DIVERSES DISPOSITIONS
D'ORDRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 373, 1997-1998),
adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier. [Rapport n° 413 (1997-1998) et
avis n° 408 (1997-1998).]
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
Dans la discussion générale, en accord avec M. le secrétaire d'Etat, la parole
est à M. Lambert, rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ainsi qu'il est d'usage, ce projet de
loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier regroupe des
dispositifs qui pourraient faire l'objet de plusieurs textes différents.
Trois séries de dispositions peuvent être ainsi distinguées : celles qui sont
relatives à la simplification administrative, celles qui concernent le plan
français de passage à l'euro - elles sont accompagnées d'un perfectionnement de
notre législation sur les marchés financiers - celles enfin qui traitent de
sujets divers, dont l'autonomie se borne, le plus souvent, à un seul article et
qui ont donc toute leur place dans ce type de projet de loi. Le Gouvernement a
regroupé certaines de ces dispositions éparses en deux titres, à savoir le
titre III, relatif au secteur public et aux procédures publiques, et le titre
IV, relatif à la protection de l'environnement et à la santé publique.
Compte tenu de l'hétérogénéité inévitable de pareils textes, la commission des
finances n'a pas retenu de ligne directrice dans l'appréciation portée sur
l'ensemble du projet de loi, sinon celle de la fidélité aux positions qu'elle a
prises constamment sur les différents sujets traités, quel que soit le
gouvernement en place. C'est de cette façon que le Sénat joue un rôle utile.
La commission des finances a donc adopté des positions contrastées selon les
articles examinés.
Ainsi, elle n'a pas de remarques particulières à formuler sur le titre Ier,
relatif à la simplification administrative, qu'elle juge excellent d'une façon
générale.
Elle profitera du débat ouvert par l'article 11 sur la TVA pour rappeler son
attachement à deux mesures non prises à ce jour : la possibilité pour les
collectivités locales d'opter pour l'assujettissement de leurs déchetteries à
la TVA et l'engagement de négociations communautaires afin que le bois de
chauffage des réseaux de chaleur puisse bénéficier du taux réduit.
Le titre II constitue le troisième volet du débat européen de ce printemps, en
vue de permettre à la France d'adopter la monnaie unique dès le 1er janvier
1999.
Il vient ainsi compléter la loi modifiant le statut de la Banque de France en
vue de sa participation au Système européen de banques centrales, adoptée
définitivement par le Sénat le 29 avril, et la résolution de la commission des
finances que le Sénat a bien voulu adopter le 23 avril sur l'engagement de la
troisième phase de l'Union économique et monétaire.
Je rappelle que le titre II, qui sera traité en détail - et mieux que je ne
le ferais - par notre collègue Philippe Marini dans un instant, comporte deux
aspects : d'une part, le plan français de passage à l'euro, partie technique
qui ne semble guère poser de difficultés ; d'autre part, des dispositions de
modernisation des activités financières, dont la plupart sont autonomes par
rapport à l'adoption de la monnaie unique et sur lesquelles la commission
suggérera de nombreuses améliorations.
C'est à partir du titre III, relatif au secteur public et aux procédures
publiques, que des difficultés plus substantielles apparaissent.
L'article 35 est relatif au schéma directeur de desserte gazière. Il a pour
but de permettre la desserte des zones non desservies actuellement par Gaz de
France. Le dispositif prévu écorne le monopole de Gaz de France. L'Assemblée
nationale l'a modifié dans un sens plus protecteur du monopole. La commission
considère que la difficulté à faire jouer la concurrence pour les collectivités
ou leurs groupements est de nature à entraver la desserte du territoire. Elle
vous proposera donc d'élargir la concurrence à des opérateurs dont le capital
serait détenu à 30 % au moins par les collectivités locales ou leurs
groupements.
L'article 36 est relatif à l'ouverture du capital d'Air France. Il organise
notamment un échange d'actions contre des baisses de salaires. La commission ne
peut que rappeler son attachement à la privatisation intégrale de la compagnie,
toute solution intermédiaire lui paraissant devoir mener à une impasse.
Le titre IV est relatif à la protection de l'environnement et à la santé
publique. Deux de ses trois articles me paraissent devoir retenir
l'attention.
L'article 39 est relatif à une modification du calcul de la puissance fiscale
des véhicules particuliers. Il est consécutif à la remise au Parlement d'un
rapport gouvernemental demandé sur l'initiative de la commission. Celle-ci
s'est impliquée depuis plusieurs années dans le débat sur une fiscalité plus
rationnelle des carburants. Elle est favorable à ce dispositif, qui devrait
encourager l'utilisation des carburants les moins polluants. Toutefois,
conformément à une position constante, elle restera attentive à d'éventuels
transferts de recettes entre les départements, et je sais que notre président,
M. Christian Poncelet, fera preuve de la plus grande vigilance à ce sujet.
L'article 41 crée une taxe sur les achats de viande pour financer
l'élimination des farines animales non conformes aux normes communautaires.
Jugeant qu'il n'est pas équitable que cette charge repose sur la petite
distribution, la commission présentera un amendement tendant à éviter cet
effet.
Le titre V comprend six articles entre lesquels le Gouvernement n'a pu trouver
de point commun ; je ne reviens que sur certains d'entre eux.
L'article 43 est relatif au recensement, sur six mois, des porteurs de
créances sur la Russie tsariste. Un compte d'affectation spéciale a été créé et
doté à cette fin dans la loi de finances pour 1998.
L'article 44 a pour objet de valider une délibération de la Fondation
nationale des sciences politiques relative à son budget. Cette disposition
figurait déjà à l'article 72 du projet de loi portant DDOEF de 1997. La
commission ne s'oppose pas à cette validation, même si elle ne peut que
critiquer les dysfonctionnements qui l'ont rendue nécessaire.
L'artice 45 crée un nouveau prélèvement sur l'association de gestion du fonds
des formations en alternance. Le caractère récurrent de ce type de prélèvement
démontre à l'évidence que la cotisation demandée aux entreprises à ce titre est
trop élevée.
L'article 46 limite l'avantage fiscal tiré de l'amortissement des biens donnés
en location par une société de personnes. Cette limitation ne sera pas
applicable à certaines opérations agréées par le ministre du budget relatives à
des équipements amortissables sur une durée au moins égale à huit ans. Il
s'agit, notamment, d'épargner les navires de commerce. Je rappelle à ce sujet
que la commission des finances du Sénat s'est toujours montrée favorable à une
législation tendant à attirer l'épargne vers le financement des navires de
commerce français. Elle peut donc difficilement se satisfaire d'un dispositif
qui ne les avantage pas, mais qui se contente de ne pas les pénaliser. C'est
pourquoi elle vous proposera un amendement tendant à tenir compte du prix de
revient effectif des biens acquis pour le calcul de l'amortissement, afin de
permettre l'acquisition de navires d'occasion. Elle vous proposera en outre de
supprimer le plafond de 20 % du résultat imposable au-delà duquel les associés
ne sont plus autorisés à imputer les pertes dans la mesure où cette disposition
lui paraît inapplicable.
Enfin, cette présentation ne saurait être exhaustive si elle n'évoquait les
modifications apportées par l'Assemblée nationale.
L'Assemblée nationale a adopté de nombreux articles additionnels - vingt-huit,
me semble-t-il - ouvrant des débats sur des thèmes absents du projet
d'origine.
Quatre volets nouveaux ont ainsi été ouverts : un important volet «
collectivités locales » ; un volet relatif au logement ; un volet relatif aux
questions financières, mais ne concernant pas le titre II ; un volet concernant
à la fois l'aménagement du territoire et les questions agricoles ou
agro-alimentaires.
De nouvelles dispositions diverses ont, par ailleurs, été adoptées.
Les députés ont souhaité adopter un certain nombre de dispositions relatives
aux collectivité s locales, le plus souvent en dehors de l'initiative de leur
commission des finances, et parfois contre l'avis du Gouvernement. Il en a été
ainsi de la création d'une taxe communale sur les pylônes de téléphonie mobile
calquée sur la taxe sur les pylônes électriques acquittée par EDF.
Cette proposition offre une recette nouvelle aux communes concernées, qui,
d'après nos informations, pourrait être de l'ordre de 350 millions de
francs.
Toutefois, cette taxe n'est pas sans inconvénient. En effet, les opérateurs
hésiteront désormais à implanter des antennes ou pylônes dans les communes qui
en sont dépourvues pour le moment, en particulier lorsque la population à
desservir sera peu nombreuse.
C'est après un long débat que la commission a finalement décidé d'accepter la
proposition des députés ; mais de nombreux amendements ont été déposés.
L'avis du Gouvernement a également été négatif sur une proposition de la
commission des finances de l'Assemblée nationale créant une possibilité de
déroger à l'obligation d'établir un budget annexe pour les services de
distribution d'eau potable et d'assainissement des communes de moins de 500
habitants. La commission s'en remettra à la sagesse du Sénat sur ce point,
étant entendu que cette disposition est éventuellement susceptible de faciliter
la gestion de petites communes, mais qu'elle peut aussi nuire à la transparence
du prix de l'eau.
M. Jean-Jacques Hyest.
Très juste !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
D'autres dispositions significatives ont fait l'objet, à
l'Assemblée nationale, d'un débat moins polémique.
Ainsi, le Gouvernement a proposé l'assujettissement des poids lourds de plus
de 12 tonnes à la taxe à l'essieu, en application d'une directive européenne
que la France n'avait pas encore transposée. Ce dispositif, qui entraîne la
suppression de la vignette et du droit de timbre pour ces véhicules, fait
l'objet d'une compensation aux départements.
Par ailleurs, sur l'initiative de M. René Dosière, les députés ont voté un
dispositif de coordination entre la loi du 7 mars 1998 relative au
fonctionnement des conseils régionaux et le code général des impôts. Il s'agit
notamment de l'application de la procédure dite du « 49-3 régional ». J'ai le
sentiment que ce point donnera lieu à d'amples débat, lors de la discussion des
articles.
L'Assemblée nationale a également ouvert un volet « logement », ce qui est
devenu traditionnel dans les projets portant DDOEF. Je mentionnerai deux de ses
dispotions.
Il s'agit d'abord de la prolongation du régime de l'« amortissement Périssol »
applicable aux logements locatifs neufs à usage de résidence principale. La
commission approuve cette prolongation, en attendant - avec beaucoup
d'impatience, d'ailleurs - de pouvoir examiner le nouveau dispositif.
Toutefois, je demanderai au Gouvernement des engagements de calendrier précis
sur ce nouveau système. S'il était présenté trop tardivement, les opérations de
construction de logements locatifs privés pourraient être entravées.
Par ailleurs, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat voit sa
compétence étendue aux opérations de transformation de locaux agricoles en
logements dans les zones de revitalisation rurale, ce qui est également une
bonne idée, selon un dispositif voté à l'unanimité par le Sénat au cours du
débat sur la loi de finances pour 1998 mais annulé par le Conseil
constitutionnel comme étant un « cavalier budgétaire ».
L'Assemblée nationale a également adopté des dispositions disparates relatives
aux questions financières. Je relèverai deux sujets.
Le premier concerne la modification du régime des prélèvements sociaux sur les
options sur actions accordées dans le cadre de plans d'options de souscription
ou d'achat d'actions. Sur proposition de sa commission des finances,
l'Assemblée nationale est revenue sur un dispositif voté sur l'initiative de la
commission des affaires sociales du Sénat dans la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1997, qui soumet les plus-values sur options levées avant
cinq ans aux cotisations sociales. Elle a limité le prélèvement aux entreprises
de plus de quinze ans à la date de l'attribution des options.
La commission des finances approuve la démarche retenue par l'Assemblée
nationale mais juge inéquitable de réserver le traitement favorable aux
entreprises de moins de quinze ans. Elle vous proposera donc, mes chers
collègues, une extension à toutes les entreprises. Cependant, fidèle à une
démarche engagée dès 1995, elle vous proposera également d'accroître la
transparence des attributions d'options pour en limiter les abus.
Le second sujet est relatif à la validation des opérations de recapitalisation
de la Compagnie du bâtiment et des travaux publics. Sur ce dossier, qui
concerne à la fois le traitement des crises bancaires et l'octroi de la
garantie de l'Etat, la commission des finances ne peut que répéter, d'une part,
qu'elle considère que les faillites bancaires doivent être possibles, sauf à
encourager l'irresponsabilité de leurs dirigeants et, d'autre part, qu'il est
anormal - et je le dis avec gravité - dans un Etat de droit, que les services
d'un ministère puissent engager l'argent du contribuable sans aucune
information législative.
Enfin, deux autres dispositions adoptées par l'Assemblée nationale méritent
d'être signalées.
L'article 54 crée une fonction d'assistant spécialisé auprès des cours d'appel
et des tribunaux de grande instance. Voté à la demande du garde des sceaux, cet
amendement a pour objet de renforcer les services judiciaires en charge de la
grande délinquance financière. La commission ne peut qu'être favorable à ce
principe.
L'article 57 aligne les conditions de promotion et de nomination des agents
des douanes ayant accompli un acte de bravoure sur celles des fonctionnaires de
police placés dans la même situation. La commission a, bien sûr, jugé ce
dispositif excellent.
Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations très constructives,
comme vous pouvez le constater, et des amendements que Philippe Marini et
moi-même défendrons, je vous proposerai, au nom de la commission des finances,
d'adopter le présent projet de loi.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, du RPR et sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation, pour le titre II.
Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les dispositions qui
constituent le titre II de ce projet de loi ont deux objets : d'une part,
faciliter le passage à l'euro et, d'autre part, poursuivre la modernisation des
activités financières.
Les dispositions visant à faciliter les mouvements financiers en euro dès 1999
sont des dispositions de nature technique que votre commission des finances
vous proposera, mes chers collègues, d'adopter sous le bénéfice de quelques
amendements de précision.
Les mesures relatives à la modernisation des activités financières participent
du processus continu d'adaptation, indispensable si nous voulons maintenir la
compétitivité juridique de la place financière de Paris par rapport aux autres
places européennes.
Bien que mêlées au dispositif de passage à l'euro au sein du titre II, ces
dispositions n'ont pas toutes des liens directs avec cet objet.
A quoi visent les dispositions en question ? A modifier le régime des
opérations de règlement-livraison de titres ; à définir dans la loi, pour la
première fois de façon générale, l'appel public à l'épargne, fixant la ligne de
partage entre le droit boursier et le droit commercial ; à définir de nouveaux
types d'OPCVM, pour permettre à nos professionnels de disposer d'une palette
complète ; à élargir les possibilités de rachat par une société de ses propres
actions ; à modifier le processus de décision au sein du conseil des marchés
financiers ; à étendre la procédure de retrait obligatoire aux détenteurs de
certificats d'investissement.
Toutes ces dispositions, autant le dire d'emblée, vont dans le bon sens, et le
Sénat, chambre de réflexion, aura d'autant moins de difficulté à vous suivre
sur ces différents points, monsieur le secrétaire d'Etat, que nombre de ces
mesures sont étudiées depuis longtemps avec le concours de nombreux
professionnels et ont atteint le stade du consensus. Je pense, en particulier,
au rachat par une société de ses propres actions et à la réforme de l'appel
public à l'épargne, qui sont des mesures tout à fait opportunes.
Toutefois, nous avons souhaité, au sein de la commission des finances, tirer
parti de l'opportunité qui nous est offerte de faire progresser le droit
financier et le droit des sociétés, afin d'apporter notre modeste contribution
à l'effort d'adaptation et de modernisation de notre édifice législatif. Notre
travail a été effectué après de nombreuses consultations : je me suis notamment
rapproché de collègues membres de la commission des lois et j'ai interrogé, sur
ces sujets, divers praticiens.
C'est ainsi que la commission des finances proposera, en vue notamment de
mettre en harmonie le droit boursier et le droit des sociétés, de mieux définir
la notion de contrôle de fait d'une société par une autre société. L'actualité
judiciaire récente nous a d'ailleurs incités à procéder à cette avancée.
Dans le même esprit, nous vous proposerons, mes chers collègues, d'apporter de
nouvelles solutions aux problèmes d'abus de majorité et d'abus de minorité, qui
empoisonnent la vie quotidienne des affaires et constituent un gisement
important de contentieux devant les tribunaux de commerce.
Dès lors que l'on réalise, s'agissant des sociétés cotées, avec le rachat
d'actions, une avancée dans le sens de la souplesse, nous avons estimé qu'il
fallait, par souci de symétrie, s'intéresser aux sociétés non cotées,
c'est-à-dire au monde immense et très divers de la petite et moyenne
entreprise.
La commission des finances vous demandera par ailleurs, mes chers collègues,
de mieux définir les contours du placement restreint, qui est l'un des concepts
importants mis en oeuvre dans la définition de l'appel public à l'épargne.
Il nous faut, sur ce point, rendre la loi encore plus claire et, surtout,
préserver la compétence du législateur par rapport à l'autorité publique
indépendante qu'est la Commission des opérations de bourse. Nous reconnaissons
à celle-ci toute sa place et tout son rôle, mais nous ne voulons pas qu'elle
définisse elle-même sa propre compétence.
La commission des finances vous proposera également, en matière de gestion
financière pour compte de tiers, d'aller au bout de la logique de la
construction de la loi de juillet 1996, c'est-à-dire d'instituer clairement le
conseil de la gestion financière qui doit résulter de la fusion du conseil de
discipline des OPCVM et du comité consultatif de la gestion financière.
Toutefois, nous proposerons de rattacher hiérarchiquement ce conseil de la
gestion financière, autorité professionnelle, à la Commission des opérations de
bourse, autorité publique, puisque nous nous situons bien dans le bloc de
compétences qui a déjà été confié par la loi à cette dernière.
Si nous adoptons cette réforme, ce sera une étape décisive dans la
transformation et dans la modernisation de la place financière de Paris,
processus que, au Sénat, nous nous efforçons d'encourager depuis de nombreuses
années, ainsi qu'en témoigne la loi financière de juillet 1996.
A cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais souligner que tous ces
apports de la commission des finances ne sont pas improvisés, bien au
contraire. Loin d'être des idées que nous sortirions, en quelque sorte, de
notre chapeau ; ce sont des suggestions qui résultent de notre propre capacité
d'expertise et que nous nous sommes attachés à mettre au point avec tous les
apports externes nécessaires.
De même que les réformes concernant le rachat d'actions et l'appel public à
l'épargne ont été initialement proposées par notre commission des finances et,
en particulier, par votre serviteur, en sa qualité de parlementaire en mission
en 1996, les ajouts que j'ai évoqués concernant un certain nombre de points ont
déjà fait l'objet de prises de position de notre part et ont constitué des
sujets d'échanges au sein des milieux professionnels.
Je crois, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en vous soumettant ces
contributions nous remplissons pleinement notre rôle de chambre de
réflexion.
Je me référerai, à cet égard, à un propos très juste qui figure dans le récent
rapport public d'information sur la fiscalité de l'épargne que notre excellent
collègue M. Alain Lambert a diffusé il y a quelques mois. On y lit en effet que
le rôle du Sénat est non de s'opposer au Gouvernement ou de le soutenir mais au
contraire de faire prévaloir, avec force et constance, les idées qui lui
semblent bonnes du point de vue de l'intérêt général.
Autrement dit, les relations d'opposition politique ou d'amitié politique dans
lesquelles nous pouvons nous trouver en fonction des différentes configurations
majoritaires ne doivent aucunement entrer en ligne de compte. C'est bien
l'autonomie de nos propositions par rapport aux orientations du Gouvernement en
place qui leur donne toute leur valeur et leur crédibilité.
Récemment, monsieur le secrétaire d'Etat, notre institution a été mise en
cause dans ses principes, dans ses fondements et même dans sa contribution à
l'oeuvre législative.
Pour offrir un contrepoint aux propos qui ont émaillé le débat public au cours
de ces dernières semaines, je voudrais évoquer quelques données d'expérience
concernant l'élaboration de la loi financière du 2 juillet 1996, que j'ai eu
l'honneur de rapporter au nom de la commission des finances de notre assemblée
et dont il sera beaucoup question dans le titre II du présent projet de loi.
Je rappelle que cette loi constitue le pendant de la loi bancaire de 1984 et
qu'elle régit les professions financières et les marchés financiers, comme la
loi de 1984 régit les banques et les établissements de crédit.
Lors de l'examen de ce texte, le Sénat a adopté, en première lecture, cent
cinquante-deux amendements, dont cent quarante-huit ont été retenus par
l'Assemblée nationale, puis, en deuxième lecture, trente-six, dont trente
figurent dans le texte définitif. Pour la seule première lecture, le Sénat
avait inséré quarante-sept articles nouveaux et en avait supprimé treize ! Tant
et si bien que, partant d'un texte initial de soixante-trois articles, dont
certains étaient très longs et, à mon avis, illisibles, le Sénat est parvenu,
au terme d'une refonte complète, à une oeuvre législative de cent six articles,
que je considère comme plus courts et plus précis que ceux qui nous avaient été
proposés à l'origine.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Et Portalis vous approuve !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
J'allais précisément le citer, monsieur le rapporteur.
Notre collègue Jean Arthuis pourrait ici témoigner que, même si nous étions
tout à fait en harmonie avec lui sur les idées et les principes généraux, nous
ne lui avons pas toujours rendu la vie facile durant l'élaboration de ce texte,
d'autant - mais est-il utile de le rappeler ? - que les amendements en question
n'avaient pas pour simple objet de changer la place des virgules !
Jugez-en : l'autonomie de l'intermédiation financière par rapport à la banque,
la reconnaissance des spécificités de la gestion financière, la clarification
du rôle et des missions des différentes autorités de contrôle, la
classification des instruments financiers, la disparition des maisons de
titres, le concept d'entreprise de marché. Telles sont les avancées
législatives qui ont été réalisées par le Sénat sur l'initiative du Sénat, sur
l'initiative de la commission des finances du Sénat ! Et tout cela, monsieur le
rapporteur général, sous le regard de Portalis, bien entendu !
(Sourires.)
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Qui vous approuve encore !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Mais qui ne dit mot !
(Nouveaux sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est donc en vertu des
nombreuses expériences passées - j'ai pris un exemple, mais on pourrait
assurément en citer bien d'autres - et conformément à la tradition sénatoriale
que nous sommes aujourd'hui en mesure de vous faire de nouveau un certain
nombre de propositions.
Forts de notre légitimité, sur des sujets de nature technique qui ne
passionnent peut-être pas le grand public ou qui ne font pas la une des
quotidiens ou des hebdomadaires, nous nous astreignons à travailler très en
amont des débats et des problèmes. Nous avons en effet conscience que tout cela
est essentiel pour le fonctionnement de notre économie, pour les entreprises,
pour l'emploi et pour la compétitivité de notre pays dans l'Europe qui se
dessine sous nos yeux.
Les propositions qui vous sont soumises, mes chers collègues, n'ont été
possibles que parce que nous nous sommes préparés de longue date, en
constituant des groupes de travail et en suscitant des missions de réflexion,
parce que nous avons consulté de nombreux praticiens, parce que nous sommes
allés étudier à l'étranger les systèmes comparables et les avancées réalisées
dans différentes législations, en un mot parce que nous avons inscrit notre
action de législateur, comme le veut l'esprit de notre institution et la nature
de nos mandats, dans la durée, dans la persévérance et dans la constance.
C'est cette même démarche, monsieur le secrétaire d'Etat, empreinte de
persévérance et de souci du long terme, qui nous conduit aujourd'hui, plus
modestement, en ce qui concerne cette fois le titre II du présent projet de
loi, à vous proposer une vingtaine d'amendements que la commission des finances
demandera au Sénat de bien vouloir adopter.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission
des affaires sociales a décidé de se saisir pour avis du projet de loi portant
diverses dispositions d'ordre économique et financier en raison de la présence,
d'une part, d'un certain nombre d'articles modifiant le code du travail et le
code de la sécurité sociale, d'autre part, de l'article 45 portant prélèvement
sur l'association de gestion du fonds des formations en alternance,
l'AGEFAL.
Il n'est pas d'usage qu'un projet de loi portant « diverses dispositions »
appelle un long exposé général. Aussi me contenterai-je de formuler trois
observations, avant d'évoquer dans leurs grandes lignes les amendements adoptés
par la commission des affaires sociales.
Premièrement, la majorité des articles dont la commission des affaires
sociales s'est saisie concerne la simplification des formalités administratives
et sociales incombant aux petites et moyennes entreprises. On ne peut que
souscrire à cette ambition lorsque l'on sait le coût financier de ces
formalités pour ces entreprises, qui est évalué à 60 milliards de francs par la
commission de simplification des formalités.
Le 19 août 1997, mission a été confiée par le Premier ministre à M. Dominique
Baert, député du Nord, de dresser le bilan des contraintes administratives
pesant sur les PME et d'identifier les solutions susceptibles d'alléger ces
contraintes. Une mission de plus, pourrait-on dire, tant la liste des rapports
sur le sujet est longue ! Mais M. Baert a tenu à prévenir cette critique en
présentant un dispositif opérationnel. C'est ainsi que les Cinquante-cinq
mesures concrètes pour changer l'environnement des PME ont été proposées,
organisées autour de douze thèmes distincts, dont deux ont retenu
particulièrement l'attention de la commission des affaires sociales : le thème
n° 2 : « Simplifier radicalement les formalités sociales », et le thème n° 5 :
« Rendre le droit du travail plus abordable ».
Deuxièmement, insérer des dispositions relatives à la simplification
administrative dans un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier ne me paraît pas très pertinent.
D'une part, j'aurais souhaité que le Gouvernement présente un projet de loi
sur cette seule question, en faisant preuve de plus d'ambition, c'est-à-dire en
incluant des dispositions relatives à la simplification des relations entre les
administrations et les usagers. La procédure d'urgence aurait pu ainsi être
évitée. Cette procédure, abrégeant la navette entre les deux assemblées, est en
effet probablement imputable aux dispositions concernant le passage à
l'euro.
D'autre part, je voudrais regretter l'absence de vue d'ensemble. Les
dispositions qui sont ici proposées apparaissent tout à la fois modestes et peu
lisibles au regard tant des travaux préparatoires, notamment le rapport de M.
Dominique Baert, que des mesures présentées par Mme Marylise Lebranchu.
En fait, plusieurs dispositions de nature réglementaire qui vont être prises
sont très importantes. Le bulletin de paie en trois lignes pour les très
petites entreprises, qui simplifiera non pas le calcul mais la présentation du
bulletin, est l'une des mesures-phares du rapport Baert. Cette mesure se
traduira par un ou plusieurs décrets. De surcroît, certaines dispositions
seront appliquées au cours de l'année 1998, d'autres en 1999.
En clair, nous examinons quelques dispositions, bien modestes par rapport aux
ambitions du rapport Baert, sans avoir ni la compréhension, ni la maîtrise du
dispositif d'ensemble. Bien évidemment, le Parlement n'examine par définition
que les mesures de nature législative, mais le Gouvernement aurait pu présenter
avec son projet de loi soit un exposé des motifs plus détaillé, soit une annexe
récapitulant l'ensemble des mesures envisagées.
Troisièmement, le projet de loi a été considérablement complété par
l'Assemblée nationale. En effet, quarante-sept articles étaient proposés dans
le projet de loi initial ; il y en a désormais soixante-deux, dont l'un -
l'article 55 nouveau - revient sur l'assujettissement aux cotisations sociales
des stock-options.
Les articles du titre Ier portant dispositions relatives à la simplification
administrative ont fait l'objet d'une discussion vive à l'Assemblée nationale.
Cependant, je ne suis pas sûr que les modifications proposées aillent toujours
dans le sens de la simplification.
En conséquence, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous
proposera deux amendements à l'article 5 et à l'article 7, afin de lever toutes
les ambiguïtés qui pourraient aller à l'encontre du souci de simplification. Le
premier, qui porte sur l'article 5, précise que l'extension du « guichet unique
» aux secteurs du bâtiment et des travaux publics, des hôtels, cafés et
restaurants et du tourisme devra avoir été précédée d'une consultation des
professionnels concernés. Le second, qui affecte l'article 7, prévoit un délai
de quatre jours pour la présentation des bulletins de paie lors d'un contrôle
de l'inspecteur du travail lorsque ces documents sont tenus à l'extérieur de
l'établissement.
La commission des affaires sociales vous proposera en outre deux amendements
tendant à insérer un article additionnel ; l'un, après l'article 11, visant à
exonérer de cotisations sociales les indemnités des élus des chambres
consulaires ; l'autre, après l'article 24, prévoyant d'étendre aux cotisations
et aux assiettes sociales la règle de l'arrondi à l'euro le plus proche posée
pour les impôts et les taxes à l'article 22.
S'agissant du prélèvement imposé à l'AGEFAL, à l'article 45, la commission des
affaires sociales réitérera sa position, qui est constante, et vous proposera
d'adopter un amendement de suppression de cet article, qui prévoit un
prélèvement de 500 millions de francs sur les fonds de la formation
professionnelle en alternance. La commission s'est étonnée que ce prélèvement
soit proposé au détour d'un projet de loi portant « diverses dispositions » et
non dans une loi de finances. Elle a constaté que cette contribution
exceptionnelle au budget de l'Etat ne faisait juridiquement l'objet d'aucune
affectation à une catégorie de dépenses particulières. En outre, ce prélèvement
lui est apparu contraire à la volonté affichée de relancer la formule du
contrat de qualification et à l'extension du dispositif à d'autres publics, qui
est prévue par le projet de loi de lutte contre les exclusions.
L'article 55 appelle, quant à lui, deux remarques, l'une de forme, l'autre de
fond.
Sur la forme, cet article revient sur l'article 11 de la loi de financement de
la sécurité sociale pour 1997. Il ne me paraît pas souhaitable de revenir, dans
un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier,
sur une disposition votée dans une loi de financement. Le parallélisme des
formes devrait s'imposer à l'avenir et il serait de bonne politique qu'une
disposition votée dans une loi de financement ne soit modifiée ou abrogée que
par une autre loi de financement.
Sur le fond, il faut noter que la fiscalité des stock-options a beaucoup
évolué depuis 1996, notamment en raison de l'augmentation du taux de CSG voté
pour 1998. La volonté de ne pas pénaliser les entreprises dynamiques me
conduira à vous proposer une adoption sans modification, d'autant que, si la
distinction opérée entre les entreprises créées depuis plus ou moins quinze ans
pouvait ne pas apparaître
a priori
comme une mesure de simplification,
M. le rapporteur général vient heureusement de lever toute ambiguïté à cet
égard.
Telles sont les quelques observations que je souhaitais formuler au nom de la
commission des affaires sociales, saisie pour avis du présent projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le président, monsieur le président
de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi
d'emblée d'exprimer la gratitude particulière que j'éprouve à l'égard des trois
rapporteurs, qui ont présenté des remarques claires dans un esprit
constructif.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie, aurait aimé défendre lui-même cet important projet de loi devant
la Haute Assemblée, pour laquelle il éprouve un grand respect ; mais il a dû
partir pour Avignon, où va se tenir un sommet franco-allemand dont chacun
d'entre vous saisit l'importance.
C'est donc à moi qu'incombe l'honneur de présenter ce projet de loi et
d'ébaucher de premières réponses aux propos des trois rapporteurs.
Le Gouvernement, par ce projet de loi, s'efforce en effet de rompre avec la
tradition des projets de loi portant diverses dispositions d'ordre économique
et financier.
Sur la forme, ce texte est relativement bref. On a vu, dans le passé, des
projets de loi longs de centaines d'articles. En outre, un effort a été fait
pour regrouper les articles autour d'un certain nombre de thèmes prioritaires -
mais il y avait là plus qu'un souci de forme.
Sur le fond, ce texte s'inscrit dans la volonté du Gouvernement de favoriser,
dans la durée, la croissance, l'investissement et l'emploi. Tel est notamment
l'objet des mesures relatives aux simplifications administratives, à la
préparation à l'euro ou à l'évolution du secteur public.
Ce projet de loi survient dans une conjoncture où notre économie repart, dans
une phase durable de croissance, de développement de l'emploi. Cet
environnement doit être soutenu par l'action publique.
Je ne ferai pas de longs commentaires sur la conjoncture. J'insisterai
simplement sur le fait que les entreprises privées ont retrouvé le chemin de la
création d'emplois : 160 000 emplois salariés ont été créés l'an dernier,
contre une diminution de 12 000 emplois en 1996. Cela devrait d'ailleurs se
poursuivre en 1998 puisque c'est la demande intérieure - demande de
consommation et demande d'investissement productif - qui entraîne désormais
notre industrie, notre agriculture et nos activités de services, alors que, en
1997, c'était l'exportation qui assurait l'essentiel du travail.
Nous sommes dans un contexte de cercle vertueux. Il importe de prendre un
certain nombre de mesures qui sont souvent, comme M. Lambert l'a souligné,
d'ordre technique, mais qui tendent à préparer notre pays à un avenir de
croissance durable, de chômage réduit et de solidarité renforcée.
J'examinerai rapidement les différentes parties de ce texte, en m'efforçant de
répondre aux remarques qui ont été formulées. Je commencerai par les
dispositions relatives à la simplification administrative, sur lesquelles M.
Jourdain a présenté de très utiles remarques.
Pour remettre ces quelques articles dans un cadre d'ensemble, je décrirai
brièvement, pour répondre à M. Jourdain, le programme que le Gouvernement
entend suivre sur plusieurs années en matière de simplification administrative,
à la suite - vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur pour avis - des
travaux de M. Dominique Baert, député du Nord, dont Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à
l'artisanat, a, au mois de décembre dernier, retenu au nom du Gouvernement
trente-sept mesures, qui devraient aller dans le sens souhaité.
Si nous faisons figurer certaines mesures dans le présent projet de loi, c'est
pour aller vite. Il est important de passer des principes au concret, et c'est
ce qui est proposé dans cette première partie du texte.
Je vous informe qu'une prochaine étape interviendra au mois de septembre. Un
nouveau comité interministériel proposera de nouvelles mesures de
simplification. Les chefs d'entreprise sont appelés à formuler leurs propres
suggestions ; le secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au
commerce et à l'artisanat a ouvert, depuis le 4 mai dernier, un site sur
Internet ; il comporte un forum « simplifications administratives » où toutes
les contributions sont bienvenues.
Comme vous l'avez dit, monsieur Jourdain, seules les mesures qui nécessitent
une intervention législative figurent dans le présent projet de loi. De
nombreuses dispositions sont d'ordre réglementaire, par exemple la possibilité
de créer une entreprise en un jour franc, la généralisation de la déclaration
unique d'embauche, la simplification des obligations comptables des petites
entreprises. Ce sont des sujets sur lesquels le travail est en cours. Vous le
savez, la fréquence des enquêtes statistiques auprès des entreprises de moins
de vingt salariés a été réduite.
Tout cela - vous l'avez très bien formulé - tend à favoriser la production, à
simplifier la vie des petites et moyennes entreprises, qui sont la source
principale de création d'emplois, et à alléger « l'impôt-papier » et, à cet
égard, vous avez cité une estimation tout à fait considérable.
La télétransmission des factures, l'harmonisation des dates de dépôt des
principales déclarations professionnelles, la suppression de la déclaration
d'embauche ou de licenciement qui devait être faite aux caisses d'assurance
maladie sont des propositions concrètes.
J'insisterai sur trois d'entre elles.
La première concerne la suppression de l'obligation de tenue du livre de paie
et la simplification du bulletin de paie. Le Gouvernement souhaite, pour les
très petites entreprises, aboutir à un bulletin de paie comportant trois
lignes. Cela nécessitera un effort difficile, mais il sera entrepris avec
obstination.
De même, l'allégement des démarches pour les emplois occasionnels devrait
lever d'importants freins à l'embauche dans le secteur du spectacle, dans le
bâtiment et les travaux publics, dans les hôtels, cafés et restaurants, ou
encore dans le tourisme.
Enfin, j'insiste sur la possibilité qui serait désormais ouverte de créer chez
soi son entreprise. Ainsi, on pourrait exercer une activité commerciale dans un
local d'habitation. Cela devrait inciter au développement du télétravail et du
commerce électronique.
La deuxième priorité de ce présent projet de loi concerne tout ce qui touche à
la préparation à l'euro. Sur ce thème, M. Marini a formulé de sages
observations, fruits d'une grande expertise et d'une longue méditation.
Notre pays est qualifié depuis le week-end dernier pour l'euro. Désormais, il
n'y aura plus de dévaluation compétitive à l'intérieur de l'Europe
continentale. Nous aurons là un espace de stabilité et de prospérité, où nos
entreprises doivent être armées pour développer leurs projets et pour accroître
leurs effectifs.
Nous ne reprendrons pas les débats généraux sur l'euro ; M. Lambert ne l'a pas
fait. Un débat général sur l'euro et un autre sur le statut de la Banque de
France ont eu lieu. Nous abordons un troisième aspect, qui est technique, qui
est loin d'être négligeable et qui revêt une importance particulière, notamment
pour le secteur financier. En effet, ce dernier devra s'adapter à ce nouvel
environnement et faire face à une concurrence accrue.
A cet égard, un certain nombre de dispositions sont proposées, de manière à
permettre à ce secteur de s'adapter, de sauvegarder ses emplois et d'être au
premier rang dans la compétition européenne. Des dispositions importantes sont
donc prévues en ce qui concerne la sécurité des systèmes de paiement, la
continuité des relations contractuelles et les règles d'arrondi.
J'insisterai sur deux aspects de ce deuxième chapitre.
Le premier a trait à la possibilité qui serait ouverte aux entreprises, si
vous en êtes d'accord, mesdames, messieurs les sénateurs, de tenir leur
comptabilité en euros dès le 1er janvier 1999 et, à partir de là, d'établir
leur déclaration fiscale en euros. Elles pourraient convertir leur capital
social en euros selon des modalités assouplies et la cotation des instruments
financiers en euros serait explicitement autorisée.
Le second aspect sur lequel je tiens à revenir concerne les propositions
tendant à améliorer notre dispositif de financement, dont M. Marini a bien
voulu reconnaître qu'elles allaient dans le bon sens. Le Gouvernement sera
particulièrement attentif aux amendements longuement réfléchis de la commission
des finances en général et de M. Marini en particulier.
La rénovation du régime d'appel public à l'épargne permettra bien évidemment
de concentrer l'action de la Commission des opérations de bourse à laquelle M.
Marini apporte une attention particulière sur la protection de l'épargne
populaire.
Selon la nouvelle définition, si vous en êtes d'accord, le placement
d'instruments financiers auprès d'investisseurs qualifiés ou dans un cercle
restreint d'investisseurs permettra d'exonérer les émetteurs des obligations
d'information qui sont liées à l'appel public à l'épargne.
Par ailleurs, une internationalisation des méthodes de collecte de l'épargne
aura lieu, notamment en ce qui concerne la gestion pour compte de tiers. Cet
avantage comparatif de notre industrie financière doit être renforcé.
Sans vouloir entrer dans le détail, puisque nous procéderons à un examen
article par article, je voudrais souligner deux points sur lesquels il y a eu
des ambiguïtés, qui n'ont pas été relevées par MM. les rapporteurs.
D'abord, le présent projet de loi entend clarifier, sans rien céder sur le
plan fiscal - c'est le point essentiel - les conditions dans lesquelles une
entreprise peut racheter ses propres actions. L'idée est très claire : il
s'agit, par ce biais, de réorienter des capitaux dormants vers
l'investissement, la croissance et l'emploi ; nous aurons l'occasion de revenir
sur ce point.
Ensuite, une mesure a pour objet de permettre à l'Etat d'émettre des
obligations indexées sur les prix. Elle répond à un souci d'économie. Des
obligations indexées, comme il en existe, par exemple, aux Etats-Unis,
permettent un taux d'intérêt plus faible que les taux pratiqués actuellement et
qui sont déjà très modestes. Pour vous donner un ordre de grandeur, sur un
encours d'endettement de 100 milliards de francs, l'Etat pourrait gagner 500
millions de francs, ce qui n'est pas négligeable.
Le troisième point concerne l'évolution du secteur public.
Je ne ferai pas un long discours sur le fait que le Gouvernement, depuis le
1er juin, a choisi de traiter le secteur public dans le souci de l'intérêt
national, des entreprises concernées et - cela est peut-être plus nouveau - des
salariés de ces entreprises. Les dispositifs qui vous sont proposés ont pour
objet à la fois d'améliorer le contenu des missions du secteur public et de
permettre les évolutions nécessaires de son statut. M. le Premier ministre
l'avait dit dès la déclaration de politique générale du Gouvernement, le 19
juin 1997 : il faut des adaptations pour garder notre rang parmi les nations du
monde les plus développées, pour nous rapprocher de nos partenaires européens
et pour assurer au service public, qui est une caractéristique de notre pays,
l'avenir qu'il mérite.
Ainsi - nous reviendrons sur ce point, M. Lambert ayant parlé de difficultés
substantielles - il est prévu d'organiser, sous forme d'un schéma directeur,
l'extension du service public du gaz dans les zones qui ne sont pas encore
desservies. De même, il est proposé de mieux prendre en compte le financement
d'un certain nombre de mesures permettant à des catégories sociales
défavorisées d'utiliser les transports publics en Ile-de-France. Enfin - nous
aurons certainement un débat sur ce point - le Gouvernement propose d'associer
les salariés à l'ouverture du capital d'Air France.
Le titre IV du projet de loi est consacré à la protection de l'environnement
et à la santé publique. La priorité donnée à la production par le Gouvernement
s'inscrit bien évidemment dans une volonté de développement durable. Cela
signifie concrètement que la croissance doit être à la fois soutenue sur une
longue période et supportable par l'environnement que nous voulons transmettre
à nos enfants.
Vous savez que le Gouvernement a engagé une réflexion sur la fiscalité
écologique. Nous aurons l'occasion de débattre de ce sujet lors de l'examen du
projet de loi de finances pour 1999. Toutefois, dans le texte qui vous est
soumis aujourd'hui, une modification des modalités d'évaluation de la puissance
administrative des véhicules est d'ores et déjà prévue. Elle constitue, me
semble-t-il, une première étape importante vers une fiscalité plus écologique.
Le dispositif qui est proposé par le Gouvernement est plus simple et, si je
puis dire, plus propre en termes d'environnement.
Je voudrais rassurer la Haute Assemblée, qui, par la voix de M. le rapporteur
général, s'est interrogée sur ce sujet, auquel M. Poncelet est particulièrement
sensible : cette réforme devrait se faire à prélèvement fiscal constant ;
compte tenu du fait que son entrée en vigueur sera progressive, puisqu'il
s'agit de l'immatriculation des nouveaux véhicules, elle ne devrait pas
perturber les ressources des collectivités. Le Gouvernement a transmis à la
commission des finances les éléments d'information permettant, je l'espère,
d'apaiser ses inquiétudes, mais peut-être celles-ci sont-elles encore vives.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Monsieur le secrétaire d'Etat,
me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances, avec
l'autorisation de M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Monsieur le secrétaire d'Etat,
nous avons bien sûr procédé à des études sur ce point. Si la modification de la
fiscalité dans ce domaine, par un changement d'assiette, devait pénaliser
certains départements, c'est-à-dire entraîner une réduction de leur produit
fiscal, le Gouvernement devra, en application du code des collectivités
territoriales, compenser la perte de recettes correspondante.
Nous rappellerons l'application de ce dispositif au moment du vote. En effet,
nous ne pouvons pas laisser le Gouvernement prendre une disposition qui
pourrait, si le Sénat n'était pas vigilant, pénaliser une collectivité
territoriale.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président de la commission des finances,
j'ai bien entendu votre remarque. Nous aurons l'occasion d'en débattre lorsque
cet article important viendra en discussion.
Toujours dans ce volet qui touche à la protection de l'environnement et de la
santé publique, figurent une disposition visant à adapter le régime de
responsabilité des propriétaires de pétrolier au titre des dommages qui
pourraient résulter de la pollution par les hydrocarbures et - M. le rapporteur
général y a fait allusion - la fixation des modalités de financement de
l'élimination des stocks de farines d'origine animale qui ne sont pas conformes
à la législation sanitaire communautaire. Ces propositions font suite à
l'annonce faite par le ministre de l'agriculture et de la pêche au mois de
février dernier.
J'indique que le relèvement par l'Assemblée nationale à 3 millions de francs
du seuil de chiffre d'affaires des bouchers et charcutiers concernés devrait
permettre d'exonérer de la taxe additionnelle au moins 90 % de cette
profession.
Je terminerai mon intervention par le titre V, qui regroupe quelques
dispositions diverses.
Je citerai notamment la satisfaction d'une promesse qui avait été faite par le
Gouvernement de remplacer le dispositif de financement des achats de navires de
commerce. Nous reviendrons sur ce dispositif, pour lequel, dans son principe
tout au moins, M. le rapporteur général a émis un accord. Mais nous aurons
l'occasion d'en reparler.
S'agissant des emprunts russes et des spoliations subies par nos compatriotes
en Russie, une disposition permettra un recensement de ces personnes durant une
période de six mois au terme de laquelle le Gouvernement arrêtera, en liaison
avec le Parlement, les modalités de répartition de la somme versée par la
Russie.
Conscients de votre impatience à entrer dans le vif de la discussion,
mesdames, messieurs les sénateurs, je passerai sur les différents amendements
adoptés par l'Assemblée nationale et introduisant de nouvelles dispositions
dans le projet de loi, qu'il s'agisse de la promulgation du dispositif Périssol
ou de la validation législative des engagements de l'Etat à l'égard de la
Compagnie du BTP.
Sur ce point, qui m'a paru susciter une ombre de critique, je préciserai que
le Gouvernement a effectivement découvert à partir de juin 1997 que l'Etat
était intervenu à plusieurs reprises à l'occasion de plans de sauvetage
d'établissements financiers. C'est le cas tant de la société en cause que du
Crédit Martiniquais.
M. Dominique Strauss-Kahn, en décembre 1997, a écrit à ce sujet à la
commission des finances du Sénat pour informer cette dernière des nouveaux
engagements qui pourraient être pris.
L'appel à la transparence qui a été formulé me semble avoir été entendu par le
Gouvernement, lequel, pour éviter que de nouveaux sinistres du même ordre ne se
reproduisent, s'est même engagé à vous soumettre un projet de loi portant
sécurité financière et prévoyant un fonds de garantie des dépôts. Je pense donc
que la démarche du Gouvernement rejoint le souhait de transparence exprimé par
M. le rapporteur général.
J'arrête là mon exposé introductif et mes premières réponses aux trois
rapporteurs qui ont bien voulu s'exprimer sur ce texte.
Au-delà des grands principes, le texte qui est soumis à votre discussion,
qu'il s'agisse de la simplification administrative, de la préparation au
passage à l'euro, de l'adaptation du secteur public ou de la modernisation de
nos règles financières, va dans le sens d'une volonté de réforme et de
modernisation au service de la croissance comme de l'emploi. Je suis sûr que
cette volonté est partagée par la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'Union
centriste. - M. François Trucy applaudit également.)
(M. Jean Faure remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 37 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 31 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous examinons aujourd'hui le projet de loi portant diverses dispositions
d'ordre économique et financier.
Ce projet de loi ne déroge pas à la règle du catalogue fourre-tout. Il se
compose de cinq grands volets : dispositions relatives à la simplification
administrative, dispositions relatives à l'adaptation de la législation
française au passage à la monnaie unique, dispositions relatives au secteur
public, dispositions fiscales et financières relatives à la protection de
l'environnement et à la santé publique et, enfin, dispositions diverses.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis globalement satisfait des mesures de
simplification administrative que vous nous proposez, même si ces mesures
restent encore bien timides. J'espère d'ailleurs que les décrets, circulaires
et autres arrêtés qui seront pris ensuite ne compliqueront pas ce qui aura été
simplifié ici.
En ce domaine, il y a beaucoup à faire, et même de façon urgente. On ne mesure
sans doute pas assez combien la complexité administrative, sociale et fiscale
dans quasiment tous les domaines est un frein à l'initiative et au
développement des énergies, paralysant plus souvent qu'on ne le croit
l'activité. C'est donc un véritable frein à l'emploi.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez bien voulu reprendre ce qui avait été
engagé par notre collègue Jean-Pierre Raffarin, alors ministre des petites et
moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Continuez dans ce sens,
allez encore plus loin et le plus vite possible ! Et n'oubliez pas qu'il
convient d'accompagner ces simplifications par des réductions de charges pour
en obtenir les meilleurs effets sur l'emploi.
C'est aussi une bonne chose que d'autoriser l'exercice d'activité commerciale
dans un local d'habitation, ainsi que cela est prévu à l'article 10. Cette
mesure, qui ne paie pas de mine, est sans aucun doute susceptible de favoriser
quelques initiatives.
Je suis satisfait également du droit d'option au régime de la TVA pour les
collectivités locales qui gèrent des déchetteries, ainsi que du taux réduit de
TVA sur le bois-énergie. J'avais d'ailleurs, avec mes collègues MM. Egu,
Pourchet et Belot, déposé un amendement dans ce sens, lors de l'examen du
projet de loi de finances pour 1998. Je vous remercie d'avoir bien voulu le
prendre en compte, monsieur le secrétaire d'Etat.
L'article 35, qui prévoit d'accélérer la desserte par Gaz de France des
communes non encore desservies et de permettre, sous certaines conditions, à
d'autres opérateurs que Gaz de France d'intervenir pour assurer
l'approvisionnement des communes non desservies, est, à quelques points de
détail près, une bonne proposition.
Cette mesure permet en effet de préserver les intérêts non seulement de Gaz de
France, mais aussi des communes non desservies et qui ne l'auraient jamais été
si on ne leur avait pas permis de faire appel à d'autres opérateurs.
L'ouverture à la concurrence reste très encadrée et, en ce domaine, c'est une
bonne chose. A l'évidence, cette proposition sert l'intérêt général.
Pour rester sur les sujets qui emportent mon adhésion et qui me paraissent
importants, je citerai l'extension du champ de compétence de l'Agence nationale
pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, en zone de revitalisation rurale,
prévue à l'article 38
bis
, et les précisions apportées aux missions du
fonds de gestion de l'espace rural par l'article 41
bis
.
Je suis également favorable à l'article 56 résultant de l'adoption d'un
amendement de M. de Courson à l'Assemblée nationale, qui permettra le transfert
de propriété des édifices culturels aux établissements publics à caractère
industriel ou commercial, les EPIC, tels que les communautés de communes. En
effet, beaucoup de petites communes ne peuvent assurer seules les charges
financières qui leur incombent en ce domaine. Demain, elles le pourront au
travers de la solidarité intercommunale, et ce sans complication pour la
récupération de la TVA afférente à ces travaux. C'est une bonne mesure.
Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, je suis totalement opposé à l'article 41,
qui vise à instituer une taxe additionnelle à la taxe sur les achats de viande
instaurée par la loi du 26 décembre 1996. Déjà, à l'époque, j'étais opposé au
principe de l'institution de cette taxe.
Il s'agit de trouver de 250 millions de francs à 300 millions de francs pour
éliminer les farines animales non conformes à la réglementation européenne.
Je suis opposé à cet article parce que, une fois de plus, on a recours à la
méthode sans doute la plus facile, mais la plus injuste, qui consiste à taxer
l'extrémité de la filière - les bouchers-charcutiers - en adossant le
dispositif à une taxe déjà existante, elle-même injuste, qui, par ailleurs, est
juridiquement contestée. Cela ne peut pas être justifié.
Certes, ce sont toujours les consommateurs ou les contribuables qui paieront
en fin de compte. Mais, dans ce genre d'affaire, il est dangereux de donner
l'impression aux uns de payer pour les autres, surtout lorsque ceux qui sont
appelés à payer ne sont pas responsables et ne sont concernés en rien. Il est
vrai que ce problème est complexe et qu'il n'est pas simple de trouver des
solutions. Cependant, j'attire votre attention sur les conséquences qui
pourraient découler d'une telle disposition. Un fâcheux précédent - vous me le
direz sans doute - a été créé en 1996 ; ne confirmons pas cette erreur,
monsieur le secrétaire d'Etat. C'est au niveau de la chaîne où le maillon est
défaillant qu'il faut rechercher la solution. C'est un principe fondamental
d'exercice de la responsabilité. Il me paraît extrêmement grave de rechercher
la responsabilité là où tout le monde s'accorde à reconnaître qu'elle n'est
pas.
C'est pourquoi j'ai cosigné avec plusieurs collègues un amendement tendant à
supprimer l'article 41 et à mettre à contribution les fabricants de ces
farines, amendement que j'invite le Sénat à adopter.
Et puis, faute d'autre solution et puisqu'il n'est pas souhaitable de
maintenir cette disposition injuste, que l'Etat assume, monsieur le secrétaire
d'Etat !
M. Christian Poncelet
président de la commission des finances.
L'Etat, mais pas les
collectivités locales !
M. Alain Gournac.
Elles le font assez !
M. Philippe Arnaud.
Effectivement, monsieur le président de la commission des finances. J'ai
d'ailleurs bien pris soin de n'évoquer que l'Etat.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, j'attire votre attention sur
l'amendement déposé par Daniel Hoeffel, que, avec plusieurs de nos collègues,
j'ai cosigné. Cet amendement a pour objet d'insérer après l'article 1er un
article additionnel visant à porter le taux d'exonération des cotisations
patronales pour les organismes habilités au titre de l'aide sociale de 30 % à
60 %. Il en va de l'avenir de nos associations d'aide à domicile.
J'en viens à l'article 37, qui traite du régime des actifs de la Société
nationale des poudres et explosifs, la SNPE. L'élu charentais que je suis
refuse de voter cet article sans contrepartie.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Il a raison !
M. Philippe Arnaud.
En effet, si, sur le fond, je comprends l'intérêt qu'il y a à permettre des
alliances industrielles entre cette société nationale détenue à 100 % par
l'Etat et Royal Ordnance, filiale du groupe British Aerospace, je m'oppose
vigoureusement à ce que cette alliance s'opère sans que l'Etat, actionnaire
actuel, ne se soit engagé formellement à prévoir des mesures spécifiques
d'accompagnement et de reconversion des sites industriels mis en péril par
l'Etat.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Bravo !
M. Philippe Arnaud.
La Charente, monsieur le secrétaire d'Etat, est touchée de plein fouet par des
restructurations conduites par l'Etat industriel, l'Etat employeur ; elle court
à la faillite par la défaillance de l'Etat.
Je citerai quelques chiffres pris uniquement dans le domaine de la défense :
en 1984, la SNPE et la DCN, la direction des constructions navales, employaient
en Charente 3 105 salariés ; en 1998, la DCN et la SNPE, ce même département ne
comptent plus que 1 400 salariés. La perte sèche d'emplois directs est de 1 700
!
Quand on sait - et tout le monde le sait - que, dans ce domaine, un emploi
direct génère quatre emplois induits, ce sont plus de 6 000 emplois que la
Charente a perdus, et ce sans compensation.
Vous avez indiqué tout à l'heure à cette tribune, monsieur le secrétaire
d'Etat, que notre pays avait retrouvé le chemin de la croissance durable, du
chômage réduit et de la solidarité renforcée. Eh bien, j'en appelle à cette
solidarité renforcée pour vous demander des mesures de compensation, d'autant
que nous avons eu une promesse dans ce sens.
Cette promesse a été effectivement tenue : c'était la délocalisation du
CEDOCAR, le centre de documentation de l'armement, concernant 105 personnes, en
Charente. La délocalisation a bien été opérée, mais n'a concerné qu'un effectif
de 62 personnes, en contrepartie des 6 000 emplois perdus. Vous comprendrez,
monsieur le secrétaire d'Etat, que cela ne puisse nous satisfaire !
Nous ne cessons, élus de toutes tendances confondues, d'attirer l'attention de
l'Etat. Et, le 30 avril dernier, M. le Premier ministre m'a indiqué qu'il
demanderait à M. Alain Richard, ministre de la défense, de répondre à mes
interrogations. Mais, si M. Richard s'est adressé à moi, il ne m'a apporté
aucun élément nouveau. Or il est nécessaire, monsieur le secrétaire d'Etat, que
des engagements formels soient pris.
La situation est d'autant plus choquante que l'on peut lire, aussi bien dans
les rapports de l'Assemblée nationale que dans ceux du Sénat, qu'il est urgent
d'opérer ces rapprochements avec Royal Ordnance parce qu'il en va de la survie
de la SNPE. Il y est également précisé que, en 1999, l'usine d'Angoulême sera
privée d'une partie de son activité au profit de celles de Bergerac et de
Sorgues. C'est très bien pour ces deux villes, qui connaîtront une création
nette de 100 emplois, mais c'est inacceptable pour Angoulême.
Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'Etat - et j'en resterai là - que je
ne puisse accepter cette disposition tant qu'aucun engagement clair n'aura pas
été pris par l'Etat. En effet, je ne peux admettre la disparition de nos
industries et de nos emplois.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
ne peux qu'approuver les paroles de l'excellent avocat charentais qui vient de
me précéder à cette tribune : il faut mesurer, Philippe Arnaud a raison, les
difficultés créées par l'Etat entrepreneur pour le département de la
Charente.
Quant à moi, monsieur le secrétaire d'Etat, je centrerai mon intervention sur
l'important sujet de la simplification administrative.
A cet égard, j'ai noté avec satisfaction que, malgré son calendrier, le
présent projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et
financier - texte législatif, certes, « d'opportunité » - avait pu intégrer
certaines des mesures qu'avait annoncées le Gouvernement.
Il était en effet important de s'engager plus avant dans une voie déjà ouverte
dans le passé en arrêtant de nouvelles mesures techniques de nature à
simplifier les procédures administratives imposées aux entreprises.
Je trouve beaucoup d'intérêt, notamment, à l'alignement de l'assiette de la
taxe de formation continue. C'est un progrès notable !
Je suis aussi très sensible à la simplification du passage des très petites
entreprises au régime réel d'imposition. C'est un point important.
De même, la suppression de deux obligations, d'une part, celle qui consistait
à faire figurer le montant des charges patronales sur le bulletin de paie, ce
qui prolonge toutes les réformes que nous avons pu, les uns et les autres,
engager - mais il reste, évidemment, encore beaucoup à faire - en vue de
simplifier le bulletin de paie et, d'autre part, celle qui imposait de tenir un
livre de paie, constitue une avancée qui mérite d'être soulignée.
Je note aussi, car c'est important, notamment en cette période de
modernisation du management, la suppression de l'autorisation préalable en
matière de télétransmission des factures. C'est d'ailleurs un principe sur
lequel nous reviendrons : il y a sans doute trop d'autorisations préalables en
France et certaines, comme celle-ci, devraient être supprimées.
Je relève encore l'harmonisation des dates de dépôt des déclarations fiscales
professionnelles, qui est également un élément important.
On peut considérer que, en ce qui concerne la simplification administrative,
le Gouvernement fait, avec ce texte, sa « BA », sa bonne action.
Il y a encore beaucoup à faire, c'est vrai, et il est nécessaire de nous
mobiliser pour cela. Plusieurs de nos collègues ont ainsi souligné l'importance
de « l'impôt paperasse » qui pèse sur les PME et une récente enquête du
ministère de l'industrie a défini l'enveloppe, en termes de coût pour les PME,
de cet « impôt paperasse » : elle est à peu près de l'ordre de 100 000 francs
par an et par entreprise.
L'un de mes prédécesseurs à cette tribune a cité le chiffre de 60 milliards de
francs. Nous mesurons naturellement le poids que représente cet « impôt
paperasse » et toutes ses conséquences sur le dynamisme des entrepreneurs ! Il
a ainsi été démontré que, mis bout à bout, l'ensemble des formulaires qui sont
imposés à toute PME qui veut créer un établissement secondaire mesure six
mètres. Et encore faudrait-il ajouter les trois mètres de notices explicatives
nécessaires à la gestion de ces six mètres de paperasse !
Nous mesurons combien tout cela est, pour beaucoup d'entrepreneurs, tout à
fait polluant.
De plus, nos administrations, celles de l'Etat mais aussi celles des
collectivités territoriales, multiplient les questionnaires. Permettez-moi, à
cet égard, de faire une proposition : et si nous faisions de l'année 1999
l'année « zéro nouveau questionnaire » ?
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Très bonne idée !
M. Jean-Pierre Raffarin.
J'ai même vu récemment le ministère de l'industrie, qui est proche des
entreprises par définition, envoyer un questionnaire sur la simplification
administrative ! Comme nous étions alors en période de grève, les services en
ont même envoyé un deuxième exemplaire, pour être sûr que ce questionnaire
parviendrait bien à ses destinataires. N'y a-t-il pas là une obsession du
questionnaire ?
J'apprécie les efforts significatifs qu'a réalisés l'INSEE pour rationaliser
les enquêtes statistiques dont nous avons effectivement besoin. Mais, de grâce,
qu'on limite le nombre des interrogatoires qui sont adressés aux PME et, de
manière générale, qu'on essaie de limiter un peu cette obsession textuelle que
nous connaissons en France avec nos 10 000 lois et nos 400 000 circulaires,
auxquelles il faut ajouter les nouvelles règles communautaires qui représentent
aujourd'hui plus de 20 000 textes !
La République a déjà, sur le terrain de la simplification, fait un certain
nombre d'expériences et procédé à un certain nombre d'avancées.
A cet égard, je voudrais citer la loi Madelin, qui me paraît être un texte de
référence auquel il faut, je crois, faire appel pour souligner les progrès
réalisés, notamment en ce qui concerne la déclaration unique de cotisations
sociales - il ne faut pas oublier les engagements qui ont été pris sur ce sujet
- et la déclaration simplifiée d'embauche, qu'il faut généraliser.
Les onze formulaires qui existaient auparavant ont été réunis en un seul
formulaire, et je salue là aussi les URSSAF qui, souvent, ont accompli des
efforts importants dans la voie de la simplification, même s'il reste encore
beaucoup à faire. Ainsi, la loi Madelin, en son article 32, nous imposait un
certain nombre d'obligations qui ne sont pas encore à ce jour remplies, et il
faudrait, je crois, parvenir à l'appliquer réellement.
Il faudrait notamment essayer de convaincre - mais je sais combien c'est
difficile - les partenaires sociaux de la nécessité de mettre leur système
informatique en harmonie et en cohérence. Tout se passe, en effet, comme si le
pouvoir dépendait du formulaire, chaque employé étant assis dans son bureau
avec des frontières à droite et à gauche et son formulaire particulier : «
J'existe parce que je formule ! Et il faut surtout que le bureau d'à côté n'ait
pas le même ordinateur, le même formulaire, la même paperasse, sinon, mon
identité serait en cause ».
Cet esprit bloque souvent les administrations de l'Etat, mais c'est également
vrai des partenaires sociaux, chacun étant installé sur ses fichiers, sa
communication, gardant ainsi sa complexité comme preuve de son identité. C'est,
je crois, profondément regrettable.
De nombreuses initiatives ont été prises, notamment en ce qui concerne la
création d'entreprise. Le Gouvernement a ainsi insisté sur la possibilité
dorénavant offerte de créer une entreprise en un jour - c'était d'ailleurs
possible depuis un certain temps - mais il faut bien savoir que la difficulté
principale n'est pas la création de l'entreprise, mais son développement au
cours de ses cinq premières années d'existence : nous savons bien que, pendant
cette période, une entreprise sur deux disparaît. C'est donc l'accompagnement
de l'entreprise durant cette période qu'il nous faut essayer de réussir.
M. René Régnault.
C'est très vrai !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Il serait souhaitable, à cet égard, que chaque gouvernement établisse un bilan
simplification-complexité. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que le gouvernement
auquel j'ai eu l'honneur d'appartenir et qui s'est mobilisé beaucoup sur la
simplification - je pense notamment à la déclaration unique d'embauche - soit
exemplaire à cet égard. En effet, avec le RDS notamment, la complexité a elle
aussi progressé. Vous le voyez, je m'efforce d'être objectif !
Quoi qu'il en soit, je crains, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'avec les
trente-cinq heures vous ne développiez plus de complexité pour les entreprises
que vous n'apportez de simplification avec ce texte. Je crains notamment, du
fait des procédures auxquelles les entreprises de moins de dix salariés devront
se soumettre après 2002, qu'il n'y ait là une machine à complexité, une machine
à formulaires qui viendra anéantir tous les efforts que nous accomplissons par
ailleurs.
M. René Régnault.
A qui la faute ?
M. Jean-Pierre Raffarin.
Sur ce sujet, monsieur Régnault, les responsabilités me semblent pouvoir être
largement partagées !
Notre société, en fait, est grignotée de l'intérieur par une double aspiration
: d'un côté, une demande de simplification, parfois animée par un esprit
simpliste et sous-tendue de thématiques dangereuses ; de l'autre, un besoin de
complexité.
Méfions-nous cependant de certains appels à la simplification ! Ainsi, quand
j'étais député européen, la simplification consistait à supprimer tous les
traducteurs : si tout le monde pouvait parler anglais, le travail serait
simplifié ! La simplification entraîne donc parfois des réductions, mais nous
devons cependant nous méfier tout autant du grignotage de la complexité. Et,
puisque j'ai été invité par certains à me battre la coulpe, j'affirme, en tant
qu'élu local mais avec tous les autres élus locaux, que nous devons nous méfier
de notre aspiration à demander que nos territoires soient grillagés en
objectifs 2, en objectifs 5 B, en zones rurales à favoriser, en zones franches
urbaines à développer, en tous ces petits compartiments que nous installons et
qui font que nous instaurons des seuils et des frontières, car ce sont les
seuils et les frontières qui créent les complexités.
M. Roland du Luart.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Raffarin.
D'un côté, un formulaire rouge, de l'autre, un formulaire bleu. S'il y a deux
formulaires, c'est parce qu'il y a un seuil, une frontière !
Une prise de conscience collective doit nous amener à éviter d'être toujours
des militants de la complexité en même temps que nous sommes des militants de
la simplification.
Le monde entrepreneurial, à cet égard, progresse d'ailleurs de la même manière
que nous : ainsi, le textile souhaite son niveau de charges sociales
spécifiques, ce qui lui a d'ailleurs été très utile ; la restauration, elle,
souhaite un taux de TVA spécifique ; chaque secteur veut avoir son propre
statut fiscal ou social.
M. Alain Lambert
rapporteur.
On le verra à l'occasion de la discussion des articles !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Mais toutes ces dérogations participent de la complexification !
M. Alain Lambert
rapporteur.
Cent quatre-vingt-seize amendements ont été déposés !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Le combat en faveur de la simplification, qui doit être un combat pour la
démocratie, la transparence et le dynamisme, doit donc nous inciter à ne pas
créer un trop grand nombre de segmentations, de seuils et de frontières.
Prenons l'exemple de la taxe d'équarissage, visée à l'article 41 du présent
projet de loi.
Je me souviens très bien des engagements pris par l'excellent ministre de
l'époque ! Un plafond avait été défini à titre expérimental, 80 % des
entreprises concernées devant, d'après les analyses effectuées, se situer en
dessous du seuil de 2,5 millions de francs. Or, aux termes de l'enquête que
j'ai menée dans ma bonne région Poitou-Charentes, il faut monter jusqu'à un
seuil de 5 millions de francs pour mettre 80 % des petites entreprises,
notamment chez les artisans bouchers, à l'abri de cette taxe.
M. Christian Poncelet
président de la commission des finances.
C'est ce que vous proposera la
commission des finances !
M. Jean-Pierre Raffarin.
J'ai lu cette proposition : j'y vois là une nouvelle preuve de la sagesse de
la commission des finances, de son président et de son rapporteur.
J'approuve complètement cette mesure. Je crains en effet que l'on n'aille
chercher l'argent ailleurs. Je constate en effet que le Gouvernement emploie
souvent la formule « collectivités publiques », qui, selon lui, regroupe l'Etat
et les collectivités territoriales, lorsqu'il cherche de l'argent.
Le seuil de 5 millions de francs me paraît donc raisonnable. Il permettra de
mettre à l'abri les artisans bouchers, qui ne doivent pas être pénalisés, tout
comme les artisans boulangers, que nous aurons l'occasion de défendre dans
cette assemblée le 13 mai prochain. Nous avons en effet besoin d'un artisanat
vivant.
J'ajoute que ce seuil de 5 millions de francs existe déjà, s'agissant de
l'artisanat et du commerce, sur le plan fiscal, pour le paiement de la
contribution sociale de solidarité des sociétés, la C 3S, et qu'il convient,
précisément au titre des mesures de simplification, d'harmoniser les seuils.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, après ce diagnostic, d'où il ressort que
le combat pour la simplification doit rassembler l'ensemble des acteurs
économiques et sociaux je dirai qu'il nous faut réfléchir à une action encore
plus ambitieuse que celle qui a été menée jusqu'à ce jour.
La simplification c'est, en fait, une conquête de liberté, notamment pour les
entrepreneurs, car la complexité, le formulaire, sont des atteintes à la
liberté d'entreprendre. Or, pour protéger les libertés, il n'y a rien de mieux,
dans une démocratie, que d'affirmer des droits.
Aujourd'hui, donc, si l'on veut vraiment protéger la liberté d'entreprendre,
c'est-à-dire faire en sorte que l'entrepreneur ne soit pas dévoré par les
tracasseries, il faut approfondir la réflexion sur les droits de
l'entreprise.
Cette réflexion a déjà été menée dans un certain nombre de cercles ; l'idée
d'une charte législative des droits de l'entreprise a même été évoquée.
Aujourd'hui, il appartient aux pouvoirs publics de reprendre cette réflexion
pour définir de nouvelles relations entre les entreprises et les
administrations.
Comment protéger une entreprise contre les demandes intempestives de
formulaires, sinon en lui reconnaissant le droit, par exemple, de refuser à une
administration une information qu'elle a déjà donnée à une autre occasion à
cette même administration ou à une autre ? Le sujet est complexe, mais c'est
dans cette voie qu'il faut s'engager.
De même, ne pourrait-on pas reconnaître juridiquement le principe selon lequel
l'accord de l'administration est tacite quand celle-ci n'a pas répondu au bout
d'un certain délai ?
M. Claude Estier.
Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Nous avions trouvé quelques domaines d'application à ce principe.
Dans cette affaire, il faut avancer progressivement. Mais, quand
l'administration n'a pas répondu, la non-réponse devrait pouvoir être
considérée comme favorable à l'entreprise.
De même encore - j'ai noté des progrès à ce sujet - on pourrait remplacer de
nombreuses autorisations préalables par de simples déclarations, qui bien
souvent seraient largement suffisantes. Il faut renvoyer sur les
administrations la charge de leur propre complexité.
Une autre piste pourrait consister à renforcer le rôle d'un certain nombre de
professions, notamment les professions réglementées. Je pense, en particulier,
aux professions libérales, qui, souvent, dans notre société, dans notre
économie, se comportent comme des professionnels de la complexité.
Il ne faut pas faire croire aux entrepreneurs que le monde de demain sera un
monde simple ; il sera forcément complexe. Mais une grande partie de cette
complexité doit pouvoir être traitée à l'extérieure de l'entreprise, notamment
avec le concours d'un certain nombre de professions réglementées.
Dans l'avenir, on devrait pouvoir, comme c'est le cas dans certaines
démocraties, créer son entreprise chez son expert-comptable, chez son avocat,
ou, monsieur le rapporteur général, chez son notaire ! Il y a sans doute moyen,
ainsi, de développer un certain nombre de libertés en associant des
professionnels libéraux à la dynamique entrepreneuriale.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, les quelques réflexions que je voulais
faire sur le texte que vous nous proposez. La démarche est utile ; il faut
maintenant un projet plus ambitieux.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
c'est avec une réelle satisfaction que j'interviens aujourd'hui dans ce débat
sur le DDOEF ; non pas que ce texte soit particulièrement attrayant - un texte
de cette nature n'a, par définition, pas une grande cohérence en soi - mais il
s'inscrit dans un contexte tant européen que national particulièrement porteur
et dont je veux ici féliciter le Gouvernement. Nous enregistrons en effet de
manière palpable les premiers fruits de l'action que ce dernier conduit depuis
bientôt un an.
Parlons tout d'abord de l'Europe. Elle a un rapport direct avec ce texte, qui
consacre d'ailleurs un titre entier aux adaptations nécessaires de notre
législation et à la modernisation des activités financières pour prendre en
compte la troisième phase de l'Union économique et monétaire.
Il est intéressant de remarquer que nous débattons aujourd'hui de dispositions
concernant l'Europe quelques jours seulement après des événements très
importants pour l'Union.
La France, répondant aux critères de Maastrischt, appartient désormais aux
onze pays qui vont, ensemble, substituer l'euro à leur monnaie nationale.
Ce week-end a concrétisé, vous le savez, le fait marquant dans l'histoire de
la construction européenne que constitue le lancement de l'euro. Celui-ci va -
en effet - permettre, en redonnant une dimension politique à l'Europe,
d'impulser une nouvelle dynamique.
Le lancement de cette monnaie unique n'est pas une fin en soi. C'est néanmoins
un moyen pour les onze de se mesurer à armes égales avec les Etats-Unis et le
Japon. C'est également le moyen pour nos pays de s'affranchir de l'emprise des
marchés financiers et des politiques de taux de change.
A cet égard, il est intéressant, de mon point de vue, de citer deux chiffres :
le PIB des Etats-Unis et celui de l'Europe des Onze ont été, en 1997,
respectivement de 41 000 milliards de francs et de 47 000 milliards de francs.
Je vous laisse le soin d'apprécier !
Il est tout à fait intéressant de pouvoir discuter des mesures concrètes
rendues nécessaires par le passage à l'euro et qui sont contenues dans ce
projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
Ces mesures s'imposent. Il y a nécessité mais aussi urgence.
Sur le dispositif lui-même, je suis frappé de voir que, même si une grande
majorité de PME déclarent disposer de suffisamment d'informations sur le
passage à l'euro, peu d'entre elles - moins de 30 % - ont établi leur plan de
passage à l'euro, et seulement 18 % d'entre elles sont prêtes à facturer en
euros dès 1999. Ces résultats, certes, issus de sondages, correspondent-ils à
la réalité ? Dans l'affirmative, n'est-il pas nécessaire que le Gouvernement
redouble d'efforts pour permettre aux entreprises, notamment les plus petites,
d'aborder cette échéance dans les meilleures conditions ?
Le DDOEF contient toute une panoplie de mesures techniques ayant vocation à
couvrir tous les cas de figure ou sous les problèmes posés par le passage à
l'euro. Le ministère des finances a prévu une large campagne d'information sur
le sujet. Des publications d'origines diverses fleurissent sur la question. Ne
serait-il pas intéressant, comme cela doit se faire prochainement dans un autre
domaine, celui des 35 heures, de prévoir un dispositif d'aide permettant aux
PME qui en ressentiraient le besoin, et qui en feraient la demande, d'être
conseillées et accompagnées dans leur gestion pour ce passage à l'euro ?
Ma satisfaction trouve également son origine dans les résultats qu'enregistre
notre pays en matière économique. On en parle peu. Que ne dirait-on si la
situation était différente ? Beaucoup d'indicateurs sont au vert, conduits par
un taux de croissance d'ailleurs plus soutenu en France qu'en Europe. Les
experts les plus autorisés s'accordent à considérer que cette situation va se
poursuivre dans les années qui viennent.
Mais, évidemment, le critère qui retient mon attention, comme celle de chacun,
c'est l'emploi.
A cet égard, même si nous nous devons d'être encore prudents, l'action qu'a
engagée le Gouvernement doit être poursuivie sans relâche. Nous ne pouvons
taire notre légitime satisfaction en constatant la réduction du nombre des
chômeurs dans notre pays. Passer en dessous de la barre des trois millions
n'est pas satisfaisant en soi, mais c'est un début encourageant, et ce d'autant
plus que cette baisse, qui s'est produite en mars, vient après d'autres,
constatées depuis septembre dernier. En six mois, le nombre des chômeurs a
ainsi diminué de 140 000.
Là encore, les experts, ceux de l'OCDE en particulier, considèrent que nous
devrions, dans les cinq ans à venir, enregistrer une diminution de l'ordre du
million.
J'en reviens au DDOEF, pour m'arrêter maintenant sur le volet des dispositions
relatives à la simplification administrative. Les mesures prises pour juguler
ce qu'on appelle parfois l'« impôt papier », sont bonnes ; je pense, qui plus
est, qu'elles pourraient faire l'objet d'un consensus dans cet hémicycle.
En effet, il est paradoxal de noyer sous des contraintes administratives les
entreprises qui se conforment à la règle et qui jouent le jeu, alors même que
d'autres se mettent souvent hors-la-loi et ne subissent donc pas ces
contraintes. Il est utile et nécessaire - il convient de le faire aussi en
matière de lutte contre le marché noir - d'alléger les dispositifs
administratifs, souvent obsolètes ou inutiles, qui ne pèsent que sur ceux qui
s'y conforment.
Néanmoins, les réformes à réaliser pour les PME ne doivent pas venir
uniquement d'« en haut », c'est-à-dire de l'Etat, sous forme d'aides ou de
mesures comme celles qui sont contenues dans le DDOEF.
Ces réformes doivent s'organiser au niveau du terrain ; c'était le sens de mon
interrogation à l'orateur qui m'a précédé à cette tribune.
Il me semble que n'a pas été encore suffisamment intégrée l'idée, au niveau
des pouvoirs publics, que les défaillances de PME, surtout dans les toutes
premières années de leur vie, viennent de ce que celles-ci sont insuffisamment
préparées pour affronter le marché dans lequel elles s'intègrent.
Il ne suffit donc pas de créer son entreprise, encore faut-il se donner les
moyens de la faire perdurer au-delà des premières années, durant lesquelles on
bénéficie d'aides fiscales ; encore faut-il qu'il y ait un projet et que le
chef d'entreprise soit suffisamment formé pour assurer les fonctions qui sont
les siennes ; à défaut, encore faut-il avoir la possibilité de se faire
accompagner dans sa gestion par des aides extérieures permettant d'assurer un
service de conseil en matières fiscale, comptable, stratégique, par exemple.
Alors que 1 200 000 entreprises n'ont aucun salarié, près d'un million
d'entreprises commerciales ou artisanales ne disposaient, il y a peu, ni de
conseil ni de comptable. Cette situation doit nous conforter dans l'idée qu'il
faut mettre en place des outils permettant aux entreprises, notamment aux plus
fragiles, c'est-à-dire bien souvent les PME, d'être accompagnées dans la
gestion globale de leurs affaires au travers de structures en lesquelles elles
se reconnaissent pour leur faire confiance et progresser dans leur adaptation.
Je pense aux structures associatives.
Face à ce constat, je n'ai pas l'impression que les pouvoirs publics s'y
prennent de la bonne manière, au vu des travaux menés par un inspecteur des
finances, à la demande du ministère des finances, sur la réforme des
professions comptables, travaux qui me laissent quelque peu amer.
Il est grand temps de comprendre que les PME ne sont pas un « marché » pour
certaines professions et qu'il convient de prendre en compte leurs
préoccupations. Le conflit qui existe depuis longtemps entre les
experts-comptables et les centres de gestion sur le champ de leurs compétences
me semble stérile. J'aimerais que l'on puisse avancer sur cette question de
manière positive, c'est-à-dire qu'on puisse dépasser la question. Il y va du
renforcement du réseau - toujours d'actualité - qui doit être encore mieux
développé et dont dépendent notamment la réussite de la lutte contre le chômage
et l'aménagement du territoire.
Je souhaite maintenant prendre date pour la prochaine loi de finances. Le
groupe socialiste s'est abstenu de faire, aujourd'hui, des propositions sur les
réformes fiscales que nous jugeons pourtant bon d'engager à l'avenir.
Néanmoins, notre réflexion s'est engagée depuis quelques semaines dans un
certain nombre de directions.
En matière de fiscalité du patrimoine, il nous semble incontournable de
s'orienter vers une imposition à l'ISF de l'outil de travail.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Ah !
M. René Régnault.
En matière de fiscalité écologique, il nous semble nécessaire d'encourager
fiscalement les produits pouvant être considérés comme propres ou les produits
ou services ayant une action sur l'environnement ou la qualité de vie. Mais
a contrario
nous encouragerions à mettre fin aux régimes fiscalement
trop favorables aux produits polluants.
En matière fiscale, notre groupe présentera des propositions concernant le
secteur associatif prenant en compte les conclusions du rapport qui a été
récemment déposé sur le bureau du Premier ministre. Nous sommes sensibles aux
préoccupations de ce secteur auquel nous avons toujours porté beaucoup
d'attention ; nous voulons lui réserver un sort particulier, sachant qu'il est
un élément important de notre démocratie.
Ce projet de loi portant DDOEF, comme c'est la loi du genre, permet d'aborder
de nombreuses questions, parfois sans grand lien entre elles.
S'agissant de la fonction publique territoriale, au-delà de l'amendement
qu'avec mon collègue Jacques Mahéas nous avons déposé et qui vise à légaliser
les avantages de rémunérations acquis collectivement avant le 26 janvier 1984,
dès lors qu'ils seront réintégrés dans les budgets des collectivités
territoriales ou leurs établissements publics, j'aurais aimé - j'attire
solennellement l'attention du Gouvernement sur ce point - que l'ensemble des
avantages de cette nature - il s'agit pour l'essentiel du treizième mois -
accordés au jour de la publication de ce DDOEF soient pris en compte dès lors
qu'ils seraient intégrés immédiatement dans les budgets, c'est-à-dire au plus
tard dans ceux de 1998.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si nous pouvions progresser en ce sens, au
travers de ce débat, je crois que nous apporterions des apaisements attendus et
résoudrions ainsi un problème épineux que nous traînons depuis bientôt quinze
ans.
(M. Daniel Hoeffel acquiesce.)
Mon propos me conduit, en ma qualité de président du comité national d'action
sociale, le CNAS, gérant l'action sociale de plus de 204 000 agents appartenant
à plus de 7 400 collectivités, à me réjouir du développement de cette action
sociale et de sa reconnaissance de plus en plus affirmée par les uns et les
autres, notamment par les pouvoirs publics.
L'accord salarial bi-annuel signé le 10 février 1998 prévoit explicitement
qu'une mission d'inspection générale sera conduite - elle est en cours - et
visera à donner un cadre juridique à cette action sociale des territoriaux.
Je souhaite en effet que cette mission - pour ma part, je m'emploierai à
faciliter sa tâche - débouche au plus vite. Elle permettra au CNAS, organisme
paritaire et pluraliste, de poursuivre son développement.
Nous procédons actuellement à sa réorganisation en fonction d'objectifs fondés
sur d'importants développements à venir, voire la généralisation.
Cette réorganisation s'appuie sur quatre principes fondamentaux : la
souveraineté, l'autonomie, l'unité, et la spécificité. Ce cadre juridique doit
aussi apporter toutes réponses tranquillisantes aux élus comme aux agents
interpellés par les contrôles des chambres régionales des comptes. Il faut
clarifier les situations et lever toutes les inquiétudes liées aux risques de
qualification des gestionnaires de fait et autres.
Le débat à l'Assemblée nationale a permis de mettre à jour deux
préoccupations.
La première est liée aux budgets annexes et à leur multiplication, conséquence
de l'application de la M 14 notamment. Elle entraîne des lourdeurs, de la
paperasserie, dans les petites collectivités.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les sénateurs socialistes partagent cette
préoccupation. Nous vous demandons d'accueillir favorablement nos propositions
de simplifications, y compris pour le service public des pompes funèbres,
surtout, je le répète, pour les petites communes de moins de 3 000
habitants.
Je propose notamment que, dans le cadre de la réglementation relative à la
mise en place de la M 14, ces simplifications et assouplissements soient
retenus. Votre avis sur cette suggestion, auquel je serai attentif, sera
apprécié. Mais, déjà, il est très attendu.
J'en arrive à la seconde préoccupation : il s'agit de l'article 56, introduit
par l'Assemblée nationale. Un patrimoine important - églises, chapelles,
presbytères - servant à l'exercice du culte existe dans nos communes, alors
que, par ailleurs, l'usage en est moins fréquent, les prêtres et les missions
pastorales se faisant plus rares et étendant leur mission à plusieurs communes.
Mon département a profondément remanié son organisation pour déboucher, entre
autres, sur des paroisses à plusieurs clochers.
Ce patrimoine est souvent propriété publique et très souvent propriété
communale. Le problème de la conservation, de l'entretien et de la gestion de
ce patrimoine à des fins cultuelles mais aussi culturelles se pose. Le bon
niveau d'approche est très souvent intercommunal, en milieu rural au moins.
Vouloir qu'il en soit ainsi et l'encourager est une bonne idée, que, pour ma
part, je soutiendrai.
Le transfert de ce patrimoine à l'intercommunalité n'est pas indispensable
pour satisfaire l'objectif que je viens de fixer. C'est pourquoi cet article 56
me semble inopportun. Il ne manquerait pas de renvoyer à la loi de 1905
notamment et d'éveiller des passions.
Je plaide donc avec le groupe socialiste pour que cet article soit revu et
corrigé dans le sens que j'ai indiqué.
M. Claude Estier.
Très bien !
M. René Régnault.
Trois points ont également retenu notre attention.
Le premier concerne la taxe additionnelle à la taxe d'équarrissage.
Les maires sont responsables de la salubrité dans leur commune ; si, en 1996,
le Parlement s'est entendu sur la disposition que nous connaissons - un seul
groupe s'était abstenu - c'est parce que la solution que nous avons mise sur
pied est celle qui préserve le mieux l'ensemble des intérêts en présence. Nous
ne voulions pas que les maires des communes situées dans des zones d'élevage
soient confrontés à la présence de cadavres d'animaux sur leur territoire,
alors qu'il leur reviendrait de procéder à leurs frais à l'élimination de
ceux-ci, au nom de la responsabilité qui est la leur en matière de salubrité.
Nous n'avons pas voulu cela, et nous nous sommes mis d'accord sur le texte
instituant la taxe d'équarrissage et fixant son assiette, qui a été adopté.
Nous abordons aujourd'hui un point particulier, celui de l'élimination des
farines animales. Le Gouvernement nous indique qu'il s'agit d'un problème
momentané, qui se posera pour une durée déterminée, et il nous propose de
recourir à une taxe additionnelle. Le débat que nous avons engagé, y compris en
commission des finances
(M. le président de la commission des finances opine)
a abouti à
l'approbation d'un relèvement du seuil d'éligibilité à cette taxe
additionnelle. Cette solution nous paraît aujourd'hui la plus conforme à notre
histoire, celle que nous avons écrite voilà deux ans, et à la situation qui
s'impose à nous.
Voilà pourquoi nous nous sommes, en ce qui nous concerne, ralliés à la
proposition du Gouvernement, amendée par la commission des finances.
S'agissant de la desserte gazière et de la distribution du gaz, nous avons là
aussi accepté le dispositif qui nous est proposé, mais nous aimerions que des
modifications lui soient apportées. En effet, nous souhaiterions, d'une part,
que le plan de desserte gazière fasse l'objet d'une consultation préalable du
Conseil supérieur de l'électricité et du gaz, d'autre part, qu'un rapport
annuel sur le développement de cette desserte soit présenté au Parlement.
Dans le même temps, monsieur le secrétaire d'Etat, nous demandons au
Gouvernement, et en particulier au ministre de tutelle de GDF, d'inciter
l'entreprise publique à développer davantage la desserte gazière. Concrètement,
nous vous demandons de revoir encore un peu à la hausse le montant de
l'enveloppe que vous avez annoncé voilà déjà quelques semaines à nos collègues
de l'Assemblée nationale.
S'agissant des pylônes pour la téléphonie mobile, je dirai seulement que je ne
comprends pas l'argument selon lequel il y aurait sanction du milieu rural.
Je suis un usager. J'ai souvent dit aux vendeurs, aux distributeurs, aux
responsables de réseau : si disposer d'un téléphone mobile, c'est bien, je ne
téléphone pas de mon jardin à un interlocuteur situé dans un jardin de la même
zone urbaine ! Je téléphone de partout, y compris lorsque je suis dans le
milieu rural.
En conséquence, s'il n'y avait pas de pylône en milieu rural, pour les raisons
que j'ai entendues, notamment cet après-midi, j'en serais très étonné ; je sais
au moins une chose : ce sont les opérateurs qui seront les premiers sanctionnés
! Mais nous suivrons ce débat avec tout l'intérêt qu'il mérite.
J'en viens aux dispositions importantes de l'article 39, qui modifie les
modalités d'évaluation de la puissance administrative de certaines catégories
de véhicules. La formule était, il est vrai, complexe, et une autre formule a
été recherchée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez déposé le rapport que vous aviez
promis. Cela vous honore et nous vous en remercions.
Le dispositif que vous nous proposez, cela a été démontré, est de peu
d'effets. L'amendement de notre collègue M. Peyronnet visera à aller plus loin
dans le sens d'une politique d'amélioration de l'environnement, de la santé
publique, tout en introduisant un peu plus d'équité entre les usagers de
véhicules à moteur.
Notre groupe se réjouit aussi de la prise en compte du problème posé par
l'excessive localisation de la taxe différentielle dans un département que je
ne citerai pas, mais dont tout le monde a le nom à l'esprit.
Le Gouvernement fait des propositions ; nous en présenterons une relative au
lieu d'établissement du véhicule. Nous souhaitons que vous nous précisiez ce
que recouvre l'expression que vous avez retenue sur le plan juridique. Si elle
est satisfaisante, nous nous y rallierons.
Je dirai maintenant quelques mots des collectivités locales car vient le
moment de la sortie du pacte de stabilité, et nous savons que vous y
travaillez.
Vous savez quelles ont été les conséquences de ce pacte pour nos collectivités
territoriales, ce qu'elles y ont perdu - un pacte que, d'ailleurs, soit dit en
passant, elles n'avaient pas signé.
Ce qu'elles veulent, s'agissant des dispositions à venir, c'est, d'une part,
être associées au produit et au bénéfice de la croissance et, d'autre part, que
les demandes qui pourraient leur être faites en matière de charges nouvelles
soient intégralement compensées et que, par ailleurs, la péréquation retrouve
toute sa réalité.
Enfin, s'agissant de la justice et de la solidarité, elles attendent, comme le
groupe socialiste du Sénat attend, tout en y travaillant, une plus grande
justice en matière de fiscalité locale, et ce non seulement entre les divers
contribuables, mais aussi entre les différentes collectivités locales.
Nous attendons aussi, et nous travaillons en ce sens, le développement d'une
plus grande solidarité devant intégrer une péréquation renforcée en direction
de l'intercommunalité. Nous attendons en particulier que soit prise en compte
la taxe professionnelle, notamment la taxe professionnelle d'agglomération.
Quant à la taxe d'habitation, il nous semble, là aussi, qu'il n'est plus
possible de persister à faire supporter aux contribuables des inégalités telles
que celles que nous connaissons, et que vous connaissez. Pour notre part, nous
travaillons déjà dans cette voie, et nous espérons que le Gouvernement nous
présentera prochainement des dispositions corrigeant ces inégalités.
Si c'est bien le cas, il pourra compter sur la collaboration active - parfois
critique - du groupe socialiste du Sénat. Il en sera ainsi dès aujourd'hui avec
le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
cette année encore, le Gouvernement présente un projet de loi portant diverses
dispositions économiques et financières.
Ce texte, que l'on pourrait aisément qualifier de « fourre-tout », monsieur le
secrétaire d'Etat, contient des mesures variées allant de la simplification
administrative aux modifications relatives au secteur public, en passant par
l'adaptation de notre législation à l'euro.
On le comprend bien, ce projet de loi permet au Gouvernement de faire adopter
toutes sortes de dispositions que l'on n'a pas pu, que l'on n'a pas su ou que
l'on n'a pas voulu adopter à l'occasion du vote de la loi de finances
annuelle.
Mais le DDOEF de cette année traite de problèmes intéressants, et il est, à
mon avis, l'un des meilleurs de la décennie.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'est un bon cru !
M. François Lesein.
Tout d'abord, le Gouvernement a eu la judicieuse idée de présenter à
l'Assemblée nationale un texte remarquable par sa brièveté. Mais l'Assemblée
nationale y a ajouté quinze articles supplémentaires, ouvrant tout
naturellement la voie à une « inflation » sénatoriale, qui, en règle générale,
est de bon goût.
(Sourires.)
En outre, les dispositions relatives à la simplification administrative, à la
préparation à l'euro et à l'évolution du secteur public déterminent clairement
les orientations de la politique économique du Gouvernement.
Pour parvenir aux objectifs de croissance et d'emploi, ce dernier a choisi de
mettre l'accent sur des mesures techniques fondées sur une certaine vision de
la conjoncture économique dans nos entreprises et, plus généralement, en
Europe.
Par ailleurs, le Gouvernement a proposé des mesures permettant de simplifier
certaines formalités pour les entreprises.
L'intention est certes louable, mais elle n'est pas nouvelle : tous les
gouvernements l'ont manifestée, et ce depuis fort longemps.
Pour ma part, j'aurais préféré que le Gouvernement fasse preuve d'un peu plus
d'ambition, en incluant, comme l'a suggéré notre collègue M. André Jourdain,
des dispositions relatives à la simplification des relations entre
l'administration et ses usagers.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de vos déclarations sur ce
thème. Mais elles n'apaisent pas mes craintes. En effet, vos services, et de
nombreux autres, trop souvent, ne savent pas ou ne souhaitent pas faire simple,
alors qu'ils savent faire compliqué, on le sait.
Certaines dispositions n'ont pas manqué de soulever certains désaccords.
Tout d'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez introduit un article
instaurant une taxe additionnelle à la taxe sur les achats de viande. Tout
comme mon collègue Bernard Joly, je m'étonne d'une telle mesure. En effet, je
vois mal comment on pourrait concilier la légitime volonté d'assouplir les
procédures administratives pour nos entreprises et l'intention clairement
exprimée d'augmenter arbitrairement les charges de certaines petites et
moyennes entreprises par le paiement d'une taxe supplémentaire.
Ce dispositif est d'autant plus injuste que les commerçants et les artisans
spécialisés dans la vente au détail de viande et ceux qui s'occupent de la
transformation et de la distribution ont toujours été opposés aux méthodes
industrielles, qui présentent des carences et qui ne sont pas suffisamment
contrôlées.
Chaque année, depuis dix ans, l'académie de médecine a alerté le Président de
la République, le Premier ministre et le ministre de la santé de l'époque sur
les ravages possibles de l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB. Pourtant,
à ma connaissace, il n'y a jamais eu de réponse.
Dans un autre domaine, le Gouvernement a souhaité modifier certaines
dispositions relatives au service public de la distribution de gaz.
L'Assemblée nationale a adopté un texte aux termes duquel seules pourront être
agréées comme opérateurs de distribution, dans les communes qui ne disposent
pas d'un réseau public de gaz naturel et qui ne figurent pas dans le plan de
desserte triennal, les sociétés dans lesquelles l'Etat détient une partie du
capital.
Monsieur le secrétaire d'Etat, une telle disposition favoriserait le monopole
de Gaz de France, ce qui serait contraire aux directives européennes.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas associer aux sociétés dans lesquelles
l'Etat détient une part du capital celles dont le capital serait en partie
détenu par des collectivités territoriales ou des groupements de communes ? Il
me semblerait normal d'autoriser les communes ou leurs groupements à entrer
dans le capital de sociétés de distribution desservant leur territoire. J'ai
donc déposé un amendement tendant à rétablir, pour les communes, la possibilité
de choisir entre Gaz de France et le secteur libre.
De plus, monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi ne pas copier le système des
syndicats de distribution d'énergie électrique, qui ont permis, depuis plus de
soixante-quinze ans maintenant, d'instaurer plus de justice, de réaliser nombre
de progrès pour la distribution d'électricité dans les zones rurales et qui ont
ainsi participé avec intelligence à l'aménagement du territoire ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, on le voit bien, le projet
gouvernemental sera l'occasion pour le Parlement d'enrichir et de modifier des
mesures souvent techniques afin de mieux préparer notre pays à affronter les
défis économiques du troisième millénaire. Il permettra notamment d'accompagner
au mieux l'euro que les onze Etats associés à sa naissance viennent de porter
sur les fonts baptismaux.
Ce DDOEF est en progrès par rapport à certains autres, c'est exact. Néanmoins,
il ne simplifie pas assez les relations entre les administrés, notamment les
maires et les services administratifs.
Depuis 1971, je suis maire, et je puis vous assurer que la courbe de
production des circulaires s'apparente sinon à une courbe du troisième degré,
du moins à une courbe logarithmique.
(Applaudissements sur les travées du
groupe du Rassemblement démocratique et social européen et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de loi qui nous est soumis suscite notre perplexité, des interrogations,
des inquiétudes, mais aussi des oppositions.
Notre perplexité est grande de voir une synthèse se dégager - c'est l'essence
même d'un projet de loi - entre des dispositifs qui pourraient faire l'objet de
textes autonomes. En effet, la simplification administrative est une chose, le
passage à l'euro en est une autre et la pratique de nouvelles privations une
troisième. Enfin, toute une série de mesures particulières, éclectiques, de
type parfois réglementaire, sont bien secondaires par rapport à ces trois
premiers types de dispositions.
Nous ne portons donc pas un jugement global sur les soixante-deux articles de
ce projet de loi. Nous en approuvons certains, mais nous sommes sévères pour
d'autres. Par ailleurs, nous proposons des dispositions qui ont déjà été
défendues par notre groupe à l'Assemblée nationale.
Nos amendements porteront principalement sur deux sujets.
En premier lieu, ils tendront à remédier à l'insuffisance des moyens de
l'éducation nationale pour remplir ses missions en Seine-Saint-Denis. Nous
proposerons donc la création des 800 postes budgétaires pour la rentrée de 1998
promis par M. le ministre de l'éducation nationale afin d'éviter toute
tentative de redéploiement. Des moyens nouveaux doivent clairement figurer dans
le budget.
En second lieu, ils viseront à éviter la ghettoïsation des cités HLM et à
conserver la mixité de l'habitat, à faire vivre ensemble des catégories
différentes d'habitants. Nous proposerons ainsi de revaloriser de 50 % les
plafonds catégoriels de ressources fixés pour l'attribution de logements
HLM.
Par ailleurs, nous nous interrogeons sur le caractère libéral de bien des
mesures qui sont en contraste, selon nous, avec le choix fait par le peuple
français voilà un an.
Ainsi M. Lambert écrit-il dans son rapport, concernant les dispositions
relatives à la simplification administrative, que les mesures sont libérales
puisqu'il s'agit de réduire les formalités qui frappent les entreprises.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
C'est un compliment ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Nous sommes peut-être d'accord sur le constat ; en revanche, nous sommes en
complet désaccord avec votre jugement qui vous conduit à considérer le «
dispositif comme excellent ». La raison en est fort simple : nous pensons en
effet que l'allégement de la gestion administrative sera favorable au
partenariat des PME et des PMI, aux services de l'Etat et aux organismes
sociaux, un point c'est tout.
Ainsi, à l'article 5, proposerons-nous de supprimer la mesure qui étend la
procédure des emplois occasionnels. Nous pensons en effet qu'il faut mettre fin
aux conditions précaires de travail que connaissent de plus en plus de salariés
et non pas les généraliser.
La réduction des charges sociales pour les plus grandes entreprises a des
effets pervers.
De plus, les dispositions particulières en matière de TVA sont trop
ponctuelles. Elles ne portent notamment ni sur la nécessité de revenir au taux
de 18,6 % ni sur celle de réduire le taux de la TVA sur les produits de
première nécessité.
La commission se donne bonne conscience en faisant resurgir le problème de la
TVA applicable au titre des déchetteries ou des réseaux de chaleur utilisant le
bois de chauffage.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Parce qu'il y a un problème !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Notre groupe considère que la réduction de taux de TVA sur les produits de
première nécessité serait un stimulant pour la consommation, donc pour
l'activité.
Nos interrogations portent également sur l'application de la loi sur les 35
heures, qu'il faut dynamiser.
Accélérer le processus de façon peut-être plus directive pourrait se traduire
- et j'espère que tel est l'objectif du Gouvernement - par la création de
milliers d'emplois et la progression du pouvoir d'achat des salariés.
Mais nos interrogations font place aux inquiétudes, du fait du passage à
l'euro. La réduction du déficit entraîne la réduction des dépenses et même le
transfert de tout ou partie de la croissance. Les lettres de cadrage
entraîneront, pour la plupart des budgets, des stabilisations, voire des
réductions de crédits.
Nous ne voterons pas le titre II du projet de loi, confirmant ainsi nos
positions contre la monnaie unique, mais aussi contre les nouveaux statuts de
la Banque de France.
Deux articles nous inquiètent principalement.
L'article 15, tout d'abord, qui porte sur l'émission des titres de dette
publique indexés sur l'inflation. C'est une innovation à examiner de près pour
en tirer toutes les conséquences.
L'article 30, ensuite, vise un dispositif de rachat-destruction de parts
sociales pour des entreprises où la réduction du capital ne proviendrait pas
d'une accumulation de pertes. Ce dispositif est destiné à valoriser le
rendement des fonds propres par une distribution plus importante de dividendes.
La majorité de la commission des finances est satisfaite par un tel dispositif
qui s'éloigne d'une politique de gauche pour retrouver les systèmes des
stock options
en attente de rentabilité.
Nos inquiétudes font place à des oppositions sur le titre III, relatif au
devenir du secteur public.
L'acharnement contre le secteur public s'amplifie avec le passage à l'euro.
Depuis plusieurs années, des mesures sont proposées, visant soi-disant à
améliorer le secteur public. Toutes visent, en fait, à le réduire, à le
démanteler, ouvertement ou insidieusement.
Tel est l'objet du titre III, que je laisse le soin à mon ami Pierre Lefebvre
d'analyser.
A ce sujet, je précise cependant que nous demanderons au Sénat d'abroger la
loi de privatisation du 19 juillet 1993 et de supprimer l'article 35 en
proposant de maintenir le monopole de distribution du gaz afin de pouvoir
répondre aux besoins de développement de la desserte en gaz sur tout le
territoire national.
Nous proposerons également de nationaliser le service de l'eau par la création
d'un grand service public et national. La Générale des eaux et la Lyonnaise des
eaux se disputent un secteur marqué par les insuffisances, la pollution, la
cherté du service. Rendre ce service cohérent, rationnel au service de l'homme
et de la nature implique la responsabilité de l'Etat et non la recherche des
profits.
Dans le même souci de l'intérêt national, nous défendrons des amendements de
non-privatisation du Crédit Lyonnais et de non-privatisation d'Air France.
D'autres amendements visent à mettre un terme au gâchis résultant du bradage du
secteur public depuis 1993, à favoriser le service public aérien, et
s'inscrivent, nous le disons clairement, contre les injonctions de la
Commission européenne.
Nous n'admettons pas, et c'est l'expression d'un désaccord, monsieur le
secrétaire d'Etat, le dispositif proposé de cessions d'actions au personnel
d'Air France en échange d'une baisse de leurs salaires, pas plus que nous
n'admettons une sanction quelconque contre un pilote de ligne trouvant dans
cette proposition un marché de dupes.
M. Lambert, qui ne s'y trompe pas, défend cette privatisation.
(M. Lambert
fait un signe d'approbation.)
Il écrit : « Le maintien d'Air France dans le
secteur public n'a pas fini de dévoiler ses conséquences financières néfastes.
Seule une privatisation est de nature à apporter une solution satisfaisante aux
difficultés financières suscitées par le maintien d'Air France dans le secteur
public. » Mais M. Lambert ajoute que « la privatisation représente une solution
aux problèmes de gestion ». Vous rejetez, monsieur le rapporteur, la
proposition du Gouvernement, la jugeant insuffisante en matière de
privatisation, mais vous l'approuvez dans son principe et son extension.
Dans le même esprit, nous nous opposons à la privatisation de la Société
nationale des poudres et explosifs, la SNPE, tout comme nous nous opposons à
celle de la Caisse nationale de prévoyance-Assurances, la CNP-Assurances. Nous
voulons le développement d'un outil public d'assurance des particuliers.
Le Gouvernement propose de prolonger de dix ans la période durant laquelle des
fonctionnaires de l'Etat en activité à la CNP-Assurances peuvent être mis à la
disposition de cette entreprise. M. le rapporteur est d'accord avec cette
proposition, bien entendu, et les personnels de la CNP y sont opposés, même si
leur lutte a permis d'obtenir ce délai de dix ans. Ils sont 1 000
fonctionnaires de la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, travaillant à
la CNP, le souhaitant, et possédant une formation professionnelle de haut
niveau. Ils souhaitent rester en fonctions à la CNP. Pourquoi, monsieur le
secrétaire d'Etat, leur refusez-vous, à terme, ce droit ?
La France a besoin d'un service populaire et national de prévoyance, dont sept
millions de Français en situation de précarité ou en voie de précarisation sont
exclus. La CNP est investie d'une nouvelle mission de service public. En
voulant limiter la durée de travail des personnels de la CDC à la CNP, ne
va-t-on pas, par alignement sur les pratiques européennes de libre concurrence
entre les sociétés d'assurances, démanteler la CNP et priver l'intérêt national
de missions de prévoyance sociale ?
Au sujet des privatisations, une redéfinition de la politique du Gouvernement
s'impose, monsieur le secrétaire d'Etat. Comment envisagez-vous le rôle de
l'Etat dans le secteur public ? Il doit être redéfini, et nous ne pouvons pas
nous satisfaire d'une politique au coup par coup. Le parti socialiste le
reconnaît, qui envisage une convention nationale à l'automne sur cette
question.
Pour nous, le choix est clair : l'Etat doit conserver toutes ses
responsabilités dans le secteur public et un débat national doit s'ouvrir. Nous
espérons, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous nous retrouverons.
L'application de la monnaie unique laisse percevoir une diminution de 5 000 à
10 000 emplois tout de suite dans les services financiers, les banques, les
assurances. Votre projet de loi est peut-être la première étape - l'avenir le
dira - de cette nouvelle marche forcée vers l'Europe libérale et des
banques.
Ne serait-ce que pour cette raison, nous ne pouvons l'approuver, et je le
regrette, monsieur le secrétaire d'Etat.
(Applaudissements sur les travées
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Camoin.
M. Jean-Pierre Camoin.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
tout d'abord, laissez-moi exprimer le regret que le calendrier parlementaire
n'ait pas permis au Sénat et à l'Assemblée nationale de débattre de sujets
économiques et financiers depuis l'examen du projet de loi de finances pour
1998 et du projet de loi de finances rectificative pour 1997.
Mais nous nous réjouissons de l'annonce faite par le Gouvernement qu'un débat
d'orientation budgétaire se tiendra dans quelques semaines. Cette heureuse
pratique, dont la paternité doit être attribuée au président de la commission
des finances, M. Christian Poncelet, à notre rapporteur général, M. Alain
Lambert, et à notre collègue M. Jean Arthuis, alors ministre de l'économie et
des finances, doit être saluée comme une occasion pour le Sénat d'exercer
toutes ses prérogatives de contrôle du Gouvernement en matière budgétaire.
Sans vouloir lancer d'ores et déjà le débat sur le budget, force est de
constater que les analyses les plus récentes du Crédit local de France pour
l'année 1998 corroborent, en ce qui concerne l'évolution des prélèvements
obligatoires locaux, le scénario annoncé par le Sénat, plutôt que celui qui est
prévu par le Gouvernement.
Rappelons que, pour le Gouvernement, le taux des prélèvements obligatoires par
rapport au PIB devait baisser, grâce à une diminution des prélèvements
obligatoires des collectivités locales de 0,1 % par rapport au PIB.
Or le Crédit local de France vient d'annoncer une légère augmentation du poids
de la fiscalité locale dans le PIB en 1998, laquelle est due à une progression
de 4,5 % des recettes fiscales des collectivités locales.
A l'évidence, les prévisions du Gouvernement pour l'évolution des prélèvements
obligatoires par rapport au PIB sont en passe de ne pas se concrétiser et les
illusions dénoncées par le Sénat se révèlent exactes.
Dans le même ordre d'idées, bien d'autres choses sont à dire sur les
conséquences pour la France de l'excès d'optimisme budgétaire et les erreurs de
choix du Gouvernement, mais nous en reparlerons à l'occasion du débat
d'orientation budgétaire.
Le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier
qui nous est soumis aujourd'hui comprend cinq parties d'inégale longueur. Il
n'est pas question de reprendre ici chacun des soixante-deux articles du texte
adopté à l'Assemblée nationale, aussi intéressants soient-ils. M. Lambert,
rapporteur, l'a excellemment bien fait dans son rapport, dont je salue la
clarté et la qualité. Je remercie aussi le président de la commission des
finances, sous la bienveillance duquel nos débats en commission sont si
fructueux.
Pour ce qui concerne les mesures de simplification administrative du projet de
loi, il faut tout d'abord rappeler que le principe de la simplification
administrative va dans le sens des priorités exprimées par le Président de la
République et de l'intérêt des entreprises qui en font la demande.
Les gouvernements Balladur et Juppé ont emprunté les premiers les voies de la
simplification administrative par l'instauration de mesures telles que la
déclaration unique d'embauche, la déclaration sociale unique, le contrat unique
d'apprentissage, pour ne citer que les principales.
Les propositions du Gouvernement sont sympathiques, mais, le plus souvent,
elles sont soit insuffisantes soit source de complications supplémentaires, ce
qui peut sembler un peu paradoxal.
L'article 7 substitue une déclaration annuelle des cotisations patronales à la
mention mensuelle sur les bulletins de paie. Est-ce simplifier que de
transférer en fin d'année une tâche mensuelle ?
Peut-on parler de simplification, alors que la plupart des employeurs ont soit
informatisé soit externalisé leur système de paie ? Monsieur le secrétaire
d'Etat, une telle mesure ne permet-elle pas d'éviter que les salariés ne
puissent avoir connaissance de la réalité des cotisations patronales acquittées
par leurs employeurs ? C'est la question que l'on peut se poser !
La simplification administrative ne doit pas masquer la réalité de la
situation des PME françaises. Ce dont celles-ci ont besoin, c'est une baisse
urgente des charges sociales et fiscales qui pèsent de façon insupportable sur
leur gestion.
On observe là un paradoxe de la politique gouvernementale, qui souffle, d'un
côté, le chaud en présentant des « mesurettes » de simplification et, de
l'autre, le froid sur les mêmes entreprises en augmentant les impôts et en
remettant en cause les dispositifs de baisses de cotisations sur les bas
salaires initiés par le précédent gouvernement.
Souvenons-nous du budget pour 1998. Les effets sur les associations d'aide à
domicile de la diminution du plafond de la rémunération en deçà duquel
s'applique la ristourne dégressive sur les salaires sont dramatiques.
L'alourdissement du coût du travail qui en résulte est tel que de nombreux
licenciements sont à craindre dans ce secteur.
La majorité plurielle a alerté le Gouvernement sur l'urgence de la situation.
La réponse est décevante. Pendant que la mission des inspections générales des
affaires sociales et des finances dresse son bilan, les associations d'aide à
domicile continuent de s'enfoncer dans des situations inextricables.
C'est pourquoi de nombreux membres de notre groupe ont souhaité ne pas rester
inactifs et ont déposé un amendement qui compensera pour ces associations les
conséquences dramatiques du projet de loi de finances pour 1999.
Pour ce qui concerne le passage à l'euro, il faut souligner que les mesures
qui préparent les entreprises françaises à ce passage à l'euro sont nécessaires
et utiles en matières comptable, juridique et financière. M. Philippe Marini,
rapporteur du titre II, au nom de la commission des finances, a parfaitement
analysé ces dispositifs dans son rapport, et je tiens à le féliciter pour la
qualité de son travail.
Après le basculement de notre économie vers l'euro le 1er janvier prochain,
c'est dès le 4 janvier 1999 que la place financière de Paris passera à l'euro.
Les indices boursiers nationaux disparaîtront au profit d'indices européens.
M. le président.
Mon cher collègue, je vous prie de m'en excuser, mais je suis contraint de
vous interrompre quelques instants.
M. Jean-Pierre Camoin.
Je vous en prie, monsieur le président.
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