Séance du 12 juin 1998







M. le président. « Art. 38. - I. - Après le 6° de l'article L. 711-3 du code de la santé publique, il est inséré un 7° ainsi rédigé :
« 7° A la lutte contre l'exclusion sociale, en relation avec les autres professions et institutions compétentes en ce domaine, ainsi que les associations qui oeuvrent dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion, dans une dynamique de réseaux. »
« II. - Après les mots : "continuité de ces soins", la fin du cinquième alinéa de l'article L. 711-4 du même code est ainsi rédigée : "en s'assurant qu'à l'issue de leur admission ou de leur hébergement, tous les patients disposent des conditions d'existence nécessaires à la poursuite de leur traitement. A cette fin, ils orientent les patients sortants ne disposant pas de telles conditions d'existence vers des structures prenant en compte la précarité de leur situation". »
Sur l'article, la parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Il est difficilement acceptable de constater qu'en France, aujourd'hui, de nombreuses personnes voient leur santé fragilisée, voire menacée, du fait de l'extrême précarité de leur situation.
Il est indéniable que les situations d'exclusion engendrent des dérèglements psychologiques, que les atteintes physiques sont multiples.
Certaines maladies que l'on croyait pourtant oubliées, telles que la tuberculose, sont en pleine recrudescence. De surcroît, les sujets qui sont les plus fragiles et qui, normalement, devraient bénéficier d'attentions particulières perdent en quelque sorte le réflexe des soins. Progressivement, la précarité les a éloignés de notre système de santé.
Pour rétablir en quelque sorte une certaine égalité dans l'espérance de vie, une véritable politique de santé, ambitieuse dans ses objectifs et importante dans ses moyens, doit être mise en oeuvre. A mon sens, cette dernière ne peut se contenter de faciliter l'accès aux soins par la généralisation de l'assurance maladie universelle.
Elle nécessite aussi une amélioration du niveau des remboursements, une extension de la dispense d'avance de frais et la suppression du forfait hospitalier. Le Gouvernement m'a effectivement donné acte de l'importance de cette question.
Mais, surtout, pour réussir, cette politique sanitaire en faveur des plus démunis doit passer par l'adaptation des structures aux réalités des conditions de vie des gens, afin de répondre par la proximité aux besoins particuliers de chacun et de l'ensemble des Français.
Pour atteindre l'objectif de prise en charge médicale et sociale, l'hôpital joue un rôle central. C'est vrai. Par ailleurs, pour ne pas enfermer les plus pauvres dans des structures particulières, la diversité des réponses des moyens d'actions devra être priviligiée.
Les textes actuellement en vigueur garantissent l'égalité tant d'accès que de traitement. Toute personne ayant besoin de soins peut se présenter à l'hôpital, où elle sera reçue, auscultée et où on lui prodiguera des soins.
De plus, l'évolution de l'hôpital public s'est faite par « la force des choses », avec une forte accentuation de son rôle social.
L'article 38 du projet de loi réaffirme le rôle social du service hospitalier en précisant quelles actions l'hôpital devra assurer pour garantir la continuité des soins, en veillant notamment à ce que les patients disposent de conditions d'existence suffisantes pour la poursuite de leur traitement.
Je souscris entièrement à la logique de cet article.
Toutefois, je crains que le service public hospitalier, victime de la réforme autoritaire de M. Juppé et des dégradations précédentes, ne soit trop affaibli pour jouer pleinement son rôle fort et pilote.
Je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'hôpital assume pleinement ces missions, qu'il soit doté de moyens et de personnels à la hauteur des besoins à satisfaire, qu'enfin il parvienne à se dégager des contraintes comptables.
Parallèlement, je compte sur le Gouvernement pour traiter de pair le problème de l'exclusion et celui de l'évolution nécessaire de notre système de protection sociale.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Madame le sénateur, j'ai bien entendu votre légitime plaidoyer. Je crois que Mme Aubry vous a déjà répondu que la prise en charge hospitalière des publics les plus démunis comporterait, dans le cadre de la couverture universelle que nous envisageons, à la fois le remboursement des frais, du forfait hospitalier et l'avance d'un certain nombre de dépenses. Je crois aussi me rappeler que vous avez exprimé votre satisfaction après son intervention.
Répondre à toutes les revendications du secteur hospitalier, prononcées plus ou moins légitimement au nom du malade, ce n'est pas possible, vous le savez. Par ailleurs, en ce moment, plusieurs catégories de personnel, toutes de façon légitime également, revendiquent pour l'amélioration de leur propre catégorie.
J'ai toujours accepté de prendre ces revendications en considération, de les étudier, de les discuter. J'ai toujours dit que nous essaierions de les satisfaire peu à peu.
Dégager des moyens, qu'est-ce que cela veut dire, madame Borvo ? Les moyens, ce sont les vôtres, les nôtres ; on ne peut pas les inventer. Vous savez que l'assurance maladie repose sur les cotisations sociales, et même si celles-ci sont élargies à la CSG, on ne peut pas aller au-delà de certaines dépenses. Nous pourrions imaginer un autre système, et je suis prêt à en discuter avec vous, mais, dans le système actuel - M. le président ne peut que m'approuver - nous ne pouvons pas tout faire.
Je reçois chaque jour, en moyenne, trois délégations hospitalières. Chacune parle de son hôpital comme d'un cas unique ; chaque fois, nous avons le sentiment que leurs demandes sont très légitimes, fondées, et parfois urgentes. Mais il n'est pas question de donner satisfaction aux trois délégations quotidiennes : ce n'est pas possible !
La maîtrise des dépenses est indispensable si nous ne voulons pas voir exploser notre système d'assurance.
Au demeurant, la méthode a changé : en permanence, nous entendons discuter avec les élus et les représentants des personnels, des usagers, des médecins, de toutes les catégories concernées.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 38.

(L'article 38 est adopté.)

Article additionnel après l'article 38