VALIDATION DE CERTAINES ADMISSIONS À L'EXAMEN D'ENTRÉE À UN CENTRE DE FORMATION PROFESSIONNELLE D'AVOCATS
Adoption d'une proposition de loi
en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition
de loi (n° 336, 1997-1998), modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la
validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation
professionnelle d'avocats. [Rapport n° 369 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, le président Larché a
pris l'initiative de déposer une proposition de loi relative à la validation de
certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation
professionnelle d'avocats. Il convenait, en effet, de remédier aux conséquences
de l'annulation par le Conseil d'Etat des dispositions de l'arrêté du 17
février 1993 relatives aux dispenses accordées aux titulaires d'un diplôme
d'études approfondies en sciences juridiques ou politiques dans le cadre de
l'examen d'entrée dans un centre régional de formation professionnelle
d'avocats.
Le texte proposé par M. Larché, qui a remédié fort opportunément à
l'insécurité juridique pouvant affecter la situation et l'activité d'un certain
nombre de jeunes avocats ayant bénéficié de 1993 à 1995 d'une dispense accordée
au titre d'un diplôme d'études approfondies en sciences juridiques ou
politiques, a été voté à l'unanimité par le Sénat le 21 octobre 1997 et par
l'Assemblée nationale le 4 mars dernier.
Toutefois, l'Assemblée nationale, outre les deux articles de la proposition
initiale, a adopté, à la suite d'un amendement du Gouvernement, un article 3
relatif à une autre validation concernant la profession d'avocat. Il s'agissait
de valider la perception des droits mis à la charge des élèves avocats par
délibération des conseils d'administration des centres de formation
professionnelle.
En effet, la cour d'appel de Paris, par un arrêté du 5 janvier 1998, a annulé
la décision du conseil d'administration du centre de formation professionnelle
des barreaux de la cour d'appel de Paris, dénommé « Ecole de formation du
barreau », fixant à 15 000 francs le montant des droits pour l'année 1998.
Compte tenu de la motivation de cet arrêt, selon laquelle aucune base légale
ou réglementaire n'autorise les conseils d'administration des centres de
formation à demander aux élèves une participation aux frais afférents à leur
formation, les vingt et un centres de formation existants sont concernés dans
la mesure où, depuis 1992, ils ont perçu des droits.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Non, pas tous !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Presque tous !
La perception de tels droits étant considérée comme illégale, les élèves et
anciens élèves pourraient ainsi réclamer le remboursement des droits par eux
versés au cours de leur formation sur le fondement de la répétition de l'indu,
étant précisé que, en la matière, la prescription est de trente ans.
Les barreaux, compte tenu de leurs difficultés financières actuelles, ne
pourraient que très difficilement, voire pas du tout pour certains, faire face
à de tels remboursements s'ils venaient à être exigés.
Ces remboursements risqueraient également de compromettre gravement, comme le
souligne M. Fauchon dans son rapport, le fonctionnement des centres et, par
voie de conséquence, la qualité de la formation dispensée aux futurs
avocats.
Il est donc de l'intérêt général d'adopter cet article de validation qui, par
ailleurs, répond aux exigences définies par la jurisprudence du Conseil
constitutionnel en la matière.
Demeure toutefois en discussion la durée de la période couverte par la
validation.
Lors de la discussion à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a précisé qu'il
ne souhaitait pas valider la perception des droits pour l'année 1998, dans la
mesure où la somme de 15 000 francs demandée par l'école de formation du
barreau de Paris aux élèves avocats paraissait à l'évidence trop élevée. Je
vous rappelle que les droits pour l'année 1997 s'élevaient à 5 500 francs !
Depuis lors, par une nouvelle délibération du conseil d'administration de
cette école, intervenue le 19 mars 1996,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Toujours illégale !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... le montant des droits a été ramené à 5 800 francs
pour l'année 1998.
Dans ces conditions, le montant des droits étant plus raisonnable et les
élèves avocats représentés au conseil d'administration étant d'accord pour
acquitter ceux-ci, le Gouvernement ne voit plus d'inconvénient à ce que la
période concernée par la validité inclue l'année 1998. Seraient ainsi validées
les décisions des conseils d'administration des centres antérieures au 1er
avril 1998.
Pour l'avenir, il convient évidemment de trouver une solution durable et
acceptée par tous concernant le financement de la formation professionnelle
initiale des avocats. Je souhaite donc qu'une réflexion approfondie soit menée
sur l'organisation et le financement de cette formation, sur la base des
travaux faits, en ce domaine, par le Conseil national des barreaux et qu'elle
débouche très rapidement sur une réforme.
J'invite donc le Sénat à adopter l'article 3, tel que modifié par sa
commission des lois, ainsi que l'amendement tendant à rédiger l'intitulé de la
proposition de loi afin qu'il corresponde plus précisément à son contenu.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, je peux être très bref,
puisque les données essentielles du problème qui nous réunit en cet instant
viennent de nous être exposées.
Vous vous en souvenez, nous avions voté ici un premier texte pour régulariser
une situation qui, semble-t-il, n'avait pas été très bien comprise par les
juridictions. Ce texte a été voté par l'Assemblée nationale et il n'est donc
plus question d'y revenir.
En revanche, il est apparu, au cours de la navette, un nouveau problème, celui
de la perception de droits par les centres régionaux de formation
professionnelle des avocats, perception qui, semble-t-il, en vertu d'une
récente décision d'une cour d'appel, ne serait pas régulière.
L'affaire peut paraître douteuse. Quoi qu'il en soit, si, comme l'a rappelé
Mme la ministre, cette perception a eu lieu dans la plupart des centres
régionaux de formation, le problème s'est posé principalement à Paris. Or, il
faut le rappeler, Paris connaît une situation très particulière dans la mesure
où la capitale compte un nombre d'élèves beaucoup plus important qu'ailleurs
par rapport aux avocats réellement inscrits au barreau de Paris. C'est
compréhensible et explicable, car bien des jeunes souhaitent venir suivre leur
formation à Paris pour quelquefois s'en retourner ensuite dans leur province,
tandis que d'autres suivent cette formation mais n'ont en réalité aucune
intention de devenir avocat, préférant travailler ensuite dans des services
contentieux, dans certaines administrations, voire préparer le concours de
l'Ecole nationale de la magistrature. Est-il normal que le barreau de Paris ait
à faire les frais de la formation de tous ces jeunes ? Ce n'est pas évident
!
Sans entrer dans le détail - mais je répondrai volontiers si l'on m'interroge
sur ce point - il convient aussi de rappeler, madame la ministre, que les
textes prévoyaient à l'origine une contribution de l'Etat, une contribution des
barreaux et une contribution de ce que l'on appelle communément les « fonds
CARPA », c'est-à-dire une contribution des ressources provenant des fonds
versés à la Caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats. Or il se
trouve que ces fonds CARPA ont beaucoup diminué au cours de ces dernières
années et que la dotation de l'Etat est elle-même restée remarquablement
stable. En valeur relative, elle a même diminué du fait de l'augmentation du
nombre des élèves.
Le barreau de Paris est donc, dans cette affaire, dans une situation
particulièrement difficile.
La commission des lois n'a aucun goût pour les régularisations rétroactives,
mais il faut tout de même faire face à la situation existante. Dès lors qu'elle
n'est pas abusive et que le barreau de Paris est revenu à une somme acceptable
- 5 800 francs - pour les droits d'inscription, nous vous proposerons donc, non
sans réticence, d'approuver le texte qui a déjà été voté par l'Assemblée
nationale.
Pour ce qui est de l'année 1998, même si les cours n'ont pas encore eu lieu,
le budget a été adopté, les engagements ont été pris, les enseignants sont en
place. Le « train est donc parti », si je puis dire, et il me paraît
raisonnable, pour ne pas avoir à revenir dans six mois sur cette affaire,
d'étendre la portée de ce texte à la période allant de 1992 à 1998.
C'est pourquoi, par un amendement que j'expose immédiatement pour ne pas avoir
à y revenir, nous proposerons, dans le texte de l'article 3, de remplacer les
mots : « par délibération des conseils d'administration des centres régionaux
de formation professionnelle d'avocats pour les années 1992 à 1997 » par les
mots : « par délibérations des conseils d'administration des centres régionaux
de formation professionnelle d'avocats antérieures au 1er avril 1998, pour les
années 1992 à 1998 », en limitant donc le champ de la validation aux
délibérations antérieures au 1er avril 1998.
Je l'indique au passage, la formulation retenue par cet amendement nous paraît
répondre aux exigences posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel,
puisqu'elle préserve les décisions de justice devenues définitives et que la
portée de la validation est strictement limitée à l'hypothèse où l'irrégularité
de la perception des droits pourrait être mise en cause sur le fondement de
l'illégalité des délibérations des conseils d'administration.
J'en aurai terminé lorsque je vous aurai fait part d'une observation générale,
me faisant ainsi l'interprète des nombreux avocats et des professeurs de droit
qui, connaissant bien le fonctionnement de ces centres, se sont exprimés devant
la commission des lois...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le professeur Gélard !
(Sourires.)
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
... et nous ont fait savoir que le système n'était pas
satisfaisant, tant dans son financement que dans son organisation. Les avocats
eux-mêmes, la profession, en sont conscients.
Il est donc tout à fait souhaitable, madame la ministre, que, sous votre
autorité, s'engage, se poursuive et aboutisse une réflexion afin qu'à l'avenir
les modalités de la formation professionnelle des avocats soient améliorées.
C'est sous le bénéfice de ces observations que la commission des lois vous
propose, mes chers collègues, d'adopter, ainsi amendé, le texte de l'Assemblée
nationale.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous
examinons donc en deuxième lecture une proposition de loi relative à la
validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation
professionnelle d'avocats.
Si, en première lecture, ce texte ne nous avait pas posé de problèmes - il
avait du reste été adopté à l'unanimité par le Sénat - il n'en est plus de même
depuis son passage à l'Assemblée nationale, le 4 mars dernier.
En effet, sur l'initiative du Gouvernement, les députés ont introduit, en
deuxième lecture, un article additionnel qui reste seul en discussion et sur
lequel nous avons à nous prononcer.
Ce nouvel article 3 a pour objet de valider des droits d'inscription
illégalement perçus entre 1992 et 1997 par un certain nombre de centres
régionaux de formation professionnelle d'avocats.
Cette disposition fait suite à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5
janvier 1998, qui a annulé la délibération du conseil d'administration de
l'école de formation du barreau fixant, dans un premier temps, le montant des
droits mis à la charge des élèves avocats à 15 000 francs pour 1998.
Cet arrêt a remis en cause, par sa motivation, le principe même de la
perception de droits d'inscription mis à la charge des élèves avocats, et ce
indépendamment du niveau même de ces droits. Or, depuis 1992, tous les centres
régionaux de formation professionnelle des avocats ont perçu des droits
d'inscription. Et si, jusqu'en 1996, leur montant est resté raisonnable, il a
brusquement été porté de 1 500 francs à 5 000 francs en 1997 dans les centres
de Paris et Versailles, puis à 15 000 francs en 1998 pour Paris, avant que la
justice mette un terme à cette augmentation exponentielle.
Aussi, du fait de ce fameux arrêt de la cour d'appel, les élèves et anciens
élèves se trouvent désormais en droit de réclamer le remboursement de la
totalité des droits versés au cours de leur formation depuis 1992, sur le
fondement de la répétition de l'indu.
Les barreaux français se trouvent ainsi confrontés à des demandes de
remboursement dont les sommes élevées peuvent compromettre le fonctionnement et
la qualité de la formation qui devrait être dispensée aux élèves avocats.
Le Gouvernement, arguant des difficultés financières des barreaux, vient à
leur secours en proposant, par la voie législative, la validation de la
perception des droits mis à la charge des élèves avocats pour les années 1992 à
1997.
Faut-il préciser que l'adoption de la présente proposition de loi ne réglera
pas pour autant le problème du financement de la formation professionnelle pour
cette année, ni pour les années à venir ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Robert Pagès.
La profession a fait le choix, il y a plusieurs années, d'assurer elle-même sa
formation, avec une participation de l'Etat.
Or il se trouve que l'école de formation du barreau - l'EFB - accueille cette
année plus de 1 100 élèves, soit près de 50 % des élèves avocats de France,
alors qu'elle ne perçoit que 3,2 millions de francs, pour 1997, au titre de la
participation de l'Etat, soit 30 % seulement de son montant total.
Avec la baisse des recettes des CARPA, qui remet en cause le mode de
financement actuel de la formation, l'augmentation de la participation de
l'Etat à hauteur de 50 %, comme il s'y était engagé, est plus que jamais
indispensable, car ce n'est pas aux étudiants de pallier les lacunes de l'Etat
en la matière.
D'ailleurs, les textes n'autorisent ni les avocats ni les pouvoirs publics à
percevoir des étudiants une quelconque rémunération,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Absolument !
M. Robert Pagès.
... d'autant plus qu'aucune garantie ne leur est offerte pour trouver une
collaboration.
Selon nous, ce nouvel article 3 soulève bon nombre de questions.
Cette sélection par l'argent que le conseil de l'Ordre a tenté, nous
semble-t-il, de mettre en oeuvre ne s'apparente-t-elle pas plus, dans les
faits, à une volonté de limiter le nombre des avocats qu'à de réelles
difficultés financières ?
Que savons-nous, en effet, réellement de ces difficultés financières quand
règne l'opacité, la plus totale semble-t-il, autour des comptes de l'ordre ?
Que savons-nous de l'indemnité que percevrait, en l'absence de tout texte
légal, le bâtonnier de Paris ?
Que savons-nous de l'état réel du patrimoine de l'Ordre, qui - me dit-on -
reste inaccessible aux avocats ?
Que savons-nous de l'utilisation réelle des fonds de la CARPA, qui devraient
être affectés prioritairement au financement de la formation, comme l'exigent
les textes ?
En votant cette loi de validation, n'allons-nous pas encourager le conseil de
l'Ordre des avocats de Paris à ne pas respecter le cadre légal ?
L'intérêt général ainsi invoqué ne se heurte-t-il pas très rapidement à
l'intérêt financier de l'ordre des avocats, d'où la transparence semble absente
?
Toutes ces interrogations et ces doutes m'amèneront à émettre, au nom du
groupe communiste républicain et citoyen, un vote défavorable sur l'article
3.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Personne n'applaudit ?
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, il y
a, me semble-t-il, quelque anomalie à ce que la majorité sénatoriale suive le
Gouvernement tandis que la minorité sénatoriale, qui le soutient, n'est pas
favorable à ce texte.
Je reprendrai très exactement ce qui vient d'être dit par l'orateur qui m'a
précédé. M. le rapporteur a relevé que notre collègue M. Pagès n'a pas été
applaudi : j'étais en train de monter à la tribune sinon je l'eusse fait de
grand coeur.
En effet, le Gouvernement est mon ami, mais la vérité l'est plus encore. Le
barreau de Paris est mon ami même si, à la différence du rapporteur, je n'y
appartiens pas, mais la vérité l'est encore plus. J'ajoute que les parties qui
se sont jointes aux demandeurs dans l'affaire qui a fait l'objet de l'arrêt du
5 janvier 1998 sont également mes amis, c'est-à-dire l'UNEF-ID, la Fédération
nationale de l'union des jeunes avocats, l'Union des jeunes avocats de Paris et
enfin,
last but not least,
le syndicat des avocats de France. Les uns et
les autres se refusaient à ce que la loi soit violée par le barreau de Paris et
que soit demandée aux élèves avocats, non pas comme l'a dit ce matin en
commission M. le rapporteur, une somme de 15 000 francs, mais une
participation, quelle qu'elle soit.
Lorsque, madame le garde des sceaux, vous soutenez que, pour 1998, c'est
raisonnable puisque, dans une seconde délibération, le conseil d'administration
de l'EFB a fixé à 5 800 francs pour 1998 contre 5 500 francs l'année précédente
le montant des droits d'inscription, cela signifie qu'après l'arrêt de la cour
d'appel de Paris le conseil d'administration du centre de formation des
barreaux a décidé de violer une nouvelle fois la loi.
Je ne comprends pas que le Gouvernement ou la commission des lois ne nous
propose pas un texte législatif selon lequel, à partir de maintenant, les
centres de formation des barreaux pourraient exiger des élèves avocats le
paiement d'un droit d'inscription.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Déposez un amendement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Sinon, il est bien évident que, l'année prochaine, on nous redira que la
participation du Gouvernement et celle du barreau et de la CARPA ne suffisent
pas.
Il est vrai que, depuis plusieurs années, monsieur le rapporteur, le
gouvernement que vous souteniez, et que soutenait la majorité sénatoriale, n'a
pas réévalué sa participation.
Vous nous rappelez que les CARPA ont de moins en moins de moyens. C'est vrai,
je le sais. Mais la question posée est de savoir si ces barreaux ont ou non les
moyens de rembourser si cela leur est demandé.
Mme le garde des sceaux rappelle que la prescription est de trente ans.
Certes, mais elle ajoute aussi que c'est seulement depuis 1992 que des droits
d'inscription sont réclamés aux élèves. Cela fait donc six ans de risque de
rappel et non pas trente, en l'espèce, même si la prescription est en effet de
trente ans.
Vous nous avez dit, je me suis permis de vous interrompre car c'est inexact,
que tous les centres de formation ont demandé des droits d'inscription depuis
1992. Certes, en 1998, ils ont tous quasiment suivi le mauvais exemple de
Paris, excepté le centre d'Amiens. Mais jusqu'en 1997 il n'y avait pas de droit
d'inscription dans les centres d'Amiens, de Caen-Rouen, de
Dijon-Besançon-Reims, de Grenoble-Chambéry, de Limoges-Riom, de Nîmes et de
Poitiers-Angers-Bourges-Orléans. Au total, dans sept centres de formation aucun
droit d'inscription n'était demandé.
Comment faisaient-ils, avaient-ils de meilleurs CARPA ? A Caen-Rouen, notre
collègue Jean-Marie Giraud pourrait peut-être nous le dire. En réalité, ce sont
des avocats qui donnaient des cours bénévolement, des cours dont on nous a dit
ce matin qu'ils sont de trente heures par an.
Franchement, nous ne pouvons pas accepter cet article 3 - encore moins pour
1998, je l'ai dit, puisque la loi a été violée délibérément après l'arrêt de la
cour d'appel - en l'état actuel des choses, sans savoir si les barreaux
intéressés auraient les moyens ou non de rembourser, étant entendu que les
frais d'inscription des autres barreaux sont sans commune mesure avec ceux de
Paris.
Certes, on avance que de nombreux étudiants viennent faire leurs études à
Paris. Je veux bien, cela a toujours été. On nous dit aussi que certains
étudiants suivent les cours de l'école de formation du barreau sans avoir
l'intention de devenir avocats. Je m'inscris en faux. C'est vrai pour la
maîtrise en droit, mais ce n'est pas vrai pour la formation des barreaux.
Seuls, sauf quelques rares exceptions peut-être, ceux qui prétendent devenir
avocats - même si c'est de plus en plus difficile et même si en effet ils ne
trouvent pas forcément un maître de stage - suivent les cours du centre de
formation de Paris.
Je disais que, pour les autres centres, il s'agit de sommes beaucoup plus
modestes : 500 francs pour l'un, 1 500 francs pour cinq autres. Dans ces cas,
ils n'auraient sans doute pas de mal à rembourser. Mais, pour le barreau de
Paris, cela représente beaucoup plus : 5 800 francs pour 1 100 élèves, faites
le compte !
Notre collègue M. Pagès a raison de souhaiter un bénéfice d'inventaire et de
vouloir savoir si ceux dont on voudrait préserver la solvabilité en ont besoin
ou non.
En l'état actuel du texte, en attirant votre attention sur le fait que le
problème se reposera l'année prochaine, à moins que le Gouvernement ne se
déclare prêt, avec le barreau de Paris, à payer l'intégralité des frais en
1999, tout en le regrettant vivement - mais vous savez bien, madame la
ministre, que le Gouvernement propose et que le Parlement dispose - nous ne
pouvons pas voter cet article 3.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le
texte dont nous discutons aujourd'hui pose un problème de fond qui n'est pas
résolu en l'état actuel de la législation : définir les modalités d'accession à
la profession d'avocat.
Le texte adopté voilà quelques années, sous l'autorité du ministre de
l'éducation nationale et avec le concours du garde des sceaux de l'époque,
prévoyait un certain nombre de points, mais n'envisageait pas le financement
des centres de formation professionnelle des avocats. Il ne prévoyait pas non
plus le contenu précis de la formation dispensée dans ces centres, ce qui a
abouti à des inégalités criantes d'un centre de formation à l'autre. Dans
certains centres, la formation est purement théorique ou formelle et se limite
- notre collègue Dreyfus-Schmidt l'a dit tout à l'heure - à une trentaine
d'heures de cours par an, ce qui représente à peine une heure de cours par
semaine.
Nous sommes donc confrontés à ce problème. Il va falloir le régler, par la
voie réglementaire, le plus rapidement possible. Sans cela, nous nous
trouverons dans la même situation l'année prochaine.
Il va donc falloir régler la question du financement de ces centres de
formation. Je vous rappelle que la solution a été trouvée pour les notaires,
avec qui nous n'avons plus de problème.
Comment le financement est-il effectué, puisque telle est la question qui a
été posée en fait ? Il était effectué par une ligne budgétaire donnée par la
Chancellerie. Dans nombre de cours d'appel, cette ligne budgétaire s'est
enlisée et a disparu, car elle était versée aux présidents des cours d'appel, à
charge pour eux de la reverser aux centres de formation des avocats. Dans
certains cas, il suffit que le centre de formation ne réclame pas au premier
président de la cour d'appel les sommes en question pour que plus personne n'y
voie clair.
Deuxième élément : les universités ont pris en charge une grande partie de la
formation à titre gratuit ; aujourd'hui, elles rechignent. Par exemple, les
universités de Caen, de Rouen et du Havre, qui ont en commun le même centre de
formation des avocats, ont assumé depuis 1992 la totalité des frais d'examen.
Les avocats n'ont rien versé, les cours d'appel n'ont rien donné. Heureusement,
les trois universités viennent de dénoncer la convention qui les liait aux
avocats, en arguant que cela n'était plus possible, qu'elles ne pouvaient pas
verser 70 000 ou 80 000 francs par an pour assurer uniquement la rémunération
de ceux qui participent à l'organisation des examens ou à la formation.
Il se pose donc un problème de fond, mais qui est lié au problème actuel, car
une incertitude gravissime règne chez les étudiants. D'abord, certains centres
de formation d'avocats menacent de ne pas organiser les examens cette année,
faute de moyens, car il ne faut pas oublier que les examens, soit à l'entrée,
soit à la sortie, comprennent un jury tripartite : magistrats, avocats,
professeurs d'université. Je ne connais pas de professeurs d'université qui
accepteront de consacrer trois semaines, voire un mois, si ce n'est plus, à un
examen extrêmement prenant s'ils ne sont pas rémunérés. Il en est de même pour
les magistrats et les avocats. Par conséquent, une menace réelle pèse dont il
faut prendre conscience.
Une incertitude pèse également sur la profession d'avocat depuis déjà de trop
nombreuses années, suite à l'arrêté pour l'accès à la profession d'avocat, qui
a placé toute une série d'étudiants dans une situation incertaine sur les
conditions de dispenses, sur les conditions d'accès à la profession, sur les
modalités de passage des examens.
Je crois qu'il faut, compte tenu de l'urgence, accepter la proposition de la
commission des lois. Nous ne nous en sortirons pas autrement. Si nous ne
validons pas les droits indûment perçus les années précédentes, nous risquons
d'aller vers une impasse totale et vers un blocage de l'ensemble de la
profession.
Je suis d'avis, bien que moralement je trouve cela répréhensible, de suivre la
position de notre rapporteur en ce qui concerne la validation des droits
indûment perçus les années précédentes.
Cela dit, il faut régler dans l'urgence ce qui va se passer les années
suivantes, car on ne peut pas continuer dans cette voie. Il est fort possible
que la cour d'appel déclare que les droits à nouveau perçus ne sont pas
conformes, pour d'autres raisons, à ce que nous avons décidé. Il nous faut donc
faire attention.
Je suggérerai qu'une mission d'études soit créée pour faire le point sur
toutes les questions que soulève la formation des avocats, en partenariat avec
le ministère de l'éducation nationale, avec le garde des sceaux et,
naturellement, avec les barreaux.
La création d'une telle mission me semble s'imposer. Ses travaux devraient
aboutir rapidement parce que nous disposons de toutes les données et, dans un
délai de six mois, nous pourrions donc faire le point sur la formation des
avocats et obtenir une situation aussi acceptable que celle que les notaires
ont su mettre sur pied depuis déjà plus de dix ans.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je veux dire aux différents intervenants que mon souci
est d'apurer une situation qui ne peut pas durer en ce qu'elle crée une
insécurité juridique fondamentale au détriment des jeunes élèves avocats.
Par conséquent, ce n'est pas parce que je propose d'apurer la situation telle
qu'elle existe aujourd'hui, y compris au début de l'année 1998, en vous
demandant de valider ces décisions, qu'il ne faut pas poser la question de
fond, d'abord, de la nature de la formation et, ensuite, de son financement.
Je me permets d'insister à nouveau. J'ai trouvé une situation que je ne peux
pas laisser perdurer. En raison des insuffisances des précédents gouvernements
- il faut bien le dire - l'Etat n'a pas fait son devoir. Nous avons donc besoin
d'apurer une situation pour partir sur de nouvelles bases et poser, en effet,
les questions très importantes qui ont été soulevées par M. Pagès, par M.
Dreyfus-Schmidt et par l'ensemble des intervenants.
Nous avons besoin de nous interroger et sur la qualité de la formation des
avocats et sur le financement de celle-ci. Tel est bien l'engagement que j'ai
pris tout à l'heure devant vous.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des
articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont
pas encore adopté un texte identique.
Article 3