Séance du 8 juillet 1998
LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS
Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n°
542, 1997-1998), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions.
[Rapport n° 544 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, pour le Sénat, le programme de la session
extraordinaire va s'achever, dans quelques heures, avec le vote en nouvelle
lecture du projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les
exclusions.
Ce projet de loi, voulu, porté et soutenu sans relâche par les associations,
verra donc le jour avant l'été.
En défendant ce texte, le Gouvernement s'est fait l'écho de préoccupations
constantes des Français et le promoteur de revendications qui avaient été
entendues au-delà des rangs de la seule majorité nationale et dont le règlement
avait été engagé par le précédent gouvernement. C'est pourquoi, je le crois, ce
vote constituera pour nombre d'entre vous une étape particulière dans votre vie
parlementaire, comme il le sera pour Marylise Lebranchu, Louis Besson, Bernard
Kouchner et moi-même.
Cette convergence sur de très nombreux sujets s'est illustrée par un débat
riche entre le Gouvernement et l'ensemble des groupes sénatoriaux.
Le fait est assez rare pour que je me permette de le souligner de nouveau :
deux tiers des amendements que vous avez adoptés en première lecture ont fait
l'objet d'un avis favorable du Gouvernement.
M. Gérard Braun.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le dialogue entre les
assemblées se poursuit aujourd'hui par cette nouvelle lecture.
Je souhaite remercier pour le travail accompli M. Seillier et l'ensemble des
rapporteurs pour avis, tout comme M. le président de la commission des affaires
sociales, qui nous appelait à nous rapprocher dès la première lecture.
En lisant le rapport de la commission des affaires sociales, j'ai pu me
réjouir du fait que cette dernière, associée à l'ensemble des commissions pour
avis, avait fait le choix de ne redéposer qu'une quarantaine d'amendements, ce
qui signifie le vote conforme de plus de soixante-dix dispositions en navette.
Cet état d'esprit confirme celui de vos collègues députés, qui ont déjà
maintenu nombre d'améliorations introduites par le Sénat en première
lecture.
Je vois là une nouvelle démonstration de la possibilité de dépasser, le temps
d'un débat, les appréciations divergentes pour consolider ensemble le socle
républicain qui est, pour l'ensemble des groupes représentés au Parlement, la
base sur laquelle repose notre engagement politique.
Je ne reviendrai pas en détail sur l'ensemble des volets qui constituent ce
projet de loi, mais je souhaite en quelques mots vous dire dans quel état
d'esprit se place le Gouvernement à l'ouverture de nos travaux.
En ce qui concerne le volet de l'accès à l'emploi, qui est au coeur de la
lutte contre les exclusions, je me réjouis que nous soyons très proches d'un
accord complet sur les vingt-deux articles que contient maintenant le texte. Il
y a ainsi un accord sur le droit au « nouveau départ », sur le programme TRACE,
trajet d'accès à l'emploi, sur la refonte des emplois de solidarité, sur la
redynamisation du secteur de l'insertion par l'économique, sur les aides à la
création d'entreprise, sur l'instauration d'un contrat de qualification adultes
et sur l'inscription de la lutte contre l'illettrisme dans l'éducation
permanente.
Les différents amendements que la Haute Assemblée a adoptés ont été pour la
plupart maintenus par vos collègues députés. Ainsi en est-il, par exemple, du
dispositif de cumul des minima sociaux et des revenus d'activité
professionnelle - élargissement aux bénéficiaires de l'allocation de veuvage,
possibilité de cumuler les minima sociaux avec les revenus d'une activité non
salariée - ou encore du meilleur encadrement des conditions de cumul d'un
contrat emploi-solidarité et d'une activité salariée.
La commission des affaires sociales soumet aujourd'hui trois amendements, dont
deux s'inscrivent tout à fait dans l'esprit du texte : je pense à la fixation
des conditions d'intervention du fonds d'aide aux jeunes, le FAJ, dans le
programme TRACE par des conventions Etat-département et à la suppression de la
référence aux activités exercées par les associations intermédiaires dans les
conventions passées avec l'Etat.
Je regrette en revanche de ne pas avoir convaincu la commission des affaires
sociales sur le dispositif visant à exonérer pendant cinq ans les entreprises
qui embauchent des bénéficiaires de minima sociaux. Comme j'ai pu le dire à
plusieurs reprises, je crains qu'une telle disposition ne provoque de réels
effets d'aubaine, surtout dans la conjoncture actuelle.
Je déplore enfin que certains, sur les travées de la majorité sénatoriale,
n'aient pas eu la sagesse de la commission et aient souhaité redéposer des
amendements que la majorité du Parlement et le Gouvernement ne peuvent
accepter.
Je pense notamment à un amendement que la Haute Assemblée avait finalement
rejeté, autorisant les collectivités locales à confier à des bénéficiaires de
l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, des tâches d'utilité publique,
moyennant un complément de rémunération au SMIC.
Je pense également - je vous avais d'ailleurs exprimé ma vive réprobation sur
ce point - à un amendement qui vise à prévoir un avis préalable du maire sur
l'opportunité de l'octroi du RMI. Je veux croire qu'il ne s'agit là que d'une
initiative isolée qui ne saurait être suivie par votre assemblée.
S'agissant du volet du logement - je parle, là, au nom de Louis Besson -
l'Assemblée nationale a également maintenu de nombreuses améliorations du texte
que vous avez proposées en première lecture.
Ainsi ont notamment été votées conformes vos dispositions sur la lutte contre
le saturnisme, sur la modernisation de la réquisition, sur la continuité des
aides au logement ou sur la représentativité des associations de locataires
dans les organes de gestion des organismes d'HLM.
Le dispositif relatif à la prévention de l'expulsion, objectif que vous avez
partagé avec le Gouvernement, n'a subi que peu de modifications, et il nous
semble que le dispositif ainsi proposé permet de trouver l'équilibre entre les
locataires de bonne foi, dont l'expulsion reste notre échec collectif, et les
propriétaires à qui l'on ne peut faire supporter toutes les difficultés
sociales et financières des locataires.
S'agissant d'intercommunalité, vous continuez à défendre une approche qui
repose sur l'unique principe du volontariat. Or ces dispositifs et ces outils
existent déjà et n'ont pas été à la hauteur des enjeux et des difficultés
rencontrées.
Au contraire, il nous faut aujourd'hui « contrarier les égoïsmes collectifs »,
pour reprendre une citation de M. François Bloch-Lainé, et approcher les
dossiers de l'habitat et du logement au niveau d'un bassin d'habitat que chacun
s'accorde à reconnaître comme le niveau pertinent pour introduire plus de
mixité sociale, de solidarité et d'équilibre géographique et urbain.
S'agissant de l'augmentation de l'offre de logements que nous appelons tous de
nos voeux, il faut que chacun reconnaisse qu'elle ne peut s'effectuer qu'en
respect d'une certaine mixité géographique.
En supprimant à nouveau les critères de la loi d'orientation sur la ville,
vous contrariez une première étape vers une véritable politique intercommunale
et une politique de la ville respectant l'intégration de nos concitoyens toutes
catégories sociales confondues.
S'agissant de l'accès aux soins, l'Assemblée nationale a également validé
l'approche du Sénat sur de nombreux points.
Je pense notamment à l'attention que vous avez bien voulu porter aux problèmes
de santé particuliers aux femmes.
Cet amendement, qui avait été introduit par l'opposition sénatoriale,
permettra de mieux prendre en compte la vulnérabilité spécifique des femmes en
situation de précarité quant à leur santé, notamment pour ce qui touche à la
contraception et à la procréation.
(Mme Derycke applaudit.)
De la même manière, la stabilisation du statut des centres d'hygiène
alimentaire et d'alcoologie, les CHAA, a été confirmée. Même si Bernard
Kouchner et moi-même souhaitions n'introduire cette disposition qu'au moment du
prochain débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le
Gouvernement vous rejoint dans cette démarche.
En revanche, je ne pourrai vous suivre sur trois amendements que vous avez
souhaité réintroduire à l'occasion de cette nouvelle lecture.
S'agissant de la couverture maladie universelle, je vous rappelle tout à la
fois notre engagement de déposer à l'automne un projet de loi et notre souhait
de respecter les rythmes du travail parlementaire. Pour cette raison, il me
semble contre-productif de vouloir fixer dans la loi une date d'entrée en
vigueur du dispositif, auquel, vous le savez, le Gouvernement est très
attaché.
Quant à votre souhait de voir renforcer les actions de santé scolaire, vous
savez que nous le partageons. Dès cette année, nous avons augmenté les moyens
en personnel dans les zones défavorisées. En revanche, je ne suis pas
convaincue de la nécessité des visites systématiques menées chaque année. Je
crois que nous devons concentrer nos efforts sur les familles et les enfants à
risque.
Enfin, vous maintenez votre volonté de voir inscrire dans le texte la remontée
à l'Etat de la plupart des compétences des départements en matière de santé.
Cela paraît très prématuré de trancher cette question tant le sujet est
complexe.
S'agissant du volet du surendettement, je ne reviendrai pas davantage sur
l'ensemble des dispositions qui, dans leur philosophie, recueillent un large
accord.
Je m'attarderai juste, en quelques mots, sur le traitement des dettes fiscales
sur lesquelles s'était focalisée l'attention de l'ensemble des parlementaires,
au Sénat comme à l'Assemblée nationale.
Grâce au travail entrepris par Marilyse Lebranchu avec les commissions des
deux assemblées, nous sommes désormais parvenus, je crois, à un point
d'équilibre.
Partageant le souci qui animait la Haute Assemblée, le Gouvernement avait
accepté de renforcer le lien entre les procédures spécifiques d'octroi de
délais et le traitement du surendettement.
Dans le texte qui revient devant vous, les remises accordées par les services
de l'Etat le seront au vu des propositions de la commission. Si les services
ont octroyé des remises avant que la commission ait statué, cette dernière en
sera naturellement informée.
Au-delà, la présence du directeur des services fiscaux au sein de la
commission permettra de développer des échanges d'informations sur la situation
financière globale des surendettés, ce qui contribuera à l'amélioration de la
qualité de traitement des dossiers.
S'agissant des moyens d'existence, je souhaite simplement souligner le fait
que l'Assemblée nationale a validé le système prévu pour la prestation
spécifique dépendance, que le Sénat avait adopté à l'unanimité.
A l'inverse, je ne peux que regretter que le Sénat n'ait pas suivi à son tour
l'avis unanime de l'Assemblée nationale sur le comité de coordination créé au
chapitre des institutions sociales.
Voilà, en quelques mots, ce que j'avais à vous dire sur le projet de loi qui
vous est soumis après une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.
Je souhaite que le débat d'aujourd'hui soit aussi fructueux que celui que nous
avons eu au cours des jours précédents.
Sur un certain nombre de sujets, nous n'avons pas encore trouvé d'accord et il
est vraisemblable que quelques divergences subsisteront à l'issue du vote.
Il est en tout cas remarquable que les points de vue se soient constamment
rapprochés : entre groupes parlementaires, entre Assemblée nationale et Sénat,
entre Parlement et Gouvernement.
A chaque fois que les arguments développés ont pu convaincre, dès qu'il s'est
agi d'amélioration du texte, l'accord a été trouvé.
Sur quatre-vingt-deux articles du projet de loi initial, il ne reste
finalement aujourd'hui qu'un point de désaccord qui semble indépassable pour la
majorité sénatoriale.
Je pense, bien entendu, à la taxe d'habitation sur les logements vacants,
c'est-à-dire à la taxe sur les logements dont la durée d'occupation a été
inférieure à trente jours par an pendant deux années consécutives dans les
communes de plus de 200 000 habitants où existe un déséquilibre entre l'offre
et la demande de logements au détriment des personnes défavorisées.
Cette taxe, Louis Besson l'a dit à plusieurs reprises, ne sera pas due en cas
de vacance involontaire, indépendante de la volonté du contribuable. Autant
dire que je ne vois nulle trace des excès dogmatiques dont certains veulent
parer cette disposition !
D'aucuns sont même allés, au cours des débats, jusqu'à contester tout à la
fois cette taxe et la procédure de réquisition. Cela revenait à dire que le
Gouvernement et la représentation nationale acceptaient de se résigner à la
situation actuelle sans se donner les moyens indispensables à la garantie du
droit au logement, qui est, comme a pu le rappeler avec constance Louis Besson,
un principe constitutionnel.
Cette taxe n'est pas une atteinte à la propriété, pas plus que ne l'est,
d'ailleurs, la taxe foncière.
Je doute de la capacité du Gouvernement à vous convaincre après ces longues
heures de discussion, mais je persiste à penser qu'une telle mesure n'aurait
pas dû être de nature à interdire une réussite de la commission mixte
paritaire.
Un deuxième sujet a fait l'objet d'une forte contestation de l'opposition à
l'Assemblée nationale, celui des associations intermédiaires.
Aujourd'hui, nous sommes à peu près d'accord ; en tout cas, la coordination
des associations d'aide aux chômeurs par l'emploi, la COORACE, qui représente
ces associations, approuve notre texte.
Les associations intermédiaires disposent dorénavant des outils susceptibles
de leur permettre un développement équilibré au profit du retour à l'emploi des
publics les plus en difficulté : nous reconnaissons leur rôle d'accueil et
d'accompagnement ; nous levons les ambiguïtés qui pesaient sur la mise à
disposition en entreprise ; nous leur permettons de poursuivre leurs activités
dans le domaine des services à la personne.
Puisque subsiste, malgré tout, un dernier point d'inquiétude autour de la
nécessité de faire référence aux activités exercées dans la convention avec
l'Etat et comme la commission propose de supprimer cette référence dans la loi,
le Gouvernement émettra un avis favorable sur cet amendement, pour lever toute
ambiguïté et, peut-être aussi, pour montrer sa bonne volonté.
Que chacun y voie le signe que le dialogue est encore possible à ce stade de
la discussion ! Je souhaite en tout cas que chacun partage cette volonté
jusqu'au terme de ce débat.
Je l'ai dit et redit, sur un sujet comme celui que nous traitons, il ne peut
être question de rechercher des petits compromis. Nous devons plutôt, comme
nous l'avons fait jusqu'à présent, essayer d'améliorer l'efficacité du
dispositif contre l'exclusion que nous allons mettre en place.
Ce projet de loi sera adopté, au Palais du Luxembourg, dans la forme que
souhaitera lui donner la majorité sénatoriale. C'est, pour le Sénat, le dernier
passage de ce texte majeur. Dès demain, le texte sera soumis en lecture
définitive à l'Assemblée nationale.
Le texte que vous allez adopter peut être très proche de sa version
définitive. Il vous appartient d'en décider maintenant ! Je crois que les
Françaises et les Français y verraient le formidable signe d'un accord autour
des valeurs fondamentales qui sont au fondement même de la République et que
nous défendons tous.
L'opposition sénatoriale a fait le choix de ne pas voter contre le projet de
loi que vous avez adopté en première lecture, malgré les désaccords qui
subsistaient. Cet acte fort n'a été considéré par aucun commentateur comme un
reniement de son identité propre. Puisse chacun reprendre à son compte cette
démarche au cours de la discussion des articles. Je le souhaite vivement, parce
que l'adhésion du plus grand nombre à chacun des dispositifs proposés offrira
une garantie de meilleure application demain sur le terrain. A chacun, donc,
d'agir désormais en conscience.
Pour conclure définitivement ce propos liminaire, je tiens à vous dire combien
le Gouvernement a pu apprécier le travail fourni sur ce projet de loi et,
puisque nous allons terminer ensemble cette session extraordinaire, je souhaite
plus largement vous remercier pour cette année de débats qui, certes, nous ont
souvent opposés, mais qui n'ont pas manqué d'éclairer nos concitoyens sur les
alternatives que nous pouvons proposer à notre pays.
Je souhaite aussi remercier la commission des affaires sociales, qui a
toujours donné au Gouvernement la possibilité de s'exprimer et qui a organisé
des débats qui nous ont éclairés, me semble-t-il, à la fois sur nos accords et
sur nos divergences.
La démocratie est une belle histoire, que beaucoup nous envient encore à
travers le monde. La loi que nous allons voter permettra qu'elle demeure
vivante sur l'ensemble de notre territoire et qu'elle ne laisse personne à
l'abandon.
(Très bien ! et applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Madame la ministre,
madame la secrétaire d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, dans ce rapport de nouvelle lecture, je tiens d'abord à souligner
que, malgré l'échec de la commission mixte paritaire, le 17 juin dernier,
l'Assemblée nationale s'est souvent montrée soucieuse de respecter le travail
et les apports du Sénat, même si les avancées sont d'ampleur différente selon
les chapitres de ce texte.
En première lecture, votre Haute Assemblée avait adopté sans modification
trente-sept articles, supprimé vingt et un articles et introduit trente-sept
articles additionnels. Au total, après l'échec de la commission mixte
paritaire, cent trente et un articles restaient en discussion.
Pour sa part, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté trente-deux
articles dans le texte du Sénat et en a modifié quatre-vingt-deux, souvent -
mais pas toujours - pour rétablir son texte de première lecture.
Il convient tout d'abord d'évoquer brièvement ce que l'on doit considérer
comme de véritables avancées de la part du Sénat.
En ce qui concerne le volet relatif à l'emploi, avec le soutien actif de M.
Jean Le Garrec, l'Assemblée nationale a conservé le principe de l'intégration
des chômeurs âgés de plus de cinquante ans parmi les publics prioritaires des
contrats emploi-solidarité et des contrats emploi consolidé, quelle que soit la
durée de leur période de chômage.
En outre, on doit se féliciter que les veuves titulaires de l'allocation de
veuvage aient été considérées comme faisant partie des publics prioritaires
pouvant accéder directement aux contrats emploi consolidé.
Enfin, il convient de signaler que, malgré les réserves initiales du
Gouvernement, une solution appréciable a pu être trouvée afin que les
chantiers-écoles, les centres d'adaptation à la vie active et les régies de
quartier puissent bénéficier du régime applicable aux structures de l'insertion
par l'activité économique. Ces organismes souhaitaient depuis longtemps que le
législateur reconnaisse leur utilité. Voilà qui est fait.
S'agissant du volet relatif au logement, il est possible de considérer comme
un véritable acquis le fait que seuls les membres représentant les
collectivités locales auront voix délibérative au sein des conférences
intercommunales du logement. Dans le dispositif qui nous était transmis à
l'origine, les élus locaux auraient vu leurs voix diluées au sein d'un ensemble
hétérogène composé de représentants non élus des associations et des bailleurs
sociaux.
Il est d'ailleurs paradoxal de constater que cette disposition a été maintenue
à la demande du Gouvernement, malgré l'avis défavorable du rapporteur pour le
logement.
Par ailleurs, il convient de saluer l'acceptation par le Gouvernement de la
transformation en un dégrèvement compensé de la mesure d'exonération de la taxe
d'habitation en faveur des associations. La fermeté de la commission des
finances a assurément contribué à ce que l'arbitrage définitif soit favorable
aux collectivités locales.
Enfin, sur l'initiative du Gouvernement et contre l'avis du rapporteur de
l'Assemblée nationale, il a été prévu que l'exonération de la participation
pour dépassement du coefficient d'occupation des sols en faveur de la
construction des logements d'insertion serait non pas automatique, mais
subordonnée à une décision des conseils municipaux. Sur ce point, la commission
des affaires économiques avait mis en évidence que la disposition initialement
adoptée par l'Assemblée nationale risquait de menacer les efforts entrepris par
les communes pour requalifier les quartiers et promouvoir un habitat diversifié
et à taille humaine. Il est ainsi rendu justice à la pertinence de ses vues.
Il est à noter que, s'agissant du volet relatif à la nouvelle procédure de
réquisition avec attributaire, l'Assemblée nationale a retenu la quasi-totalité
de la trentaine d'amendements qui avaient été déposés par M. Paul Girod, au nom
de la commission des lois, et qui améliorent la lisibilité et corrigent
certaines incohérences de ce dispositif.
S'agissant du volet relatif au surendettement, l'Assemblée nationale a retiré,
comme le souhaitait le Sénat, les délégués du fonds de solidarité pour le
logement représentant les locataires de la liste des membres composant la
commission de surendettement et a accepté que les dettes fiscales ne soient pas
intégrées dans le champ du moratoire ou de l'effacement des dettes.
Au total, cent treize articles sont encore en navette, dont quatorze articles
additionnels introduits par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
A ce stade avancé de la procédure parlementaire, qui ne permet plus un
véritable dialogue entre les deux assemblées puisque le Gouvernement a déclaré
l'urgence, il n'est pas apparu nécessaire à la commission des affaires sociales
de reprendre intégralement l'ensemble des modification et ajouts de la Haute
Assemblée en première lecture.
En effet, si certains amendements correspondaient à des divergences de fond,
un certain nombre d'entre eux - ce qui est à l'honneur du Sénat -
s'inscrivaient dans la logique du texte qui nous est soumis et visaient
seulement à apporter des améliorations ou des compléments d'ordre rédactionnel
ou technique.
L'Assemblée nationale a eu tout le loisir d'examiner les propositions du Sénat
; elle en a retenu certaines, d'autres pas, pour des raisons qui apparaissent
parfois aléatoires.
Quoi qu'il en soit, il n'y a guère de raison pour que la majorité à
l'Assemblée nationale, lorsqu'elle aura le dernier mot, modifie sa position sur
un certain nombre de points formels qu'elle a rejetés en toute connaissance de
cause en nouvelle lecture.
C'est pourquoi la commission a souhaité présenter un jeu d'amendements
resserré par rapport au dispositif issu de la première lecture, afin de mettre
clairement l'accent sur ce qui sépare les deux assemblées sur un texte si
essentiel.
C'est ainsi que la majorité sénatoriale est fondamentalement défavorable à la
taxe sur les logements vacants, qui apparaît comme un prélèvement fiscal
supplémentaire injustifié et comme une contrainte inefficace à l'égard de
propriétaires qui, la plupart du temps, ne sont pas volontairement à l'origine
des cas de vacance constatés. Elle préfère un dispositif incitatif.
Par ailleurs, cette focalisation exclusive sur les logements vacants du parc
privé est étonnante au regard du problème que pose de plus en plus clairement
l'ampleur de la vacance dans le parc public, qui n'est pas toujours
involontaire.
La commission estime qu'il manque, dans le dispositif relatif à l'emploi, une
mesure forte en faveur de l'insertion des chômeurs de longue durée dans le
secteur marchand. Cette lacune semble confirmée par le fait que la récente
baisse du chômage n'a malheureusement pas de conséquence sur le niveau du
chômage de longue durée. Il sera inévitable de prévoir, dans les prochains
mois, une mesure appropriée afin d'éviter que la cohorte des exclus de l'emploi
ne passe à côté de la reprise qui se dessine.
Il importe que l'autonomie de décision concertée du préfet et du président du
conseil général soit maintenue à l'échelon départemental, en ce qui concerne
tant les fonds d'aide aux jeunes que les fonds de solidarité pour le logement,
qui constituent deux dispositifs originaux fondés sur un cofinancement à parité
entre l'Etat et les départements. En ce domaine, l'esprit de la
décentralisation doit être respecté.
Enfin, dans le même esprit, nous avons souligné que la nouvelle procédure
d'attribution des logements sociaux, qui se caractérise par une forte emprise
des préfets sur les conférences intercommunales du logement, n'était pas
satisfaisante du point de vue du respect des droits et libertés des communes en
matière d'habitat. C'est pourquoi nous avons prévu une procédure permettant aux
communes, lorsqu'elles estimeraient que le découpage d'un bassin d'habitat est
manifestement abusif, de demander à relever seulement du dispositif des accords
départementaux.
S'agissant de la réquisition avec attributaire, le Sénat souhaite que, dans
une première phase, la mise en oeuvre de cette procédure, qui constitue un
mécanisme novateur et complexe, soit limitée à une période de cinq ans.
S'agissant du surendettement, la Haute Assemblée a estimé que la définition du
« reste-à-vivre » par référence au montant du RMI aurait, en réalité, des
effets pervers et jouerait comme une incitation au surendettement, ce qui est
en contradiction avec l'objectif de prévention du projet de loi. Par ailleurs,
le Sénat a souhaité que soit rétabli l'effacement différencié des créances en
équité par la commission, qui constitue un élément de justice et de souplesse
indispensable.
S'agissant du volet consacré à l'accès aux soins, le Sénat ne peut que
s'étonner vivement que l'Assemblée nationale ait refusé d'inscrire dans ce
texte le principe de l'instauration de la couverture maladie universelle à une
date raisonnable. De même, le rejet du renforcement et de l'amélioration des
visites médicales scolaires dans les zones défavorisées, pour des raisons
purement budgétaires, et du transfert à l'Etat des compétences sanitaires des
départements apparaissent difficilement explicables.
Concernant, enfin, le volet relatif à l'éducation et à la culture, le Sénat
n'a pas été convaincu de l'opportunité du retour au système des bourses
scolaires et souhaite le maintien du régime de l'aide à la scolarité distribuée
par les caisses d'allocations familiales.
Il importe de souligner que l'Assemblée nationale a inséré quatorze articles
additionnels en nouvelle lecture.
Force est de constater que nos collègues députés n'ont pas pleinement pris en
compte la récente décision du Conseil constitutionnel sur la loi portant
diverses dispositions d'ordre économique et financier.
Certains articles additionnels sont dans l'esprit du texte, d'autres moins. A
cet égard, nous ne pouvons que regretter, monsieur le secrétaire d'Etat au
logement, que vous ne vous soyez pas opposé avec plus de fermeté à ce que le
projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions devienne le support
d'une réforme du dispositif des surloyers. La commission est en plein accord
avec ce qu'exposera M. Gérard Braun sur ce point.
Voilà, mes chers collègues, les points essentiels que je tenais à souligner en
ouverture de la nouvelle lecture de ce projet de loi, qui a permis - dans des
conditions parfois difficiles, compte tenu des délais impartis par le
Gouvernement - que s'engage entre les deux assemblées un dialogue constructif
au service de ceux qui sont aujourd'hui les plus démunis de la société.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 37 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 31 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, madame la ministre, madame, monsieur les secrétaires
d'Etat, mes chers collègues, rarement une loi a été attendue avec autant
d'espérance que la loi relative à la lutte contre les exclusions. Il est vrai
que notre pays ne peut admettre qu'une partie de plus en plus grande de la
population soit écartée non seulement de ses richesses mais aussi de ses règles
et de son fonctionnement démocratique.
Il est intolérable que six millions de personnes vivent en dessous du seuil de
pauvreté, alors que notre pays est la quatrième puissance économique mondiale.
Cette situation est insupportable sur le plan humain. Elle l'est également sur
le plan économique. De plus, elle peut se révéler dangereuse sur le plan de la
démocratie.
Pour ces personnes, pour ces exclus, cette loi sera l'expression de la
solidarité nationale, au vrai sens du terme, celle qui vise non pas à les
maintenir dans un statut d'assistés mais à les aider à redevenir des citoyens
et des citoyennes à part entière.
En effet, il s'agit non pas seulement de mieux répartir les richesses - et
elles existent ! - mais aussi de répondre globalement à tous les aspects de
l'exclusion, qu'ils soient matériels - emploi, logement, santé, surendettement
- ou d'ordre culturel. La volonté est bien de permettre à chacun d'assumer sa
vie et d'exercer la plénitude de ses droits. C'est une loi de responsabilité,
pas une loi d'assistanat.
Le débat sur ce projet de loi de lutte contre les exclusions arrive
aujourd'hui à son terme. Il aura été riche et nourri ; nourri par l'actualité,
d'abord, qui nous rappelle, en ces temps d'embellie économique, la nécessité de
la lutte pour l'emploi, qui ne doit jamais se relâcher, qui doit toujours
trouver de nouvelles armes contre ce fléau social qu'est le chômage ; nourri
par les associations, ensuite, qui ont su se faire écouter, qui ont su
transmettre et leur détermination et leurs souhaits ; nourri, enfin, du travail
des deux assemblées, travail considérable où chaque groupe politique a su
s'inscrire dans cette démarche de lutte contre les exclusions.
Aucun des groupes de notre assemblée n'a voté contre le texte, preuve s'il en
est que ce domaine bien précis de l'action publique doit regrouper toutes les
forces, les fédérer dans une même bataille. C'est parce que nous en sommes tous
persuadés que des efforts ont été faits pour gérer les contradictions qui sont
les nôtres, aussi bien au Sénat, en première lecture, qu'à l'Assemblée
nationale, en nouvelle lecture. La majorité sénatoriale a su préserver la
philosophie de ce texte et, de son côté, l'Assemblée nationale a retenu, la
semaine dernière, de nombreuses dispositions issues de nos travaux.
Je pense notamment à l'article 1er, affirmant le caractère prioritaire de la
lutte contre les exclusions sur tout le territoire et définissant l'ensemble
des partenaires qui y concourent.
Je pense aussi au dispositif emploi où, collectivement, nous avons élargi la
définition des publics prioritaires pour certains contrats aidés, marqué notre
volonté que les jeunes femmes soient traitées à égalité pour l'accès au
programme TRACE et retenu la possibilité de prolonger la durée de ce programme
par dérogation.
Que les chantiers-écoles, les centres d'adaptation à la vie active et les
régies de quartier puissent intégrer le régime applicable aux structures de
l'insertion par l'économique nous paraît également une avancée, ainsi que les
dispositions relatives au cumul des minima sociaux avec des revenus tirés de
l'activité professionnelle.
Les apports du Sénat à la nouvelle procédure de réquisition avec attributaire
ont été largement repris par l'Assemblée nationale, de même qu'ont été reprises
diverses dispositions sur la partie relative au surendettement. A cet égard, le
compromis sur les dettes fiscales auquel la discussion a permis de parvenir est
très satisfaisant.
De la même façon, les amendements présentés par le Gouvernement sur la
prestation spécifique dépendance, la PSD, et votés au Sénat, ont été acceptés
par l'Assemblée nationale. Sur ce point, nous avons, pour notre part, déposé un
amendement de précision d'une disposition particulière qui nous paraissait peu
explicite.
Nous nous félicitons que M. le rapporteur ne reprenne pas à son compte, à ce
stade de la discussion, l'article 5
ter
C, qui soumettait le RMI à
l'appréciation discrétionnaire du maire, ce qui aurait eu pour conséquence de
revenir sur un droit objectif, ainsi que vient de le rappeler Mme la
ministre.
Néanmoins, des points de divergence subsistent. Ce sont ces points que j'avais
dénoncés à l'issue de la première lecture, ces mêmes points qui ont, très vite,
fait échouer la commission mixte paritaire, que vous remettez de nouveau en
avant, monsieur le rapporteur, et sur lesquels le groupe socialiste, une
nouvelle fois, ne peut que marquer sa désapprobation.
Il en est ainsi de la possibilité de financement, par le fonds d'aide aux
jeunes, des périodes interstitielles que pourraient vivre les jeunes en cours
de trajet d'accession à l'emploi. En deuxième lecture, vous ne nous proposez
plus de supprimer purement et simplement cette possibilité - c'est une avancée
! - mais vous la subordonnez à la signature d'une convention passée entre le
préfet, le président du conseil général et les autres financeurs.
Cette condition n'est pas acceptable puisqu'elle donne toute liberté aux
départements d'accepter ou non de signer cette convention. Gageons que nombre
d'entre eux comprendront cette nécessité ; mais le risque existe que certains
départements ne s'en exonèrent. L'exemple de la non-utilisation des fonds
prévus pour l'insertion des RMIstes nous le rappelle avec suffisamment de
force.
(M. Chérioux s'exclame.)
Nous ne comprenons pas non plus votre volonté de conserver, même amendé, le
système de l'aide à la scolarité, système dont les insuffisances ont été
démontrées, et ce alors même que la commission des affaires culturelles du
Sénat s'était déclarée favorable au rétablissement des bourses scolaires,
système réintroduit en deuxième lecture à l'Assemblée nationale.
Le volet logement est la partie où nos désaccords se sont le plus «
cristallisés. » Des dizaines de milliers de nos concitoyens - peut-être 200 000
! - sont sans logement, ou vivent dans un logement insalubre, alors que, dans
le même temps, des appartements restent inoccupés parce que leurs propriétaires
refusent de les mettre en location.
M. Jean Chérioux.
Il y a aussi beaucoup d'HLM !
Mme Dinah Derycke.
Cela est inacceptable. Toutes les associations caritatives, ATD-quart monde,
le Haut conseil pour le logement des personnes défavorisées, tous dénoncent ce
scandale. Vous refusez de les entendre.
En nouvelle lecture comme en première, vous nous proposez de supprimer la
taxation de ces logements. Cette taxe est, dans notre esprit, une mesure
véritablement incitative qui devrait pousser les propriétaires à remettre leurs
logements sur la marché de la location et, si tel n'était pas le cas, à
participer, au moins, à l'effort d'amélioration de l'habitat.
Non content de refuser cette taxation, pourtant non excessive, ni dans son
montant, ni dans ses modalités, vous nous demandez, en plus, d'accorder à tous
les propriétaires louant un ou plusieurs logements un crédit d'impôt.
Cette mesure n'est pas acceptable sur le plan de la justice sociale. Outre son
coût financier élevé, elle sera, par ailleurs, totalement inopérante. Qui peut
croire, en effet, qu'un crédit d'impôt de 1 800 francs convaincra quiconque de
louer un logement vacant, alors qu'en choisissant de ne pas louer il renonce à
des recettes bien plus substantielles ? Le seul bénéfice de cette mesure ira à
l'ensemble des propriétaires qui louent déjà leurs biens.
M. Jean Chérioux.
Et le risque de non-paiement, qu'en faites-vous ?
Mme Dinah Derycke.
Par ailleurs, nous ne pouvons accepter de revenir aux dispositions de la loi
Carrez qui vidaient la loi d'orientation sur la ville de ses dispositions les
plus contraignantes en matière de logements sociaux.
Renforcer la mixité sociale et géographique est une priorité absolue en
matière de logement, et nous avons, d'ailleurs, déposé un amendement de
précision sur ce point.
Malheureusement, dans le domaine de la mixité sociale, les égoïsmes
particuliers et locaux l'emportent souvent sur l'intérêt général, et sans
outils adaptés nous n'avancerons pas dans ce domaine. L'intercommunalité
constitue, à cet égard, une impérieuse nécessité. Vous ne le souhaitez pas, au
nom de la défense de la libre administration des collectivités territoriales.
Cette attitude n'est pas compatible avec l'affichage de votre volonté de donner
la priorité absolue à la lutte contre les exclusions.
Il en est de même pour vos propositions visant à supprimer le Conseil de
l'emploi des revenus et de cohésion sociale, ainsi que le comité départemental
de coordination des politiques de prévention et de lutte contre les
exclusions.
Concernant la création du conseil, son titre même et ses missions sont en
relation directe non pas avec une disposition du projet de loi en discussion
mais avec l'ensemble de ce texte. Je remarque que vous ne nous avez fourni
aucune explication de fond sur votre refus de créer cette structure. La
question se pose alors de savoir quelles sont vos motivations et vos craintes
réelles.
Considérant que le débat de fond a eu lieu en première lecture, notre groupe
n'a déposé que très peu d'amendements. Nous l'avons fait soit pour apporter des
précisions que nous jugions utiles, soit pour établir dans l'esprit, si ce
n'est dans la lettre, des dispositions relatives aux agences départementales
d'insertion dans les départements et territoires d'outre-mer et aux Français
résidant à l'étranger, dispositions que nos collègues de l'Assemblée nationale
n'ont pas cru devoir retenir en l'état.
Je ne peux, dans cette intervention, revenir sur tous les points d'accord - et
ils sont nombreux ! - ni sur les points litigieux, plus rares mais essentiels.
Nous le ferons dans le débat.
Je souhaite toutefois exprimer ma satisfaction de voir que les amendements du
groupe socialiste adoptés par le Sénat en première lecture, et tendant à une
meilleure prise en compte de la situation des femmes, ont été repris
intégralement par l'Assemblée nationale.
Enfin, je veux espérer que la discussion à venir débouchera sur des solutions
concrètes, sur de nouvelles réponses à ce problème tellement complexe qu'est
l'exclusion.
Au-delà de sa volonté unanime de lutter contre les exclusions, le groupe
socialiste garde le souci de construire des dispositifs cohérents et des outils
pertinents pour rendre effective cette lutte. Les moyens importants que le
Gouvernement entend y consacrer démontrent que cette volonté est forte et
réelle, et non purement déclarative.
La loi relative à la lutte contre les exclusions doit être ressentie par tous
comme constitutive d'un grand chantier national, digne de mobiliser et de
fédérer les énergies citoyennes. Elle a été qualifiée en d'autres lieux de loi
fondatrice de la République, et je suis fière, ce soir encore, d'y
travailler.
(Applaudissement sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au stade où
nous en sommes de la discussion de ce texte, nous sommes, bien sûr, amenés à
schématiser nos propos, et pas seulement parce qu'un événement important nous
attend dans la soirée.
(Sourires.)
Tout à l'heure, madame le ministre, vous avez dit que le droit au
logement constituait un dispositif constitutionnel. Mettons-nous bien d'accord
: si le droit au logement est un objectif constitutionnel, le droit de
propriété, lui, est un des fondements de la Constitution. Le niveau n'est donc
pas tout à fait le même !
C'est cependant l'un des points sur lequel s'articule une bonne partie de la
discussion d'un texte que vous avez voulu présenter, après que d'autres
l'eurent envisagé, au bénéfice de ceux de nos concitoyens qui sont en
difficulté.
Personne, dans cette enceinte, n'est indifférent au sort de ceux de nos
concitoyens qui ne peuvent pas accéder à la plénitude de leurs droits et aux
possibilités qu'offre le monde moderne de s'exprimer et de s'épanouir.
Toutefois, la nécessaire solidarité qui est due à ceux qui sont en grande
difficulté ne doit pas être traitée de manière telle que, dans les faits et
dans le temps, les décisions que nous prendrions se retourneraient contre
ceux-là mêmes que vous voulez aider.
Il faut donc, me semble-t-il, sur plusieurs points de ce texte qui nous arrive
de l'Assemblée nationale, après une nouvelle lecture et l'échec de la
commission mixte paritaire, porter un regard critique. Je m'en tiendrai à deux
chapitres, le surendettement et la saisie immobilière, en me réjouissant que
les positions des deux assemblées se soient beaucoup rapprochées sur un certain
nombre d'autres points, notamment sur le droit au logement, même si nous sommes
amenés à l'envisager avec un peu plus de précaution que les députés. Sur ce
point, la commission a bien raison de rappeler qu'un certain nombre de
dispositions sont inacceptables.
S'agissant du surendettement, j'ai été assez surpris à l'écoute ou à la
lecture des débats de l'Assemblée nationale. Un certain nombre d'amendements
avaient été votés ici-même, avec l'accord du Gouvernement, qui allaient dans le
sens de la souplesse et dans le sens du non-appel au crime, si je puis dire.
Or, l'Assemblée nationale ne semble pas avoir compris quels étaient les soucis
du Sénat que traduisaient ces amendements adoptés avec l'accord du
Gouvernement, j'y insiste. J'ignore les raisons de cette difficulté, mais elles
doivent bien exister quelque part...
Quoi qu'il en soit, je constate qu'en croyant bien faire, je l'imagine,
l'Assemblée nationale a rétabli un dispositif que nous avions qualifié d'emblée
de « catastrophique ». Il s'agit de l'insaisissabilité de toutes ressources
inférieures au RMI : ainsi, toute personne allocataire du RMI pourra, dès
demain, consommer n'importe comment puisqu'il s'agit des dettes contractées, y
compris des dettes courantes et des dettes contractées dans les supermarchés.
(Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Il nous a été cité l'autre jour l'exemple d'une personne dont
l'endettement s'élevait à 870 000 francs,
(Exclamations sur les mêmes
travées.)
qui disposait de soixante-deux cartes de crédit de différentes
chaînes de grande distribution
(Vives protestations sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées
socialistes.)
et qui pourra donc désormais consommer sans retenue,
puisqu'elle retrouvera après les mêmes ressources qu'avant et qu'aucune
sanction ne pourra lui être appliquée !
M. Guy Fischer et Mme Odette Terrade.
Mais non !
M. Paul Girod.
Ce dispositif se retournera inévitablement un jour ou l'autre contre ceux qui
auront bénéficié de cet excès de précautions législatives !
Mme Nicole Borvo.
Il faut savoir vivre avec 2 600 francs par mois !
M. Paul Girod.
Si je m'exprime ainsi, mes chers collègues, c'est parce que je suis aussi
soucieux que vous de faire en sorte que ceux d'entre nous qui sont en
difficulté ou réduits à percevoir le RMI ne se trouvent pas un beau jour mis au
ban de la nation !
MM. Alain Gournac et Jacques Machet.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Non, pas très bien !
M. Paul Girod.
S'agissant toujours du surendettement, nous avons vu resurgir un certain
nombre de rigidités, excepté sur un seul point, mais celui où, précisément, il
en fallait le moins possible : la capacité laissée au juge d'aller « faire son
marché » à travers tout le système législatif, sans avoir aucune espèce de
guide de la commission de surendettement qui, pourtant,
a priori
, est
celle qui connaît le mieux et dans le détail la situation des personnes
concernées.
Le second point sur lequel je veux insister concerne les saisies
immobilières.
Madame le ministre, madame et messieurs les secrétaires d'Etat, je ne sais pas
si tout le monde a bien mesuré l'enjeu, car on modifie le code civil. Cette
fois-ci, il ne s'agit pas seulement des saisis en difficulté, mais cela vise
l'ensemble des saisis immobiliers qui, à ma connaissance, sont loin d'être tous
des RMIstes. Parmi les saisis immobiliers, on trouve des entreprises
importantes, voire des personnes qui refusent de faire face à certaines dettes
et que les tribunaux contraignent, à juste titre, à la saisie immobilière.
Nous allons nous retrouver dans la situation suivante : le créancier, qui
demande justement et légitimement le retour de ses fonds, obtient de la justice
la mise en vente du bien sur lequel il a une sûreté. Il ne réclame pas plus que
son dû : il demande une mise à prix correspondant au niveau de sa créance,
laquelle peut effectivement être très inférieure à la valeur réelle du bien.
A la suite d'une procédure complexe au terme de laquelle le juge va fixer à la
place du marché la valeur « normale » du bien, le créancier va se retrouver
adjudicataire d'office du bien en question au niveau fixé par le juge, et ce
même s'il n'a pas les moyens de payer la somme qui va être exigée de lui.
Une telle démarche transgresse un principe constitutionnel absolu : la liberté
du choix et la liberté de contracter. En effet, le créancier se retrouve
contractant obligatoire, payeur, assujetti à la suite du processus que je viens
de décrire. S'il ne peut pas payer - et il arrivera que des copropriétés
fassent jouer leur droit de récupération des charges de copropriété sur un
copropriétaire défaillant n'ayant pas les moyens de les payer - le créancier
sera obligé de refuser l'attribution du bien, car ce n'est pas en deux mois que
l'on peut trouver un substitut pour reprendre. S'il ne le fait pas, à la
demande de tout autre créancier de la personne saisie peut s'enclencher la
procédure dite de la folle enchère, à laquelle s'applique la prescription
trentenaire : pendant trente ans, on reste sous le couperet. La procédure de la
folle enchère, c'est la remise en vente du bien sans mise à prix et
l'obligation pour le fol enchérisseur, déclaré tel contre son gré dans le
dispositif de la seconde adjudication du système que l'on nous propose
aujourd'hui, de payer la différence entre le prix définitif de vente et le prix
que, dans ce cas précis, on l'aura contraint d'accepter, de payer les intérêts,
de payer les frais.
Madame le ministre, madame, messieurs les secrétaires d'Etat, avez-vous bien
réfléchi au fait que, désormais, seule une personne extrêmement riche pourra se
permettre de faire jouer le système de la saisie immobilière, parce qu'elle
pourra, à la limite, distraire sans trop de difficulté une partie de son
patrimoine pour se constituer une provision et faire face à l'accident qui
guette tout un chacun dans ce type d'affaires ?
Il y a donc discrimination entre les créanciers riches et les créanciers
pauvres. Nous sommes, de façon caractéristique, devant un dispositif qui se
retournera, qu'on le veuille ou non, contre ceux que vous voulez protéger.
C'est la raison pour laquelle, sur ces deux points précis et sur quelques
autres, je suivrai les recommandations de la commission des affaires sociales
qui, très justement, a été amenée à constater que l'Assemblée nationale, en ces
circonstances, avait pu laisser parler sa passion plutôt que sa raison. Le rôle
du Sénat, me semble-t-il, depuis la nuit des temps, a été de ramener un peu de
raison dans les débats parlementaires.
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les secrétaires
d'Etat, mes chers collègues, l'emploi restant largement insuffisant, les minima
sociaux ne jouant plus ou parfois mal leur rôle de barrière contre la misère,
notre société, pourtant si riche, laisse de côté un trop grand nombre de nos
concitoyens.
Conscientes depuis fort longtemps que la grande pauvreté et l'exclusion
visible ou latente, phénomène de masse, occasionnaient des dégâts immenses, les
associations n'ont eu de cesse d'exhorter les pouvoirs publics à aborder
transversalement le traitement et la prévention de ces problèmes.
Pour combattre les maux dont souffre notre société, pour redonner à chacun sa
dignité et permettre à tous d'accéder aux droits fondamentaux, le Gouvernement,
en présentant son plan triennal de lutte contre les exclusions, a délibérément
choisi de mener une politique globale, mobilisant sur le terrain l'ensemble des
acteurs.
Le projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions, dont
nous débattons pour la seconde fois en très peu de temps - urgence oblige - est
la première illustration de cette approche novatrice articulant réformes
fondamentales et réponses immédiates.
Ce nouvel examen du texte intervient dans un contexte économique particulier.
Le regain de croissance confirmé nous permet d'espérer une satisfaction aussi
large que possible des besoins, des attentes des exclus, de l'ensemble de la
population. Car enfin, comment cautionner plus longtemps ces inégalités
arrogantes dans la répartition des richesses produites ?
Preuve s'il en était encore besoin de la solidité de la reprise de l'activité,
pour la quarante troisième fois consécutive, vendredi dernier, le CAC 40 a
battu son record, conduisant le patron de la société de bourses françaises à
déclarer que « la Bourse a vécu le meilleur semestre que nous n'ayons jamais eu
». Les actifs financiers dépassent les actifs non financiers, grossissant ainsi
la richesse personnelle des grands dirigeants d'entreprises, sans pour autant
se répercuter en création massive d'emplois.
MM. Jean Chérioux et Charles Descours.
Avec la gauche, c'est toujours comme ça !
M. Guy Fischer.
Les révélations du magazine
Challenges
sur l'explosion des plus grosses
fortunes françaises sont sans appel.
Pour plus de justice, nous proposons la réforme de l'ISF. Si croissance il y
a, celle-ci se doit d'être la plus riche possible en emplois. Pour doper cette
dernière, la nourrir, une politique salariale dynamique doit être notamment
impulsée ; un relèvement des bas salaires se révèle utile et supportable par
les entreprises.
Le Conseil économique et social préconisait lui-même la mise en oeuvre de
telles mesures de relance de la consommation ; il poussait le Gouvernement à
assumer pleinement la solidarité en relevant les minima sociaux.
Sur ce dernier point, les mesures annoncées par le Premier ministre, d'une
part, les dispositions contenues dans le présent projet de loi, d'autre part,
ne satisfont à notre sens que partiellement cet impératif, même si nous notons
des avancées intéressantes.
Appuyées sur le rapport Join-Lambert, en première lecture, nos propositions
tendaient à aller plus loin. Nous suggérions de revaloriser tous les minima
sociaux, de telle sorte qu'aucun ne soit inférieur au seuil de pauvreté,
assurant ainsi à leurs bénéficiaires un revenu leur permettant de vivre et pas
seulement de survivre.
De plus, nous souhaitions une articulation entre le régime de l'assurance
chômage qui, soumis à la règle de la dégressivité, rejette trop rapidement ses
allocataires vers la solidarité nationale, avec une réforme des minima sociaux.
Toutes ces propositions restent plus que jamais d'actualité. Mon amie Nicole
Borvo y reviendra.
Les associations de chômeurs l'ont d'ailleurs démontré en manifestant la
semaine dernière devant l'UNEDIC, s'inquiétant de l'épuisement des fonds
consentis en janvier pour pallier la suppression des fonds sociaux et demandant
une réforme des conditions d'accès, notamment des jeunes, à l'indemnisation au
titre de l'assurance chômage.
Quelle réponse l'UNEDIC a-t-elle apportée à ces inquiétudes ? Elle a procédé à
une revalorisation des allocations chômage de 1,9 % au 1er juillet, alors que
l'organisme peut se prévaloir d'excédents dus, en partie, à l'amélioration des
chiffres du chômage !
Les statistiques du mois de mai, toujours en dessous de la barre des trois
millions de chômeurs, confirment une certaine embellie, les principaux
bénéficiaires étant essentiellement les jeunes de moins de vingt-cinq ans.
Si les plus qualifiés d'entre eux retrouvent une place sur le marché de
l'emploi, d'autres catégories, les personnes de plus de cinquante ans, les
chômeurs de longue durée et les moins qualifiés s'enfoncent un peu plus dans
l'exclusion.
Cette remarque justifie pleinement l'existence de dispositifs spécifiques,
comme celui qui est mis en place à l'article 2 du présent projet de loi. En
effet, sans définir rigidement les publics éligibles, l'idée retenue par le
programme TRACE conduira à orienter les jeunes sans diplôme en grande
difficulté qui en ont réellement besoin. Madame la ministre, vos futures
orientations pour la politique de l'emploi ciblée pour les deux ans à venir sur
ces personnes les plus touchées viennent conforter cette démarche.
Mais, si le chômage a effectivement reculé, c'est au prix d'une avancée de
l'emploi intérimaire, de l'emploi aidé, de l'emploi à temps partiel, de
l'emploi à durée limitée, autant de formes d'emplois précaires et faiblement
rémunérés que maintes fois notre groupe a dénoncées.
C'est pourquoi, lors des débats sur les articles relatifs aux contrats
emploi-solidarité, aux contrats emplois consolidés, au secteur de l'insertion
par l'activité économique, les sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen se sont attachés, par leurs amendements, à promouvoir la formation des
bénéficiaires, en faisant de cette dernière une condition de renouvellement
d'un contrat CES, à souhaiter la transformation de ces emplois en temps plein
ou à transposer aux salariés mis à disposition par une association
intermédiaire les protections existantes en droit du travail afin d'éviter
toute dérive.
Toujours dans ce souci, nous nous sommes opposés aux solutions éculées
proposées par la majorité sénatoriale, aux exonérations de charges sociales
consenties à l'employeur pour l'embauche d'un bénéficiaire de minima sociaux ou
au cumul d'un CIE avec un CES.
Force est de constater que si l'unanimité s'est faite sur la nécessité de
disposer d'un dispositif législatif propre à éradiquer la grande pauvreté, des
différences d'approche sur le fond nous ont conduits, à l'issue de la première
lecture, à nous abstenir.
Ces désaccords, contrairement aux dires de certains, ne se limitaient pas à la
taxe instituée sur les logements vacants par l'article 30, mais portaient bel
et bien sur une vingtaine de points touchant différents volets, notamment la
consultation du maire avant toute attribution du RMI, la conception du logement
social à travers la « rénovation » de la loi d'orientation pour la ville, les
problèmes de mixité sociale, la gestion du FSL, la définition du reste-à-vivre,
l'inclusion dans le champ du moratoire des dettes fiscales et parafiscales, les
bourses des collèges, la coordination des procédures et la mise en réseau des
acteurs de l'exclusion...
Les mêmes pierres d'achoppement sont à l'origine de l'échec de la CMP. En
seconde lecture, nos collègues de l'Assemblée nationale ont très justement
supprimé certaines dispositions litigieuses et fort heureusement rétabli des
mesures nécessaires pour prévenir l'exclusion et lutter efficacement contre
elle. Je prendrai deux exemples significatifs, l'un relatif au logement,
l'autre au surendettement.
Malgré l'opposition farouche des formations politiques de droite, l'article 30
portant création d'une taxe annuelle sur les logements laissés volontairement
vacants par leur propriétaire pendant plus de deux ans a été réintroduit dans
sa rédaction initiale.
Cela ne relève en rien d'une obsession idéologique à l'encontre des
propriétaires, comme d'aucuns l'ont affirmé. Loin de spolier injustement tous
les propriétaires, notamment les plus petits d'entre eux, cette taxe tend
simplement à décourager les achats spéculatifs de logements. Opportune, cette
taxe l'est assurément, surtout au regard de la disproportion existant entre le
nombre de logements vacants - deux millions en France - et le nombre de
personnes mal logées ou sans domicile.
De fait, je me réjouis de l'instauration de cette taxe annuelle, même si,
comme en première lecture, je regrette que le dispositif n'ait pu être
renforcé.
De plus, je réaffirme que cette taxe n'est pas l'unique solution à tous les
problèmes de logement. En effet, nous insistons sur l'impérieuse nécessité de
mener, parallèlement à la mise en place de ces dispositions, une politique
ambitieuse de construction de logements sociaux, une politique garante de la
mixité sociale à laquelle nous sommes très attachés.
Concernant le surendettement, nous estimons que le retour au texte initial
proposé par l'Assemblée nationale faisant référence au RMI dans la définition
du reste-à-vivre est très positif.
Nous voulons tous que les plans de redressement des personnes surendettées
réussissent. Pour atteindre cet objectif, il est primordial de prévoir de
réserver un minimum pour que la personne puisse faire face aux dépenses de la
vie quotidienne. Cela permet aussi une homogénéisation des décisions des
commissions de surendettement.
Tout au long des débats sur ce volet du projet de loi, mon amie Odette Terrade
a été avant tout guidée par le souci de remédier aux drames de l'exclusion, de
protéger au mieux la personne surendettée, de soulager ceux qui sont dans une
situation financière tendue.
Vous comprendrez donc ma déception de ne pas voir rétabli intégralement
l'article incluant les dettes fiscales et parafiscales dans le champ du
moratoire et de l'effacement des dettes. Nous avons bien entendu la réponse de
Mme Lebranchu, qui propose, par recommandations, d'inciter les services fiscaux
à l'indulgence envers les surendettés. Mais nous savons tous quelle est parfois
la part de responsabilité du Trésor dans l'échec des plans de
surendettement.
Enfin, contrebalançant certaines dispositions qui demeurent en retrait par
rapport à ce que nous voulions, un ajout important doit être souligné. Il
s'agit de la recréation du Centre d'études des revenus et des coûts, le CERC,
qui avait été supprimé par M. Balladur, mais qui est le baromètre indispensable
de notre cohésion sociale.
Sur l'ensemble du texte tel qu'il a été modifié par l'Assemblée nationale,
notre appréciation est globalement positive. Son principal atout réside dans le
fait que les dispositifs ont été conçus en tenant compte des objectifs fixés
par les acteurs de terrain, notamment les associations.
Pour que ce texte réponde aux besoins de chacun, d'autres mesures devront
nécessairement l'accompagner, mesures qui, de toute évidence, seront les fruits
d'actions communes.
(Applaudissement sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes et sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Braun.
M. Gérard Braun.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers
collègues, la nouvelle lecture du projet de loi d'orientation relatif à la
lutte contre les exclusions me laisse quelque peu désabusé quant aux méthodes
de travail de l'Assemblée nationale et à sa volonté de rechercher un terrain
d'entente à propos d'un texte qui répond à une attente forte de nos
concitoyens.
Je donne acte à M. Jean Le Garrec, et je l'en félicite, de sa volonté de tenir
compte des propositions du Sénat, qui constituent un véritable enrichissement
du texte, et ce malgré la persistance d'une opposition claire sur certaines
dispositions du projetjugées fondamentales, opposition qui a entraîné l'échec
de la commission mixte paritaire.
Je déplore au contraire la position assez négative de M. Alain Cacheux à
l'encontre des propositions sénatoriales en matière de logement, quoi qu'il ait
pu écrire dans son rapport de nouvelle lecture.
Sur la plupart des modifications votées par le Sénat, il a en définitive
proposé d'en revenir au texte de l'Assemblée nationale, en dépit du fait que,
ici ou là, il reconnaissait que le Sénat avait sans doute raison.
Au-delà de ces considérations, je voudrais attirer l'attention du Gouvernement
sur trois points du volet logement qui me paraissent mériter quelques
développements.
En ce qui concerne les règles de fonctionnement des fonds de solidarité pour
le logement, je pense que le texte soumis à notre examen ne règle pas tous les
problèmes. Sans vouloir généraliser la constitution des FSL en groupements
d'intérêt public, car les règles de fonctionnement de ces structures sont bien
souvent source de lourdeur administrative, il faudra nécessairement trouver une
solution pour que tout FSL, quel que soit le mode de gestion et les conditions
d'intervention retenus, soit doté de la personnalité morale.
Certes, les dispositions du projet de loi, qu'il est prévu de compléter par un
décret, précisent et harmonisent leurs règles de fonctionnement. Mais aucune
disposition ne statue sur leur existence juridique, ce qui pose des problèmes
délicats sur la nature juridique des fonds et des engagements pris par les FSL
à l'égard des tiers, en particulier sur leur capacité à agir en justice en cas
de contentieux.
Le second point de mon intervention porte sur le désaccord majeur qui oppose
le Sénat à l'Assemblée nationale, je veux parler de la taxe sur les logements
vacants, désaccord qui explique l'échec de la commission mixte paritaire.
Comme je l'ai indiqué dans mon propos introductif, je ne peux que déplorer la
« connotation » très politique du discours et des positions de nos collègues de
l'Assemblée nationale, qui ont d'emblée refusé toute recherche d'un accord ou
d'une solution acceptable pour tous. Le Sénat ne s'est pas opposé à la taxation
des logements vacants au nom du sacro-saint principe du droit de propriété, car
il sait bien que ce droit s'exerce dans le cadre des lois qui le
réglementent.
A plusieurs reprises, des lois ont ainsi porté atteinte à ce principe, au nom
de l'intérêt général, et nul n'ignore que la jurisprudence du Conseil
constitutionnel va dans le sens d'une acceptation croissante des atteintes qui
peuvent être portées au droit de propriété.
Mais il importe alors de vérifier, au nom du principe de proportionnalité et
du principe d'égalité, que la mesure instituée n'introduit pas de
discriminations injustifiées. Or la très grande imprécision des critères
d'application de la taxe, ainsi que l'exclusion d'office des bailleurs sociaux
du champ d'application de la taxe, nous font émettre, de ce point de vue, les
plus graves réserves.
Cela est d'autant plus vrai que la volonté d'exclure telle ou telle catégorie
de bailleurs est clairement politique et ne correspond à aucun souci
d'efficacité économique. J'en veux pour preuve le rejet de la solution que
j'avait proposée en commission mixte paritaire et qui consistait à exclure du
champ d'application du dispositif les particuliers propriétaires-bailleurs d'un
seul logement. Parmi les bailleurs privés, qui sont au nombre de 1 750 000 et
qui détiennent environ 3,6 millions de logements locatifs, 62 % ne possèdent
qu'un seul logement. Mais ils ne représentent qu'un tiers du parc locatif.
Pour des raisons évidentes de rentabilité économique, l'unique logement de
cette catégorie de bailleurs est loué, la vacance étant le plus souvent subie,
et donc non taxable selon le dispositif de l'article 30. Plutôt que d'obliger
leurs propriétaires à se justifier, il eût été plus simple, moins coûteux et
moins arbitraire, sur le plan administratif, d'exclure purement et simplement
cette catégorie de personnes du champ d'application de la taxe.
Enfin, en matière de politique de logement, je voudrais aborder le délicat
sujet de l'équilibre à trouver entre deux objectifs fondamentaux, à savoir
l'accueil des populations les plus démunies et le développement, voire la
reconquête, d'une certaine mixité sociale.
Le présent projet de loi était centré sur l'accueil des populations
défavorisées, mais j'ai le sentiment que cette volonté s'est heurtée à beaucoup
de résistances et qu'en définitive il y aura peu de résultats concrets.
J'évoquerai ainsi les modifications successives introduites en marge du projet
de loi sur le régime du surloyer et qui s'ajoutent aux dispositions
réglementaires récemment adoptées sur la revalorisation « différenciée » des
plafonds de ressources fixés pour l'accès aux logements HLM.
Désormais, le surloyer ne peut être appliqué qu'à partir d'un dépassement de
20 % des plafonds de ressources et, surtout, un amendement adopté par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture plafonne le montant de ce surloyer.
Introduire une telle mesure dans un texte portant sur l'exclusion sociale me
paraît choquant d'autant que, pour le maintien de la mixité sociale dans les
quartiers difficiles, le dispositif du surloyer n'est pas appliqué aux
locataires vivant dans des « zones urbaines sensibles ».
Toutes ces dispositions, que leurs auteurs justifient par des raisons de
mixité sociale, vont figer un peu plus la fluidité du parc locatif social et
freiner le parcours naturel de nombre de locataires en parc HLM, qui n'auront
plus intérêt à devenir acquéreur de leur résidence principale.
Il y aura, en conséquence, moins de logements pour les personnes les plus
démunies. C'est d'autant plus grave, monsieur le secrétaire d'Etat, que force
est de constater que les organismes d'HLM sont loin de répondre aux besoins en
matière de construction de logements sociaux.
Pourriez-vous, en effet, indiquer quels sont les taux de consommation des
crédits PLA et des crédits PLA-TS à la fin du premier semestre de l'année 1998,
en les comparant aux chiffres atteints en 1997 ? Je crois savoir que nous
sommes loin du compte, alors même que votre budget pour 1998 comportait des
mesures tout à fait positives en ce domaine : un taux de TVA à 5,5 %, une
subvention maintenue au niveau de 1997, voire accrue dans certains cas.
Ainsi, les organismes d'HLM ne remplissent plus leur vocation sociale pour le
logement des personnes à revenus modestes ou de celles qui sont démunies, et,
comble du paradoxe, ils ne seront pas taxés au titre de la vacance constatée
dans leur parc, alors même qu'il s'agit, par ce dispositif, d'inciter à la
remise sur le marché de logements pour les catégories de personnes qu'ils sont
censés loger.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Gérard Braun.
La lecture du bilan de la loi d'orientation sur la ville établi par vos
services, monsieur le secrétaire d'Etat, indique, en ce qui concerne la
construction de logements sociaux, que les communes ont globalement rempli
leurs obligations mais qu'en définitive la question essentielle reste celle des
attributions.
Beaucoup reste donc à faire en matière de lutte contre l'exclusion, notamment
en faveur du logement des plus démunis. Dans cette optique, la mobilisation du
parc locatif d'HLM doit être totale, d'autant qu'il s'agit de sa vocation
d'origine.
Le parc des bailleurs privés devra venir en appui - en définitive, il le fait
déjà - grâce à l'existence d'un parc social de fait important. Mais, pour
inciter de nouveaux bailleurs privés « à se lancer dans l'aventure », il aurait
été plus efficace, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire connaître les
mesures incitatives que vous souhaitez faire adopter avant de menacer ces
bailleurs du bâton.
Le rapporteur de la commission des affaires sociales vient de proposer
plusieurs amendements rétablissant sur les points principaux le texte adopté
par notre Haute Assemblée en première lecture.
Notre groupe considère que les travaux du Sénat avaient alors abouti à un
texte équilibré apportant des solutions concrètes aux difficultés rencontrées
par les plus démunis.
En conséquence, le groupe du RPR votera le texte tel qu'il aura été amendé sur
proposition de M. le rapporteur de la commission des affaires sociales. Il
contribuera ainsi à faire un pas significatif en matière de lutte contre
l'exclusion.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues,
nous arrivons au terme de la discussion du projet de loi relatif à la lutte
contre les exclusions sur lequel vous nous avez imposé la procédure
d'urgence.
Nous achevons un travail de longue haleine, puisqu'il a commencé au début de
l'année 1997 avec le projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la
cohésion sociale de M. Jacques Barrot. Ce travail a réuni les diverses parties
prenantes à la lutte contre l'exclusion, qu'il s'agisse des associations et des
organisations de formation des travailleurs sociaux, du Conseil économique et
social, du Conseil national de l'insertion par l'activité économique, du
Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion
sociale, de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, du
Conseil supérieur du travail social ou de la Commission nationale des missions
locales pour l'emploi, qui avaient été largement auditionnées par Mme Roselyne
Bachelot-Narquin, rapporteur du premier projet de loi, ainsi que par les
membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de
l'Assemblée nationale.
Nous nous sommes félicités de voir que le projet de loi d'orientation relatif
à la lutte contre les exclusions s'en est fortement inspiré.
Aujourd'hui encore, nous nous félicitons de savoir que près des deux tiers des
amendements adoptés par le Sénat ont reçu un avis favorable ou de sagesse du
Gouvernement Mme la ministre vient de le confirmer.
Après l'adoption d'un nombre important d'amendements du Sénat, nous ne
pouvions aller que vers un consensus au sein de la représentation nationale. Il
nous est toutefois difficile d'approuver aujourd'hui sans réserve le texte de
la nouvelle lecture, compte tenu du sort réservé à certains amendements de la
majorité sénatoriale auxquels nous attachions un grand prix.
Nous ne sommes, par exemple, pas tout à fait d'accord sur la taxe
d'inhabitation et sur son efficacité. Une telle mesure, outre le fait qu'elle
constitue une atteinte grave au droit de propriété, aura un effet négatif sur
l'offre de logement qu'elle est censée améliorer. En effet, les relations
propriétaires-locataires sont d'ores et déjà déséquilibrées au détriment des
premiers, mais elles le seront encore bien plus du fait de la probable adoption
de cette disposition, qui rendra encore plus difficile l'expulsion des
locataires de mauvaise foi. Instaurer une taxe sur les logements vacants
revient à décourager pour longtemps l'investissement locatif privé et risque
d'entraîner à terme une pénurie de l'offre de logement.
Nous avons été particulièrement déçus de voir qu'un consensus n'avait pu être
trouvé, puisque le Sénat avait finalement accepté de faire un effort de
modération. En effet, sa position ne tendait plus à supprimer la taxe ; elle
tendait à en exonérer ceux qui ne sont propriétaires que d'un logement, le
leur.
Par ailleurs, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous avions
proposé deux amendements - que le Gouvernement a refusés - qui avaient pourtant
pour objet de lutter contre les effets pervers des aides aux chômeurs, et
principalement de lutter contre la logique d'assistanat, cela en cherchant à
rendre aux bénéficiaires des minima sociaux une dignité, ce qui ne peut se
faire que sous la forme d'une activité utile socialement, principe même de
l'insertion - c'est-à-dire le « I » du RMI - et particulièrement pour les
chômeurs de longue durée qui n'ont pas ou qui ont peu de qualification
professionnelle.
Mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même apporterons notre
soutien, sans réserve, aux amendements présentés par la commission des affaires
sociales, dont je remercie le rapporteur, Bernard Seillier, ainsi que le
président, Jean-Pierre Fourcade, afin de rétablir un certain nombre de mesures
qui nous tiennent particulièrement à coeur. C'est la raison pour laquelle nous
voterons le texte modifié, une nouvelle fois, par la majorité sénatoriale, en
vous demandant, messieurs les secrétaires d'Etat, de ne pas faire, outre
mesure, de politique partisane dans ce domaine de la lutte contre l'exclusion
et de garder raison en conservant les modifications apportées par le Sénat, qui
sont tout à fait modérées et qui devraient conduire au consensus.
En conclusion, permettez-moi, messieurs les secrétaires d'Etat, de vous donner
mon sentiment personnel sur ce difficile problème de notre temps.
Imagine-t-on vraiment ce mot terrible : « exclusion » ? Imagine-t-on vraiment
ce que c'est que d'être exclu ? Jamais, non jamais, ni moi ni vous, mes chers
collègues, aucun de nous ne peut se mettre à la place de ces personnes qui sont
exclues. Aussi faut-il prononcer ce mot « exclusion » avec l'humilité qu'il
mérite.
Pourquoi, en 1998, y aurait-il dans notre pays celles et ceux qui sont
acceptés par notre société et celles et ceux qui en sont rejetés, car exclus ?
Notre comportement, le mien, le vôtre, est-il toujours celui qui est attendu
par toutes ces personnes ?
Le respect de tous, l'accueil, un signe, un mot, une écoute : tout cela semble
minime par rapport aux difficultés que rencontrent toutes ces personnes, qui se
sentent assistées. Là encore, l'équité est très difficile à mettre en place,
pour ne pas dire impossible.
Comment créer ce climat nécessaire à l'épanouissement de la famille, cellule
de base de notre société, si certaines et certains n'ont pas d'abord
l'essentiel : un logement digne de ce nom ?
Comment ne pas avoir froid dans le dos en prononçant le nombre des personnes
sans emploi ? Elles sont trois millions dans notre pays ! Je dis bien, trois
millions !
Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues,
puissions-nous tous, les uns et les autres, faire de notre mieux pour apporter
un peu d'espoir, combien nécessaire, à toutes ces personnes exclues !
Je tiens à vous faire part d'une phrase qui m'a toujours interpellé : « Le
bonheur, ce n'est pas d'avoir ; le bonheur, c'est de donner. » C'est en ces
termes que je terminerai mon intervention.
(Applaudissements sur les travées
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
A ce moment de la discussion de ce projet de loi, j'émettrai moi aussi le
souhait que le mot « exclusion » ne soit plus employé.
Pourtant, aujourd'hui, ce texte va encore, hélas ! concerner plusieurs
millions de personnes dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté,
lequel, je le rappelle, est évalué à 3 800 francs par mois. Je mets au défi
quiconque de vivre avec cette somme !
Porteur d'un réel progrès, le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale
doit constituer pour ces personnes un début de reconquête de droits
fondamentaux dont ils sont privés aujourd'hui.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité disait récemment que « rien ne
serait pire qu'une France qui avance en laissant des hommes et des femmes au
bord de la route ». Nous adhérons à ces propos.
Les chiffres des mois derniers montrent que le chômage a enregistré,
globalement, une légère baisse, ce dont, bien sûr, je me réjouis.
Malheureusement, le nombre des chômeurs de longue durée est en progression.
Par ailleurs, et cela doit nous inquiéter, le travail intérimaire s'est accru
de 41 % en un an.
Il s'agit donc de remédier à ce chômage et à cette précarité « structurelle »
qui constituent les prémices de l'exclusion. C'est dans ce sens, vous le savez,
que nous souhaitons voir le Gouvernement avancer.
Mais il y a des urgences. C'est pourquoi nous demandons un moratoire sur les
plans de licenciements, préservant et développant l'emploi sur la base des
nouvelles lois 35 heures et relatives aux emplois-jeunes. De même, le début de
reprise devrait d'ores et déjà profiter à ceux qui en ont le plus besoin, ce
qui aurait des effets sur la croissance elle-même.
Nous estimons donc nécessaire une revalorisation significative du SMIC et des
minima sociaux, et l'indexation de ces minima sur le SMIC.
De même, le léger mieux de l'UNEDIC devrait permettre de réalimenter les fonds
d'urgence sociale, absolument nécessaires pour répondre aux milliers de
demandes qui ont été déposées par les chômeurs et qui n'ont pas reçu de
réponse.
Plus globalement, je souhaite que le Gouvernement engage une réforme
d'ensemble des minima sociaux et de l'assurance chômage qui réponde à la
situation actuelle du chômage, faite surtout de précarité, afin qu'aucun
bénéficiaire ne soit obligé de vivre avec des revenus inférieurs au seuil de
pauvreté.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, d'aborder les
problèmes de santé.
Comme je l'ai déjà dit en première lecture, le renoncement aux soins,
particulièrement chez ceux qui sont victimes de la précarité et de l'exclusion,
pose problème.
Pour y remédier, il s'agit notamment, à notre avis, de fournir un effort
important dans le domaine de la prévention, qui doit être prolongée par un
suivi sanitaire et social.
Permettez-moi d'exprimer un désappointement bien légitime quand la presse fait
état, dans une école de l'est parisien, de malnutrition, d'épidémie de teigne,
de saturnisme et d'une moyenne de 2,6 caries dentaires par enfant pour tout le
XIXe arrondissement. Je ne peux que déplorer la décision de fermeture, sans
solution de rechange, des services de l'Institut de prophylaxie dentaire
infantile de Paris, où, voilà encore quelques années, les enfants du nord-est
parisien étaient conduits en car et soignés gratuitement.
Aussi, les mesures positives prises par la gauche plurielle, dont fait partie
ce projet de loi sur l'exclusion et auxquelles les communistes ont contribué de
manière constructive, doivent se prolonger, dès la rentrée prochaine, avec la
tenue des états généraux de la santé, dont nous aurions préféré qu'ils se
tiennent plus tôt, un projet sur la couverture maladie universelle et un projet
de loi sur le financement de la sécurité sociale à la hauteur des besoins.
Le volet « santé » de cette loi, qui est de fait renvoyé à l'automne, pourra
ainsi être utilement complété.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
je sollicite de votre bienveillance une suspension de séance de trente minutes
afin que la commission des affaires sociales examine les amendements qui
viennent d'être déposés, quelques-uns par le Gouvernement - très peu, cinq ou
six, je le reconnais - et un certain nombre par nos collègues.
J'invite donc les membres de la commission à se réunir au salon Victor-Hugo,
et je ne verrai que des avantages à ce que MM. les rapporteurs pour avis de ce
texte lors de la première lecture se joignent à nous pour examiner ces
vingt-sept amendements.
M. le président.
Nous allons donc interrompre nos travaux.
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