Séance du 29 juin 1998
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE
DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Décision du Conseil constitutionnel
(p.
1
).
3.
Allégement des charges sur les bas salaires.
- Adoption des conclusions du rapport d'une commission (p.
2
).
Discussion générale : MM. Alain Gournac, rapporteur de la commission des
affaires sociales ; Christian Poncelet, Mme Gisèle Printz, MM. Guy Fischer,
Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales ; Mme
Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 3 )
M. le rapporteur.
Adoption de l'article.
Article 2 (p. 4 )
M. le rapporteur.
Adoption de l'article.
Article 3 (p. 5 )
M. le rapporteur.
Adoption de l'article.
Article 4 (p. 6 )
M. le rapporteur.
Adoption de l'article.
Vote sur l'ensemble (p. 7 )
M. Lucien Neuwirth, Mme Janine Bardou, M. le président de la commission, Mme le
secrétaire d'Etat.
Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi.
4.
Retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord chômeurs
en fin de droit.
- Irrecevabilité des conclusions du rapport d'une commission (p.
8
).
Discussion générale : M. Guy Fischer, rapporteur de la commission des affaires
sociales ; Mme Gisèle Printz, MM. Robert Pagès, Marcel-Pierre Cléach, Edmond
Lauret, Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales
; Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants ; Jean
Clouet, au nom de la commission des finances.
Irrecevabilité de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 9 )
5.
Natura 2000.
- Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission (p.
10
).
Discussion générale : MM. Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission
des affaires économiques ; Francis Grignon, Mme Janine Bardou, M. Jacques
Bellanger, Mmes Odette Terrade, Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement.
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance
(p.
11
)
Article 1er (p.
12
)
M. le rapporteur.
Adoption de l'article.
Intitulé du titre Ier (p. 13 )
Amendement n° 16 de M. Souplet. - M. Michel Souplet. - Retrait.
Article 2 (p. 14 )
M. le rapporteur.
Amendements n°s 13 de M. Bellanger, 17 de M. Souplet, 6 rectifié, 7 rectifié, 8
rectifié de M. Grignon, 1 rectifié et 2 rectifié de M. Vasselle. - MM. Jacques
Bellanger, Alain Vasselle, Francis Grignon, le rapporteur, Mme le ministre, M.
Michel Souplet. - Retrait des amendements n°s 17, 6 rectifié, 8 rectifié, 1
rectifié et 2 rectifié ; rejet de l'amendement n° 13 ; adoption de l'amendement
n° 7 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Article 3 (p. 15 )
M. le rapporteur.
Amendement n° 14 de M. Bellanger. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article 4 (p. 16 )
Amendement n° 9 rectifié de M. Grignon. - Retrait.
M. le rapporteur, Mme le ministre, M. Jacques Bellanger.
Adoption de l'article.
Article 5 (p. 17 )
Amendement n° 3 rectifié de M. Vasselle. - MM. Alain Vasselle, le rapporteur,
Mme le ministre. - Retrait.
Amendement n° 10 rectifié de M. Grignon. - MM. Francis Grignon, le rapporteur,
Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 6 (p. 18 )
Amendement n° 4 rectifié
bis
de M. Vasselle. - MM. Alain Vasselle, le
rapporteur, Mme le ministre. - Retrait.
M. le rapporteur.
Amendement n° 11 rectifié de M. Grignon. - MM. Francis Grignon, le rapporteur,
Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 7 (p. 19 )
Amendement n° 5 rectifié
ter
de M. Vasselle. - MM. Alain Vasselle, le
rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 18 rectifié de M. Souplet. - MM. Michel Souplet, le rapporteur,
Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 8 (p. 20 )
Mme le ministre, M. le rapporteur.
Amendements n°s 19 de M. Souplet et 15 de M. Bellanger. - Retrait des deux
amendements.
Amendement n° 12 rectifié de M. Grignon. - M. Francis Grignon. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article 9. - Adoption (p.
21
)
Article 10 (p.
22
)
M. le rapporteur, Mme le ministre, M. Denis Badré, au nom de la commission des
finances.
Irrecevabilité de l'article.
Article 11. - Adoption (p.
23
)
Vote sur l'ensemble (p.
24
)
MM. Michel Souplet, Jacques Bellanger, Hilaire Flandre, Mmes Anne Heinis,
Janine Bardou, M. le rapporteur, Mme le ministre.
Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 25 )
6.
Contrôle de l'obligation scolaire.
- Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission (p.
26
).
Discussion générale : M. Jean-Claude Carle, rapporteur de la commission des
affaires culturelles ; Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de
l'enseignement scolaire ; MM. Nicolas About, Serge Lagauche, Mme Odette
Terrade.
Clôture de la discussion générale.
Articles additionnels avant l'article 1er (p. 27 )
Amendements n°s 7 et 8 du Gouvernement. - Mme le ministre délégué, M. le rapporteur. - Adoption des amendements insérant deux articles additionnels.
Article 1er (p. 28 )
Amendement n° 2 de M. Lagauche. - MM. Serge Lagauche, le rapporteur, Mme le
ministre délégué. - Adoption.
Amendements n°s 9 et 10 du Gouvernement. - Mme le ministre délégué, M. le
rapporteur. - Adoption des deux amendements.
Amendement n° 3 rectifié de M. Lagauche. - MM. Serge Lagauche, le rapporteur,
Mme le ministre délégué. - Adoption.
Amendements n°s 11, 19, 12 rectifié et 13 du Gouvernement. - Mme le ministre
délégué, MM. le rapporteur, Nicolas About. - Adoption des amendements n°s 11,
19 et 12 rectifié ; rejet de l'amendement n° 13.
Amendement n° 4 de M. Lagauche. - MM. Serge Lagauche, le rapporteur, Mme le
ministre délégué, M. Nicolas About. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Article 2 (p. 29 )
Amendements n°s 14 à 16 du Gouvernement. - Mme le ministre délégué, M. le
rapporteur. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Article 3 (p. 30 )
Amendement n° 17 du Gouvernement. - Mme le ministre délégué, M. le rapporteur.
- Adoption.
Amendements n°s 5 rectifié et 6 rectifié de M. Lagauche. - MM. Serge Lagauche,
le rapporteur, Mme le ministre délégué. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 4 (p. 31 )
M. Robert Pagès.
Amendements n°s 18 et 20 du Gouvernement. - Mme le ministre délégué, MM. le
rapporteur, Nicolas About. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 4 (p. 32 )
Amendement n° 1 de M. About. - MM. Nicolas About, le rapporteur, Mme le ministre délégué, MM. Robert Pagès, Serge Lagauche. - Rejet.
Intitulé de la proposition de loi. - Adoption (p.
33
)
Vote sur l'ensemble (p.
34
)
M. Hilaire Flandre, Mme Anne Heinis, M. Adrien Gouteyron, président de la
commission des affaires culturelles.
Adoption de la proposition de loi.
7.
Transmission de projets de loi
(p.
35
).
8.
Ordre du jour
(p.
36
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel,
par lettre en date du 25 juin 1998, le texte de la décision rendue par le
Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi
portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au
Journal officiel,
Edition des lois et décrets.
3
ALLÉGEMENT DES CHARGES
SUR LES BAS SALAIRES
Adoption des conclusions
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 500,
1997-1998) de M. Alain Gournac, fait au nom de la commission des affaires
sociales, sur la proposition de loi (n° 372 rectifié, 1997-1998) de MM.
Christian Poncelet, Jean-Pierre Fourcade, Josselin de Rohan, Maurice Blin et
Henri de Raincourt, tendant à alléger les charges sur les bas salaires.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui la
proposition de loi n° 372 rectifié, tendant à alléger les charges sur les bas
salaires, telle qu'elle a été déposée par MM. Christian Poncelet,
Jean-PierreFourcade, Josselin de Rohan, Maurice Blin et Henri de Raincourt.
Cette proposition reprend les termes de la proposition de loi n° 628,
présentée le 14 janvier 1998 à l'Assemblée nationale par MM. François Bayrou,
Jean-Louis Debré, Jacques Barrot, Franck Borotra, Robert Galley, Yves Nicolin
et les membres des groupes UDF et RPR.
Cette proposition de loi avait été rapportée par M. Yves Nicolin, le 28
janvier 1998, devant la commission des affaires culturelles, familiales et
sociales de l'Assemblée nationale.
Le rapporteur avait alors constaté les premiers bénéfices de l'allégement des
charges sur les bas salaires et la nécessité de les amplifier et de les étendre
progressivement tout en conservant la maîtrise financière du dispositif. Il
insistait par ailleurs sur l'intérêt de prévoir des garanties en termes
d'emplois.
Il proposait pour cela de « mettre en place, selon un système unifié à partir
du 1er janvier 2000, une réduction des cotisations patronales d'un champ plus
large et d'un niveau supérieur par rapport à celle qui avait été mise en place
à titre temporaire par l'article 113 de la loi de finances pour 1996 et dont la
portée a été réduite par la dernière loi de finances ».
Cette mesure devait permettre aux entreprises concernées, sous réserve de la
signature de conventions au niveau des branches professionnelles, de bénéficier
d'un allégement de leurs charges sociales.
La commission des affaires culturelles, après avoir débattu du contenu de la
proposition de loi, avait alors décidé de suspendre ses travaux avant la
discussion des articles ; elle n'a donc pas présenté de conclusions avant le
passage en séance publique.
Le débat en séance publique a eu lieu le vendredi 30 janvier 1998, au moment
même où l'Assemblée nationale examinait le projet de loi d'orientation et
d'incitation relatif à la réduction du temps de travail. A cette occasion, le
Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale ont fait part de leur
opposition à la proposition de loi et de leur préférence pour la poursuite du
plan emplois-jeunes et la réduction du temps de travail accompagnée de la
baisse de la durée légale. A l'issue de la discussion générale, l'Assemblée
nationale a décidé de ne pas passer à la discussion des articles ; la
proposition de loi n'a donc pas été adoptée.
Pourquoi, dans ces conditions, devrions-nous examiner à nouveau ce texte ?
Je remarque tout d'abord que les articles n'ont été étudiés ni en commission
ni en séance publique. Je crois que la question du chômage justifie pleinement
l'examen de manière approfondie de toutes les solutions qui peuvent permettre
de créer des emplois. C'est là une première raison qui justifie, à mon sens, un
nouvel examen de cette proposition de loi par le Parlement.
Par ailleurs, je ne partage pas l'opinion du Gouvernement qui consiste à
considérer que la loi sur les 35 heures doit constituer l'alpha et l'oméga des
politiques de l'emploi. Cette loi a été promulguée ; je ne proposerai pas son
abrogation.
M. Guy Fischer.
Heureusement !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Le débat démocratique a eu lieu au Parlement, le Sénat a fait
part de ses réserves et de ses oppositions. Il a longuement développé ses
propres propositions ; il ne lui revient pas maintenant de pratiquer une
politique d'obstruction.
Je remarque simplement que les critiques ne se sont pas tues, qu'elles
abondent de tous côtés, de nos partenaires européens, des partenaires sociaux.
Chacun a bien conscience que le Gouvernement s'y est mal pris et que les
résultats ne seront pas à la hauteur de ses attentes. Comme le déclare Pierre
Larrouturou dans son dernier ouvrage, « plus personne, ou presque, ne pense que
la loi-cadre sur les 35 heures sera efficace contre le chômage de masse.
"Trente-cinq heures sans perte de salaire", le slogan des législatives, se
révèle être un piège dangereux ».
La deuxième loi à venir en 1999 sera l'occasion pour nous de demander des
modifications et de préciser nos propositions en matière de réduction du temps
de travail. Cela ne veut pas dire que la promulgation de la loi sur les 35
heures doit mettre un terme au débat sur l'allégement des charges sociales.
Celui-ci ne doit pas être considéré comme une simple alternative aux 35
heures.
La réduction des charges prévue par le texte du Gouvernement sous la forme
d'une majoration de 4 000 francs de l'aide forfaitaire est en effet très
insatisfaisante parce qu'elle est temporaire et conditionnée à la réduction du
temps de travail.
M. Christian Poncelet.
C'est bien vrai !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
En tant que président de la commission d'enquête chargée de
recueillir des éléments d'information sur les conséquences financières,
économiques et sociales de la décision de réduire à 35 heures la durée
hebdomadaire du travail, et après avoir souligné le travail de notre collègue
Louis Souvet, qui a rapporté excellemment cette proposition de loi au nom de
notre commission, je souhaite rappeler que le Sénat ne s'est jamais opposé au
principe de la réduction du temps de travail.
Il a seulement refusé le principe de l'abaissement de la durée légale du
travail de manière autoritaire. Pour ce qui est du dispositif d'incitation
financière, chacun a pu constater que le reprofilage de la loi Robien défendu
par le Sénat et le dispositif du Gouvernement avaient beaucoup de points
communs.
A cet égard, je souscris au propos de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi,
lorsqu'elle déclarait, le 30 janvier à l'Assemblée nationale, que la réduction
du temps de travail et celle des charges sociales sur les bas salaires ne
constituaient pas des politiques antagonistes.
Je ferai simplement quelques observations qui mettront en évidence des
contradictions d'un Gouvernement qui affirme soutenir l'allégement des charges
sociales alors que, dans le même temps, il réduit les crédits qui y sont
consacrés, et cela au moment même où les résultats commencent pleinement à se
faire sentir.
Sur l'efficacité des allégements de charges sociales, tout d'abord, les faits
parlent d'eux-mêmes. Il est en effet très difficile de refuser tout lien entre
la politique menée depuis plusieurs années et la reprise des créations
d'emplois observée depuis un an.
Je rappellerai que la « ristourne unique dégressive » mise en place en octobre
1996 représentait une exonération des cotisations équivalente à 18,2 % du
salaire au niveau du SMIC, s'annulant à 1,33 SMIC et d'un montant maximal de 1
213 francs.
Comme le précise d'ailleurs très justement M. Yves Nicolin, rapporteur de la
commission des affaires culturelles, « depuis 1993, ces différentes mesures ont
permis d'abaisser le coût du travail peu qualifié et celui du travail à temps
partiel et expliquent l'essentiel des 240 000 emplois qui ont pu être créés en
France depuis cette date malgré la faible croissance économique qu'a connue
l'ensemble de l'Europe ».
On ne peut, dans ces conditions, que s'étonner des décisions ambiguës prises
par le Gouvernement à l'occasion de la loi de finances pour 1998. D'une part,
il a pérennisé un dispositif temporaire, consacrant ainsi son utilité et son
caractère indispensable à la survie et à la compétitivité de certaines
entreprises, alors que, d'autre part, il restreint la portée de l'exonération
pour des raisons financières, entravant par là même son efficacité.
Depuis le mois de janvier, le montant maximum du salaire ouvrant droit à
l'exonération a été abaissé de 1,33 à 1,3 SMIC, le montant maximal de la
réduction a été gelé à 1 213 francs et l'exonération est désormais calculée au
prorata du nombre d'heures rémunérées en cas de travail à temps partiel.
Il convient de rappeler que, suite à une décision de la Commission de
Bruxelles, les entreprises des secteurs du textile, de l'habillement, du cuir
et de la chaussure ne pourront plus bénéficier du dispositif mis en place par
la loi du 12 avril 1996, à moins que lesdites entreprises n'aient pas reçu plus
de 100 000 écus d'aides publiques sur les trois dernières années ; c'est la «
règle des minimis » fixée par la Commission européenne.
Le dispositif mis en place par le Gouvernement pour prolonger le plan textile
apparaît comme très insuffisant. Il pourrait remettre en question, à terme, les
effets structurels sur l'emploi de l'allégement des charges.
Dans ces conditions et pour préserver la dynamique mise en oeuvre depuis
plusieurs années, il convient de généraliser les allégements massifs de charges
sociales sur les bas salaires. Cette généralisation est tout à fait conforme au
droit européen, puisque c'est le caractère sectoriel de l'aide qui avait été
dénoncé par les instances européennes. Cette généralisation devrait, selon
toute vraisemblance, donner un coup de fouet aux créations d'emplois, même si
la montée en puissance du dispositif ne pourra être que progressive.
Tous les économistes s'accordent, en effet, pour considérer qu'un délai de
trois à cinq ans est nécessaire pour observer pleinement l'efficacité des
baisses de charges sociales.
La loi sur les 35 heures ayant été promulguée la semaine dernière et le plan
emplois-jeunes ayant toujours du mal à trouver son public en dehors du secteur
public, c'est l'enrichissement de la croissance en emplois qui doit être
considéré comme le vecteur principal des créations d'emplois observées depuis
plusieurs mois.
Nous ne pouvons que nous réjouir que le nombre de demandeurs d'emploi ait
baissé de 3,4 % entre avril 1997 et avril 1998. Cependant, le taux de chômage
reste encore trop élevé dans notre pays. Il se situe autour de 12 %, alors que
des pays aussi différents que les Pays-Bas, l'Autriche, la Suède et la
Grande-Bretagne ont des taux compris entre 5 % et 7 %.
Chacun sait que le taux de chômage français trouve son origine dans des
rigidités structurelles propres au fonctionnement du marché du travail. Le coût
élevé du travail de main-d'oeuvre constitue une partie du problème ; le coût
horaire de la main-d'oeuvre française serait supérieur de 28 % à la
main-d'oeuvre italienne et de 38 % à la main-d'oeuvre anglaise.
Dans ces conditions, le passage à la monnaie unique pourrait donner lieu, si
aucune précaution n'était prise, à une concurrence sociale entre les pays qui
pourrait se traduire par un supplément de chômage en France.
Pour prévenir ce risque, certains économistes préconisent une remise en
question du SMIC ; techniquement, le raisonnement est valable, mais je ne pense
pas que cette solution puisse constituer un projet d'espoir pour les salariés ;
je considère que le problème réside dans le poids excessif des charges sociales
que supportent les salariés payés autour du SMIC.
M. Christian Poncelet.
Eh oui !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
En fait, je crois que l'allégement des charges sur les bas
salaires constitue l'unique alternative à une remise en cause de la
réglementation sur le salaire minimal.
J'ai la conviction que le travail doit en effet être convenablement rémunéré
pour pouvoir constituer un facteur d'intégration et de reconnaissance sociale.
A cet égard, une réflexion sur un salaire minimal européen aurait tout son
sens, il conviendrait simplement de le fixer à un niveau tel qu'il ne constitue
pas un obstacle à l'entrée sur le marché du travail pour les travailleurs les
plus fragilisés.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
La mise en place d'un salaire minimal en Grande-Bretagne
constitue un bon exemple de cette convergence sociale que nous appelons de nos
voeux.
Dans cette attente, la présente proposition de loi a pour objet de faire
franchir une nouvelle étape à la politique d'allégement des charges et de
consolider l'application de cette politique dans le secteur du textile, du cuir
et de l'habillement,...
M. Jean Chérioux.
Très bien ! Il en a besoin !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
... secteur dans lequel l'expérience conduite depuis 1996 a
particulièrement bien réussi.
M. Marcel Debarge
Elle n'a pas été appréciée !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Il faut en parler aux patrons, leur demander leur sentiment
!
M. Marcel Debarge.
Je parlais des salariés !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Elle prévoit une généralisation progressive des baisses de
charges en fonction de la proportion des bas salaires et des travailleurs
manuels dans chaque entreprise, selon un calendrier précis.
Les emplois les plus sensibles au coût du travail se trouvent dans les
entreprises dans lesquelles la part de la main-d'oeuvre dont la rémunération
est proche du SMIC et la part de la main-d'oeuvre ouvrière - au sens de la
classification de l'INSEE - sont les plus importantes.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales vous propose, mes chers
collègues, de prendre en compte ces deux critères en calculant le produit du
nombre de salariés recevant jusqu'à 1,33 SMIC par le nombre de travailleurs
manuels, rapporté au nombre total d'employés. Ce produit peut être considéré
comme un bon indicateur des entreprises à aider en priorité plus il est élevé,
plus la réduction de charges sociales serait importante dès l'entrée en vigueur
du présent texte.
L'article 1er de la proposition de loi prévoit que, dans un premier temps, les
baisses des charges seront modulées en retenant trois modalités de calcul
différentes à partir du 1er janvier 1999.
Bénéficieront d'une réduction de charges équivalente à 26 % du SMIC au niveau
du SMIC, soit 1 730 francs, réduction dégressive qui s'annule à 1,4 SMIC, les
entreprises ayant le plus fort taux de travailleurs manuels et à bas salaire,
entreprises dont le produit P est supérieur à 0,36. Ces entreprises sont
particulièrement nombreuses dans les secteurs de l'agriculture, du
textile-habillement-cuir-chaussure, des services aux personnes, de
l'agroalimentaire, du bois et des équipements du foyer, qui emploient 18 % des
bas salaires français et 23 % des ouvriers.
Bénéficieront d'une réduction de charges équivalente à 22 % du SMIC au niveau
du SMIC, soit 1 470 francs, réduction dégressive qui s'annule à 1,36 SMIC, les
entreprises, qui sont particulièrement nombreuses dans les secteurs du bâtiment
et des travaux publics, du commerce, de la réparation automobile et des
minéraux, dont le produit P est compris entre 0,20 et 0,36. Elles emploient 13
% des bas salaires français et 21 % des ouvriers.
Bénéficieront d'une réduction de charges équivalente à 18,2 % du SMIC au
niveau du SMIC, soit 1 213 francs, réduction dégressive qui s'annule à 1,33
SMIC, les autres entreprises, celles dont le produit P est inférieur à 0,20.
Au 1er janvier 2000, puis au 1er janvier 2001, on appliquera progressivement à
l'ensemble de l'économie une réduction de charges équivalant à 26 % du SMIC,
soit 1 730 francs, ce qui aboutira à la suppression de toute complexité : c'est
l'objet des articles 2 et 3 de la présente proposition de loi.
Bien entendu, on pourra considérer que la montée en puissance du dispositif
impose la mise en oeuvre de revenus techniques assez compliqué, mais je ferai
simplement remarquer que les chefs d'entreprise sont maintenant assez familiers
des mesures d'allégement de charges et que le déploiement de l'aide se fait
naturellement, sans qu'il soit besoin de procéder au moindre calcul. C'est la
situation de l'entreprise, diagnostiquée au départ, qui détermine le calendrier
des allégements qui est applicable à celle-ci.
Le coût de ce dispositif, ainsi que les modalités de son financement, ont pu
être considérés comme des obstacles à sa mise en oeuvre.
Ainsi, lors du débat à l'Assemblée nationale, Mme le ministre de l'emploi et
de la solidarité a fait état d'une estimation selon laquelle ce coût atteignait
30 milliards de francs par an, ce qui, compte tenu des 40 milliards de francs
que représente déjà la ristourne dégressive, porterait à 70 milliards de francs
le coût des allégements de charges sur les bas salaires.
Il ne peut être question de s'engager ici dans une bataille de chiffres, car
les estimations sont très difficiles lorsque l'on cherche à évaluer le coût de
ce genre de dispositif. Je rappellerai seulement que M. Yves Nicolin,
rapporteur de l'Assemblée nationale, estimait celui-ci à 21 milliards de francs
et le comparait au coût, estimé à 75 milliards de francs, de la généralisation
de la réduction du temps de travail.
En fait, comme c'était le cas pour la réduction du temps de travail dans le
dispositif Robien, ces allégements généreront des recettes publiques grâce aux
emplois créés ; ils s'autofinanceront donc avec le léger décalage nécessaire
pour créer ces emplois, même si l'exemple du textile montre que l'impact sur
l'emploi peut être immédiat et l'autofinancement largement assuré.
Cependant, pour des raisons évidentes, la proposition de loi est gagée - c'est
l'objet de l'article 4 - par une taxe additionnelle aux taxes prévues aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. Il s'agit de la taxe sur les
tabacs.
De toute façon, une réforme des différents dispositifs d'aide à l'emploi
permettrait d'éviter, le cas échéant, que le coût lié à la montée en puissance
du dispositif ne se répercute sur les finances publiques.
Enfin, je tiens à faire part de mon étonnement quand je constate que l'on met
en avant son coût pour justifier le rejet d'un dispositif de lutte contre le
chômage. Lorsque plusieurs millions de personnes sont confrontées chaque jour à
la détresse de l'inactivité et de l'insuffisance de revenu, lorsque le risque
de l'exclusion pointe, avec son cortège de souffrances, le seul critère valable
doit être celui de l'efficacité.
M. Christian Poncelet.
Eh oui !
M. Jean Chérioux.
Tout à fait exact !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Quels pourraient être les résultats, en termes d'emploi, d'un
allégement massif des charges sociales sur les bas salaires ? Il est, bien
entendu, très difficile de faire des estimations. Je préfère m'appuyer sur un
exemple, celui de la région Auvergne, qui a décidé de compléter les dispositifs
d'allégement existants pour ramener à 10 % du coût du SMIC le total des
cotisations sociales pour toute nouvelle embauche de salariés, peu ou
moyennement qualifiés, dans les entreprises de moins de cinq cents salariés. La
mesure a d'ores et déjà permis la création de près de 2 500 emplois en huit
mois.
La commission des affaires sociales considère, dans ces conditions, qu'une
extension massive de l'allégement des charges sociales à l'ensemble du pays et
à tous les salariés qui reçoivent une rémunération inférieure ou égale à 1,4
SMIC, et non seulement aux nouveaux embauchés comme c'est le cas dans l'exemple
auvergnat, pourrait créer plusieurs centaines de milliers d'emplois en peu de
temps.
C'est pourquoi elle vous propose d'adopter ses conclusions, qui reprennent le
texte initial de la proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Poncelet.
M. Christian Poncelet.
Monsieur le président, madame « la » secrétaire d'Etat - puisque telle est,
paraît-il, la nouvelle formule, je me dois d'y souscrire
(Sourires)
...
MM. Guy Fischer et Marcel Debarge.
Très bien !
M. Robert Pagès.
Il y a du progrès !
M. Christian Poncelet.
... mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui, dans le cadre de l'ordre
du jour réservé au Sénat, en application de l'article 48, alinéa 3, de la
Constitution, d'une proposition de loi tendant à alléger les charges sur les
bas salaires, que j'ai eu l'honneur de déposer avec mes collègues M.
Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales, que je
salue, M. Josselin de Rohan, président du groupe du Rassemblement pour la
République, M. Maurice Blin, président du groupe de l'Union centriste, et M.
Henri de Raincourt, président du groupe des Républicains et Indépendants.
Il m'apparaît d'autant plus symbolique que cette discussion prenne place dans
notre ordre du jour réservé qu'il s'agit d'un texte à la fois plus libéral et
plus ambitieux que la loi relative à la réduction du temps de travail à
trente-cinq heures. En effet, cette proposition de loi vise à donner aux
entreprises les moyens de privilégier l'emploi productif sans leur imposer des
contraintes qui seraient incompatibles avec les règles de la concurrence
internationale.
Je ne reviendrai pas sur le dispositif technique que nous préconisons, le
rapporteur, M. Alain Gournac, l'ayant excellemment et fort complètement
exposé.
Je dirai simplement qu'il s'agit d'un dispositif simple et efficace - du
moins, j'ai la faiblesse de le penser - consistant à mettre en place un
allégement généralisé des charges sociales, sur trois ans, en fonction de la
proportion de bas salaires et de travailleurs manuels dans l'entreprise. Cela
supprime toute référence à un critère sectoriel et rend donc ce dispositif
compatible avec le droit communautaire.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Exactement !
M. Christian Poncelet.
Le système que nous vous proposons, mes chers collègues, est tout à la fois
efficace - il a déjà fait ses preuves - et indispensable pour notre pays, celui
qui connaît le plus fort taux de chômage au sein du G7.
Je n'insisterai pas sur cette fameuse « exception française » dont il a déjà
été beaucoup question, la semaine dernière, à l'occasion du débat d'orientation
budgétaire et à propos de laquelle j'ai interrogé M. le ministre de l'économie
et des finances.
Afin de lutter contre cette bien triste particularité française qu'est le
chômage, nous souhaitons rénover le dispositif d'allégement des charges
sociales dit de la « ristourne dégressive fusionnée ».
Ce dispositif, je l'ai dit, a déjà fait ses preuves, mais il nous faut
maintenant impérativement en accroître significativement la portée puisque le
gouvernement actuel l'a singulièrement réduite l'année dernière.
Ce dispositif d'allégement des charges a pourtant montré toutes ses qualités
en 1996 et en 1997, non seulement dans le secteur du textile, mais aussi dans
l'habillement, le cuir et la chaussure, où une ristourne spécifique s'est
appliquée à hauteur d'une fois et demie le SMIC, et ce n'est pas M. Fischer,
élu d'une région textile, qui me contredira sur les effets favorables de ce
dispositif.
Comme l'a souligné M. Maurice Ligot dans son rapport d'information sur « le
droit communautaire et le dispositif d'allégement des charges sociales dans
l'industrie du textile », fait au nom de la délégation pour l'Union européenne
de l'Assemblée nationale, « ce plan d'aide a permis de freiner les suppressions
d'emplois, de les stabiliser, voire d'augmenter légèrement les effectifs ».
Ainsi, alors que le secteur du textile allait subir une hémorragie de ses
effectifs de l'ordre de 12 % en 1996, ce plan d'aide a permis de stabiliser les
emplois au cours du second semestre de 1996, puis de les accroître légèrement
au cours du premier semestre de 1997, et cela pour la première fois depuis
quinze ans.
Parallèlement, les conventions conclues avec les branches concernées ont
permis l'embauche - et une vraie embauche ! - de près de 10 000 jeunes en
dix-huit mois.
Aussi, je regrette que ce plan spécifique d'allégement des charges sociales
ait été déclaré non conforme aux règles de la concurrence communautaire par la
Commission de Bruxelles et que son application n'ait pu être reconduite en
1998.
De ce fait, si nous ne prenons aujourd'hui aucune disposition nouvelle, si
nous laissons les choses en l'état, la France pourrait perdre 100 000 emplois
en trois ans dans les secteurs que j'ai mentionnés. C'est la raison pour
laquelle, au Sénat, nous avons cru devoir intervenir en soumettant cette
proposition à l'appréciation du Parlement.
M. Robert Pagès.
Ce n'est pas une bonne proposition !
M. Christian Poncelet.
Nous n'avons pas le même jugement, mon cher collègue, mais je vous convaincrai
!
(Sourires.)
Je déplore d'autant plus cette décision de non-reconduction que, en 1996
et 1997, ce plan avait porté ses fruits ; je le répète, car, les professeurs le
savent bien, la répétition a un pouvoir pédagogique : en me répétant, j'espère
augmenter mes chances d'être entendu !
Au demeurant, grâce au succès qu'elle a rencontré dans le secteur du textile,
cette politique d'allégement des charges sur les bas salaires fait désormais
l'objet d'un consensus général. L'abaissement du coût du travail, et plus
particulièrement du coût du travail faiblement qualifié, est en effet presque
unanimement considéré comme une mesure favorable à l'emploi, tant par certains
syndicats ouvriers que par les fédérations professionnelles.
Qu'on étudie les sondages réalisés auprès de la population française ou le
plan d'action des institutions communautaires, le consensus apparaît comme de
plus en plus fort. Ainsi, au printemps de 1998, la Commission européenne, dans
son rapport sur la convergence, estimait que « les marges budgétaires
retrouvées doivent être consacrées à la réduction des charges sociales pesant
sur les salaires et en particulier sur les bas salaires ». La Commission
ajoutait : « En diminuant le coût du travail, les entreprises seront incitées à
embaucher. »
De même, tous les experts des différents instituts de prévision économique
partagent ce point de vue et l'ont relevé dans leurs travaux ; je pense
notamment à ceux du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts, de
l'Organisation pour la coopération et le développement économiques, de
Rexecode, ainsi qu'à l'étude réalisée par M. Thomas Piketty pour la fondation
Saint-Simon, une institution chère au coeur de la gauche plurielle !
(Sourires.)
Cette approche vient, en outre, d'être confirmée par l'Observatoire
français des conjonctures économiques, qui, dans une étude publiée la semaine
dernière, conclue à l'efficacité d'une telle politique et en chiffre même les
effets. On y explique qu'une baisse de un point de PIB des cotisations sociales
ciblée sur les bas salaires permettrait de réduire de 0,4 à 1,2 point le taux
de chômage à l'horizon de trois ans.
Ce jugement si positif émane d'un organisme dont personne ne met en doute la
neutralité et l'objectivité. Comment, dès lors, pourrait-on ne pas retenir ses
conclusions ?
Mais j'ai un argument qui devrait emporter l'adhésion de nos collègues de
gauche : même le Gouvernement de M. Lionel Jospin semble s'être rallié à cette
idée. Dans le plan national d'action pour l'emploi qu'il a présenté le 17 avril
dernier, celui-ci soulignait que « l'allégement de charges sociales sur les bas
salaires permet de baisser le coût relatif du travail peu qualifié et
d'enrichir le contenu de la croissance en emplois ».
Ceux qui ne seraient pas encore convaincus ne pourront que l'être après cette
citation !
M. Robert Pagès.
C'est la pensée unique !
(Sourires.)
M. Christian Poncelet.
Mieux encore, M. Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale,...
M. Guy Fischer.
Que M. Pagès connaît !
(Nouveaux sourires.)
M. Christian Poncelet.
Peut-être est-ce même un ami !
(Nouveaux sourires.)
M. Robert Pagès.
C'est un proche !
(Nouveaux sourires.)
M. Christian Poncelet.
En tout cas, vous le constatez, je n'ai pas relevé que les déclarations de
ceux qui soutiennent ce dispositif ; je me suis efforcé de citer aussi certains
de vos amis, afin de trouver un consensus.
M. Laurent Fabius, donc, voilà dix jours, s'est déclaré favorable au nom de la
lutte contre le chômage, à une baisse des charges sociales sur les bas
salaires.
Cette préférence affichée pour une baisse des charges me semble constituer un
aveu implicite de la part du président de l'Assemblée nationale de la faible
efficacité de la politique suivie par le Gouvernement et visant, au nom de la
lutte contre le chômage, à porter d'une manière un peu autoritaire la durée du
travail à 35 heures. En tout cas, M. Fabius cherche, lui aussi, un relais ou un
complément.
Je me félicite tout particulièrement, madame la secrétaire d'Etat, du
ralliement du Gouvernement et d'une partie de la gauche plurielle à notre
proposition. Je regrette seulement que ce ralliement soit si tardif - mais
mieux vaut tard que jamais ! - et surtout qu'il n'ait pas encore été suivi
d'effets.
Je rappelle que, dans la dernière loi de finances, le Gouvernement a restreint
la portée et l'ampleur du mouvement de réduction des charges malgré les mises
en garde et les avertissements de notre commission des affaires sociales et de
notre commission des finances, ainsi que du Sénat tout entier. En effet, la
ristourne dégressive ne s'applique plus, depuis le 1er janvier 1998, qu'aux
salaires inférieurs à 1,3 fois le SMIC, et son montant est plafonné à 1 213
francs.
Par le présent texte, nous proposons de traduire en acte cette volonté si
largement partagée en portant respectivement ces montants à 1,4 fois le SMIC et
à 1 730 francs.
Ainsi est souligné notre souhait de ne pas nous contenter, en matière de lutte
contre le chômage, de mesures d'affichage, d'effets d'annonces, de déclarations
d'intention, aussi bonne l'intention soit-elle.
En effet, à travers cette proposition de loi, ce que nous voulons promouvoir,
c'est une autre politique de lutte contre le chômage, reposant sur la création
de véritables emplois productifs et non sur la réduction uniforme et
autoritaire de la durée du travail. C'est ainsi que nous lutterons durablement
contre le chômage structurel, que l'amélioration de la conjoncture - dont nous
nous réjouissons tous - ne peut seule réduire.
Notre démarche repose sur un constat. Si le coût du travail en France est
globalement proche de celui de nos principaux partenaires, nous ne devons pas
oublier que le travail peu qualifié reste, chez nous, d'un coût bien
supérieur.
Tout cela, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, est excellemment
expliqué dans un livre fort intéressant, dont je vous recommande la lecture :
Le Compte à rebours,
de François de Closets. A la page 225, on y lit : «
Que cela plaise ou non - et cela ne peut que heurter nos préjugés -, il faut
absolument faire baisser le coût du travail non qualifié. Est-ce à dire que le
SMIC va être supprimé ou ramené à 3 000 francs ? Laissons cela aux Américains,
restons Français. Il ne peut être question ni de réduire les plus basses
rémunérations ni de priver les smicards de leur couverture sociale pour faire
baisser le coût du travail sans plonger ceux-ci dans la pauvreté. Il faut jouer
sur les charges. »
Abaisser ce coût nous paraît non seulement nécessaire, mais indispensable. En
effet, la diminution des charges sur les bas salaires doit constituer le socle
de toute politique efficace de lutte contre le chômage, quelle que soit la
sensibilité de ceux qui sont aux affaires.
M. Lucien Neuwirth.
C'est évident !
M. Christian Poncelet.
Notre démarche s'insère donc dans la continuité de la politique d'allégement
des charges sur les bas salaires instituée par la loi quinquennale sur l'emploi
du 20 décembre 1993 et qui a été progressivement amplifiée jusqu'à la mise en
place, par la loi de finances pour 1996, de la « ristourne dégressive fusionnée
sur les bas salaires », qui a eu, je ne me lasserai pas de le répéter, des
effets bénéfiques en matière d'emploi. Au moment où l'on a tendance, ici et là,
à dénigrer ce qui a été fait hier, ou à en réduire la portée, ce rappel me
paraissait justifié.
Cette politique d'allégement des charges explique en effet l'essentiel des 240
000 emplois qui ont pu être créés en France entre 1993 et 1997, et cela malgré
la faible croissance économique que l'ensemble de l'Europe a connue pendant la
même période.
Notre proposition de loi vise également à pérenniser un dispositif apprécié
des entrepreneurs par sa simplicité et son efficacité. En effet, la force de
toute politique d'allégement des charges réside fondamentalement dans la durée
et la lisibilité. En matière de lutte contre le chômage, mes chers collègues,
il nous faut en effet adopter une politique qui soit, si je puis m'exprimer
ainsi, corrigée des « variations politiques saisonnières ».
Il faut éviter - et cela vaut pour tous les gouvernements ; il ne s'agit pas
de faire de particularisme en la matière car le problème est trop grave - que
des mesures prises la veille ne soient remises en cause le lendemain, sinon il
n'est pas possible d'adopter une démarche raisonnable dans la conduite des
affaires.
Nous devons donc poursuivre la réforme structurelle du coût du travail peu
qualifié, car celui-ci constitue, comme tous les experts économiques le
soulignent, un handicap majeur pour l'emploi en France.
L'étude qui a été publiée par l'OFCE, et que j'ai déjà citée, met bien en
valeur cet aspect. Les effets bénéfiques de la réduction des charges ne se
feront pleinement ressentir qu'à l'horizon de trois ans. Il est donc impératif
d'ancrer une telle politique dans la durée et de ne pas la faire évoluer au gré
des aléas budgétaires de l'Etat ou des modifications politiques.
Enfin, me direz-vous et c'est normal, notre démarche a un coût. Permettez-moi
cependant de vous préciser qu'elle est totalement recevable, tout au moins au
plan juridique, car elle est gagée conformément aux règles applicables en ce
domaine.
Il s'agit d'une perte de recettes qui, conformément aux dispositions de
l'article 40 de la Constitution, peut être compensée au profit du régime
général de la sécurité sociale par la création, à due concurrence, d'une
nouvelle recette. Celle-ci sera constituée par une taxe additionnelle aux taxes
prévues aux articles 575 et 575 A du code général des impôts, c'est-à-dire les
taxes applicables sur le tabac.
Permettez-moi de vous rappeler que le produit de ces taxes, qui existent déjà,
s'élèvera, en 1998, à 41 milliards de francs. La compensation que nous
instaurons est donc bien réelle puisqu'il s'agit de compenser une perte de
recettes avoisinant 7 milliards de francs. Telle était d'ailleurs la position
qu'avait retenue, en janvier dernier, la commission des finances de l'Assemblée
nationale à propos de ce même texte. Sur ce point, vous pouvez donc le
constater, nous sommes en plein accord avec nos collègues de l'Assemblée
nationale.
Le coût du dispositif que nous proposons est en effet bien éloigné des 30
milliards de francs, au terme de trois ans, évoqués sans plus de précision par
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité, lors des débats à l'Assemblée
nationale. Je souhaite, à ce sujet, non pas engager une querelle inutile, mais
rappeler simplement quelques chiffres.
M. Yves Nicolin, déjà cité par notre excellent rapporteur de la commission des
affaires sociales, estimait le coût de notre dispositif à 21 milliards de
francs sur trois ans, soit de l'ordre de 7 milliards de francs pour sa première
année d'application. Permettez-moi, mes chers collègues, de rapprocher ce coût
des 75 milliards de francs consacrés à la mise en place de la loi sur les 35
heures, dont l'efficacité reste à prouver, comme le relevait, voilà peu de
temps encore, M. Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale.
M. Guy Fischer.
Décidément !
M. Christian Poncelet.
J'ai de bonnes lectures !
M. Robert Pagès.
M. Fabius ne siège pas au sein de notre groupe !
M. Guy Fischer.
A vouloir trop prouver...
M. Claude Estier.
Quelle bonne référence !
M. Christian Poncelet.
Effectivement ! M. Laurent Fabius ayant été Premier ministre, il sait de quoi
il parle et je peux donc m'y référer !
Ces 7 milliards de francs sont aussi très éloignés des 35 milliards de francs
par an pendant trois ans consacrés à la création, au bénéfice des jeunes,
d'emplois bien souvent peu qualifiés et, surtout, précaires.
M. Guy Fischer.
Les entreprises ne les embauchent pas !
M. Christian Poncelet.
En outre, le coût budgétaire final de notre proposition de loi sera limité. En
effet, l'allégement des charges que nous mettons ainsi en place sera
progressivement autofinancé par les recettes liées aux emplois créés, mais
également par les économies réalisées par ailleurs sur les aides à l'emploi. Je
vous rappelle que le montant total de celles-ci - et c'est ce à quoi faisait
allusion M. Laurent Fabius - s'est élevé, en 1997, à 149 milliards de francs.
Compte tenu de leur montant, je pense qu'une meilleure utilisation et une
affectation plus rationnelle de ces aides - c'est d'ailleurs ce qui est demandé
- sont non seulement possibles, mais également souhaitables.
C'est d'ailleurs ce qu'indiquait, lors du débat d'orientation budgétaire, M.
le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. « Nous allons »,
disait-il, « essayer de jouer à francs constants mais nous allons redéployer
les crédits au bénéfice de l'emploi. » Je n'ai pas obtenu de précision à ce
sujet.
Enfin, je tenais à vous indiquer que notre dispositif s'inspire directement
des résultats de négociations menées avec la Commission de Bruxelles. Sur cet
aspect, il est donc pleinement compatible avec le droit communautaire.
Mes chers collègues, le choix que nous vous proposons d'effectuer aujourd'hui
est un choix réaliste et tout à fait réalisable. L'expérience passée l'a
amplement démontré puisque des dizaines de milliers d'emplois ont déjà pu être
sauvés.
Nous souhaitons aujourd'hui aller, si vous me permettez cette métaphore
sportive, qui est d'actualité en cette période de Coupe du monde, « plus haut,
plus loin et plus fort ».
Nous adresserons ainsi aux entreprises un signal clair et puissant, qui
traduira notre volonté de lutter plus efficacement contre le chômage en
favorisant la création d'emplois productifs au sein de l'entreprise,
c'est-à-dire d'emplois générateurs de richesses indispensables qui permettront
aux pouvoirs publics de définir et de soutenir une véritable politique de
solidarité à laquelle nous sommes tant attachés.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
proposition de loi que nous devons examiner aujourd'hui a déjà fait l'objet
d'un débat à l'Assemblée nationale le 30 janvier dernier. A l'époque, elle
avait été utilisée à des fins directement politiques, puisqu'elle s'intercalait
dans le débat relatif à la réduction du temps de travail et se voulait
l'alternative au projet de loi instaurant les 35 heures.
Je souhaite, tout d'abord, souligner qu'il ne peut en être de même
aujourd'hui, puisque la polémique ne fait plus rage et que la réduction du
temps de travail se met progressivement en place dans les entreprises.
Selon un récent sondage paru dans le quotidien
La Tribune,
55 % des entreprises de dix à cinq cents salariés se
préparent déjà à ouvrir des négociations sur la loi Aubry ; 70 % des
entreprises de cent à cinq cents salariés sont même prêtes à le faire.
Cela prouve que, malgré les oiseaux de mauvais augure, c'est toute une
dynamique qui est en train de se mettre en place, et qui va d'ailleurs au-delà
des 35 heures. Les entreprises ont, en effet, très vite perçu l'opportunité de
procéder à une réorganisation interne pour obtenir une meilleure productivité
et de reprendre le dialogue sur les diverses composantes de la politique
sociale.
Dès 1997, on a pu observer une forte progression de la négociation sur le
temps de travail et l'emploi au niveau de l'entreprise. Les accords Robien,
signés en 1997, ont concerné 1 670 000 salariés, soit 30 % de plus qu'en 1996,
et la moitié de ces accords prévoient déjà le passage aux 35 heures.
Dans le même temps, les PME et les PMI continuent d'embaucher, avec un solde
positif passant de 9 % en mai à 12 % en juin, et l'indice des investissements
se maintient à un bon niveau.
Il est bien entendu trop tôt pour affirmer le caractère durable de cette
croissance. Les facteurs extérieurs, il est honnête de le dire, y contribuent
puissamment. Cependant, l'économie française a retrouvé le chemin de
l'expansion et la dynamique de réduction du temps de travail en fait partie.
Pour notre part, nous estimons que la réduction du temps de travail et la
baisse des charges sur les bas salaires ne sont pas forcément antinomiques.
Mais la réduction du temps de travail permet d'associer progrès social et
modernisation économique. Elle est directement créatrice d'emplois, puisque
l'octroi des aides financières est soumis à cette condition, ou, à défaut, elle
contribue au maintien d'emplois dans des entreprises en difficulté. Elle est
peu coûteuse dans la mesure où cette condition d'emploi génère des cotisations
pour notre sécurité sociale. Il n'y a donc pas de perte à compenser à moyen
terme.
En revanche, l'exonération des charges sur les bas salaires doit être utilisée
avec une grande prudence et être assortie d'une obligation de créations nettes
d'emplois si l'on veut parvenir à limiter les effets d'aubaine.
Malheureusement, le dispositif que vous proposez ne comporte pas de garantie
réelle en la matière.
Vous ne parlez en effet que de conventions-cadres avec les branches
professionnelles relatives au maintien et au développement de l'emploi. Cette
formule est d'une totale imprécision et permet d'envisager toutes les
hypothèses à partir de la notion de maintien de l'emploi.
De plus, un dispositif fondé sur des conventions entre l'Etat et des branches
professionnelles, qui bénéficieraient donc d'un traitement sectoriel
préférentiel, est de nature à nous attirer les remontrances justifiées de la
Commission européenne. Les difficultés qu'a rencontrées Mme Aubry pour obtenir
la prolongation du plan textile sont encore dans les mémoires. Il est donc
inutile de recommencer les mêmes erreurs.
De manière générale, c'est d'ailleurs l'ensemble du système des aides qui
comporte les effets pervers que nous connaissons tous : changement de l'ordre
de la file d'attente plutôt que créations nettes d'emplois, effets d'aubaine
et, surtout, effet de tirage de l'ensemble des salaires vers le bas, ce qui est
un signal négatif pour la reprise de la consommation et la croissance.
Les effets positifs, notamment en ce qui concerne les exonérations de
cotisations sociales, sont, en revanche, plus difficiles à apprécier.
J'observe, si je me réfère à la page 45 du rapport de notre collègue, M. Alain
Gournac, que vous semblez vous-mêmes assez proches de ce point de vue.
Permettez-moi de le citer : « ... le groupe de travail constitué sous la
précédente législature avait conclu à un effet positif sur l'emploi à moyen
terme, à condition que la baisse soit importante, durable et ciblée sur les bas
salaires des industries de main-d'oeuvre. Il a estimé qu'il conviendrait d'y
ajouter un engagement ferme des entreprises à créer des emplois, de manière
contractuelle ».
Malheureusement, la présente proposition de loi ne parvient pas à remplir les
conditions dont vous reconnaissez en même temps le caractère indispensable. Ce
faisant, elle s'apparente à un véritable chèque en blanc aux entreprises. Vous
indiquez d'ailleurs également, mon cher collègue, à la page 52 de votre rapport
: « Quels pourraient être les résultats en termes d'emplois d'un allégement
massif des charges sociales sur les bas salaires ? Il est bien entendu très
difficile de faire des estimations. »
L'exemple de la région Auvergne fait de votre part l'objet d'une documentation
abondamment diffusée et d'une extrapolation à l'ensemble de notre économie. Il
permet surtout, par une extension des chiffres de cette région, d'obtenir une
estimation, quant à elle claire et précise, du coût de la mesure : 30 milliards
de francs par an, auxquels s'ajoutent les 40 milliards de francs de la
ristourne dégressive déjà acquise sur les bas salaires, soit un total de 70
milliards de francs par an.
Votre proposition de loi est donc beaucoup trop floue pour que nous y
souscrivions. Les risques juridiques, l'absence de condition de créations
nettes d'emplois et le coût important pour les finances publiques sont des
facteurs qui nous conduiraient, en toute hypothèse, à voter contre cette
proposition de loi.
Nous estimons nettement préférable de favoriser le développement de la
réduction du temps de travail assortie d'aides, mais exigeant aussi un effort
de modernisation de la part des entreprises. C'est également un effet pervers
de la distribution d'aides publiques sans condition que de voir les entreprises
profiter de ces aides, sans réaliser les efforts d'investissement et de
modernisation qui leur permettraient de retrouver durablement la compétitivité,
tant sur le plan des quantités produites que sur le plan qualitatif.
L'éventuelle généralisation du plan textile contenue en filigrane dans votre
proposition de loi ne constitue donc pas forcément, à terme, un service pour
les entreprises qui en bénéficieraient.
Enfin, un simple dispositif d'exonération de cotisations sociales patronales,
en l'état actuel du débat sur les charges, tant fiscales que sociales, payées
par les entreprises, nous paraît beaucoup trop partiel.
Nous attendons dans les tout prochains jours le rapport du professeur
Malinvaud sur l'assiette des cotisations patronales. Ce rapport fait suite au
rapport Chadelat qui avait déjà proposé des pistes de réflexion. Il s'agit
notamment d'une meilleure prise en compte de la valeur ajoutée dans l'assiette
des cotisations, dont chacun s'accorde à dire qu'elle est trop assise sur la
masse salariale, ce qui pénalise l'emploi.
Il nous faut donc attendre encore quelques jours les conclusions de ce
rapport, en vue d'un rééquilibrage prochain, après discussion avec les
partenaires sociaux, des charges payées par les entreprises. Cela ne peut
consister en une réduction des charges payées par les entreprises, qui
aboutirait à un simple transfert vers ces autres financeurs de la protection
sociale que sont notamment les ménages.
Un tel débat s'inscrit dans la problématique globale du financement de la
protection sociale et ne peut donc être organisé de manière hâtive et
parcellaire à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi. L'ensemble des
partenaires sociaux ne manqueraient sans doute pas de voir là une manière
d'étouffer le débat au départ. Cela serait tout à fait préjudiciable au climat
social et à l'avenir de la protection sociale dans notre pays.
En tant que gardiens de l'intérêt général, nous devons prendre garde à
l'impact de nos initiatives sur ce plan et rester particulièrement vigilants
s'agissant du financement de la protection sociale à un niveau correct pour
tous nos concitoyens.
Pour l'ensemble des raisons que je viens d'exposer, le groupe socialiste
votera contre la proposition de loi qui nous est présentée aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
question récurrente de la réduction du temps de travail est, une fois encore,
posée, puisque nous devons, cet après-midi, débattre de la proposition de loi
cosignée, notamment, par MM. Christian Poncelet et Jean-Pierre Fourcade, et
tendant à alléger les charges sur les bas salaires.
Farouchement opposée à la politique volontariste décidée et conduite par le
gouvernement de la gauche plurielle, notamment aux emplois-jeunes et à la
réduction du temps de travail qui, selon les allégations de l'opposition,
aboutit simplement à subventionner des emplois publics et a pour seul effet de
brider la croissance, la droite, lors des débats qui ont eu lieu à l'Assemblée
nationale sur la réduction du temps de travail, ripostait en présentant une
proposition de loi Barrot-Bayrou prévoyant de poursuivre sur le chemin de la
réduction de cotisations sociales ciblée sur les bas salaires.
Réplique ni plus ni moins de cette dernière, la présente proposition de loi
sénatoriale entend, d'une part, préserver le dispositif existant en faveur des
entreprises du secteur du textile et de l'habillement, et, d'autre part,
amplifier les allégements de charges sur les bas salaires en les généralisant
progressivement à l'ensemble de l'économie française, à l'issue d'une période
de trois ans et en fonction de la proportion de bas salaires et de travailleurs
manuels dans l'entreprise.
Partant du principe que le coût élevé du travail, de la main-d'oeuvre en
particulier, serait le principal obstacle à l'embauche et serait responsable,
en partie, du taux élevé du chômage que connaît la France, la droite, relayant
ainsi la volonté des dirigeants du CNPF, choisit la solution, selon nous
éculée,...
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. Guy Fischer.
... de la diminution du coût du travail non qualifié.
Nous sommes peu convaincus du fait que le niveau des charges sociales en
France soit un handicap relatif pour nos entreprises vis-à-vis du reste du
monde. D'ailleurs, le diagnostic dressé juste avant la conférence sur l'emploi
du 10 octobre dernier témoigne du contraire, puisqu'elle a souligné que notre
économie bénéficie d'un rapport compétitivité-coût satisfaisant.
Doutant de l'opportunité d'un tel choix, le groupe communiste républicain et
citoyen ainsi que moi-même sommes, sur le fond, opposés - et cela ne vous
surprendra pas - à la démarche quasi obsessionnelle qui sous-tend cette
proposition de loi.
M. Robert Pagès.
La pensée unique !
M. Guy Fischer.
Ce n'est pas la première fois que vous nous l'entendez dire !
Evidemment, au regard des chiffres du chômage, qui, bien qu'ils aient baissé,
demeurent très préoccupants, il est impérieux d'explorer diverses solutions
potentiellement créatrices d'emplois et, sur ce point seulement, je rejoins
votre analyse, monsieur le rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Ça, on l'a entendu plus d'une fois !
M. Guy Fischer.
Mais lorsqu'une voie, celle de la réduction des charges sociales, a déjà été
expérimentée sans s'être traduite en contrepartie par des effets positifs sur
l'emploi,...
M. Christian Poncelet.
Ce n'est pas vrai !
M. Alain Gournac,
rapporteur.
C'est une contrevérité, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer.
... pourquoi persister et vouloir à nouveau la suivre ?
Fer de lance de la politique de l'emploi des gouvernements Balladur et Juppé,
ces divers allégements de charges et exonérations de cotisations sociales,
consentis pour maintenir ou créer des emplois, n'ont cessé de monter en
puissance pour atteindre, l'an dernier, le montant inégalé de 73,2 milliards de
francs sur les 149 milliards de francs d'aides à l'emploi. Ces aides, qui se
sont superposées au fil des ans, mériteraient d'ailleurs d'être remises à
plat.
Il est à noter que, au hit-parade de ces dispositifs, c'est la réduction
générale sur les bas salaires, à savoir la ristourne unique dégressive
instituée par la loi de finances pour 1996, qui détient la première place.
Ce mécanisme, qui est issu de la fusion de deux dispositifs antérieurs et qui
a porté le plafond des rémunérations ouvrant droit à une exonération à 1,33 %
SMIC, plafond élevé à 1,5 SMIC pour le textile, coûte 44,6 milliards de
francs.
La majorité sénatoriale nous propose d'étendre, et donc d'appliquer plus
massivement encore, cette politique de réduction des charges sociales, alors
qu'elle touche déjà la quasi-totalité des entreprises privées : 6,7 millions
d'emplois salariés sur 20 millions.
Certains secteurs sont effectivement plus particulièrement concernés,
notamment le textile et l'habillement.
M. Christian Poncelet.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Fischer ?
M. Guy Fischer.
Je vous en prie, monsieur Poncelet.
M. le président.
La parole est à M. Poncelet, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Christian Poncelet.
Je vous remercie, monsieur Fischer, de m'avoir autorisé à vous interrompre.
Comme vous l'avez dit des dispositifs de réduction des charges sociales ont
été mis en place ; nous avons été plusieurs, dans cette enceinte, à nous battre
pour que le plafond soit porté à 1,5 SMIC.
Pouvez-vous garantir que sans ces dispositifs les licenciements annoncés
n'auraient pas eu lieu ?
Non seulement il n'y a pas eu de licenciements, mais il a été procédé à des
embauches au cours du premier semestre 1997. Cela a été reconnu par les
organisations syndicales de cette branche : les organisations syndicales
ouvrières et les représentants des fédérations professionnelles.
Vous le voyez bien, l'abaissement des charges sur les bas salaires a comme
conséquence de stabiliser l'emploi et même de permettre de recruter par la
suite. C'est un dispositif extrêmement efficace, reconnu par les instances
européennes et par tous les instituts de prévisions économiques, tant en France
qu'à l'étranger. Vous avez cité, tout à l'heure, la déclaration de M. le
Premier ministre lors de la conférence sur l'emploi. Il a lui-même souscrit à
ce dispositif.
Aussi, ne dites pas de contrevérité. Que cette disposition ne vous plaise pas,
certes, mais vous ne devez pour autant affirmer qu'elle est inefficace !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer.
Nous, nous pensons que, globalement, il faut en mesurer les conséquences
qualitatives et quantitatives. Or, en l'occurrence - et cela vaut également
pour la loi Robien - nous avons des exemples où, compte tenu des effets
d'aubaine, on n'a enregistré que peu de véritables créations d'emploi. Au
contraire, cela a conduit à un tassement sur les salaires et à un développement
en marge du travail intérimaire.
M. Robert Pagès.
Effectivement !
M. Guy Fischer.
L'exemple de Moulinex illustre bien cette réalité.
Par conséquent, nous considérons que le coût de l'allégement des charges
sociales est excessif pour les finances publiques.
Nous avons d'ailleurs déjà eu cette discussion lors du vote du projet de
budget pour 1998, monsieur Poncelet.
Le chiffre de 45 000 emplois créés grâce à la ristourne dégressive rapporté au
poids supporté par l'Etat qui finance cette mesure, révélateur du coût unitaire
très élevé de tels emplois, avait conduit le Gouvernement à s'interroger sur le
bien-fondé des allégements de charges sociales sur les bas salaires.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Il en a laissé !
M. Guy Fischer.
Effectivement, il a maintenu un niveau, mais, vous, vous en proposez trois.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
S'il en a laissé un, c'est parce qu'il s'agit d'un bon
dispositif !
M. Guy Fischer.
Ainsi, sans aller jusqu'à remettre franchement en cause cette option - ce que
je regrette -, le Gouvernement a décidé de freiner les allégements de charges
en abaissant le seuil à 1,3 SMIC - soit 1 213 francs par salarié - en gelant la
base de calcul des exonérations au niveau de 1997 et, enfin, en reproratisant
la ristourne dégressive au temps de travail.
Aujourd'hui, par la présente proposition de loi, il nous est proposé de
franchir une nouvelle étape dans la politique d'allégement des charges, et
notamment de mettre fin à ses effets sectoriels.
Nous la refusons, eu égard au bilan, au rapport coût-avantage, le coût étant
exorbitant au regard de l'efficacité incertaine du dispositif présenté.
A long terme, rien ne permet d'affirmer que l'effet sur l'emploi de ces
réductions de charges sera positif. Certes, vous invoquez l'étude récente de
l'OFCE - l'Observatoire français des conjonctures économiques - qui penche pour
un impact positif sur le coût du travail et, indirectement, sur l'emploi. Mais,
à charge, vous oubliez la nuance du rapport qui préconise de coupler cette
mesure avec d'autres réformes que le CNPF et vous-mêmes refusez. Je fais
référence, ici, à votre hostilité à l'élargissement de l'assiette des
cotisations patronales à d'autres éléments que les salaires.
De plus, à court terme, cette compression des coûts salariaux, facteur
d'amélioration de la rentabilité des entreprises de main-d'oeuvre favorable à
la seule croissance financière, induit inévitablement des effets d'aubaine et
tire inexorablement les salaires vers le bas, générant ainsi encore plus de
précarité.
Depuis leur mise en place, ces dispositifs d'aide, destinés aux employeurs
refusant d'embaucher certaines catégories de demandeurs d'emploi au motif
qu'ils leur coûteraient trop cher, n'ont eu aucun effet structurel sur l'emploi
des personnes les moins qualifiées, si ce n'est que, actuellement, on embauche
sur de tels postes des titulaires de bac + 2 ; là est le problème !
Très justement, l'instance d'évaluation de la loi quinquennale relative au
travail, à l'emploi et à la formation professionnelle notait, dans son rapport,
que « l'abaissement du coût du travail pour les salariés les moins qualifiés ne
saurait résoudre durablement les difficultés de ceux-ci sur le marché du
travail en raison, notamment, du fait que le niveau de qualification exigé est
de plus en plus important », la priorité devant être donnée à la formation
professionnelle.
Ce dont nous avons besoin pour dynamiser le marché de l'emploi, pour
développer telle ou telle activité, c'est d'une réforme de la fiscalité : de
l'impôt sur les sociétés, de la taxe professionnelle, des cotisations
patronales... modulables en fonction de l'attitude des entreprises en matière
de création d'emplois, de formation professionnelle et de salaires.
Loin de nous satisfaire, faute de nous projeter dans l'avenir, la solution
proposée, assortie d'aucune garantie ni contrepartie, déstabiliserait encore
plus notre système de protection sociale et conforterait les stratégies
financières des entreprises.
Votre volonté de baisser toujours plus le coût du travail peu qualifié n'est
pas mobilisatrice pour l'emploi.
Le soutien particulier apporté au secteur du textile a, certes, sauvé des
emplois...
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Ah !
M. Guy Fischer.
... mais, vous le savez fort bien, monsieur Poncelet, n'a pas réussi à enrayer
le phénomène des délocalisations, ni à promouvoir une meilleure adéquation
entre la formation et les besoins en qualification des salariés.
Aussi, je ne vous surprendrai pas en disant que ces différentes objections
nous conduiront inévitablement à voter contre la présente proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur celles du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commision des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pourquoi la France a-t-elle
le triste privilège d'avoir un taux de chômage supérieur au taux moyen de
l'Union européenne, qui compte pourtant en son sein l'Irlande, la Grèce, le
Portugal et un certain nombre d'autres pays dont le développement n'est pas
aussi avancé que le nôtre ?
Première raison : le coût du travail non qualifié est plus élevé en France.
Cela ressort de toutes les statistiques. De nombreuses citations ont été
faites. Or nul n'a mentionné M. Michel Rocard, qui, lorsqu'il était Premier
ministre, avait expliqué devant la commission des affaires sociales du Sénat
pour quelles raisons le coût exagéré des charges sociales pesait sur les bas
salaires et empêchait toute création d'emploi. Je l'ajoute donc à la longue
liste de ceux qui ont été cités cet après-midi.
J'en viens à la seconde raison d'un taux de chômage en France supérieur au
taux moyen de l'Union européenne : le gouvernement actuel, comme les précédents
gouvernements - nous sommes en effet tous fautifs, et il ne faut pas donner de
brevets aux uns ou aux autres - ont toujours essayé de lutter contre le chômage
en créant des emplois publics, tels les contrats emploi-solidarité et les
emplois-jeunes.
Comme nous détenons également le record du poids des emplois publics sur le
produit intérieur brut par rapport à tous nos autres partenaires européens,
l'addition de ces deux causes conduit à ce que, si le taux de chômage baisse
certes puisque la conjoncture est bonne, il ne diminue pas suffisamment et ne
répond pas à ce qui serait nécessaire pour notre pays.
Depuis vingt ans, on a cherché nombre de remèdes. D'aucuns, tels les experts
de l'organisation de coopération économique européenne, ont dit qu'il fallait
supprimer la notion de salaire minimum qui bloquait l'embauche des jeunes.
D'autres ont soutenu qu'il fallait asseoir les charges sociales sur une autre
assiette que le salaire. D'innombrables experts ont planché sur ce point.
J'attends avec intérêt le rapport de M. Malinvaud. Mais je ne crois pas qu'il
nous apportera la lumière.
D'autres encore ont dit qu'il fallait essayer de modifier les mécanismes de
négociations collectives, considérant que les accords interprofessionnels
nationaux, les accords de branches et les accords d'entreprises constituaient
un système trop compliqué et qu'il fallait au contraire aller vers les accords
d'entreprises. M. Auroux est allé dans cette voie. Mais personne n'a trouvé la
solution. J'ai d'ailleurs noté avec plaisir que le Premier ministre avait
publiquement déclaré que l'espèce de critique permanente des intellectuels
français contre les petits boulots aux Etats-Unis avait occulté le fait que
l'économie américaine créait beaucoup d'emplois - trois ou quatre fois plus que
nous -...
MM. Christian Poncelet et Alain Gournac,
rapporteur.
Dans les services !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
... notamment pour les personnes non
qualifiées et dans le secteur des services.
Par conséquent, après de nombreuses tentatives dans tous les sens, voici
aujourd'hui une proposition de loi, déposée par M. Poncelet, que la commission
des affaires sociales, dans sa majorité, a approuvée et à laquelle je vois,
pour ma part, six avantages.
Premier avantage, ce n'est pas une proposition alternative qui combat la loi
sur les 35 heures. Tout le monde a toujours dit que la réduction du temps de
travail pouvait être une voie de création d'emplois supplémentaires. Je l'ai
affirmé moi-même voilà très longtemps, sans d'ailleurs être très suivi à
l'époque dans cette assemblée
(M. Poncelet rit) ;
mais les gens s'y sont ralliés progressivement. Nous
avons voté la loi Robien, et je constate que, en 1997, contrairement à toute
attente et opposant ainsi un démenti à ceux qui considéraient que cela n'avait
aucun intérêt, les accords Robien ont intéressé plus de 1 500 entreprises et
plusieurs centaines de milliers de salariés. Il est donc vrai que la réduction
du temps de travail peut avoir, en obligeant à une modification des structures
de l'entreprise et de son organisation, un effet sur l'emploi.
Malheureusement, il n'y a pas qu'une piste. Ainsi, les directives européennes
concernant la lutte contre le chômage évoquent quatorze ou quinze pistes,
telles la formation professionnelle - M. Fischer y a fait allusion - ou la
réduction du temps de travail, mais aussi la réduction des charges sociales sur
le travail non qualifié, objet de cette proposition de loi.
Par conséquent, cette proposition de loi a pour premier avantage d'organiser
de manière globale et dynamique une réduction des charges sociales sur le
travail non qualifié en tenant compte du nombre de bas salaires dans une
entreprise ou dans une branche donnée. Elle avantage les secteurs industriels
très exposés à la concurrence des pays asiatiques ou des pays en développement
qui emploient encore une main-d'oeuvre importante.
Il s'agit donc d'un système global qui, à mon avis, est complémentaire de la
réduction de la durée du travail, des emplois-jeunes ou d'autres formules
telles que les contrats emploi-solidarité. C'est donc une piste qu'il serait à
mon sens absurde, sur le plan intellectuel comme sur le plan pragmatique, de
négliger.
J'en viens au deuxième avantage. On est revenu, après expérimentation, sur
l'exonération totale des charges sociales. On a en effet essayé pendant
quelques années - souvenez-vous du CIE, le contrat initiative-emploi - de
soutenir que l'exonération totale des charges sociales patronales favoriserait
la création d'emplois. Mais une telle exonération se traduisait par un manque à
gagner s'agissant des régimes de protection sociale.
Par conséquent, cette proposition de loi présente, à mes yeux, le second
avantage d'une réduction dégressive des charges, intéressant les branches les
unes après les autres, mais n'allant que jusqu'à 28 % du total des charges
sociales patronales. Ainsi, contrairement aux déclarations des experts,
l'application de ce dispositif à toute personne au chômage entraînerait des
ressources nouvelles pour le régime de sécurité sociale.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
En effet, entre 0 et 72 % de charges
sociales, il y a un monde, et, par conséquent, cette proposition de loi se
traduirait par une amélioration des comptes de nos régimes sociaux.
C'est un élément important qu'il faut garder en mémoire au lieu d'évoquer
continuellement des chiffres énormes dont personne n'est capable de mesurer
l'exactitude.
Le troisième avantage de cette proposition de loi - c'est, je crois, un point
particulièrement important - réside dans le fait qu'elle prévoit un dispositif
permanent.
M. Christian Poncelet.
C'est essentiel !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
En effet, depuis plusieurs années, chaque
projet de loi de finances voit la modification des cliquets, des pourcentages,
des conditions, etc. Il faut donc mettre en place un système permanent et le
garder pendant un certain nombre d'années afin qu'il puisse descendre au niveau
de l'entreprise.
Cette proposition de loi prévoit un système permanent étalé sur trois ans.
Incontestablement de meilleure qualité que le dispositif adopté dans le projet
de loi de finances pour 1998, ce système repose sur un mécanisme de ristourne
dégressive plafonnée. La ristourne dégressive plafonnée constitue le meilleur
exemple de ce qu'il ne faut pas faire ! En effet, chaque augmentation de
salaire entraînant une diminution de l'avantage, c'est finalement le système de
la carotte à l'envers, si vous me permettez cette expression, madame le
secrétaire d'Etat ; c'est le prototype de la mesure qui veut condamner un
système !
Cette proposition de loi vise donc à mettre en place un dispositif permanent
pour trois ans au moins, dispositif qui va porter la baisse des charges
sociales à des niveaux raisonnables.
Permettez-moi de citer deux chiffres, mes chers collègues, pour dissiper toute
confusion dans un domaine où l'on entend un peu tout et son contraire : à
l'heure actuelle, et jusqu'à après-demain, le SMIC brut payé par l'entreprise
se monte par mois, pour 169 heures, à 6 663,67 francs auxquels s'ajoutent 2 976
francs de cotisations sociales patronales.
Cela signifie que le recrutement d'un salarié payé au SMIC revient
aujourd'hui, pour l'entreprise, à 9 639,67 francs.
Après-demain, cela fera quelque 9 800 francs... pour dépasser allègrement 10
000 francs quand la loi sur les 35 heures s'appliquera. Tels sont les
chiffres.
La proposition de loi prévoit trois systèmes définis en fonction du nombre de
salariés ayant de faibles rémunérations dans une branche professionnelle,
systèmes assortis d'une réduction des charges sociales patronales située entre
1 213 francs et 1 730 francs, soit d'un peu plus de 20 % à un peu moins de 30
%.
Par conséquent, le coût pour une entreprise embauchant quelqu'un au SMIC sera,
dans les meilleures conditions, de quelque 8 000 francs, soit une diminution de
2 000 francs par rapport au système actuel. C'est dire que la proposition est
tout à fait digne d'intérêt.
J'en viens au quatrième avantage : le dispositif présenté par la proposition
de loi est particulièrement adapté à tout le tissu des petites et moyennes
entreprises, que ne saurait concerner le dispositif relatif à la réduction du
temps de travail.
En effet, comment appliquer le système de réduction du temps de travail à
quatre ou cinq employés ? En revanche, le fait, dès lors que les carnets de
commandes se remplissent, d'embaucher un nouveau collaborateur grâce à cet
avantage, à condition qu'il soit pérenne - il faut qu'il soit valable au moins
cinq ans, sinon il n'y aura pas d'embauche, ou alors il y aura uniquement
recours au travail temporaire - paraît tout à fait possible. Or nous savons
tous que ce sont non pas les grandes entreprises qui créeront des emplois dans
les dix années à venir, sinon dans les secteurs de haute technologie de
l'audiovisuel, du numérique et de la télévision, mais l'artisanat, le commerce
et les prestations de services.
Le dispositif proposé est donc particulièrement adapté à ce type d'entreprise,
et c'est, je crois, à celui-ci qu'il s'applique le mieux.
Cette proposition de loi a pour cinquième avantage de ne pas mettre en cause
les problèmes globaux de la négociation, puisque son article 1er - personne ne
l'a dit, et si M. le rapporteur l'a écrit dans son rapport, il ne l'a pas
répété à la tribune - précise que c'est l'Etat qui déclenche le mécanisme : «
l'Etat peut... conclure avec toutes les branches professionnelles des
conventions-cadres relatives au maintien et au développement de l'emploi. » Il
y a 144 branches professionnelles. La commission, après examen, estime qu'il
est possible de démarrer avec une dizaine de branches professionnelles et de
monter très rapidement à 30 ou à 40. Sur ce tissu dans lequel nombre de
salariés sont payés faiblement - en dessous de la moyenne nationale - dont
beaucoup au SMIC, on peut donc mettre en place des conventions-cadres dans une
quarantaine de branches professionnelles en trois ans, Nous aurons ainsi un
dispositif plus concret.
Je le dis aux orateurs de la gauche plurielle : par ce mécanisme des
conventions de branches discutées par les organisations syndicales et les
organisations professionnelles, on peut parfaitement réguler le dispositif et
voir comment à la fois associer l'effort de formation et l'effort de
recrutement et doser l'effet sur l'emploi par un système de mise en place
d'observateurs dans le cadre de cet allégement des charges sociales. Si nous
avions proposé que toute entreprise recrutant du personnel ait droit à une
réduction, je comprends les reproches que vous auriez pu faire. Mais s'agissant
de conventions-cadres passées au niveau des branches avec la participation des
organisations syndicales, il faudra revoir votre argumentation ou en trouver
une autre !
Enfin, j'en viens au sixième avantage, qui n'est pas le moindre : ce
dispositif ne viole pas nos engagements européens.
Lorsque l'on veut réserver une exonération fiscale ou sociale à un secteur
déterminé de l'économie, on crée un problème de concurrence. A partir du moment
où, dans un pays comme le nôtre, le total du poids des prélèvements sociaux
représente 21,6 % du produit intérieur brut - nous l'avons vu la semaine
dernière lors du débat d'orientation budgétaire - il est parfaitement normal -
c'est une conséquence du principe de subsidiarité - que nous décidions de
modifier le poids de cette charge en fonction des branches professionnelles et
des problèmes d'emplois qui sont les nôtres.
L'expérience du textile a été intéressante - tout le monde, en particulier M.
Poncelet, l'a dit. Mais il est certain que le dispositif nouveau est tout à
fait satisfaisant du point de vue de nos engagements européens. Ce n'est pas
une nouvelle affaire de la chasse.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Pas du tout !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
C'est un système qui permet de moduler, comme
nous en avons le droit, la répartition des cotisations sociales sur l'ensemble
de notre territoire et pour l'ensemble des entreprises.
Je récapitulerai donc, en conclusion, les six points sur lesquels ce
dispositif me paraît bon.
C'est un dispositif qui est complémentaire de la loi d'orientation et
d'incitation relative à la réduction du temps de travail.
C'est un dispositif qui n'exonère pas totalement de charges les entreprises et
qui, par conséquent, s'il fonctionne bien, alimentera nos caisses de sécurité
sociale, ce que tout le monde oublie. En effet, à l'heure actuelle, le chômage
exclut l'alimentation de ces caisses.
C'est un dispositif permanent, qui permettra donc à toute une série
d'entreprises, une fois qu'elles seront informées et qu'elles verront les
conséquences de ces mesures sur leurs comptes d'exploitation et sur leurs plans
de charge, d'entrer dans le mécanisme.
C'est un dispositif particulièrement adapté aux petites et moyennes
entreprises et au secteur de l'artisanat, qui est fortement créateur d'emplois
et qui le sera de plus en plus compte tenu de l'évolution de notre société.
C'est un dispositif qui se met en place par des conventions-cadres, l'Etat
ayant le déclic pour refuser ou non la convention-cadre qui est discutée avec
les organisations représentatives des travailleurs. Enfin, c'est un dispositif
convenable du point de vue européen. S'il est efficace, c'est-à-dire s'il
entraîne un certain nombre de créations d'emplois, il sera, à terme, gagé par
la diminution de nos dépenses passives de chômage, diminution qui constitue un
objectif général que j'ai entendu évoquer sur toutes les travées de cette
assemblée. Par conséquent, il ne coûtera rien, et il faut donc, à mon avis,
l'expérimenter.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission, dans sa majorité,
soutient cette proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat à la formation professionnelle.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieur les sénateurs, il me revient, en
l'absence de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, d'intervenir au
nom du Gouvernement sur la proposition de loi déposée par MM. Christian
Poncelet, Jean-Pierre Fourcade, Josselin de Rohan, Maurice Blin et Henri de
Raincourt, qui est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.
Cette proposition de loi tend à alléger les charges sur les bas salaires et
reprend en des termes quasiment identiques - vous l'avez rappelé, monsieur le
rapporteur - la proposition de loi n° 628 de MM. Bayrou, Debré, Barrot,
Borotra, Galley, Nicolin et les membres des groupes de l'UDF et du RPR,
proposition de loi qui a été discutée en séance publique à l'Assemblée
nationale le vendredi 30 janvier 1998.
L'Assemblée nationale, après en avoir largement débattu, a rejeté ce texte par
une très forte majorité : 158 voix contre, sur 196 suffrages exprimés.
M. Jean Chérioux.
Elle a eu tort !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Votre rapporteur estime que, malgré ce vote sans
appel, un nouvel examen du texte par le Parlement est justifié,...
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Oui !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
... parce que l'Assemblée nationale n'a pas procédé à
un examen article par article du texte en séance publique.
Je ne dirai pas, comme M. Fischer, qu'il s'agit là d'une attitude «
obsessionnelle ». Néanmoins, il me semble que c'est un argument de
circonstance, le débat ayant largement eu lieu à l'occation de la discussion
générale.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Pas ici !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Vous le savez, la discussion des articles de ce texte
n'aurait rien apporté de plus. J'en veux pour preuve le fait que votre
commission, qui s'est livrée à cet exercice, n'a déposé aucun amendement sur la
proposition de loi qui lui était soumise.
M. Christian Poncelet.
Parce qu'elle était bien rédigée !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Néanmoins, le Gouvernement comprend que vous ayez
souhaité débattre à votre tour de la question des allégements de charges sur
les bas salaires : toutes les pistes susceptibles de faire reculer le chômage
dans notre pays doivent être examinées avec la plus grande attention et
largement discutées.
M. Jean Chérioux.
Je ne vous le fais pas dire !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
A l'Assemblée nationale, l'opposition a fait de cette
proposition de loi - je cite M. Nicolin - « non seulement une politique
économique alternative aux 35 heures », mais également la proposition majeure
pour lutter contre le chômage dans notre pays.
N'oublions pas qu'il s'agissait, en fait, d'une tentative pour sortir de la
situation difficile dans laquelle le plan Borotra, condamné par Bruxelles,
avait placé les entreprises du textile, du cuir et de l'habillement.
M. Jean Chérioux.
C'est pour cela qu'il faut les sauver !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement a, pour sa part, la conviction qu'il
ne faut négliger aucune piste et qu'il faut s'attaquer au chômage par une
croissance dynamique, par une croissance qui ne laisse personne de côté et par
une croissance plus créatrice d'emplois.
Il faut, tout d'abord, une croissance plus dynamique. Notre pays souffrait en
effet d'un déficit de croissance lié à une consommation des ménages atone. Nous
l'avons relancée, notamment par un soutien actif des bas revenus, sur lequel je
ne reviens pas : hausse du SMIC, basculement des cotisations maladie sur la
CSG, revalorisation de l'allocation de solidarité spécifique et des aides au
logement, allocation de rentrée scolaire, allocation spécifique d'attente pour
les chômeurs ayant cotisé quarante ans.
Cette redynamisation de la croissance sera confortée par notre politique en
faveur de l'innovation, du développement des compétences et de la formation
professionnelle, du développement des petites et moyennes entreprises, et par
la maîtrise des dépenses publiques.
La lutte contre le chômage exige ensuite que la croissance profite à tous.
C'est le sens du vaste programme de prévention et de lutte contre les
exclusions, rendu public en mars, et du projet de loi relatif à la lutte contre
les exclusions, qui fait actuellement l'objet d'ultimes navettes au
Parlement.
Ce programme vise à redonner à chacun un accès effectif aux droits
fondamentaux, qu'il s'agisse du droit à l'emploi, à la santé, au logement, à la
culture, mais aussi aux sports et aux loisirs. Il vise aussi à prévenir les
exclusions en traitant les problèmes le plus en amont possible, mais également
à faire face à l'urgence lorsqu'elle n'a pu être évitée.
Pour faire reculer durablement le chômage, nous devrons enfin parvenir à ce
que notre croissance génère plus d'emplois. C'est une des conclusions fortes de
la conférence du 10 octobre 1997.
Nous sommes là au coeur du débat qui nous réunit aujourd'hui dans cet
hémicycle : comment enrichir le contenu en emplois de la croissance ?
Il faut pour cela anticiper tout d'abord sur les métiers de demain en
développant les nouvelles technologies, mais également en contribuant à la
création de nouvelles activités répondant à des besoins non satisfaits par le
marché.
M. Lucien Neuwirth.
Tout le monde est d'accord !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Le programme « nouveaux services-nouveaux emplois »
est d'ores et déjà à l'origine de plus de 110 000 emplois nouveaux - dont près
de 70 % ont déjà été pourvus - dans les domaines les plus variés : éducation,
famille, santé, solidarité, culture, sport, environnement, protection du
patrimoine, logement et cadre de vie, autant d'emplois qui n'auraient pu
exister sans une intervention résolue des pouvoirs publics.
Un autre levier pour une croissance plus favorable à l'emploi est la réduction
du temps de travail, qui fait l'objet d'un grand débat démocratique.
L'expérience de nombreux accords conclus tant en France qu'à l'étranger montre
que de nombreuses entreprises ont su tirer parti de la réduction du temps de
travail en négociant des solutions adaptées à leur situation, inventives et
toujours favorables à l'emploi.
Pour accélérer le mouvement, il fallait fixer un cap, les 35 heures à
l'horizon 2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés et en 2002 pour
les autres, et une méthode, la négociation au plus près du terrain.
C'est ce que nous avons fait avec la loi d'orientation et d'incitation
relative à la réduction du temps de travail, qui a été promulguée le 13 juin
1998 et dont tous les textes d'application sont désormais publiés.
Qu'en est-il des allégements de charges sociales ?
Je voudrais redire ici ce qu'a dit avec force Mme Martine Aubry à l'Assemblée
nationale, comme vous l'avez rappelé, M. le rapporteur : ces deux mesures
voulues par les Français et mises en oeuvre par le Gouvernement dans les plus
brefs délais ne s'opposent pas à l'allégement des charges sur les bas salaires,
bien au contraire.
Il est, en effet, indéniable qu'il y a dans notre pays un problème de charges
sociales pesant sur les bas salaires.
M. Christian Poncelet.
Très bien ! Je suis heureux de vous l'entendre dire !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Peut-être ! Permettez-moi cependant de m'interroger
sur le mot de « ralliement » que vous avez utilisé. Pour le Gouvernement, en
effet, c'est un constat...
M. Christian Poncelet.
Alors ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
... et nous associons à cette réflexion des réponses
dynamiques.
M. Christian Poncelet.
Merci beaucoup !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Certes, sur ces réponses, nous pouvons avoir une
confrontation démocratique, pour savoir s'il faut lier allégements, réformes de
structures et formation.
M. Christian Poncelet.
Vous approuvez donc la proposition de loi !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Nous nous battons depuis des années pour imposer des
clauses sociales et pour faire en sorte que les pays qui ne tiendraient pas
compte des normes minimales en matière sociale, qu'il s'agisse du travail des
enfants ou du salaire minimum, soient pénalisés.
Nous nous attaquons à ce problème spécifique des bas salaires dans le cadre
de la loi d'incitation et d'orientation relative à la réduction du temps de
travail en faisant, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le choix
d'un abattement forfaitaire de 9 000 à 13 000 francs quel que soit le niveau de
rémunération.
L'exonération sera, de plus, majorée de 4 000 francs dans les entreprises qui
comptent au moins 60 % d'ouvriers et dont 70 % des salariés gagnent au plus une
fois et demie le SMIC.
Ce dispositif offre aux branches du textile et de l'habillement ainsi qu'à la
branche « cuirs et peaux » l'opportunité de sortir de l'impasse dans laquelle -
il faut bien le reconnaître - les a placées le plan Borotra, mais également à
d'autres secteurs comme le bâtiment, les transports, le nettoyage, les
industries agro-alimentaires, qui bénéficieront largement de la majoration,
l'opportunité de trouver des solutions durables à leurs difficultés en
repensant leur organisation du travail et, au-delà, en valorisant mieux leurs
ressources humaines par la formation et la gestion des compétences.
C'est également parce que nous sommes conscients que le coût du travail peu
qualifié est élevé que le Gouvernement n'a pas remis en cause le système de la
ristourne dégressive : les moyens financiers mobilisés pour la ristourne ont
été reconduits dans la loi de finances pour 1998 à leur niveau de 1997, soit 40
milliards de francs.
Certains paramètres ont, certes, été ajustés pour corriger les dérives que
nous avions constatées. Je pense, en particulier, à l'avantage excessif donné à
l'embauche de salariés à temps partiel, qu'il a fallu corriger.
Le
statu quo
en 1998 sur les exonérations de charges patronales ne
signifie pas pour autant une interruption du mouvement d'allégement des charges
qui pèsent sur les salaires. Bien au contraire, puisque nous avons décidé, dans
le même temps, le basculement intégral des cotisations salariales maladie sur
la CSG.
Nous n'avons néanmoins pas fait de la poursuite de l'allégement des charges
patronales une priorité, pour trois raisons principales.
La première raison - mais ce n'est pas là le plus important - est que nous ne
sommes pas certains que le niveau des charges patronales soit l'obstacle majeur
à l'emploi.
Nous le savons, les prix ne sont plus l'élément essentiel de la compétitivité.
Selon une enquête du CREDOC, le Centre de recherche pour l'étude et
l'observation des conditions de vie, plus de 90 % des chefs d'entreprise
estiment que leur principal atout face à la concurrence est la qualité de leur
produit ; ils ne sont que 30 % à citer les prix !
Cette enquête est confirmée par le fait que 75 % des chefs d'entreprise
considèrent que les ristournes dégressives de ces dernières années n'ont pas eu
d'influence sur les effectifs.
Si le problème des charges patronales constituait une difficulté majeure, nous
ne serions pas aujourd'hui le troisième pays du monde où les investissements
étrangers viennent s'implanter.
M. Guy Fischer.
Voilà la vérité !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Il est une deuxième raison, plus importante :
l'efficacité des allégements de charges patronales semble relative, notamment
au regard d'autres politiques telles que la réduction du temps de travail.
Les études, dont les résultats doivent être maniés avec précaution de l'aveu
même de leurs auteurs, sont relativement convergentes. Elles aboutissent à deux
conclusions fortes : d'une part, les effets des allégements de charges
patronales sont très lents à se manifester - la plupart parlent d'au moins cinq
ans - et, d'autre part, le coût par emploi créé est élevé.
Si l'on en croit ces estimations, la ristourne telle qu'elle existe
aujourd'hui, pour une dépense de 40 milliards de francs par an, serait à
l'origine de 40 000 à 50 000 emplois par an sur la période 1995-1999, l'effet
se tarissant ensuite. Ce sont d'ailleurs les chiffres que vous citez dans votre
rapport, monsieur Gournac.
Nous nous étonnons, en revanche, que vous n'ayez pas approfondi davantage
l'analyse de l'expérience de la région Auvergne, qui vous sert de référence
pour avancer que le dispositif proposé pourrait « créer des centaines de
milliers d'emplois en peu de temps ».
Vous le savez, il ne suffit pas de comptabiliser le nombre d'emplois
subventionnés ; il faut faire la part des emplois qui auraient été créés en
l'absence d'une intervention des pouvoirs publics - les fameux effets d'aubaine
et de substitution.
Le Gouvernement s'étonne encore de ne pas trouver une étude plus approfondie
sur l'expérience du plan textile, que vous érigez également en exemple,
reprenant à votre compte les propos de M. Barre, rapportés le 12 janvier 1998
par un grand quotidien du matin et selon lesquels : « l'expérience menée dans
le secteur textile a été d'une aveuglante efficacité ».
Le plan textile a permis de sauvegarder non pas 35 000 emplois, mais,
semble-t-il, 6 000 à 8 000. C'est ce qui résulte du bilan contradictoire auquel
nous avons procédé avec les trois fédérations concernées, bilan qui repose sur
les déclarations que les entreprises elles-mêmes ont faites à l'administration
du travail pour pouvoir bénéficier de ce plan.
Le Gouvernement en convient avec vous, monsieur le rapporteur : « le seul coût
d'un dispositif ne peut justifier à lui seul son rejet... le seul critère
devrait être celui de l'efficacité ». Or, la réalité, quelle est-elle ?
Sur la base des chiffres qui font l'objet d'un relatif consensus, et que je
viens de rappeler - 40 000 emplois par an pendant cinq ans pour 40 milliards de
francs d'allégement de charges - il apparaît que le coût de l'emploi créé est
très important : 200 milliards de francs dépensés sur cinq ans, pour 100 000
emplois supplémentaire créés en moyenne sur la période, soit 500 000 francs par
emploi créé.
A long terme, c'est-à-dire au mieux à partir de la sixième année, la facture,
si je peux m'exprimer ainsi, est plus raisonnable : environ 200 000 francs par
emploi créé. Mais on est encore loin des effets positifs induits sur les
finances publiques, qui sont de l'ordre de 100 000 francs par chômeur évité, si
l'on s'en tient, bien sûr, à une simple approche financière, qui, c'est vrai,
n'est pas la seule possible, monsieur le rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Je l'espère !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Cette différence forte tient, notamment, à ce que,
contrairement à la réduction du temps de travail, les abattements de charges
qui reposent sur un mécanisme du type de la ristourne sont accordés sans
contreparties d'embauches.
La proposition de loi fait, certes, habilement référence à la conclusion de «
conventions-cadres relatives au maintien et au développement de l'emploi » au
niveau des branches, mais encore faudrait-il dire ce que cela recouvre !
Enfin, troisième et dernière raison, et c'est là la difficulté majeure : le
financement d'une telle mesure.
Vous admettrez avec moi qu'il n'est pas possible de gager une dépense nouvelle
de 30 milliards de francs - c'est du moins l'évaluation qu'ont faite mes
services du dispositif proposé - par un relèvement des taxes sur les tabacs,
briquets et allumettes.
Le Gouvernement ne peut pas non plus se satisfaire d'un simple renvoi à « une
réforme des aides à l'emploi », sans plus de précision. Quelles sont les aides
que vous souhaiteriez supprimer : les dispositifs de lutte contre le chômage de
longue durée, que vous avez largement approuvés par votre vote sur les articles
du projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, les contrats en
alternance, l'apprentissage ?
Au-delà du problème de la recevabilité financière, on ne peut pas envisager
une extension forte des allégements sur les bas salaires, qui exige la
mobilisation de moyens très importants pour obtenir un résultat sensible sur
l'emploi, sans traiter de façon très précise la question du financement.
M. Christian Poncelet.
Me permettez-vous de vous interrompre, madame le secrétaire d'Etat ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie, monsieur le sénateur.
M. le président.
La parole est à M. Poncelet, avec l'autorisation de Mme le secrétaire
d'Etat.
M. Christian Poncelet.
Madame le secrétaire d'Etat, vous cherchez une source de financement.
Lorsque vous nous avez présenté le projet de loi relatif aux emplois-jeunes,
dont nous avons discuté ici dans le détail, vous avez indiqué qu'il en
coûterait 35 milliards de francs par an. Or, dans le budget de 1998, en cours
d'application, 8 milliards de francs ont été inscrits à cet effet. D'après les
indications que j'ai pu recueillir, vous n'inscrirez pas, cette année, les 35
milliards de francs. On peut déjà en conclure que l'opération emploi-jeunes
n'est pas une réussite ; mais je n'en discuterai pas !
Puisque vous n'inscrivez pas les 35 milliards de francs, vous disposez d'une
réserve financière importante.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Vous les avez prévus, ces 35 milliards de francs !
M. Christian Poncelet.
Nul doute que vous avez étudié sérieusement le projet et que vous avez donc
prévu d'alimenter les 35 milliards de francs initialement décidés. Puisque
cette somme, prévue au départ, est, pour sa plus grand part, disponible et non
utilisée, préleve sur elle l'argent nécessaire, à savoir 7 milliards de francs,
pour lancer l'abaissement des charges sur les bas salaires !
Tout à l'heure, vous avez parlé des emplois créés ; il faudrait aussi parler
de ceux qui ont été maintenus. J'ai dit, en effet, que l'on maintiendrait des
emplois et que l'on en créerait d'autres. Si plus de 40 000 emplois ont été
créés - je ne discuterai pas ce chiffre - plus de 100 000 ont été maintenus. Ce
fait, extrêmement important, a été reconnu par les organisations syndicales
ouvrières elles-mêmes.
M. Jean Chérioux.
Cela, c'est du bon redéploiement !
M. le président.
Veuillez poursuivre, madame le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Je vous répondrai avec conviction, monsieur
Poncelet.
L'argument financier est, certes, mis en avant, mais il n'est pas le seul,
même si - je l'ai dit clairement - l'allégement des charges sur les bas
salaires a été reconduit - nous avons reparlé de ces 40 milliards de francs.
L'effort de la puissance publique doit porter non seulement sur les
allégements mais aussi sur les réformes structurelles. Voilà pourquoi nous
mobilisons tous les fonds dont nous pouvons disposer dans le budget pour mener
un ensemble de politiques plus globales et plus dynamiques. Le financement, je
le répète, n'est qu'un élément parmi d'autres.
J'en reviens à mon propos.
Le rapport Chadelat, que vous citez, monsieur le rapporteur, avait déjà
souligné que le financement posait problème ; une étude récente de l'OFCE, que
vous avez vous-même mentionnée, et dont a parlé la presse la semaine dernière,
vient de le confirmer.
Vous auriez pourtant dû tirer les leçons de l'expérience malheureuse de 1995.
L'allégement massif des charges patronales décidé cette année-là a été financé
- je me permets de le rappeler - par un prélèvement sans précédent sur les
ménages - je pense notamment à la hausse de la TVA et de la CSG - qui a eu pour
effet de casser la croissance, avec les conséquences que l'on sait sur le
chômage.
Nous avons pu éviter cet écueil en réduisant les charges sociales salariales
et en les transférant en partie vers la CSG. Cette opération a permis, au
passage, une hausse du pouvoir d'achat des salariés de 1,1 % qui a stimulé la
demande dont nos entreprises ont besoin pour embaucher.
Il est aujourd'hui difficile d'aller plus loin dans cette direction,
l'intégralité de la cotisation maladie ayant été transférée.
Nous ne renonçons pas, pour autant, à la poursuite de l'allégement des charges
sur les bas salaires. Mais nous l'envisageons comme une vraie réforme de la
structure et de l'assiette des cotisations sociales employeurs, et non comme
une dépense nouvelle financée par l'impôt.
Dans le même temps, M. le ministre de l'économie et des finances réfléchit sur
une réforme de la fiscalité locale visant le même objectif d'un prélèvement
fiscal et social plus favorable à l'emploi.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les
sénateurs, vous l'aurez compris, et j'en terminerai par là, le Gouvernement
considère que la proposition de loi qui est soumise aujourd'hui au Sénat n'est
pas suffisamment aboutie.
Il nous faut encore travailler. C'est le sens de la mission que le Premier
ministre a confié à M. Malinvaud. Monsieur le président de la commission, j'ai
noté votre attente mesurée !
Il faut travailler, d'abord, sur le financement. Je n'y reviens pas, je me
suis longuement expliquée sur ce sujet.
Il faut travailler, ensuite, sur le mécanisme d'exonération. Le Gouvernement
n'est pas convaincu par celui que vous proposez. Je n'ai pas besoin d'entrer
dans le détail sur ce point. Je vous épargne la lecture de l'exposé des motifs
et vous renvoie à la page 49 du rapport pour en juger. Vous l'admettez
vous-même, monsieur le rapporteur, il est « assez compliqué ». Quoi qu'il en
soit, nous devons être vigilants aux effets pervers d'une trop forte
dégressivité des exonérations sur les politiques de rémunération des
entreprises, afin d'éviter les trappes à bas salaires.
Pour toutes ces raisons, tout en réaffirmant sa volonté de poursuivre les
allégements de charges sociales, le Gouvernement émettra un avis défavorable
sur cette proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - L'Etat peut, à compter du 1er janvier 1999, conclure avec toutes
les branches professionnelles des conventions-cadres relatives au maintien et
au développement de l'emploi.
« A compter du premier jour du mois suivant la conclusion des conventions
susmentionnées, les dispositions de l'article 113 de la loi de finances pour
1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995) sont applicables dans les conditions
suivantes dans les branches concernées :
«
a)
La réduction mentionnée au III de cet article est applicable pour
les gains et rémunérations versés, au cours d'un mois civil, inférieurs ou
égaux à 169 fois le salaire minimum de croissance majoré de 40 % dans les
entreprises dont le produit des deux proportions suivantes est supérieur à 0,36
:
« - la proportion de salariés disposant d'un revenu mensuel inférieur à 1,33 ×
169 fois le SMIC par rapport au nombre total de salariés ;
« - la proportion de travailleurs manuels ou d'ouvriers par rapport au nombre
total de salariés.
« Le montant de la réduction, qui ne peut excéder 1 730 francs par mois, est
déterminé par un coefficient fixé par décret ;
«
b)
La réduction mentionnée au III de cet article est applicable pour
les gains et rémunérations versés, au cours d'un mois civil, inférieurs ou
égaux à 169 fois le salaire minimum de croissance majoré de 36 % dans les
entreprises dont le produit des deux proportions suivantes est compris entre
0,36 et 0,20 :
« - la proportion de salariés disposant d'un revenu mensuel inférieur à 1,33 ×
169 fois le SMIC par rapport au nombre total de salariés ;
« - la proportion de travailleurs manuels ou d'ouvriers par rapport au nombre
total de salariés ;
« Le montant de la réduction, qui ne peut excéder 1 470 francs par mois, est
déterminé par un coefficient fixé par décret ;
«
c)
La réduction mentionnée au III de cet article est applicable pour
les gains et rémunérations versés, au cours d'un mois civil, inférieurs ou
égaux à 169 fois le salaire minimum de croissance majoré de 33 % dans les
entreprises non mentionnées au
a
et au
b
.
« Le montant de la réduction, qui ne peut excéder 1 213 francs par mois, est
déterminé par un coefficient fixé par décret. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Avant de rappeler ce que contient l'article 1er, je souhaite
revenir brièvement sur votre propos, madame le secrétaire d'Etat.
Il n'est pas certain que les niveaux des salaires soient un problème,
avez-vous dit ! Alors, il faut absolument que nous prenions rendez-vous dans
mon département avec les chefs d'entreprise : ils vous diront ce qu'ils en
pensent.
C'est, au contraire, tout à fait certain : le code du travail et le niveau des
salaires, notamment des bas salaires, sont un frein, je le répète encore, à
l'emploi et à la création d'emplois.
Vous avez déclaré que je fondais mon argumentation sur l'Auvergne. Pas du tout
! Cette affaire, je ne la connaissais pas voilà peu, je viens de la découvrir.
C'est un simple exemple, mais un exemple qui marche, et c'est à ceux-là qu'il
faut se référer, même s'il est vrai qu'il y en a d'autres.
Arrêtons de dire qu'une commission va être créée, qu'un rapport va être remis,
et qu'il faut attendre. Les chômeurs, eux, attendent, et ce qu'ils veulent,
c'est qu'on trouve des solutions !
Le plan textile, à y regarder de près, n'aurait pas eu les effets escomptés,
selon vous. Mais si rien n'avait été fait, où on en serions-nous dans les
secteurs du textile, du cuir, de la chaussure et autres ? Il fallait donc agir
en ce sens.
Quand j'entends que M. le ministre des finances réfléchit, je m'inquiète.
Aujourd'hui, les chômeurs attendent que l'on prenne vraiment des mesures, et
c'est pourquoi je veux revenir sur le contenu de l'article 1er.
Cet article prévoit que les entreprises pourront bénéficier d'un allégement
supplémentaire de charges sociales lorsqu'elles appartiennent à une branche qui
aura signé avec l'Etat une convention relative au maintien et au développement
de l'emploi. L'allégement des charges sociales est donc conditionné par des
objectifs en termes d'emploi. Tout à l'heure, vous avez prétendu le contraire ;
il suffit de lire mon texte pour voir qu'il en est ainsi.
Le dispositif n'a rien de sectoriel parce que, nous l'avons vu, Bruxelles ne
l'accepte pas. Donc, il faut effectivement que ce soit pour l'ensemble des bas
salaires.
Dans un souci d'économies budgétaires, la généralisation de cet allégement se
fera de manière progressive sur trois ans, ce qui me paraît procéder d'une
démarche responsable.
Tout à l'heure, vous avez demandé où nous allions trouver l'argent. Quand il a
fallu en trouver pour les 35 heures, vous l'avez trouvé, madame ! Pour les
emplois-jeunes, vous l'avez également trouvé, même si, je crois, il en reste
tellement que l'on pourra peut-être en reprendre. Quand on veut s'attaquer à un
problème, on trouve l'argent !
La généralisation du dispositif s'étalera donc sur trois ans, selon un double
critère : la proportion des bas salaires et la proportion des travailleurs
manuels dans l'entreprise. Cela peut paraître compliqué, mais les chefs
d'entreprises sont tout de même aptes à effectuer ces calculs.
Les entreprises qui emploient le plus de travailleurs manuels à bas salaires
bénéficieront de l'aide maximale - ce qui est important, car c'est justement là
que l'on rencontre le problème - jusqu'à 1,4 fois le montant du SMIC ; celles
qui en emploient un peu moins bénéficieront d'un allégement sur les salaires
jusqu'à 1,36 fois le SMIC ; les autres entreprises bénéficieront d'un
allégement sur les salaires jusqu'à 1,33 fois le SMIC.
Dans les articles suivants, les critères seront réduits à deux puis à un seul.
A la fin, tout sera très simple !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - A compter du 1er janvier 2000, les dispositions de l'article 113
de la loi de finances pour 1996 sont applicables dans les conditions suivantes
:
«
a)
La réduction mentionnée au III de cet article est applicable dans
les branches mentionnées au
b
de l'article 1er dans les conditions
définies au
a
de l'article 1er ;
«
b)
La réduction mentionnée au III de cet article est applicable dans
les branches non mentionnées au
a
et au
b
de l'article 1er dans
les conditions définies au
b
de l'article 1er. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Je voudrais simplement revenir sur ce que je disais à
l'instant : tout sera plus simple la deuxième année, en 2000, et beaucoup plus
simple encore la troisième année, en 2001. Il faut amorcer le processus : c'est
ce à quoi tend l'article 2.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - A compter du 1er janvier 2001, la réduction mentionnée au III de
l'article 113 de la loi de finances pour 1996 est applicable dans les branches
non mentionnées à l'article 1er
a
et
b
dans les conditions
définies au
a
de l'article 1er. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
L'article 3 unifie le régime de l'allégement des charges sur
les bas salaires à compter du 1er juillet 2001. Cela devient tout simple à
calculer.
L'ensemble des entreprises qui relèvent d'une branche professionnelle dans
laquelle une convention-cadre a été signée avec l'Etat afin de maintenir et de
développer l'emploi peuvent bénéficier d'un allégement de charges sociales sur
les salaires jusqu'à 1,4 fois le SMIC. Il n'est plus alors tenu compte de la
proportion de salariés payés jusqu'à 1,33 fois le SMIC ou de celle des
travailleurs manuels.
M. Christian Poncelet.
C'est clair, simple et efficace !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 131-7 du code de
la sécurité sociale, les pertes de recettes résultant pour le régime général de
la sécurité sociale de l'application de la présente loi sont compensées à due
concurrence par une taxe additionnelle aux taxes prévues aux articles 575 et
575 A du code général des impôts. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Je reviendrai, pour y insister, sur les propos tenus tout à
l'heure par M. le président de la commission des affaires sociales.
Une extension de l'allégement des charges sociales sur les bas salaires
devrait à terme se traduire par un supplément d'emplois et donc de cotisations
sociales. A ce moment, je répondrai qu'il existe bien une approche
quantitative, mais aussi une approche beaucoup plus qualitative.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la
parole à M. Neuwirth, pour explication de vote.
M. Lucien Neuwirth.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M.
Jean-Pierre Fourcade l'a dit, le débat d'aujourd'hui a illustré une règle
économique évidente : ce n'est pas seulement l'Etat qui peut créer des emplois,
ce sont d'abord et surtout les entreprises, dans un environnement économique,
social et juridique favorable.
Ce n'est pas en leur imposant de nouvelles contraintes que nos entreprises
pourront connaître le dynamisme indispensable à leur croissance. En allégeant
les charges sur les bas salaires, les entreprises pourront disposer d'une
certaine marge de manoeuvre.
Comme on l'a rappelé au cours de ce débat, le coût du travail crée l'emploi,
et je suis un peu en désaccord avec certains d'entre vous lorsque vous parlez
de la qualité. Bien entendu, la qualité compte. Mais combien de ménages n'ont
pas les moyens financiers d'effectuer leurs achats courants ?
Il est vraiment regrettable que, au moment où nombre de pays réfléchissent aux
solutions nécessaires pour profiter au mieux de l'embellie économique, le
Gouvernement choisisse des chemins que je dirai mal fléchés.
Profitons de cette croissance non seulement pour protéger les emplois, mais
également pour en créer de nouveaux et, surtout, pour maintenir ceux qui
existent.
La proposition de loi que nous venons d'examiner s'inscrit dans cette logique
dont la réussite du plan textile démontre l'évidente nécessité. En effet,
l'expérience du plan textile a montré les effets bénéfiques d'un allégement de
charges sur les bas salaires dans un secteur sinistré. Des dizaines de milliers
d'emplois ont ainsi été sauvegardés.
Comme l'a brillamment indiqué M. le rapporteur, les effets d'une politique
d'allégement des charges sociales sur les bas salaires sont bien réels ; ils
seront d'autant plus importants que les allégements seront massifs et durables.
D'ailleurs, comme l'a déclaré l'un des auteurs de cette proposition de loi, M.
Christian Poncelet, tous les récents rapports européens et autres, y compris
français, vont dans ce sens.
M. Christian Poncelet.
Exact !
M. Lucien Neuwirth.
Que représentent les bas salaires ? C'est la production et ce sont les
services. M. le Premier ministre, après sa visite aux Etats-Unis, a dû convenir
que, en particulier dans les services, les efforts faits en direction des bas
salaires étaient indispensables.
Ce dispositif, qui n'a rien à voir avec les 35 heures,...
M. Christian Poncelet.
C'est vrai !
M. Lucien Neuwirth.
... est certes d'une application relativement complexe, je dois vous
l'accorder, mais nous savons que sa mise en oeuvre sera hautement bénéfique
pour nos emplois, donc pour l'ensemble de l'économie de notre pays.
C'est la raison pour laquelle le groupe du Rassemblement pour la République
votera ce texte à l'unanimité.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux.
Je souhaite que tous les membres du Gouvernement fassent un stage aux
Etats-Unis !
(Sourires.)
M. le président.
Souhaitez-vous prendre la parole, monsieur Chérioux ?...
M. Jean Chérioux.
Non, c'était une simple remarque !
M. Robert Pagès.
Restons Français !
M. le président.
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au
terme de ce débat, je me réjouis, tout d'abord, de l'inscription de ce texte à
l'ordre du jour de notre Haute Assemblée. Cette proposition de loi connaît
ainsi un sort moins funeste qu'à l'Assemblée nationale où la majorité
gouvernementale s'était, je le rappelle, opposée à la discussion des articles,
empêchant par là même un dialogue approfondi sur un sujet majeur.
A l'origine de cette proposition de loi se trouvent deux conceptions de la
politique économique qui se sont exprimées à l'occasion du débat sur les 35
heures.
La volonté du Gouvernement est d'abaisser autoritairement la durée légale du
temps de travail, pour tous et pour toutes les entreprises, sans faire cas de
la diversité des secteurs de notre économie et de la nécessité d'un dialogue
social au cas par cas.
Le groupe des Républicains et Indépendants a clairement exprimé son désaccord
avec une telle politique. Nous sommes convaincus, en effet, que le travail se
crée plus qu'il ne se partage. Dès lors, il faut à tout prix encourager cette
création par la baisse des charges qui pèsent sur l'emploi.
La présente proposition de loi, déposée conjointement par les présidents des
groupes de la majorité sénatoriale, par les présidents de la commission des
affaires sociales et de la commission des finances, répond à cette nécessité en
généralisant un plan textile qui a fait ses preuves.
Efficace d'un point de vue économique, cette mesure d'exonération de charges
libère la capacité d'entreprendre. Elle comporte des garanties en termes
d'emploi puisque les exonérations sont conditionnées à la passation de
conventions entre les branches professionnelles et l'Etat.
Efficace d'un point de vue social, elle va bénéficier aux bas salaires et aux
emplois peu qualifiés, qui sont les plus vulnérables face au chômage.
Très attendue par les femmes et les hommes de ce pays qui ont osé créer leur
entreprise ou oseront le faire demain, cette proposition de loi allège les
contraintes pour travailler mieux et en plus grand nombre.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe des Républicains et Indépendants
votera sans réserve ce texte, tel qu'il ressort des travaux de notre Haute
Assemblée.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Madame le secrétaire d'Etat, j'ai trouvé
votre intervention très modérée.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Je voulais vous en donner acte, puisque dans
cette maison nous rejetons l'invective et l'opposition systématique.
Vous avez reconnu qu'il existe un vrai problème. Vous avez expliqué que la
proposition que nous présentions n'était pas tout à fait aboutie, on peut en
discuter. Mais la difficulté est réelle. Croyez-moi si, un jour, la
conjoncture, pour des raisons asiatiques, par exemple, se détériore, ce qui
peut arriver...
M. Christian Poncelet.
Ou pour des raisons européennes, avec la Russie !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
... - ou pour des raisons européennes avec la
Russie, en effet, monsieur Poncelet - le choix réel sera soit de réduire le
SMIC, soit de réduire les charges sociales.
Notre position, puisque nous sommes des libéraux mais vivant en France, c'est
de ne pas toucher au SMIC...
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
... car nous estimons que le salarié entrant
dans la vie professionnelle doit avoir une garantie de rémunération. Comme nous
pensons qu'il ne faut pas toucher au SMIC, nous croyons que l'on peut réduire
les charges sociales dans les conditions que nous avons proposées.
M. Lucien Neuwirth.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
La crainte que j'exprime à la fin de ce
débat, avant de voter, c'est que, si le Gouvernement tarde trop à mettre en
oeuvre cette réduction pérenne, programmée, générale des charges sociales pour
les bas salaires, qui seule permettra l'arrivée sur le marché du travail de
nombreux travailleurs non qualifiés, il faille un jour remettre en cause cette
garantie fondamentale qu'est le SMIC. C'est parce que nous le pensons vraiment
que nous voterons cette proposition de loi.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs,
de votre accueil, ainsi que de la qualité générale et du ton de ce débat, le
premier auquel j'aurai participé dans cette assemblée.
(Très bien ! et
applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
111:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 221 |
Contre | 96 |
Le Sénat a adopté. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
4
RETRAITE ANTICIPÉE POUR LES ANCIENS
COMBATTANTS D'AFRIQUE DU NORD
CHÔMEURS EN FIN DE DROIT
Irrecevabilité
des conclusions du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 521,
1997-1998) de M. Guy Fischer, fait au nom de la commission des affaires
sociales sur la proposition de loi (n° 390, 1997-1998) de MM. Robert Pagès, Guy
Fischer, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle
Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Jean Dérian, Michel Duffour, Pierre Lefebvre,
Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Jack Ralite, Ivan Renar et
Mme Odette Terrade tendant à accorder la retraite anticipée pour les anciens
combattants chômeurs en fin de droit, justifiant de quarante années de
cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Fischer,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi que
nous examinons aujourd'hui vise à accorder aux anciens combattants d'Afrique du
Nord qui sont chômeurs en fin de droit une retraite anticipée dès lors qu'ils
justifient de quarante années de cotisations à l'assurance vieillesse. Une
telle mesure pourrait concerner 15 000 personnes.
Ce texte est particulièrement important aux yeux de votre commission des
affaires sociales car il s'inscrit dans un long débat que nous entretenons
depuis près de quinze ans et qui porte sur la question de la retraite anticipée
des anciens combattants d'Afrique du Nord.
Aussi le dispositif qui nous est soumis ne peut-il être apprécié à sa juste
valeur sans un bref retour en arrière sur les débats passés.
Je rappelle, pour commencer, que la loi du 31 mars 1919 a posé le principe de
la reconnaissance de la nation et du droit à réparation pour les anciens
combattants et victimes de guerre, dans le respect de l'égalité entre les
générations.
En application de ce droit à réparation, la loi du 21 novembre 1973 permettait
aux anciens combattants et aux victimes de guerre de prendre leur retraite
entre soixante et soixante-cinq ans en bénéficiant du taux plein qui leur
aurait été reconnu à soixante-cinq ans. Comme vous le savez, l'ordonnance de
1982, en instituant la retraite à soixante ans, a mis fin en pratique à
l'avantage relatif qui avait été consenti jusqu'alors aux anciens combattants,
dans la mesure où la loi de 1973 n'avait nullement été modifiée en
conséquence.
Les associations d'anciens combattants d'Afrique du Nord, réunies dans le
Front uni, ont alors légitimement fait valoir que la troisième génération du
feu, parce qu'elle est composée de soldats plus jeunes, serait, au moment de
l'âge de la retraite, dans une situation moins favorable que celle de ses aînés
alors qu'elle n'aurait pas démérité.
De nombreuses propositions de loi ont été déposées à partir de 1985 par des
parlementaires de tous les groupes politiques de notre Haute Assemblée. Elles
tendaient à rétablir le bénéfice de la retraite anticipée pour les anciens
combattants d'Afrique du Nord. Votre commission décidait notamment, en 1989, de
provoquer l'inscription à l'ordre du jour d'une proposition de loi commune sur
cette question importante, notre président, M. Jean-Pierre Fourcade, en étant
le rapporteur, afin de donner à ce texte toute la solennité requise.
Après un vif débat en séance le 18 novembre 1991, la commission s'était
finalement vu opposer l'article 40.
Depuis cette date, le débat sur la retraite anticipée a été profondément
renouvelé.
En premier lieu, une commission tripartie composée de représentants du
Parlement, du Front uni et du Gouvernement, et présidée par M. Chadelat, a
procédé en 1996 à l'évaluation du coût d'une retraite anticipée pour tous les
anciens combattants d'Afrique du Nord. Elle a conclu à un coût net total cumulé
de 151 milliards de francs. Cette somme élevée semble rendre très délicate la
mise en oeuvre d'une retraite anticipée généralisée. Mais cette revendication
demeure d'une urgente actualité pour le Front uni.
En second lieu, de nombreuses mesures de solidarité ont été instaurées, le
plus souvent à la demande du Parlement, en faveur des anciens combattants
d'Afrique du Nord. Toutes ces mesures ont répondu à une même logique : il
s'agissait de compenser l'impossibilité - ou le refus - de la retraite
anticipée par la mise en place de réponses partielles ou ciblées aux problèmes
rencontrés par les anciens d'Afrique du Nord.
Il ne s'agit pas ici de donner le détail sur ces mesures de solidarité.
J'insisterai donc seulement sur les deux plus importantes.
La première est la loi du 3 janvier 1995. Cette loi visait à éviter que
l'allongement de la durée de cotisation décidé en 1993 n'ait pour conséquence
d'obliger certains anciens combattants d'Afrique du Nord à prendre leur
retraite après soixante ans. Elle réintroduisait de la sorte le principe de
l'avantage relatif en octroyant aux anciens combattants des réductions
forfaitaires de durée de cotisation, en fonction du temps passé en Afrique du
Nord.
La seconde mesure est la mise en place du Fonds de solidarité en faveur des
anciens combattants d'Afrique du Nord. Ce fonds a été créé par la loi de
finances pour 1992, puis modifié par les lois de finances pour 1995, 1996, 1997
et 1998. Il a pour vocation de verser une aide publique aux anciens combattants
les plus en difficulté. Ainsi, deux conditions sont requises pour bénéficier du
soutien des fonds : être au chômage depuis plus d'un an ou être en situation de
travail précaire et disposer de ressources inférieures à 4 600 francs par
mois.
Le fonds verse trois types d'aides : une allocation différentielle qui assure
à tout bénéficiaire un revenu minimum garanti de 4 614 francs par mois ; une
allocation de préparation à la retraite, qui est versée à ceux qui ont
bénéficié de l'allocation différentielle pendant plus de six mois et qui est
égale à 65 % du revenu de référence mais reste plafonnée à 7 177 francs ;
depuis la loi de finances pour 1998, le fonds verse également aux chômeurs en
fin de droits ayant cotisé pendant quarante annuités une majoration de
l'allocation différentielle correspondant à un « revenu équivalent à une
retraite anticipée de 5 600 francs net par mois ».
Au 31 août 1998, 37 700 anciens combattants bénéficiaient du soutien du Fonds
de solidarité.
Dans ce contexte, face au coût de la retraite anticipée, face aux nouvelles
mesures de solidarité, on aurait pu s'interroger sur la signification de la
proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.
Or, il s'agit d'un texte à la fois nécessaire, attendu et réaliste.
Il est d'abord nécessaire.
Les anciens d'Afrique du Nord doivent, en effet, très souvent faire face à des
difficultés d'insertion sociale et professionnelle très fortes. On estime ainsi
que plus de 25 % des anciens combattants en âge de travailler sont au chômage
ou en préretraite. Or, à cet âge-là, les risques de ne jamais retrouver un
emploi avant la retraite sont, c'est évident, très forts. La durée moyenne de
chômage des plus de cinquante ans est en effet de plus de deux ans.
Cette situation est d'autant plus préoccupante que les dispositifs de
solidarité mis en place sont très imparfaits. Ainsi, la loi du 3 janvier 1995
n'a finalement concerné que 1 300 personnes en 1995 et en 1996. Mais, surtout,
c'est le fonds de solidarité qui, en dépit de réformes continuelles, a fait la
preuve de ses lacunes. Elles sont au nombre de deux.
D'abord, les aides versées par le fonds sont plafonnées à un niveau très bas :
4 600 francs pour l'allocation différentielle, 5 600 francs pour l'allocation
différentielle « équivalente » à une retraite anticipée, 7 177 francs pour
l'allocation de préparation à la retraite. Ces aides, à la différence des
retraites, sont totalement déconnectées des revenus d'activité. En ce sens,
l'allocation différentielle n'est qu'un minimum social supplémentaire tandis
que l'allocation différentielle majorée et l'allocation de préparation à la
retraite ne sont que des substituts très insuffisants à une réelle retraite
anticipée.
Ensuite, si les aides sont insuffisantes quant à leur montant, trop peu de
personnes en bénéficient. Alors que 140 000 anciens d'Afrique du Nord sont dans
une situation difficile, seuls 38 000 reçoivent un soutien du fonds. C'est
particulièrement le cas pour l'allocation différentielle majorée que le
Gouvernement a pourtant présentée comme l'équivalent d'une retraite anticipée,
et qui concerne moins de 6 000 personnes.
Les mesures de soutien ne semblent donc pas en mesure de répondre aux
difficultés rencontrées par les anciens d'Afrique du Nord.
Si ce texte est nécessaire, il est aussi attendu.
Les anciens combattants ont risqué leur vie ou versé leur sang pour leur pays.
Ils sont donc en droit d'attendre de la nation qu'elle exprime sa
reconnaissance et sa solidarité. Or, là où les anciens combattants revendiquent
un droit, une retraite, la nation se contente de leur accorder une aide sociale
qui n'est bien souvent qu'une aumône. La nation maintient donc les anciens
combattants dans une logique d'assistanat qui met leur dignité à rude épreuve.
C'est pour cela que les anciens combattants attendent une retraite anticipée,
même si elle ne devait toucher que quelques-uns, et non une quelconque
allocation différentielle.
En ce sens, le versement d'une retraite anticipée aux anciens d'Afrique du
Nord chômeurs en fin de droits constituerait un début de reconnaissance de la
nation tout en permettant de répondre à un certain nombre de cas difficiles.
C'est aussi un texte attendu car il y a urgence, monsieur le secrétaire
d'Etat. En 2002, les anciens combattants d'Afrique du Nord auront tous atteint
l'âge de soixante ans. La notion même de retraite anticipée n'aura alors plus
de signification.
L'an dernier, l'attente de ces anciens combattants semblait avoir été entendue
par le Gouvernement. Durant la campagne électorale, M. Lionel Jospin s'était en
effet engagé, auprès du Front uni, à « accorder la retraite anticipée pour les
chômeurs en fin de droits justifiant de quarante annuités de cotisations
diminuées du temps passé en Afrique du Nord ». Vous-même, monsieur le
secrétaire d'Etat aux anciens combattants, vous en aviez fait l'un de vos «
quarante engagements pour 1998 ».
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat aux anciens combattants.
Tout à fait !
M. Guy Fischer,
rapporteur.
Pourtant, le projet de loi de finances pour 1998 ne
comportait aucune mesure en ce sens, et ce n'est qu'à la demande réitérée des
parlementaires que le Gouvernement a présenté la disposition permettant aux
chômeurs en fin de droits de bénéficier « d'un revenu équivalent à une retraite
anticipée de 5 600 francs par mois », dans l'article 109 de la loi de
finances.
Face à ces carences, la présente proposition de loi tend à reconnaître une
réelle retraite anticipée pour ces personnes et non plus un « RMI ou une
préretraite anciens combattants ».
C'est un texte nécessaire, attendu ; c'est aussi un texte réaliste.
La présente proposition de loi ne prévoit pas un bouleversement total de la
législation régissant les retraites des anciens combattants. Elle vise
simplement à apporter une réponse adaptée aux lacunes des mesures de solidarité
existantes, tout en reconnaissant enfin le droit à une retraite anticipée pour
les anciens combattants d'Afrique du Nord les plus en difficulté.
C'est en ce sens que le texte que nous examinons aujourd'hui peut être
qualifié de réaliste. Il ne constitue qu'un premier pas dans le sens d'une
meilleure reconnaissance par la nation de la situation des anciens
combattants.
A cet égard, ce texte cherche à concilier deux impératifs : il vise à
améliorer sensiblement la situation des anciens combattants les plus en
difficulté, tout en ne constituant pas une charge trop lourde pour les finances
publiques.
Sur le premier point, cette mesure est ciblée sur les anciens combattants les
plus en difficulté. Il s'agit des chômeurs en fin de droit qui justifient de
quarante annuités de cotisations vieillesse. Ces personnes sont
incontestablement celles qui ont le plus besoin d'une retraite anticipée, d'une
part, car elles risquent de ne plus retrouver d'emploi et, d'autre part, parce
que, ayant cotisé quarante ans, elles ont bien souvent commencé à travailler
très tôt, dès quatorze ou quinze ans, dans des conditions souvent fort
pénibles. Réserver le bénéfice de la retraite anticipée aux anciens combattants
les plus en difficulté est donc une mesure élémentaire de justice sociale.
Pour ces personnes - le présent texte ouvre une faculté de demander à
bénéficier du droit à la retraite anticipée à taux plein. Dans la plupart des
cas, une pension de retraite complète - régimes de base plus régimes
complémentaires - leur garantirait un revenu supérieur à ce qu'elles perçoivent
actuellement.
Ainsi, pour une personne touchant en fin de carrière le salaire médian, la
pension de retraite serait de 8 093 francs. Rappelons que l'allocation
différentielle majorée pour ces personnes n'est que de 5 600 francs et que le
plafond de l'allocation de préparation à la retraite est de 7 177 francs.
Cependant, ce texte n'ouvre le droit à la retraite anticipée qu'à la demande
de l'intéressé. Dans certains cas, en effet, les aides versées pourraient être
supérieures à la pension vieillesse. Il s'agit donc d'une mesure souple.
C'est un texte réaliste également, car la charge financière reste très
supportable. J'évalue ainsi le coût brut total de la mesure à 1,3 milliard de
francs sur quatre ans, en ce qui concerne les régimes de base. Le coût net
total sera bien inférieur, car cette charge nouvelle se substitue à des charges
déjà existantes : aides versées par le fonds de solidarité, minima sociaux.
Mais ce texte doit s'appliquer aussi aux régimes de retraite complémentaire.
La commission est bien évidemment consciente des difficultés financières que
connaissent ces régimes. Elle estime donc nécessaire que le Gouvernement engage
au plus vite - si, bien sûr, la présente proposition de loi est définitivement
adoptée - une négociation avec ces régimes pour que le dispositif s'applique
également aux retraites complémentaires, sous peine de vider la mesure de sa
substance.
Dans ce contexte, et sans préjuger la position qu'adoptera le Gouvernement à
l'égard de la présente proposition de loi, la commission souhaite également
vous interroger, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la perspective d'une
réforme du fonds de solidarité à l'occasion du prochain projet de loi de
finances.
Le fonds doit évoluer pour apparaître non pas comme un dispensateur de secours
aux effets limités, mais bien comme l'expression de l'attention que la nation
porte aux plus modestes de ceux qui l'ont servie aux heures difficiles qu'elle
a traversées.
Ainsi, pour pouvoir bénéficier de l'allocation de préparation à la retraite,
les anciens combattants les plus en difficulté doivent passer, pendant six
mois, par le filtre préalable de l'allocation différentielle. Or, de nombreux
anciens combattants sont réticents à en demander le bénéfice car ils
l'assimilent, non sans raison, à une forme d'assistance dégradante. Ils ne
peuvent alors pas toucher l'allocation de préparation à la retraite.
Dès lors, ne serait-il pas possible de permettre aux chômeurs ayant cotisé
pendant quarante annuités de bénéficier directement de l'allocation de
préparation à la retraite, sans avoir à passer au préalable par l'allocation
différentielle.
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. Guy Fischer,
rapporteur.
Une telle mesure permettrait de sortir de la logique
d'assistanat inhérente à l'allocation différentielle, tout en autorisant à ces
personnes à bénéficier d'une allocation comprise entre 5 600 francs et 7 177
francs, en fonction de leurs revenus passés d'activité, sans pour autant
entraîner de charges supplémentaires pour les régimes complémentaires.
Mais revenons au texte qui vous est soumis aujourd'hui.
Il s'agit donc d'un texte nécessaire, attendu et réaliste. Mais il ne
constitue qu'un premier pas dans le sens d'une meilleure reconnaissance d'un
droit à la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord.
S'adressant aux plus en difficulté, ce texte mériterait d'être complété par des
mesures visant des anciens combattants dont la situation est moins fragile.
A cet égard, votre rapporteur est sensible à l'argumentation du Front uni, qui
estime que la retraite anticipée permettrait de libérer des postes de travail
pour les jeunes ou pour les demandeurs d'emploi.
C'est pourquoi la commission a estimé souhaitable que la présente proposition
de loi, qui s'adresse aux chômeurs, soit prolongée par un effort particulier en
faveur des anciens combattants encore en activité. Cet effort devrait porter en
priorité sur ceux qu'une durée d'assurance validée insuffisante empêche de
prendre leur retraite à soixante ans ou sur ceux qui sont exclus du bénéfice de
l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, pour ne pas avoir cotisé
160 trimestres.
Par conséquent, la commission souhaite vivement que le Gouvernement présente
des mesures allant dans cette direction dans le prochain projet de loi de
finances.
Ce texte ne constitue donc qu'un premier pas, mais il s'agit d'un premier pas
nécessaire. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales
vous demande, mes chers collègues, d'adopter ses conclusions.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen. - MM. Clouet et Lauret applaudissent également.)
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
cette proposition de loi traite d'un sujet que les parlementaires connaissent
bien et qui a longtemps opposé les associations d'anciens combattants aux
pouvoirs publics. On se souvient par exemple des travaux de la commission
Chadelat. Le coût de la retraite anticipée était alors fixé par
l'administration à 150 milliards de francs. Les associations composant le Front
uni retenaient pour leur part 35 milliards de francs. Ces chiffres ont dissuadé
toute majorité d'avancer sur cette question.
Aujourd'hui, le temps a passé et il y a moins d'anciens combattants qui
peuvent prétendre au bénéfice de la retraite anticipée. Le coût de la mesure
doit donc être réévalué à la baisse. Entre-temps, des mesures ont été prises
pour alléger les difficultés que connaissent les anciens combattants
chômeurs.
Le gouvernement Jospin a porté à 5 600 francs par mois le montant de
l'allocation différentielle. Bénéficient de cette disposition les anciens
combattants chômeurs, quel que soit leur âge, en fin de droit ou pas, dès lors
qu'ils ont cotisé quarante annuités. Ce système est donc nettement plus
avantageux que celui qui est présenté par la proposition de loi car la retraite
moyenne versée par la sécurité sociale s'élève à 5 100 francs. Nous étudions
donc un dispositif d'un moindre intérêt que les mesures actuellement en
vigueur. Par ailleurs, tout chômeur en fin de droit et qui a cotisé quarante
annuités est assuré de percevoir 5 000 francs, grâce à une disposition adoptée
par le Parlement.
On peut donc considérer que la proposition de loi rapportée par M. Fischer
n'est pas de grande portée. Qui va réellement en bénéficier ? Qui sera
intéressé par cette mesure ? Quel est l'objectif social réellement poursuivi
?
Le point le plus faible est l'absence de relations entre cette mesure et la
lutte contre le chômage. Certes, les anciens combattants concernés auront
naturellement un intérêt personnel à cette mesure. Mais rien n'indique que ces
départs seront compensés par des embauches. Or, pour légitimer leurs
revendications, les anciens combattants ont toujours mis en avant la nécessité
de créer des emplois pour les jeunes.
Cet objectif ne sera pas atteint par le texte dont nous discutons. Il faut
donc, pour être efficace et juste, imaginer une autre voie qui consisterait à
faire bénéficier de façon systématique les anciens combattants du système
ARPE.
Cette mesure bénéficierait à tous sans distinction et aurait le mérite de lier
le départ à la retraite au recrutement d'un jeune.
D'une manière générale, la législation tient compte des difficultés dues au
chômage chez les anciens combattants. Je rappelle l'existence de l'allocation
différentielle, complétée par l'allocation de préparation à la retraite. Il est
vrai qu'il manque une mesure qui allierait départ à la retraite et obligation
d'embauche. Mais la proposition de M. Fischer, que je remercie d'avoir suscité
ce débat utile, ne comble pas cette lacune et je réitère ma proposition
concernant l'application du système ARPE.
L'idée de supprimer le stage de six mois imposé aux anciens combattants, pour
passer de l'allocation différentielle à l'allocation de préparation à la
retraite, mérite également toute notre attention, et je souhaite que vous
étudiez sans délai cette piste, monsieur le secrétaire d'Etat.
En résumé, nous nous abstenons sur la proposition de loi, car nous voulons une
mesure nettement plus favorable à l'emploi, pour marquer la vraie solidarité
qui unit les anciens combattants aux jeunes générations.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au
terme de cette session, le Sénat est à nouveau conduit à examiner une
proposition de loi relative à la retraite anticipée pour les anciens
combattants d'Afrique du Nord.
Depuis de nombreuses années, les parlementaires communistes n'ont eu de cesse
d'appuyer la demande - ô combien légitime ! - du monde combattant en faveur du
droit à une retraite anticipée pour les personnes ayant servi en Afrique du
Nord entre 1952 et 1962.
C'est donc tout naturellement que le groupe communiste républicain et citoyen
s'est saisi de son droit d'initiative parlementaire pour déposer une
proposition de loi permettant de répondre partiellement aux attentes de cette
population.
Les multiples propositions de loi déposées aussi bien au Sénat qu'à
l'Assemblée nationale depuis plus de dix ans, et émanant de tous les groupes
parlementaires de droite comme de gauche, reflètent l'intérêt des représentants
de la nation pour ceux qui ont sacrifié une partie de leur jeunesse dans des
conflits que, chacun le sait bien, tous n'approuvaient pas.
Est-il nécessaire de rappeler que 30 000 de ces combattants furent tués et que
300 000 en revinrent mutilés ou malades ?
Mais, au-delà des trausmatismes physiques apparents, il convient de prendre en
considération le traumatisme social vécu par l'ensemble des rescapés qui n'ont
pas toujours réussi à réintégrer une société française refusant d'assumer son
passé colonial.
S'agissant de l'Algérie, sous couvert « d'opérations de maintien de l'ordre »,
c'est une véritable guerre qui était engagée contre le peuple algérien et
contre les mouvements de libération nationale, une guerre de type colonialiste
qui ne correspond pas à l'idée que nous, communistes, nous nous faisons de la
France.
A cet égard, notre proposition de loi fait mention, dans son article 1er, de
la « guerre d'Algérie ». Je regrette que la commission des affaires sociales du
Sénat, au déplaisir de notre rapporteur, mon collègue et ami Guy Fischer, soit
revenue sur cette rédaction pour évoquer des « opérations effectuées en Afrique
du Nord ».
A maintes reprises, le chef de l'Etat, le Premier ministre et M. le secrétaire
d'Etat aux anciens combattants ont utilisé le terme de « guerre d'Algérie »,
mais aucun texte juridique n'en fait état.
A l'heure où l'on parle de repentance, la France s'honorerait pourtant en
reconnaissant, devant le peuple algérien et devant nos propres combattants,
l'état de guerre qui a prévalu de 1954 à 1962 en Algérie.
Au droit à la retraite anticipée correspond la dette de l'Etat français envers
les anciens combattants. Il n'est donc pas question d'un geste de charité ; il
s'agit d'un devoir de réparation.
Enfin, aux traumatismes physiques et sociaux j'ajouterai les traumatismes
économiques.
Notre proposition de loi limite le bénéfice de cette mesure aux chômeurs en
fin de droit ayant cotisé 160 trimestres à l'assurance vieillesse. Par
conséquent, elle vise des chômeurs trop âgés pour espérer retrouver un
emploi.
Certes, nous ne partons pas de rien. En effet, des mesures spécifiques
existent d'ores et déjà, sous forme d'aide sociale aux anciens combattants
d'Afrique du Nord les plus en difficulté. Mon ami Guy Fischer a rappelé
l'étendue des dispositifs existants, mis en place le plus souvent sous la
pression du Parlement, de même qu'il en a parfaitement exposé les insuffisances
et les limites.
La mesure que nous proposons ne prétend pas régler définitivement la situation
de précarité des anciens combattants, mais il s'agit pour nous d'aller
progressivement vers la reconnaissance d'un droit légitime pour les anciens
combattants d'Afrique du Nord, à l'inverse de la logique d'assistanat qui a
prévalu jusqu'ici. Notre excellente collègue Mme Gisèle Printz me permettra de
lui dire que, si ce texte ne va pas assez loin, nous sommes prêts à aller
beaucoup plus loin...
M. Guy Fischer,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Robert Pagès.
... et à ouvrir le bénéfice de la retraite anticipée à l'ensemble des anciens
combattants d'Algérie. Je crois que nous pouvons le faire, et nous sommes prêts
à soutenir tout gouvernement qui s'engagerait dans ce sens. Je ferme la
parenthèse.
Ce texte en appelle d'autres. Je crois savoir, d'ailleurs, que cela inquiète
le Gouvernement, soucieux, et c'est légitime, de maîtriser la croissance des
dépenses publiques. Or, pour 15 000 personnes concernées, la commission des
affaires sociales a estimé à 1,3 milliard de francs le coût total de la mesure,
et ce sur les quatre prochaines années, soit environ 300 millions de francs par
exercice budgétaire. Autant dire que ce coût est sans commune mesure avec le
chiffrage qui avait, en son temps, été publié dans le rapport Chadelat.
J'ajoute, mais M. le rapporteur l'a dit excellemment, que, bien évidemment,
parallèlement disparaîtraient d'autres aides.
Cela étant, je vous le dis en toute amitié, monsieur le secrétaire d'Etat, et,
à travers vous, à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
le budget des anciens combattants diminue tous les ans, du fait de la
disparition des parties prenantes. Or il suffirait que la diminution ne soit
pas aussi rapide - je ne parle même pas d'augmentation - pour satisfaire une
part importante des revendications avancées par le monde combattant.
Ainsi, si notre texte était retenu, nous rétablirions un « avantage relatif »
que la loi du 21 novembre 1973 avait octroyé aux anciens combattants d'Afrique
du Nord.
D'autre part, dès lors que les anciens combattants auront atteint l'âge de
soixante ans vers 2002, au-delà de cette date, ce dispositif n'aura plus lieu
d'être. Il y a donc urgence à intervenir pour réconcilier la nation et ses
anciens combattants, d'autant plus que l'obstacle financier peut être surmonté
sinon aisément du moins facilement.
Enfin, il convient de ne pas oublier que le Premier ministre, Lionel Jospin,
s'était engagé au cours de la campagne des législatives de 1997 à accorder la
retraite anticipée pour cette catégorie d'anciens combattants dans les
conditions que je viens de dire. Le 8 mai 1997, M. Jospin déclarait, en effet,
« dans un premier temps, nous nous engageons à accorder la retraite anticipée
pour les chômeurs en fin de droit justifiant de quarante annuités de
cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord. Cette mesure constitue
un début de reconnaissance envers les anciens combattants en Afrique du Nord et
permettrait de répondre à un certain nombre de cas difficiles. »
Le groupe communiste républicain et citoyen donne l'occasion à ce
gouvernement, que nous soutenons, de mettre ses actes en conformité avec ses
paroles.
Aussi, je n'ose imaginer que ledit Gouvernement oppose une fin de non-recevoir
à une mesure qu'il a lui-même défendue voilà un an. Un tel geste serait
interprété, à juste titre, par les associations d'anciens combattants comme un
acte de désertion de la part du Gouvernement au profit de considérations
financières qui, selon nous, n'ont pas lieu d'être dans ce cas particulier.
Au moment où le Parlement discute du projet de loi de lutte contre les
exclusions, il serait opportun de porter une attention particulière de la
nation en direction des soldats français atteints une première fois par la
guerre et menacés une seconde fois par le chômage et la précarité.
J'ajouterai que ces soldats sont ceux qui, comme beaucoup de ma génération,
ont connu, quand ils étaient enfants, la guerre, ses privations et ses
deuils.
Il s'agit donc d'une mesure de justice sociale, de reconnaissance nationale et
enfin d'égalité avec les anciens combattants des deux guerres mondiales.
Ce serait, enfin, une juste récompense pour le travail accompli par les
associations d'anciens combattants et la qualité des rencontres qu'elles ont pu
mener avec de nombreux parlementaires, ainsi, je le sais, qu'avec le
secrétariat d'Etat aux anciens combattants, qui fait preuve d'un grand esprit
de coopération.
A la lumière de ces observations, mes chers collègues, je vous demande donc,
au nom de mon groupe, d'adopter cette proposition de loi. Qu'il me soit permis
de remercier et de féliciter mon collègue et ami Guy Fischer pour l'excellent
travail qu'il a accompli en tant que rapporteur de la commission des affaires
sociales.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
vous ferai d'abord part, au nom du groupe d'études des sénateurs anciens
combattants que j'ai l'honneur de présider, de notre satisfaction de voir venir
aujourd'hui en discussion l'importante question des droits des anciens
combattants d'Afrique du Nord.
Mais cette satisfaction va plus loin : M. Guy Fischer qualifiait tout à
l'heure, au nom de la commission des affaires sociales, cette proposition de
loi de « texte nécessaire, attendu et réaliste ». Je partage très largement
cette analyse.
Cette proposition de loi, en effet, a un double mérite : elle constitue,
d'abord, un témoignage tangible de la reconnaissance de la nation envers ceux
qui ont servi, pour elle, en Afrique du Nord ; il s'agit ensuite d'une mesure
concrète de solidarité envers les anciens combattants les plus en
difficulté.
Force est de constater que le principe de reconnaissance de la nation envers
mes camarades combattants d'Afrique du Nord est actuellement mal appliqué.
La loi du 21 novembre 1973 permettait aux anciens combattants de prendre leur
retraite entre soixante ans et soixante-cinq ans. En accordant la retraite à
soixante ans, l'ordonnance de 1982 a mis fin à cet avantage relatif. Ainsi,
comme le font valoir les associations d'anciens combattants, cette ordonnance a
supprimé un avantage acquis par les anciens combattants de la troisième
génération. Il s'agit d'une atteinte au principe de l'égalité des droits entre
les différentes générations du feu.
Le Sénat a pris, en la matière, un certain nombre d'initiatives. A cet égard,
M. Guy Fischer a rappelé la proposition de loi tendant à rétablir le bénéfice
de la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord, qui
fut examinée le 18 novembre 1991, proposition de loi à laquelle avait été
opposé l'article 40 de la Constitution.
Certes, le coût global de la retraite anticipée est très élevé - la commission
tripartite présidée par M. Chadelat l'a évalué à 151 milliards de francs - mais
cela implique-t-il que la nation s'interdise toute forme de reconnaissance
envers ceux qui ont risqué leur vie pour elle ? Nous ne le pensons pas.
Le texte beaucoup plus modeste que nous examinons aujourd'hui constitue un
appréciable début de reconnaissance, quoique cette reconnaissance reste, bien
sûr, limitée. Elle ne s'adresserait qu'à 15 000 anciens combattants d'Afrique
du Nord, mais, en reconnaissant le droit à la retraite anticipée à ceux d'entre
eux qui vivent les situations les plus précaires, qui sont aussi, bien souvent,
ceux que leur séjour en Afrique du Nord a le plus marqués, la nation
affirmerait sa solidarité avec tous les anciens d'Afrique du Nord.
Ce texte propose également une autre forme de reconnaissance. L'article 3
précise, en effet, que la durée de service en Afrique du Nord est assimilée,
sans condition préalable, à une période d'assurance aux régimes de retraite.
Une telle disposition existe déjà dans notre législation. Toutefois, elle
reste mal appliquée. Ceux qui n'ont pas directement exercé une activité
professionnelle pour laquelle des cotisations ont été versées aux caisses de
retraite dès leur retour d'Afrique du Nord n'en bénéficient pas. Cette
interprétation très restrictive de la législation, en contradiction avec le
principe d'égale reconnaissance, conduit ainsi certains agriculteurs, certains
artisans, certains commerçants à devoir prendre leur retraite après leurs
frères d'armes qui étaient salariés. Aussi cet article 3 me semble-t-il de
nature à rétablir l'égalité de traitement entre les anciens combattants
d'Afrique du Nord.
Si cette proposition de loi a le mérite de constituer un témoignage tangible
de la reconnaissance de la nation, elle a également le mérite d'être une mesure
concrète de solidarité envers les anciens combattants les plus en
difficulté.
M. le rapporteur rappelait tout à l'heure les difficultés d'insertion sociale
et professionnelles que rencontrent de nombreux anciens combattants d'Afrique
du Nord. Ce n'est pas un vain mot : 40 000 d'entre eux doivent toucher les
aides versées par le Fonds de solidarité pour ne pas avoir à vivre - ou à
survivre - avec des minima sociaux.
Or le Fonds de solidarité reste très insuffisant. Il souffre, à mon avis, d'un
défaut majeur : il entraîne les anciens combattants dans une logique
d'assistance qu'ils ressentent comme une atteinte à leur dignité. Cet effet
pervers avait déjà été souligné par notre regretté collègue Bernard Barbier,
ancien président du groupe d'études des sénateurs anciens combattants, à qui je
tiens à rendre hommage aujourd'hui.
On en arrive donc au paradoxe suivant : alors que les anciens combattants
attendent un geste de reconnaissance de la nation, celle-ci cherche à le leur
témoigner par des mesures d'assistance qu'ils jugent humiliantes.
C'est pourquoi la mesure proposée aujourd'hui me semble être une avancée
intéressante. Elle substitue une logique de reconnaissance, celle du droit à la
retraite anticipée, à une logique d'assistance pour ceux qui connaissent les
situations les plus difficiles, les chômeurs en fin de droit, alors qu'ils
n'ont pas démérité, loin s'en faut, et qu'ils justifient de quarante annuités
de cotisations.
Cette mesure est d'autant plus intéressante qu'elle est financièrement très
acceptable. La commission des affaires sociales avançait un chiffre brut de 1,3
milliard de francs sur quatre ans, sans compter les économies induites.
D'aucuns ne manqueront pas d'objecter qu'une telle mesure existe déjà. La loi
de finances pour 1998, par son article 109 - Mme Printz l'a évoqué - a en effet
réformé le Fonds de solidarité de telle sorte qu'il puisse verser un revenu
équivalent à une retraite anticipée de 5 600 francs nets par mois pour les
anciens combattants chômeurs en fin de droit ayant cotisé pendant quarante ans
à l'assurance vieillesse.
Cet article 109 diffère pourtant profondément de la présente proposition de
loi sur trois points fondamentaux.
Premièrement, cet article 109 ne rompt pas avec la logique d'assistanat du
Fonds de solidarité : il s'agit non pas d'une réelle retraite anticipée, mais
d'une simple aide sociale.
Deuxièmement, la prétendue « retraite anticipée » de l'article 109 est fixée à
un montant unique de 5 600 francs. Ce montant est à la fois complètement
déconnecté des revenus d'activité et tout à fait insuffisant.
Troisièmement, moins de 6 000 personnes touchent aujourd'hui ces 5 600 francs,
alors que, aux termes du texte qui nous est proposé, 15 000 personnes se
trouveraient concernées.
Pour toutes ces raisons, je ne peux qu'approuver la présente proposition de
loi.
Tout en considérant qu'elle constitue une avancée sensible pour les anciens
combattants d'Afrique du Nord, je rejoins la commission des affaires sociales
pour estimer qu'elle n'est qu'une première étape.
Sans revenir sur l'ensemble des réformes souhaitables, j'insisterai ici sur la
question plus générale de la retraite anticipée.
Cette proposition de loi a rouvert le débat sur la retraite anticipée des
anciens combattants d'Afrique du Nord. J'ai entendu avec intérêt M. Fischer
suggérer en outre une réforme des conditions d'attribution de l'allocation de
préparation à la retraite. Nous connaissons et approuvons la position de M.
Fourcade sur ce sujet. Ce sont évidemment des voies à explorer, mais je note
qu'elles ne concernent que les chômeurs.
Or la politique en faveur des anciens combattants ne peut se limiter à une
simple politique de traitement social du chômage. Il est donc nécessaire de
prolonger cette proposition de loi par des mesures visant les anciens
combattants qui sont toujours en activité.
Il serait, par exemple, possible d'ouvrir le droit à la retraite anticipée à
ceux qu'une durée d'assurance vieillesse validée insuffisante empêchent de
prendre leur retraite à soixante ans ou à ceux qui ne peuvent bénéficier du
dispositif de l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, pour ne pas
avoir cotisé pendant 160 trimestres. Ces nouvelles avancées, auxquelles était
très attaché notre regretté collègue Bernard Barbier, auraient l'avantage de
libérer des emplois pour des chômeurs ou pour des jeunes n'ayant jamais
travaillé.
J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement sera sensible à
ces préoccupations, exprimées depuis si longtemps par l'ensemble des groupes de
notre assemblée, et qu'il voudra bien y répondre de la manière la plus
favorable, d'abord en soutenant la proposition de loi qui nous est soumise
aujourd'hui, ensuite en présentant de nouvelles mesures dans le prochain projet
de loi de finances.
S'il en allait autrement, monsieur le secrétaire d'Etat, vous auriez beaucoup
de mal à expliquer aux anciens combattants d'Afrique du Nord pourquoi, avec
l'appui de notre collègue Mme Printz et du groupe socialiste, vous décevez, en
bottant peu glorieusement en touche, les espoirs que le Gouvernement a lui-même
suscités.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union
centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il
paraît tout à fait légitime que la reconnaissance et la solidarité de la nation
s'exercent au profit des anciens combattants d'Afrique du Nord, comme elle
s'est exercée au profit des générations antérieures.
Or, ainsi que l'a exposé notre rapporteur, le droit à la retraite anticipée
constitue une très vieille revendication des anciens d'Afrique du Nord.
Cependant, son coût financier extrêmement lourd pour le budget de l'Etat n'a
jamais permis d'envisager l'instauration d'une telle mesure de façon
généralisée.
Le précédent gouvernement avait néanmoins voulu prendre des mesures
significatives au bénéfice des anciens d'Afrique du Nord.
D'une part, la loi du 3 janvier 1995 a introduit des mesures dérogatoires au
droit commun en octroyant aux anciens combattants des réductions forfaitaires
de cotisations.
D'autre part, le Fonds de solidarité a vu son champ d'application étendu, de
même qu'a été élargie la nature des aides publiques versées.
Les anciens combattants qui vivent les situations les plus difficiles - ils
sont plus de 37 000 - sont ainsi aidés financièrement en percevant un
complément à leurs ressources.
Cependant, comme dans l'ensemble de la population française, les plus touchés
par le fléau du chômage sont les plus de cinquante ans, en fin de droits, qui
n'ont que très peu de chances de pouvoir se réinsérer sans aide dans le monde
du travail.
Ainsi, bien des situations difficiles perdurent malgré les dispositifs de
solidarité existants.
La proposition que nous examinons aujourd'hui vise, pour y remédier, à
accorder un droit à la retraite anticipée pour les anciens d'Afrique du Nord
chômeurs en fin de droits qui justifient de 160 trimestres de cotisation aux
régimes d'assurance vieillesse.
Il s'agit de leur donner la faculté d'opter pour une retraite anticipée,
susceptible d'améliorer la situation financière de la plupart d'entre eux.
Il me paraît extrêmement important, notamment sur un plan symbolique, que ce
droit soit une simple faculté. Ainsi, les anciens combattants seront libres de
demeurer dans leur situation actuelle ou d'opter pour la retraite anticipée.
Il convient en effet de respecter la volonté de chacun et de tenir compte des
disparités dans les situations existantes, car les aides accordées en
application des dispositifs de solidarité peuvent être supérieures aux droits à
pension, en raison d'une activité professionnelle de trop courte durée.
En votant ce texte, nous franchirons une étape supplémentaire dans la
reconnaissance et la solidarité de la nation à l'égard des anciens combattants
d'Afrique du Nord. Durement marqués par les événements qu'ils ont vécus en
Afrique du Nord, beaucoup ont sacrifié, ne l'oublions pas, une partie de leur
jeunesse à la France.
Pour ces raisons, le groupe du RPR votera cette proposition de loi.
Je profite de l'examen de ce texte pour vous interroger, monsieur le
secrétaire d'Etat, sur un sujet qui inquiète les anciens combattants, notamment
ceux de l'Afrique du Nord : le devenir de l'ONAC, l'Office national des anciens
combattants et victimes de guerre.
Son rôle est central, essentiel, dans l'exercice du devoir de reconnaissance
de la nation à l'égard du monde combattant. Les anciens combattants y sont donc
légitimement très attachés : il incarne la singularité du droit à réparation
qui leur est dû.
Il serait important que vous puissiez réitérer, monsieur le secrétaire d'Etat,
votre engagement quant à la pérennité de cet office. Le monde combattant
devrait être définitivement rassuré sur ce sujet.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis 1985 un certain
nombre de propositions de loi ont été déposées sur le bureau de chacune des
deux assemblées qui tendaient toutes à apporter une solution au problème de la
retraite des anciens combattants d'Afrique du Nord.
Au demeurant, ce thème a occupé une place importante dans toutes les campagnes
politiques qui se sont déroulées au cours de la même période.
Depuis 1985, en effet, la progression du chômage dans notre pays a été telle
que de nombreux anciens combattants d'Afrique du Nord ont été, eux aussi,
frappés par le fléau, et ceux-ci n'ont pas compris que leur participation aux
opérations militaires en Algérie, au Maroc et en Tunisie, où ils ont souvent
laissé une partie de leur santé, ne leur vale pas d'être prémunis contre la
dégressivité des allocations de chômage.
Les propositions de loi qui ont fleuri depuis 1985 étaient de deux types : les
unes étaient de portée globale et visaient à remettre en place la retraite
anticipée, qui était une possibilité avant l'ordonnance de 1982 ; les autres
tendaient, de manière plus spécifique, à améliorer le sort de ceux des anciens
combattants qui se trouvaient confrontés au chômage, notamment ceux qui étaient
en fin de droit.
En 1991, j'ai ainsi rapporté une proposition de loi qui avait pour objet de
régler non l'ensemble du problème - le coût global de l'opération serait tel
qu'aucun gouvernement, quelles que soient son orientation politique et sa
volonté d'aboutir, ne pourrait y faire face - mais celui des anciens
combattants victimes du chômage et se trouvant en fin de droit.
Le Gouvernement avait opposé l'article 40 de la Constitution à cette
proposition de loi mais, par la suite, il avait rapidement mis en place le
Fonds de solidarité.
Fort modeste au départ, celui-ci a progressivement gonflé, jusqu'à disposer
aujourd'hui d'une ligne budgétaire de 1,574 milliard de francs, au bénéfice
d'environ 40 000 personnes, ce qui correspond à un début de solution.
Ce Fonds de solidarité présente toutefois deux inconvénients.
Tout d'abord, il est ressenti par les intéressés comme un aspect particulier
de l'aide sociale : les anciens combattants considèrent qu'ils sont mis sur le
même plan que tous les demandeurs de minima sociaux.
Par ailleurs, son fonctionnement ayant été modifié pratiquement à chaque loi
de finances eu égard aux inquiétudes que nourrissent les services de Bercy
quant à son coût, on ne peut pas dire que sa mise en oeuvre soit un modèle de
lisibilité.
Il reste que 1,5 milliard de francs, c'est une somme qui n'est pas négligeable
et qui montre qu'un effort a été fait.
La présente proposition de loi constitue un pas nouveau vers une solution aux
difficultés des chômeurs en fin de droit qui ont cotisé pendant quarante
ans.
Voilà quelques semaines, nous avons voté un texte intéressant tous les
travailleurs qui ont cotisé pendant quarante ans. Au lieu de leur ouvrir un
droit à une retraite anticipée, on s'est contenté - c'est le Gouvernement qui a
souhaité ce mécanisme - de prévoir le versement d'une allocation complémentaire
leur assurant un revenu minimum.
Bien entendu, les anciens combattants bénéficieront comme les autres de ce
dispositif, mais on n'a pas tenu compte de leurs problèmes spécifiques et on
n'a pas pris en considération les titres qui leur donnent droit à la
reconnaissance de la nation.
Je rappelle que, au moment de la réforme des régimes de retraite, il avait été
décidé de ne pas appliquer l'augmentation du nombre de trimestres à ceux qui
avaient servi en Afrique du Nord.
Malheureusement, les critères ayant fait l'objet d'âpres discussions au cours
de diverses réunions interministérielles, la mesure n'a pas eu un grand effet !
On s'est arrangé pour que, dans les décrets d'application, les mailles du filet
soient si serrées que presque personne ne puisse passer.
La proposition de M. Fischer, qui a été adoptée, je tiens à le souligner, à
l'unanimité par la commission des affaires sociales, tend à donner à tous les
anciens combattants chômeurs en fin de droit qui ont cotisé pendant quarante
ans à l'assurance vieillesse et qui n'ont pas atteint à soixante ans la faculté
de demander le bénéfice de la retraite anticipée.
On perçoit bien la différence existant entre un dispositif d'aide sociale ou
d'allocations spécifiques, qui s'applique à l'ensemble des chômeurs en fin de
droit, et la faculté d'adhésion à un mécanisme de retraite anticipée que
prévoit cette proposition.
D'après le rapport Chadelat, cette disposition touchera 15 000 personnes. Par
ailleurs, le coût, tel qu'il a été évalué par M. Fischer et par la commission,
n'est pas très élevé : 1,3 milliard de francs. Ce chiffre est à rapprocher du
milliard et demi de francs du Fonds de solidarité. J'ai cité les deux chiffres
pour bien montrer qu'il n'y a pas une envolée financière fantastique.
M. Guy Fischer,
rapporteur.
Et c'est 1,3 milliard de francs sur quatre ans !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Effectivement !
Au demeurant, cette somme va s'imputer partiellement - dans quelles
proportions ? Je n'en sais rien - sur le milliard et demi de francs du Fonds de
solidarité.
Je considère qu'il s'agit d'une mesure sage.
Ainsi, les chômeurs en fin de droit qui ont cotisé à des régimes de retraite
pendant quarante ans, mais qui n'ont pas combattu, percevront une allocation
supplémentaire qui leur permettra de disposer d'un revenu minimum. Quant aux
chômeurs en fin de droit anciens combattants, ils bénéficieront, du fait de
cette qualité, d'un droit à la retraite anticipée.
Je crois que cette distinction n'est pas sans importance.
Il reste évidemment deux problèmes à régler.
Celui des retraites complémentaires est le plus délicat. Compte tenu de l'état
actuel des ressources des régimes de retraite complémentaire, qu'il s'agisse de
l'AGIRC, de l'ARRCO ou des autres, il est difficile de leur imposer des charges
nouvelles.
Par conséquent, nous souhaitons voir le Gouvernement indiquer aux partenaires
sociaux que, dans la remise en ordre des régimes de retraite complémentaire, la
qualité d'ancien combattant pourrait être un paramètre à prendre en compte lors
du calcul des taux de cotisation, des pensions, etc. J'espère que vous pourrez,
tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, nous donner des assurances dans
ce sens.
En vérité, il n'est pas possible d'aller au-delà d'une recommandation adressée
aux régimes complémentaires, eu égard à leur situation financière difficile.
Le second problème qui reste à résoudre tient notamment au fonctionnement de
l'ARPE. A cet égard, le Gouvernement pourrait suggérer aux partenaires sociaux
que la qualité d'anciens combattants d'Afrique du Nord constitue un élément
d'attribution de cette allocation, qui a pour contrepartie l'embauche de
jeunes.
Si le Gouvernement de la République, à la demande du Parlement, notamment du
Sénat, qui depuis longtemps s'intéresse à cette question, faisait cette double
recommandation aux partenaires sociaux, la première relative à l'ARPE, la
seconde concernant la modification du fonctionnement des régimes
complémentaires de retraite, nous prouverions que nous continuons à nous
occuper des anciens combattants.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons formulé une suggestion dans
le rapport. Pour de nombreux anciens combattants, le passage obligatoire par le
fonds de solidarité avec les inconvénients qui en résultent - instruction de
dossier, enquête - pour obtenir l'allocation de préparation à la retraite n'est
pas satisfaisant. L'intéressé est en effet obligé de passer par une aide
sociale avant de pouvoir bénéficier de l'APR.
Si, dans le prochain projet de loi de finances, vous permettiez aux anciens
combattants qui ont cotisé pendant plus de quarante ans d'accéder directement à
l'APR, il s'agirait là d'un progrès. Vous montreriez que le Gouvernement est
soucieux de passer progressivement d'une logique d'assistance à une logique de
droit, ce qui, en l'occurrence, me paraît tout à fait légitime.
Tels sont les quelques éléments que je voulais ajouter aux excellentes
interventions de mes collègues, MM. Cléach et Pagès. J'ai compris que le groupe
socialiste s'abstiendrait afin de ne pas mettre le Gouvernement en
difficulté.
Le problème des anciens combattants dépasse la sensibilité d'un gouvernement.
Je me suis vu opposer l'article 40 de la Constitution en 1991. Mais un fonds de
solidarité a été créé. Si jamais vous nous opposez à nouveau l'article 40
aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, j'espère que vous créerez dans les
prochaines années un mécanisme aussi intéressant et qui apportera autant de
garanties au monde des anciens combattants.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat aux anciens combattants.
Mesdames, messieurs les
sénateurs, je vous remercie d'abord du travail que vous avez accompli. Il est
toujours utile d'engager devant le Parlement un débat sur les problèmes
concernant les anciens combattants et, plus particulièrement, leur retraite. Je
me félicite du rapport de M. Fischer, qui contient d'ailleurs un certain nombre
d'indications permettant à d'autres membres du Gouvernement, moins directement
impliqués dans ces questions, de prendre conscience à la fois des
revendications qui subsistent et des mesures qui ont été prises au fil des
années.
Ce rapport montre aussi à quel point il est difficile d'appréhender la
réalité. Vous avez réalisé un fantastique travail d'approximation s'agissant de
l'appréciation des conséquences de telle ou telle mesure. Vous y avez été
contraints, tout comme je le suis quotidiennement.
Naturellement - et M. le président Fourcade vient d'évoquer cette question à
l'instant - ce rapport est incomplet dans la mesure où il ne traite pas du
financement de la retraite complémentaire. Il est simplement proposé que le
Gouvernement fasse des recommandations aux caisses de retraite complémentaire.
Il ne prévoit pas de mécanisme financier permettant aux anciens combattants, le
cas échéant, de prétendre à cette retraite, puisque le montant moyen de la
retraite de la sécurité sociale est actuellement inférieur aux allocations
servies notamment par le fonds de solidarité.
Par conséquent, tout se joue sur la question de la retraite complémentaire, et
j'ai moi-même rencontré cette difficulté. J'y reviendrai dans un instant.
Le débat sur la retraite anticipée est, comme certains l'ont indiqué, un débat
ancien, et j'y ai, pour ma part, participé lorsque j'étais parlementaire. J'ai
même signé des propositions de loi sur ce sujet, qui n'ont, au demeurant, pas
plus abouti que les autres. Mais, comme vient de le signaler M. Fourcade, tous
ces textes ne sont pas lettre morte, car ils pèsent dans la discussion et
influencent les rapports de forces ainsi que les décisions qui sont prises
ensuite par les différents gouvernements. De ce point de vue, le débat
d'aujourd'hui peut contribuer à résoudre un certain nombre de problèmes.
Il est vrai que toutes les majorités ont reculé devant le coût de la mesure,
mais cette question dissimule, à mon avis, un débat plus profond. J'y
reviendrai également dans un instant. La présente proposition de loi procède,
ce qui est bien légitime, à des tâtonnements.
Par ailleurs, je regrette aussi que le mot « guerre », que j'emploie pour ma
part, ne soit pas utilisé.
J'indique à M. Pagès que le Parlement aura sans doute prochainement -
peut-être à la rentrée d'octobre - à connaître d'un texte qui permettra aussi,
sous réserve de quelques analyses, car il ne faut pas tomber dans des
difficultés juridiques inextricables, d'adapter la législation à la réalité et
d'employer le mot « guerre », notamment sur les titres de pension des anciens
combattants d'Afrique du Nord. J'y travaille actuellement, et j'ai bon espoir
de parvenir rapidement à un texte.
Les anciens combattants d'Afrique du Nord bénéficient de la reconnaissance de
la nation, de même que les autres générations du feu, à travers les
dispositions du code des pensions militaires et d'invalidité. La loi prévoit
d'ailleurs des droits identiques.
La France - je dis bien « la France », parce que cela engage toutes les
majorités qui ont eu et qui ont à diriger notre pays - n'a pas été indifférente
à l'égard du monde combattant, notamment des anciens combattants d'Afrique du
Nord. Encore récemment, des dispositions ont été prises, et cet après-midi
même, nous débattons de cette question, ce qui prouve combien la nation et ses
représentants y sont attentifs.
Pour ma part, j'ai toujours essayé de travailler dans la loyauté et dans la
clarté, parce que j'estime que l'exigence de vérité est une forme de respect
qui doit être due au monde combattant.
S'agissant de l'ONAC, sujet qui est, certes, un peu en dehors de notre débat,
j'indique que, au cours des deux derniers mois, nous avons élaboré, avec les
représentants de son conseil d'administration, un texte d'orientation
concernant la définition du rôle de cet office dans les dix ou quinze
prochaines années. Ce texte a été approuvé à l'unanimité par le conseil
d'administration, réuni mercredi dernier en séance plénière.
Je puis vous dire que le secrétaire d'Etat aux anciens combattants et le
Gouvernement tout entier tiennent comme à la prunelle de leurs yeux à l'ONAC,
structure de proximité, et que notre objectif est plutôt de renforcer ses
moyens dans les départements, notamment en lui adjoignant, à compter du 1er
janvier 1999, des emplois-jeunes consacrés au travail de mémoire. De ce point
de vue-là, monsieur le sénateur, vous pouvez donc être tout à fait rassuré.
J'en arrive maintenant au fond du texte. Je partage les mêmes objectifs que
vous, à savoir la défense des intérêts des anciens combattants, notamment ceux
qui sont les plus défavorisés. Toutefois, la proposition de loi ne semble pas
avoir résolu une question de fond, et je vais m'en expliquer.
S'agissant de l'égalité entre les générations, je rappelle que, pour la
génération 1939-1945, la prise en compte des services s'est exercée au prorata
du temps passé sous les drapeaux, selon une règle de proportionnalité entre
soixante et soixante-cinq ans. Ici, il n'est pas question de
proportionnalité.
Le véritable problème réside dans la signification du verbe « participer ».
L'article L. 351-8-1 qu'il est proposé d'insérer après l'article L. 351-8 du
code de la sécurité sociale précise en effet : « Les assurés qui sont chômeurs
en fin de droit et qui ont participé aux opérations militaires en Afrique du
Nord... ». S'agit-il d'un engagement dans une unité combattante ? Faut-il avoir
mis le pied en Afrique du Nord pour bénéficier de la disposition ? C'est
d'ailleurs plutôt ce que je crois, puisque vous indiquez que ce texte vise à
élargir le champ des dispositions qui sont souvent liées au titre de
Reconnaissance de la nation ou à la carte d'ancien combattant. Je peux pousser
le raisonnement jusqu'à l'absurde : il suffirait d'avoir séjourné un jour en
Afrique du Nord au cours de la période indiquée pour pouvoir bénéficier de la
retraite anticipée. Je ne sais pas gérer une telle situation.
(M. Pagès
proteste.)
C'est bien de cela qu'il s'agit, monsieur Pagès. Dans la mesure où le verbe «
participer » n'est pas défini, le texte ne peut pas s'appliquer
correctement.
Je vous rends attentif à cette difficulté, car un texte de loi doit être
relativement précis.
J'aborderai maintenant d'autres questions de principe qui, d'ailleurs,
dépassent le monde des anciens combattants proprement dit. Je le dis comme je
le pense, à ce point du débat, ayant moi-même été élu de la nation et en tant
que citoyen : est-il possible tout à la fois de diminuer le temps de travail
hebdomadaire, de retarder l'âge de l'entrée dans la vie active de par
l'allongement de la durée des études, d'interrompre son itinéraire
professionnel pour participer à des stages de requalification, de réinsertion
ou de mise à niveau et de réduire l'âge de la retraite par le biais d'une
mesure de principe ? Personnellement, je ne le crois pas. Il ne me semble pas
possible de faire tout cela en même temps. Mais il s'agit là d'une question de
fond qui intéresse l'ensemble de la nation.
Cela ne signifie pas toutefois qu'il faut se contenter du chômage actuel, que
nous souhaitons tous voir diminuer. Le premier objectif, en effet, est bien de
créer des emplois par le biais de mesures diverses, telles que les
emplois-jeunes, qu'il est, certes, possible de contester sur le plan politique,
selon des options qui distinguent la gauche de la droite dans notre pays. En
effet, des débats peuvent être engagés et vous en avez d'ailleurs eu un tout à
l'heure, mesdames, messieurs les sénateurs, sur la réduction des charges
applicables aux bas salaires.
L'objectif prioritaire doit être de donner des emplois aux jeunes plutôt que
d'abaisser l'âge de la retraite. Or cette proposition de loi ne comporte aucune
contrepartie en termes d'emplois. Mais, me direz-vous, si une dizaine de
milliers de personnes partent à la retraite, peut-être les entreprises
procèderont-elles à des embauches à moins qu'elles n'améliorent leurs gains de
productivité. Il n'y a donc pas de lien direct entre la proposition que vous
faites et la création d'emplois.
Notre désaccord principal est de principe, comme je viens de l'indiquer, mais
il tient également aux objectifs que vous affirmez. Certains orateurs ont
rappelé les engagements pris par M. le Premier ministre au mois de mai 1997
ainsi que les quarante engagements que j'ai pris pour 1998.
Je suis tout de même très prudent. Pourquoi ? Lorsque j'ai été saisi de ce
dossier, je me suis heurté au problème du financement de la retraite
complémentaire. Il était probablement possible d'avancer sur le concept de la
retraite de la sécurité sociale, et tel est finalement le sens de la mesure qui
avait été prise l'an dernier par le Parlement.
Permettez-moi, à cet égard, de vous faire observer que j'avais émis le voeu,
lors de l'examen du budget du secrétariat d'Etat aux anciens combattants, que
certaines décisions soient prises dans le cadre du débat parlementaire afin de
bien marquer le rôle du Parlement en ce qui concerne les questions relatives,
notamment, aux anciens combattants.
C'est parce que j'avais été confronté au problème du financement des retraites
complémentaires que j'avais pris la précaution d'écrire : « En revanche, il
assumera lui-même la conduite à terme du dossier relatif aux chômeurs en fin de
droit ayant quarante annuités dans la mesure où ils relèvent du fonds de
solidarité. Il recherchera une mesure en leur faveur leur garantissant au moins
une situation matérielle similaire à la pleine jouissance de leur pension de
retraite. »
La proposition de loi atteindra-t-elle son objectif ? A ce propos, il
subsiste, me semble-t-il, une incompréhension entre nous. Vous avez tous
affirmé qu'il fallait venir en aide aux anciens combattants, aux chômeurs, aux
chômeurs en fin de droits, donc à ceux qui éprouvent les plus grandes
difficultés sociales. C'est bien de cela qu'il s'est agi dans le débat. Or,
vous proposez de mettre en place un dispositif qui s'organise autour d'une
option.
A ma connaissance, aux termes des textes applicables en la matière, qu'il
s'agisse du code du travail et de l'ensemble des dispositions législatives
régissant le Fonds de solidarité ou tout autre instrument de solidarité, les
prestations versées aux chômeurs en fin de droit ou aux chômeurs en général
cessent d'être versées dès que les intéressés remplissent les conditions de la
loi pour percevoir leur retraite, même s'ils n'en demandent pas le bénéfice.
Il ne s'agit donc pas d'un système optionnel. Aussi les dispositions que vous
préconisez pour les chômeurs en fin de droit justifiant de quarante annuités de
cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord s'appliqueront-elles à
l'ensemble des chômeurs en fin de droit ayant cotisé pendant quarante annuités.
Autrement dit, ils perdront tous les bénéfices dont il disposent si la
rémunération qui leur est versée aujourd'hui est supérieure à ce qu'ils
percevraient, en cas d'application de votre proposition de loi.
Parmi les personnes qui relèvent aujourd'hui du Fonds de solidarité amélioré
et touchent 5 600 francs - cela concerne 8 000 personnes : 6 000 dépendent
directement du fonds et 2 000 bénéficient de la mesure à travers l'APR, soit un
seuil compris entre 4 600 francs et 5 600 francs - nombre d'entre elles
risquent de voir leur situation remise en cause. En effet - et nous sommes là
au coeur du dispositif - c'est la question de la retraite complémentaire qui
est posée.
Quant aux personnes qui bénéficient de l'allocation pour les chômeurs âgés, le
régime est encore plus intéressant, puisque l'indemnité versée correspond à 55
% du salaire brut non plafonné et est de l'ordre de 7 700 francs en moyenne. Ce
dispositif concerne 54 000 personnes, dont 27 000 sont anciens combattants,
selon nos estimations. Or, aux termes de la présente propositon de loi, leur
situation risque d'être inférieure à celle qu'ils connaissent aujourd'hui, et
ce sans pouvoir agir. En effet, les textes législatifs applicables en la
matière ne permettent pas les options.
S'agissant de cet aspect, je ne comprends pas cette proposition de loi. En
effet, elle ne constitue pas un avantage par rapport à l'ensemble du dispositif
en vigueur.
Aussi, l'objectif affiché ne sera pas atteint. Des situations vont être
remises en cause. Finalement, on risque de se retrouver dans cette situation
incroyable où l'Etat contribuera aux caisses de retraite après avoir pris
l'argent aux chômeurs et aux anciens combattants qui bénéficient actuellement
de dispositifs sociaux. Certes, l'intention est bonne...
M. Hilaire Flandre.
Ce n'est pas très convaincant !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Je ne sais pas si c'est très convaincant. Je comprends
que cela vous chagrine. Pour ma part, je vous indique les textes qui sont
aujourd'hui applicables.
Si nous mettons en oeuvre la mesure que vous préconisez, elle ne pourra être
optionnelle. En effet, elle sera obligatoire en vertu des textes qui régissent
l'ensemble du dispositif de protection sociale du code de la sécurité
sociale.
Je ne vous en fais pas grief. Je vous décris la réalité. Vous pouvez le
vérifier en vous reportant aux textes. En effet, la situation que j'expose, je
ne la crée pas pour la commodité du débat. Il ne peut y avoir de système
optionnel dès lors que s'appliquera un régime général touchant les chômeurs en
fin de droit justifiant de quarante annuités de cotisations diminuées du temps
passé en Afrique du Nord.
Cela ne veut pas dire que votre proposition de loi ne répond pas au souci de
prendre en considération la situation du monde des anciens combattants. Ne me
faites pas dire ce que je ne dis pas ! Le monde des anciens combattants mérite
effectivement l'attention que vous lui portez et que je lui porte, et donc que
nous lui portons ensemble.
Le financement des retraites complémentaires - puisqu'il s'agit, comme l'a dit
M. Fourcade, d'un système conventionnel, l'Etat fera des recommandations -
représenterait quelque 4 milliards de francs. Ce n'est pas anodin. De plus, le
budget de l'Etat devrait apporter une compensation si la recommandation n'était
pas suivie d'effet.
Cela étant, je ne suis pas insensible à certain des arguments qui ont été
développés cet après-midi. Les grands esprits se rencontrent dans certaines
situations, dit-on. Vous avez travaillé de votre côté ; j'ai travaillé du mien
sur les mêmes sujets. Nous partageons en effet les mêmes préoccupations.
Je travaille actuellement sur deux dispositifs.
Le premier vise à rendre l'ARPE obligatoire au bénéfice des anciens
combattants. Il s'agit non pas d'une recommandation, mais de quelque chose de
tangible. En effet, avec le dispositif de l'ARPE, il existe une contrepartie en
emploi direct, puisque quand l'emploi est libéré par la personne concernée
l'entreprise doit engager un jeune. Or, c'est bien l'axe central de toutes nos
préoccupations actuelles, à savoir un mécanisme obligatoire pour faciliter
l'emploi.
M. Marcel-Pierre Cléach.
Pas pour les chômeurs !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Le second dispositif sur lequel je travaille, c'est le
sas de six mois avant de bénéficier de l'APR. A travers le débat relatif à
cette proposition de loi, vous allez sans doute m'aider les uns et les autres à
progresser sur ce sujet, et je vous en remercie.
Le sas de six mois est effectivement une complexité administrative. Je
réfléchis donc également à sa suppression afin d'améliorer un certain nombre de
situations ; j'ai bon espoir d'y parvenir.
Cela étant, s'agissant de l'objectif du dispositif proposé, je ne peux pas
laisser voter un texte de loi avec les incertitudes, notamment financières, que
je me suis efforcé de décrire. Je sens, bien évidemment, que vous allez me
reprocher cela, même si je vous ai assuré que nous allions travailler ensemble
sur les deux points que j'ai évoqués, à savoir l'ARPE et la suppression du sas
de six mois.
M. Guy Fischer,
rapporteur.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le secrétaire
d'Etat ?
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie, monsieur le rapporteur.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de M. le secrétaire
d'Etat.
M. Guy Fischer,
rapporteur.
Je vous ai écouté très attentivement. Certes, vous invoquez
une série d'arguments qui peuvent être fondés, vos conseillers techniques ayant
peut-être une approche du texte différente de la nôtre.
Cela étant dit, je voudrais souligner un point.
Les études auxquelles j'ai procédé au cours des dernières semaines - j'ai dans
mon dossier toutes les propositions de loi qui ont été présentées dans cette
enceinte sur les problèmes spécifiques des anciens combattants chômeurs ou à la
retraite anticipée - montrent que, dans la période récente, tous les groupes -
et à un certain moment, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez été membre de
l'un d'entre eux, notamment lors de la discussion d'une proposition de loi
déposée en 1995 - ont étudié en détail le moyen d'améliorer la situation des
anciens combattants chômeurs justifiant de quarante annuités de cotisations.
Je retiens de ce débat la volonté unanime, même si, en commission, elle a été
exprimée, d'une manière différente par le groupe socialiste - d'entendre
l'appel lancé par le Front uni, par toutes les organisations et par l'ensemble
des parlementaires.
Nous souhaitons contribuer, par les débats parlementaires, à faire en sorte
que, à l'occasion du projet de loi de finances pour 1999, des pas
supplémentaires soient faits. Tel était le sens de cette proposition de loi
présentée par M. Pagès et moi-même, et par les collègues de notre groupe.
M. Philippe François.
Nous allons la voter !
M. Guy Fischer,
rapporteur.
Nous voulons que ce message soit entendu. Je ne doute pas
qu'il le sera.
M. Alain Vasselle.
Vive la majorité plurielle !
M. Hilaire Flandre.
On va voter !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
M. le rapporteur a compris quelle serait ma
conclusion, vous aussi d'ailleurs.
(Sourires.)
M. Philippe François.
Beau numéro de natation !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Ne vous faites pas de souci !
Vous le savez, je partage les préoccupations générales de la représentation
nationale sur le dossier des anciens combattants. Depuis un an, je me suis
efforcé de travailler dans la loyauté et la clarté, et j'ai dialogué, autant
que possible, avec les représentants des anciens combattants.
Comme je le répète fréquemment : je dis souvent non et rarement oui. Mais
c'est un devoir de correction vis-à-vis du monde des anciens combattants que
d'exprimer les choses comme je les ressens et je les vois, de dire ce qui est
possible et ce qui ne l'est pas, d'assumer cette situation, et donc d'accepter
d'être critiqué. C'est cela la démocratie.
Je peux tout de même témoigner de la volonté d'avancer à petits pas sur un
certain nombre de dossiers.
S'agissant de la retraite anticipée, j'ai signé, je le répète, des
propositions de loi qui n'ont jamais été examinées. Désormais, certaines
propositions de loi peuvent au moins être discutées grâce au dispositif des «
niches législatives ». Cela a permis, cet après-midi, d'évoquer une question
très ancienne, qui n'a été résolue par personne, pas même par la majorité
sénatoriale au cours des dernières années, pas plus que par des majorités plus
anciennes.
Il est vrai que, au fil des ans, compte tenu de l'âge des bénéficiaires
potentiels, la question...
M. Robert Pagès.
Sera réglée !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
... se pose en termes très différents. Cependant la
France et la majorité nationale s'efforcent d'apporter des réponses plus en
termes de solidarité que de droit à réparation au sens strict. En effet, c'est
la période qui le veut. Depuis un certain nombre d'années, la situation
économique et sociale est difficile, comme le montre le nombre de chômeurs. Au
cours des dernières années, les victimes du chômage ont en effet été
principalement les femmes et les hommes de plus de cinquante ans, appartenant à
la génération directe d'anciens combattants d'Afrique du Nord. Désormais, le
chômage concerne, dans de fortes proportions, les jeunes. C'est vers eux que
nous devons diriger le maximum de nos efforts en termes d'emploi.
Le dispositif de l'ARPE sur lequel je travaille est intéressant. En effet,
pour un départ à la retraite avant l'âge de soixante ans, il y a création d'un
emploi pour un jeune. C'est un dispositif qui, selon moi, doit être mis en
oeuvre au regard des préoccupations de la commission des affaires sociales du
Sénat.
Par ailleurs, il convient d'aménager le sas de six mois, de façon que, si la
moindre ambiguïté subsistait, le monde des anciens combattants ne perçoive pas
ces mesures comme négatives. Des termes un peu durs ont été employés, notamment
le mot « aumône ». Il n'a jamais été dans l'esprit de la France de traiter ses
anciens combattants avec indifférence ou simplement de leur faire la charité.
Il ne s'agit pas de cela. Le droit à réparation existe, et il s'éteindra avec
la disparition du dernier ancien combattant vivant sur le territoire
français.
Aujourd'hui, dans une période particulièrement difficile, le Gouvernement
cherche à mettre en oeuvre des systèmes de solidarité pour que personne - pas
plus les anciens combattants que les autres - ne reste au bord du chemin. Tel a
été l'objet de la disposition prévoyant un montant garanti de 5 600 francs. Le
Gouvernement a ainsi voulu prendre en considération la situation des anciens
combattants d'Afrique du Nord, réintégrer cette page d'histoire dans notre
histoire, traiter avec le même respect, la même reconnaissance la génération
d'Afrique du Nord et les autres générations, utiliser le mot : « guerre » pour
qualifier ce qui s'est passé en Algérie, prendre des mesures notamment sur la
délivrance de la carte d'ancien combattant en tenant compte des dix-huit mois
de présence, et créer un mémorial national pour témoigner de ce devoir de
mémoire à l'endroit de cette génération d'anciens combattants. Cependant,...
Cela ne règle pas tout, c'est évident. Mais soyez persuadés, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement a bien
l'intention de continuer dans cette voie.
M. Robert Pagès.
Cependant !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
... et pour clore le débat que nous avons engagé
depuis maintenant un peu plus de deux heures, compte tenu des incertitudes que
j'ai énoncées et des risques réels sur les situations actuelles - si les
montants versés ne sont pas mirobolants, ils sont cependant supérieurs à la
moyenne de la retraite de la sécurité sociale - risques auxquels je vais
m'efforcer de vous sensibiliser dès demain à partir des analyses juridiques
élaborées par le département ministériel des anciens combattants sur cette
impossibilité de l'option, dès lors que la disposition doit s'appliquer à
l'intégralité des situations visées - anciens combattants chômeurs en fin de
droit justifiant de quarante annuités de cotisations diminuées du temps passé
en Afrique du Nord - dans la mesure où la disposition serait préjudiciable à un
nombre plus important de personnes que le nombre des anciens combattants dont
vous voulez améliorer le sort, j'invoque l'article 40 de la Constitution sur
cette proposition de loi.
M. Alain Vasselle.
Ce n'était pas la peine d'en dire autant !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
C'est toujours la peine...
M. le président.
N'entamez pas un débat, s'il vous plaît !
Monsieur Clouet, la commission des finances estime-t-elle applicable l'article
40 de la Constitution ?
M. Jean Clouet,
au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire
d'Etat, je fais partie de celles et de ceux qui se réjouissaient de voter...
M. le président.
Pas de débat, mon cher collègue !
M. Jean Clouet,
au nom de la commission des finances.
Je vais répondre, monsieur le
président !
M. le président.
Répondez-moi par oui ou par non ! Le règlement est formel, il ne peut y avoir
de débat sur ce point !
M. Jean Clouet,
au nom de la commission des finances.
Eh bien, à mon grand regret
(Sourires)
je réponds : oui.
M. le président.
L'article 40 de la Constitution étant applicable, la proposition de loi n'est
pas recevable.
Mes chers collègues, avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons
interrompre nos travaux pendant dix minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf
heures.)
M. le président. La séance est reprise.
5
NATURA 2000
Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 503,
1997-1998) de M. Jean-François Le Grand, fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan, sur la proposition de loi (n° 194, 1997-1998)
de M. Jean-François Le Grand, Mme Janine Bardou, MM. Michel Doublet, Michel
Souplet et Louis Minetti, relative à la mise en oeuvre du réseau écologique
européen dénommé Natura 2000.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition
de loi est relative à la mise en oeuvre de la directive européenne 92/43, dite
« directive Habitats naturels » mais plus communément dénommée « Natura 2000
».
Compte tenu de l'heure avancée, je me contenterai, si vous me le permettez,
madame la ministre, mes chers collègues, de vous renvoyer - dans la mesure où
vous n'en auriez pas déjà pris connaissance - au rapport n° 309 que j'avais
présenté en 1997 devant la commission des affaires économiques du Sénat,
intitulé
Natura 2000 : de la difficulté de mettre en oeuvre une directive
européenne.
Ce rapport, adopté à l'unanimité, avait été élaboré par un
groupe de travail réunissant notamment les auteurs de la proposition de loi que
nous examinons aujourd'hui.
La directive fixe des objectifs, laissant, en vertu du principe de
subsidiarité, le soin aux différents Etats membres, en application des articles
130 R du traité de Rome et 3 B du traité de Maastricht, de mettre en oeuvre ces
objectifs.
Compte tenu du caractère international des migrations et des mouvements de
populations d'oiseaux, d'animaux - mais il peut aussi en être de même pour la
flore - il est évident que la directive a naturellement un caractère européen.
C'est donc à ce niveau que peuvent être fixés les objectifs, les moyens
nécessaires pour atteindre ces objectifs étant laissés à la discrétion des
Etats.
J'avais alerté votre prédécesseur, madame la ministre, sur la nécessité dans
laquelle nous étions de nous doter de textes législatifs pour encadrer cette
procédure. Aucun texte ne nous a cependant été proposé, votre prédécesseur nous
ayant annoncé qu'elle travaillerait par décrets.
Ne voyant rien venir, mes collègues et moi-même avons alors décidé de déposer
cette proposition de loi afin de remplir ce vide juridique, qui n'est
actuellement comblé que par le mémorandum interprétatif français et par les
circulaires que vos prédécesseurs et vous-même avez émises sur le sujet. C'est
« un peut court » pour répondre à la question posée, et cela permet à nombre
d'interprétations de se faire jour et à certains courants de pensée - plus ou
moins animés de bonnes intentions - de développer alors des discours
contradictoires sur le sujet.
J'insiste donc sur ce point, madame la ministre, il s'agit, dans notre esprit,
d'accompagner et de faciliter la mise en oeuvre de la directive et de faire en
sorte que l'on évite des divergences d'interprétation.
Je considère - j'aurais d'ailleurs pu commencer par là - que la directive
Habitats-Naturels constitue une heureuse initiative. En effet, elle vient
compléter la directive 79/409/CEE, dite « directive Oiseaux ». Si l'on veut
protéger les espèces, il faut aussi protéger les habitats, et la Commission
européenne a donc remédié à cette lacune avec la directive 92/43/CEE.
Le décor étant ainsi planté, permettez-moi de vous renvoyer pour plus de
détails à la lecture du rapport que j'ai eu l'honneur de présenter en 1997, ce
dernier faisant apparaître les contraintes et obligations auxquelles devrait
répondre un texte d'application français.
La première de ces obligations est la concertation, j'y reviendrai lors de la
discussion des articles.
La deuxième est l'établissement de documents d'objectifs. A quoi servent-ils,
quels sont-ils, comment peuvent-ils être mis en oeuvre ? Nous y reviendrons, là
aussi, lors de la discussion des articles.
Quant à la troisième obligation, elle figure dans l'article 8, paragraphe 3,
de la directive : des cofinancements doivent être prévus pour sa mise en
oeuvre. Ces cofinancements ne sont pas particulièrement précisés, mais, si l'on
fait référence aux actions qui ont déjà été menées depuis longtemps, notamment
aux mesures agri-environnementales, on imagine très bien qu'il peut s'agir de
l'indemnisation des propriétaires ou des collectivités qui seraient pénalisées
du fait de l'application de la directive, ou de l'accompagnement des mesures
contractuelles du type de celles qui ont été prises en matière
agri-environnementales et qui se sont successivement appelées « article 19 »,
puis « article 21 ».
Pour ma part, en tout cas, je préfère la contractualisation à l'indemnisation
: l'intérêt général y trouve mieux son compte.
Tel est, madame la ministre, mes chers collègues, très brièvement rappelé le
contexte dans lequel s'inscrit cette proposition de loi. J'étais certes tenté,
au début de mon propos, d'en dire beaucoup plus à l'intention des lecteurs du
Journal officiel,
mais j'ose espérer que ceux qui s'interrogeraient sur
certains exposés des motifs voudront bien se référer aux trente premières pages
de mon rapport de 1997, qui sont suffisamment explicites à cet égard sans qu'il
soit besoin d'y revenir ici.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a fait l'objet d'un débat
très approfondi avec l'ensemble des personnes concernées, qui avaient
d'ailleurs été déjà auditionnées par le groupe de travail sur Natura 2000. Il
s'agit donc non pas d'un texte
intuitu personae,
mais du fruit d'une
réflexion approfondie.
Ce texte comporte trois axes.
Premièrement, compte tenu des délais écoulés et du déroulement de la procédure
de désignation des sites reprise par le précédent gouvernement en février 1997
- et confirmée sur de nouvelles bases par vous-même, madame la ministre - il
est apparu que l'échelon départemental constituait le bon niveau pour organiser
la concertation avec les collectivités territoriales et les acteurs économiques
locaux.
Un débat a eu lieu au sein de la commission des affaires économiques pour
déterminer s'il convenait d'instaurer un comité départemental ou un comité
régional. Selon qu'ils étaient départementalistes ou régionalistes, vous
imaginez les arguments qui pouvaient être avancés par les uns et par les autres
! Quoi qu'il en soit, l'essentiel est que le niveau retenu soit pertinent et
que la concertation ait lieu le plus près possible du terrain.
C'est sans doute la raison pour laquelle la commission des affaires
économiques a retenu le niveau départemental - alors que j'avais moi-même
proposé le niveau régional - tout en associant les élus régionaux aux
décisions. C'est une disposition que nous n'avons d'ailleurs pas inventée :
nous n'avons fait qu'emprunter le dispositif de la commission départementale de
coopération intercommunale. Il y aura donc, au sein de ce comité départemental,
des élus régionaux, dans des conditions dont nous débattrons tout à l'heure
lorsque nous aborderons l'examen des articles.
Seront également mis en place, bien sûr, des comités locaux de désignation des
sites et de suivi. Un tel dispositif ne peut en effet fonctionner sans
concertation. Il faut toujours préférer, madame la ministre, le contrat à la
contrainte. Si l'on explique les choses, on a de grandes chances qu'elles
soient comprises, au sens latin du terme :
cum prehendere,
c'est prendre
avec, c'est assimiler.
Certes, cela peut prendre du temps et je comprends que vous craigniez qu'il
puisse y avoir, par moment, des dérapages dans la concertation. Il faut
cependant en assumer le risque, car il est nécessaire.
Le deuxième axe de cette proposition de loi - encore une fois, je passe très
vite, mais je reviendrai tout à l'heure, lors de la discussion des articles,
sur les points importants - concerne les documents d'objectifs.
Nous prévoyons une procédure d'élaboration de ces documents pour les sites
inscrits sur la liste des propositions nationales. L'article 4 de la
proposition de loi prévoit ainsi la constitution d'un comité de pilotage local
propre à chaque site, tandis que l'article 5 précise que ce comité élabore le
document d'objectifs propre à chaque site, et que l'article 6 précise le
contenu de ce document.
Enfin, j'en arrive au troisième axe de cette proposition de loi, qui vise à
garantir les droits des propriétaires et des gestionnaires des sites proposés
en vue de leur intégration dans le réseau écologique européen.
Vous le savez, les mesures agri-environnementales qui ont été prises jusqu'ici
avaient pour objet non pas de verser une prime à ceux dont on aurait attendu
une attitude différente, mais de compenser un manque à gagner. A partir du
moment où ce manque à gagner se traduit par un « plus » pour l'ensemble de la
société, il est logique que la collectivité fasse elle-même jouer la solidarité
!
Il y aura donc soit compensation financière, soit contractualisation : la
porte est grande ouverte à ce type d'opération.
En 1993, alors que j'étais chargé d'élaborer un rapport sur la protection de
l'environnement rural pour le compte du Premier ministre de l'époque, j'avais
moi-même proposé l'instauration de mesures de défiscalisation lorsqu'il y avait
action en faveur de l'environnement. Il est en effet plus intéressant de
défiscaliser que de payer : l'acte est moins gênant pour les finances publiques
et, en même temps, il préserve l'intérêt général puisqu'il permet à la fois de
satisfaire un besoin collectif tout en demeurant efficace pour les
propriétaires privés ou les collectivités qui s'engageraient dans cette
voie.
Je me permets de rappeler que ce n'est pas une innovation, même si, par
ailleurs, le ministère de l'économie et des finances s'y oppose
systématiquement. N'y a-t-il pas eu, ainsi, de telles mesures de
défiscalisation pour les oeuvres d'art, par exemple ? Pourquoi l'environnement
ne bénéficierait-il pas lui aussi d'un tel dispositif ?
L'article 10 prévoit donc de telles mesures, mais sachez, madame la ministre,
que, dans la mesure où il n'y aurait pas d'engagement de la part du
Gouvernement sur une indemnisation ou sur une contractualisation, cela
provoquerait alors à coup sûr des difficultés dans la mise en oeuvre de la
directive.
Voilà, madame la ministre, ce que je voulais dire en quelques mots sur un
dispositif qui nous a paru intéressant. Nous n'abordons pas ce débat dans un
esprit conflictuel, et cette proposition de loi a été élaborée - je parle sous
le contrôle de ses co-auteurs, notamment de Mme Bardou, qui s'exprimera dans un
instant - avec la seule volonté de faire avancer ce dossier dans le bon sens,
avec bon sens. Il y a en tout cas une ardente et urgente nécessité à mettre bon
ordre dans ce flou juridique, l'inexistence d'un texte pouvant susciter des
interprétations abusives qui iraient, c'est sûr, à l'encontre de l'intérêt
général.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la procédure
de mise en place des dispositions de la directive Natura 2000 pose, à mon avis,
deux problèmes : une absence de concertation véritable, d'une part, une absence
de réflexion sur le devenir des sites proposés, d'autre part.
S'agissant de l'absence de concertation véritable, tout d'abord, l'article 2
du décret du 5 mai 1995 prévoit la mise en place, par le préfet de région,
d'une conférence Natura 2000. Or, cette conférence n'est qu'informée et non
consultée, et ce à deux étapes de la procédure de définition des sites : une
fois que le préfet de région a établi sa liste après proposition du conseil
scientifique régional du patrimoine naturel, le CSRPN, et après l'harmonisation
des listes régionales par le ministère de l'environnement.
De plus, outre le fait que ces conférences ne sont qu'informées, et donc sans
véritable pouvoir, elles n'ont jamais très bien fonctionné, faute, entre
autres, d'avoir été fréquentées par tous ceux qui devraient en être membres.
L'information des différents acteurs du monde rural s'est donc faite très mal
et très tardivement.
Par ailleurs, l'article 6 du décret du 5 mai 1995 prévoit la consultation des
maires concernés une fois la liste élaborée au niveau national, donc tout à la
fin de la procédure.
Cette absence de concertation, ou du moins cette concertation limitée à
l'information, a engendré un grand nombre d'incompréhensions réciproques et de
malentendus qui ont conduit à un blocage de la mise en oeuvre de la
directive.
Au-delà de la concertation, il semble qu'il y ait également une absence de
réflexion sur le devenir des sites proposés.
De fait, la concertation, quand elle a eu lieu, n'a porté que sur la
délimitation des sites et sur leur intérêt au regard des critères de la
directive ; elle ne s'est pas accompagnée d'un véritable travail de réflexion
sur les modes de gestion qui pourraient être appliqués dans les futurs sites du
réseau. Or, l'originalité de la directive est qu'elle propose de concilier le
maintien de la biodiversité et les exigences économiques, sociales, culturelles
et régionales.
Cette question de multi-usage n'a, en outre, pas été abordée, alors qu'elle
relève pourtant exclusivement de la compétence des Etats, la Commission
européenne se contentant d'apporter les cofinancements nécessaires en fonction
des besoins de chaque Etat. La liberté est donc totale en ce domaine.
La proposition de loi présentée par la commission des affaires économiques et
du Plan vise donc à agir sur ces deux leviers à la fois : la concertation et la
gestion des sites.
La concertation, tout d'abord, passe par un renforcement à trois niveaux.
Premièrement, au niveau de l'identification des sites : après l'inventaire du
CSRPN, il est proposé d'instaurer, en remplacement du seul préfet, un conseil
départemental du patrimoine naturel composé en majorité d'élus et présidé par
le préfet. Il sera chargé d'identifier, de façon scientifique et technique, les
périmètres des sites proposés.
Ensuite, au niveau de la définition des parcelles cadastrales et des
orientations de la gestion des sites : une fois la liste déterminée par le
ministère, il est proposé de créer, toujours en remplacement du seul préfet, un
comité de pilotage local associant l'ensemble des acteurs locaux et chargé des
deux missions précédemment évoquées. Là encore, l'ensemble des acteurs locaux
sont associés à la prise de décision.
Enfin, au troisième et dernier niveau : le projet de document d'objectifs est
transmis pour avis non plus au seul maire mais à l'ensemble du conseil
municipal. La consultation est donc élargie.
Quant à la gestion des sites, il est prévu, dans la proposition de loi, que
les comités locaux de pilotage élaborent des « documents d'objectifs » ayant
pour fonction de définir les orientations et les modalités de gestion des sites
sur un mode contractuel, c'est-à-dire en laissant une grande liberté aux
acteurs locaux pour négocier et signer les contrats de gestion.
En outre, le volet financier est évoqué puisqu'il est prévu d'indemniser les
propriétaires susceptibles de subir un préjudice direct, naturel et certain en
raison des contraintes qu'impose la préservation du milieu naturel.
Cette proposition de loi équilibrée vise donc à clarifier la procédure afin de
ne laisser personne de côté et de permettre une confrontation pacifiée des
différents intérêts en présence.
C'est pourquoi mon groupe votera sans réserve cette proposition de loi, qui
devrait permettre d'encadrer, dans notre pays, l'application dans les campagnes
de la directive Natura 2000, en tenant compte des exigences économiques,
sociales, culturelles et régionales. Il s'agit non pas de bloquer Natura 2000,
mais, bien au contraire, de lui permettre un développement harmonieux qui
tienne compte de tous les acteurs en présence.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis
plusieurs années déjà, le réseau écologique européen dénommé Natura 2000 a
soulevé de nombreuses interrogations. En effet, ce texte, sans vouloir heurter
personne, n'a pas été très bien engagé et, par voie de conséquence, il a
souvent été mal compris.
Rappelons d'abord, en préambule, que l'objectif de l'opération Natura 2000 est
la préservation d'habitats naturels considérés comme remarquables et la
préservation d'espèces - faune et flore sauvages - tout en tenant compte des
exigences économiques, sociales, culturelles et régionales.
Ainsi, dans un premier temps, cette directive européenne a soulevé de très
grandes inquiétudes, car tous les acteurs socio-économiques l'ont ressentie
comme une source de contraintes supplémentaires et comme un obstacle à un juste
développement économique de ces régions, au profit d'espaces naturels
sanctuarisés.
Depuis, il a été sans doute répondu à certaines préoccupations, mais il n'en
demeure pas moins que Natura 2000 imposera des obligations qui devront être
compensées.
Des concertations engagées dans certains départements, il ressort - je peux en
porter témoignage - qu'il n'y a pas d'opposition systématique à Natura 2000. Il
apparaît cependant que la plupart des questions posées concernent le régime des
compensations, pour lesquelles l'ensemble des intervenants souhaiteraient des
réponses précises.
Apparaît également, avec beaucoup d'acuité, le souci que cette évolution vers
la mise en oeuvre de cette directive se fasse avec et non pas contre les
acteurs du monde rural.
C'est ce qui a motivé la proposition de loi présentée aujourd'hui, qui vise à
mettre en place une procédure où chacun pourra s'exprimer et qui affirme la
volonté d'associer toutes les instances concernées.
Je tiens d'ailleurs, ici, à remercier M. Jean-François Le Grand pour le
travail accompli, dont nous pouvons juger de la grande qualité à travers le
rapport justement intitulé :
Natura 2000 : de la faculté de mettre en oeuvre
une directive européenne.
Pour ce qui est de la concertation, le niveau d'organisation doit être bien
défini. En effet, trop souvent éloignée des citoyens concernés, la concertation
est inefficace et crée des frustrations, sources de conflits.
Le fait d'avoir choisi, dans l'article 2, le département comme échelon de
cette concertation est, à mon avis, un choix judicieux et pertinent ;
suffisamment proche de la population, ce niveau permet une bonne vision globale
des enjeux.
Cette préoccupation rejoint une demande des élus, exprimée de longue date,
d'un dialogue direct entre scientifiques et gestionnaires. Cela conforte le
droit des élus de décider en dernier ressort, même si, compte tenu de
l'avancement des projets, leur influence sera limitée. Ils auront la
possibilité de participer à la validation des documents d'objectifs. Cela
contribuera à la qualité de la négociation.
Je rappelle que la plupart des intervenants soulignent également avec force
que le réseau Natura 2000 ne doit pas être fondé sur une éthique préconisant la
France du vide et qu'ils seraient opposés à une procédure réglementaire
supplémentaire.
La plupart des partenaires acteurs du monde rural, y compris les agriculteurs,
souhaitent qu'au travers des documents d'objectifs contractuels puissent être
préservés certains habitats remarquables, tout en préservant les activités
actuelles, notamment agricoles, qui ont elles-mêmes contribué - faut-il le
rappeler ? - à maintenir ces habitats.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
Mme Janine Bardou.
Sans entretien par l'homme, la nature a en effet tendance à se dégrader et à
évoluer vers le boisement et l'embroussaillement, d'où un appauvrissement de la
faune et de la flore qu'elle abrite.
Le secret de la réussite d'une opération réside donc essentiellement dans la
concertation, comme l'ont souligné plusieurs orateurs. D'où l'intérêt que
celle-ci soit bien conduite et au plus près de la population.
Partout où les hommes se sont rencontrés pour travailler ensemble, le résultat
a été positif. C'est donc tous ensemble et de façon citoyenne qu'il faut
réfléchir à cette nouvelle vocation d'intérêt collectif de l'environnement,
mais aussi de l'agriculture, qu'est la gestion de l'espace, laquelle ne peut se
faire s'il y a trop d'obligations sans contrepartie financière.
Il va sans dire que, si l'on imposait des contraintes de production sans
compensation financière, cela se traduirait par une baisse du revenu des
agriculteurs et une cessation d'activité de ceux-ci, si bien que le résultat
serait contraire aux objectifs visés.
C'est pourquoi l'idée de distinguer l'indemnisation de la rémunération me
semble opportune. Inscrit dans la loi, ce principe représente une garantie
forte pour les propriétaires.
Cette directive européenne va, dans un deuxième temps, faire l'objet d'un
projet de loi pour être transcrite dans le droit français. A ce stade de la
mise en oeuvre de Natura 2000, il devra être tenu le plus grand compte du
résultat des consultations qui ont lieu à l'heure actuelle, seul garant d'un
aboutissement positif.
Le projet de loi que prépare le Gouvernement et la proposition que nous
discutons aujourd'hui sont complémentaires. Le projet de loi porte sur la
définition juridique du réseau Natura 2000 et sur le principe d'une gestion de
droit commun contractualisée sur chaque site.
Il convient donc que le Gouvernement, notamment sur les aspects financiers, et
tout particulièrement sur les conditions relatives aux activités tolérées sur
les sites, tienne compte des principes actés par le mémorandum de la Commission
de janvier 1997 et aussi de notre proposition de loi.
Une telle démarche montrera, madame la ministre, la réelle volonté que vous
avez de mener ce projet dans la concertation.
En effet, si les acteurs du monde rural n'ont nullement le souhait d'entraver
l'application de Natura 2000 et espèrent même, si possible, en être des
partenaires actifs, il faut absolument, madame la ministre, que le Gouvernement
prenne des engagements précis et nous assure de les respecter, tant au niveau
des nombreuses observations faites en cours de concertation qu'au niveau des
attentes émises par les acteurs de terrain.
C'est à ce prix que nous réussirons cette démarche nécessaire, nous en
convenons tous, à la préservation de la qualité de notre patrimoine naturel.
Le groupe des Républicains et Indépendants, qui fait siennes les conclusions
de la commission telles qu'elles ont été présentées par M. le rapporteur,
votera ce texte.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union
centriste et du RPR.)
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, M. le
rapporteur vient de nous expliquer la genèse de cette proposition de loi. Je ne
la rappellerai donc pas. Pourtant, il me semble nécessaire de situer quelques
étapes.
En mars 1992 paraît la directive 92/93/CEE Habitats naturels dite Natura
2000.
De 1993 à avril 1997 paraissent trois circulaires et un décret, sous les
gouvernements présidés par MM. Balladur et Juppé. Ce décret, en particulier la
liste des 1 623 premiers sites identifiés, provoque de telles protestations de
la part des milieux socio-économiques que le Premier ministre Alain Juppé
décide de « geler » l'application de cette directive.
Mais le mal est fait. La suspicion s'installe partout. L'absence de
concertation est dénoncée par tous. Les élus locaux sont accablés de
réclamations. Des négociations discrètes sont reprises, mais trop tard !
L'incompréhension s'est installée, les oppositions se sont durcies contre ce
que l'on appelle maintenant les « sanctuaires de la nature ». La mise en oeuvre
difficile de la directive « oiseaux sauvages » vient interférer dans le débat
et renforce le climat anti-européen. La circulaire de Mme Lepage n'y peut rien,
mais on comprend mieux, dès lors, pourquoi la liste de sites arrêtés par le
gouvernement Juppé, en février 1997, n'a jamais été transmise à la Commission
européenne et pourquoi la commission des affaires économiques et du Plan avait
lancé, en juin 1996, une mission d'information sur l'application de cette
directive et adopté, en avril 1997, le rapport du groupe de travail.
Août 1997 - juin 1998 : ministre de l'environnement du gouvernement dirigé par
Lionel Jospin, Mme Voynet décide de relancer immédiatement la dynamique de
Natura 2000 avec un double souci, le pragmatisme et la concertation.
Pragmatisme d'abord. La ministre affirmait ici même, au Sénat, lors du débat
sur les crédits du ministère de l'environnement du 5 décembre 1997, qu'il était
« hors de question de mettre en place des sanctuaires de la nature » et prônait
une gestion au cas par cas avec une démarche contractuelle, conformément à la
directive. Dans le même temps, pour éviter que la France ne soit condamnée par
la Cour de justice européenne pour défaut de transmission, 543 sites,
recouvrant essentiellement des espaces déjà protégés, des forêts domaniales ou
des espaces volontaires, notamment ceux qui souhaitaient bénéficier d'un
financement Life en 1998 - étaient proposés à la Commission européenne.
Concertation, ensuite. Elle était élargie à des associations d'élus locaux -
qu'il s'agisse de l'Association des maires de France, de l'Association des élus
de la montagne, ou de l'Association des présidents de conseils généraux - et à
diverses autres associations encore. Les préfets étaient invités à y associer
étroitement les socioprofessionnels, les propriétaires, les gestionnaires, les
divers utilisateurs de la nature, conformément à la circulaire du 11 août
1997.
M. Alain Vasselle.
On n'a pas attendu 1998 pour lancer la concertation : elle avait commencé bien
avant !
M. Jacques Bellanger.
Trois groupes de travail étaient constitués au sein du Comité national de
suivi et de concertation.
Le premier traitait de la notion de « perturbation » - ce qui peut avoir des
conséquences sur l'activité cynégétique - et concluait que la chasse ne
constituait pas une activité perturbante ayant un effet significatif, car elle
n'entraînait pas un déclin durable ou la disparition de l'espèce concernée avec
quelques exceptions comme l'ours brun ou le phoque veau marin.
Le deuxième étudiait la notion de détérioration - ce qui peut avoir des
conséquences sur les activités agricoles.
Le troisième s'intéressait à l'évaluation de la gestion des sites.
Dans le même temps, la rédaction d'un guide méthodologique, destiné à
l'élaboration des documents d'objectifs propres à chaque site, s'achève et doit
faire l'objet d'une évaluation d'ensemble.
C'est à partir de ces cadres que les coûts pourront être mieux cernés. Je
crois d'ailleurs savoir, comme vous-même, monsieur le rapporteur, que des
mesures fiscales sont à l'étude sur ce point.
Ainsi, en l'espace d'une seule année, une importante mécanique de concertation
dans tous les domaines touchés par la directive Natura 2000 a été mise en
place, fonctionne et est susceptible de déboucher sur des accords contractuels
ou, à défaut, sur une méthodologie unanimement acceptée.
Monsieur le rapporteur, nous comprenons la démarche qui a conduit à
l'élaboration de votre proposition de loi. Elle reflétait l'inquiétude des élus
locaux et la révolte des acteurs du monde rural. Nous y retrouvons d'ailleurs
des options que nous partageons, par exemple la définition de périmètres de
sites en accord avec les parcelles cadastrales ou une juste représentation des
élus locaux dans les processus de décision. Elle manifeste aussi le désir du
pouvoir législatif d'intervenir là ou nous ne voyons que directives
européennes, circulaires et décrets, et nous partageons ce souci.
Mais nous nous interrogeons sur la date et la méthode. La date : pourquoi si
vite, pourquoi aujourd'hui alors qu'une concertation que nul ne peut nier et
qui répond à de nombreuses propositions de votre rapport est en cours et en
voie d'aboutir ? La méthode : pourquoi ne pas attendre les conclusions des
concertations en cours, les résultats des travaux engagés par les trois
commissions du Comité national de suivi et de concertation, la version
définitive du guide méthodologique ?
Monsieur le rapporteur, je ne doute pas un instant de votre attachement à la
notion du développement durable dans laquelle s'inscrit la directive Natura
2000, même s'il ne va pas jusqu'à la volonté de l'inscrire dans la loi.
Vous me permettrez d'être plus réservé sur l'opinion d'au moins une partie de
la majorité sénatoriale dont vous êtes membre et qui soutient la proposition de
loi que vous nous présentez aujourd'hui. La succession des échelons de
concertation et de décision, la multiplication des commissions à l'échelon
départemental, le choix du département s'agissant des compétences en matière
d'environnement : tout cela nous laisse un peu sceptique quant à l'efficacité.
Le mieux est quelquefois l'ennemi du bien.
J'ajoute donc à mon interrogation sur la date et la méthode un étonnement sur
la complexité de la mécanique de la proposition de loi présentée et qui
pourrait nous mener tout droit au blocage de la mise en oeuvre de la directive
Natura 2000.
Les erreurs de communication et de concertation des gouvernements précédents
ont abouti à un véritable climat de défiance envers les initiatives en matière
de protection de la nature de la Commission de Bruxelles. Au moment où la
ratification du traité d'Amsterdam devient un enjeu politique, nous craignons
que ce débat ne soit dévié de son véritable objectif ; il importe donc d'y
apporter réflexion et sagesse.
Enfin, nous avons, sur un point précis, une divergence profonde sur le niveau
de compétence apte à gérer la mise en oeuvre de la directive Natura 2000.
Cette directive indique : « considérant que le but principal de la présente
directive étant de favoriser le maintien de la biodiversité, tout en tenant
compte des exigences économiques, sociales, culturelles et régionales, elle
contribue à l'objectif général d'un développement durable ; que le maintien de
cette biodiversité peut, dans certains cas, requérir le maintien, voire
l'encouragement, d'activités humaines ; ». Puis : « considérant qu'il convient
d'encourager, dans les politiques d'aménagement du territoire et de
développement, la gestion des éléments du paysage qui revêtent une importance
majeure pour la faune et la flore sauvage ».
Il ne s'agit donc pas du tout de constituer un musée ou une « réserve
d'indiens », mais de préserver des habitats naturels qui, loin de nuire à
l'activité humaine et économique, peuvent contribuer à l'aménagement du
territoire et du développement. C'est d'ailleurs la conception que nous avons
du développement durable. Dans cette conception, nous nous rapprochons de
l'article L. 244-1 traitant des parcs naturels régionaux selon lequel : « les
parcs naturels régionaux concourent à la protection de l'environnement,
d'aménagement du territoire, de développement économique et social et
d'éducation et de formation du public.
Nous sommes donc bien dans le domaine de l'aménagement du territoire qui
relève du niveau régional et non pas départemental, comme il est indiqué dans
la proposition de loi. Nous présenterons donc un amendement sur ce point.
Comme vous, monsieur le rapporteur, nous souhaitons mettre fin aux inquiétudes
des élus locaux et du monde rural concertant l'application de la directive
Natura 2000. Mme la ministre, en rupture avec la politique des gouvernements
précédents, a mis en oeuvre une politique de concertation que nous
approuvons.
MM. Alain Vasselle et Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Mais non !
M. Jacques Bellanger.
Nous considérons donc comme une erreur de légiférer avant que cette très large
concertation ne soit achevée. En conséquence, nous nous abstiendrons lors du
vote de ce texte.
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a loin du
point de départ de la proposition de loi que nous examinons, telle qu'elle
s'élabore depuis plusieurs mois, maintenant, à la mise en oeuvre du réseau
Natura 2000.
En effet, la mise en place du réseau Natura 2000 qui devait, dès son origine,
participer à la réalisation des objectifs de la convention mondiale sur la
préservation de la diversité biologique adoptée au Sommet de la Terre de Rio en
1992 et ratifiée par notre pays a connu une relative infortune.
Paradoxalement, cette infortune allait à l'inverse de l'esprit du sommet de
Rio tant la nécessité de préserver la biodiversité semblait et semble partagée
par un très grand nombre de nos compatriotes, élus ou non.
De fait, la directive européenne Natura 2000 a pris, dans notre pays, beaucoup
de retard.
En 1997, la France était l'une des dernières nations à n'avoir pas adressé à
la Commission européenne des propositions de sites susceptibles d'être intégrés
au sein du réseau Natura 2000.
Vous avez, madame la ministre, relancé ce programme en août dernier. Cette
décision a permis de redynamiser la directive Natura 2000.
Ainsi, l'inventaire français a identifié 1 316 sites pouvant être labellisés
comme sites d'importance communautaire.
La question qui se pose aujourd'hui - la proposition de loi que nous examinons
en témoigne - est celle d'une mise en réseau cohérente.
S'agissant d'enjeux d'importance, une mise en oeuvre aussi démocratique que
partagée est nécessaire.
L'originalité du dispositif des zones spéciales de conservation prévues par le
réseau écologique européen est d'assurer la sauvegarde des éléments de la
diversité écologique, en cherchant à concilier les exigences écologiques des
habitats naturels et des espèces avec les activités économiques, sociales et
culturelles des populations.
Nous sommes attachés à une conception environnementale issue des postulats du
sommet de la terre qui s'oppose à toute notion de réserves sanctuarisées.
Comment, en effet, aujourd'hui, promouvoir la protection des milieux naturels,
de la faune et de la flore, sans la présence de l'homme ?
Plus encore, les paysages de notre pays, leur façonnage au fil des siècles -
cela est vrai pour l'ensemble de notre continent - résultent pour une part
essentielle de la présence de l'homme et des activités qu'il a pu mener sur
l'ensemble du territoire européen.
Pour autant, les réserves, voire les résistances provoquées par la directive
Natura 2000 illustrent le travail à accomplir encore pour convaincre de la
nécessité de mettre en place, à l'échelle de notre continent, un réseau au
service de la conservation et de la promotion de la biodiversité. Des efforts
de communication, d'information, voire de pédagogie, restent, de ce point de
vue, encore à faire.
La réussite du réseau Natura 2000 ne peut se concevoir sans la participation
de l'ensemble des acteurs environnementaux de notre pays.
Chacun, à son niveau, doit pouvoir prendre place dans une réflexion sur la
diversité biologique européenne. Cela ne doit pas être seulement une affaire de
spécialistes.
La proposition de loi qui est soumise à notre examen appelle quelques
commentaires de notre part.
Nous pensons, tout d'abord, que l'état de l'application de la directive Natura
2000 dans notre pays est fort différent aujourd'hui de ce qu'il était voilà
encore quelques mois, au moment de la rédaction du texte que nous examinons
aujourd'hui.
De plus, les travaux que vous menez, madame la ministre, justifient, selon
nous, que l'on patiente encore un peu quant aux mesures à prendre en matière
d'intégration dans notre droit national de la directive Natura 2000.
Ainsi, un programme expérimental soutenu financièrement par la Commission de
Bruxelles au titre du fonds Life est en cours sur 37 sites. Ce programme permet
d'examiner, en concertation avec les acteurs locaux et en grandeur réelle, les
approches, les méthodes et le contenu des futurs documents d'objectifs.
Nous pensons, pour notre part, préférable d'obtenir les résultats des travaux
en cours plutôt que d'adopter un texte dont nous ne sommes pas sûrs qu'il
parviendra à assurer une réelle prise en compte de la directive Natura 2000.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
Mme Odette Terrade.
Nous souhaiterions être informés plus amplement, madame la ministre, de l'état
d'avancement de ces travaux, qui devraient, selon les informations dont nous
disposons, aboutir à la rédaction d'un projet de loi dans la toute prochaine
période.
Pour en revenir à la proposition de loi qui nous occupe, je souhaiterais
conclure par deux remarques.
La première concerne le niveau proposé pour le Conseil du patrimoine naturel,
à savoir le niveau départemental ; celui-ci nous semble assez peu adapté pour
ce qui relève des mesures à prendre en matière environnementale. L'échelle
régionale nous semble plus appropriée.
Ma seconde remarque a trait à la procédure d'indemnisation prévue à l'article
10. Nous voyons, dans cet article, des risques de dérives dans l'indemnisation
des propriétaires concernés par le réseau Natura 2000. Nous sommes, quant à
nous, davantage favorables à une indemnisation « positive » qui serait
effective dès lors qu'un certain nombre de mesures seraient prises par les
propriétaires ou par les titulaires de droits réels pour se conformer à
l'esprit de la directive Natura 2000.
Compte tenu de ces éléments et des réponses que vous nous apporterez, madame
la ministre, notre groupe n'accordera pas ses suffrages au texte qui nous est
proposé, jugeant préférable d'attendre que soient arrivés à leur terme les
travaux conduits au sein des 37 sites expérimentaux.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la
transposition dans le droit français de la directive 92/43/CEE est une
nécessité. C'est pourquoi je remercie M. Le Grand de s'être préoccupé de cette
question à la suite de son rapport d'information sur la mise en oeuvre du
réseau national Natura 2000. Je le remercie de son souci de rendre pérenne le
dispositif de concertation mis en place par le Gouvernement.
En arrivant au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement,
en juin 1997, j'ai trouvé une situation bloquée. La mise en oeuvre du réseau
Natura 2000, prise en application de la directive Habitats naturels, était en
panne.
Quand on veut être compris, il faut expliquer, avez-vous dit, monsieur le
rapporteur. Vous en conviendrez avec moi, on avait bien peu expliqué, bien peu
cherché à convaincre, bien peu tenté de clarifier les situations confuses
décrites par M. Bellanger.
Il est difficile, monsieur Grignon, de mener en un an une concertation qui
aurait pu et dû être menée pendant deux ou trois ans.
La France avait près deux ans de retard par rapport au calendrier de
transmission des propositions de sites sur lequel elle s'était engagée en 1992.
Le gel décidé par le gouvernement précédent et les rares réunions de ce qu'il
fut convenu d'appeler le « groupe des Neuf », où les élus n'étaient pas
présents, ne peuvent guère être qualifiés de concertations efficaces.
Pendant que les autres pays de l'Union européenne avançaient, la France
faisait du surplace. Elle restait, avec le grand-duché du Luxembourg, le seul
pays à ne pas avoir encore adressé à la Commission européenne une liste de
propositions de sites Natura 2000.
Ce retard se traduisait par une perte de près de 50 millions de francs, de
crédits européens destinés à abonder des programmes de gestion de notre
patrimoine naturel. Pour 1997, la France aurait pu recevoir, au vu des
programmes présentés, environ 12 % du fonds LIFE-Nature. Elle n'en a obtenu que
3,7 %, soit 11 millions de francs, par suite du gel de la procédure Natura 2000
imposé par M. Juppé.
En termes d'emplois, et surtout d'emplois-jeunes, cette perte correspondait à
la suppression de postes de personnels devant travailler sur des programmes de
gestion de sites naturels, notamment de sites proposés pour Natura 2000.
Ce retard se traduisait également par un avis motivé de la Commission
européenne adressé à la France pour non-transmission de la liste de sites
susceptibles de figurer dans le réseau européen Natura 2000. Cet avis s'est
transformé depuis en saisine de la Cour de justice des Communautés
européennes.
Comme l'avait déclaré, à propos de Natura 2000, M. Lionel Jospin, lors de la
campagne pour les élections législatives, il ne fallait pas faire de la France
« la lanterne rouge de la mise en oeuvre des programmes communautaires ».
En effet, compte tenu de son exceptionnelle diversité biologique, notre pays a
une responsabilité particulière dans la constitution du réseau Natura 2000. La
France est située au carrefour de quatre grandes zones biogéographiques
européennes : atlantique, continentale, méditerranéenne et alpine. Elle abrite
sur son territoire plus de 77 % des types d'habitats naturels recensés dans la
directive Habitats naturels, 22 % des espèces végétales et animales et 81 % des
espèces d'oiseaux européens les plus menacées.
C'est pourquoi, dans un premier temps, j'ai rapidement relancé la concertation
au plan national puis au plan local.
Le Comité national de concertation et de suivi Natura 2000 a été ouvert à un
plus vaste ensemble de partenaires, notamment d'élus, qui étaient absents dans
sa formation antérieure, ainsi que de représentants d'exploitants et d'usagers
des milieux naturels. Cette mesure traduit la volonté du ministère de
l'aménagement du territoire et de l'environnement d'associer aux plans tant
local que national l'ensemble des acteurs du monde rural, comme Mme Bardou l'a
dit tout à l'heure.
Je vous rappelle que ce groupe de concertation, qui s'est réuni dès le 30
juillet 1997, rassemble des représentants des organisations
socioprofessionnelles, des associations d'élus, des associations d'usagers de
la nature et des institutions suivantes : l'Association des présidents de
conseils généraux, l'Association des maires de France, l'Association nationale
des élus de la montagne, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants
agricoles, le Centre national des jeunes agriculteurs, la Confédération
paysanne, la Fédération nationale de la propriété agricole, l'Assemblée
permanente des chambres d'agriculture, la Fédération nationale des syndicats de
propriétaires forestiers sylviculteurs, la Fédération nationale des communes
forestières, l'Association nationale des centres régionaux de la propriété
forestière, l'Union nationale des fédérations départementales de pêche et de
protection du milieu aquatique, l'Union nationale des fédérations
départementales des chasseurs, France Nature Environnement, Réserves naturelles
de France et Espaces naturels de France, la Fédération nationale des parcs
naturels régionaux, la Fédération française de la randonnée pédestre, l'Office
national des forêts et la direction de l'espace rural et forestier du ministère
de l'agriculture et de la pêche.
Constatant que la notion de « perturbation » figurant au paragraphe 2 de la
directive Habitats naturels posait un problème à certains gestionnaires et
utilisateurs des milieux naturels, notamment les chasseurs, j'ai proposé la
création d'un groupe de travail sur la question.
Ce groupe de travail a rendu ses conclusions en décembre 1997, qui ont été
avalisées par l'Union nationale des fédérations départementales des chasseurs.
On a ainsi pu constater que les rumeurs les plus folles, abondamment diffusées,
sur une contradiction entre Natura 2000 et la pratique de la chasse étaient
sans fondement.
A la demande des représentants des organisations agricoles et sylvicoles, deux
autres groupes de travail ont été mis en place ensuite, l'un sur le concept de
« détérioration », également évoqué dans l'article 6, paragraphe 2, de la
directive Habitats naturels, l'autre sur les coûts de gestion.
Parallèlement, la procédure était relancée au niveau local, au travers de
comités départementaux de suivi Natura 2000, d'une composition similaire à
celle du groupe national.
Les préfets des départements de montagne étaient invités à transmettre, avant
le mois d'octobre, une première liste de propositions de sites du domaine
biogéographique alpin pour que la France puisse participer à la réunion de mise
en cohérence européenne organisée les 20 et 21 octobre 1997 à Salzbourg. La
confrontation de nos premiers envois avec ceux des autres pays a montré que
nous avions encore d'importants efforts à faire.
A titre indicatif, les propositions françaises intéressaient moins de 10 % du
territoire de la région biogéographique alpine française, alors que l'Autriche
avait transmis des propositions concernant 12,5 % de son territoire, l'Italie
20 %, l'Espagne 34,7 % et la Suède 35 %.
Avec quelques grincements liés à la rouille de longs mois d'inactivité, la
mécanique Natura 2000 s'est donc remise en marche dans un climat franc, direct
et propice à des échanges constructifs.
Nous avons certes vécu quelques semaines difficiles dans un contexte électoral
que vous imaginez aisément. Depuis, le dialogue a repris et M. Le Grand
souhaite d'ailleurs un dialogue sans dérapage.
Agriculteurs, chasseurs, propriétaires forestiers, pêcheurs, chacun a compris
qu'une gestion responsable des espaces intéressants du point de vue de la
biodiversité était la meilleure manière de garantir la pérennité de certaines
de ces activités et de maintenir ou de développer des activités liées à la
qualité des milieux intéressants en termes d'emploi, d'aménagement du
territoire.
A ce jour, près de 550 des 1 300 sites inventoriés ont été transmis à la
Commission européenne. Ils représentent 1,6 % du territoire national, les
dernières propositions reçues des préfets, soit 151 sites, permettant
d'atteindre les 2,8 % du territoire national.
Par comparaison avec ce qu'ont déjà transmis d'autres pays européens, il faut
bien convenir que la position de la France reste très modeste. L'Autriche,
l'Espagne, la Grèce, la Finlande, l'Italie, le Portugal et la Suède ont envoyé
des premières listes de propositions qui couvrent entre 7 % et 17 % de leurs
territoires terrestres.
Au cours des réunions du Comité national de concertation et de suivi Natura
2000, il est apparu qu'il serait nécessaire de donner un cadre législatif au
dispositif contractuel dont le Gouvernement souhaitait disposer pour mettre en
place le réseau Natura 2000. Il s'agissait non seulement de répondre à une
demande des partenaires concernés par le réseau, mais aussi de satisfaire la
Commission européenne.
Un projet de transposition a donc été préparé par mes services. Il a été
diffusé aux membres du Comité national Natura 2000, lors de sa réunion du 2
juin dernier.
Le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement a demandé
aux membres du Comité Natura 2000 des contributions destinées à amender le
texte proposé.
Lors de la prochaine réunion du groupe, qui est prévue à la fin du mois de
septembre, un bilan sera tiré des suggestions faites.
Parallèlement à cette démarche, le projet du ministère de l'aménagement du
territoire et de l'environnement a été soumis au ministère de l'agriculture et
de la pêche et au ministère de la défense ; ces derniers ont fait connaître
leur grand intérêt pour les orientations du projet.
C'est pourquoi, et sans méconnaître certains aspects intéressants de la
proposition de loi telle qu'elle a été retenue par la commission des affaires
économiques et du Plan, le Gouvernement juge ce texte prématuré. Il veut en
effet privilégier la plus large concertation, ce qui est, me semble-t-il, une
garantie de l'acceptation sur le terrain du réseau Natura 2000.
Le Gouvernement souhaite bénéficier des réflexions du comité de suivi avant de
soumettre un texte au Parlement.
Par ailleurs, eu égard à nos obligations, notamment à l'égard des institutions
européennes, certaines dispositions de la proposition de loi ne peuvent être
retenues par le Gouvernement. Enfin, quelques propositions sont d'ordre
réglementaire et non législatif.
La proposition de loi ne définit pas, en droit interne, le réseau Natura 2000.
Il n'est jamais fait référence aux deux directives européennes 79/409 et 92/43
qui sont à l'origine de cette proposition, et il n'est manifesté aucune
cohérence entre la proposition et les obligations de ces directives.
En revanche, le projet de loi définit, dans son article 1er, le réseau Natura
2000 comme le réseau composé des zones déjà désignées au titre de la directive
Oiseaux et des futures zones de cette directive et de la directive Habitats
naturels.
La proposition de loi donne aux instances de concertation des pouvoirs
décisionnels et des prérogatives qui relèvent exclusivement de la puissance
publique, à savoir l'identification des propositions de sites et l'approbation
des documents d'objectifs.
Or c'est au ministre en charge de l'environnement qu'il incombe, en vertu du
décret du 5 mai 1995, d'arrêter les propositions de sites, sur la suggestion
des préfets, après consultations locales. Ce sont, en effet, les Etats membres
qui sont responsables de l'application de la directive devant la Commission
européenne.
Il existe actuellement, au plan départemental, trois conseils et commission,
créés ou en puissance, dont les champs d'application se recouvrent.
Il s'agit d'abord de la commission départementale des sites, perspectives et
paysages, créée en 1945, en vertu de la loi du 2 mai 1930 sur la protection des
monuments naturels et des sites.
Après le vote de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la
nature, la compétence de cette commission, en formation de protection de la
nature, a été étendue à la flore, à la faune et aux milieux naturels.
Il s'agit ensuite du conseil départemental de la chasse et de la faune
sauvage, qui date de 1972. Il résulte de la transformation du Conseil supérieur
de la chasse en Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, d'une
part, et Office national de la chasse, d'autre part.
Le conseil départemental est une déclinaison du Conseil national. Comme son
nom l'indique, il a vocation à traiter de chasse et de faune sauvage, et, par
extension, de milieux. Le maintien et l'exploitation de la faune sauvage ne
peuvent en effet se concevoir sans prise en compte des conditions de milieu.
Il s'agit enfin du conseil départemental de l'environnement et de la qualité
de vie. C'est un conseil virtuel, né de la loi du 2 février 1995, dite loi
Barnier.
Il était question de fusionner en une seule instance la commission
départementale des sites, perspectives et paysages, le conseil départemental de
la chasse et de la faune sauvage, la commission départementale des carrières et
le conseil départemental de l'hygiène. C'était une bonne idée. Mais les
discussions au Parlement, notamment au Sénat, ont conduit au maintien en l'état
de ces différentes structures et à la création, en sus, du conseil
départemental de l'environnement et de la qualité de vie.
Mon prédécesseur a donc estimé, et je partage son opinion, qu'il n'y avait pas
lieu de mettre en place un conseil redondant et dépourvu
de facto
d'utilité.
La création d'un conseil départemental du patrimoine naturel tel qu'il est
proposé ne peut donc qu'accroître la confusion, et ce à deux niveaux.
Il y aurait d'abord confusion avec le conseil scientifique régional du
patrimoine naturel, qui est chargé auprès du préfet de région de réaliser les
inventaires du patrimoine naturel, c'est-à-dire, entre autres, l'inventaire de
sites susceptibles de figurer dans le réseau Natura 2000. C'est d'ailleurs à
cet inventaire que fait référence l'article 6 du décret de 1995 et non à la
liste des propositions.
Le conseil départemental proposé, quant à lui, verrait sa compétence limitée à
« l'identification scientifique et technique des propositions de sites
susceptibles d'être reconnus d'importance communautaire », c'est-à-dire les
sites Natura 2000, tout en bénéficiant d'un intitulé ouvrant un champ de
compétences beaucoup plus étendu.
Ensuite, il y aurait confusion avec les actuels comités départementaux Natura
2000, qui ont été institués auprès des préfets de département par la circulaire
du 10 juillet 1996 de la ministre de l'environnement.
La composition de ces comités, réservés à l'origine aux représentants des
propriétaires et des gestionnaires, a été étendue, à ma demande, en août 1997,
à des représentants d'élus et d'usagers des milieux naturels.
Ces conseils ont, par définition, une vocation temporaire. Ils ne doivent pas
se substituer aux comités locaux de pilotage qui existent déjà.
Par ailleurs, il ne paraît pas justifié de prévoir, dans de tels conseils, un
collège majoritaire avec les représentants des élus, et un collège minoritaire
avec les représentants de l'Etat, des secteurs économiques et professionnels,
scientifiques et associatifs.
La gestion du territoire doit se faire prioritairement avec les propriétaires,
les gestionnaires et les usagers.
En tout état de cause, la composition précise de ces conseils ne peut relever
que du domaine réglementaire.
M. Hilaire Flandre.
Avec l'avis du Gouvernement !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Le rôle
des comités de pilotage est non pas de définir les périmètres des sites, mais
d'élaborer les documents d'objectifs, une fois que le conseil départemental a
donné son avis sur une proposition de site et que le site a été retenu par le
ministre chargé de l'environnement.
L'élaboration des documents d'objectifs relève, pour partie, de compétences
scientifiques qui n'apparaissent pas comme telles dans la proposition de loi.
En outre, dans le système actuel, c'est le représentant de l'Etat qui choisit,
après appel à projet, l'organisme chargé d'établir matériellement le document
d'objectifs. Ce point a été décidé au sein d'un groupe de travail spécifique à
l'élaboration des documents d'objectifs, groupe réunissant l'ensemble des
partenaires du Comité national de suivi et de concertation Natura 2000.
Le 24 juin dernier s'est tenu au ministère de l'aménagement du territoire et
de l'environnement un séminaire de présentation de la méthodologie des
documents d'objectifs Natura 2000, auquel participaient près de 400 personnes.
Il s'agissait de dresser un bilan d'une démarche expérimentale menée sur
trente-sept sites pilotes grâce à l'aide de la Commission européenne.
Ce document existe : voici le guide méthodologique des documents d'objectifs
Natura 2000.
(Mme le ministre brandit une brochure.)
On peut en retenir deux idées forces.
La première, c'est que l'on a décidément besoin de comités de pilotage locaux
site par site et que les documents d'objectifs doivent être élaborés au cas par
cas.
La seconde, c'est que nos partenaires qui ont accepté de s'engager dans la
procédure de concertation viennent d'horizons très divers : par exemple, la
fédération départementale des chasseurs des Landes, le conservatoire des sites
lorrains, le parc naturel régional de la Brenne, l'entente pour le
développement de l'Erdre navigable ou le syndicat mixte pour la protection et
la gestion de la Camargue gardoise ont accepté de s'engager dans l'élaboration
de ces documents d'objectifs.
Comme Mme Terrade en a exprimé le souci, c'est donc avec des partenaires de
terrain, connaissant extrêmement bien la situation locale et les acteurs
concernés...
M. Hilaire Flandre.
Et étant sur place !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
S'ils ne
sont pas sur place, ce ne sont pas des partenaires de terrain !
Les résultats obtenus témoignent de l'intérêt de la méthode choisie : celle de
la discussion au plus près du terrain et avec les acteurs concernés. Elle
permet d'aborder les questions concrètes et de trouver les réponses appropriées
à chaque situation.
(Marques de scepticisme sur les travées du RPR.)
Avant d'être un document de papier, le document d'objectifs est d'abord une
démarche, une aventure humaine dans laquelle la coopération de tous est
recherchée.
Le Gouvernement tient à ce que le fruit de ces expériences vienne enrichir le
projet de loi diffusé auprès des membres du groupe de suivi et de concertation
Natura 2000.
L'idée d'une instance de concertation régionale, évoquée lors de la réunion de
la commission des affaires économiques et du Plan, me semble bonne. Cette
instance pourrait inclure l'actuel comité scientifique régional du patrimoine
naturel. A cette échelle régionale, qui est pertinente, il manque, en effet,
une instance d'expertise qui puisse confronter ses réflexions avec les élus
régionaux et les gestionnaires. Le travail d'inventaire lié à Natura 2000 est
pratiquement achevé, je le répète, mais il ne faut pas oublier le reste. Des
stratégies de gestion, des politiques régionales en matière de patrimoine
vivant restent à élaborer et à conduire.
Le système d'enquête publique proposé va à l'encontre de la démarche
contractuelle privilégiée par le Gouvernement. La démarche contractuelle
suppose l'accord des parties sur les modalités de gestion prévues dans les
documents d'objectifs, lequel accord conditionne l'octroi des avantages
financiers et fiscaux d'accompagnement. Avec l'enquête publique, on institue un
système comparable à celui des réserves naturelles, ce qui n'est pas du tout
dans la logique de la mise en oeuvre de Natura 2000.
Le système indemnitaire qui en découle est en contradiction avec la démarche
contractuelle proposée par le Gouvernement et, mesdames, messieurs les
sénateurs, voulue par les partenaires.
Il s'agit, en effet, dans une approche contractuelle, non pas d'indemniser un
éventuel préjudice, comme on le fait dans le cas d'une expropriation, mais de
rémunérer un service rendu à la collectivité par le propriétaire et le
gestionnaire.
Ainsi, dans le projet de loi du Gouvernement, l'adhésion volontaire des
propriétaires et des gestionnaires aux objectifs et aux modalités de gestion
des sites conditionne l'octroi des avantages financiers et fiscaux
d'accompagnement.
C'est pourquoi le Gouvernement, déjà opposé sur le fond à ce système,
invoquera contre l'article 10 de la proposition de loi l'article 40 de la
Constitution. En effet, cet article 10 est irrecevable, car il crée une charge
pour l'Etat.
Cela dit, vous l'imaginez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, le
Gouvernement a réfléchi d'ores et déjà aux moyens à mobiliser pour faciliter la
mise en place de Natura 2000 : fonds communautaire, mise en place d'un fonds de
gestion des milieux naturels, dont le Premier ministre a accepté le principe,
défiscalisation. Nous devrons rediscuter, bien sûr, de la possibilité
d'exonérer de la taxe sur le foncier non bâti certains des sites concernés par
le réseau Natura 2000.
M. Alain Vasselle.
Ça, c'est du financement d'Etat !
M. Jean-François le Grand,
rapporteur.
Aux frais des communes !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Enfin, il
convient de noter que cette proposition de loi ne répond pas à l'obligation de
transposer en droit interne les dispositions de l'article 6, paragraphes 3 et
4, de la directive 92/43/CEE, qui prévoient l'évaluation obligatoire de tout
plan ou projet susceptible d'affecter de façon significative les zones du
réseau Natura 2000 ainsi que les possibilités de dérogations.
Cette absence de transposition est à l'origine d'un contentieux porté
récemment devant la Cour de justice des Communautés européennes par la
Commission européenne, contentieux ne pouvant se solder que par une
condamnation de la France, en l'absence de toute transposition de cet
article.
Mme Anne Heinis.
La condamnation n'est pas obligatoire, si nous négocions !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
C'est
pourquoi l'article 3 du projet de loi gouvernemental s'est attaché à répondre à
ce grief de la Commission européenne.
En conclusion, la proposition de loi semble louable dans ses intentions, mais
elle ne répond pas, dans les dispositions qu'elle préconise, aux questions qui
se posent pour une bonne mise en oeuvre de la directive Habitats naturels.
L'apport des réflexions du ministère de l'aménagement du territoire et de
l'environnement, tout comme les suggestions des membres du comité de suivi et
de concertation Natura 2000, devraient permettre d'élaborer un texte
satisfaisant pour tous, ce qui correspond, si je vous ai bien écoutés,
mesdames, messieurs les sénateurs, au voeu formulé par plusieurs d'entre vous
et par vous-même, monsieur le rapporteur.
Le Gouvernement ne peut être favorable à l'adoption, en l'état, d'une
proposition ne pouvant,
de facto,
tenir compte d'un processus qui n'est
pas arrivé à son terme.
Vous me permettrez néanmoins, pour conclure, de saluer votre volonté d'être -
je cite Mme Bardou - « des partenaires actifs de la mise en oeuvre de Natura
2000 », ce dont je vous remercie.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
C'est se moquer du monde ! Vous avez tout mélangé, madame la
ministre. Vous êtes d'une mauvaise foi évidente !
M. Hilaire Flandre.
C'est M. Minetti qui va être content !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures
quinze.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivrons l'examen de la proposition de loi relative à la mise en
oeuvre du réseau écologique européen, dénommé Natura 2000.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons donc à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - La procédure de désignation et les principes de gestion des
sites d'importance communautaire retenus dans le réseau écologique européen,
dénommé Natura 2000, sont définis conformément à la présente loi. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Cet article fixe les objectifs de la présente proposition de
loi : il s'agit de préciser certaines des étapes de la procédure de désignation
des sites et d'arrêter les principes de gestion applicables à ces sites à
travers les documents d'objectifs.
Cette procédure de désignation est arrêtée en application de la directive
92/43/CEE, sur la conservation des habitats naturels, et de la directive
79/409/CEE, relative à la conservation des oiseaux sauvages, et concerne les
zones spéciales de conservation ainsi que les zones de protection spéciale.
Rappelons que l'article 7 de la directive Habitats naturels intègre
explicitement les zones de protection spéciale désignées en application de la
directive Oiseaux sauvages dans le réseau écologique européen Natura 2000, en
prévoyant que les obligations résultant de la directive Habitats naturels se
substituent à celles qui découlent de la directive Oiseaux sauvages.
S'agissant des procédures de désignation en droit interne, il est donc logique
que les modalités soient identiques.
Je me suis livré à ces brèves explications pour répondre à Mme la ministre et
montrer que la présente proposition de loi prend bien en compte les directives
79/409 et 92/43, contrairement à ce qui a pu être affirmé tout à l'heure à la
tribune.
MM. Alain Vasselle et Hilaire Flandre.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
TITRE Ier
DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DU PATRIMOINE NATUREL
M. le président.
Par amendement n° 16, M. Souplet propose de rédiger comme suit l'intitulé du
titre Ier : « Rôle de la commission départementale des sites, perspectives et
paysages ».
La parole est à M. Souplet.
M. Michel Souplet.
En étudiant le texte qui nous était proposé, je me suis rappelé qu'il existait
déjà une commission départementale des sites, perspectives et paysages.
Lorsque Natura 2000 a été évoquée pour la première fois sur le territoire,
cette directive a suscité beaucoup de craintes, parfois même des réactions
exagérées, en tout cas une grande incompréhension dans la plupart des régions.
Cependant, je me suis ensuite aperçu que, dans ma propre région, la Picardie,
les situations variaient considérablement d'un département à l'autre.
Selon un premier avant-projet, c'était près du tiers du territoire régional
qui allait être concerné par Natura 2000, ce qui avait fortement marqué les
esprits. Aujourd'hui, on est revenu à des proportions heureusement plus
raisonnables.
Sachant toutefois que les injonctions communautaires outrepassent parfois
certaines limites et qu'il est alors difficile d'en admettre le bien-fondé sur
le terrain, considérant en outre que, comme l'a dit tout à l'heure Mme le
ministre, il fallait essayer d'être le plus près possible des citoyens, je
retire mon amendement et me range à la proposition de la commission concernant
l'intitulé du titre Ier.
M. le président.
L'amendement n° 16 est retiré.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Dans chaque département, il est institué un conseil départemental
du patrimoine naturel, présidé par le représentant de l'Etat dans le
département et composé :
« - d'une part, de représentants élus des communes, du conseil général et du
conseil régional ; ces représentants sont majoritaires au sein du conseil ;
« - d'autre part, de représentants des services et établissements publics de
l'Etat, de représentants des secteurs économiques et professionnels concernés,
de personnalités qualifiées sur le plan scientifique, ainsi que de
représentants des associations départementales agréées de protection de
l'environnement. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Il s'agit, dans cet article, de l'institution d'un conseil
départemental du patrimoine naturel.
Ayant été rapporteur de la loi de 1995, je crois pouvoir dire que
l'institution d'un tel conseil est susceptible de combler certaines
insuffisances de cette loi, concernant l'optimisation des structures
départementales en charge du patrimoine naturel.
M. le président.
Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 13, M. Bellanger et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent de rédiger comme suit l'article 2 :
« Dans chaque région, il est institué un conseil régional du patrimoine
naturel, présidé par le représentant de l'Etat dans la région et composé :
« - d'une part, de représentants élus des communes, des conseils généraux
concernés et du conseil régional ; ces représentants sont majoritaires au sein
du conseil ;
« - d'autre part, des représentants de l'Etat des départements concernés, de
représentants des services et établissements publics de l'Etat, de
représentants des secteurs économiques et professionnels concernés ainsi que
des autres usagers du milieu naturel, de personnalités qualifiées sur le plan
scientifique et de représentants des associations agréées de protection de
l'environnement. »
Par amendement n° 17, M. Souplet propose de rédiger comme suit cet article
:
« La commission départementale des sites, perspectives et paysages procède à
l'identification scientifique et technique des propositions de sites
susceptibles d'être reconnus d'importance communautaire. »
Par amendement n° 6 rectifié, MM. Grignon et Vasselle proposent de rédiger
comme suit le premier alinéa de l'article 2 :
« En remplacement de la Conférence Natura 2000, il est institué, dans chaque
département, un conseil départemental du patrimoine naturel, présidé par le
représentant de l'Etat dans le département et composé : »
Les deux amendements suivants sont présentés par MM. Vasselle et Martin.
L'amendement n° 1 rectifié tend, dans le dernier alinéa de l'article 2, à
remplacer les mots : « des secteurs économiques et professionnels concernés »
par les mots : « des organisations agricoles et forestières ainsi que des
autres secteurs économiques et professionnels concernés ».
L'amendement n° 2 rectifié a pour objet de compléter
in fine
le dernier
alinéa de l'article 2 par les mots : « notamment de la fédération
départementale des chasseurs et des associations agréées de pêche et de
pisciculture et des milieux aquatiques ».
Les deux derniers amendements sont présentés par MM. Grignon et Vasselle.
L'amendement n° 7 rectifié vise à compléter
in fine
le dernier alinéa
de l'article 2 par les mots suivants : « et des organisations représentatives
des autres usagers du milieu naturel ».
L'amendement n° 8 rectifié tend à compléter
in fine
le dernier alinéa
de l'article 2 par les mots suivants : « en tenant compte de leur
représentativité et pour assurer une représentation équilibrée des différents
intérêts en présence ».
La parole est à M. Bellanger, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Jacques Bellanger.
J'ai développé, lors de la discussion générale, les raisons pour lesquelles
nous considérons que l'échelon de concertation et de décision est l'échelon
régional et non pas l'échelon départemental. Je crois donc inutile d'y
revenir.
M. Hilaire Flandre.
On peut aussi supprimer les départements !
M. le président.
La parole est à M. Souplet, pour présenter l'amendement n° 17.
M. Michel Souplet.
Cet amendement n'a plus d'objet, monsieur le président. En conséquence, je le
retire.
M. le président.
L'amendement n° 17 est retiré.
La parole est à M. Grignon, pour présenter l'amendement n° 6 rectifié.
M. Francis Grignon.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 6 rectifié est retiré.
La parole est à M. Vasselle, pour défendre les amendements n°s 1 rectifié et 2
rectifié.
M. Alain Vasselle.
Il s'agit d'amendements de précision tendant à s'assurer que les organisations
agricoles et forestières, ainsi que les fédérations départementales des
chasseurs et des associations agréées de pêche et de pisciculture et des
milieux aquatiques, seront représentées au sein du conseil départemental du
patrimoine naturel.
Cela étant, selon les avis qui seront émis sur l'amendement n° 7 rectifié, que
j'ai cosigné et qui fait référence aux « organisations représentatives des
autres usagers du milieu naturel », je les retirerai éventuellement.
M. le président.
La parole est à M. Grignon, pour défendre les amendements n°s 7 rectifié et 8
rectifié.
M. Francis Grignon.
Il s'agit, avec l'amendement n° 7 rectifié, d'associer les organisations
représentatives des autres usagers du milieu naturel aux travaux du conseil
départemental du patrimoine naturel. En effet, ces organismes étaient déjà
associés à la Conférence Natura 2000.
Quant à l'amendement n° 8 rectifié, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 8 rectifié est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 13, 1 rectifié, 2
rectifié et 7 rectifié ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je veux d'abord dire à M. Bellanger que sa proposition peut
paraître tout à fait justifiée.
Pourquoi, en effet, ne retiendrait-on pas le niveau régional plutôt que le
niveau départemental ?
Après tout, les conseils scientifiques de la protection de la nature relèvent
du niveau régional et ce sont les conseils régionaux qui sont responsables de
la création des parcs naturels régionaux et de la délimitation de leur
territoire.
On peut donc effectivement considérer que la région est l'échelon pertinent
lorsqu'il s'agit d'arrêter un certain nombre de décisions relatives à la
protection de l'environnement.
D'ailleurs, dans un premier temps - je parle sous le contrôle de Mme Bardou -
nous avions envisagé de proposer la création d'un conseil régional du
patrimoine naturel. Je crois d'ailleurs avoir entendu Mme la ministre faire
mention d'un tel conseil dans sa réponse. Il est vrai qu'elle a dit tant de
choses ! En tout cas, je crois l'avoir entendue indiquer que les conseils
scientifiques de protection de la nature pourraient être incorporés ou fondus
dans cette structure régionale.
Cela étant, il est clair que plus on se rapproche du terrain où se vivent les
enjeux, moins on risque de prendre des décisions éloignées des réalités.
D'ailleurs, pour la mise en place de Natura 2000, c'est bien l'échelon
départemental qui a été retenu par le Gouvernement à travers les comités
départementaux de suivi.
En fait, il est extrêmement difficile de choisir. Selon que l'on est
départementaliste ou régionaliste, on trouvera plus de vertus à l'échelon
départemental ou à l'échelon régional.
Finalement, nous nous sommes inspirés de la commission départementale de
coopération intercommunale, structure qui a soulevé les mêmes questions et,
d'une manière générale, pour garantir une plus grande proximité, un plus grand
pragmatisme, une plus grande concertation, nous avons opté pour le niveau
départemental, tout en assurant une représentation de la région.
Cela me donne l'occasion de préciser à Mme la ministre que j'ai, moi aussi,
organisé la concertation dès l'instant où nous avons amorcé l'élaboration de
cette proposition de loi. Nous avons rencontré tous les représentants des
organismes que vous avez cités tout à l'heure à l'exception, je le confesse et
je le regrette, des représentants des fédérations de randonneurs. C'est une
carence et je prie les adeptes de la randonnée, dont je fais d'ailleurs partie,
de bien vouloir m'en excuser.
Cela dit, nous avons tous retenu, dans le cadre de cette concertation,
l'échelon départemental car il nous a semblé le plus pertinent. C'est la raison
pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n°
13.
En revanche, elle a exprimé un avis favorable sur l'amendement n° 7 rectifié,
qui tend à compléter la liste des membres du conseil départemental du
patrimoine naturel par les représentants des organisations représentatives des
autres usagers du milieu naturel. Cet amendement couvre donc l'ensemble des
ayants droit de l'espace.
De ce fait, la commission estime que les amendements n°s 1 rectifié et 2
rectifié n'ont plus d'objet.
M. Alain Vasselle.
Je les retire, monsieur le président.
M. le président.
Les amendements n°s 1 rectifié et 2 rectifié sont retirés.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 13 et 7 rectifié ?
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Comme je
l'ai indiqué tout à l'heure, le conseil départemental du patrimoine naturel me
pose un double problème.
Tout d'abord, il existe actuellement à l'échelon départemental plusieurs
commissions dont les champs d'applications se recoupent. Je les cite pour
mémoire : la commission départementale des sites, perspectives et paysages -
l'idée qui avait été avancée tout à l'heure de confier éventuellement à cette
commission, aux missions refondées et précisées, le soin de piloter la mise en
place du réseau Natura 2000 aurait pu faire l'objet d'un débat - le conseil
départemental de la chasse et de la faune sauvage, le conseil départemental de
l'environnement et de la qualité de vie dont j'ai souligné tout à l'heure le
caractère virtuel.
J'ai également évoqué les risques de confusion qu'induirait la mise en place
de conseils départementaux du patrimoine naturel alors qu'existent déjà les
conseils scientifiques régionaux du patrimoine naturel, d'une part, et les
comités départementaux de suivi de Natura 2000, d'autre part.
Ma seconde réticence concerne - mais nous y reviendrons lors de l'examen de
l'article 3 - les missions qui seraient confiées à ces conseils départementaux
du patrimoine naturel.
En effet, l'article 3 leur réserve en priorité une mission d'identification
scientifique et technique des sites. Or, cette phase de mise en oeuvre de la
directive Natura 2000 est pratiquement terminée, et je ne vois donc pas très
bien quelle pourrait être la mission de ces conseils. Le Gouvernement est donc
extrêmement réticent en ce qui concerne la création des conseils départementaux
du patrimoine naturel.
S'agissant de l'amendement n° 13, l'idée de créer une instance de réflexion et
de concertation à l'échelon régional me paraît intéressante. Toutefois, sa mise
en place ne s'inscrit, là non plus, ni dans le calendrier ni dans le processus
de réalisation du réseau Natura 2000. Cette proposition ne correspond donc pas
complètement aux missions que pourrait remplir un conseil régional du
patrimoine naturel, outil supplémentaire s'ajoutant à ceux qui existent déjà et
pouvant donc apporter une plus grande cohérence dans la gestion des espaces et
des milieux, indépendamment du réseau Natura 2000. Le Gouvernement s'en remet
donc à la sagesse de la Haute Assemblée s'agissant de l'amendement n° 13, mais
émet des réserves sur l'équilibre général de l'article 2.
L'amendement n° 7 rectifié, quant à lui, tend à préciser que l'ensemble des
partenaires du terrain seront associés à la concertation : cela me paraît aller
de soi. Je suis donc favorable à cet amendement.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Nous n'en sommes pas surpris !
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Mme la ministre s'en est remise à la sagesse du Sénat et elle
a eu raison, car la Haute Assemblée est sage et sa décision sera, à coup sûr,
pertinente.
(Sourires.)
Permettez-moi simplement de donner quelques explications sur les trois
points qui ont été évoqués par Mme la ministre.
La création des conseils départementaux du patrimoine naturel, dites-vous,
madame la ministre, est gênante car cela fera un organisme départemental de
plus. Mais s'il y en a déjà tant, c'est bien que l'échelon départemental est
pertinent !
Ensuite, vous évoquez les comités départementaux de suivi de Natura 2000. Les
conseils départementaux du patrimoine naturel que nous proposons de créer se
substituent bien évidemment à ces comités départementaux de suivi de Natura
2000.
Enfin, s'agissant de l'envoi de la liste des sites identifiés, je vous trouve
très pessimiste, madame la ministre ; cette liste n'est pas close, et l'on
n'est pas certain qu'il n'y aura pas d'autres sites proposés. Je suis même
persuadé qu'il y en aura. De ce fait, il est nécessaire que nous nous dotions
de ces conseils départementaux du patrimoine naturel.
Comme vous l'avez indiqué vous-même dans votre propos liminaire, les listes
qui ont été envoyées à la Commission, soit 543 sites, sont un premier jet ;
elles ne représentent que 1,6 % du territoire, ce qui est relativement peu,
j'en suis persuadé. Cela signifie que, tôt ou tard, nous aurons à revenir sur
la question. Votre prédécesseur avait d'ailleurs parlé des sites à feu vert,
des sites à feu orange et des sites à feu rouge. Qui nous dira qu'un site à feu
rouge ne sera pas à feu vert demain ? C'est le conseil départemental du
patrimoine naturel.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Permettez-moi, monsieur le rapporteur, de préciser un certain nombre de points
sémantiques. L'identification des sites auxquels fait référence l'article 3 de
la proposition de loi est réalisée depuis longtemps : elle résulte du travail
de scientifiques qui ont classé les sites en fonction de leur intérêt au regard
de la directive en précisant quelles étaient les espèces animales ou végétales
qu'on souhaitait protéger sur ces sites.
Les propositions de sites relèvent de la responsabilité de l'Etat. C'est donc
cette phase qui est en train de s'achever pour ce qui nous concerne.
Quant à la désignation des sites au titre du réseau Natura 2000, elle sera
faite d'un commun accord entre l'Etat membre et l'Union européenne après
confrontation des points de vue. C'est ce qui s'est notamment passé lors des
réunions par zones biogéographiques qui ont permis d'examiner les propositions
de la totalité des Etats et de retenir pour chacun d'eux les sites les plus
intéressants.
L'article 3, qui tend à identifier les sites, revient donc à accomplir un
travail déjà réalisé par des scientifiques, notamment par ceux du Muséum
national d'histoire naturelle.
La proposition de sites relève de la responsabilité de l'Etat membre, qui a
des comptes à rendre à la Commission. Si un conseil départemental du patrimoine
naturel devait être mis en place, il pourrait éventuellement assurer le suivi
de la gestion à l'échelon local. A ce moment-là, on pourrait soit en débattre,
soit convenir que la commission des sites, perspectives et paysages pourrait
être chargée de cette mission.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je ne voudrais pas me lancer ici dans un débat sémantique. En
revanche, il subsiste un problème sur le fond.
Vous avez raison, madame la ministre : le comité départemental assurera aussi
cette mission de suivi, et c'est bien un décret ministériel qui désignera les
sites. Mais, actuellement - et je pourrais vous citer plusieurs départements -
certains sites n'ont pas été désignés alors qu'ils sont certainement pertinents
ou qu'ils pourraient l'être à l'échelon européen. Cela signifie qu'il faudra
revenir sur ces sites, car on ne sait pas aujourd'hui si tous ont été
désignés.
C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, je vous trouve, je le
répète, pessimiste. Ce comité départemental devrait normalement être de nature
à vous rassurer et votre étonnement me surprend tout comme votre indécision à
l'égard de cette proposition.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je ne suis
pas indécise.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
M. Jacques Bellanger.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger.
M. le rapporteur ne m'a pas convaincu ; il doit d'ailleurs bien le savoir.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je m'en doutais un peu !
M. Jacques Bellanger.
Il ne suffit pas de faire participer deux représentants régionaux à un comité
pour considérer que la région est représentée. Si M. le rapporteur avait
proposé de faire participer des représentants départementaux à une commission
régionale, j'en aurais été d'accord.
Le problème est le suivant : avec qui et à quel échelon doit-on régler ce
problème ? Nous ne sommes pas convaincus. Nous n'insisterons pas davantage mais
je maintiens que le véritable échelon de l'aménagement du territoire est la
région ; chacun votera selon ses convictions.
M. Hilaire Flandre.
C'est du conservatisme !
M. Michel Souplet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Souplet.
M. Michel Souplet.
Je viens d'écouter avec intérêt Mme le ministre. Les différentes catégories de
citoyens concernés par la directive, à savoir les agriculteurs, les
propriétaires fonciers, les forestiers, les chasseurs, les pêcheurs, les
écologistes, mais aussi d'autres, ont été affolés à l'idée que des chercheurs,
certes compétents, aient décidé du choix des sites sans concertation. C'est
bien pourquoi nous souhaitons que la décision soit prise au plus près du
terrain, soit à l'échelon départemental.
M. Hilaire Flandre.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié, accepté par la commission et par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Le conseil départemental du patrimoine naturel procède à
l'identification scientifique et technique des propositions de sites
susceptibles d'être reconnus d'importance communautaire. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
La commission vous propose d'inscrire dans cet article les
compétences du conseil départemental du patrimoine naturel, qui sera chargé,
sur la base des propositions de sites élaborées par les CSRPN - c'est une sorte
de réponse à Mme la ministre - d'identifier de façon scientifique et technique
les périmètres des sites proposés. Il est fondamental que cette identification
se fasse dans une instance de concertation au sein de laquelle tous les acteurs
politiques et économiques locaux seront représentés.
Comme il a été indiqué, outre la définition de leur superficie, le conseil
pourra également procéder à un zonage interne de ces sites, afin de pouvoir
hiérarchiser ultérieurement les mesures de conservation proposées.
Puis-je me permettre de rappeler, pour mémoire, au Sénat que dix-sept
procédures de protection sont mises en oeuvre ? Il faut les hiérarchiser.
Certaines d'entre elles peuvent être retenues pour certains sites mais pas
forcément pour tous.
M. le président.
Par amendement n° 14, M. Bellanger et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent, dans l'article 3, de remplacer le mot : « départemental »
par le mot « régional ».
La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger.
Je retire cet amendement, monsieur le président, car il n'a plus d'objet.
M. le président.
L'amendement n° 14 est retiré.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
TITRE II
DES COMITÉS DE PILOTAGE LOCAUX
DES SITES NATURA 2000
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - Lorsqu'un site est inscrit sur la liste des propositions de sites
susceptibles d'être reconnus d'importance communautaire, le représentant de
l'Etat dans le département crée un comité de pilotage local chargé de définir
les parcelles cadastrales inscrites dans le périmètre du site et d'élaborer le
document d'objectifs. »
Par amendement n° 9 rectifié, MM. Grignon et Vasselle proposent de
compléter
in fine
cet article par les mots suivants : « dans un cadre
contractuel ».
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon.
Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 9 rectifié est retiré.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je souhaitais prendre la parole après le retrait de cet
amendement, qui apportait une précision inutile puisque l'article 5 prévoit une
composition large du comité de pilotage.
Quant à la création de ce comité, je crois vous avoir dit, madame la ministre,
dans mon propos liminaire, que l'un des axes de ce texte, voulu par les
cosignataires, est la concertation à tous les niveaux. Les difficultés
actuelles découlent probablement de cette absence de concertation.
Je vous en donne acte, madame la ministre, la concertation n'a pas été
excellemment mise en oeuvre dans un premier temps. Cependant, elle ne l'a pas
été non plus dans un deuxième temps.
M. Hilaire Flandre.
Concertation sélective !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Que des grands-messes soient organisées au niveau national,
que vous invitiez les membres de l'APCG, l'Association des présidents de
conseils généraux, dont je fais partie, ou d'un certain nombre d'autres
organismes de ce type, composés des représentants de représentants, soit. Pour
ma part, je préfère la démocratie directe, que l'on retrouve à l'échelon d'un
comité de pilotage local. Sur le terrain, toutes les personnes concernées
peuvent en effet s'exprimer à propos d'un site. Elles cherchent non pas à
donner leur avis, pour ou contre, mais à exposer leur point de vue sur un sujet
qui les concerne au quotidien.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Le retrait
de l'amendement n° 9 rectifié me chagrine. En effet, il me paraissait très
utile de préciser que le document d'objectifs était élaboré sur une base
contractuelle, c'est-à-dire permettant à l'ensemble des partenaires de
s'exprimer sur les modalités d'une gestion optimale et dynamique, tenant compte
des différents aspects - protection, bien sûr, mais ausi efficacité économique
des activités qui sont mises en oeuvre sur des sites protégés.
Je précise au passage qu'il n'est jamais question de confier aux scientifiques
le soin de proposer un site. Les scientifiques se contentent de dire, de la
façon la plus objective, la plus neutre possible, si l'espèce concernée existe
bien sur la parcelle que nous envisageons de transmettre au titre de Natura
2000. Ensuite, la concertation permet de voir si tout le monde est bien
d'accord sur la présence de cette espèce, animale ou végétale, et si l'intérêt
de cette présence justifie la transmission avec l'accord des différentes
parties. On est donc bien dans une logique constante de dialogue, de
confrontation des points de vue et de contractualisation.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Comprenant les inquiétudes de Mme la ministre, je voudrais
tout de suite la rassurer : l'article 5 prévoit la composition de l'organisme
et l'article 6 le contenu du document d'objectifs, qui est un
document-cadre.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article 4.
M. Jacques Bellanger.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger.
Indépendamment du fond, l'article 4 comporte une mesure qui intéresse beaucoup
les élus locaux. En effet, le périmètre étant calqué sur le cadastre, il ne
peut être question de séparer des parcelles cadastrales. J'attire l'attention
de Mme la ministre sur le fait qu'il s'agit là d'un souhait exprimé très
fortement par les élus locaux.
M. André Dulait.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - Le comité de pilotage local réunit, sous l'autorité du
représentant de l'Etat dans le département, les services et établissements
publics de l'Etat, les représentants des collectivités territoriales
concernées, les organisations professionnelles agricoles et forestières, les
représentants de la propriété privée, les organisations représentatives des
usagers de la nature et les associations départementales agréées de protection
de l'environnement, en tenant compte de leur représentativité.
« Il est consulté par le représentant de l'Etat dans le département sur les
modalités de désignation de l'organisme chargé de l'établissement matériel du
document d'objectifs. Il approuve le choix de cet organisme. »
Par amendement n° 3 rectifié, MM. Vasselle et Martin proposent, dans le
premier alinéa de cet article, après les mots : « organisations
professionnelles agricoles et forestières, », d'insérer les mots : « les
fédérations de chasse et de pêche, ».
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
J'ai déposé cet amendement pour m'assurer auprès de M. le rapporteur et du
Gouvernement que, au moment où entrera en application cet article 5, les termes
« les organisations représentatives des usagers de la nature » recouvrent bien
les fédérations départementales de chasse et de pêche.
M. Michel Souplet.
Bien sûr !
M. Alain Vasselle.
Cela va de soi, me dira-t-on ; mais ce n'est pas aussi évident que cela !
Encore faudra-t-il, selon moi, qu'une circulaire ministérielle le précise. En
effet, le texte peut donner lieu à une interprétation restrictive, notamment de
la part de certains représentants de l'Etat. Le préfet pourrait en effet
considérer que, à partir du moment où il a désigné un certain nombre de
représentants des usagers de la nature issus d'autres associations n'ayant pas
forcément une vocation de chasse et de pêche, il a appliqué la loi, puisque des
représentants des usagers de la nature sont prévus dans le comité
départemental. Je ne vois pas en quoi on pourrait lui reprocher d'avoir écarté
les représentants des fédérations départementales de chasse et de pêche.
Je le répète : c'est simplement pour m'assurer de ce point, tant auprès de M.
le rapporteur que du Gouvernement, que j'ai déposé cet amendement. Mais si la
réponse était positive, je le retirerais bien volontiers.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je remercie mon collègue M. Vasselle de ne pas avoir retiré
cet amendement avant d'avoir obtenu les explications demandées, puisque la
tradition républicaine veut que les débats parlementaires fassent foi.
Il me permet de confirmer que, effectivement, l'expression « les usagers de la
nature » recouvre évidemment les fédérations de chasse et de pêche. Si les
chasseurs et les pêcheurs n'étaient pas des usagers de la nature, que
resterait-il en la matière ?
C'est la raison pour laquelle je souhaite que l'auteur de l'amendement retire
celui-ci, puisqu'il est satisfait par la rédaction de l'article 5, notamment
par l'expression « les organisations représentatives des usagers de la nature
et les associations agréées de protection de l'environnement ».
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Les
fédérations de pêche et de chasse sont en effet considérées comme des
associations départementales agréées au titre de la loi sur la protection de la
nature ; c'est, je crois, la formulation exacte. Elles sont donc parfaitement
incluses dans cette dénomination. D'ailleurs, un certain nombre de chasseurs et
de pêcheurs seraient extrêmement vexés de ne pas être considérés comme des
protecteurs de l'environnement.
M. Alain Vasselle.
Dans ces conditions, je retire cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 3 rectifié est retiré.
Par amendement n° 10 rectifié, MM. Grignon et Vasselle proposent, dans la
première phrase du deuxième alinéa de l'article 5, de remplacer les mots : «
l'établissement matériel » par les mots : « la rédaction ».
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon.
Il semble plus logique de qualifier la mission qui sera confiée aux divers
organismes devant rédiger les documents d'objectifs par le mot « rédaction »,
plutôt que par les mots « établissement matériel ».
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement. Elle
remercie M. Grignon de cette amélioration rédactionnelle.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
L'article
comme l'amendement relèvent plutôt du domaine réglementaire, semble-t-il. Cela
dit, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié, accepté par la commission et
pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, ainsi modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - Le document d'objectifs est un document-cadre qui définit, pour
chaque site, les orientations et les modalités de gestion liées à la
conservation des habitats et des espèces d'intérêt communautaire. Il comporte
également une évaluation de l'impact financier de ces dispositions, tant pour
les collectivités publiques que pour les personnes privées. »
Par amendement n° 4 rectifié
bis,
MM. Vasselle, Martin et Grignon
proposent, dans la première phrase de cet article, après le mot : «
orientations », d'insérer les mots : « , les actions, les modalités financières
».
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
L'article 6 est sans aucun doute l'un des articles les plus importants de la
présente proposition de loi. En effet, il définit les conditions dans
lesquelles sera établi le document d'objectifs.
La grande préoccupation des acteurs locaux, qu'il s'agisse des représentants
de l'agriculture, de la forêt, de la chasse, de la pêche, d'une manière
générale de tous ceux qui jouent un rôle dans la nature ou près de la nature,
au regard de la directive Natura 2000, c'est de connaître dans quelles
conditions s'appliquera cette directive et seront gérés les sites protégés.
Dès 1992, nous avons organisé des réunions de concertation et d'information à
l'échelon local avec les représentants de l'Etat, qu'il s'agisse du préfet ou
des représentants de la direction départementale de l'agriculture. Au cours de
la discussion générale, il a été dit qu'aucune action de concertation n'avait
été lancée avec 1997. Je m'inscris en faux contre cette assertion. Il est vrai
que la concertation n'était pas organisée de manière institutionnelle. Il est
non moins vrai que les acteurs de la vie économique locale, préoccupés par les
conséquences qui pourraient résulter du classement de certains sites, ont pris
l'initiative de se réunir pour se concerter sur lesdites conséquences. Je peux
en porter témoignage en qualité de président de l'association départementale
des maires de l'Oise. M. Souplet et moi-même avons réuni, en présence de
l'administration et du directeur départemental de l'agriculture, tous les
futurs partenaires des sites Natura 2000.
En 1995, le Gouvernement s'est rendu compte de la réaction forte que suscitait
ce classement. Le Premier ministre, M. Alain Juppé, a alors décidé de suspendre
la procédure pour permettre à la concertation de se développer dans tous les
départements. La concertation a commencé à partir de là.
Que vous ayez repris la concertation après les péripéties électorales que nous
avons connues et qui ont peut-être conduit à suspendre l'ensemble de la
procédure, nous vous en donnons acte et nous nous en réjouissons.
Pour autant, il ne faut pas donner aujourd'hui le sentiment de faire un procès
d'intention à ceux qui ont travaillé sur le projet Natura 2000 et à ceux qui
ont déposé la présente proposition de loi, qui vise, en fait, à conforter ce
qui a été engagé antérieurement et à faire en sorte que l'on institutionnalise
la procédure et la concertation qui avait été souhaitée par l'ensemble des
acteurs locaux.
Par notre amendement, il s'agit de préciser les conditions dans lesquelles
sera établi le document d'objectifs et d'aller plus loin que le simple niveau
de la définition des orientations et des modalités de gestion. En effet, l'une
des principales préoccupations des agriculteurs, des chasseurs et des
représentants de la propriété forestière, c'est de connaître les conséquences
financières des mesures de protection qui seront prises, les contraintes qu'ils
devront subir, et donc leurs conséquences sur le plan économique.
Il est bien évident qu'ils attendent de la Communauté européenne et de l'Etat
les compensations financières correspondantes. C'est ce qu'a certainement prévu
M. le rapporteur dans l'article 10. Je propose que cela soit déjà prédéfini
dans l'article 6.
Nous n'avons pas été en mesure d'obtenir, ni des représentants du Gouvernement
sur le plan local, c'est-à-dire les représentants de l'Etat, ni de la
Communauté européenne, des assurances quant aux compensations financières. Les
premières informations que j'ai obtenues sont celles que j'ai entendues de
votre part, madame le ministre. En effet, en répondant à M. le rapporteur, vous
avez dit : « Nous prévoirons un dispositif financier qui se traduira par des
compensations, des exonérations fiscales, etc. » Encore faut-il que cela
apparaisse concrètement dans un certain nombre de textes, d'ordre réglementaire
ou législatif. Or, pour le moment, nous sommes dans le brouillard le plus
complet. En l'occurrence, nous avons besoin d'avoir des assurances fortes.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
La commission partage totalement les craintes de M. Vasselle
et ne doute pas du bien-fondé de son intervention.
Je lui demanderai néanmoins de retirer cet amendement, pour une raison
strictement technique. En effet, son souhait est satisfait par la rédaction
actuelle de l'article 6, qui prévoit que le document d'objectifs comporte une
évaluation de l'impact financier des dispositions arrêtées.
Pour le reste, l'article 10 prévoit un certain nombre de dispositions soit
contractuelles, soit d'ordre indemnitaire, sur la base de l'évaluation de
l'impact financier des dispositions, prévu à l'article 6 !
C'est la raison pour laquelle j'indique à M. Vasselle que, si j'approuve tout
à fait ses propos, il n'en reste pas moins que l'article 6 répond à ses
interrogations.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je
regrette de ne pas avoir amené avec moi une pile de ces guides méthodologiques
de documents d'objectifs Natura 2000
(Mme le ministre montre un
document)
, mais je me ferai un plaisir de vous les faire parvenir,
mesdames, messieurs les sénateurs.
En effet, à la page 133 de ce document, dans le chapitre intitulé «Le coût et
le financement des actions », on peut lire ceci : « La rédaction de cette
partie est fondamentale à plusieurs titres. Le document d'objectifs a pour
fonction, notamment, de répondre aux obligations de l'article 8 de la directive
Habitats naturels : l'Etat doit fournir à la Commission européenne une
estimation des coûts générés par l'obligation de maintien dans un état de
conservation favorable des habitats et espèces prioritaires. En effet, un
cofinancement communautaire est prévu pour ces dépenses... »
Il m'est donc tout à fait possible d'admettre l'amendement n° 4 rectifié
bis,
sur lequel je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Monsieur Vasselle, l'amendement est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle.
Dans un souci de coopération et d'efficacité, et par solidarité avec la
commission, j'accède à la demande de M. le rapporteur et je retire mon
amendement, malgré l'avis de sagesse du Gouvernement, que je remercie d'avoir
compris et partagé mes préoccupations. J'espère que tout cela deviendra très
rapidement une réalité lors de la mise en place du dispositif !
M. le président.
L'amendement n° 4 rectifié
bis
est retiré.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je veux simplement remercier Mme la ministre, dont j'ai
beaucoup apprécié les propos. Elle a justifié, en effet, l'inscription dans la
loi de cet article 6, le guide méthodologique montrant bien qu'un certain
nombre de mesures mériteraient compensation : lorsqu'on porte atteinte au
régime du droit de propriété, il est nécessaire de prévoir une indemnisation
dans la loi.
M. le président.
Par amendement n° 11 rectifié, MM. Grignon et Vasselle proposent de compléter
in fine
la première phrase de l'article 6 par les mots suivants : « tout
en tenant compte des exigences économiques, sociales, culturelles et
régionales. »
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon.
Cet article 6 est fondamental dans la mesure où il définit pour chaque site
les orientations et les modalités de gestion.
C'est la raison pour laquelle il me semble important de rappeler, à la fin de
cet article, les spécificités et l'objet de la directive européenne, qui doit
tenir compte des exigences économiques, sociales, culturelles et régionales.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
La commission est totalement favorable à un amendement qui
réalise, en fait, la transcription de la directive, laquelle prévoit dans ses
premiers alinéas qu'il sera tenu compte des exigences économiques, sociales,
culturelles et régionales.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. le
rapporteur est en train de tester notre vigilance à cette heure déjà tardive
!
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Non ! Je ne me le permettrais pas !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
La
directive fait en effet état des exigences économiques, sociales, « ainsi que
des particularités culturelles et régionales ». Je ne sais pas bien ce que
peuvent être les « exigences culturelles et régionales », il y a là un problème
de formulation.
En tout cas, cet amendement ne fait que reprendre des modalités qui figurent
dans la directive, et le Gouvernement y est favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié, accepté par la commission et par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - Le représentant de l'Etat dans le département soumet pour avis aux
communes concernées le projet de document d'objectifs. Au-delà d'un délai de
deux mois, l'avis est réputé favorable.
« Compte tenu de ces avis, le comité de pilotage local valide le document
d'objectifs. »
Par amendement n° 5 rectifié
ter
, MM. Vasselle, Martin et Grignon
proposent, dans le premier alinéa de cet article, après les mots : « communes
concernées » d'insérer les mots : « ou établissements publics de coopération
intercommunale compétents en matière d'environnement ».
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Nous proposons de compléter l'article 7 par la référence aux établissements
publics de coopération intercommunale compétents en matière d'environnement. En
effet, vous savez que, en application de la nouvelle loi sur l'administration
territoriale de 1992, certaines communes peuvent avoir transféré leurs
compétences en la matière à des établissements publics à fiscalité propre.
C'est le cas, par exemple, des communautés de communes ou des districts. Par
conséquent, il est bien évident qu'il faut prévoir ce cas de figure.
C'est la raison pour laquelle, avec mes collègues MM. Martin et Grignon, nous
avons déposé cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
La commission est favorable à cet amendement, dans la mesure
où il améliore le texte.
Cela étant, monsieur le président, je voudrais donner acte à Mme la ministre
qu'elle n'avait pas tort en rappelant tout à l'heure les termes du paragraphe 3
de l'article 2 du
Journal officiel
des Communautés européennes au sujet
des particularités régionales et locales. Mais il s'agissait là de l'article 2,
paragraphe 3, alors que, pour ma part, j'ai cité l'article 1er et ses
considérants. Par conséquent, nous avions raison tous les deux !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Favorable
: sous réserve que la mise en oeuvre de cette idée intéressante n'alourdisse
pas des procédures qui sont déjà très complexes, le Gouvernement ne voit pas
d'inconvénient à ce qu'il soit possible de faire jouer l'intercommunalité dans
la consultation sur les documents d'objectifs.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié
ter,
accepté par la
commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 18 rectifié, M. Souplet propose, dans la première phrase du
premier alinéa de l'article 7, avant les mots : « le projet de document
d'objectifs », d'insérer les mots : « et aux établissements publics concernés
».
La parole est à M. Souplet.
M. Michel Souplet.
J'ai souhaité déposer cet amendement afin que les établissements publics
concernés soient également consultés.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Défavorable. En effet, si l'on doit consulter les propriétaires, les
gestionnaires, les communes et les structures de coopération intercommunale,
les établissements publics sont consultés, pour leur part, au travers de
l'assemblée permanente des chambres d'agriculture ou des centres régionaux de
la propriété forestière. Ils sont déjà très largement associés à la
concertation et à l'élaboration des cahiers d'objectifs. Une consultation
formelle alourdirait la procédure sans apporter réellement une valeur ajoutée
au dispositif.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - Avant sa transmission pour approbation au conseil départemental du
patrimoine naturel par le représentant de l'Etat dans le département, le
document d'objectifs fait l'objet d'une enquête publique lorsque l'importance
du site proposé, ses caractéristiques ou les modalités de gestion proposées
sont susceptibles d'avoir des incidences sur les activités économiques,
sociales ou récréatives, ou de porter atteinte aux droits des propriétaires
privés. »
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le président, mesdames, messieurs les sénateurs, cet article 8 a pour objet de
conférer un pouvoir d'approbation des documents d'objectifs au conseil
départemental du patrimoine naturel et de soumettre les documents d'objectifs à
la procédure d'enquête publique.
Avec cet article, j'ai l'impression qu'on mélange les rôles des uns et des
autres.
Le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, évidemment
favorable à la mise en place d'un processus de consultation des différents
partenaires concernés par Natura 2000, ne peut confier des pouvoirs
décisionnels et des prérogatives relevant de la puissance publique à une
instance telle que le conseil départemental du patrimoine naturel.
S'agissant de dispositions destinées à faire application d'une directive
européenne, on voit mal que l'Etat ne dispose d'aucun moyen effectif de
contrôle sur les mesures d'application du texte. Or seul les Etats membres sont
responsables devant la Commission.
J'irai même plus loin en émettant des doutes sur le caractère constitutionnel
de cet article, qui confie à un conseil départemental du patrimoine la charge
d'approuver les documents d'objectifs alors même que l'Etat y serait
minoritaire et son représentant, l'autorité préfectorale, sans aucun pouvoir de
décision ou de contrôle.
Cette instance paraît donc contraire à la lettre comme à l'esprit de l'article
72, alinéa 3, de la Constitution, qui prévoit que, « dans les départements et
les territoires, le délégué du Gouvernement a la charge des intérêts nationaux,
du contrôle administratif et du respect des lois ».
Quant à l'enquête publique proposée par cet article, elle n'a pas de raison
d'être dans une démarche contractuelle qui suppose l'accord des parties sur les
modalités de gestion prévues dans le document d'objectifs.
Avec cet article, la proposition de loi met en place un dispositif extrêmement
lourd et complexe qui multiplie les procédures.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'article 8.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Est-il nécessaire d'ajouter quelque chose à ce que vient de
dire Mme la ministre ? Je ne crois pas.
Je souhaite le maintien de l'article 8 tel qu'il a été rédigé, et les
observations du Gouvernement ne me paraissent pas devoir être retenues.
M. le président.
Sur l'article 8, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Par amendement n° 19, M. Souplet propose, dans cet article, de remplacer les
mots : « Conseil départemental du patrimoine naturel » par les mots : «
Commission départementale des sites, perspectives et paysages ».
Par amendement n° 15, M. Bellanger et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent, dans cet article, de remplacer le mot : « départemental »
par le mot : « régional ».
La parole est à M. Souplet, pour présenter l'amendement n° 19.
M. Michel Souplet.
Je le retire, monsieur le président, car il n'a plus d'objet.
M. le président.
L'amendement n° 19 est retiré.
La parole est à M. Bellanger, pour défendre l'amendement n° 15.
M. Jacques Bellanger.
Par coordination, je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 15 est retiré.
Par amendement n° 12 rectifié, MM. Grignon et Vasselle proposent, dans
l'article 8, de remplacer les mots : « lorsque l'importance du site proposé,
ses caractéristiques » par les mots : « lorsque les caractéristiques du site
proposé, notamment son importance ».
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon.
Monsieur le rapporteur, je ne crois pas que vous puissiez penser, comme tout à
l'heure, que cet amendement est inutile ; mais, pour gagner du temps, je vais
le retirer tout de suite.
M. le président.
L'amendement n° 12 rectifié est retiré.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Monsieur Grignon, aucun de vos amendements n'est inutile !
Ils sont tous pertinents et intéresssants, ils méritaient tous d'être étudiés
et discutés.
Cela étant, ceux que j'avais malencontreusement et malheureusement qualifiés
d'inutiles étaient en fait satisfaits.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
M. le président.
« Art. 9. - Les sites nationaux d'importance communautaire retenus dans le
réseau écologique européen dénommé Natura 2000 sont désignés par arrêté du
ministre chargé de l'environnement.
« Cet arrêté fixe le périmètre des sites désignés et porte publication des
documents d'objectifs. » -
(Adopté.)
Article 10
M. le président.
« Art. 10. - Lorsque la désignation des sites d'importance communautaire
comporte des prescriptions de nature à modifier l'état ou l'utilisation
antérieure des lieux et déterminant un préjudice direct, matériel et certain,
elle donne droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de
droits réels ou de leurs ayants droit.
« Dans ce cas, la demande d'indemnisation doit être produite dans un délai de
six mois à compter de la date de désignation du site. A défaut d'accord
amiable, l'indemnité est fixée par le juge de l'expropriation.
« Les mesures de gestion définies en application des documents d'objectifs
prévus à l'article 6 pour les sites d'importance communautaire donnent lieu,
pour leur mise en oeuvre, à la conclusion de contrats entre l'Etat, les
collectivités territoriales et les différents propriétaires et gestionnaires
concernés.
« Les charges résultant de l'application du présent article sont compensées, à
due concurrence, par un financement communautaire et par le relèvement des
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Cet article est particulièrement important. Il transpose des
dispositions financières qui ont été prises ou annoncées concernant la mise en
réseau des sites communautaires.
Sachant que le troisième alinéa de l'article 8 de la directive précise que des
cofinancements de l'Etat membre et de l'Europe seront mis à disposition pour
mettre en oeuvre la directive Habitats naturels,
mutatis mutandis,
nous
avons estimé que nous nous devions à l'article 10, de reprendre ce type de
disposition.
Le problème général posé est celui de l'indemnisation des « servitudes
environnementales », qui constituent des sujétions d'ordre législatif ou
réglementaire imposées par la puissance publique à la propriété privée pour des
motifs d'intérêt général. J'ai déjà largement évoqué cette disposition dans mon
propos introductif.
Il ne serait pas convenable, dans une telle situation, que l'on puisse de
quelconque manière dire qu'il n'y aura pas lieu à indemnisation. Je reviendrai
dans un instant sur le terme d'indemnisation, car l'article 10 prévoit des
dispositions qui sont d'un autre ordre que la seule indemnisation financière
directe, versée au propriétaire qui aurait été non pas spolié mais lésé dans la
jouissance de son bien.
Ces considérations trouvent pleinement à s'appliquer dans le cas des sites
d'intérêt communautaire incorporés dans le réseau écologique européen.
L'article 8 de la directive, que je viens de citer, l'a expressément prévu.
La prise en compte des servitudes éventuellement imposées du fait de
l'intégration d'un site dans le réseau écologique européen semble également
être une préoccupation du Gouvernement puisque, madame la ministre, dans une
circulaire du 2 avril 1998 adressée aux préfets de département, vous avez
indiqué - j'ai de bonnes lectures - que « la mise en oeuvre réussie au niveau
national du réseau Natura 2000 nécessite l'obtention de moyens financiers
d'accompagnement suffisamment incitatifs » et puisque vous vous êtes engagée à
mettre « tout en oeuvre pour l'adoption de mesures propres à rémunérer les
prestations envisagées dans les documents d'objectifs ainsi qu'une exonération
de la taxe sur le foncier non bâti ».
En conséquence, je propose d'inscrire dans la loi le principe de
l'indemnisation des servitudes environnementales nées de la mise en oeuvre du
réseau écologique européen.
Premièrement, dans les cas - sans doute les plus rares - où les prescriptions
imposées entraîneront un préjudice direct, matériel et certain, il y aura lieu
d'indemniser les propriétaires concernés en prenant en compte la perte de
valeur du fond. Cela me paraît relever de la simple logique et de la simple
justice.
Deuxièmement, le troisième alinéa de l'article 10 prévoit la rémunération des
prestations ou des mesures de gestion que la puissance publique imposera en
application des documents d'objectifs définis pour le site concerné.
La rémunération de ces services nouveaux devra donc être définie par voie
contractuelle, ce qui présente de nombreux avantages : le propriétaire, le
gestionnaire ou l'usager d'un site inscrit dans le réseau Natura 2000 est
reconnu en tant que gestionnaire d'un espace naturel, et le concept de
protection de la nature acquiert ainsi une véritable dimension économique.
Enfin, le dernier alinéa de l'article 10 reprend les dispositions du gage
fiscal qui faisaient l'objet du dernier article de la proposition de loi. Il
ajoute, conformément à l'article 8 de la directive Habitats naturels, que ces
mesures pourront faire l'objet d'un cofinancement européen.
Avec mes collègues, nous n'avons rien fait d'autre, madame la ministre, que de
transcrire les directives dans le droit national.
L'aspect quelque peu novateur de l'article 10, c'est la reprise de la
possibilité de contractualisation et non pas de l'indemnité pure et simple.
Je l'ai dit, j'ai créé et présidé un parc naturel régional au sein duquel on a
proposé 15 000 hectares en contractualisation, avec des compensations pour les
agriculteurs en échange de modifications dans leurs comportements culturaux -
au sens agricole du terme - parce que cette approche culturale différente a un
impact positif pour la société en général.
Cela permet notamment de protéger des zones de nidification en retardant les
périodes de fauche, de maintenir en eau certaines prairies humides pour avoir
des limes en eau qui favorisent la nidification des canards et la reproduction
des brochets. Je pourrais multiplier les exemples français ou européens de
telles mesures agri-environnementales.
Je me suis également permis de vous dire, madame la ministre, que j'avais
proposé, en 1993, des mesures de défiscalisation permettant d'assimiler le
patrimoine environnemental à un patrimoine artistique ou de faire pour le
patrimoine environnemental ce qui a déjà été entrepris pour le patrimoine
artistique.
Mais cette politique ne doit pas se faire forcément au détriment de la
fiscalité locale, et j'attire l'attention de mes collègues sur ce point. Si
l'on retire, en effet, le produit du foncier non bâti aux communes rurales,
vous m'expliquerez, madame la ministre, comment celles-ci pourront équilibrer
leur budget ! Le système serait trop facile qui consisterait à exonérer avec
l'argent des autres, en particulier de ceux qui sont au plus près !
Vous l'avez dit, madame la ministre, vous allez invoquer l'article 40. Il est,
certes, applicable en l'espèce. Sur la forme, sur la procédure, vous avez donc
raison. Mais, sur le fond, je crois que je n'ai pas tort.
M. Nicolas About.
C'est l'essentiel !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Si vous oubliez d'accorder une quelconque indemnisation, si
vous affirmez ne pas vouloir recourir à ce dispositif, soyez assurée - je ne
reviens pas sur le détail de ce que je viens d'expliquer - que les ayants droit
de l'espace - certains d'entre eux, en particulier - y seront extrêmement
sensibles.
Vous savez pertinemment aussi que, dans d'autres régions d'Europe, des sites
larges ont été désignés - pas forcément renseignés mais désignés - de manière,
effectivement, à donner lieu à des compensations. Vous avez parlé d'un certain
nombre de crédits, notamment des crédits LIFE.
Ainsi, les Italiens, pour ne pas les nommer, ont désigné de larges
espaces...
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Les Grecs
!
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Les Grecs aussi pour que les Italiens ne soient pas tout
seuls, mais je laisse ces propos sous votre responsabilité. Pour ma part, je
m'en tiens aux Italiens !
Par conséquent, n'oubliez pas que cette disposition est attendue de pied ferme
- l'expression n'est pas trop forte - par ces ayants droit de l'espace, qui
estiment que, dans la mesure où l'on vient perturber leurs activités
culturales, économiques ou autres, ils ont droit à indemnisation.
Bien sûr, le recours à l'article 40 de la Constitution vous évitera de
répondre sur le fond, cet article s'applique, comme ne manquera pas de le dire
notre collègue de la commission des finances !
Vous êtes en train, dites-vous, d'élaborer un projet de loi ; vous l'avez mis
en discussion. Il est vrai que j'ai vu passer un projet de texte - je l'ai en
ma possession. Je ne sais pas où vous en êtes de la concertation. L'écho que
j'en ai, c'est que l'accueil n'est pas particulièrement favorable. Donc,
prudence !
En fait, je ne vois pas pourquoi vous ne retiendriez pas, sur le fond, nos
propositions. Si tel était le cas, que se passerait-il ? De toute façon, cette
proposition de loi ne pourra pas être discutée à l'Assemblée nationale avant
l'automne.
Vous pourriez donc attendre l'automne pour demander à l'Assemblée nationale de
corriger les insuffisances, les incompétences - d'aucuns ont parlé des «
anomalies » - du Sénat. Ainsi, le texte, amendé, deviendrait convenable, voire,
avec la navette, recevable.
User de la procédure pour la procédure, simplement pour dire non aujourd'hui,
n'est pas très élégant à l'égard de la représentation nationale. C'est
peut-être même faire preuve d'une certaine frilosité, voire d'une certaine
appréhension, face au travail du Sénat et, plus généralement, du Parlement.
L'origine de la loi n'est pas que gouvernementale, madame la ministre. Nous
avons capacité à proposer. La preuve en est que nous discutons, ce soir, d'une
proposition de loi. Nous sommes donc dans notre rôle.
Mme Bardou et moi-même n'avons aucune coquetterie d'auteur. Nous sommes prêts
à vous livrer pieds et poings liés cette proposition de loi. Nous la croyons
pertinente, adaptée, capable de répondre à un certain nombre d'interrogations.
Je vous en prie, madame la ministre, ne gâchez pas tout cela en invoquant
l'article 40 !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Ecoutez-le, madame
la ministre.
M. Alain Vasselle.
Il a raison !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Quelle
émotion, monsieur le rapporteur !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Chaque fois que je vous vois, je suis ému.
(Sourires.)
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
On en
revient toujours, qu'on le veuille ou non, à des questions de vocabulaire, et
c'est un peu dommage.
S'il est vrai que Grecs et Italiens ont proposé une partie significative de
leur territoire national, la désignation proprement dite des sites retenus dans
le réseau n'est pas faite ; elle commence à peine. C'est, malheureusement, une
difficulté permanente que de faire comprendre la différence entre
l'identification des sites, étape scientifique, la proposition des sites, étape
nationale, et la désignation des sites, étape de concertation entre les points
de vue nationaux et européen.
Vous l'avez noté vous-même, la concertation et son volet pédagogique sont
essentiels, dans cette affaire. Il m'a semblé - vous en conviendrez sans doute
avec moi - que l'un des enjeux de la mise en place du comité national de suivi
et de concertation sur Natura 2000 était non pas seulement la succession des
points de vue, que l'on obtient lorsqu'on auditionne les différents partenaires
les uns après les autres, mais bien la possibilité de faire évoluer les points
de vue des uns et des autres pour trouver des points de convergence et pour
que, finalement, les contentieux ou les incompréhensions puissent tomber le
plus vite possible.
Dans cette affaire, et bien que j'aie l'intention, monsieur le rapporteur,
d'invoquer l'article 40 de la Constitution à l'encontre de cet article qui crée
une charge pour l'Etat, je dirai que ce sont des raisons de fond qui justifient
ma position.
En effet, je suis absolument convaincue que nous ne serons que très rarement
confrontés à l'exercice de l'indemnisation d'un préjudice important : parfois,
nous l'éviterons, par exemple, par des propositions de rachat ou de gestion par
des conservatoires régionaux ; parfois, nous renoncerons à proposer le site si
nous considérons que l'activité est essentielle pour la région concernée et
qu'il existe une alternative sur le plan biologique.
Ce que je voudrais surtout éviter, c'est que soit diffusée l'idée d'un lien
entre la désignation au titre du réseau Natura 2000 et le droit à indemnisation
au motif qu'il existerait un préjudice quasiment systématique. Dans l'écrasante
majorité des cas, il s'agira de rémunérer des services rendus à la collectivité
ou de compenser des contraintes acceptées, par exemple la perte de revenu qui
peut être liée à des pratiques extensives en zone inondable.
C'est pourquoi, pour faire valoir jusqu'au bout l'idée d'une
contractualisation, d'une négociation, d'une confrontation des points de vue
avec les gestionnaires des milieux, je ne crois pas vraiment indispensable de
donner un avis favorable à l'article 10.
Cela étant, cet article, vous le savez, crée une charge supplémentaire pour
l'Etat, outre qu'il est en contradiction avec la démarche contractuelle
proposée par le Gouvernement. Je me trouve donc contrainte d'invoquer l'article
40 de la Constitution.
M. Nicolas About.
Quelle déception !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je n'en
fais pas une affaire de forme pour fuir le débat ; d'ailleurs, la procédure
n'est pas là seulement pour être contournée, et c'est donc avec beaucoup de
bonne foi et de tranquillité d'esprit que j'y ai recours.
M. le président.
L'article 40 de la Constitution est-il applicable, monsieur Badré ?
M. Denis Badré,
au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je ne vais pas décevoir M. le rapporteur en
intervenant dans un sens différent de celui qu'il attend : je ne peux que
confirmer que l'article 40 de la Constitution est applicable.
M. le président.
L'article 40 de la Constitution étant applicable, l'article 10 n'est pas
recevable.
Article 11
M. le président.
« Art. 11. - Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application
de la présente loi. » -
(Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la
parole à M. Souplet, pour explication de vote.
M. Michel Souplet.
Compte tenu du fait que le couperet de l'article 40 est tombé, je n'ai pas pu
m'exprimer sur l'article 10 comme je le souhaitais, notamment au travers des
deux amendements que j'avais déposés.
Madame le ministre, puisque vous avez reconnu qu'il devrait y avoir
effectivement indemnisation, vous reconnaissez donc par la même qu'à terme, et
même à court terme, il sera nécessaire de budgétiser pour indemniser. Vous avez
même évoqué le risque d'indemnisations relativement importantes. Je regrette
donc que vous ayez invoqué l'article 40, mais c'était votre droit le plus
strict de le faire.
J'avais plusieurs raisons de déposer des amendements. S'agissant, notamment,
de l'indemnisation de préjudices prévisibles à court terme, vous avez vous-même
reconnu qu'il y avait des rémunérations de services rendus. Je craignais, moi,
que ne soient exclus de la discussion les risques à long terme, par exemple en
ce qui concerne la croissance des forêts ou des événements climatiques
importants qui peuvent se produire et pour lesquels rien n'était prévu.
Cela étant, j'indique que le groupe de l'Union centriste votera, bien entendu,
la proposition de loi.
M. le président.
La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger.
La discussion n'a pas apporté d'éléments bien nouveaux.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Oh !
M. Jacques Bellanger.
Mais je veux tout de même remercier M. Vasselle d'avoir confirmé ce que je
disais d'entrée. Vraiment, il m'avait mal compris ! En effet, je n'ai jamais
dit que les élus locaux et le monde rural ne s'étaient pas concertés : ils se
sont concertés en l'absence de réaction du Gouvernement et c'est bien cela qui
est à l'origine de cette lame de fond ; j'en suis bien d'accord.
L'article 10 a été déclaré irrecevable. Je m'étonne toujours que l'on
n'appréhende le développement durable et la conservation que sous l'angle de
leur coût alors qu'il peut en résulter des développements économiques
particulièrement intéressants. Les exemples sont nombreux de redémarrages
d'activités agricoles ou d'élevage grâce à l'aide de parcs nationaux ou
régionaux.
Je m'élève contre cette idée, ancrée dans les esprits, selon laquelle toute
action de caractère écologique ou en matière de développement durable
entraînerait un préjudice. Certes, cela arrive mais, en contrepartie, il y a un
enrichissement par la création de ces réserves et de ce nouveau mode de
développement.
Pourquoi, monsieur le rapporteur, ai-je dit que ce débat avait apporté peu
d'éléments nouveaux ? J'ai cru un moment que vous ouvriez une porte, que cette
proposition de loi s'inscrivait dans la concertation. Dans ce cas, je l'aurais
trouvé intéressante, d'autant que le Parlement était enfin associé à cette
concertation. Mais ce n'est pas le cas.
Nous allons donc maintenir notre position, car nous croyons vraiment que le
Gouvernement a engagé une véritable concertation qui a des chances d'aboutir.
Le moment est donc mal choisi d'y mettre fin avant terme. De nombreux aspects
de la proposition de loi sont intéressants. Pour ma part, je suis persuadé que
le Gouvernement en tiendra compte et c'est la raison pour laquelle notre groupe
s'abstiendra sur ce texte.
M. le président.
La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que
nous avons examiné ce soir reprend les dispositions essentielles des
principales recommandations du rapport d'information de la commission des
affaires économiques et du Plan intitulé :
Natura 2000 : de la difficulté à
mettre en oeuvre une directive européenne.
Ce rapport, adopté à l'unanimité, tend à clarifier les procédures
d'application de la directive du 21 mars 1992 concernant la conservation des
habitats naturels ainsi que la faune et la flore sauvages.
Le dispositif que nous allons adopter renforce la concertation à tous les
niveaux, non seulement lors de l'élaboration des propositions nationales, mais
également à l'occasion de la rédaction des cahiers d'objectifs et tend ainsi à
combler l'absence de législation nationale mettant en oeuvre la directive.
En outre, ce texte comprend des dispositions tendant à garantir les droits des
propriétaires et des gestionnaires des sites proposés pour être intégrés dans
le réseau écologique européen. Mme la ministre nous a certes opposé l'article
40, mais il conviendra, en tout état de cause, de prévoir ce genre
d'indemnités.
En conséquence, nous préférons à une directive mal connue et mal interprétée
une véritable règle du jeu clarifiant la procédure d'application en totale
concertation avec tous les acteurs socio-économiques du monde rural.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République votera
ce texte.
Je souhaite en outre rappeler, madame la ministre, que le Parlement est
souverain et que ses décisions doivent être appliquées. Certaines déclarations
récentes que vous avez faites à la suite du vote d'un texte qui ne vous
convenait pas nous ont surpris et émus. Allez-vous tenir de nouveau les mêmes
propos si ce texte est adopté, ce dont je ne doute pas ? Pouvez-vous nous
donner l'assurance que le vote souverain du Parlement sera respecté ?
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Je voudrais répondre brièvement à notre collègue M. Bellanger sur la question
du préjudice et du développement durable.
Effectivement, il peut y avoir préjudice ou il peut ne pas y en avoir. Mais ce
dont il faut être conscient, c'est que la création des richesses qui peut
résulter du développement durable - nous l'appelons tous de nos voeux - ne
bénéficie pas toujours aux victimes du préjudice.
Par exemple, la réalisation d'une autoroute nécessite des expropriations, mais
c'est dans l'intérêt général, pour assurer une meilleure desserte de telle ou
telle région. D'un côté, il y a des propriétaires, notamment des exploitants
agricoles, qui subissent un préjudice - je connais bien ce problème pour m'en
être occupée pendant de nombreuses années - et de l'autre côté il y a l'intérêt
général au nom duquel on exproprie ou on impose des contraintes à certaines
personnes. On ne peut négliger aucun de ces deux aspects du problème, car, en
définitive, dans la plupart des cas, les bénéficiaires ne sont jamais ceux qui
subissent le préjudice.
M. le président.
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, cette
proposition de loi a simplement comme objet d'apporter une contribution à
l'application de la directive Natura 2000 et de promouvoir une meilleure
concertation. Elle est complémentaire de Natura 2000, je l'ai dit : elle ne va
pas contre elle, bien au contraire. Nous essayons d'aider à sa mise en oeuvre.
Le groupe des Républicains et des Indépendants votera donc ce texte.
S'agissant de la régionalisation, je ne voudrais pas laisser penser que, dans
mon esprit, il y a un conflit entre régionalisation et départementalisation. Le
département est, dans ce cas-là, l'espace le plus pertinent. N'oublions pas
qu'il s'agit, certes, de l'aménagement du territoire, mais aussi et avant tout
de l'aménagement de l'espace rural. Ce dernier doit être traité au plus près
des citoyens, c'est-à-dire à l'échelon départemental.
Dans son ensemble, cette proposition de loi correspond tout à fait à ce que
nous souhaitons les uns et les autres : la réussite de Natura 2000.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je serai bref. Je tiens tout d'abord à remercier mes
collègues qui, nombreux, ont participé à ce débat jusqu'à cette heure tardive
et un jour qui n'était peut-être pas le plus approprié. Madame la ministre,
cela prouve l'intérêt qu'ils portent à ce sujet.
Monsieur Bellanger, contrairement à vous, j'ai le sentiment que cette
proposition de loi ouvre largement la porte à la concertation ; elle l'inscrit
d'ailleurs dans le marbre de la loi. Votre observation m'étonne donc un peu,
mais je vous connais suffisamment pour ne pas vous en tenir grief.
Je rappelle que le rapport que j'ai eu l'honneur de présenter devant la
commission des affaires économiques et du Plan, voilà un an, comme la
proposition de loi qui a été déposée au mois de décembre 1997 ont fait l'objet
d'une large concertation qui a regroupé l'ensemble des partenaires - je vous
l'ai dit tout à l'heure, madame la ministre - à l'exception des randonneurs, et
je les ai priés de m'en excuser.
Madame la ministre, je me dois de reprendre l'un de vos propos. Vous souhaitez
privilégier la démarche contractuelle. Je suis prêt à supprimer la première
partie de l'article 10 si vous en acceptez la seconde, qui prévoit la
contractualisation.
Votre refus m'étonne et je m'inquiète pour la suite. Vous me dites que vous
êtes en train d'organiser la concertation la plus large, que vous envisagez un
certain nombre de mesures, mais, en même temps, vous refusez les solutions que
nous vous proposons.
Vous avez insisté sur votre tranquillité d'esprit et sur votre bonne foi. Je
vous donne acte pour la bonne foi : l'esprit militant, c'est normal, un jour ou
l'autre, prend le dessus. Mais pour ce qui est de la tranquillité d'esprit, je
ne suis pas sûr de pouvoir vous en donner acte. En effet, vous n'avez pas
répondu comme il le fallait à la proposition que je vous ai faite. Mais cela
étant, c'est votre affaire, ce n'est pas la mienne.
En ce qui concerne le développement durable, dont un de mes collègues a parlé,
sachez que la quasi-totalité de ceux qui siègent dans cette assemblée sont
convaincus qu'il constitue un enjeu de société.
Qu'est ce que le développement durable ? Le développement durable, c'est un
triangle. A un sommet, il y a les préoccupations économiques ; à un autre
sommet, il y a les préoccupations sociopolitiques et, au troisième sommet, il y
a l'environnement. Le triangle équilatéral, c'est le développement durable.
Vous me dites que l'on peut abandonner un certain nombre de choses, que les
contraintes peuvent être acceptées, que l'on peut apprécier des services rendus
comme étant rendus sans compensation. Ce n'est pas vrai ! Si vous n'amenez pas
les gens à être vertueux, vous les laisserez dans leurs cercles différents. Il
faut développer des cercles vertueux pour sortir des cercles vicieux. C'est par
la contractualisation, par l'entraînement, par l'effet pédagogique et en y
mettant quelque argent, même si cela doit coûter, même si, comme vous l'avez
dit, madame la ministre, c'est une charge pour l'Etat, que l'on y parviendra.
Mais à quoi sert donc l'Etat, s'il n'est pas capable de prendre en charge
quelques dépenses, à partir du moment où ce sont des enjeux de société ?
C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, je regrette que vous n'ayez
pas cru bon de comprendre cette proposition de loi sur le fond. Je suis
néanmoins persuadé, puisque vous être en train de développer la concertation,
qu'à l'automne vous ferez en sorte que ce texte vienne en discussion à
l'Assemblée nationale. Cela vous permettra, pour tenir compte de la
concertation que vous avez organisée, de le faire amender. Cela vous permettra
également de répondre à l'attente de nos concitoyens.
Une telle attitude est nécessaire car, pour l'instant, la directive Natura
2000 fait plutôt hurler, fait plutôt peur, au lieu de contribuer à faire
progresser le dossier.
L'état d'esprit qui règne actuellement doit cesser, ne serait-ce que dans
l'intérêt supérieur de notre pays.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le rapporteur, les choses sont relativement claires de mon point de vue.
Si Natura 2000 a fait hurler, si Natura 2000 a fait peur, c'est
essentiellement parce que les ragots les plus divers ont été colportés par des
personnes qui entretenaient la confusion entre des dispositions et une
directive tout à fait différentes.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Absolument ! Et j'en suis bien d'accord !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
On n'en
est plus là. Et ceux qui, aujourd'hui, nous décrivent un paysage d'apocalypse
devraient savoir que, au sein du Comité national de suivi, tout se passe
bien.
Plus aucune catégorie socioprofessionnelle n'ose désormais dire qu'elle est
hostile par principe à Natura 2000. Chacun est maintenant prêt à travailler sur
les modalités de gestion des sites et sur la mise en oeuvre des nouveaux
dispositifs.
La semaine dernière, une façon plutôt originale de légiférer a été adoptée :
d'abord, on a voté une loi ; ensuite, on a proposé de reprendre la
concertation. Ne faisons pas la même erreur. Ce n'est pas en votant aujourd'hui
que l'on pourra le mieux mener la concertation demain.
J'ai souhaité associer les membres du Comité national de suivi à la discussion
sur la transcription en droit français de la directive communautaire Natura
2000. J'ai donné ma parole qu'un temps suffisant serait laissé à cette
concertation. Peut-être serons-nous amenés, à l'automne, à amender la
proposition de loi qui est soumise au vote du Sénat. Je ne sais.
En tout cas, d'une part, ma tranquillité d'esprit est totale et, d'autre part,
je sais que la qualité de notre travail ultérieur sera à la hauteur.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe des
Républicains et Indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le
résultat du dépouillement du scrutin n°
112:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 221 |
Majorité absolue des suffrages | 111 |
Pour l'adoption | 221 |
M. le président. Mes chers collègues, avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante, est reprise à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
6
CONTRÔLE DE L'OBLIGATION SCOLAIRE
Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 504,
1997-1998) de M. Jean-Claude Carle, fait au nom de la commission des affaires
culturelles sur la proposition de loi (n° 391, 1996-1997) de M. Serge Mathieu
relative à l'obligation de scolarité, et la proposition de loi (n° 260,
1997-1998) de M. Nicolas About tendant à renforcer le contrôle de l'obligation
scolaire.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, les deux propositions de
loi déposées par nos deux excellents collègues, M. Serge Mathieu et M. Nicolas
About, s'inspirent du même souci, celui de renforcer le contrôle de
l'obligation scolaire lorsque l'instruction est assurée au sein de la famille
ou dans un établissement d'enseignement privé hors contrat et, plus
particulièrement, de protéger les enfants mineurs des sectes en leur assurant
une véritable instruction.
Comme vous le savez, et des affaires récentes en portent dramatiquement
témoignage, ces enfants sont fréquemment menacés dans leur santé physique et
mentale. Ils sont aussi soumis à une propagande parfois intensive qui s'oppose
à leur intégration ultérieure dans la société.
Pour le moins, l'instruction qui leur est dispensée devrait répondre aux
normes minimales d'enseignement qui sont consacrées par la Convention nationale
des droits de l'enfant du 20 novembre 1989.
A titre liminaire, je préciserai qu'il ne s'agit pas pour nous de légiférer ce
soir pour interdire ou limiter l'activité des sectes. Celles-ci ne sont en
effet, et on peut le regretter, ni définies ni interdites par notre droit. Il
s'agit plus modestement, pour la commission des affaires culturelles, de tenter
de réduire les formes de marginalisation des familles, que celles-ci soient
sectaires ou non, qui privent leurs enfants de l'instruction obligatoire et qui
hypothèquent leur avenir.
Sur le plan de la méthode et s'agissant d'un sujet aussi délicat qui touche
aux grands principes fondant notre système éducatif, j'ai souhaité recueillir
l'avis de personnalités autorisées, qu'il s'agisse de représentants de
l'enseignement catholique, de parents d'élèves de l'enseignement privé, de
responsables de l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF, de
membres des associations de défense contre les sectes et de responsables de la
cellule chargée de la lutte contre les sectes au ministère de l'éducation
nationale.
Que m'ont-elles appris ou confirmé ?
D'abord, le phénomène sectaire est encore peu répandu dans l'enseignement
public ou privé sous contrat, quoique les sectes tendent à se développer de
manière insidieuse et inquiétante dans tous les types d'enseignement.
Ensuite, ces représentants de l'enseignement privé ne sont pas hostiles à un
renforcement du contrôle de l'Etat sur les établissements hors contrat, qui
peuvent aussi, nous le savons bien, recouvrir des activités de nature
sectaire.
Enfin, tout aménagement du cadre législatif de l'instruction obligatoire doit
nécessairement respecter le principe de la liberté de l'enseignement et
l'équilibre des rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement
privé.
Quelle est la population d'âge scolaire concernée par cette proposition de loi
?
D'après la dernière enquête menée par l'éducation nationale, quelque 6000
enfants se trouvaient en dehors de ce que l'on peut appeler l'école
républicaine.
Sur 2 300 enfants instruits au sein de leur famille, plus de 1000 le seraient
dans une famille appartenant à une secte.
En outre, 3 600 enfants seraient scolarisés dans des écoles soupçonnées
d'entretenir des liens avec une secte. J'ajoute que plusieurs centaines
d'enfants bénéficiant de l'enseignement à distance sont inscrits au Centre
national d'enseignement à distance, le CNED, pour des raisons dites
religieuses, mais en fait dictées par un comportement sectaire.
Enfin, j'indiquerai que 30 000 à 40 000 enfants de familles membres des
Témoins de Jéhovah sont scolarisés dans des établissements relevant de
l'éducation nationale et reçoivent en fait une double « éducation ».
Cinq mille à six mille enfants concernés par le phénomène sectaire, c'est à la
fois beaucoup et peu. Peu si l'on se réfère à l'ensemble des enfants
scolarisés, en particulier dans le primaire. Beaucoup, car s'il n'y en avait
même qu'un seul, ce serait déjà trop dans la mesure où l'avenir de cet enfant,
son intégration sociale seraient sérieusement hypothéqués.
Cette situation nous invite donc à adopter une attitude réaliste écartant à la
fois la dramatisation, qui viserait à voir des phénomènes sectaires partout au
sein de notre système éducatif, mais aussi le laxisme.
C'est la raison pour laquelle le texte que j'ai l'honneur de rapporter est, de
toute évidence, modeste et limité, quoique, je le pense, réaliste et
applicable.
Comment l'éducation nationale a-t-elle réagi au développement du phénomène
sectaire ?
Elle a d'abord créé une cellule chargée des relations avec l'observatoire
interministériel sur les sectes et a engagé une politique de formation des
personnels concernés, qu'il s'agisse des corps d'inspection, des chefs
d'établissement, des conseillers d'éducation, des documentalistes et des
infirmières.
Elle a ensuite instauré une politique de prévention du phénomène sectaire dans
l'ensemble des établissements et mis en place un dispositif de surveillance
pour les établissements hors contrat et les associations de type périscolaire :
cette politique devra être développée et, à moyen terme, tous les personnels de
l'éducation devront être sensibilisés au problème des sectes.
Au-delà de ces efforts de sensibilisation, l'heure est venue de procéder à un
aménagement des textes régissant l'instruction obligatoire : ce besoin est
ressenti par les corps d'inspection et les magistrats confrontés au phénomène
sectaire.
Je crois que vous partagez notre souhait, madame la ministre.
Mais nous devons agir avec précaution, car il s'agit de textes vénérables ou à
forte dimension symbolique.
Comme vous le savez, en effet, notre système scolaire reste régi par les lois
Ferry, qu'il s'agisse de la gratuité et de la laïcité de l'enseignement, mais
aussi de l'instruction obligatoire, qui a pour corollaire la liberté de
l'enseignement.
Je me bornerai à rappeler que la loi Ferry du 28 mars 1882 a instauré
l'instruction obligatoire pour tous les enfants âgés de six à treize ans, son
terme ayant été porté à quatorze ans par la loi du 9 août 1936 et à seize ans
par l'ordonnance du 6 janvier 1959.
Cette instruction obligatoire peut être dispensée soit dans les écoles ou les
établissements publics ou privés, soit dans les familles. Son contrôle est
assuré, dans ce dernier cas, par une déclaration des enfants en mairie, par une
enquête sociale périodique diligentée par le maire et par une vérification
éventuelle de l'acquisition des notions élementaires de lecture, d'écriture et
de calcul décidée par l'inspecteur d'académie.
Il convient également de rappeler que l'obligation scolaire n'a pas été
aisément acceptée par certains tenants de la tradition qui voyaient là une
atteinte à la liberté de conscience et d'enseignement.
Lors de la séance publique du 3 juin 1881, notre ancien collègue, le sénateur
inamovible Hippolyte-Louis de Lorgeril, répondait à Jules Ferry : « Avec le
projet du gouvernement... vous enlevez l'enfant à ses gardiens les plus
affectueux et les plus dévoués, et vous le livrez aux mains souvent
indifférentes d'un maître d'école. »
Il ajoutait que ce projet « ne servira... qu'à donner le goût de la
fainéantise aux enfants éloignés pendant sept ans des travaux agricoles, tandis
que, sous les yeux de leurs parents, ils seraient devenus des hommes laborieux,
actifs et utiles à la société. »
Le sénateur de la Corrèze, Guy Lafond de Saint-Mür, se montrait, en revanche,
favorable à l'instruction obligatoire et déclarait : « Au droit de l'enfant, au
droit de la société, au droit du suffrage universel, on viendrait opposer un
prétendu droit du père de famille ; on violerait sa liberté ? Quelle liberté ?
Celle de laisser son enfant sans lumière et, par suite, frappé d'infériorité,
voué peut-être à la misère, à l'immoralité ? »
Ce court florilège, qui porte la marque d'une France encore très largement
rurale et agricole, témoigne de l'évolution et de la contingence des
opinions.
S'agissant de l'obligation scolaire, j'ajouterai que l'article 35 de la loi
Goblet de 1886 et l'article 2 de la loi Debré du 31 décembre 1959 font encore
obstacle à tout contrôle de l'instruction donnée dans les établissements hors
contrat.
Enfin, j'indiquerai que les sanctions prévues en cas de manquement à
l'obligation scolaire, quelle que soit leur gravité, sont peu dissuasives,
puisqu'il s'agit de contraventions de deuxième classe et qu'elles n'ont
quasiment jamais été appliquées.
Prenant acte d'une législation lacunaire, inadaptée et peu dissuasive, les
auteurs des deux propositions de loi suggèrent d'apporter des aménagements
substantiels aux modalités de l'obligation scolaire.
Afin de répondre au développement inquiétant du phénomène sectaire, notre
collègue M. Serge Mathieu propose de supprimer la possibilité d'instruire les
enfants au sein de la famille. Une telle proposition serait assurément la plus
efficace ; mais elle risque d'être jugée contraire au principe de la liberté de
l'enseignement et de poser le problème de l'instruction de certains enfants
malades, handicapés ou vivant dans des familles itinérantes ou expatriées.
La proposition de notre collègue M. Nicolas About tend, d'abord, à renforcer
le contrôle de l'obligation scolaire, que l'instruction soit dispensée dans la
famille ou dans un établissement hors contrat. Ce contrôle prendrait la forme
d'un examen annuel portant sur les programmes officiels et serait organisé dans
un établissement d'enseignement public pour éviter tout risque de pression.
Elle vise, ensuite, à renforcer les sanctions prévues en cas de manquements à
l'obligation scolaire, quelle que soit leur gravité, en portant celles-ci à
trois ans d'emprisonnement et à 300 000 francs d'amende.
Enfin, elle a pour objet, afin de contenir le prosélytisme sectaire, de
réprimer le démarchage à domicile des mineurs et d'instituer une réglementation
générale de la distribution de tracts sur la voie publique par ces derniers.
Si la commission a estimé que le principe d'une aggravation des sanctions
était fondé, elle exprime cependant la crainte que le dispositif répressif
proposé n'apparaisse quelque peu excessif et, par là même, difficile à
appliquer.
Avant d'exposer les conclusions de la commission, je souhaiterais préciser
qu'elle partage pleinement le souci des auteurs des deux propositions de
loi.
Mon rôle de rapporteur est cependant de rappeler que le renforcement du
contrôle des connaissances de l'enfant soumis à l'obligation scolaire doit
respecter le principe de la liberté de l'enseignement, donc le libre choix des
programmes et des méthodes pédagogiques par les familles et les établissements
hors contrat.
La commission vous proposera, en conséquence, d'instaurer un contrôle annuel
systématique sur tous les enfants instruits dans leur famille et de prévoir un
contrôle facultatif, dont l'opportunité serait appréciée par l'inspecteur
d'académie, sur l'enseignement dispensé dans les classes hors contrat des
établissements privés.
Ce contrôle porterait, d'une part, sur les connaissances de base requises des
élèves au titre de l'article 2 de l'ordonnance du 6 janvier 1959 et, d'autre
part, sur les conditions dans lesquelles les enfants peuvent accéder au droit à
l'éducation telles que celles-ci sont définies à l'article 1er de la loi
d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989.
Ce contrôle se déroulerait, selon les cas, au sein de la famille ou de
l'établissement concerné.
Il permettrait d'évaluer régulièrement les connaissances scolaires de l'enfant
et de s'assurer que celui-ci n'est pas soumis à des pressions de type sectaire
qui hypothéqueraient le développement de sa personnalité.
En fonction de ces orientations, la commission vous proposera d'adopter quatre
articles.
L'article 1er tendrait à modifier l'article 16 de la loi du 28 mars 1982 afin
de renforcer le contrôle de l'instruction assurée dans la famille.
Cet aménagement permettrait d'abord d'intensifier l'enquête sociale sommaire
effectuée par la mairie auprès des familles et d'instituer un contrôle annuel
systématique de tous les enfants instruits dans leur famille. Ce contrôle
porterait sur le niveau de leurs connaissances et sur les conditions de leur
épanouissement personnel et social.
L'article 2 tendrait à modifier l'article 2 de la loi du 31 décembre 1959 afin
d'autoriser une évaluation éventuelle de l'enseignement dispensé dans les
classes hors contrat des établissements privés.
Il aurait donc pour objet d'inclure l'instruction obligatoire dans le champ du
contrôle exercé par l'Etat sur les établissements privés hors contrat et
d'autoriser les autorités académiques à saisir le juge pénal de manquements
répétés à l'instruction obligatoire.
Les articles 9 et 35 de la loi Goblet du 30 octobre 1886 sur l'organisation de
l'enseignement primaire, qui définissent les limites de l'autonomie des écoles
privées, seraient modifiés en conséquence.
L'article 3, relatif aux manquements les plus graves à l'instruction
obligatoire, permettrait d'incriminer et de punir de six mois d'emprisonnement
et de 50 000 francs d'amende le refus délibéré et répété des parents d'inscrire
leur enfant dans un établissement scolaire, ainsi que le fait, pour le
directeur d'un établissement privé comportant des classes hors contrat, de
continuer à dispenser un enseignement non conforme à l'objet de l'instruction
obligatoire en dépit des mises en demeure de l'inspecteur d'académie.
Enfin, l'article 4, qui vise les autres manquements à l'obligation scolaire,
préciserait que la non-déclaration en mairie de l'enfant instruit dans sa
famille ou scolarisé dans un établissement hors contrat serait punie d'une
amende de 10 000 francs. Quant à l'absentéisme scolaire répété, il serait puni
d'une amende de 1 000 francs et de 10 000 francs en cas de récidive.
Sous réserve de ces observations, la commission vous demande d'adopter la
proposition de loi dans le texte résultant de ses conclusions.
Mes chers collègues, je voudrais maintenant remercier, en votre nom, les
services qui se sont beaucoup impliqués dans le temps très bref dont ils ont
disposé, ainsi que ceux de votre ministère, madame la ministre, qui m'ont
permis d'étayer mon jugement.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi adoptée par
la commission des affaires culturelles de votre assemblée tendant à renforcer
le contrôle de l'obligation scolaire est une bonne initiative, qui fait suite à
celles de MM. About et Mathieu, lesquels ont manifesté leur volonté de voir le
Parlement légiférer sur une matière fondamentale.
Je me félicite du travail d'approfondissement effectué par votre commission,
sous la conduite de son président, M. Gouteyron, et de son rapporteur, M.
Carle. Elle a pu bénéficier du concours actif des services du ministère de
l'éducation nationale, qui travaillaient, à ma demande, à un projet de loi
allant dans le même sens.
Je suis heureuse de pouvoir aujourd'hui soutenir une proposition de loi
sénatoriale.
Sur le fond, il est bien clair que l'obligation scolaire est une ardente
nécessité. A l'heure où, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur,
plusieurs milliers d'enfants sont privés du droit élémentaire à l'instruction,
il est nécessaire que la loi en garantisse l'accès à tous les enfants en âge
scolaire.
L'école est le creuset de la citoyenneté : elle participe, par destination, à
la construction d'une société ouverte, où les enfants apprennent que les
citoyens reconnaissent l'autorité des lois de la République, et non plus le
pouvoir absolu d'un individu, d'un groupe ou d'une caste.
Dès lors, la scolarisation des enfants au sein d'institutions qui les
préparent à l'exercice actif de cette citoyenneté, qui leur apprennent en même
temps le respect des différences et le sens de l'égalité est un droit
fondamental de la personne humaine.
L'école est le lieu où l'enfant apprend, comprend, découvre.
C'est aussi l'endroit où il se confronte à l'autre et apprend à vivre avec
lui.
Tel est le sens profond de l'obligation scolaire : garantir à chaque enfant
les conditions d'un développement autonome de ses facultés, de son
intelligence, autrement dit le préparer à l'exercice actif d'une citoyenneté
responsable, par l'instruction, bien sûr, mais aussi en assurant véritablement
son insertion dans la vie civique.
C'est pourquoi il convient d'assurer à chaque enfant des conditions
d'éducation à la hauteur de ce que chaque être humain aspire à devenir.
L'éducation des enfants a toujours été une responsabilité partagée et la
liberté de conscience implique la liberté d'instruction. Toutefois, la liberté
n'est pas et n'a jamais été l'absence de loi. Le devoir de protéger l'enfant
est une obligation morale qui s'adresse à chacun de nous, et c'est un devoir
collectif.
Alors même que s'exprime le besoin d'un retour de l'éthique et d'un
resserrement du lien social autour de valeurs communes, il convient
aujourd'hui, à l'heure où le désarroi moral fait parfois le lit du fanatisme et
du sectarisme, de protéger l'enfant contre les conséquences de ces dérives.
Conformément à l'esprit de la convention internationale des droits de
l'enfant, l'Etat a le devoir de prendre les mesures qui s'imposent pour assurer
cette protection. Celle-ci est d'ailleurs inscrite dans le préambule de la
Constitution de 1946.
Nous devons donc non seulement encourager la fréquentation scolaire, mais
aussi veiller à ce que, au nom d'une liberté défigurée, les principes
fondamentaux de l'éducation due aux enfants ne se trouvent pas dévoyés par une
instruction sommaire, voire sectaire.
Dès lors, afin de donner à cette proposition de loi toute sa force, il
m'apparaît nécessaire de l'accompagner en affirmant, sous forme de préambule,
deux principes fondamentaux.
Le premier a trait au droit de chaque enfant à bénéficier d'une instruction,
conformément au préambule de la Constitution de 1946, qui garantit l'égal accès
de l'enfant et de l'adulte à l'instruction.
Le second consiste à proclamer la nécessité d'assurer prioritairement
l'instruction au sein des établissements d'enseignement.
S'agissant, tout d'abord, du droit de l'enfant à l'instruction, je veux
rappeler à mon tour, après M. le rapporteur, que plusieurs milliers d'enfants
échappent chaque année à l'école de la République.
Bien souvent, au nom de l'instruction dans la famille, ces enfants sont
maintenus dans un état d'inculture, d'ignorance, ou, pis encore, embrigadés,
aliénés, maltraités.
Des gourous affirment la nécessité de l'éveil de l'enfant aux plaisirs pour
mieux en abuser. D'autres les privent de leur autonomie pour mieux les asservir
ou les dominer. D'autres, enfin, n'hésitent pas à conduire des enfants jusqu'au
sacrifice de leur vie.
Dans les milieux intégristes ou obscurantistes, on s'oppose, par exemple, à la
scolarisation des filles.
Cette réalité n'est pas tolérable. Il nous appartient de rappeler, en nous
appuyant sur les fortes exigences de la convention internationale des droits de
l'enfant, ratifiée par la France en 1991 - et qui affirme en son article 28 que
tous les Etats signataires reconnaissent le droit de l'enfant à une éducation
de nature à favoriser l'épanouissement de sa personnalité - le droit de
l'enfant à l'instruction en reprenant la définition qui en est donnée à la fois
par l'ordonnance du 6 janvier 1959 et par la loi d'orientation du 10 juillet
1989.
C'est ainsi que je vous proposerai, dans un amendement, d'affirmer
solennellement ce droit simple, mais clair et précis, de l'enfant à
l'instruction.
En outre, cet amendement donne au contrôle prévu dans la proposition de loi
son véritable sens. En effet, il est toujours facile de démontrer qu'un enfant
sait lire, écrire et compter. En revanche, il sera beaucoup plus difficile de
déjouer un contrôle quand il s'agira d'évaluer non seulement les connaissances
de l'enfant, mais aussi, comme le prévoient l'ordonnance de 1959 et la loi de
1989, l'épanouissement de sa personnalité, les conditions d'acquisition de son
autonomie, son ouverture sur le monde qui l'entoure et dans lequel il doit
trouver sa place de citoyen libre.
Par ailleurs, il me semble nécessaire d'affirmer que cette instruction doit
être prioritairement assurée dans les établissements d'enseignement.
S'il est clair, comme le souligne avec justesse M. le rapporteur, que
l'instruction dans la famille recouvre, dans un certain nombre de cas, des
réalités dramatiques, s'agissant d'enfants malades ou lourdement handicapés, je
crois néanmoins qu'il nous appartient d'affirmer la priorité que nous entendons
donner à l'instruction dans les établissements d'enseignement.
Il serait en effet incompréhensible, en cette fin de xxe siècle où
l'obligation scolaire est une formidable conquête, enviée dans bien des pays du
monde, de ne pas affirmer le rôle de l'école.
La liberté des choix doit être préservée, bien sûr, mais elle ne signifie pas
pour autant que tous ces choix sont équivalents ou doivent se faire au
détriment de l'intérêt de l'enfant. Il nous appartient d'affirmer cette
évidence, qui ne peut échapper à aucun parent, dans la loi que nous élaborons
ensemble.
Si, au xixe siècle, était prévue la possibilité d'instruction dans les
familles, c'est parce que le réseau d'écoles que nous avons aujourd'hui
n'existait pas.
Il ne faut donc plus permettre que cette possibilité offerte par la loi soit
détournée de son objet ou utilisée pour mettre en péril le droit de l'enfant à
l'instruction.
Certes, j'ai vu que, lors des débats en commission, avait été avancée l'idée
selon laquelle le développement des nouvelles technologies et la montée de la
violence dans les établissements scolaires risquaient de conduire à un
développement de l'instruction dans la famille et qu'il ne fallait donc pas en
restreindre la possibilité.
Il s'agit ici non de restreindre cette possibilité mais de veiller à ce
qu'elle ne se retourne pas contre les enfants ou qu'elle ne soit pas finalement
dans les faits une violation de la loi.
Il ne faut pas que la présente loi ait un effet contraire à celui qui est
recherché et que, en réglementant la scolarisation dans la famille, celle-ci se
trouve banalisée, voire encouragée, ou même encore utilisée par les sectes, qui
trouveraient là un moyen de contourner la loi. Précisément, une telle évolution
ne doit à aucun prix être favorisée par la loi.
A cet égard, je ferai d'abord observer que la montée de la violence, notamment
à l'école, ne saurait être considérée comme une fatalité. Il nous faut lutter
contre elle et reconquérir la paix dans les établissements scolaires.
Je dirai également que les nouvelles technologies constituent un outil et non
une finalité en soi. Dès lors, la maîtrise de tous les professeurs chargés de
l'apprentissage de l'informatique, qui permet de stocker, de mettre en valeur
les différents aspects des civilisations et qui constitue un instrument
nécessaire pour l'école, ne peut en aucun cas être remplacée.
S'agissant maintenant de l'architecture globale de la proposition de loi, elle
me paraît pleinement satisfaisante, même s'il est possible ici et là de
renforcer la cohérence du dispositif.
Par exemple, si l'on veut donner à l'enquête du maire et à celle, subséquente,
de l'inspecteur d'académie une pleine efficacité par la détection rapide des
anomalies dans l'instruction de l'enfant, il convient d'imposer une déclaration
d'instruction dans la famille à chaque rentrée scolaire comme en cas de
changement d'instruction en cours d'année, et non une seule fois.
Cette déclaration annuelle dès l'âge de six ans, couplée avec le contrôle
opéré au moins une fois par an par l'inspecteur d'académie, assurerait au
dispositif une parfaite lisibilité : la famille déclare ; le maire enquête ;
l'inspecteur d'académie contrôle ; le procureur de la République poursuit en
justice en cas de manquement. Ainsi - et c'est l'objet du cinquième amendement
que je vous soumettrai tout à l'heure - ce contrôle doit avoir lieu rapidement
et fréquemment, c'est-à-dire « au moins une fois par an », et il doit porter
sur le respect du droit de l'enfant à l'instruction.
Je vous proposerai, dans le même esprit, de supprimer le quatrième alinéa de
l'article 1er, qui entend préciser que le contrôle opéré par l'inspecteur
d'académie a lieu au domicile des parents de l'enfant. En effet, l'instruction
peut parfaitement avoir pour cadre un autre bâtiment, une autre famille, un
autre lieu.
Par ailleurs, je souscris pleinement au contrôle sur les conditions dans
lesquelles l'enseignement est assuré dans les établissements hors contrat.
Surtout, j'adhère sans réserve au dispositif pénal proposé.
Il m'apparaît, en effet, particulièrement judicieux d'insérer ces infractions
à l'obligation scolaire dans la section du code pénal relative à la « mise en
péril des mineurs ».
Certains auraient pu penser qu'il existait un oubli dans la proposition de loi
puisque vous n'avez pas prévu de délit spécifique concernant la privation, par
les personnes responsables de l'enfant, de toute instruction. En réalité, cette
situation est parfaitement prévue par l'actuel article 227-17 du code pénal,
qui stipule que « le fait, par le père ou la mère légitime, naturel ou adoptif,
de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de
compromettre gravement la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son
enfant mineur est puni de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 francs
d'amende ».
La prise en compte de l'échelle des peines me paraît pleinement assurée et je
me réjouis que puissent être sanctionnés ceux qui, à dessein, violent les
dispositions relatives à l'obligation scolaire.
En conclusion, je voudrais souligner que la scolarisation des enfants doit
être la règle parce que la personne humaine exige, pour s'élever à sa dignité,
d'être éduquée à la citoyenneté, de connaître et de rencontrer l'autre dans sa
différence et dans son égalité dès le plus jeune âge, d'accéder au savoir et à
la connaissance pour résister à l'obscurantisme.
Interdire à l'enfant cette expérience fondamentale, c'est l'exclure de
l'humanité, c'est le soumettre aux hasards des influences, c'est le rendre plus
vulnérable en le faisant moins libre. C'est pourquoi nous devons légiférer en
la matière et, je l'espère, au-delà de tous les clivages politiques.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi
tout d'abord de remercier M. Jean-Claude Carle de son excellent rapport, qui
nous donne aujourd'hui l'occasion d'aborder le douloureux problème des enfants
hébergés au sein d'une secte.
Je me réjouis de voir le Sénat prendre à bras-le-corps une question aussi
cruciale. De nombreuses initiatives ont été prises dans ce domaine au cours des
derniers mois, mais bien peu ont abouti à ce jour.
Je citerai, pour mémoire, le rapport remis au Premier ministre par
l'Observatoire interministériel sur les sectes, resté lettre morte, ainsi que
le rapport de M. Picard, fait au nom de la commission des affaires culturelles,
sociales et familiales de l'Assemblée nationale, qui n'a malheureusement pas
donné suite au projet de création d'une commission d'enquête sur la situation
sanitaire et éducative de ces enfants.
Je me permettrai d'évoquer aussi la proposition de loi n° 414, que j'ai
déposée, tendant à renforcer le dispositif pénal à l'encontre des associations
et groupements à caractère sectaire.
Aujourd'hui, il est urgent d'agir. Trop d'enfants ont déjà fait les frais des
agissements criminels des sectes. Nous gardons tous en mémoire la mort
accidentelle, l'an dernier, dans la Drôme, d'un bébé de dix-neuf mois qui avait
été privé de soins. Et comment oublier la disparition tragique d'une dizaine
d'enfants, lors des suicides collectifs de l'Ordre du temple solaire, en
France, en Suisse et au Canada ?
Le propre des sectes est la recherche de l'argent et du pouvoir. Non contentes
de déposséder les adultes de leurs biens, elles cherchent à étendre leur
pouvoir sur les esprits les plus faibles. Bien entendu, les enfants constituent
pour elles une cible privilégiée.
Nous le savons, la violence des adultes peut s'exercer sur le corps de
l'enfant et mettre en danger son intégrité physique. Beaucoup d'enfants vivant
dans les sectes font l'objet de sévices corporels : malnutrition, privation de
sommeil et de soins, défaut de vaccinations, brimades, attouchements
sexuels.
Mais la violence la plus destructive n'est-elle pas celle qui s'exerce sur
l'esprit des enfants ? En coupant l'enfant du monde extérieur, les sectes le
privent d'une ouverture sur les autres indispensable à son épanouissement.
Privé d'école, l'enfant qui vit dans une secte est soumis à un enseignement
dogmatique. Bien souvent, il vit dans un monde irréel, aberrant, où seule la
pensée de la secte est de mise, distillée par de pseudo-éducateurs qui
entretiennent chez lui la peur du monde extérieur, dont ils lui offrent une
vision diabolisée et cataclysmique.
C'est pourquoi veiller à l'acquisition des normes minimales de connaissances
ne me paraît pas suffisant lorsqu'il s'agit de contrôler l'enseignement
dispensé au sein des sectes. Il faut aussi s'assurer qu'aucun de ces enfants
n'accuse le moindre retard de scolarité qui serait irréversible et qui
compromettrait ses chances de réintégrer avec succès le circuit scolaire
classique.
L'école est bien souvent, pour ces enfants, le seul espoir d'échapper à la
mainmise de la secte. Un simple décalage avec le niveau scolaire normal peut
devenir pour eux un facteur d'isolement supplémentaire, une entrave lors de
leurs choix professionnels futurs.
Dès lors, il est indispensable d'élargir le contenu éducatif que l'on exige
des parents qui ont fait le choix d'instruire leurs enfants. Au-delà des
notions élémentaires de lecture, d'écriture et de calcul, il faut garantir à
tous les enfants le droit à l'épanouissement, à la socialisation et à la
citoyenneté.
Je souhaite que ces grands principes d'éducation trouvent aujourd'hui force de
loi et fassent l'objet d'un contrôle aussi strict que celui qui porte sur les
savoirs fondamentaux.
N'oublions pas que l'école joue traditionnellement un rôle de dépistage en
matière de maltraitance. Dans la mesure où la loi française garantit aux
parents la liberté d'éduquer comme ils le souhaitent leur enfant, nous devons
faire preuve d'une vigilance accrue à l'égard des enfants qui échappent au
système scolaire.
Je trouve particulièrement choquantes les nombreuses lacunes qui caractérisent
notre système de contrôle de l'obligation scolaire, et au premier chef
l'absence de statistiques fiables qui prévaut depuis toujours au sein de
l'éducation nationale.
Il est stupéfiant, en effet, de constater que le nombre d'enfants non
scolarisés fait l'objet d'autant d'approximations : il serait de 20 000 selon
le département des études et de la prospective. Mais quelle est au juste la
proportion d'enfants qui ne sont pas scolarisés pour des raisons de santé ou de
handicap, pour des raisons d'éloignement, leurs parents étant expatriés ou
exerçant des professions itinérantes, ou encore pour des raisons pédagogiques,
et quelle est la proportion de ceux qui vivent au sein de sectes ?
Par recoupement de plusieurs sources, notre excellent rapporteur avance le
chiffre de 4 600 enfants instruits au sein de familles ou d'établissements
relevant de sectes. Mais combien d'enfants échappent à ces statistiques, faute
d'avoir été déclarés en mairie par leurs parents ? Je rappelle, pour mémoire,
que l'an dernier, dans la Drôme, seuls vingt-deux enfants en âge d'être
scolarisés avaient été déclarés en mairie sur les soixante-dix-neuf qui furent
en réalité découverts, et ce malgré les enquêtes successives de l'inspection
académique.
Le manque de fiabilité de ces statistiques est le signe patent des difficultés
que rencontrent les autorités administratives pour détecter ces enfants. La
difficulté du constat est aussi révélatrice de la carence de nos moyens.
Je commencerai, tout d'abord, par les maires. La loi Ferry de 1882 impose aux
maires de dresser chaque année la liste des enfants en âge d'être scolarisés
sur le territoire de leur commune. Combien de maires le font aujourd'hui ? Et
pourtant, les parents qui souhaiteraient instruire eux-mêmes leurs enfants sont
tenus d'en faire la déclaration en mairie, quinze jours avant la rentrée. Cette
déclaration les soumettra théoriquement au contrôle régulier de l'inspection
académique et surtout leur ouvre le droit aux allocations familiales.
Or, de nombreux parents vivant au sein des sectes préfèrent renoncer aux
allocations familiales plutôt que d'être soumis au contrôle de l'inspection
académique. Ils omettent délibérément de déclarer leur enfant en mairie. Les
maires n'ont alors plus aucun moyen de connaître l'existence de ces enfants et
de diligenter auprès d'eux des enquêteurs sociaux.
Notons enfin, comme un clin d'oeil, les difficultés des maires et des
inspecteurs d'académie pour obtenir les listes exactes des enfants présents
dans nos écoles, des enfants fictifs comptabilisés pour obtenir des créations
de postes, des enfants absents ou de ceux qui ont déménagé.
Après avoir parlé des maires, passons aux autorités académiques. Lorsque les
enfants ont été déclarés en mairie, le maire a la possibilité de mener une
enquête sommaire au sein de la famille et d'alerter l'inspecteur d'académie
s'il juge nécessaire une enquête plus approfondie. Ce dernier ne pourra prendre
des mesures à l'encontre des parents que s'il se trouve en présence
d'illettrés.
Outre ce critère d'appréciation, qui semble aujourd'hui bien faible au regard
des exigences de la vie moderne, l'inspecteur d'académie ne dispose d'aucun
moyen juridique pour sanctionner les parents qui, malgré ses avertissements,
refuseraient d'améliorer le niveau de leur enfant.
Par ailleurs, nombre d'inspecteurs se plaignent de ne pas être suffisamment
informés et de ne pas disposer des moyens nécessaires pour mener ces enquêtes
éducatives, y compris dans les établissements privés hors contrat gérés par des
sectes.
Le renforcement des sanctions pénales à l'encontre des parents et des chefs
d'établissement qui refuseraient d'améliorer leur enseignement est donc
indispensable, mais encore faut-il que ces sanctions pénales soient appliquées
et j'aimerais être certain que les autorités académiques iront jusqu'au bout de
ces contrôles.
La commission des affaires culturelles du Sénat a souhaité ménager un délai
aux parents pour améliorer le niveau de leur enfant avant qu'intervienne un
second contrôle de l'inspection académique.
Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous préciser au bout de combien de temps
aura lieu ce second contrôle ?
Pouvez-vous nous garantir que l'inspecteur d'académie n'attendra pas un an
avant d'exercer un nouveau contrôle, simplement parce qu'il y sera contraint
par la loi ? Un an d'attente, c'est beaucoup pour un jeune enfant. C'est encore
une année de perdue pour ces enfants déjà marginalisés.
Par ailleurs, je me prononce tout à fait en faveur de l'article 2, qui prévoit
une saisine possible du procureur de la République lorsqu'un chef
d'établissement privé hors contrat refuse de fermer son établissement, en dépit
des mises en demeure de l'inspection académique.
Une interdiction d'enseigner ou d'ouvrir tout autre établissement pourrait, en
outre, faire l'objet d'une peine complémentaire, en sus des sanctions déjà
prévues.
Je pense, néanmoins, que la responsabilité des dénonciations ne doit pas
uniquement reposer sur les épaules de l'inspecteur d'académie qui, bien
évidemment, ne peut se trouver derrière chaque élève, dans chaque classe et
dans chaque établissement de notre pays.
Il convient de rappeler le rôle irremplaçable que doivent jouer les
enseignants dans le contrôle de l'obligation scolaire. Une disposition du
rapport vise à renforcer les sanctions contre l'absentéisme scolaire. Je serais
curieux, madame la ministre, de connaître le nombre de sanctions pour
absentéisme qui ont été prononcées cette année à l'encontre des parents.
Permettez-moi également de vous rendre attentive à la nécessité d'inciter le
corps enseignant à dénoncer les parents auprès des autorités compétentes car
c'est d'abord sur les enseignants que repose la responsabilité de contrôler le
respect de l'obligation scolaire.
A l'heure où l'on parle de délinquance juvénile, il convient de rappeler que
l'assiduité scolaire contribue aussi à lutter contre ce fléau et à restaurer le
sens de l'autorité éducative.
Je tiens, enfin, à rappeler que l'obligation scolaire est inséparable, dans
notre pays, de l'interdiction du travail des enfants. Nous avons récemment
accueilli à Paris la marche mondiale contre le travail des enfants.
Il est bon de souligner, à cette occasion, qu'il existe des formes modernes
d'esclavage infantile, notamment au sein des mouvements sectaires. Les enfants
constituent, pour les sectes, une main-d'oeuvre gratuite et facilement
manipulable.
Bien entendu, elles utilisent des arguments pseudo-religieux pour les enrôler
: outre les travaux forcés, ils sont contraints de participer à des opérations
de recutement d'adeptes et à des actions de prosélytisme.
J'ai récemment rencontré une femme qui a passé toute sa jeunesse chez les
Témoins de Jéhovah et qui, comme de nombreux enfants de cette secte, était
tenue à des quotas d'heures par semaine de démarchage à domicile pour trouver
de nouveaux adeptes.
Ces obligations pseudo-religieuses sont inadmissibles lorsqu'elles s'imposent
à des enfants qui ne sont pas en mesure de les refuser. Elles s'apparentent, ni
plus ni moins, à un travail forcé qui détourne les enfants de leur vocation
première, qui est de jouer et de s'instruire.
Cet embrigadement orchestré par les adultes, qui, de plus, met gravement en
danger la santé et l'intégrité de ces enfants, doit être vigoureusement
dénoncé.
La commission des affaires culturelles n'a pas retenu la première mouture de
mon amendement visant à interdire aux mineurs de seize ans le démarchage à
domicile à des fins commerciales, idéologiques ou religieuses et la
distribution de tracts sur la voie publique, ce que je regrette.
Conscient qu'un dispositif d'autorisation préfectorale serait trop lourd à
mettre en oeuvre, je défendrai tout à l'heure un amendement pour que cette
tâche soit confiée au maire.
L'échelon municipal me semble en effet plus adapté à la délivrance
d'éventuelles dérogations, notamment pour prendre en compte l'organisation de
loteries ou de kermesses scolaires qui n'ont, la plupart du temps, c'est vrai,
aucun rapport avec des sectes.
Je souhaite, pour conclure, que ce débat sur l'obligation scolaire, qui n'est,
à mes yeux, qu'un élément du puzzle plus important que recouvre ma proposition
de loi sur la répression pénale des sectes, soit l'occasion, pour nous, de
réfléchir à la place que nous devons donner à l'enfant dans notre société.
Je disais à l'instant que la vocation première de l'enfant était de jouer et
de s'instruire. Il est de notre responsabilité d'adulte de le protéger contre
toutes les formes d'embrigadement qui risqueraient de compromettre à jamais ses
chances d'accéder à une vie sociale libre et épanouie.
Comme le rappelle expressément la convention internationale des droits de
l'enfant, dans son article 29 : « L'éducation de l'enfant doit préparer
l'enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre ».
Soyons à la hauteur de ce défi !
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat de ce
soir devrait nous permettre d'apporter une réponse à un réel problème qui ne
fait que s'accroître et dont les conséquences ne doivent pas être sous-estimées
: il s'agit de remédier au défaut d'instruction des enfants en âge d'être
scolarisés et d'en garantir le droit effectif. Se trouve sous-jacente la
question des sectes et des enfants qui, élevés au sein de celles-ci ou par un
parent sous leur emprise, ne sont pas bénéficiaires de ce droit.
Bien que les sectes constituent une menace constante, en particulier pour les
jeunes enfants, qui en sont les premières victimes, je ne souhaite pas que le
débat se focalise sur ce point. Il faut, au contraire, l'élargir.
Le Sénat dans son ensemble a, me semble-t-il, pris la mesure du problème et
tant les auteurs des propositions de loi initiales que le rapporteur de la
commission des affaires culturelles, dont je tiens à souligner la grande
justesse des conclusions, ont appréhendé la question de façon globale.
Vous l'aurez compris, le premier sujet demeure, pour moi, le droit à
l'instruction de tous les enfants.
Ce droit à l'instruction est une notion dont le contenu est appelé à évoluer
en permanence. Même si la loi Ferry de 1882 constitue toujours l'une des
références en matière d'enseignement primaire, force est de constater que la
société et les valeurs ont changé depuis cette époque.
Je souhaite donc faire le point sur ce que l'on nomme « l'instruction
obligatoire » et sur le contenu des enseignements que l'on se doit d'intégrer
dans cette instruction.
Il est, à mes yeux, fondamental que soient inculqués aux enfants les valeurs
républicaines et laïques, ces principes de citoyenneté ainsi qu'une culture
générale. Il est donc primordial que le contrôle prévu à l'article 1er de la
proposition de loi porte sur ces valeurs et ces principes, et ce d'autant plus
que les enfants visés par ces dispositions sont ceux qui évoluent en dehors du
système de l'éducation nationale, avec le risque, en filigrane, d'être
confrontés aux sectes. Or, celles-ci véhiculent souvent des règles et des
idéaux totalement opposés à ceux que je viens de citer.
A ce propos, j'ai bien noté que le troisième alinéa de l'article 1er renvoie à
l'ordonnance de 1959 quant aux connaissances minimales, relevant du droit à
l'éducation au sens de la loi d'orientation de 1989, qui seront soumises au
contrôle prescrit par l'inspecteur d'académie.
La référence à la loi d'orientation me donne satisfaction puisque, dans son
article 1er, ce texte dispose : « Le droit à l'éducation est garanti à chacun
afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de
formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et
professionnelle, d'exercer sa citoyenneté. » Je m'interroge néanmoins sur
l'affichage de ces principes. Je me demande s'il n'aurait pas été plus
pertinent de rappeler, de manière plus forte, en quoi consiste le droit à
l'éducation et, à mon sens, l'amendement n° 7 du Gouvernement, tendant à
insérer un article additionnel avant l'article 1er pour énoncer ce droit,
améliore le texte de notre rapporteur.
Ce droit à l'éducation, tel que je l'entends, ne saurait en aucun cas
s'opposer au principe à valeur constitutionnelle de liberté de l'enseignement.
Bien au contraire, en donnant aux enfants les clefs d'accès à la citoyenneté,
une telle instruction s'intègre parfaitement dans ce cadre constitutionnel et
ne laisse, par ailleurs, aucune place au prosélytisme. Voilà pour ce qui a
trait au contenu du contrôle. J'en viens maintenant au lieu du contrôle. Nous
avons déjà eu un long débat à ce sujet en commission : est-il souhaitable que
le contrôle ait lieu au domicile ou dans un lieu plus neutre, comme un
établissement d'enseignement public ? Le rapporteur a tranché en faveur du
domicile, estimant qu'un tel choix permettrait à l'autorité administrative
d'effectuer un contrôle non seulement sur les connaissances de l'élève, mais
aussi sur l'univers dans lequel l'enfant évolue.
Je ne suis pas, pour ma part, favorable à ce type de contrôle, d'autant plus
que l'instruction des enfants concernés n'est pas toujours dispensée à leur
domicile, mais l'est parfois chez un voisin, ailleurs, dans le village. A mes
yeux, la question reste posée.
Sous réserve de ces quelques observations, je considère que la proposition de
loi ne peut que recevoir l'aval de tous.
J'espère que les différentes dispositions prévues quant aux modalités de
contrôle et aux sanctions seront suffisamment dissuasives et qu'elles seront
appliquées, garantissant ainsi l'effectivité de l'obligation scolaire. Je
proposerai tout à l'heure quelques amendements permettant de mieux verrouiller
le dispositif de contrôle et de responsabilité pénale. Je reviendrai sur ces
propositions lors du débat sur les articles.
Je dirai, pour conclure, deux mots du sujet qui apparaît en filigrane derrière
les termes de la proposition de loi : je veux parler des sectes. Nous sommes
ici, je crois, tous persuadés qu'elles constituent un fléau redoutable, et plus
particulièrement pour des enfants encore peu au fait de beaucoup de choses et,
donc, extrêmement malléables.
Je ne reviendrai pas sur les exemples qui ont déjà été cités et qui sont
connus de tous. Je souhaite ardemment que la future loi dont nous discutons ce
soir permette effectivement de minimiser quelque peu l'influence néfaste des
sectes sur de jeunes esprits, en garantissant à ces derniers un enseignement
scolaire conforme aux valeurs républicaines et laïques. La proposition de loi
effectue un grand pas dans ce sens, et je m'en félicite.
Mais il faudra aller plus loin, notamment en prévoyant une sensibilisation,
dès l'école, au danger que représentent les sectes.
Ainsi, comme le préconisait l'an dernier le rapport de la commission d'enquête
de l'Assemblée nationale sur les sectes, déplorant qu'« aucun dispositif
général d'information des élèves n'ait été mis en place dans le cadre de
l'éducation nationale », on pourrait songer à introduire dans les cours
d'instruction civique un programme sur le phénomène sectaire. De façon
générale, je souhaite que l'éducation nationale bénéficie de vrais moyens pour
lutter réellement et de manière efficace contre les agissements des sectes sur
les enfants. Mais il s'agit là d'un autre débat, bien qu'il soit très lié à
celui que nous avons ce soir, relevant plutôt de mesures réglementaires. C'est
pourquoi je souhaiterais, madame la ministre, que vous m'indiquiez l'état de
vos réflexions sur ce sujet.
Telles sont les principales observations que m'inspire la proposition de loi
dont nous débattons ce soir. J'aurai l'occasion de m'exprimer de façon plus
pointue sur certains aspects de ce texte lors de l'examen des amendements, mais
je tiens d'ores et déjà à remercier les auteurs des propositions de loi et le
rapporteur de nous avoir permis d'avoir ce débat important et de faire avancer
la législation sur ce point, en espérant que le texte sera bientôt inscrit à
l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Les sénateurs socialistes se prononceront pour l'adoption de la proposition de
loi, en espérant que leurs amendements recevront un accueil favorable de la
part du Sénat.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu de
l'heure avancée, notre groupe interviendra brièvement, malgré l'intérêt
indiscutable de ces textes.
Nous partageons les préoccupations de ceux de nos collègues qui ont pris
l'initiative des propositions de loi que nous examinons aujourd'hui et qui
concernent, notamment, le renforcement du contrôle de l'obligation scolaire.
Nous sommes, en effet, de ceux qui souhaitent voir réaffirmer, aussi souvent
que nécessaire, le principe fondamental de l'obligation scolaire.
Nous le faisons sans complaisance pour le phénomène sectaire et, de ce point
de vue, nous partageons l'indignation des orateurs qui m'ont précédée. Nous le
faisons aussi sans complaisance pour le non-respect de cette obligation
scolaire qui fonde, pour une très large part, nos valeurs républicaines, comme
vous l'avez rappelé, madame la ministre.
Son non-respect par les familles est trop souvent un signe évident d'une
désocialisation qui se révèle extrêmement préjudiciable aux intérêts des
enfants.
Heureusement, le principe de l'obligation scolaire est majoritairement
respecté dans notre pays. Selon le rapport de la commission des affaires
culturelles, la direction de l'évaluation et de la prospective de l'éducation
nationale évalue à moins de 0,3 % le nombre d'enfants qui ne sont pas inscrits
dans un établissement scolaire public ou privé. Mais ce faible pourcentage est
déjà trop élevé car il s'agit d'enfants et de leur avenir de citoyens.
Il en va autrement des modalités du respect de l'obligation scolaire qui,
elles, souffrent d'un grand nombre de manquements je pense notamment à
l'absentéismescolaire.
Les conditions de précarité d'existence d'un trop grand nombre de nos
concitoyens, l'absence de domicile fixe dans certains cas extrêmes et la
pauvreté sont des facteurs qui rendent difficile, voire impossible, la
réalisation d'une scolarité assidue et harmonieuse.
A ce titre, lors du débat du projet de loi relatif à la lutte contre les
exclusions, nous avons rappelé notre attachement au principe de l'obligation
scolaire et nous avons proposé un amendement visant à étendre ce principe
au-delà de seize ans.
Ces problèmes sont, selon nous, aussi préoccupants, d'un point de vue
quantitatif notamment, que ceux auxquels tend à s'attaquer la proposition de
loi qui nous est soumise aujourd'hui.
Comment, enfin, s'agissant d'obligation scolaire, ne pas voir ce qui s'oppose
à la réalisation de ce pacte républicain qui consiste à ériger comme un devoir
pour les familles l'obligation scolaire ?
C'est à l'ensemble de ces questions que nous devrions nous attaquer et sur un
mode concerté, avec les familles elles-mêmes, afin que soient respectées à la
fois l'obligation scolaire, mais aussi plus largement l'assiduité et la
fréquentation scolaires qui, elles, souffrent de nombreuses exceptions et
génèrent fatalement l'échec.
Le texte qui nous est proposé prévoit un contrôle des connaissances pour les
enfants en apprentissage dans leur famille ou au sein d'établissements
scolaires hors contrat.
Nous approuvons cette démarche, qui permettra d'éviter que bien des jeunes ne
soient plus en mesure d'intégrer le système scolaire institutionnel.
Toutefois, il convient d'être attentif au fait que ce type de mesure ne
justifie pas, sous couvert d'un contrôle et d'un encadrement institutionnel, le
recours à des pratiques jusqu'à présent relativement marginales et liées, pour
l'essentiel, aux conditions de vie des parents.
Compte tenu de ces éléments et tout en soulignant l'importance de s'attaquer
autant au renforcement du principe de l'obligation scolaire qu'à l'ensemble des
facteurs qui conduisent de très nombreux jeunes enfants à déserter l'école,
nous voterons le texte qui nous est proposé, d'autant que les amendements
présentés par le Gouvernement améliorent la rédaction et la complètent.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président.
Par amendement n° 7, le Gouvernement propose d'insérer, avant l'article 1er,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Le droit de l'enfant à l'instruction a pour objet de lui garantir, d'une
part, l'acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances
de base, des éléments de la culture générale et, selon les choix, de la
formation professionnelle et technique et, d'autre part, l'éducation lui
permettant de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation
initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle et
d'exercer sa citoyenneté.
« Cette instruction obligatoire est assurée prioritairement dans les
établissements d'enseignement. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Il s'agit de rappeler solennellement le droit de
l'enfant à l'instruction en affirmant le rôle de l'école, lieu privilégié de
l'enseignement.
Cet article additionnel reprend, telles qu'elles existent dans l'ordonnance du
6 janvier 1959 et dans la loi du 10 juillet 1989, les dispositions relatives à
la définition de l'instruction. En effet, ce sont elles qui fondent le
renforcement du contrôle visé par la proposition de la loi sénatoriale.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Cet amendement, présenté par le Gouvernement et tendant à
insérer un article additionnel avant l'article 1er, vise à réaffirmer le droit
de l'enfant à l'instruction et à rappeler la définition de l'objet de
l'instruction obligatoire, telle que celle-ci est définie par l'article 1er de
la loi d'orientation sur l'éducation de 1989 et par l'article 2 de l'ordonnance
de 1959.
La commission tient cependant à préciser que si l'instruction obligatoire est
en effet assurée en priorité dans les établissements d'enseignement public et
privé - les chiffres sont là pour en témoigner - elle peut l'être aussi au sein
de la famille, notamment pour les enfants malades, les handicapés ou les
populations itinérantes.
Sous réserve de cette remarque, elle émet un avis favorable sur cet
amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 8, le Gouvernement propose d'insérer, avant l'article 1er,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Les deux premiers alinéas de l'article 7 de la loi du 28 mars 1882 sur
l'enseignement primaire sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire
définie à l'article 1er de l'ordonnance n° 59-45 du 6 janvier 1959 doivent le
faire inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé, ou bien
déclarer au maire et à l'inspecteur d'académie, directeur des services
départementaux de l'éducation nationale, qu'elles lui feront donner
l'instruction dans la famille. Dans ce cas, il est exigé une déclaration
annuelle.
« Les mêmes formalités doivent être accomplies dans les huit jours qui suivent
tout changement de résidence ou de choix d'instruction.
« La présente obligation s'applique à compter de la rentrée scolaire de
l'année civile où l'enfant atteint l'âge de six ans. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
L'intérêt de cet amendement réside dans le fait
d'imposer dorénavant une obligation de déclaration d'instruction dans la
famille à chaque rentrée scolaire et en cas de changement de choix
d'instruction en cours d'année, ce qui réalise un parallélisme cohérent avec le
contrôle annuel de l'inspecteur d'académie prévu à l'article 1er de la
proposition de loi sénatoriale. Il est, en outre, substitué une rédaction de
l'article plus claire que la formulation ancienne, sans changer le fond du
dispositif.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
La commission émet un avis favorable, pour les raisons que
Mme le ministre vient d'exprimer.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, avant l'article 1er.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - L'article 16 de la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement
primaire est ainsi rédigé :
«
Art. 16
. - Les enfants soumis à l'obligation scolaire qui reçoivent
l'instruction dans leur famille sont dès l'âge de six ans, et tous les deux
ans, l'objet d'une enquête sommaire de la mairie compétente, uniquement aux
fins d'établir quelles sont les raisons alléguées par les personnes
responsables, et s'il leur est donné une instruction dans la mesure compatible
avec leur état de santé et les conditions de vie de la famille. Le résultat de
cette enquête est communiqué à l'inspecteur de l'éducation nationale.
« Tous les enfants recevant l'instruction dans leur famille font l'objet d'un
contrôle annuel portant sur les normes minimales de connaissances requises par
l'article 2 de l'ordonnance n° 59-45 du 6 janvier 1959 portant prolongation de
la scolarité obligatoire et sur les conditions dans lesquelles ils ont accès au
droit à l'éducation tel que celui-ci est défini par l'article premier de la loi
d'orientation n° 89-486 du 10 juillet 1989 sur l'éducation.
« Ce contrôle prescrit par l'inspecteur d'académie a lieu au domicile des
parents de l'enfant.
« Le contenu des connaissances requis des élèves est fixé par décret.
« Les résultats de ce contrôle sont notifiés aux personnes responsables avec
l'indication du délai dans lequel elles devront fournir leurs explications ou
améliorer la situation et des sanctions dont elles seraient l'objet dans le cas
contraire.
« Si, au terme d'un nouveau délai fixé par l'inspecteur d'académie, les
résultats du contrôle sont jugés insuffisants, les parents sont mis en demeure,
dans les quinze jours suivant la notification, d'inscrire leur enfant dans un
établissement d'enseignement public ou privé et de faire connaître au maire,
qui en informe l'inspecteur d'académie, l'école ou l'établissement qu'ils
auront choisi. »
Par amendement n° 2, M. Lagauche et les membres du groupe socialiste et
apparentés présenté, dans la première phrase du premier alinéa du texte
présenté par cet article pour l'article 16 de la loi du 28 mars 1882, après les
mots : « objet d'une enquête », de supprimer le mot : « sommaire ».
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Il ne me semble pas pertinent de préciser que l'enquête menée par la mairie
pour établir les raisons de l'instruction à domicile devrait être sommaire.
Sans vouloir la transformer en véritable enquête sociale, j'estime préférable
de laisser aux mairies une marge d'appréciation sur le champ de l'enquête à
mener. Inscrire le mot « sommaire » dans la loi pourrait inciter les autorités
municipales à bâcler l'enquête. Il ne faudrait pas que l'on en arrive à une
situation de formulaires pré-établis qu'il n'y aurait plus qu'à viser.
Le sujet est important et grave. Aussi convient-il de l'entourer des garanties
nécessaires.
Pour ces raisons, je demande au Sénat de bien vouloir supprimer le mot «
sommaire », en adoptant cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
En conservant le mot « sommaire » pour qualifier l'enquête
diligentée par la mairie sur les enfants instruits dans la famille, la
commission n'a fait que reprendre la formulation initiale de l'article 16 de la
loi de 1882.
Cette enquête n'a, en effet, rien de sommaire puisqu'elle a une finalité
sociale et doit permettre de constater que les enfants instruits dans leur
famille ne sont pas éduqués dans des conditions portant atteinte à leur
développement.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis favorable sur cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 9, le Gouvernement propose, dans la première phrase du
premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 16 de la loi
du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire, de remplacer les mots : « dès
l'âge de six ans » par les mots : « dès la première année ».
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Cet amendement prévoit que l'enquête a lieu dès la
première année, et non pas seulement dès l'âge de six ans, au cas où, bien
évidemment, les différentes hypothèses de scolarisation qui nous préoccupent
aujourd'hui interviendraient après une ou plusieurs années de scolarisation,
par exemple à sept ou neuf ans.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 10, le Gouvernement propose, à la fin de la seconde phrase
du premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 16 de la
loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire, de remplacer les mots : «
l'inspecteur de l'éducation nationale » par les mots : « l'inspecteur
d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale
».
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Il s'agit d'un amendement de forme, qui tend à préciser
l'appellation exacte de l'inspecteur de l'éducation nationale.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par la commission
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 3 rectifié, M. Lagauche et les membres du groupe socialiste
et apparentés proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté
par l'article 1er pour l'article 16 de la loi du 28 mars 1882, un alinéa ainsi
rédigé :
« Lorsque l'enquête n'a pas été effectuée, elle est diligentée par le
représentant de l'Etat dans le département. »
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Notre amendement vise à répondre aux réticences ou négligences qui pourraient
se faire jour de la part des mairies quand il s'agit d'effectuer une enquête
permettant de déterminer pourquoi un enfant n'est pas scolarisé et dans quelles
conditions socio-culturo-économiques il évolue.
On comprend aisément que, dans une petite commune, un élu puisse avoir quelque
appréhension à se rendre chez certains de ses administrés vivant de façon
marginale.
Par ailleurs, la négligence ou la méconnaissance de ce qui se passe dans
certains foyers peut avoir pour conséquence que la mairie omet de mener
l'enquête.
Nous souhaitons donc mettre en place un second verrou au dispositif et prévoir
que le préfet pourra, en cas de carence des autorités municipales, se
substituer à celles-ci.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Favorable, pour les raisons avancées par M. Lagauche.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié, accepté par la commission et par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 11, le Gouvernement propose de rédiger comme suit le
deuxième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 16 de la loi
du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire :
« L'inspecteur d'académie doit au moins une fois par an, à partir du troisième
mois suivant la déclaration d'instruction par la famille faire vérifier que
l'enseignement assuré est conforme au droit de l'enfant à l'instruction tel que
défini à l'article 1er de la présente loi. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Il s'agit de renforcer le contrôle exercé par
l'inspecteur d'académie en prévoyant non seulement qu'il est annuel, mais qu'il
s'exerce à un moment proche de la déclaration ainsi qu'à tout moment jugé utile
par l'inspecteur d'académie, pour permettre, le cas échéant, d'intégrer sans
retard l'enfant dans le système scolaire. C'est pourquoi il est prévu que ce
contrôle s'exerce à partir du troisième mois suivant la déclaration
d'instruction par la famille, afin de vérifier que l'enseignement assuré est
conforme au droit de l'enfant à l'instruction.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 19, le Gouvernement propose, dans le troisième alinéa du
texte présenté par l'article 1er pour l'article 16 de la loi du 28 mars 1882,
après les mots : « a lieu », d'insérer le mot : « notamment ».
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Cet amendement a pour objet d'élargir la liste des
lieux où le contrôle peut être exercé. En effet, les enseignements qui nous
préoccupent aujourd'hui ne sont pas forcément dispensés au sein de la famille :
ils peuvent l'être chez un voisin, dans une famille voisine ou dans tout lieu
qu'il convient de contrôler également.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 19.
M. Nicolas About.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Madame la ministre, je crains que la rédaction ne permette plus le contrôle au
domicile. Or, il est important que le contrôle puisse aussi avoir lieu au
domicile.
Comme il n'est pas fait état du domicile dans la rédaction de l'amendement, je
me demande si, à la limite, vouloir imposer le contrôle au domicile ne
constituerait pas une sorte de violation du domicile, dès lors que le domicile
n'est pas mentionné dans la loi. C'est pourquoi il conviendrait de modifier la
rédaction afin de préciser que le contrôle a lieu au domicile ou en tout autre
lieu, en fonction des nécessités. Le maintien de la notion de domicile me
paraît important.
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Monsieur About, le domicile est bien visé par le présent
texte, puisque le contrôle aura lieu « notamment au domicile des parents de
l'enfant ».
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Tout à fait !
M. Nicolas About.
Je retire donc ce que j'ai dit.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 12 rectifié, le Gouvernement propose, après le troisième
alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 16 de la loi du 28
mars 1882, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ce contrôle sera effectué sans délai en cas de défaut de déclaration
d'instruction par la famille, sans préjudice de l'application des sanctions
pénales. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Cet amendement a pour objet de prévoir un contrôle sans
délai lorsque les parents n'auront ni inscrit leur enfant dans un établissement
scolaire ni effectué de déclaration d'instruction dans la famille.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12 rectifié, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 13, le Gouvernement propose de supprimer le quatrième alinéa
du texte présenté par l'article 1er pour l'article 16 de la loi du 28 mars 1882
sur l'enseignement primaire.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Il s'agit de rendre cohérent l'ensemble des textes
existants sur l'enseignement scolaire. En effet, fixer par décret le contenu
des connaissances requises reviendrait à se référer à des programmes officiels,
ce qui n'est pas prévu par les textes actuels.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
La commission, contrairement au Gouvernement, estime
nécessaire de fixer par décret le contenu des connaissances requises au titre
de l'instruction obligatoire. Cette précision lui apparaît d'autant plus
nécessaire que les manquements à l'objet de l'instruction obligatoire sont
susceptibles d'être sanctionnés par le juge pénal. Or il faudra bien que ce
dernier s'appuie sur un texte !
En conséquence, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable sur cet
amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 4, M. Lagauche et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent d'insérer, au dernier alinéa du texte présenté par
l'article 1er pour l'article 16 de la loi du 28 mars 1882, après les mots : «
enseignement public ou privé », les mots : « sous contrat ».
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Ici encore, nous souhaitons entourer le dispositif de la proposition de loi du
maximum de garanties afin que les enfants non scolarisés bénéficient d'un
enseignement conforme aux exigences de l'instruction obligatoire.
L'alinéa visé par cet amendement traite des enfants dont les résultats au
deuxième contrôle ne seraient toujours pas satisfaisants et qu'il faudrait donc
inscrire obligatoirement dans un établissement d'enseignement pour les remettre
à niveau.
Le texte de la proposition de loi reste muet quant à la nature de cet
établissement. J'estime qu'il convient de prévoir dans la loi que l'inscription
ne pourra être effectuée que dans les seuls établissements publics ou privés
sous contrat, afin de s'assurer que l'enfant se verra enfin dispenser un
enseignement soumis au contrôle de l'éducation nationale.
Pour ces raisons, je vous demande d'adopter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
La commission comprend tout à fait la finalité de cet
amendement, mais la disposition proposée apparaît en contradiction avec le
principe de la liberté de l'enseignement, qui permet aux parents de satisfaire
à l'obligation scolaire en instruisant l'enfant au sein de la famille ou dans
un établissement privé, qu'il soit sous contrat ou hors contrat.
Cet amendement serait donc susceptible d'être censuré par le juge
constitutionnel pour atteinte à ce principe de liberté, qui s'applique
également à la pédagogie.
La commission demande, en conséquence, à l'auteur de l'amendement de bien
vouloir le retirer, faut de quoi elle serait conduite à émettre un avis
défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Nicolas About.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Je serais tenté de défendre la liberté de l'enseignement, la liberté de choix,
mais j'ai le sentiment qu'il n'est peut être pas inutile de prendre une
sanction à l'égard d'une famille qui, manifestement, n'a pas su faire un choix
correct : il y a, en quelque sorte, mise sous tutelle.
Selon moi, l'inscription dans un établissement sous contrat pourrait être
rendue obligatoire pour une durée déterminée, car il n'apparaît pas choquant
qu'après avoir subi un échec dans le choix de scolarisation de l'enfant les
parents soient obligés de s'en remettre à une structure parfaitement
adaptée.
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Sur le fond, nous sommes tous d'accord, mais nous risquons de
nous faire censurer par le juge constitutionnel au nom, précisément, de la
liberté de choix. La seule différence entre nous, madame la ministre, est là :
cet amendement pourrait être déclaré non conforme à la Constitution.
M. le président.
Si le juge constitutionnel est saisi, bien sûr !
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Bien sûr !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par la commission et accepté par
le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - I. - Dans l'article 2 de la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 sur
les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés, après
les mots : "à l'obligation scolaire", sont insérés les mots : "à l'instruction
obligatoire". »
« II. - L'article 2 de la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 précitée est
complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« L'inspecteur d'académie peut prescrire chaque année un contrôle des classes
hors contrat afin de s'assurer que l'enseignement qui y est dispensé respecte
les normes minimales de connaissances requises par l'article 2 de l'ordonnance
n° 59-45 du 6 janvier 1959 portant prolongation de la scolarité obligatoire et
que les élèves de ces classes ont accès au droit à l'éducation tel que celui-ci
est défini par l'article 1er de la loi d'orientation n° 89-486 du 10 juillet
1989 sur l'éducation.
« Ce contrôle a lieu dans l'établissement d'enseignement privé dont relèvent
ces classes hors contrat.
« Les résultats de ce contrôle sont notifiés au directeur de l'établissement
avec l'indication du délai dans lequel il sera mis en demeure de fournir ses
explications ou d'améliorer la situation, et des sanctions dont il serait
l'objet dans le cas contraire.
« En cas de refus de sa part d'améliorer la situation et notamment de
dispenser, malgré la mise en demeure de l'inspecteur d'académie, un
enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire, tel que celui-ci
est défini par l'article 16 de la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement
primaire, l'autorité académique avise le procureur de la République des faits
susceptibles de constituer une infraction pénale.
« Dans cette hypothèse, les parents des élèves concernés sont mis en demeure
d'inscrire leur enfant dans un autre établissement. »
« III. - A. - Dans la dernière phrase du onzième alinéa de l'article 9 de la
loi du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire, les mots
: "et aux lois" sont remplacés par les mots : ", aux lois et notamment à
l'instruction obligatoire".
« B. - Après le mot : "livres", la fin de l'article 35 de la loi du 30 octobre
1886 précitée est ainsi rédigée :
« .., sous réserve de respecter l'objet de l'instruction obligatoire tel que
celui-ci est défini par l'article 16 de la loi du 28 mars 1882 sur
l'enseignement primaire. »
Par amendement n° 14, le Gouvernement propose de rédiger comme suit le premier
alinéa du texte présenté par le II de cet article pour compléter l'article 2 de
la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'Etat et les
établissements d'enseignement privés.
« Au sein de ces établissements, l'autorité académique vérifie que
l'instruction donnée dans les classes hors contrat est conforme aux exigences
de l'instruction obligatoire. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
La rédaction initiale proposée par la commission est beaucoup
plus précise et nous souhaitons la conserver, notamment s'agissant de
l'annualité et du contrôle facultatif des établissements privés hors
contrat.
C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet
amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 15, le Gouvernement propose de rédiger comme suit le
troisième alinéa du texte présenté par le II de l'article 2 pour compléter
l'article 2 de la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre
l'Etat et des établissements d'enseignement privés :
« Si l'enseignement assuré dans les classes hors contrat ne correspond pas aux
exigences de l'instruction obligatoire, l'autorité académique adresse au
directeur de l'établissement une mise en demeure de s'y conformer dans un délai
qu'il fixe. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Cet amendement vise à renforcer la célérité des
contrôles lorsque ceux-ci se révèlent nécessaires.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Puisque nous avons repoussé le précédent amendement, la
commission, par cohérence, est défavorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 16, le Gouvernement propose de rédiger comme suit le
quatrième alinéa du texte présenté par le II de l'article 2 pour compléter
l'article 2 de la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre
l'Etat et les établissements d'enseignement privés :
« A l'expiration de ce délai, si les manquements persistent, l'autorité
académique avise le procureur de la République des faits susceptibles de
constituer une infraction pénale. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Il s'agit d'un amendement de conséquence.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Il est inséré, après l'article 227-17 du code pénal, un article
227-17-1 ainsi rédigé :
«
Art. 227-17-1
. - Le fait par les personnes responsables de l'enfant
de ne pas l'inscrire dans un établissement d'enseignement, sans excuses
valables, en dépit d'une mise en demeure de l'inspecteur d'académie, est puni
de six mois d'emprisonnement et de 50 000 F d'amende.
« Le fait, par un directeur d'établissement privé accueillant des classes hors
contrat, de n'avoir pas pris, malgré la mise en demeure de l'inspecteur
d'académie, les dispositions nécessaires pour que l'enseignement qui y est
dispensé soit conforme à l'objet de l'instruction obligatoire, tel que celui-ci
est défini par l'article 16 de la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement
primaire, et de n'avoir pas procédé à la fermeture de ces classes, est puni de
six mois d'emprisonnement et de 50 000 F d'amende. »
Par amendement n° 17, le Gouvernement propose, dans le premier alinéa du texte
présenté par cet article pour l'article 227-17-1 à insérer dans le code pénal,
de remplacer les mots : « personnes responsables de l'enfant » par les mots : «
les parents d'un enfant ou toute personne exerçant à son égard l'autorité
parentale ou une autorité de fait de façon continue ».
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui tend à
préciser quelles sont les personnes responsables d'un enfant : selon la
terminologie habituelle du code pénal, il s'agit des parents d'un enfant ou de
toute personne exerçant à son égard l'autorité parentale ou une autorité de
fait de façon continue.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 5 rectifié, M. Lagauche et les membres du groupe socialiste
et apparentés proposent de compléter,
in fine,
le second alinéa du texte
présenté par l'article 3 pour l'article 227-17-1 du code pénal par la phrase
suivante : « En outre, le tribunal peut ordonner à l'encontre de celui-ci
l'interdiction de diriger ou d'enseigner ainsi que la fermeture de
l'établissement ».
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Nous proposons de prévoir des peines complémentaires pour mettre un terme à
l'activité d'un directeur défaillant ou pour ordonner la fermeture de son
établissement.
La fermeture judiciaire d'un établissement privé est déjà prévue dans de
nombreux cas d'ouvertures illégales ou d'obstacles à inspection : articles 40
et 42 de la loi du 30 octobre 1886, articles 22 et 26 de la loi du 15 mars
1850, articles 71 et 76 du code de l'enseignement technique, article 16 de la
loi du 12 juillet 1971 relative aux organismes privés d'enseignement à
distance. Dans ce dernier cas, l'interdiction d'enseigner et de diriger est une
sanction pénale complémentaire des infractions à la loi du 12 juillet 1971.
J'insisterai, pour ceux qui estimeraient les sanctions quelque peu excessives
au regard des fautes commises, sur les conditions très peu contraignantes
requises pour ouvrir une école privée à l'heure actuelle : il suffit d'être
titulaire du baccalauréat ou d'une licence de lettres ou de sciences, d'être
âgé de vingt-cinq ans et de procéder à quelques démarches administratives, dont
une déclaration à la mairie, le préfet pouvant, seul, s'opposer à la
demande.
Voilà pourquoi il importe, à mes yeux, de s'entourer du maximum de garanties
pour pouvoir sanctionner les personnes dirigeant un établissement ne
satisfaisant pas aux exigences de l'instruction obligatoire.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Il est favorable, pour les raisons qu'a bien exposées
l'auteur de l'amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié, accepté par la commission et par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 6 rectifié, M. Lagauche et les membres du groupe socialiste
et apparentés proposent :
I. - Après le texte présenté par l'article 3 pour l'article 227-17-1 du code
pénal, d'insérer un article ainsi rédigé :
«
Art
... - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables
pénalement dans les conditions prévues par l'article 121-2 de l'infraction
définie au deuxième alinéa de l'article 227-17-1.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1. L'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38.
« 2. Les peines mentionnées aux 1, 2, 4, 8 et 9 de l'article 131-39. »
II. - En conséquence, de rédiger comme suit le premier alinéa de cet article
:
« Il est inséré après l'article 227-17 du code pénal, deux articles ainsi
rédigés : »
La parole est M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Cet amendement a pour objet d'appréhender la responsabilité des personnes
morales afin que celles-ci puissent, tout comme les directeurs d'établissement,
être poursuivies et soumises à des sanctions appropriées en cas de mise en
cause de l'instruction dispensée dans un établissement dépendant d'une
structure plus large.
La récente affaire de l'« Ecole de l'éveil », dans le XIe arrondissement de
Paris, filiale de l'église de scientologie - cas que notre rapporteur cite dans
son rapport -, a montré comment des poursuites engagées pouvaient ne pas
aboutir faute de responsabilité effective des directeurs de l'établissement.
Cette école avait eu recours à de la publicité mensongère, affirmant qu'elle
bénéficiait d'un « agrément » de l'éducation nationale, qui n'existait pas.
Dans cette affaire, seuls la directrice et le directeur adjoint ont pu être
poursuivis ; or l'école venait de fermer lorsque le procès a débuté, et aucune
réparation n'a pu être obtenue.
Il apparaît donc nécessaire d'ouvrir la possibilité, dans les situations les
plus graves, d'empêcher que les activités illégales d'un établissement se
poursuivent sur un autre site relevant de la même personne morale, c'est-à-dire
dans les autres établissements appartenant à une même organisation.
Les sanctions que nous prévoyons ne me semblent pas disproportionnées : il
s'agit de l'interdiction d'exercer temporairement ou définitivement, de la
fermeture provisoire ou définitive d'un ou de plusieurs établissements, de la
confiscation des produits de l'infraction, de l'affichage de la décision, ou
encore de la dissolution, dans les seuls cas où la personne morale a été créée
pour dispenser un enseignement contraire à l'instruction obligatoire.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Avis favorable, pour les raisons exposées par l'auteur de
l'amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié, accepté par la commission et par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - Le fait, par les personnes responsables de l'enfant au sens de
l'article 5 modifié de la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire, de
ne pas déclarer en mairie qu'il sera instruit dans sa famille ou dans un
établissement privé hors contrat, est puni d'une amende de 10 000 F.
« Le fait, par les personnes responsables de l'enfant, de s'abstenir de faire
connaître les motifs d'absence de l'enfant ou de donner des motifs d'absence
inexacts, ou de laisser l'enfant manquer la classe sans motif légitime ou
excuse valable quatre demi-journées dans le mois, est puni d'une amende de 1
000 F et de 10 000 F en cas de récidive. »
Sur l'article, la parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Que l'on me comprenne bien : je suis favorable, ô combien ! à ce que tout soit
fait pour que les enfants fréquentent normalement et régulièrement l'école ; je
me permets d'ailleurs de rappeler - on me le pardonnera - que j'ai été, pendant
plus de trente-sept ans, instituteur, en particulier dans des quartiers
difficiles de nos villes.
Il n'empêche, la sanction prévue dans le deuxième paragraphe de l'article 4 me
paraît devoir être contenue. En effet, il ne manque pas d'exemples où des
parents - je pense notamment à des familles monoparentales - sont amenés à
négliger de faire le mot d'excuse pour expliquer telle ou telle absence. Dans
de telles circonstances, prévoir une amende est quelque chose de grave qui ne
peut, le plus souvent, qu'enfoncer un peu plus des familles déjà en grande
difficulté.
N'étant pas membre de la commission saisie au fond et ayant donc eu
connaissance du texte un peu tardivement, je n'ai pas pu déposer
d'amendement.
Voilà pourquoi je vous demande, madame la ministre, de vous opposer à cette
sévérité du texte. Imaginez ces familles, déjà dans la détresse, et à qui l'on
dit, au fond : vous n'êtes pas capable d'élever votre enfant et pour vous aider
à bien le comprendre, on va vous infliger une amende de mille francs !
Vous savez, dans une carrière d'instituteur, on en voit des choses, et j'en ai
vu ! La maman, seule à la maison pour des raisons diverses, se retrouve avec un
petit enfant malade au dernier moment ; elle demande à la grande soeur ou au
grand frère de le garder. Faute de pouvoir trouver une autre solution, on
recommence le lendemain, après quoi on a honte d'avoir gardé l'aîné à la
maison. Alors, on tourne autour, on ne donne pas de raison. Ce n'est pas un
exemple en l'air, je vous prie de le croire, madame la ministre.
Voilà pourquoi il ne faut pas se laisser aller à prévoir de telles sanctions
pouvant atteindre 10 000 francs en cas de récidive. Veuillez pardonner ma
maladresse, j'ai été pris de court. Madame la ministre, c'est le vieil
instituteur qui vous parle.
M. Nicolas About.
Ce ne sont pas ces cas-là que l'on vise !
M. le président.
Par amendement n° 18, le Gouvernement propose, dans le premier alinéa de
l'article 4, de remplacer les mots : « les personnes responsables de l'enfant,
au sens de l'article 5 de la loi du 28 mars 1882 » par les mots : « les parents
d'un enfant ou toute personne exerçant à son égard l'autorité parentale ou une
autorité de fait de façon continue ».
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Il s'agit, là aussi, d'un amendement de forme, qui tend
à redéfinir clairement les personnes responsables de l'enfant.
Monsieur Pagès, va bientôt venir en discussion un amendement qui prévoit,
précisément, une nouvelle rédaction du second alinéa de l'article 4. Ainsi, vos
voeux seront exaucés.
En effet, le Gouvernement estime que le contrôle de la fréquentation et de
l'assiduité scolaires est d'une nature différente de celle de l'objet de cette
proposition de loi. Il préfère donc renvoyer à un décret le dispositif
éventuellement nécessaire pour contrôler et sanctionner la fréquentation et
l'assiduité scolaires.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 20, le Gouvernement propose de rédiger ainsi le second
alinéa de l'article 4.
« Le contrôle de la fréquentation et de l'assuidité scolaires ainsi que les
sanctions au regard du versement des prestations familiales et en matière
pénale seront déterminés par décret en Conseil d'Etat. »
Cet amendement a déjà été défendu par le Gouvernement.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Sans nier les cas de figure évoqués par M. Pagès, la
proposition vise à responsabiliser les familles, car l'absentéisme, s'il
touche, c'est vrai, les familles en difficultés financières ou sociales, n'est
pas le fait de ces seules familles. Il est un absentéisme qui touche toutes les
couches de la population.
De toute façon, Mme le ministre ayant fait remarquer que cette disposition
relève du règlement et non pas de la loi, je m'en remets à l'avis du
Gouvernement.
M. Hilaire Flandre.
Espérons seulement que les décrets paraîtront au plus vite !
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Tout à fait !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Je souhaite apporter deux précisions.
La contravention de 1 000 francs existe déjà, elle relève du domaine
réglementaire. Elle n'a donc pas à figurer dans la loi.
Par ailleurs la notion de récidive n'existe plus dans le nouveau code
pénal.
Il faut donc prendre le temps de laisser mûrir les choses.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 20.
M. Nicolas About.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. About
M. Nicolas About.
Je voterai l'amendement, mais avec une inquiétude, celle de ne jamais voir
paraître le décret. Peut-être ce décret sortira-t-il, auquel cas j'en serai
ravi !
Mais peut être sera-ce aussi l'occasion pour vous, madame le ministre, de
répondre aux questions que j'ai posées lors de mon intervention à la tribune.
Combien y a-t-il de cas où les enseignants ont dénoncé l'absentéisme scolaire ?
Les peines qui existent aujourd'hui ont-elles été mises en oeuvre ? Cette
amende a-t-elle déjà été payée par quelqu'un ? Ne faudrait-il pas en faire un
peu plus non pas à l'encontre des familles en difficulté - ce n'est pas
celles-là que nous visons - mais à l'encontre de l'absentéisme organisé, et
nous savons bien lequel ?
Nous aimerions savoir ce que les professeurs, les inspecteurs d'académie,
l'éducation nationale et, enfin, le Parlement entendent faire pour y mettre
fin.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Monsieur le sénateur, comme il s'agit de
contraventions, c'est non pas le ministère de l'éducation nationale mais celui
de la justice qui tient ces statistiques.
Les condamnations sont prononcées sur la base des articles du code pénal qui
prévoient la soustraction à obligation légale compromettant la santé, la
sécurité, la moralité et l'éducation des enfants.
M. Nicolas About.
Il n'y a pas que l'éducation !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
C'est vrai, chaque point n'est pas clairement
identifié.
Vos questions sont tout à fait judicieuses, et je vais voir de quelle façon
nous pouvons améliorer le dispositif statistique de repérage dans ce domaine.
C'est vrai - M. le rapporteur a soulevé la question tout à l'heure - nous
aurions intérêt à améliorer notre connaissance du phénomène que constitue la
soustraction des enfants à l'obligation scolaire.
M. Nicolas About.
Merci, madame le ministre !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article additionnel après l'article 4
M. le président.
Par amendement n° 1, M. About propose d'insérer, après l'article 4, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Le fait, pour les personnes responsables de l'enfant au sens de l'article 5
de la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire, de laisser leur enfant
en âge de scolarisation, sans autorisation individuelle préalable délivrée par
le maire, faire du démarchage à domicile à des fins commerciales, idéologiques
ou religieuses ou pour distribuer des tracts ou tout autre document de
propagande sur la voie publique, est puni de 10 000 F d'amende.
« Les autorisations individuelles sont accordées par le maire qui peut les
retirer à tout moment, soit d'office, soit à la requête de toute personne
qualifiée. »
Cet amendement est parvenu aux services par
e-mail.
C'est le premier,
et c'est pourquoi je le salue au passage.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Membre de cette Haute Assemblée, je me devais d'utiliser les techniques
modernes mises à notre disposition, monsieur le président.
De nombreuses sectes utilisent les enfants pour mener leurs actions de
prosélytisme : porte-à-porte, démarchage, distribution de tracts, etc. Il n'est
pas rare de voir ces enfants servir ainsi de main-d'oeuvre gratuite pour des
opérations de recrutement, avec tous les dangers que cela peut comporter pour
eux. Ils sont assujettis à des quotas d'heures par semaine. Ils n'ont guère le
choix de refuser ces obligations que leur imposent quelquefois, au sein des
sectes, leurs propres parents.
Il convient de rappeler que le travail des mineurs de seize ans est
formellement interdit par la loi. Cet amendement vise donc à sanctionner les
parents ou les structures qui laissent les enfants effectuer du démarchage à
domicile à des fins commerciales, idéologiques ou religieurses, du recrutement
ou de la distribution de tracts de propagande sur la voie publique.
Le dispositif prévoit qu'une autorisation préalable peut être demandée au
maire, de façon à ménager les demandes de dérogations qui pourraient être
formulées, par exemple, dans le cadre de loteries ou de kermesses organisées
dans les établissements scolaires ou dans les structures associatives non
contestées.
Si nous n'adoptons pas cet amendement, nous laissons un champ considérable
ouvert aux phénomènes sectaires. Aussi, ne le repoussons pas sous prétexte que
tel ou tel maire - et je le suis moi-même - sera tenu de signer vingt feuilles
de plus chaque année ; cela ne fera jamais que la moitié d'un parapheur, et
cela n'est rien à côté de l'enjeu, qui est de mettre fin à l'utilisation des
enfants !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur.
Par cet amendement, M. About souhaite réprimer le démarcharge
à domicile des mineurs et réglementer les distributions de tracts par ces
derniers, comme il l'avait d'ailleurs prévu dans sa proposition de loi. Au lieu
des 25 000 francs d'amende - 50 000 francs en cas de récidive - et des quatre
mois de prison prévus dans sa proposition initiale pour défaut d'autorisation,
M. About nous propose ici de créer une contravention de cinquième classe punie
de 10 000 francs d'amende et de confier au maire, et non plus au préfet, la
responsabilité de délivrer l'autorisation.
La commission avait observé qu'une telle réglementation semblait difficile à
mettre en place, sauf à réglementer tous les actes de démarchage à domicile ou
toutes les distributions de tracts sur la voie publique, y compris des
mouvements sportifs ou de jeunesse sans lien, bien sûr, avec les sectes.
Enfin, si les maires des petites communes sont en mesure d'apprécier la nature
des organisations appelées à effectuer ce type de démarche, ce contrôle semble
plus difficile, plus délicat, pour les communes d'une grande importance.
N'étant pas hostile au principe d'un tel amendement - personnellement, je n'y
suis pas défavorable - la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Le Gouvernement s'en remet également à la sagesse du
Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Robert Pagès.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. Robert Pagès.
Je suis évidemment tout à fait partisan d'une vigilance redoublée face au
travail des sectes en direction de la jeunesse.
Cela dit, au nom de la bataille contre les sectes, il ne faudrait pas non plus
porter atteinte à l'expression citoyenne. Il est en effet des jeunes gens
encore soumis à l'obligation sociale qui peuvent très bien militer dans une
organisation de jeunesse, voire dans une organisation politique de jeunesse. Ce
n'est pas interdit, et, en ce qui me concerne, je trouve même cela très bien.
Cela prouve qu'ils sont déjà des citoyens et qu'ils auront ainsi le temps de
mieux réfléchir encore.
Je suis donc très inquiet quand je vois que l'on pourrait ainsi réprimer tout
simplement la distribution de tracts. Sans vouloir abuser d'exemples
personnels, je me souviens avoir été pendant mes obligations scolaire, militant
d'une organisation politique - je n'ai pas à en rougir, aujourd'hui ; je n'ai
pas fait de choses graves, au contraire - et j'aurais été peiné que mes parents
puissent être tenus pour responsables de ce travail de jeune citoyen.
Je comprends le souci légitime de M. About, mais de là à réprimer l'expression
citoyenne des jeunes gens ou des jeunes filles, non ! N'allons pas jusque-là
!
De plus, s'il faut, dans nos grandes cités urbaines, que le maire délivre des
autorisations chaque fois qu'il y a une vente de billets de tombola, de
calendriers, de croissants, ou de petites fleurs, etc, on en arrivera à des
situations quasiment ubuesques !
Voilà pourquoi, je souhaite que cet amendement soit retiré. Sans doute
pourra-t-on, au cours de la navette, réfléchir plus avant à la bonne manière de
s'attaquer vraiment aux sectes et aux pratiques commerciales douteuses. Mais
qu'on laisse les jeunes citoyens s'exprimer !
M. Nicolas About.
Cela n'est pas interdit !
M. Serge Lagauche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Si tout le monde comprend l'état d'esprit dans lequel cet amendement a été
déposé, chacun en est un peu gêné, car il pourrait être mal interprété.
Je partage à cet égard le sentiment de mon collègue M. Pagès : il faut, au
cours de la navette - peut-être, avec l'aide de vos services, madame la
ministre - trouver une solution visant exclusivement les sectes. Nous avons
d'ailleurs débattu de cette question importante en commission. Il est vrai que
certains jeunes proposent parfois des calendriers, l'inscription à un camp,
etc. On mélange un peut tout !
Cela dit, tout le monde comprend votre souci, monsieur About, et le
partage.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, pour lequel la commission et le
Gouvernement s'en remettent à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Intitulé de la proposition de loi
M. le président.
La commission des affaires culturelles propose de rédiger comme suit
l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi tendant à renforcer
le contrôle de l'obligation scolaire ».
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la
parole à M. Flandre, pour explication de vote.
M. Hilaire Flandre.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, quelque 6 000
enfants échapperaient, en France, au système scolaire et les trois quarts
d'entre eux recevraient une instruction sous influence sectaire ; c'est ce qui
ressort de la discussion qui vient d'avoir lieu.
Ce chiffre effrayant appelle toute notre attention sur un phénomène dû à un
détournement de notre législation relative à l'obligation scolaire.
L'éducation nationale a commencé à mettre en place une politique de prévention
et de surveillance de cette situation dont on n'a pris conscience que trop
récemment.
Le législateur a également un rôle à jouer dans cette lutte contre
l'insidieuse manipulation des cerveaux des enfants par des personnes sans
scrupule.
Les conclusions de la commission des affaires culturelles présentées par notre
collègue Jean-Claude Carle dégagent un certain nombre de pistes pour remédier à
cette marginalisation scolaire des enfants relevant du phénomène sectaire.
En renforçant le contrôle existant sur l'instruction de l'enfant dans sa
famille ou dans un établissement hors contrat, ce texte permet de protéger cet
enfant sans cependant porter atteinte au principe de la liberté de
l'enseignement.
Ainsi, le contrôle est élargi et devra porter également sur le droit à
l'épanouissement de l'enfant, à la socialisation et à la citoyenneté.
De même, l'idée de renvoyer à un décret le contenu précis des connaissances de
base et de culture générale susceptibles d'être évaluées est précieuse, car
elle fournit des éléments objectifs au juge afin de lui permettre d'instruire
le dossier.
Quant aux sanctions qui seront désormais applicables aux parents qui ne
respecteront pas l'obligation scolaire, elles seront réalistes et adaptées à
chaque cas.
J'approuve totalement le durcissement des peines relatives au refus
intentionnel de la famille d'inscrire son enfant dans un établissement en dépit
d'une mise en demeure de l'inspecteur d'académie. Il s'agit en effet d'un délit
grave commis par une personne qui s'oppose volontairement à une décision prise
par les autorités compétentes pour sauvegarder un enfant d'un avenir
néfaste.
Il me semble que les travaux de la commission des affaires culturelles ont
permis d'aboutir à un texte juste et équilibré. Cette proposition de loi marque
un réel progrès dans la lutte contre le phénomène sectaire.
Pour ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République votera ce
texte.
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les
conclusions de la commission des affaires culturelles dont nous achevons
l'examen ont pour origine deux propositions de loi présentées par des sénateurs
du groupe des Républicains et Indépendants, MM. Serge Mathieu et Nicolas About,
groupe auquel appartient également notre rapporteur, M. Jean-Claude Carle.
Tous trois montrent l'importance que nous accordons à la lutte contre le
phénomène sectaire, car c'est bien de cela qu'il s'agit au travers du
renforcement du contrôle de l'obligation scolaire, lorsque l'instruction est
assurée au sein de la famille ou dans un établissement d'enseignement privé
hors contrat.
Le véritable objectif des propositions de Serge Mathieu et de Nicolas About
est de protéger les enfants mineurs de familles appartenant à des sectes. Nous
pouvons l'écrire dans l'exposé des motifs mais pas dans la loi, car il faudrait
pour cela donner une définition précise de ce qu'est une secte, ce qui n'est
pas encore le cas. C'est ce qu'ont très bien expliqué les différents orateurs,
en particulier notre rapporteur, dont je tiens à saluer la contribution.
La démarche adoptée par le Sénat est en effet la bonne. Bien sûr, nous aurions
pu organiser un débat sur les sectes, citer quelques exemples, souvent
dramatiques. Mais il nous a semblé préférable d'adopter une démarche sans doute
plus modeste mais en réalité plus efficace.
En renforçant le contrôle de l'instruction assurée dans la famille, en
permettant une évaluation de l'enseignement dispensé dans les établissements
privés hors contrat et en sanctionnant plus fermement les parents qui omettent
délibérément de déclarer leurs enfants non scolarisés, nous nous attaquons à
l'un des comportements les plus nuisibles des sectes, celui qui prive les
enfants d'une véritable instruction. Et nous le faisons dans le respect de la
liberté de l'enseignement, ce qui est essentiel.
Le dispositif auquel nous avons abouti permet d'agir sans attendre, dans un
domaine où l'Etat est trop souvent démuni. Il s'agissait donc de lui donner
aussi des moyens.
Les amendements adoptés au cours de la discussion contribuent au renforcement
d'une lutte qui ne fait que débuter et qui sera longue, car elle demandera
certainement beaucoup de suivi.
Dans ces conditions, le groupe des Républicains et Indépendants votera le
texte tel qu'il résulte des travaux de notre Haute Assemblée.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission.
Je souhaiterais ajouter quelques mots pour me
réjouir, au terme de ce débat, de son aboutissement.
Voilà du bon travail législatif, madame la ministre. Une initiative
parlementaire, deux propositions de loi examinées en commission, un excellent
travail de notre rapporteur et, j'ai la faiblesse de le penser, de la
commission, travail complété en assemblée, amendé par le Gouvernement lui-même
et par un certain nombre de collègues ont permis d'aboutir à un texte qui, j'en
suis persuadé, va recueillir l'accord unanime du Sénat.
C'est donc un moment assez fort, et même si le texte en lui-même est modeste,
le sujet qu'il traite ne l'est pas. Il est très important, on le sait.
Il n'y a de bonnes lois que celles qui prennent en compte les réalités, et il
me semble que celle que nous allons voter prend en compte les réalités parce
qu'elle vise à traiter un problème d'actualité en donnant à l'obligation
d'instruction un contenu moderne.
L'amendement déposé par le Gouvernement qui visait à insérer un article
additionnel avant l'article 1er, complète de façon fort intéressante le texte
que la commission avait adopté, et je m'en réjouis.
Madame la ministre, je terminerai ce court propos après avoir, une nouvelle
fois, remercié notre rapporteur Jean-Claude Carle, et, me tournant vers vous,
je vous dirai que, maintenant, le sort de ce texte est un peu et même beaucoup,
entre vos mains. Faites en sorte, madame la ministre, puisque vous considérez
que ce texte est important et nécessaire, qu'il soit examiné le plus rapidement
possible par l'Assemblée nationale et qu'il devienne une loi de la
République.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
M. Robert Pagès.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote pour.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président.
Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l'unanimité.
7
TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 1995.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 527, distribué et renvoyé à la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale
dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 1996.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 528, distribué et renvoyé à la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale
dans les conditions prévues par le règlement.
8
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, mardi 30 juin 1998, à dix heures quarante-cinq, à seize
heures et, éventuellement, le soir :
Discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 497, 1997-1998), adopté par
l'Assemblée nationale, relatif à la Nouvelle-Calédonie.
Rapport (n° 522, 1997-1998) de M. Jean-Marie Girault, fait au nom de la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Aucun amendement à ce projet de loi constitutionnelle n'est plus recevable.
Scrutin public à la tribune sur l'ensemble.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Nouvelle lecture du projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les
exclusions.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 7 juillet 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 7 juillet 1998, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 30 juin 1998, à une heure quarante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du lundi 29 juin 1998
SCRUTIN (n° 111)
sur l'ensemble des conclusions du rapport de M. Alain Gournac, fait au nom de
la commission des affaires sociales, sur la proposition de loi de MM. Christian
Poncelet, Jean-Pierre Fourcade, Josselin de Rohan, Maurice Blin et Henri de
Raincourt tendant à alléger les charges sur les bas salaires.
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 317 |
Pour : | 221 |
Contre : | 96 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
17.
Contre :
6. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul Vigouroux.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (93) :
Pour :
93.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
74.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Michel Dreyfus-Schmidt, qui
présidait la séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :
Pour :
57.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
45.
SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE ( 9) :
Pour :
9.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe Francois
Jean Francois-Poncet
Yann Gaillard
André Gaspard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Basile Tui
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Michel Dreyfus-Schmidt, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 112)
sur l'ensemble des conclusions du rapport de M. Jean-François Le Grand, fait
au nom de la commission des affaires économiques et du plan, sur la proposition
de loi de M. Jean-François Le Grand, Mme Janine Bardou, MM. Michel Doublet,
Michel Souplet et Louis Minetti, relative à la mise en oeuvre du réseau
écologique européen dénommé Natura 2000.
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 221 |
Pour : | 221 |
Contre : | 0 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Abstentions :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
17.
Abstentions :
6. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André
Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul Vigouroux.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (93) :
Pour :
93.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Abstentions :
74.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Michel Dreyfus-Schmidt, qui
présidait la séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :
Pour :
57.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour :
45.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :
Pour :
9.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
André Gaspard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Basile Tui
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Abstentions
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Michel Dreyfus-Schmidt, qui présidait
la séance.