Séance du 12 juin 1998
M. le président. « Art. 58. - L'article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifié :
« 1° Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« A peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l'huissier de justice au représentant de l'Etat dans le département, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au moins deux mois avant l'audience, afin qu'il saisisse, en tant que de besoin, les organismes dont relèvent les aides au logement, le fonds de solidarité pour le logement ou les services sociaux compétents.
« Le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement, dans les conditions prévues aux articles 1244-1 (premier alinéa) et 1244-2 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. » ;
« 2° L'avant-dernier alinéa est complété par les mots : "dont l'adresse est précisée". »
Sur l'article, la parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Nous allons examiner l'article 58, qui concerne les mesures relatives au maintien dans le logement. Je saisis cette occasion, monsieur le secrétaire d'Etat, pour revenir sur un problème dont nous avons déjà débattu à plusieurs reprises et qui concerne sans doute 20 000 logements à Paris et en région parisienne. Je veux bien sûr parler des congés vente massifs des bailleurs souvent institutionnels.
Alerté par les élus parisiens, vous avez, dès le mois de décembre dernier, demandé un rapport à un haut fonctionnaire, puis réuni la commission nationale de concertation.
Je crois savoir qu'un accord est en cours de finalisation entre les représentants des bailleurs et les associations représentant les locataires. Peut-être pourrez-vous nous confirmer la date de sa signature.
Cet accord, d'après mes informations, prévoit en particulier le maintien dans les lieux des locataires âgés de plus de soixante-dix ans ou malades et, dans un certain nombre d'autres cas spécifiques, tel que le départ à la retraite, la possibilité de renouveler le bail pour trente mois.
Il prévoit, en outre, une large information des locataires, d'une part, dès que le bailleur envisage une telle opération et, d'autre part, sur l'état exact de l'immeuble concerné et sur les travaux éventuels à réaliser.
Il prévoit, enfin, une obligation de relogement pour les locataires qui ont un revenu inférieur à 80 % du plafond de ressources PLI.
Toutes ces modalités sont plus favorables que la législation en vigueur. On ne peut que se féliciter qu'un accord ait pu être trouvé. Par ailleurs, celui-ci prévoit, d'une part, que les dispositions qu'il contient pourront être étendues à tous les bailleurs mettant en vente plus de dix logements dans un même ensemble immobilier et, d'autre part, plusieurs modifications législatives. Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, si vous envisagez de reprendre ces propositions dans un prochain projet de loi ?
En outre, si, par cet accord, les conditions d'achat par les locataires qui le souhaitent et le peuvent seront améliorées, la question du maintien d'un parc locatif intermédiaire à Paris ou en petite couronne reste posée. Vous connaissez, monsieur le secrétaire d'Etat, la situation tendue du marché immobilier parisien. Or les immeubles qui font l'objet de congés vente massifs depuis deux ans étaient généralement loués nettement en dessous du prix du marché.
Les opérations en cours risquent d'aboutir au départ de très nombreux locataires qui ne pourront pas acheter dans les quartiers concernés ni sans doute à Paris.
Paris continuera donc à se vider des couches moyennes et notre objectif de mixité sociale restera lettre morte.
Dans la réponse que vous avez bien voulu me faire à la question d'actualité que je vous posais le 5 mars dernier, vous aviez envisagé que ces appartements, voire ces immeubles, puissent être rachetés par des bailleurs sociaux.
Pouvez-vous me dire si vous envisagez toujours cette possibilité et de quelle manière ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Bien évidemment, j'ai été attentif aux propos de Mme Pourtaud, qui se préoccupe depuis plusieurs mois de ce dossier. Je la remercie d'avoir, avec quelque-uns de ses collègues parisiens, appelé mon attention sur une situation qui était effectivement menaçante, mais que nous pouvions encore redresser.
La nécessité de bien maîtriser le sujet m'avait amené à demander à M. Marc Prévot, qui dirige avec compétence et efficacité la mission interministérielle d'inspection du logement social, la MILOS, de faire un premier point.
A partir de là, il nous a semblé possible d'ouvrir avec les représentants des propriétaires et des locataires une concertation au sein de la commission nationale de concertation, sous l'autorité de son président, M. Zémor.
Je suis en mesure de vous dire aujourd'hui que cette concertation, dont la paternité, si j'ose dire (Sourires.), vous revient en tant qu'intervenante sur ce dossier, a eu lieu et a abouti, le mardi 9 juin, à une réponse positive des représentants des propriétaires et des locataires à M. Zémor, pour la signature de l'accord négocié.
Cet accord prévoit les modalités et le contenu de l'information que chaque propriétaire aura à fournir aux locataires, à leurs associations et aux élus locaux sur tout projet de mise en vente d'un immeuble locatif. Un certain nombre de locataires y voient une opportunité lorsqu'ils souhaitent accéder à la propriété.
Cet accord prévoit également les conditions permettant de faciliter la vente aux locataires intéressés par l'acquisition de leur logement, c'est-à-dire essentiellement des délais supplémentaires pour le montage du dossier financier et des modes d'acquisition telles que la location-accession.
Cet accord prévoit encore le traitement des problèmes posés aux locataires qui ne peuvent pas acquérir le logement, en prévoyant les possibilités d'offres de relogement, voire de renouvellement du contrat de location pour les situations sociales les plus difficiles.
Le projet prévoit enfin la possibilité, pour le locataire, de proposer un acquéreur, parmi ses ascendants ou ses descendants, ce qui permettrait au locataire de rester dans le logement.
Les situations de conflits ont été prises en compte et une procédure de conciliation sera instituée.
Telles sont, madame Pourtaud, les conditions dans lesquelles cette question a été traitée.
L'accord a prévu la communication des diagnostics et bilans techniques aux locataires. Le chiffrage du coût des travaux a été discuté, mais les représentants des locataires et des propriétaires sont convenus que cela posait le problème de la diversité des devis fournis par les entreprises et du décalage dans le temps entre le moment de la mise en vente des logements et le moment où les travaux seraient effectués, l'immeuble étant entre temps passé sous le régime de la copropriété.
Après l'aboutissement de cette concertation, on constate que tous les efforts ont convergé, ceux des élus qui avaient posé le problème, relayant les associations de locataires, comme ceux des fédérations des sociétés propriétaires qui ont accepté la négociation.
En complément de la concertation, le travail peut se poursuivre dans le cadre de la mission de M. Prévot pour étudier les capacités de reprise du parc de logements locatifs par des opérateurs afin de conserver et de renforcer l'offre d'un parc locatif privé à des prix de loyers supportables, et cela même à Paris.
Nos dispositifs sont donc totalement convergents et nous continuons à travailler pour que cette seconde étape nous permette d'atteindre un tel résultat, qui sera effectivement une réponse très concrète à cette aspiration de cette mixité sociale qui est recherchée dans les quartiers, y compris à Paris.
Merci encore, madame Pourtaud, pour votre contribution à la bonne résolution de ce dossier.
M. le président. Sur l'article 58, je suis saisi de deux amendements présentés par Mme Terrade, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 368 a pour objet :
I. - De remplacer les deux alinéas du texte présenté par cet article pour remplacer le deuxième alinéa de l'article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le propriétaire est tenu de délivrer un commandement de payer dès lors que les sommes dues par le locataire sont supérieures à l'équivalent de trois mois de loyer et de charges. A peine de nullité de la clause résolutoire, le commandement de payer doit être également adressé par le bailleur au secrétariat du FSL, par lettre recommandée avec accusé de réception.
« A peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la diligence de l'huissier de justice au secrétariat du FSL et au représentant de l'Etat dans le département. Le juge devra surseoir à statuer dans l'attente de la décision du FSL ou de la commission de surendettement lorsque celle-ci aura été saisie.
« Le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement, dans les conditions prévues aux articles 1244-1, alinéa premier, et 1244-2 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. »
II. - En conséquence, dans le deuxième alinéa (1°) de cet article, de remplacer le chiffre : "deux" par le chiffre "trois".
L'amendement n° 369 rectifié vise, après le 1° de cet article, à insérer deux alinéas ainsi rédigés : « ...° - Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« La clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué si le locataire s'est libéré de sa dette avant le jugement ou s'il s'en est libéré dans les conditions prévues par le juge ; lorsque surviennent des difficultés économiques et sociales imprévues, le juge peut réviser l'échéancier de remboursement de la dette. »
La parole est à M. Fischer, pour défendre ces deux amendements.
M. Guy Fischer. En matière de contentieux locatifs, et s'agissant notamment des locataires de bonne foi, il est assez évident que les méthodes aujourd'hui encore pratiquées nécessitent d'être réexaminées.
Cet article du projet de loi porte sur la question pour le moins sensible de la prévention des expulsions locatives par engagement de procédure de résiliation du bail de location.
Il y est proposé en particulier que le préfet, après que les huissiers de justice ont effectivement constaté le contentieux, soit amené à saisir dans les délais les meilleurs les services sociaux compétents en matière de dettes locatives, notamment les caisses d'allocations familiales, les centres communaux d'action sociale ou le fonds de solidarité pour le logement, cela en vue d'envisager une solution adaptée à la situation du locataire.
Pour notre part, nous souhaitons apporter à cet article deux modifications, donc formuler deux propositions.
La première consisterait à prévoir l'automaticité de la saisine du fonds de solidarité pour le logement du département de ressort.
Cette procédure tendrait à unifier les conditions de saisine des fonds de solidarité pour le logement et à en améliorer encore et l'efficacité et l'intervention. Cela mettrait à la disposition du locataire en difficulté un outil lui permettant d'entrevoir une solution.
De surcroît, nous estimons qu'à partir du moment où le locataire se sera libéré de sa dette locative la clause de résiliation du bail de location ne pourra plus jouer, si tant est qu'elle ait été invoquée.
Cela éviterait aux locataires de bonne foi qui ont tout mis en oeuvre pour trouver une solution le traumatisme de l'expulsion, c'est-à-dire, bien souvent, le déchirement de la famille et toutes les conséquences que cela implique. De plus, nous savons fort bien que le coût social d'une expulsion est souvent supérieur à celui du maintien dans les lieux dans des conditions déterminées.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite donc à adopter ces amendements n°s 368 et 369 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je voudrais faire une déclaration liminaire sur le volet relatif à la prévention des expulsions, plus particulièrement sur la section 1 du chapitre III du titre II.
Sur les articles 58 à 63 bis, la commission des affaires sociales s'en est largement remise à l'avis de la commission des lois, à l'exclusion toutefois de l'article 60, qui modifie le code de la sécurité sociale.
Lors de sa réunion consacrée à l'examen des amendements, elle a donné un avis favorable sur l'ensemble des amendements que la commission des lois a déposés sur ces articles.
Dans ces conditions, je souhaite que M. Paul Girod puisse formuler lui-même les avis qui ont été adoptés par la commission des affaires sociales sur les amendements qui viennent compléter ou modifier le dispositif de la commission des lois sur les articles 58 à 63 bis, à l'exception toutefois du seul article 60.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission des lois ?
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Le dispositif proposé par l'amendement n° 368 semble d'une grande complexité. Par ailleurs, il déséquilibrerait exagérément, au bénéfice du locataire - qui ne paie pas son loyer, il faut le rappeler - le dispositif prévu par le projet de loi dont nous discutons.
Pour ce qui est des expulsions, la commission des lois accepte globalement la philosophie qui sous-tend le texte du Gouvernement et qui consiste à essayer de faire traiter le problème le plus en amont possible. Mais il ne faut pas exagérer ! Si l'amendement était accepté, on ne traiterait plus rien du tout !
C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à l'amendement n° 368, comme à l'amendement n° 369 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 368 et 369 rectifié ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est toujours reconnaissant aux parlementaires de s'impliquer très fortement dans les aspects les plus difficiles des textes législatifs. C'est, je crois, ce qu'on fait les auteurs des amendements n°s 368 et 369 rectifié.
Je me dois de leur dire que, de son côté, le Gouvernement a eu le même souci qu'eux.
Un dispositif a été mis au point avec le ministère de la justice. Ce travail a été très largement éclairé par les réflexions conduites dans des instances qui ont beaucoup réfléchi de leur côté ; je pense en particulier au haut comité pour le logement des défavorisés.
Le souci du Gouvernement a été de trouver un dispositif qui puisse, à quelques rarissimes exceptions près, ne plus avoir à s'appliquer en cas de bonne foi et n'être réservé qu'aux cas de mauvaise foi ou de trouble à l'ordre public et de voisinage, de manière que ne puisse subsister que l'aspect de sanction légitime.
Pour arriver à cet objectif, que nous partageons, nous devons trouver des dispositions qui puissent être applicables convenablement.
On ne peut pas impliquer les services publics, notamment les services publics sociaux ou les gestionnaires du FSL dès la notification du commandement de payer parce que, dans un nombre très important de cas, les commandements de payer interviennent non pas en raison d'une difficulté sociale réelle, mais à cause d'une négligence.
On compte statistiquement environ 500 000 commandements de payer par an alors que ne sont notifiées que quelque 100 000 assignations en résiliation de bail.
Il nous a semblé que, pour être efficace, il fallait intervenir au niveau de la procédure d'assignation, où l'on se trouve très en amont. A ce stade, il n'y a pas que le FSL qui puisse répondre. L'examen du dossier peut faire apparaître que d'autres types d'intervention sont souhaitables.
Dans certains cas, le FSL ne sera peut-être pas au niveau. Il faudra parfois mobiliser le contingent réservé du préfet. C'est la raison pour laquelle il est envisagé d'intervenir, avec plus de chance d'être efficace, lors de l'assignation, en saisissant non le comité du FSL mais le préfet, de manière que l'ensemble des capacités d'action sociale soient mobilisées.
Bien évidemment, nous avons tous le souci que les parties agissent avec diligence, de manière à réduire au minimum les traumatismes qui accompagnent toujours de telles procédures.
L'important est que le juge rende sa décision après avoir reçu toutes les informations utiles concernant la situation sociale du locataire, ce qui sera rendu possible grâce au délai de deux mois que nous proposons d'instituer.
Je crois très sincèrement que les dispositions qui figurent dans le projet de loi répondent à l'essentiel des objectifs visés par les deux amendements en discussion.
Je souhaite donc vous avoir convaincus, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je serai bien évidemment très attentif à ce que les nouvelles dispositions que nous aurons adoptées soient mises en oeuvre avec détermination sur le terrain. Nous nous efforcerons d'en suivre l'application, pour en mesurer les résultats et, au besoin, vous en tenir informés. Je pense que nous constaterons vraiment un changement radical de la situation. Tous ensemble, nous devrions pouvoir y parvenir, et je vous remercie par avance de votre contribution.
M. le président. Monsieur Fischer, les amendements n° 368 et 369 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Guy Fischer. Nous allons les retirer, monsieur le président. Je suis persuadé qu'un grand nombre de parlementaires ici présents sont très sensibles aux conditions dans lesquelles il est procédé, encore actuellement, à certaines expulsions. Ce problème mérite, de toute évidence, que des efforts soient consentis par un certain nombre d'offices, voire de particuliers. Nous pensons que les propositions qui nous sont faites permettent de faire un grand pas en avant. Néanmoins, je crois que nous devons être très attentifs pour que cela se traduise dans la vie quotidienne, de telle sorte qu'un nombre important de locataires de bonne foi ne soient pas soumis au traumatisme des expulsions.
M. le président. Les amendements n°s 368 et 369 rectifié sont retirés.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 58.
(L'article 58 est adopté.)
Le Sénat va maintenant interrompre ses travaux il les reprendra à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures vingt-cinq.)