Séance du 23 novembre 1998
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-151, M. Revol propose d'insérer, après l'article 18 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 39 AC du code général des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« ...- Les exploitants de taxi qui, à compter du 1er janvier 1999, remplacent leur véhicule gazole ou essence par un véhicule fonctionnant au moyen du gaz de pétrole liquéfié carburant ou qui font équiper leur véhicule essence d'un système agréé par le ministère des transports, permettant de fonctionner au moyen du gaz de pétrole liquéfié carburant peuvent bénéficier sur présentation de la facture d'achat du véhicule ou du système permettant de fonctionner au moyen du gaz de pétrole liquiéfié carburant, d'un crédit d'impôt de 9 000 francs par véhicule acheté ou converti. »
« Ce crédit d'impôt est imputé sur l'impôt dû au titre de l'exercice au cours duquel la facture a été payée. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par la réduction de 1 000 litres par an sur cinq ans du volume de carburants essence ou gazole détaxé dont bénéficient les exploitants de taxi. »
Par amendement n° I-224, Mme Pourtaud propose d'insérer, après l'article 18 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 39 AC du code général des impôts, il est inséré un nouvel article ainsi rédigé :
« Art. .... - A compter du 1er décembre 1998 et jusqu'au 31 décembre 2000, les propriétaires de taxi faisant équiper leurs véhicules de systèmes leur permettant de fonctionner à l'énergie électrique, au gaz de pétrole liquéfié (GPL) ou au gaz naturel véhicules (GNV) ou qui achètent en France des véhicules utilisant ces carburants peuvent bénéficier du remboursement partiel du coût d'achat du véhicule ou de l'équipement, sur présentation des factures d'achat, dans la limite de 10 000 francs par véhicule. Les systèmes ouvrant droit à remboursement doivent être agréés par arrêté conjoint des ministres chargés des transports, du budget et de l'environnement. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une hausse des droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-225, M. Angels, Mmes Pourtaud et Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 18 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 200 du code général des impôts, il est inséré un nouvel article ainsi rédigé :
« Art. .... - Les contribuables qui, entre le 1er décembre 1998 et le 31 décembre 2000, achètent en France des véhicules ou des kits de bicarburation agrées par arrêté conjoint des ministres chargés des transports, du budget et de l'environnement, utilisant totalement ou partiellement comme carburants les gaz de pétrole et autres hydrocarbures présents à l'état gazeux ou fonctionnant totalement ou partiellement à l'électricité électrique, peuvent bénéficier à ce titre d'un crédit d'impôt.
« Le montant des dépenses ouvrant droit à crédit d'impôt ne peut excéder au titre d'une année et par opération la somme de 5 000 francs par foyer fiscal. Il est accordé sur présentation des factures de l'achat du véhicule ou du kit.
« Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt dû au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses ont été payées. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une hausse des droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-151 est-il soutenu ?...
La parole est à Mme Pourtaud, pour défendre l'amendement n° I-224.
Mme Danièle Pourtaud. Cet amendement vise à rembourser aux propriétaires de taxi, dans la limite de 10 000 francs, les achats de véhicules ou de kits de bicarburation permettant de fonctionner avec des carburants non polluants. Il s'agit, pour mémoire, des véhicules utilisant le gaz de pétrole liquéfié, le GPL, ou le gaz naturel véhicules, le GNV.
La pollution - vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat - est une préoccupation essentielle pour les Français, en particulier pour les Franciliens.
Dans les grandes agglomérations, l'une des premières causes de pollution est la circulation automobile. En Ile-de-France, 75 % des oxydes d'azote ainsi que la plupart des particules dangereuses pour la santé sont émis par les transports urbains. M. Angels y faisait allusion tout à l'heure. En particulier, les véhicules diesel sont connus pour être les plus nocifs : 90 % des particules attribuables aux transports en sont issues. Or ils représentent toujours plus de 40 % des immatriculations.
Le Gouvernement a fait de la mise en place d'une fiscalité écologique une des priorités de ce budget, mes collègues viennent de le souligner. L'année prochaine, la taxation sur le gazole augmentera de 7 centimes, ce qui permettra de réduire le différentiel de taxation entre le gazole et le super sans plomb, qui était, depuis 1995, de 1,43 franc le litre, contre seulement 0,97 franc le litre en moyenne dans les pays européens. C'est une inflexion importante et un signe clair envoyé aux automobilistes, mais cela reste encore insuffisant par rapport à l'enjeu. C'est pourquoi je pense qu'il faut prendre dès aujourd'hui des mesures plus volontaristes en agissant directement sur le parc automobile.
Quelques chiffres illustrent le retard français en la matière : notre parc automobile ne compte actuellement que 3 500 véhicules électriques. A Paris, sur les 2,6 millions de véhicules et les 150 000 deux-roues qui se déplacent quotidiennement, environ 2 300 sont des véhicules électriques. Avec 90 000 véhicules au GPL seulement - alors que le GPL est sept fois moins polluant que l'essence - la France est loin derrière les Pays-Bas, qui comptent 500 000 véhicules, l'Italie, avec ses 1,2 million de véhicules ou encore le Japon et la Corée du Sud, qui en comptent chacun 300 000.
Le décret d'application de la loi sur l'air concernant les flottes des administrations a été publié le 18 août dernier. Cette loi, je vous le rappelle, fait obligation aux organismes publics, lorsqu'ils gèrent une flotte de plus de vingt véhicules, d'acquérir 20 % de véhicules alternatifs lors du renouvellement de leur parc automobile. Si l'on considère que ces flottes sont renouvelées de 47 000 véhiculs par an, ce sont 9 500 véhicules non polluants qui devront être acquis chaque année. Nous ne pouvons que nous en féliciter, mais il me semble, là encore, que nous devons aller plus loin.
Nous devons, je crois, chercher à développer rapidement le parc de véhicules non polluants, car leur fabrication en trop petites séries est une des raisons de leur surcoût. Tel est l'objectif de cet amendement et du crédit d'impôt pour l'achat de véhicules propres, amendement que nous défendrons tout à l'heure.
En effet, les 15 000 taxis parisiens - presque tous diesel - sont particulièrement concernés par la pollution : ils en sont acteurs et consommateurs, si je puis dire. Par ailleurs, ce sont des relais d'opinion qui peuvent contribuer à susciter l'intérêt des particuliers pour ces véhicules alternatifs.
M. Philippe Marini, rapporteur général. « Relais d'opinion », on voit où est l'intérêt de l'amendement !
Mme Danièle Pourtaud. Parfaitement, monsieur le rapporteur général !
Pour résumer mon point de vue, il faut dès aujourd'hui, à côté de l'augmentation du prix du gazole, multiplier les mesures fiscales incitatives, par exemple la gratuité des vignettes dans certains départements. Je regrette au passage que cette mesure ne s'applique pas à Paris.
Je propose donc, par cet amendement, de favoriser les « taxis propres » afin d'améliorer la qualité de l'air dans les grandes agglomérations. Les Français doivent se lancer de manière déterminée dans l'achat de véhicules non polluants !
M. le président. La parole est à M. Angels, pour défendre l'amendement n° I-225.
M. Bernard Angels. Il est aujourd'hui nécessaire d'inciter les Français à s'équiper en « véhicules propres », c'est-à-dire en véhicules utilisant un carburant ou une énergie la plus neutre possible pour l'environnement. Or le développement de ces véhicules est bloqué aujourd'hui par deux contraintes.
La première contrainte est le manque de stations de carburants propres ou de recharge de batteries électriques. Pour le GPL, il s'agit en plus du manque de débouchés, d'un problème de réglementation particulièrement contraignante pour la mise en place des stations dans les centres urbains.
La seconde contrainte est le prix de ces véhicules qui est environ 20 % plus cher à l'achat que les véhicules à « carburants classiques ».
Cet amendement vise donc, pour contribuer au réel démarrage de ces véhicules propres en France, d'instaurer un crédit temporaire d'impôt de 5 000 francs sur les achats de véhicules ou des kits de bicarburation utilisant partiellement ou totalement comme carburants les gaz de pétrole et autres hydrocarbures présents à l'état gazeux ou fonctionnant à l'électricité. Il s'agit de contribuer au démarrage des ventes aux particuliers de tels véhicules en France. En effet, si le Gouvernement a mis en place plusieurs dispositifs pour le développement des carburants propres, il n'existe pas de mesures réellement incitatives pour les particuliers.
Cet amendement s'inscrit d'ailleurs dans le droit-fil d'une des propositions du rapport sur la fiscalité écologique de notre collègue députée Nicole Bricq. Il se rapproche également d'un amendement examiné par l'Assemblée nationale voilà quelques jours.
Le Gouvernement s'y était opposé pour deux raisons.
La première était le caractère déstabilisateur des primes au secteur automobile. Mais, en la matière, il ne s'agit que d'une prime extrêmement ciblée et qui ne peut entraîner de distorsions.
La seconde raison était le coût de la mesure : 400 millions de francs la première année, 1,6 milliard de francs en 2002 selon le Gouvernement. Pourtant, comme le Gouvernement récupère la TVA sur les achats et que ce type de véhicules ou d'équipement coûte au minimum 10 000 francs, le Gouvernement récupérera en TVA au moins 2 000 francs par opération. Le coût par opération est donc assez faible. De plus, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez expliqué à l'Assemblée nationale que l'acheteur d'un véhicule à bicarburation amortirait le surcoût de son équipement dès lors qu'il ferait plus de 20 000 kilomètres par an. Comme il s'agit de véhicules à vocation urbaine, puisque le problème de la pollution de l'air se pose dans les agglomérations, ce chiffre de 20 000 kilomètres par an me semble difficilement atteignable. (M. le secrétaire d'Etat sourit.)
C'est pourquoi je pense qu'il nous faut dans ce projet de loi de finances faire un geste pour développer l'achat de véhicules propres.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-224 et I-225 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission souhaite entendre le Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Mme Pourtaud et M. Angels ont indiqué que nous étions au début du processus de mise en place d'une fiscalité écologique. Certains ont même parlé de l'an I de la fiscalité écologique. Cela veut dire qu'il y aura un an II. (Sourires.)
Les taxis peuvent déjà bénéficier d'un amortissement exceptionnel particulièrement avantageux. Par ailleurs, la détaxe sur les produits pétroliers sera relevée de 6 500 litres pour le gazole et de 9 000 litres pour le GPL. Dans le projet de loi de finances pour 1999, les taxis bénéficient donc déjà de dispositions favorables. Mais nous en reparlerons peut-être ensuite.
En ce qui concerne la proposition d'instituer un crédit d'impôt sur le revenu pour l'achat de véhicules utilisant certains carburants ou pour l'achat de kits de carburation pour mettre aux normes des véhicules à bicarburation, je crois, monsieur Angels, que nous faisons déjà beaucoup dans le projet de loi de finances pour 1999. Nous aurons peut-être également l'occasion de revenir sur ce sujet.
Je demande donc le retrait de ces deux amendements ou, à défaut, leur rejet.
M. le président. L'amendement n° I-224 est-il maintenu, madame Pourtaud ?
Mme Danièle Pourtaud. J'ai bien entendu l'engagement pris par M. le secrétaire d'Etat de revenir sur ce sujet ; nous nous retrouverons sans doute l'année prochaine pour en parler. En conséquence, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° I-224 est retiré.
L'amendement n° I-225 est-il maintenu, monsieur Angels ?
M. Bernard Angels. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien entendu vos arguments. Mais lorsque l'on pense que quelque chose est bien - nous l'avons constaté l'an dernier - il faut insister : je persiste à penser qu'il faut instituer un dispositif incitatif pour l'achat de véhicules propres.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est votre droit !
M. Bernard Angels. Je pourrais éventuellement réduire la portée de mon amendement et ne viser que les véhicules électriques dont le parc est très faible, ou peut-être réduire le montant des aides pour l'achat de véhicules fonctionnant au GPL.
Cela étant, je retire mon amendement pour cette année.
M. Alain Gournac. C'est dur d'être dans la majorité ! (Rires).
M. le président. L'amendement n° I-225 est retiré.
Mes chers collègues, la suite du débat est reportée à la prochaine séance.
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