Séance du 14 mai 1998
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Ma question concerne les hôpitaux de proximité.
L'idée répandue selon laquelle les malades seraient moins bien soignés dans une petite structure que dans une grande, parce que les médecins font moins d'actes et sont donc moins compétents, ne reflète pas la parfaite réalité.
Selon une étude de l'Association de petites villes de France, sur 600 accouchements, une sage-femme en effectue 54 dans une grande structure contre 62 dans une petite. La mortalité périnatale y est également plus basse : 3,84 contre 8,3 en moyenne sur le territoire.
L'autre idée selon laquelle les petites structures coûtent cher fait également long feu : les hôpitaux de proximité représentent seulement 20 % du coût hospitalier.
Il s'agirait plutôt de mieux répartir l'enveloppe : on dépense 2 170 francs par habitant en Ile-de-France pour faire fonctionner un centre hospitalier régional contre 597 francs en Poitou-Charentes ; pourtant, la carte sanitaire de la région Poitou-Charentes fait apparaître une insuffisance notoire de lits.
M. Jean-Pierre Raffarin. Ça, c'est vrai !
M. Philippe Arnaud. Par ailleurs, si les compétences existent, le seuil des 300 accouchements prévu dans les décrets ne peut pas être retenu comme référence pour un certain nombre d'établissements.
Je tiens, monsieur le secrétaire d'Etat, à attirer votre attention sur la situation de la maternité de l'hôpital de Barbezieux, en Charente. Cet hôpital possède un plateau technique des plus performants ; pourtant, il pratique moins de 300 accouchements par an.
Que va-t-il devenir dans ce schéma ?
Le vrai problème ne serait-il pas lié au déficit de certaines professions médicales, comme les gynécologues-obstétriciens ou les anesthésistes-réanimateurs, plus qu'à l'équipement des petites unités ? Ainsi, sur le territoire national, il manque près de 500 anesthésistes, et il n'en est formé que 100 par an.
En conséquence, si rien n'est fait, tous les hôpitaux de proximité risquent d'être condamnés à terme, du fait du manque de médecins spécialistes.
Quelles solutions envisagez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour améliorer le recrutement de ces filières et pour donner la possibilité aux petites structures de fonctionner efficacement ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Excellente question !
M. Philippe François. C'est la province qui parle !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le sénateur, deux minutes et demie pour vous répondre sur ces trois sujets majeurs, c'est peu !
J'ai lu avec attention la publication de l'Association des petites villes de France ; c'est d'ailleurs l'un de mes livres de chevet !
Mais il n'est à mon avis pas possible d'effectuer des comparaisons à partir du seul nombre de 600 accouchements ; il faut en effet comparer les pathologies, les risques, les différentes grossesses.
Par ailleurs, je n'ai jamais dit - bien au contraire ! - que les petites structures n'étaient pas utiles. J'ai tout simplement déclaré qu'il convenait de mettre en réseau les petites, les moyennes et les grandes structures, ce que je ne peux faire sans votre accord ou tout au moins sans un débat.
Pour répondre à votre préoccupation, la maternité de Barbezieux n'est nullement menacée. Il est simplement demandé une mise en réseau et le rapprochement de la maternité d'Angoulême et de celle de Barbezieux, dans un souci de complémentarité. J'espère que ce rapprochement se produira afin que les futures mères de Barbezieux et des alentours soient prises en charge dans les meilleures conditions possible et au mieux des possibilités de ces structures.
Des niveaux de compétences ont été établis par circulaire pour les établissements, s'agissant de l'obstétrique et de la cancérologie. C'est cela qui compte ! Les petites structures, si elles sont indispensables, ne sont pas menacées, à leur niveau de compétence. Il y aura un niveau 2 pour les accouchements présentant plus de risques pour la mère et pour l'enfant, et, enfin, un niveau 3 lorsqu'une réanimation lourde sera nécessaire. C'est cette espèce de complémentarité nécessaire qu'il convient de développer, monsieur le sénateur, et je serai à vos côtés pour que nous le fassions ensemble.
On parle toujours de ce qui va mal, et, dans le cas présent, l'hôpital dans lequel des réformes sont envisagées se rebelle, faute de discussions préalables suffisamment approfondies et parce qu'il faut du temps pour mettre en place la réforme. Mais j'ai connaissance tous les jours d'heureuses mises en réseau d'établissements dans certaines régions. Or, bien évidemment, personne n'en parle !
La dernière partie de votre question est très importante, monsieur le sénateur.
Les petites structures pâtiront encore plus que les moyennes et les grandes du manque de spécialistes. Vous avez tout à fait raison : des gynécologues-obstétriciens, des anesthétistes, des chirurgiens, des psychiatres, etc., font défaut. Vous avez avancé le chiffre de 500. Je pensais que le manque s'élevait à 400. C'est énorme de toute façon !
Pour cela, il faut changer tout d'abord la répartition au niveau de l'internat. A cet égard, Mme Aubry et moi-même avons déjà demandé que 10 % du choix soit réservé en plus aux spécialités manquantes. Mais ce n'est pas suffisant !
Par le biais d'une réforme ou au moins d'une modification de l'internat, il convient que l'on puisse décider des besoins de santé publique et que l'on oriente les médecins vers ces spécialités ; sinon, nous n'en sortirons pas et les petites structures fermeront parce qu'il n'est pas possible de laisser ouverte une maternité sans anesthésiste.
Plus avant, il conviendra de rendre la carrière hospitalière plus attractive. Si les médecins n'ont plus intérêt à travailler dans les hôpitaux publics, ces derniers fermeront, alors qu'ils sont la fierté de notre système. Il faut donc conférer au statut de praticien hospitalier plus de prestige et d'intérêt au travail, sans aucun doute, mais peut-être aussi plus de commodités financières.
Il faut également que les hôpitaux généraux et les petites structures ne soient pas pénalisants, du point de vue de la carrière, par rapport aux centres hospitaliers universitaires. Là aussi nous devons raisonner en réseaux.
Monsieur le sénateur, nous parlerons de tous ces points, je l'espère, au cours des états généraux de la santé, qui permettront à la population d'être informée de toutes ces possibilités et de comprendre qu'il s'agit de mesures de santé publique. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
QUALITÉ DE L'AIR ET EXERCICE DU DROIT DE GRÈVE
DANS LES TRANSPORTS PUBLICS