Séance du 27 mai 1998
DIVERSES DISPOSITIONS
D'ORDRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER
Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n°
444, 1997-1998), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en
nouvelle lecture, portant diverses dispositions d'ordre économique et
financier. [Rapport n° 449 (1997-1998) et avis n° 408 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. Lambert, rapporteur.
M. Alain Lambert,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pourvu de 47 articles lors de son
dépôt, le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et
financier comptait 75 articles lors de sa transmission au Sénat, puis 108 après
la première lecture devant la Haute Assemblée. Il prend de l'embonpoint,
monsieur le secrétaire d'Etat !
(Sourires.)
Malgré l'échec de la commission mixte partaire, ce texte a recueilli un assez
large accord entre les deux chambres, puique 53 articles restaient en
discussion lors de cette commission mixte paritaire et que, après nouvelle
lecture par l'Assemblée nationale, le Sénat ne doit plus examiner que 37 des
articles déjà étudiés par les deux assemblées. L'Assemblée nationale s'est donc
rapprochée du Sénat, qui lui-même avait adopté sans les modifier 22 des 28
articles insérés par elle.
L'Assemblée nationale a adopté 16 des 53 articles restant en discussion dans
la rédaction votée par le Sénat. Initialement, la commission des finances
proposait d'en adopter 20, mais l'avis du Gouvernement a souvent été fatal à
cette ouverture d'esprit. Certains de ces ralliements sont malgré tout
significatifs. Par ailleurs, l'Assemblée nationale s'est rapprochée de la
rédaction du Sénat sur 10 articles, adoptant des positions que l'on peut
qualifier de compromis sur certains dossiers importants tels que :
l'amortissement Périssol ; l'appel public à l'épargne ; le retrait obligatoire
des certificats d'investissement ; la taxe additionnelle d'équarissage ; les
règles applicables aux casinos ; le régime du FCTVA pour les services
départementaux d'incendie et de secours ; la cession à titre gratuit des
matériels informatiques détenus par l'Etat et les collectivités locales aux
associations de parents d'élèves.
Certes, des désaccords persistent néanmoins.
Dans le rapport qu'il a rédigé à l'occasion de la nouvelle lecture, le
rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Didier Migaud, affirme que la majorité
de l'Assemblée nationale souhaitait parvenir à un accord en commission mixte
paritaire. J'observe toutefois que l'Assemblée nationale a supprimé 14 articles
votés par le Sénat et rétabli sa rédaction sur 12 autres articles.
Ce net désaccord portant sur 26 articles montre que l'échec de la commission
mixte paritaire était probablement difficile à éviter.
Par ailleurs, le texte qui nous est soumis en nouvelle lecture comprend 20
articles entièrement nouveaux, insérés le plus souvent sur l'initiative du
Gouvernement, et dont presque aucun n'était annoncé par le rapporteur, bien que
certains proviennent de l'initiative du président de la commission des
finances, M. Augustin Bonrepaux.
Il faut remonter à 1985 pour retrouver pareille situation : un projet de loi
portant diverses dispositions d'ordre économique et financier s'était vu en
effet insérer 20 articles nouveaux à l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture.
La commission des finances ne peut que déplorer cette ouverture massive de
débats nouveaux sur un texte qui, déjà, fait l'objet de la procédure d'urgence.
L'examen parlementaire tronqué de ces 20 articles additionnels est de mauvaise
méthode, aussi bien pour la démocratie représentative, que pour une saine
élaboration de la décision publique. Ceux qui en ont la mission doivent pouvoir
mesurer toutes les conséquences des votes auxquels ils procèdent.
Monsieur le secrétaire d'Etat, 12 de ces 20 articles additionnels proviennent
d'amendements de dernière minute émanant du Gouvernement. Cela témoigne d'une
mauvaise méthode de travail. Ces amendements décrédibilisent les propos tenus
par le ministre de l'économie et des finances, M. Dominique Stauss-Kahn, lors
de la présentation de ce projet de loi, le 31 mars. Le ministre se félicitait
en effet de la « relative brièveté » du texte et du choix de « quelques thèmes
prioritaires (...) qui reflètent une réelle volonté politique ». Après le
rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale en première
lecture, le ministre parlait même d'un texte à « l'unité forte ».
Peut-on dire que, parmi ces « thèmes prioritaires », reflétant une « réelle
volonté politique », se trouve la remise en cause subreptice de la prestation
spécifique dépendance, votée voilà à peine un an ?
Cette remise en cause, dans des conditions très critiquables, fait de ce texte
la voiture-balai des services du ministère de l'emploi et de la solidarité. La
méthode choisie, que je qualifierai de cavalière, porte atteinte à l'état de
droit. Je souhaite ardemment que l'Assemblée nationale revienne à la raison à
ce sujet.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, doit-on percevoir une « unité
forte » dans le train de validations législatives que contient désormais ce
texte, cinq au total. Le ministre de l'économie et des finances n'avait pas
annoncé au Sénat que, parmi les « thèmes prioritaires », se trouvait
l'absolution des fautes des administrations. Je suis d'autant plus à l'aise
pour les dénoncer, qu'elles se sont déroulées sous des gouvernements que j'ai
soutenus.
Telles les têtes de l'hydre de Lerne, les nouvelles taxes locales n'ont cessé
de resurgir à l'Assemblée nationale. Le Sénat en a supprimé une, deux nouvelles
sont soumises à son examen. La commission des finances propose de refuser la
taxe relative aux commerces saisonniers, manifestement inconstitutionnelle.
Elle s'en remettra à la sagesse du Sénat - mais sans aucun enthousiasme sur la
taxe relative aux remontées mécaniques, après avoir exprimé les plus sérieuses
réserves.
L'attitude de la commission des finances du Sénat ayant été délibérément
constructive, l'Assemblée nationale aura, en dernière lecture, à nouveau
l'occasion de prouver sa volonté de compromis, en se rapprochant une nouvelle
fois du Sénat, sinon sur Air France - ne nous faisons pas d'illusions - du
moins sur des dossiers sensibles, tels que l'appel public à l'épargne ou tels
que le schéma directeur de desserte gazière, le régime de l'amortissement
fiscal des biens loués, les règles d'ouverture anticipée de la chasse aux
oiseaux migrateurs ou le régime fiscal et social des options de souscription ou
d'achat d'actions.
Je forme le voeu très sincère que la dernière lecture par l'Assemblée
nationale ne laisse apparaître que peu de points de désaccord lourd entre les
deux chambres. Ce serait une manière de donner à ce type de texte une figure
législative digne.
C'est en se fondant sur cet espoir, mes chers collègues, que la commission des
finances vous propose d'adopter ce projet de loi, assorti des amendements
qu'elle vous soumet.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste,
des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Marini, rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après avoir entendu les observations de
M. Lambert, auxquelles je souscris tout à fait, je limiterai mon propos à
quelques réflexions relatives au titre II de ce projet de loi, dont nous
abordons l'examen en nouvelle lecture.
J'exprimerai d'abord un regret, puis une satisfaction, et enfin deux motifs
d'inquiétude.
Le regret a bien sûr trait à l'échec de la commission mixte paritaire.
Diverses appréciations peuvent être portées sur les causes de cet échec, mais
M. Lambert a rappelé que, au-delà du cas bien particulier de l'article relatif
à Air France, la majorité de l'Assemblée nationale a adopté une attitude de
refus par rapport à nombre de dispositions, de nature beaucoup plus technique,
que le Sénat avait introduites en première lecture.
Toutefois, à dire vrai, en lisant le compte rendu des débats qui se sont
déroulés à l'Assemblée nationale, j'ai parfois eu l'impression, monsieur le
secrétaire d'Etat, à travers les avis exprimés par le Gouvernement, que
celui-ci - sans doute n'est-ce pas une particularité de ce Gouvernement - ne
voyait pas forcément d'un bon oeil le fait que les parlementaires, réunis au
sein de la commission mixte paritaire, puissent ensemble faire la loi ou
l'ajuster, seuls et hors de sa présence.
La satisfaction vient de la constatation que, au-delà de cet échec, un certain
nombre d'accords partiels sont intervenus entre les deux assemblées.
Sur les dix-huit articles du titre II qui restaient en discussion à l'issue de
la première lecture, six ont été adoptés conformes par l'Assemblée nationale,
dont trois articles additionnels que nous avions introduits. De plus, quatre
articles ont été adoptés dans une rédaction proche de celle du Sénat. Enfin,
sur deux articles, l'Assemblée nationale a adopté une rédaction de synthèse
intégrant un ou plusieurs éléments issus de nos travaux.
Cette brève énumération montre non seulement que, au-delà de ce qui les
sépare, les deux assemblées ont manifesté la volonté commune de faire une
législation aussi adaptée que possible, mais aussi que les apports techniques
du Sénat étaient dans bien des cas justifiés. J'y vois, une fois de plus, un
témoignage de l'utilité du bicamérisme au sein de nos institutions. J'en viens
à présent aux motifs d'inquiétude, qui constitueront l'essentiel de mon
propos.
Les réformes de caractère substantiel que nous avions proposées sur ce titre
II, concernant la création d'un conseil de la gestion financière, le droit de
retrait dans les sociétés non cotées, la définition du contrôle de fait d'une
société par une autre société, n'ont pas été retenues par l'Assemblée
nationale. La majorité de celle-ci et le Gouvernement ont en effet considéré
que ces réformes nécessitaient un examen plus approfondi et trouveraient mieux
leur place dans le projet de loi, qu'on nous annonce sans préciser quand il
interviendra dans le calendrier parlementaire, relatif à la modernisation du
droit des sociétés.
Lors de la première lecture au Sénat, vous aviez, monsieur le secrétaire
d'Etat, quelque peu brocardé certaines des positions que nous prenions en ce
qui concerne, par exemple, l'appel public à l'épargne et la possibilité
d'inclure, sous certaines conditions, des personnes physiques parmi les
investisseurs qualifiés. Vous aviez ainsi qualifié notre démarche de
discriminatoire et même de « censitaire ». Vous aviez en outre invoqué le
caractère prématuré d'autres avancées que nous avions proposées.
Or les arguments utilisés à l'encontre de nos propositions m'apparaissent
comme autant de mauvais prétextes et constituent même à mes yeux, ce qui est
encore plus inquiétant, des remises en cause de l'initiative parlementaire.
Je persiste, pour ma part, à penser que les réformes que nous suggérions
étaient de bonnes réformes, qu'il faudra de toute façon y procéder et que l'on
finira donc par nous les proposer dans d'autres textes.
S'il y a des besoins à satisfaire, s'il y a des avancées à réaliser, pourquoi
perdre du temps et s'égarer dans des considérations qui relèvent de
l'amour-propre d'auteur ?
J'ai parlé de mauvais prétextes et je veux m'en expliquer.
S'agissant de l'appel public à l'épargne, nous proposions que des personnes
physiques puissent se déclarer investisseurs qualifiés dans des conditions
définies par la Commission des opérations de bourse. Il est bien clair qu'il
n'y avait, dans notre approche, aucun caractère discriminatoire ; nous
souhaitions que l'appel public à l'épargne conserve toutes les garanties dont
il est assorti, en instituant simplement la possibilité, pour certains
souscripteurs, de se placer volontairement hors de son champ d'application.
Quant au caractère prétendument inapproprié du DDOEF pour accueillir certaines
des mesures de fond proposées en matière de modernisation du droit des
sociétés, le reproche qui nous est fait est tout aussi infondé.
Il s'agissait en particulier, je le rappelle, de l'institution d'un droit de
retrait pour les actionnaires minoritaires des sociétés non cotées, disposition
dans laquelle nous voyions le pendant de la réforme du régime du rachat par une
société de ses propres actions.
Il s'agissait également de la redéfinition du contrôle de fait, celle-ci
visant simplement, dans notre esprit, à prolonger la réforme dont l'initiative
avait été prise à l'Assemblée nationale et dont la portée est probablement
aussi importante, concernant la légalisation ou le statut juridique des
déclarations d'intention en matière de franchissement de seuil.
Sur ces différents points, les objections soulevées tant par le rapporteur
général de l'Assemblée nationale que par le Gouvernement et invoquant la
nécessité de procéder à un examen plus approfondi ne me paraissent pas
recevables. En effet, les réformes que nous avons préconisées, nous ne les
avons pas tirées de notre chapeau. Certaines d'entre elles sont en débat depuis
fort longtemps, suffisamment en tout cas pour qu'on puisse considérer que le
stade de la réflexion est passé et qu'il convient d'aborder celui de
l'action.
Ainsi, s'agissant du droit de retrait des actionnaires minoritaires, dès 1990
- c'est dire que la question ne date pas d'hier ! - au cours d'un colloque
organisé par le garde des sceaux de l'époque, M. Arpaillange, le procureur de
la République de Paris alors en fonction, M. Bezard, actuellement président de
la chambre commerciale de la Cour de cassation, affirmait : « Il serait
peut-être intéressant sur le plan législatif de permettre le retrait des
minoritaires comme sanction lors d'abus systématiques des majoritaires et en
dehors de toute question de dommages et intérêts. Ne faut-il pas également,
comme dans un certain nombre de législations étrangères, permettre le retrait
des minoritaires lorsque leur nombre est très faible, de 5 à 10 %, et,
inversement, admettre que la société mère puisse retrouver un pourcentage de
100 % ? »
Il y a eu, depuis lors, de nombreuses études et recherches, de nombreux
échanges, des articles sur le sujet. Les arguments sont donc connus, et le
Parlement peut trancher. Vous ne pouvez donc pas dire, monsieur le secrétaire
d'Etat, que ce sujet n'a pas été suffisamment approfondi.
Je prendrai un autre exemple, en dehors du droit des sociétés : la tutelle de
certaines professions financières. Nous avions proposé, en première lecture, de
créer un conseil de la gestion financière. Là encore, le Sénat n'avait pas
improvisé puisque, au printemps 1996, lors des travaux préparatoires de la loi
de modernisation des activités financières, les arguments militant en faveur de
la création d'un tel conseil avaient été ici même largement exposés. Il avait
alors été notamment indiqué qu'il serait nécessaire de procéder à des avancées
supplémentaires dans cette direction et de constituer, sous la tutelle de la
Commission des opérations de bourse, un conseil de la gestion financière
susceptible, pour les professionnels de la gestion, de faire pendant au conseil
des marchés financiers, qui exerce un important rôle d'autorité professionnelle
pour les professions de l'intermédiation financière.
Quant à la question de la définition du contrôle de fait, elle émaille la
doctrine juridique comme la jurisprudence depuis de nombreuses années.
Il est, par conséquent, bien clair que les dispositions adoptées en première
lecture sur ces divers sujets ne présentaient pas le caractère improvisé qui a
été invoqué à leur encontre.
Je me permettrai d'ailleurs de relever la dissymétrie qui existe entre, d'une
part, les appréciations qui ont été portées à l'égard de nos propositions
visant au progrès du droit des sociétés et à la régulation des professions de
la gestion et, d'autre part, l'accueil extrêmement bienveillant qui a été
réservé aux vingt articles additionnels adoptés en nouvelle lecture par
l'Assemblée nationale, sur l'initiative du Gouvernement.
M. Lambert rappelait voilà un instant qu'il faut remonter à 1985 pour
retrouver un pareil « palmarès » !
Faut-il donc considérer que les services de l'administration - et je pense
notamment aux excellentes directions qui officient quai de Bercy - ont le
monopole absolu de l'examen approfondi ? Si je ne conteste pas leurs qualités
techniques, je ne saurais leur reconnaître, dans ces matières, le monopole
d'une initiative législative, celle-ci devant être, à mes yeux, partagée
équitablement avec les membres du Parlement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que, dans ce DDOEF, en particulier au
sein du titre II, nous avions l'occasion de faire accomplir un certain nombre
de progrès à notre législation mais que nous n'avons pas été au bout de la
démarche qu'il aurait fallu adopter.
Je comprends les raisons politiques ou administratives qui vous ont conduit à
émettre des avis défavorables sur certaines de nos propositions, mais je
déplore que l'on ne joue pas le jeu de l'initiative parlementaire comme il
conviendrait de le faire dans le cadre des institutions de la Ve République. Il
me semble que, sur des textes relativement techniques comme celui-ci, on
devrait savoir mettre au vestiaire certaines considérations de politique
quotidienne, certaines susceptibilités de chapelle ou, simplement, de lieu de
rédaction.
Pour autant, la commission des finances n'a pas estimé utile de solliciter du
Sénat le rétablissement de toutes les dispositions votées en première lecture,
car elle veut économiser le temps de la discussion. Nous avons exprimé nos
positions de fond, nous ne souhaitons pas en changer, mais nous ne croyons pas
judicieux d'encombrer les débats de toute une gesticulation qui n'a pas lieu
d'être.
La commission des finances vous proposera simplement un amendement sur le
titre II, mes chers collègues, concernant le seuil du nombre d'actionnaires à
partir duquel il faut considérer que l'on est en régime d'appel public à
l'épargne. Nous ferons, sur ce point, une ultime tentative pour rapprocher les
points de vue, celui que nous avons exprimé en première lecture, celui de
l'Assemblée nationale et celui du Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, telles sont les quelques
remarques dont je souhaitais vous faire part sur le titre II, au nom de la
commission des finances.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en nouvelle
lecture, l'Assemblée nationale est revenue, pour l'essentiel, au texte qu'elle
avait adopté en première lecture, s'agissant notamment des dispositions votées
par le Sénat sur l'initiative de la commission des affaires sociales.
Je ne vous proposerai pas, mes chers collègues, d'adopter une nouvelle fois
ces amendements. Il appartiendra en effet à la commission saisie au fond de
rétablir, si elle le juge utile, le texte adopté par le Sénat en première
lecture.
La commission des affaires sociales ne se serait pas saisie pour avis en
nouvelle lecture de ce projet de loi si l'Assemblée nationale n'avait pas
adopté deux articles additionnels, les articles 72 et 73, d'une portée
considérable.
M. Alain Vasselle.
Adoptés à la sauvette !
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis.
Ces deux articles, qui résultent de deux
amendements déposés par le Gouvernement, modifient en effet de façon
substantielle les fondements de la loi du 24 janvier 1997 instaurant la
prestation spécifique dépendance, la PSD.
L'article 72 reporte du 31 décembre 1998 au 31 décembre 2000 l'achèvement de
la réforme de la tarification des établissements accueillant des personnes
âgées.
M. Alain Vasselle.
C'est un échec !
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis.
L'article 73 prévoit, pour le montant de la PSD,
l'instauration de seuils minimaux, définis selon un barème fixé par décret.
Ces deux articles additionnels sont inacceptables pour la commission des
affaires sociales à la fois pour des raisons de fond et pour des motifs liés à
la méthode utilisée par le Gouvernement.
La méthode est particulièrement condamnable. Ces deux articles nouveaux
prennent en effet place dans un texte à caractère économique et financier,
alors qu'il s'agit de la modification d'un dispositif social fort important :
la loi du 24 janvier 1997 instituant la prestation spécifique dépendance.
En outre, les modifications proposées dans ces articles sont exceptionnelles
par leur ampleur ; elles bouleversent en effet les fondements de la loi du 24
janvier 1997.
Enfin, le dépôt tardif de ces amendements à l'Assemblée nationale, le jour
même de l'examen en nouvelle lecture du projet de loi, méconnaît gravement les
droits du Parlement et ne permet pas le débat qu'auraient justifié de telles
décisions.
M. Alain Vasselle.
Mais oui !
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis.
La méthode employée par le Gouvernement se
caractérise par une absence totale de concertation.
Pourtant, l'avenir de la PSD méritait mieux que ce « coup de force »
gouvernemental,...
M. Alain Vasselle.
En effet !
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis.
... qui ruine les nombreuses promesses de
concertation et de dialogue formulées par Mme Martine Aubry, ministre de
l'emploi et de la solidarité.
Lors de la réunion du Comité national de coordination gérontologique, le 26
novembre 1997, Mme Aubry avait en effet confirmé qu'elle excluait « une
modification lourde et précipitée de la loi » et qu'elle réunirait en 1998 le
Comité afin d'apprécier avec ses membres « la validité et la pertinence du
dispositif actuel sur la base d'une évaluation précise, objective et exhaustive
».
M. Alain Vasselle.
On attend toujours !
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis.
Elle s'était engagée à procéder à une concertation
avant toute modification de nature législative ou réglementaire.
Le 12 mai dernier, soit une semaine avant le dépôt de ces deux amendements,
elle accordait un entretien à MM. Jean Puech et Michel Mercier, respectivement
président de l'Association des présidents de conseils généraux et président de
sa commission des affaires sociales, afin d'évoquer les modalités de travail en
commun sur la réforme de la tarification.
A aucun moment la perspective d'une modification significative de la loi du 24
janvier 1997 n'a été évoquée par la ministre. Pourtant, une semaine plus tard,
ces deux amendements étaient adoptés par l'Assemblée nationale. Nous ne pouvons
que constater l'incohérence de la politique gouvernementale.
La commission des affaires sociales du Sénat n'est nullement opposée aux
modifications de la loi du 24 janvier 1997 que pourrait justifier la volonté
d'améliorer la PSD. Elle a d'ailleurs montré à plusieurs reprises le souci
qu'elle avait de s'assurer des conditions d'application de cette loi. Je pense
notamment à l'excellent bilan d'étape réalisé par l'ODAS, l'Observatoire
national de l'action sociale décentralisée, à la demande de la commission, dont
chacun s'est accordé à reconnaître la qualité, la richesse et l'objectivité.
La loi du 24 janvier 1997 est naturellement perfectible et la commission des
affaires sociales est disposée à en corriger les lacunes dès qu'une évaluation
exhaustive, précise et objective des conditions de son application aura été
réalisée.
Or nous ne disposons aujourd'hui que d'études partielles qui ne permettent pas
d'appréhender la situation réelle sur l'ensemble du territoire. C'est
insuffisant pour justifier une modification de cette loi, entrée en vigueur, je
le rappelle, il y a un an à peine.
Le Comité national de la coordination gérontologique est précisément chargé,
en application de l'article 1er de la loi, d'élaborer un rapport annuel
retraçant le bilan d'application de la loi. Ce rapport doit être rendu public
avant l'examen par le Parlement du projet de loi de financement de la sécurité
sociale. Il serait par conséquent plus sage d'attendre la publication du
premier rapport du Comité pour envisager une modification de la loi.
La démarche du Gouvernement apparaît donc prématurée et hasardeuse.
La commission des affaires sociales ne peut accepter que l'on méconnaisse
ainsi les droits du Parlement et la nécessité de consulter les différents
acteurs parties prenantes de ce dispositif. Une telle façon de procéder
n'aboutira qu'à un échec d'ores et déjà assuré.
Sur le fond, ces deux articles sont naturellement liés.
L'article 72 repousse au 31 décembre 2000 - le reportant de deux années -
l'achèvement de la réforme de la tarification. Chacun sait ici combien de Sénat
est attaché au principe d'une réforme de la tarification des établissements
d'hébergement pour personnes âgées, réforme dont la loi du 24 janvier 1997
posait précisément les fondements.
La loi du 24 janvier 1997 prévoit que la tarification se fera désormais en
fonction de l'état des personnes âgées hébergées et non du statut des
établissements, afin de mettre un terme à des mécanismes tarifaires depuis
longtemps critiqués.
Elle dispose ainsi que, pour pouvoir continuer à héberger des personnes âgées
dépendantes après le 31 décembre 1998, les établissements devront avoir passé
une convention pluriannuelle tripartite avec le président du conseil général et
l'autorité compétente en ce qui concerne l'assurance maladie, respectant un
cahier des charges.
Chacun ici en a bien conscience, il s'agit d'une réforme délicate à mettre en
oeuvre dans la mesure où nous devons passer d'une tarification en quelque sorte
binaire, qui distingue les soins, d'une part, de l'hébergement, d'autre part, à
une tarification en trois éléments correspondant aux trois identités de la
personne âgée dépendante résidant en établissement.
Il faut en effet considérer tout à la fois l'usager citoyen, qui pourvoit
comme tout un chacun à ses dépenses de gîte et de couvert, étant entendu que
les personnes démunies de ressources bénéficient de l'aide sociale
départementale ; l'usager assuré social, qui se voit rembourser par l'assurance
maladie les soins qui lui sont nécessaires, notamment une partie de ceux qui
sont liés à sa dépendance, et l'usager dépendant, qui bénéficie en
établissement de prestations sociales et domestiques directement liées à son
niveau de dépendance et financées par la PSD.
Le souci du législateur avait été de fixer une date butoir au 31 décembre 1998
afin de contraindre le gouvernement - quel qu'il soit - à entamer les travaux
préparatoires à cette réforme dans les meilleurs délais.
Mme Martine Aubry avait indiqué, lors de la réunion du Comité national de la
coordination gérontologique, le 26 novembre 1997, que les textes réglementaires
nécessaires et préalables à cette réforme, c'est-à-dire le décret en Conseil
d'Etat fixant les nouvelles règles de la tarification, le décret relatif aux
normes techniques de fonctionnement et l'arrêté définissant le cahier des
charges que devront respecter les conventions pluriannuelles tripartites
prévues par la loi, seraient publiés en mai 1998.
A ce jour, aucun texte n'a encore été publié.
M. Emmanuel Hamel.
Il reste trois jours !
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis.
Le Gouvernement prétend désormais que l'ensemble
des textes réglementaires paraîtra en juin. Rien n'est moins sûr !
On comprend mal, dès lors, l'urgence dans laquelle le Gouvernement souhaite
repousser la date d'achèvement de cette réforme, alors même que le dispositif
réglementaire qui la définit n'a pas encore été publié. Cette précipitation ne
peut être que l'indice des difficultés que connaît le Gouvernement dans la mise
au point des textes porteurs de la nouvelle tarification.
C'est donc parce qu'il est incapable de mener à bien la réforme de la
tarification que le Gouvernement propose d'en reporter l'échéance.
Si le Parlement accepte le report de deux années de l'achèvement de cette
réforme, rien ne nous garantit que la nouvelle tarification verra effectivement
le jour.
En outre, il paraît quelque peu prématuré de reporter l'achèvement d'une
réforme dont les modalités devraient être connues incessamment, si l'on en
croit les déclarations du Gouvernement.
Il sera bien temps, à l'automne, de repousser la date d'achèvement de cette
réforme si le besoin s'en fait effectivement sentir. Et cela se fera au vu des
textes porteurs de la nouvelle tarification et à l'occasion d'un véritable
débat et non d'une procédure à la sauvette bien peu glorieuse.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis.
L'adoption d'un tel report serait aujourd'hui un
signal désastreux pour l'ensemble des partenaires du dispositif de la PSD :
elle conduirait à une incompréhension et à un attentisme qui pourraient être
fatals à la PSD.
J'en viens maintenant à l'article 73 du projet de loi portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier, qui prévoit que des montants
minimaux de PSD seront définis, pour la prestation en établissement et pour la
prestation à domicile, par un barème fixé par décret. Il s'agit là d'une
question maintenant ancienne qui oppose la Haute Assemblée à l'administration
du ministère de l'emploi et de la solidarité.
Lors du débat sur la proposition de loi instaurant la PSD, le Sénat s'était
opposé à toute notion de barème national, qui ne permettrait pas de tenir
compte de la diversité des situations locales. Il avait rallié à ses vues le
Gouvernement et l'Assemblée nationale.
Cette décision n'a cependant jamais été acceptée par l'administration du
ministère de l'emploi et de la solidarité, qui s'est efforcée d'introduire
cette notion dans les décrets d'application de la loi. Cette tentative a échoué
grâce à l'action vigoureuse des auteurs de la proposition de loi et du
président de la commission des affaires sociales, M. Fourcade.
L'administration a décidément la mémoire longue, car l'article 73 du projet de
loi revient à la notion de barème national, témoignant ainsi de la
détermination des bureaux face à un choix du Parlement qu'ils récusent !
Le Gouvernement justifie la modification proposée par une inégalité de
traitement entre les départements dans les montants de PSD accordés.
Il existe effectivement, chacun en convient, des disparités entre les montants
des prestations versées selon les départements. Elles étaient cependant en voie
de résorption progressive.
En outre, il faut avoir la sagesse de reconnaître que les coûts ne sont pas
les mêmes en Ile-de-France et dans un département rural et que toute
comparaison des montants de prestations versées ne sauraient avoir de véritable
sens si elle n'est pas rapportée aux montants à solvabiliser.
Les prix de journée en établissement varient ainsi fortement selon les
départements ; ceux dans lesquels les montants de PSD sont les plus élevés ne
sont dès lors pas nécessairement ceux dont le taux de solvabilisation est le
plus important. Ces précisions démontrent qu'il convient d'aller au-delà d'une
approche simplificatrice consistant à comparer uniquement les montants de PSD
accordés.
Enfin, et c'est là l'essentiel, le Gouvernement devrait avoir la franchise de
reconnaître qu'une partie des disparités invoquées pour ce qui est des
établissements provient précisément de l'absence de la réforme de la
tarification prévue par la loi du 24 janvier 1997. Comme l'a souligné l'étude
réalisée par l'ODAS, les conseils généraux ont été amenés à adopter, en
l'absence de réforme de la tarification, une attitude de prudence et d'attente
accompagnée de mesures provisoires.
Si les décrets porteurs de la nouvelle tarification étaient parus, il est
probable que la plupart des difficultés évoquées se seraient résorbées
d'elles-mêmes.
La conjonction de l'institution d'un barème national pour la PSD et du report
de l'achèvement de la réforme de la tarification risque fort de se solder par
l'abandon pur et simple de toute réforme de la tarification.
L'article 73 prévoit que les montants minimaux et maximaux de PSD seront
définis selon un barème fixé par décret. Or nous n'avons naturellement pas eu
connaissance de ce projet de décret. Le Gouvernement demande en quelque sorte
au Parlement un blanc-seing que nous ne pouvons que lui refuser.
Le Gouvernement fait le choix d'accroître la charge financière des
départements sans même prendre la peine de les consulter.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Très bien !
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis.
Il méconnaît ainsi la compétence des conseils
généraux et, d'une manière plus générale, le principe de l'autonomie des
collectivités locales.
Pour l'ensemble de ces raisons et considérant que ces deux articles
compromettent gravement l'avenir de la prestation spécifique dépendance, la
commission des affaires sociales vous demandera de bien vouloir adopter les
deux amendements de suppression des articles 72 et 73 qu'elle vous soumettra.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
- M. Poncelet, président de la commission des finances, et M. Lambert,
rapporteur, applaudissent également.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, après les interventions très complètes et très
précises de MM. les rapporteurs, il me paraît utile, surtout dans le contexte
actuel, de mettre en quelques mots l'accent sur le rôle joué par le Sénat dans
l'élaboration de ce projet de loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier.
Sans revenir de manière détaillée sur les statistiques, qui ont d'ailleurs été
rappelées par M. Lambert, je soulignerai cependant que, sur cinquante-trois
articles faisant l'objet de la navette, l'Assemblée nationale en a retenu
vingt-six, et ce dans la rédaction du Sénat ou dans une rédaction de
compromis.
M. Emmanuel Hamel.
Bon pourcentage !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Ainsi, malgré l'échec de la
commission mixte paritaire à propos d'un article que je qualifierais volontiers
de « politiquement sensible », le bicamérisme a, comme vous le constatez,
fonctionné de manière efficace et harmonieuse.
Je regrette d'autant plus l'échec de la commission mixte paritaire qu'il a
porté, sur l'initiative de nos collègues députés, sur un article que j'ai jugé
à l'instant « politiquement sensible » : il s'agit de l'article 36, relatif à
l'ouverture du capital d'Air France. Or celui-ci risque fort, s'il est voté, de
n'être jamais appliqué. En effet, le président de la compagnie Air France,
auditionné par la commission des finances la semaine dernière, nous a laissé
entendre que l'article 36 n'aurait pas de suites juridiques, compte tenu de
l'hostilité des pilotes - hostilité qu'ils ont à nouveau manifestée - et que,
en revanche, il espérait faire aboutir une négociation sur le gel programmé des
salaires, selon la méthode employée par une société concurrente, la
Lufthansa.
Mais, au-delà de cette « péripétie », cette satisfaction légitime sur le bon
fonctionnement du bicamérisme, le Sénat étant, comme l'a dit l'ancien président
de la République François Mitterrand,...
M. Marc Massion.
Excellente référence !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
... une institution
indispensable à l'équilibre des pouvoirs dans ce pays - je le rappelle à
certains -,...
M. Emmanuel Hamel.
Belle citation !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
... cette satisfaction légitime
sur le bon fonctionnement du bicamérisme, disais-je donc, est partagée par les
commissions des finances des deux assemblées. Comme l'a fort bien écrit le
rapporteur général de l'Assemblée nationale : « L'échec de la commission mixte
paritaire ne signifie pas rupture. La navette entre les deux assemblées se
poursuit et votre commission des finances de l'Assemblée nationale a examiné le
texte adopté par le Sénat de façon constructive, conformément à l'esprit de
notre système bicaméral. »
M. René Régnault.
Il faut s'en inspirer !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
L'apport du Sénat va même
au-delà des quelques chiffres que j'ai cités. En effet, même si des amendements
n'ont pas été retenus par l'Assemblée nationale, certains d'entre eux ont fait
l'objet de commentaires encourageants pour l'avenir. Ainsi le rapporteur
général de l'Assemblée nationale et le secrétaire d'Etat - sous le contrôle de
qui je parle - sont-ils convenus de reprendre dans le projet de loi de réforme
du droit des sociétés des suggestions émises par le Sénat, et rappelées voilà
quelques instants par notre collègue M. Marini, au nom de la commission des
finances, tant en matière de rachat des actions de sociétés non cotées que de
définition du contrôle de fait. De la même manière, les propositions votées par
le Sénat pour la réforme du crédit d'impôt recherche, pour l'attribution du
FCTVA à des investissements effectués en faveur de la sécurité publique ou
redéfinissant un taux moyen obligataire, TMO, pour les sociétés privées
doivent-elles être reprises sous une forme ou sous une autre - le Gouvernement,
par votre voix, monsieur le secrétaire d'Etat, s'y est engagé - dans le projet
de loi de finances pour 1999.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Le plus tôt sera le mieux !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Dues à l'initiative du Sénat,
ces propositions seront ainsi reprises - nous nous en réjouissons - par le
Gouvernement dans quelques mois. De même, et j'arrêterai là mon énumération,
les articles additionnels votés par le Sénat en ce qui concerne tant la
répartition des indemnités de fonction des présidents de conseil général ou de
conseil régional que la définition des « fenêtres » pour l'attribution de
stock-options devraient connaître des suites que nous espérons rapides dans des
projets de loi spécifiques.
Fidèle à sa vocation, la Haute Assemblée a ainsi ouvert des pistes de
réflexion que chacun s'est accordé à reconnaître comme particulièrement
intéressantes. Pour ma part, je n'éprouve pas d'amertume excessive, même si
j'ai quelque regret, à constater que les amendements correspondants n'ont pas
pu être immédiatement adoptés.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Ils le seront maintenant !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Ce Gouvernement,...
M. René Régnault.
Est bon !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Attendez la suite, monsieur Régnault !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Ce Gouvernement, dis-je, comme
tous ceux qui l'ont précédé, il faut le reconnaître, est, hélas ! réticent à
voir le Parlement empiéter sur ce qu'il considère, à tort, comme son terrain
réservé, celui de l'initiative législative, qui doit demeurer l'exclusivité du
Gouvernement ; eh bien non, ce n'est pas une bonne démarche dans un système
démocratique !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Le Parlement n'est pas le greffier du Gouvernement !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Son porte-plume !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Il y a là une sorte de tradition
républicaine - je la qualifierai de tradition républicaine à la française - que
chacun appréciera. Pour ma part, je ne l'approuve pas. Mais nous serons
vigilants, nous ne manquerons pas de faire valoir nos « droits d'auteur », si
je puis employer cette expression.
Toutefois, si la commission des finances et le Sénat tout entier ont exercé la
plénitude de leurs compétences constitutionnelles, ce DDOEF présente néanmoins
certaines imperfections que je me dois de relever.
J'en citerai quelques-unes.
Le Gouvernement a jugé irrecevables certaines propositions, au motif qu'elles
n'auraient ni un caractère économique ni un caractère financier. Mais le propre
d'un principe est qu'il ne se divise pas, qu'il doit s'appliquer
systématiquement. Or, sans vouloir dresser un inventaire complet, je suis plus
que sceptique sur le caractère économique ou financier d'articles tels que
celui qui porte création - écoutez bien ! - d'assistants spécialisés auprès des
tribunaux ou celui qui concerne les attributions des inspecteurs de la
formation professionnelle, articles d'origine gouvernementale. Selon moi, il ne
saurait y avoir deux poids deux mesures - pour reprendre une expression
populaire - en matière de recevabilité, selon que les amendements plaisent ou
déplaisent à la majorité de l'Assemblée nationale ou au Gouvernement
lui-même.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'est tout à fait cela !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
A titre d'exemple, je
rappellerai l'article 52
bis
sur la chasse au gibier d'eau,...
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Très important !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
... article voté - il convient
de le rappeler - à l'unanimité par le Sénat...
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Chasseurs et non-chasseurs confondus !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
... et qui a des répercussions
directes et évidentes sur les finances publiques, en particulier sur les
recettes de l'Office national de la chasse. Evacuer cet article,...
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Le « flinguer » !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
... en recourant, ce qui m'a
surpris, à la procédure du vote bloqué, au motif qu'il n'a pas sa place dans un
DDOEF, me paraît relever plus du parti pris que d'une approche juridique
stricte, surtout après les exemples que je viens de citer. Mais je n'en dirai
pas plus.
Ma deuxième critique - elle est plus substantielle encore - porte sur le trop
grand nombre d'articles additionnels votés par l'Assemblée nationale, le plus
souvent sur l'initiative directe ou indirecte du Gouvernement : ...
M. Jean Arthuis.
Ce n'est pas convenable !
M. René Régnault.
Ce n'est pas la première fois !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
... qu'il s'agisse d'articles de
dernière minute, qui ne sont même pas explicités dans le rapport écrit de notre
collègue député M. Didier Migaud, rapporteur général, ou d'articles parfois
lourds, concernant, par exemple, des validations ou, plus particulièrement
encore, la prestation spécifique dépendance. S'agissant de cette prestation, le
rapporteur pour avis, M. André Jourdain, a porté un jugement pertinent voilà
quelques instants à cette tribune.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai peine à croire - et mon expérience est
ancienne - que les articles 72 et 73 aient été rédigés par vous-même ou vos
services à la dernière minute et qu'aucun d'entre eux n'était prêt à être
débattu en première lecture, soit à l'Assemblée nationale, soit au Sénat. Vous
vouliez procéder à cette opération subrepticement. Or, nous le savons bien, la
procédure du dernier mot prévue à l'article 45 de la Constitution ne permettra
pas à l'Assemblée nationale de débattre suffisamment au fond, quitte à les
modifier, des propositions que nous avons émises en nouvelle lecture sur ces
deux articles. Tout cela, permettez-moi de vous le dire, manque quelque peu
d'élégance.
Est-il, enfin, convenable d'introduire en nouvelle lecture des dispositions
qui auraient dû faire l'objet d'un projet de loi spécifique, soigneusement
négocié avec les associations représentatives des conseils généraux ? Cela vous
avait été demandé à la fois par le président de l'assemblée permanente des
présidents de conseils généraux et par le rapporteur des affaires sociales au
sein de cette institution, notre collègue de la commission des finances, M.
Michel Mercier.
M. Alain Vasselle.
Eh oui !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Mais vous n'y avez pas donné
suite.
Ma troisième critique, qui me paraît également, très importante, portera sur
l'inflation fiscale, sur la multiplication de taxes ou d'impôts nouveaux.
Si, finalement, il n'y aura pas de taxe sur les pylônes,...
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Ce n'est pas plus mal !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
... ce qui prouve, soit dit en
passant, l'utilité du bicamérisme pour calmer les ardeurs impromptues de
l'Assemblée nationale, nous aurons peut-être trois taxes de plus à insérer dans
le code général des impôts, à savoir une surtaxe pour l'élimination des farines
non conformes, une taxe sur les remontées mécaniques et une taxe sur les
commerçants saisonniers.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Quelle imagination !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Même si ces prélèvements
nouveaux peuvent répondre à des difficultés réelles - nous en débattrons lors
de l'examen des articles - il me paraît urgent de mettre un terme à cette
inflation fiscale et, à tout le moins, de se donner le temps de rédiger des
articles fiscaux, art difficile, sans prendre quelques libertés avec des
principes à valeur constitutionnelle. Il suffit de se reporter à la taxe sur
les commerçants saisonniers.
D'autant plus que ce projet de loi, on l'oublie peut-être, avait pour objet
initial de simplifier les formalités administratives des entreprises. Les
entreprises concernées par les taxes que je viens d'évoquer, si celles-ci sont
adoptées, apprécieront certainement les « simplifications » qui en
résulteront.
Les services concernés devront procéder à des recherches qui apparaîtront très
rapidement comme des tracasseries administratives, lesquelles deviendront vite
insupportables, d'autant que le produit généré par lesdites taxes ne sera pas
élevé.
Au terme de ces quelques remarques, je ne peux que reprendre les excellents
propos de M. Lambert sur la philosophie des amendements que la commission des
finances présentera en nouvelle lecture. Cette philosophie est simple, mes
chers collègues : continuer notre dialogue constructif avec l'Assemblée
nationale, manifester notre agacement - je reste modéré dans l'expression - à
l'égard du Gouvernement pour son attitude un peu discourtoise à l'encontre du
Sénat et faire respecter les dispositions de notre Constitution préservant les
prérogatives du Parlement en général et de la Haute Assemblée en particulier.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Emmanuel Hamel.
La ligne bleue des Vosges diffuse la lumière !
(Sourires.)
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Les compliments viennent de la
montagne !
M. le président.
Elle éclaire beaucoup de monde !
(Nouveaux sourires.)
(M. Paul Girod remplace M. Michel Dreyfus-Schmidt au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, si M. le président de la commission des finances Christian
Poncelet et MM. les rapporteurs Alain Lambert, Philippe Marini et André
Jourdain ont adressé des remarques parfois sévères au Gouvernement, leur ton a
toujours été mesuré et courtois, et c'est donc ainsi que je vais essayer de
leur répondre.
Nous abordons aujourd'hui la dernière lecture de ce projet de loi portant
diverses dispositions d'ordre économique et financier, qui est inspiré par la
priorité en faveur de la croissance, de l'investissement et de l'emploi,
affichée par le Gouvernement. Un certain nombre de mesures techniques qui vous
sont proposées ont pour objet de préparer notre pays à se placer au premier
rang au XXIe siècle et à continuer à bénéficier d'une croissance durable et
d'une solidarité toujours réaffirmée.
J'ai constaté, lors de la première lecture, qu'un certain nombre de
dispositions ne suscitaient pas l'accord de la majorité sénatoriale. Mais le
Gouvernement, pour sa part, a fait preuve d'une attitude constructive : il
s'est efforcé, comme MM. Lambert, Marini et Poncelet l'ont encore dit avec
talent, d'aller dans le sens du Sénat et de l'Assemblée nationale lorsque les
positions de ces deux émanations du suffrage universel convergeaient.
Ainsi, s'agissant par exemple de la disposition autorisant la cession gratuite
de matériels informatiques, dont la Haute Assemblée, je crois, est à l'origine,
le Gouvernement s'est finalement rendu aux arguments très convaincants des
parlementaires alors qu'il y était initialement opposé, au nom de principes de
bonne gestion.
Mais, sur d'autres points, des divergences profondes se sont manifestées sans
qu'un accord ait pu se dégager en commission mixte paritaire. A cet égard, je
reprendrai un certain nombre de points.
Les mesures relatives à la simplification administrative sont tout à fait
indispensables - je pense que nous en sommes tous d'accord - à la création et
au développement de petites et moyennes entreprises, principales sources
d'emplois, comme chacun le sait.
Cependant, certains aménagements adoptés par la Haute Assemblée en première
lecture paraissaient difficiles à accepter. Ainsi, s'agissant de l'extension
aux secteurs du bâtiment, du tourisme et des hôtels, cafés, restaurants du
dispositif de gestion simplifiée des intermittents du spectacle, le
Gouvernement trouve important qu'une concertation avec les partenaires sociaux
intervienne avant toute législation à cet égard.
J'en viens maintenant aux conditions d'accompagnement du passage à l'euro pour
nos entreprises, notamment les entreprises financières, point qui a été
longuement évoqué par M. Marini, avec son talent habituel et les connaissances
qui sont les siennes en la matière.
Il est fondamental de permettre à nos entreprises financières, qui vont être
confrontées à une concurrence beaucoup plus vive que par le passé, d'aborder
cette échéance avec tous les instruments nécessaires. Sinon, c'est l'emploi du
secteur qui serait touché et, plus largement, la capacité d'innovation et de
préparation de l'avenir que nos institutions financières doivent offrir à toute
l'économie.
Ce point a été noté, et de nombreuses améliorations ont donc été apportées au
projet de loi sur l'initiative de M. le rapporteur Philippe Marini, dont les
propositions allaient tout à fait dans le bon sens.
Cela dit, il reste un écart entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur un
certain nombre de dispositions que vous avez qualifiées de « substantielles »,
monsieur le rapporteur.
Je reprendrai l'exemple du conseil de la gestion financière, que vous avez
cité.
Le Gouvernement n'a pas cru utile d'ajouter une nouvelle instance à un
ensemble déjà complexe, et il a considéré que, là encore, une consultation
préalable s'imposait. Toutefois, l'administration et le Gouvernement
n'entendent pas avoir en la matière le monopole de la réflexion. M. le
président de la commission des finances a fait allusion à un projet de loi
spécifique au droit des sociétés qui devrait venir en discussion l'an prochain.
Il est clair, sans parler de droits d'auteur, que la contribution
intellectuelle apportée par le Sénat sera pleinement reconnue.
Je souhaiterais par ailleurs apaiser les inquiétudes qui se sont exprimées
depuis la première lecture sur les conséquences, pour les coopératives, des
dispositions de l'article 25 relatif à l'appel public à l'épargne. En effet,
ces établissements sont souvent amenés à émettre des parts sociales dans le
cadre de leur activité propre, qu'il s'agisse d'approvisionnement, de
commercialisation de produits auprès d'adhérents ou de crédit aux sociétaires
des banques coopératives.
Il n'est dans l'intention ni du Gouvernement ni de la Commission des
opérations de Bourse de soumettre ces émissions au régime de l'appel public à
l'épargne. En effet, le placement de valeurs mobilières par les coopératives
est connexe à leur activité principale. Le souscripteur de ces valeurs cherche
non pas à réaliser un investissement financier, mais à bénéficier d'un droit
d'entrée donnant accès à certains services ou à certains biens.
A ce titre, je vous confirme que l'émission de parts sociales par les
coopératives n'entre pas dans le champ de l'appel public à l'épargne tel qu'il
est défini au I de la nouvelle rédaction de l'article 6 de l'ordonnance du 28
septembre 1967.
Par conséquent, il s'agit non pas d'une offre au public d'instruments
financiers, mais d'une simple opération commerciale ayant pour conséquence
accessoire la souscription d'une ou plusieurs parts sociales de coopérative.
J'en viens maintenant aux dispositions du projet de loi relatives au secteur
public, qui ont été profondément transformées par le Sénat en première lecture,
et M. le président de la commission des finances a évoqué à nouveau à cet
égard, dans son intervention, la question d'Air France.
Depuis sa mise en place au mois de juin dernier, le Gouvernement a choisi de
traiter le secteur public dans le souci de l'intérêt national, des entreprises
concernées et de leurs salariés. Dans ce cadre, un certain nombre de
dispositions de projet de loi ont pour objet d'améliorer les missions du
service public, de faire évoluer son statut et de clarifier sa stratégie.
C'est la raison pour laquelle, lorsque le Sénat a supprimé l'article 36
relatif à Air France, ce texte a été rétabli en nouvelle lecture par
l'Assemblée nationale, conformément au voeu du Gouvernement.
Monsieur le président de la commission des finances, vous avez fait allusion
aux propos du président d'Air France selon lesquels les salariés de cette
grande entreprise, qui est nationale et qui le restera, auraient le choix entre
deux propositions : soit la combinaison d'une diminution de salaire et d'une
entrée dans le capital de l'entreprise - c'est l'objet de l'article 36 - soit
la combinaison du maintien des salaires et d'un ralentissement de
l'avancement.
Cette ouverture de la part du président d'Air France ne peut exister que dans
la mesure où elle s'appuie sur l'article 36. C'est pourquoi le Gouvernement
vous demande à nouveau de voter ce texte.
J'en viens au titre IV du projet de loi, qui concerne la protection de
l'environnement et de la santé publique. A cet égard, j'évoquerai le sujet
sensible du financement de la destruction des stocks de farines d'origine
animale qui ne sont pas conformes à la nouvelle législation sanitaire
communautaire.
En première lecture, le Sénat avait adopté un amendement fixant à 5 millions
de francs le seuil d'exonération de la taxe additionnelle à la taxe créée en
1996. Cet ordre de grandeur a semblé au Gouvernement aller très au-delà de la
nécessaire exonération des petits artisans bouchers. La solution proposée par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, fixant ce seuil à 3,5 millions de
francs et raccourcissant de quelques mois la durée de prélèvement de cette
taxe, me paraît donc bonne et devrait - c'est du moins ce que j'espère -
obtenir le soutien de la Haute Assemblée.
Enfin, je dirai quelques mots sur le titre V du projet de loi, qui regroupe un
certain nombre de dispositions diverses, notamment le dispositif du GIE fiscal
qui avait fait l'objet de nombreux amendements du Sénat.
Le Gouvernement persiste à considérer comme bon le nouveau dispositif, qui est
favorable aux professionnels des secteurs concernés, notamment de la flotte de
commerce.
Par conséquent, comme vous, le Gouvernement regrette l'échec de la commission
mixte paritaire en raison d'écarts très importants entre l'Assemblée nationale
et le Sénat, sur certain nombre de points tout à fait fondamentaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est donc un texte enrichi sur des points
importants par l'Assemblée nationale qui vous est soumis aujourd'hui en
nouvelle lecture.
Je reviendrai très rapidement sur deux améliorations.
S'agissant des restrictions liées au suicide en matière d'assurance vie et de
la difficulté pour les conjoints de bénéficier de ces contrats d'assurance vie,
le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et moi-même avions
pris un engagement en la matière. Conformément à ce dernier, un dispositif a
été adopté par l'Assemblée nationale afin d'alléger ces restrictions, voire,
dans certains cas, à les supprimer totalement.
Le délai d'exclusion légale du suicide a ainsi été ramené de deux ans à un an
dans le cas des contrats individuels et a été complètement supprimé pour les
contrats de groupe, qu'il s'agisse d'assurance emprunteurs ou de prévoyance
collective. Cette modification répond, je crois, aux préoccupations exprimées
par les sénateurs dans cette enceinte.
Par ailleurs, un assouplissement des conditions dans lesquelles un fonds
commun de créances peut exercer son activité a été voté par l'Assemblée
nationale, en complément d'un article adopté en première lecture par le Sénat
sur l'initiative de M. Loridant.
L'objectif, une fois encore, est de favoriser l'emploi dans le secteur
financier, en levant un certain nombre des limitations qui alourdissent le coût
de financement de nos entreprises et qui pourraient engendrer des
délocalisations d'activités.
J'en viens maintenant aux articles 72 et 73, sur lesquels sont intervenus
longuement M. Lambert, rapporteur, M. Jourdain, rapporteur pour avis, ainsi que
M. Poncelet président de la commission des finances.
Je tiens tout d'abord à vous présenter les excuses de Mme Aubry, qui est à
l'Assemblée nationale et qui ne peut donc vous répondre sur ces deux articles.
Je vais donc m'efforcer de le faire à sa place.
Je distinguerai, comme M. Jourdain, les questions de méthode et les questions
de fond, de façon que notre dialogue soit aussi précis et aussi courtois que
possible.
Comme l'a rappelé M. le rapporteur pour avis, la loi du 24 janvier 1997 a
institué une prestation spécifique dépendance.
La volonté du Gouvernement consiste non pas à remettre en cause cette loi,
même si elle a été votée sur l'initiative d'un gouvernement précédent,...
M. Henri de Raincourt.
Sur l'initiative du Sénat !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... mais à accélérer son application, car ce texte est
attendu par les personnes âgées dépendantes qui devraient en bénéficier.
Un bilan réalisé à la fin du mois de mars dernier fait apparaître que seules
15 000 personnes bénéficient de ces nouvelles dispositions, contre 1,5 million
en Allemagne.
Il démontre également l'existence d'écarts considérables - de un à dix - entre
les prestations versées, écarts qui ne peuvent à mon avis s'expliquer
uniquement par des différences de coût entre les départements, monsieur le
rapporteur pour avis. Il semble même que certaines collectivités locales ont
commencé à réaliser des économies sur l'allocation compensatrice pour tierce
personne.
En d'autres termes, s'il y a eu effort financier supplémentaire - effort que
l'actuel gouvernement n'a pas demandé, au demeurant, mais qui a été rendu
nécessaire par l'application de la loi du 24 janvier 1997 - il s'est traduit
par une certaine forme de contraction.
Voilà pourquoi le Gouvernement a souhaité, pour accélérer la mise en oeuvre de
ce dispositif, vous proposer ces deux articles additionnels.
Avec l'article 72, monsieur Jourdain, il s'agit non pas de centraliser et de
mettre en place une sorte de tarification nationale, mais de faire en sorte que
les 9 000 établissements concernés poussent, chacun en ce qui le concerne, la
négociation sur la mise en place d'une tarification spécifique. Or il semble
bien, mais je fais confiance au Sénat sur ce point comme sur beaucoup d'autres
- que ces 9 000 négociations ne pourront pas être « bouclées » d'ici au 31
décembre 1998. Dans ce cas, ces établissements se trouveraient dans une
situation juridiquement difficile qui, à la limite, leur interdirait
d'accueillir des personnes en état de dépendance.
Par conséquent, je crois que l'article 72 n'a d'autre objet que de permettre
une bonne application de la loi.
Quant à l'article 73, il permettra au Gouvernement - s'il est adopté - de
fixer par décret un taux minimal pour la prestation versée par les
départements.
Cet article a suscité de votre part de nombreuses critiques. Permettez-moi
cependant de vous dire qu'il s'agit d'un taux minimal et non d'un taux moyen,
ce qui est tout à fait important, et qu'il s'agit pour le Gouvernement - c'est
une conviction que j'aimerais vous faire partager - d'ouvrir une possibilité,
laquelle ne serait mise en oeuvre qu'après concertation. J'insiste sur ce
point, car MM. Jourdain et Poncelet ont lancé un appel à la concertation, et il
est clair qu'il faudra, en la matière, se rapprocher de l'Association des
présidents de conseils généraux.
Par conséquent, cet article 73, qui a été critiqué, ouvre une possibilité
d'agir, mais le Gouvernement s'engage à ne le faire que dans le cadre d'une
concertation avec les représentants des conseils généraux, de façon à parvenir
non pas à l'uniformité, monsieur Jourdain, mais à une situation un peu plus
homogène sur l'ensemble du territoire.
M. Michel Mercier.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie, monsieur le sénateur.
M. le président.
La parole est à M. Michel Mercier, avec l'autorisation de M. le secrétaire
d'Etat.
M. Michel Mercier.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de me permettre de m'exprimer
à propos des deux dispositions nouvelles qui ont été introduites à l'Assemblée
nationale en seconde lecture, sur l'initiative de Mme le ministre de l'emploi
et de la solidarité.
Comme vous l'avez indiqué, se posent à la fois des questions de forme et des
questions de fond.
Nous avons été surpris, tout d'abord, par l'introduction de ces deux
amendements, qui est intervenue non seulement au milieu du débat sur le projet
de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, mais
aussi alors que la négociation avec les département et l'APCG a été engagée
avec Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité le 12 mai dernier, dans
une excellente ambiance : je parle sous le contrôle de notre collègue Jean
Chérioux, qui était présent à cette négociation.
Les sujets que les départements ont à traiter avec le Gouvernement sont des
sujets importants : prestation dépendance, réforme de la tarification,
assurance vie universelle, mise en oeuvre de la loi contre les exclusions. Pour
beaucoup d'entre eux, ces sujets ne provoquent pas les habituels clivages
partisans et ils doivent, pour aboutir dans de bonnes conditions, recueillir un
assentiment large dans le pays.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Très bien !
M. Michel Mercier.
Quoi qu'il en soit, les départements sont prêts à un dialogue fructueux avec
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et, le 12 mai, la négociation a
été engagée sur de bonnes bases. C'est pourquoi nombre d'entre nous ont
considéré ces deux amendements comme un frein au dialogue.
Nous regrettons un peu la méthode utilisée.
M. Jean Chérioux.
Beaucoup, même !
M. Michel Mercier.
Oui, beaucoup, pour tout dire.
Mais je tiens à garder...
M. le président.
Monsieur Mercier, permettez-moi de vous rappeler qu'une interruption ne peut
excéder deux minutes !
M. Michel Mercier.
Je m'aperçois que je vais devoir faire régler ma montre, monsieur le président
!
(Sourires.)
M. René Régnault.
Inscrivez-vous dans la discussion générale !
M. le président.
En effet, vous pouvez toujours vous inscrire dans la discussion générale, mais
je ne peux pas, en l'état, vous laisser aller au-delà de deux minutes, j'en
suis navré.
M. Michel Mercier.
Je vais être très bref, monsieur le président.
Je voulais simplement dire que, s'agissant de la PSD, il est très difficile
d'avoir des chiffres exacts. Nous n'allons pas nous livrer à une bataille à ce
sujet, mais je crois pouvoir dire que les départements ont pris avec un relatif
enthousiame cette prestation nouvelle, et que les chiffres que nous avons sont
un peu différents de ceux que vous avez annoncés, monsieur le secrétaire
d'Etat.
En outre, on peut difficilement comparer la situation de l'Allemagne, qui a
depuis longtemps instauré chez elle une prestation dépendance, avec un
mécanisme qui démarre seulement chez nous, même s'il touche déjà environ 30 000
personnes.
S'agissant des écarts entre établissements, je crois que, là encore, nous
sommes prêts à une vraie discussion et, sur la réforme de la tarification, nous
sommes prêts à travailler avec Mme la ministre, et même à l'encourager. Nous
sommes probablement les seuls aujourd'hui à soutenir cette réforme et il ne
faudrait pas que, par l'emploi de procédés un peu brusques, Mme Aubry perde les
soutiens dont elle va avoir besoin pour mener à bien cette réforme essentielle.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
J'ai écouté M. Mercier avec attention, et j'ai été
très sensible à sa volonté de dialogue,...
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
C'est toujours le cas au Sénat
!
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... qui est partagée par le Gouvernement.
Mais je termine rapidement, monsieur le président.
M. le président.
Vous avez tout votre temps, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je vais quand même faire en sorte que nous puissions
progresser dans le débat sur ce texte multiforme.
Je mentionnerai rapidement un certain nombre de dispositions positives qui ont
été adoptées par l'Assemblée nationale.
Il en est ainsi de l'extension aux logements en foyer du taux réduit de TVA
pour les travaux de rénovation des logements sociaux. Cette extension est, je
le crois, importante d'un point de vue social,...
M. René Régnault.
Très importante !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... mais aussi pour l'artisanat du bâtiment. C'est une
mesure coûteuse, que le Gouvernement a cependant acceptée volontiers.
J'évoquerai enfin, tout aussi rapidement - mais nous y reviendrons
certainement - le fait que le Gouvernement s'était engagé à trouver une
solution pour mettre fin aux abus en matière de vignette automobile, sans pour
autant limiter en quoi que ce soit la liberté de vote des impôts par les
collectivités locales. En la matière, la solution qui a été adoptée doit
beaucoup à M. Peyronnet, qui nous a aidés, au sein du groupe socialiste, à
trouver une solution équilibrée.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
En ce qui concerne la taxe sur les activités
saisonnières, la solution qui a été adoptée semble elle aussi équilibrée, même
si l'on peut envisager de plafonner cette taxe pour éviter les risques
d'inconstitutionnalité évoqués par M. Lambert.
Enfin, et ce sera ma dernière remarque - toujours courtoise - à M. le
président Poncelet, je n'ai pas bien compris en quoi une disposition tendant à
créer des assistants spécialisés pour lutter contre la fraude fiscale n'aurait
pas sa place dans un texte de loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier. Mais peut-être ai-je mal compris votre propos,
monsieur Poncelet...
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Une telle disposition a sa place
dans un texte d'inspiration juridique, mais pas dans un texte d'ordre
économique et financier !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Nous souhaitons tous lutter contre la fraude fiscale
organisée, qui revêt, à l'évidence, un caractère financier puisqu'elle prive
l'Etat, et donc notre pays, de ressources fiscales.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Cela n'a rien à voir, il ne s'agissait pas de cela !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Une telle disposition me paraît donc politiquement
justifiée - ce dont vous ne doutez pas - et elle a certainement sa place dans
ce texte, afin que ce dispositif puisse entrer en vigueur dans les semaines qui
viennent.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
C'est un argument que je vous
resservirai dans quelque temps, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
J'arrêterai là mon exposé.
Je réitère, en conclusion, que c'est un esprit de dialogue qui nous a animés
ainsi qu'une volonté d'aller dans le sens de la modernisation économique et
sociale de notre pays. Ainsi, et les premières adaptations qui ont été
apportées à ce projet de loi au cours de la discussion parlementaire le
montrent, le Gouvernement est à votre écoute et il le sera encore dans la suite
des débats.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault.
Monsieur le président, madame, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, nous nous étions quittés, à l'issue de la première lecture de ce
projet de loi, sur la satisfaction d'avoir accompli ensemble un bon travail sur
un texte long, touffu, parfois complexe, voire rébarbatif - comme le sont
d'ailleurs si souvent les projets de loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier - même s'il faut souligner l'effort du Gouvernement,
qui a su dégager quelques lignes de force.
Sur soixante-cinq articles, dont vingt-huit articles nouveaux, le Sénat en
avait adopté cinquante-cinq conformes et il avait encore enrichi le texte
puisqu'il avait adopté trente-trois articles additionnels, dont plusieurs
étaient issus de propositions de notre groupe.
Même si certaines dispositions proposées par la majorité sénatoriale étaient
inacceptables, même si cette dernière avait dénaturé certains articles
importants, la commission mixte paritaire qui s'est réunie peu après aurait pu
déboucher sur un accord, achevant en beauté, si j'ose dire, ce travail
législatif exemplaire.
Je regrette, par conséquent, que le maintien de certaines positions un peu
dogmatiques, il faut bien le dire,...
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Oh !
M. Guy Fischer.
Idéologiques !
M. René Régnault.
... de la part des représentants de l'opposition parlementaire ait entraîné
l'échec de cette commission mixte paritaire.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
On ne prête aux autres que ce
que l'on se reproche à soi-même !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
L'ouverture, c'est : « votez comme moi » !
M. René Régnault.
Je pense, en particulier, à Air France : l'article 36 formalise les
orientations équilibrées retenues par le Gouvernement et sa majorité en vue
d'assurer le redressement durable de cette grande entreprise. Il permet de
concilier l'intérêt général et celui des salariés. Sa suppression serait donc
néfaste pour l'avenir d'Air France, surtout quand elle n'est justifiée que par
la privatisation, c'est-à-dire la disparition d'une grande compagnie
nationale...
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Son sauvetage, au contraire !
M. René Régnault.
... qui contribue au rayonnement de la France dans le monde et à laquelle les
Français sont attachés.
L'Assemblée nationale a donc repris le texte issu de nos travaux dans un
esprit constructif, vous l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'Etat,
puisque la moitié des articles additionnels adoptés par le Sénat ont été
conservés, notamment certaines propositions provenant du groupe socialiste.
Par exemple, l'article 35, qui traite de la desserte en gaz, semble dorénavant
bien équilibré. Il définit avec précision un plan de desserte en gaz qui
permettra de renforcer le réseau de distribution de Gaz de France. Quant aux
deux ajouts importants que nous avions proposés en première lecture, ils
renforcent la concertation autour du dispositif et nous sommes heureux que
l'Assemblée nationale les ait conservés.
Cette satisfaction doit également être étendue à plusieurs dispositions que
nous avions proposées en première lecture et qui ont été adoptées conformes par
l'Assemblée nationale. Ainsi, les services départementaux d'incendie et de
secours auront désormais la possibilité de bénéficier, en lieu et place des
collectivités propriétaires, des attributions du fonds de compensation pour la
taxe sur la valeur ajoutée. Voilà qui facilitera la mise en oeuvre de la
départementalisation !
La clarification très attendue au sujet du complément de rémunération des
fonctionnaires a également été adoptée conforme, même s'il convient de
souligner que la solution retenue ne règle pas les situations créées depuis le
26 janvier 1984, avec l'apparition, en particulier, des établissements publics
de coopération intercommunale à fiscalité propre. Le groupe socialiste envisage
d'ailleurs de déposer une proposition de loi portant notamment sur cette
question.
Le rétablissement du caractère facultatif de l'établissement d'un budget
annexe pour les services de distribution d'eau potable gérés en régie en faveur
des communes de moins de 500 habitants est également une bonne chose. Cette
disposition importante pourrait être étendue, car la formule du budget annexe
est très lourde pour ces petites communes.
Une autre mesure importante est celle qui donne désormais la possibilité aux
administrations, aux collectivités locales et à leurs établissements de céder
gratuitement les matériels informatiques usagés aux écoles et aux associations
de parents d'élèves. C'est une disposition utile pour le soutien scolaire et
pour les parents d'élèves, notamment pour les familles les moins favorisées,
qui ne peuvent équiper leurs enfants de cet outil pédagogique aujourd'hui
indispensable.
S'agissant de la taxe d'équarrissage, l'Assemblée nationale a décidé de
ramener le seuil de chiffre d'affaires de 5 millions de francs à 3,5 millions
de francs.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Ce n'est pas bien !
M. René Régnault.
Nous étions plutôt d'accord avec la majorité du Sénat !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Ah !
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Vous pourrez le manifester tout à l'heure !
M. René Régnault.
Monsieur le rapporteur, cette disposition permettra de faire échapper tous les
artisans bouchers dont le chiffre d'affaires est inférieur au seul de 3,5
millions de francs à la taxe d'équarrissage. Toutefois, la mesure prendra fin
non plus le 31 mai 1999 mais le 31 décembre 1998.
Le dispositif a évolué au cours des navettes ; il nous paraît maintenant
satisfaisant.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
Vous êtes donc contre le seuil de 5 millions de francs ?
M. René Régnault.
Monsieur le rapporteur, nous sommes pour la concertation, qui permet de
déboucher sur un compromis acceptable par tous.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Ce n'est pas la question qui
vous a été posée !
M. René Régnault.
En ce qui nous concerne, nous nous rallions donc à la disposition qui a été
arrêtée et qui nous est maintenant soumise, car elle semble traduire un bon
équilibre. J'espère que le Sénat en conviendra.
(M. Lambert, rapporteur, s'exclame.)
Enfin, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs,
mes chers collègues, je veux attirer votre attention sur le problème des
indemnités servies aux élus des chambres de métiers. On doit absolument - et
l'on peut - trouver une soluttion. Mais cela suppose que le contenu de notre
amendement sur la question soit pris en compte, et ce quel que soit
l'amendement adopté.
La deuxième lecture a été l'occasion de l'introduction de nouvelles
dispositions, émanant le plus souvent d'amendements du Gouvernement.
Lorsqu'il s'agit du résultat de concertations, c'est bien.
A cet égard, je pense à l'article 39
bis,
aboutissement d'un long
débat, que le groupe socialiste du Sénat avait lancé lors de l'examen du projet
de loi de finances pour 1998, sur l'essor d'une évasion fiscale dangereuse pour
la décentralisation et concernant le paiement de la vignette et de la taxe sur
les cartes grises.
Il était important - nous l'avons toujours pensé - que ce soit la loi, et non
pas le règlement, qui définisse clairement les règles de localisation des
immatriculations. Même si nous aurions préféré que cette concertation trouve
son aboutissement législatif au Sénat - c'est de bonne guerre ! - la
disposition adoptée à l'Assemblée nationale est conforme à nos voeux.
Je pense également au nouvel article 45
bis,
qui améliore la portée de
l'article 100 de la loi de finances pour 1998 permettant de suspendre les
poursuites contre les rapatriés réinstallés surendettés dont les demandes ne
sont pas parvenues à terme, ou bien au nouvel article 47
bis,
qui ramène
de deux ans à un an le délai d'exclusion des assurés, en cas de suicide, pour
le versement des capitaux d'assurance décès.
En revanche, quand des dispositions sont introduites sans concertation, c'est
regrettable.
Je pense, en particulier, à la prestation spécifique dépendance. Le dépôt, en
deuxième lecture, de deux amendements sans une discussion approfondie - la
concertation a tout de même eu lieu puisque certains disaient, voilà quelques
instants, y avoir participé - avec les collectivités territoriales directement
concernées et avec leurs représentants, n'est pas satisfaisant. Cela frôle
même, convenons-en, l'inacceptable.
Mais n'est-il pas vrai que nécessité fait loi ? De plus, il faut le
reconnaître, c'est un peu la loi du genre. Ces projets de loi portant diverses
dispositions, qui se succèdent, sont construits de façon très comparable. Ce
DDOEF fait donc suite à d'autres, présentés par d'autres gouvernements, issus
d'autres majorités. Alors, mes chers collègues, ne faites pas semblant d'en
découvrir tout à coup et le principe, et la méthode !
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Puisque vous votiez contre, vous
ferez de même cette fois-ci !
M. René Régnault.
En fouillant un peu dans nos mémoires, en nous reportant, surtout, à nos
travaux, nous pourrions, monsieur le président Poncelet, argumenter chacun
quant à la qualité, à la nature et à l'importance de ces textes.
Alors, sachons raison garder : même si, je le répète, la procédure est
critiquable, il nous faut examiner le problème posé au fond.
D'ailleurs, en écoutant M. le rapporteur pour avis, je me suis dit qu'il était
un excellent défenseur de ces deux dispositions et qu'il plaidait indirectement
mais sûrement en faveur de leur introduction dans le projet.
L'Etat - c'est une de ses missions fondamentales - doit se préoccuper de la
façon dont la solidarité s'exerce au travers du pays, y compris lorsqu'il n'est
pas le financier « direct ».
Plus d'un an après son lancement, la prestation spécifique dépendance se voit
remise en question de toutes parts. Les principaux reproches sont que l'on
alloue des sommes bien en deçà de l'allocation compensatrice pour tierce
personne, que l'on favorise un service au rabais et, surtout, que l'on
enregistre de grandes disparités parce que ce qui s'apparente à un droit à
vieillir dignement est accordé de façon très hétérogène d'un département à
l'autre.
Sur 700 000 personnes âgées dépendantes en France, on compte aujourd'hui
seulement 10 000 bénéficiaires de la prestation spécifique dépendance, soit
moins de 2 % de la population totale. Ne serions-nous pas là devant une forme
d'exclusion, exclusion dont on a déjà parlé et dont on va débattre encore
prochainement ?
La loi, d'origine parlementaire, fixe un cadre réglementaire souple au sein
duquel chaque département est libre d'appliquer son barème et son type de
fonctionnement. Résultat : le nombre de dossiers acceptés, comme le prix de
journée fixé, varient du simple au triple, alors que la prestation évolue dans
une fourchette encore plus large, de un à dix.
Le ministre de l'emploi et de la solidarité avait averti, en novembre dernier
- j'imagine qu'il avait été un peu entendu - que, si les départements
n'harmonisaient pas leurs tarifs, le Gouvernement ne pourrait pas accepter que
les personnes âgées soient traitées de manière inégalitaire et qu'il serait
alors obligé de prendre des mesures tendant à remédier à ces différences. C'est
ce que le Gouvernement fait aujourd'hui, et c'est un acte responsable de sa
part.
Par ailleurs, il faut rappeler devant la Haute Assemblée que les
parlementaires socialistes, dans leur saisine du Conseil constitutionnel, en
décembre 1996, avaient souligné « que, la prestation étant renvoyée au niveau
du département, il en résulterait nécessairement des discriminations
territoriales au détriment des personnes âgées dépendantes ».
Aujourd'hui, la loi votée est très largement remise en cause. Au cours du
débat, les parlementaires avaient souligné abondamment les difficultés
d'application. Maintenant, une réforme s'impose. C'est une première étape qui
nous est aujourd'hui présentée par voie d'amendement. On garantit un minimum -
vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'Etat - en fixant par décret une
fourchette, chaque assemblée départementale restant libre de fixer le montant
réel dans cette fourchette.
M. Michel Mercier.
C'est la liberté encadrée !
M. René Régnault.
Cette garantie d'un minimum, que d'autres pays auxquels vous faites parfois
référence n'ont pas encore adoptée, affecte les ressources des moins bien lotis
; elle s'apparente au SMIC, qui a été une bonne disposition pour les
travailleurs français.
La politique du quatrième âge, dont la démographie française a grandement
besoin, ne saurait se satisfaire d'une mesure au rabais, transitoire et
inéquitable. Il faudra sans aucun doute que le Gouvernement s'attelle à une
réforme en profondeur.
Mais, pour celles et ceux qui étaient concernés, il n'était pas raisonnable
d'attendre. Il n'était pas responsable de les renvoyer à plus tard, alors que
leur état appelle une décision sans délai. C'est le sens de ces deux articles,
dont nous comprenons et acceptons le bien-fondé.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, les quelques observations, non
exhaustives, que je voulais formuler au nom du groupe socialiste du Sénat, qui
déterminera son vote final en fonction des modifications que la majorité
sénatoriale ne manquera pas d'apporter au texte.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. Henri de Raincourt.
C'est sûr !
M. Alain Lambert
rapporteur.
Soyez confiant !
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
nouvelle lecture de ce projet de loi portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier intervient après l'échec de la commission mixte
paritaire constituée à l'issue de la procédure d'urgence.
Cette situation, qui est sans doute appelée à se reproduire dans l'avenir, du
fait même des divergences d'appréciation existant sur les principaux dossiers
entre l'Assemblée nationale et le Sénat, n'empêche toutefois pas ce texte de
conserver un caractère pour le moins hétéroclite, caractère d'ailleurs renforcé
par les débats menés, le 20 mai dernier, à l'Assemblée nationale.
Nous avons déjà indiqué, dans le passé, pour d'autres projets de loi
similaires ou pour certains textes portant sur les domaines sociaux, qu'il ne
nous semblait pas de bonne politique de concevoir ainsi des projets de loi «
fourre-tout », servant à escamoter des débats importants ou à servir de «
voiture balai » pour des dispositions de validation législative pour le moins
discutables.
On ne peut en effet que souligner que les trois premiers titres de ce projet
de loi auraient peut-être gagné à faire l'objet de textes séparés, dont
l'examen eût sans doute pu être suffisamment appronfondi et, en même temps,
suffisamment bref pour ne pas bousculer l'ordre du jour de notre assemblée.
C'est notamment vrai pour le titre Ier qui contient des mesures de
simplification administrative sur la pertinence desquelles on peut - nous le
ferons encore dans le cadre de la discussion des articles - toutefois
s'interroger.
S'agissant du titre II, relatif aux conséquences techniques, dirai-je, de la
mise en oeuvre de la monnaie unique, il nous aurait été loisible de nous
interroger sur le sens profond des dispositions des articles 15 et 30,
aujourd'hui votés conformes, et qui mettent en place des dispositifs dont la
portée n'est pas que technique, c'est le moins qu'on puisse dire.
S'agissant, notamment, de la question d'une éventuelle indexation des revenus
obligataires sur l'inflation, permettez-moi simplement de souligner qu'une
telle disposition pourrait inspirer, à l'avenir, un certain nombre d'acteurs
sociaux, notamment en matière de salaires ou de prestations sociales, ladite
indexation ne signifiant pas, dans tous les cas, le simple suivi du mouvement
de la hausse des prix.
Le titre III du projet de loi, qui concerne le secteur public, conserve, de
notre point de vue, des défauts assez fondamentaux.
Nous sommes en effet confrontés directement à certaines problématiques.
La première est celle de savoir si, d'une certaine manière, le service public
à la française a vécu et si nos conceptions n'ont, définitivement, plus aucune
chance d'être prises en compte dans la construction européenne.
Les directives européennes en matière d'énergie ne semblent pas avoir d'autre
objectif que celui de segmenter la clientèle des exploitants en vue d'offir les
créneaux les plus porteurs - en l'occurrence, la clientèle des entreprises - à
des prestataires issus du secteur privé dont la politique tarifaire, qu'on le
veuille ou non, épousera, si l'on peut dire, les inégalités de développement du
pays et confinera les opérateurs publics dans l'accomplissement d'une mission
au plus près de ceux de nos compatriotes qui sont confrontés aux plus grandes
difficultés économiques et sociales.
Nous pensons, à l'inverse de ce que laisse supposer la lettre actuelle de
l'article 35 de ce projet de loi, qu'il nous faut être ambitieux pour notre
service public de distribution du gaz et que c'est là l'un des vecteurs de
notre indépendance énergétique et, partant, de notre développement
économique.
S'agissant de l'article 36, force est de constater que nous devons nous
interroger sur la pertinence de dispositions dont on n'est pas encore
aujourd'hui certain qu'elles constitueront la lettre de l'accord collectif
passé entre la direction de notre compagnie aérienne nationale et son personnel
navigant.
Si le redressement de notre compagnie aérienne est aujourd'hui une nécessité,
ne serait-ce que pour que notre pays puisse jouer tout son rôle dans le concert
du transport aérien et, évidemment, dans l'ensemble de la filière aéronautique,
de la conception à l'exploitation, on est contraint de se demander si la voie
de la validation législative est nécessairement la meilleure, monsieur le
secrétaire d'Etat.
L'ouverture du capital d'Air France au personnel de la compagnie est, d'une
certaine manière, une sorte de renaissance de la société anonyme à
participation ouvrière qui existait à l'époque d'UTA.
La majorité sénatoriale avait soutenu, en 1996, un projet de loi identique à
celui que nous discutons aujourd'hui où cette forme d'actionnariat était en
quelque sorte dissoute. Elle l'avait fait en pleine connaissance de cause, en
vue de favoriser la privatisation ultérieure d'Air France, inscrite dans la loi
de 1993.
Il est nécessaire de réfléchir aux termes de la négociation afin que soit
clairement indiquée l'abrogation pure et simple de la privatisation d'Air
France. Je me souviens d'ailleurs que certains des membres du Gouvernement
avaient, lorsqu'ils étaient dans l'opposition, cosigné une proposition de loi
tendant à l'abrogation de la loi de 1993. Il nous semble aujourd'hui utile que
nous procédions effectivement à l'examen de telles propositions, à la lumière
de l'expérience.
Vous ne pourrez en effet que nous permettre de nous interroger sur la
visibilité de la politique gouvernementale actuelle en matière de gestion du
secteur public.
Le diktat que M. Van Miert a imposé dans l'affaire du Crédit lyonnais et qui,
à terme, risque, sous prétexte de redressement, de mettre en cause l'existence
même de l'établissement, n'est pas acceptable.
Il n'est pas acceptable que cette part importante de la politique économique
soit ainsi soumise aux seuls desiderata de fonctionnaires européens qui
confondent allègrement technicité et rôle politique, rôle que rien ne leur
permet réellement d'exercer sinon une incroyable conception de la procédure
européenne, pour laquelle l'ensemble de l'initiative est dévolu à la seule
Commission.
Dans cette affaire, permettez-moi de le dire, les salariés n'ont, pour le
moins, pas été autrement consultés que sur la portée et l'importance des
licenciements et des suppressions d'emplois prévus dans les plans sociaux à
répétition.
Au moment où l'un de ceux qui étaient investis d'un rôle majeur dans la
direction du Crédit lyonnais lors de l'émergence de la crise veut exercer, même
s'il devra attendre encore quatre ans, de hautes fonctions à l'échelon
européen, vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, nos
interrogations.
Pendant ce temps, le Crédit industriel et commercial a été privatisé, même si
le fait qu'il soit devenu un élément du Crédit mutuel peut apparaître comme un
moindre mal, et l'on nous annonce maintenant que le Crédit foncier de France
connaîtra bientôt le même sort, en attendant la réforme du statut des caisses
d'épargne...
Nous avons en France, ne l'oublions pas, un grand secteur public dans le
domaine de la banque et des assurances...
M. Jean Chérioux.
Hélas !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
... dont la cohérence est à la fois historique et profondément porteur
d'innovation.
Nous ne croyons pas que la question de ce secteur public puisse, comme cela
est encore le cas, être réglée au travers de l'examen circonstanciel de la
situation de tel ou tel établissement. Elle doit être étudiée en prenant en
compte l'ensemble des capacités d'intervention et des missions d'intérêt
général qui peuvent être assignées à ce secteur public.
Des domaines fondamentaux de la vie économique de la nation, comme le
logement, le financement des PME, l'innovation technologique, le développement
de nos exportations, la couverture de risques pour les plus modestes de nos
compatriotes, les investissements des collectivités locales ou le développement
socio-culturel, ne peuvent être laissés à la seule loi de marché, qui n'a
jamais fait la démonstration de son harmonie mais bien plutôt de sa rigueur et
de sa dureté.
Nous ne pensons pas anormal qu'échappent à la seule loi des contreparties
bancaires ou assurantielles des sommes plus ou moins importantes, drainées par
d'autres réseaux de collecte, et que cette collecte réponde aux besoins que je
soulignais à l'instant.
Nous pensons même, notamment au regard du gâchis qu'a pu constituer pour les
comptes publics l'ensemble des dépenses fiscales destinées à « digérer » les
pertes des groupes bancaires et assurantiels privés dans l'immobilier, que cela
est nécessaire dans un pays moderne et avancé comme le nôtre.
Nous réitérons donc, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi portant
DDOEF, notre demande d'un grand débat parlementaire sur les modalités de
financement de notre économie et sur le rôle que peut et doit jouer, dans ce
cadre, le secteur financier public, semi-public ou investi de missions
d'intérêt général.
S'agissant du titre IV du projet de loi, intitulé « Dispositions diverses »,
je me permettrai de souligner le caractère pour le moins hétéroclite de ces
articles, qui constituent d'ailleurs aujourd'hui l'essentiel des dispositions
du projet de loi.
Il y a dans ce titre un mixage pour le moins délicat entre des mesures que
nous pouvons approuver - et sur lesquelles nous n'aurons donc rien à redire -
et des mesures dont nous ne partageons pas la philosophie. Nous avons
d'ailleurs déposé un certain nombre d'amendements en ce sens.
Concernant les articles relatifs à la prestation spécifique dépendance, nous
aurons l'occasion d'en reparler lors de la discussion des articles.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Sans aucun doute !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
J'anticiperai cependant sur ce sujet en soulignant que, manifestement et ainsi
que mon collègue M. Guy Fischer avait pu le souligner lors de la discussion de
la loi de janvier 1997 instituant cette allocation, sans conteste, le système
mis en place n'est pas satisfaisant ; il crée plus de disparités et de
problèmes qu'il n'en résout.
La voie choisie par le ministère de l'emploi et de la solidarité est-elle la
meilleure ? Nous en jugerons.
Toujours est-il que nous devons garder à l'esprit, dans ce débat, que nous
nous adressons à des familles souvent aux prises avec un problème délicat et
des charges nouvelles importantes liées au vieillissement et que c'est la
qualité de la réponse que nous fournirons à ce problème qui « étalonnera » la
qualité réelle de notre travail législatif.
Nous ne pouvons enfin, dans le cadre de ce débat, omettre un aspect assez
fondamental de la situation économique de notre pays.
La reprise économique dans notre pays est bien réelle, malgré, cela dit en
passant, une augmentation de la fiscalité des entreprises.
Le niveau de la consommation s'oriente plutôt à la hausse, de façon
tendancielle ; nul doute d'ailleurs que cette consommation risque fort de
connaître encore, du fait, par exemple, de la Coupe du monde de football, une
nouvelle poussée positive.
Certains articles de presse relatent que les prévisions de recettes fiscales
pour l'année 1998 seraient dépassées par les encaissements effectifs et que la
tendance à l'amélioration des comptes était donc un fait. On évoque même un
montant de recettes complémentaires de l'ordre de 0,4 % à 0,5 % de PIB, offrant
ainsi quelques marges de manoeuvre pour la définition d'une politique
économique et budgétaire nouvelle.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de m'interroger, au nom de mon
groupe, sur ce que l'on compte faire de ces sommes, sur les priorités que l'on
souhaite affirmer au travers de leur utilisation, alors même que des besoins
sociaux forts se sont exprimés en matière d'éducation - comme on l'a vu en
Seine-Saint-Denis - de lutte contre l'exclusion et de logement.
Devons-nous consacrer de manière exclusive les plus-values fiscales à la seule
réduction des déficits ou en tirer parti pour imprimer réellement un changement
d'orientation politique, dont nous n'avons jamais souligné, permettez-moi de le
rappeler, qu'il devait se développer à « fonds perdus », mais bien plutôt au
travers de priorités démocratiquement définies, tant dans le cadre de nos
travaux parlementaires qu'au plus près du terrain, avec les premiers intéressés
?
Tels sont donc les points que nous souhaitions relever à l'ouverture de la
discussion générale de cette nouvelle lecture du présent projet de loi.
S'agissant, enfin, de notre vote, nous ne manquerons pas, si la majorité du
Sénat venait à modifier de nouveau plus profondément le texte issu des travaux
de l'Assemblée nationale, d'exprimer un vote négatif sur l'ensemble du projet
de loi.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Vecten.
M. Albert Vecten.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'étais déjà intervenu ici même sur la vignette
le 6 mai dernier et vous m'aviez dit avoir été convaincu. Vous nous aviez aussi
déclaré qu'il fallait trouver une solution équitable.
Il m'est difficile de juger aujourd'hui si l'amendement n° 76 présenté à
l'Assemblée nationale le 20 mai dernier est équitable. Ce qualificatif est en
effet assez subjectif. Ce texte me semble ne pas répondre aux bonnes conditions
de fonctionnement des entreprises concernées et ne pas être, de ce fait,
applicable.
En effet, les entreprises de location ont une chaîne de gestion qui implique
successivement la commande de véhicules - jusqu'à 40 000 par an pour certaines
d'entre elles - l'immatriculation, la détermination du point de livraison puis
la location qui est complexe, adaptée à des situations commerciales spécifiques
et mouvantes. L'immatriculation locale est, d'après ce qu'elles expliquent, un
non-sens économique qui se traduira par des dépenses supplémentaires payées
obligatoirement par les consommateurs.
Ces flottes ne peuvent être gérées économiquement que d'une manière nationale.
C'est pour cette raison qu'avant de faire immatriculer leurs véhicules dans la
Marne, ces sociétés le faisaient à Paris ou dans les Hauts-de-Seine. C'était
certes moins visible, le parc automobile de ces départements étant beaucoup
plus important que celui de la Marne, mais il est difficile de considérer que
le transfert de ces immatriculations dans le département de la Marne et dans la
région Champagne-Ardenne n'est pas un progrès en termes d'aménagement du
territoire.
Bien sûr, les entreprises devront ajouter à cette dépense le coût fiscal d'une
vignette en moyenne deux fois plus chère. Mais, si j'ai bien compris, c'est
l'objectif que s'est fixé la commission des finances de l'Assemblée
nationale.
Je n'évoquerai même pas les difficultés que le Gouvernement va rencontrer pour
élaborer un texte d'application compréhensible et les dépenses de contrôle qui
seront nécessaires pour vérifier que les entreprises modifieront leur gestion
pour respecter la loi.
Un raisonnement du même type peut être appliqué à la partie de l'amendement
voté par l'Assemblée nationale, relative aux véhicules de plus de 500 kilos.
Le texte qui nous est soumis aujourd'hui dans l'urgence ne répond pas à une
exigence essentielle de la fiscalité moderne. Il induit des comportements
antiéconomiques de la part des entreprises. Il n'est pas non plus, en général,
un gage de simplicité alors que les contribuables nous reprochent la complexité
de nos textes.
Y avait-il vraiment urgence ? Ma réponse est, évidemment, non.
Les sommes en cause représentent moins de 1 % des recettes de la vignette,
soit moins de 100 millions de francs sur 14 milliards de francs de fonds de
recettes annuelles. Que dirait-on d'une réforme urgente de la taxe
professionnelle justifiée par les taux bas de quelques communes ou départements
?
Pour l'essentiel, les recettes de la vignette étaient perçues avant 1996 par
des départements à très fort potentiel fiscal. Contrairement à ce qui a été
dit, il n'y a jamais eu, de la part du département de la Marne, de volonté de
dumping. Les tarifs sont très faibles depuis le transfert au département en
1984, alors que le gonflement des immatriculations n'est intervenu qu'à la fin
de l'année 1996.
Je pense qu'il aurait fallu faire une réforme fiscale globale.
Alors que le Gouvernement réfléchit sur l'ensemble de la fiscalité locale, ne
faut-il pas réfléchir à ce qu'est la vignette aujourd'hui alors qu'elle a été
créée en 1956 par Paul Ramadier pour financer les retraites minimales ?
Je suis impressionné en particulier par la pénalisation des foyers ruraux,
pour lesquels la possession de plusieurs véhicules est souvent indispensable,
même si leurs ressources sont modestes. Or les exonérations sont très limitées
en la matière, à la différence de ce qui se passe en matière de taxe
d'habitation ou d'impôt sur le revenu.
Une véritable réflexion devrait être engagée, en cohérence avec les autres
projets de réforme du Gouvernement.
Nous autres, sénateurs, savons que légiférer nécessite du temps et du travail.
Quand on nous soumet un premier texte inapplicable en première lecture, et
qu'un deuxième, différent, est déposé au dernier moment par la commission des
finances de l'Assemblée nationale, nous nous inquiétons d'un possible
dévoiement de notre fonction. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous
invite à ne pas adopter le texte voté par l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Emmanuel Hamel.
Nous sommes solidaires de la Marne blessée !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je veux très brièvement répondre aux trois derniers
intervenants.
Tout d'abord, je dirai à M. Régnault qu'il a dressé une liste éloquente des
dispositions qui figurent dans ce DDOEF et qui visent directement à améliorer
la vie quotidienne de nos concitoyens et des élus.
S'agissant de la prestation spécifique dépendance, il a souligné qu'il était
urgent de répondre à l'attente de ces personnes en situation de grande
fragilité, et que cela justifiait que le Sénat légifère. Je partage son point
de vue.
A Mme Beaudeau, je tiens à dire qu'Air France est et restera à majorité de
capitaux publics. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point.
Je précise par ailleurs que, contrairement à ce que l'un de vos collègues
exprimait en soupirant, le Gouvernement est heureux que nous ayons un grand
secteur bancaire et assuranciel public qui peut être un atout dans la
compétition internationale.
Pour ce qui est du Crédit Lyonnais, madame le sénateur, l'objectif du
Gouvernement a été de sauver cette banque d'une décision négative qui aurait
provoqué de très grandes difficultés dans le secteur bancaire et, surtout, dans
le domaine social.
Ainsi, l'accord auquel nous avons abouti après une négociation très difficile
permet au Crédit Lyonnais de poursuivre son redressement, dans l'intérêt à la
fois des contribuables et des salariés.
Par ailleurs, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a
reçu hier les syndicats du Crédit Lyonnais, avec lesquels nous entretenons des
contacts continus.
M. Emmanuel Hamel.
Ils ont fait part de leurs inquiétudes !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Au sujet de la prestation spécifique dépendance, vous
avez noté, madame le sénateur, que nous tentons de relever le défi qui nous est
lancé en apportant une réponse de qualité aux personnes âgées en grande
difficulté.
Enfin, je vous annonce des recettes fiscales supplémentaires. Comme vous le
savez, le budget de l'Etat pour 1998 a été établi sur la base d'une croissance
de 3 %. Certains n'y croyaient pas il y a encore six mois. Pourtant cette
croissance est bien au rendez-vous et les recettes fiscales rentrent en
conséquence. Il serait en effet irresponsable de consommer des recettes
fiscales virtuelles.
Nous aurons l'occasion de revenir sur l'ensemble de ces questions lors d'un
débat d'orientation budgétaire qui me semble relever d'une bonne tradition
parlementaire.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Monsieur le président, comme je
l'ai indiqué en conférence des présidents, je sollicite une suspension de
séance d'une heure environ pour permettre à la commission des finances
d'examiner les quelque quarante amendements qui ont été déposés par nos
collègues.
M. le président.
Le Sénat va, bien entendu, accéder à votre demande, monsieur le président de
la commission.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-huit heures
quinze.)