Séance du 24 novembre 1998







M. le président. « Art. 41 bis . - L'article L. 1615-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation, les collectivités territoriales et leurs groupements bénéficient des attributions du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre des dépenses d'investissement exposées sur des biens dont ils n'ont pas la propriété, dès lors qu'elles concernent des travaux de lutte contre les avalanches, glissements de terrains, inondations, ainsi que des travaux de défense contre la mer, présentant un caractère d'intérêt général ou d'urgence. S'agissant des travaux effectués sur le domaine public de l'Etat, seules ouvrent droit aux attributions du fonds les dépenses d'investissement réalisées par les collectivités territoriales ou leurs groupements ayant conclu une convention avec l'Etat, précisant notamment les équipements à réaliser, le programme technique des travaux et les engagements financiers des parties. »
Par amendement n° I-42, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de rédiger ainsi le début de la seconde phrase du texte présenté par cet article pour compléter l'article L. 1615-2 du code général des collectivités territoriales : « S'agissant des travaux présentant un caractère d'intérêt général effectués sur le domaine public de l'Etat,... »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette question a déjà été évoquée précédemment au cours des travaux du Sénat. L'amendement ne remet pas en cause le présent article qui autorise les collectivités locales à bénéficier du FCTVA pour leurs interventions sur des terrains dont elles n'ont pas la propriété lorsqu'elles agissent en urgence pour préserver la sécurité publique ou dans l'intérêt général.
L'année dernière, lors de la discussion budgétaire, nous avions adopté un amendement d'objet identique. Il est cependant utile de préciser la rédaction que nous avions retenue à l'époque. En effet, les députés ont rappelé la nécessité de passer une convention avec l'Etat s'agissant des travaux d'intérêt général effectués sur le domaine public de l'Etat.
Toutefois, le texte adopté à l'Assemblée nationale prévoit également la nécessité d'une convention avec l'Etat pour des travaux réalisés en urgence sur le domaine public. Or lesdits travaux sont, par définition, imprévisibles, monsieur le secrétaire d'Etat. En effet, comment établir au préalable une convention pour prévoir des travaux qui, par nature, sont imprévisibles ?
L'amendement que la commission vous suggère d'adopter, mes chers collègues, distingue les travaux d'intérêt général effectués sur le domaine public de l'Etat, qui nécessitent une convention, des travaux d'urgence pour lesquels, manifestement, une convention n'est pas nécessaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Comme M. le rapporteur général l'a très bien expliqué, il s'agit de travaux portant sur la propriété d'autrui, en l'occurrence sur la propriété de l'Etat, et présentant un caractère d'intérêt général ou d'urgence.
Il est important que le principe fondamental du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA - je rappelle que l'on peut déduire la TVA lorsque les collectivités locales réalisent des travaux sur leurs propres biens - soit strictement délimité. Cela peut être le cas pour un certain nombre de travaux préventifs, puisqu'il s'agit de prévention de risques naturels. Nombre de travaux de ce type peuvent être effectués au terme de conventions passées avec l'Etat.
Il conviendrait simplement, et je m'y engage au nom du Gouvernement, que l'Etat se décide rapidement en ce qui concerne l'examen et la signature de ces conventions. Comme M. le rapporteur général l'a dit, il peut y avoir une extrême urgence ; mais, à ce moment-là, nous sommes dans le cas de catastrophes naturelles pour lesquelles les procédures sont différentes.
En l'occurrence, nous sommes dans un contexte de prévention de risques naturels, de lutte contre les inondations, les avalanches, les glissements de terrains et de défense contre la mer, et nous avons le temps de passer ces conventions. Ces dernières sont d'ailleurs utiles pour que l'usage du FCTVA soit correctement délimité. Je suis donc cordialement en désaccord avec vous, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais apporter une précision afin que l'on puisse apprécier ce désaccord. L'année dernière, il était encore plus profond, monsieur le secrétaire d'Etat,...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est exact !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... puisque, nous aviez-vous dit : « Il ne me paraît pas possible de déroger à la règle fondamentale de patrimonialité. » Or, un an après, vous avez accepté, lors des débats à l'Assemblée nationale, de déroger à cette règle,...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... qui vous semblait totalement impérative lors de la discussion budgétaire précédente au Sénat. Peut-être au Palais-Bourbon n'a-t-on pas nécessairement la même perception qu'ici, au Palais du Luxembourg.
M. Paul Loridant. C'est sûr !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est possible !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous avez donc évolué et vous avez accepté le principe de la convention pour les travaux à caractère d'urgence ou d'intérêt général.
Ce que nous vous disons simplement, et qui est issu d'expériences locales et est frappé, je crois, au coin du bon sens, c'est que la collectivité peut être amenée à suppléer un propriétaire défaillant et à intervenir au nom de la sécurité et dans l'intérêt du public. Dans ce cas, il n'est pas raisonnable d'obliger cette collectivité, pour lui permettre d'être éligible au FCTVA, à passer une convention préalable. Vous avez déjà fait un pas substantiel en acceptant de déroger à une règle que vous présentiez, voilà quelques mois, comme totalement impérative et qui ne l'est plus. En fait, notre droit n'a pas changé depuis lors. Vous avez donc réexaminé la question et vous avez sans doute constaté que la réponse que vous aviez faite ici était trop péremptoire. Vous avez pris en compte l'essentiel de notre argumentation. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous en prie, allez jusqu'au bout.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je ne peux être insensible au fait que M. le rapporteur général souligne que le Gouvernement a évolué. C'est un fait qu'il a évolué par rapport à une position qui était aussi ancienne que l'existence de la taxe sur la valeur ajoutée et du FCTVA.
Le Gouvernement a reconnu que, dans un certain nombre de cas, des travaux de prévention des catastrophes naturelles étaient indispensables sur le domaine public et dans la mesure où l'Etat ne les effectuait pas systématiquement, il était utile que les collectivités locales y procèdent elles-mêmes.
Le Gouvernement a donc évolué. Vous le voyez, il faut évoluer par étapes. L'idée de passer des conventions est une idée raisonnable. Si dans un an ou deux, monsieur le rapporteur général, vous me démontrez que ces conventions ne peuvent pas être passées dans des délais convenables entre les collectivités locales et l'Etat, peut-être le Gouvernement évoluera-t-il à nouveau.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-42.
M. Claude Belot. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Belot.
M. Claude Belot. Monsieur le secrétaire d'Etat, le scénario de l'intervention des collectivités locales est très simple : elles agissent toujours dans l'urgence.
J'ai l'honneur d'administrer un département qui compte 430 kilomètres de côtes. Lorsqu'une tempête provoque la rupture d'une digue sur l'île de Ré ou sur l'île d'Oléron, je suis bien obligé de constater que le préfet n'est pas là, ou bien, s'il est là, qu'il ne dispose d'aucun moyen. Ce sont donc les moyens de fortune mis en oeuvre par les communes et le département qu'il faut faire intervenir en urgence et, croyez-moi, dans ce cas-là, on n'a pas le temps de passer une convention.
Ce que je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est tout simplement de prolonger la situation antérieure, qui autorisait les collectivités locales à se substituer à l'Etat, rarement bon gestionnaire de son patrimoine - au moins pour ce que je connais du domaine public maritime - et, donc, à encaisser le remboursement de la TVA.
Je souhaiterais vraiment que cette notion d'urgence, développée par M. le rapporteur général et que j'avais moi-même défendue l'année dernière, soit également prise en compte. Si elle ne joue pas nécessairement sur des sommes colossales, elle fait intervenir une question de principe. En effet, si l'on poussait votre logique jusqu'au bout, on prétendrait devant tous les médias réunis que le préfet ne fait pas son travail. Mais tel n'est pas notre souhait, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Michel Doublet. Très bien !
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. J'adhère totalement à ce que vient de dire M. Belot. Nous représentons deux départements voisins, et il se trouve que, moi aussi, je suis confronté, hiver après hiver, à ces problèmes d'urgence qui affectent à la fois des propriétés du domaine public de l'Etat et des propriétés privées. Les deux tiers de la superficie de mon canton sont en effet au-dessous du niveau de la mer, et des catastrophes surviennent tous les dix ans : les digues peuvent casser, les dunes reculent.
Faut-il passer d'emblée des conventions sur l'ensemble du littoral ? La loi de 1807, que Napoléon avait instituée, faisait obligation à tous les propriétaires privés de prendre les dispositions nécessaires pour se parer contre tous les dangers potentiels. Il se trouve qu'à l'époque beaucoup de paysans travaillaient sur ces digues ou sur ces zones sensibles, mais qu'ils ont disparu. Qui les a suppléés ? Personne, et, comme l'a dit très justement M. Belot, certainement pas l'Etat.
Le département est un peu loin ; c'est donc toujours la collectivité ou le groupement de collectivités qui, maintenant, est le premier responsable de la sécurité publique et de la sécurité des terres.
Dans ces conditions, la convention est possible, mais il faut la préparer à l'avance : il faut une enquête publique, il faut une concession de travaux publics entre l'Etat et la collectivité. Cela dure longtemps ; puis une tempête survient - cela a encore été le cas il y a quinze jours - et il faut faire des travaux d'urgence. Dans ces conditions, je crois que l'amendement de M. le rapporteur général est tout à fait pertinent.
Ce que nous disons à propos du littoral, parce que nous connaissons bien le problème des tempêtes, peut d'ailleurs aussi se produire, par exemple, en Camargue ou le long d'une rivière, et même en montagne. On ne peut pas conventionner la France entière !
Dans ces conditions, monsieur le sécretaire d'Etat, cet amendement n° I-42 est un amendement de bon sens, un amendement de réalité. Alors, convenez qu'il est nécessaire de faire un effort supplémentaire et d'accepter, de bon coeur qui plus est, l'amendement de M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Laissez-vous attendrir, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous comptons sur votre bon coeur !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas une question de bon coeur ! Le débat progresse et j'écoute : j'ai écouté dans le passé, j'écoute dans le présent et j'écouterai dans l'avenir.
M. Oudin a parfaitement défini le problème et il a employé deux expressions.
Il a d'abord parlé de catastrophe naturelle. Il est clair que, lorsqu'il y a une catastrophe naturelle, on ne va pas se mettre autour d'une table et négocier huit jours pour savoir ce que l'on fait ! Il ne faut pas croire que l'Etat soit stupide à ce point.
M. Oudin a ensuite dit qu'il fallait « se parer contre tous les dangers potentiels ». C'est ce travail de prévention qui doit faire l'objet de conventions ! Lorsqu'une digue de Camargue crève, il faut la réparer, on ne va pas passer une convention pour savoir qui va procéder aux travaux. Mais ces travaux d'entretien pour les digues, pour les berges, etc., peuvent être prévus par des conventions entre l'Etat et les collectivités locales !
Il me semble, monsieur Oudin - et je dirai la même chose à M. Belot - que nous ne sommes pas tellement éloignés : l'Etat n'est pas rigide au point de dire qu'en cas de catastrophe naturelle la première chose à faire est de se mettre autour d'une table ! Il faut s'occuper des populations et réparer les dégâts.
En revanche, s'agissant de travaux concernant la prévention des risques naturels, je ne vois pas pourquoi une réflexion préalable ne serait pas concrétisée par une convention, à condition que cette dernière soit élaborée dans des délais raisonnables. Si, d'ici à un an ou deux, messieurs - et je respecte votre fonction élective et votre présence sur le terrain -, vous me dites que les mesures prévues pour la prévention ne vous satisfont pas, je vous promets que le Gouvernement évoluera encore.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-42, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 41 bis.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, je voudrais répondre à M. le secrétaire d'Etat, car il m'a fait dire des choses que je n'ai pas dites.
En premier lieu, vous ne pouvez pas passer de conventions avec la terre entière en vue de nous préserver contre tous les risques ! C'est impossible.
En second lieu, je n'ai pas employé le terme de « catastrophe naturelle » ; j'ai simplement parlé d'incidents journaliers dus à des éléments naturels plus violents que d'habitude. La procédure de catastrophe naturelle - et je vois bien où vous voulez en venir ! - engage une procédure très lourde où l'on met en branle des commissions d'enquête, des commissions d'évaluation, etc. Or il ne s'agit ici que de catastrophes habituelles, mais graves, contre lesquelles il faut réagir rapidement et qui ne sont pas éligibles à la procédure de la catastrophe naturelle.
Voilà qui justifie le bon sens de l'amendement que nous avons adopté à l'instant, et je m'en félicite.
M. Claude Haut. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Haut.
M. Claude Haut. Je ne partage pas ce qui vient d'être dit, car je considère que vous avez fait une avancée considérable, monsieur le secrétaire d'Etat. Il vaut peut-être mieux aujourd'hui en prendre acte plutôt que de revenir en arrière ou de vouloir aller plus loin !
Nous sommes très satisfaits par les dispositions que vous nous proposez. Cet article vise en effet à répondre à un problème important qui se pose à nos collectivités locales, et je suis particulièrement concerné par cette affaire.
L'inexécution de certains investissements peut avoir de graves conséquences, comme des inondations ou des éboulements. Vous avez cité les avalanches, mais je pourrais mentionner d'autres événements naturels.
Pour éviter cela, les collectivités se trouvent dans l'obligation de réaliser des travaux sur des portions privatives, sur des cours d'eau par exemple. Or ces interventions étaient exclues du FCTVA. Grâce à vous, cette dépense devient aujourd'hui éligible et ces investissements pourront donc bénéficier du FCTVA.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'année dernière, j'avais déposé et défendu un amendement tendant à cette fin. Vous m'aviez demandé, à l'époque, de le retirer pour des raisons techniques, mais vous m'aviez promis d'y revenir. Aujourd'hui, nous y revenons, et il s'agit ici non plus d'un amendement, mais d'un article qui est intégré dans le projet de loi de finances.
Nous tenons, mes collègues du groupe socialiste et moi-même, à vous remercier, d'une part, d'avoir tenu vos engagements et, d'autre part, de permettre que cette disposition accompagne un mouvement indispensable de gestion globale - je pense plus particulièrement aux inondations - des bassins versants.
De nombreux maires et présidents de structures intercommunales seront très satisfaits de la décision que nous allons prendre ici ce soir, après l'Assemblée nationale.
En conclusion, nous vous remercions une nouvelle fois et nous voterons cet article 41 bis.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Merci !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 41 bis, modifié.

(L'article 41 bis est adopté.)

Articles additionnels après l'article 41 bis (priorité)