SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Décès d'un sénateur
(p.
1
).
3.
Remplacement d'un sénateur décédé
(p.
2
).
4.
Commission mixte paritaire
(p.
3
).
5.
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
(p.
4
).
6.
Candidature à une commission
(p.
5
).
7.
Questions orales sans débat
(p.
6
).
M. le président.
CONDITIONS D'HÉBERGEMENT DES HANDICAPÉS
DANS DES FAMILLES D'ACCUEIL (p.
7
)
Question de M. Bernard Fournier. - M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.
VENTE DE L'ANCIEN SIÈGE DE LA CPAM DE PARIS (p. 8 )
Question de Mme Nicole Borvo. - M. Claude Bartolone, ministre délégué à la
ville ; Mme Nicole Borvo.
OCTROI D'UNE INDEMNITÉ DE RÉSIDENCE AUX AGENTSHOSPITALIERS DE L'HÔPITAL DE
L'ASSISTANCE PUBLIQUE GEORGES-CLEMENCEAU DE CHAMPCUEIL (ESSONNE) (p.
9
)
Question de M. Jean-Jacques Robert. - MM. Claude Bartolone, ministre délégué à
la ville ; Jean-Jacques Robert.
RECHERCHE ET EXPLOITATION DES GISEMENTS SOUS-MARINS
À PROXIMITÉ DE SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON (p.
10
)
Question de M. Victor Reux. - MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Victor Reux.
Suspension et reprise de la séance
(p.
11
)
DIFFICULTÉS DU COLLÈGE VICTOR-HUGO
DE NOISY-LE-GRAND (p.
12
)
Question de M. Christian Demuynck. - MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Christian Demuynck.
AVENIR DES ÉCOLES PRIVÉES
SOUS CONTRAT D'INGÉNIEURS EN AGRICULTURE (p.
13
)
Question de M. Jean-Paul Delevoye. - MM. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Jean-Paul Delevoye.
RÉFORME DE L'ORGANISATION COMMUNE
DU MARCHÉ DU VIN (p.
14
)
Question de M. Roland Courteau. - MM. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Roland Courteau.
AGRÉMENT SANITAIRE DES ÉTABLISSEMENTS
DE PRODUCTION FERMIÈRE DE MOYENNE MONTAGNE (p.
15
)
Question de Mme Janine Bardou. - M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Mme Janine Bardou.
PÊCHE AU MÉROU (p. 16 )
Question de M. Franck Sérusclat. - MM. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Franck Sérusclat.
SITUATION FISCALE DES STRUCTURES CULTURELLES (p. 17 )
Question de M. Ivan Renar. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Ivan Renar.
DROIT DE PRÊT À LA CHARGE DES BIBLIOTHÈQUES (p. 18 )
Question de M. Jean-Louis Lorrain. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Jean-Louis Lorrain.
PARTICIPATION DE L'ÉTAT AU FINANCEMENT
DE L'ÉCOLE SUPÉRIEURE DE L'IMAGE (p.
19
)
Question de M. Philippe Arnaud. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Philippe Arnaud.
DROIT DE PRÊT
DANS LES BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES (p.
20
)
Question de M. Jean-Claude Peyronnet. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Jean-Claude Peyronnet.
SOUS-EFFECTIF DE FONCTIONNAIRES DE POLICE
DANS LE DÉPARTEMENT DU NORD (p.
21
)
Question de M. Alfred Foy. - MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de
l'intérieur ; Alfred Foy.
8.
Modification de l'ordre du jour
(p.
22
).
9.
Nomination d'un membre d'une commission (suspension et reprise de la séance
(p.
23
).
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
10.
Décès d'un ancien sénateur
(p.
24
).
11.
Diverses mesures relatives à la sécurité routière. -
Adoption d'un projet de loi (p.
25
).
Discussion générale : MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des
transports et du logement ; Lucien Lanier, rapporteur de la commission des
lois.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Plasait, Jacques Mahéas, Mme Joëlle Dusseau,
MM. Pierre Lefebvre, Jacques Oudin, Pierre Hérisson, Mme Janine Bardou, M.
Jacques Bimbenet.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance (p. 26 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
Intitulé de la section 1 et article 1er (p.
27
)
Amendement n° 1 de la commission. - Réserve.
Amendements n°s 2 de la commission et 42 rectifié de M. Mahéas. - MM. le
rapporteur, Jacques Mahéas, le ministre, Pierre Lefebvre. - Adoption de
l'amendement n° 2 ; retrait de l'amendement n° 42 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 1
(précédemment réservé)
de la commission. - Adoption de
l'amendement rédigeant l'intitulé.
Article 2 (p. 28 )
MM. François Lesein, Jacques Mahéas.
Article L. 29 du code de la route. - Adoption
(p.
29
)
Article L. 29-1 du code précité
(p.
30
)
Amendement n° 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article L. 29-2 du code précité. - Adoption
(p.
31
)
Article L. 29-3 du code précité
(p.
32
)
Amendements n°s 4 à 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article L. 29-4 du code précité. - Adoption
(p.
33
)
Article L. 29-5 du code précité (réserve)
(p.
34
)
Amendement n° 43 de M. Mahéas. - MM. Jacques Mahéas, le rapporteur, le
ministre. - Réserve.
Réserve de l'article du code.
Article L. 29-6 du code précité (p. 35 )
Amendement n° 8 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article L. 29-7 du code précité (p. 36 )
Amendement n° 9 de la commission et sous-amendement n° 37 rectifié de M. Hoeffel. - MM. le rapporteur, Daniel Hoeffel, le ministre. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié rédigeant l'article du code.
Article L. 29-5 du code précité (suite) (p. 37 )
Amendement n° 43
(précédemment réservé)
de M. Mahéas et sous-amendement
n° 47 du Gouvernement. - MM. le rapporteur, Jacques Mahéas. - Adoption du
sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendement n° 7 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article L. 29-8 du code précité. - Adoption
(p.
38
)
Article L. 29-9 du code précité
(p.
39
)
Amendements n°s 10 et 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article L. 29-10 du code précité (p. 40 )
Amendements n°s 12 à 14 de la commission. - Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article L. 29-11 du code précité (p. 41 )
Amendement n° 15 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption
de l'amendement rédigeant l'article du code.
Adoption de l'article 2 modifié.
Article 3. - Adoption (p.
42
)
Article 4 (p.
43
)
M. Jacques Mahéas.
Amendements identiques n°s 21 de M. Hérisson et 31 de M. Lesein ; amendement n°
16 rectifié de la commission. - MM. Pierre Hérisson, François Lesein, le
rapporteur, le ministre, Mme Joëlle Dusseau, MM. Philippe Arnaud, Jacques
Mahéas. - Rejet des amendements n°s 21 et 31 ; adoption de l'amendement n° 16
rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel avant l'article 5 (p. 44 )
Amendement n° 38 de Mme Dusseau. - Mme Joëlle Dusseau, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Article 5 (p. 45 )
M. Jacques Mahéas.
Amendements identiques n°s 22 de M. Hérisson, 25 de M. Plasait et 32 de M.
Lesein ; amendements n°s 39 de Mme Dusseau et 26 de M. Plasait. - MM.
Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Plasait, François Lesein, Mme Joëlle Dusseau,
MM. le rapporteur, le ministre, Louis Moinard.
Suspension et reprise de la séance (p. 46 )
Amendement n° 48 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur, François
Lesein, Philippe Arnaud, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Plasait. - Demande de
priorité de l'amendement n° 48 ; retrait des amendements n°s 22 et 25 ;
adoption de l'amendement n° 48, les amendements n°s 32, 39 et 26 devenant sans
objet.
Adoption de l'article modifié.
Article 6 (p. 47 )
Amendements n°s 33 de M. Lesein, 17 de la commission et 23 de M. Hérisson. -
Adoption de l'amendement n° 17, les amendements n°s 33 et 23 étant devenus sans
objet.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel avant l'article 7 (p. 48 )
Amendement n° 40 de Mme Dusseau. - Mme Joëlle Dusseau, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Article 7 (p. 49 )
MM. Jacques Bimbenet, François Lesein, Guy Fischer, Jacques Mahéas.
Amendement n° 34 de M. Bimbenet. - MM. Jacques Bimbenet, le rapporteur, le
ministre. - Retrait.
Amendements n°s 41 de Mme Dusseau et 30 de M. Sérusclat. - Mme Joëlle Dusseau,
MM. Franck Sérusclat, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux
amendements.
Amendement n° 18 de la commission et sous-amendement n° 35 de M. Bimbenet. -
MM. le rapporteur, Jacques Bimbenet, le ministre, Guy Fischer, Jacques Mahéas,
Mme Joëlle Dusseau, M. Franck Sérusclat. - Retrait du sous-amendement, rejet de
l'amendement.
Amendement n° 19 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel avant l'article 8 (p. 50 )
Amendement n° 36 de M. Bimbenet. - MM. Jacques Bimbenet, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Article 8 (p. 51 )
Amendement n° 20 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Articles additionnels après l'article 8 (p. 52 )
Amendement n° 29 rectifié de M. Pépin. - Mme Janine Bardou, MM. le rapporteur,
le ministre. - Retrait.
Amendement n° 46 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption
de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements n°s 44 et 45 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. -
Adoption des amendements insérant deux articles additionnels.
Vote sur l'ensemble (p. 53 )
MM. Alain Gérard, François Lesein, Jacques Mahéas, Pierre Lefebvre, Mme Joëlle
Dusseau, MM. Jacques Machet, Pierre Hérisson, Mme Janine Bardou, M. le
ministre.
Adoption du projet de loi.
12.
Communication de l'adoption de propositions d'acte communautaire
(p.
54
).
13.
Transmission d'un projet de loi
(p.
55
).
14.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
56
).
15.
Transmission de propositions de loi
(p.
57
).
16.
Retrait de propositions de loi
(p.
58
).
17.
Dépôt d'une proposition de résolution
(p.
59
).
18.
Dépôt de propositions d'acte communautaire
(p.
60
).
19.
Dépôt d'un rapport
(p.
61
).
20.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
62
).
21.
Ordre du jour
(p.
63
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
2
DÉCÈS D'UN SÉNATEUR
M. le président. J'ai le profond regret de vous faire part du décès, survenu le 5 avril 1998, de notre collègue Sosefo Makapé Papilio, sénateur des îles Wallis-et-Futuna.
3
REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR DÉCÉDÉ
M. le président. Conformément aux articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat que, en application de l'article L.O. 319 du code électoral, M. Basile Tui est appelé à remplacer, en qualité de sénateur des îles Wallis-et-Futuna, M. Sosefo Makapé Papilio, décédé le 5 avril 1998.
4
COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante
:
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de
vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion du projet de loi relatif à la prévention et à la répression des
infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à
désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour, à M. le président de l'Assemblée nationale, une demande
tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération. »
« Signé : LIONEL JOSPIN. »
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.
5
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport annuel
d'information sur la protection et le contrôle des matières nucléaires pour
l'année 1996, établi en application de l'article 10 de la loi n° 80-572 du 25
juillet 1980.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
6
CANDIDATURE À UNE COMMISSION
M. le président.
J'informe le Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social
européen a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour
siéger à la commission des affaires culturelles, à la place laissée vacante par
M. Henri Le Breton, démissionnaire.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
7
QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT
M. le président.
L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.
J'ai le plaisir d'accueillir, pour sa première intervention devant le Sénat,
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.
Pour celui qui préside la séance ce matin, la ville est un sujet
particulièrement sensible, auquel il est attentif. Je vous souhaite, monsieur
le ministre, une pleine réussite dans vos nouvelles fonctions ministérielles.
CONDITIONS D'HÉBERGEMENT DES HANDICAPÉS
DANS DES FAMILLES D'ACCUEIL
M. le président.
La parole est à M. Fournier, auteur de la question n° 205, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Bernard Fournier.
Je souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la
solidarité sur la situation des personnes handicapées qui ne sont pas visées
par l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale et qui ne bénéficient
pas de l'allocation compensatrice.
Ces personnes supportent les charges relatives à leur logement et doivent, au
surplus, rémunérer la famille accueillante.
Dans sa réponse à la question écrite n° 4454 à l'Assemblée nationale, Mme la
ministre a précisé qu'il est possible d'ouvrir une exonération des charges
sociales et patronales à l'ensemble des personnes hébergées à titre onéreux
dans les familles d'accueil.
Cependant, aucune indication de délai n'était portée et la situation de ces
personnes est souvent précaire. Aussi, je souhaite connaître l'état
d'avancement de la réflexion ministérielle.
Par ailleurs, aucun contrat de travail n'existe entre la famille d'accueil et
la personne accueillie. La rémunération est fondée sur un minimum garanti. La
dignité des handicapés et des familles d'accueil commande qu'il soit établi un
véritable contrat de travail avec une base de rémunération autre que ce minimum
garanti et avec le versement annuel d'une indemnité de congés payés. Ces
dispositions permettraient la création d'un statut de la famille d'accueil qui,
s'entendant avec une revalorisation des revenus de la personne handicapée,
tendrait à renforcer cette indispensable dignité de la personne handicapée et
de ses accueillants. Aussi, je remercie Mme la ministre de bien vouloir
m'indiquer ses intentions en ce qui concerne la révision de la loi n° 89-475 du
10 juillet 1989.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Monsieur le président, permettez-moi tout
d'abord de vous remercier de vos mots d'accueil. Je sais quelle passion vous
accordez à la ville et je suis sûr que nous aurons l'occasion, tant dans
l'enceinte de la Haute Assemblée qu'à l'extérieur, de réfléchir et de
travailler ensemble sur ce secteur aussi important dans notre société.
M. le président.
Je vous remercie, monsieur le ministre.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Monsieur Fournier, c'est une première pour
moi comme pour vous dans cet hémicycle, puisque, selon les informations qui
m'ont été communiquées, vous venez d'arriver au Sénat et il s'agit aujourd'hui
de votre première question orale sans débat. Aussi, nous serons liés dans
l'histoire s'agissant de cette première question et de cette première réponse
que je vais avoir l'occasion d'apporter, au nom de Mme Martine Aubry. Celle-ci,
qui est retenue par une réunion importante, vous prie de bien vouloir l'excuser
de ne pouvoir répondre en personne.
Vous demandez, monsieur le sénateur, dans quel délai il serait possible
d'accorder une exonération des charges sociales et patronales à l'ensemble des
personnes handicapées hébergées à titre onéreux dans les familles d'accueil.
En effet, seules les personnes hébergées à titre onéreux chez des particuliers
qui sont visés par les dispositions de l'article L. 241-10 du code de la
sécurité sociale sont susceptibles de bénéficier de ces exonérations.
Monsieur le sénateur, vous faites référence, dans votre question, à une
réponse récente du Gouvernement à une question écrite posée par un député sur
ce sujet. Toutefois, contrairement à ce que vous semblez indiquer, le
Gouvernement, sans exclure une exonération des charges sociales et patronales
pour l'ensemble des personnes hébergées à titre onéreux dans les familles
d'accueil, n'a pas pour autant autorisé une telle exonération.
Néanmoins, je vous confirme que le Gouvernement étudie bien cette possibilité
d'exonération, puisqu'une mission a été chargée d'élaborer des propositions
concernant l'ensemble des aides au maintien à domicile des personnes âgées et
des personnes handicapées. La question que vous soulevez n'est pas sans lien
avec ce sujet très général et elle sera examinée, notamment, à la lumière des
conclusions de cette mission qui seront remises très prochainement à M. Martine
Aubry.
Par ailleurs, vous appelez l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la
solidarité sur les difficultés rencontrées par les particuliers qui accueillent
à leur domicile à titre onéreux des personnes handicapées, notamment en termes
de rémunération et de congés, car ces particuliers ne bénéficient pas d'un
véritable statut de salarié pour la totalité de leur rémunération.
Ainsi, bien que leur régime d'assurances sociales et leur régime fiscal soient
partiellement calqués sur ceux des salariés qui relèvent du régime général de
la sécurité sociale, la loi n° 89-475 du 10 juillet 1989 et ses décrets
d'application n°s 90-503 et 90-504 du 22 juin 1990 ne leur permettent pas de
conclure un contrat de travail.
Compte tenu de ces difficultés, le Gouvernement souhaite être en mesure
d'apporter des améliorations sensibles à cette situation.
Je vous rappelle qu'un groupe de travail a été mis en place en 1997 et qu'il
étudie les modalités d'application de la loi du 10 juillet 1989. Il associe aux
services centraux et déconcentrés du ministère des représentants de l'assemblée
des présidents de conseils généraux. Afin de recueillir leurs observations sur
ce dispositif, il a consulté les principaux organismes et associations
concernés par l'accueil à domicile.
Ce groupe a, dans un premier temps, réalisé un bilan de la mise en oeuvre de
la loi de 1989 au terme d'une enquête menée auprès de l'ensemble des
départements et dont les résultats sont sur le point d'être diffusés.
Sur la base de cette évaluation, préalable indispensable à toute réforme
éventuelle de la loi de 1989, le groupe de travail proposera les aménagements
législatifs et réglementaires qui lui paraîtront nécessaires pour améliorer le
dispositif en vigueur. C'est donc dans ce cadre que les mesures que vous
proposez seront examinées.
M. Lucien Neuwirth.
Il y a là un vrai problème !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Effectivement !
VENTE DE L'ANCIEN SIÈGE DE LA CPAM DE PARIS
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 212, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Nicole Borvo.
A la suite du transfert de ses services dans le xixe arrondissement, la caisse
primaire d'assurance maladie de Paris, la CPAM, met en vente l'immeuble qu'elle
occupait jusqu'à présent rue de Dunkerque.
Dans cette perspective, la CPAM de Paris a lancé un appel d'offres en juillet
1997.
Plusieurs acquéreurs ont fait des offres d'achat, parmi lesquels le centre
hospitalier Maison-Blanche, qui propose la réalisation d'une unité de soins
psychiatriques, et la SAGI, une société d'économie mixte dont 40 % du capital
est détenu par la ville de Paris qui souhaite réaliser des logements sociaux
dans cet immeuble.
Pourtant, lors de sa réunion du 26 février, le conseil d'administration de la
CPAM a préféré retenir comme acquéreur le groupe privé Paris-Ouest Immobilier.
Si cette décision avait été appliquée, ce groupe aurait pu acheter pour 28,1
millions de francs ce patrimoine public évalué à quelque 64 millions de francs
par l'administration des domaines.
Fort heureusement, la direction régionale des affaires sanitaires et sociales
vient, en raison du montant de la transaction notamment, de suspendre la
délibération par laquelle le conseil d'administration de la CPAM avait préféré
un acquéreur privé. Elle a demandé une nouvelle évaluation de l'immeuble de la
rue de Dunkerque par les services des domaines.
Quel que soit le résultat de cette nouvelle étude, le patrimoine public ne
doit pas être bradé à des fins de spéculation.
A Paris, le manque de logements sociaux, comme chacun le sait, est criant, et
un grand besoin en équipements publics, en structures sociales et de soins se
fait sentir.
D'ailleurs, les élus communistes de Paris ont demandé au maire de Paris
d'exercer le droit de préemption de la ville afin de favoriser d'autres
alternatives que celle qui avait été retenue par la CPAM.
Le maire de Paris fait pour l'instant la sourde oreille. C'est d'autant moins
compréhensible que les propositions de la SAGI et du groupe hospitalier Maison
Blanche vont dans le sens d'un nécessaire développement du logement social et
d'équipements publics de qualité, et que les offres présentées sont
sensiblement les mêmes que celle du groupe Paris-Ouest Immobilier.
Telles sont les différentes raisons pour lesquelles je souhaite savoir ce que
le Gouvernement compte faire pour intervenir dans l'intérêt général et donc
pour refuser toute nouvelle cession aux groupes privés. Favorisera-t-il une
solution qui réponde aux besoins des Parisiens en équipements publics et en
logements sociaux ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Madame la sénateur, Mme Aubry, ministre de
l'emploi et de la solidarité, partage vos préoccupations concernant le projet
actuel de vente de l'ancien siège de la caisse primaire d'assurance maladie de
Paris.
Permettez-moi de rappeler brièvement les faits.
Le conseil d'administration de la CPAM de Paris a, par délibération du 25
février 1998, décidé de vendre son ancien siège social, immeuble vétuste et peu
fonctionnel - vous l'avez fait remarquer - situé rue de Dunkerque, dans le ixe
arrondissement, à la société Paris-Ouest Immobilier, pour une somme de 28,1
millions de francs.
En août 1997, la caisse avait lancé par voie expresse un appel à la
concurrence pour la vente de cet immeuble. Cinq sociétés ont fait des offres
d'achat portant sur la valeur nue du terrain pour des sommes variant entre 18
millions de francs et 28,1 millions de francs.
Parallèlement, la direction des services fonciers de Paris a procédé à une
évaluation du site et a estimé sa valeur vénale à 63,5 millions de francs, y
compris l'immeuble lui-même.
Comme vous, Mme Aubry a souhaité prendre le temps de comprendre l'avis de
l'administration des domaines et les offres d'achat. Elle a donc demandé à ses
services de suspendre la décision de vente - cela a été fait par lettre du 17
mars au président du conseil d'administration de la CPAM de Paris - et de lui
apporter des explications supplémentaires.
Une fois ces explications obtenues, Mme la ministre de l'emploi et de la
solidarité fera connaître son avis. Nous verrons alors, madame la sénateur, si
l'une des pistes que vous avez exposées dans votre question peut le cas échéant
être envisagée.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. J'espère que les
choix gouvernementaux iront effectivement dans le sens que j'ai préconisé.
A l'approche de la discussion du projet de loi sur l'exclusion, il me paraît
indispensable que vous interveniez, dans ce cas précis, en faveur du
développement des services publics, tellement nécessaires à la capitale, et que
vous vous opposiez à toute tentative de vente à des groupes privés.
OCTROI D'UNE INDEMNITÉ DE RÉSIDENCE AUX AGENTS
HOSPITALIERS DE L'HÔPITAL DE L'ASSISTANCE
PUBLIQUE GEORGES-CLEMENCEAU DE CHAMPCUEIL
(ESSONNE)
M. le président.
La parole est à M. Robert, auteur de la question n° 189, adressée à M. le
secrétaire d'Etat à la santé.
M. Jean-Jacques Robert.
Monsieur le ministre délégué à la ville, j'espère que vous serez un bon
ambassadeur contre l'injustice dont je veux vous entretenir.
L'inégalité de traitement subie par les personnels hospitaliers de l'hôpital
de l'Assistance publique Georges-Clemenceau de Champcueil porte sur une
indemnité de résidence à laquelle l'ensemble des personnels ont droit, excepté
eux.
L'indemnité de résidence a été instituée à la fin de la guerre en vue de tenir
compte de l'inégalité dans le mode de vie et les besoins d'existence entre les
villes urbaines et la province. La réglementation à cet égard fixe le taux de
cette indemnité en fonction des zones territoriales d'abattement de salaires,
déterminées par l'article 3 du décret du 30 octobre 1962. La population du
département de l'Essonne étant passée de 300 000 habitants à 1 100 000
habitants, nous pouvons, dans l'esprit de ce texte, prétendre intégrer la zone
ouvrant droit au versement de l'indemnité de résidence.
Or, compte tenu de cette réglementation ancienne, les agents hospitaliers de
l'hôpital de l'Assistance publique Georges-Clemenceau de Champcueil ne
bénéficie que d'une indemnité d'affectation de 1 % du traitement de base alors
que, traités à égalité avec les autres personnels, ils pourraient obtenir une
indemnité de résidence de 3 %.
L'hôpital Georges-Clemenceau est le seul établissement hospitalier de la
région parisienne dont le personnel ne bénéficie pas de l'égalité de traitement
au regard de l'indemnité de résidence. Seuls trois hôpitaux en France - les
hôpitaux de Hendaye et de Berck et l'hôpital San-Salvadour, à Hyères - sont
dans le même cas. C'est dire que ce dossier mérite que l'on se batte et que
l'on fasse preuve de la volonté nécessaire. Je m'en remets donc à vous,
monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Monsieur le sénateur, j'aurais aimé, pour
notre premier échange, pouvoir vous répondre de manière positive. Mais c'est
plutôt un mode d'emploi que je vais vous donner.
L'indemnité de résidence est versée aux fonctionnaires et agents de la
fonction publique hospitalière selon les mêmes modalités et conditions que pour
les agents de la fonction publique de l'Etat, en fonction de la commune
correspondant à leur affectation administrative.
Ce n'est donc pas la commune siège de l'établissement employeur qui est prise
en compte pour examiner les droits à recevoir cette indemnité.
Ainsi, la commune de Champcueil étant classée actuellement dans la zone 3, au
taux de 0 % de l'indemnité de résidence, les agents qui y sont affectés ne
perçoivent aucune indemnité de résidence. Ils ne pourraient bénéficier de cet
avantage qu'en cas de reclassement de cette ville dans une autre zone
d'indemnité de résidence.
Cette procédure relève des services de M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie et de ceux de M. le ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
Je vous invite donc, monsieur le sénateur, à prendre l'attache de ces deux
collègues et de leurs administrations pour voir dans quelle mesure il est
possible de changer de zone la commune que vous avez bien voulu évoquer.
M. Jean-Jacques Robert.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Robert.
M. Jean-Jacques Robert.
Il y aura donc toujours Bercy entre nous ! J'ai bon espoir cependant que cette
forteresse puisse être atteinte puisqu'elle l'a déjà été dans le passé : en
1991, en effet, la ville de Fontenay-le-Vicomte, qui compte moins de 1 000
habitants et qui n'est qu'à un kilomètre des limites de Champcueil, a été
reclassée, de même que, de l'autre côté de la Seine, Morsang-sur-Seine, dont la
population est aussi inférieure à 1 000 habitants.
Les agents de l'Assistance publique exerçant dans l'ensemble des communes
entourant Champcueil bénéficient donc de l'indemnité de résidence au taux de 3
%, et Champcueil, avec un taux de 0 %, apparaît comme un îlot. Malgré cela,
nous ne parvenons pas à obtenir une décision favorable.
Pourtant, un reclassement dans une zone plus favorable est intervenue
postérieurement à la circulaire ministérielle de 1991 : les deux départements
de Corse ont ainsi obtenu, en 1995, de passer progressivement en deux ans du
statut de 1 % à celui de 3 %. Or nous valons bien la Corse !
Je pense donc qu'une volonté suffit et que la voie est ouverte. Je vais par
conséquent suivre votre conseil, monsieur le ministre, mais je compte sur vous
pour m'aider.
RECHERCHE ET EXPLOITATION
DES GISEMENTS SOUS-MARINS
À PROXIMITÉ DE SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON
M. le président.
La parole est à M. Reux, auteur de la question n° 220, adressée à M. le
secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Victor Reux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'ensemble de la région maritime de
l'Atlantique Nord-Ouest voit se préciser depuis plusieurs années sa richesse en
gisements sous-marins de pétrole et de gaz dont l'exploitation se poursuit à
l'est des provinces canadiennes de Terre-Neuve et de Nouvelle Ecosse,
c'est-à-dire de part et d'autre de la zone économique exclusive française au
sud de Saint-Pierre-et-Miquelon.
D'énormes enjeux économiques, au dire des experts, vont marquer toute cette
région géographique durant les trente années à venir, ce qui a conduit trois
compagnies pétrolières nord-américaines à se porter candidates auprès du
gouvernement français pour l'obtention d'un permis de recherche dans notre zone
économique.
Le ministère de l'industrie privilégie la compagnie Gulf Canada, qui
bénéficierait d'un permis exclusif de recherche, lequel, compte tenu de
l'article 26 de la loi du 15 juillet 1994, serait automatiquement générateur
d'un droit d'exploitation.
Or il semble bien que le Gouvernement n'ait pas entrepris au préalable
d'évoquer ou de négocier avec la société susvisée d'éventuelles contreparties
financières ou économiques en faveur de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui se trouve
tributaire de la solidarité nationale depuis l'éradication de son industrie
traditionnelle de pêche en 1992 et l'arbitrage catastrophique, la même année,
de la frontière maritime en ses alentours.
J'ai peine à imaginer que, dans une démarche gouvernementale solitaire, sans
consultation ni du président du conseil général ni des parlementaires de
l'archipel, les intérêts économiques et stratégiques de la France, pour
l'avenir, dans cette partie du monde et à Saint-Pierre-et-Miquelon, puissent
n'être ni assurés ni même mentionnés dans cette affaire, qui a normalement
suscité bien des espoirs dans l'archipel depuis qu'elle s'est précisée.
Je souhaiterais donc, monsieur le secrétaire d'Etat, connaître votre sentiment
à ce sujet ainsi que la manière dont a été reçue par le Gouvernement la
proposition en date du 20 mars dernier de création d'une commission préconisée
par les représentants de l'archipel, en vue d'une négociation avec la compagnie
Gulf Canada, avant toute attribution officielle d'un permis de recherche dans
notre zone économique exclusive.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le sénateur, votre question
rejoint les légitimes préoccupations qui avaient déjà été soulevées, voilà
quelques semaines, à l'Assemblée nationale, par M. Gérard Grignon. J'avais
d'ailleurs eu l'occasion d'apporter à ce dernier quelques éléments de réponse
que je vais largement compléter et préciser en réponse à votre
interrogation.
Je veux tout d'abord vous confirmer que le Gouvernement est parfaitement
conscient de l'enjeu que peuvent représenter, en termes de retombées
économiques sur l'archipel, les activités d'exploitation pétrolière qui doivent
être entreprises sur le plateau continental au large de
Saint-Pierre-et-Miquelon.
Avant de prendre la décision d'accorder un permis de recherches
d'hydrocarbures à la société Gulf Canada, le Gouvernement a été amené à
concilier des impératifs juridiques, géologiques et techniques.
La procédure d'attribution du permis de recherches pétrolières de
Saint-Pierre-et-Miquelon a été menée par les services compétents du secrétariat
d'Etat à l'industrie dans le strict respect de la loi, et notamment du code
minier.
Permettez-moi de vous en rappeler les principales étapes : mise en concurrence
de la demande initiale, déposée par Gulf Canada, consultation de l'ensemble des
services administratifs locaux concernés, processus d'arbitrage entre les trois
sociétés pétitionnaires, à savoir Gulf Canada, Mobil Canada et Tatham Canada,
avis du préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon le 7 janvier 1998, réunion d'une
conférence interministérielle le 9 janvier 1998 et, enfin, examen par le
conseil général des mines le 9 février 1998.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, il s'agit non pas d'une
« demande gouvernementale solitaire », mais d'une instruction ayant associé
l'ensemble des services locaux intéressés et, au niveau central, pas moins de
sept départements ministériels.
Je me permets de souligner que l'instruction de ce dossier particulièrement
complexe a été menée avec diligence, la demande de permis initiale ayant été
déposée en mai 1997. Il importe en effet que les travaux qui doivent être
exécutés sur ce permis puissent aboutir dans les meilleurs délais à la
découverte éventuelle d'un gisement, ce que chacun souhaite. Or en matière
pétrolière comme dans bien d'autres domaines, il faut chercher, parfois
longtemps, avant de découvrir. Et le succès n'est jamais garanti !
Ainsi que vous l'indiquez, monsieur le sénateur, la zone marine placée sous la
souveraineté canadienne est immense et possède un potentiel pétrolier et gazier
d'ores et déjà prouvé. A l'inverse, les rares travaux d'exploration entrepris à
ce jour dans la zone française n'ont pas encore permis de mettre en évidence un
gisement.
Les travaux prévus par Gulf Canada auront précisément pour objet de confirmer
le potentiel pétrolier que nos experts géologues pressentent sur la zone
économique située au large de l'archipel. Toutefois, seul un forage pourra
confirmer ce qui n'est, pour l'instant, qu'une hypothèse.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a négocié et obtenu auprès de la
compagnie canadienne qu'elle exécute ce forage dès la première période de
validité de trois ans du permis. Les travaux de prospection doivent débuter dès
cet été, avec l'exécution d'une campagne géophysique destinée à localiser les
zones les plus prometteuses.
En cas de découverte, il est exact que le code minier prévoit que le titulaire
d'un permis de recherche a droit à l'obtention d'une concession sur le gisement
ainsi mis en évidence. Cette automaticité, vous le savez, constitue l'un des
fondements essentiels du droit minier français. Elle apparaît légitime, sauf à
estimer qu'une compagnie pétrolière qui a fait la preuve de ses compétences en
découvrant un gisement et qui a investi pour cela n'a pas le droit de détenir
le titre juridique lui permettant de l'exploiter.
Toutefois, monsieur le sénateur, l'Etat n'est pas désarmé, loin de là, dans
l'hypothèse de l'attribution d'une concession.
Tout d'abord, en application de notre législation minière, une nouvelle
procédure sera lancée qui comportera une enquête publique ainsi qu'une large
consultation des services administratifs locaux.
Par ailleurs, les municipalités concernées seront également consultées.
En outre, afin d'assurer l'exploitation optimale du gisement, et dans le
respect des contraintes de sécurité et de protection de l'environnement, les
pouvoirs publics disposent d'une large marge de manoeuvre pour imposer à
l'exploitant toute une série de conditions sur les trois paramètres suivants :
la durée de la concession, qui pourra être comprise entre cinq et cinquante ans
; la superficie, qui devra correspondre aux limites du gisement exploitable ;
enfin, l'exécution de travaux d'exploration complémentaires.
De son côté, le préfet se voit reconnu par les textes un large pouvoir pour
apprécier les programmes de travaux que le concessionnaire doit lui communiquer
à l'avance.
D'ici là, soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement sera
particulièrement attentif à ce que les travaux de recherche entraînent des
retombées économiques - ce qui est notre objectif commun - sur l'archipel.
Je ne doute pas que les acteurs économiques de Saint-Pierre-et-Miquelon
sauront profiter de leur situation géographique privilégiée et de la qualité de
leurs prestations, pour devenir les prestataires de services prioritaires de
Gulf Canada.
C'est d'ailleurs l'objectif des rencontres qui ont eu lieu au cours de la
semaine du 23 au 27 mars dernier que d'anticiper conjointement et dès
maintenant la coopération future dans ce domaine et la préparation de l'île à
l'offre de ce nouveau type de prestations.
Je me félicite donc que ces rencontres aient pu avoir lieu. Le protocole
d'accord signé entre la compagnie Gulf Canada et le conseil général de
Saint-Pierre, qui en a été l'aboutissement, me paraît augurer d'une coopération
positive entre la compagnie et les élus de Saint-Pierre-et-Miquelon, de nature
à procurer les retombées économiques les plus larges possible à l'archipel.
M. Victor Reux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux.
Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions nombreuses et
rassurantes que vous venez de nous donner.
Lorsque je parlais de démarche solitaire, je visais simplement l'absence de
concertation avec le président du conseil général et les parlementaires de
l'archipel.
Les textes auxquels vous faites allusion, notamment le code minier, ne me sont
pas étrangers. Nous avons largement évoqué la question, d'ailleurs, avec votre
collègue chargé de l'outre-mer, et vous avez eu raison de souligner les
contraintes législatives, économiques et techniques auxquelles nous devons
faire face.
En ce qui concerne les contraintes législatives, si nous souhaitons une
modification du code minier, nous souhaitons surtout que l'article 27 du statut
spécial de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon soit appliqué, le décret
en Conseil d'Etat prévu par la loi de 1993 modifiant cet article et devant nous
donner compétence sur la zone économique exclusive au large de l'archipel en
matière d'exploitation des eaux et des fonds sous-marins n'ayant toujours pas
été pris.
Si le Gouvernement pouvait nous aider à accélérer le processus en la matière,
nous en serions fort satisfaits.
M. le président.
Mes chers collègues, l'auteur de la question n° 224, inscrite maintenant à
notre ordre du jour, n'a pas encore rejoint l'hémicycle, et M. le ministre de
l'agriculture et de la pêche, qui doit répondre à M. Delevoye, auteur de la
question suivante, est sur le chemin entre l'Assemblée nationale et le
Sénat.
Dans ces conditions, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures cinq, est reprise à dix heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
DIFFICULTÉS DU COLLÈGE VICTOR-HUGO
DE NOISY-LE-GRAND
M. le président.
La parole est à M. Demuynck, auteur de la question n° 224, adressée à M. le
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les collèges de Seine-Saint-Denis connaissent,
depuis près d'un mois, un fort mouvement de grève, déclenché à la suite de
l'annonce hâtive par Claude Allègre et Ségolène Royal, à quelques jours des
élections régionales et cantonales, du plan de rattrapage pour ce
département.
Malgré les quelque soixante-dix nouveaux postes annoncés voilà quelques jours,
enseignants, collégiens mais aussi parents d'élèves ont manifesté vendredi
dernier pour la sixième fois à Paris, pour demander des mesures à la hauteur de
leurs espoirs.
La Seine-Saint-Denis, dois-je le rappeler, n'est pas un département comme les
autres. Elle accumule tous les handicaps, avec de nombreuses cités dégradées où
misère sociale, retards scolaires et insécurité deviennent très
préoccupants.
Ma question portera plus particulièrement sur le collège Victor-Hugo de
Noisy-le-Grand, situé en zone urbaine sensible, dans le quartier du Pavé-Neuf.
Un reportage télévisé sur le thème du partenariat entre le collège et la police
y a été réalisé, et diffusé au mois de novembre. Les élèves, qui avaient été
présentés comme une « horde sauvage », avaient alors vivement réagi, en se
mettant en grève et en refusant de suivre les cours.
Afin de ramener le calme, l'inspecteur d'académie avait fait fermer cet
établissement de 860 élèves pendant quelques jours, avant Noël. Il s'était
alors engagé, au nom du ministre et après l'avoir consulté, à faire classer ce
collège en zone d'éducation prioritaire, ou ZEP, en septembre 1998 et à y créer
un poste d'instituteur spécialisé pour encadrer les emplois-jeunes dès la
rentrée de janvier dernier.
Quelle ne fut pas la surprise des enseignants lorsqu'ils constatèrent que leur
collège ne figurait pas sur la liste des établissements éligibles en ZEP dans
le plan de rattrapage ministériel du 2 mars !
Depuis le 12 mars, le collège Victor-Hugo est en grève et les cours ne sont
plus assurés. Elèves et professeurs doivent d'ailleurs participer à une
nouvelle manifestation cet après-midi, dans les rues de Paris.
Le classement de cet établissement en zone d'éducation prioritaire serait
d'autant plus justifié que plus des deux tiers des élèves, même s'ils sont
Français pour la plupart, sont d'origine étrangère. Leurs parents ne parlent
pas notre langue, et l'intégration de ces familles est particulièrement
difficile.
Monsieur le secrétaire d'Etat, peut-on faire en sorte que soit
significativement augmenté le nombre d'établissements de Seine-Saint-Denis
inscrits en zone d'éducation prioritaire et, notamment, que le collège
Victor-Hugo de Noisy-le-Grand, où les professeurs sont particulièrement motivés
- comme d'ailleurs tous les professeurs du département - obtienne ce classement
dès la rentrée prochaine ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, que je remercie d'avoir bien voulu
attendre l'arrivée de l'auteur de la question.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Claude Allègre, qui ne peut être
présent à cette heure, m'a prié de bien vouloir répondre à cette très
importante question.
Monsieur le sénateur, la situation grave de la Seine-Saint-Denis - grave aux
yeux des élèves, des parents, des enseignants - n'a, bien évidemment, pas
échappé à la vigilance du Gouvernement, dont la volonté d'action est
manifeste.
Cette situation est marquée par des difficultés qui ont conduit le ministre de
l'éducation nationale à réexaminer de manière approfondie les dotations en
emplois de la prochaine rentrée dans le cadre d'un plan d'ensemble
d'amélioration quantitative et qualitative.
Dans le même temps, un redécoupage des zones d'éducation prioritaire s'avère
nécessaire, qui devrait entraîner le classement de nouveaux collèges.
Le recteur de l'académie de Créteil a ainsi été amené à annoncer, le 2 avril
dernier, un ensemble de mesures complémentaires venant en appui du plan
d'urgence décidé le 3 mars et dont vous avez eu connaissance. Cette annonce
d'un plan complémentaire a été faite à l'occasion d'une table ronde réunie sur
l'initiative de M. Robert Clément, président du conseil général de la
Seine-Saint-Denis, et en présence de M. Bodin, vice-président du conseil
régional. Les représentants de ces deux collectivités territoriales ont fait
part de leur engagement prioritaire en faveur, respectivement, des collèges et
des lycées de la Seine-Saint-Denis.
D'autres réunions doivent avoir lieu. Ainsi, des réunions de travail à
l'échelon académique ou départemental ont commencé hier, lundi, et il vous sera
fait part, ainsi qu'aux autres élus du département, des avancées qui auront pu
être faites.
En tout cas, soyez assuré que M. Allègre est particulièrement vigilant et
actif, au nom de tout le Gouvernement, face à la situation difficile,
préoccupante, des collèges et lycées en Seine-Saint-Denis, que tout sera fait
pour que cette situation s'améliore rapidement et pour que, notamment, lors de
la prochaine rentrée scolaire, on puisse prendre des mesures particulières,
reconnaissant ainsi - c'était le sens de votre question - la spécificité du
département.
M. Christian Demuynck.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je veux d'abord vous remercier, à mon tour,
d'avoir bien voulu attendre les quelques instants qui m'ont été nécessaires
pour parvenir, non sans mal, jusqu'à cette honorable assemblée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que vous avez entendu les
revendications des enseignants, des parents d'élèves et des élèves eux-mêmes du
département de la Seine-Saint-Denis.
J'ai souhaité poser cette question parce qu'il y a urgence, le cas du collège
Victor-Hugo n'étant malheureusement pas isolé. Il est donc nécessaire que vous
annonciez très rapidement des mesures permettant que la Seine-Saint-Denis
redevienne un département comme les autres.
AVENIR DES ÉCOLES PRIVÉES SOUS CONTRAT
D'INGÉNIEURS EN AGRICULTURE
M. le président.
La parole est à M. Delevoye, auteur de la question n° 1, adressée à M. le
ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean-Paul Delevoye.
Monsieur le ministre, je sais le souci que vous avez du développement de
l'agriculture française. Or, l'une des clés de ce développement réside dans la
formation des cadres des industries agroalimentaires et des fermes agricoles.
La question du développement des écoles privées, notamment pour la formation
des ingénieurs en agriculture, est donc primordiale pour l'avenir de notre
agriculture.
Par la loi du 31 décembre 1984 a été reconnue aux établissements privés sous
contrat de l'enseignement supérieur agricole la mission de service public de
l'enseignement supérieur. Puis, par deux décrets successifs, en date du 31
octobre 1986 et du 28 mars 1993, l'Etat a reconnu l'insuffisance du soutien
public et, au cours d'une négociation sur la préparation des futurs contrats
quinquennaux, le financement de 43 000 francs par étudiant et par an, qui
correspond à la moitié du coût de la formation des ingénieurs dans les écoles
publiques, a été reconnu comme un besoin incompressible des écoles par le
ministère de l'agriculture. Je relève d'ailleurs que ce besoin a été reconnu en
1991 comme en 1996, c'est-à-dire sous des gouvernements différents.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, il semble important de faire le point : y
a-t-il un reliquat qu'il serait nécessaire de débloquer au titre de l'année
1997 ? En outre, dans la préparation du nouveau contrat quinquennal 1998-2002,
il apparaît primordial, pour la pérennité de cet enseignement et pour éviter
que celui-ci ne se dégrade, qu'un protocole puisse être conclu.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que le sait fort bien M. Delevoye, si
le ministère de l'agriculture et de la pêche est particulièrement attentif,
depuis de nombreuses années, aux formations dispensées par les écoles privées
d'enseignement supérieur agricole, il l'est aussi à leur place dans le
développement du secteur agronomique et agroalimentaire.
Ainsi, la loi du 31 décembre 1984, que M. Delevoye a évoquée, leur permet de
recevoir des concours publics du fait qu'elles participent à la mission de
service public d'éducation et de formation. Ces concours financiers sont fixés
par des contrats quinquennaux. Ainsi qu'il le disait, les derniers contrats
couvraient la période 1993-1997.
Les prochains doivent couvrir la période 1998-2002. A l'occasion de ce
renouvellement, les écoles concernées ont émis, ce qui est légitime, des
revendications qui tendent à augmenter le montant de leurs subventions de plus
de 60 millions de francs, soit de près de 60 % par rapport au montant des
crédits inscrits en loi de finances.
Les négociations engagées s'inscrivent toutefois dans le cadre de la
contrainte d'une croissance maîtrisée du budget dont j'ai la responsabilité.
Dans ce contexte, je veux d'abord rassurer M. Delevoye : il n'est aucunement
question de bouleverser le dispositif d'ensemble de notre enseignement
supérieur privé, qui a fait ses preuves et dont tous les partenaires peuvent se
féliciter, comme je l'ai dit dernièrement devant le congrès annuel de
l'enseignement agricole privé.
Ainsi, les nouveaux contrats étant en cours de négociation, les dispositions
des précédents ont été reconduites afin de ne pas provoquer une rupture dans le
versement de l'aide publique apportée à ces écoles.
Je peux également indiquer que les discussions techniques qui viennent de
s'engager sont extrêmement ouvertes.
En outre, je tiens à rappeler que ce dispositif législatif et réglementaire
est unique dans le système d'enseignement supérieur français.
Si les moyens financiers qui sont attribués aux écoles privées d'ingénieurs en
agriculture peuvent paraître limités au regard des charges auxquelles ces
écoles doivent faire face, il n'en demeure pas moins que l'effort réalisé reste
très sensiblement supérieur à ceux que reflètent les autres dispositifs
nationaux de financement des établissements d'enseignement supérieur privés.
L'Etat a déjà amélioré, lors de chaque renouvellement des contrats
quinquennaux, en 1986 puis en 1993, sa participation au financement de ces
établissements. Les crédits annuels consacrés aux écoles privées d'enseignement
supérieur agricole sont ainsi passés de 42,6 millions de francs en 1986 à 97,6
millions de francs en 1997.
Enfin, en ce qui concerne le reliquat de crédits auquel a fait référence M.
Delevoye, je dois préciser qu'il n'est pas « dû » aux écoles privées. M.
Delevoye ne l'a d'ailleurs pas dit. Ce reliquat est le résultat de la
différence cumulée, d'année en année, entre le montant, légèrement surévalué,
des crédits inscrits en loi de finances et la simple application des
dispositions réglementaires de calcul des subventions prévues par les décrets
d'application de la loi.
En conclusion, j'ai soigneusement noté les propos qu'à tenus M. Delevoye. Je
puis l'assurer que, dans les discussions qui sont en cours, j'entends non
seulement respecter entièrement l'esprit de la loi de 1984, mais également,
dans toute la mesure possible, compte tenu des contraintes budgétaires, faire
écho aux demandes formulées.
M. Jean-Paul Delevoye.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye.
J'ai pris bonne note, monsieur le ministre, de votre souci de préserver la
qualité de l'enseignement supérieur. Je partage tout à fait votre analyse :
dans la compétition à laquelle est aujourd'hui confrontée notre économie, il
est évident qu'une des clés de la réussite passera par le niveau intellectuel
de celles et de ceux qui seront à sa tête.
Le second aspect de la question qui peut donner lieu à débat est la maîtrise
des dépenses publiques. Chacun admet qu'il convient, aujourd'hui, de limiter
les prélèvements obligatoires. Mais, à l'intérieur des dépenses publiques, il y
en a qui peuvent être considérées comme actives, qui garantissent un meilleur
devenir - c'est l'investissement dans la recherche, dans la formation, dans
l'enseignement supérieur - et d'autres qui sont plutôt passives - ce sont, bien
évidemment, les dépenses de retraite et le règlement du redoutable problème de
la dette.
Au vu de votre réponse, j'espère, monsieur le ministre, que vous ferez en
sorte que l'enseignement supérieur agricole, qui, par son histoire, est en
majorité privé, puisse garder toute son efficacité, sa pertinence et sa
qualité, afin que l'agriculture française reste l'une des plus performantes au
monde et que, dans le contrat quinquennal 1998-2002, les moyens lui soient
donnés de cette ambition.
RÉFORME DE L'ORGANISATION COMMUNE
DU MARCHÉ DU VIN
M. le président.
La parole est à M. Courteau, auteur de la question n° 204, adressée à M. le
ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Roland Courteau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'agissant
de la réforme de l'organisation commune du marché vitivinicole, il semblerait
que l'Union européenne ait compris à temps l'erreur gravissime qu'elle avait
failli commettre, en 1994, en faisant de la destruction du potentiel de
production l'essentiel de l'architecture de son projet de réforme.
Nous avions donc eu raison lorsque, ici même, à cette époque, nous avions
relevé que les folles et dévastatrices propositions de la Commission reposaient
sur une très mauvaise analyse de la situation.
Trois ou quatre ans plus tard, la Commission de Bruxelles, mieux éclairée
peut-être par le Gouvernement, la profession ou les élus, paraît avoir
totalement changé de cap - et c'est tant mieux !
Que souhaitent donc les viticulteurs ? Ils attendent essentiellement que le
Gouvernement imprime sa marque dans les discussions communautaires sur
plusieurs points, et, d'abord, qu'il affirme la nécessité première de préserver
le potentiel de production et d'accélérer la rénovation du vignoble. Ils
espèrent voir se concrétiser, enfin, cette volonté de mieux affronter, avec les
moyens conséquents, la concurrence mondiale par une politique véritablement
promotionnelle. Ils considèrent comme une marque de confiance en l'avenir le
fait que la Communauté puisse leur donner les moyens de poursuivre leurs
efforts d'investissement tant dans les vignobles que dans les entreprises.
En effet, l'ouverture du marché mondial, l'augmentation des échanges, et donc
des compétitions, imposent que la France se modernise et accroisse ses
débouchés.
Alors, qu'en sera-t-il, monsieur le ministre, de la restauration du budget
viticole européen ? Ira-t-on vers la recherche d'une solution permettant
d'encourager le transfert des vignes de viticulteurs âgés vers de jeunes
producteurs ? Tiendra-t-on compte de cette autre priorité qu'est l'installation
des jeunes par l'octroi de contingents plus substantiels de plantations
nouvelles ? Cette demande est également formulée par les producteurs, qui
souhaitent accroître leurs débouchés.
Quelle sera la réponse apportée à la question des plantations anticipées par
rapport à l'arrachage et qu'en sera-t-il de la refonte des mesures de gestion
du marché, sans oublier, le problème est vaste, l'alimentation du marché des
brandys ou des alcools de bouche ?
Se pose également la question de l'enrichissement ou de la nécessaire
harmonisation des réglementations nationales en matière de publicité sur les
boissons alcooliques.
Sachez également, monsieur le ministre, que la confédération nationale des
producteurs à appellations d'origine insiste notamment sur la reconnaissance
des syndicats professionnels de producteurs et attend que l'Union européenne se
dote des moyens d'assurer la protection de la propriété intellectuelle des
appellations tant en Europe que dans les pays tiers.
Monsieur le ministre, vous le savez bien, les viticulteurs sont prêts à faire
face à leurs responsabilités - ils l'ont démontré par le passé - en matière de
qualité et de gestion de l'espace. Cela signifie donc que les moyens
communautaires consacrés à la viticulture devront être conformes à la place de
la viticulture dans l'économie européenne et à son rôle essentiel en matière
d'occupation de l'espace et d'aménagement du territoire.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le sénateur, vous avez
rappelé, à juste titre, en quoi les conditions dans lesquelles se prépare
aujourd'hui la réforme de l'organisation commune du marché vitivinicole sont
effectivement différentes de celles qui avaient présidé à l'élaboration du
précédent projet. En effet, la situation économique du secteur se caractérise
depuis peu par un relatif équilibre du marché du vin, tant au plan national
qu'au plan communautaire.
Ce nouveau contexte, qu'on peut espérer durable, au-delà des aléas climatiques
sur les récoltes, nécessite de rectifier plusieurs dispositions de l'actuelle
organisation commune du marché, conçues à un moment où le potentiel viticole
communautaire était structurellement excédentaire.
C'est en ce sens que j'ai présenté aux représentants de la filière viticole
des propositions de réforme et que je les ai ensuite transmises, sous la forme
d'un mémorandum, à la Commission européenne et aux Etats membres de l'Union.
La proposition française visant à amender certaines dispositions de l'OCM
repose sur trois priorités : maintenir et rénover le potentiel viticole de
l'Union, améliorer la qualité des vins et la compétitivité des exploitations et
promouvoir l'organisation économique des filières.
Dans ces conditions, l'OCM doit comporter un volet structurel articulé autour
de la reprise d'un soutien communautaire à la restructuration du vignoble et
d'un assouplissement du dispositif relatif aux arrachages et aux plantations de
vignes.
La France souhaite par ailleurs simplifier les mesures de gestion du marché,
afin de tenir compte de la diversité des situations dans les différentes
régions viticoles, et de les appuyer sur une refonte de la distillation
volontaire ; celle-ci doit être plus incitative en début de campagne.
C'est dans ce cadre qu'il devra être explicitement tenu compte de la nécessité
d'assurer l'approvisionnement des débouchés non viticoles du secteur, notamment
celui de l'alcool de bouche auquel vous avez fait référence, monsieur le
sénateur.
La proposition française met l'accent sur l'urgence de mettre en place, dans
un contexte où la concurrence des pays tiers est de plus en plus vive et la
demande des consommateurs de plus en plus exigeante, des aides à la
modernisation des entreprises vitivinicoles et un soutien du Fonds européen
d'orientation et de garantie agricole, le FEOGA, aux programmes de
promotion.
Enfin, dans l'attente des conclusions de la négociation qui doit s'ouvrir
prochainement, le Gouvernement français mettra tout en oeuvre pour que des
mesures concervatoires soient décidées dans le cadre du paquet-prix 1998-1999
dont vous savez qu'il arrive en négociation dans les tout prochains mois. La
discussion est déjà ouverte. Nous serons particulièrement vigilants s'agissant
de tout ce qui concerne les plantations nouvelles.
Je crois avoir fait écho à la majeure partie des thèmes sous-tendus par votre
question, qui était vaste.
Sachez que, comme je l'ai dit aux professionnels, nous assurerons un suivi
particulièrement attentif de ce dossier lors de ces négociations de réforme de
l'organisation commune des marchés.
M. Roland Courteau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de toutes ces précisions et, surtout,
d'avoir affirmé votre volonté sans faille de soutenir notre viticulture.
Il est vrai que la réforme de l'organisation commune du marché du vin devrait
constituer un point d'appui très fort dans le cadre des négociations de
l'organisation mondiale du commerce.
Il appartiendra à l'Europe de relever des défis qui seront décisifs pour
l'avenir de sa viticulture et, donc, pour l'avenir de notre viticulture
méridionale.
Comment l'Europe, qui représente 80 % des échanges mondiaux et 50 % de la
production, pourrait-elle ne pas être intransigeante ?
La fermeté s'impose car l'Europe, qui a su construire à travers son histoire
des règles de production qualitative et des règles oenologiques, doit
aujourd'hui faire face à de nouveaux pays producteurs sans état d'âme en ce qui
concerne le respect de ces règles. Leurs préoccupations mercantiles l'emportent
sur d'autres considérations et c'est la définition même du vin qui risque de
céder la place à des produits de type industriel.
De ces deux conceptions, laquelle l'emportera, monsieur le ministre ? L'avenir
de la viticulture européenne dépendra de cette partie de bras de fer au sein de
l'OMC.
Comme le disait justement le président des vignerons-coopérateurs audois,
notre viticulture ne doit en aucun cas céder la place à cette économie venue
d'ailleurs et, pour cela, l'Europe devra être plus forte encore dans les
négociations au sein de l'OMC.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je voudrais faire écho à cette
dernière remarque. Il est bien évident que nous ne nous engageons dans les
négociations de l'organisation commune des marchés qu'en prenant en compte les
échéances décisives, même pour la viticulture, de l'OMC.
M. Roland Courteau.
Je vous remercie, monsieur le ministre.
AGRÉMENT SANITAIRE DES ÉTABLISSEMENTS
DE PRODUCTION FERMIÈRE DE MOYENNE MONTAGNE
M. le président.
La parole est à Mme Bardou, auteur de la question n° 214, adressée à M. le
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Mme Janine Bardou.
Monsieur le ministre, les productions fermières et l'agrotourisme ont été,
depuis plusieurs décennies, des voies intéressantes de développement pour les
agriculteurs de la Lozère. Elles permettent, en effet, de dégager plus de
valeur ajoutée dans les territoires difficiles de moyenne montagne.
La plupart de ces établissements isolés ne peuvent bénéficier du service
public d'eau potable et ont recours à des réseaux privés.
L'obtention et le renouvellement des agréments sanitaires européens des
établissements concernés nécessitent la mise aux normes des installations, y
compris pour la potabilité de l'eau. L'application de la réglementation en
matière de protection des captages - analyses d'eau, expertise par un
hydrogéologue, mise en place de périmètres de protection, travaux - se heurte à
des difficultés de plusieurs ordres.
Il s'agit d'abord de difficultés juridiques, car l'agriculteur n'a
généralement pas la maîtrise foncière des terrains jouxtant le captage, voire
du captage lui-même.
Les difficultés sont ensuite d'ordre technique, du fait de la difficulté à
réaliser certains travaux sur les ouvrages dans des reliefs difficiles.
Elles sont enfin d'ordre financier, puisque les dépenses relatives aux études
et travaux sont élevées au regard des revenus dégagés.
Ces difficultés risquent de décourager bon nombre de producteurs et d'aboutir,
ainsi, à la désertification des zones concernées et à la disparition de
productions de qualité appréciées des consommateurs.
Sans remettre en cause l'esprit de la mise aux normes, monsieur le ministre,
il serait essentiel de mettre en oeuvre une procédure simplifiée pour ces
captages privés à faible production d'eau.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Madame le sénateur, ainsi que
vous l'avez rappelé, conformément aux exigences du code de la santé publique,
d'une part, et à celles du décret du 3 janvier 1989 relatif aux eaux destinées
à la consommation humaine à l'exclusion des eaux minérales naturellles, d'autre
part, les eaux utilisées dans les entreprises alimentaires - même lorsqu'il
s'agit de producteurs fermiers - à fins de fabrication, de traitement, de
conservation ou de mise sur le marché de produits ou substances destinés à être
consommés par l'homme, doivent bien évidemment satisfaire à une qualité
définie, ce que vous n'avez pas contesté.
Dans le cas de l'utilisation d'une ressource privée, la procédure permettant
d'utiliser l'eau pour la préparation de denrées est néanmoins simplifiée pour
les producteurs fermiers, en comparaison avec les collectivités publiques, les
mesures de protection n'étant pas déclarées d'utilité publique.
La possibilité d'utiliser cette ressource peut être accordée par autorisation
préfectorale selon une procédure déconcentrée dont les modalités seront, je
crois utile de le préciser, prochainement rappelées par une instruction
interministérielle associant le ministère de l'agriculture et de la pêche et le
secrétariat d'Etat à la santé.
Il importe d'être vigilant quant à la qualité de ces eaux de captage privé
dans la mesure où de nombreux producteurs fermiers préparent des denrées
d'origine animale, comme des fromages au lait cru ou des produits à base de
viandes, qui sont susceptibles d'être contaminés par des germes tels que des
salmonelles ou des listerias de plus en plus fréquemment identifiés dans ces
eaux et pouvant être responsables de toxi-infections alimentaires graves.
En conséquence, tout en ayant conscience de la charge financière que
représentent l'intervention d'un hydrogéologue agréé et la réalisation
d'analyses d'eaux régulières, il ne m'apparaît pas envisageable de délivrer un
agrément vétérinaire pour des établissements fermiers utilisant une eau de
ressource privée dont la potabilité et la vérification régulière ne sont pas
assurées.
Mme Janine Bardou.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou.
Monsieur le ministre, je regrette un peu cette position. Je ne conteste pas la
nécessité de procéder à des analyses de l'eau par des techniciens agréés. Mais
les frais que cela représente pour de petites exploitations sont considérables
comparés à leur chiffre d'affaires. Ce qu'elles demandent surtout, c'est un
allégement des procédures qui sont quelquefois extrêmement contraignantes,
monsieur le ministre.
Une réflexion doit être engagée en ce sens. Ces exploitations ne sont pas très
nombreuses et des dérogations pourraient être accordées, s'agissant de ces
analyses très encadrées et d'un coût élevé, sans que cela nuise, bien entendu,
à la qualité des produits.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Louis le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Madame le sénateur, je conçois
que vous puissiez être déçue. Je vous invite à être consciente de la difficulté
de cette question, de l'exigence croissante des consommateurs et de l'impératif
de sécurité sanitaire auquel nous sommes attachés. Cela étant, le ministère
reste ouvert à toute réflexion sur ce sujet difficile.
PÊCHE AU MÉROU
M. le président.
La parole est à M. Sérusclat, auteur de la question n° 223, adressée à M. le
ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Franck Sérusclat.
Monsieur le ministre, j'ai grand plaisir à vous voir à nouveau à ce banc,
d'autant que, lorsque vous aviez précédemment occupé ces fonctions, je vous
avais déjà posé une question sur le mérou brun de la Méditerranée. Les
circonstances n'avaient pas permis que le débat aille à son terme. J'espère
qu'il n'en ira pas de même cette fois.
Le mérou brun de la Méditerranée est un poisson un peu mythique, ne serait-ce
que parce qu'il regarde avec ses deux yeux, ce qui lui donne un visage presque
humain. Le commandant Cousteau avait fait d'un mérou une mascotte... « Jojo le
mérou ». Je ne sais pas d'ailleurs si ce surnom lui avait été attribué par le
commandant Cousteau ou par celui qui avait apprivoisé le mérou.
Bref, ce poisson a des particularités, mais je ne vais pas les énumérer. Il me
suffit de rappeler que cet hermaphrodite successif connaît une phase juvénile
d'une particulière vulnérabilité.
En réalité, mon propos concerne la pêche sous-marine de toutes les espèces,
notamment celle qui est pratiquée avec un fusil ou une arbalète.
Dans ce domaine de la chasse sous-marine, il est nécessaire d'apporter
quelques précisions. D'ailleurs, le moment est propice à la réflexion,
puisqu'un moratoire a été décidé. Cela étant, un moratoire n'est pas fait pour
attendre que le temps passe, il doit être mis à profit pour engager la
réflexion et la faire aboutir.
Ici, à mon avis, la conclusion est claire pour ce qui est de la chasse
sous-marine : il y a urgence. Ces temps derniers, en effet, il y a eu une telle
destruction de poissons juvéniles que des auteurs comme M. Steven Weinberg ont
envisagé la disparition progressive du mérou.
Il est nécessaire soit par un décret ministériel ou interministériel avec le
ministère de la jeunesse et des sports, soit, encore mieux, par une loi, de
définir les conditions d'exercice du droit de pêche au fusil ou à
l'arbalète.
Il y a, en la matière, une référence facile, à savoir le permis de chasse,
pour l'attribution duquel on exige aujourd'hui une formation. Je crois qu'en
matière de pêche sous-marine il serait bon d'exiger des pêcheurs qu'ils suivent
une formation leur permettant d'acquérir une connaissance de la flore et de la
faune. Trop de pêcheurs inexpérimentés, jeunes ou moins jeunes, tuent sans
savoir quels poissons ils tuent. Comme ils peuvent aller les chercher dans les
lieux les plus divers, surtout ceux où ils se cachent et assurent leur
reproduction, la destruction est inutile, bête et dangereuse.
A cela s'ajoute une autre cause de destruction : le mérou, comme d'autres
poissons, a une chair délicate, il peut peser quelque quinze kilos, parfois
plus, et son prix de vente n'est pas négligeable. On prétend que ceux qu'on
consomme dans nos restaurants viennent de Tunisie, mais beaucoup proviennent,
en fait, du braconnage local.
Il serait donc souhaitable de retenir l'option de la formation : les pêcheurs
sous-marins devraient apprendre à connaître la flore, la faune, leurs habitudes
de vie.
Par ailleurs, il faudrait limiter l'utilisation des fusils sous-marins et des
arbalètes. Dans notre pays, en effet, les enfants de moins de quinze ans - ils
sont de plus en plus précoces, et ce dans tous domaines - possèdent de telles
armes - car il s'agit bel et bien d'armes - et ils détruisent la faune encore
plus bêtement que les adultes.
Il serait bon d'envisager une telle formation, que je ne souhaite pas décrire
dans le détail maintenant.
Je ferai cependant référence à un article qui est paru dans le numéro 97
d'
Apnéade.
Si, en règle générale, je me méfie des initiatives
américaines dans tous les domaines, notamment avec les
McDonald's
pour
ce qui est de la nourriture, il semble que le dispositif retenu en Floride soit
fortement incitatif et très précis : les pêcheurs sous-marins ont une grande
liberté, mais ils doivent détenir un permis. Une taxe est perçue sur le permis
et sur le matériel. Une surveillance est organisée et la sanction pour
braconnage peut atteindre jusqu'à six mois de prison. Certes, il faut aussi des
garde-côtes.
Ce dispositif permettrait d'assurer de meilleures conditions de surveillance
de ces poissons. Les recettes permettraient de créer aussi, par le biais de la
formation, des emplois de formateurs et d'accompagnateurs, ce qui n'est pas
négligeable aujourd'hui. Ainsi une autre dimension serait donnée à ce sport,
qui, pour l'heure, est souvent aveuglément destructeur.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous engagiez une réflexion sur ce
thème, sachant qu'elle pourrait déboucher bientôt soit sur un projet de loi,
soit sur une proposition de loi recueillant votre acceptation de principe.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le sénateur, j'ai été
sensible aux propos que vous avez tenus à mon égard. Je vous connais depuis des
décennies, mais j'ignorais l'intérêt marqué que vous portiez au mérou. Il
s'agit cependant d'un sujet qui mérite notre attention, j'en traiterai
néanmoins avec moins de lyrisme que vous.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, le mérou est une espèce
appréciée par les consommateurs pour la qualité de sa chair, mais c'est aussi
une espèce fragile et en danger de « surpêche ».
La pratique de la pêche sous-marine, qui est la plus fréquente, est
difficilement contrôlable. Aussi, conscient de la nécessité d'établir une
protection particulière du mérou, le préfet de la région
Provence-Alpes-Côte-d'Azur a, par arrêté, interdit la pêche sous-marine de
cette espèce. Cette interdiction, d'une durée de cinq ans, est en place
jusqu'en 2003.
Vous pouvez être persuadé que le ministre de l'agriculture et de la pêche
veillera particulièrement au respect de cette interdiction et que des
instructions seront données en ce sens au directeur régional des affaires
maritimes chargé notamment de la mise en oeuvre et du suivi de cette
disposition.
La modification de la législation relative à la pêche sous-marine que vous
proposez afin d'instaurer un permis pour exercer une telle activité nécessite
une réflexion qui dépasse la seule espèce que vous avez évoquée.
En tout état de cause, un décret concernant la pêche de loisir est en
préparation. Il modifie le décret n° 90-618 et améliore le dispositif existant.
Il prévoit en effet, par le biais d'une affiliation des personnes exerçant la
pêche sous-marine à une fédération agréée, un encadrement de cette activité
reposant notamment sur un thème qui vous tient particulièrement à coeur, la
formation à la sécurité et à la connaissance du milieu marin et des espèces,
éléments sur lesquels vous avez insisté avec pertinence.
Ce décret est en cours d'examen au Conseil d'Etat et il devrait être publié
dans les tout prochains mois.
Sur ces sujets en permanence en évolution, vous aurez l'occasion de faire
valoir à différents stades vos suggestions afin qu'elles puissent être prises
en compte. Je constate d'ailleurs qu'elles rejoignent mes préoccupations.
M. Franck Sérusclat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat.
Monsieur le ministre, je retiens de vos propos un point particulier : j'aurai
l'occasion, avec vous je pense, d'étudier d'aussi près que possible vos
propositions.
Dans votre réponse, vous avez manifesté une certaine réticence à envisager
autre chose que l'adhésion des pêcheurs sous-marins à une fédération. Or, il
conviendrait d'aller au-delà.
Par ailleurs, il est bien évident que le mérou n'est pas la seule espèce qu'il
faut avoir en point de mire. Le mérou, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est
pour moi une référence quelque peu mythique, d'autant que je ne suis pas
pêcheur.
Je suis cependant attentif aux préoccupations de ceux qui tiennent à protéger
la faune et la pêche sous-marines. C'est sous cet angle qu'il faut considérer
ma question. C'est donc avec une certaine impatience que j'attends de
participer, avec vous et avec vos collaborateurs, à la réalisation des premiers
textes. Je vous remercie de votre proposition.
SITUATION FISCALE DES STRUCTURES CULTURELLES
M. le président.
La parole est à M. Renar, auteur de la question n° 109, adressée à Mme le
ministre de la culture et de la communication.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la
fiscalisation des structures organisées en associations de type loi 1901 est un
des principaux sujets d'inquiétude de la vie associative. Le domaine culturel
n'y échappe malheureusement pas, nombre de structures étant sujettes à des
redressements fiscaux importants, leur activité étant jugée lucrative par
certains services fiscaux et donc assujettie aux taxes commerciales : TVA,
impôts sur les sociétés, taxe d'apprentissage...
J'exerce des responsabilités - vous les connaissez, madame la ministre - dans
plusieurs domaines de la vie culturelle. Je peux par exemple témoigner, en tant
que président de la Conférence permanente des orchestres français, de l'extrême
gravité de cette situation, des menaces et des incertitudes qui pèsent sur
l'avenir, bon nombre d'associations ne devant leur salut qu'à la décision du
Gouvernement de geler les redressements et les poursuites en cours.
C'est une fort bonne chose, mais les délais sont brefs et cette suspension
s'arrête le 1er juillet 1998.
J'en arrive à la raison précise de ma question : la seconde disposition prise
par le Gouvernement a été la nomination d'un expert, le conseiller d'Etat M.
Guillaume Goulard, chargé d'une mission de clarification de ces règles fiscales
sur la base de critères simples et précis.
Ce rapport est achevé. Il a été remis au Premier ministre. Je n'en connais pas
la teneur précise et je regrette d'ailleurs que les parlementaires concernés et
intéressés n'aient pas été entendus, contrairement à ce que m'avait annoncé M.
le secrétaire d'Etat au budget.
Les quelques informations que j'ai pu recueillir ou lire, en particulier dans
le numéro 13 de la revue
Arguments, porte-parole du Gouvernement,
ne
calment pas toutes mes craintes.
Ainsi, le rapport préconiserait le recours aux correspondants des associations
en place dans les administrations fiscales qui auraient à charge de déterminer
le statut fiscal des structures associatives. Cela permettrait effectivement de
mieux clarifier le statut de chaque association selon sa matière : but lucratif
ou non lucratif.
Je le répète, je ne connais pas la teneur complète du rapport. Mais si les
propositions essentielles se limitent à cela, le problème reste presque entier
: c'est celui du statut des associations culturelles, donc de la notion même de
culture. Je rappelle que des structures subissent en effet un redressement
fiscal, étant jugées à but lucratif par le seul fait qu'elles vendent des
places de concert ou éditent du matériel promotionnel. Qu'entend-on très
précisément par lucratif ?
L'avancée est donc minime à moins, madame la ministre, que vous n'apportiez
des précisions ou des propositions concrètes qui tiennent compte de la
spécificité de la création et de la diffusion culturelles.
Ces spécificités ne doivent-elles pas, au fond, vous inciter à déterminer un
nouveau statut, notamment sur le plan fiscal, plus adapté à la réalité de la
vie culturelle, par exemple en autorisant la création d'établissements publics
à vocation culturelle ? En effet, je n'insisterai jamais suffisamment sur le
fait essentiel que la culture est un domaine particulier qu'il convient de
protéger et qui ne peut en aucun cas être assimilé à une quelconque activité
lucrative, même si ces structures travaillent dans un univers concurrentiel.
Cette spécificité, que nous appelons aussi « exceptionnalité » française et
qui repose sur la subvention publique, a été jusqu'à présent le garant de
l'existence, de la vitalité de notre culture et du maintien de son lien avec la
société. Les remettre en cause un tant soit peu équivaudrait à un
appauvrissement généralisé.
Je comprends bien le souci de clarification fiscale, tout le monde y a
intérêt. Je souhaite seulement que les mesures soient prises dans le respect de
la spécificité de la vie culturelle et, plus largement, de la vie associative,
le rôle citoyen apparaissant de plus en plus évident dans l'actualité et dans
certains débats que notre pays traverse.
Madame la ministre, les précision que vous allez nous apporter, et, peut-être,
vos propositions, sont attendues avec intérêt et impatience.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, le
régime fiscal des associations de la loi de 1901 a été défini par la loi de
1976. Le législateur a alors mis en place un dispositif qui différencie les
associations dont la gestion est réellement non lucrative et sont seulement
assujetties à la taxe sur les salaires, et les associations qui exercent une
activité lucrative et qui sont imposables aux mêmes impôts que ceux auxquels
sont soumis les entreprises commerciales.
Ce régime devait permettre à l'époque de tenir compte de la spécificité des
associations, notamment de leur rôle fondamental sur les plans culturel et
social, tout en évitant des distorsions de concurrence lorsque ces associations
exercent des activités selon des modalités comparables à celles des
entreprises.
Cependant, depuis cette date, l'activité et le financement des associations
ont beaucoup évolué, ce qui rend nécessaire l'adaptation des règles fiscales à
cette situation nouvelle.
Ainsi, un important travail de concertation entre les représentants du monde
associatif et les administrations concernées avait été entrepris par le
précédent gouvernement, sous l'égide du Conseil national de la vie associative,
sans qu'il ait pu aboutir à un compromis acceptable par tous.
La situation était donc devenue préoccupante pour les associations culturelles
qui étaient confrontées à des redressements fiscaux menaçant leur existence et
suscitant leur incompréhension. C'est pourquoi M. le Premier ministre a demandé
à M. Goulard, maître des requêtes au Conseil d'Etat, un rapport sur le régime
fiscal des associations.
Dans ce rapport, qui lui a été remis récemment, il est proposé des critères
objectifs qui permettent d'apprécier dans quelles conditions l'activité d'une
association peut être qualifiée de lucrative.
Une instruction qui sera publiée très prochainement au
Bulletin officiel
des impôts
tirera les conclusions de ce rapport. Elle permettra de
clarifier et de stabiliser la situation fiscale des associations.
Cette démarche traduit la volonté du Gouvernement d'établir des relations de
confiance entre le monde associatif et l'administration fiscale.
A cette fin, l'instruction sera appliquée aux dossiers en instance et se
traduira par un réexamen des redressements en cours. De même, la situation des
associations de bonne foi qui saisiront l'administration fiscale sur le
caractère lucratif ou non de leur activité sera examinée, pour le passé, avec
bienveillance.
Je tenais, monsieur le sénateur, à vous faire part de ces informations qui
répondent en l'état aux préoccupations que vous avez exprimées.
Il reste néanmoins un certain nombre de décisions à prendre. Je souhaite pour
ma part qu'en ce qui concerne la taxe professionnelle et le calendrier des
décisions relatives à l'établissement public local culturel, nous parvenions à
une cohérence de vues. En même temps, il me paraît important d'être en mesure
d'offrir des perspectives aux collectivités territoriales et à l'Etat, lui-même
souvent partenaire et trésorier de ces institutions, tout en restant
naturellement acteur de la culture.
M. Christian Poncelet.
Comme les collectivités locales !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Nous sommes donc en train
d'examiner les conclusions de ce rapport Goulard. Dans quelques heures, j'aurai
une réunion de travail avec mon collègue M. Sautter sur tous les aspects qui
concernent les associations culturelles.
Voilà où nous en sommes.
Il est clair que, s'agissant de la question des redressements, le Gouvernement
est très attentif à ce que les associations culturelles ne soient pas
pénalisées dans leurs activités dès lors que nous procédons à la révision de
leur régime fiscal.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. J'espère qu'elle
apportera quelque apaisement aux inquiétudes qui sont celles d'un certain
nombre de structures.
J'espère aussi que les directions des services fiscaux recevront des consignes
de bienveillance pour étudier tous les cas en cours, car, vous le savez, les
redressements ont été suspendus, mais non pas stoppés.
Il existe, dans toutes ces associations, des gens qui ne pourront pas payer,
sauf à réduire leurs activités, voire à subir une liquidation judiciaire pour
certaines associations. Peut-être faudrait-il passer l'éponge. Vous savez bien
que les économies sur la culture ne sont pas sans danger, surtout à notre
époque.
Dans les jours et les semaines qui viennent, tous ensemble - et je sais que
vous êtes préoccupée par ces questions et que vous vous battez vous-même,
madame la ministre - nous devrons traiter le fond, c'est-à-dire la conception
de la culture et la préservation de ce qu'on peut appeler un modèle
français.
Vous le savez bien, la culture est menacée de toutes parts. On l'a vu au cours
de la dernière campagne des élections régionales, des attaques inommables ont
été proférées contre les activités des fonds régionaux d'art contemporain.
On a vu cette fameuse déclaration de Nîmes qui mettait en cause toute
l'indépendance et toute l'activité des créateurs.
On sait encore les inquiétudes que l'on peut avoir sur des accords
internationaux tels que l'accord multilatéral sur les investissements, l'AMI,
qui transforme en quelque sorte l'oeuvre et le créateur en marchandises.
Actuellement, on le sent bien, en cette fin de siècle et au début du xxie
siècle, c'est le statut de l'esprit qui est posé dans le monde, et en
particulier dans un pays comme le nôtre.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse et du combat que vous
menez. Vous savez bien que vous êtes soutenue dans un tel combat, et j'espère
que ce problème sera réglé de la meilleure façon pour les structures et les
artistes.
DROIT DE PRÊT À LA CHARGE DES BIBLIOTHÈQUES
M. le président.
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, auteur de la question n° 192, adressée
à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'application
d'un droit de prêt prévue par la directive européenne n° 92-100 de la CEE du 19
novembre 1992 est sollicitée par le syndicat national de l'édition.
Outre la complexité du calcul des recettes sur les prêts d'ouvrages et les
lourdeurs de redistribution aux auteurs concernés, ce nouveau prélèvement
pèserait davantage sur les finances locales impliquées dans les frais de
fonctionnement des bibliothèques publiques.
Prétendre que les bibliothèques font du tort aux auteurs et aux éditeurs est
erroné, et l'Observatoire de l'économie du livre a procédé à une enquête en
1995 qui a établi que les bibliothèques municipales ont dépensé 466 millions de
francs en achats de livres, et les bibliothèques départementales 114 millions
de francs.
Par ailleurs, bon nombre de petites communes n'assurent la présence du livre
que par le biais de la bibliothèque locale et du bibliobus.
Ma question vise donc à savoir, madame le ministre, s'il est envisageable
d'adopter la dérogation prévue à l'article 5 de la directive européenne
précitée.
Sans vouloir abuser de l'intérêt que vous portez à ma question, vous serait-il
possible de nous exposer la politique que vous envisagez de mener en matière de
lecture publique ?
Vous savez l'importance que nous attachons au développement de cette politique
en milieux rural et urbain. La lecture dans la rue est un moyen de lutter
contre l'exclusion.
Pourriez-vous également nous informer sur la coordination que vous envisagez
avec le ministre de l'éducation nationale pour lutter en particulier contre
l'illettrisme en développant précisément la lecture publique ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, la
directive européenne du 19 novembre 1992 a reconnu le droit exclusif pour un
auteur, un artiste-interprète, un producteur de phonogrammes ou un producteur
d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles d'autoriser ou d'interdire le
prêt de son oeuvre et de percevoir, le cas échéant, une rémunération au titre
de cette utilisation, le prêt n'englobant pas, au sens de ce texte, la mise à
disposition de documents à des fins de consultation sur place.
Sous la forme du droit de destination, qui permet aux ayants droit de céder
autant de droits qu'il y a de modes d'utilisation d'un support d'information,
le droit français de la propriété intellectuelle s'est avéré sur ce point être
d'ores et déjà en pleine conformité avec la directive européenne.
Si l'existence et la légitimité du droit de prêt ne sont pas contestables sur
le plan juridique, il n'en est pas moins vrai que la question de son
application par l'ensemble des organismes de prêt, particulièrement les
bibliothèques publiques, est demeurée entière.
Quoi qu'il en soit, je tiens à dire de la manière la plus nette que
l'application du droit de prêt ne saurait en aucun cas, dans l'esprit du
Gouvernement, freiner l'essor de la lecture publique, qui est constamment
encouragée par l'Etat, ni faire obstacle à l'action que mènent les
bibliothèques pour un égal accès de tous au livre.
Ce souci doit d'autant plus prévaloir que les études menées par mon ministère,
en association avec les organismes représentatifs des auteurs, des éditeurs,
des libraires et des bibliothécaires, n'ont pas fait apparaître que l'emprunt
en bibliothèque concurrence ou décourage de manière significative l'achat de
livres en librairie.
Attentif aux souhaits des ayants droit et aux préoccupations des libraires
comme aux enjeux de lecture publique portés par les élus et les professionnels
des bibliothèques, le Gouvernement a choisi de conditionner l'examen des
modalités d'application du droit de prêt à un consensus entre les uns et les
autres.
En vue de favoriser ce consensus et de permettre une étude sereine - car le
débat est vif - et approfondie de cette question du droit de prêt en
bibliothèque, j'ai confié à M. Jean-Marie Borzeix une mission de réflexion et
de concertation, dont les conclusions devraient être connues d'ici à la fin du
premier semestre.
J'ai souhaité que cette étude soit conduite car elle permettra non seulement
d'élargir l'appréciation et l'analyse à l'application de la directive, à un
établissement éventuel du droit du prêt proprement dit, mais aussi de
comprendre comment se posent aujourd'hui les problèmes liés à la filière du
livre, problèmes inclus dans les efforts que l'Etat fournit, aux côtés des
collectivités territoriales, pour développer la lecture publique.
Voilà quelques mois déjà, j'ai présenté en conseil des ministres une
communication sur la politique de lecture publique. Je pourrai vous en faire
parvenir le texte.
Nous poursuivons les efforts entrepris et nous les développons, en particulier
pour permettre aux bibliothèques-médiathèques d'être des lieux de ressources
d'informations, notamment grâce au multimédia, avec la mise en réseau des
bibliothèques, non seulement les bibliothèques régionales, mais aussi celles
qui sont installées en zones plus rurales.
Le développement de ce tissu de bibliothèques et des services rendus, qu'il
convient de considérer également comme le pivot des réseaux culturels qui
desservent l'intégralité du territoire, est évidemment l'un des axes forts de
la politique que je conduis.
Nous allons poursuivre des investissements importants dans la réalisation de
prochains projets, de même que nous avons déjà signé avec des collectivités
territoriales plusieurs contrats ville-lecture.
Nous travaillons également à réaménager « le Temps des livres » qui nous
permettrait d'avoir en fait une manifestation plus ramassée dans le temps, mais
avec des rebondissements dans l'année afin de maintenir l'attraction que peut
représenter le livre, qu'il soit offert à la lecture en bibliothèque ou qu'il
soit proposé à l'achat en librairie.
Nous souhaitons également bien lier et développer entre l'éducation nationale
et le ministère de la culture tous les supports et tous les moyens susceptibles
de développer la lecture. Je pense aux livres scolaires, à toute la
littérature, avec, par exemple, des perspectives pour soutenir la poésie, ainsi
qu'à la presse écrite et aux projets relatifs à son accès ou à son usage dans
le cadre pédagogique.
Par ailleurs, nous observons avec beaucoup d'intérêt, et nous les soutenons,
les initiatives qui visent, dans le cadre de la Banque de programmes et de
services, la BPS, qui dépend de La Cinquième, chaîne pédagogique, à soutenir
l'accès à la connaissance au travers de la lecture de textes, en liaison aussi
avec l'audiovisuel.
Je ne vous indique pas la totalité des actions entreprises, m'en tenant aux
plus significatives et, peut-être, aux plus originales. Ces actions montrent
que nos efforts en faveur du développement de la lecture publique sont
constants. Ils font suite à l'effort considérable déjà consenti dans le passé
en France au travers du lancement des bibliothèques de prêt départementales et
tous les relais de lecture publique, qu'ils soient fixes - dans les
bibliothèques - ou mobiles - par exemple dans les bus - ou qu'ils concernent
encore les prisons ou les hôpitaux, car il y a aussi un travail de lecture
publique dans les milieux carcéral et hospitalier.
Nous souhaitons d'autant plus poursuivre et augmenter encore cet accès au
livre que si nous laissons une partie de la population coupée de l'accès à la
culture par manque de « savoir-lire », par illettrisme ou par manque de
connaissance de l'usage des nouveaux supports et de la place qu'y tient
l'image, nous aurons une société à deux vitesses.
Pour pouvoir utiliser un ordinateur et être tout à fait en phase avec le
développement de la société de l'information, il faut savoir lire. Cela reste
un enjeu premier pour l'ensemble du Gouvernement.
M. Jean-Louis Lorrain.
Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse et je tiens à vous
assurer que nous serons très attentifs à la part que vous prendrez dans
l'élaboration et la mise en oeuvre de la loi relative à l'exclusion ; cette
part devrait, selon nous, être très importante.
PARTICIPATION DE L'ÉTAT AU FINANCEMENT
DE L'ÉCOLE SUPÉRIEURE DE L'IMAGE
M. le président.
La parole est à M. Arnaud, auteur de la question n° 208, adressée à Mme le
ministre de la culture et de la communication.
M. Philippe Arnaud.
Madame la ministre, ma question exprime une inquiétude sur le devenir de
l'Ecole européenne supérieure des arts et technologies de l'image, dont la
création résulte de la volonté conjointe de l'Etat, de la région
Poitou-Charentes et des villes de Poitiers et d'Angoulême. Cette école
constitue, je le rappelle, un élément majeur de la stratégie de développement
de Poitou-Charentes, fondée sur les nouvelles technologies et l'image.
Dans le
Journal officiel
du 17 janvier dernier, était publié un arrêté
portant annulation de crédits, pour un montant de un milliard de francs, afin
de financer le fonds d'urgence sociale en faveur des chômeurs, ainsi que
l'avait annoncé M. le Premier ministre.
A ce titre, figurent 60 millions de francs de crédits de paiement concernant
le ministère de la culture, dont 21 150 000 francs pour les interventions
culturelles déconcentrées.
Parmi les actions conduites en partenariat avec les collectivités
territoriales, on trouve notamment l'Ecole européenne supérieure des arts et
technologies de l'image en Poitou-Charentes, inscrite au contrat de plan
Etat-Région.
Une convention signée avec le ministre de la culture le 5 mai 1995 prévoit
l'augmentation de la dotation de l'Etat pour la prise en charge du corps
enseignant de l'école, qui vient, avec l'accord de l'inspection générale du
ministère, de se doter d'enseignants spécialistes des nouvelles technologies de
l'image.
C'est donc un crédit de 8 074 000 de francs qui est attendu de l'Etat en 1998
; il est inférieur à ce que prévoyait la convention, mais en augmentation de un
million de francs par rapport à 1997. Le directeur régional des affaires
culturelles a été chargé de préparer l'avenant à la convention.
Je vous prie donc, madame la ministre, de bien vouloir me préciser si la
direction régionale des affaires culturelles de Poitou-Charentes disposera des
moyens financiers nécessaires pour satisfaire aux engagements de l'Etat. Si tel
n'était pas le cas, outre qu'un désengagement remettrait en cause l'Ecole
supérieure de l'image, inscrite de façon cohérente dans le développement de la
région Poitou-Charentes, les enseignants qui viennent d'être recrutés ne
pourraient être payés.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, les
crédits déconcentrés de mon ministère ont effectivement contribué au
financement du fonds d'urgence sociale pour 21 150 000 francs, au titre IV,
chapitre 43-30, ce qui représente 1,2 % du montant total alloué aux DRAC -
directions régionales des affaires culturelles - lequel s'élève à 1,7 milliard
de francs.
Les directeurs régionaux des affaires culturelles ont, à ma demande, réparti
équitablement ces économies en sauvegardant tout particulièrement
l'enseignement artistique spécialisé.
La convention signée le 5 mai 1995 entre l'Etat, le ministère de la culture et
de la communication et les collectivités territoriales concernées, c'est-à-dire
le conseil régional de Poitou-Charentes et les villes d'Angoulême et de
Poitiers, arrive à échéance le 5 mai 1998.
J'ai proposé, à titre exceptionnel, et pour permettre aux partenaires de
négocier dans la durée, de proroger, par un avenant de six mois, l'actuelle
convention.
L'engagement de l'Etat pour 1998 porte sur la somme de 8 millions de francs.
Une première tranche de 7 millions de francs a été déconcentrée au bénéfice de
la DRAC de Poitou-Charentes. Elle sera complétée en deuxième délégation de
crédits.
Je rappelle qu'en raison de l'augmentation importante du nombre de boursiers
pour cette année universitaire - elle est de 5 % par rapport à l'an dernier -
les mesures nouvelles prévues pour le fonctionnement de l'école ont été
consacrées en priorité aux allocations des boursiers.
Le rapport d'étape de la commission nationale sur les enseignements
artistiques que vient de me transmettre son président, M. Jacques Imbert,
montre à l'évidence la nécessité de conforter les établissements d'enseignement
supérieur spécialisés tels que l'Ecole de l'image.
Cet équipement joue un rôle primordial pour l'Etat et les collectivités
associées dans le domaine de la formation et de l'aménagement du territoire
régional. C'est la raison pour laquelle je suis très attachée à ce que l'Etat
respecte sa parole.
M. Philippe Arnaud.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
Je vous remercie, madame la ministre, des éléments rassurants que vous venez
de nous communiquer. Vous avez pris des dispositions immédiates, et l'avenant à
la convention, qui permet une prorogation de six mois, est effectivement de
nature à lever l'inquiétude que j'exprimais tout à l'heure.
Toutefois, il conviendrait, compte tenu de l'intérêt majeur que revêt l'Ecole
supérieure de l'image pour la région Poitou-Charentes et pour l'Etat,
d'assurer, à l'avenir, la pérennité de cet établissement.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, je
suis en mesure de vous rassurer : bien entendu, le contrat de plan Etat-région
comportera les mesures pluriannuelles qui permettront de garantir le
développement de cette école.
DROIT DE PRÊT
DANS LES BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES
M. le président.
La parole est à M. Peyronnet, auteur de la question n° 218, adressée à Mme le
ministre de la culture et de la communication.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Madame la ministre, je souhaite vous interroger à mon tour, après mon collègue
Jean-Louis Lorrain, sur le problème du droit de prêt. Je vois d'ailleurs dans
cette instance à soulever cette question le signe d'une inquiétude
manifeste.
La directive européenne 92/100 du 19 novembre 1992 vise globalement à protéger
les droits d'auteurs - louable intention - et prévoit que, à cette fin, les
bibliothèques doivent s'acquitter d'un droit de prêt.
En France cette directive n'est pas appliquée aux bibliothèques publiques, car
le Centre national du livre, créé en 1946, aide les auteurs et les éditeurs
depuis 1976 à publier dans des conditions économiquement acceptables.
Or, récemment, le président du Syndicat national de l'édition, dans un
courrier adressé à l'ensemble des maires de communes de plus de 10 000
habitants a demandé que les bibliothèques publiques s'acquittent d'un droit de
prêt, avançait le chiffre de 5 francs par prêt. La question qui se pose est
évidemment de savoir qui doit prendre ce droit en charge : la collectivité
locale ou le lecteur ?
Selon le président du Syndicat national de l'édition, le prêt gratuit pénalise
la création et l'édition littéraires. Mais on peut retourner l'argument et dire
que les prêts gratuits constituent une incitation à la lecture et donc,
probablement, à l'achat de livres.
En tout état de cause, l'application d'un tel droit du prêt engendrerait un
coût important.
Si c'est le lecteur qui doit payer, on peut considérer qu'il y aurait remise
en cause de cette sorte de droit acquis qu'est le prêt gratuit. Et je ne fais
qu'évoquer la complexité extraordinaire d'un tel système.
Si c'est la collectivité, ce sera pour elle une charge non négligeable. Ainsi,
pour prendre un exemple que je connais bien, sachant que la bibliothèque
centrale de prêts de la Haute-Vienne prête environ 100 000 ouvrages chaque
année, sur la base de 5 francs par prêt, c'est une somme totale de 500 000
francs qui devrait être déboursée, soit plus de la moitié du budget annuel
d'achat d'ouvrages ; à n'en pas douter, cela grèverait lourdement les finances
du département.
Madame la ministre, la réponse que vous avez faite tout à l'heure à M.
Jean-Louis Lorrain ne me satisfait guère, je l'avoue. Je vois mal, en effet,
comment on peut espérer concilier des intérêts en fin de compte assez
divergents : ceux des éditeurs, d'un côté, ceux des bibliothèques et des
collectivités, de l'autre. Je ne suis pas sûr qu'il soit possible d'obtenir une
solution consensuelle telle que ni les lecteurs, ni les collectivités ne
seraient pénalisés.
Je préférerais, pour ma part, que le Gouvernement s'appuie sur les
possibilités offertes par la directive, qui prévoit dans son article 5 que les
Etats membres peuvent exempter certains établissements de ce droit.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur,
l'inquiétude qui s'exprime ce matin au Sénat s'est déjà manifesté à l'Assemblée
nationale ainsi qu'au sein de différentes associations d'élus.
Je puis vous indiquer que nous entretenons, sur cette question, des contacts
réguliers non seulement avec la mission qui est conduite par M. Borzex mais
aussi avec les différentes instances représentant les professionnels et avec
les associations d'élus.
Il ne s'agit pas, pour le Gouvernement, de faire droit, purement et
simplement, à la demande du Syndicat national de l'édition. Celui-ci a suggéré
qu'un droit de prêt de 5 francs soit systématiquement acquitté, et cela relève
de sa seule responsabilité.
Certes, la directive ouvre cette possibilité et va d'ailleurs, d'une certaine
façon, jusqu'à recommander d'en user. Mais elle prévoit aussi une dérogation,
que nous pourrions éventuellement invoquer.
Les travaux menés jusqu'à présent par la mission Borzeix montrent que, si le
question est tranchée dans le sens de la gratuité s'agissant des bibliothèques
départementales de prêt, elle prend un tour beaucoup plus complexe en ce qui
concerne les bibliothèques publiques.
Aujourd'hui, une participation financière est demandée à l'usager, donc au
lecteur, soit sous forme d'abonnement à la bibliothèque soit par l'accès payant
à un certain nombre de services. Autrement dit, on ne peut parler de gratuité
acquise d'emblée pour le lecteur.
Bien entendu, on ne saurait remettre en question la libre décision des
collectivités territoriales concernant un équipement dont elles ont la
responsabilité. Il s'agit simplement de faire en sorte que la filière du livre,
qui comprend les auteurs, les éditeurs, les bibliothèques et les libraires,
soit aussi créative et dynamique que possible.
Nous tenons absolument à préserver cette mission d'encouragement et de
développement de la lecture publique que remplissent des bibliothèques, qu'il
s'agisse des bibliothèques centrales de prêt ou de la Bibliothèque nationale de
France, que l'ensemble des parlementaires ont bien voulu doter de crédits
significatifs pour en assurer la plus large ouverture au public.
La Bibliothèque nationale de France a aujourd'hui les moyens de mener des
actions de coopération avec les bibliothèques régionales, en particulier. Nous
sommes dans une phase de développement très fort des bibliothèques et de la
lecture publique, y compris en zone rurale.
Dans le même temps, nous devons assurer la pérennité de la place du livre et
nous attacher à favoriser la diffusion des auteurs français sur le marché
international.
Dans cette perspective, il est indispensable de garantir à nos éditeurs et à
nos libraires une viabilité économique. Or, aujourd'hui, la concurrence est
rude et le développement de la lecture n'est pas tel que les Français décident
de se constituer chez eux des bibliothèques très fournies. Bien sûr, cela ne
signifie nullement que les bibliothèques publiques soient accusées d'empêcher
le développement du livre. Les deux modes d'accès au livre, par les
bibliothèques et par les libraires, doivent être soutenus parallèlement.
Ainsi, avec ma collègue Mme Lebranchu, je travaille sur les possibilités
d'encourager l'installation de librairies dans les centres-villes, où cette
installation est parfois extrêmement coûteuse.
Autrement dit, nous souhaitons étudier toute mesure susceptible de favoriser
le contact entre le livre et le public, que ce soit en bibliothèque ou en
librairie.
De ce point de vue, sont analysés aujourd'hui l'ensemble de la filière de
distribution, les tarifs pratiqués dans les collectivités et l'impact que
représenterait l'existence d'un droit de presse sur les finances des
collectivités territoriales ou sur le budget familial. Au vu de l'ensemble de
ces paramètres, nous pourrons travailler sur des données objectives, et pas
simplement à partir de positions de principe.
La mission Borzeix permettra précisément d'avoir un point de vue le plus large
possible, afin que, les uns et les autres, nous comprenions mieux la
préoccupation de chacun. Nous verrons bien si, à l'issue de cette mission et au
vu des recommandations et propositions qui seront faites, nous pouvons mettre
en oeuvre une ou plusieurs mesures visant à aider le développement du livre et
de la lecture, sans pour autant les rendre contradictoires. Tel est mon souci.
Voilà pourquoi j'ai parlé de consensus. Il ne s'agit, pour nous, en aucun cas
de revenir sur ce qui est un droit fondamental, à savoir l'accès à la lecture,
et nous voulons le réaffirmer clairement.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Madame la ministre, j'ai bien compris votre préoccupation et je voudrais
attirer votre attention sur deux points.
Le premier concerne l'effort particulier fait par les collectivités locales
dans le domaine de la lecture publique, effort que vous connaissez bien puisque
vous l'avez effectué vous-même dans la ville que vous administriez encore
récemment.
A cet égard, je connais, bien sûr, la situation qui prévaut dans le
département de la Haute-Vienne et les efforts que nous faisons en ville, pour
aider la bibliothèque multimédia de Limoges. Je connais aussi les efforts
considérables accomplis par les conseils généraux pour le développement de la
lecture publique en milieu rural. Il s'agit non seulement d'investissements
d'acquisition, mais aussi d'aides aux communes, qui sont importantes, afin de
créer, suivant un plan de lecture publique, un véritable réseau de
bibliothèques avec des dépôts, des bibliothèques municipales et des
bibliothèques intercommunales. Ce réseau est renforcé par une informatisation
qui permet un fonctionnement efficace. Cela s'est traduit par un véritable
engouement pour la lecture publique, en tout cas dans mon département.
Le second point que je souhaitais évoquer concerne le transfert de compétences
du département en matière de lecture publique, réalisé en 1986. Celui-ci est
intervenu sur la base de la gratuité du prêt. Si les conditions devaient
changer, il est évident que certains conseils généraux - je ne pense pas au
mien - ne manqueraient pas de saisir la commission d'évaluation des charges
pour voir s'il n'y a pas là une certaine dérive et un possible transfert de
charges.
SOUS-EFFECTIF DE FONCTIONNAIRES DE POLICE
DANS LE DÉPARTEMENT DU NORD
M. le président.
La parole et à M. Foy, auteur de la question n° 194, adressée à M. le ministre
de l'intérieur.
M. Alfred Foy.
Monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur la situation des effectifs
de police dans le département du Nord. Celui-ci a un ratio police-population
moins élevé que la moyenne nationale. En effet, on compte un fonctionnaire de
police pour 477 habitants du Nord résidant en zone étatisée, contre un pour 435
habitants sur le plan national.
Cette réalité est pour le moins paradoxale dans la mesure où le Nord est le
premier département de France pour le nombre de délits et de crimes. Il
concentre, à lui seul, 10 % des délits nationaux, dus en grande partie à la
drogue. D'ailleurs, l'année 1997 aura été marquée par une augmentation de la
délinquance générale de 1,6 % par rapport à 1996.
Certes, des efforts ont été accomplis entre janvier 1993 et janvier 1998.
Ainsi, les effectifs ont augmenté durant cette période de 194 fonctionnaires et
de 117 policiers auxiliaires, auxquels s'ajoutent des adjoints de sécurité
recrutés depuis novembre 1997. Il est prévu l'affectation de 546 adjoints de
sécurité pour 1998, un grand nombre d'entre eux étant plus spécifiquement
chargé de la surveillance des transports en commun de l'agglomération
lilloise.
Il n'en demeure pas moins que ces efforts restent insuffisants pour deux
raisons. D'abord, la mission des adjoints de sécurité ne peut se comparer à
celle des fonctionnaires de police, qui disposent d'une formation et de
pouvoirs différents. Ensuite, l'augmentation des effectifs profite
essentiellement aux circonscriptions de Lille-Roubaix-Tourcoing-Armentières,
qui doivent faire face, il est vrai, à une forte délinquance. Cette hausse des
effectifs en fonctionnaires de police doit être poursuivie, en faveur non
seulement du district de Lille, mais aussi des autres districts du département,
car on constate un glissement de la délinquance de l'agglomération lilloise
vers les autres secteurs, notamment celui de Flandre-Lys. Certaines
circonscriptions sont largement en état de sous-effectif. A titre d'exemple, la
circonscription d'Hazebrouck dispose d'un policier pour 571 habitants, ce qui
la situe nettement en dessous de la moyenne départementale. Il est donc
important de pallier l'insuffisance du nombre de policiers.
Par ailleurs, la carte des circonscriptions policières ne correspond plus à
celle des délits. Comme l'a signalé M. André Ventre, secrétaire général des
commissaires et hauts fonctionnaires, il y a autant de policiers dans le Jura
que dans les Alpes-Maritimes et pourtant, dans ce dernier département, le taux
de criminalité est trois fois plus élevé que dans le Jura.
La solution consisterait, d'une part, à effectuer un redéploiement très
important des forces de police en fonction d'une géographie prioritaire -
solution d'ailleurs préconisée par le député-maire d'Epinay-sur-Seine, dans son
rapport du mois de septembre 1997 - dans lequel le Nord doit figurer en
première place. Elle consisterait, d'autre part, à affecter massivement dans ce
département de jeunes gardiens de la paix sortis des écoles de police
nationale.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, j'ai écouté votre question
avec attention. Je veille à faire en sorte que les effectifs des services de
police soient en effet répartis au mieux des besoins. Cela n'est pas facile. En
effet, les policiers sont des fonctionnaires qui ont un conjoint et des
attaches locales. Naturellement, toute une politique doit être mise en oeuvre
pour mettre à profit, notamment, les départs en retraite. Ceux-ci s'élèveront à
25 000 au cours des six prochaines années. J'ai obtenu des recrutements par
anticipation. Tout cela permettra des redéploiements, qui sont nécessaires.
Dans le même temps, il sera utile de revoir la répartition des zones entre la
police nationale et la gendarmerie. C'est l'objet, vous le savez, d'une mission
parlementaire qui a été confiée conjointement à un sénateur, M. Hyest, et à un
député, M. Carraz. Tout cela est en cours, mais nécessite bien sûr un peu de
temps.
Vous m'avez d'abord interrogé sur le département du Nord, qui est sans doute
votre principale préoccupation. Si j'ai bien compris votre exposé, vous êtes
plus particulièrement préoccupé par la circonscription d'Hazebrouck. Je vais
donc essayer de vous répondre sur ces deux points particuliers.
Le 1er janvier 1998, les effectifs de police de sécurité publique affectés
dans le département du Nord étaient de 4 081 fonctionnaires. Ce chiffre est
supérieur de 4,78 % à celui du 1er janvier 1993, soit 3 895 fonctionnaires.
Pour la même période de référence, le potentiel en gradés et en gardiens de la
paix a été augmenté de 115 fonctionnaires et le nombre de policiers auxiliaires
est passé de 161 à 278.
Comme vous l'avez vous-même relevé, le département du Nord bénéficiera en 1998
de l'affectation de 531 adjoints de sécurité, ce qui représente, vous me
l'accorderez, monsieur le sénateur, une augmentation sensible de potentiel par
rapport au nombre des fonctionnaires actifs que je viens d'évoquer, à savoir 4
081.
Ce n'est pas pour rien que le Nord figure au nombre des vingt-six départements
prioritaires, qui vont recevoir 80 % de la ressource nouvelle sous forme
d'adjoints de sécurité.
L'apport de cette nouvelle catégorie de personnels, s'il ne remplace pas les
actifs, permet un redéploiement des fonctionnaires du corps de maîtrise et
d'application sur la voie publique, et le renforcement de la police de
proximité, dont le développement est la priorité du Gouvernement.
Les adjoints de sécurité participent également aux divers dispositifs mis en
place dans les transports en commun et dans les gares, vous l'avez évoqué, dans
cette grande agglomération de Lille-Roubaix-Tourcoing qui représente la moitié
de la population du département du Nord.
Ils doivent aussi intervenir en complément de l'activité déployée par les
agents locaux de médiation sociale, qui doivent être recrutés dans le cadre des
contrats locaux de sécurité par les sociétés de transport en commun, par les
bailleurs sociaux et par les municipalités. J'attends naturellement des
collectivités locales qu'elles prennent aussi leurs responsabilités puisque le
Gouvernement a annoncé que, sur 35 000 emplois-jeunes qu'il allait créer au
titre de la sécurité, 20 000 le seraient sous forme d'agents de sécurité et 15
000 sous forme d'agents locaux de médiation sociale.
Dans le cadre des mesures de renforcement de la capacité opérationnelle du
Nord et du redéploiement en faveur des zones sensibles, objectif affirmé du
Gouvernement, des mesures immédiates vont intervenir ou sont intervenues voilà
peu. Ainsi, trois gardiens de la paix stagiaires, issus de la 146e promotion,
ont été affectés à compter du 5 janvier 1998 à Lille, deux à Tourcoing, trois à
Valenciennes ; trente et un gardiens de la paix ont été affectés sur le plan
départemental dans le cadre du mouvement ponctuel de mutation de gardiens de la
paix avec prise de poste le 2 février 1998. Je ne citerai pas toutes les
affectations qui sont prises mois après mois et qui visent à renforcer les
effectifs dans le département du Nord.
Pour ce qui concerne la circonscription de sécurité publique de Hazebrouck,
elle a enregistré un gain de trois fonctionnaires entre le 1er janvier 1993 et
le 1er janvier 1998, les effectifs étant passés de trente-six à trente-neuf.
Cette circonscription va, elle aussi, obtenir des postes d'adjoints de
sécurité.
Par ailleurs, des unités départementales et des brigades spécialisées ont été
développées, qui interviennent sur l'ensemble des communes du département, y
compris la vôtre. De plus, les effectifs en fonction dans chaque
circonscription bénéficient du soutien de forces mobiles. A ce titre, en 1997,
les compagnies républicaines de sécurité ont accompli 295 jours de mission de
sécurisation, et, depuis le 1er janvier 1998, une compagnie républicaine de
sécurité, soit 80 fonctionnaires, est en permanence en mission de sécurisation
dans le département du Nord.
Bien évidemment, je m'en suis tenu jusqu'à présent aux moyens, mais tout n'est
pas seulement une question de moyens, monsieur le sénateur. Il faut aussi agir
au niveau des contrats locaux de sécurité. Je pense, par exemple, à celui que
je suis allé signer à Tourcoing. D'autres sont en cours d'élaboration à
Roubaix, à Lille, à Armentières et, je l'espère, à Hazebrouck. Si je puis vous
donner un conseil, je vous suggère de faire un bon diagnostic des problèmes de
l'insécurité dans la circonscription d'Hazebrouck afin de définir clairement
les priorités. Ainsi pourront être mis en oeuvre les moyens adaptés tels que le
partenariat, l'explication, l'action coordonnée entre la police, le cas échéant
la gendarmerie, et la justice.
Bref, compte tenu de la situation qui prévaut dans le Nord, mon attention est
en permanence requise. Ce département, par sa taille et sa population - il
compte 2 500 000 habitants - mérite une attention toute particulière. Elle n'a
pas fait défaut, croyez-le, dans les choix qui sont intervenus jusqu'à présent
et qui interviendront encore. Je pense, en effet, que nous allons créer l'année
prochaine plus de 10 000 emplois d'adjoints de sécurité. Cela se traduira aussi
dans le Nord et dans la circonscription de police qui vous intéresse tout
particulièrement, et c'est fort légitime.
M. Alfred Foy.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Foy.
M. Alfred Foy.
Je voudrais tout simplement vous remercier, monsieur le ministre, de vos
propos. J'ai bien noté que le département du Nord, plus particulièrement la
circonscription d'Hazebrouck, était l'objet d'une certaine sollicitude de votre
part.
8
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
Le Gouvernement vient de m'informer qu'il demandait, en accord avec la
commission des lois, que la séance d'aujourd'hui se prolonge le soir.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
L'ordre du jour de la suite de notre séance est donc le suivant :
A seize heures et le soir : discussion du projet de loi portant diverses
mesures relatives à la sécurité routière.
9
NOMINATION
D'UN MEMBRE D'UNE COMMISSION
M. le président.
Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social
européen a présenté une candidature pour la commission des affaires
culturelles, à la place laissée vacante par M. Henri Le Breton,
démissionnaire.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Lylian
Payet membre de la commission des affaires culturelles, à la place laissée
vacante par M. Henri Le Breton, démissionnaire.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures
vingt, sous la présidence de M. René Monory).
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président.
La séance est reprise.
Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous accueillir, même si c'est
avec un peu de retard, ce dont vous êtes bien évidemment pardonné.
10
DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR
M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean-Paul de Rocca Serra, qui fut sénateur de la Corse de 1955 à 1962.
11
DIVERSES MESURES RELATIVES
À LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 302, 1997-1998)
portant diverses mesures relatives à la sécurité routière. [Rapport n° 358
(1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d'excuser mon léger
retard dû à la séance de questions au Gouvernement se déroulant à l'Assemblée
nationale. Cette séance s'étant achevée à seize heures, il m'a fallu aller
assez vite pour être au Sénat à cette heure, tout en prenant garde de ne pas
commettre d'excès de vitesse.
(Sourires.)
Chaque année, 8 000 personnes sont tuées sur les routes de France et notre
pays se situe loin derrière les autres pays européens qui réussissent le mieux
en matière de lutte contre l'insécurité routière.
Le risque d'être tué sur les routes, en France, est deux fois plus élevé qu'au
Royaume-Uni ou dans les pays scandinaves. Chaque jour, 22 personnes sont tuées
et près de 460 sont blessées, dont près d'une centaine gravement, lors des
accidents de la route.
Il ne s'agit pas là, à mon avis, d'une fatalité, et c'est peut-être la
question essentielle qui nous est posée.
C'est vrai que, depuis vingt-cinq ans, des progrès importants ont été
accomplis dans notre pays, puisque le nombre de victimes a été divisé par deux
alors que la circulation a pratiquement doublé.
Mais il ne faut pas se satisfaire de cette évolution. Depuis quelques années,
la progression de la réduction s'est ralentie et nous constatons même
aujourd'hui une stagnation, voire, dans certains départements de France, une
inversion de tendance.
Les derniers chiffres portés à ma connaissance sont particulièrement
préoccupants : en janvier 1998, il y a eu encore 9 532 accidents sérieux,
graves, à la suite desquels 647 personnes ont été tuées et 12 625 personnes ont
été blessées.
Le Gouvernement a pris la mesure de l'ampleur de ce fléau national dès son
entrée en fonctions, et la décision de réunir un comité interministériel de la
sécurité routière a été adoptée en conseil des ministres, sur ma proposition,
le 25 juin 1997.
Lors du comité interministériel de la sécurité routière qui s'est réuni le 26
novembre 1997, le Gouvernement s'est fixé comme objectif de diviser par deux le
nombre de personnes tuées au terme des cinq prochaines années.
Il s'agit, je le sais, d'un objectif très ambitieux ; mais c'est sur ce
dernier que travaillent également les ministres des transports de l'Union
européenne. Certains pays, comme le Royaume-Uni, se fixent même des objectifs
encore plus bas.
Au-delà de l'objectif national, et y compris pour atteindre ce dernier, il
nous faut créer les conditions pour que des entreprises, des communes, des
départements, des agglomérations se fixent des objectifs de zéro mort autour de
telle école, de tel village, de tel quartier, sur telle section de route ou
d'autoroute. Je suis convaincu que nous devons nous engager dans cette voie
pour que cette utopie prenne progressivement corps.
Si la demande sociale de sécurité s'est considérablement renforcée ces
dernières années dans tous les domaines, notamment dans celui de la sécurité
routière, elle a également qualitativement évolué. Les associations de victimes
et de familles de victimes, qui se trouvaient à la pointe d'un combat digne et
juste, sont aujourd'hui relayées par l'ensemble de l'opinion publique qui
n'admet pas la fatalité des accidents dans les entreprises, dans les quartiers,
dans les villes et les villages. Chacun connaît, dans sa famille ou dans son
entourage, les souffrances terribles que causent ces accidents.
La mobilisation de l'opinion publique est d'ailleurs d'autant plus forte que
la plupart des accidents se produisent tout près du domicile des victimes, en
agglomération, sur des trajets familiers parce que souvent empruntés.
Les différentes catégories d'usagers expriment des exigences claires en
matière de sécurité routière.
Tout d'abord, les chauffeurs routiers souhaitent un respect plus rigoureux des
conditions de travail et de circulation, qui sont essentielles pour leur
sécurité et celle des autres usagers. La loi sur l'amélioration des conditions
d'exercice de la profession des transporteurs routiers du 6 février 1998,
adoptée à l'unanimité par le Sénat et par l'Assemblée nationale, permettra des
améliorations notables. Je vous proposerai d'y apporter par amendement
gouvernemental deux précisions de manière à recouvrir sans ambiguïté le
transport des personnes comme le transport des marchandises et à prévoir des
sanctions de même nature tant pour l'absence de limiteurs de vitesse et de
chronotachygraphes que pour leur falsification.
Par ailleurs, les automobilistes prennent désormais plus conscience du fait
que la pratique exige une éducation, un apprentissage sérieux, une formation
permanente, un certain comportement, dirai-je même. Nombre d'entreprises et
d'administrations commencent d'ailleurs, en s'appuyant sur l'esprit de
responsabilité de leurs salariés, à mettre en place des plans de prévention
spécifiques, 55 % des 1 300 tués par accidents du travail enregistrés chaque
année étant, en fait, des victimes d'accidents de la route.
En outre, les utilisateurs de deux-roues, motorisés ou non, soucieux de la
qualité de la vie dans nos villes et de la sécurité des déplacements, sont
aujourd'hui des partenaires à part entière des pouvoirs publics, à l'échelon
national et local, pour tendre à une conduite apaisée - voilà un maître mot de
la démarche - et à une harmonieuse coexistence des différentes catégories
d'usagers.
Enfin, les piétons aspirent à une approche renouvelée des politiques de
circulation en ville, prenant en compte un meilleur équilibre entre les
différents modes de déplacement. Ces attentes appellent une politique novatrice
et dynamique. Une meilleure mobilisation des compétences et des moyens
existants est indispensable pour redresser la situation qui est la nôtre et
nécessaire si nous voulons atteindre l'objectif qui consiste à réduire de
moitié, en cinq ans, le nombre de tués sur la route.
Il s'agit tout d'abord - mais cette démarche mérite un véritable débat - de
prendre appui sur les jeunes et leur capacité à promouvoir de nouveaux
comportements.
Piétons, conducteurs de deux-roues ou de quatre-roues, automobilistes ou
passagers, les jeunes sont les premières victimes de l'insécurité routière.
Plus de 28 % des tués ont moins de vingt-cinq ans. Chaque jour, plus de six
enfants et jeunes de moins de vingt-cinq ans meurent sur la route.
Les actions de prévention, de sensibilisation et de formation constituent
l'axe majeur de la politique du Gouvernement : de victimes, les jeunes peuvent
devenir prescripteurs.
Il s'agit, ensuite, de se donner les moyens de répondre à la forte demande
sociale de sécurité.
Le Gouvernement entend, à cet égard, mobiliser l'ensemble des acteurs sociaux,
les services de l'Etat, bien entendu, mais aussi les entreprises, les
associations, les collectivités territoriales, les sociétés et les mutuelles
d'assurance. Une mobilisation consciente et active de tous ces partenaires
nationaux et locaux autour d'objectifs clairs et partagés est indispensable
pour permettre de réels progrès qualitatifs et quantitatifs.
Il s'agit, enfin, de garantir la liberté de circuler en sécurité.
La conduite est, certes, un acte privé, mais c'est aussi - et j'ai envie de
dire avant tout - un acte social qui doit prendre en compte les valeurs
civiques de base que sont le respect de l'autre et la liberté d'aller et de
venir en sécurité. Cela implique des règles simples, claires et intangibles.
Le projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre à votre examen, mesdames,
messieurs les sénateurs, contient six mesures nécessaires à la politique de
lutte contre l'insécurité routière.
La première vise à instaurer l'obligation de suivre un stage de
sensibilisation aux causes et aux conséquences des accidents de la route pour
les conducteurs novices, c'est-à-dire pour ceux qui sont titulaires du permis
de conduire depuis moins de deux ans, qui ont commis une infraction grave.
On estime que, chaque année, 15 000 à 20 000 conducteurs novices commettent
une infraction sanctionnée par un retrait d'au moins quatre points sur le
permis de conduire.
Il faut prévenir le sur-risque que supportent ces conducteurs novices :
ceux-ci ont, en effet, une probabilité d'être tués dans un accident de la route
trois fois plus élevée que la moyenne des conducteurs. Il est donc
indispensable de les aider et de les responsabiliser avant et après le permis
de conduire, grâce à trois dispositions spécifiques.
Il est vrai que deux de ces dispositions ne sont pas d'ordre législatif.
Il s'agit, tout d'abord, d'inciter les conducteurs novices à suivre un
rendez-vous d'évaluation avec un enseignant agréé dans le douzième mois qui
suit l'obtention du permis de conduire. Ce stage ne doit pas induire de
dépenses supplémentaires pour les jeunes, j'ai pris en ce sens des contacts,
notamment avec les assureurs, pour le financement de cette formation.
Je pense aussi à la possibilité de passer l'épreuve théorique - le code - de
l'examen du permis de conduire dès l'âge de seize ans. Le contenu de cette
épreuve sera révisé et le chantier plus global de la réforme de l'apprentissage
de la conduite et de l'examen du permis de conduire est ouvert.
Ces dispositions constituent un ensemble cohérent, proche dans sa forme de ce
que nombre de pays ont mis en place sous l'appellation de « permis probatoire
».
La proposition du Gouvernement s'en distingue par une approche plus
pédagogique et plus éducative. Ainsi, l'action en faveur des conducteurs
novices s'inscrit bien dans la priorité du Gouvernement, qui est d'éduquer et
de former, dès le plus jeune âge et tout au long de la vie du conducteur. Bien
avant le permis, c'est-à-dire dès la maternelle, des actions de formation
seront engagées sous l'impulsion de Ségolène Royal, de Claude Allègre et de
Marie-George Buffet, en milieu scolaire comme en milieu extrascolaire.
En outre, pour tous les conducteurs volontaires, un rendez-vous de
perfectionnement dix ans après l'obtention du permis de conduire, qui
s'apparentera à une formation continue, sera expérimenté dans certains
départements, avec des opérateurs volontaires eux aussi.
La deuxième partie du projet de loi, la plus substantielle, vise à assainir le
fonctionnement des établissements d'enseignement de la conduite et à améliorer
la qualité de leurs prestations.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la France compte
environ 15 000 établissements d'enseignement de la conduite, qui dispensent une
formation au permis de conduire à près d'un million de candidats chaque année à
titre onéreux, dans le cadre de prestations de services de nature
commerciale.
Le secteur des auto-écoles se caractérise par la multiplication des créations
d'établissements à l'existence souvent éphémère. Il en résulte une concurrence
très vive, marquée par une guerre tarifaire et par l'apparition d'offres
anormalement basses, au détriment de la qualité de la formation du futur
conducteur. En outre, de nombreuses affaires d'escroquerie ont entamé la
crédibilité et le capital de confiance qui sont indispensables à toute activité
d'enseignement.
A la demande insistante non seulement des représentants de la profession, mais
aussi des associations de consommateurs, qui souhaitent ensemble des mesures de
moralisation et d'assainissement, le Gouvernement propose de consacrer dans la
loi plusieurs règles existantes.
Premièrement, les enseignants devront être titulaires du BEPECASER, le brevet
pour l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite automobile et de
la sécurité routière, ou d'un diplôme dont l'équivalence est reconnue.
Deuxièmement, l'enseignement dispensé devra être conforme au programme
national de formation.
Troisièmement, l'enseignement ne pourra être dispensé que dans le cadre d'un
établissement dont l'exploitation est subordonnée à un agrément délivré par le
préfet, après avis de la commission départementale de sécurité routière.
Nous vous proposons ensuite d'y ajouter trois éléments qui me semblent
particulièrement importants : un contrat écrit devra être élaboré entre le
candidat et l'établissement, portant sur les conditions et les modalités de
l'enseignement et de la préparation au permis de conduire ; un contrat
d'application du programme d'information sera mis en place ; enfin, les
sanctions en cas de non-respect de ces dispositions fixées par la loi seront
sensiblement renforcées.
Il ne s'agit pas, vous le comprenez bien, mesdames, messieurs les sénateurs,
d'instaurer un quelconque
numerus clausus,
mais de fiabiliser l'ensemble
du système de formation. Nous avons en effet besoin d'un système de formation
fiable et reconnu.
Cet article du projet de loi a fait l'objet d'une concertation approfondie
avec l'ensemble de la profession, dont je comprends et partage les attentes.
Par ailleurs, la réflexion et la concertation nécessaires pour une
labellisation correcte des formations sont d'ores et déjà engagées par la
délégation interministérielle. Enfin, au-delà de ce projet de loi, le
Gouvernement examine les dispositions utiles à l'ensemble des structures et
associations qui oeuvrent dans le domaine de la sécurité routière. Celles-ci
réalisent des formations très variées, qui englobent parfois l'apprentissage de
la conduite. Je sais que ces associations sont indispensables et qu'elles font
du très bon travail, notamment dans les quartiers défavorisés.
Avant d'envisager de légiférer dans ce domaine si cela s'avérait nécessaire,
il faut prendre le temps, au préalable, de mener une concertation
approfondie.
Les associations mobilisent énormément de bonnes volontés. Elles peuvent être
amenées à se développer en créant de nouveaux emplois pour répondre à de
nouveaux besoins.
La troisième partie de ce texte vise à créer une responsabilité pécuniaire des
propriétaires de véhicules. Je sais que ce point a fait l'objet de discussions.
Qu'en est-il exactement ?
Le respect de la réglementation est une condition essentielle de l'efficacité
en matière de sécurité routière. Or notre système de contrôle et de sanction
souffre de nombreux dysfonctionnements aujourd'hui bien identifiés qui en
altèrent la crédibilité.
Il me faut ici citer la très faible efficacité des contrôles automatiques sans
interception. Cette faiblesse tient essentiellement à l'obstacle juridique que
représente l'absence de responsabilité du titulaire de la carte grise. Les
actions de contrôle sont ainsi notoirement affaiblies.
Enfin, ce qui est grave, de nombreux contrevenants échappent aux sanctions,
l'égalité des citoyens devant la loi n'est pas toujours respectée.
La responsabilité du propriétaire du véhicule, déjà adoptée dans plusieurs
autres pays voisins européens sous diverses formes - souvent très strictes,
d'ailleurs - est indispensable pour rétablir en la matière un Etat de droit.
Il vous est donc proposé d'étendre celle qui existe déjà depuis 1972 pour le
stationnement à trois autres infractions : l'excès de vitesse, le
franchissement de feux rouges et le franchissement de panneaux « stop ». Cette
extension constitue la réponse technique pour crédibiliser les contrôles. Elle
aura un impact positif sur les résultats de sécurité routière à très court
terme.
La démonstration de l'efficacité d'un tel dispositif dans les pays qui l'ont
adopté est de nature à lever les quelques réserves que certains ont pu
légitimement exprimer sur cette mesure ; mais nous reviendrons certainement sur
les précisions à apporter, lors de la discussion des articles, afin d'éviter
toute dérive.
La quatrième partie du projet de loi tend à instaurer un délit, en cas de
récidive dans l'année, pour un excès de vitesse de cinquante kilomètres-heure
ou plus au-delà de la vitesse maximale autorisée.
On constate aujourd'hui que les vitesses pratiquées sur les différentes
catégories du réseau routier sont élevées, voire souvent bien supérieures aux
limites réglementaires. Or la vitesse excessive ou inappropriée est à la fois à
l'origine de nombreux accidents et facteur de gravité. Elle est en cause dans
près d'un accident mortel sur deux. Il est donc essentiel de réduire cette
dérive inacceptable des comportements, en ville comme sur les liaisons
interurbaines.
A la suite des travaux réalisés sous l'impulsion de M. Robert Namias, le
précédent gouvernement avait envisagé de créer un délit de grande vitesse, mais
ce n'est pas ce dispositif que nous avons retenu.
Nous pensons, pour notre part, qu'il est préférable d'amener les conducteurs à
réfléchir à leurs actes. Ainsi, les grands excès de vitesse seront passibles
d'une contravention qui a été alourdie et la mesure législative qui vous est
proposée, mesdames, messieurs les sénateurs, consiste simplement à considérer
la récidive de grand excès de vitesse dans l'année comme un délit.
Ce dispositif a un caractère hautement pédagogique. Il reprend la logique des
propositions de M. Namias et répond, sans démagogie, à une attente forte des
associations de victimes de la route. Il devrait se révéler efficace pour
inciter à l'abaissement de l'ensemble des vitesses pratiquées et au respect des
vitesses maximales autorisées : trente, cinquante ou soixante-dix
kilomètres-heure en ville ; quatre-vingt-dix, cent dix ou cent trente
kilomètres-heure sur route et sur autoroute.
J'ai beaucoup discuté, beaucoup consulté, y compris des spécialistes de la
vitesse, des sportifs et des professionnels de la prise de risque maîtrisée. Le
respect des vitesses maximales autorisées appelle, à l'évidence, un effort sans
précédent de la part des différents maîtres d'ouvrage de la voirie - communes,
départements et Etat - pour remettre en ordre, quand cela n'a pas encore été
fait, la signalisation.
A ce propos, je veux redire, parce que la question est revenue souvent dans le
débat, que pour le Gouvernement et pour moi, il s'agit non pas de piéger les
automobilistes, de les piéger pour les piéger, mais de favoriser une conduite
apaisée tenant réellement compte de l'environnement social.
La cinquième partie du projet de loi vise à instaurer un dépistage
systématique des stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans un accident
mortel.
La conduite automobile est une activité qui exige, naturellement, une
vigilance de tous les instants.
La relation entre le médicament, la drogue et la sécurité routière a fait
l'objet d'un rapport établi, sous la présidence du professeur Lagier, par des
personnalités éminentes du milieu médical. Ce rapport avait d'ailleurs été
demandé par le précédent gouvernement en 1994. Ma proposition s'appuie sur les
conclusions de ces travaux, publiés en 1995.
La mesure proposée est pragmatique. En l'absence de données statistiques
permettant d'apprécier sérieusement le phénomène, elle permettra de recueillir
dans les deux ou trois ans à venir des indications épidémiologiques précises en
la matière, ce qui me semble devoir être un préalable absolu pour fonder une
législation spécifique sur la drogue et la conduite automobile.
La dernière conférence européenne des ministres des transports, qui s'est
tenue le 3 mars dernier, a permis de faire le point sur la situation dans les
autres pays européens. Le centre d'études et de recherches en médecine du
trafic a montré que le lien d'implication entre prise de drogue et accident
mortel est réel et qu'il est même significatif par rapport à d'autres facteurs
d'accident.
L'obligation de dépistage de la drogue lors des accidents mortels répond donc
à un souci de sérieux, d'une part, pour connaître et analyser le phénomène,
d'autre part, pour étudier, valider et mettre en place rationnellement, avec le
secrétariat d'Etat à la santé et l'Agence du médicament, le dispositif
technique de prélèvement et d'analyse qui, aujourd'hui, n'existe pas.
A ce stade et en l'état actuel de notre législation en matière pénale, il n'y
a pas lieu de fixer dans le code de la route - je dis bien « dans le code de la
route » - une sanction spécifique en cas de dépistage positif.
S'agissant d'homicides, une instruction est obligatoirement ouverte puisque
nous sommes dans le cas d'accidents mortels, et le juge pourra, bien sûr, tenir
compte des résultats des analyses dans la sanction qu'il prononcera. Il dispose
pour cela de l'arsenal juridique nécessaire dans le code pénal et dans le code
de la santé publique.
La répression est loin d'être la panacée, en la matière. La prévention,
l'éducation et la formation sont primordiales. C'est pourquoi un pictogramme
spécifique sera imprimé sur toutes les boîtes de médicaments contenant des
substances susceptibles d'entraîner des effets négatifs pour la conduite
automobile. Des actions de communication et de sensibilisation du public,
d'information et de formation des médecins et des pharmaciens, dont la
responsabilité peut être mise en cause, seront engagées dès cette année.
La sixième partie du projet de loi tend à autoriser la suspension judiciaire
du permis de conduire en cas de condamnation pour modification du dispositif de
limitation de vitesse par construction. Une telle disposition s'applique déjà
en cas d'alcoolémie, d'entrave ou de gêne à la circulation, de fausse
immatriculation, de conduite sans permis. Elle complète la sanction de
manipulation de l'appareil, instaurée par la loi du 1er février 1995 portant
diverses dispositions en matière de transports routiers.
Afin d'éviter de laisser une faille dans le dispositif juridique actuel, je
proposerai, par amendement, de faire en sorte que l'absence de limiteur de
vitesse soit sanctionnée comme sa falsification.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a
souhaité vous présenter un projet de loi exclusivement consacré à la sécurité
routière. Ce projet, largement fondé sur le rapport qui m'a été remis dès mon
arrivé par M. Verré, président de la table ronde voulue par mon prédécesseur,
constitue la partie législative de la politique ambitieuse et globale que nous
avons engagée.
J'ai eu l'occasion, au cours de ces derniers mois, de beaucoup consulter des
élus nationaux et locaux, des représentants des organisations professionnelles,
associatives et syndicales, des personnalités du monde du sport et de la
presse. Je tiens à témoigner de la qualité et du caractère constructif de ces
échanges. De nombreuses propositions m'ont été faites. Elles ne sont, bien sûr,
pas toutes - heureusement, dirai-je ! - d'ordre législatif. Nombre d'entre
elles peuvent être mises en oeuvre et contribuer à des progrès concrets.
Si, en matière de sécurité routière, l'essentiel tient à des actions locales,
les mesures du présent projet de loi sont cependant nécessaires. Elles ne sont,
bien sûr, pas suffisantes - j'y insiste - pour tendre vers l'objectif quantifié
que nous avons fixé. Il importera d'assurer la publication rapide des textes
réglementaires. J'y veillerai, car l'enjeu, c'est une meilleure prise en
compte, sur le terrain, dans les entreprises, dans les écoles, collèges et
lycées, dans les communes et les départements, de toutes les questions
d'éducation, de prévention et de formation.
Réaliser des progrès en matière de sécurité routière, c'est - ne l'oublions
pas - réaliser des progrès dans les rapports humains, les rapports sociaux. Une
conduite apaisée, adaptée à l'environnement, c'est une meilleure qualité de vie
dans les quartiers, les villes et les villages.
Le Gouvernement a décidé de se donner les moyens d'assurer la mise en oeuvre
de cette politique et d'en suivre les résultats au plus près du terrain, de
manière à permettre aux autorités locales de prendre les dispositions adaptées
pour progresser.
Sur le plan national - c'est aussi, dans une certaine mesure, un événement -
le comité interministériel de la sécurité routière se réunira désormais chaque
année sous la présidence du Premier ministre. Ce sera l'occasion de dresser un
constat public de l'évolution de la sécurité routière, d'apprécier les avancées
vers une meilleure harmonisation de la réglementation européenne, d'analyser
les différences de résultats sur le plan territorial et de décider, le cas
échéant, les mesures législatives ou réglementaires qui pourront s'avérer
indispensables.
Le Gouvernement reste, bien évidemment, ouvert aux propositions des
parlementaires, aux vôtres, mesdames, messieurs les sénateurs, comme à celles
des députés, car, dans le domaine de la sécurité routière, les progrès que nous
devons réaliser sont immenses. La sagesse de votre assemblée permettra, j'en
suis convaincu, de forger dans la plus grande sérénité un texte qui confortera
l'action de toutes celles et de tous ceux qui oeuvrent quotidiennement, sur le
terrain, avec les moyens qui sont les leurs, pour faire reculer l'insécurité
routière dans notre pays.
(Très bien ! et applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
(Applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Nous avons applaudi le ministre, vous n'applaudissez pas le rapporteur !
Mme Joëlle Dusseau.
Nous attendons qu'il ait fini de parler !
Un sénateur socialiste.
On l'applaudira s'il le mérite !
M. Robert Pagès.
Voilà !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
On ne va
pas l'applaudir avant !
M. Charles Pasqua.
Question de confiance !
(Sourires.)
M. Lucien Lanier,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 7 989 personnes tuées, en
1997, pour cause d'insécurité routière ! Je dis bien 7 989, car la dernière
vaut autant que les 7 988 qui la précèdent.
Dans ce chiffre sont compris 2 061 jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans,
soit le quart du nombre des victimes, alors que ces jeunes ne représentent que
14 % de notre population, dont ils sont cependant l'espoir et l'avenir.
Tels sont les chiffres, dont la sécheresse, dépourvue d'états d'âme, nous
révèle crûment la vérité. Ils suscitent notre réflexion, motivent notre
conscience autant que notre responsabilité, et ce plus encore si l'on prend en
compte les 125 406 accidents corporels recensés en 1996, parmi lesquels on
dénombre en moyenne cent blessés graves ou très graves par jour. En effet, la
dureté des chiffres n'évalue pas les dramatiques conséquences que cache le
fléau. Elles hypothèquent une part de la vie sociale de la nation. Elles
influent profondément sur l'existence morale et matérielle des familles des
victimes, profondément destabilisées. Elles pèsent ainsi sur la société
française tout entière.
Nous ne pouvons continuer d'admettre que le risque routier demeure en France
deux fois plus élevé qu'au Royaume-Uni, en Suède ou aux Pays-Bas et que notre
pays soit parmi les derniers de l'Union européenne à cet égard, et ce quelles
qu'en soient les raisons.
Quelque chose ne va donc pas ! Pourtant, depuis des années, le pouvoir
législatif autant que le pouvoir exécutif, par des mesures qui sont certes de
plus en plus contraignantes, se sont inquiétés de l'insécurité routière.
Bien des faits en sont la cause : l'intensification du trafic routier, la
multiplication des conducteurs, la puissance et la disparité des véhicules, la
diversité croissante des moyens de transport routier, la configuration des
infractructures, la pluralité des réseaux, etc. Tout cela a, au fil des années,
influé sur la sécurité routière, en la rendant plus complexe et plus menacée,
et donc d'autant plus difficile à maintenir et à parfaire.
Tous ces faits ont considérablement modifié l'aptitude à conduire un véhicule
quel qu'il soit. La conduite est aujourd'hui devenue affaire de vie en société
; elle concerne le comportement mental de l'individu autant que ses réflexes
physiques ou techniques. On ne conduit plus seulement son véhicule, on le
dirige au milieu des autres. C'est bien pourquoi la compréhension de la
sécurité routière doit commencer dès l'école.
Une loi de juillet 1957 le prévoit ; elle a cependant besoin d'être repensée
et adaptée à son temps.
L'adaptation indispensable des dispositions existantes a fait l'objet de
réflexions récentes, approfondies, émanant tant du législatif, de l'exécutif
que de spécialistes du sujet. Ces réflexions ont le mérite d'exister, même si
elles ne recouvrent pas tous les aspects de cet immense sujet.
Elles se concentrent, en effet, sur trois points principaux : la formation des
usagers et des conducteurs ; le dépistage de la drogue et des stupéfiants ; la
répression des excès de vitesse, décelés comme facteur premier des
accidents.
La formation des usagers et des conducteurs, d'abord, a fait l'objet d'un
excellent rapport, demandé, en 1996, par le ministre des transports de
l'époque, M. Bernard Pons. Ce rapport privilégie trois actions : la mise en
place d'une chaîne éducative continue pendant la scolarité ; la mise en ordre
d'un véritable apprentissage de la conduite comprenant, entre autres,
rendez-vous d'évaluation, recyclage des novices en cas d'infraction et seuil
d'alcoolémie zéro pour les novices de la conduite pendant deux ou trois ans ;
l'amélioration de la formation des adultes par une remise en ordre urgente.
Le dépistage des drogues et stupéfiants a fait l'objet de nombreuses
initiatives ministérielles ou parlementaires, donnant lieu à un livre blanc
remis au Premier ministre en 1995, et le projet de loi qui nous est soumis en
tient compte, y compris la proposition de loi de notre excellent collègue
Edouard Le Jeune, jointe au présent rapport.
Enfin, la répression accentuée des excès de vitesse est une idée cent fois
reprise, mais à l'évidence très impopulaire, et toujours actuellement en
perce.
Tirant parti de ces réflexions et de ces études, tenant compte de la situation
actuelle, le Gouvernement a fixé un objectif certes ambitieux, trop ambitieux
disent certains - mais sans doute faut-il l'être trop pour l'être suffisamment
- à savoir réduire de moitié dans un délai de cinq ans le nombre de tués par
l'insécurité routière. Qui ne pourrait souhaiter le succès d'une telle ambition
?
Le projet de loi qui nous est soumis constitue donc un complément utile, voire
indispensable au droit existant. Il en est même une adaptation pour mieux
circonscrire les problèmes nombreux de la sécurité routière.
Les très larges auditions auxquelles nous avons procédé prouvent que ce projet
fait l'objet d'un consensus concernant ses principales dispositions. Certains,
cependant, et particulièrement au sein des médias de la presse automobile, ont
soulevé de sérieuses objections concernant la répression accentuée des excès de
vitesse. Cela a fait l'objet d'une attention soutenue de la commission des
lois.
Disons nettement que le présent projet de loi cherche à redresser une
situation fâcheuse, sans prétendre apporter de solutions définitives. Son
objet, encore limité, ce que nous regrettons, reste d'améliorer le droit
actuel.
Quel est-il ? Il comprend à la fois des éléments de répression et des éléments
de prévention.
Le dispositif répressif s'est, à l'évidence, peu à peu alourdi au sein du code
de la route, d'abord par le nombre des infractions retenues, dont certaines
constituent des délits passibles d'emprisonnement - tel le taux d'alcool dans
le sang supérieur à 0,8 grammes, ou le délit de fuite, mais également par le
nombre des infractions passibles des amendes prévues pour les contraventions de
quatrième et cinquième classe - limitation de vitesse, respect des
signalisations, etc.
Mais, au-delà des infractions proprement dites, le dispositif répressif fait
référence au code pénal pour homicides ou blessures, mais aussi aux
comportements mettant en danger la vie d'autrui. S'ajoutent enfin de graves
peines complémentaires, telle l'annulation du permis de conduire, qui est de
plein droit en cas de récidive d'état alcoolique.
Cet arsenal répressif a été complété en 1992 par la création du permis à
points avec une modulation des retraits de points proportionnelle à la gravité
de l'infraction : 4 points pour un excès de vitesse supérieur à 40 kilomètres à
l'heure, 3 points pour 30 kilomètres à l'heure et, 2 pour 20 kilomètres à
l'heure.
La politique préventive apparaît donc, dans le droit actuel, comme un
complément indispensable. Elle porte essentiellement sur la formation des
conducteurs et sur leur préparation à l'examen du permis de conduire. Elle
propose deux types de formation, l'une antérieure, l'autre ultérieure à
l'obtention du permis à l'âge de dix-huit ans. L'apprentissage anticipé de la
conduite dès l'âge de seize ans n'intéresse, hélas ! que moins de 15 % des
futurs candidats, essentiellement parce qu'elle est facultative et onéreuse.
Il en est de même de la formation postérieure au permis. Elle est proposée en
cas de retrait des points, suite à une infraction, avec restitution partielle
des points si le conducteur se soumet à une éducation spécifique, mais elle est
aussi facultative et onéreuse.
La politique préventive est donc loin d'être négligeable. Elle se heurte
cependant aux frais qu'elle entraîne, et nous touchons là à l'un des sujets
déterminants de la sécurité routière, à savoir l'organisation actuellement mal
adaptée de la profession d'enseignant de conduite par la disparité des
établissements d'enseignement, qui entraîne la disparité des coûts et du
sérieux des formations, et quelquefois, il faut le dire, « l'arnaque » des
candidats.
Certes, les efforts législatifs ou réglementaires consentis depuis vingt ans
ont porté leurs fruits. En parant au plus pressé, ils ont probablement évité le
pire. Le nombre des accidents mortels ou corporels, vous l'avez dit, monsieur
le ministre, a substantiellement diminué.
Il n'en reste pas moins considérable - je le disais au début de mon
intervention - et il appert des statistiques les plus récentes que la
diminution de l'ampleur du fléau, qui a atteint 3,9 % entre 1995 et 1996, s'est
limitée à 1,1 % entre 1996 et 1997 s'agissant du nombre d'accidents mortels.
Nous constatons donc quasiment une reprise du nombre des accidents et un
nouveau redressement de la courbe.
Comment considérer, dès lors, que les dispositifs préventifs ou répressifs
donnent pour l'heure entière satisfaction ? Les premiers manquent de cohésion,
les seconds sont bloqués car on ne peut, dans plus d'un tiers des cas,
identifier le conducteur fautif.
Il était donc urgent d'agir, ce à quoi vise ce projet de loi, qui reprend
d'ailleurs nombre des mesures prévues par des propositions de loi antérieures.
La teneur du texte ne permettra pas de dominer l'ampleur du problème. Il s'agit
d'un élément complémentaire en droit existant, complément nécessaire et non
définitif pour tenter de réduire de moitié en cinq ans le nombre des tués sur
les routes. Il tend à renforcer les mesures de prévention, et, même s'il
aggrave sensiblement la répression des récidives, il met l'accent autant sur la
notion que sur le sens de la responsabilité personnelle.
Le projet de loi comprend cinq dispositions essentielles.
La première, contenue dans la section 1, article 1er, du texte, rend
obligatoire un stage de formation spécifique pour les conducteurs novices ayant
obtenu le permis depuis moins de deux ans et ayant commis une infraction
passible d'un retrait de quatre points - alcoolémie, non-respect des signaux,
etc.
Ce stage obligatoire, d'une durée minimale de seize heures, se veut avant tout
pédagogique, afin de prévenir les récidives. La commission des lois proposera
un amendement tendant à rendre passibles de ce stage les auteurs d'une ou
plusieurs infractions totalisant un retrait de quatre points.
La section 2 du projet de loi a pour objet de renforcer les garanties exigées
pour l'exercice de la profession d'enseignant de conduite et pour
l'exploitation des établissements d'enseignement.
Précisons bien qu'elle ne concerne que la formation à titre onéreux,
c'est-à-dire environ 14 000 établissements dispensant une formation à un
million de candidats chaque année, ce qui est considérable.
De quoi s'agit-il, en l'occurrence ?
Il s'agit d'éviter, tout d'abord, la multiplication d'établissements à
l'existence éphémère, fauteurs d'une guerre des tarifs, d'une formation au
rabais et parfois même sources d'arnaques par d'intempestives cessations
d'activité à caractère d'escroquerie.
Il s'agit, ensuite, d'imposer un contrat écrit entre les établissements et
leurs clients, de renforcer les garanties indispensables pour l'accès de la
profession et pour son exercice et, surtout, de permettre un contrôle
efficace.
Bref, il s'agit de moraliser autant que d'assainir une profession qui en a
besoin, en établissant, par la loi, les conditions de l'exercice
professionnel.
Notons bien que l'article 2 de cette section 2 ne s'applique qu'aux
établissements exerçant « à titre onéreux », et non pas aux associations dont
l'objet n'est pas de tirer profit de cet enseignement.
Cela doit être clairement précisé, et je vous demande instamment, monsieur le
ministre, d'avoir l'obligeance de nous le dire formellement. C'est un souhait
unanime des membres de la commission des lois.
Sur l'article 2, la commission proposera un amendement renvoyant au décret en
Conseil d'Etat la liste des condamnations interdisant l'accès à la profession
ainsi qu'un autre amendement visant à imposer une condition d'aptitude
professionnelle pour diriger une auto-école.
La section 3 du projet de loi élargit la responsabilité pécuniaire du
propriétaire du véhicule, déjà prévue en cas d'infraction au stationnement,
d'infraction sur les vitesses maximales autorisées et sur les signalisations
imposant l'arrêt des véhicules.
Cette disposition est due au fait qu'actuellement plus du tiers des
infractions ne peuvent être poursuivies, je l'ai dit, faute d'identification du
conducteur. La portée des sanctions s'en trouve réduite et, surtout, l'égalité
du citoyen devant la loi est mise en cause. D'aucuns en profitent indûment et,
parfois, dangereusement.
Mais cette disposition, selon certains, déroge au principe du droit pénal
selon lequel « nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ». C'est
pourquoi la commission proposera un amendement marquant clairement que le
propriétaire du véhicule ne saurait être pénalement responsable si l'infraction
n'est pas de son fait.
La section 4, par les articles 5 et 6, crée un délit en cas de récidive, en
moins d'un an, de dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou
supérieur à 50 kilomètres à l'heure, après condamnation définitive pour la même
infraction.
Ce délit est passible de six mois de prison et de 50 000 francs d'amende et
d'un retrait de six points du permis.
Il s'agit certes là d'une aggravation sensible de la répression. Certains y
voient de profondes objections et s'interrogent, d'abord, sur l'opportunité
d'un nouveau délit, estimant le dispositif actuel suffisant, ensuite sur
l'opportunité d'une graduation des sanctions prévues, enfin sur la difficile
mise en oeuvre de cette disposition. Monsieur le ministre, nous en reparlerons
au moment de la discussion des articles, lorsque certains vous feront des
propositions.
Les auteurs du projet de loi souhaitent viser la grande vitesse, objet de la
plus forte indiscipline et cause d'une grande partie des accidents graves.
A titre d'exemple, les statistiques indiquent qu'un conducteur sur trois
dépasse la vitesse réglementée sur autoroute ; qu'un conducteur sur deux la
dépasse en ville et sur les routes nationales, et que trois conducteurs sur
cinq la dépassent sur les routes départementales.
Paradoxe, le bon état de notre réseau routier départemental et national est
tel que les conducteurs se croient sur des autoroutes ! Dans des pays où les
routes, plus petites et plus sinueuses, exigent une vitesse réduite, les
accidents de la circulation sont moins graves.
La section 5 du projet de loi instaure un dépistage systématique des
stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel. Si le
dépistage se révèle positif, des analyses plus précises doivent établir si le
conducteur était sous influence de drogue, afin de mieux éclairer le juge.
Le projet de loi, en revanche, ne contient aucun dispositif répressif
spécifique à ce sujet. Vous l'avez bien précisé, monsieur le ministre, et vous
avez donné vos raisons.
La commission des lois proposera un amendement tendant à instaurer, pour
l'usage de stupéfiants, les mêmes peines que celles qui sont prévues pour
l'alcoolémie. Elle a suivi en cela certaines propositions précédentes émanant
tant de l'Assemblée nationale - je pense, entre autres, au rapport de M.
Dell'Agnola - que du Sénat, à travers la proposition de loi de notre excellent
collègue Edouard Le Jeune, que la commission des lois a jointe au présent
rapport, ainsi que j'ai pu l'indiquer.
En conclusion, nous restons plus que jamais convaincus que l'ampleur du
problème de la sécurité routière mérite une réflexion plus générale, se situant
probablement dans le cadre européen. Il convient, en effet, d'aboutir, dès que
possible, à mieux coordonner les nombreuses mesures déjà existantes, car elles
sont trop disparates, et à tenir davantage compte de l'ensemble des questions
en cause, qu'elles concernent les individus, les véhicules, les
infrastructures.
La répression n'est pas une fin en soi ; elle a ses limites au-delà desquelles
elle perd toute efficacité. Mais la liberté individuelle ne signifie pas
licence si l'on veut vivre en société, et le laxisme du « laissez-faire,
laissez-passer » n'est pas plus de mise pour résoudre les problèmes de la
sécurité routière !
C'est davantage la prévention qui peut apporter les solutions les plus
efficaces, à condition qu'elle porte sur la formation autant morale que
physique des conducteurs et tende - pourquoi pas ? - vers la conception d'une
éthique de la conduite adaptée à son temps, en songeant que l'accident n'est
pas toujours le fait des autres.
Le projet de loi qui nous est soumis est très loin de répondre à l'ampleur du
problème ; il tend cependant à améliorer un dispositif aujourd'hui insuffisant.
Il insiste sur la notion de la responsabilité individuelle qu'il faudra bien
conjuguer, un jour, avec le respect de la liberté personnelle.
Nous sommes pour notre part aujourd'hui en face de notre propre
responsabilité. Ne rien faire serait blâmable quand il est urgent d'agir contre
un fléau qui n'est pas inéluctable.
C'est pourquoi, et sous réserve des amendements que nous allons étudier, votre
commission des lois vous propose d'adopter le projet qui vous est soumis.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, du RDSE ainsi que sur les travées socialistes.)
(M. Jean Faure remplace M. René Monory au fauteuil de la
présidence.)PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 30 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 20 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité
routière intéresse tous les Français, elle fait partie de notre vie
quotidienne. Rares sont les familles qui n'ont eu à déplorer des morts, des
blessés graves, des vies bouleversées par suite d'accidents de la
circulation.
Le texte qui nous est proposé sera donc examiné par le Sénat avec une
attention particulière.
Quand vous nous dites, monsieur le ministre, que 8 000 morts par an c'est un
chiffre énorme, nous sommes d'accord ; quand vous nous dites que la France a le
triste privilège d'avoir l'un des taux de mortalité et d'accidents graves les
plus élevés d'Europe, nous sommes en harmonie avec vos propos ; quand vous
présentez un texte qui tend à réduire de tels chiffres, comment ne
pourrions-nous pas être d'accord ?
Vous projet de loi comporte diverses dispositions permettant, selon vous, de
réduire de façon considérable le nombre des accidents de la route.
La première proposition porte sur la formation des conducteurs novices auteurs
d'infractions graves. Je la trouve judicieuse. Il est vrai que les jeunes
conducteurs représentent un facteur de risque tant pour eux-mêmes que pour les
autres automobilistes ou piétons, beaucoup plus considérable que des
conducteurs expérimentés et d'âge plus mûrs. Je voterai donc l'article 1er que
vous nous proposez.
La deuxième disposition vise l'enseignement de la conduite et de la sécurité
routière. Ces dispositions que vous nous présentez tant pour l'enseignement à
titre onéreux que pour les établissements d'enseignement à titre onéreux me
paraissent bonnes. Il était souhaitable de mettre un peu d'ordre et de
moraliser, pour certains, cette profession.
L'article 3 de votre texte concerne des dispositions relatives à la
responsabilité des propriétaires de véhicules. Si les premières propositions de
votre texte avait un effet incitatif éducatif et moralisateur, cet article
change de registre puisqu'il entend rendre responsables les propriétaires dont
les véhicules auraient été l'objet d'un contrôle et dont le conducteur n'aurait
pas été identifié. Sauf cas de force majeure, le propriétaire du véhicule aura
donc deux possibilités : soit dénoncer le conducteur de son véhicule contrôlé,
soit être tenu comme responsable s'il ne connaît pas ce dernier, cas de figure
tout à fait possible, ou s'il refuse la délation.
Avez-vous réfléchi, monsieur le ministre, en présentant cet article, à la
situation d'un responsable d'entreprise ou de collectivité disposant de
plusieurs véhicules, avec de nombreux utilisateurs, qui va devoir faire une
enquête de police pour trouver le responsable s'il veut éviter d'être condamné
?
Avez-vous pensé aux familles nombreuses dans lesquelles un véhicule est
utilisé par plusieurs personnes ? Bravo pour l'ambiance familiale quand le
titulaire de la carte grise va convoquer le conseil de famille !
Les forces de police et de gendarmerie ont les moyens d'intercepter les
contrevenants ; ils le font régulièrement ; le délit est constaté.
Je ne voterai donc pas cet article dont la validité constitutionnelle me
paraît douteuse, et qui crée une incitation à la délation. D'autres moyens sont
possibles. Revoyez votre copie sur ce point.
L'article 5 de votre projet de loi traite des dispositions relatives à la
création d'un délit en cas de récidive de dépassement de la vitesse maximale
autorisée égal ou supérieur à 50 kilomètres à l'heure.
Nous abordons là le point central de votre projet de loi et nous constatons
que vous avez sorti la grosse matraque et que vous frappez fort les
automobilistes.
Sur la forme, vous avez publié, voilà quelques jours, un décret requalifiant
l'excès de vitesse en contravention de cinquième classe. Voilà un procédé
nouveau. Vous présentez un projet de loi au Parlement et, préalablement, dans
une intention précise, vous publiez un décret pour forcer la main au
législateur. Mes collègues apprécieront la délicatesse du procédé et le respect
que vous avez des élus du peuple !
Sur le fond, le délit proposé - six mois de prison et 50 000 francs d'amende
en cas de récidive - paraît très excessif compte tenu de la faute commise,
classant le conducteur parmi les délinquants sérieux.
Soyons clairs : monsieur le ministre, plusieurs fois par jour, des milliers
d'automobilistes dépassent pour un moment de 50 kilomètres à l'heure la vitesse
permise. Des files entières de véhicules le font. Je n'approuve pas ces excès
de vitesse. Mais vous allez mettre en prison des milliers de conducteurs.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mais non !
M. Jean-Pierre Cantegrit.
C'est dérisoire ! Talleyrand disait : « Tout ce qui est excessif est
insignifiant ». Votre article, par son excès, est insignifiant. C'est une
agression contre les automobilistes qui vont se voir plus lourdement condamnés
pour un excès de vitesse que les dizaines de milliers de voleurs de voitures,
que ceux qui brûlent les véhicules dans nos banlieues, que ceux qui font des
rodéos nocturnes en Seine-Saint-Denis, monsieur le ministre.
(Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste et du RPR. -
Protestations sur les travées socialistes.)
Ah oui ! Je le sais bien, il est plus facile d'arrêter l'automobiliste qui
commet un dépassement de vitesse que les jeunes qui se livrent à de graves
exactions dans des banlieues chaudes ; ce sera plus confortable pour nos forces
de police et de gendarmerie.
L'article 7 porte sur l'instauration d'un dépistage systématique de
stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel. Je ne peux
qu'approuver cette idée, d'autant que j'ai moi-même posé une question écrite
sur ce sujet au ministre de l'intérieur, le 15 mai 1986. Mais, dans ma
question, j'étais plus ambitieux que vous ne l'êtes dans votre article,
monsieur le ministre.
En effet, si je comprends bien, vous pouvez, sous l'emprise de stupéfiants,
causer un accident grave, et ne pas subir de contrôle s'il n'y a pas de morts.
Votre texte est donc restrictif. En fait, les contrôles doivent être
systématiques pour déterminer le taux d'alcoolémie et l'usage des
stupéfiants.
Votre démonstration sur ce point ne me convainc pas ; la réponse à ma question
écrite était beaucoup plus satisfaisante que votre projet de loi. J'en déduis
que vous jugez qu'il est moins grave de consommer du cannabis, de l'ecstasy, de
la cocaïne, que de boire du vin ou un autre alcool.
Monsieur le ministre, votre texte ne tient pas compte d'un certain nombre
d'infractions graves que commettent tous les jours des milliers
d'automobilistes et qui sont la cause d'accidents mortels.
Pourquoi n'envisagez-vous pas le cas des automobilistes qui doublent à droite
sur les autoroutes ou sur les voies à grande circulation pour se rabattre
ensuite sur la file de gauche afin de gagner dérisoirement quelques dizaines de
mètres ? En réduisant les marges de sécurité, ils sont la cause de ces
carambolages impliquant des dizaines de véhicules, avec les conséquences
dramatiques que l'on sait.
Pourquoi n'abordez-vous pas le cas de ces automobilistes qui suivent à
quelques mètres le véhicule qui les précède, les mettant à la merci d'un coup
de frein ? Vous savez les conséquences de ce grave comportement en cas de
brouillard ou de fort ralentissement. De nombreux accidents mortels sont la
conséquence de tels agissements.
Pourquoi ne traitez-vous pas du cas des automobilistes qui n'entretiennent pas
leurs véhicules ? Et ce ne sont pas les contrôles techniques - ils sont
nécessaires, et je les approuve - qui feront que certains automobilistes
gonfleront les pneus de leurs voitures. Certains roulent donc avec des pneus
sous-gonflés. Ils sont ainsi de véritables dangers publics et ils causent de
graves accidents.
Pourquoi n'abordez-vous pas, dans votre texte, le cas de certains
établissements de contrôle technique - j'ai bien dit certains - qui, pour
différentes raisons, montrent un laxisme coupable et permettent à des véhicules
de rouler alors que des réparations urgentes sont à faire ?
Qu'attendez-vous, monsieur le ministre, pour moderniser le service des mines,
qui est un des plus rétrogrades d'Europe et qui a à son palmarès d'avoir
retardé la ceinture à enrouleur, le feu stop sur la vitre arrière, entre
autres. Pourtant, beaucoup de mesures innovantes permettraient d'améliorer la
sécurité des véhicules.
Pour conclure, je dirai, monsieur le ministre, qu'une fois de plus, dans ce
texte, on considère les automobilistes comme des délinquants en puissance et
que plutôt que d'améliorer la prévention, l'information, le sens de la
responsabilité, vous appliquez une répression excessive et choquante.
Je ne crois pas que nous ayons la même conception de l'automobile, monsieur le
ministre. Pour moi, ce qui compte, c'est le progrès technique, la sécurité
renforcée et toutes les innovations en ce domaine ; ce sont des automobilistes
responsabilisés et sensibilisés. J'imagine, en revanche, que votre rêve à vous,
ce sont des petites voitures qui rouleraient toutes à 100 kilomètres à l'heure
sur les autoroutes, à l'exception quand même de quelques Safrane qui les
dépasseraient à grande vitesse pour les ministres pressés.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M.
Mahéas proteste.)
M. Pierre Lefebvre.
Et pour quelques sénateurs !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Eh oui ! J'en
connais !
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le ministre, « réduire de moitié en cinq ans le nombre de morts sur
la route », telle est votre ambition et tel est l'objet de ce projet de loi.
Autant le dire tout de suite : nous ne pouvons que souscrire à cette ambition
tant les routes sont meurtrières dans notre pays.
Plus de 8 000 vies ont été fauchées en 1996. De plus, on recense actuellement
340 accidents de la circulation par jour, qui causent 22 tués et 485 blessés,
dont 98 graves. Qui plus est, notre jeunesse paie un lourd tribut : la tranche
d'âge des quinze-vingt-quatre ans, qui représente 14 % de la population,
représente en effet le quart des tués sur la route.
Ces vies perdues, ces espérances brisées, toutes ces souffrances sont
inacceptables.
Et il faut ajouter à ce coût humain un coût économique que vous évaluez à 200
milliards de francs par an, monsieur le ministre.
Oui, bien sûr, nous partageons votre objectif, encore faut-il s'en donner les
moyens, les bons moyens.
Je le rappelle : on dénombrait 17 000 tués dans des accidents de la route en
1972. Il a donc fallu un quart de siècle pour diviser ce chiffre tragique par
deux et ce, grâce à l'effet cumulé de mesures préventives et de mesures
répressives. Cela nous montre le chemin à parcourir...
Votre texte, monsieur le ministre, contient donc indiscutablement des mesures
positives que le rapporteur de la commission des lois, notre excellent
collègue, M. Lucien Lanier, a très justement analysées et sur lesquelles je ne
m'étendrai pas, qu'il s'agisse du renforcement de la formation ou de
l'accroissement des garanties de la qualité de celle-ci.
Cependant, vous mettez encore et toujours l'accent sur la répression, sous
prétexte d'accroître la sécurité.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Non !
M. Bernard Plasait.
Eh bien, monsieur le ministre, je serais heureux que vous me démontriez le
contraire !
Vous proposez d'étendre aux contraventions à la réglementation sur les
vitesses maximales autorisées et sur les signalisations imposant l'arrêt des
véhicules la présomption de responsabilité pécuniaire du propriétaire du
véhicule, qui est déjà applicable aux infractions en matière de stationnement.
Soit !
Une telle mesure aura-t-elle toutefois un effet concret sur la sécurité
routière ? Vous me permettrez d'en douter, tant il est peu commun d'emprunter
le véhicule d'un tiers avec l'intention de commettre une infraction. En
revanche, il est certain qu'ainsi la rentabilité des radars et autres appareils
photos sera mieux assurée, ce dont l'Etat ne peut évidemment que se réjouir.
Il n'en demeure pas moins qu'une telle disposition recèle des effets pervers,
au premier rang desquels une incitation à la délation que vous me permettrez de
déplorer très profondément.
Enfin, je partage pleinement la proposition de la commission des lois pour que
le titulaire de la carte grise - qui n'a pas commis l'infraction - ne subisse
pas un retrait de points et les rigueurs pénales, même si je considère que la
situation des loueurs professionnels de véhicules mérite d'être éclairée.
Cela dit, encore plus symbolique est la création d'un délit en cas de récidive
de dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 40
kilomètres à l'heure.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
50 kilomètres à
l'heure !
M. Bernard Plasait.
La résurgence d'une telle disposition, assortie de la récidive - ce qui est
encore moins compréhensible -, nous démontre bel et bien que, si « les
gouvernements passent, les administrations restent ». Et la mesure est toujours
aussi aveugle car, reposant sur un barème unique, elle entretient l'amalgame
entre les conducteurs rapides et les conducteurs dangereux, ce qui n'est pas
exactement la même chose !
Pire, elle fait de l'automobiliste un délinquant, et cela sans
discernement.
Peut-on raisonnablement considérer que rouler à plus de 180 kilomètres à
l'heure sur une autoroute dégagée avec une bonne visibilité et un bon véhicule
- ce qui n'est pas bien, évidemment, et mérite d'être sanctionné - équivaut à
débouler à 100 kilomètres à l'heure à quelques encablures d'ici, par exemple
rue Danton ? Dans ce cas, un dépassement de 50 kilomètres à l'heure, soit une
vitesse de 100 kilomètres à l'heure rue Danton, est proprement criminel, alors
que le premier type de grand excès de vitesse, qui ne représente que moins de 5
% des infractions constatées, ne concerne qu'une poignée de « privilégiés »,
certes, qui disposent d'une bonne voiture et qui sont bien souvent des
professionnels de la route !
Alors, je le sais bien, on ne va pas faire de distinction pour quelques-uns ;
on va appliquer sans mesure une logique que je trouve collectiviste !
Eh bien, monsieur le ministre, cette logique n'est pas la mienne, car elle va
à l'encontre même de la sécurité routière.
« Tous à la même vitesse, et il n'y aura plus d'accident. » Il suffirait d'y
croire pour le faire, d'autant plus que cela est techniquement tout à fait
réalisable.
Mais ce serait justement, je crois, la garantie d'un accroissement de
l'insécurité routière. Car le secret de la sécurité routière - et les
spécialistes sont unanimes sur ce point -, c'est un état permanent de vigilance
afin d'adapter sa conduite aux conditions de circulation.
Il s'agit donc bel et bien d'une logique de responsabilité individuelle.
La responsabilité classique de l'automobiliste, c'est le bonus à l'assurance.
Et, dans cette logique, il est grand temps de développer une notion de
responsabilité par rapport à l'accident.
Il faut, en effet, en finir avec cet exemple caricatural, mais bien réel, de
l'automobiliste qui, après cinquante ans de conduite sans accident, s'est vu
décerner les palmes de la sécurité routière pour être, quelques mois après,
traduit comme un délinquant devant un tribunal pour un banal excès de
vitesse.
Aussi, monsieur le ministre, pourquoi ne pas réfléchir à la constitution d'un
fichier national des automobilistes ayant causé un accident - dont la gravité
serait à apprécier - et sur lesquels serait concentré un effort particulier de
sensibilisation et de formation ?
C'est au prix de la responsabilisation de tous, je ne trouve pas d'autres
mots, que le défi de la sécurité routière sera relevé. Je suis convaincu qu'une
répression toujours plus draconienne et toujours plus aveugle ne résoudra
rien.
Il est tout aussi évident qu'un effort particulier doit être fait concernant
les infrastructures, leur mise en sécurité - je pense en particulier à
l'extension du réseau autoroutier - et l'adaptation de la signalisation,
notamment l'implantation des panneaux indicateurs de vitesse qui rend trop
fréquemment la répression aisée, mais difficilement compréhensible, et qui
transforme trop souvent la route en véritable piège. En tout cas, c'est ainsi
que le ressent l'automobiliste.
Il est enfin un autre aspect essentiel de votre projet de loi, monsieur le
ministre, qui constitue une véritable lacune.
Il s'agit de la disposition contenue à l'article 7 par laquelle est institué
un dépistage des produits stupéfiants, mais uniquement en cas d'accident
mortel.
Or, selon certaines statistiques, 10 % des conducteurs impliqués chaque année
dans les accidents de la circulation sont sous l'emprise de produits
psychotropes.
Dès lors, sauf à être une occasion manquée, votre texte doit clairement
afficher la volonté d'engager efficacement la lutte contre la conduite sous
l'emprise de stupéfiants, en rendant le dépistage systématique quelle que soit
la nature de l'accident. N'attendons pas que l'accident soit mortel. Sinon, mes
chers collègues, avec ce texte, mieux vaudra dans l'avenir être drogué au
volant que récidiviste de la grande vitesse.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, si nous partageons l'objectif de
votre texte, il est indispensable d'en améliorer les dispositions sur la base
des propositions de la commission, mais aussi au-delà afin de dépasser les
seuls effets d'annonce et d'ouvrir enfin une grande réflexion sur la sécurité
routière en partenariat avec tous les professionnels et spécialistes concernés,
démarche qui, je le crois, aurait dû présider à l'élaboration de ce texte.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
D'emblée, je tiens à souligner l'opportunité de votre projet de loi, monsieur
le ministre. Il arrive « à point », si j'ose dire.
En effet, vous nous le présentez au moment où le Parlement européen vient
d'adopter - c'était le 10 mars dernier - le rapport de M. Cornelissen sur la
promotion de la sécurité routière et au lendemain du sondage IFOP de février
qui révèle que la lutte contre l'insécurité routière répond aux préoccupations
quotidiennes des Français et que les mesures que vous envisagez de prendre
correspondent à leur attente.
Monsieur le ministre, vous avez donc eu raison de nous soumettre ce texte. La
sécurité routière nous interpelle tous. C'est un bien collectif qui nous
concerne tous dans la vie de tous les jours.
Chaque année, en Europe, 50 000 personnes sont tuées et 150 000 autres sont
handicapées à vie à la suite d'un accident de la route.
Avec 8 000 morts par an sur les routes, 100 personnes grièvement blessées dans
un accident de la circulation par jour, la France se situe au bas de la liste
des pays européens en matière de sécurité routière. Il faut le dire à l'opinion
publique, et mes collègues ne manqueront pas d'y revenir.
Le bilan est particulièrement lourd pour les jeunes de quinze à vingt-quatre
ans avec 2 061 tués en 1997, soit une augmentation de 1,7 %. La route reste la
première cause de mortalité des jeunes. Les utilisateurs de deux-roues paient
un lourd tribut. L'an dernier, 329 cyclistes ont été tués, soit une hausse de
9,7 %, et 831 motards ont trouvé la mort, soit une augmentation de 12,1 %. Face
à un bilan aussi lourd en vies humaines, il était temps, avouons-le, que la
France s'aligne sur ses partenaires européens. Le Parlement européen souhaite,
à juste titre, que tous les Etats membres prennent des dispositions radicales
afin de réduire le nombre d'accidents, adoptent leurs propres programmes de
sécurité routière, et que l'Union européenne établisse un objectif chiffré en
termes de réduction du nombre annuel de décès.
Monsieur le ministre, votre projet de loi non seulement constitue une
nécessité, mais s'insère parfaitement dans les perspectives du programme
d'action 1997-2001 pour la sécurité routière adopté par la Commission
européenne depuis avril 1997 et réaffirmé le mois dernier. Il est impératif de
prendre d'urgence des mesures visant à réduire de manière drastique le nombre
annuel des accidents de la route. Tout ce qui peut améliorer la sécurité
routière et favoriser une mobilisation accrue de tous les efforts ne peut que
recevoir l'assentiment du législateur.
L'objectif que vous vous fixez de réduire de moitié le nombre de tués sur les
routes d'ici à cinq ans est d'autant plus ambitieux et louable qu'il constitue
la ligne directrice d'un plan d'action global de lutte contre l'insécurité
routière.
Il va effectivement de soi que ce projet de loi ne peut qu'être une infime
composante de la politique générale menée par le Gouvernement en matière de
transports, d'aménagement du territoire, d'éducation et de santé. Dans le cadre
de cette approche intégrée, il ne doit représenter qu'une simple étape, qu'un
premier pas dans le processus d'amélioration de la sécurité routière.
Toute politique de sécurité routière digne de ce nom passe non seulement par
l'éducation, la formation, l'information, la sensibilisation, mais aussi par un
contrôle efficace et des sanctions. Telle est la philosophie dont s'inspire le
présent projet de loi.
Néanmoins, la politique du Gouvernement en ce domaine ne saurait se résumer à
son seul contenu. Nous devons le replacer dans la cohérence d'une stratégie
d'ensemble qui vise à développer et à rééquilibrer les modes de transport, à
les moderniser et à veiller à la sécurité des infrastructures, en y impliquant
tous les partenaires et acteurs de le « société civile ». C'est bien dans les
perspectives du comité interministériel de sécurité routière du 26 novembre
1997 que s'inscrit le projet de loi que nous examinons.
De toute évidence, la lutte contre l'insécurité routière fait appel à des
responsabilités partagées. Les collectivités locales - communes, groupements de
communes ou conseils généraux - assurent la gestion de la voirie et s'associent
à l'Etat pour mener des actions d'éducation, de formation et de communication
dans le cadre des plans départementaux d'actions de sécurité routière.
Mais cette tâche n'incombe pas aux seules autorités. Rendre la route plus
sûre, réduire le risque d'accident, former à la conduite et responsabiliser les
conducteurs relèvent de la société tout entière.
L'acquisition du permis de conduire s'effectue généralement, à notre époque,
vers l'âge de dix-huit ans, et ce permis de conduire reste valable toute une
vie. Cependant, ce n'est pas un acquis. Le retrait de points en cas
d'infraction contribue à fragiliser le permis. C'est pourquoi il importe de
prévoir un volet préventif et pédagogique si l'on souhaite modifier les
attitudes et les comportements dangereux des usagers des routes.
Prévention des accidents et répression des comportements générateurs
d'insécurité sur la route ne peuvent pas être envisagées séparément. Il faut,
certes, sanctionner les infractions au code de la route, mais il faut surtout
favoriser l'éducation à la sécurité routière dès la plus tendre enfance,
assurer une formation continue de la conduite par des campagnes de
communication et d'information bien ciblées, et responsabiliser les
conducteurs.
Les usagers de la route doivent savoir qu'ils risquent de se faire prendre
s'ils commettent une infraction. Ils doivent être conscients des dangers que
comporte la conduite d'un véhicule. Rappelons que les premières cause
d'accidents mortels dont sont victimes en priorité les jeunes de quinze à
vingt-quatre ans sont liées à l'inaptitude à la conduite, au goût du risque et
au manque d'anticipation et d'appréciation des dangers auxquels ils
s'exposent.
D'où la nécessité de la formation et des contrôles pour influencer le
comportement au volant.
D'où l'intérêt de la législation que vous nous proposez, monsieur le ministre.
D'une part, son objet correspond à une exigence globale de l'opinion ; d'autre
part, il est considéré par les professionnels du secteur auto-école comme un
instrument déterminant pour une meilleure formation des conducteurs.
Ce texte fixe, en effet, un début de cadre à l'exercice d'une profession qui,
curieusement, n'est régi par aucun statut juridique alors qu'elle compte
environ 14 000 établissements d'enseignement de la conduite qui dispensent à
titre onéreux une formation à plus d'un million de candidats au permis de
conduire chaque année. Ici encore, les dispositions envisagées constituent une
amorce de réponse aux aspirations des acteurs du secteur auto-école.
Je reviendrai ultérieurement sur ce point car certains partenaires semblent
d'office exclus.
Dans ce contexte consensuel, comment ne pas approuver votre démarche ?
Un projet de loi, dont l'objectif consiste à protéger par une réglementation
plus contraignante, à réduire l'exposition au risque et à améliorer les
compétences ne peut qu'obtenir notre assentiment. Toutefois, ses cinq
dispositions principales - stage de sensibilisation, principe du
propriétaire-payeur, assainissement et moralisation de la profession, création
d'un délit de récidive, dépistage de l'usage de drogues illicites - suscitent
quelques interrogations.
Mes remarques et les questions qui les accompagnent s'articulent autour de
trois grands axes.
Concernant la responsabilisation des usagers de la route, monsieur le
ministre, vous vous préoccupez en priorité des jeunes. Votre volonté
d'éradiquer le sur-risque des conducteurs novices et d'éviter la récidive ne
peut que nous réjouir.
En effet, les conducteurs novices sont considérés comme plus « accidentogènes
» que les autres eu égard à leur inexpérience. Chacun sait que les 10 000 à 20
000 premiers kilomètres constituent pour les débutants une phase critique.
Aussi est-il impératif d'aider le jeune conducteur pendant la période critique
de la pratique initiale de la conduite.
De la même façon, n'est-il pas incohérent de les laisser conduire n'importe
quelle cylindrée ? Ne serait-il pas souhaitable de mieux adapter les véhicules
à leurs utilisateurs et surtout de se prémunir contre le sur-risque - risque
multiplié par 3,5 - des jeunes conduisant les véhicules dits « à caractère
sportif » ? Je déposerai un amendement en ce sens.
Au regard de ces paramètres, l'article 1er du présent projet de loi instaure
un stage obligatoire pour les conducteurs novices commettant une infraction
grave dans les deux premières années de conduite, infraction sanctionnée par un
retrait d'au moins quatre points du permis. Ce stage de deux jours, à la charge
de l'intéressé, est identique à celui qui a été institué par la loi de 1989 sur
le permis à points pour récupérer ces derniers.
Cette formation complémentaire est, sans doute, de nature à susciter un
infléchissement de comportement, mais cette sanction aux frais de l'auteur de
l'infraction ne risque-t-elle pas de pénaliser davantage les jeunes d'origine
sociale modeste ? De surcroît, si, comme le propose la commission des lois, on
renforce le dispositif en prenant en compte le retrait cumulé de quatre points,
on uniformise les infractions. L'accumulation de petites infractions entraînera
donc la même sanction qu'une infraction dont la gravité n'est pas comparable.
Cet assimilation me paraît excessive.
Autre sujet de controverse, s'agissant toujours de la responsabilisation des
individus : l'extension du principe du « propriétaire-payeur » prévu à
l'article 4. Déjà en vigueur pour les infractions de stationnement depuis la
loi du 3 janvier 1972, il concernerait les franchissements de stops, de feux
rouges, et les excès de vitesse constatés par les appareils automatiques.
Même si le véhicule n'est pas intercepté, même si le titulaire de la carte
grise n'était pas au volant, il devra payer l'amende. N'est-ce pas contraire au
principe de l'individualité des peines inscrit dans notre droit pénal ? Nul
n'est responsable que de son propre fait. Certes, il ne s'agit que d'une
responsabilité pécuniaire qui risque de dissuader beaucoup de conducteurs de
prêter leur véhicule. Mais peut-on instituer une présomption de responsabilité
du propriétaire du véhicule ?
J'en viens aux dispositions de la section 2 du projet de loi relative à
l'enseignement de la conduite. Elle visent à assainir et à moraliser une
profession qui, sur le plan réglementaire, est principalement régie par les
articles R. 244 et R. 247 du code de la route, précisés par un arrêté et une
circulaire ministériels du 5 mars 1991.
Ce texte tend à instaurer des règles d'organisation d'un secteur, à vrai dire
complètement désorganisé. Il lui confère donc un cadre juridique, renforce les
conditions d'accès et d'exercice de la profession et accroît les contrôles.
Il est tout à fait indispensable de prendre des mesures de nature législative
pour réguler cette profession. De trop nombreuses pratiques répréhensibles en
matière de gestion d'entreprise et du personnel, l'existence d'affaires
d'escroquerie ou de corruption l'exigeaient pour garantir la qualité des
prestations.
Par ailleurs, la protection des intérêts des candidats à l'examen du permis
est assurée par la signature entre les auto-écoles et leurs clients d'un
contrat écrit dont les clauses devront respecter les règles fixées par décret
en Conseil d'Etat. Il est, en effet, nécessaire de clarifier les rapports entre
les établissements et les candidats. Nous ne pouvons qu'être favorables à
l'introduction de cette importante garantie qui évitera notamment d'éventuelles
mauvaises surprises financières au candidat à la fin de son stage.
Nous ne pouvons qu'approuver les dispositions permettant de s'assurer d'un
niveau maximum de bonne moralité, de compétences techniques et pédagogiques des
acteurs de la sécurité routière.
S'il s'avère indispensable de fixer un cadre à l'exercice de la profession
d'enseignant de la conduite, il semble également important de définir, par voie
réglementaire, une durée minimale de la pratique de la conduite. Nous avons
affaire à une formation particulièrement courte par rapport aux autres systèmes
de formation en général.
Hormis les conditions de diplômes, il conviendrait d'exiger une expérience de
la conduite ne pouvant être inférieure à trois ans pour devenir moniteur. Or ce
texte n'aborde pas la formation des moniteurs et n'apporte aucune précision sur
les inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière dont le
recyclage et la formation pourraient être envisagés.
Par ailleurs, ce projet de loi ne prend pas en considération les auto-écoles
associatives. Une centaine d'associations oeuvrent en matière de sécurité
routière, à titre principal ou accessoire. Nombreuses sont celles qui utilisent
l'apprentissage de la conduite comme élément d'insertion sociale ou
professionnelle. Elles dispensent un enseignement de la conduite mieux adapté
aux particularités de leurs candidats. Il s'agit en général de jeunes en
situation d'échec, pour qui l'obtention du permis de conduire est une
possibilité de reconnaissance sociale. C'est parfois le premier diplôme obtenu,
le premier élément de remobilisation vers un processus de formation.
Nées d'un constat de carence dans la capacité des circuits commerciaux à
prendre en charge des publics spécifiques, les auto-écoles associatives
participent à la lutte contre l'insécurité routière chez les jeunes de seize à
vingt-cinq ans et développent des actions de préparation au permis, comme
vecteur privilégié d'insertion professionnelle. Qu'envisagez-vous, monsieur le
ministre, à leur sujet ?
Eu égard à l'utilité sociale de ce secteur, confirmée au fil des années, je
déposerai un amendement allant dans le sens de la connaissance des compétences
de ces auto-écoles en matière de lutte contre l'insécurité routière.
Rappelons que naguère un certain nombre de jeunes étaient formés à la conduite
automobile lors de leur service militaire. Ceux qui auraient pu être dans ce
cas se trouveront donc pénalisés dorénavant. Aussi je pense que les
autos-écoles associatives auraient tout lieu d'augmenter le nombre de leurs
prestations.
J'insisterai enfin sur deux dispositions importantes du projet de loi touchant
à la répression et au renforcement des contrôles.
Je commencerai par le délit de récidive.
L'article 5 du présent texte crée un délit en cas de récidive d'un grand excès
de vitesse - dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à
50 kilomètres à l'heure. Ce délit sera passible d'une amende de 50 000 francs
et d'une peine de six mois de prison.
Cette disposition se justifie car l'excès de vitesse est un facteur très
aggravant du risque de provoquer des accidents de la route : 80 % des usagers
de la route estiment qu'une lutte plus rigoureuse contre les grands excès de
vitesse permettrait de réduire le nombre et la gravité des accidents de façon
importante.
En ce sens, le renforcement de la répression sera accueilli favorablement par
l'opinion, qui juge très sévèremen les comportements irresponsables des
chauffards.
Je regrette, en revanche, que la répression pénale soit la seule solution. N'y
aurait-il pas d'autres solutions pour dissuader les récidivistes ?
Par ailleurs, les grands excès de vitesse sont désormais sanctionnés par une
contravention de cinquième classe, quel que soit le réseau considéré - 10 000
francs d'amende, retrait de quatre points du permis de conduire, suspension du
permis de trois mois. Ne faudrait-il pas commencer par réviser la
réglementation de la vitesse ? La limitation de la vitesse à 30 kilmomètres à
l'heure dans certaines zones n'est-elle pas inadaptée à la réalité de la
conduite ?
Puisque j'aborde les limites de la réglementation existante, j'en soulignerai
également les lacunes.
Nous sommes actuellement confrontés à une situation quasi anarchique dans les
villes quant à la circulation des deux-roues, des multi-roues. Non seulement
les motocyclettes, les vélos ne sont pas immatriculés, mais l'utilisation des
patins à roulettes et des rollers aussi bien sur les trottoirs que sur la voie
publique constitue un danger réel. Le développement de ces pratiques comporte
d'autant plus de risques de chocs dangereux que leurs utilisateurs ne
respectent aucune norme de circulation. Au vu des incidents et accidents qu'ils
provoquent, une réglementation adaptée s'impose. Envisagez-vous, monsieur le
ministre, d'en adopter une ? De même, dans les milieux urbains denses, ne
peut-on pas concevoir un couloir spécifique, matérialisé sur les bandes d'arrêt
d'urgence pour les motos ? J'en terminerai par le dépistage de l'absorption de
stupéfiants.
L'article 7 du projet de loi instaure un dépistage systématique de drogues
illicites en cas d'accidents mortels. Ce dépistage ne donnera pas lieu à une
sanction spécifique, mais les résultats seront communiqués au juge, qui pourra
en tenir compte.
Le dépistage systématique, les analyses et examens médicaux, chimiques et
biologiques qui en résulteront permettront de mieux connaître les effets des
stupéfiants sur la conduite. C'est dans cet état d'esprit que vous proposez
cette mesure.
Or la commission des lois, s'inspirant de la proposition de loi de M. Edouard
Le Jeune, veut rendre immédiate la portée de cette disposition en
l'assortissant d'une sanction. Encore faudrait-il préalablement définir les
substances susceptibles d'influencer le comportement sur la route, dont
l'éventail s'étend des médicaments dangereux aux drogues illégales classiques.
Encore faudrait-il, à partir de cette définition, informer les
prescripteurs-pharmaciens et médecins ainsi que les patients quant aux effets
néfastes de la consommation de certains produits sur le comportement en
situation de conduite. Ce serait d'autant plus nécessaire que la France est
l'un des plus grands consommateurs européens de tranquillisants, produits qui
affecte la conduite. Il est préférable de s'en tenir au texte gouvernemental,
qui a pour objet d'améliorer les connaissances, pour que, le moment venu, des
mesures adaptées d'interdiction et de répression spécifiques soient prises.
En conclusion, monsieur le ministre, malgré les réserves que j'ai énoncées et
les interrogations, auxquelles vous ne manquerez pas de répondre, je tiens à
vous dire que le groupe socialiste et apparentés vous apporte son soutien. Ce
texte, qui répond incontestablement à une attente, est globalement
satisfaisant, d'autant qu'il ne constitue, répétons-le, qu'une infime étape
dans le processus de lutte contre l'insécurité routière que vous avez engagé.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un peu
moins de 8 000 morts sur les routes en 1997, ce qui représente tout de même
vingt-deux morts par jour, la France continue d'occuper les plus mauvais rangs
européens : douzième sur quinze par rapport au nombre d'habitants et, pis
encore, quatorzième sur quinze par rapport au nombre de kilomètres
parcourus.
Sans doute peut-on éprouver une certaine satisfaction à constater l'évolution
positive enregistrée ces dernières années, qui ont vu la France passer de
manière durable sous la barre des dix mille morts par an, et cela malgré
l'augmentation du parc automobile.
Pour autant, nul ne peut se satisfaire de la situation actuelle : le nombre
annuel de morts sur la route reste, dans notre pays, près de deux fois
supérieur à la moyenne européenne ; et, à ces morts, s'ajoute un nombre
important de personnes handicapées à vie, parfois très lourdement.
Il convient d'observer en outre que les accidents de la route touchent
particulièrement les jeunes hommes, à la fois souvent auteurs et victimes des
accidents. Outre le caractère tragique d'un tel fait, il en résulte une
surmortalité masculine qui accentue de manière sensible le déséquilibre
démographique entre hommes et femmes.
Chacun est bien conscient que ces mots et ces chiffres dissimulent des vies
brisées à jamais : celles des victimes, disparues ou handicapées à vie, celles
des proches, des parents, qui doivent vivre avec ce deuil terrible,
insupportable, ou qui trouvent handicapés lourdement sur le plan physique ou
psychique un être cher qui respirait jusqu'alors la joie de vivre. Laissez-moi
avoir un instant une pensée pour ces veuves, pour ces mères qui portent à
jamais le deuil de celui qu'elles aimaient et qui a disparu.
Je suis depuis longtemps attentive à cette question. J'avais déposé en 1995
une proposition de loi tendant à créer un délit de grand excès de vitesse. Il
me semblait alors et il me semble toujours qu'il est nécessaire d'agir sur les
comportements par une répression accrue et par la création, à la forte portée
symbolique, d'un délit là où il y a simplement infraction.
C'est dire à quel point, monsieur le ministre, j'ai suivi avec intérêt
l'annonce de votre projet de loi, qui va dans le sens des préoccupations d'un
grand nombre de nos concitoyens, car l'opinion publique est heureusement en
train de changer sur cette question.
J'aurais, certes, souhaité que ce projet de loi aille plus loin, mais j'en
approuve les grandes lignes.
Oui au stage de sensibilisation des jeunes conducteurs ayant commis une
infraction grave. Encore que l'on puisse se demander s'il ne conviendrait pas
qu'il soit également rendu obligatoire pour des conducteurs non novices mais
qui peuvent être aussi dangereux.
Oui à l'inscription dans le texte de la loi des conditions requises pour être
exploitant d'une auto-école ou enseignant dans une auto-école. Il est
nécessaire d'exercer un contrôle accru sur ces entreprises très particulières,
chargées d'une formation dont nous connaissons tous l'importance. Je suis
d'ailleurs favorable à l'amendement de la commission des lois tendant à
introduire une condition d'aptitude professionnelle pour les candidats à
l'exploitation d'un établissement d'enseignement de la conduite.
L'attention des médias a été, à juste titre, focalisée sur la création du
délit de récidive de dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou
supérieur à 50 kilomètres à l'heure.
Pour être brève, je dirai sur ce point que j'aurais préféré la création d'un
délit dès le premier grand dépassement de vitesse, alors que vous proposez
simplement à cet égard, monsieur le ministre, l'institution par décret d'une
infraction de cinquième catégorie. Je ne sous-estime pas la portée de cette
mesure mais il me semble que, si l'on veut avoir un véritable impact sur
l'opinion publique et donc sur les conduites - car c'est de cela qu'il s'agit -
il faut créer un délit dès la première infraction.
Qu'on me permette de relever au passage que ces excès de vitesse, ces
conduites dangereuses sont essentiellement le fait d'hommes.
(Murmures sur certaines travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste.)
M. Hilaire Flandre.
De machos !
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Mais c'est vrai !
Mme Joëlle Dusseau.
J'en suis désolée, mais il est exact qu'il y a, dans notre pays, une manière
de conduire que l'on peut qualifier de « machiste » et que les grands excès de
vitesse sont, à 95 %, le fait d'hommes ! Chacun le sait, une grande partie des
accidents mortels sont le fait d'hommes. Il y a là un fait social qu'il faut
déplorer mais qu'on ne peut nier. Je suis sûre qu'il peut être combattu par la
promotion de ce que M. le ministre appelle très justement une « conduite
apaisée ».
En tout cas, j'ai toujours considéré que, moins dans une perspective
strictement répressive que dans le souci de frapper l'opinion publique et de
modifier les conduites au volant, il fallait créer ce délit dès la première
infraction. Nul ne s'étonnera que j'aie déposé un amendement allant dans ce
sens.
En matière de récidive, monsieur le ministre, vous proposez un délai d'un an.
Il me paraît trop court. Un délai de trois ans, qui est par ailleurs le délai
nécessaire pour récupérer les points de permis de conduire, me paraît plus
raisonnable si l'on veut que la loi ait un minimum d'efficacité.
Enfin, en ce qui concerne l'article 7, relatif en dépistage de substances ou
plantes classées comme stupéfiants en cas d'accident mortel, j'aurais souhaité
que soit également abordée la question des médicaments : calmants,
euphorisants, etc.
Notre pays détient en effet le triste record non seulement de consommation
d'alcool et mais aussi d'usage de psychotropes ; or cet usage a des
conséquences importantes en termes de perte de vigilance. J'ai lu le livre
blanc sur l'influence des drogues et des médicaments sur la sécurité routière
et je suis consciente des difficultés que soulève l'application de toute mesure
prise à cet égard, qu'il s'agisse des seuils ou de la mise en oeuvre des
analyses. Il n'empêche qu'il y a là une lacune qu'il faudra bien combler un
jour.
En tout état de cause, je propose l'apposition d'un pictogramme spécial sur
l'emballage des médicaments. Vous venez d'indiquer, monsieur le ministre, que
votre propre cheminement allait dans ce sens, et je m'en félicite.
Je propose aussi que médecins et pharmaciens informent effectivement la
personne à qui est prescrit le médicament de ses éventuelles conséquences sur
la vigilance.
Monsieur le ministre, vous l'avez certainement compris, au-delà de ces
quelques remarques, je considère que votre projet de loi représente une avancée
nécessaire. Votre préoccupation est partagée par les radicaux de gauche, au nom
desquels je m'exprime ici : ils soutiennent pleinement votre démarche et
voteront votre texte.
(Mme Maryse Bergé-Lavigne applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité
routière est l'affaire de tous. En légiférant dans un domaine qui concerne le
quotidien de chacun d'entre nous et qui est un fait de société, nous devons
impérativement mettre de côté toute considération catégorielle pour avoir
uniquement le souci de l'intérêt général.
L'annonce des dispositions contenues dans le projet loi qu'il nous revient
d'examiner aujourd'hui a donné lieu à un débat public ; ce débat fut utile,
même si l'on peut penser qu'il fut parfois excessif.
Nous devons prendre garde à ne pas isoler ce texte des autres dispositions
annoncées par le Gouvernement en matière de sécurité routière, à l'issue du
comité interministériel du 26 novembre 1997. Il faut le juger dans son
ensemble, en cohérence avec une politique globale dont l'objectif est clair et
ambitieux : réduire de moitié, dans les cinq ans à venir, le nombre de tués sur
les routes de notre pays.
C'est dans cet esprit que le groupe communiste républicain et citoyen entend
contribuer au débat.
D'aucuns fustigent le caractère répressif de votre action, monsieur le
ministre. Certes, plusieurs des mesures contenues dans votre projet de loi ont
effectivement un tel caractère, mais on ne peut ignorer l'importance d'autres
dispositions qui ont pour objet la formation, l'éducation et la prévention.
Ainsi, nous soutenons fermement les mesures visant les jeunes automobilistes,
principales victimes de la route.
N'oublions pas non plus l'augmentation sensible du budget de la sécurité
routière ainsi que celle des crédits destinés à l'entretien du patrimoine
routier, même s'il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.
Il ne s'agit pas, pour autant, d'opposer une violence d'Etat à la violence
routière, mais nous devons user de tous les moyens propres à limiter les
risques d'accident de la route, tout en garantissant la liberté de circuler.
Il me semble qu'il nous faut avant tout responsabiliser les conducteurs.
Conduire un véhicule, quelle que soit sa catégorie, n'est pas simplement un
acte individuel, isolé ; c'est un acte social fort, qui peut mettre en danger
la vie d'autrui.
On a trop longtemps considéré l'automobile comme étant exclusivement un moyen
d'évasion, de vitesse et d'épanouissement familial. Force est de constater
qu'elle peut être aussi un instrument de mort.
Dès lors, il est du devoir de tout gouvernement responsable d'intervenir et de
mettre en oeuvre les moyens dont il dispose pour assurer la sécurité de tous
les usagers de la route.
Les facteurs intervenant dans les accidents mortels sont connus : ce sont
essentiellement la vitesse et l'alcool ; c'est donc sur ces deux points qu'il
faut agir.
Cependant, notre réflexion devrait davantage porter sur l'origine de ces
fléaux. L'insécurité routière, au même titre que l'insécurité en général, est
en étroite corrélation avec les contraintes économiques et sociales qui
oppriment chaque individu. N'est-on pas en droit de penser que des conducteurs
ont l'illusion de trouver dans leur véhicule un espace de liberté et
d'indépendance qui leur fait défaut dans la société ?
Toute mesure de sécurité routière, si elle veut réussir à long terme, est
indissociable d'une politique de tranformation des mécanismes pervers de nos
sociétés. C'est le message que nous avions tous retenus lors du dernier conflit
des chauffeurs routiers.
Certes, aucun comportement criminel n'est excusable, mais il serait réducteur
de le considérer comme un fait de nature. Je suis loin d'être convaincu que les
Français sont intrinsèquement plus indisciplinés que d'autres.
Du reste, les résultats obtenus depuis vingt ans prouvent que des progrès sont
possibles et qu'il n'y a pas, en la matière, de fatalité.
J'en viens plus précisément au projet de loi. Les cinq dispositions proposées
ont le mérite d'être équilibrées, pédagogiques et dissuasives.
La formation offerte aux jeunes conducteurs auteurs d'une infraction grave
doit leur permettre, dans leur propre intérêt, d'éviter la récidive.
Généraliser cette mesure, comme le suggère la commission des lois, en
l'élargissant aux infractions moins graves, pourrait conduire à la banaliser et
à en atténuer la vertu dissuasive.
De la même façon, le dispositif visant à assainir et à mieux réglementer la
profession d'enseignant de la conduite et de la sécurité routière permettra
d'améliorer la formation des candidats au permis de conduire et de sécuriser le
consommateur. Le contrat écrit liant le candidat et l'auto-école, qui fixe les
modalités et les conditions de cet enseignement, constitue une garantie contre
les excès en ce domaine. Certaines pratiques actuellement observées ne sont pas
acceptables, et la profession elle-même en souffre.
L'égalité des citoyens devant l'enseignement de la sécurité routière est loin
d'être assurée. La nouvelle écriture du titre VII du code de la route permet de
mieux contrôler l'accès à cette profession et de mieux sanctionner les abus.
Cepedant, le durcissement des conditions d'entrée dans la profession au fil
des années, tel que le permettrait la nouvelle rédaction de l'article L. 29-7
proposée par la commission, serait de nature à introduire un
numerus
clausus
dans ce secteur et à interdire, de fait, l'installation des jeunes.
Aussi, nous invitons le Gouvernement à être vigilant sur ce point. L'équilibre
trouvé dans le texte aujourd'hui pourrait s'en trouver menacé à l'avenir
puisqu'un simple décret suffirait à rétablir un système d'autocontrôle avec les
conséquences que l'on peut imaginer.
La troisième mesure concerne la responsabilité pécuniaire du propriétaire de
véhicule. Les inconvénients du principe « propriétaire-payeur » sont, selon
nous, réduits au regard des avantages attendus : améliorer l'efficacité et la
sécurité des contrôles et assurer l'égalité des conducteurs devant la sanction.
Nous le savons tous, une règle est mieux respectée lorsque la sanction
s'applique à tous de la même façon.
S'agissant, ensuite, du délit de récidive de « grand excès de vitesse », notre
position est claire : tout conducteur ayant dépassé la vitesse maximale
autorisée de plus de 50 kilomètres à l'heure doit être mis devant ses propres
responsabilités envers la société.
Non seulement cette disposition permettra de maîtriser l'infime minorité de
personnes qui menacent la sécurité des usagers, mais, de surcroît, grâce à
l'impact psychologique qu'elle a déjà créé dans l'opinion, elle conduira à une
prise de conscience générale sur le niveau trop élevé des vitesses moyennes
pratiquées sur tous les réseaux, sans exception. Cela est dissuasif pour les
conducteurs qui seront concernés et pédagogique pour tous les autres.
Ainsi, ce processus en deux étapes - contravention de cinquième classe, puis
peine délictuelle en cas de récidive - nous dote d'un dispositif incitatif,
pédagogique et répressif seulement à la marge.
Enfin, la volonté du Gouvernement de s'attaquer au tabou de l'effet de la
drogue sur la conduite doit être saluée. La rédaction proposée devra cependant
être améliorée afin de ne pas porter atteinte aux libertés individuelles.
A ce titre, notre groupe émet un avis défavorable sur l'amendement n° 18
proposé par M. le rapporteur, au nom de la commission des lois. Cet amendement
tend à introduire une règle uniforme et exclusivement sécuritaire, alors que
les connaissances scientifiques sur l'influence des drogues illicites sont,
pour le moins, imprécises ; tout le monde le reconnaît.
Nous pensons, quant à nous, que cette question mérite un autre débat, qui
relève avant toute chose de la santé publique. L'aborder ainsi sous l'angle
sécuritaire et répressif contribue, d'une part, à détourner le sujet de la
sécurité routière de ses véritables enjeux et, d'autre part, à caricaturer le
débat nécessaire autour de la législation de la drogue.
Je terminerai mon propos en faisant quelques observations à M. le ministre.
Le groupe communiste républicain et citoyen souhaite vivement que
l'infléchissement budgétaire opéré lors de la loi de finances pour 1998 soit
confirmé et amplifié pour 1999. Je pense ici à des efforts supplémentaires en
faveur de l'entretien des routes et de la qualité de nos infrastructures. Nous
saluons, à cet égard, la relance du programme de suppression et d'aménagement
des passages à niveau.
Par ailleurs, afin de limiter les facteurs de risques liés à la circulation de
grands transports routiers, nous devons aider davantage au développement des
transports collectifs, qu'ils soient urbains ou interurbains, et promouvoir
l'utilisation des chemins de fer et des voies navigables dans le transport des
marchandises.
Enfin, nous vous proposons, monsieur le ministre, que soit conduite une
réflexion sur deux pistes jusqu'ici délaissées, semble-t-il.
La première d'entre elles concerne le bridage des moteurs. Nous ne
méconnaissons pas l'existence d'un débat sur cette question. Il me paraît
possible, aujourd'hui, de dépasser l'hostilité des constructeurs automobiles.
Nous aimerions connaître, monsieur le ministre, l'état de votre réflexion sur
ce point.
La seconde piste a trait aux prix parfois trop élevés des accessoires de
sécurité.
Par exemple, baisser le taux de TVA sur certains produits essentiels pour la
protection des victimes - je pense en particulier au casque pour les motards -
...
Mme Hélène Luc.
Ce serait une bonne chose !
M. Pierre Lefebvre
... contribuerait, sans pour autant creuser les déficits publics outre mesure,
à sauver des vies humaines, notamment parmi les motocyclistes.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera ce texte dans l'espoir que
l'équilibre trouvé par son rédacteur ne soit pas mis à mal par la majorité
sénatoriale.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons
écouté avec attention l'excellent rapport présenté par Lucien Lanier, au nom de
la commission des lois. M. le rapporteur et les différents orateurs l'ont
souligné avant moi : la sécurité routière est, bien entendu, l'affaire de tous,
qu'il s'agisse de la vie privée ou de la vie publique.
Nous devons constater que, depuis vingt-cinq ans, une politique coordonnée,
cohérente, permanente a été menée par tous les gouvernements successifs en
matière de sécurité routière. Ce texte n'est donc, monsieur le ministre, qu'un
maillon d'une longue chaîne sécuritaire que nous cherchons en permanence à
renforcer, afin de diminuer le nombre des accidents.
Je dresserai trois constats.
Le premier constat est que nous vivons dans une société de plus en plus
motorisée, et nous n'y pouvons rien. Le taux d'équipement des ménages s'accroît
en permanence. On compte au moins 25 millions de véhicules - parfois deux à
trois par famille - et 86 % des Français déclarent ne plus pouvoir se passer de
leur véhicule.
Le trafic augmente sous l'effet de nombreux phénomènes, tels les déplacements
entre le domicile et le lieu de travail - 63 % des Français utilisent leur
véhicule pour se rendre à leur travail - et l'accroissement des déplacements de
loisirs, qui sont de plus en plus fractionnés, donc de plus en plus fréquents.
Et la loi sur les 35 heures ne fera qu'accroître ce phénomène !
En outre, les modes de production et de commercialisation de nos entreprises
se transforment. Les entreprises travaillent de plus en plus à flux tendus, en
limitant leurs stocks. La circulation des produits accroît d'autant
letrafic.
N'oublions pas que la France - vous devez le savoir, monsieur le ministre ! -
est la plaque tournante routière et autoroutière de l'Europe.
Le trafic entre le Benelux et la presqu'île ibérique, par exemple, s'est accru
de 87 % en cinq ans. De 1989 à 1995, le nombre des véhicules qui transitent par
la France a augmenté, en moyenne, de 60 % et l'ouverture de l'Europe ne fera
qu'accroître ce phénomène !
De 1972 à 1980, pendant la crise pétrolière, le trafic a augmenté de 26 %. De
1980 à 1996, il s'est accru de 44 % et, actuellement, il progresse de 1 à 3 %
par an. Bref, on constate une augmentation constante du trafic !
Le deuxième constat concerne l'amélioration de la sécurité sur nos routes.
En 1972, époque à laquelle j'étais conseiller auprès de l'un de vos
prédécesseurs, M. Olivier Guichard, on comptait seize mille morts par an. On en
dénombre aujourd'hui huit mille, soit deux fois moins. Mais c'est encore trop,
chacun le reconnaît.
Cette amélioration de la sécurité routière n'est pas le fruit du hasard. Elle
est due, je le répète, à la politique cohérente, coordonnée qui a été conduite
en la matière sur le long terme.
Tout d'abord, des lois de plus en plus complexes et sévères ont été élaborées.
N'oublions pas que nous avons instauré le port de la ceinture de sécurité
obligatoire, la limitation de vitesse et le permis à points. Toutes ces mesures
se sont ajoutées au fil des années.
Ensuite, la sécurité des véhicules s'est améliorée. Le progrès technique est
considérable en matière de tenue de route, de freinage, de conception même des
véhicules. Le contrôle technique est maintenant obligatoire.
Enfin, les infrastructures routières sont meilleures. Nous avons tous vu se
multiplier dans nos campagnes les sens giratoires, qui sont des éléments de
sécurité. Dans mon département - mais vous pouvez dresser le même constat dans
les vôtres, mes chers collègues - un sens giratoire remplaçant une
intersection, parfois frontale, a pu améliorer la sécurité jusqu'à un
coefficient de seize.
Nous avons assisté également à des déviations d'agglomération. Il est vrai que
c'est en agglomération que se produit une grande partie des accidents.
La décentralisation qui est intervenue dans le milieu des années soixante-dix
- soixante-dix mille kilomètres de routes nationales ont alors été transférées
aux départements - a permis aux départements de procéder à des investissements
massifs.
J'ai entendu un orateur soutenir que nos routes départementales étaient
peut-être trop bonnes. Je ne le crois pas, tant il est vrai que les
infrastructures routières de qualité sont des éléments de sécurité.
Les régions interviennent également de façon importante dans les contrats de
plan Etat-région, ainsi que dans les liaisons interdépartementales.
Enfin, la France a mis au point, de façon peut-être tardive mais avec beaucoup
d'efficacité, un système autoroutier qui nous place encore au neuvième rang en
Europe. C'est un système récent, géré de manière efficace par des
concessionnaires. N'oublions pas que, lorsqu'il a été lancé, dans le milieu des
années soixante-dix, ce sont jusqu'à 500 kilomètres d'autoroutes qui ont été
mis en oeuvre. Cette année, on devrait compter 300 kilomètres d'autoroutes
supplémentaires, mais je crains que l'avenir ne soit pas aussi rose.
Quoi qu'il en soit, cette politique autoroutière a été le fruit d'actions
engagées sous la présidence de Georges Pompidou, développées sous celle de M.
Giscard d'Estaing, puis accentuées sous le gouvernement de M. Jacques Chirac.
Mais c'est surtout la réforme d'Edouard Balladur qui, dans les années
1993-1994, a accéléré le processus, avec le regroupement des sociétés
d'autoroutes et la conduite d'une nouvelle politique de péage permettant une
meilleure péréquation entre les sections rentables et les sections non
rentables.
Bref, si l'on constate que le trafic a été multiplié par deux et que, dans le
même temps, le nombre de morts a été divisé par deux, on peut en déduire
logiquement que le coefficient de sécurité sur nos routes a été multiplié par
quatre.
J'en arrive au troisième constat. Malgré tous ces progrès, les insuffisances
sont flagrantes et ce projet de loi vient apporter sa pierre à l'édifice.
Certes le nombre de morts sur nos routes est toujours trop important et le
comportement des automobilistes est souvent en cause. Mais des questions
peuvent se poser. La loi est-elle toujours appliquée ? Est-il nécessaire
d'élaborer de nouvelles lois si l'on n'applique pas de façon efficace celles
qui sont en vigueur ? En zone urbaine, notamment, ne constate-t-on pas en
permanence des feux rouges grillés, des stops non respectés, des stationnements
irréguliers ?
Par ailleurs, comment appliquer la loi si des véhicules à moteur ne peuvent
pas être repérés parce qu'ils ne sont pas immatriculés ? Ne conviendrait-il pas
d'envisager une immatriculation systématique de tous les véhicules à moteur
?
L'autre problème concerne les jeunes. Tous les orateurs l'ont souligné : 25 %
des morts sont des jeunes, alors que ceux-ci ne représentent que 14 % de la
population. Les morts du samedi soir sont une tragédie permanente dans notre
société.
Les deux-roues constituent également un danger certain. Un orateur précédent a
cité les chiffres : plus de 800 motards et 300 cyclistes décédés par an. C'est
beaucoup trop !
A cet égard, une question se pose, monsieur le ministre. Le permis de conduire
« voiture » actuel n'est pas adapté à tous les types de véhicules. Or il permet
au jeune qui l'a obtenu de conduire une motocyclette de 125 centimètres cubes
de cylindrée. Est-ce raisonnable ?
En tout cas, le projet de loi apporte des réponses à au moins deux problèmes :
il prévoit le dépistage des drogues, après celui de l'alcool - je crois que
c'était nécessaire - et il vise à remédier aux insuffisances de la
formation.
Peut-être pouvons-nous également, à l'instar d'un orateur précédent, nous
interroger sur les problèmes de l'harmonisation des dispositifs de sécurité en
Europe.
Comme l'a dit M. le rapporteur, ce projet de loi apporte des améliorations au
dispositif actuel. Mais, monsieur le ministre, vous pensez bien que je ne vais
pas m'en tenir à ce constat de satisfaction. Je crois, en effet, que votre
politique est néanmoins critiquable. Ainsi, il aurait fallu, au moins sur un
point, conduire une politique cohérente d'infrastructure routière et
autoroutière. Or tel n'a pas été le cas.
Je voudrais insister sur le problème autoroutier car l'autoroute est la voie
routière de l'avenir, c'est la voie à grand trafic, c'est la voie de grande
sécurité et c'est également la voie de l'aménagement du territoire.
D'abord, une autoroute est cinq fois plus sûre qu'une route nationale. Sur nos
autoroutes, il y a 429 morts sur les quelque 8 000 qui sont dénombrés sur
l'ensemble du réseau. Cela signifie que ce réseau autoroutier, qui draine plus
de 20 % du trafic, engendre à peine plus de 5 % des morts.
Ensuite, l'autoroute incite moins au dépassement de la vitesse. Comme l'a
précisé M. le rapporteur - vous avez sûrement retenu les chiffres qu'il a
cités, monsieur le ministre - un conducteur sur trois dépasse la vitesse
autorisée sur autoroute, contre un sur deux sur les voies nationales ou en
agglomération et trois sur cinq sur les routes départementales. Cela signifie
que l'autoroute, par sa conception, génère un comportement plus sécuritaire.
Enfin, l'autoroute permet de canaliser le trafic poids lourds, qui est
particulièrement dangereux sur nos routes nationales et dans la traversée de
nos petites agglomérations.
L'autoroute est donc un facteur de sécurité. Or, vous avez, monsieur le
ministre, une politique autoroutière critiquable sous l'angle de son
développement économique, je vous l'ai déjà dit, mais, surtout, au regard de la
sécurité routière.
Je souhaite vous donner lecture de la liste de toutes les sections d'autoroute
qui ont été remises en cause ou gelées depuis que le Gouvernement auquel vous
appartenez a pris ses fonctions. Cela représente près de 1 500 kilomètres.
Il s'agit, d'abord, d'autoroutes retirées des conventions avec les sociétés
d'autoroutes : l'autoroute A 28 entre Alençon et Rouen, 120 kilomètres ;
l'autoroute A 51 entre le col du Fau et la Saulce, 70 kilomètres ;...
M. Louis Moinard.
Eh oui !
M. Jacques Oudin.
... l'autoroute A 749 contournant Valence par l'Est, 30 kilomètres ;
l'autoroute A 86 entre Versailles et Rueil-Malmaison, 12 kilomètres ;
l'autoroute A 89 entre Lyon et Balbigny, 60 kilomètres.
Il s'agit, ensuite, d'autres autoroutes menacées ou différées, par divers
procédés, mais la menace existe.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
La A 86 !
M. Jacques Oudin.
Je citerai tout d'abord celles qui étaient inscrites au schéma directeur :
l'autoroute A 103 entre Noisy-le-Grand et Rosny-sous-Bois, 20 kilomètres
;...
M. Jacques Mahéas.
Heureusement ! C'est une décision intelligente !
M. Jacques Oudin.
... l'autoroute A 150 entre Barentin et Yvetot, 15 kilomètres ; l'autoroute A
16 entre l'Isle-Adam et La Courneuve, 25 kilomètres ;...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Vous n'en voulez
pas !
M. Jacques Oudin.
... l'autoroute A 19 entre Artenay et Courtenay, 100 kilomètres ; l'autoroute
A 24 entre Amiens et Lille, 100 kilomètres ; l'autoroute A 26 entre Auxerre et
Troyes, 60 kilomètres ; l'autoroute A 31
bis
entre Nancy et Metz, 50
kilomètres ;...
M. Jacques Mahéas.
Ce sont les élus du RPR qui n'en veulent pas !
M. Jacques Oudin.
... l'autoroute A 400 entre Annemasse et Thonon, 40 kilomètres ; l'autoroute A
45 entre Lyon et Saint-Etienne, 50 kilomètres ; l'autoroute A 48 entre Ambérieu
et Bourgoin, 50 kilomètres ;...
M. Jacques Mahéas.
Il veut des autoroutes en milieu urbain !
Mme Joëlle Dusseau.
C'est clair : les autoroutes dans les villes sont bonnes pour la sécurité !
M. Jacques Oudin.
Ces citations vous gêneraient-elles ?
Mme Joëlle Dusseau.
Nullement ! Vous êtes hors sujet !
M. Jacques Oudin.
Compte tenu de ce que j'ai dit tout à l'heure, madame Dusseau, un kilomètre
d'autoroute en moins, c'est souvent un mort en plus ! Il faut le dire !
Mme Joëlle Dusseau.
Dans ce cas, faites des autoroutes sur toutes les départementales !
M. Jacques Oudin.
Comme il n'y a jamais eu de débat sur le secteur autoroutier dans cet
hémicycle, je poursuis mon énumération : l'autoroute A 510 entre Cadarache et
Saint-Maximin, 30 kilomètres ; l'autoroute A 58 - doublement de l'A 8 - 100
kilomètres ; l'autoroute A 585 entre Digne et l'A 51, 25 kilomètres ;
l'autoroute A 63 - doublement de la RN 10, la route la plus meurtrière de
France - 90 kilomètres ; l'autoroute A 640 entre Pau et Oloron, 30 kilomètres ;
l'autoroute A 88 entre Falaise et Sées, 50 kilomètres.
Viennent ensuite les autoroutes envisagées, dont les études avaient commencé
et pour lesquelles la concertation avait débuté : l'A 65 entre Bordeaux et Pau,
150 kilomètres ; l'autoroute A 831 entre Fontenay-le-Comte et Rochefort, 60
kilomètres.
Mme Joëlle Dusseau.
Je ne savais pas que M. le ministre avait une telle responsabilité !
M. Jacques Oudin.
... l'autoroute entre Poitiers et Limoges, 100 kilomètres ; l'autoroute entre
Langres et Montbéliard, 140 kilomètres ; enfin, l'autoroute entre Tarbes et
Lourdes, 20 kilomètres.
Mme Joëlle Dusseau.
C'est fini ? Vous avez dû en oublier, monsieur Oudin !
M. Jacques Oudin.
Je le répète : cela représente quelque 1 500 kilomètres.
Aussi, les regrets que vous avez exprimés s'agissant du nombre de tués doivent
être encore plus grands compte tenu de l'énumération à laquelle je viens de
procéder, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Ce n'est pas
raisonnable !
Mme Joëlle Dusseau.
C'est n'importe quoi !
M. Jacques Oudin.
Ce bilan est catastrophique, monsieur le ministre. Il risque de s'alourdir si
vous persistez dans vos décisions.
Mme Joëlle Dusseau.
Cela ne relève pas le niveau du débat !
M. Jacques Oudin.
En outre, aucun orateur ne l'a encore dit jusqu'à présent, vous avez réduit
les crédits de la sécurité routière dans votre budget pour cette année. Vous
n'êtes pas en mesure d'honorer les engagements de l'Etat au titre des contrats
Etat-région ; ces engagements seront différés d'un an.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Ce n'est pas
possible !
M. Jacques Oudin.
Comme je l'ai dit, tout ce qui ira à l'encontre du développement du secteur
autoroutier aura un effet négatif sur la sécurité routière, donc sur le nombre
de victimes de la route.
Mme Joëlle Dusseau.
Quelle honte !
M. Jacques Oudin.
Au regard de l'histoire, votre responsabilité sera lourde, monsieur le
ministre. Vous serez, je crois, jugé à la fois responsable et coupable.
Mme Joëlle Dusseau.
Oh là là ! Tout de même !
M. Jacques Oudin.
Compte tenu des enjeux, ce projet de loi est certes utile, comme l'a dit M. le
rapporteur, mais votre politique routière et autoroutière aura, au regard de la
sécurité routière, des effets autrement négatifs.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de la loi du
30 mai 1851 sur la police du roulage et des messageries publiques jusqu'au code
de la route actuellement en vigueur, la réglementation a certainement perdu en
efficacité. On est passé de 35 articles à sept volumes. Notre code de la route
compte aujourd'hui 42 articles de loi et plus de 300 articles issus de décrets
en Conseil d'Etat. En outre, ces dispositions doivent, pour la plupart, être
rapprochées de celles qui sont contenues dans le code pénal, le code de
procédure pénale, le code civil et le code des assurances. Autrement dit, il
est quasiment impossible de s'y retrouver dans ce maquis législatif et
réglementaire de plus de 900 pages. Nous attendons, avec une impatience non
dissimulée, la publication des travaux de la commission supérieure de
codification, qui doit mettre un peu d'ordre dans des textes très complexes.
Par ailleurs, on constate, depuis quelques années, une répression croissante
des infractions au code de la route. Ainsi, la loi du 20 juillet 1989 a
institué le permis à point et la loi du 16 décembre 1992 a augmenté le taux des
amendes. Dans le nouveau code pénal a été introduite une nouvelle catégorie de
délit : la mise en danger de la personne d'autrui.
Aujourd'hui, vous souhaitez, monsieur le ministre, durcir le dispositif
répressif en instaurant le délit de grande vitesse et une responsabilité
pécuniaire étendue au titulaire de la carte grise pour toute infraction aux
règles sur la vitesse ou à la signalisation qui impose l'arrêt du véhicule.
A la sévérité des lois et règlements s'ajoute la sévérité de la jurisprudence
de la Cour de cassation. Je rappellerai que les tribunaux correctionnels se
montrent parfois plus nuancés et manifestent souvent des résistances à l'égard
des positions qui sont adoptées par la juridiction suprême.
Tout cela entretient dans l'opinion un sentiment de malaise. Le commentateur
de l'édition Litec du code de la route écrit à cet égard que « la justice n'est
pas toujours au rendez-vous, en particulier en matière d'amendes forfaitaires
ou pénales, dont le montant est parfois disproportionné avec l'infraction
commise ».
L'action conjuguée des services de l'Etat, des collectivités locales et des
associations d'usagers a mis vingt ans pour améliorer les statistiques en
matière d'accidents, pour que le nombre annuel de tués passe de 16 000 à 8 000.
Monsieur le ministre, vous souhaitez diviser ce chiffre par deux. C'est un
objectif louable. Cependant, un tel objectif ne se décrète pas. Surtout, il ne
résultera pas de mesures de répression dont l'impact réel reste à prouver. La
sécurité passe par la répression, certes, mais aussi par la prévention,
l'éducation, la formation et l'amélioration des infrastructures ; je reviendrai
sur ce point. Il est certain que 8 000 morts sur nos routes, ce seront toujours
8 000 morts de trop.
Faire une lecture comptable des statistiques de mortalité routière pour
justifier de mesures uniquement répressives me semble véritablement incomplet.
A ce point de mon intervention, je voudrais, à mon tour, rendre hommage aux
familles des victimes et à tous ceux qui militent pour combattre ce fléau de
notre société mécanisée.
Monsieur le ministre, en concentrant l'essentiel de votre dispositif sur
l'excès de vitesse, vous occultez une analyse plus précise des causes
d'accidents et vous négligez de développer les actions de formation, les
initiatives de prévention des forces de l'ordre et l'amélioration des
infrastructures.
La sécurité de nos concitoyens est un ensemble dans lequel on trouve, bien
sûr, des mesures répressives, mais également des mesures concernant les
infrastructures routières et autoroutières, ainsi que des mesures de prévention
et de formation.
Vous avez choisi la facilité budgétaire. En effet, modifier le code de la
route, cela coûte moins cher que de supprimer un passage à niveau, refaire le
bas-côté d'une route nationale, renforcer la sécurité d'un carrefour, éclairer
les autoroutes et les voies rapides urbaines. A ce sujet, j'attire votre
attention sur la non-application de la circulaire de 1974 aux termes de
laquelle toute autoroute ou voie rapide urbaine dont le trafic est supérieur à
50 000 véhicules par jour doit être systématiquement éclairée. Qu'en est-il
d'une rumeur persistante, reprise par un grand quotidien du soir, concernant
votre volonté de modifier cette circulaire afin que ses conditions
d'application soient moins draconiennes ?
A ce jour, 1 200 kilomètres de bitume seraient toujours plongés dans le noir,
contrairement à ce qui était prévu. Pis encore, sur certaines sections
autoroutières déjà équipées les lampadaires ont été éteints. Pourquoi
constate-t-on ces carences ? Peut-être tout simplement pour des raisons qui
sont purement financières.
Monsieur le ministre, cette nouvelle philosophie est-elle acceptable du point
de vue de la sécurité routière ? Les élus de notre pays ne tarderont pas à
s'insurger contre les carences et la défaillance de l'Etat et contre les
retards accumulés en matière de travaux d'amélioration des infrastructures
routières, plus particulièrement sur le réseau des routes nationales qui relève
directement de votre responsabilité. S'agissant de la sécurité dans ce domaine,
on glisse malheureusement d'un contrat de plan à l'autre, à tel point que, dans
certains secteurs, nous sommes passés de la génération des projets à la
génération des études - quand celles-ci ne sont pas seulement paysagères - qui
ne débouchent souvent sur rien et sont très coûteuses. J'attire solennellement
votre attention, en tant que parlementaire et comme élu local, sur la nécessité
de redonner aux directions départementales de l'équipement les moyens
financiers indispensables à la modernisation de nos routes nationales.
Il est indéniable que l'amélioration des infrastructures, leur éclairage et
l'aménagement des routes contribuent réellement à la sécurité routière. Les
Français le savent et attendent des mesures fortes dans ce domaine. Le délit
d'excès de vitesse et la responsabilité pécuniaire du propriétaire d'un
véhicule paraissent insuffisants.
En effet, la première mesure fait davantage figure d'un effet d'annonce. Le
dispositif en vigueur me semble suffisamment répressif, surtout depuis que vous
avez pris le décret du 24 mars 1998 faisant de l'excès de vitesse à partir de
50 kilomètres à l'heure au-delà de la vitesse autorisée une contravention de
cinquième classe, et donc passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 10 000
francs. Cette disposition me paraît suffisante, même si la méthode est
critiquable. En outre, rien n'indique que votre dispositif donnera les
résultats attendus ; il convient, en effet, de ne pas assimiler excès de
vitesse, c'est-à-dire dépassement des maxima autorisés, et vitesse excessive,
c'est-à-dire inadaptation à l'environnement. Gardons-nous de l'amalgame entre
rouler à 80 kilomètres à l'heure sur une route sinueuse où la vitesse est
limitée à 90 kilomètres à l'heure et rouler à 180 kilomètres à l'heure sur une
autoroute presque déserte où la vitesse est limitée à 130 kilomètres à
l'heure.
Parmi les accidents mortels sur autoroute, 13 % sont imputables à des excès de
vitesse, 22 % à des vitesses excessives - sans dépassement du maximum autorisé
- et 28 % sont dues à l'inattention, à la fatigue ou à l'assoupissement.
La seconde mesure - je ne vois pas vraiment quel rapport elle a avec la
sécurité routière - constitue, selon moi, une atteinte au droit du propriétaire
du véhicule. Elle méconnaît la présomption d'innoncence, pourtant garantie
d'une façon générale par notre droit. En outre, elle incite à la délation, au
mépris du droit. Amende ou délation, il faudra choisir.
Par ailleurs, que dire des hypothèses de prêt de volant lorsque la
verbalisation arrive plusieurs semaines, sinon plusieurs mois, après les faits
? De même, qu'en est-il d'une erreur éventuelle d'identification d'un véhicule
par les forces de l'ordre ? Avec votre dispositif, la tenue d'un carnet de bord
d'utilisation de tout véhicule s'imposera à terme. Vous allez donner, monsieur
le ministre, à la voiture les attributs d'un objet très personnel, c'est-à-dire
d'un objet qui ne se prête pas !
Mon collègue M. Jean-Pierre Cantegrit et moi-même présenterons tout à l'heure
deux amendements visant à empêcher de telles dispositions.
Cela étant dit, certaines mesures de votre projet de loi vont largement dans
le bon sens. Ainsi, les dispositions relatives à la formation des conducteurs
novices auteurs d'infractions graves ou celles qui concernent l'enseignement de
la conduite et de la sécurité contribuent à l'objectif que vous vous êtes
fixé.
De même, j'approuve votre volonté d'instaurer un dépistage systématique des
stupéfiants pour les conducteurs qui sont impliqués dans un accident mortel.
Cependant, il faudrait aller plus loin sur ce point. Mon collègue M. Edouard Le
Jeune a d'ailleurs déposé une proposition de loi visant à réprimer la conduite
automobile sous l'empire de produits stupéfiants. Pourquoi ne pas procéder à
des contrôles de routine, au moyen d'un détecteur spécial, du type de ceux dont
les forces de l'ordre sont dotés pour l'alcoolémie ?
Quoi qu'il en soit, le présent projet de loi ne contient pas les mesures qui
sont susceptibles d'améliorer sensiblement la sécurité routière. En axant
l'essentiel de votre dispositif sur la répression, vous négligez l'urgence de
l'amélioration des infrastructures et le renforcement de la prévention et de la
formation.
Cependant, si vous vous engagiez sur la globalité des mesures et si vous
teniez le plus grand compte de nos deux amendements, nous pourrions voter ce
projet de loi.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes
tous, un jour ou l'autre, confrontés à l'insécurité routière et à ses ravages,
même si nous constatons depuis quelques années, grâce aux dispositions qui ont
été prises, notamment l'abaissement du taux d'alcoolémie, le port de la
ceinture de sécurité, le permis à points, les limitations de vitesse, une nette
diminution des accidents mortels. En effet, comme d'autres orateurs l'ont
souligné, le nombre de tués a été réduit de moitié depuis 1973 alors que
l'indice de la circulation doublait dans le même temps. Il n'en reste pas moins
affligeant et inacceptable que, avec 8 000 tués, auxquels nous nous devons
d'ajouter les 35 000 blessés graves dont nombre restent handicapés à vie, notre
pays figure en ce domaine parmi les derniers, après la Grande-Bretagne, les
pays scandinaves et même l'Autriche, qui, je crois a devancé la France en
1996.
Nous ne pouvons donc qu'adhérer à l'objectif que vous vous proposez
d'atteindre, monsieur le ministre, celui de réduire par deux en cinq ans le
nombre de tués, objectif sans doute ambitieux mais que, très sincèrement, nous
espérons voir se réaliser.
Je ne reprendrai pas toutes les dispositions du projet de loi soumis à la
Haute Assemblée et les mesures préconisées par le comité interministériel de
sécurité routière, mais je soulignerai quelques points particuliers.
J'aborderai tout d'abord la question de la formation des usagers de la
route.
Pour les jeunes sous obligation scolaire, l'apprentissage et la formation sur
ce sujet relèvent de l'éducation nationale, en vertu de la loi du 26 juillet
1957 et du décret d'application du 12 février 1993 concernant les écoles
primaires et les collèges, et la place du système éducatif dans la formation
des usagers de la route et du conducteur est celle d'un passage nécessaire : il
a une part prépondérante dans la formation.
Mais le vrai problème se trouve dans une prise de conscience collective des
dangers que nous courons en tant qu'usagers de la route. La première
sensibilisation, à mon sens, doit intervenir le plus tôt possible, à l'âge où
l'on est le plus réceptif, c'est-à-dire bien avant l'âge du permis de conduire,
étant entendu que les jeunes constituent la catégorie la plus exposée aux
dangers de la route.
Si la conduite est un acte social, elle est aussi affaire de comportement, et
ce dernier doit être déterminé très tôt. Cette éducation routière, qui se fait
dans le cadre de l'école au même titre que l'instruction civique, doit être
particulièrement suivie et dispensée en étroite collaboration avec les
familles, l'acquisition des réflexes ne s'arrêtant pas devant la porte de la
maison ou de l'école. C'est donc un projet collectif que nous devons mettre en
place.
J'en viens aux délits de vitesse excessive.
Sachant que la vitesse est aujourd'hui le premier facteur de mortalité
routière en France - elle est en effet en cause dans 48 % des accidents - et
que le simple respect des limitations de vitesse permettrait de sauver, chaque
année, 3 300 vies, comment ne pas justifier la disposition du projet de loi
prévoyant un délit en cas de récidive, dans un délai d'un an, de dépassement de
la vitesse autorisée égal ou supérieur à cinquante kilomètres à l'heure,
infraction passible d'une amende de 50 000 francs et d'une peine
d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à six mois ?
Mme Joëlle Dusseau.
Très bien !
Mme Janine Bardou.
Je regrette cependant qu'aucune modulation ne soit prévue dans ce type
d'infraction dans la mesure où un dépassement de cinquante kilomètres à l'heure
semble beaucoup plus grave en ville que sur autoroute, même s'il faut bien
admettre que l'instauration d'une règle générale pour tous les réseaux est plus
simple à appliquer et à contrôler. Mais un tel dépassement en ville, comme dans
la traversée d'agglomérations, est non plus délictuel, mais véritablement
criminel !
Mme Joëlle Dusseau.
Très bien !
Mme Janine Bardou.
Cette mesure est sans doute symbolique, peu de conducteurs étant concernés par
cette disposition : en ville, c'est seulement 0,1 % des conducteurs qui dépasse
de plus de 50 kilomètres à l'heure la vitesse limite, tandis que le pourcentage
est de moins de 1,1 % sur les routes et de moins de 0,8 % sur les
autoroutes.
Toutefois, la gravité de cette sanction fera, nous l'espérons, réellement
prendre conscience du danger mortel que représente l'excès de vitesse.
Mme Joëlle Dusseau.
Très bien !
Mme Janine Bardou.
Je traiterai maintenant des infrastructures routières.
Si la sécurité routière dépend en grande partie du comportement des usagers de
la route, elle dépend aussi du niveau de qualité des réseaux routiers.
Il n'est, pour s'en convaincre, que de rappeler le lien existant entre la
qualité du réseau et le nombre d'accidents, les autoroutes restant le moyen le
plus sûr puisque leur part dans le total des accidents corporels est de 5,3 %,
contre 28,5 % pour les routes nationales et 51,2 % pour les routes
départementales ; le plus grand nombre d'accidents a lieu en rase campagne, et
les autoroutes, qui supportent 18 % de la circulation, ne comptent que 4,5 %
des accidents et des victimes.
Cela nous donne à réfléchir sur la nécessité de maintenir un haut niveau de
qualité de nos infrastructures, et notamment de ne pas freiner la construction
d'autoroutes, lesquelles assurent tout de même la survie de nombreux usagers de
la route.
La sécurité routière dépend aussi de l'état du réseau routier lui-même.
M. Jacques Oudin.
Très vrai !
Mme Janine Bardou.
Il y a dans ce réseau des « points noirs » identifiés par des analyses
techniques ou par des statistiques d'accidents. Ils sont connus, et nous en
avons tous dans nos communes et dans nos départements. Lorsqu'un accident
mortel se produit en un tel endroit, il fait la « Une » des journaux. On parle
alors de solutions ; mais le plus souvent, les choses demeurent ensuite en
l'état pour des raisons financières, techniques ou réglementaires. Les morts
s'ajoutant aux morts, l'opinion, à juste titre, s'en émeut, car rien ne bouge.
Pourtant, dans la majorité des cas, il existe des solutions simples, telles que
la mise en place d'un miroir de sécurité ou tout autre dispositif ne
nécessitant pas de gros investissements ; souvent, une simple adaptation de la
réglementation suffirait, mais c'est fréquemment le plus difficile à obtenir,
monsieur le ministre !
Si, comme vous l'avez dit, il faut réduire progressivement puis supprimer
totalement les passages à niveaux dangereux, il faut aussi se préoccuper de
faire disparaître les « points noirs ».
Enfin, monsieur le ministre, je voudrais vous soumettre deux réflexions
rapides.
La première concerne la promotion du vélo en milieu urbain, idée qui me paraît
séduisante. Cependant, le fait d'ouvrir aux vélos les zones piétonnières et
d'autoriser les enfants de moins de huit ans, dont nous connaissons tous la
vitalité, à circuler sur les trottoirs ne paraît pas sans danger pour les
piétons. En effet, le vélo peut aussi être un facteur de risques. Il serait
dommage d'être obligé de créer dans l'avenir des pistes pour piétons ! Il
faudrait donc, à mon avis, mener une réflexion plus approfondie en ce domaine
et mettre en place une nouvelle organisation.
Ma seconde réflexion porte sur l'instauration d'un audit de sécurité pour les
projets routiers. Je croyais sincèrement, monsieur le ministre, que cela
faisait déjà partie des éléments prioritaires de l'étude de tout projet
d'infrastructure routière, et cela me semblait aller de soi. Mais peut-être
souhaitiez-vous simplement le rappeler dans le projet de loi.
Si ce projet de loi traduit une volonté réelle de voir réduire le nombre de
morts sur nos routes, l'insécurité routière reste encore un véritable fléau de
notre société devant lequel nous nous sentons tous profondément désarmés.
Le problème de fond en effet demeure : il faut responsabiliser les conducteurs
et, à cet égard, la meilleure voie possible reste encore, me semble-t-il, la
prévention, à condition d'en avoir la volonté et d'y affecter des moyens
suffisants. Je souhaite que notre discussion engage en ce domaine la réflexion
nécessaire.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec
beaucoup d'enthousiasme que j'accueille ce projet de loi. Il est en effet
inacceptable de voir figurer la France dans les derniers rangs européens en
matière de sécurité routière. Si nos alliés européens ont réussi à réduire
considérablement cette cause de mortalité, nous pouvons, nous devons y parvenir
également.
L'objectif de diminution de moitié du nombre de personnes tuées, que le
Gouvernement s'est fixé en rouvrant le débat sur cette question, doit être
atteint et même dépassé.
Cela devrait être relativement facile puisque, s'il existe un fléau dont on
connaît les causes, c'est bien les accidents de la route. Il convient donc -
c'est une évidence ! - de s'attaquer à ces causes.
Au risque de paraître sévère, je regrette que les dispositions du projet de
loi, dont je salue pourtant le caractère efficace, ne soient pas plus
nombreuses et plus fermes.
Je sais pertinemment que, parmi nos concitoyens, des voix s'élèveront à
l'encontre de certaines des dispositions de ce texte. Je voudrais rétorquer par
avance qu'il n'existe pas de façon plus stupide de perdre la vie que de mourir
au volant, comme passager d'un véhicule ou comme piéton.
C'est pourquoi toutes les mesures dont l'effet est de réduire le nombre des
accidents de la circulation doivent être adoptées.
Monsieur le ministre, je souhaite apporter une modeste contribution à ce débat
en abordant non seulement certains des thèmes du projet de loi auxquels j'ai
été sensible, mais également d'autres sujets qui, à mon sens, devraient aussi
faire l'objet de dispositions particulières.
Le premier concerne la sécurité du transport des enfants. En 1995, j'avais
présenté une proposition de loi sur ce thème, lequel appartient, hélas ! au
domaine réglementaire, ce qui a empêché la poursuite de l'examen de ce texte.
L'objet de ce dernier était essentiellement d'attirer l'attention sur un
facteur d'accident qui peut être éradiqué aisément.
Chaque année, on déplore un nombre important d'accidents dont sont victimes
les enfants à la montée ou à la descente d'un véhicule de transport en commun,
notamment de transport scolaire. En effet, ces véhicules ne bénéficient pas
d'une priorité particulière. Ils peuvent donc, lorsqu'ils sont à l'arrêt, être
dépassés ou croisés par d'autres véhicules.
C'est ainsi que des enfants ont été renversés, en traversant la chaussée, par
des véhicules qui doublaient ou croisaient leur autocar arrêté.
Reconnaissez, monsieur le ministre, qu'il existe une solution simple, que
certains pays ont d'ailleurs adoptée : il s'agirait d'obliger les
automobilistes à s'arrêter lorsqu'ils sont derrière un autocar ou qu'ils
s'apprêtent à croiser un autocar à l'arrêt alors que des enfants en descendent
ou y montent.
Le principe est exactement le même que lorsque des agents municipaux arrêtent
la circulation urbaine pour laisser les enfants traverser. Aucun motif ne
saurait justifier une différence de traitement hors des villes, surtout lorsque
des solutions existent.
Le Sénat n'a pas le pouvoir de préciser les conditions dans lesquelles une
telle mesure pourrait être appliquée. En revanche, j'ai tenu à déposer un
amendement afin que le principe soit inscrit dans le projet de loi dont nous
débattons aujourd'hui.
En second lieu, il me paraît prioritaire de placer également la vitesse au
coeur du débat.
Je crois qu'il s'agit ici non pas de déterminer si les limitations actuelles
sont adaptées ou non, mais plutôt de faire en sorte qu'elles soient, dans un
premier temps, respectées.
Monsieur le ministre, je relève avec stupéfaction que, selon les statistiques
communiquées par la sécurité routière, la vitesse moyenne des automobilistes
est, dans de nombreux cas, supérieure à la vitesse maximale autorisée.
Pour 1996, les chiffres sont édifiants : 64 kilomètres à l'heure de moyenne en
agglomération, soit bien plus que la vitesse maximale autorisée ; 111
kilomètres à l'heure sur les voies limitées à 110 kilomètres à l'heure et 93
kilomètres à l'heure sur les routes départementales limitées à 90 kilomètres à
l'heure. Sachant qu'il s'agit de moyennes, on imagine aisément l'importance des
dépassements qui ont pu être relevés !
Aussi, le Gouvernement doit prendre rapidement les mesures qui s'imposent pour
que ces comportements ne se reproduisent plus. Ces mesures sont notamment
comprises dans l'article 4 du projet de loi, mais elles doivent également être
appliquées sur le terrain, ce qui impose un renforcement en moyens humains et
matériels.
Enfin, j'ai été particulièrement satisfait de relever la naissance d'un
consensus autour du problème lié à l'usage des stupéfiants.
Je reviendrai plus précisément sur cette question à l'occasion de l'examen de
l'article 7, en abordant les difficultés invoquées qui empêchent qu'il soit
procédé au dépistage des produits stupéfiants dans des conditions juridiques
analogues à celles que l'on rencontre pour les contrôles d'alcoolémie.
D'ores et déjà, je vous indique, monsieur le ministre, que la solution
préconisée, qui consiste à opérer une distinction entre les accidents mortels
et les autres, ne me semble pas satisfaisante. Je sais que la commission a déjà
ouvert ce débat lors de l'examen du rapport de notre excellent collègue M.
Lanier. Je souhaiterais qu'il soit poursuivi tout à l'heure, notamment à
l'occasion de l'examen des amendements que je vous soumettrai.
En conclusion, je me félicite de ce qu'un débat national se poursuive sur le
thème de la sécurité routière. Je suis en effet convaincu que, grâce à notre
réflexion, des progrès considérables pourront être accomplis.
(Très bien !
et applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant la discussion des articles,
je tiens à répondre aux différents orateurs qui sont intervenus dans la
discussion générale.
M. Hérisson a fait état d'un projet dont l'objectif serait essentiellement la
répression. Je veux insister à nouveau devant vous - mais je suis sûr que vous
le savez - et vous rappeler que c'est dans un dispositif plus vaste que
s'inscrit le projet de loi : je veux parler des vingt-cinq mesures prises par
le Gouvernement lors du comité interministériel sur la sécurité routière.
L'essentiel de notre démarche consiste à s'attaquer vraiment au problème de la
formation, de l'éducation et de la maîtrise des comportements. Ne voir dans ce
projet de loi que le volet répressif de notre dispositif, c'est passer à côté
de la réalité, permettez-moi de le dire avec force et d'insister sur ce
point.
Je tiens à remercier la commission des lois du travail sérieux qu'elle a
accompli, de la réflexion qu'elle a conduite et des propositions qu'elle a
présentées. Je remercie également les différents orateurs, même si j'ai
beaucoup à dire sur certaines interventions.
M. le rapporteur et les différents orateurs ont, dans l'ensemble, fait part de
leur soutien à l'objectif de fond du Gouvernement. Cela me paraît très
important.
Comment réduire de moitié le nombre de tués et de blessés sur nos routes ? Je
ne doute pas que l'examen des articles de ce projet de loi nous permettra
d'apporter les éclaircissements et les améliorations souhaitables pour y
parvenir, c'est en tout cas mon voeu le plus cher.
Vous avez considéré, monsieur le rapporteur, que l'adjonction de quelques
mesures dans une matière où les dispositions législatives et réglementaires se
sont multipliées au cours de ces dernières années n'était sûrement pas
suffisante pour améliorer de manière significative la sécurité dans notre pays.
Je partage totalement cette approche, et je considère que nous devons sans
cesse remettre sur le métier bien des questions ayant des incidences sur la
sécurité routière. Il convient également de prendre en considération - nombre
d'entre vous l'ont souligné à juste titre - la question des infrastructures, y
compris dans certains aspects spécifiques : je pense à la sécurité des motards,
à la question des passages à niveau, au problème des contrôles techniques.
En ce qui concerne l'éclairage de certaines autoroutes, je veux dire à M.
Hérisson que la rumeur dont il a fait état est totalement infondée. Il le sait
fort bien, d'ailleurs ! Si vous ne vous limitiez pas à la lecture d'un article
de presse et si vous vous intéressiez également aux communiqués ministériels,
monsieur Hérisson, vous constateriez que cette rumeur n'a absolument aucun
fondement.
A ce propos, je tiens à souligner - et je m'adresse ici plus particulièrement
à M. Oudin - que, lors de ma prise de fonctions, non seulement de nombreuses
autoroutes et avenues n'étaient pas éclairées - et ce depuis des années - mais
les moyens budgétaires étaient totalement insuffisants pour en assurer
l'entretien, y compris pour la sécurité. Quant à la politique de suppression
des passages à niveau, elle était notoirement insuffisante.
S'agissant de l'inventaire des autoroutes dont la construction serait remise
en cause, permettez-moi, monsieur Oudin, de vous dire qu'il ressemble à une
liste à la Prévert. Vous avez même cité des opérations qui n'ont jamais été
inscrites au schéma directeur ! Dans ces conditions, vous pouvez en ajouter à
loisir ! Vous avez par ailleurs cité des autoroutes- je pense en particulier à
l'autoroute A 400 - dont la réalisation avait été contestée par le Conseil
d'Etat, sous le gouvernement de M. Juppé, que vous souteniez. A ce sujet, j'ai
d'ailleurs discuté avec M. Mazeaud pour apprécier la manière dont nous
pourrions tenir compte du problème de l'enclavement. Mais le Conseil d'Etat a
considéré qu'il n'était pas raisonnable d'envisager la réalisation de cette
autoroute, parce que c'était un gaspillage d'argent public.
M. Jacques Oudin.
Qui détermine la politique ? Le Conseil d'Etat ou le Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je parle de ce
qui s'est passé sous le gouvernement de M. Juppé !
Vous avez ajouté à votre inventaire des autoroutes à construire, comme celle
qui relierait Tarbes à Lourdes. J'ai examiné cette question de près. Eh bien,
figurez-vous que j'ai constaté que avec moins d'argent public qu'il n'en aurait
fallu pour construire une autoroute entre ces deux villes, il était possible de
réaliser une route à deux fois deux voies qui remplirait les mêmes fonctions et
qui serait de surcroît moins coûteuse pour les contribuables et apporterait
autant de sécurité aux utilisateurs. Nous avons pris la décision d'avancer dans
cette direction et de réaliser cette liaison à deux fois deux voies.
Quant à des autoroutes comme l'A58 ou l'A51, elles font l'objet de
controverses considérables, y compris avec les élus des deux régions
concernées. Il s'agit de répondre aux besoins de fluidité de la circulation
sans mettre en cause la préservation de l'environnement dans la traversée de
l'arc alpin.
M. Lefebvre a dit que le projet de loi était à la fois équilibré, dissuasif et
pédagogique. Je crois que notre démarche est la bonne, dans la mesure où nous
ne nous engageons non pas dans une voie polémique et politicienne, les
questions de sécurité routière étant trop graves et trop sérieuses. Au
demeurant, peut-être vais-je choquer la Haute Assemblée, dans laquelle siège
une majorité d'hommes, si je dis que je considère que les deux femmes sénateurs
qui sont intervenues dans la discussion générale l'ont fait de la manière la
plus raisonnable et la plus responsable qui soit. Je pense que cela méritait
d'être souligné, et je les en félicite.
Certes, le Gouvernement a sûrement sa part de responsabilité dans le domaine
de la sécurité routière, et je revendique la mienne ; mais je vous demande,
messieurs de la majorité sénatoriale, de prendre la vôtre en reconnaissant
aussi celle des précédents gouvernements !
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur des aspects qui relèvent non pas du
domaine législatif, mais du sens à donner à notre action. M. Oudin a ainsi
souligné l'importance primordiale qu'il faut attacher à l'éducation des jeunes,
qui sont aujourd'hui parmi les principales victimes des accidents de la
route.
L'action que nous avons engagée est essentiellement pédagogique, orientée vers
l'éducation et la formation à toutes les étapes de la vie : je rappelle que
l'attestation scolaire de sécurité routière concerne, dès la classe de
cinquième, 800 000 jeunes par an et, à partir de la classe de troisième, 750
000 jeunes. Bien sûr, ces mesures ne figurent pas dans le projet de loi, car
elles ne sont pas de nature législative. Cependant, elles existent et il faut
les intégrer dans notre réflexion. Elles concourent à améliorer notre système
de formation.
Des retards importants ont été pris, il est vrai, ces dernières années dans la
réalisation du programme autoroutier, essentiellement d'ailleurs en milieu
urbain. J'entends « corriger le tir » et faire en sorte que nos autoroutes
urbaines bénéficient des moyens nécessaires en termes d'investissement,
d'entretien et d'exploitation et en matière d'aménagements de sécurité.
Pour ce qui est des autoroutes interurbaines, vous n'avez cité que les
chiffres qui vous arrangeaient, Monsieur Oudin, mais il faut être objectif et
constater avec moi que les dernières statistiques font état d'une aggravation
du nombre des accidents plutôt que d'accuser le ministre d'avoir « du sang sur
les mains », si j'ai bien entendu vos propos,...
M. Jacques Oudin.
Je n'ai pas dit cela de cette façon. Mais ce n'est pas loin !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... ce qui est
quand même, reconnaissez-le, un peu excessif. Je pense que de telles
affirmations ne correspondent pas au sérieux et au sens des responsabilités qui
doivent prévaloir dans nos débats.
Les statistisques montrent en tout cas, pour l'année passée, une recrudescence
des accidents sur les autoroutes.
En ce qui concerne la construction de nouvelles autoroutes, vous savez que le
système de l'adossement n'a plus cours. S'agissant de l'A 28 et des autres
autoroutes, un appel d'offres sera donc lancé tout à fait normalement, comme
l'exige désormais la loi. Vous savez d'ailleurs ce qu'il est advenu quand
certains ont pensé que l'on pouvait contourner la procédure légale. Je pense en
particulier aux décisions prises au sujet de l'A 86 : les deux décrets pris par
le précédent gouvernement ont été annulés par le Conseil d'Etat. Par
conséquent, soyez, là aussi, raisonnables et responsables sans vous croire
obligés de reprocher au gouvernement actuel des décisions qui relèvent
malheureusement du précédent. Et je suis d'ailleurs le premier à regretter que
nos prédécesseurs n'aient pas anticipé l'application des règles qui prévalent
aujourd'hui, car cela aurait permis d'éviter le problème que j'évoque.
Par ailleurs, en arrivant au ministère, j'ai trouvé un système autoroutier
endetté à hauteur de 120 milliards de francs.
M. Jacques Oudin
Ce sont des emprunts normaux, destinés à financer des équipements !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Oui, mais vous
savez ce que signifie une telle dette si l'on fait preuve de laxisme ! Là
encore, il faut être raisonnable.
Mon budget est en baisse, avez-vous dit. Là encore, c'est une contrevérité
!
M. Jacques Oudin.
Les crédits inscrits au titre de la sécurité routière ont diminué !
M. Jean-Claude Gayssot
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Non ! Ils sont
en augmentation de 5 % en autorisations de programme et de 10 % en crédits de
paiement, et le programme autoroutier s'élèvera, lui, à 18 milliards de
francs.
M. Lanier ainsi que M. Mahéas ont souligné l'intérêt d'une harmonisation
européenne. Celle-ci est tout à fait justifiée. Ce sont des questions qui, en
effet, doivent être menées à ce niveau, et j'entends préparer, à l'issue de ce
débat, une initiative française, en agissant d'abord sur l'harmonisation des
taux d'alcoolémie.
M. Jacques Mahéas.
Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mais il s'agira
alors d'une harmonisation par le bas ! En effet, nous sommes à 0,5 gramme par
litre, tandis que les Anglais sont à 0,8 grammes par litre et d'autres à moins
encore, et c'est dans ce sens-là qu'il faut aller.
Nous devrons agir ensuite sur l'harmonisation des vitesses et, enfin, sur un
certain nombre d'aspects techniques que je ne développe pas. M. Mahéas a
également insisté sur cette dimension et il a eu raison, car nous avons des
retards à rattraper.
M. Cantegrit a appelé notre attention sur la gestion de la flotte des
entreprises. Je ne partage pas son approche, mais je suis, comme lui, préoccupé
par l'importance des accidents du travail, dont 55 % sont des accidents
survenus sur le trajet, donc des accidents de la route.
Cela étant, je pense que tout ce qui est excessif est insignifiant. Non, la
disposition proposée dans le projet de loi que nous examinons n'incite pas à la
délation ! Je souhaite vraiment bannir d'emblée de notre débat l'idée que le
présent projet de loi contiendrait une quelconque mesure incitant à la
délation.
Nous mettons en place, je le répète, une contravention assortie d'une sanction
pécuniaire qui, en tout état de cause, frappera le propriétaire du véhicule.
Inutile, dès lors, de savoir qui était au volant ! D'ailleurs, la formule
s'applique aujourd'hui en matière de stationnement, et qui peut prétendre
qu'elle pousse à la délation ? Personne ! Si vous prêtez votre voiture à un
copain et qu'il est « flashé », c'est vous qui paierez l'amende. Si votre
copain est « sympa », il vous remboursera. Sinon, vous ne lui prêterez plus
votre voiture !
(Sourires.)
Et les entreprises, me direz-vous ? Eh bien, les entreprises doivent, elles
aussi, être responsabilisées ! Pourquoi, sous prétexte qu'une voiture
appartiendrait à une entreprise, la laisserait-on conduire n'importe comment et
par n'importe qui, sans respecter le code de la route ? Or de quoi s'agit-il
ici ? D'excès de vitesse, de stops ou de feux rouges brûlés ! Ce sont bien les
comportements graves dont vous avez dit les uns et les autres qu'ils étaient la
cause des plus graves accidents !
La mesure que nous proposons est donc tout à fait raisonnable, elle
responsabilise tout le monde. Personne ne pourra plus échapper, comme c'est
trop souvent le cas aujourd'hui, à ses responsabilités. En disant qu'il ne
fallait pas laisser place aux injustices dans ce domaine, M. Lefebvre a eu tout
à fait raison.
MM. Plasait et Hérisson ont souligné le retard de notre pays en matière
d'infrastructures. Comme je l'ai dit, en particulier en agglomération et
notamment pour ce qui est de la signalisation, j'attache la plus grande
attention à la qualité des infrastructures, qu'elles soient nationales,
départementales ou communales.
Sur le réseau national routier et autoroutier, j'ai procédé à quelques
redéploiements de crédits et j'affirme clairement devant vous, qui avez
souhaité que je m'engage sur ce point, monsieur Hérisson, que mon intention
ainsi que celle du Gouvernement est de faire de la sécurité un critère majeur
de décision publique en matière d'infrastructures.
Mme Dusseau a rappelé, avec le ton et la force justes, que l'opinion publique
a aujourd'hui conscience de la nécessité d'une démarche collective pour faire
reculer les grands excès de vitesse. Je partage son point de vue, notamment
lorsqu'elle rappelle que les femmes peuvent jouer un rôle essentiel dans notre
pays pour obtenir de tous une conduite apaisée. Il est important que tout le
monde suive cette démarche.
Vous le savez - vous l'avez dit, les uns et les autres - les grands excès de
vitesse concernent peut-être 2 % ou 3 % des automobilistes. Défendre les
automobilistes, c'est aussi défendre les 97 % ou 98 % restants contre les
risques qu'une minorité infime peut faire peser sur eux.
Certains me disent parfois comprendre les mesures que je propose lorsqu'il
s'agit de la traversée des villes ou de la circulation sur les routes
départementales et nationales ; mais suggèrent aussitôt de fermer les yeux pour
les excès de vitesses commis sur les autoroutes. Au nom de quoi ? Mon propos
est de sanctionner la récidive de grand excès de vitesse dans l'année, le grand
excès de vitesse étant compris comme le dépassement de 50 kilomètres à l'heure
des limites autorisées. C'est clair. Il importe que la proposition soit lisible
pour tout le monde, qu'elle retienne l'attention des automobilistes.
L'objectif, c'est non pas de faire de la répression, puisque n'est visée que la
récidive, mais d'appeler les contrevenants à la réflexion, à la
responsabilisation, ce que vous semblez tous et toutes souhaiter.
M. Bimbenet a évoqué le problème de la sécurité des transports scolaires. J'y
suis particulièrement sensible. Même si la réponse n'est probablement pas de
nature législative - il l'a dit lui-même - j'ouvrirai cependant un chantier de
réflexion sur ce sujet avec les collectivités locales organisatrices des
transports scolaires.
Mme Bardou suggère - je l'en remercie - de moduler la qualification de grand
excès de vitesse entre les sections de route situées en agglomération et les
autres. L'idée paraît séduisante, et je ne cache pas qu'elle a fait partie de
notre rélexion. Mais, je le répète, si jamais le dispositif n'est pas
suffisamment clair, suffisamment lisible, il perdra de son efficacité. Voilà
pourquoi on a finalement choisi 50 kilomètres à l'heure au-dessus de toutes les
vitesses limites autorisées, et voilà pourquoi il faut éviter de fractionner la
mesure.
Je fais d'ailleurs observer qu'il n'est pas fait mention, dans mon dispositif,
de la possibilité d'immobilisation des poids lourds lorsqu'ils dépassent de 20
kilomètres à l'heure la vitesse prévue, que le Sénat a récemment adoptée à
l'unanimité. Cela concerne les transports routiers, et, là encore, j'ai voulu
que la loi qui sera adoptée soit d'une totale lisibilité.
L'excès de vitesse est dangereux. Conduisons donc de manière apaisée. Et si
quelqu'un se fait prendre deux fois dans l'année pour grand excès de vitesse,
c'est que vraiment il ne fait pas preuve de responsabilité, et son acte peut,
dès lors, être qualifié de délit parce qu'il est dangereux.
M. Lefebvre a proposé d'ouvrir une réflexion sur la fiscalité applicable aux
éléments de sécurité, en évoquant notamment les casques de moto et les sièges
d'enfants. C'est une proposition très intéressante qu'il vous appartiendra
d'examiner à l'automne, lorsque vous aurez à revoir la question de la TVA, au
moment de l'examen du prochain projet de loi de finances.
M. Mahéas a souligné la nécessité d'une bonne signalisation dans les
agglomérations. Il a par ailleurs exprimé le souci que l'on ne piège pas les
usagers. Je peux vous assurer que ce souci a été le mien au cours des
discussions et des réflexions qui ont été menées dans le cadre de la
préparation de ce texte.
Je me suis promis de le dire devant votre assemblée : l'objectif n'est pas de
piéger, de mettre l'appareil à l'endroit où l'on suppose que le plus grand
nombre d'automobilistes se trouvent en infraction.
La démarche du Gouvernement consiste à réduire de moitié le nombre de tués sur
nos routes d'ici à cinq ans.
Je reviendrai d'ailleurs sur cet aspect des choses prochainement en
m'adressant successivement à l'Association des maires de France et aux préfets.
Je vous le confirme donc, l'objectif est non pas de piéger l'automobiliste,
mais de réduire le nombre d'accidents.
M. Mahéas a également évoqué la protection des piétons. J'ai engagé la
concertation nécessaire pour rechercher les moyens de diminuer tous les
accidents qui peuvent se produire en patins à roulettes - en rollers ! - tant
il est vrai qu'il faut améliorer la sécurité.
Voilà les quelques éléments de réponse que je voulais vous apporter à cet
instant du débat. L'examen des articles me permettra de revenir de manière plus
précise sur certains points.
Le débat est ouvert. J'ai d'ailleurs confié à Mme Isabelle Massin une mission
sur la sécurité routière.
Je termine en évoquant un fait qui, à mon avis, me doit jamais être perdu de
vue au cours de notre discussion : le Gouvernement a décidé de réunir le comité
interministériel sur la sécurité routière, qui ne s'était plus réuni depuis
1994.
Au cours de ce comité, nous avons pris la très importante décision de nous
réunir chaque année. Ainsi, en novembre prochain, nous nous réunirons pour voir
où nous en sommes et pour travailler aux voies permettant d'aller plus loin.
Nous aurons donc l'occasion, chaque année, de vérifier les conséquences des
décisions que nous avons prises, d'améliorer, d'aménager, d'informer, voire de
rectifier ce qu'il sera nécessaire de rectifier.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Le Sénat va maintenant interrompre ses travaux ; il les reprendra à vingt et
une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une
heures trente, sous la présidence de M. Jean Delaneau.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi portant diverses mesures
relatives à la sécurité routière.
Nous passons à la discussion des articles.
Section 1
Disposition relative à la formation
des conducteurs novices auteurs d'infractions graves
M. le président.
Par amendement n° 1, M. Lanier, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet intitulé : « Disposition relative à la formation des conducteurs
novices auteurs d'infractions ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Cet amendement étant un amendement de coordination avec
l'amendement n° 2 à l'article 1er, j'en demande la réserve jusqu'après l'examen
dudit article.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
La réserve est ordonnée.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Le deuxième alinéa de l'article L. 11-6 du code de la route est
complété ainsi qu'il suit :
« Lorsqu'il est titulaire du permis de conduire depuis moins de deux ans,
l'auteur d'une infraction ayant donné lieu à une perte de points égale ou
supérieure au tiers du nombre de points initial doit se soumettre à cette
formation spécifique, sauf s'il l'a déjà suivie précédemment. »
Par amendement n° 2, M. Lanier, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le texte présenté par cet article pour compléter le deuxième alinéa
de l'article L. 11-6 du code de la route :
« Lorsqu'il est titulaire du permis de conduire depuis moins de deux ans,
l'auteur d'une ou plusieurs infractions ayant donné lieu à une perte de points
au totale égale ou supérieure au tiers du nombre de points initial doit se
soumettre à cette formation spécifique. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
La commission souhaite étendre l'obligation de la formation
spécifique aux conducteurs novices ayant subi une perte de points au total
égale à quatre à la suite d'une ou plusieurs infractions successives, et non
pas seulement aux conducteurs auteurs d'une seule infraction ayant entraîné la
perte de quatre points.
Pourquoi imposer une formation au seul conducteur novice qui perd quatre
points pour une seule infraction, sans rien prévoir pour celui qui commettrait
plusieurs infractions successives, ce qui est au moins aussi grave, entraînant
chacune le retrait de deux ou trois points ?
Je rappelle d'ailleurs que, parmi les infractions punies d'un retrait de trois
points, figurent notamment le franchissement d'une ligne continue, la
circulation sur la partie gauche de la chaussée et le dépassement dangereux qui
est une des causes principales d'accident. Ce ne sont pas là de petites
infractions !
Selon la commission, il faut responsabiliser les conducteurs et tout
particulièrement les plus jeunes. La mesure proposée dans l'article 1er va dans
le bons sens, car il s'agit d'une formation et non pas d'une simple amende.
Notre amendement tend donc à lui donner une plus grande cohérence.
Par ailleurs, je vois mal pourquoi celui qui a déjà suivi une formation serait
dispensé d'en suivre une nouvelle s'il continue à avoir un comportement
répréhensible qui le conduit à perdre des points. C'est pourquoi nous proposons
de supprimer la mention : « sauf s'il l'a déjà suivie précédemment ». Nous
pensons que cela lui fera le plus grand bien de suivre à nouveau, cette
formation, car son comportement prouve qu'il a pas profité de sa première
formation.
M. le président.
Par amendement n° 42 rectifié, M. Mahéas et les membres du groupe socialiste
et apparentés proposent :
A. - De compléter
in fine
l'article 1er par un paragraphe ainsi rédigé
:
« II. - L'article L. 11-6 du code de la route est complété par un nouvel
alinéa ainsi rédigé :
« Le titulaire d'un permis de conduire depuis moins de deux ans ne peut
conduire un véhicule dont la puissance est supérieure à 75 kw/t et d'un poids
inférieur à une tonne ».
B. - En conséquence, de faire précéder le premier alinéa de cet article de la
mention : « I. »
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Il apparaît que la conjugaison « jeunes de moins de vingt-cinq-trente ans » et
la conduite d'un véhicule dit à caractère sportif, c'est-à-dire de petite
cylindrée dotée d'une capacité de grande vitesse, multiplie le risque
d'accident corporel par 3,5.
L'interaction de l'inexpérimentation des jeunes conducteurs liée à une vitesse
excessive entraîne souvent la perte de contrôle du véhicule, causant ainsi des
accidents corporels graves, voire mortels. Ce sont les fameux « bals du samedi
soir », hélas bien connus de l'hôpital de Garches en particulier.
Je suis convaincu que l'interdiction de conduire des véhicules à caractère
sportif pour les titulaires d'un permis de conduire de moins de deux ans aurait
un effet positif sur la réduction du nombre d'accidents de la route, sans
compter un impact psychologique et symbolique non négligeable.
Je voudrais également attirer l'attention de M. le ministre sur les
vélomoteurs et la vente quasi libre d'ailleurs de kits de débridage. Il est en
effet bien évident que le débridage d'une motocyclette permet à celle-ci
d'atteindre une vitesse de 80, voire de 100 kilomètres à l'heure, vitesses
excessives bien évidemment.
Tel est l'objet de mon amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2 ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
La démarche du
Gouvernement consiste à privilégier la prévention et l'éducation, je ne me
lasserai pas de le répéter.
Je comprends le souci de la commission qui veut rendre obligatoire la
formation proposée par le Gouvernement non plus aux seuls conducteurs novices,
auteurs d'une infraction grave, mais à tous les conducteurs novices auteurs
d'infractions de première et de deuxième catégorie.
Si je suivais à la lettre l'idée exprimée dans l'amendement de la commission,
cela signifierait que le défaut du port de la ceinture représentant une perte
d'un point, cette infraction réitérée quatre fois entraînerait l'obligation de
suivre ce stage.
Il est à craindre que l'extension proposée ne banalise la formation
complémentaire en la faisant porter sur un nombre beaucoup plus grand de
conducteurs novices, soit 40 000 d'après une évaluation au lieu de 15 000 par
an. Cette formation risque fort d'avoir l'image d'une obligation pour tous sans
discernement, en faisant peser, de plus une charge financière sur les
jeunes.
Il apparaît au Gouvernement préférable d'établir une distinction comme cela a
été prévu, à savoir que ce stage n'est obligatoire que pour les conducteurs
auteurs d'une infraction grave. Cela permettra de mettre en oeuvre une
pédagogie adaptée.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 2 ainsi que, par voie
de conséquence, à l'amendement n° 1, qui porte sur l'intitulé de la section
1.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Monsieur le ministre, la commission insiste sur cet
amendement n° 2. Il s'agit non pas de sanctionner, mais de former, et c'est
tout l'objet de votre texte.
Un conducteur novice qui a perdu quatre points en une seule infraction doit
effectivement suivre une nouvelle formation, car son comportement prouve qu'il
n'a pas profité de sa formation initiale. Le conducteur novice qui commet
successivement plusieurs infractions, peut-être moins graves, mais dont la
récidive prouve son inadaptation à la conduite, doit également, selon vous,
suivre une nouvelle formation.
Monsieur le ministre, si vous proposez cette formation, c'est précisément pour
redonner aux jeunes conducteurs un sens de la conduite, une mentalité de vrai
conducteur. Or, si vous écartez les uns en retenant les autres, j'avoue que je
ne comprends plus très bien parce que, précisément, on est là au coeur de la
prévention.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je comprends
l'insistance de M. le rapporteur. Nous avons le même objectif : imposer une
nouvelle formation aux conducteurs novices auteurs d'infractions.
Additionner les infractions donnant lieu au retrait d'un point de permis pour
imposer le stage donnerait l'impression que nous voulons sanctionner tous les
conducteurs novices, souvent des jeunes, ce qui n'est pas l'objectif du projet
de loi.
J'ajouterai un élément important, monsieur le rapporteur. Certes, je l'ai dit
tout à l'heure, il y a ce texte, mais il y a également dix-neuf autres mesures,
parmi lesquelles un stage de formation au bénéfice de tous les jeunes, sur la
base du volontariat, après une année de pratique. Cela permettra d'apprécier
les capacités du conducteur. J'ai demandé aux assureurs de réduire la prime de
sur-risque en fonction des résultats de ce stage.
Je le répète à nouveau, notre démarche ne se veut pas répressive vis-à-vis des
jeunes conducteurs.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier.
rapporteur.
Monsieur le ministre, je ne comprends pas votre position.
Vous affaiblissez singulièrement la part de la formation. Finalement, votre loi
sera répressive.
Je dis, au contraire, que nous devons donner plus de force à la formation des
jeunes s'ils en ont besoin. Si c'est une question de gros sous, je suis désolé,
monsieur le ministre, mais il faut exclure toute formation.
Il est indispensable pour un jeune conducteur qui, par son comportement, a
fait la preuve qu'il n'était pas mûr pour conduire d'être formé à nouveau.
C'est la logique de votre proposition. Ne l'affaiblissez donc pas. C'est la
raison pour laquelle je maintiens l'amendement n° 2.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Comme je l'ai déjà dit lors de la discussion générale, l'article 1er a deux
objectifs : l'un est d'éviter la récidive, l'autre est d'ordre pédagogique.
La rédaction de cet article telle qu'elle est proposée par le projet de loi
s'inscrit parfaitement dans la logique voulue du permis de conduire « fragilisé
». Celle-ci me semble équilibrée et de nature à permettre d'atteindre ces
objectifs.
De même, l'article 1er me paraît équilibré et pédagogique. Il est équilibré,
car les infractions entraînant le retrait de quatre points sont des infractions
graves. Il est pédagogique, car l'obligation de stage à la charge du
contrevenant est dissuasive pour les jeunes.
En revanche, je m'interroge à propos de l'amendement présenté par la
commission des lois. Il me paraît trop répressif et mal adapté à la catégorie
de population visée. Il faut savoir garder un juste équilibre entre sécurité,
donc protection des jeunes, et répression. En effet, j'attire votre attention
sur le fait qu'à trop vouloir bien faire on risque de mal faire et de manquer
le but.
Je suis parfaitement conscient du fait qu'il faut sanctionner les infractions
quelle que soit leur nature, mais il me semble excessif et peu approprié de
mettre sur le même plan des infractions sanctionnées par le retrait, par
exemple d'un point, même s'il peut y avoir cumul, et celles, plus graves, qui
se traduisent par le retrait de quatre points. La hiérarchie des infractions et
des peines les sanctionnant doit être préservée si l'on veut que ces sanctions
soient crédibles et acceptées.
Une graduation s'impose. Or l'amendement de la commission des lois n'en tient
pas compte. Un excès de sévérité peut avoir des effets pervers. En toute chose
mesure est bonne. Il me paraît important, en la matière, de bien réfléchir et
de peser le pour et le contre.
Monsieur le ministre, permettez-moi d'ajouter que, lors du dernier comité
interministériel de la sécurité routière, que vous venez d'invoquer, il a été
proposé un autre stage facultatif de remise à niveau, pratique et théorique,
qui, lui, ne devrait pas être à la charge de ces conducteurs novices dans la
mesure où « la surprime jeune conducteur devrait être réduite d'un montant au
moins équivalent ».
Pourriez-vous nous préciser où en sont les négociations avec les assurances
sur ce point et, plus particulièrement, si une réflexion d'ensemble est
envisagée sur le financement global de la formation à la conduite et à la
sécurité routière ?
Par ailleurs est-il envisagé, à terme, de rendre ce stage facultatif
obligatoire ?
M. Pierre Lefebvre.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Les deux amendements proposés par le rapporteur de la commission des lois
tendent à rendre obligatoire une formation spécifique pour tout jeune
conducteur ayant perdu quatre points minimum au cours des deux premières années
après l'obtention de son permis de conduire, et ce quelle que soit la gravité
des infractions commises.
Le texte du projet de loi avait, nous semble-t-il, le mérite d'être équilibré
et en harmonie avec l'article L. 11-6 du code de la route.
En effet, le conducteur pouvait suivre cette formation spécifique s'il voulait
obtenir la reconstitution du nombre de points perdus avant le délai de trois
ans, délai pendant lequel, je le précise, aucune nouvelle infraction ne doit
apparaître.
Le Gouvernement propose de rendre ce stage obligatoire dans le cas
d'infraction grave - c'est-à-dire pour quatre points retirés. Pour une
infraction moins grave, le stage resterait facultatif.
Ainsi, l'idée initiale du législateur d'inciter le conducteur à effectuer
lui-même une démarche volontaire pour suivre une formation était confortée par
l'article 1er tel qu'il est rédigé.
L'amendement de la commission des lois casse cet équilibre et renforce le
caractère répressif et contraignant d'une formation initialement présentée
comme pédagogique.
Parce que les amendements n°s 1 et 2 ne tiennent pas compte de l'échelle de
gravité des infractions et parce qu'ils transforment en obligation ce qui était
une proposition réparatrice et formatrice, le groupe communiste républicain et
citoyen votera contre.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Pardonnez-moi d'insister. Ce n'est pas du tout de
l'entêtement de ma part, mais je voudrais expliquer la logique de la commission
des lois dans cette affaire.
Si nous vous suivons, monsieur le ministre, et que l'amendement n° 2 n'est pas
adopté, nous allons nous trouver dans la situation suivante : le conducteur qui
aura commis une infraction donnant lieu à un retrait de quatre points sera
obligatoirement tenu de suivre le stage - qui est une excellente solution, car
il s'agit vraiment de prévention - alors que celui qui aura commis plusieurs
infractions donnant lieu au retrait de trois points - à savoir, notamment, le
dépassement de la vitesse autorisée, le franchissement d'une ligne continue ou
la circulation sur la partie gauche de la chaussée ainsi que le dépassement
dangereux ne serait pas soumis à une telle obligation et passerait donc entre
les mailles du filet ! Je ne comprends plus ! Il faut une logique dans cette
affaire !
Cela est d'autant moins cohérent qu'il s'agit de reformer les conducteurs.
Précisément, un conducteur qui récidive trois fois, et pour des fautes graves,
a vraiment besoin de suivre une formation spécifique !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
Avant de vous donner la parole, monsieur le ministre, permettez-moi de
souligner que nous sommes au tout début de la discussion d'un texte qui
comporte 46 amendements et que nous devons aller jusqu'au bout. Pour ne pas
terminer à quatre heures du matin, je fais un appel à la concision !
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Il ne s'agit pas
non plus d'entêtement de ma part ; je peux vous renvoyer le compliment !
Monsieur le rapporteur, un jeune qui perd trois fois trois points...
M. Gérard Braun.
Cela fait neuf points !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je m'apprêtais à
le dire, monsieur le sénateur !
Ce jeune a donc perdu neuf points. Cela veut dire qu'il ne lui reste plus que
trois points pour continuer à conduire. Il est proposé, pour que ce conducteur
récupère ses points perdus - Pierre Lefebvre vient de le dire - de lui faire
suivre un stage : il s'agit d'une pédagogie de responsabilisation et pas du
tout de répression. Pour une infraction grave - quatre points - ce stage est
obligatoire. Dans le cas de plusieurs infractions sanctionnées chacune d'un
point ou de trois points, comme il ne reste presque plus de points pour
conduire, un stage sera proposé pour permettre de récupérer les points
perdus.
Il me semble donc qu'étant d'accord sur l'objectif à atteindre, nous pouvons
nous retrouver sur la démarche !
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Excusez-moi, monsieur le ministre, mais je ne suis pas
d'accord avec vous sur l'objectif !
Un conducteur qui commet trois fautes graves la même année est plus dangereux
qu'un conducteur qui commet un infraction entraînant une perte de quatre
points. Il s'agit non pas de hiérarchie des fautes, mais de l'acculumation de
fautes graves selon cette même hiérarchie.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 42 rectifié ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
J'ai beaucoup apprécié, monsieur Mahéas, la façon dont vous
avez exposé votre point de vue en commission des lois, mais trop de
réglementation tue la réglementation.
La disposition tendant à interdire à un titulaire du permis de conduire depuis
moins de deux ans de conduire un véhicule dont la puissance est supérieure à 75
kilowatts à la tonne, c'est-à-dire un véhicule de quelque 100 chevaux, ce qui
est déjà un véhicule puissant, ne sera pas appliquée.
En effet, elle revient, par exemple, à interdire à un jeune conducteur qui ne
peut s'offrir une voiture de conduire celle de ses parents, si cette dernière à
une puissance supérieure à 75 kilowatts à la tonne. Finalement, il passera
outre, et sera répréhensible.
Il faut être simple, supprimer cette réglementation, faire confiance aux
jeunes conducteurs et ne pas systématiquement leur imposer d'utiliser des
trotinettes pendant deux ans
(Sourires),
ce qui d'ailleurs ne leur apprendrait pas la bonne conduite
!
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Depuis l'entrée
en vigueur, le 4 juillet 1996, de la directive européenne de 1991 relative au
permis de conduire, aucune restriction ne peut être prise par un Etat pour des
véhicules de moins de 3,5 tonnes. La directive prévoit des restrictions pour
les véhicules lourds et pour les motos. Le décret du 4 juillet 1996 a entamé la
transposition de la directive européenne.
L'acquisition d'une expérience de conduire de deux ans de motos de moyenne
cylindrée est requise pour conduire des motos plus puissantes. Après ce délai,
le titulaire du permis a donc accès à toutes les catégories.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement n° 42 rectifié. C'est
par la prévention et la formation que nous devons satisfaire la préoccupation
exprimée par M. Mahéas.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 42 rectifié.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Mon intention, en déposant cet amendement, était d'attirer l'attention sur une
anomalie assez grave : alors qu'on veut que les jeunes respectent la limitation
de vitesse, on permet que des conducteurs novices - pas seulement, j'entends
bien - conduisent des petits bolides : GT, GTI, etc. !
De même ont été souvent critiquées les publicités pour les voitures atteignant
180 kilomètres à l'heure alors que la vitesse sur les routes est limitée à 130
kilomètres à l'heure !
A l'occasion d'une réflexion qui dépasse le cadre hexagonal - j'ai bien
compris, monsieur le ministre - je voulais donc attirer l'attention sur ce qui
constitue là manifestement une anomalie. Si j'ai été entendu, je retire cet
amendement.
M. le président.
L'amendement n° 42 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
M. le président.
Nous revenons à l'amendement n° 1, précédemment réservé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'intitulé de la section I est ainsi rédigé.
Section 2
Dispositions relatives à l'enseignement de la conduite
et de la sécurité routière
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Le titre VII du code de la route (partie législative) est remplacé
par les dispositions suivantes :
« TITRE VII
« ENSEIGNEMENT DE LA CONDUITE
DES VÉHICULES TERRESTRES À MOTEUR
ET DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE
« Chapitre Ier
« Enseignement à titre onéreux
«
Art. L. 29. -
L'enseignement, à titre onéreux, de la conduite des
véhicules terrestres à moteur d'une catégorie donnée et de la sécurité routière
est subordonné à la délivrance d'une autorisation administrative.
«
Art. L. 29-1. -
Nul ne peut être autorisé à enseigner, à titre
onéreux, la conduite des véhicules terrestres à moteur d'une catégorie donnée
et la sécurité routière, s'il ne satisfait aux conditions suivantes :
« 1° Ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation :
« - soit à une peine criminelle,
« - soit à une peine correctionnelle prononcée pour une infraction contraire à
la probité ou aux bonnes moeurs ou portant atteinte à la sécurité des personnes
ou des biens, inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire, ou, pour les
ressortissants étrangers, dans un document équivalent,
« - soit à une peine correctionnelle prononcée pour une infraction au présent
code figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat.
« 2° Etre titulaire du permis de conduire, en cours de validité, valable pour
la ou les catégories de véhicules considérés ;
« 3° Etre titulaire de l'un des titres ou diplômes dont la liste est fixée par
décret en Conseil d'Etat ;
« 4° Remplir les conditions d'âge, d'ancienneté du permis de conduire et
d'aptitude physique fixées par décret en Conseil d'Etat.
«
Art. L. 29-2. -
Dans l'hypothèse où les conditions prévues à
l'article L. 29-1 cessent d'être remplies, il est mis fin à l'autorisation
prévue à l'article L. 29. En cas d'urgence justifiée par des faits contraires à
la probité, aux bonnes moeurs ou à la sécurité des personnes ou méconnaissant
les dispositions législatives du présent code, l'autorité administrative peut,
après avoir mis l'intéressé en mesure de présenter ses observations, suspendre,
pour une durée maximale de six mois, une autorisation délivrée en application
de l'article L. 29.
« Lorsque sont établis des procès-verbaux d'infractions correspondant à des
faits mentionnés à l'alinéa précédent commises par des bénéficiaires
d'autorisations délivrées en application de l'article L. 29, copie en est
transmise par le procureur de la République à l'autorité administrative.
« La mesure de suspension provisoire cesse de plein droit dès que l'autorité
judiciaire s'est prononcée.
«
Art. L. 29-3. -
Le fait d'enseigner la conduite des véhicules
terrestres à moteur sans être titulaire de l'autorisation prévue à l'article L.
29 est puni d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs
d'amende.
« Les personnes physiques coupables de l'infraction prévue à l'alinéa
précédent encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° L'interdiction d'exercer l'activité professionnelle dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, suivant les
modalités prévues par l'article 131-27 du code pénal ;
« 2° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions
prévues par l'article 131-35 du code pénal ;
« 3° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre
l'infraction ou de la chose qui en est le produit.
«
Art. L. 29-4. -
Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions
d'application du présent chapitre.
« Chapitre II
« Etablissements d'enseignement à titre onéreux
«
Art. L. 29-5. -
L'enseignement à titre onéreux de la conduite des
véhicules terrestres à moteur d'une catégorie donnée et de la sécurité routière
ne peut être dispensé que dans le cadre d'un établissement d'enseignement dont
l'exploitation est subordonnée à un agrément délivré par l'autorité
administrative, après avis d'une commission.
« La formation, à titre onéreux, des candidats à l'un des titres ou diplômes
exigés pour l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite des
véhicules terrestres à moteur et de la sécurité routière ne peut être dispensée
que dans le cadre d'un établissement dont l'exploitation est subordonnée à un
agrément délivré par l'autorité administrative, après avis d'une commission.
«
Art. L. 29-6. -
Les conditions et les modalités de l'enseignement, à
titre onéreux, de la conduite des véhicules terrestres à moteur et de la
sécurité routière font l'objet d'un contrat écrit entre le candidat et
l'établissement.
« Les conditions et les modalités de la formation à titre onéreux des
candidats à l'un des titres ou diplômes exigés pour l'exercice de la profession
d'enseignant de la conduite des véhicules terrestres à moteur et de la sécurité
routière font l'objet d'un contrat écrit entre le candidat et
l'établissement.
«
Art. L. 29-7. -
Nul ne peut exploiter, à titre individuel, ou être
dirigeant ou gérant de droit ou de fait d'un des établissements mentionnés à
l'article L. 29-5, s'il a fait l'objet d'une condamnation :
« - soit à une peine criminelle,
« - soit à une peine correctionnelle prononcée pour une infraction contraire à
la probité ou aux bonnes moeurs ou portant atteinte à la sécurité des personnes
ou des biens, inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les
ressortissants étrangers, dans un document équivalent,
« - soit à une peine correctionnelle prononcée pour une infraction au présent
code figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat.
«
Art. L. 29-8. -
L'enseignement dispensé dans les établissements
mentionnés à l'article L. 29-5 doit être conforme au programme de formation
défini par l'autorité administrative qui en contrôle l'application.
«
Art. L. 29-9. -
Dans l'hypothèse où les conditions prévues aux
articles L. 29-7 et L. 29-8 cessent d'être remplies ou en cas de cessation
définitive d'activité de l'établissement, il est mis fin aux agréments prévus à
l'article L. 29-5.
« En cas d'urgence justifiée par des faits contraires à la probité ou aux
bonnes moeurs ou méconnaissant les dispositions législatives du code de la
route, ou mettant en cause la sécurité des personnes, l'autorité
administrative, après avoir mis l'intéressé en mesure de présenter ses
observations et recueilli l'avis de la commission mentionnée à l'article L.
29-5, peut suspendre, pour une durée maximale de six mois, l'agrément délivré
en application de l'article L. 29-5.
« Lorsque sont établis des procès-verbaux d'infractions correspondant à des
faits mentionnés à l'alinéa précédent commises par des bénéficiaires
d'autorisations délivrées en application de l'article L. 29-5, copie en est
transmise par le procureur de la République à l'autorité administrative.
« La mesure de suspension provisoire cesse de plein droit dès que l'autorité
judiciaire s'est prononcée.
« Après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations, une
mesure de suspension provisoire pour une durée n'excédant pas six mois peut
également être prononcée par l'autorité administrative, en cas de refus de se
soumettre au contrôle prévu à l'article L. 29-8, de non-respect du programme de
formation défini par l'autorité administrative ou pour méconnaissance des
dispositions de l'article L. 29-6.
«
Art. L. 29-10. -
I. - Le fait d'exploiter un établissement
d'enseignement de la conduite des véhicules terrestres à moteur sans avoir
obtenu l'agrément prévu à l'article L. 29-5 est puni d'un an d'emprisonnement
et de 100 000 francs d'amende.
« Est puni des mêmes peines le fait d'employer un enseignant qui n'est pas
titulaire de l'autorisation prévue à l'article L. 29.
« II. - Les personnes physiques coupables de l'une des infractions prévues à
l'alinéa précédent encourent également les peines complémentaires suivantes
:
« 1° La fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus de l'un, de
plusieurs ou de l'ensemble des établissements de l'entreprise appartenant à la
personne condamnée ;
« 2° L'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans
l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été
commise, suivant les modalités prévues par l'article 131-247 du code pénal ;
« 3° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions
prévues par l'article 131-35 du code pénal ;
« 4° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre
l'infraction ou de la chose qui en est le produit.
« III. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement,
dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal, des infractions
prévues au I du présent article.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, selon les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal
;
« 2° La fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus de l'un, de
plusieurs ou de l'ensemble des établissements de l'entreprise appartenant à la
personne condamnée ;
« 3° L'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans
l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été
commise, suivant les modalités prévues par l'article 131-39 du code pénal ;
« 4° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions
prévues par l'article 131-35 du code pénal ;
« 5° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre
infraction ou de la chose qui en est le produit.
«
Art. L. 29-11. -
Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités
d'application du présent chapitre. Il détermine notamment :
« 1° Les conditions de délivrance, compte tenu de la qualité et de la sécurité
de la formation délivrée par l'établissement considéré, des agréments prévus à
l'article L. 29-5, ainsi que la composition et les attributions de la
commission mentionnée à cet article ;
« 2° Les règles concernant les modalités d'information des clients sur les
tarifs, la durée et les conditions de déroulement de l'enseignement et de la
formation, mentionnées à l'article L. 29-6 ainsi que les conditions de paiement
et de résiliation des contrats prévus par cet article. »
Sur l'article, la parole est à M. Lesein.
M. François Lesein.
Sur l'enseignement, beaucoup de choses ont été dites cet après-midi, et de
bonnes choses, notamment par notre rapporteur, M. Lanier.
Il me reste une question à poser à M. le ministre.
Il est précisé dans le projet de loi que « les pouvoirs du préfet sont
renforcés pour que celui-ci puisse, en cas de poursuite pénale, suspendre
immédiatement et jusqu'à ce que la justice se soit prononcée, les agréments ou
les autorisations d'enseignement ». Il s'agit bien sûr des établissements
d'enseignement à la conduite. Mais que deviendront les personnes dont la
formation est en cours, qui ont payé et qui ne pourront pas récupérer leur
argent ? Une mesure est-elle prévue pour qu'elles puissent continuer ?
Monsieur le ministre, si elles abandonnent leur formation, comme ceux à qui on
retirera le permis s'ils perdent plus de quatre points pour une infraction, si
elles n'ont pas les moyens de payer, vous savez bien ce qui se passera. Ces
personnes conduiront sans permis et les choses seront encore plus graves.
Vous avez également parlé, monsieur le ministre, de l'émergence de nouveaux
comportements chez les jeunes, de l'existence d'une forte demande de sécurité à
laquelle il fallait répondre par une mobilisation de tous les partenaires, des
associations notamment.
Pour ma part, je suis assez opposé au renforcement de la répression, à la
répression à tout crin. Je crois beaucoup plus à la formation et à la
pédagogie. J'aimerais à cet égard que vous nous disiez ce qui est prévu pour
éduquer les piétons. Vous nous avez parlé d'une telle éducation à l'école. Vous
la souhaitez, mais dans votre projet de loi je n'ai lu aucune disposition
d'ordre budgétaire susceptible de la rendre possible.
Pour les cyclistes, c'est la même chose. A Paris par exemple, les cyclistes
ont peur de circuler parce qu'ils redoutent les voitures, mais également parce
qu'on ne leur a pas appris à circuler à vélo.
En ce qui concerne la moto, l'obligation de passer un petit examen faite aux
jeunes de quatorze à seize ans constitue un progrès.
Voici donc la question que je souhaite vous poser, monsieur le ministre :
quels moyens financiers au service d'une réelle volonté éducative le
Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour former les conducteurs de l'avenir
?
Ceux qui trichent depuis des dizaines d'années auront certes un peu peur de la
répression, mais vous ne les corrigerez pas, monsieur le ministre. C'est sur
l'avenir qu'il importe d'intervenir, et l'action doit commencer à l'école
primaire, dès le cours préparatoire.
C'est en ce sens que je souhaite voir introduire des modifications dans notre
législation.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
S'agissant des auto-écoles, compte tenu de la situation de la profession, on
ne peut que se féliciter du dispositif qui nous est proposé pour l'assainir.
L'obligation d'un contrat écrit - et je souhaiterais d'ailleurs que M. le
ministre nous indique si un contrat-type sera établi par le ministère - entre
l'auto-école et le candidat, ainsi que l'accroissement des pouvoirs des préfets
en matière de suspension de l'agrément et de l'autorisation de l'enseignement
sont deux éléments essentiels.
Si la moralisation s'impose, elle ne constitue qu'une première étape. En
effet, compte tenu des dysfonctionnements constatés, il importe d'agir comme le
prévoit le projet de loi. Mais il convient d'aller encore plus loin et de doter
cette profession d'un véritable statut.
L'amendement de la commission des lois s'inscrit dans cette perspective : la
nécessité de justifier de son aptitude professionnelle paraît tout à fait
évidente, d'autant que cette justification est exigée pour d'autres professions
telles que les chauffeurs de taxis, les coiffeurs, etc.
La garantie d'une capacité à gérer va dans le sens d'une plus grande fiabilité
de ces établissements. Pour ce qui concerne l'exploitant, le fait de pouvoir
enseigner ne me paraît pas suffisant : une formation professionnelle ou un
stage de gestion me semble en effet indispensable.
En ce qui concerne la formation des enseignants, l'obligation du diplôme
d'enseignant est tout à fait essentielle et doit même être approfondie. Une
expérience minimale de la conduite de trois ou quatre ans me paraîtrait une
bonne chose, en conformité avec l'esprit du projet de loi, qui prévoit un stage
obligatoire pour le conducteur novice passible d'une infraction sanctionnée par
le retrait de quatre points.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner votre sentiment sur ce point et
nous dire si vous envisagez, dans un avenir proche, d'aller plus avant dans
l'organisation de la profession, dans la mesure où il peut paraître paradoxal
de vouloir moraliser le secteur sans donner à cette profession un statut à
l'image de celui d'autres professions ?
Enfin, j'aimerais que vous nous éclairiez sur la composition et le rôle de la
commission qui devrait se substituer à la commission départementale chargée de
donner un avis au préfet.
En ce qui concerne l'absence de prise en considération des auto-écoles
associatives, je me réserve de revenir sur le sujet à l'occasion de la
discussion d'un amendement que je présenterai tout à l'heure.
M. le président.
Sur les articles L. 29 à L. 29-11 du code de la route, je suis saisi d'un
certain nombre d'amendements.
ARTICLE L. 29 DU CODE DE LA ROUTE
M. le président.
Sur le texte proposé pour l'article L. 29 du code de la route, je ne suis
saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 29-1 DU CODE DE LA ROUTE
M. le président.
Par amendement n° 3, M. Lanier, au nom de la commission, propose de remplacer
les quatrième et cinquème alinéas du texte présenté par l'article 2 pour
l'article L. 29-1 du code de la route par un alinéa ainsi rédigé :
« - soit à une peine correctionnelle prononcée pour une infraction figurant
sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Dans le projet de loi est énumérée une liste de peines
auxquelles ne doit pas avoir été condamnée une personne désirant accéder à la
profession d'enseignant de la conduite. Parmi elles figure une peine ainsi
libellée : « une peine correctionnelle prononcée pour une infraction contraire
à la probité et aux bonnes moeurs ou portant atteinte à la sécurité des
personnes ou des biens ». Cette formule est d'une telle imprécision qu'elle
laisse toute latitude pour les jugements à venir. Il me paraît donc préférable
de renvoyer simplement à une liste fixée par décret en Conseil d'Etat.
Actuellement, la liste qui figure à l'article R. 244 du code pénal comporte en
particulier les délits de vol, d'escroquerie, d'abus de confiance, d'homicide,
de blessures involontaires, ainsi que certaines infractions aux dispositions
sur la détention d'armes et, naturellement, les infractions au code de la
route. Le Conseil d'Etat est le mieux habilité à définir par un décret cette
liste d'infractions qui n'a pas à figurer dans la loi elle-même.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le Conseil
d'Etat a donné son aval, si je puis dire, sur le projet de loi qui vous est
soumis, mais je comprends le souci de M. le rapporteur.
Par conséquent, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L. 29-1 du
code de la route.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 29-2 DU CODE DE LA ROUTE
M. le président.
Sur le texte proposé pour l'article L. 29-2 du code de la route, je ne suis
saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 29-3 DU CODE DE LA ROUTE
M. le président.
Par amendement n° 4, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le
premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-3 du code
de la route, après les mots : « Le fait d'enseigner », d'insérer les mots : « ,
à titre onéreux, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de précision, monsieur le
président.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 5, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le
premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-3 du code
de la route, après les mots : « véhicules terrestres à moteur », d'insérer les
mots : « d'une catégorie donnée et la sécurité routière ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Il s'agit également d'un amendement de précision. En effet,
un souci de cohérence nous oblige à indiquer dans l'ensemble du projet de loi
qu'on vise l'enseignement de la conduite des véhicules terrestres à moteur
d'une catégorie donnée et de la sécurité routière. En effet, tous les
établissements n'enseignent pas la conduite des véhicules de toutes les
catégories.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 6, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le
premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-3 du code
de la route, après les mots : « à l'article L. 29 », d'insérer les mots : « ou
en violation d'une mesure de suspension provisoire de celle-ci ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Il est nécessaire d'empêcher l'exercice de la profession, non
seulement en l'absence d'autorisation, ce qui va de soi, mais également lorsque
cette autorisation a fait l'objet d'une mesure de suspension, ne serait-ce que
provisoire, de la part du préfet.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 29-3 du code de
la route.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 29-4 DU CODE DE LA ROUTE
M. le président.
Sur le texte proposé pour l'article L. 29-4 du code de la route, je ne suis
saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ? ...
Je le mets aux voix.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 29-5 DU CODE DE LA ROUTE
(réserve)
M. le président.
Par amendement n° 43, M. Mahéas et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par
l'article 2 pour l'article L. 29-5 du code de la route, deux alinéas ainsi
rédigés :
« Pour les organismes sans but lucratif régis par la loi de 1901, qui exercent
leur activité dans le champ de l'insertion ou de la réinsertion sociale et
professionnelle, l'agrément est délivré par l'autorité administrative sous
réserve que les conditions prévues aux articles L. 29-7 et L. 29-8 soient
remplies.
« Un décret détermine les caractéristiques de ces associations. »
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Pour tous les jeunes, l'accès au permis de conduire est une ouverture vers
l'indépendance. Pour les jeunes en situation d'échec, il peut en outre
constituer un passeport professionnel, une porte ouverte vers un processus de
formation. Non seulement c'est parfois leur premier diplôme, mais c'est aussi
une possibilité de reconnaissance sociale.
Or les établissements d'enseignement de la conduite à titre onéreux ne
s'adressent pas nécessairement à ce type de public.
D'une part, les tarifs qu'ils pratiquent sont souvent prohibitifs pour ces
jeunes, même s'ils ne le sont pas dans l'absolu.
D'autre part, nous avons affaire à des jeunes qui, après un parcours scolaire
difficile, rejettent les modes d'enseignement traditionnels. De ce fait, ils
sont inaptes à profiter des formations à la conduite et à la sécurité routière
dispensées par les circuits commerciaux, d'où l'utilité, voire la nécessité des
auto-écoles associatives, qui disposent d'équipes pluridisciplinaires aux
compétences éducatives et techniques validées. Leur rôle social est
fondamental. Elles travaillent en étroite collaboration avec les institutions
sociales et les instances qui interviennent dans le champ de la sécurité
routière. Non seulement leur approche est conforme aux exigences du programme
national de formation, mais en outre elles dispensent une formation adaptée,
avec des moyens pédagogiques adéquats, destinée à favoriser la réinsertion
professionnelle de personnes en difficulté.
Il suffit de souligner que le nombre d'heures consacrées à l'apprentissage du
code de la route peut aller jusqu'à soixante et que le temps alloué à la
formation à la conduite peut dépasser quarante ou cinquante heures, pour
apprécier l'effort d'adaptation. Dans la mesure où ces auto-écoles participent
pleinement à la lutte contre l'insécurité routière et développent à cet effet
des actions de préparation au permis en tant que vecteur privilégié d'insertion
professionnelle, elles méritent d'être reconnues comme partenaires à part
entière. Leur objectif, qui consiste à faciliter l'insertion par la sécurité et
par l'obtention du permis de conduire en contribuant à créer de nouveaux
comportements chez les conducteurs débutants, s'inscrit parfaitement dans la
philosophie du présent projet de loi.
J'ajoute que ces jeunes avait souvent, à l'occasion de leur service militaire,
la faculté de passer à la fois leur permis « transport en commun » et leur
permis « poids lourd ». C'était un « plus » qui leur était apporté, mais cette
possibilité va disparaître pour beaucoup avec la réforme du service militaire,
et le relais ne pourra à mon avis qu'être pris par ces auto-écoles
associatives.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
La commission des lois a étudié longuement cet amendement.
J'avoue que je n'en comprends pas très bien la finalité. En effet, si une chose
a été clairement dite en commission des lois, c'est que toutes les associations
régies par la loi de 1901 qui délivrent des formations à la conduite sans aucun
but lucratif - et ces associations sont nécessaires, sans aucun doute - doivent
être dégagées d'un certain nombre d'obligations auxquelles sont soumis les
établissements d'enseignement à titre onéreux tels que l'on vient de les
préciser à l'amendement précédent.
Le projet de loi s'applique aux établissements à titre onéreux. Vous étiez
présent, monsieur Mahéas, en commission des lois, quand il a été décidé de
faire préciser à M. le ministre que les associations sans but lucratif
n'étaient pas assujetties à toutes les contraintes administratives que l'on
impose aux établissements d'enseignement à titre onéreux.
Cet amendement risque donc, sauf erreur de compréhension de ma part, d'aller à
l'encontre du texte.
J'en profite pour demander à nouveau à M. le ministre, mais il m'a déjà en
partie répondu dans la discussion générale, de bien nous préciser que les
associations sans but lucratif restent en dehors du dispositif contraignant que
l'on impose aux établissements d'enseignement à titre onéreux.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
J'ai indiqué,
dans mon exposé liminaire, l'importance que j'attache au secteur associatif,
qui représente une grande diversité. Il faut poursuivre les concertations
indispensables pour progresser sur cette question.
J'émets donc quelques réserves sur l'amendement n° 43. Cependant, il me semble
qu'il pourrait être retenu s'il était assorti d'un sous-amendement. Par
conséquent, je vous propose de réserver l'article L. 29-5 jusqu'après l'examen
de l'article L. 29-7. Je présenterai alors un sous-amendement tendant à
mentionner que l'agrément est délivré sous réserve que les conditions prévues
au 1° de l'article L. 29-7-1 et de l'article L. 29-8 soient remplies.
Le Gouvernement serait alors favorable à l'amendement n° 43.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
La réserve est ordonnée.
ARTICLE L. 29-6 DU CODE DE LA ROUTE
M. le président.
Par amendement n° 8, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le
premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-6 du code
de la route, après les mots : « véhicules terrestres à moteur », d'insérer les
mots : « d'une catégorie donnée ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L. 29-6 du
code de la route.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 29-7 DU CODE DE LA ROUTE
M. le président.
Par amendement n° 9, M. Lanier, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-7 du code de
la route :
«
Art. L. 29-7.
- Nul ne peut exploiter, à titre individuel, ou être
dirigeant ou gérant de droit ou de fait d'un des établissements mentionnés à
l'article L. 29-5, s'il ne satisfait pas aux conditions suivantes :
« 1° Ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation :
« - soit à une peine criminelle,
« - soit à une peine correctionnelle prononcée pour une infraction figurant
sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat ;
« 2° Justifier de son aptitude professionnelle. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 37 rectifié, présenté par
MM. Hoeffel et Cantegrit, et tendant à compléter
in fine
le dernier
alinéa (2°) du texte proposé par l'amendement n° 9 pour l'article L. 29-7 à
insérer dans le code de la route par les mots : « ainsi que de la capacité de
gérer et de l'expérience de l'enseignement de la conduite. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 9.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Cet amendement se justifie par son texte même : la commission
souhaite que l'enseignant n'ait pas fait l'objet d'une condamnation et qu'il
puisse justifier de son aptitude professionnelle.
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel, pour défendre le sous-amendement n° 37 rectifié.
M. Daniel Hoeffel.
Il nous paraît utile de préciser l'aptitude professionnelle requise, en
particulier que l'exploitation d'une auto-école nécessite une expérience
suffisante de l'enseignement de la conduite.
Cet après-midi, dans votre intervention liminaire, vous affirmiez, à juste
titre, monsieur le ministre, que les concurrences tarifaires dans la profession
se faisaient parfois au détriment de la qualité, que la moralisation et
l'assainissement de la profession étaient nécessaires, qu'il fallait obtenir
une formation fiable et que la profession d'auto-école devait être
revalorisée.
Nous savons - cela a été rappelé tout au long du débat - que la formation est
un élément fondamental de la politique de prévention dans ce domaine. Elle ne
doit pas être destinée à la seule obtention du permis de conduire. Il s'agit
aussi, et surtout, d'une éducation aux réflexes, au comportement responsable
des conducteurs.
C'est la raison pour laquelle notre sous-amendement tend à renforcer les
dispositions qui sont prévues dans l'amendement n° 9 de la commission.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 37 rectifié ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
La commission émet un avis favorable sur ce
sous-amendement.
Permettez-moi d'ajouter qu'il serait souhaitable, monsieur le ministre, que
les décrets d'application soient pris dans des délais raisonnables, de façon
que les auto-écoles puissent travailler dans de bonnes conditions.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 9 et sur le
sous-amendement n° 37 rectifié ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le Gouvernement
est favorable à l'amendement n° 9.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 37 rectifié, je vous précise,
monsieur le rapporteur, que le décret d'application, qui est d'ores et déjà en
préparation, prévoit l'exigence d'une expérience professionnelle de deux ans et
une formation à la gestion similaire à celle qui a été adoptée en matière de
transport routier.
S'agissant d'une question de nature plus réglementaire que législative, le
Gouvernement est défavorable à ce sous-amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 37 rectifié, accepté par la commission
et repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 9.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, le texte proposé pour l'article L. 29-7 du code de la route
est ainsi rédigé.
ARTICLE L. 29-5 DU CODE DE LA ROUTE
(suite)
M. le président.
Nous en revenons à l'article L. 29-5 du code de la route, précédemment
réservé.
Par amendement n° 43, M. Mahéas et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 2
pour l'article L. 29-5 du code de la route, d'insérer deux alinéas ainsi
rédigés :
« Pour les organismes sans but lucratif régis par la loi de 1901, qui exercent
leur activité dans le champ de l'insertion ou de la réinsertion sociale et
professionnelle, l'agrément est délivré par l'autorité administrative sous
réserve que les conditions prévues aux articles L. 29-7 et L. 29-8 soient
remplies.
« Un décret détermine les caractéristiques de ces associations. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 47, présenté par le
Gouvernement, et tendant, dans le premier alinéa du texte proposé par
l'amendement n° 43 pour être inséré après le premier alinéa de l'article L.
29-5 du code de la route, à remplacer les mots : « aux articles L. 29-7 et »
par les mots : « au 1° de l'article L. 29-7 et à l'article ».
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 47 ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
La commission n'a pas pu délibérer sur ce point. Cela dit,
j'estime que le sous-amendement présenté par le Gouvernement complète, à juste
titre, l'amendement déposé par M. Mahéas.
En conséquence, je m'en remets à la sagesse du Sénat, avec un avis plutôt
favorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 47.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Je suis tout à fait d'accord avec la proposition du Gouvernement de bien
distinguer l'enseignement à titre onéreux et la formation sans but lucratif.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 47, pour lequel la commission s'en
remet à la sagesse du Sénat.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 43, accepté par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 7, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le
second alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-5 du code
de la route, après les mots : « véhicules terrestres à moteur », d'insérer les
mots : « d'une catégorie donnée ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 29-5 du code de
la route.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 29-8 DU CODE DE LA ROUTE
M. le président.
Sur le texte proposé pour l'article L. 29-8 du code de la route, je ne suis
saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 29-9 DU CODE DE LA ROUTE
M. le président.
Par amendement n° 10, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le
deuxième alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-9 du
code de la route, de remplacer les mots : « code de la route » par les mots : «
présent code ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 11, M. Lanier, au nom de la commission, propose :
I. - De compléter
in fine
le texte présenté par l'article 2 pour
l'article L. 29-9 du code de la route par un alinéa ainsi rédigé :
« La mesure de suspension provisoire cesse de plein droit dès que l'autorité
judiciaire s'est prononcée. »
II. - En conséquence, de supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par
cet article pour l'article L. 29-9 du code de la route.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
L'article L. 29-9 du code de la route prévoit deux séries de
cas qui peuvent donner lieu à une suspension de l'agrément par le préfet. Il
est nécessaire que, dans tous les cas, cette suspension cesse lorsque
l'autorité judiciaire s'est prononcée. Cela me paraît l'évidence même. Ainsi,
si l'obligation relative à la nécessité d'un contrat entre les élèves et
l'établissement n'est pas respectée, une mesure de suspension est possible ;
elle doit naturellement cesser lorsque l'autorité judiciaire s'est
prononcée.
Notre amendement tend à déplacer un alinéa, afin de couvrir tous les cas
envisageables.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 29-9 du code de
la route.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 29-10 DU CODE DE LA ROUTE
M. le président.
Par amendement n° 12, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le
premier alinéa du paragraphe I du texte présenté par l'article 2 pour l'article
L. 29-10 du code de la route, après les mots : « véhicules terrestres à moteur
», d'insérer les mots : « d'une catégorie donnée et de la sécurité routière
».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 13, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le
premier alinéa du paragraphe I du texte présenté par l'article 2 pour l'article
L. 29-10 du code de la route, après les mots : « à l'article L. 29-5 »,
d'insérer les mots : « ou en violation d'une mesure de suspension provisoire de
celui-ci ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
C'est un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 14, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le
premier alinéa du paragraphe II du texte présenté par l'article 2 pour
l'article L. 29-10 du code de la route, de remplacer les mots : « à l'alinéa
précédent », par les mots : « au I du présent article ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Il s'agit également d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 29-10 du code de
la route.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 29-11 DU CODE DE LA ROUTE
M. le président.
Par amendement n° 15, M. Lanier, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 29-11 du code de
la route :
«
Art. L. 29-11
. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités
d'application du présent chapitre. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
L'amendement n° 15 tend à prévoir qu'un décret en Conseil
d'Etat fixera les modalités d'application du présent chapitre. En effet, il est
apparu à la commission des lois qu'il était dépourvu d'intérêt d'inscrire dans
la loi ce que prévoira notamment le décret d'application. Il ne faut pas, c'est
l'avis constant de la commission, surcharger les lois de mentions inutiles.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le Gouvernement
est favorable à cet amendement.
Puisque nous arrivons au terme de l'examen de l'article 2, je souhaite attirer
l'attention du Sénat sur la modernisation que j'entends engager en matière de
fonctionnement de l'administration.
Les agents des services de répartition et les inspecteurs du permis de
conduire sont des agents de l'Etat. Malheureusement, ils travaillent souvent
dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes. Il importe donc d'améliorer
le fonctionnement des services afin de rendre un meilleur service à
l'usager.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article L. 29-11 du code de la route est ainsi rédigé.
Pesronne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Le cinquième alinéa de l'article L. 211-1 du code des assurances
est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les membres de la famille du conducteur ou de l'assuré, ainsi que les élèves
d'un établissement d'enseignement de la conduite des véhicules terrestres à
moteur agréé, en cours de formation ou d'examen, sont considérés comme des
tiers au sens du premier alinéa du présent article. » -
(Adopté.)
Section 3
Dispositions relatives à la responsabilité
des propriétaires de véhicules
Article 4
M. le président.
« Art. 4 - Au premier alinéa de l'article L. 21-1 du code de la route, les
mots : "est responsable pécuniairement des infractions à la réglementation
sur le stationnement des véhicules pour lesquelles seule une peine d'amende est
encourue," sont remplacés par les mots : "est responsable
pécuniairement des contraventions à la réglementation sur le stationnement des
véhicules, sur les vitesses maximales autorisées et sur les signalisations
imposant l'arrêt des véhicules,". »
Sur l'article, la parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Je souhaite rappeler qu'au rang des principes supérieurs du droit pénal figure
celui de la responsabilité personnelle, inscrit à l'article 121-1 du code pénal
: « Nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ». Ce principe est
rappelé par l'article L. 21, alinéa 1, du code de la route, en vertu duquel le
conducteur est seul pénalement responsable des infractions commises dans la
conduite du véhicule et peut seul être poursuivi pour ces faits.
Afin de trancher des difficultés de preuves délicates, la loi du 3 janvier
1972 a dérogé à cette règle en faisant peser sur le propriétaire du véhicule la
responsabilité pécuniaire des infractions de stationnement, à charge pour lui
d'établir d'existence d'une force majeure ou d'indiquer l'identité du véritable
auteur de l'infraction.
Monsieur le ministre, l'article 4 du présent projet de loi étend le principe
de la responsabilité pécuniaire du titulaire de la carte grise, instauré par la
loi du 3 janvier 1972 pour les infractions au stationnement, aux excès de
vitesse et au franchissement d'une ligne blanche continue, d'un feu rouge ou
d'un stop.
Votre volonté est de contourner la jurisprudence en matière de délit de grande
vitesse, selon laquelle il est indispensable de rapporter la preuve de
l'identité du conducteur pour le condamner, les infractions de conduite pesant
seulement sur ce dernier. Je suis parfaitement conscient des difficultés que
rencontrent les forces de police et de gendarmerie pour identifier les
conducteurs et, de ce fait, de l'impossibilité de les sanctionner. Je pense
notamment aux motards, aux conducteurs de poids lourds ou aux conducteurs de
véhicules dotés d'un pare-brise fumé ; dans cette enceinte, nous sommes
quelques-uns à posséder un véhicule de ce type.
Je reconnais donc volontiers l'intérêt pratique de cette mesure. Toutefois,
elle n'est pas sans soulever des problèmes de philosophie juridique, que le
Conseil constitutionnel, s'il était saisi, pourrait lever.
Les amendements de la commission lèvent en partie l'ambiguïté de cette
disposition en précisant qu'il s'agit d'une responsabilité pécuniaire, et non
d'une responsabilité pénale, et que cette condamnation ne peut faire l'objet
d'une inscription au casier judiciaire, ce qui améliore bien sûr le texte.
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 21 est présenté par MM. Hérisson et Cantegrit.
L'amendement n° 31 est proposé par M. Lesein.
Tous deux tendent à supprimer l'article 4.
Par amendement n° 16 rectifié, M. Lanier, au nom de la commission, propose
:
A. - De compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« II. - Le même article est complété
in fine
par un alinéa ainsi rédigé
:
« La personne déclarée responsable en application des dispositions du présent
article n'est pas responsable pénalement de l'infraction. L'application du
présent article ne donne lieu à aucune inscription au casier judiciaire et ne
peut être prise en compte pour l'application des règles sur la récidive. Elle
n'entraîne pas retrait des points affectés au permis de conduire. »
B. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention :
« I. - ».
La parole est à M. Hérisson, pour défendre l'amendement n° 21.
M. Pierre Hérisson.
Cet article est condamnable tant du point de vue juridique que sur le plan
moral.
D'un strict point de vue juridique, il convient de s'interroger sur la nature
de la responsabilité pécuniaire du titulaire de la carte grise. Il n'existe,
dans notre droit, qu'une responsabilité pénale, civile ou administrative. Or ce
que le Gouvernement appelle responsabilité pécuniaire n'est, en réalité, qu'un
aspect de la responsabilité pénale. Il sera extrêmement difficile d'éviter que
le juge ne déclare pas pénalement responsable le propriétaire du véhicule dans
le cas d'un excès de vitesse commis par le conducteur, malgré les aménagements
qui sont proposés par la commission.
Rappelons que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait, ce qui
interdit toute responsabilité pénale du fait d'autrui, identifié ou non. Il
s'agit là d'un principe général du nouveau code pénal, repris dans l'article L.
21 du code de la route. L'argument selon lequel il existerait, dans le droit du
travail, une responsabilité pour fait commis par autrui est inexact, dans la
mesure où une faute personnelle est nécessaire. Comment prétendre transposer ce
principe exceptionnel de la responsabilité pour autrui aux infractions
routières ? On peut même ajouter que le nouveau code pénal rend caduque la
disposition dérogatoire de l'article L. 21-1 du code de la route, que le
Gouvernement souhaite modifier aujourd'hui. Nous maintenons que vous ne pouvez
pas prétendre introduire une nouvelle incrimination pour le fait d'autrui.
Autre argument juridique de poids : le dispositif proposé impose un traitement
différent aux contraventions d'une même classe. En effet, dans le texte de
l'article, une seule sanction pourra être prononcée : la peine d'amende.
Rappelons que pour les contraventions de la cinquième classe, l'excès de
vitesse par exemple, le juge peut prononcer soit une peine d'amende, soit une
peine restrictive de droit à laquelle peut s'ajouter une peine complémentaire.
Ce système porte atteinte au principe de la personnalisation des peines et
constitue une entrave évidente au pouvoir du juge et à sa liberté
d'appréciation. La validité constitutionnelle du dispositif proposé par le
Gouvernement nous paraît même douteuse.
Au mépris du droit, le Gouvernement ajoute la démagogie : que dire de
l'alternative devant laquelle se trouvera le propriétaire d'un véhicule, à
savoir accepter d'être le coupable d'office ou rechercher lui-même le coupable
et le dénoncer ? Nous considérons que l'amélioration de la sécurité routière ne
peut passer par une forme d'incitation à la délation.
M. le président.
La parole est à M. Lesein, pour défendre l'amendement n° 31.
M. François Lesein.
Il me paraît inconcevable d'envisager qu'une quelconque responsabilité, même
uniquement pécuniaire, soit mise à la charge du propriétaire du véhicule.
En premier lieu, en dépit de toutes les précautions qui pourront être prises
pour qu'il n'en paraisse pas ainsi, ce mécanisme est, comme cela vient d'être
dit, en parfaite contradiction avec l'un des fondements du droit pénal
français. L'article 121-1 du code pénal dispose en effet que « nul n'est
responsable pénalement que de son propre fait ». La création d'une
responsabilité pécuniaire distincte de la responsabilité pénale permet, certes,
de contourner la règle édictée par cet article, mais il n'en demeure pas moins
qu'elle est contraire au principe même de cet article.
De plus, la Cour de cassation rappelle fréquemment que « nul n'est punissable
qu'en raison de son propre fait ». Or, même si la responsabilité pénale du
propriétaire n'est pas engagée, le simple fait de régler l'amende est bel et
bien constitutif d'une punition. L'article 4 est donc contraire au principe de
la personnalité des peines.
En second lieu, cet article, en prévoyant que le conducteur peut dégager sa
responsabilité pécuniaire en permettant d'identifier le conducteur, incite
purement et simplement à la délation, ce qui n'est pas acceptable.
Dans l'exposé des motifs du projet de loi, M. le ministre précise : «
L'utilisation des moyens automatiques de contrôle s'étendra inéluctablement car
elle permet, notamment en matière de vitesse, de contrôler aux endroits
effectivement les plus dangereux ou dans des conditions de circulation
difficiles où les contrôles avec interception sont pratiquement impossibles.
Cette mesure est la seule qui permette la réalisation, dans ces conditions, de
contrôles garantissant la sécurité des conducteurs, des usagers et des forces
de l'ordre. »
C'est faux. En effet, je roule très souvent sur autoroute, comme nombre
d'entre vous sans doute, et la plupart du temps les véhicules de gendarmerie
sont cachés là où il y a une sortie d'autoroute ou une bretelle de service. Les
gendarmes ne vous interpellent pas ; ils font simplement une photographie
qu'ils vous envoient. Selon moi, ils ne font pas leur travail. Ils devraient
intercepter les contrevenants, afin que ceux-ci soient au moins prévenus. Je ne
vous lirai pas ce que j'avais écrit parce que j'étais fâché.
(Sourires.)
Il n'est pas normal que les gendarmes se cachent. Or votre
prédécesseur, M. Pons, avait fait paraître une note selon laquelle ils ne
devaient plus se cacher.
Cela traduit peut-être un manque de moyens, mais, surtout, un manque de
courage.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 16 rectifié et
pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 21 et 31.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Compte tenu de l'amitié que je porte aux auteurs des
amendements n°s 21 et 31, je regrette de leur dire que la commission a émis un
avis défavorable. Elle en a longuement discuté, à deux reprises. Par
conséquent, on ne peut pas dire que ces amendements fort importants, qui sont
au coeur du dispositif qui nous est proposé, ont été étudiés à la légère.
M. François Lesein.
Ce n'est pas ce que nous avons dit !
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur Hérisson,
aucun fait juridique ne permet de condamner cet article. Il s'agit d'un simple
aménagement du principe de la personnalité des peines qui existe déjà pour les
infractions au stationnement.
Il faut savoir ce que l'on veut. Acceptez-vous que l'égalité des citoyens
devant la loi soit bafouée - et elle l'est à l'heure actuelle - par un tiers
des personnes qui ont commis une infraction ? En effet, on ne peut identifier
le conducteur s'il est protégé par un casque intégral ou s'il est assis dans
une cabine dont la hauteur ne permet pas d'apercevoir l'occupant, qui lui-même
est protégé par un pare-brise teinté. Un tiers environ des conducteurs
échappent à l'identification. Ils le savent et ils en profitent.
C'est donc pour les protéger d'eux-mêmes que nous ne sommes pas favorables à
ces amendements.
Au-delà de toutes les questions juridiques qui ont été évoquées et que la
commission n'a pas retenues, il s'agit d'un problème moral. En effet, la
commission considère que l'on doit être responsable de son véhicule, et un
exemple lui a été cité à ce propos. Autrefois, le propriétaire d'un cheval qui
laissait échapper celui-ci...
M. Hilaire Flandre.
Il n'avait pas de plaque d'immatriculation !
(Sourires.)
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
... de son enclos était civilement responsable de l'accident
éventuellement provoqué et payait les amendes qui en découlaient. Je pense pour
ma part que, aujourd'hui, la situation est identique quand vous êtes
propriétaire de chevaux-vapeur, c'est-à-dire d'un véhicule qui roule et qui
peut provoquer des accidents, par exemple dans le cas où, par une erreur, ce
qui peut arriver à tout le monde, ou simplement à la suite d'une défaillance
mécanique, son frein à main lâche alors qu'il était garé sur un emplacement
prévu à cet effet dans une rue en pente. On ne vous recommande d'ailleurs pas,
dans le code de la route, de passer la première.
Cela n'est pas arrivé, mais j'ai été le témoin d'une telle situation. Une
voiture avait commencé à dévaler la rue François-Ier. Etant à cent mètres de
là, j'ai poussé des hurlements pour attirer l'attention d'un groupe de passants
qui allaient se faire écraser par la voiture qui prenait de la vitesse. Le
groupe s'est heureusement écarté rapidement et la voiture a terminé sa course
dans d'autres véhicules. Le propriétaire du véhicule est responsable du fait
que son frein a cédé, je regrette de devoir le dire.
Dans une affaire comme celle-là, certains conducteurs profiteraient d'une
totale impunité, et d'ailleurs tout à fait scandaleuse au regard de l'égalité
des citoyens devant la loi.
Par ailleurs, on n'est effectivement responsable que de son propre fait. C'est
précisément la raison pour laquelle la commission, d'ailleurs sur ma
proposition, a adopté l'amendement n° 16 rectifié, que j'ai même marqué de cinq
étoiles.
(Sourires.)
Il vise à préciser clairement que la responsabilité
pécuniaire du propriétaire ne porte en aucune façon atteinte au principe du
droit pénal selon lequel nul n'est responsable pénalement que de son propre
fait. En effet, le propriétaire du véhicule pourra être tenu de payer une
amende, sauf bien entendu s'il est lui-même le conducteur du véhicule et
responsable de l'infraction. Mais, s'il n'est pas dans le véhicule, il ne sera
en aucune façon responsable pénalement et il n'y aura, bien sûr, aucune mention
au casier judiciaire ni retrait de points. Cela allait peut-être sans le dire,
mais nous avons préféré l'inscrire dans la loi.
M. Jacques Mahéas.
C'est mieux !
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Le texte ne comportait pas cette précision. En réalité, il
n'était pas utile qu'il le comportât. Malheureusement, nous avons dû un peu
surcharger la loi car il fallait que cela soit dit légalement, de façon à
préserver les propriétaires d'une responsabilité pénale. Parler de délation,
comme certains l'ont fait, c'est employer un bien grand mot. En effet, le
propriétaire qui n'était pas dans son véhicule peut dire que celui-ci a été
volé, à condition qu'il ait fait une déclaration de vol. A ce moment-là, il
n'encourra aucune amende. Si c'est son fils qui conduisait le véhicule, il sera
en face de sa propre conscience. Il ne révéléra pas que c'était son fils qui
conduisait le véhicule - il aurait tort de le faire - car cela protégera
peut-être le fils ultérieurement. Il assumera la charge de père de famille.
Si le véhicule a été confié à un étranger, la situation est la même. Ou bien
le propriétaire protégera l'étranger mais en paiera le prix, ou bien il ne le
fera pas. Je ne vois pas en quoi il y a volonté de délation.
Cet amendement aurait été proposé pour les entreprises, m'a-t-on dit. En
l'occurrence, le sens moral de mon propos éclate au grand jour. Une entreprise
doit savoir à qui elle confie ses véhicules. Elle embauche des conducteurs
qu'elle rémunère. Ils doivent donc observer le code de la route, sinon ils
mettent l'entreprise en difficulté. Par ailleurs, le chauffeur est responsable
du véhicule à partir du moment où il le conduit.
Aussi, je ne vois pas en quoi les entreprises pourraient être lésées. En
effet, une entreprise qui est bien organisée sait que tel véhicule a été confié
tel jour à M. Untel, et donc qui le conduisait et a commis l'infraction.
Je ne vois pas comment un chef d'entreprise pourrait permettre à n'importe qui
de prendre à sa guise n'importe quel véhicule pour aller courir la prétantaine
! Il s'agit là, selon moi, d'une sécurité qu'il faut également donner aux
entreprises.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons voulu marquer clairement
qu'il n'y avait pas de responsabilité pénale du conducteur, mais que le
propriétaire du véhicule avait toutefois la responsabilité des amendes. Je
rappelle qu'un tiers des infractions échappe actuellement à toute sanction et
que seule l'immatriculation du véhicule peut apporter la preuve.
Tout cela explique pourquoi la commission des lois se prononce contre les
amendements n°s 21 et 31, souhaitant aménager le texte du Gouvernement en
protégeant le propriétaire de toute pénalité ultérieure.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 21, 31 et 16 rectifié
?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le Gouvernement
émet un avis favorable sur l'amendement n° 16 rectifié, qui vise à préciser le
sens et les conséquences de l'article et donc à améliorer la lisibilité du
texte.
J'en viens aux amendements n°s 21 et 31, sur lesquels bien des choses viennent
d'être dites par M. le rapporteur, ce qui me dispensera de longs
développements.
Le dispositif proposé figure depuis 1972 à l'article L. 21-1 du code de la
route. J'ajoute, monsieur Hérisson, que le Conseil d'Etat a approuvé les textes
qui vous sont soumis.
Mme Joëlle Dusseau.
Tout à fait !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Actuellement,
les infractions au stationnement sont sanctionnées sans que l'autorité
administrative ait besoin de rechercher quel conducteur a commis l'infraction.
Il s'agit donc d'étendre cette disposition à trois infractions précises : les
excès de vitesse, le non-respect d'un feu rouge et le non-respect d'un stop.
Cette disposition permettra de faire respecter, ainsi que l'a dit M. le
rapporteur, l'égalité devant la loi, ce qui est très important dans ce domaine
comme d'ailleurs dans tous les autres domaines. En effet, aujourd'hui, près de
40 % des conducteurs commettant des infractions échappent aux sanctions.
Le projet que nous vous présentons n'a rien à voir avec celui qui avait été
proposé sur le même sujet par un précédent gouvernement.
Certains orateurs ont évoqué la délation. Mais ce texte tend exactement au
contraire, puisqu'il vise justement à décourager la délation. En aucun cas, en
effet, les services de police et de gendarmerie n'auront à rechercher le
conducteur. Et le fait pour le propriétaire de dénoncer le conducteur à qui il
a prêté la voiture ne servira à rien, car c'est lui qui, de toute façon, comme
pour les infractions au stationnement, recevra le procès-verbal et devra payer
l'amende. A lui de juger ensuite s'il doit ou non se faire rembourser par son
ami ou par son fils !
En tout état de cause, je confirme que le propriétaire condamné à payer
l'amende ne sera pas responsable pénalement, que la condamnation ne sera pas
inscrite à son casier judiciaire et n'entraînera pas de perte de points
affectés au permis de conduire. Comme en matière de stationnement, le
propriétaire qui apportera la preuve que son véhicule lui a été dérobé ne sera
pas passible de l'amende.
Le dispositif est donc simple ; il est le contraire de la délation et il vise
à l'égalité de tous devant la loi et la justice.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 21 et 31.
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole contre les amendements.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Mes chers collègues, je suis hostile à ces amendements de suppression.
Depuis 1972, le propriétaire d'un véhicule est responsable pécuniairement en
cas de stationnement interdit.
MM. Jean-Pierre Cantegrit et Pierre Hérisson.
Cela n'a rien à voir !
Mme Joëlle Dusseau.
Mais si ! Si le stationnement interdit cause rarement des accidents, les excès
de vitesse, le franchissement des feux rouges et des stops est autrement plus
grave.
Cette disposition de la loi de 1972 n'a jamais été remise en cause. Le
Gouvernement propose donc une extension dans le cas d'excès de vitesse et de
refus de signalisation.
Actuellement, dans près de 40 % des cas, selon M. le ministre, les conducteurs
commettant des excès de vitesse, grillant des feux rouges ou brûlant des stops
ne peuvent pas être identifiés en raison notamment des glaces teintées ou des
conditions de circulation sur les périphériques, qui interdisent souvent
d'arrêter les voitures ; par conséquent, ces conducteurs ne peuvent être
poursuivis.
Je suis gênée, mes chers collègues, quand j'entends certains d'entre vous,
sûrement un peu emportés par des passions qu'ils nont pas vraiment dominées
encore ou ayant subi récemment un contrôle de police un peu inopiné, soutenir
que, trop souvent, les policiers se cachent pour effectuer leurs contrôles et
qu'ils manquent donc de courage. Je suis gênée quand j'entends parler de «
mépris du droit », de « délation » - M. le ministre a fait justice de cette
accusation - et quand j'entends évoquer la « philosophie juridique » : mes
chers collègues, avec tous ces mots, vous protégez des personnes qui, si elles
n'ont sans doute pas le mépris du droit - elles savent sûrement s'en servir -
ont en tout cas le mépris de la vie. Or, c'est cette dernière qui importe avant
tout.
Il faut replacer cette disposition dans le cadre actuel de la législation.
Nous voulons tous - aucun intervenant dans la discussion générale n'a dit le
contraire - faire baisser de manière significative, drastique, diviser par deux
le nombre d'accidents mortels dans les cinq ans à venir. Nous savons à quel
point certains conducteurs ont des pratiques dangereuses. La disposition qui
nous est soumise par le Gouvernement et que l'amendement n° 16 rectifié vise à
améliorer vise simplement à étendre la responsabilité pécuniaire du
propriétaire.
Je demande donc vraiment aux auteurs des amendements de suppression de bien
réfléchir aux conséquences psychologiques qu'aurait l'adoption de ces textes :
cela aboutirait, à mon avis, à donner une espèce de licence aux conducteurs
pour continuer à rouler en excès de vitesse, à griller des feux rouges ou à
brûler des stops, alors qu'un tiers d'entre eux échappe déjà actuellement aux
contrôles.
Est-ce vraiment ce message que les parlementaires que nous sommes veulent
donner à ces conducteurs ?
L'argument de M. le rapporteur sur la responsabilité du propriétaire d'un
véhicule à l'arrêt dont le frein cède, par exemple, est très juste, et il nous
faut y réfléchir.
M. le président.
Je vous demande de conclure, madame le sénateur.
Mme Joëlle Dusseau.
Je vous rappelle aussi que, en matière de droit du travail, le chef
d'entreprise est personnellement responsable des actes de ses salariés.
Par conséquent, mes chers collègues, je vous demande très sincèrement de ne
pas conforter les comportements dangereux et de veiller vraiment au respect de
la vie.
M. Philippe Arnaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
Je commençais à me poser un certain nombre de questions après avoir entendu
les explications de M. le rapporteur, n'ayant pas été convaincu par
l'illustration parfaite du cheval ou du véhicule en stationnement dont le frein
cède dans la mesure où, dans ces deux cas, aucune action humaine n'entraîne une
infraction.
Si, après les explications de M. le ministre, je m'interrogeais encore sur la
pertinence de maintenir ou non cet article, je suis résolument favorable aux
amendements n° 21 et 31, et donc à la suppression de l'article 4 après la
plaidoirie de Mme Dusseau.
Madame Dusseau, vous justifiez votre demande de retrait de ces amendements
tout simplement par le fait qu'un tiers des infractions ne peut être verbalisé
faute de possibilité d'identifier les conducteurs. Vous évoquez notamment,
comme motif de cette absence d'identification, les vitres teintées. La
commodité vous conduit à souhaiter verbaliser tout de suite le propriétaire.
Continuons dans cette voie et, dans six mois au maximum, tous les véhicules,
en France, seront équipés de vitres teintées ! Tout le monde profitera de la
situation puisque seul le propriétaire sera automatiquement verbalisé et
puisqu'il n'y aura pas de responsabilité pénale, pas d'inscription au casier
judiciaire et pas de retrait des points affectés au permis de conduire. En
conséquence, je voterai les amendements n°s 21 et 31 visant à la suppression de
l'article 4.
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Très bien !
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Rien n'est parfait en la matière, et il nous faut, à mon avis, adopter
l'attitude la plus pragmatique.
Pour ma part, j'ai attiré l'attention du Gouvernement sur l'aspect
constitutionnel du problème. Pardonnez-moi, madame Dusseau, d'avoir prononcé le
mot de « philosophie ». En réalité, chacun voit bien que cette mesure est
imparfaite ; mais si nous voulons être efficaces, il n'y a pas d'autre mesure
envisageable.
Cela étant, j'attire tout de même l'attention sur le fait que les véhicules de
société, qui, comme l'a indiqué M. le rapporteur, devraient être parfaitement
répertoriés à tout moment de la journée, ne le seront peut-être pas aussi
facilement que cela. Aux termes de l'article 5, tout conducteur de véhicule à
moteur qui aura été condamné pour un dépassement de la vitesse maximale
autorisée égal ou supérieur à 50 kilomètres à l'heure et qui récidive se verra
automatiquement puni d'une amende de 50 000 francs. Pour certaines sociétés,
cela posera des problèmes extrêmement importants.
Ce côté pénalisant me paraît en revanche logique par rapport à l'enjeu qui
concerne effectivement souvent des vies humaines. En effet, une grosse
infraction peut entraîner mort d'homme.
Par conséquent, nous voterons ce texte, même s'il est imparfait, et nous nous
prononcerons contre les amendements n°s 21 et 31.
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Mes chers collègues, je poserai simplement trois questions : voulez-vous
conforter des comportements à risques ? Voulez-vous conforter des comportements
à risques sans les sanctionner ?
M. Philippe Arnaud.
Non !
Mme Joëlle Dusseau.
Voulez-vous protéger des gens dangereux ?
M. Philippe Arnaud.
Non !
Mme Joëlle Dusseau.
Si la réponse est « oui », je ne peux que vous inviter à voter les amendements
de suppression !
(Protestations sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 21 et 31, repoussés par la
commission et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, ainsi modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Section 4
Dispositions relatives à la création d'un délit
en cas de récidive de dépassement de la vitesse maximale
autorisée, égal ou supérieur à 50 km/h
Article additionnel avant l'article 5
M. le président.
Par amendement n° 38, Mme Dusseau propose d'insérer, avant l'article 5, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Il est ajouté au titre premier du code de la route (partie législative)
après l'article L. 4, un article L. ... ainsi rédigé :
«
Art. L. ...
- Est puni d'une peine d'amende de 25 000 francs tout
conducteur d'un véhicule à moteur, lorsque la vitesse constatée de son véhicule
dépasse de plus de 50 kilomètres-heure la vitesse maximale fixée par l'autorité
compétente. »
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Tout d'abord, je voudrais féliciter l'ensemble du Sénat pour le vote qu'il
vient d'émettre.
(Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste.)
Mes chers collègues, je comprends vos réactions, mais je vous assure que
vous avez bien fait globalement de voter comme vous l'avez fait.
M. le président.
Madame Dusseau, le vote a eu lieu. Présentez votre amendement n° 38, je vous
prie.
M. Louis Moinard.
Vous pourriez respecter les parlementaires, madame !
Mme Joëlle Dusseau.
Je respecte tout le monde !
Par cet amendement n° 38, je propose que soit considéré comme délictuel le
premier grand excès de vitesse dépassant de plus de cinquante kilomètres-heure
la vitesse légale, passant ainsi de la notion de contravention, fût-elle de
cinquième catégorie, à la notion de délit.
Comme je l'ai rappelé lors de la discussion générale, ce point a fait l'objet
d'une proposition de loi que j'ai déposée en 1995.
Je propose que ce délit soit puni non de prison, mais de 25 000 francs
d'amende.
Mes chers collègues, j'ai bien entendu la déclaration générale de M. le
ministre, et je sens bien l'ambiance de notre Haute Assemblée.
(Murmures sur les travées du RPR.)
Si je présente malgré tout cet
amendement, c'est parce qu'il me semble qu'en matière de conduite le symbole
est important et peut jouer sur les comportements.
On publie régulièrement les statistiques faisant état du nombre de tués sur la
route. Ce n'est pas ce qui fait baisser les chiffres ou qui modifie la conduite
! Si les gens étaient vraiment confrontés à l'idée que, s'ils commettent un
grand excès de vitesse, il s'agit non plus d'une contravention mais d'un délit,
cela pourrait, je pense, modifier en profondeur leur comportement dans la
conduite automobile ou dans la conduite des deux-roues.
Voilà pourquoi je propose cet amendement, tout en étant bien consciente qu'il
n'a pas une chance exceptionnelle d'être adopté par notre assemblée.
M. le président.
Ne préjugez pas le vote du Sénat !
M. Jean-Pierre Cantegrit.
L'automobiliste est un coupable qui s'ignore !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
La commission des lois est formellement défavorable à cet
amendement, et je vous prie de bien vouloir m'en excuser, madame Dusseau.
En effet, cet amendement vise à faire du grand excès de vitesse, que nous
avons maintes fois défini ici, un délit même en l'absence de récidive. Vous
alourdissez ainsi, madame, la répression avec un marteau-pilon.
La commission des lois n'est pas favorable à la multiplication des mesures
répressives. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé liminaire, nous devons
travailler à la responsabilisation des individus. C'est d'ailleurs la raison
pour laquelle j'étais opposé tout à l'heure aux amendements n° 21 et 31.
Le texte du Gouvernement prévoit une sanction lourde - nous le verrons dans un
instant - en cas de récidive de grand excès de vitesse. Il est inutile d'en
rajouter !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Défavorable,
pour les mêmes raisons que M. le rapporteur.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 38.
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Un jour ou l'autre, notre pays sera amené à prendre ce genre de mesures.
J'ai enregistré avec satisfaction la décision de M. le ministre, qui nous a
annoncé qu'il réunirait tous les ans le comité interministériel de sécurité
routière. Ce dernier sera sûrement conduit à évaluer la politique mise en
place, ce qui me paraît nécessaire. Je regrette d'ailleurs fortement que le
principe de ces réunions annuelles ait été abandonné depuis 1994.
Cela dit, je maintiens cet amendement pour vous rappeler, mes chers collègues,
que l'on compte actuellement 8 000 morts par an sur les routes de France et
que, derrière ces chiffres, ce sont des vies brisées, notamment des vies de
jeunes et des vies de parents qui ne pourront jamais se remettre de la mort de
leur enfant. Il y a, derrière ces chiffres, tant de situations si injustes et
si abominables à vivre que nous devrons bien un jour prendre des mesures fortes
et symboliques.
Je ne suis pas obsédée par la répression,...
M. Hilaire Flandre.
Supprimez les voitures !
Mme Joëlle Dusseau.
... mais je suis, je vous l'assure, obsédée par le fait qu'il faut
impérativement transformer en profondeur la manière dont nos concitoyens
conduisent leur voiture.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - Il est ajouté au titre premier du code de la route (partie
législative) un article L. 4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4-1. -
Est puni de six mois d'emprisonnement et de 50 000
francs d'amende tout conducteur d'un véhicule à moteur qui, déjà condamné
définitivement pour un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou
supérieur à 50 kilomètres à l'heure, commet la même infraction dans le délai
d'un an à compter de la date à laquelle cette condamnation est devenue
définitive. »
Sur l'article, la parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Cet article 5 tend à créer un délit en cas de récidive de dépassement égal ou
supérieur à 50 kilomètres à l'heure de la vitesse maximale autorisée.
Des études effectuées au cours des vingt dernières années ont permis de cerner
les principaux facteurs concourant à la fréquence des accidents de la route :
dans 95 % des cas, ceux-ci trouvent leur origine dans le comportement des
usagers de la route, 5 % étant dus à des défaillances techniques ou à des
événements imprévisibles. En outre, la moitié des accidents mortels sont liés à
une vitesse excessive ou inadaptée.
Aujourd'hui, si la gradation de la répression est réelle pour ce qui est de la
suppression des points et de la suspension du permis de conduire, elle est, en
revanche, inexistante en ce qui concerne la nature des infractions, puisque
tous les excès de vitesse constituent des contraventions de quatrième
classe.
Vous proposez donc, monsieur le ministre, d'instaurer cette gradation des
infractions.
La première étape a été le décret du 26 mars dernier, qui prévoit de
sanctionner par une contravention de cinquième classe tout dépassement de la
vitesse autorisée égal ou supérieur à 50 kilomètres à l'heure, quel que soit le
réseau considéré.
A cette disposition réglementaire, le projet de loi que nous examinons
aujourd'hui ajoute une disposition législative qui prévoit que, lorsque le
dépassement est supérieur à 50 kilomètres à l'heure et qu'il y a récidive, le
conducteur sera puni de six mois d'emprisonnement et de 50 000 francs
d'amende.
Au passage, j'attire votre attention sur le fait que, effectivement, des
propriétaires peuvent se trouver condamnés à des amendes d'un montant tout à
fait extraordinaire, et ce même s'ils ne sont pas les conducteurs du
véhicule.
J'accepte effectivement cette nouvelle mesure, mais j'insiste sur la nécessité
de mettre en place des dispositifs de prévention et de réviser la
réglementation de la vitesse autorisée sur bien des axes routiers de France. En
effet, chacun de nous a pu le constater, il existe en France des routes
nationales, départementales, mais aussi communales sur lesquelles la limitation
de la vitesse est tout à fait drastique. De la sorte, quand survient un
accident grave dans une commune, le maire est sollicité par ses concitoyens
pour instaurer des zones de limitation de vitesse à 30 kilomètres à l'heure,
sans même que soit prévue une consultation du directeur départemental de
l'équipement ou du préfet, qui pourraient se prononcer sur le bien-fondé d'une
telle limitation. L'élu n'étant pas en position de résister à l'élan populaire
qui veut que l'on restreigne la vitesse, je demande que l'on fasse tout pour
que ces réglementations de vitesse trop importantes soient revues dans bien des
lieux de France.
M. le président.
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 22 est présenté par MM. Hérisson et Cantegrit.
L'amendement n° 25 est déposé par M. Plasait.
L'amendement n° 32 est présenté par M. Lesein.
Tous trois tendent à supprimer l'article 5.
Par amendement n° 39, Mme Dusseau propose, dans le texte présenté par
l'article 5 pour l'article L. 4-1 du code de la route, de remplacer les mots :
« d'un an » par les mots : « de trois ans ».
Par amendement n° 26, M. Plasait propose :
A. - De compléter
in fine
l'article 5 par un paragraphe ainsi rédigé
:
« II. - Dans le délai de dix-huit mois après promulgation de la présente loi,
le Gouvernement présentera au Parlement un rapport d'évaluation de
l'application du délit créé au I, en cas de récidive de dépassement de la
vitesse maximale autorisée, égal ou supérieur à 50 km/h, et formulera, le cas
échéant, des propositions de modulation. »
B. - En conséquence, de faire précéder cet article de la mention : « I. -
».
La parole est à M. Cantegrit, pour défendre l'amendement n° 22.
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Point central du projet de loi, la disposition contenue dans l'article 5 est
fortement critiquable, tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme, la procédure utilisée par le Gouvernement ne peut que choquer le
législateur. En effet, il y a quelques jours, un décret a été publié afin de
requalifier l'excès de vitesse en contravention de cinquième classe.
Quelle en est la raison ? Il s'agit tout simplement de rendre légal le
dispositif de cet article, c'est-à-dire de faire bénéficier du régime de la
récidive comme cause d'aggravation de la pénalité les excès de vitesse.
Cette méthode nous paraît tout à fait anormale, parce qu'elle intervient avant
même la discussion du projet de loi par le Parlement. Le Gouvernement inaugure
une méthode consistant à prendre des décrets avant le vote de la loi, décrets
que l'on peut qualifier de textes d'opportunité. Comment ne pas y voir le signe
que tout est joué d'avance ?
Sur le fond, le délit proposé en cas de récidive - six mois de prison et 50
000 francs d'amende - apparaît comme très excessif compte tenu de la faute
commise et vise à classer le conducteur parmi les délinquants sérieux.
Après avoir requalifié l'excès de vitesse en contravention de cinquième
classe, pourquoi ne pas respecter les prescriptions de l'article 132-11 du code
pénal prévoyant qu'en cas de récidive le maximum de la peine d'amende est porté
à 20 000 francs ? A la limite, ce maximum aurait pu être fixé à 50 000 francs,
ce qui aurait été suffisamment dissuasif ! Cela aurait évité la qualification
correctionnelle de l'excès de vitesse, c'est-à-dire la peine
d'emprisonnement.
Rappelons que les cas dans lesquels une contravention se transforme en délit
en cas de récidive sont excessivement rares. Le système proposé, en consacrant
les « contraventions-délits », ajoutera à la complexité du régime des
contraventions de cinquième classe par l'introduction d'une nouvelle dérogation
au droit commun.
En outre, ce nouveau délit ne connaît aucune nuance. Il ne fait pas la
différence, on l'a dit, entre l'excès de vitesse en milieu urbain et sur
autoroute.
Pour toutes ces raisons, ainsi que pour celles qu'a évoquées la commission des
lois, il convient donc de supprimer cet article.
M. le président.
La parole est à M. Plasait, pour défendre l'amendement n° 25.
M. Bernard Plasait.
Notre collègue M. Cantegrit ayant admirablement développé, à l'instant, les
arguments que je voulais présenter, je n'ajouterai rien à son propos.
M. le président.
La parole est à M. Lesein, pour défendre l'amendement n° 32.
M. François Lesein.
Je propose, moi aussi, de supprimer l'article 5 parce que l'arsenal répressif
aujourd'hui en vigueur me paraît suffisant pour éviter la réalisation de telles
infractions.
L'introduction d'une disposition de cet ordre fausse le débat. Si l'intention
des pouvoirs publics est réellement de limiter la vitesse et de faire respecter
les limitations, la seule solution qui s'impose consiste alors à limiter la
vitesse intrinsèque du véhicule, c'est-à-dire à limiter sa puissance !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mais non !
M. François Lesein.
Enfin, nombreux sont les Français qui, parfois à juste titre, ont le sentiment
que les infractions au code de la route sont sanctionnées plus sévèrement que
les infractions de droit commun. Introduire un tel article ne ferait que
renforcer ce sentiment.
Je ne voudrais pas que l'on imagine que je traite le problème par dessus la
jambe. Ma carrière, vous le savez, m'a amené à « ramasser » des morts et des
blessés graves sur la route, et je puis donc dire que ce que j'ai proposé tout
à l'heure - ce sera ma conclusion en fin de séance - est le fruit d'une très
longue expérience. Je crois beaucoup plus, je le répète encore, à la pédagogie
qu'à la punition.
Dans l'exposé des motifs du projet, il est question de vitesse excessive ou
inadaptée. La vitesse excessive, nous y reviendrons. Quant à la vitesse
inadaptée, elle l'est peut-être aussi au regard de l'état des routes ; cela, on
ne le dit jamais dans les comptes rendus de gendarmerie ! Elle l'est peut-être
en raison de la marque du véhicule, qui n'est jamais signalée. On ne sait donc
pas quels sont les véhicules les plus dangereux. Parce qu'il ne faut pas
pénaliser nos industries, ce sont là autant de petits secrets qu'il serait bon
de mettre sur la place publique.
J'en viens au dépassement de la vitesse autorisée égal ou supérieur à 50
kilomètres à l'heure, en rappelant que, précisément, je n'ai pas voté, tout à
l'heure, l'amendement n° 38.
Si donc dans un village, où la vitesse est limitée à 50 kilomètres à l'heure,
vous roulez à 90 kilomètres à l'heure, on ne vous dira pas grand-chose. Mais
vous savez tout comme moi que, dans un village, un gosse qui surgit derrière un
véhicule en stationnement peut être tué par un véhicule roulant à 40 kilomètres
à l'heure.
Qu'est-ce que cela signifie ? Ainsi, on va pouvoir rouler à 90 kilomètres à
l'heure dans un village sans être sévèrement puni, alors qu'on le sera à 180
kilomètres à l'heure sur une autoroute où, dans bien des véhicules, à l'heure
actuelle, on est plus en sécurité qu'avec une vieille 4L qui roule à 90 ou à
100 kilomètres à l'heure !
Tout cela, il faut le savoir. Moi, je ne suis pas d'accord, monsieur le
ministre.
Une solution serait de ne plus construire de voitures aussi puissantes. Mais
alors, que deviendrait la « vache à lait » de l'Etat ? Je pose tout de même la
question parce qu'il ne faut pas être hypocrite. On construit des grosses
voitures, on nous incite à les acheter, à payer des vignettes fort chères, des
cartes grises onéreuses, à user beaucoup d'essence - on sait la proportion des
taxes sur l'essence ! - et l'on ne veut peut plus qu'on roule ! Il faut être
raisonnable !
Ou bien alors, qu'on me réponde que je dois rouler en 4 CV, comme tout un
chacun ! Ainsi, tout le monde sera content.
Pourquoi payer une grosse vignette ? Il faut la même vignette pour tous
puisque l'on ne pourra pas rouler au-dessus d'une vitesse donnée !
Certaines personnes n'ont jamais acheté d'appartement ou de maison parce
qu'elles ont eu envie d'avoir une voiture puissante. C'est leur droit de se
faire plaisir en achetant une telle voiture. Pourquoi les brimer ? Cela ne va
plus du tout !
Monsieur le ministre, je sais quelles sont vos responsabilités et je comprends
vos soucis. Mais je sais bien aussi que ceux qui préparent ces réglementations
que vous nous proposez - M. Bérard, M. Gérondeau, d'autres aujourd'hui - ne
conduisent plus depuis des années parce qu'ils ont un chauffeur. Ils ne savent
donc plus de quoi il s'agit. Je regrette, notamment, qu'ils ne fassent pas la
différence, on l'a dit, entre le grand excès de vitesse sur autoroute et le
même grand excès dans un village, où c'est très dangereux.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau, pour présenter l'amendement n° 39.
Mme Joëlle Dusseau.
Chacun aura compris que mon amendement va dans un sens légèrement différent de
celui que vient de présenter l'honorable collègue de mon groupe.
Monsieur Lesein, je crois que vous n'avez pas étudié suffisamment à fond la
question. Je suis sûre qu'en réfléchissant un peu...
M. le président.
Je vous prie de ne pas interpeller vos collègues, madame.
Mme Joëlle Dusseau.
... vous devriez arriver à une position différente.
Le délai d'un an pour récidive me paraît un peu court. Je préférerais, pour ma
part, que ce délai soit aligné sur la durée nécessaire, dans le code de la
route, pour récupérer les points qui ont été retirés à la suite d'une
infraction, c'est-à-dire trois ans.
M. le président.
La parole est à M. Plasait, pour défendre l'amendement n° 26.
M. Bernard Plasait.
Le délit ainsi créé reposant sur un barème unique de 50 kilomètres à l'heure,
il serait utile de pouvoir apprécier, au vu des premières données statistiques,
son adéquation aux différentes situations rencontrées.
En effet, il y aura, me semble-t-il, une très grande différence selon que le
grand excès de vitesse aura été constaté, par exemple, sur une autoroute très
dégagée ou en zone habitée, ville ou village.
Il serait donc très utile de voir comment les choses se seront passées
concrètement sur le terrain pendant une année afin d'envisager ensuite la
modulation éventuelle du barème.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 22, 25 et 32, ainsi
que sur les amendements n°s 39 et 26 ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Les amendements n°s 22, 25 et 32 visent, en fait, à supprimer
ce qui est tout de même le coeur du dispositif législatif qui nous est proposé,
à savoir la création d'un délit en cas de récidive de grand excès de
vitesse.
La commission des lois, qui en a très longuement débattu, n'est pas favorable
à ces amendements. Peut-être s'agit-il beaucoup plus d'une question de principe
que d'un problème juridique.
En effet, ce que l'on peut attendre d'une telle mesure, c'est qu'elle ait un
effet dissuasif sur certains conducteurs qui se laissent réellement griser par
la vitesse. Oserai-je dire que je ne leur en veux pas ? Quel est celui d'entre
nous qui n'a pas quelquefois été pris par la volonté de puissance du conducteur
ou de son véhicule ? Il faut donc être modeste, dans cette affaire.
Il est exact que le Gouvernement a déjà publié le décret créant une
contravention de cinquième classe en cas de grand excès de vitesse. Ce sont ses
prérogatives ; nous ne pouvons que le constater.
L'auteur d'un des amendements regrette que l'on n'ait pas fait de distinction
entre milieu urbain, autoroute, voire encore réseau départemental - que sais-je
? Il est certain que c'était tentant et qu'une telle distinction aurait pu se
justifier, certains grands excès de vitesse étant plus dangereux que d'autres.
Reste à savoir s'ils sont vraiment plus dangereux en ville que sur autoroute !
Je n'en sais rien. En effet, sur autoroute, ils provoquent parfois des
carambolages de cinquante voitures, avec un incendie monstre, alors qu'en
ville, c'est vrai, la circulation dense nous impose parfois de rouler à vingt
kilomètres à l'heure. Cela m'arrive très souvent lorsque je rentre dans mon
département à dix-huit heures trente.
En fait, si l'on acceptait une telle distinction, la mesure serait peu lisible
et difficilement applicable.
Toutefois, la commission des lois n'a pas été sans ressentir qu'il y avait
effectivement, comme l'a indiqué M. Cantegrit, quelque chose d'un peu excessif
dans les pénalités qui sont proposées. Telle est la raison pour laquelle elle
ne s'opposerait pas à ce qu'on demande à M. le ministre de diminuer les
pénalités qui sont prévues au départ. Au cas où il l'accepterait, je
demanderais à MM. Hérisson, Plasait et Lesein de retirer leurs amendements. La
réponse est donc entre les mains de M. le ministre.
L'amendement n° 39 vise à fixer à trois ans la période durant laquelle
s'apprécie la récidive du grand excès de vitesse. Mme Dusseau estime qu'il en
résulterait une plus grande efficacité en termes de sécurité et une cohérence
avec le fonctionnement du permis à points.
En réalité, l'amendement vise à durcir, et ce dans des proportions extrêmement
importantes, les dispositions relatives au grand excès de vitesse.
Est-il véritablement opportun de développer, dès ce projet de loi, une
politique du « tout-répressif », voire de brutalité répressive ?
Tel n'est pas l'avis de la commission des lois, qui préfère nettement mieux
former les enfants, former les jeunes, les aider à avoir un comportement de
citoyen responsable.
Durcir les textes entraînerait non seulement la peur du gendarme, mais
également la peur que ressentirait finalement tout automobiliste dès qu'il
prendrait le volant, ce qui pourrait être la cause d'une mauvaise conduite de
sa part.
C'est donc à l'unanimité que la commission des lois s'est prononcée contre cet
amendement.
L'amendement n° 26 vise à demander que, dans les dix-huit mois suivant la
promulgation de cette loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport
d'évaluation de l'application du délit que la loi tend précisément à créer.
La commission des lois n'est pas très favorable à la multiplication, qui se
fait jour, des demandes de rapports d'évaluation au Gouvernement. Finalement,
ces rapports d'évaluation sont un peu comme les réponses orales : on vous donne
une belle réponse dans laquelle il n'y a pas grand-chose.
Faut-il, dès lors, surcharger l'exécutif en lui demandant encore des rapports
d'évaluation ? Je ne peux, me faisant l'interprète de la commission, que
traduire sa grande réserve sur l'intérêt de ces rapports sous lesquels nous
avons un peu tendance à crouler et que très peu de gens lisent, en définitive,
parce qu'ils n'en ont guère le temps.
Si de graves difficultés surgissent dans l'application de cette disposition,
nous nous en rendrons compte, me semble-t-il, sans que le Gouvernement ait à
nous soumettre un rapport qui risquerait, alors, d'être un rapport en
défense.
S'agissant de la modulation du délit, l'idée est certes intéressante, mais
elle rendrait la mesure peu lisible et difficilement applicable.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à
l'amendement n° 26, et je demande à M. Plasait de bien vouloir le retirer si
mes arguments l'ont convaincu.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 22, 25, 32, 39 et 26
?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je ne suis pas
insensible à la proposition de M. le rapporteur, mais je demanderai au
préalable aux auteurs des amendements identiques n°s 22, 25 et 32, visant à
supprimer l'article 5, de bien vouloir les retirer.
M. le président.
Monsieur Cantegrit, l'amendement n° 22 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Monsieur le président, indubitablement mon collègue M. Hérisson et moi-même ne
pouvons qu'être sensibles à l'appel que nous a lancé notre excellent rapporteur
M. Lanier, qui considère que les peines prévues sont excessives. Il a repris
mon propos et je l'en remercie.
Monsieur le ministre, nous vous demandons de faire un effort, car nous
considérons que ces peines sont excessives. Des peines diminuées de moitié,
soit 25 000 francs d'amende au lieu de 50 000 francs, et trois mois de prison
au lieu de six mois de prison ne seraient-elles pas suffisamment dissuasives ?
J'espère d'ailleurs que les juges accorderont le sursis, je le dis très
nettement à mes collègues.
Si vous acceptiez notre proposition, monsieur le ministre, mon collègue M.
Hérisson et moi-même serions prêts à retirer notre amendement de
suppression.
M. le président.
L'amendement n° 25 est-il maintenu, monsieur Plasait ?
M. Bernard Plasait.
Je ne suis pas convaincu par les arguments de notre excellent rapporteur, qui
a d'ailleurs quelque peu ironisé sur les modulations qu'il faudrait introduire
entre les chemins vicinaux ou départementaux et les voies urbaines.
Franchement, monsieur le rapporteur, je ne peux pas comprendre qu'on considère
aussi grave de rouler à 180 kilomètres à l'heure en plein jour, dans
d'excellentes conditions, sur une autoroute, et à 90 kilomètres à l'heure dans
un village où un enfant peut surgir à tout instant derrière une voiture ou
d'une ruelle. Cela n'a rien à voir. Je ne suis pas convaincu par ces arguments
et je maintiens mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 32 est-il maintenu, monsieur Lesein ?
M. François Lesein.
Au risque de faire beaucoup de peine à mon excellent ami M. Lanier, je
maintiens mon amendement.
Le simple fait d'envisager une peine de prison parce qu'on a roulé un peu vite
sans avoir eu d'accident n'est pas pensable. On a vu pire quand les gendarmes
arrêtent un voleur de voiture, et qu'ils le présentent au procureur : le voleur
est rentré chez lui avant les gendarmes !
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je voudrais apporter une précision. Il est bien certain que
les pénalités évoquées, y compris d'ailleurs si elles étaient diminuées, sont
des maxima qui ne sont pas applicables systématiquement. C'est une réponse que
je voulais vous faire, monsieur Plasait.
Il serait bon que nous arrivions sur ce point à un accord, car la commission
des lois croit que sa position est juste.
M. le président.
Monsieur le ministre, les amendements de suppression étant maintenus, quel est
l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je suis bien
évidemment défavorable à ces amendements. J'ai entendu de nombreux arguments et
je répète qu'il s'agit, pour la lisibilité du texte, de considérer qu'un délit
est constitué lorsqu'il y a récidive dans l'année d'un excès de grande vitesse,
supérieur ou égal à 50 kilomètres à l'heure par rapport aux vitesses
prescrites.
On me dit parfois : pourquoi ne demandez-vous pas que l'on bride les véhicules
? L'un des membres de cette assemblée avait l'air très compétent sur ce point,
et j'aimerais qu'il m'indique comment il convient de brider les moteurs des
véhicules pour la traversée des villages. Expliquez-moi combien de véhicules
différents il faudrait mettre en circulation eu égard aux limitations de
vitesse existantes ! La vitesse est limitée à 50 kilomètres à l'heure dans les
villages ; 50 kilomètres à l'heure de plus, cela fait 100 kilomètres à l'heure.
Avec un moteur bridé à 150 kilomètres à l'heure, sous prétexte de ne pas
dépasser les 130 kilomètres à l'heure sur autoroute, vous pouvez traverser un
village, rouler sur une départementale ou sur une nationale à une vitesse bien
supérieure à celle qui est prescrite. Tout cela n'est pas raisonnable.
Nous proposons ici un dispositif simple, lisible, de surcroît pédagogique
puisqu'il s'agit, comme le disait M. le rapporteur, non pas de frapper dur dès
le premier dépassement de grande vitesse, mais d'alerter le conducteur du
risque qu'il encourt s'il recommence dans l'année, et de lui faire prendre
conscience qu'alors la nouvelle infraction se transformera en délit passible
non seulement d'une amende, mais aussi d'une peine d'emprisonnement. Cela
étant, vous avez l'air de penser, mesdames, messieurs les sénateurs, que les
juges qui seront appelés à se prononcer vont systématiquement prononcer les
maxima prévus dans la loi. Mais enfin ! cela ne se passe jamais ainsi !
C'est un signal d'alerte qui est donné, c'est une démarche qui est proposée
pour s'attaquer à l'excès de grande vitesse, de sorte que l'on aille vers une
conduite apaisée.
En ce qui concerne les rapports et tout ce qui devra être fait, au bout d'une
année nous pourrons voir où nous en sommes et faire évoluer ce qu'il sera
nécessaire de faire évoluer.
L'amendement n° 29 vise à alourdir fortement le caractère répressif de la
disposition prévue par le Gouvernement. Je tiens à insister sur l'objectif, qui
est essentiellement pédagogique. Il me semble donc suffisant de s'en tenir à la
récidive dans l'année pour avoir un effet dissuasif. Le Gouvernement est donc
défavorable à cet amendement.
J'en arrive à l'amendement n° 26. Le Gouvernement a fixé un objectif
quantifié, il évaluera l'évolution de la situation et les effets des
différentes mesures qui ont été prises à l'occasion d'un comité
interministériel qui se réunira chaque année sous la présidence du Premier
ministre. L'évaluation demandée sera donc faite. Je laisse à la sagesse de la
Haute Assemblée le soin de se déterminer sur cet amendement n° 26.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 22, 25 et 32.
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole contre ces amendements.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Je veux attirer l'attention sur la contradiction qu'il y a entre la volonté
affirmée de faire baisser de manière significative le nombre de morts et de
handicapés lourds déplorés chaque année à la suite d'accidents de la route et
le fait de vider le texte de ce qui est, on le sait bien, peut-être son élément
le plus important.
Si le texte était vidé de cet élément, que resterait-il ? Pas grand-chose :
des stages pour les jeunes en cas d'infractions graves ; des dispositions
relatives aux établissements d'enseignement de la conduite et de la sécurité
routière.
Je voudrais insister aussi, mes chers collègues, sur le changement d'attitude
de l'être humain, calme quand il se promène dans la rue, et empreint de
violence et d'agressivité quand il prend le volant d'une voiture.
Je crois donc très fortement qu'au niveau de la symbolique - j'insiste bien
sur ce terme - il est important que la récidive d'un excès de grande vitesse de
plus de cinquante kilomètres à l'heure devienne effectivement dans notre droit
un délit.
M. Louis Moinard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Moinard.
M. Louis Moinard.
Comme tout un chacun, je déplore l'insécurité routière et le manque de civisme
d'un certain nombre de conducteurs.
Vous présentez, monsieur le ministre, un projet de loi qui, dans l'ensemble,
va, selon moi, dans le bon sens ; je n'en ai d'ailleurs rejeté qu'un seul
article.
Formation des conducteurs, oui ; garanties exigées pour les professionnels des
écoles de conduite, oui ; dans quelques instants, proposition d'un dépistage de
la drogue chez les conducteurs en infraction, oui ; répression en cas
d'infraction, oui.
Sachons cependant garder la mesure. Evitons, monsieur le ministre, les pièges
à nos concitoyens. Combien de maires, sous la pression de leurs concitoyens,
repoussent leurs panneaux de limitation de vitesse en agglomération pour faire
plaisir à trois propriétaires isolés ? Les conducteurs doivent dans ces
circonstances, sans présignalisation et alors qu'ils ne sont pas encore dans un
bourg, passer de 90 kilomètres à l'heure à 50 kilomètres à l'heure ; et s'il y
a une descente, un radar est placé juste derrière le panneau, le dépassement de
vitesse est inévitablement sanctionné : 10 000 francs, 50 000 francs d'amende
!
Qui va payer ? Certaines personnes insolvables s'en moqueront. Mais dans
d'autres cas, comme les familles à revenus modestes, ce seront des enfants qui
manqueront du nécessaire pour que les parents puissent payer de telles amendes,
et je ne parle pas de l'emprisonnement.
Avertissement, amende, oui ; mais à la mesure de la faute. C'est pourquoi je
voterai les amendements identiques n°s 22, 25 et 32.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Monsieur le président, je demande une suspension de séance de
quelques instants afin que nous remettions un peu d'ordre dans nos idées.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, j'allais formuler la même demande.
M. le président.
Nous allons interrompre quelques instants nos travaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-cinq, est reprise à
vingt-trois heures cinquante-cinq.)
Nous poursuivons la discussion du projet de loi portant diverses mesures
relatives à la sécurité routière.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je dépose un
amendement à l'article 5 pour modifier les peines maximales encourues afin de
les porter à trois mois d'emprisonnement au lieu de six mois et à 25 000 francs
d'amende au lieu de 50 000 francs.
(Très bien ! sur les travées du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 43, présenté par le Gouvernement et
tendant à rédiger comme suit le texte proposé par l'article 5 pour l'article L.
4-1 du code de la route :
«
Art. L. 4-1. -
Est puni de trois mois d'emprisonnement et de 25 000
francs d'amende tout conducteur d'un véhicule à moteur qui, déjà condamné
définitivement pour un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou
supérieur à 50 kilomètres à l'heure, commet la même infraction dans le délai
d'un an à compter de la date à laquelle cette condamnation est devenue
définitive. »
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je demande que l'amendement n° 48 soit mis aux voix par
priorité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
La priorité est ordonnée.
Quel est donc l'avis de la commission sur l'amendement n° 48 ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Je vais donc le mettre aux voix.
M. François Lesein.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein.
Je ne suis pas d'accord avec cette façon de procéder. Cet amendement aurait
été acceptable, monsieur le ministre, si vous aviez supprimé la peine de
prison.
Prévoir une telle peine pour quelqu'un qui a bu, soit ! encore qu'il n'en
existe même pas. Nous examinerons ce problème tout à l'heure pour les personnes
qui sont sous neuroleptiques ! Mais pour quelqu'un qui a fait un excès de
vitesse, fût-il récidiviste, non ! On ne met pas les gens en prison pour cela.
Je trouve que c'est une atteinte à la liberté individuelle.
Le conducteur prend ses responsabilités. On peut décider, lors du procès, de
lui retirer son permis pendant un an, deux ans même, si l'on veut, mais on ne
peut pas mettre les gens en prison pour un excès de vitesse ! Cela paraît hors
du commun !
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Philippe Arnaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
Un peu pour les mêmes raisons que notre collègue M. Lesein, monsieur le
ministre, je ne peux pas accepter cet amendement.
De surcroît, voter une disposition qui condamne les récidivistes d'excès de
vitesse à une peine de prison à laquelle, nous, parlementaires échapperions du
fait de notre immunité, ne me paraît pas tellement juste vis-à-vis de nos
concitoyens.
Je préfère effectivement que nous adoptions purement et simplement des
sanctions extrêmement fortes comme le retrait de permis de conduire pendant
deux ans, trois ans, quatre ans et même cinq ans.
Plusieurs sénateurs du RPR.
Du calme !
M. Philippe Arnaud.
D'accord pour la symbolique que vous souhaitez, mais pas pour la prison.
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Comme je l'ai laissé entendre tout à l'heure, le ministre et le rapporteur
ayant fait un effort important, mon collègue M. Hérisson et moi-même retirons
cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 22 est retiré.
M. Bernard Plasait.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Je retire également l'amendement n° 25, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 25 est retiré.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 48, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, les amendements n°s 32, 39 et 26 deviennent sans objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, ainsi modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - Les dispositions du
a)
du premier alinéa de l'article L.
11-1 du code de la route sont remplacées par les dispsitions suivantes :
«
a)
infractions prévues par les articles L. 1er à L. 4-1, L. 7, L. 9
et L. 19 du présent code ; ».
Je suis saisi de trois amendement qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 33, M. Lesein propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 17, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le
premier alinéa de l'article 6, après les mots : « dispositions du
a
» de
supprimer les mots : « du premier alinéa ».
Enfin, par amendement n° 23, MM. Hérisson et Cantegrit proposent, dans le
texte présenté par l'article 6 pour le
a
de l'article L. 11-1 du code de
la route, de remplacer la référence : « L. 4-1 » par la référence : «L. 4 ».
La parole est à M. Lesein, pour présenter l'amendement n° 33.
M. François Lesein.
Cet amendement de coordination tombe.
M. le président.
L'amendement n° 33 n'a plus d'objet.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 17.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Cet amendement vise à rectifier une erreur dans le décompte
des alinéas.
M. le président.
La parole est à M. Hérisson, pour présenter l'amendement n° 23.
M. Pierre Hérisson.
Cet amendement tombe également.
M. le président.
L'amendement n° 23 n'a plus d'objet.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 17 ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Section 5
Dispositions relatives à l'instauration d'un dépistage
systématique des stupéfiants, pour les conducteurs
impliqués dans un accident mortel
Article additionnel avant l'article 7
M. le président.
Par amendement n° 40, Mme Dusseau propose, avant l'article 7, d'insérer un
article additionnel ainsi rédigé.
« A la section IV du titre II du livre V du code de la santé publique, il est
inséré un article L. 593-2 ainsi rédigé :
«
L. 593-2
. - Lorsqu'un médicament est susceptible de modifier
l'aptitude à la conduite automobile, un pictogramme est placé directement sur
son conditionnement.
« Le médecin qui le prescrit et le pharmacien qui le délivre doivent informer
l'utilisateur des risques liés à la conduite. »
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Cet amendement concerne les médicaments neuroleptiques ou anxiolytiques
susceptibles de modifier le comportement des conducteurs.
Vous savez que la France est le premier pays utilisateur de ce type de
médicaments dont il est actuellement difficile de mesurer de manière
significative l'effet sur la conduite.
C'est pourquoi je propose un amendement qui, d'une part, vise à mettre en
place directement sur le conditionnement un pictogramme indiquant que la
conduite automobile peut être modifiée par l'usage du médicament.
L'amendement prévoit également que le médecin qui prescrit le médicament,
ainsi que le pharmacien qui le délivre doivent informer l'utilisateur des
risques liés à la conduite en cas d'usage de ce type de médicaments. Ainsi,
deux avertissements successifs seraient émis par les professionnels.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
L'avis de la commission est défavorable.
Tout d'abord, la première partie de l'amendement, qui concerne le placement
d'un pictogramme sur les emballages de médicaments, relève manifestement du
domaine réglementaire. Le Gouvernement a d'ailleurs prévu de prendre une telle
mesure par décret, comme il nous l'a annoncé tout à l'heure lors de la
discussion générale.
Ensuite, la seconde partie de l'amendement risque de susciter de très graves
difficultés concernant la responsabilité des médecins, qui sont déjà
suffisamment sollicités.
Il me paraît préférable de faire confiance aux praticiens, qui ne manquent pas
d'alerter leurs patients sur les risques qu'entraîne l'absorption de certains
produits quand ils les recommandent et les prescrivent, je pense notamment aux
neuroleptiques ou autres substances susceptibles d'entraîner l'endormissement
au volant.
En tout cas, la commission des lois ne juge pas souhaitable d'inscrire cette
disposition dans la loi, même si cet amendement a le mérite de souligner le
rôle incontestable que les médecins et pharmaciens ont à jouer en la
matière.
Votre amendement précise, madame Dusseau, que « le médecin qui le prescrit et
le pharmacien qui le délivre doivent informer l'utilisateur des risques liés à
la conduite. » C'est déjà une pratique courante chez les médecins et chez les
pharmaciens.
Il est donc inutile de faire peser sur eux une nouvelle responsabilité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je partage
l'avis de M. le rapporteur pour les mêmes raisons que les siennes. La
concertation menée avec la profession étant terminée, le décret est déjà en
cours de préparation.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 40.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - Il est ajouté au titre premier du code de la route (partie
législative) un article L. 3-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 3-1.
- Les officiers ou agents de police judiciaire font
procéder sur tout conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident mortel de
la circulation, à des épreuves de dépistage et, lorsqu'elles se révèlent
positives ou sont impossibles, ou lorsque le conducteur refuse de les subir, à
des analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques, en vue d'établir
s'il conduisait sous l'influence de substances ou plantes classées comme
stupéfiants.
« Les résultats de ces analyses sont transmis au procureur de la République du
lieu de l'accident.
« Toute personne qui aura refusé de se soumettre aux vérifications prévues par
le présent article sera punie des peines prévues au premier alinéa du
paragraphe I de l'article L. 1er.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du
présent article. »
Sur l'article, la parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si j'ai
souhaité intervenir à ce moment de notre discussion, c'est parce qu'il m'a
semblé nécessaire de formuler une mise en garde à propos de notre perception de
l'absorption de produits stupéfiants.
Le Sénat, à travers sa commission des lois, souhaite qu'à l'instar de ce qui
se passe pour l'alcool la conduite sous l'empire de produits stupéfiants
devienne, enfin, un délit. La mesure est essentielle et j'y souscris
pleinement.
Si des difficultés apparaissent en cette matière, elles sont essentiellement
d'ordre scientifique et technique. Alors que l'alcool est une substance unique,
aisément détectable, les produits stupéfiants sont bien plus nombreux, ce qui
rend leur dépistage plus délicat.
La commission relève que, compte tenu du faible état d'avancement des
connaissances sur ce sujet, le Gouvernement n'a pas souhaité punir le délit
qu'elle propose de créer. Il s'agit d'une première divergence d'opinion.
En revanche, la commission a reconnu que de nombreuses incertitudes
subsistant, il n'était pas envisageable, à l'heure actuelle, de prévoir des
dépistages systématiques de stupéfiants.
J'accepte de partager cette opinion, à la seule et unique condition que le
Gouvernement nous assure que, dès l'apparition des progrès techniques
permettant d'atteindre une certaine fiabilité, un nouveau texte sera voté, afin
de permettre ces dépistages.
Je voudrais d'ores et déjà formuler, de manière assez ferme, une mise en garde
à ce sujet. J'entends çà et là - la commission s'en est d'ailleurs fait l'écho
dans son rapport - qu'il conviendrait sans doute, comme en matière d'alcool, de
définir des seuils à partir desquels la conduite, sous l'empire de ces
substances, serait considérée comme répréhensible.
Je rejette formellement cette approche. Les conséquences d'un tel raisonnement
me semblent en effet désastreuses.
Si le code de la route est un jour modifié en ce sens, alors, nous
assisterons, malgré nous et sans qu'un débat sur ce thème ait pris place, à la
légalisation pure et simple de la consommation de stupéfiants.
De surcroît, de telles mesures auront pour effet immédiat d'anéantir tous les
efforts entrepris en matière de prévention contre la drogue. Comment
expliquerons-nous aux jeunes qui pourraient être tentés par l'expérience de la
drogue qu'il s'agit d'un poison si, par ailleurs, le code de la route définit
un seuil en deçà duquel ce poison n'est pas dangereux ?
L'article L. 628 du code de la santé publique dispose que « seront punis d'un
emprisonnement d'un an et d'une amende de 25 000 francs (...) ceux qui auront,
de manière illicite, fait usage de stupéfiants ». Comment osera-t-on, sans
contrevenir à cet article, déterminer des seuils en deçà desquels la
consommation de stupéfiants ne serait pas répréhensible ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il serait irresponsable de tenir
deux discours différents dans ce domaine. Le premier, salutaire, qui vise à
interdire toute consommation de drogue et le second, criminel, qui tolérerait
la consommation limitée de ces produits.
Nous n'en sommes heureusement pas encore à ce stade. Aussi, pour ne jamais y
parvenir, nous devons d'ores et déjà affirmer solennellement que, dès que la
fiabilité des dépistages sera établie, le principe de condamnation des
conducteurs ayant fait usage de stupéfiants sera adopté.
Ces condamnations devront alors intervenir sans conditions, quelle que soit la
quantité de produits stupéfiants présente dans l'organisme du conducteur.
M. le président.
La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein.
Dans son discours liminaire, M. le ministre a indiqué que le présent projet de
loi se limite à prévoir, en cas d'accident mortel, un dépistage assorti
d'analyses ou d'examens médicaux, cliniques et biologiques.
Je suis étonné que le contrôle ne soit pas prévu en dehors des accidents.
Lorsqu'un procureur de la République demande à la gendarmerie de procéder à des
contrôles d'alcoolémie de telle à telle heure, à tel ou tel endroit, ces
contrôles ont lieu. A l'heure actuelle, on peut dépister, avec une simple
analyse d'urine, la prise de stupéfiants ; ce n'est pas onéreux. On pratique de
telles analyses chez les sportifs pour lutter contre le dopage. Il suffirait,
dans l'optique de contrôles systématiques, de procéder à un examen qualitatif,
l'aspect quantitatif n'étant pas opportun pour l'instant. En tout cas, je suis
étonné que l'on ne se soit pas rapproché des médecins qui interviennent dans le
milieu sportif pour savoir comment cela se passe.
Je voudrais aussi évoquer l'usage des neuroleptiques et même des psychotropes
qui, combinés à l'alcool, peuvent plonger les conducteurs dans des états
d'excitation qui les amènent à faire n'importe quoi et à provoquer des
accidents. L'absence de détection de ces deux substances représente à mes yeux
une lacune. Certes, ainsi qu'on nous l'a laissé entendre, le problème des
médicaments est bien sûr plus difficile à régler. Quoi qu'il en soit, je
souhaite ardemment que l'on se penche rapidement sur cette question, car j'ai
le souvenir - beaucoup de médecins pourront vous dire la même chose -
d'accidents apparemment inexplicables dont, après enquête, on s'est rendu
compte qu'ils étaient dus à l'absorption de médicaments liée à la consommation
d'un ou deux apéritifs.
Je souhaite donc vivement que vos services, monsieur le ministre, se
rapprochent de ceux de Mme le ministre de la jeunesse et des sports. Ils vous
expliqueront qu'il est assez facile de procéder à des examens en vue de la
détection de stupéfiants. Pourquoi le procureur ne les demanderait-il pas
systématiquement puisqu'ils sont, je vous l'assure, très simples à réaliser ?
Vous affirmez qu'ils ne sont pas encore au point, mais je suis au regret de
vous contredire. Je voulais vous sensibiliser à ce problème qui me paraît très
grave. Ce que vous nous proposez, monsieur le ministre, constitue un bon début
mais reste, à mon avis, insuffisant.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Nous comprenons le souci du Gouvernement, exprimé dans cet article, de donner
aux scientifiques les moyens juridiques d'évaluer le rôle de la drogue dans
l'insécurité routière.
Des interrogations demeurent néanmoins quant à la liberté d'appréciation
laissée au juge dans la définition de la sanction à l'encontre du conducteur
concerné.
Les résultats obtenus seront-ils suffisamment précis pour établir le lien de
causalité entre l'usage de drogues illicites et une modification de
comportement du conducteur ayant entraîné l'accident mortel ?
Ce lien peut-il être déterminé dès lors que nous ne pouvons pas, en l'état
actuel de nos connaissances, connaître les délais écoulés entre l'usage d'une
drogue et le moment du dépistage ?
Enfin et surtout, l'obligation de soumettre aux diverses épreuves tout
conducteur impliqué dans un accident mortel doit être entourée de
précautions.
Nous en appelons, à cet égard, à la vigilance du Gouvernement, mais, je suis
sûr, monsieur le ministre, que vous partagez nos préoccupations.
Nous souhaitons, en conclusion, que les débats parlementaires, tant à
l'Assemblée nationale qu'au Sénat, permettent de placer des garde-fous
juridiques et ainsi d'effacer les incertitudes quant à l'application de
l'article 7 que notre groupe a relevées.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
A ce moment du débat, nous nous posons un certain nombre de questions.
En effet, par cet article 7, monsieur le ministre, vous proposez d'instaurer
un dépistage systématique des stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans
un accident mortel de la circulation.
Il serait utile de savoir si ce dépistage est facile ou compliqué à pratiquer.
Nous nous interrogeons sur ce point. Pour ma part, je ne suis pas assez
compétent et j'ignore si l'état actuel de notre recherche scientifique nous
permet, d'une façon aussi pratique que pour l'alcool, de dépister ceux qui
présentent tel ou tel danger, compte tenu du volume et de la teneur de la
substance illicite qu'ils ont ingérée.
Dès lors, on peut se poser la question : comment va-t-on faire pour dépister ?
Nous savons fort bien que les analyses de sang sont fiables dans ce domaine,
mais nous savons tout aussi bien que les analyses d'urine, de salive et de
sueur peuvent donner des indications insuffisantes, qu'il faut compléter par
une analyse de sang. Voilà ce que j'ai retenu de la lecture de différents
articles de spécialistes en la matière.
Par conséquent, s'il s'agit, monsieur le ministre, d'un effet d'annonce, ce
que je comprends bien étant donné qu'il est question d'accidents mortels, bien
évidemment, nous vous suivrons.
En revanche, s'il s'agit d'adapter la législation sur les stupéfiants à celle
qui existe actuellement en matière d'alcool au volant, à ce moment-là, nous
nous trouvons confrontés à une impossibilité : autant on mesure assez
facilement le degré d'alcool à ne pas dépasser pour être effectivement dans la
norme d'une « conduite apaisée » comme vous l'avez dit - j'aime bien cette
expression - autant la prise de stupéfiants étant, par essence, illicite, nous
ne pourrons en aucun cas mesurer quoi que ce soit. Il nous faudrait d'abord
élaborer une loi sur la dépénalisation de certaines drogues, avant,
éventuellement, de traiter ce problème. Par conséquent, on ne peut pas calquer
la législation sur les stupéfiants sur les dispositions qui existent en ce qui
concerne l'alcool.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que notre assemblée se réfère
uniquement au texte du projet de loi et que, dans un premier temps, cette
détection n'intervienne qu'en cas d'accident mortel.
M. le président.
Par amendement n° 34, M. Bimbenet propose, dans le premier alinéa du texte
présenté par l'article 7 pour l'article L. 3-1 à insérer dans le code de la
route, de remplacer le mot : « mortel » par le mot « corporel ».
La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet.
Il s'agit là d'un point de notre débat qui ne fait pas l'unanimité si j'en
crois le nombre d'amendements déposés sur ce sujet, ainsi que le compte rendu
des débats de la commission.
J'ai parfaitement entendu les arguments, tant scientifiques que financiers,
qui s'opposent au dépistage systématique des stupéfiants. Pour les mêmes
raisons, j'admets que ce dépistage ne puisse, en l'état actuel des
connaissances, être opéré pour chaque accident de la circulation.
Un autre argument semble également s'opposer à une telle mesure : il s'agit
simplement du fait que les forces de police ne peuvent pas intervenir à chaque
accident matériel de la circulation.
En revanche, la distinction opérée, selon laquelle seuls les accidents mortels
donneraient lieu à dépistage, me paraît particulièrement inopportune, ce pour
de multiples raisons.
La première concerne le fond du débat. Ce que nous recherchons, c'est la
diminution du nombre de tués sur les routes. Mais il ne faut pas prendre le
problème à l'envers. Diminuer le nombre de tués, c'est inévitablement réduire
le nombre d'accidents.
Ce n'est donc pas aux conséquences des comportements fautifs qu'il faut
s'attacher pour déterminer si ceux-ci sont ou non répréhensibles. C'est le fait
même de conduire sous l'emprise de la drogue qui est condamnable, qu'un
accident intervienne ou non, puisque, en tout état de cause, la prise de
stupéfiants augmente le « facteur accident ». Chaque accident de la circulation
est susceptible d'être mortel. Il est effectivement évident que, au moment même
du choc, nul n'est en mesure d'évaluer quelles pourront en être les suites.
C'est pourtant à ce moment précis qu'il faut se placer pour savoir si la drogue
a pu être la cause de l'accident, quel qu'il soit, exception faite des
accidents matériels, pour les raisons que je viens d'indiquer.
La deuxième raison qui s'oppose à cette distinction est de nature pratique et,
hélas ! particulièrement sinistre.
Il est assez rare que les victimes d'accident de la circulation soient tuées
sur le coup. Bien souvent, le décès intervient dans les heures qui suivent
l'accident, soit pendant le transfert à l'hôpital, soit lors de l'éventuelle
intervention chirurgicale.
Est-il raisonnable de distinguer les accidents immédiatement mortels de ceux
qui ne le seraient qu'ultérieurement ?
Plus complexes encore sont les cas où le décès n'intervient qu'un ou deux mois
après l'accident. Il est bien évident que, passé ce délai, il est trop tard
pour procéder à un dépistage. Pourtant, le résultat est identique puisque
l'accident s'est soldé par la mort de la victime.
En outre, les victimes d'accident de la circulation ne sauraient admettre, me
semble-t-il, que leur vie puisse être pour toujours gâchée par un handicap,
sans que l'on ait jamais cherché à savoir si le conducteur fautif était ou non
sous l'emprise de la drogue.
Enfin, si l'on opère cette distinction, cela signifie qu'il faut plus de
sévérité dans le cadre de la lutte contre l'alcoolisme au volant, où le
dépistage est systématique en cas d'accident corporel, que dans le cadre de la
lutte contre la drogue. Pour ma part, je ne saurais me résoudre à cette
éventualité.
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je suis obligé de dire que la commission n'est pas favorable
à cet amendement.
Un très long débat s'est engagé au sein de la commission à ce sujet.
Initialement, la commission avait envisagé de proposer une mesure semblable à
celle qu'a présentée M. Bimbenet, c'est-à-dire de prendre en compte tout
accident corporel. Elle y a renoncé pour deux raisons. Un accident corporel
peut se traduire par une égratignure, mais peut aussi, neuf jours après
l'accident, entraîner la mort ou une infirmité très grave.
Il a fallu alors considérer la lourdeur du dispositif de dépistage. Certains
collègues, tels mon ami François Lesein, mais aussi Franck Sérusclat qui a
déposé un amendement, sont orfèvres en la matière.
Tout à l'heure, M. le ministre nous a dit que, si l'absorption d'alcool était
relativement aisée à détecter, celle de stupéfiants était encore aléatoire. En
effet, pour y parvenir, il est procédé à un prélèvement de salive ou d'urine.
Si la présence de drogue est décelée, est-elle due à la prise de stupéfiants ou
bien à l'absorption par le conducteur d'une bonne dose d'Ephédrine pour se
dégager le nez afin de pouvoir conduire sans être larmoyant ?
Par conséquent, la mesure proposée est plus difficile à mettre en oeuvre, me
semble-t-il, qu'en matière d'alcool.
En 1996, on a dénombré 125 406 accidents corporels. Procéder à 125 000
dépistages alors que tous les moyens ne sont pas encore au point apparaît
complexe et délicat. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis
défavorable sur l'amendement n° 34 et demande à son auteur de le retirer, car
elle proposera tout à l'heure un amendement qui pourrait lui donner
satisfaction.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je souhaite
attirer l'attention du Sénat sur le fait que nous proposons, avec ce texte, de
lever un interdit.
J'ai indiqué à votre assemblée - M. le rapporteur vient de le dire - que nous
ne disposions pas, aujourd'hui, de connaissances suffisamment fiables sur le
lien entre la consommation de drogue et l'aptitude à la conduite.
L'objectif du Gouvernement - qui suit les recommandations du Livre blanc
déposé il y a déjà trois ans et celles du Centre d'études et de recherche de
médecine du trafic - est, précisément, de combler cette lacune.
L'instauration d'un dépistage à l'occasion des accidents mortels constitue un
échantillon suffisant, si je puis dire, pour obtenir des résultats
scientifiquement valables. Ces résultats, que nous aurons rapidement, nous
permettront de prendre alors des mesures plus appropriées.
Je ne crois pas que, au moment où nous faisons le premier pas, il faille
procéder à marche forcée. Le Gouvernement est donc défavorable à cet
amendement.
M. le président.
Monsieur Bimbenet, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Bimbenet.
J'ai bien entendu l'appel de M. le rapporteur et celui de M. le ministre.
Dois-je en déduire, monsieur le ministre, que dès que les moyens techniques
seront à la portée de tout le monde, le renforcement du contrôle des produits
stupéfiants sera réellement poursuivi et intensifié ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Pour l'instant,
il nous faut établir, de manière sérieuse et responsable, les liens qui peuvent
exister entre la consommation de drogue et l'aptitude à la conduite. Les
chiffres dont nous disposons sont différents d'un pays à l'autre. Le
Gouvernement suit, je le répète, les recommandations du Livre blanc et celui
des experts du Centre d'études et de recherches de médecine du trafic qui
viennent de se prononcer sur la manière d'agir en la matière.
En cas d'accident mortel, des prélèvements seront effectués. Nous pourrons
ainsi mieux appréhender non seulement les effets des drogues illicites, mais
également ceux des médicaments pris, le lien éventuel entre l'absorption de
telles substances et la faute, le cas échéant, du conducteur qui est impliqué
dans un accident mortel.
Le projet de loi tend, je le répète, à lever l'interdit qui existe à l'heure
actuelle. Il faut le faire sans précipitation et avec sagesse, étant entendu,
comme l'a dit M. le rapporteur, que, pour l'instant, nous ne disposons ni de
certitudes scientifiques ni de moyens nous permettant de prendre en compte les
conducteurs autres que ceux qui sont impliqués dans des accidents mortels.
D'ailleurs, avec M. le secrétaire d'Etat à la santé, nous avons demandé à
l'Agence du médicament de s'assurer de la fiabilité des tests et des
laboratoires. Il me paraît important de le souligner puisqu'il s'agit de l'un
des points que vous avez évoqués, monsieur Mahéas.
M. le président.
Monsieur Bimbenet, après avoir entendu M. le ministre, l'amendement est-il
maintenu ?
M. Jacques Bimbenet.
Etant donné que le projet de loi prévoit que les épreuves de dépistage auront
lieu en cas d'accidents mortels, je souhaite que les premières condamnations
qui feront état d'absorption de stupéfiants aient valeur d'exemples.
Cela dit, je retire mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 34 est retiré.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 41, Mme Dusseau propose, à la fin du premier alinéa du texte
présenté par l'article 7 pour l'article L. 3-1 du code de la route, de
remplacer les mots : « classées comme stupéfiants » par les mots : « illicites
ou détournées de leur usage capables de modifier l'aptitude à la conduite ».
Part amendement n° 30, M. Sérusclat propose de compléter
in fine
le
premier alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article L. 3-1 du code
de la route par les mots : « , ou de médicaments classés comme psychotropes et
dont la notice d'utilisation avertit d'une influence sur la conduite
automobile. »
La parole est à Mme Dusseau, pour défendre l'amendement n° 41.
Mme Joëlle Dusseau.
Nous nous situons dans une partie du débat qui est, me semble-t-il, fortement
symbolique et qui, par son rôle d'effet d'annonce, tend à attirer l'attention
sur des phénomènes susceptibles de modifier les comportements.
A ce titre, je serais profondément gênée si le texte conduisais à ne réprimer
que l'usage des produits illicites, en sous-entendant que ces derniers sont
forcément dangereux et que - ce qui est plus grave - les produits licites ne
sont donc pas dangereux.
Or nous savons qu'il existe actuellement - tel était l'objet d'un amendement
que j'ai présenté tout à l'heure - soit des produits médicamenteux, qui sont
visés par l'amendement n° 30 de M. Sérusclat, soit des produits licites
détournés de leur usage et capables de modifier l'aptitude à la conduite. Il
n'y aura jamais de loi pour interdire les colles, les essences ou les
médicaments. Nous savons pourtant que l'usage détourné ou non maîtrisé de ces
produits peut entraîner des comportements dangereux.
Suivant l'une des recommandations inscrites dans le Livre blanc « Sécurité
routière, drogues licites ou illicites et médicaments », mon amendement tend
donc à étendre la notion de stupéfiants aux produits illicites ou détournés de
leur usage capables de modifier l'aptitude à la conduite.
M. le président.
La parole est à M. Sérusclat, pour défendre l'amendement n° 30.
M. Franck Sérusclat.
Cette discussion me paraît, à certains égards, ubuesque. En effet, un projet
de loi concernant le dopage des sportifs nous sera soumis prochainement et nous
devrons alors caractériser ces produits que certains disent non caractérisables
aujourd'hui.
Hier, j'ai interrogé le directeur du laboratoire de police de Lyon, où j'ai
occupé la fonction de directeur adjoint pendant une trentaine d'années. J'ai eu
la responsabilité de mettre en route les dosages d'alcool dans le sang à une
époque où certains continuaient à prétendre qu'on ne savait pas faire et qu'il
serait impossible d'arriver à de bons résultats. Ce discours était généralement
tenu par ceux qui souhaitaient vendre de l'alcool.
Ces dosages d'alcool dans le sang sont désormais devenus la routine. Grâce aux
alcootests, on sait maintenant obtenir un taux d'alcool dans le sang
quasi-correct à partir de l'analyse de l'air expiré, taux qui est bien sûr, si
nécessaire, contrôlé ultérieurement par un examen sanguin.
Nous en sommes pratiquement au même point aujourd'hui. En effet, dans les
laboratoires de police, le dépistage de stupéfiants fait partie de la routine,
par chromatographie en phase gazeuse. En l'occurrence, le terrain est sûr. Vous
l'avez sans doute considéré comme tel, monsieur le ministre, puisque vous avez
prévu ce dispositif dans votre article. Toutefois, vous n'avez pas ajouté les
psychotropes. Or, aujourd'hui, ils sont eux aussi décelables, soit par
chromatographie en phase gazeuse, soit par spectrographie de masse, soit par
les méthodes immuno-enzymatiques.
Si l'on pouvait dire qu'il n'y a pas trace de ces substances, ce serait déjà
important. Le fait de dire qu'il en existe, c'est aussi significatif.
Je suis d'accord avec vous sur la difficulté de doser. Aujourd'hui, c'est
faisable. Des professeurs de la faculté de Bordeaux avec lesquels j'ai pris
contact ce matin m'ont confirmé que cela peut être fait, même si c'est plus
long et plus difficile. Je regrette d'être en contradiction avec M. Mahéas, qui
a, lui aussi, émis des doutes sur ce sujet.
Par ailleurs, je ne veux pas donner l'impression que, par mes relations
scientifiques anciennes et en raison de ma formation professionnelle, j'en sais
un peu plus que d'autres. En effet, j'ai moi aussi des hésitations. Cependant,
on n'a pas le droit aujourd'hui d'affirmer que l'on ne sait pas caractériser
ces substances, sinon cet argument sera repris lors de l'examen du projet de
loi que j'ai évoqué à l'instant. Nous devrons alors trouver des solutions pour
des situations plus difficiles, je pense, en particulier, à la nandrolone, dont
vous avez entendu parler.
Aussi, j'insiste pour que, dans l'article 7, soient visés les médicaments
classés comme psychotropes et dont la notice d'utilisation avertit d'une
influence sur la conduite automobile. Par conséquent, on pourrait sérier
davantage les initiatives à prendre. Je le répète : on ne peut pas dire que le
dépistage de ces produits est aujourd'hui impossible.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 41 et 30 ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n°
41, car il n'apporte pas d'éléments supplémentaires. En cas de dépistage
positif un médecin sera conduit à vérifier si le dépistage est positif à cause
de l'absorption de substances prescrites sur ordonnance médicale ou s'il y a eu
un usage de stupéfiants qui ne correspond pas à une prescription médicale.
Il n'est sans doute pas utile d'ajouter des termes qui peuvent être
incertains. C'est le sens de ce que j'ai dit tout à l'heure. Je ne suis ni
médecin ni pharmacien. Le préfet que j'ai été...
M. François Lesein.
Un grand préfet !
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
... est, par essence, généraliste, mais pas dans le domaine
médical, sauf quelquefois en matière de sauvetage.
(Sourires.)
Cela étant, l'ajout des mots « capable de modifier
l'aptitude à la conduite » pourrait créer une incertitude. Ces termes sont
effectivement importants, mais, en l'état actuel et d'après ce qui nous a été
dit, à l'heure actuelle il ne serait pas possible de discerner les médicaments
qui ont une influence sur la conduite automobile.
Il existe de nombreuses drogues pour lesquelles le dépistage est si évident
que la question ne se pose même plus.
S'agissant de l'amendement n° 30, la commission souhaiterait connaître l'avis
du Gouvernement avant de se prononcer. En effet, M. le ministre semble avoir
des notions précises sur les substances psychotropes.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 41 et 30 ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Les notions
précises que je peux avoir sont résumées dans le projet de loi qui vous est
présenté. Le Gouvernement a fait un choix simple, en s'appuyant sur le code de
la santé publique, afin de ne pas avoir des approches juridiques différentes
dans des codes différents.
Pour cette raison et compte tenu de ce que j'ai dit tout à l'heure, je suis
défavorable aux amendements n°s 30 et 41.
M. le président.
Quel est donc l'avis de la commission sur l'amendement n° 30 ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
La commission partage l'avis du Gouvernement : elle émet un
avis défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je met aux voix l'amendement n° 41, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 30.
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Je veux insister à nouveau sur le fait qu'il ne faut pas accréditer l'idée
selon laquelle les produits illicites étant forcément dangereux, les produits
licites ne le seraient pas. On constate en effet dans notre pays, qui occupe le
premier rang mondial dans ce domaine, un usage massif et généralisé de
calmants, de psychotropes et d'autres médicaments entraînant des conséquences
lourdes pour le comportement en général et pour l'aptitude à la conduite en
particulier. En l'occurence, il s'agit de l'effet réel de telle ou telle drogue
sur la conduite automobile, et non pas de sa légalisation ou non. D'après le
texte, le fait d'avoir consommé une drogue, quelle qu'elle soit, même si elle a
un effet extrêmement faible sur la conduite ou pas d'effet du tout, sera
poursuivi. En revanche, le fait pour un conducteur d'avoir avalé beaucoup de
comprimés met en péril à la fois sa vie et celle des autres, ne sera pas puni
dès lors qu'il s'agit de produits licites.
Il faut vraiment attirer l'attention des usagers de la route sur cette
situation. Contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, les médecins dans
leur ensemble n'attirent pas l'attention de leurs patients sur les dangers de
ces médicaments. Ces produits sont tellement banalisés que neuf médecins sur
dix, et je dois être en deçà de la réalité, n'attirent jamais l'attention de
leurs patients sur les conséquences de la consommation de tels médicaments.
Il faut vraiment que nous prenions conscience de ce problème et, surtout, que
l'opinion publique en prenne conscience.
Aussi je soutiens l'amendement de notre collègue M. Sérusclat.
M. François Lesein.
Moi aussi !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 18, M. Lanier, au nom de la commission, propose d'insérer,
après le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article L.
3-1 du code de la route, deux alinéas ainsi rédigés :
« Toute personne qui aura conduit après avoir fait usage, de manière illicite,
de substances ou plantes classées comme stupéfiants sera punie de deux ans
d'emprisonnement et de 30 000 F d'amende.
« Lorsqu'il y aura lieu à l'application des articles 221-6 et 222-19 du code
pénal à l'encontre de l'auteur de l'infraction définie à l'alinéa précédent,
les peines prévues par ces articles seront portées au double. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 35, présenté par M.
Bimbenet, et tendant, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement
n° 18 pour être inséré après le deuxième alinéa de l'article L. 3-1 du code de
la route, à remplacer les mots : « deux ans » par les mots : « trois ans » et
le montant : « 30 000 F » par le montant : « 50 000 F ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 18.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Madame Dusseau, les deux alinéas que la commission propose
d'insérer vont sans doute vous donner satisfaction.
Nous avons mesuré l'influence exacte de la consommation de drogues sur la
conduite, mais il est actuellement difficile de la déterminer avec autant de
précision que pour l'alcool.
Cependant, il est invraisemblable, alors que l'on pénalise l'absorption
d'alcool, que l'on donne l'impression de ne pas pénaliser l'absorption de
drogue ; ce serait tout de même un comble. C'est la raison pour laquelle la
commission a cherché à combler cette lacune. Il faut donc prévoir une sanction
à l'encontre des personnes qui conduisent sous l'empire de stupéfiants. C'est
d'ailleurs ce que notre collègue M. Edouard Le Jeune avait prévu dans une
proposition de loi qui est jointe à notre rapport écrit.
Cet amendement précise que la conduite sous l'empire de stupéfiants doit subir
les mêmes peines que celles qui sont prévues pour la conduite en état
alcoolique. Il prévoit, en outre, que la consommation de stupéfiants est un
facteur aggravant en cas de blessures ou d'homicide involontaire.
La consommation de drogue est un acte très grave, déjà puni par le code de la
santé publique. Le projet de loi reportait toute punition, si j'ose m'exprimer
ainsi, ou toute pénalité au code de la santé publique. La commission a estimé
que c'était insuffisant. Elle a considéré qu'il est plus grave de prendre le
volant après avoir consommé de la drogue et que, en conséquence, devaient
figurer dans la loi les mêmes pénalités que pour la conduite sous l'empire de
l'alcool, afin d'établir une analogie. Nous proposons donc de créer un délit
spécifique réprimant la conduite sous l'empire de stupéfiants. Il paraît
difficile de prévoir un dépistage de stupéfiant sans prévoir aucune sanction
particulière.
M. le président.
La parole est à M. Bimbenet, pour défendre le sous-amendement n° 35.
M. Jacques Bimbenet.
Alors que le Gouvernement ne souhaitait pas punir la conduite sous l'influence
de substances classées comme stupéfiants, la commission, fort heureusement,
choisit d'agir ainsi en déposant l'amendement n° 18.
Au moment d'établir les maxima encourus, la commission a décidé de s'en
référer à la législation en vigueur et, par analogie, de reprendre les peines
qui sont prévues pour la conduite sous l'empire d'un état alcoolique.
Je regrette que la commission n'ait pas souhaité faire de distinction entre
les deux types d'infraction, et c'est la raison pour laquelle j'ai déposé ce
sous-amendement.
Il s'agit en effet de dire que, si l'abus d'alcool est un fléau dont les
conséquences peuvent se révéler désastreuses sur la route, on ne saurait
néanmoins y assimiler la consommation de stupéfiants, et ce pour une raison
simple : la consommation d'alcool est autorisée, dans une certaine mesure,
alors que la consommation de stupéfiants est un délit.
Dans les faits, cela se traduit de la façon suivante.
Premièrement, en dehors des dispositions spécifiques du code de la route, la
consommation d'alcool est autorisée, quelle qu'en soit la quantité ; la
consommation de stupéfiants est interdite, et ce dès la première prise.
Deuxièmement, s'agissant des dispositions spécifiques du code de la route, la
consommation d'alcool est autorisée, pourvu que la présence d'alcool dans le
sang ne dépasse pas un certain taux ; la consommation de stupéfiants, elle,
demeure interdite, et ce toujours dès la première prise.
Ainsi, la faute commise par celui qui aura conduit un véhicule tout en ayant
fait usage de stupéfiants sera nécessairement plus lourde que celle qui a été
commise par celui qui aura conduit sous l'empire d'un état alcoolique.
Cette faute est nécessairement plus lourde dans la mesure où elle s'inscrit
d'emblée hors la loi, ce qui n'est pas le cas de la conduite après absorption
du premier verre de vin ou de whisky. En revanche, la première prise de
stupéfiant est intentionnellement délictuelle et donc parfaitement
condamnable.
Une distinction de fait et de droit existe donc bel et bien. C'est cette
distinction que je vous demande d'introduire au sein de l'amendement de la
commission, en prévoyant des peines plus sévères pour la conduite sous
l'emprise de la drogue, qui n'est tout de même pas la même chose que la
conduite sous l'emprise de l'alcool.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 35 ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Ce sous-amendement vise à alourdir encore les peines prévues
pour le délit de conduite sous l'empire de stupéfiants, dont la commission des
lois a proposé la création. La commission a souhaité établir un parallélisme
avec l'alcool, non seulement pour que la drogue ne soit pas mieux traitée que
l'alcool, mais aussi parce que la détection du stupéfiant - on me l'a dit de
tous bords - est plus difficile que celle de l'alcool.
J'ajoute que la conduite sous l'empire de stupéfiants constitue une
circonstance aggravante en cas d'homicide ou de blessure involontaire.
Est-il nécessaire d'aggraver les peines alors que l'on demandait tout à
l'heure leur diminution ?
La commission des lois préfère donc son amendement, qui est plus clair et qui
établit un parallélisme entre les deux fléaux. Aussi inviterai-je M. Bimbenet à
retirer son sous-amendement n° 35.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 18 et sur le
sous-amendement n° 35 ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Il n'existe pas
à ce jour d'études scientifiques solides sur la drogue et la conduite
automobile. Lors de la dernière conférence des ministres européens des
transports, qui s'est tenue le 3 mars dernier, nous avons examiné le rapport du
centre d'études et de recherches en médecine du trafic. Celui-ci a présenté la
situation dans chaque pays européen et a recommandé aux différents
gouvernements de mener des études de détection de drogue chez les conducteurs
accidentés, d'évaluer les tests de dépistage sur le terrain, en particulier
ceux qui sont réalisés à partir de la salive et de la sueur, d'évaluer les
méthodes de confirmation des laboratoires, y compris pour le sang et les
urines.
Les dispositions prises par le Gouvernement sont conformes à ces
recommandations. Un certain retard a peut-être été pris en la matière. Il nous
faut le rattraper pour avoir le plus rapidement possible les connaissances
nécessaires à l'action publique.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de masquer le retard pris en faisant de
la surenchère. Il n'est pas utile de créer une sanction nouvelle dans le code
de la route. En l'état actuel de la législation française, les juges peuvent,
dans le cadre des enquêtes ouvertes à la suite d'accidents mortels - une
enquête est toujours ouverte en ce cas - poursuivre les faits incriminés et en
tenir compte en s'appuyant sur le code pénal ou sur le code de la santé
publique dans le prononcé de leur jugement.
Pour ces deux raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur
l'amendement n° 18 et sur le sous-amendement n° 35.
M. le président.
Monsieur Bimbenet, le sous-amendement n° 35 est-il maintenu ?
M. Jacques Bimbenet.
Je suis un peu navré que, ce soir, on fasse la part belle à la drogue.
(M.
le ministre proteste.)
Lorsque j'ai vu, sur un parking de l'autoroute que j'emprunte chaque jour, un
jeune en train de chauffer avec son briquet un produit dans une cuillère et
prendre la route ensuite, j'aurais sans doute dû le signaler aux gendarmes ;
peut-être l'aurait-on empêché de poursuivre son voyage. Si on laisse les
personnes se droguer et conduire sous l'emprise de stupéfiants, je ne suis plus
d'accord !
De surcroît, monsieur le ministre, bien que n'étant pas médecin ou pharmacien,
je suis persuadé, après avoir assisté à des auditions de sportifs entre autres,
qu'il est bien facile de déceler la drogue dans le sang.
Mais je ne veux pas faire ma mauvaise tête et contredire notre si aimable
rapporteur. Je retire mon sous-amendement, mais je resterai ferme quant à la
surveillance de ce problème.
M. le président.
Le sous-amendement n° 35 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 18.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Parce qu'il s'agit d'un terrain mal connu et difficile à appréhender, faute de
données statistiques fiables et complètes, le Gouvernement proposait d'avancer
de façon mesurée et pragmatique sur le problème des conséquences de
l'utilisation de stupéfiants sur la conduite de véhicule.
Cette démarche était, du reste, celle qui était préconisée par les auteurs du
Livre blanc sur les effets des médicaments et des drogues sur la sécurité
routière.
L'article 7, ainsi rédigé, bien qu'imparfait à certains égards, pouvait faire
l'objet d'un consensus sur ces bancs.
L'objectif du projet de loi est simple : améliorer nos connaissances
scientifiques sur l'influence des drogues illicites sur la conduite.
A cette fin, il est proposé de soumettre tout conducteur impliqué dans un
accident mortel à des analyses médicales.
La sanction porte uniquement sur le refus de se soumettre aux tests.
Certes, l'exposé des motifs précise que le juge peut tenir compte des
résultats obtenus s'il y a homicide. Mais, en tout état de cause, il devra le
faire à partir de la législation existante.
Or, l'amendement de la commission, faisant fi des précautions
gouvernementales, pose une fois de plus le problème de la pénalisation
renforcée de la drogue.
Sanctionner le consommateur de stupéfiants de façon unilatérale, alors que
nous ignorons l'étendue des effets des drogues sur la conduite, relativement à
leur nature et à leur condition d'utilisation, relève d'une interprétation
discutable.
On tend ainsi à privilégier une logique sécuritaire et purement répressive sur
une exigence de santé publique.
(M. Eckenspieller proteste.)
Le débat sur la sécurité routière ne doit pas servir de « cheval de Troie »
pour une répression accrue de l'usage de stupéfiants. Le problème est posé.
En conséquence, le groupe communiste républicain et citoyen refuse d'entrer
dans le débat souhaité par la droite sur la pénalisation ou la dépénalisation
de la drogue.
Ce débat sera nécessaire, le moment venu ; mais ce n'est certainement pas ici
et maintenant que nous le réglerons.
Traiter de façon détournée et pernicieuse de questions aussi sensibles ne nous
satisfait pas. Le problème est suffisamment grave pour qu'il soit traité
autrement, dans d'autres conditions.
Monsieur le ministre, votre démarche, qui se souhaite consensuelle et
progressive, se voit condamnée par cet amendement.
Notre groupe, bien évidemment, votera contre l'amendement n° 18 et souhaite
que, s'il était adopté par le Sénat, l'Assemblée nationale le rejette
lorsqu'elle aura à l'examiner.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
J'ai été pour ma part tout à fait convaincu par ce que vient d'affirmer M. le
ministre : l'état actuel de nos recherches ne nous permet pas d'adopter la même
attitude concernant l'alcool et la drogue.
A partir de ce moment, je trouve assez indécent - j'emploie à dessein un mot
un peu provocateur - de nous faire, à la fin d'une séance de travail bien
remplie, une proposition chère aux hommes de droite, qui se manifeste par des
annonces tout à fait intempestives. Permettez-moi de dire que, quand on n'a pas
les outils pour déceler quelque chose, on reste modeste et on s'interroge !
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Je crois savoir que cela a été bien expliqué, dit et redit par les uns et les
autres.
M. Alain Gérard.
Demandez donc à M. Sérusclat.
M. Jacques Mahéas.
Nous n'avons à aucun moment légiféré sur l'éventuelle dépénalisation des
drogues. Par conséquent, à partir de quel degré de prise de drogue pourra-t-on
prévoir une peine ?
Soyons directs : la consommation de drogues dures, considérée à juste titre
par l'un de nos collègues comme un danger manifeste, sera-t-elle mise au même
niveau que le joint fumé par un jeune ? On en est là ! Je crois donc que les
instruments ne sont pas suffisamment fiables et que cet amendement est
malvenu.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je regrette une chose due, peut-être à l'heure tardive, à la
fatigue, ou à une certaine inconscience : alors que nous avions évité jusque-là
de mêler les problèmes dont nous discutons, qui sont de première importance, du
fait des 8 000 morts par an sur les routes et 125 000 accidents corporels, à
des discussions politiques...
M. Alain Gérard.
Absolument !
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
... vous mettez maintenant sur le dos de la droite je ne sais
quelle prétention ! Je ne l'admets pas ! J'ajoute d'ailleurs que cela al'air de
faire de la gauche le défenseur des drogués !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union
centriste.)
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Monsieur le rapporteur, je voudrais être bien sûre de comprendre le sens de
cet amendement, qui porte sur l'article 7, lequel impose des analyses en cas
d'accident mortel.
L'amendement n° 18 vise à ajouter deux alinéas.
Le premier est ainsi rédigé : « Toute personne qui aura conduit après avoir
fait usage, de manière illicite, de substances ou plantes classées comme
stupéfiants sera punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 francs
d'amende. »
A ma connaissance, nous nous situons là non pas dans le cas des accidents
mortels mais dans le cas général.
Dans l'hypothèse d'un accident mortel, c'est l'alinéa suivant qui intervient :
« Lorsqu'il y aura lieu à l'application des articles 221-6 et 222-19 du code
pénal à l'encontre de l'auteur de l'infraction définie à l'alinéa précédent,
les peines prévues par ces articles seront portées au double. »
Monsieur le rapporteur, je ne suis pas juriste, mais je crois pouvoir déduire
ceci de la lecture de votre amendement : la commission propose que, dans
l'hypothèse d'un accident mortel et lorsque la présence d'une drogue, quels que
soient sa nature et son degré, est décelée, les peines prévues au premier
alinéa soient doublées, ce qui aboutirait à quatre ans d'emprisonnement et à 60
000 francs d'amende. En tout cas, je ne vois pas d'autre lecture possible des
deux aspects de l'amendement que vous proposez au nom de la commission,
monsieur le rapporteur.
Tout à l'heure, vous expliquiez longuement que les personnes qui s'étaient
rendues coupables deux fois en un an d'un grand dépassement de vitesse ne
pouvaient pas payer des amendes de 30 000 francs et qu'il fallait prévoir une
amende inférieure !
Quant à envisager au maximum six mois d'emprisonnement, c'était impossible,
sous peine de porter atteinte aux droits de l'homme !
M. Hilaire Flandre.
Quel cinéma !
Mme Joëlle Dusseau
C'est vous qui faites du cinéma !
Et maintenant, vous dites que toute personne qui aura conduit après usage de
substances illicites sera passible de deux ans d'emprisonnement et de 30 000
francs d'amende, et qu'en cas d'accident mortel, en dehors des conséquences
légales de l'accident et de la cause de la mort, la peine sera doublée, soit 60
000 francs d'amende et quatre ans d'emprisonnement.
Mes chers collègues, je vous assure que vous n'avez pas vraiment pesé vos
termes ! Faites attention de ne pas développer dans l'esprit des gens la
confusion entre l'illicite et le dangereux et, ce qui est peut-être plus grave
encore, entre le licite et le non-dangereux.
Je suis donc contre cet amendement, dont le deuxième paragraphe me paraît
dangereux.
M. Franck Sérusclat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat.
Aux termes du deuxième paragraphe de l'amendement n° 18, sera condamnée «
toute personne qui aura conduit après avoir fait usage, de manière illicite, de
substances... ». Cela signifie-t-il que, si cette personne a fait usage de ces
substances le mardi et qu'elle conduit le samedi, elle sera en faute ?
Mme Joëlle Dusseau.
Les substances seront encore présentes dans les urines !
M. Franck Sérusclat.
Non, peut-être pas, mais il y aura eu usage ! Par conséquent, le simple fait
de faire usage rend fautif quel que soit le délai écoulé, même un mois
après.
Il faut, par conséquent, que l'on puisse établir la présence du stupéfiant
dans l'organisme, et donc effectivement le rechercher et le doser.
La rédaction de cet amendement en rend elle-même l'application impossible.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Aucun des arguments qui ont été invoqués ne m'ont
convaincu.
C'est la raison pour laquelle je considère que la commission des lois a
parfaitement raison de vous soumettre l'amendement n° 18, que je maintiens,
bien entendu.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 19, M. Lanier, au nom de la commission, propose, dans le
troisième alinéa du texte présenté par l'article 7 pour l'article L. 3-1 du
code de la route, de remplacer les mots : « vérifications prévues » par les
mots : « analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques prévus ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Cet amendement montre la volonté de la commission des lois
d'établir un parallélisme entre la consommation d'alcool et la consommation de
drogue s'agissant des vérifications opérées.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, ainsi modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Section 6
Dispositions diverses
Article additionnel avant l'article 8
M. le président.
Par amendement n° 36, M. Bimbenet propose d'insérer, avant l'article 8, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'Etat, pris au plus tard le 30 juin 1999, déterminera
les règles de priorité dont bénéficient les véhicules de transport en commun
d'enfants. »
La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet.
Je reviens ici sur un thème que j'ai déjà eu l'occasion d'aborder au cours de
la discussion générale, le transport en commun des enfants.
L'amendement que j'ai déposé sur ce sujet constitue, en réalité, un appel
lancé au Gouvernement, le Parlement n'ayant, en vertu des articles 34 et 37 de
la Constitution, aucun pouvoir en ce domaine.
En 1995, j'avais déposé, je le rappelle, une proposition de loi visant à
conférer aux autocars transportant des enfants une priorité particulière afin
d'éviter des accidents malencontreux.
Le principe que je propose est simple. Sur les routes de campagne, les
autocars s'arrêtent pour laisser les enfants monter ou descendre. Il arrive
trop fréquemment que ces derniers cherchent à traverser la route alors que
l'autocar n'a pas redémarré. C'est à ce moment que des accidents surviennent :
en effet, les enfants peuvent être fauchés par des véhicules qui doublent ou
croisent le car à l'arrêt. Cela s'est produit à deux reprises dans ma commune,
et c'est sans doute pour cette raison que je suis sensibilisé à cette
question.
Les conducteurs n'ont pas, en fait, la possibilité de voir les enfants
traverser, puisque ceux-ci sont cachés par leur bus.
La solution que je propose est fort simple et constituerait, en fait, une
adaptation des mesures de sécurité qui sont déjà appliquées dans les villes, où
des personnels municipaux stoppent la circulation afin que les enfants puissent
traverser.
On peut parfaitement imaginer qu'en province, comme cela se pratique dans
d'autres pays du monde, ces autocars soient dotés, à l'avant et à l'arrière,
d'un panneau « stop » lumineux. Le conducteur l'allumerait lorsqu'il arrête son
véhicule, puis l'éteindrait au redémarrage, après s'être assuré que tous les
enfants sont hors de danger.
Lorsque le panneau « stop » est allumé, il prend la valeur d'un panneau de
signalisation classique, et interdiction est alors faite aux automobilistes, de
croiser ou de doubler l'autocar.
Comme vous le voyez, mes chers collègues, la mesure que je vous propose
d'adopter est simple et de bon sens. Le précédent gouvernement m'avait fait
connaître son intérêt pour celle-ci. Mais, depuis 1995, hélas ! rien ne s'est
produit.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé aujourd'hui cet amendement, visant à
ce que, d'ici à un an ou plus, le Gouvernement s'engage à mettre en place une
mesure de cet ordre.
Toutefois, j'ai bien entendu la réponse que vous m'avez faite, monsieur le
ministre, lors de la discussion générale.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
M. Bimbenet a sensibilisé la commission aux préoccupations
évoquées par son amendement et c'est la raison pour laquelle je souhaiterais
que le Gouvernement nous indique ce qu'il envisage de faire en cette matière.
En effet, il n'est pas tellement souhaitable, aux yeux de la commission, de
surcharger la loi en y inscrivant des dispositions qui auraient davantage leur
place dans divers règlements, même lorsque l'intention est aussi louable que
celle-là, puisqu'il s'agit de protéger les enfants.
Aussi, monsieur Bimbenet, en fonction des réponses que vous fera le
Gouvernement, peut-être serez-vous rassuré, et peut-être retirerez-vous votre
amendement si M. le ministre vous confirme ce que vous souhaitez.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Chaque jour,
quatre à cinq millions d'enfants empruntent les transports scolaires. La
sécurité de ces transports est donc une préoccupation majeure des autorités
organisatrices que sont les conseils généraux et certaines communes.
Cependant, nous déplorons, chaque année près de dix décès d'enfants, les
accidents ayant le plus souvent lieu à la montée ou à la descente des
véhicules.
Je sais que des mesures très strictes existent dans d'autres pays, notamment
aux Etats-Unis et au Canada. Il s'agit, dans ces deux cas, d'une interdiction
absolue de dépassement des véhicules spécifiquement affectés au transport
scolaire, véhicules qui sont par ailleurs très facilement reconnaissables.
Je ne suis pas sûr qu'il soit aujourd'hui opportun de réglementer sans avoir
préalablement engagé la concertation, notamment avec l'association des
présidents de conseils généraux, puisque lesdits conseils sont les autorités
organisatrices. Il me semble cependant indispensable que toutes les autorités
concernées localement accentuent sans attendre leurs efforts d'aménagement et
de signalisation des arrêts.
Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à l'amendement de M.
Bimbenet, mais il en mesure l'intérêt. Je puis vous assurer, monsieur le
sénateur, que nous agirons dans le sens que vous souhaitez afin de réduire
l'insécurité concernant les transports d'enfants.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur Bimbenet ?
M. Jacques Bimbenet.
Je remercie M. le ministre de ses propos. J'ai pris bonne note de son
intention d'examiner ce dossier avec fermeté et je retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° 36 est retiré.
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - Le premier alinéa de l'article L. 14 du code de la route est
modifié ainsi qu'il suit :
« I. - Les mots : "à l'occasion de la conduite d'un véhicule" sont
supprimés.
« II. - Les dispositions du 1° sont remplacées par les dispositions suivantes
:
« 1° Infractions prévues par les articles L. 1er à L. 4-1, L. 7, L. 9, L. 9-1
et L. 19. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 20, M. Lanier, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« L'article L. 14 du code de la route est modifié ainsi qu'il suit :
« I. - Dans le premier alinéa, les mots : "à l'occasion de la conduite
d'un véhicule" sont supprimés.
« II. - Les dispositions du 1° sont remplacées par les dispositions suivantes
:
« 1° Infractions prévues par les articles L. 1er à L. 4-1, L. 7, L. 9, L. 9-1
et L. 19. »
Par amendement n° 24, MM. Hérisson et Cantegrit proposent, dans le texte
présenté par le paragraphe II de l'article 8 pour le 1° de l'article L. 14 du
code de la route, de remplacer la référence : « L. 4-1 » par la référence : «
L. 4 ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 20.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
L'amendement n° 20 vise à corriger une erreur dans le
décompte des alinéas. Je ne pense pas que cette correction souffre de
difficulté.
Quant à l'amendement n° 24, il n'a plus d'objet, me semble-t-il.
M. le président.
L'amendement n° 24 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 20 ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 8 est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l'article 8
M. le président.
Par amendement n° 29 rectifié, M. Pépin et Mme Bardou proposent d'insérer,
après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 9° Le soin de contrôler la vitesse des véhicules circulant sur les routes
nationales, les routes départementales et les voies de communication à
l'intérieur des agglomérations ».
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou.
Il existe un code de la route que les automobilistes sont tenus de respecter,
mais, contrairement aux autres domaines, le maire n'a, en cette matière, aucun
pouvoir de sanction en cas d'infraction, sauf celui de faire appel aux
gendarmes qui, eux-mêmes, ne peuvent verbaliser qu'avec l'aide d'un
cinémomètre. Or les gendarmes ne sont pas toujours présents dans la commune et,
quand ils le sont, ils n'ont pas toujours un cinémomètre à leur disposition. Il
en résulte donc, pour la très grande majorité des automobilistes, une grande
liberté d'action, qui se traduit le plus souvent, sans que pour autant le maire
puisse sévir, par un non-respect des panneaux de limitation de vitesse.
Certains moyens sont déjà mis à la disposition des maires pour réduire la
vitesse des véhicules : création de carrefours, de ronds-points, de passages
piétonniers surélevés, de zones « 30 ». Tout cela est certes nécessaire' malgré
les frais importants qui en découlent pour la commune et les contribuables,
mais ce n'est pas suffisant, car chacun sait que cela n'empêche pas les
automobilistes qui le veulent de continuer à rouler à grande vitesse sur les
autres secteurs de voies communales.
Il y a donc là un vide législatif très important qu'il paraît indispensable de
combler, compte tenu des dangers très souvent mortels qui découlent de
l'inconscience de certains conducteurs en mal de vitesse.
C'est pourquoi, au moment où un projet de loi axé sur la sécurité routière est
présenté, il paraît opportun d'inclure, parmi toutes les mesures proposées en
vue de l'améliorer, celle qui tend à donner aux maires des communes de France
les moyens de réprimer les excès de vitesse dans la traversée des
agglomérations, ce qui n'est pas le cas actuellement, loin s'en faut.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Cet amendement vise, à l'évidence, à étendre les pouvoirs de
la police municipale pour lui permettre de contrôler la vitesse des
véhicules.
Actuellement, une loi est en préparation sur les attributions des polices
municipales. Or, en l'état actuel des choses, les polices municipales, sur le
statut desquelles j'ai personnellement eu l'occasion de réfléchir à plusieurs
reprises au Sénat, comportent des différences considérables d'un point à un
autre, d'une mairie à une autre.
Dès lors, est-il vraiment nécessaire d'augmenter ainsi les pouvoirs, non pas
du maire, en l'occurrence, mais de polices municipales inégales d'une commune à
l'autre en matière de polices, de la circulation et de stationnement, pouvoirs
qui sont déjà étendus dans le cadre de la commune ?
Il n'est pas certain qu'il soit opportun de confier de telles prérogatives aux
polices municipales sans qu'une réflexion préalable approfondie soit menée, ce
qui sera le cas à l'occasion de l'examen du projet de loi qui vient d'être
déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.
C'est la raison pour laquelle, madame le sénateur, je vous demande -
uniquement pour les arguments que j'invoque au nom de la commission des lois -
de bien vouloir retirer votre amendement, dans l'attente de pouvoir le
présenter ultérieurement lors du débat qui interviendra sur les polices
municipales.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le projet de loi
relatif aux polices municipales a été déposé sur le bureau de l'Assemblée
nationale au début du mois d'avril. Il prévoit, en son article 1er, la
modification de l'article L. 212-5 du code général des collectivités
territoriales, qui devrait préciser que les agents des polices municipales «
constatent par procès-verbaux les contraventions aux dispositions du code de la
route dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat ».
C'est donc à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, qui devrait
intervenir très prochainement, que le Sénat pourra débattre de cette extension
de la compétence des polices municipales et répondre ainsi au problème que vous
posez, madame le sénateur.
Par conséquent, je souhaite, à mon tour, que vous puissiez retirer cet
amendement afin de préserver la cohérence de la discussion sur un sujet qui
nous préoccupe tous.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, madame Bardou ?
Mme Janine Bardou.
Compte tenu des précisions qui m'ont été données tant par M. le rapporteur que
par M. le ministre, je vais le retirer, non sans avoir relevé auparavant que,
durant toute la soirée, nous avons beaucoup parlé des grands excès de vitesse
et de l'égalité devant la loi, alors que, dans les petites communes, ce sont
les excès de vitesse ordinaires, inférieurs de beaucoup aux premiers, qui
gênent la vie des habitants, voire qui sont très dangereux pour eux. Or, ces
infractions, nous n'avons pas les moyens de les réprimer, et c'est pourquoi les
pouvoirs des maires et des polices municipales doivent pouvoir être accrus.
M. le président.
L'amendement n° 29 rectifié est retiré.
Par amendement n° 46, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 8, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Les trois premiers alinéas de l'article 36 de la loi n° 82-1153 du 30
décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs sont modifiés comme suit
:
«
a)
Au premier alinéa, après les mots : "de transport routier
public" sont insérés les mots : "de personnes ou" ;
«
b)
Au deuxième alinéa, après les mots : "dans les conditions
prévues par" sont insérés les mots : "le règlement (CEE) n° 684/92 du
Conseil du 16 mars 1992 pour le transport de personnes ou" ;
«
c)
Au troisième alinéa, après les mots : "inscrit au registre
mentionné", sont insérés les mots : "à l'article 7 de la présente loi
pour le transport de personnes ou" et, après les mots : "de toute
entreprise de transport routier public", sont insérés les mots : "de
personnes ou". »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le Gouvernement
souhaite, par cet amendement, apporter une précision à la loi n° 98-69 du 6
février 1998, adoptée à l'unanimité par le Sénat, et qui est relative aux
conditions d'exercice de la profession de transporteur routier.
Il s'agit d'étendre au transport routier de personnes le dispositif de
sanctions administratives applicable au transport routier de marchandises.
Cela n'a pas été fait précédemment, car, si les mesures d'application du
règlement du Conseil européen concernant le transport routier de marchandises
datent du 26 mars 1992, celles qui concernent le transport routier de personnes
n'ont été publiées que le 8 janvier 1998.
Ce complément est nécessaire pour éviter une faille juridique qui peut
localement poser des problèmes sensibles, comme c'est d'ailleurs le cas,
aujourd'hui, dans le département de la Martinique.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Cet amendement vise à modifier l'article 36 de la loi
d'orientation sur les transports intérieurs. Il prévoit que les activités de
transport public routier de personnes s'effectuent sous le couvert d'une
licence de transport intérieur ou d'une licence communautaire. Il vise donc, de
façon utile, à prendre en compte une directive communautaire de décembre 1997
pour le transport public de personnes.
Le Gouvernement en a bien besoin pour régler une affaire qui est en train de
grossir comme une montagne à la Martinique.
En l'espèce, on pourrait, certes, parler de « demi-cavalier ». Mais comme
cette disposition est bien utile pour la nation, la commission a émis un avis
favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 8.
Je suis maintenant saisi de deux amendements.
Par amendement n° 44, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 8, un
article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 3 de l'ordonnance n° 58-1310 du 23 décembre 1958 concernant les
conditions du travail dans les transports routiers publics et privés en vue
d'assurer la sécurité de la circulation routière est modifié comme suit :
« I. - Dans le premier alinéa, après les mots : "La falsification des
documents", sont ajoutés les mots : "la fourniture de faux
renseignements, l'absence d'installation".
« II. - Dans le deuxième alinéa, après les mots : "jusqu'à ce qu'il ait
été", sont ajoutés les mots : "mis en conformité ou". »
Par amendement n° 45, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 8, un
article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 9-1 du code de la route est modifié comme suit :
« I. - Dans le premier alinéa, après les mots : "soumis à une obligation
de vitesse par construction,", sont ajoutés les mots : "de ne pas
respecter cette obligation,".
« II. - Dans le deuxième alinéa, après les mots : "jusqu'à ce qu'il ait
été" sont ajoutés les mots : "mis en conformité ou". »
La parole est à M. le ministre, pour présenter ces deux amendements !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
L'amendement n°
45 vise à mettre en conformité la sanction prévue pour le délit d'absence de
limiteur de vitesse avec celle qui est prévue pour le débridage de ce
dispositif. Pour cela, il convient de modifier l'article L. 9-1 du code de la
route.
L'amendement n° 44 est de même nature. Il s'agit de mettre en conformité la
sanction prévue pour le délit d'absence de chronotachygraphe avec celle qui est
prévue pour la falsification de ce dispositif. A cette fin, il convient de
modifier l'article 3 de l'ordonnance n° 58-1310 du 23 décembre 1958.
Dans les deux cas, débridage du limiteur de vitesse ou falsification du
chronotachygraphe, la peine doit être dissuasive, afin d'empêcher des
comportements intolérables eu égard à la sécurité routière.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 44 et 45 ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
L'amendement n° 44 est presque plus important que
l'amendement n° 45 dans la mesure où le chronotachygraphe sert à mesurer la
vitesse, à déterminer le périple du camion, les heures de repos et de travail,
etc.
En effet, il s'avère que certains camions des pays de l'Union européenne ne
sont pas munis de cet appareil. Il convient donc de le faire installer, car je
ne vois pas pourquoi les étrangers seraient mieux traités que les Français en
la circonstance. En l'espèce, le mot « étranger » n'a d'ailleurs rien de
péjoratif, je m'empresse de le dire.
La commission a donc émis un avis favorable sur l'amendement n° 44.
La commission est également favorable à l'amendement n° 45. En effet, si le
limiteur de vitesse par construction est l'objet d'un délit quand il est
détérioré volontairement ou involontairement, en revanche, aucune peine n'est
prévue quand il n'existe pas.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 8.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 45, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 8.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Gérard pour explication de vote.
M. Alain Gérard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que
notre pays compte encore plus de 8 000 morts par an sur les routes et que 20 %
des tués sur la route ont entre dix-huit et vingt-quatre ans, le texte dont
nous terminons l'examen ne peut nous satisfaire pleinement, car il est à la
fois incomplet et contradictoire.
Incomplet, tout d'abord, car le dispositif proposé ne va pas assez loin dans
les domaines de la prévention, de la sensibilisation et de la formation des
jeunes conducteurs d'automobile et surtout de moto, jeunes particulièrement
exposés aux risques de la route. Les chiffres que je viens de citer le
démontrent clairement.
Contradictoire, ensuite, car le dispositif proposé s'oppose à la politique
budgétaire que vous menez, monsieur le ministre.
Vous souhaitez en effet, grâce à ce texte, lutter contre l'insécurité
routière. Mais, dans le même temps, vous venez de procéder, le 16 janvier
dernier, à une annulation des crédits affectés à l'investissement aux
transports terrestres à une annulation des crédits alloués aux grosses
réparations et aux aménagements de sécurité sur la voirie nationale. Ces
annulations se montent au total à 61 millions de francs en autorisations de
programme et à 45 millions de francs en crédit de paiement sur le budget de
1998.
Ce désintérêt de l'Etat vis-à-vis de la voirie nationale ne manquera pas
d'avoir de graves répercussions sur le nombre d'accidents.
Néanmoins, je tiens, au nom de notre groupe, à rendre tout particulièrement
hommage au rapporteur de la commission des lois, notre collègue Lucien Lanier,
pour la qualité de son travail et la pertinence de ses propositions.
Il a su renforcer l'obligation de formation pour les conducteurs novices
auteurs d'infraction, améliorer le dispositif tendant à assainir la profession
d'enseignement de conduite et de sécurité routière, indiquer explicitement dans
le dispositif que le propriétaire d'un véhicule déclaré pécuniairement
responsable d'une infraction commise par un tiers n'est pas responsable
pénalement et que la responsabilité pécuniaire n'entraîne ni inscription au
casier judiciaire ni retrait de points.
En conséquence, le groupe du Rassemblement pour la République votera le texte
tel qu'il a été amendé aujourd'hui.
M. le président.
La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après ces
longs débats, on sent bien que le problème de la conduite est très complexe et
que nous n'avons pas trouvé la solution ce soir. En effet, la conduite est
celle de tous, piétons, cyclistes, motocyclistes, alors que nous ne traitons
pratiquement que de l'automobiliste, ce bon usager contribuable.
De la même façon - on vient de le dire - je n'ai pas obtenu l'assurance
formelle d'une action pédagogique profonde, qui doit commencer dès le cours
préparatoire. Or, devant la douleur des familles lors d'accidents mortels, il
nous importe d'exiger les inscriptions budgétaires nécessaires à une autre
culture de la conduite. Je l'ai déjà dit, je crois plus à la vertu éducative
qu'à la répression, qui est trop inégalitaire.
Les problèmes nouveaux liés à l'usage des neuroleptiques compliquent notre
action. Il faudra du courage pour les résoudre, mais il est grand temps de s'y
atteler. Toute attente paraît coupable, à mes yeux.
Vous le comprenez, je ne suis pas satisfait, ce soir. De tous mes voeux,
j'appelle un autre débat, plus large, mieux documenté scientifiquement et
rappelant les devoirs de l'Etat. Je ne prendrai qu'un exemple, monsieur le
ministre, celui de l'éclairage des autoroutes, qu'exige la circulaire du 24
avril 1974.
Très sincèrement, mon sentiment est que l'on se trompe de combat ou, en tout
cas, que l'on est très incomplet.
Voilà pourquoi je ne voterai pas ce projet de loi. Je le regrette pour mon
collègue et ami Lucien Lanier, qui a réalisé un excellent travail, dont je le
félicite.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme
d'un long débat qui s'est voulu technique, par moment passionné, sous la
responsabilité de notre rapporteur, nous avons examiné ce texte et, sur
quelques points, nous l'avons amendé de façon très positive.
Je regrette cependant qu'une réflexion supplémentaire n'ait pas été engagée.
Elle nous aurait permis, après l'examen de ce texte par l'Assemblée nationale,
de l'améliorer encore au cours des navettes.
Nous avons fait des pas en avant, mais, s'agissant de la sécurité routière, ne
faut-il pas vingt fois sur le métier remettre son ouvrage ? Dans ce domaine,
l'évolution de la technique, l'évolution des comportements est rapide. Nous
devons chaque fois - je l'ai bien compris et je suis d'accord avec bon nombre
de mes collègues - ajouter au volet répressif nécessaire un volet éducatif.
Chaque Français, plus particulièrement chaque représentant du peuple, est
responsable en ce domaine. Chacun d'entre nous, dans sa commune, son
département et sa région, doit saisir les occasions offertes par le
Gouvernement pour améliorer la sécurité routière.
Je voudrais donner l'exemple de la ville dont je suis le maire. Il existe une
possibilité d'apporter un enseignement supplémentaire à nos jeunes grâce à la
mise à disposition par le département des emplois-jeunes.
J'ai inauguré, voilà peu de temps, une piste de sécurité routière pour des
enfants d'école maternelle. Cette piste est sous la responsabilité d'une
personne qualifiée, qui a son diplôme de moniteur d'auto-école. Celle-ci
s'efforcera, l'année durant, d'entrer en contact avec des enfants des écoles
maternelles et primaires, ainsi que des collèges.
Nous travaillons aussi, bien évidemment, avec la sécurité routière, notamment
grâce aux options du programme REAGIR. Bref, ce texte n'est qu'un aspect somme
toute modeste de la sécurité routière.
Je pense que nous avons, ce soir, fait oeuvre utile. Des dispositions
nouvelles devraient être mises en place rapidement. Mais des problèmes restent
en suspens, notamment la question des stupéfiants. Sans doute, résoudrons-nous
ces difficultés d'ici à quelques années.
En conclusion, même si le groupe socialiste espère qu'un amendement qui a été
adopté sera revu et corrigé, il s'agit d'un texte somme toute positif. Pour
cette raison, nous voterons ce projet de loi.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne
reviendrai pas sur les raisons essentielles qui nous ont fait soutenir le
projet de loi qui nous a été soumis.
Des amendements à l'élaboration desquels nous avons participé ont été adoptés,
et je veux souligner, à cette occasion, l'excellent travail accompli par la
commission des lois et son rapporteur. En revanche, d'autres amendements n'ont
pas recueilli notre approbation. Nous considérons que, dans une certaines
mesure, ils altèrent le texte qui nous a été soumis. Pour autant, nous voulons
retenir l'essentiel parce que nous souhaitons avant tout que soient mis en
oeuvre les moyens d'améliorer la sécurité routière, ce qui nous permettra
d'atteindre l'objectif que nous nous sommes fixés, à savoir réduire de moitié
le nombre des tués sur nos routes.
Nous voterons donc ce projet de loi, en souhaitant que l'Assemblée nationale
l'améliore encore.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous venons
de vivre un débat intéressant et important.
Je retiendrai, comme points extrêmement positifs de ce projet de loi, la
moralisation nécessaire des écoles de conduite, l'extension de la
responsabilité financière du propriétaire du véhicule en cas d'excès de vitesse
et de non-respect de la signalisation imposant l'arrêt et, bien sûr, la
création du délit de grande vitesse en cas de récidive dans un délai d'un an,
qui me paraît extrêmement importante.
Chacun m'a entendue, j'aurais aimé, pour ma part, que le texte soit durci, non
pas que j'aie un goût immodéré pour la répression, je ne l'ai jamais eu, mais
parce qu'il me semble qu'il doit y avoir et qu'il devra y avoir dans l'avenir
des mesures peut-être encore plus fortement symboliques. Si nous voulons
vraiment diviser par deux dans les cinq ans à venir le nombre de tués sur les
routes - par deux, mes chers collègues, et c'est un objectif nécessaires - si
nous voulons également diminuer très fortement le nombre des handicapés - nous
les avons parfois perdus de vue ce soir - car il y a les morts, certes, mais il
y a aussi ceux qui sont handicapés à vie et qui vivent quotidiennement dans
leur chair les conséquences des accidents, nous avons besoin de changer
fondamentalement les attitudes des conducteurs et de bouleverser les mentalités
et les pratiques.
C'est pourquoi nous avons fait ce soir, en discutant ce texte, un premier pas
qui est tout à la fois nécessaire et symbolique et qui témoigne d'un progrès
important.
Les radicaux de gauche et la totalité du groupe du RDSE, à l'exception, vous
l'avez entendu, de M. Lesein, voteront donc ce texte.
M. le président.
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
Monsieur le ministre, je voterai ce texte.
Ce débat m'a fort intéressé, faisant partie de ces parents que Mme Dusseau a
plaints tout à l'heure, c'est dire mon émotion.
Quand on quitte des parents ou des amis, on dit souvent : « On va reprendre la
route ; on s'en va. » Je voudrais simplement vous rappeler les mots que j'ai vu
inscrits à la porte d'une église : « On ne prend pas la route, on la partage.
»
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la
discussion générale j'ai dit que je voterai ce texte sous réserve que les
amendements que j'ai déposés soient acceptés et que M. le ministre s'engage sur
un certain nombre de propositions concrètes concernant notamment l'amélioration
du réseau des routes nationales.
Tout au long de cette discussion fort intéressante, et sous la conduite de
notre excellent rapporteur, qui, comme à son habitude, a fait preuve d'un grand
sang-froid, nous avons pu les uns et les autres débattre de sujets qui
concernent la vie de tous nos concitoyens. Cela n'arrive pas qu'aux autres,
nous pouvons tous être confrontés à un accident de la route.
Au terme de ce débat sérieux qui s'est instauré entre nous, je voudrais dire à
Mme Dusseau, même si elle pense que nous, les hommes, sommes plus souvent
responsables des excès de vitesse que les femmes, que son pouvoir de conviction
- voire de séduction, pourquoi pas ? -
(Sourires.)
m'a convaincu d'un
certain nombre d'avancées contenues dans ce texte.
Monsieur le ministre, vous avez pris l'engagement de poursuivre vos efforts en
vue d'améliorer les infrastructures des routes nationales. A cet égard, je vous
dirai que le département de la Haute-Savoie est à votre disposition pour vous
montrer qu'il y a beaucoup de choses à faire concernant les routes
nationales.
Ayant obtenu partiellement satisfaction grâce à l'adoption d'un amendement du
Gouvernement qui atténue, dans des proportions importantes, les conséquences
pécuniaires du délit en question - car je crois que l'ensemble de nos
concitoyens ne sont pas à même de faire face à des amendes aussi importantes
que celles qui sont prévues -, M. Cantegrit et moi-même ayant retiré notre
amendement, je voterai votre projet de loi, monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos débats
ont bien fait ressortir que l'insécurité routière était une préoccupation de
tous, un problème majeur de notre société dont l'aspect humain nous touche les
uns et les autres profondément.
C'est pourquoi l'objectif de réduction de moitié du nombre de personnes tuées
sur les routes en France a, me semble-t-il, reçu l'assentiment général.
Dans cette optique, le Gouvernement a présenté le présent projet de loi. Les
mesures proposées seront-elles à la hauteur de l'ambition initiale ? La
question reste posée, mais nous le souhaitons.
Tout en allant dans le bon sens, les dispositions du projet de loi demeurent
limitées dans leur portée. J'aurais souhaité que les problèmes de prévention
fussent mieux explorés. Il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine
essentiel pour la sécurité routière.
Toutefois les amendements adoptés par la Haute Assemblée complètent et
améliorent très utilement le dispositif prévu. Je tiens, à cet égard, à saluer
le travail et les avis éclairés dont nous avons eu souvent besoin de notre
excellent rapporteur, M. Lanier.
Nous avons tous conscience que l'insécurité routière n'est pas une fatalité,
et tous nous voulons oeuvrer contre ce fléau.
C'est pourquoi, même s'il ne s'agit que d'une petite pierre à l'édifice, le
groupe des Républicains et des Indépendants votera ce texte.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de
l'Union centriste et du RDSE.)
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je veux tout
d'abord vous remercier, monsieur le rapporteur, et remercier aussi les membres
de la commission des lois ainsi que tous ceux qui, depuis le début de
l'après-midi, ont contribué à améliorer ce projet de loi.
Ce texte s'inscrit dans un ensemble de mesures. Comme cela a été dit fort
justement, s'il n'y avait que ce texte, il pourrait y avoir sous-estimation
d'une dimension très importante : la formation, l'éducation. Le changement des
comportements auquel nous voulons parvenir doit s'apprendre dès l'école. Ces
dispositions sont déterminantes et il est nécessaire de les poursuivre tout au
long de la vie.
Il fallait aussi des mesures législatives. Vous les avez adoptées, et je vous
en remercie.
Je vous remercie également du large consensus qui s'est dessiné, par-delà vos
sensibilités, pour faire en sorte que tous les acteurs, le législateur, bien
sûr, mais aussi ceux qui sont sur le terrain, à tous les niveaux, depuis
l'éducation nationale jusqu'aux responsables locaux et d'entreprises, se
mobilisent pour réduire de moitié le nombre des morts sur la route.
C'est un objectif ambitieux mais, après tout, il nous permettra d'être alors
pratiquement au même niveau que les pays les plus avancés en matière de
sécurité routière. Pour autant on n'aura pas achevé la bataille pour le droit à
la sécurité, le droit de circuler en sécurité.
J'attire votre attention sur le fait que si conduire est un acte certes
individuel, c'est aussi un acte social non seulement pour les enfants installés
sur le siège arrière ou pour la personne assise à côté du conducteur, mais
aussi pour les autres automobilistes, pour les cyclistes, pour les motards et
pour les piétons.
Parvenir à une conduite apaisée est l'objectif que s'est fixé le Gouvernement.
Nous y parviendrons, j'en suis sûr, à condition que toutes les volontés
s'unissent avec la même détermination et que les moyens correspondants soient
mis en oeuvre.
Je vous remercie encore, mesdames et messieurs les sénateurs, de votre travail
et du vote positif que vous allez émettre.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
12
COMMUNICATION DE L'ADOPTION
DE PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 2 avril 1998, l'informant que :
La proposition d'acte communautaire E 804 - « proposition de décision du
conseil concernant la conclusion par la Communauté européenne de la convention
des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 et de l'accord du
28 juillet 1994 relatif à l'application de la partie XI de ladite convention
(6459/97 LMARE2) » a été adoptée définitivement par les instances
communautaires par décision du Conseil du 23 mars 1998.
La proposition d'acte communautaire E 909 - « proposition de décision du
conseil concernant la conclusion de la convention sur les effets
transfrontières des accidents industriels » - a été adoptée définitivement par
les instances communautaires par décision du Conseil du 23 mars 1998.
La proposition d'acte communautaire E 921 - « proposition de décision du
Parlement européen et du conseil modifiant la décision 92/481/CEE du 22
septembre 1992 portant adoption d'un plan d'action pour l'échange entre
administrations des Etats membres de fonctionnaires nationaux chargés de la
mise en oeuvre de la législation communautaire nécessaire à la réalisation du
marché intérieur » - a été adoptée définitivement par les instances
communautaires par décision du Conseil du 23 mars 1998.
La proposition d'acte communautaire E 1003 - « proposition de règlement CE du
Conseil portant adaptation des mesures autonomes et transitoires pour les
accords d'échanges préférentiels conclus avec la Pologne, la Hongrie, la
Slovaquie, la République tchèque, la Roumanie et la Bulgarie en ce qui concerne
certains produits agricoles transformés » - a été adoptée définitivement par
les instances communautaires par décision du Conseil du 17 mars 1998.
La proposition d'acte communautaire E 1038 - « proposition de règlement CE du
Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires
communautaires autonomes pour certains produits de la pêche » - a été adoptée
définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 30
mars 1998.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 2 avril 1998, l'informant que la partie de la proposition d'acte
communautaire E 869 concernant la « proposition de décision du Conseil
concernant la conclusion par la Communauté européenne du protocole à la
convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue
distance, relatif à une nouvelle réduction des émissions de soufre » a été
adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil
du 23 mars 1998.
13
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 373, distribué et renvoyé à la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale
dans les conditions prévues par le règlement.
14
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Christian Poncelet, Jean-Pierre Fourcade, Josselin de Rohan,
Maurice Blin, Henri de Raincourt une proposition de loi tendant à alléger les
charges sur les bas salaires.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 372, distribuée et renvoyée
à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques
de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission
spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
15
TRANSMISSION DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à limiter la détention
provisoire.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 374, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la détermination des conditions
juridiques de l'exercice de la profession d'artisan boulanger.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 375, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires économiques et du plan, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
16
RETRAIT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu une lettre de M. Pierre Lefebvre par laquelle il déclare retirer la
proposition de loi relative à la taxe professionnelle de La Poste et de France
Télécom (n° 246, 1997-1998) qu'il avait déposée avec plusieurs de ses collègues
au cours de la séance du 27 janvier 1998.
J'ai également reçu une lettre de M. Christian Poncelet par laquelle il
déclare retirer la proposition de loi tendant à alléger les charges sur les bas
salaires (n° 217, 1997-1998) qu'il avait déposée avec plusieurs de ses
collègues au cours de la séance du 13 janvier 1998.
Acte est donné de ces retraits.
17
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu de Mmes Hélène Luc, Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes
Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Jean Derian, Michel Duffor, Guy
Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Louis Minetti, Robert Pagès, Jack
Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une proposition de résolution,
présentée en application de l'article 73
bis
du règlement, sur EURO 1999
- 25 mars 1998 - Rapport sur l'état de la convergence et recommandation
associée en vue du passage à la troisième phase de l'Union économique et
monétaire (partie 1 : recommandation - partie 2 : rapport) (n° E-1045).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 378, distribuée et
renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une
commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
18
DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Communication de la commission au Conseil et au Parlement européen sur
l'établissement de nouvelles perspectives financières pour la période
2000-2006.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1049 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Projet d'accord entre la Communauté européenne et la Fédération de Russie
sur le commerce des produits textiles paraphé à Bruxelles le 28 mars 1998.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1050 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif à une aide communautaire à
des mesures de préadhésion en faveur de l'agriculture et de développement rural
dans les pays candidats d'Europe centrale et orientale, au cours de la période
de préadhésion.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1051 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Propositions de règlements (CE) du Conseil relatifs à la réforme de la
politique agricole commune (cultures arables, viande bovine, lait et produits
laitiers, développement rural, règlement financier, règlement et autres
questions à caractère horizontal).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1052 et
distribuée.
19
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Pierre Fauchon un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée avec modifications
par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture relative à la responsabilité du
fait des produits défectueux (n° 360, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 377 et distribué.
20
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de MM. Xavier de Villepin, Guy Penne et Mme Paulette Brisepierre un
rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de
la défense et des forces armées à la suite d'une mission effectuée au Cameroun
et au Congo du 15 février 1998.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 376 et distribué.
21
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 8 avril 1998, à quinze heures et, éventuellement, le soir
:
1° Nomination d'un membre de la délégation du Sénat pour la planification en
remplacement de M. Bernard Barbier et de deux membres de la délégation du Sénat
pour l'Union européenne, en remplacement de MM. Pierre Lagourgue et Paul
Loridant.
2° Discussion en deuxième lecture de projet de loi (n° 363, 1997-1998), adopté
avec modifications par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture,
d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail.
Rapport (n° 365, 1997-1998) de M. Louis Souvet, fait au nom de la commission
des affaires sociales.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale de ce projet de loi
n'est plus recevable.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
Délais limites pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale
et pour le dépôt des amendements
1° Proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, tendant à ouvrir le droit à une allocation spécifique aux
chômeurs âgés de moins de soixante ans ayant quarante annuités de cotisations
d'assurance vieillesse (n° 341, 1997-1998) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 8 avril 1998, à dix-sept
heures.
2° Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant extension
partielle et adaptation du code minier aux départements d'outre-mer (n° 296,
1996-1997).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 8 avril 1998, à dix-sept
heures.
3° Question orale avec débat sur les incertitudes liées au financement de la
liaison à grande vitesse entre Paris et Strasbourg.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 8 avril
1998, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 8 avril 1998, à une heure
quarante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
DÉCÈS D'UN SÉNATEUR
M. le président du Sénat a le regret de porter à la connaissance de Mmes et MM. les sénateurs qu'il a été avisé du décès de M. Sosefo Makapé Papilio, sénateur des îles Wallis-et-Futuna, survenu le 5 avril 1998.
REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR
Conformément aux articles LO 325 et LO 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article LO 319 du code électoral M. Basile Tui est appelé à remplacer, en qualité de sénateur des îles Wallis-et-Futuna, M. Sosefo Makapé Papilio, décédé le 5 avril 1998.
MODIFICATIONS AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE
(86 membres au lieu de 87)
Supprimer le nom de M. Sosefo Makapé Papilio.
RÉUNION ADMINISTRATIVE DES SÉNATEURS
NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE
(10 au lieu de 9)
Ajouter le nom de M. Basile Tui.
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION PERMANENTE
Dans sa séance du mardi 7 avril 1998, le Sénat a nommé M. Lylian Payet membre
de la commission des affaires culturelles à la place laissée vacante par M.
Henri Le Breton, démissionnaire.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Élimination des déchets plastiques à base de PEHD
232.
- 6 avril 1998. -
Mme Janine Bardou
appelle l'attention de
sur le problème de l'élimination des matériels en plastique à base de PEHD
(polyéthylène haute densité) à usage unique, utilisés par tous les laboratoires
départementaux et destinés principalement aux contrôles d'eau potable. Si pour
les déchets chimiques et biologiques, une filière d'élimination existe bien, ce
n'est absolument pas le cas pour les déchets à base de PEHD qui sont
actuellement considérés comme des déchets ménagers et stockés dans les
décharges. Pour le seul département de la Lozère, ce sont environ 5 000 flacons
par an qui se retrouvent en décharge. Cela devient insuportable au moment où
tant les villes que les départements font tout leur possible pour mettre en
place un système d'élimination des déchets plus conforme à la loi et aux
souhaits des usagers. C'est pourquoi elle lui demande quelle mesure elle
envisage de prendre pour créer une filière d'élimination de ces déchets, et
s'il ne serait pas possible d'obtenir des fabricants de plastique à base de
PEHD - qui sont peu nombreux en France - qu'ils reprennent les emballages vides
et en assurent la transformation.
Protection européenne
des marchés de fruits du printemps et de l'été
233.
- 6 avril 1998. -
M. Louis Minetti
attire l'attention de
M. le ministre délégué chargé des affaires européennes
sur les importations en provenance de l'hémisphère Sud et la concurrence
qu'elles exercent sur la production de fruits de printemps et d'été. En effet,
les produits importés circulent librement dans l'Union européenne, donc la
France, venant concurrencer déloyalement nos productions à des prix cassés
déstabilisant tout le marché des fruits et légumes. Il préconise de modifier la
politique des autorités de Bruxelles, notamment : les pratiques des
importateurs, exportateurs d'expéditions sans facture ni indication de prix de
vente ni au départ, ni à l'arrivée ; la pratique de prix de référence trop bas
pour l'établissement des tarifs douaniers, ainsi que les accords déjà conclu
sur ces bases suicidaires pour les producteurs français et européens ; en
combattant efficacement le dumping social imposé par ces pays tiers, en
rétablissant une véritable préférence communautaire afin d'interdire de fait,
la commercialisation des produits d'importation au moment de la montée en
production européenne et française, et éventuellement, en retirant du marché
sans compensation financière, tous les produits importés se trouvant sur le
territoire européenne ; en régulant sur ces bases le marché français, notamment
pour les brugnons, prunes, pêches, poires et pommes. Il lui demande s'il compte
aller dans ce sens.
Mise en oeuvre des propositions
de la délégation sénatoriale sur les fruits et légumes
234.
- 6 avril 1998. -
M. Louis Minetti
attire à nouveau l'attention de
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
sur le problème des fruits et légumes. En juillet 1997, M. le ministre a
accepté comme base de travail ses propositions, notamment la création d'un
comité franco-espagnol sur ces questions. Depuis, il est allé deux fois en
Espagne, le comité franco-espagnol s'est réuni trois fois. La délégation
sénatoriale sur les fruits et légumes s'est rendue elle aussi en Espagne et a
présenté plusieurs propositions. Ces principales propositions portent sur la
mise en place d'une action commune sur les fruits et légumes qui pourrait
devenir un front méditerranéen dans l'Europe et pour la modification de la
politique agricole commune, la prise en compte commune du fait que l'Europe ne
produit que 40 % des fruits et légumes qu'elle consomme, que les fruits et
légumes représentent 25 % de la production européenne et ne participent qu'à
hauteur de 4 % du budget européen, la mission confiée à la commission
franco-espagnole de prévoir et de moduler les productions dans l'intérêt commun
et de prévoir et gérer les crises, la responsabilisation des grands groupes,
bancaires, commerciaux, de transports pour assurer un revenu décent aux
agriculteurs, y compris en rétablissant les coefficients multiplicateurs, la
négociation avec le Gouvernement espagnol pour l'égalisation des conditions
salariales telles que sa signature à Luxembourg le prévoit pour une Europe
sociale. Il désire connaître quelles mesures concrètes il compte prendre pour
la mise en place de ces propositions et des développements qu'elles
supposent.
Montant des cotisations d'accident du travail
appliqué aux aéroclubs
235. - 6 avril 1998. - M. Daniel Eckenspieller attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les problèmes rencontrés par les aéroclubs du fait de la modification de la codification du taux des cotisations d'accident du travail. La plupart de ces associations étaient affectées, jusque-là, au régime 80.4 AA Ecole de conduite au taux de 1,9 %. En 1997, une reclassification de leurs activités par la Caisse nationale d'assurance maladie en Sports aéronautiques au régime 92.6 CB a porté le taux de leurs cotisations Accident du travail à 22,30 %. C'est la raison pour laquelle il lui demande d'intervenir auprès de l'instance concernée, afin qu'elle accepte de reclasser, au regard du taux de cotisation accident du travail, l'ensemble des associations aéronautiques, comme elles l'étaient précédemment, à savoir comme Ecole de conduite. Il lui demande par ailleurs de bien vouloir lui indiquer quelles sont ses intentions à cet égard.