Séance du 2 juin 1998
POLICES MUNICIPALES
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi (n° 414, 1997-1998), adopté par
l'Assemblée nationale, relatif aux polices municipales.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de
loi, qui était d'ailleurs nécessaire, n'aborde qu'une petite partie des
problèmes de sécurité. Je pense qu'il faut l'étudier dans sa globalité, sous
peine de tomber dans les incohérences.
Le colloque de Villepinte, les 24 et 25 octobre dernier, a précisé les
orientations du Gouvernement en matière de sécurité publique, qui avaient été
annoncées lors de la déclaration de politique générale du Premier ministre, le
19 juin 1997, comme étant l'une des priorités du Gouvernement.
Nous considérons que les propos qui y furent tenus représentent une étape
importante dans la prise de conscience et le traitement de l'insécurité.
Nous partageons l'idée que la sécurité est l'affaire de tous et qu'elle exige
de fournir nécessairement un effort dans trois directions : citoyenneté,
proximité, efficacité.
Les quatre pistes qui ont été dégagées à ce colloque sont bonnes. Il s'agit de
la meilleure prise en compte de la dimension territoriale des politiques à
mener, de la restauration de la dimension personnelle et familiale de la
responsabilité, du traitement de la délinquance dans toutes ses composantes, de
la mise en cohérence des initiatives et de la recherche de complémentarités de
l'ensemble de la chaîne pénale.
Notre grand souci, c'est d'aborder le problème de l'insécurité urbaine, sans
tenir un discours démagogique et sécuritaire.
Le discours sécuritaire n'est d'ailleurs pas un discours sur la sécurité.
C'est, le plus souvent, un discours qui alimente les fantasmes, qui propose
d'éradiquer le mal en occultant les rapports sociaux, qui tue toute lueur
d'espoir à force d'être excessif.
Il nous faut impérativement trouver une alternative républicaine à ces
thèses.
Pour répondre au défi de l'insécurité, il y a non pas une seule solution, mais
une série de réponses, qui appellent un traitement à tous les niveaux et avec
tous les acteurs : les policiers, les éducateurs, les animateurs, les
enseignants, les militants associatifs, les travailleurs sociaux, les élus
locaux, etc.
Notre société est confrontée à des faits préoccupants qui entraînent un
sentiment d'abandon, de laisser-faire et conduisent à des réactions, des
comportements irrationnels trouvant malheureusement un prolongement électoral
dans le vote extrémiste de droite ou dans un repliement excluant tout intérêt
pour la vie citoyenne.
Si la sécurité occupe la seconde place, après l'emploi, dans les
préoccupations des Français, ces derniers ne sont pas égaux dans ce domaine. Ce
sont les personnes les plus démunies et les plus faibles qui sont les premières
victimes de la violence, et cette inégalité s'ajoute aux autres inégalités.
Face à ce phénomène, la lutte contre l'insécurité ne doit pas méconnaître la
mise en oeuvre d'une meilleure politique sociale. La crise et le drame du
chômage sont en effet un terreau favorable au brouillage des repères
essentiels. Les modèles d'intégration d'hier ne fonctionnent plus.
Quand le problème quotidien de beaucoup de nos compatriotes est de « survivre
», comment s'étonner dès lors que se développent trafics et économies
parallèles ? Les rapports de force se substituent dès lors aux rapports
humains.
Certains de nos concitoyens, jeunes et moins jeunes, ne croient plus aux
messages qui leur sont délivrés, et qui leur semblent si éloignés dans la
situation de détresse où ils sont.
Nous estimons que la politique de sécurité doit, pour être efficace,
s'inscrire dans celle de la réduction des inégalités, et ce à quelque niveau
que ce soit.
En matière de sécurité, les maires ont souvent été interpellés au cours des
quinze dernières années. En réaffirmant, à juste titre, que la sécurité est
l'affaire de l'Etat et non celle de la municipalité, ils n'ont probablement pas
su être suffisamment convaincants. Ils ont donc été conduits à créer des
polices municipales.
Même si l'on n'a pas observé ces dernières années de graves bavures, le
développement de ces polices a entraîné des dérives, voire des dérapages
inquiétants pour les libertés publiques, notamment dans les villes dirigées par
des élus qui sont loin d'être inspirés par une éthique républicaine. Je pense
en particulier à Vitrolles, où le maire a augmenté de façon considérable les
effectifs de police municipale.
Cette situation est certes - et fort heureusement - marginale. Elle ne nous
laisse pas pour autant indifférents. Les policiers municipaux, dans leur grande
majorité, sont, au même titre que les autres fonctionnaires territoriaux,
au-dessus de tout soupçon. Mais nous souhaitons un encadrement fort et strict
de ces polices, sous l'autorité de l'Etat, certains élus pouvant être tentés de
constituer un corps entrant en concurrence avec les agents de la police
nationale du seul fait du calibre des armes. Notons que les données
statistiques montrent que de telles dérives sont limitées.
L'expression « police municipale » recouvre des réalités bien différentes.
Qu'y a-t-il de commun entre des élus locaux ayant doté leur ville d'une police
municipale non armée chargée de l'application d'arrêtés municipaux de la
régulation de la circulation locale et du bon déroulement des manifestations
festives, et des élus désireux d'avoir une véritable police tout-terrain,
armée, concurrençant la police nationale ?
Dans ce contexte, il est devenu indispensable de donner un cadre légal aux
polices municipales et de mieux définir les missions imparties à leurs agents.
C'est ce que vous faites, à juste titre, monsieur le ministre.
Légiférer ne doit toutefois pas être interprété comme un encouragement à
recourir aux polices municipales. Nous pensons que ce risque existe. Evitons
donc de donner l'impression que l'Etat se désengage de ses missions
régaliennes.
Il ne faut pas non plus entretenir l'idée selon laquelle la sécurité de
proximité relèverait non pas des missions de l'Etat mais de celles de la police
municipale.
Mme Hélène Luc.
Très bien.
M. Michel Duffour.
En réalité, cette assertion est tout à fait inexacte. La police nationale fait
un grand travail sur le terrain, en rapprochant les forces de sécurité des
citoyens, en dialoguant avec les représentants de la vie associative. C'est le
constat que je dresse dans de nombreuses communes des Hauts-de-Seine. Est-ce le
cas partout ? Pas encore, certes ! Mais la preuve est faite que c'est désormais
du domaine du possible. Il convient d'encourager ce processus sans entretenir
l'idée que certains secteurs seraient hors de portée pour la police
nationale.
Il aurait probablement mieux valu que ce projet de loi se borne à encadrer les
polices municipales existantes et à mieux marquer un coût d'arrêt à leur
développement afin de limiter au maximum leur croissance.
Le projet de loi aurait été moins loin qu'il n'en serait pas moins bon. Mais,
s'agissant d'un compromis, nous l'acceptons.
Nous portons donc un avis positif sur l'ensemble du texte. Toutefois, nous ne
souhaitons pas qu'il y soit apporté d'infléchissement en vue d'étendre les
missions des polices municipales.
Nous estimons d'ailleurs que le projet de loi initial - comme l'a dit mon
collègue socialiste, M. Peyronnet - avant les modifications apportées par
l'Assemblée nationale, affirmait davantage la responsabilité de l'Etat en
matière de sécurité. A ce titre, il était donc meilleur.
Je crains que la commission des lois, par ses amendements, ne restreigne un
peu plus encore la responsabilité de l'Etat. A la convention librement négociée
entre le maire et le préfet, nous préférons le règlement de coordination tel
qu'il nous est proposé.
Nous estimons ainsi qu'il est indispensable que l'avis du préfet intervienne
en dernière instance afin de confirmer l'Etat dans ses fonctions régaliennes de
sécurité publique.
S'agissant de l'armement, le texte pose pour principe que les policiers
municipaux ne seront pas armés, et nous en sommes d'accord. Toutefois, lorsque
la nature de leurs missions et des circonstances particulières le justifient,
ils peuvent être autorisés par le préfet à porter une arme, dont la nature -
quatrième ou sixième catégorie - a été précisée par les députés.
L'armement est en fait intimement lié à « la nature des missions » et aux «
circonstances particulières », à savoir essentiellement le travail de nuit.
C'est prendre le problème à l'envers que de s'appuyer sur le fait que les
missions de police municipale s'étendent jusqu'à vingt-trois heures au lieu de
vingt heures pour affirmer que l'armement devient nécessaire. Limitons d'abord
les missions de ces polices.
Il existe un risque réel de détourner de l'objectif initial le contenu du
projet de loi et le rôle des polices municipales, lesquelles, dans leur grande
majorité, avaient été créées à l'origine pour faire appliquer les arrêtés
municipaux et jouer essentiellement un rôle de prévention, de dissuasion et
d'accompagnement des personnes fragilisées.
Nous estimons que la création, annoncée par M. le ministre, d'un cadre
d'emploi de catégorie B, relevant certes du domaine réglementaire, offre, à
juste titre, une certaine garantie contre toute inflation des effectifs.
A contrario,
envisager la création d'un cadre d'emploi de catégorie A
traduirait une volonté d'aller vers un accroissement du nombre des policiers
municipaux et d'une extension du champ de leurs missions, ce que nous ne
souhaitons pas.
Nous nous demandons si le texte ne va pas trop loin à propos de
l'élargissement des pouvoirs des policiers municipaux en matière de
vérification d'identité.
Le texte leur permet en effet d'effectuer des vérifications d'identité en cas
d'infraction aux arrêtés de police du maire, pour des contraventions au code de
la route, mais également pour des contraventions qu'ils peuvent constater en
vertu d'une disposition législative expresse.
Le libellé du texte, certes, apporte des apaisements, ainsi que vos propos à
l'instant, monsieur le ministre. Le policier municipal demande au supposé
contrevenant ses pièces d'identité, mais son interlocuteur n'a pas à
obtempérer. Un officier de police judiciaire est alors joint et prend la
responsabilité d'intervenir ou non. Cependant, n'entre-t-on pas ainsi dans des
processus au cours desquels les dérapages risquent d'être nombreux ? N'y a-t-il
pas, dans certains cas, sous pression de certains maires, le risque d'un
questionnement répété et fastidieux des commissariats par certains policiers
municipaux ?
Sait-on aujourd'hui que des maires multiplient les pressions pour éviter toute
expression pluraliste de la vie politique dans des quartiers, prennent des
arrêtés interdisant toute distribution de tracts et chargent leurs policiers de
faire respecter la décision ? Ne place-t-on pas les commissaires de police
devant des contradictions supplémentaires ? Je crois indispensable, mais cela a
été dit, d'éviter toute confusion visuelle entre les uns et les autres et de
bien distinguer les uniformes pour ce faire.
Pour ce qui est du volet social, peu de mesures semblent répondre aux
revendications des syndicats, à l'exception des pensions de réversion à taux
plein et des rentes viagères d'invalidité susceptibles d'être attribuées aux
conjoints et orphelins des agents de police municipale. C'est toutefois un pas
appréciable.
La question importante de la formation, tant initiale que continue, est
abordée par le projet de loi dans ses articles 15 et 15
bis.
C'est une question essentielle. Ne faudrait-il pas que l'agrément prenne au
moins en compte une première phase de la formation initiale ?
Restent l'organisation de cette formation et son financement.
Certaines villes se sont lancées, certainement un peu imprudemment, dans le
développement de polices municipales. Cela peut devenir difficile pour certains
budgets. Nous ne sommes toutefois pas partisans que, sous une forme ou une
autre, les collectivités qui n'ont pas choisi cette orientation soient amenées
à la financer.
Notre position nous amène, après avoir émis, comme vous l'avez entendu, des
restrictions sur l'avenir des polices municipales, sans remettre en cause leur
existence actuelle, à demander à l'Etat qu'il fasse le maximum dans le domaine
de la sécurité et que les moyens dont vous disposez, monsieur le ministre,
aillent bien vers les secteurs et les missions qui sont devenues aujourd'hui
prioritaires.
Il est plus que temps, en ce domaine, de se donner les moyens en personnels,
en équipements, en formation, afin d'obtenir des résultats concrets et lisibles
par la population, lesquels doivent s'accompagner d'une reconquête
indispensable sur le plan de l'emploi, de la formation et du pouvoir d'achat
des familles pour ouvrir une réelle perspective d'avenir.
C'est sur ces mots que je termine mon intervention, en attendant la fin de
l'examen des articles et amendements pour exprimer la position de mon groupe
sur l'ensemble du texte amendé.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis qu'a
été lancé le débat sur les polices municipales tout ou presque tout, ce qui
pouvait être écrit ou dit sur le sujet l'a été. Aussi mon intervention se
veut-elle, plus qu'un argumentaire, le témoignage d'un sénateur-maire - espèce
en voie de disparition si prévalent les dispositions arrêtées par l'Assemblée
nationale -...
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'est pas encore fait !
M. Daniel Eckenspieller.
... un sénateur-maire qui est confronté quotidiennement, dans sa ville de 16
000 habitants de l'agglomération mulhousienne, à des problèmes de violence
urbaine et d'insécurité.
Je me réjouirai, d'abord, du fait qu'un texte de loi relatif aux polices
municipales puisse enfin - après des tentatives qui ont avorté pour des raisons
diverses - clarifier le rôle et les conditions de fonctionnement de nos polices
municipales.
Je me réjouirai, ensuite, que ce texte, après l'annonce qui en a été faite en
termes catastrophiques, ait pris en compte, lors de la discussion à l'Assemblée
nationale, un certain nombre de demandes inspirées par l'expérience du terrain,
notamment en ce qui concerne la composition des commissions consultatives des
polices municipales, la possibilité, dans certains cas précis, de relever
l'identité des contrevenants, la possibilité d'autoriser le port d'arme dans le
cadre d'un règlement de coordination, ainsi que les dispositions arrêtées en
faveur des conjoints des policiers décédés en service commandé.
C'est dire que le projet de loi, tel qu'il vient en discussion au Sénat,
n'appelle plus qu'un nombre relativement restreint de réserves, mais elles sont
d'importance, ainsi que l'a souligné notre excellent rapporteur, Jean-Paul
Delevoye.
Si la loi finira sans doute par offrir un cadre acceptable pour les uns et
pour les autres, elle renvoie à des décrets sur des points essentiels : liste
des contraventions aux dispositions du code de la route que les policiers
municipaux peuvent constater, trame du règlement de coordination, mise en place
de la commission consultative des polices municipales, fixation des types de
mission et des conditions dans lesquelles les agents de police sont autorisés à
porter une arme, caractéristiques de l'équipement des polices municipales, code
de déontologie, formation des policiers municipaux, régime des pensions.
Il s'agit donc de près d'une dizaine de décrets dont le contenu - nous
aimerions que vous nous en donniez l'assurance, monsieur le ministre - doit
s'inscrire dans l'esprit du projet de loi dont nous débattons ici, sans le
rendre plus restrictif au détriment du pouvoir des maires et des prérogatives
des policiers municipaux.
Si près de 3 000 maires ont éprouvé le besoin de créer des polices
municipales, malgré les contraintes financières très lourdes qui pèsent sur
leurs communes, c'est qu'elles répondaient à un réel besoin. Leurs effectifs
sont, au demeurant, généralement très modestes.
Dans mon département, celui du Haut-Rhin, six villes seulement comptent plus
de cinq policiers, alors que quarante-deux en comptent un ou deux seulement.
Quant au coût d'un tel service, il est suffisamment dissuasif pour que l'on
n'ait pas à redouter un développement déraisonnable.
Le budget de ma ville supporte une charge annuelle d'environ 1 million de
francs pour un service de police assuré par six agents.
J'ai dû en faire une priorité, au détriment d'autres besoins, pour répondre à
une sollicitation insistante de mes concitoyens, sollicitation légitimée par
des situations vécues très douloureusement et d'une manière récurrente. Cela ne
dispense pas, pour autant, la ville de tout un arsenal d'actions de prévention
qui mobilisent, elles aussi, près de 2 millions de francs.
Certes, les policiers municipaux s'efforcent de faire respecter les arrêtés
municipaux dans les domaines de compétence qui sont ceux des maires.
Certes, ils assurent la sécurité des enfants en réglant la circulation à la
sortie des écoles.
Certes, ils veillent au respect des places de stationnement réservées aux
personnes handicapées.
Certes, ils interviennent, dans un esprit de médiation, dans les problèmes de
voisinage, et ils constatent, notamment en matière d'atteinte à
l'environnement, diverses infractions.
Certes, aussi, ils assurent le bon déroulement des grands rassemblements et
des manifestations organisées par la ville et par le monde associatif : autant
de missions qui justifieraient très largement, à elles seules, l'existence des
polices municipales.
Mais nos agents assurent également une présence dissuasive autour des lieux de
pratique sportive et de diffusion culturelle, où malheureusement les gens se
font racketter, où les voitures sont fracturées lorsqu'elles ne sont pas
incendiées. Ils contactent régulièrement les conducteurs de bus urbains pendant
leur attente solitaire aux extrémités des lignes situées dans nos villes de
banlieue. Ils rassurent, par des passages réguliers, les habitants qui vivent
au voisinage des secteurs difficiles de nos cités.
Et cela, ils le font surtout en soirée et au cours de la première moitié de la
nuit.
Ils le font pratiquement partout en coordination et en liaison permanente avec
les unités de la police nationale ou de la gendarmerie, sans empiéter sur des
prérogatives qui ne sont pas les leurs.
Sans doute, la sécurité relève-t-elle du pouvoir régalien de l'Etat.
Mais il faut bien convenir qu'aujourd'hui, pour des raisons multiples et
diverses, cette sécurité n'est pas garantie partout et à chacun.
Et le maire, qui est interpellé, ne peut pas ne pas prendre en compte, de la
manière la plus efficace possible, la demande pressante de ses concitoyens.
Aussi la question est-elle, aujourd'hui, moins de savoir si, ce faisant, il
n'outrepasse pas ses prérogatives, que de savoir si l'on n'assiste pas à un
tranfert partiel de charges, induit par une situation qui n'est plus vraiment
maîtrisée.
En assumant délibérément une partie de la mission de sécurité, le maire
accepte non seulement de faire supporter aux contribuables de sa ville une
charge financière significative, mais encore il prend, sur les plans
administratif et judiciaire, une très lourde responsabilité.
Aussi, son souci de la formation des policiers revêt-il une importance
particulière. Elle n'a pas, jusque-là, dans la plupart des cas, été
négligée.
Dans mon département, la formation organisée par le CNFPT s'assure le concours
de membres éminents du Parquet et d'officiers chevronnés de la police nationale
et de la gendarmerie.
Chacun des six policiers de ma ville va au stand de tir dix fois dans l'année
et y exécute chaque fois cinquante tirs. Ce sont donc cinq cents tirs par an
qu'exécute chacun des agents sous la conduite d'un moniteur de tir de la police
nationale. Je ne suis pas convaincu que, dans la police d'Etat et dans la
gendarmerie, ce quota soit régulièrement atteint.
La police de proximité qu'est la police municipale est aujourd'hui
indispensable au maire. Elle est particulièrement appréciée des habitants de
nos villes. Et nous soulèverions des tempêtes d'indignation si nous devions
annoncer que les policiers municipaux ne peuvent plus sortir la nuit, quand
leur présence est la plus attendue et la plus appréciée.
Aussi est-il essentiel pour leur sécurité et pour leur crédibilité qu'ils
puissent être armés, dès lors que certaines conditions très précises sont
remplies, comme le sont les policiers auxiliaires issus du dispositif
emploi-jeunes après seulement deux mois de formation.
Nous demandons, à cet égard, que les règlements de coordination ne soient pas
trop restrictifs et que soit encore accordée aux maires la confiance dont les
faits ont démontré, ces dernières années, qu'elle était pleinement justifiée ;
nous demandons aussi que les dérives tout à fait ponctuelles qui ont pu être
observées dans un nombre marginal de villes ne soient pas l'arbre qui cache la
forêt.
Dans leur immense majorité, nos collègues maires sont pétris d'un authentique
esprit républicain qui ne doit pas être mis en doute, et c'est bien parce
qu'ils sont attachés à nos valeurs communes qu'ils entendent contribuer à la
sécurité à laquelle ont droit leurs concitoyens et dont eux aussi se sentent
responsables.
La police municipale, par sa proximité et par la relation directe qu'elle
entretient avec le maire, constitue, dans cette perspective, un outil
extrêmement précieux qu'il eût été désastreux de réduire à un rôle congru.
La situation que connaissent actuellement 99 % des unités de police municipale
est celle qui s'est construite autour des réalités du terrain et de
l'expérience du quotidien.
La sagesse consiste donc à pérenniser et à formaliser ce qui s'est ainsi,
presque spontanément, construit au fil des ans, puisque cette construction
n'était pas autre chose que la réponse, touche après touche, à des attentes
fortes pour lesquelles les élus de nos villes sont quotidiennement interpellés.
Pour terminer, j'exprimerai un souci concernant le reclassement des policiers
municipaux actuellement en service et qui ne seront pas confirmés dans leur
fonction.
Notre pays compte, à l'heure actuelle, plus de 12 000 agents. Ils ont tous été
recrutés en bonne et due forme, à bon ou à moins bon escient.
S'ils l'ont été à bon escient, ils seront nécessairement agréés selon les
nouvelles modalités. Si tel n'est pas le cas, il est indispensable qu'ils
soient reclassés dans une autre fonction, au sein des services de la ville
concernée, car il ne serait pas convenable qu'ils payent de leur emploi
l'adoption du présent projet de loi.
La rédaction du texte qui nous est soumis paraît rendre cette obligation
relativement aléatoire. J'ai donc déposé un amendement tendant à introduire,
sur ce point, une plus grande clarté.
Je serai très attentif, monsieur le ministre, aux assurances que vous voudrez
bien apporter quant à l'esprit qui présidera à la rédaction des décrets
d'application complétant le présent projet de loi. Vous en avez déjà donné
certaines dans votre propos liminaire. Je serai également très attentif au sort
réservé aux propositions formulées par la commission des lois.
Ces réserves levées, je pourrai, avec mes collègues du groupe du Rassemblement
pour la République, voter ce projet de loi qui clarifie l'environnement
juridique dans lequel s'exercent les fonctions des agents des polices
municipales, auxquels je voudrais, depuis la tribune de la Haute Assemblée,
rendre publiquement l'hommage qu'ils méritent.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE. - M. Peyronnet applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel curieux
paradoxe, alors que la tendance était à l'étatisation de la police depuis les
années vingt, en passant par la loi de 1941, jusqu'à la loi du 21 janvier 1995,
que de délibérer aujourd'hui sur le statut des agents de police municipale.
Parallèlement à ce mouvement d'étatisation, le nombre de communes se dotant
d'une police municipale n'a cessé d'augmenter. Le nombre de policiers
municipaux a plus que doublé en quinze ans, ce qui ne peut que susciter
quelques interrogations.
Si les communes rurales avaient, de tradition, un garde-champêtre, les
municipalités ont souvent créé des services de police pour faire face, dans un
premier temps, à l'asphyxie progressive des villes par l'augmentation de la
circulation et par les problèmes de stationnement. Dans un deuxième temps,
nombre d'élus se sont résolus à créer une véritable police de proximité, certes
dissuasive puisque répressive, mais sans beaucoup de compétences, pour répondre
au sentiment d'insécurité de leurs concitoyens.
Sauf exception, c'est souvent l'incapacité de la police nationale à assumer
ces missions qui a entraîné ce mouvement. On compte presque un policier
municipal pour quatre policiers affectés à la sécurité publique.
Face à cette situation et après plusieurs tentatives de vos prédécesseurs,
monsieur le ministre, vous nous proposez un statut des polices municipales,
dont M. le rapporteur et vous-même avez développé les grandes lignes.
Certains lui reprochent de ne pas être assez décentralisateur ; c'est le moins
que l'on puisse dire, l'action du maire étant très strictement encadrée
s'agissant de la gestion des personnels.
M. le rapporteur a cité des exemples étrangers, mais comparaison n'est jamais
raison dans ce domaine, puisque chacun a sa tradition. Il est vrai que,
notamment dans les pays à organisation fédérale, la police, sauf la police
judiciaire, est confiée aux échelons régionaux ou municipaux ; telle n'est pas
notre tradition.
Reconnaissons cependant que le projet assure une cohérence entre les pouvoirs
de police du maire tels que définis par l'article L. 131-2 du code des
communes, qui est maintenant codifié dans l'article L. 2212-2 du code général
des collectivités territoriales, et ceux des agents de police municipale.
Il est peut-être bon de rappeler, pour rassurer un certain nombre de nos
collègues, que les pouvoirs du maire sont largement théoriques dans le domaine
de la sécurité. En effet, en zone de police d'Etat, lui est retiré notamment
tout ce qui concerne la tranquillité publique - certains maires en sont surpris
- pour être confié au commissaire de police.
L'article L. 131-1 du code des communes rappelle d'ailleurs que le maire agit
sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat. C'est dans ce cadre
que nous devons rester pour régler le problème du statut des polices
municipales.
On ne peut que se féliciter du fait que les agents de police municipale se
voient dotés d'un véritable statut, que leurs compétences, largement définies
par le pouvoir réglementaire, soient clarifiées et que soit prévue une
véritable coordination entre la police nationale ou la gendarmerie nationale et
les polices municipales.
Sur le terrain, la plupart du temps, la coopération fonctionne bien. J'ai pu
le vérifier dans un certain nombre de départements à l'occasion d'une mission,
qui ne concernait d'ailleurs pas les polices municipales. Bien des responsables
de police et de gendarmerie considèrent les policiers municipaux comme des
auxiliaires précieux.
Néanmoins, il faut prévoir un cadre juridique à cette coopération. Le
Gouvernement propose un règlement ; la commission des lois propose une
convention. Entre les deux, il s'agit plus d'une nuance que d'une opposition.
Quel maire refusera de passer rapidement une convention pour que les nouveaux
textes soient applicables dans sa commune et que les pouvoirs de ses policiers
municipaux soient étendus ?
D'ailleurs, monsieur le ministre, au moment où, dans beaucoup de communes,
sont élaborés des contrats locaux de sécurité, qui tiennent une place
importante dans votre politique d'ensemble sur la sécurité publique, il est
incontestable que l'utilisation des polices municipales fait intégralement
partie du dispositif.
Parmi les dispositions importantes du projet de loi figure tout ce qui a trait
à la formation. Si la formation initiale d'application est une des constantes
de la fonction publique territoriale, le projet de loi prescrit une formation
continue, dispensée en cours de carrière et adaptée aux besoins du service, en
vue de maintenir ou de parfaire la qualification professionnelle des agents et
leur adaptation aux fonctions qu'ils sont amenés à exercer. Le texte s'inspire
largement des dispositions figurant dans le statut de la police municipale,
puisque les mêmes termes sont utilisés.
C'est donc une innovation importante pour les personnels des collectivités
territoriales, cette formation continue obligatoire n'existant pour aucun autre
corps, si ce n'est celui des sapeurs-pompiers qui, dans certaines spécialités,
sont obligés de se recycler.
Le projet de loi confie cette responsabilité nouvelle au Centre national de la
fonction publique territoriale, le CNFPT, ce qui est logique, mais pose un
véritable problème de financement.
Malgré les efforts faits pour assainir les finances de l'établissement, il est
bien évident que les coût de cette formation continue, qui ont été évalués dans
l'étude d'impact à 25 millions de francs environ par an, ne pourraient, sans
graves inconvénients, être pris en charge sans compensation par le CNFPT.
Le projet de loi initial avait prévu le versement par les communes concernées
d'une redevance pour prestations de services, ce qui semblait la meilleure
formule.
En effet, s'agissant d'une décision volontaire de la part d'une commune, la
mutualisation peut-elle s'appliquer sans léser les autres fonctionnaires
territoriaux ?
On ne peut charger indéfiniment le baudet. Aussi, dans le cadre d'un
partenariat existant entre les collectivités et le CNFTP, il semble préférable
que le coût de la formation continue soit pris en charge par la collectivité
employant des agents de police municipaux.
M. le rapporteur, qui a bien analysé le problème, contrairement à nos
collègues députés, avait proposé une solution alternative qui avait sa logique,
mais qui risquait d'ouvrir une brèche dans les principes de répartition du
produit des amendes de police. Nous sommes donc revenus au texte du
Gouvernement, qui prévoit une redevance pour services rendus, et je m'en
réjouis particulièrement.
On pourrait peut-être d'ailleurs étendre cette formule à d'autres cadres, y
compris à ceux de l'Etat. La formation continue me semble indispensable dans
une carrière ; il est bon de le rappeler quelquefois. Tel qu'amendé par la
commission des lois du Sénat - et à cet égard, il convient de saluer le travail
remarquable de notre rapporteur - le projet de loi ne peut, me semble-t-il, que
fortifier la coopération nécessaire entre l'Etat et les communes dans le
domaine de la sécurité publique. Cela n'enlève rien, bien entendu, à la
nécessité impérieuse qui s'impose à l'Etat de veiller à mieux répartir les
forces de police et de gendarmerie en fonction de l'évolution démographique et
de la délinquance. Je sais, monsieur le ministre, que telle est votre
volonté.
Bien entendu, le groupe de l'Union centriste votera ce texte. Qu'il me soit
permis cependant d'exprimer un regret : une fois de plus, les territoires
d'outre-mer ne figurent pas dans le projet de loi. Je sais que des dispositions
particulières sont en cours d'élaboration mais, à la demande de mon collègue M.
Millaud, je me dois de vous rappeler que les problèmes de police municipale en
Polynésie française méritent une rapide solution.
Je pense, monsieur le ministre, que vous prendrez devant nous l'engagement de
permettre à ces territoires d'outre-mer de bénéficier, eux aussi, de
dispositions comparables.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Balarello.
M. José Balarello.
Le journal
Le Monde
du 14 mai rappelait que, lors de la séance de
questions d'actualité à l'Assemblée nationale, parlant de trois meurtres
d'adolescents survenus quelques jours auparavant à Marseille, Créteil et
Aulnay-sous-Bois, vous estimiez, monsieur le ministre, que ces actes « sont
révélateurs d'une crise extrêmement profonde, que les conflits de bandes
s'enracinent dans une culture de haine ».
Vous évoquiez, par ailleurs, la crise de nos villes, le chômage, la
précarisation, la ghettoïsation, mais aussi une perte complète de repères. Une
autre fois, vous avez justement parlé de « ces jeunes sauvageons, vivant dans
un monde virtuel ».
Le journal
Le Figaro
du même jour, sous le titre : « La vendetta des
cités », écrit : « D'après les renseignements généraux, les expéditions
punitives ont fait l'an passé, dans les banlieues, trente-six morts et près de
2 000 blessés. »
Un hebdomadaire fait état de plaques d'égout jetées sur les agents, en région
parisienne. Dans notre région - c'était il y a deux mois - un caddie chargé de
batteries usagées a été jeté du septième étage sur une voiture de pompiers
venus éteindre un incendie allumé volontairement.
L'hebdomadaire
Le Point
du 23 mai fait état, pour un seul week-end
d'avril, de vingt-sept jeunes interpellés à la suite de l'incendie de
quarante-six véhicules, dix-huit pour coups portés à des enseignants et à des
élèves avec détention de pistolets et de bombes lacrymogènes. Il signale
également des autobus « caillassés » dans sept villes différentes, des
chauffeurs et contrôleurs agressés, dont l'un au moyen d'un marteau.
La liste - vous la connaissez mieux que moi, monsieur le ministre - est
impressionnante.
Malheureusement, si au cours des treize dernières années, comme l'indique M.
le rapporteur, la délinquance a augmenté de 20 %, les coups et blessures et
dégradations volontaires ont plus que doublé. Ils sont le plus souvent le fait
de mineurs, sous l'effet cumulé des causes que vous avez énumérées et
auxquelles j'ajouterai la drogue, les voitures et la violence à la télévision.
J'envisage d'ailleurs, monsieur le ministre, de déposer une proposition de loi
sur ce sujet délicat, qui, même aux Etats-Unis, n'est plus tabou, puisque
quatre universités américaines étudient en ce moment le phénomène.
Face à ce vaste problème, depuis plusieurs années, empêtré dans des activités
où il n'a rien à faire et où il dépense inconsidérément l'argent du
contribuable, l'Etat n'assume plus qu'imparfaitement ses tâches régaliennes.
M. Christian de La Malène.
Très bien !
M. José Balarello.
Les effectifs de policiers n'ont suivi ni la progression démographique, ni le
phénomène d'urbanisation, ni la multiplication des tâches souvent liées à une
immigration mal contrôlée, qui ont modifié l'aspect de certains quartiers.
Les commissariats de quartier, donc de proximité, ont disparu au profit des
îlotiers, ce qui a été une erreur qui n'a d'égale que la suppression des
justices de paix cantonales. Dans les Alpes-Maritimes, où j'ai présidé le
cinquième office HLM de France, dans un grand ensemble de 3 000 logements au
demeurant sans histoires, en accord avec la police nationale, voilà trente ans,
j'avais installé un commissariat de police où devaient se trouver vingt-trois
fonctionnaires de police. Quelques années plus tard, ils n'étaient plus que
deux, qui se barricadaient la nuit. Depuis, après moultes démarches, il reste
un bureau de police avec huit agents sur le terrain, ce qui, compte tenu des
congés, des horaires, des services de nuit, fait peu de monde.
Tel est le contexte dans lequel, monsieur le ministre, vous avez décidé de
reprendre le dossier des polices municipales, que trois de vos prédécesseurs,
MM. Quilès, Pasqua et Debré, pour des raisons de durée de législature n'ont pu
mener à bien.
Précisons tout d'abord que, contrairement à ce que certains médias laissent
entendre, les polices municipales existent dans presque tous les pays
européens. Au demeurant, en France, elles ne sont pas nées avec les lois de
décentralisation de 1982 puisqu'elles sont en fait plus anciennes que la police
d'Etat : c'est la Révolution qui invente la notion de police municipale en
1789, alors que c'est le Consulat centralisateur qui crée les commissaires de
police, tout en laissant exister les polices municipales.
Précisons ensuite que, le 23 avril 1998, un grand quotidien qui ne peut être
taxé de partialité à l'égard de votre majorité, monsieur le ministre, faisant
état du rapport que vous avez demandé à l'inspecteur général Genthial sur les
polices municipales, et dont notre commission des lois a souhaité avoir
communication, écrivait : « Après un audit réalisé dans dix-sept communes, il
apparaît qu'en dix-sept ans les policiers municipaux n'ont commis pratiquement
aucune bavure. » Et le rapport d'ajouter : « Les polices municipales occupent
le terrain en matière de proximité ; la police nationale, malgré les slogans
qu'elle développe à ce sujet, s'en éloigne, la gendarmerie aussi... Quant aux
commissaires de police, ils estiment que les polices municipales sont des
forces d'appoint mises à leur disposition. »
C'est en ayant présent à l'esprit ce contexte qu'il nous faut examiner,
monsieur le ministre, le présent projet de loi.
Nous souscrivons entièrement aux dispositions prévues aux titres Ier et III,
sous réserve des modifications proposées par la commission des lois, concernant
l'intégration des policiers municipaux dans la fonction publique territoriale,
la formation des policiers, les augmentations des droits revenant aux conjoints
et aux orphelins de policiers municipaux tués en service, qui ont droit à la
reconnaissance de la République.
Dans le titre Ier, la commission des lois propose de rétablir le texte du
Gouvernement, modifié en première lecture par l'Assemblée nationale, exigeant
un règlement de coordination entre le préfet et le maire à partir non pas de
trois, mais de cinq policiers municipaux. Elle propose en outre de remplacer le
règlement par une convention, terme qui sous-entend l'égalité contractuelle.
Notre rapporteur, M. Delevoye, également président de l'Association des maires
de France, ne pouvait que défendre l'esprit des lois de décentralisation,
battues en brèche par ce texte.
Nous sommes d'accord avec la rédaction de l'Assemblée nationale modifiant
l'article 3 et recomposant la commission consultative des polices municipales
en trois tiers : un pour l'Etat, un pour les maires et un pour les
représentants élus des agents des polices municipales, étant précisé qu'un
maire sera président de droit.
A l'article 5, qui a trait à l'utilisation en commun par des maires voisins de
moyens et d'effectifs de police municipale, la commission des lois propose
également une modification, car elle n'a pas voulu limiter l'afflux important
de populations au seul afflux touristique. C'est une initiative à laquelle nous
ne sommes pas étrangers. Les afflux périodiques importants et souvent imprévus
de nomades dans certaines communes doivent en effet être gérés au mieux, dans
le cadre de l'agglomération.
Sur l'initiative de notre rapporteur, il sera proposé que l'agrément des
policiers municipaux ne dépende plus que du seul procureur de la République,
par la suppression de l'aval du préfet. Les procureurs étant beaucoup moins
liés au pouvoir en place que les préfets, nous considérons que c'est là une
excellente suggestion.
En définitive, ce sont, dans le titre Ier, les articles 7 et 8 et, dans le
titre II, les articles 12 et 14 qui posent des problèmes.
En abordant la question sans
a priori,
il est possible de trouver une
solution non onéreuse pour les communes aux difficultés que soulève l'article
8, qu'il s'agisse du choix d'une tenue vestimentaire uniforme pour les
policiers municipaux ou de celui de la couleur des véhicules de service, étant
entendu que la commission tripartite prévue à l'article 3 sera obligatoirement
consultée. Des casquettes d'une couleur différente de celle des casquettes de
la police nationale - pourquoi pas bleu ciel ou grenat, monsieur le ministre ?
- devraient suffire et ménageraient l'argent du contribuable, les gendarmes,
quant à eux, portant le képi.
S'agissant de l'article 12, la commission des lois a élaboré une rédaction
différente, à laquelle je souscris.
Il en va de même pour l'article 14, qui concerne la procédure de contrôle
d'identité par les policiers municipaux. L'obligation de délivrer un récépissé
à un casseur qui se refuse à produire ses papiers constituait une mesure
vexatoire inutile à l'égard des policiers municipaux, ne pouvant que les
démobiliser, d'autant que les bandes de petits délinquants seront rapidement au
courant du système. Or celui-ci fera naître dans certains secteurs - les
problèmes humains ne peuvent être occultés - des tensions artificielles entre
police nationale ou gendarmerie et police municipale, alors que, partout, elles
s'entendent fort bien.
Reste l'article 7.
Monsieur le ministre, par cet article, vous demandez un blanc-seing au
Parlement. En effet, tel qu'il est issu de l'Assemblée nationale, son texte
précise : « Les agents de police municipale ne sont pas armés. » Il laisse
toutefois au préfet la possibilité de les autoriser à porter une arme de
quatrième ou sixième catégorie « lorsque la nature de leurs missions et des
circonstances particulières le justifient », et ce après demande du maire. Mais
c'est un décret en Conseil d'Etat qui doit préciser les modalités d'application
de cet article. D'ailleurs, si j'ai bien compté, à huit reprises, vous recourez
à une telle mesure d'ordre réglementaire. Sur vingt articles, cela fait
beaucoup !
La classification des armes mérite quelques motsd'explication.
C'est le décret-loi du 18 avril 1939 qui fixe le régime des matériels de
guerre, armes et munitions. Le groupe A comprend les matériels de guerre
proprement dits. Ce qui nous intéresse ici, ce sont les armes et munitions de
quatrième et de sixième catégories, non considérées comme matériels de guerre,
appartenant au groupe B et dont le port par les policiers municipaux pourra
être autorisé, suivant leurs missions ou en fonction de circonstances
particulières, par arrêté préfectoral.
Les armes de quatrième catégorie sont les armes à feu dites de défense et
leurs munitions.
Quant aux armes de sixième catégorie, ce sont, selon les textes, les « armes
blanches ». La Cour de cassation a précisé, à travers plusieurs arrêts, que
font partie de cette catégorie les couteaux à cran d'arrêt, les rasoirs à main,
un nerf de boeuf, un tube d'acier, un rondin de bois et des pieds de chaise
métalliques, cette liste n'étant pas exhaustive.
C'est dire que, si les délinquants chevronnés sont munis d'armes de première
ou quatrième catégorie, les bandes évoquées par la presse, dont nous avons
parlé, sont quasiment toujours armées de matériel de sixième catégorie, ou s'en
procurent sur leur passage.
En face, nous verrons des policiers municipaux organisés par groupes, parmi
lesquels certains n'auront pas le droit de porter une matraque ou un bâton,
donc inutilisables sur le terrain lors de coups durs par nature imprévisibles
et incapables de prêter main-forte à la police nationale ou à la gendarmerie.
D'autres porteront un revolver, lorsque le préfet aura estimé que les
circonstances le justifient et à condition que le futur décret en Conseil
d'Etat soit rédigé par des fonctionnaires faisant preuve, comme je le souhaite,
de pragmatisme et de bon sens, ce bon sens que Descartes considérait -
dubitativement, d'ailleurs - comme la chose du monde la mieux partagée.
Ainsi, suivant ce que sera finalement la rédaction de ce décret en Conseil
d'Etat, il existe un risque de démobiliser un personnel qui a prouvé sa valeur
et sa probité, mais qui refusera, à juste titre, de s'exposer à mains nues
devant des personnes circulant armées ou de maîtriser un individu porteur d'un
couteau à cran d'arrêt et agressant un conducteur de bus, par exemple.
En conséquence, monsieur le ministre, il convient que presque tous les
policiers municipaux puissent porter des armes de sixième catégorie et qu'un
grand nombre restent munis, comme aujourd'hui, d'armes de quatrième
catégorie.
Mes chers collègues, ne nous le dissimulons pas, les polices municipales se
développent car, sauf dans le centre de Paris, la présence policière visible
diminue. Les commissariats de quartier ont fermé ou se barricadent, la nuit
venue, dans les secteurs à risques.
Quant aux gendarmeries, de grâce ! qu'on ne les redéploie pas : de nombreuses
suppressions dans un même canton ont déjà eu lieu et les autres ne se
justifient pas.
Sachez que, d'ores et déjà, compte tenu des réductions d'horaires de travail
des gendarmes, si un accident grave ou un incident survient le week-end à cinq
cents mètres d'une unité de gendarmerie - tel a été le cas dans mon canton, qui
est traversé par une route internationale, où passent souvent 20 000 véhicules
par jour - deux week-ends sur trois, le téléphone va basculer sur un central
situé à cinquante kilomètres, lequel avertira ensuite une autre gendarmerie
d'astreinte, située, elle, à vingt-cinq kilomètres.
Heureusement, dans ces cas, un policier municipal ou le garde champêtre,
quelquefois un élu, seront sur place dans les minutes qui suivent, avec les
sapeurs-pompiers.
Ce qui me fait craindre ce redéploiement, ce sont les déclarations du
Gouvernement qui ont suivi le conseil de sécurité intérieure du 27 avril
dernier. Il m'apparaît en effet comme relevant d'une mauvaise politique, à un
moment où certaines grandes villes subissent l'insécurité, de généraliser
celle-ci à l'ensemble du territoire national en redéployant, de façon interne,
1 200 gendarmes vers les zones périurbaines, ce qui entraîne la suppression
d'un certain nombre de gendarmeries, alors que les lois que nous avons votées
sur l'aménagement du territoire, après un vaste débat national, font
interdiction de supprimer les écoles, les bureaux de poste et, d'une manière
générale, les équipements publics.
Comme, en outre, la gendarmerie va être privée du recrutement d'auxiliaires
effectuant leur service militaire, les perturbations dans le monde rural
risquent d'être importantes.
Sur tous ces problèmes de sécurité intérieure, monsieur le ministre, vous
allez à nouveau devoir vous pencher lors de la rédaction des textes
d'application. Nous attirons, avec beaucoup d'insistance, votre attention sur
le fait que ces problèmes constituent, avec le chômage, la préoccupation
majeure des Français.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union
centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les polices
municipales font aujourd'hui partie intégrante du paysage de nos cités et nous
savons tous, nous, maires, qui pouvons encore nous exprimer au Sénat
(Sourires)
, le rôle qu'elles jouent dans le maintien de la sécurité
communale.
Ce rôle est essentiel, d'autres que moi viennent de le rappeler : les polices
municipales contribuent, pour peu que la complémentarité avec la police
nationale soit intelligemment assurée, à maintenir la sécurité des biens et des
personnes dans nos communes ; elles permettent aux maires de répondre, même
partiellement, à l'immense besoin de sécurité de notre population.
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que le nombre des policiers
municipaux avait doublé en quinze ans. Mais ce n'est pas une volonté
sécuritaire nouvelle des maires qui a provoqué cette inflation. Celle-ci tient
avant tout au fait que la police nationale et la gendarmerie ne peuvent, en
raison d'un manque évident de moyens, assurer toutes les missions qui leur
échoient.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d'évoquer un seul exemple, celui de ma
commune.
Cette commune de près de 40 000 habitants, Salon-de-Provence, est aujourd'hui
confrontée, du fait de la construction d'un centre pénitentiaire, au problème
de la garde des détenus à l'hôpital.
A Salon-de-Provence, on compte cinquante gardiens de la paix. Actuellement,
nous devons assurer la garde de trois détenus dans trois services différents à
l'hôpital. Or deux gardiens de police doivent être présents en permanence
devant la porte de chaque chambre. Cela représente trois fois huit heures de
garde en trois endroits différents, le tout multiplié par deux. Si l'on prend
en compte les récupérations et les congés, cela signifie que huit gardiens sont
mobilisés à toute heure pour chaque détenu malade, soit au total vingt-quatre
gardiens de la paix sur cinquante !
Autrement dit, s'il n'y avait pas la police municipale, ma ville ne serait
absolument pas protégée !
M. Christian Demuynck.
Belle démonstration !
M. André Vallet.
Je veux être associé, monsieur le ministre, à ceux qui vous ont félicité pour
avoir voulu - enfin ! - donner un statut à cette institution aujourd'hui sans
réalité juridique. Mais je tiens aussi à évoquer à mon tour ce que je considère
comme une détestable disposition : l'article 7 du texte que vous nous
présentez, qui pose le principe du non-armement des polices municipales.
La situation présente est simple : les maires décident librement de
l'opportunité d'armer ou non leurs services de police municipale sur un simple
visa du préfet. Il est à noter que le pouvoir du représentant de l'Etat est ici
des plus réduits puisqu'il se borne à un simple visa
a posteriori,
à
l'exclusion de toute autorisation préalable.
L'article 7 de ce projet de loi, qui dispose que l'armement est possible dans
des circonstances particulières, sur autorisation nominative du préfet, à la
demande motivée du maire d'une commune ayant un règlement de coordination, ne
me paraît absolument pas répondre à la réalité du terrain.
Je suis convaincu, en effet, que les missions délicates ou dangereuses ne
doivent en aucun cas être confiées à des policiers municipaux si ceux-ci ne
sont en mesure d'assurer ni la sécurité des biens et des personnes ni, bien
sûr, leur propre sécurité.
Le droit à la sûreté, consacré par l'article 2 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen - auquel vous faites si souvent référence, monsieur le
ministre - ne peut être efficacement assuré que si ceux qui sont le plus
souvent chargés de le faire respecter ne sont pas limités dans leurs missions
et dans les moyens de les remplir.
Le dispositif de l'article 7 n'est pas satisfaisant, car il est trop
restrictif. Il constitue une régression par rapport à la situation actuelle
puisque, d'un régime de simple déclaration à la préfecture, l'armement des
polices municipales dépendra désormais d'une autorisation administrative
préalable du représentant de l'Etat. Selon les tâches qu'ils leur confient et
qu'ils sont les seuls à même d'apprécier, les maires, et eux seuls, doivent
garder à la fois la liberté et la responsabilité de doter ou non d'une arme
leurs policiers municipaux.
Que craignez-vous donc pour refuser à ces agents de la sécurité les conditions
matérielles de leur efficacité ?
On ne relève pas - cela vient d'être dit - de bavures dans ces polices de
proximité, notamment parce que le policier municipal évolue au sein d'un tissu
social qu'il connaît bien. J'ai une grande confiance dans la police municipale
de ma ville : elle est armée depuis de très nombreuses années et je n'ai jamais
eu à déplorer le moindre incident.
Les polices municipales méritent beaucoup mieux que le climat de suspicion
dont on veut les entourer et que, malheureusement, votre projet de loi
entretient largement.
En outre, je tiens à souligner le rôle important des maires dans le recul de
l'insécurité : chaque maire s'implique directement et exerce son autorité sur
les personnels qui lui sont confiés. C'est à lui que revient la responsabilité
de faire en sorte que la police municipale agisse en complément de la police
nationale. C'est au maire que fait d'abord appel la population qui est
confrontée à ces difficiles problèmes.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous teniez compte de ces réalités et
que les polices municipales soient mieux reconnues, qu'elles disposent de plus
d'autorité et continuent, selon la volonté du maire, à être armées.
Il me semble qu'à partir du mauvais exemple de Vitrolles...
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. André Vallet.
... - mais Vitrolles n'est pas toute la France ! - votre projet de loi va
réduire et affaiblir les polices municipales ; il va donc réduire et affaiblir
la nécessaire sécurité intérieure de notre pays.
C'est la raison pour laquelle je ne peux que souhaiter que ce texte soit
amendé et qu'il reprenne les sages conclusions de la commission des lois.
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi que nous examinons aujourd'hui concerne les polices municipales, qui sont -
chacun s'accorde à le reconnaître - efficaces, compétentes et responsables.
Leurs activités ne donnent lieu à aucun problème, comme certains le
craignaient, et la coopération avec la police nationale ou la gendarmerie se
passe, dans la majorité des cas, parfaitement bien, dans un souci d'efficacité
et de coordination intelligente.
A partir de cette constatation, il suffisait donc de rassurer les syndicats de
la police nationale et de leur démontrer que la présence de cette police à leur
côté leur permettait de se recentrer sur les tâches les plus importantes.
Ainsi, par votre projet de loi, monsieur le ministre, vous auriez dû vous
contenter de clarifier et de préciser les attributions exactes de cette police
en prenant en compte - je le répète - l'excellente coordination et l'efficacité
de toutes les forces de police sur le terrain.
Malheureusement, loin de répondre à cette attente, le texte que vous nous
présentez a la particularité de réduire les possibilités d'un maire de se
battre contre l'insécurité, alors que, dans le même temps, le Gouvernement se
targue de leur reconnaître des pouvoirs de police et d'en faire des partenaires
de la lutte contre la délinquance.
Encore une fois, c'est un nouveau texte purement idéologique qui est proposé
au Parlement, comme l'a été d'ailleurs celui qui concernait les 35 heures ou
comme le sera prochainement celui qui est relatif à la lutte contre les
exclusions.
Outre cette discordance étonnante, sur laquelle je reviendrai, je souhaite,
monsieur le ministres, attirer tout spécialement votre attention, comme l'ont
fait un certain nombre de mes collègues, sur les conséquences de l'adoption de
l'article 7 du projet de loi que vous nous présentez et qui précise les
conditions d'armement ou plutôt de désarmement des policiers municipaux.
Mais ne convient-il pas d'y voir tout simplement une décision politicienne
destinée à rassurer certains lobbies anti-police municipale, tout en confortant
une partie d'un électorat qui est peu confronté à la réalité de certains
quartiers et qui considère les policiers municipaux comme la garde prétorienne
d'un maire ?
Faut-il rappeler, monsieur le ministre, les raisons de la création de ces
polices municipales et de leur armement, notamment dans des départements
difficiles ? Je le ferai puisque,
a priori
, l'article 7 n'en tient pas
compte.
Les polices municipales ont été créées pour répondre au développement
endémique de deux principaux facteurs d'insécurité, particulièrement dans les
zones urbaines.
Le premier facteur est lié à l'aggravation de la petite et moyenne
délinquance. Il s'agit d'une réalité qui, je vous l'assure, est vécue
quotidiennement par de nombreux Français.
Le second facteur tient aux carences de plus en plus marquées des moyens
humains et matériels de la police nationale, qui sont bien souvent comblées par
le travail des polices municipales, sans pour autant suffire à répondre au
développement inquiétant des actes délictueux en tout genre.
Nous sommes bien loin, vous en conviendrez, de l'image d'Epinal véhiculée par
certains élus médisants associant les 13 000 policiers municipaux à des
cowboys.
Je préfère, pour ma part, rendre hommage au courage et à l'abnégation de ces
hommes et de ces femmes qui réalisent un formidable travail de proximité et qui
répondent véritablement aux besoins de sécurité de nos administrés. En effet,
et permettez-moi de reprendre vos propos, « la sûreté est reconnue par
l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen à l'égal de
la liberté ». Vous convenez, de plus, « qu'il n'y a pas de liberté concevable
si la sécurité n'est pas assurée ». Je rajouterai, pour ma part, que la
sécurité est le premier droit du citoyen et la première mission de l'Etat.
Par conséquent, si l'on constate les carences de la police nationale mais que,
dans le même temps, vous retirez les moyens d'intervention des agents de la
police municipale, je ne vois pas comment pourront être réglés les problèmes de
délinquance auxquels de nombreuses villes sont confrontées. Les principales
victimes de ce choix politique seront, encore une fois, nos administrés.
Afin d'imager mon propos, permettez-moi de prendre l'exemple de la police
municipale de la ville de Neuilly-Plaisance, que je connais bien : six
policiers répondent aux demandes des administrés 24 heures sur 24, 7 jours sur
7 et 365 jours par an ! L'une de leurs missions est d'intervenir au domicile
des Nocéens à la suite du déclenchement d'une téléalarme, dont la majorité des
personnes âgées est équipée.
Grâce à ce service, de nombreux Nocéens ont pu être sauvés. En général, quatre
à cinq minutes après le déclenchement de l'alarme, les policiers sont sur les
lieux, sans toutefois connaître les données de l'intervention.
Si, demain, ils ne sont plus armés, ils ne seront plus à même de veiller à
leur propre sécurité, même si leur arme à balle de caoutchouc - je précise
qu'ils ne s'en sont jamais servi depuis 1983 - tien plus de la dissuasion que
de la capacité de s'opposer réellement à des agresseurs fortement armés.
Enfin, vous en conviendrez, l'exposition au danger doit avoir pour
contrepartie de permettre aux policiers municipaux d'assurer leur propre
protection.
Par ailleurs, selon votre projet de loi, si le règlement de coordination n'a
pas été établi, ils ne pourront même plus porter secours à ceux qui sont en
extrême détresse, compte tenu de l'application de l'article L. 2212-6 du code
général des collectivités territoriales, qui leur fera interdiction de
travailler en dehors de la tranche horaire sept heures-vingt heures. Par
conséquent, du fait que la police nationale ne se déplace pas pour de telles
interventions, ce sont les Nocéens qui en assumeront les conséquences.
Ainsi donc, si cette loi est adoptée en l'état, l'article L. 412-51 du code
des communes sera appliqué et les policiers municipaux se retrouveront du jour
au lendemain sans arme. En résumé, par cette loi, vous désarmez les policiers
municipaux, mais pas les délinquants, monsieur le ministre. J'aurais préféré
que ce soit l'inverse !
Je suis impatient de voir la façon dont vous justifierez cette décision devant
les commerçants, les habitants, les jeunes rackettés ou encore les employés du
service public, dont les institutions sont bafouées quotidiennement.
Tout à l'heure, je soulignais l'excellente collaboration entre les services de
la police nationale et ceux de la police municipale. Vous n'êtes pas sans
savoir que, vraisemblablement pour des raisons d'effectifs, certains postes de
police ferment leurs locaux vers dix-huit heures ou dix-neuf heures, la police
municipale restant la seule force de police à « occuper le terrain ». Elle
assume alors des situations parfois difficiles pour maintenir la sécurité des
habitants.
Vous comprendrez donc qu'une fois cet article adopté il ne sera pas question
pour les maires, dont je fais partie, de maintenir certaines missions qui
peuvent exposer ces hommes à des délinquants armés, dont certains d'ailleurs
sont accompagnés de pitbulls. Encore une fois, c'est la réalité quotidienne,
notamment en Seine-Saint-Denis.
A titre d'exemple, puisque j'aborde le sujet des pitbulls, je citerai
l'intervention récente d'agents de la police nationale au domicile d'une femme
âgée qui était attaquée par l'un de ces animaux dangereux. Mis eux-mêmes en
difficulté, il leur a fallu tirer cinq fois sur ce chien pour le mettre hors
d'état de nuire, oserai-je dire le tuer ! Je ne puis imaginer un policier
municipal dans la même situation, mais sans arme.
Non, monsieur le ministe, cet article ne correspond pas à la réalité
quotidienne de certains départements. D'ailleurs, je crois savoir que M.
Jacques Genthial, inspecteur général de la police nationale, a souligné dans un
rapport à votre intention que les policiers municipaux étaient utiles et
efficaces et qu'en dix-sept ans d'activité seules cinq bavures avaient été
commises. Bien entendu, elles ne sont pas excusables pour autant, mais elles
témoignent quand même du sérieux de ces agents, qu'on ne considère pas toujours
comme des professionnels qu'ils sont pourtant.
J'en veux pour preuve également un sondage IPSOS effectué en février dernier :
57 % des Français ont confiance en leurs policiers municipaux, 56 % préfèrent
qu'ils soient armés, 80 % les considèrent comme rassurants et 58 % les trouvent
efficaces.
Et puis, monsieur le ministre, comment expliquez-vous que vous puissiez, dans
le même temps, désarmer des policiers entraînés à leurs missions, qui
connaissent parfaitement leur secteur et remplissent leur rôle de police de
proximité et, par ailleurs, recruter vingt mille adjoints de sécurité, dont
certains seront armés pour effectuer des missions d'îlotage, comme le fait la
police municipale, mais qui, à l'évidence, n'auront aucune connaissance de ce
métier, même si vous prévoyez deux mois de formation ! J'attire d'ailleurs
votre attention sur l'extrême importance de la qualité du recrutement de ces
jeunes.
Je pense également à l'humiliation qui sera inévitablement ressentie par les
policiers municipaux de se voir moins considérés que des jeunes inexpérimentés.
Et je ne parle pas du ridicule éprouvé par ces mêmes hommes lorsqu'ils se
retrouveront sans arme face à des délinquants qu'ils connaissent et pour qui
l'armement fait partie, quoi qu'on en dise, de la fragile respectabilité de
l'ordre public.
Par ailleurs, les missions des policiers municipaux sont différentes d'une
ville à l'autre et l'évolution de la délinquance en France est, là encore,
inégale. Seuls les maires sont donc en mesure de prendre la décision d'armer ou
de ne pas armer leurs policiers municipaux. Il convient de leur laisser cette
libre appréciation en l'accompagnant d'une formation plus adaptée.
J'espère, par ces exemples, avoir attiré votre attention, monsieur le
ministre, sur les dangers d'un désarmement de ces formes de police et sur leur
grande utilité dans le contexte actuel. Ne considérez-vous pas que ces agents
sont susceptibles d'être soumis aux mêmes risques que les agents de la police
nationale et de la gendarmerie dans le cadre de leurs missions de sécurité,
notamment lorsqu'ils effectuent des rondes d'îlotage ?
En conclusion, la mainmise de l'Etat dans la gestion des affaires communales
relatives à la sécurité sera difficilement acceptable par les maires concernés.
Votre projet de loi pose, en effet, un principe général : la décision du préfet
est souveraine en matière d'organisation et de gestion des polices municipales.
Les pouvoirs du maire en la matière sont donc recentralisés au niveau du
représentant de l'Etat dans le département.
Cette centralisation des pouvoirs de police s'affirme, par exemple, par la
notion de voie prépondérante du préfet, notamment dans la rédaction du
règlement de coordination de l'action des polices municipales. Désormais,
celles-ci seraient, en quelque sorte, gérées par l'Etat, mais payées par les
collectivités.
Cette procédure ne prend pas en compte les réalités du contexte local puisque
le préfet a la possibilité d'imposer sa volonté. On peut donc craindre une
prise de position partiale de ce dernier dans le cadre législatif que vous avez
prévu.
Enfin, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que le préfet a déjà
suffisamment de travail, notamment avec l'expansion de la délinquance des
mineurs ou encore la gestion du dossier relatif à l'immigration clandestine,
pour le faire intervenir en plus dans la gestion des polices municipales, dont
le bon fonctionnement est reconnu par tous !
Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que votre projet de loi ne puisse
être accepté en l'état. Je souhaite, par conséquent, que votre volonté affirmée
de rester attentif aux observations formulées par les parlementaires soit
réelle et que le texte que vous nous proposez soit largement amendé.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi dont nous discutons aujourd'hui nous est présenté après plusieurs
tentatives qui avaient échoué. Nous devons donc remercier M. le ministre de
l'intérieur d'avoir su persévérer dans la recherche des voies et moyens
permettant de combler une lacune.
Il nous faut également féliciter M. Delevoye pour la présentation d'un rapport
réaliste qui prend largement en compte les problèmes ressentis sur le terrain.
Or, c'est essentiellement à eux que la population nous demande de répondre.
J'évoquerai successivement, d'une part, les raisons qui justifient
l'élaboration d'une loi et, d'autre part, les quelques principes qu'il me
paraît essentiel de préserver.
Les raisons qui motivent la présentation et le vote d'une loi ont été
largement évoquées depuis le début de ce débat. Permettez-moi cependant d'en
rappeler brièvement quatre qui me paraissent fondamentales.
Premièrement, les polices municipales ont été créées à des époques très
différentes. J'évoquerai, aux deux extrêmes, les créations les plus anciennes,
telle la police municipale de Strasbourg, résultant d'une délibération du
conseil municipal de 1791, et des créations beaucoup plus récentes, rendues
nécessaires par la montée de la délinquance et de l'insécurité. L'esprit dans
lequel les unes et les autres ont été créées n'est évidemment pas forcément le
même, et il convient donc de trouver les voies et moyens pour harmoniser tout
cela.
Deuxièmement, alors que les communes concernées connaissent entre elles des
différences importantes en termes de taille, d'effectif et de pratiques, il
importe de trouver malgré tout un dénominateur commun permettant de préserver
un certain nombre de principes communs.
Troisièmement, à l'heure actuelle, dans les villes où ont été créées des
polices municipales, cohabitent la police d'Etat, la police municipale, et
souvent aussi la gendarmerie. Mais une juxtaposition ne suffit pas : il faut
passer à une coopération concertée pour éviter que des actions en ordre
dispersé ne nous fassent passer à côté de l'objectif principal, qui doit être
l'efficacité dans la lutte contre l'insécurité.
Quatrièmement - ce point a d'ailleurs été largement évoqué - il est nécessaire
d'élaborer un statut clair pour les polices municipales, ce qui fait
actuellement défaut. La carrière, l'action, les perspectives, les moyens
doivent pouvoir être insérés dans un cadre commun afin que les polices
municipales fondent leur action sur des éléments solides.
Dans l'ensemble, il faut reconnaître que peu de problèmes et peu de bavures
ont été recensés dans les actions de police municipale jusqu'à présent. Il n'en
est pas moins nécessaire d'harmoniser, de coordonner, de clarifier et de
codifier. Pour ce faire, nous pouvons et devons probablement nous inspirer de
beaucoup d'expériences réalisées chez nos voisins et partenaires européens où
les polices municipales répondent souvent à une tradition déjà ancienne.
Au-delà, je tiens à rendre hommage à nos polices municipales qui, je crois,
ont dans l'ensemble le sens du devoir et des responsabilités et qui savent
respecter l'esprit républicain - c'est important, et vous avez raison
d'insister sur ce point, monsieur le ministre -, sans que cet hommage rendu aux
polices municipales soit à interpréter comme une quelconque critique ou un
quelconque manque de confiance en la police d'Etat, dont le rôle est et doit
rester absolument fondamental et irremplaçable.
J'en viens à trois principes qu'il me paraît essentiel de préserver dans les
textes concernant les polices municipales.
Le premier principe, qui est reconnu, je crois, dans le texte, est celui de la
proximité. De plus en plus, le maire est en première ligne sur tous les
problèmes, que ces derniers relèvent de la compétence de l'Etat ou de celle de
la commune. Ainsi, lorsque, dans une commune, la sécurité vient à être mise en
cause, les habitants s'adressent naturellement au maire. C'est à lui que l'on
demande de répondre par des actes et de rendre des comptes à la population. Or
la police municipale est incontestablement un élément de réponse concret dont
peut disposer le maire. En effet, la police municipale, dont la présence est
visible, rassure : elle connaît le terrain, les quartiers. C'est donc
incontestablement, aux côtés du maire, un élément d'intervention concret et
efficace qui témoigne de la volonté du maire d'agir efficacement et de sa
capacité à le faire.
Nul ne conteste et ne doit contester que la sécurité est une fonction
régalienne de l'Etat.
M. Paul Blanc.
Tout à fait !
M. Daniel Hoeffel.
Nous ne devons pas remettre en cause cette fonction régalienne. Cependant,
l'Etat, compte tenu d'un certain nombre de contraintes, dont toutes, nous le
savons, ne sont pas d'ordre budgétaire, n'a plus toujours tous les moyens
nécessaires pour l'exercer.
Il faut donc, s'agissant de la création et de l'action des polices
municipales, que l'accent soit bien mis sur la complémentarité de
l'intervention des communes par rapport aux interventions de l'Etat.
Le deuxième principe auquel nous devons rester attachés, s'agissant des
polices municipales, est la décentralisation.
La loi ne doit à mon avis sous aucun prétexte conduire à une recentralisation,
à une accentuation de la tutelle ou à une remise en cause de la libre
administration des collectivités locales.
En général, les polices municipales sont créées non par plaisir, mais par
nécessité. Elles sont créées non pour faire concurrence à l'Etat, mais pour
compléter l'action de ce dernier. Elles ne sont pas là pour se substituer à
l'action de la police d'Etat.
Je prendrai l'exemple que vous connaissez bien, monsieur le ministre, des
villes d'Alsace : les policiers municipaux y sont nommés par les maires sans
être agréés par le procureur de la République, et ils ont obligation de prêter
serment. Cette pratique leur a procuré deux siècles de fonctionnement à la
satisfaction générale, je crois. Un retour en arrière me paraît ni opportun ni
souhaitable. L'esprit de décentralisation doit donc pouvoir, à mon avis, être
concilié avec l'élaboration d'un statut des polices municipales.
Enfin, le dernier principe concerne l'armement. Le débat sur ce point doit
être dédramatisé, et je pense que la majorité de nos collègues en est d'accord.
Un même schéma ne peut probablement pas être appliqué partout compte tenu de la
très grande diversité des situations. Pour les uns, le sentiment dominant est
l'inquiétude devant des polices municipales armées ; pour d'autres, c'est le
souci de l'efficacité des polices municipales qui prime.
Je crois, pour ma part, que, s'agissant de l'efficacité, la police municipale
doit être présente de jour et, en cas de nécessité, de nuit, en tenant compte
des réalités du terrain.
L'armement peut être un élément de prévention et de dissuasion face à des
délinquants dont nous savons qu'ils ont de moins en moins de scrupules quant à
leurs méthodes d'intervention ; il faut donc, dans une certaine mesure,
rétablir l'équilibre.
Peut-on refuser l'armement aux polices municipales, alors qu'on l'accorde - et
je ne le conteste pas - aux adjoints de sécurité qui, parfois, ont moins
d'expérience ?
Bien entendu, l'essentiel - nombre d'intervenants ont d'ailleurs insisté sur
ce fait - est que la formation soit sérieuse et fondamentale, qu'elle soit non
pas seulement technique, mais aussi civique, pour que l'esprit républicain et
la déontologie soient préservés. Il s'agit là d'un élément fondamental dans
toute action de formation en direction des polices municipales.
Il me paraît donc nécessaire d'ordonner l'intervention de toutes les forces
chargées de la sécurité sous la responsabilité de l'Etat. Cela me semble
parfaitement compatible avec la préservation de la libre administration des
collectivités locales.
Il ne saurait être question de cloisonner les différents corps ; il faut les
associer tous pour assumer la mission commune de sécurité car, lorsque celle-ci
n'est pas assurée, c'est non seulement l'Etat, mais aussi le maire qui,
ensemble, se trouvent placés par l'opinion sur le banc des accusés. Etat et
communes sont des partenaires et sont condamnés à le rester. Soyons-en
conscients dans la recherche des solutions au problème.
Enfin, la police n'est évidemment pas tout, loin de là. En effet, le problème
de l'insécurité est lié à la conception de l'urbanisme, à la concentration
urbaine, à l'évolution des mentalités et des moeurs et, hélas ! à la dilution
de l'esprit civique auquel nous assistons d'une manière générale.
En conclusion, le texte qui nous est présenté, sous sa forme révisée par la
commission des lois - ce qui n'amoindrit en rien l'initiative que vous avez
prise, monsieur le ministre, ni la persévérance dont vous avez fait preuve pour
nous présenter ce projet de loi -, est un texte utile. Il présente une réponse
- mais pas toute la réponse - aux problèmes de sécurité, si prioritaires pour
nos concitoyens.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne
pouvons que nous réjouir de l'arrivée en discussion de ce projet de loi, qui va
enfin donner un contenu plus consistant au statut des polices municipales, mais
aussi mieux définir et renforcer leur rôle.
Jusqu'à présent, l'inexistence d'un cadre juridique adéquat conduisait à une
grande diversité de pratiques et à des interprétations fluctuantes pour adapter
la police municipale aux évolutions de la société.
Ce texte contribue au débat sur la sécurité, mais ne nous leurrons pas : s'il
peut être compris comme une avancée, grâce aux réelles améliorations proposées,
il ne doit pas être considéré pour autant comme la solution à tous les
problèmes de sécurité rencontrés par nos concitoyens, ni, surtout, rejeter dans
l'ombre les efforts qu'il reste à consacrer en matière de prévention. Je
souhaitais le dire d'entrée, pour éviter toute discussion ultérieure sur ces
manquements que nous aurions commis dans notre prise en compte de la
sécurité.
Après ces appréciations positives, je formulerai, monsieur le ministre, deux
réserves de forme.
La première concerne le nombre élevé de renvois, dans les articles du projet
de loi, à un décret en Conseil d'Etat. Plusieurs intervenants l'ont d'ailleurs
déjà souligné. Aussi, j'aurais souhaité que vous vous engagiez, monsieur le
ministre - mais vous l'avez déjà fait en partie - à veiller à une publication
rapide de ces décrets afin qu'un éventuel retard n'entame pas l'efficacité du
présent texte. Par ailleurs, il est regrettable que des dispositifs essentiels
de ce texte soient ainsi pris par décret en Conseil d'Etat, car leur contenu
échappe totalement, dès lors, à l'avis du Parlement.
La seconde de mes réserves concerne le recours systématique au préfet pour
l'agrément des nominations, l'armement, le travail de nuit et les règlements de
coordination. L'instauration de ces procédures lourdes ne risque-t-elle pas de
retarder la mise en oeuvre de ce texte ?
Par ailleurs - j'y reviendrai tout à l'heure - est-il souhaitable que, par ce
biais, l'action des polices municipales se trouve définie et contrôlée par le
représentant de l'Etat et non par le maire ?
S'il est vrai qu'il est nécessaire d'éviter les dérives, de garantir des
procédures irréprochables et de s'assurer qu'il ne se crée pas, dans certaines
villes, des forces de police plus ou moins indépendantes de l'autorité de
l'Etat - sans parler de l'apparition éventuelle de rivalités entre les
différentes forces de police - cette suprématie du préfet, qui peut devenir de
fait le patron des polices municipales dans son département, est
surprenante.
Jusqu'à présent, la sécurité était une des responsabilités régaliennes de
l'Etat, et elle doit le rester. Mais, à partir du moment où l'Etat n'est plus
en mesure de faire face à l'insécurité sous toutes ses formes et où il confie
unepartie de ses missions aux communes, via les polices municipales, il me
semblerait normal que nous en tirions toutes les conséquences.
De plus en plus, par les textes législatifs et réglementaires qui se
multiplient, l'Etat définit la façon dont les collectivités territoriales
utilisent leurs moyens. N'est-ce pas une forme de tutelle qui s'instaure
progressivement ?
S'il est indispensable qu'il y ait une bonne coordination avec la police
nationale et une réelle complémentarité, je m'interroge sur ce rôle
prépondérant du préfet.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que vous donnerez aux préfets
des instructions très strictes pour l'application de ce texte afin qu'ils
prennent leurs décisions en étroite collaboration avec les maires ?
L'amélioration de la sécurité dans nos villes passera sûrement par la
recomposition des tissus sociaux, et je crois fermement que la présence de
policiers municipaux, véritables « agents de proximité », activera la
restauration de la confiance et des liens qui se sont distendus
progressivement.
Si proximité et non-armement sont deux notions complémentaires et si un
certain nombre de tâches peuvent très bien être exercées par des policiers
municipaux non armés, il en va autrement de l'intervention dans les zones dites
difficiles, où les bandes de délinquants sont parfois tout autant, si ce n'est
plus, armées que les policiers.
Les policiers municipaux ne peuvent pas se risquer à faire régner la paix sur
des territoires soumis à la loi du plus fort sans avoir les moyens de riposter
en cas de besoin. Non armés, ils réduiront tout bonnement leur champ
d'intervention, et l'efficacité de leur action en pâtira.
Ces policiers municipaux - et je parle en connaissance de cause, comme M.
Hoeffel tout à l'heure, du fait de l'expérience très positive et ancienne de
Strasbourg - recrutés sur des critères sélectifs stricts, bien formés,
régulièrement entraînés et agissant en complémentarité avec la police
nationale, doivent être armés en permanence. Vous savez qu'il n'y a quasiment
jamais eu de bavures ! Alors pourquoi vouloir traiter la police municipale en «
police de seconde main » à qui on ne pourrait pas confier d'armes ?
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. Philippe Richert.
Si j'insiste autant sur la formation initiale et continue des policiers
municipaux, c'est qu'elle me paraît une condition incontournable pour une bonne
efficacité. Et, s'il est fondamental de les former au maniement des armes et à
la déontologie, il me paraît tout aussi important de les former à l'écoute, à
la pédagogie ou à la psychologie car, dans la plupart des cas, l'incivisme et
les infractions mineures seront le lot commun des policiers municipaux.
Mais, de la petite à la grande délinquance, nous devons être vigilants,
d'autant que la petite délinquance préfigure souvent la grande.
Rappelons qu'être citoyen c'est avoir, certes, des droits, mais également des
devoirs et des obligations envers la société. Nous devons donc agir contre
toutes les formes d'incivilités et d'agressions que nous subissons
quotidiennement.
Sans vouloir reproduire à l'identique les expériences de « tolérance zéro »
menées à New York ou encore outre-Manche, les résultats obtenus dans les deux
cas doivent être relevés, même s'ils ne sont pas parfaits et méritent une
analyse critique.
Devant les dérives réelles que nous connaissons et l'exaspération, voire la
peur, qui sont le lot commun d'un grand nombre de nos concitoyens, nous devons
réagir sans tomber dans le sécuritaire à tout prix.
C'est pourquoi il me semble que deux approches peuvent retenir notre
attention.
La première concerne la mise en place d'actions « transversales ». Sur un
territoire urbain, tous les acteurs du quotidien - personnels de l'éducation
nationale, auxiliaires de justice, milieu associatif ainsi que policiers
nationaux et municipaux - se réunissent régulièrement pour travailler ensemble
et coordonner leurs actions sur le terrain. Je suis sûr que la police
municipale, police de proximité, y aura toute sa place.
Par ailleurs, les horaires de service des officiers de police sont fonction
des « horaires de délinquance ». Des études ont ainsi permis de délimiter
précisément dans le temps les périodes de la journée pendant lesquelles les
actes délinquants se produisaient et, durant ces périodes, les effectifs de
police sont renforcés. C'est une question de bon sens et cela répond
parfaitement aux besoins de l'offre et de la demande.
La présence policière ainsi adaptée permet de répondre plus efficacement aux
actes et opère, de plus, un effet psychologique dissuasif sur les délinquants.
Pourquoi ne pas s'inspirer de ces expériences ? Il paraît difficilement
acceptable que des commissariats soient fermés et que des policiers soient hors
service dans des quartiers sensibles où l'on sait pertinemment que, à certaines
heures définies, des infractions vont être commises !
Je sais qu'il s'agit là d'un dossier délicat, monsieur le ministre, mais c'est
le moment de l'aborder de façon sereine, et nous vous faisons confiance pour
aller de l'avant.
Par ailleurs, nous ne pouvons que souhaiter que les règlements de
coordination, avancée incontestable en matière de complémentarité entre police
municipale, police nationale et gendarmerie, mettent fin à ces problèmes
d'organisation et que des permanences soient assurées non seulement dans les
bureaux, mais surtout sur le terrain à toute heure de la journée.
Incontestablement, ce texte, malgré ses imperfections, va dans le bon sens.
Mais ne devrions-nous pas aller plus loin ?
Je me suis souvent interrogé : si les maires venaient à être responsables de
la sécurité au quotidien de la cité qu'ils gèrent, en termes de prévention mais
aussi de police, n'aurions-nous pas plus de mobilisation et de résultats contre
ce fléau de la délinquance ? Je ne vise pas, bien sûr, les délits graves et la
criminalité, qui resteraient de la compétence exclusive de l'Etat, mais les
actes de malveillance qui sont aujourd'hui si fréquents, tels que les vols, les
violences ou l'incivisme.
Finalement, c'est bien les maires que les administrés viennent voir lorsqu'une
difficulté surgit sur le terrain et, dans bon nombre d'esprits, ils ont d'ores
et déjà l'entière responsabilité des dysfonctionnements recensés.
Je terminerai mon intervention sur la question du coût des polices
municipales. Ce texte peut être aussi interprété, en effet, comme un
désengagement financier de l'Etat : ce dernier garde la responsabilité de la
sécurité et ce sont, d'une certaine façon, les collectivités qui paient sans
qu'il y ait transfert de moyens.
Pour conclure, permettez-moi de redire que, malgré ses qualités indiscutables,
ce texte s'arrête un peu au milieu du gué. Il me paraît pouvoir être encore
amélioré, en particulier grâce aux amendements qui seront proposés par la
commission, que je tiens à remercier - son rapporteur particulièrement - de la
grande qualité du travail qu'elle a accompli.
J'exprime donc le voeu que nous allions plus loin dans notre oeuvre de
législateurs et je vous demande, monsieur le ministre, un engagement :
pourriez-vous nous proposer, au terme d'une période d'observation de deux ou
trois ans, un bilan critique de la mise en oeuvre de la loi et, le cas échéant,
remettre l'ouvrage sur le métier ?
Compte tenu de ces assurances et sous réserve des amendements que nous
proposera la commission des lois, je voterai, bien sûr, ce projet de loi.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si je
reconnais volontiers que le projet de loi qui nous est présenté a le mérite
d'offrir un cadre juridique utile - pour ne pas dire nécessaire, mais en tout
cas bienvenu - à des polices municipales dont les effectifs ont plus que doublé
depuis quinze ans, je crains cependant qu'il ne réalise pas pleinement les
conditions d'un partenariat équilibré entre les communes et l'Etat. En effet,
ce texte contient un certain nombre de dispositions propres à renforcer de
manière importante le pouvoir de l'Etat au détriment de celui des communes,
alors même que - cela a déjà été dit - de récentes études concluent à un
fonctionnement globalement satisfaisant des polices municipales.
Toutefois, mon intervention, qui sera brève, aura pour objet non pas de
développer cet aspect du projet de loi - ce qui a d'ailleurs été fait
remarquablement par les précédents orateurs - mais d'attirer l'attention sur
une regrettable insuffisance dont souffre, à mes yeux, ce texte : je veux
parler, en l'occurrence, de l'action menée dans les communes touristiques.
Ainsi, de nombreuses collectivités reçoivent un afflux saisonnier massif de
touristes - dans certains cas seulement l'été, mais parfois aussi l'hiver - et
elles ont traditionnellement recours aux services de policiers municipaux
vacataires pour faire appliquer les arrêtés municipaux de police ou pour
assurer la fluidité de la circulation pendant quelques mois.
Cette pratique, qui avait cours de manière très généralement satisfaisante, a
été remise en cause par le décret du 24 août 1994, aux termes duquel les agents
municipaux doivent avoir une formation minimale de six mois et ne peuvent être
vacataires.
Le précédent ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de
la décentralisation, M. Perben, que j'avais saisi de ce problème, avait permis
de trouver un début de solution en acceptant, lors de l'examen du projet de loi
relatif à l'emploi dans la fonction publique, à la fin de 1996, l'amendement,
déposé par l'un de nos collègues députés, qui est devenu l'article L. 412-49-1
du code des communes.
Dans cet article, il était précisé que « l'agrément mentionné à l'article
précédent peut aussi être accordé à des agents titulaires de la commune,
habituellement affectés à des emplois autres que ceux de la police municipale,
ou non-titulaires chargés d'assister temporairement les agents de la police
municipale dans les communes touristiques ».
Cet article, qui prévoyait également que les agents vacataires ne peuvent
porter une arme, avait été reçu par nombre de maires des communes concernées
comme une avancée positive de nature à régler un problème qui réapparaît à
chaque saison estivale ou hivernale.
Or, en l'état, l'article 11 du projet de loi dont nous débattons supprime
totalement ce dispositif.
En outre, lors de l'examen de ce texte devant l'Assemblée nationale, la
référence aux communes touristiques, qui subsistait à l'article 5, a totalement
disparu.
Dans ces conditions, il me semble inacceptable, monsieur le ministre, de
laisser pour compte ces collectivités dans le domaine de la sécurité et de la
police municipale, de ne pas les doter de moyens adaptés à l'ampleur des
responsabilités qui sont les leurs en période touristique.
Ces collectivités ne peuvent ni supporter la charge financière que représente
l'emploi permanent de policiers municipaux titulaires, ni se décharger sur la
gendarmerie nationale de la surveillance de la voie publique et du maintien de
la fluidité de la circulation, conditions essentielles à la qualité du séjour
des résidents dans nos communes et stations, et d'un minimum de bonne
organisation de la vie collective dans les communes touristiques.
Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir prendre en
compte cette situation et de veiller à ce que puisse être dégagée une solution
qui soit tout à la fois conforme à l'esprit du projet de loi que nous
examinons, à commencer par l'exigence de formation, et propre à répondre aux
préoccupations légitimes des très nombreuses collectivités concernées.
Cela pourrait se faire, par exemple, en reprenant le principe, posé par
l'article L. 412-49-1 du code des communes, d'une affectation temporaire de
certains agents des collectivités, habituellement employés à d'autres tâches, à
des missions de police municipale.
Voilà pourquoi j'ai tenu à demander le maintien de ces dispositions par le
dépôt d'un amendement à l'article 11 du projet de loi.
Je vous remercie d'avance, monsieur le ministre, de votre réponse et du soin
que vous accepterez de réserver à ma proposition.
J'ajoute, en terminant, et en m'associant aux félicitations qui ont été
adressées à M. le rapporteur, que je voterai, bien entendu, ce projet tel
qu'amélioré par les amendements proposés.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, étant dans l'obligation de quitter la Haute Assemblée rapidement, je
répondrai brièvement - vous voudrez bien m'en excuser - à ceux qui se sont
exprimés à la tribune, étant entendu que nous aurons l'occasion de revenir sur
tous les sujets abordés demain lors de la discussion des articles.
Je tiens, tout d'abord, à mon tour, à rendre hommage au travail solide,
sérieux et constructif du rapporteur. Bien entendu, nous ne sommes pas d'accord
sur tous les points, mais nous avons une base pour engager un débat de qualité,
dépassionné pour ce qui est de l'affrontement politicien et qui devrait
permettre d'aller au fond des choses.
La compétence en matière de sécurité appartient toujours, en dernier ressort,
à l'Etat. Il ne peut en être autrement. Par conséquent, il faut bien clarifier
le statut des polices municipales et encadrer ce qui est d'ores et déjà très
largement un état de fait reposant sur des bases juridiques fragiles.
C'est la raison pour laquelle j'ai estimé, comme d'ailleurs presque tous mes
prédécesseurs, que ce texte était nécessaire.
Ce projet de loi s'insère dans un ensemble de textes - sur la sécurité, sur le
gardiennage - et de mesures - contrats locaux de sécurité - consécutifs au
colloque de Villepinte.
Il n'y a pas, me semble-t-il, de désaccords majeurs entre nous. On peut, bien
entendu, essayer de ressusciter la querelle - assez théologique, du reste - sur
l'armement. J'y reviendrai tout à l'heure. Ce débat devrait pouvoir être assez
facilement désarmorcé, si je puis dire. En effet, un principe est posé par le
projet de loi, celui du non-armement ; mais, aussitôt après, pour des missions
particulières, dès lors qu'elles sont précisées dans un règlement de
coordination, des dérogations sont prévues.
D'ailleurs, les faits sont là : 37 % des policiers municipaux sont armés, ce
qui signifie que 63 % ne le sont pas ! Dès lors, où faut-il mettre le principe,
où faut-il mettre les dérogations ?
L'observation de la réalité nous conduit à poser comme principe le
non-armement, tout en tolérant, naturellement, des dérogations qui
correspondent à des habitudes déjà prises.
Mais, dépassons l'habitude : c'est dans le cadre de la définition des
missions, du règlement de coordination, que, naturellement, dès lors que la
mission impliquera l'armement, cet armement pourra être plus précisément
prévu.
Je relève que, sur de nombreux points, la commission est revenue au texte
initial. Je pense, entre autres, au relevé d'identité, à la redevance versée au
CNFPT, à la coordination des moyens au niveau de plusieurs communes.
Il y a aussi quelques divergences. Outre celles qui portent sur l'armement,
j'ai entendu dire que le projet était trop centralisateur. De ce point de vue,
MM. Peyronnet et Duffour, que je remercie de leur soutien, ont clairement
montré qu'il n'était pas possible de revendiquer à la fois la place de l'Etat
comme garant en dernier ressort de la sécurité et de retirer toute compétence
aux préfets, non pas, bien évidemment, pour gérer les corps de police
municipale - il ne s'agit pas de cela - mais pour définir avec le maire, au
départ, le cadre de leurs activités et les modalités de rapprochement avec la
police nationale.
Faut-il renoncer à l'agrément du préfet ? On a dit que l'extension des
compétences des agents de police municipale concernait surtout la police
judiciaire. Je ne le crois pas, car, ce qui est en cause, ici, c'est la mission
de prévention des polices municipales, c'est leur rôle en matière de sécurité
de proximité, la contribution qu'elles peuvent apporter à l'îlotage. Comme l'a
d'ailleurs très bien dit M. Eckenspieller, mon voisin de Mulhouse, la police
municipale est là pour surveiller, pour être présente sur le terrain, pour
rassurer.
Faut-il un règlement de coordination ou une convention ? Cette discussion
aurait certainement passionné Byzance en 1453 ; c'étaient d'ailleurs des gens
remarquables, qui oubliaient peut-être ce qui se passait autour d'eux, mais
dont les discussions ne devaient pas manquer d'intérêt !
Très franchement, le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont préféré le
règlement. Pourquoi ? D'abord, le règlement a pour lui la durée. Il est établi
pour une situation donnée et non pas en fonction de telle ou telle
personnalité. Le règlement type n'a pas vocation à intervenir dans le détail
des situations qui relèvent d'une appréciation locale, j'ai eu l'occasion de le
dire ; il doit définir des rubriques. La commission des lois a, je crois,
repris cette idée.
J'en profite pour dire que les décrets resteront, naturellement, dans l'esprit
de la loi : encadrer et non pas régir.
S'agissant de l'armement, on me permettra une simple réflexion : on ne peut
confier des armes à la légère. Pourquoi faudrait-il être moins circonspect pour
les policiers municipaux que pour les autres détenteurs d'armes ? Le projet se
borne à évoquer un règlement de coordination ; c'est bien le moins pour éviter
le risque de face-à-face inattendus !
Il y a tellement d'armes qui traînent qu'il faut tout de même bien un
règlement qui prévoit les conditions dans lesquelles on les met en sécurité
!
Franchement, M. Demuynck m'a paru beaucoup plus idéologue que moi ! Pour ma
part, j'estime que ce problème peut être traité de manière très
dépassionnée.
MM. Othily et Hyest se sont préoccupés de l'application de la loi aux
départements d'outre-mer, notamment à la Guyane, et aux territoires
d'outre-mer, notamment aux communes polynésiennes. Cet aspect du problème n'a
pas échappé au Gouvernement. D'ailleurs, la création de nouvelles communes a
été présentée récemment au conseil des ministres par M. Queyranne. Le
Gouvernement n'a donc pas oublié les départements et les territoires
d'outre-mer. Compte tenu du statut spécifique de ces derniers, des dispositions
très similaires à celles qui figurent dans ce projet de loi seront incluses
dans le texte en cours d'élaboration au secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Certes, je suis conscient du nombre important de décrets d'application. Mais
cela n'est pas mon fait. C'est l'application de la Constitution, qui prévoit,
en ses articles 34 et 37, l'exercice d'un large pouvoir réglementaire.
Je ne souhaite pas que l'on oppose les polices municipales à la police
nationale. Bien entendu, certains d'entre vous ont évoqué des oppositions
rémanentes. En fait, il faut prendre du champ et voir en quoi la police
nationale et les polices municipales peuvent être complémentaires sur le
terrain.
A mes yeux, ce projet est excellent, car il permettra de clarifier les
choses.
Certes, des dérapages se produisent parfois çà et là. Mais quelle est
l'institution qui fonctionne sans dérapages ? Il nous appartient, précisément,
de répartir clairement les rôles, les responsabilités, afin d'éviter toutes les
déviations.
A cet égard, je tiens d'ailleurs à dire à M. Duffour que ses craintes quant au
développement des polices municipales me paraissent injustifiées, dès lors que,
précisément, les rôles auront été bien définis.
Quant à M. Eckenspieller, il craint les transferts de charges ! Comme quoi il
peut arriver que les préoccupations de MM. Eckenspieller et Duffour se
rejoignent !
Pour le reste, je suis assez d'accord avec certaines propositions qui ont été
évoquées, et qui reviennent parfois sur des dispositions adoptées par
l'Assemblée nationale en première lecture : le seuil à cinq agents.
En revanche, je ne crois pas, monsieur le rapporteur, qu'il soit nécessaire de
mentionner le cadre A. Rien n'empêche de rattacher une police municipale à un
secrétaire général ou à un cadre de la ville qui appartient à la catégorie
A.
Comme l'a dit M. Peyronnet, ce projet est équilibré. C'est un projet de bon
sens. La tonalité générale des interventions l'a d'ailleurs montré. M.
Balarello lui-même a déclaré souscrire à ses objectifs. Peut-être aurons-nous
quelques divergences sur les points d'application.
M. Hoeffel a bien voulu considérer qu'il s'agissait d'un texte utile, tout en
faisant valoir qu'il ne répondait pas à tous les problèmes de sécurité. Certes
non, monsieur le sénateur, on ne saurait y répondre à travers ce seul
projet.
Toutefois, après une dizaine d'années au cours desquelles nous avons eu à
connaître de propositions plus ou moins avortées, ce texte va poser, enfin, des
bases claires, stables, qui conforteront, d'une certaine manière, les polices
municipales et préciseront leur rôle. Nous aurons ainsi fait oeuvre utile,
au-delà des oppositions qui, par ailleurs, peuvent être légitimes.
Je suis d'accord avec M. Richert pour que, dans deux ou trois ans, un bilan
soit fait de l'application et des conditions d'application de ce texte.
La commission consultative des polices municipales associera des maires -
probablement comprendra-t-elle des sénateurs - ou des représentants des maires,
des adjoints, par exemple.
(Sourires.)
M. Serge Vinçon.
Le premier adjoint au maire !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
On verra ! Je ne veux pas m'avancer sur un
terrain trop glissant...
Mais nous aurons l'occasion de reparler de tout cela demain lors de la
discussion des articles.
J'ai écouté avec attention tous les intervenants et je tiens à les remercier
tous pour leur ton posé et le sérieux de leurs interventions. Ils ont fourni
l'exemple d'un débat dépassionné, au bon sens du terme, mais au service de
l'intérêt public.
MM. Serge Vinçon et Christian Demuynck.
C'est le Sénat !
M. le président.
Monsieur le ministre, les sénateurs sont sensibles à vos remerciements et vous
sont gré d'avoir répondu, fût-ce brièvement, à leurs interventions.
La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.
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