut-il rappeler, comme M. Cantegrit,
que le premier débiteur est le Trésor sénégalais ? - qui aboutissent à des
ruptures d'approvisionnement et, évidemment, à une incapacité d'investir alors
même que le patrimoine se dégrade.
Toutes ces raisons ont amené la commission mixte à demander un audit en 1996,
qui a été effectué par le cabinet FINORG. Votre question me donne l'occasion de
présenter de manière très résumée les conclusions de cet audit.
Il est observé, d'abord, que cet établissement est plus administré que géré.
Il est rappelé que des mesures immédiates pourraient être prises, qui
amélioreraient sensiblement la situation, par exemple l'abandon des tarifs
préférentiels ou la prise en charge directement par l'Etat sénégalais des
salaires des fonctionnaires civils.
Mais, surtout, il est précisé que la véritable question est celle de son
statut, comme M. Cantegrit l'a rappelé à juste raison. De ce point de vue, si
le ministère des finances et le ministère des forces armées sénégalaises se
satisfont du
statu quo,
il n'en est pas de même du ministère des
affaires sociales sénégalais, qui, lui, souhaite une intégration plus complète
dans le système de santé.
Dès à présent, la concertation est engagée entre le ministère de la défense
français et le ministère des affaires étrangères pour convenir du mandat qui va
être confié à nos négociateurs avec le gouvernement sénégalais.
Je souhaite, comme vous, que nous trouvions très rapidement une solution pour
remédier à une situation très préoccupante. En effet, cet établissement est, de
très loin, le plus actif à Dakar et, je le répète, son activité retentit sur la
sécurité sanitaire de l'ensemble de la communauté française au Sénégal.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Fourcade applaudit
également.)
SITUATION AU KOSOVO
M. le président.
La parole est à M. Debarge.
M. Marcel Debarge.
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et concerne la
situation du Kosovo au sein de la République fédérale de Yougoslavie. A cette
occasion, se pose à nouveau le problème de la stabilité dans les Balkans.
Compte tenu des violences qui sont exercées, avec toutes les conséquences
inhumaines qu'elles entraînent, les puissances internationales, notamment
européennes, doivent obtenir l'arrêt des hostilités et l'ouverture de réelles
négociations.
Après la mission franco-allemande menée par les ministres des affaires
étrangères allemand et français et après la réunion du groupe de contact à
l'échelon ministériel, qui a eu lieu le 25 mars, je vous poserai plusieurs
questions.
Quelle est votre évaluation de la situation ? Quelles sont les initiatives que
vous avez prises, ou que vous allez prendre, pour apporter un début de réponse
au problème du Kosovo ? Quelle attitude entendez-vous adopter - je sais que la
situation est très difficile - entre le souhait d'autonomie des Albanais du
Kosovo et la position de la République fédérale de Yougoslavie, c'est-à-dire de
son président ? Pourriez-vous nous préciser - je reste dans le droit-fil de mon
raisonnement - l'attitude sur ces sujets d'autres Etats, en particulier ceux de
la Communauté européenne ?
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le sénateur, en 1991, lorsque
la Yougoslavie s'est désintégrée, il a fallu attendre près de trois années pour
que toutes les puissances concernées par cette tragédie, à savoir l'Europe, les
Etats-Unis et la Russie, commencent à exercer ensemble des pressions sur les
parties en présence afin d'essayer d'imposer le même type de solution.
S'agissant de la crise du Kosovo, en novembre dernier déjà, M. Kinkel et
moi-même avions écrit au président Milosevic pour lui dire que le
statu quo
était devenu intolérable. Je rappelle que cette partie de la Yougoslavie
avait été autonome de 1974 à 1989. Or depuis la fin de cette autonomie, la
tension n'a cessé de monter. Ce problème n'a donc pas été observé avec
retard.
Le groupe de contact, au sein duquel existe une véritable unité, s'est réuni
très tôt. Ce groupe comprend six pays, à savoir les Etats-Unis, la Russie, la
France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Italie. La ligne arrêtée par ce
groupe s'est étendue à l'ensemble des membres de la conférence européenne, soit
vingt-six pays et aux huit pays voisins de la Yougoslavie.
Il ne faut pas cumuler tous ces pays puisque certains appartiennent à
plusieurs catégories. Au total, une trentaine de pays se situent, depuis la
première minute, sur la même ligne. Il s'agit, d'abord, d'exiger l'arrêt de la
répression et des violences, ainsi que le retrait des forces spéciales, après
leur cantonnement dans un premier temps. Il s'agit, ensuite, de condamner le
terrorisme, qui existe aussi. Il s'agit, en outre, de demander l'engagement
sans délai d'un véritable dialogue pouvant conduire à une autonomie
substantielle dans le respect des frontières existantes. Cette position amène
également à refuser d'apporter un soutien à la revendication d'indépendance,
qui ne manquerait pas de déstabiliser à nouveau l'ensemble de cette région car
le problème s'étendrait à l'Albanie, puis à la Macédoine et à d'autres pays
voisins. Cette position est très forte et très cohérente et elle a été exprimée
dès le début.
A Londres, voilà une quinzaine de jours, les pays membres du groupe de contact
avaient arrêté une première série de sanctions et avaient décidé de se
retrouver à Bonn cette semaine pour déterminer s'il convenait de maintenir ces
premières sanctions et s'il était nécessaire d'en imposer d'autres.
Lors de la réunion à Bonn, l'accord s'est fait immédiatement. Nous avons
considéré qu'un certain nombre de gestes effectués au cours des derniers jours
justifiaient que l'on ne prenne pas tout de suite d'autres sanctions mais que
l'on reste très vigilants et menaçants, un certain nombre de sanctions
demeurant à l'étude. Nous avons considéré aussi que les progrès constatés ne
sont pas suffisants pour annuler les mesures que nous avions prises à Londres,
et qu'il faut poursuivre une action incessante afin que les autorités de
Belgrade acceptent ce dialogue sans conditions, ce qu'elles disent avoir fait,
mais il existe encore un certain nombre de problèmes de détail sur la façon
d'engager ledit dialogue.
Par ailleurs, nous poursuivons une action d'incitation très forte pour que les
Albanais du Kosovo, dont les leaders les plus réalistes, notamment M. Rugova,
qui a été consolidé par les élections qui viennent d'avoir lieu, acceptent
d'entrer dans ce dialogue.
Tous les problèmes ne sont pas réglés, notamment celui d'une présence
internationale sous une forme qui doit encore être trouvée, le recours à un
médiateur. Nous sommes en train de nous occuper de cela au sein du groupe de
contact.
Je pense que nous allons parvenir à une solution. En effet, nous avons
constaté le rôle déterminant de Mgr Paglia à propos de l'accord sur
l'éducation. Je ne suis pas sûr qu'il puisse jouer un rôle politique, mais cela
montre en tout cas qu'une action tierce peut être acceptée.
Tout cela est extrêmement difficile puisque les Albanais du Kosovo voudraient
en réalité l'indépendance. Par ailleurs, en Yougoslavie et en Serbie,
l'ensemble des forces politiques, notamment tous les opposants démocrates qui
sont exactement sur la même ligne que le président Milosevic, sont unanimes
pour refuser complètement cette idée d'indépendance.
La situation est donc particulièrement compliquée. C'est une raison de plus
pour que le groupe de contact et l'ensemble des pays d'Europe demeurent tout à
fait associés, coordonnés, parfaitement homogènes dans leurs pressions, leurs
revendications, leurs menaces, dans les sanctions, les incitations, les
encouragements, bref dans toute la palette des instruments dont ils peuvent
disposer pour trouver une solution d'autonomie substantielle évitant que cette
partie de l'Europe n'entre à nouveau dans un cycle de tragédie.
Croyez-moi, nous nous en occupons à chaque instant.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
PLAN DE RATTRAPAGE SCOLAIRE
EN SEINE-SAINT-DENIS
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Ma question s'adresse à Mme le ministre délégué chargé de l'enseignement
scolaire.
Le 2 mars dernier, en pleine période électorale, vous vous êtes rendue à
Bobigny pour présenter votre plan de rattrapage scolaire pour la
Seine-Saint-Denis.
Votre visite a d'ailleurs fait l'objet par la suite d'un fort tapage
médiatique, à quelques jours des élections locales.
Quoi qu'il en soit, votre plan annoncé à la hâte a rapidement provoqué un
mécontentement généralisé dans les établissements de ce département. Et je dois
dire qu'il y a de quoi !
Certaines mesures d'urgence, comme la nomination de quelques dizaines de
médecins, infirmières et assistantes sociales, figuraient déjà dans le plan
anti-violence présenté par sept ministres du Gouvernement le 5 novembre 1997.
Représenter les mêmes mesures cinq mois plus tard vient conforter l'idée que
votre démarche était électoraliste.
D'après certains enseignants, il faudrait créer 1 000 postes d'encadrement et
d'enseignants. Vous en avez annoncé 60 sur deux ans. Les 3 500 emplois-jeunes
que vous prévoyez ne répondent pas aux nécessités de lutte contre la violence
et l'échec scolaire.
Cet après-midi, et pour la quatrième fois depuis une quinzaine de jours,
enseignants, parents d'élèves et collégiens de Seine-Saint-Denis manifestent à
Paris pour demander plus de moyens pour leur établissement. La violence,
l'incivilité, l'illettrisme y sont tellement répandus que l'on pourrait
considérer ce département comme sinistré dans son ensemble et classer en zone
prioritaire la quasi-totalité des cent quatorze collèges de la
Seine-Saint-Denis.
Ainsi, 35 % des jeunes sortent du système scolaire sans aucune qualification,
soit quatre fois plus que la moyenne nationale, et 48,4 % seulement y
obtiennent le bac, contre 61,5 % dans le reste de la France.
Madame le ministre, avant que vous me répondiez que rien n'a été fait par le
précédent gouvernement, je voudrais rapporter les propos du député socialiste
Bruno Leroux, tels qu'on peut les lire dans le compte rendu analytique : M.
Leroux a reconnu lui-même avant-hier sur les bancs de l'Assemblée nationale «
qu'il y a dix ans qu'on fait porter un effort prioritaire vers les zones les
plus défavorisées ».
Je voudrais rappeler aussi que le gouvernement précédent s'est attaché à
intervenir sur les quartiers difficiles, notamment par la création de 400 zones
urbaines sensibles, dont 60 pour la Seine-Saint-Denis, dans le cadre du pacte
de relance pour la ville.
Madame le ministre, je vous ai entendue tout à l'heure répondre à l'une de nos
collègues que les mesures à prendre doivent être étudiées et travaillées, ce
qui revient à dire, en quelque sorte, que votre déplacement à Bobigny était
purement médiatique. Madame le ministre, quand proposerez-vous un vrai plan de
rattrapage...
M. Alain Gournac.
Un vrai !
M. Christian Demuynck.
... ambitieux, applicable à toute la Seine-Saint-Denis ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac.
Bonne question !
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Monsieur le sénateur,
Claude Allègre et moi-même avons en effet annoncé un plan de rattrappage pour
la Seine-Saint-Denis le 2 mars. Nous sommes aujourd'hui le 26 mars. Vingt-six
moins deux font vingt-quatre !
(Ah ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Comment pouvons-nous faire en vingt-quatre jours,
monsieur le sénateur, ce que vous n'avez pas fait en quatre ans ?
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Par ailleurs, lors de la table ronde à laquelle Claude Allègre et
moi-même avons participé, tous les élus de toutes les tendances politiques
étaient rassemblés. Un certain nombre d'élus du RPR étaient présents, et ils se
sont publiquement félicités du plan de rattrapage pour la Seine-Saint-Denis.
Je crois donc qu'il faut regarder les choses en face !
Laissez-moi vous dire, monsieur le sénateur, que je suis un peu peinée de
l'image misérabiliste que vous venez de donner de la Seine-Saint-Denis ! Vous
parlez de « violence », d'« illettrisme », vous évoquez des statistiques.
M. Dominique Braye.
C'est la réalité ! Ce n'est pas les Deux-Sèvres !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Sachez que, m'étant rendue personnellement dans un
certain nombre d'établissements de ce département, j'y ai trouvé des trésors de
compétence, de dévouement et d'imagination.
M. Christian Demuynck.
Bien sûr !
M. Dominique Braye.
C'est de la démagogie !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Aujourd'hui, tous les élus responsables doivent se
mobiliser pour cristalliser cette compétence et cette énergie de façon positive
par rapport à une tâche qui est en effet difficile.
M. Dominique Braye.
Ce n'est pas par la démagogie que l'on réglera les problèmes !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Si l'on observe aujourd'hui l'expression d'une
impatience, c'est parce qu'il y a un espoir. Quand il n'y a pas d'espoir, comme
ce fut le cas lorsque vous exerciez les responsabilités dans ce pays, il n'y a
pas d'expression d'impatience !
(Vives protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Dominique Braye.
On ne résoudra jamais les problèmes en abordant les choses ainsi !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Aujourd'hui, les premières décisions ont été prises.
Jamais des mesures de cette ampleur n'étaient intervenues pour ce département,
qui le mérite.
Les réunions de travail sont actuellement en cours pour arrêter la deuxième
vague de ce plan de rattrapage. L'engagement a été pris par le Gouvernement
d'arrêter cette deuxième vague avant le 1er mai.
Aujourd'hui, le Gouvernement a entendu l'expression de ces impatiences. Il
souhaite que le travail reprenne. Ce dernier a d'ailleurs continué dans de
nombreux établissements. Les équipes pédagogiques s'emploient à la mise en
place des réseaux d'éducation prioritaire et du dispositif complémentaire que
nous nous sommes engagés à apporter.
Désormais, les procédures sont claires. Les objectifs sont arrêtés. La volonté
gouvernementale est totale. Nous avons bon espoir de réaliser avant le 1er mai
un dispositif complet qui saura apporter à nouveau à ce département toute la
modernisation qu'il mérite pour offrir aux élèves la réussite scolaire à
laquelle, comme partout en France, ils ont droit.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES ROUTIÈRES
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les
sénateurs, ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement.
Les visites ministérielles un peu démagogiques en période électorale ayant été
critiquées tout à l'heure à juste titre
(Protestations sur les travées socialistes),
je voudrais saluer, monsieur
Gayssot, votre comportement récent en Poitou-Charentes : en pleine campagne
électorale, en effet, vous vous êtes rendu dans cette région, vous n'avez pas
tenu de propos démagogiques et vous vous êtes exprimé avec une modération qui a
été, sachez-le, unanimement appréciée.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
Cette attitude tranchait
d'ailleurs sur celle des collègues qui vous accompagnaient ce jour-là !
Monsieur le ministre, les élus de nombreuses régions sont inquiets des
financements destinés aux crédits routiers : c'est ainsi que, pour 1998, les
crédits de paiement pour ma région sont inférieurs à ceux de 1997. Je conçois
bien que le souci de maîtrise de la dépense publique ne saurait s'accommoder
d'incessantes demandes d'augmentations de crédits.
Compte tenu de notre priorité commune - la maîtrise des dépenses publiques -
ne pourrions-nous pas innover pour faire avancer un certain nombre de chantiers
prioritaires ?
Je voudrais proposer trois innovations au Gouvernement à cet égard.
Tout d'abord, des avances pourraient intervenir de la part de l'Etat sur des
dossiers prioritaires, quand elles sont envisageables.
Par ailleurs, pourquoi ne pas s'inspirer pour les routes de l'initiative prise
par M. Jospin lorsqu'il était ministre de l'éducation nationale, en délégant
les maîtrises d'ouvrage pour l'enseignement supérieur avec remboursement de la
TVA ? De telles initiatives permettraient de changer les clés de répartitions,
et les collectivités les plus dynamiques pourraient ainsi s'avancer.
Enfin, des programmes spécifiques pourraient ainsi être dégagé, hors contrat
de plan, pour les questions les plus urgentes, notamment pour celles qui
touchent à la sécurité.
Etes-vous d'accord, monsieur le ministre, pour que s'engagent sur ces bases,
avec les préfets de région, des discussions pour essayer d'avancer le programme
d'infrastructures, dans l'intérêt de tous ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. Gérard Larcher.
Voilà une excellente question !
M. Emmanuel Hamel.
Quel dommage qu'elle n'ait pas été télévisée !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, en évoquant le financement des infrastructures routières et
autoroutières, vous posez des questions qui sont au coeur du travail engagé. On
ne peut en effet pas perpétuer le système actuel du fait des directives
européennes concernant le réseau concédé.
M. Emmanuel Hamel.
Libérez-vous des directives européennes !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
De plus, ce
système a atteint ses limites.
Par ailleurs, les routes nationales, qui ont trop longtemps été délaissées en
matière d'entretien et de sécurité - vous l'avez souligné -, doivent faire
l'objet d'efforts de rattrapage, qui méritent un examen particulier.
Prenons votre région, monsieur le sénateur. Le contrat de plan, dans la région
Poitou-Charentes, représente un montant global de près de 2,5 milliards de
francs. Il fixe deux grandes priorités : la route nationale 10, entre Poitiers
et Bordeaux, et la route « Centre-Europe-Atlantique ». Son taux d'avancement,
qui était de 55 % à la fin de 1997, sera porté à 68 % en 1998 grâce à une
dotation de plus de 160 millions de francs. L'effort est réel, mais je
reconnais, monsieur Raffarin, que vous avez pris beaucoup trop de retard.
Le XIe Plan a prévu un montant de 427 millions de francs pour l'aménagement de
la RN 10 en région Poitou-Charentes selon la clé de répartition suivante : 70 %
au titre de la participation de l'Etat et 30 % au titre de la prise en charge
par la région Poitou-Charentes.
Cette répartition, fruit de l'histoire, est inhabituelle en matière
d'investissements routiers puisque, en général, la clé de répartition est de 50
% pour l'Etat et de 50 % pour les collectivités territoriales, comme vous le
savez tous.
M. Christian Poncelet.
Oh oui !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
L'Etat est donc
tout à fait ouvert à une participation plus forte des collectivités
territoriales, ce qui ne pourrait qu'accélérer le rythme d'aménagement de
l'itinéraire, y compris dans le cadre du XIe Plan.
(Exclamations amusées sur les travées du RPR.)
M. Paul Masson.
Parfait ! Vous devriez être ministre des finances !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Nous
soutiendrons activement la modernisation de cet axe lors de la préparation du
prochain contrat de plan. De plus, l'obtention de la déclaration d'utilité
publique des derniers travaux mettra ce projet dans une position favorable.
Par ailleurs, il paraît important, dans la perspective de la préparation du
XIIe Plan, de bien hiérarchiser les priorités relatives aux différentes
opérations restant à réaliser.
Pour cela, le préfet de région Poitou-Charentes recevra des instructions pour
mener la réflexion nécessaire en liaison avec les collectivités territoriales
intéressées que sont votre région et les départements traversés.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
6
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture,
relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 360, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale.
7
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- EURO 1999. - 25 mars 1998. Rapport sur l'état de la convergence et
recommandation associée en vue du passage à la troisième phase de l'Union
économique et monétaire (Partie 1 : Recommandation ; Partie 2 : Rapport).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 1045 et
distribuée.
8
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mardi 31 mars 1998 :
A neuf heures trente :
1. - Questions orales sans débat suivantes :
I. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat chargé des
anciens combattants sur la situation des patriotes transférés en Allemagne
raflés par représailles, dont il reste environ 3 000 survivants.
Ces derniers réclament l'attribution d'une carte conforme à la réalité de la
situation qu'ils ont connue.
Le droit à réparation pour ces victimes ne serait que justice.
Pour toutes ces raisons, elle lui demande quelles mesures il compte prendre,
afin de satisfaire cette demande. (N° 160.)
II. - M. Philippe Richert attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la
santé sur les calculs des points « ISA », Indice synthétique d'activités, dans
le cadre du « PMSI », le Programme de médicalisation des systèmes
d'information, et leurs répercussions sur le financement par dotation globale
des établissements de santé.
En effet, les points ISA servent actuellement de support au processus
d'allocation des ressources pour les établissements d'hospitalisation
comportant au moins cent lits de court séjour, dont certains, au fil des
années, restent manifestement sous-dotés, malgré les efforts de péréquation mis
en place par le PMSI.
Le rapport détaillé du PMSI de la valeur des points ISA de tous les hôpitaux
de France, annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
1998, répertorie près de six établissements dont la valeur des points ISA est
inférieure à 10 (résultats PMSI 1996). Le département du Bas-Rhin s'illustre en
ayant sur son territoire l'établissement le plus sous-doté de France, l'hôpital
du Neuenberg.
Sans remettre en cause l'ensemble du dispositif, il souhaiterait connaître le
procédé par lequel le ministre envisage de pallier les sous-dotations
constatées par le PMSI. Envisage-t-il des mesures incitatrices auprès des
agences régionales de l'hospitalisation, les ARH, afin que les inégalités de
traitement soient corrigées ? (N° 167.)
III. - M. Louis Souvet attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à
l'industrie sur les fermetures des bureaux de poste en milieu rural.
Avec la caducité du contrat de plan, les élus locaux sont en droit de se poser
des questions quant à la pérennité du service postal en milieu rural. Service
postal qui est souvent l'unique service public encore en activité dans de
nombreuses communes, service public qui permet à de nombreuses personnes
isolées et âgées ne disposant pas d'un moyen de transport autonome d'effectuer
un certain nombre d'opérations bancaires (par exemple, retrait d'une pension).
La restriction des heures d'ouverture participe de cette même logique de
désengagement, des horaires minimaux et inadéquats entraîneront une moindre
fréquentation, amoindrissement statistique qui provoquera à terme une décision
de fermeture, aggravant ainsi le phénomène de désertification. Dans le même
temps, il est procédé dans le cadre du dispositif emplois-jeunes à un certain
nombre d'embauches.
Il lui demande si le coût de ces nouvelles mesures n'accélérera pas encore
plus les fermetures de bureaux du fait d'un accroissement général des frais de
fonctionnement. Il convient de rappeler fort à propos que, pour les
emplois-jeunes, « sont exclues les activités correspondant à leurs compétences
traditionnelles » (ici celles des préposés). (N° 180.)
IV. - M. Roland Courteau attire l'attention de M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie sur les problèmes liés aux menaces de fermeture
qui pèsent sur certaines succursales de province de la Banque de France, et
notamment celle de Narbonne, dans l'Aude.
Il lui indique, sur ce point, toute la difficulté à obtenir du Gouverneur de
la Banque de France la moindre réponse aux démarches entreprises auprès de lui.
Ce qui est pour le moins choquant.
Il relève par ailleurs que le Gouvernement a fait savoir, quant à lui, et par
écrit au Gouverneur de la Banque de France, qu'il souhaiterait qu'aucune
succursale ne soit fermée et que, lors du conseil général du 18 décembre 1997,
aucune décision ne soit prise sur le fond d'une décision qui exige un éclairage
complet.
C'est pourquoi, à la suite de ces recommandations, tant en termes d'emploi que
de qualité de service public ou d'aménagement du territoire, il lui demande
quelle est l'évolution de ce dossier et s'il est en mesure de lui apporter tous
apaisements concernant les intentions du Gouverneur de la Banque de France. (N°
185.)
V. - Mme Marie-Claude Beaudeau demande à M. le secrétaire d'Etat à la santé de
lui préciser les mesures modificatives du décret n° 87-482 du 1er juillet 1987
qu'il envisage pour permettre à tout employé hospitalier originaire d'un
département ou territoire d'outre-mer exerçant actuellement dans un
établissement public hospitalier métropolitain de bénéficier des congés
bonifiés. Elle lui demande également de lui préciser les mesures financières
qu'il envisage d'attribuer à chaque hôpital concerné afin de permettre ainsi
une application nouvelle de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986. (N° 191.)
VI. - M. Jean-Louis Lorrain appelle l'attention de Mme le ministre délégué
chargé de l'enseignement scolaire sur les études des latinistes, dans la
filière des lettres classiques. La trilogie français, latin et grec a toujours
constitué une grande tradition de la culture française et un élément non
négligeable d'unité de la culture européenne.
Or, une décision récente allant à l'encontre des dispositions antérieures,
favorablement accueillies par les enseignants et les parents d'élèves,
contraint désormais les élèves de troisième à opter, au choix, soit pour le
latin soit pour le grec. Les priver de ce double enseignement fragilise la
formation classique tout entière. Et cette dernière est un moyen efficace pour
lutter contre la baisse de niveau souvent observée dans les collèges.
Quelles motivations ont précédé une telle prise de position et quelle sera la
filière désormais pour ceux des élèves qui souhaitent étudier simultanément le
grec et le latin ? (N° 193.)
VII. - M. Pierre Laffitte attire l'attention de Mme le ministre de la culture
et de la communication sur le financement de la bibliothèque régionale de
Nice.
Sur la promenade des Arts de Nice, grand axe d'aménagement urbain qui comporte
le théâtre, le musée d'art contemporain, le palais des congrès Acropolis et un
parc d'exposition, un emplacement a été réservé pour une grande
bibliothèque-médiathèque à vocation régionale.
Le projet architectural est original puisqu'il s'agit d'une
sculpture-immeuble. Le conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur a déjà
adopté une délibération pour assurer une part de financement. La ville de Nice
et le département des Alpes-Maritimes sont dans la même disposition. Le
financement est déjà assuré à 60 %.
La Côte d'Azur, haut lieu du tourisme en France, accueille de nombreuses
personnalités internationales. Une bibliothèque-médiathèque moderne et
innovante reliée par réseau multimédia grand débit à Sophia Antipolis, grâce au
programme MEDSAT, à l'ensemble des capitales, universités et bibliothèques de
la Méditerranée et de l'Europe, constituera une attractivité supplémentaire
pour la France.
Aussi, il lui demande si l'Etat, qui a passé une convention de développement
du patrimoine culturel avec le département, a l'intention d'aider en matière
culturelle la Côte d'Azur dans des conditions comparables à ce qu'il fait pour
d'autres régions de France. (N° 196.)
VIII. - M. René-Pierre Signé appelle l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur la menace de suppression de la
gare de Château-Chinon.
Cette gare, unique desserte ferroviaire du massif du Morvan, joue un rôle
primordial dans le transport du bois extrait de la forêt morvandelle. Le trafic
y est en progression constante. Il s'agit donc d'un outil moderne et
indispensable au commerce local.
La SNCF a diminué le coût d'embarquement dans les gares périphériques à
Corbigny et à Cercy-la-Tour, rendant ainsi le chargement plus onéreux à
Château-Chinon.
L'augmentation des coûts de transport entraînera - à coup sûr et à court terme
- la désaffectation de la gare et sa suppression.
Il est évident que la conséquence inéluctable sera dans le Morvan une baisse
de l'activité forestière, donc de l'activité économique. Le préjudice sera
considérable dans une région déjà fort déshéritée.
Pour ces raisons et quelques autres qui tiennent à l'aménagement du
territoire, aux risques encourus sur le réseau routier par le camionnage
souvent en surcharge, etc., il lui demande s'il ne serait pas envisageable
d'intervenir auprès de la SNCF afin qu'elle participe à la couverture du
surcoût, sans intégrer seulement dans sa réflexion les notions de rentabilité
et d'équilibre budgétaire. (N° 197.)
IX. - M. André Vallet attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux
petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat sur les
conditions administratives d'ouverture des surfaces commerciales.
Après le « gel » des autorisations, un certain nombre de projets de ce type
semblent être maintenant autorisés, notamment dans le département des
Bouches-du-Rhône, pourtant suréquipé, au détriment des centres-villes de plus
en plus exsangues.
Aussi, il souhaite connaître l'attitude du Gouvernement par rapport à ces
nouvelles demandes, et notamment savoir s'il entend revenir sur les prises de
position du précédent gouvernement. (N° 198.)
X. - L'imposition des sociétés non soumises à l'impôt sur les sociétés, telles
que les sociétés en nom collectif, les sociétés civiles, etc., pose de
nombreuses questions imparfaitement traitées dans le code général des impôts.
En particulier, les conséquences fiscales, au niveau des associés, de leur
transformation en sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés ne sont pas
traitées du tout. L'administration fiscale a précisé par voie d'instructions
(n° 5B-21-94 du 26 octobre 1994 et n° 5G-15-94 du 27 octobre 1994) que la
transformation d'une société non soumise à l'impôt sur les sociétés en une
société soumise à l'impôt sur les sociétés, ou son option à l'impôt sur les
sociétés, n'entraîne pas la constatation d'une plus-value au niveau des
associés personnes physiques de ladite société. Cette règle a été donnée au
regard des règles d'imposition des plus-values des particuliers, qui sont
prévues aux articles 160, 92B, 92J et 92K du code général des impôts. La
transformation, ou l'option, est alors neutre fiscalement pour l'associé, sous
réserve des deux exceptions suivantes : lorsque la transformation s'accompagne
de la création d'une personne morale nouvelle, cas relativement rare, et
lorsque l'associé est une personne physique qui exerce son activité
professionnelle au sein de la société.
M. Bernard Plasait attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie sur cette question et lui demande s'il peut lui
confirmer que ce principe de neutralité est également applicable aux associés
qui sont imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux,
les BIC, que les sociétés concernées soient des sociétés soumises à l'impôt sur
les sociétés ou qu'il s'agisse de sociétés de personnes, elles-mêmes détenues
par une société soumise à l'impôt sur les sociétés. En effet, sous réserve,
encore une fois, que la transformation ne donne pas lieu à la création d'une
personne morale nouvelle, celle-ci ne devrait pas donner lieu à constatation
d'une plus-value au niveau desdits associés au regard des articles 38 et 39
duodecies
du code général des impôts. De même, les ajustements fiscaux
cités dans les arrêts du Conseil d'Etat du 4 novembre 1970 (n° 77-667) et du 17
avril 1991 (arrêt « Lanadan », n° 62-001) en cas de cession de parts de
sociétés de personnes, ne devraient pas s'appliquer. Il lui demande de bien
vouloir lui confirmer ces deux points - neutralité et absence d'ajustements
fiscaux - qui facilitent l'adaptation des sociétés à un environnement
économique changeant. (N° 200.)
XI. - M. François Autain attire l'attention de M. le ministre de l'équipement,
des transports et du logement sur la baisse des effectifs dans les services de
son ministère.
Au fil des ans, la Fédération de l'équipement, des transports et des services
a perdu officiellement près de 17 000 emplois. Des nouvelles suppressions sont
vraisemblablement encore prévues.
Cette orientation, si elle était confirmée, mettrait en cause l'existence même
du service public de l'équipement et des transports, essentiel pour
l'aménagement du territoire, que ce soit en matière de développement et
d'entretien des voies de communication - routes, voies navigables, ports,
aéroports - de leur viabilité par toutes conditions, ou que ce soit en matière
d'assistance aux communes et enfin comme réseau scientifique et technique.
Alors que le Gouvernement affiche sa volonté de stopper les réductions
d'effectifs dans la fonction publique, il lui demande de prendre toutes les
mesures qui s'imposent pour que les services déconcentrés de son ministère ne
se sentent pas lésés. (N° 201.)
XII. - M. Gérard Delfau attire l'attention de Mme le garde des sceaux,
ministre de la justice, sur la déplorable situation dans laquelle se trouve la
profession des syndics et administrateurs de biens. Les révélations sur des
pratiques délictueuses, parfois cautionnées par les services fiscaux, et les
mises en examen se succèdent, sans que la Chancellerie ait envisagé une remise
en ordre, ce qui crée un préjudice grave à tous ceux qui exercent honnêtement
ce métier.
Il est temps de réagir. D'autant que le mal est plus profond qu'on ne l'écrit.
Au-delà des délits constitués et sur lesquels se penche la justice, il y a
toute une zone de pratiques à la limite du droit devant lesquelles le citoyen
se trouve désarmé, tant la loi et la réglementation protègent abusivement cette
profession.
Que compte faire le Gouvernement pour remédier à cet état de fait ? (N°
202.)
XIII. - M. Joseph Ostermann attire l'attention de M. le ministre de la défense
sur les conditions financières de subvention et de prise à bail par l'Etat des
casernements de gendarmerie construits par des collectivités locales.
Selon la circulaire du 28 janvier 1993, les collectivités territoriales qui
assurent la maîtrise d'ouvrage d'un projet de construction de casernement de
gendarmerie reçoivent une subvention de l'Etat fixée à 18 % du coût plafond des
unités de logement ou à 20 % pour les communes de moins de 10 000 habitants qui
ne bénéficient pas du concours financier d'une ou plusieurs collectivités.
Or, actuellement, compte tenu des contraintes budgétaires imposées au
département de la défense, les montants de l'aide à l'investissement destinée
aux collectivités territoriales sont limités, ce qui entraîne une importante
réduction du nombre d'opérations immobilières dont la réalisation peut être
autorisée.
Toutefois, le ministère a proposé aux collectivités qui le souhaitent et pour
les seuls projets urgents et prioritaires, de conduire ces opérations sans
subvention de l'Etat.
Cette décision constituerait un transfert particulièrement inquiétant de
charges de l'Etat vers les collectivités locales.
Il lui demande donc s'il ne conviendrait pas de compenser ce transfert de
charges par une réduction de TVA à 5,5 % sur ces opérations. (N° 203.)
XIV. - M. Jean Clouet rappelle à Mme le ministre de la culture et de la
communication que le château de Vincennes est un ensemble domanial classé au
titre des monuments historiques et est occupé conjointement par des services
dépendant du ministère de la culture et de la communication et du ministère de
la défense (services historiques notamment). Cette particularité a conduit, en
1988, à la création d'une commission interministérielle, sous la présidence de
M. Jean-Philippe Lecat, chargée d'assurer la gestion du site, de conduire les
indispensables travaux de restauration, de favoriser son animation et sa mise
en valeur.
Depuis 1988, près de 100 millions de francs, provenant pour deux tiers de la
culture et pour un tiers de la défense, ont été mis en oeuvre pour aller en ce
sens ; mais ce sont plus de 300 millions de francs qu'il faudrait encore y
consacrer, selon les dernières estimations de l'architecte en chef des
monuments historiques.
Le donjon a été fermé en septembre 1996 et son accès au public serait interdit
au moins pour cinq années encore, si les travaux se déroulaient au rythme
actuel et sans mauvaise surprise.
Il observe d'ailleurs que, dans l'hypothèse d'une simple reconduction de la
dotation annuelle actuelle, il faudra plus de trente ans pour voir la fin des
travaux, sans tenir compte du passage du temps qui imposera de nouvelles
interventions sur certaines parties du monument.
Ainsi que l'écrivait Jean-Philippe Lecat en 1993 : « Croit-on que si le
Royaume-Uni, la Russie ou l'Allemagne possédaient, aux portes de leur capitale,
un ensemble monumental témoin de leur histoire nationale et de la naissance de
l'Etat qui fonda leur rang parmi les nations, ils hésiteraient à faire de sa
renaissance le grand projet de la décennie à venir ? »
Est-il raisonnable de se résigner à ce que le château de Vincennes, présent
dans l'imaginaire de chaque Français en raison, notamment, du souvenir qui
l'associe àSaint Louis, reste indéfiniment délaissé, masqué par d'éternels
échafaudages et soustrait à la fréquentation du public ?
Il persiste à croire le contraire et c'est pourquoi il lui demande si cet
admirable ensemble monumental qu'est le château de Vincennes ne pourrait pas se
voir affecter une dotation budgétaire abondée en vue d'une accélération des
travaux ou, mieux encore, faire l'objet d'un « grand projet » doté d'un
financement approprié, aux bases éventuellement élargies. (N° 206.)
XV. - M. Jacques Oudin demande à Mme le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement s'il lui apparaît normal de devoir attendre
plusieurs années pour que les textes d'application d'une loi paraissent malgré
la volonté exprimée par le Président de la République et le Premier ministre de
voir les dispositions d'une loi mises en oeuvre le plus rapidement possible.
Il lui demande s'il est possible de justifier, par exemple, la non-parution du
décret en Conseil d'Etat, prévu par l'article 22 de la loi n° 93-24 du 8
janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages, relatif à la
composition de la commission départementale des sites, perspectives et
paysages.
Il en est de même pour la non-parution du décret en Conseil d'Etat exigé par
l'article 9 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de
la protection de l'environnement, concernant la composition du conseil
départemental de l'environnement.
Enfin, est-il encore possible de demander en quelle année paraîtra le premier
rapport annuel prévu par l'article 41 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986
relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral ?
Il lui rappelle que, depuis quelques années, ces interrogations ont fait
l'objet de multiples questions écrites qui soit sont restées sans réponse, soit
ont reçu des réponses évasives, mais qui, dans tous les cas, n'ont jamais été
suivies d'effets.
Aussi, il souhaite que lui soient précisées les intentions du Gouvernement
afin que les droits du Parlement et les dispositions législatives soient enfin
respectés. (N° 207.)
XVI. - A plusieurs reprises, des magistrats du siège ont été recrutés à
l'issue de concours exceptionnels organisés en application de la loi, en
particulier en 1981, 1983 et 1991. Cela sera à nouveau le cas en 1998 et 1999,
à concurrence de deux cents personnes. Parmi ces magistrats, on peut distinguer
deux catégories professionnelles : ceux qui sont issus de la fonction publique,
qui ne rencontrent pas de difficultés, puisque le déroulement de leur carrière
reste interne à celle-ci ; ceux qui proviennent du secteur privé, environ un
tiers d'entre eux. Ces derniers ne peuvent faire prendre en compte pour le
calcul de leur pension les années d'activités accomplies antérieurement, même
moyennant le versement d'une contribution au titre de la période rachetée.
Cette impossibilité résulte du vide juridique créé par la loi organique du 29
octobre 1980, qui est muette sur ce point, et sur le fondement de laquelle ont
été organisés les concours de 1981, 1983 et 1991. En outre, le décret du 24
septembre 1997 a permis aux avocats recrutés sur titre et sans concours, au
titre de l'article 40 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, ainsi qu'aux
personnes spécialement qualifiées, recrutées dans les mêmes conditions, en
application des articles 22, 23 et 24 de la même ordonnance, de procéder à la
prise en compte des années antérieures à leur entrée dans la fonction publique
judiciaire.
Ainsi, par son silence, la loi crée une double inégalité, face à la retraite,
entre des magistrats recrutés par les mêmes concours, selon qu'ils proviennent
ou non de la fonction publique, et entre des magistrats issus du secteur privé,
selon les modalités de leur recrutement, alors que tous participent dans les
mêmes conditions au service public de la justice.
En conséquence, M. Jean-Paul Delevoye demande à Mme le garde des sceaux,
ministre de la justice, de bien vouloir se saisir de cette question et
d'apporter des réponses équitables et générales à ce problème. (N° 211).
XVII. - M. Lucien Lanier rappelle à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité que la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement
d'activité pour l'emploi des jeunes prévoit la création d'emplois dits «
accompagnateurs de personnes dépendantes ». Leur mission est même définie : «
faciliter la réinsertion lors de la sortie de l'hôpital en préparant le retour
du patient à domicile, en l'aidant dans la réalisation de ses problèmes
d'appareillage, de transports, etc. ».
Il précise que cela correspond exactement à la définition des actes
professionnels des ergothérapeutes dont la formation bac + 3 comprend un
enseignement pratique, technique et clinique de haut niveau.
Or, il souligne que les jeunes ergothérapeutes diplômés trouvent actuellement
difficilement un emploi correspondant à leurs capacités, comme à leur
formation.
Aussi, la création d'emplois-jeunes dans cette discipline soulève plusieurs
problèmes :
- la qualité de l'aide apportée à des personnes dépendantes par des jeunes
sans aucune formation adéquate pour un secteur de soins particulièrement
sensible ;
- le risque pour ces emplois d'être passibles de sanctions pénales pour
exercice illégal de l'ergothérapie qui exige un diplôme approprié ;
- le risque de concurrence illicite entre ces emplois-jeunes, certes louables,
mais au rabais, et les diplômés qui ont déjà de la peine à exercer la
profession qu'ils ont choisie ;
- l'avenir de ces emplois-jeunes après cinq ans.
En conséquence, il lui demande quelles mesures elle entend prendre pour
garantir la profession d'ergothérapeute et sa spécificité, la qualité des soins
aux malades, et pour assurer la cohérence du plan emplois-jeunes avec le bon
fonctionnement et la sécurité des soins hospitaliers et extra-hospitaliers. (N°
215.)
A seize heures :
2. - Nomination d'un membre, en remplacement de M. Marcel Vidal, de la
délégation parlementaire pour l'Union européenne.
3. - Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 234, 1997-1998),
adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture,
relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à
la protection des mineurs.
Rapport (n° 265, 1997-1998) de M. Charles Jolibois, fait au nom de la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 30 mars 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 30 mars 1998, à dix-sept
heures.
Délais limites pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit
d'asile (n° 324, 1997-1998) :
- Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 31 mars 1998, à dix-sept
heures.
Proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative au régime
local d'assurance maladie des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la
Moselle (n° 236, 1997-1998) ;
Projet de loi relatif à la partie législative du livre VII (nouveau) du code
rural (n° 397, 1996-1997) :
- Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 1er avril 1998, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures quinze.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Fonctionnement des bibliothèques publiques
221.
- 25 mars 1998. -
M. Jean-Louis Lorrain
attire l'attention de
Mme le ministre de la culture et de la communication
sur les conséquences pour les bibliothèques publiques de l'application de la
directive européenne 92/100/CEE du 19 novembre 1992. Cette directive, qui vise
la protection des droits d'auteurs, demande aux bibliothèques publiques de
payer un droit de prêt et seuls certains établissements peuvent être exemptés
dudit paiement par les Etats membres. La France n'a pas appliqué ce droit de
prêt dans la mesure où le Centre national du livre, fondé en 1946, aide les
auteurs et les éditeurs. De plus, la loi du 11 mars 1957 protège le droit
d'auteur par rapport à l'éditeur et à la diffusion de ses oeuvres. Afin
d'éviter l'alourdissement des charges des municipalités qui participent
majoritairement aux frais de fonctionnement des bibliothèques, serait-il
possible que le ministère de la culture adopte la dérogation prévue à l'article
5 de la directive européenne, pour les documents imprimés, prêtés ou consultés
sur place dans les bibliothèques publiques ? Ces dernières verraient, par
l'application d'un droit de prêt, leur budget d'achat de livres grevé par cette
nouvelle contrainte. En outre, du fait de leur développement récent, les
bibliothèques ne disposent pas encore toutes d'un service de lecture et de
documentation.
Création d'emplois dans la fonction publique
222. - 25 mars 1998. - M. Jean Bizet attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur la décision prise récemment par le Gouvernement de revaloriser de 2,6 % sur les deux prochaines années le traitement des fonctionnaires. Cette décision, lourde de conséquences pour le budget de l'Etat, semble faire abstraction de l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés de la fonction publique de 11,1 % ces cinq dernières années quand, dans le même temps, ce pouvoir d'achat ne progressait que de 6,3 % pour les salariés du secteur privé. Cette décision, avec 5 millions et demi de fonctionnaires, alourdira ainsi les dépenses publiques de plus de 15 milliards de francs. Cette décision, s'ajoutant à la récente création des emplois-jeunes qui constitueront à terme et pour la plupart d'entre eux autant d'emplois publics supplémentaires, fera de notre pays le leader incontesté des pays créateurs d'emplois publics avec 1,6 million de postes créés depuis 1979 pendant que 600 000 emplois privés étaient détruits. Cette décision s'intégrant selon toute vraisemblance et dans un proche avenir à la politique de réduction du temps de travail imposée par le Gouvernement, on comprendrait mal en effet que l'Etat ne donne pas l'exemple et exclue dans cette mesure 25 % des actifs de ce pays ; peut-on alors imaginer que l'application de cette politique nécessitera la création de nouveaux emplois... publics. En clair, il lui demande pourquoi cette augmentation et comment elle sera financée : par emprunt ou par accroissement de la fiscalité. Entre rigueur budgétaire et augmentation de la dépense publique, où se trouve en cette affaire la cohérence gouvernementale ?