Séance du 10 juin 1998







M. le président. Par amendement n° 429 rectifié, MM. Belot, Doublet, Blaizot, Arnaud, les membres du groupe de l'Union centriste et MM. Husson, Rigaudière, Robert, Besse, Cazalet, César, Blanc, Ostermann, Vinçon et Raffarin proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré, dans le code du travail, après l'article L. 351-10, un nouvel article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Les chômeurs de longue durée bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique peuvent être employés, à temps plein, par les collectivités territoriales et leurs établissements publics pour des emplois d'utilité publique.
« Les personnes publiques employeurs versent une rémunération qui est exonérée des cotisations sociales incombant à l'employeur et qui correspond à la différence entre le montant du salaire minimum de croissance et le montant de l'allocation de solidarité spécifique dont le versement est maintenu.
« Le conseil général territorialement concerné peut participer à la rémunération versée par la personne publique employeur.
« Le montant de l'allocation de solidarité spécifique ne pourra être minoré pendant la durée du contrat d'emploi.
« Les personnes publiques employeurs ont également la faculté d'adhérer, pour leurs seuls salariés recrutés en application du premier alinéa du présent article, au régime prévu à l'article L. 351-4.
« Les conditions d'application du présent article seront fixées à titre expérimental pour une durée de cinq ans, par décret qui devra intervenir dans le délai de six mois à compter de la date de publication de la loi. »
« II. - Les pertes de recettes résultant de l'application du paragraphe I sont compensées par le relèvement, à due concurrence, des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Belot.
M. Claude Belot. Conçu avec les collectifs de chômeurs qui se sont manifestés récemment, cet amendement se veut extrêmement pratique.
Ni aujourd'hui, ni sans doute demain, l'économie de marché ne sera en mesure d'absorber un certain nombre de personnes peu qualifiées qui se trouvent, pour pas mal de temps, en dehors du marché du travail.
Dès lors, la seule solution, c'est un travail public, auprès de collectivités locales ou d'associations. Il y a là un champ immense d'activités et d'emplois, qui ne peuvent pas être couverts tout simplement parce que le coût de la main-d'oeuvre aux conditions normales est trop élevé.
A l'heure actuelle, la plupart de ces personnes reçoivent un minimum social, qui représente, en moyenne, environ la moitié du SMIC, et bénéficient de l'ensemble des prestations sociales sans qu'il y ait cotisation, par des voies diverses, d'aide sociale ou autres. Si nous parvenions à ce que les collectivités publiques bénéficiant du travail de ces gens donnent l'équivalent du RMI ou de l'aide sociale qu'elles perçoivent de façon à arriver approximativement au niveau du SMIC, nous ferions alors oeuvre utile.
Je précise que ce système fonctionne depuis cinq ans dans mon département pour les RMI et les contrats emploi-solidarité à mi-temps. A ce jour, cela a donné 2 500 emplois pour des gens qui, sans cela, seraient exclus du marché du travail. Grâce à cela, je rencontre tous les jours des gens heureux d'être comme les autres.
Madame le ministre, mes chers collègues, j'ai déjà fait voter dans le département que j'ai l'honneur de présider une somme significative pour que ce système démarre sur fonds locaux.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est parfait !
M. Claude Belot. Si l'aide sociale à la personne et l'exonération des charges sociales étaient maintenues, l'Etat ne subirait aucune perte puisque, actuellement, il ne perçoit rien et que les collectivités locales prendraient en charge la différence. Je répète que le public est constitué de personnes ne pouvant ni aujourd'hui ni demain trouver du travail dans un cadre normal.
Là où j'ai une responsabilité, je me charge de faire démarrer ce système dès que j'en aurai l'autorisation, et je suis sûr que nombre de mes collègues feront de même. (M. Machet applaudit.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement vise à instaurer un système original autorisant les collectivités locales à embaucher des titulaires de l'allocation de solidarité spécifique, lesquels conserveraient leur allocation et bénéficieraient d'un complément de rémunération versé à hauteur d'une rémunération pour une activité à temps plein.
Cet amendement soulève quelques interrogations.
Tout d'abord, le coût de l'opération risque d'être relativement élevé pour les communes, car le montant de l'ASS est de 2 400 francs par mois.
On peut s'interroger également sur les pressions qui seraient exercées sur les maires, dès lors que le système instaurerait une forme de droit à occuper un emploi public.
Je me demande s'il ne serait pas plus opportun d'élargir l'utilisation des crédits départementaux d'insertion, comme nous le proposons par l'amendement n° 103 tendant à insérer un article additionnel avant l'article 79.
C'est en raison de ces interrogations que la commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous sommes dans une logique où nous essayons véritablement de réinsérer les personnes en situation de grande difficulté, notamment celles qui touchent les minima sociaux.
Par conséquent, ou bien les personnes touchant l'allocation de solidarité spécifique sont en difficulté effective, et elles ont droit aux contrats emploi-solidarité, aux entreprises d'insertion, etc. - cela coûte d'ailleurs moins cher aux collectivités locales que le système que vous préconisez, monsieur Belot, et présente au moins l'avantage de remettre ces personnes dans une dynamique d'insertion - ou bien vous souhaitez dire par ce biais que tout chômeur aujourd'hui en fin de droits pourra constituer une main-d'oeuvre à tarif extrêmement réduit pour les collectivités locales, et vous comprendrez que, dans ces conditions, le Gouvernement ne puisse vous suivre.
Nous sommes favorables à l'insertion des personnes touchant l'allocation de solidarité spécifique et des personnes en chômage de longue durée. C'est pourquoi nous avons maintenu 500 000 contrats emploi-solidarité cette année et nous vous proposons de créer dans la loi de nouveaux contrats emplois consolidés pour les personnes qui sont le plus en difficulté.
En revanche, il ne me paraît pas véritablement sérieux de demander à l'Etat de continuer à assumer la dépense que constitue le minimum social pour que les collectivités locales puissent utiliser du personnel à moindre coût.
Le Gouvernement émet donc un avis très défavorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 429 rectifié, repoussé par le Gouvernement et sur lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.

Article additionnel avant l'article 5 bis