Séance du 2 décembre 1998
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Loi de finances pour 1999. -
Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
1
).
Défense (p. 2 )
MM. Maurice Blin, rapporteur spécial de la commission des finances, pour
l'exposé d'ensemble et les dépenses en capital ; Alain Richard, ministre de la
défense ; François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances,
pour les dépenses ordinaires.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères,
de la défense et des forces armées, pour le nucléaire, l'espace et les services
communs.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
MM. Paul Masson, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Gendarmerie » ; Serge Vinçon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Forces terrestres » ; Jean-Claude Gaudin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Air » ; André Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Marine » ; Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Suspension et reprise de la séance (p. 3 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
3.
Candidature à un organisme extraparlementaire
(p.
4
).
4.
Financement de la sécurité sociale pour 1999. -
Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
5
).
Discussion générale : Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité ; MM. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires
sociales ; François Autain, Mme Nicole Borvo.
Clôture de la discussion générale.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales.
Suspension et reprise de la séance
(p.
6
)
Réserve de l'article 1er et du rapport annexé
Article 2 (p.
7
)
Amendements n°s 1 à 4 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, M.
Jean-Pierre Fourcade. - Adoption des quatre amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 3 bis (p. 8 )
Amendement n° 5 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, MM.
Claude Domeizel, Guy Fischer. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 3
ter (supprimé)
Article 3
quater (supprimé)
(p.
9
)
Amendement n° 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Article 4 (p. 10 )
Amendements n°s 7 et 8 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
5.
Souhaits de bienvenue à M. le président du parlement letton
(p.
11
).
6.
Financement de la sécurité sociale pour 1999. -
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
12
).
Article additionnel après l'article 5 (p. 13 )
Amendement n° 46 rectifié de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur, Mme le ministre. - Retrait.
Article 6. - Adoption (p.
14
)
Article 7 (p.
15
)
Amendement n° 9 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 11 bis (supprimé) (p. 16 )
Amendement n° 10 de la commission. - MM. le rapporteur, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Article 11 quater (p. 17 )
Amendement n° 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 12 A (supprimé) (p. 18 )
Amendement n° 12 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Article 12 (p. 19 )
Amendement n° 13 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire
d'Etat - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 13 bis (supprimé) (p. 20 )
Amendement n° 14 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Article 16 (p. 21 )
Amendements n°s 15 et 16 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire
d'Etat. - Adoption des deux amendements.
Amendement n° 17 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. -
Adoption.
Amendement n° 18 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 17 (p. 22 )
Amendement n° 19 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 18 (p. 23 )
Amendements n°s 20 et 21 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire
d'Etat. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 19 (p. 24 )
Amendements n°s 22 et 23 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire
d'Etat, Dominique Leclerc. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 20 (p. 25 )
Amendements n°s 24 à 26 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire
d'Etat. - Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 21 (p. 26 )
Amendement n° 27 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 22 (p. 27 )
Amendement n° 28 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, M. Bernard Murat. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 22 bis (p. 28 )
Amendement n° 29 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, M.
Dominique Leclerc. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 23 (p. 29 )
Amendements n°s 30 à 32 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire
d'Etat, Francis Giraud, le président, François Autain. - Adoption des trois
amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 24 (p. 30 )
Amendement n° 33 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, M.
François Autain. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 25 (p. 31 )
Amendements n°s 34 et 35 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre.
- Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 26 bis (p. 32 )
Amendement n° 36 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 27 (p. 33 )
Amendement n° 37 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat,
Guy Fischer. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 27 bis (p. 34 )
Amendement n° 38 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 29 bis (p. 35 )
Amendement n° 39 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, M.
Jacques Machet. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 31 bis (p. 36 )
M. Jean-Louis Lorrain.
Adoption de l'article.
Article 32 (p. 37 )
Amendement n° 40 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 33 (p. 38 )
Amendement n° 41 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 34 (p. 39 )
Amendement n° 42 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 35 bis (p. 40 )
Amendement n° 43 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 36 (p. 41 )
Amendement n° 44 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, M.
Claude Domeizel. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 1er et rapport annexé
(précédemment réservé)
(p.
42
)
Amendement n° 45 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article et du rapport annexé modifiés.
Vote sur l'ensemble (p. 43 )
MM. Jean-Louis Lorrain, Jacques Machet, François Autain, Mme Nicole Borvo, M.
le président de la commission.
Adoption du projet de loi.
7.
Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
(p.
44
).
8.
Mise au point au sujet d'un vote
(p.
45
).
MM. Jacques Bimbenet, le président.
9.
Loi de finances pour 1999.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
46
).
Défense (suite) (p. 47 )
MM. Jacques Machet, Bernard Plasait, André Boyer, Philippe de Gaulle, Jean-Luc
Bécart.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
MM. Bertrand Delanoë, Jean-Guy Branger, Jacques Peyrat, André Vallet, Mme Anne
Heinis, M. Bertrand Auban.
10.
Modification de l'ordre du jour
(p.
48
).
Suspension et reprise de la séance (p. 49 )
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
11. Loi de finances pour 1999. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 50 ).
Défense (suite) (p. 51 )
MM. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Alain Richard, ministre de la défense.
Article 47 (p. 52 )
MM. Christian de La Malène, le ministre.
Adoption, par scrutin public, des crédits du titre III.
Adoption de l'article.
Article 48 (p. 53 )
Adoption des crédits des titres V et VI.
Adoption de l'article.
Affaires étrangères et coopération
(suite)
(p.
54
)
II. - COOPÉRATION (ET FRANCOPHONIE) (p.
55
)
M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme
Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires
étrangères, pour l'aide au développement ; MM. Jacques Legendre, rapporteur
pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie ;
Jean-Luc Bécart, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. André Ferrand, Jacques
Pelletier, Lucien Neuwirth, Michel Charasse.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Adoption des crédits.
Articles additionnels avant l'article 75 A (p. 56 )
Amendements n°s II-98 et II-99 de la commission. - MM. le rapporteur spécial,
le ministre délégué, Lucien Neuwirth. - Retrait de l'amendement n° II-99 ;
adoption de l'amendement n° II-98 insérant un article additionnel.
12.
Dépôt de propositions d'acte communautaire
(p.
57
).
13.
Dépôt d'un rapport
(p.
58
).
14.
Ordre du jour
(p.
59
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à onze heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
LOI DE FINANCES POUR 1999
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 1999 (n°s 65, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 66
(1998-1999).]
Défense
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
le ministère de la défense.
La parole est à M. Blin, rapporteur spécial.
M. Maurice Blin,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour l'exposé d'ensemble et les dépenses
en capital.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, le budget des armées pour 1999 présente au premier regard certains
aspects positifs que je souhaite rappeler.
Il atteint 190 milliards de francs, auxquels il faut ajouter 53,6 milliards de
francs de pensions, soit une hausse de 1,7 % en francs constants. Après le
budget de l'an dernier, en chute de 8,9 milliards de francs par rapport à celui
de 1997, qui avait lui-même subi une annulation de 3,9 milliards de francs,
cette augmentation de 5 milliards de francs, essentiellement affectés aux
titres V et VI, représente un effort de rattrapage qu'il convient de saluer. Au
total, cependant, cet effort ne suffit pas à assurer le respect de la loi de
programmation. Il s'en faut encore d'environ 5 milliards de francs. A ce
rythme, le retard serait de 20 milliards de francs en 2002.
La revue des programmes conduite l'hiver dernier et qui visait à recentrer les
équipements sur les besoins essentiels des armées a épargné les plus
importants. Ils étaient, il est vrai, engagés depuis longtemps, tels le char
Leclerc ou le Rafale.
La coopération européenne se poursuit. Sa part, qui ne représente aujourd'hui
que 10 % du coût global de nos fabrications, devrait augmenter, en dépit des
défaillances de certains de nos partenaires. Du moins celles-ci - je vous en
donne volontiers acte, monsieur le ministre - ne sont-elle pas de votre
fait.
Troisième point positif, le budget que nous examinons comporte un
rééquilibrage entre les crédits du titre III, consacré aux charges de personnel
et de fonctionnement, et ceux des titres V et VI. Ces derniers progressent de 5
% en francs constants. Ainsi, est interrompue - nous nous en félicitons - la
dérive constatée au cours des budgets précédents, dans lesquels l'écart se
creusait à leurs dépens.
Par ailleurs, l'effort de réduction des coûts de fabrication et la réforme de
ses structures demandés à la délégation générale de l'armement, la DGA,
commencent à porter leurs fruits.
Certes, l'objectif d'une économie de 100 milliards de francs sur les
quatre-vingt-deux programmes en cours est très ambitieux. Mais, grâce à la mise
en place de programmes pluriannuels, à un contrôle plus en amont et plus
rigoureux des prix de revient - à cet égard, l'économie de 5 milliards de
francs par rapport à un coût initial de 40 milliards du missile balistique M 51
sans que ses performances en soient affectées a valeur d'exemple - grâce encore
à une meilleure coordination entre matériels civils et militaires qui a permis
d'éviter certaines redondances, grâce enfin à un redéploiement de ses effectifs
- je rappelle que la DGA occupe 42 000 personnes, dont 37 000 civils, chiffre
qui devrait être réduit de 2 300 postes - la DGA a identifié à ce jour plus de
43 milliards de francs d'économies potentielles et élaboré avec la direction
des constructions navales, la DCN, un plan de modernisation dans un des
domaines les plus sensibles, celui de la construction navale, même si la mise
en oeuvre de ce plan risque d'être difficile.
Enfin, fait auquel tout parlementaire sera sensible, vous vous êtes efforcé,
monsieur le ministre, de clarifier la présentation du « bleu » budgétaire,
ainsi que vous vous y étiez engagé. Cette présentation permet désormais une
identification nominale des programmes. Toutefois, nous aurions aimé que la
distinction, tout à fait essentielle, entre études, développement et
fabrication, soit mieux respectée. Cette distinction aurait, malheureusement,
révélé que les études ont été réduites de moitié entre 1997 et 1999 !
Après ces satisfecit, je présenterai une série d'observations concernant le
titre V, sans préjuger celles que mon excellent collègue M. Trucy nous
soumettra tout à l'heure concernant le titre III.
Je constate tout d'abord que les crédits consacrés à la recherche, même s'ils
se redressent légèrement l'an prochain, auront en six ans diminué de près de 30
%. Leur part dans la dépense globale n'est plus que de 25 %, contre 45 % aux
Etats-Unis, avec lesquels nous sommes pourtant en concurrence directe. Or des
équipes de recherche ne s'improvisent pas, leur excellence suppose la
continuité. C'est ce que la Grande-Bretagne - et on connaît les ambitions qui
animent son industrie d'armement - a, elle aussi, compris.
Le fléchissement actuel de notre effort constitue pour l'avenir de nos
entreprises et leur présence sur les marchés étrangers un risque majeur. En
effet, si nos exportations ont connu, en 1997, une embellie avec 30 milliards
de francs de commandes contre seulement 19,5 milliards de francs l'année
précédente, nous n'en sommes pas moins revenus au troisième rang, derrière la
Grande-Bretagne - avec 40 milliards de francs - et, bien sûr, les Etats-Unis
qui, avec 105 milliards de francs, occupent à eux seuls les trois quarts du
marché mondial des armes. Or l'exportation assure un emploi sur quatre dans
notre industrie de défense.
Ma deuxième inquiétude concerne le redressement, en fait plus apparent que
réel, des crédits du titre V, que je soulignais tout à l'heure. Au total, 400
millions de francs passent du titre III au titre V pour l'entretien programmé
du matériel. Par ailleurs, alors que la loi de programmation l'interdisait
formellement, on renoue avec la mauvaise habitude qui consiste à faire
transiter par le budget de la défense des crédits destinés au centre national
d'études spatiales, le CNES. Les 900 millions de francs destinés au budget
civil de recherche-développement relèvent donc, finalement, d'une illusion. La
commission des finances regrette ces transferts, qui nuisent à la sincérité du
budget.
Les 86 milliards de francs des titres V et VI risquent - c'est ma troisième
inquiétude - d'être ponctionnés au cours de l'année 1999 pour répondre aux
insuffisances évidentes des crédits du titre III. Certes, la revue des
programmes que j'ai évoquée plus haut n'a porté que sur l'équipement des
armées. Elle n'a pas remis en cause leurs effectifs, auxquels sont liées des
dépenses de rémunérations et de charges sociales dont l'importance dans l'armée
professionnelle de demain est manifestement sous-estimée. C'est ainsi qu'il a
fallu, au mois d'août dernier, prélever 3,8 milliards de francs sur les titres
V et VI pour pouvoir payer les soldes.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Pas du tout !
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le rapporteur spécial ?
M. Maurice Blin,
rapporteur spécial.
Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de M. le rapporteur
spécial.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le rapporteur spécial, je n'ai pas voulu
relever plusieurs inexactitudes qui apparaissent dans votre rapport, je le
ferai sous une autre forme. Je veux néanmoins vous indiquer que certains de vos
propos sont contraires à la réalité.
Les 3,8 milliards de francs prévus dans le décret du mois d'août sont destinés
au rattrapage de retards accumulés sur les crédits de rémunérations pendant les
trois années précédentes. Ils n'ont pas servi à payer les soldes de l'année
!
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur spécial.
M. Maurice Blin,
rapporteur spécial.
Je vous remercie de ces précisions, monsieur le
ministre. Nous aurons l'occasion d'en reparler lorsque nous examinerons les
crédits inscrits au titre III !
Le niveau des soldes des militaires du rang a été relevé, et ce n'est que
justice. Mais, comme il s'agit de rémunérations qui concernent une catégorie de
personnels susceptibles de bénéficier des augmentations les plus importantes,
leur charge financière a toute chance de s'alourdir à l'avenir.
Quatrième inquiétude, les services du ministère de la défense, pour diverses
raisons - dont la principale semble être les changements de nomenclatures
initiés par la DGA - éprouvent des difficultés à consommer autorisations de
programme et crédits de paiement. Cela présente un double inconvénient : les
armées ne reçoivent pas les équipements attendus, mais, surtout, sur les
reports de crédits pèse toujours la menace d'une annulation.
Nos craintes à ce sujet ne sont pas sans fondement puisque vous venez de
confirmer, monsieur le ministre, que, sur les 81 milliards de francs affectés
cette année au titre V, 70 milliards seulement seront consommés. Ce qui, dans
la meilleure des hypothèses, laisse prévoir, après une nouvelle annulation de
3,6 milliards dans le collectif que nous examinerons bientôt, un report de
crédits de l'ordre de 7 milliards de francs sur 1999.
Vous nous direz, monsieur le ministre, que, dans les années 1995-1997, ces
annulations ont été plus importantes. Et c'est vrai ! Mais dois-je vous faire
observer que nous partions également de plus haut ?
La situation actuelle serait due à la réforme de la nouvelle comptabilité des
investissements mise en oeuvre par la DGA. Elle aurait conduit à retarder les
engagements de crédits au cours des premiers mois de l'année. Mais nous avons
tout lieu de redouter, mes chers collègues, l'appétit que pourrait susciter du
côté de Bercy cette incapacité, que nous voulons croire conjoncturelle, de
votre ministère à consommer les crédits d'équipement qui lui sont alloués si
celle-ci devait se perpétuer !
Dernière interrogation, la revue des programmes intervenant après la loi de
programmation a défini le noyau dur des besoins en équipement des armées. Ce
noyau dur constitue un minimum incompressible en deçà duquel il est désormais
interdit d'aller. Pourtant, rien n'assure - seul vous-même le pourriez,
monsieur le ministre - que, si le niveau de croissance, et donc de recettes
fiscales attendues pour l'an prochain, n'est pas au rendez-vous, le
Gouvernement résistera à une tentation à laquelle il a souvent succombé
jusqu'ici, en faisant des crédits d'équipement des armées une « variable
d'ajustement », pour employer l'expression maintenant consacrée, du budget
général.
Après ces considérations, je voudrais m'attarder un instant sur les
conséquences qu'a eues la revue des programmes sur la réalisation des
équipements.
Certains d'entre eux sont purement et simplement abandonnés.
Il y a d'abord le satellite de surveillance Horus qui, équipé d'un radar,
devrait permettre une surveillance « tout temps » interdite aux systèmes
optiques et infrarouges des satellites Hélios. Le renoncement de l'Allemagne,
qui devait être le maître d'oeuvre de ce projet, est à l'origine de cet
abandon. Du coup, les crédits consacrés à l'espace, c'est-à-dire au
renseignement, qui joue un rôle décisif dans la guerre moderne, diminuent de 16
%, et même de 30 % pour les études. En conséquence, nos troupes pourraient
dépendre demain de la bonne volonté américaine pour obtenir la communication
des renseignements nécessaires à leur action.
Plusieurs programmes de missiles sont annulés : le missile antichar de
troisième génération « longue portée », le missile de croisière Apache dit d'«
interdiction de zone », le missile porte-torpille Milas.
Ces renoncements ne seront pas sans conséquences. Si la nécessité d'équiper
les armées avec de telles armes s'imposait à nouveau dans l'avenir, on
n'éviterait pas le recours à des « achats sur étagères » qui, finalement,
profiteraient sans doute à l'industrie américaine.
Des aménagements de programmes entraînent des retards de mise en service ou
encore des réductions de financement et de « cible », c'est-à-dire du nombre de
matériels. Sont ainsi retardées respectivement de dix-huit mois et d'un an les
mises en service des troisième et quatrième SNLE, sous-marins nucléaires
lance-engins, de nouvelle génération, ainsi que la livraison des avions
Rafale.
Concernant ce dernier, une commande de vingt-huit appareils, assortie de vingt
autres en option, est enfin envisagée. Ainsi, mes chers collègues, il se sera
écoulé plus de quinze ans entre le lancement du programme et son aboutissement.
Le premier escadron opérationnel n'entrera en service qu'en 2005, c'est-à-dire
non pas avant, comme on pouvait l'espérer, mais sans doute après l'Eurofighter,
son concurrent européen, d'ores et déjà prévu à 600 exemplaires, ou le Gripen,
avion suédois mais commercialisé et soutenu techniquement par les Anglais, armé
par les Américains, et qui vient de nous ravir un important marché en Afrique
du Sud, pays où nous disposions jusqu'à présent de positions privilégiées -
mais cela au prix, il est vrai, de compensations contraignantes et
coûteuses.
Si l'on ajoute que le JSF américain, annoncé pour 2008, disposera sans doute
dès le départ d'un marché potentiel de 3 000 appareils, avec les économies
d'échelle qui s'ensuivront, force est de conclure que la rentabilité du Rafale,
dont le seul développement aura coûté 56 milliards de francs, dont 43 milliards
à la charge de l'Etat, est rien moins qu'assurée !
Le sort du porte-avions nucléaire
Charles-de-Gaulle
est à peine
différent puisque dix ans se seront écoulés avant sa mise à la mer, à la fin de
l'an prochain, soit trois ans de retard dus, en bonne part, aux réductions de
crédits qui ont marqué la période 1990-1993. Il en est résulté des coûts
d'entretien supplémentaires qui ne sont pas négligeables.
Quant au second porte-avions nécessaire pour assurer la crédibilité de l'arme
lorsque le
Foch
sera désarmé, son sort ne sera pas fixé avant la fin de
la loi de programmation en cours, soit en 2003, pour une mise en service huit
ou neuf ans plus tard.
Un dernier programme, mais non le moindre, mérite un commentaire particulier,
c'est celui de l'avion de transport futur, l'ATF. Un crédit de 44 millions de
francs seulement est prévu pour son développement. L'hésitation semble se
perpétuer entre une solution européenne et - disons-le clairement - une
solution américaine, puisque la solution ukrainienne paraît aujourd'hui
abandonnée.
La première, la solution européenne, suppose un important engagement financier
des entreprises, c'est-à-dire, dans le cas français, d'Aérospatiale, engagement
auquel cette dernière, déjà requise par le projet de l'Airbus gros porteur, l'A
3 XX, ne semble pas donner la priorité. Quoi qu'il en soit, un choix rapide
s'impose puisque les Transall les plus anciens devront être remplacés en
2004.
Au moment où il est devenu évident que notre pays ne pourra plus, à l'avenir,
mener seul de grands programmes d'armement, il convient enfin - et ce sera le
dernier point de cet exposé - de ne pas sous-estimer les difficultés que
rencontre la coopération européenne.
Ces difficultés peuvent être techniques. Les états-majors ont du mal à
s'accorder sur les spécifications opérationnelles des équipements. Les retards
subis, par exemple, par le programme de la frégate Horizon s'expliquent ainsi.
De même, les hésitations qui ont marqué le programme du véhicule blindé de
combat d'infanterie, le VBCI, sont du même ordre : faut-il un véhicule lourd à
huit roues ou un véhicule plus léger, aérotransportable, à six roues seulement
? Les accords sont difficiles, car ils mettent souvent en cause des concepts
stratégiques ou tactiques différents d'un pays à l'autre. La création de
l'Organisme conjoint pour la coopération en matière d'armement, l'OCCAR, les
facilitera-t-il ? Nous voudrions l'espérer.
D'autres difficultés sont financières. Lorsqu'elles concernent un pays dont la
participation est majeure,
a fortiori
s'il s'agit du maître d'oeuvre du
programme, elles aboutissent soit à l'arrêt pur et simple du projet - tel a été
le cas du satellite Horus - soit à la nécessité de rechercher des moyens
permettant de suppléer le partenaire défaillant - c'est le cas du programme
TRIMILSATCOM, après le retrait de la Grande-Bretagne. Serait-ce un voeu pieux
d'exiger qu'à l'avenir, passé un certain degré de développement d'un programme,
un engagement de non-retrait soit assuré ?
Enfin, les difficultés peuvent être liées à la différence de structures qui
oppose les principales sociétés d'armement françaises, allemandes et anglaises.
Les nôtres sont encore partagées entre des groupes dont certains ont été
longtemps rivaux. De plus, les unes sont de droit privé quand d'autres restent
contrôlées par l'Etat. Nous apprécions les efforts que vous dépensez, monsieur
le ministre, pour y mettre ordre.
Cette tâche difficile est rendue urgente par la menace d'isolement que fait
peser sur notre industrie le rapprochement annoncée entre BAe et DASA, pourtant
nos partenaires traditionnels. Le groupe anglais, en particulier, mène grand
train et joue, si l'on ose dire, sur tous les tableaux : il participe au
développement du futur avion de combat américain ; il a acquis une part du
capital de SAAB, la société suédoise constructeur du Gripen ; il aurait des
vues sur l'espagnol CASA ; enfin, il est beaucoup plus riche que ses
partenaires européens et peut donc s'autoriser bien des audaces.
Il va nous contraindre à mettre les bouchées doubles dans la réorganisation de
notre industrie, dont le potentiel technologiquement est élevé, mais la
situation financière beaucoup moins bonne.
De ce point de vue, le cas de GIAT-Industries est de loin le plus grave.
Atteint de plein fouet par la réduction drastique des marchés d'armement
terrestre, victime de spéculations financières hasardeuses, de rachats puis de
reventes d'entreprises malheureux, prisonnier d'un statut qui lui interdit une
vraie souplesse, en particulier dans la gestion de son personnel, il est
incapable de traiter d'égal à égal avec les sociétés européennes comparables
mais plus saines parce que beaucoup moins spécialisées, alors que son sort
reste suspendu, pour le moment, à l'exportation du char Leclerc.
GIAT-Industries a ainsi connu un déficit de 2,85 milliards de francs en 1998.
Ce déficit devrait être de nouveau de 5,5 milliards de francs cette année, et
ce en dépit d'une recapitalisation de 11 milliards de francs depuis deux ans, à
laquelle s'en ajoutera une autre, qui serait de 5,7 milliards de francs, l'an
prochain.
Son cas constitue, fort heureusement, une exception, mais une exception
terriblement coûteuse. Il révèle la lourdeur d'un statut public beaucoup trop
contraignant pour pouvoir répondre à des renversements brutaux de conjoncture.
A cet égard, je rappelle qu'aujourd'hui l'ensemble des arsenaux et des sociétés
nationales continuent d'assurer plus de la moitié du chiffre d'affaires de
l'industrie d'armement.
Au terme de ce rapide survol du titre V de ce budget, la commission des
finances est conduite à un double constat. Elle vous donne acte, monsieur le
ministre, que l'essentiel des programmes d'armement en cours a été sauvegardé.
Mais elle voudrait aussi se convaincre que vous ferez tout pour écarter les
menaces très réelles qui pèsent sur leur exécution.
Dans ces conditions, et avec l'espoir que sa mise en garde sera entendue, elle
vous recommande, mes chers collègues, son adoption.
(Applaudissements sur
les travées de l'Union centriste, du RPR et des Répubicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Trucy, rapporteur spécial.
M. François Trucy,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour les dépenses ordinaires.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'instar de
mon collègue Maurice Blin, j'ai, parlant du titre III, recommandé à la
commission des finances de proposer au Sénat l'adoption du budget de la
défense.
Mais adopter ce budget, ce n'est ni négliger ses aspects positifs ni
l'approuver globalement ou dans le détail. Il me revient donc d'attirer
l'attention sur certains points, sur divers retards et difficultés de la
professionnalisation, et de vous interroger, monsieur le ministre.
La présentation de l'ensemble du budget de la défense que vient de faire M.
Maurice Blin ne vous permet plus de douter des difficultés du titre III, qui
n'a pas bénéficié, lui, de l'effet « révision des programmes ». Pour cette
raison, en francs constants, ses crédits diminuent.
Pourtant, ce titre est constitué à près de 80 % de dépenses de rémunérations
et de charges sociales inéluctables et dont la propension à augmenter est
forte. En effet, ce sont les faibles rémunérations qui bénéficient des plus
fortes augmentations dans la fonction publique ; or les soldes des nouveaux
militaires du rang engagés sont dans ce cas. Les crédits des rémunérations et
des charges sociales, les RCS, augmentent ainsi de 2,6 %, mais,
corrélativement, les crédits de fonctionnement diminuent de 9 %. Ramenée à
seulement 20 % du titre III, cette baisse peut sembler minime. Elle risque
pourtant, nous le verrons, d'avoir un effet négatif sur la réussite de la
professionnalisation.
Au-delà de ces chiffres, permettez-moi, monsieur le ministre, de souligner
plusieurs problèmes touchant aux effectifs et à la « civilisation » des emplois
tenus par les appelés.
Dans toutes les armées, le recrutement des emplois civils autorisés
budgétairement doit être assuré en priorité par les personnels provenant des
sureffectifs de la DGA.
Or si, en gros, la première année, certains recrutements ont été relativement
faciles et satisfaisants, vous savez que, dès la deuxième année, de très
grandes difficultés sont apparues.
De nombreux emplois ne sont pas pourvus. Ainsi, dans la marine, 17 % des
emplois de restauration ne le seront pas à la fin de 1998, car la DCN n'en
dispose pas.
Monsieur le ministre, autoriserez-vous des embauches directes hors DCN si des
besoins se font sentir ?
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je l'ai fait cette année.
M. François Trucy,
rapporteur spécial.
Si le passage obligé par la résorption des
sureffectifs de la DGA est une exigence tout à fait légitime, que l'on se place
du point de vue du Gouvernement ou de celui des intéressés, l'application est
extrêmement difficile et le transfert du personnel civil de la DGA vers les
armées ne se déroule pas de façon satisfaisane. Il n'y a guère de chance que
les choses s'améliorent.
Déjà plus de 5 000 emplois sont vacants, et ce, d'une part, parce que la
mobilité n'est imposée à personne - à la direction du commissariat de
Rambouillet, personne n'a accepté de se déplacer - d'autre part, parce que
offres et demandes ne coïncident pas souvent.
C'est ainsi qu'à la direction centrale des transmissions de l'électronique et
de l'informatique de l'armée de terre on note de très grandes difficultés à se
procurer des ouvriers d'Etat et des techniciens provenant dessureffectifs.
En outre, dans ces spécialités, il faut ajouter les délais de formation, à
savoir deux ans pour un inspecteur, un an pour un contrôleur et six mois pour
un ATE.
La conséquence est, pour l'instant, une baisse de la qualité et, face à
l'explosion du nombre des sites informatiques, d'importants retards de mise en
service des nouveaux matériels.
La « civilisation » des postes connaît nombre de difficultés et si, en 1998,
le recrutement de 700 engagés volontaires de l'armée de terre, EVAT, sera
atteint, ce sera essentiellement dans le domaine des télécommunications et non
dans celui de l'informatique.
D'autres problèmes se posent.
Les armées, pour pourvoir les postes de chauffeurs, n'utilisaient aucun civil.
Elles recouraient uniquement a des appelés. Or la législation du travail pour
les chauffeurs est très contraignante ; pour un poste fonctionnel, il faudra
donc, à terme, deux emplois budgétaires. La correspondance nombre pour nombre
n'existe pas dans ce cas, et ce n'est, bien sûr, pas le seul !
Quoi qu'il en soit, le verrou des sureffectifs de la DGA devra sauter, au
moins partiellement. Sinon, ce sont des combattants que l'on continuera à
affecter sur ces postes « civils », et la capacité opérationnelle, dès lors, en
sera diminuée.
Dans de telles conditions, l'objectif de porter à 83 000 ces personnels en
l'an 2000, soit, à cette date, à 20 % des effectifs de la défense, sera-t-il
tenu ?
Un effet de la situation de sous-effectifs en emplois civils est de conduire
les armées, les unités, les établissements, les hôpitaux à avoir recours à la
sous-traitance. Nous reviendrons sur ce sujet.
Venons-en aux effectifs militaires.
Les marins, sur le terrain, sont perplexes sur l'aptitude des engagés de
courte durée à tenir une place dans les unités de protection.
Pour la force d'action navale, la FAN, on compte 25 % d'échecs dans ces
recrutements. C'est beaucoup, mais c'est compréhensible, si l'on examine avec
attention la nature des effectifs qui sont proposés à la marine par les
missions locales d'insertion.
Ces recrues posent de gros problèmes ; les efforts d'intégration et de
surveillance réclamés à l'encadrement sont considérables. Pourtant, les métiers
concernés sont à risque : protection-défense, manoeuvres sur les ponts d'envol
du porte-avion. Avec les appelés, les résultats étaient deux fois meilleurs
qu'avec les engagés de courte durée jusqu'à présent. La situation n'est pas
bonne ; perdurera-t-elle ?
S'agissant des effectifs de la gendarmerie et de leur apparente augmentation,
puisque l'on passe de 12 000 gendarmes auxiliaires à 16 000 volontaires, ce qui
est bien sur le papier, a-t-on, monsieur le ministre, attiré votre attention
sur le fait qu'un appelé bénéficiait de treize jours de permission pour dix
mois de service et qu'un engagé disposera, lui, de quarante-cinq jours,
auxquels s'ajouteront les quartiers libres, les repos hebdomadaires et les
congés de reconversion ?
Pensez-vous, dans de telles conditions, que l'augmentation des effectifs
donnera un réel gain de disponibilité dans la gendarmerie ?
De nombreux sénateurs interviendront, à coup sûr, pour développer le problème
des reports d'incorporation pour les contrats à durée déterminée et les
contrats à durée indéterminée. Je n'ai donc pas besoin d'insister ici pour
souligner que, au-delà du souci social qui a animé le président de la
commission de la défense de l'Assemblée nationale, sur le terrain, cette
disposition a incontestablement des effets destructeurs.
En cas de fonte de ces effectifs, Bercy augmentera-t-il les crédits pour les
engagés ? Pouvez-vous obtenir cela monsieur le ministre ?
Comment pourra-t-on décemment continuer d'imposer aux armées d'alimenter en
hommes un plan Vigipirate que nul ne prend le risque de supprimer ou d'alléger
?
La France pourra-t-elle continuer à participer aux opérations extérieures
réclamées par la géopolitique internationale ?
La loi sur les réserves, attendue impatiemment, apportera-t-elle quelques
réponses à ces problèmes ?
Nous avions dit que nous reviendrions sur le problème du recours à la
sous-traitance.
Dans chaque armée, de grands services sont contraints à la sous-traitance à
cause de leurs déficits en personnels civils.
L'armée de terre a 3 000 emplois vacants.
La marine ne peut plus totalement assurer, avec ses propres effectifs, la
restauration, les espaces verts, le nettoiement, voire ses propres
transports.
Le service de santé des armées a un déficit de 1095 postes, dont 860 ouvriers
para-médicaux ou non. Pour lui, la sous-traitance représente déjà 26 % des
frais de fonctionnement.
S'il est pratique, ce procédé est coûteux, plus coûteux que le travail des
appelés, mais aussi davantage que celui des militaires professionnels, car
l'entreprise compte ses frais, sa marge bénéficiaire et une TVA à 20,6 % non
récupérable. Le financement de la sous-traitance ne peut être assuré que par le
budget de fonctionnement hors rémunérations et charges sociales, sans
possibilité d'effectuer des virements de crédits du compte des RCS à ceux du
budget de fonctionnement. Monsieur le ministre, si ces situations de
sous-effectifs perdurent, autoriserez-vous les virements de crédits pour
limiter les surcoûts de la sous-traitance ?
En effet, les crédits de fonctionnement sont écrasés par les RCS. Cette
situation a des conséquences très négatives sur les conditions de vie, de
travail et d'entraînement des militaires.
C'est ainsi que les conditions de vie se dégradent dans de nombreux sites.
Dans les unités militaires, elles sont austères car la nécessité de réaliser
des économies s'impose.
Les locaux sont souvent mal chauffés, leur entretien est insuffisant. Que
dire, surtout, de la lenteur de leur nécessaire adaptation aux besoins des
militaires de rang professionnel.
C'est par exemple le cas des besoins en logements adaptés.
La gendarmerie n'a pas les moyens en budget de fonctionnement de créer ou
d'améliorer des logements corrects, attractifs et, surtout, conformes aux
textes pour les futurs volontaires appelés « gendarmes adjoints ».
Si ces efforts de déploiements ou d'armélioration des logements sont réalisés
par les propriétaires civils, ils entraînent des augmentations de loyers et des
dépassements de crédits dans le budget de fonctionnement.
Or l'attractivité de l'engagement dans la gendarmerie ou dans d'autres corps
en souffre, c'est clair : là où le service national apportait un gendarme
auxiliaire de passage et peu exigeant, il faut maintenant attirer au service un
gendarme adjoint qui formule d'autres prétentions.
Monsieur le ministre, de l'avis de la commission des finances, les crédits de
fonctionnement ont été beaucoup trop réduits.
Pour l'armée de l'air, le déficit annoncé pour 1998 serait de 193 millions de
francs ; or, souvent, les frais de déplacement ne sont pas payés.
Dans la mesure où le coût de fonctionnement par individu de cette armée est,
selon cette dernière, le plus faible de la défense, cette mesure est mal
acceptée.
Le service de santé des armées souffrira d'une réduction de ses crédits de
fonctionnement de 173 millions de francs en 1999.
Pour ce service, à notre avis, permettez-moi de le dire, cette réduction est
très supérieure à celle qui pouvait raisonnablement résulter de la fermeture de
certains établissements hospitaliers militaires et de la réduction générale des
forces.
Par ailleurs, des réductions de crédits influent de manière draconienne sur
les activités, l'entraînement et l'entretien. Ce point est peut être encore
plus préoccupant.
Loin de voir les taux d'activité des armées retrouver leur meilleur niveau,
force est de constater qu'ils continueront à se dégrader en 1999.
L'armée de terre passera à soixante-huit jours d'activité au lieu de cent,
dont seulement la moitié avec le matériel organique.
Des déplacements dans les camps de manoeuvre, des exercices avec des unités
étrangères devront être annulés.
Dans cette arme, le partage des déplacements outre-mer entre les troupes de
marine et la Légion étrangère, d'une part, et les autres armes, d'autre part,
aboutit à ce que les premières perdent une partie de leur expertise, sans que
les secondes accroissent véritablement leur compétence.
La marine tombera à moins de quatre-vingt-dix jours de mer.
Seule l'armée de l'air maintiendra son activité aérienne à cent quatre-vingts
heures.
De même, l'entretien du matériel souffre de cette situation dans des
proportions comparables.
Je vous signale en outre, monsieur le ministre, quelques effets surprenants de
la dissolution de certains régiments.
Le 11e régiment de cuirassés de Carpiagne, qui est une très importante unité,
recevra ses chars Leclerc en 2001, mais il gère dès aujourd'hui un parc blindé
gonflé de la livraison de tout le matériel du 3e dragon qui a été dissous.
Ce matériel largement excédentaire par rapport aux besoins crée un surcroît de
travail et de dépenses et accroît la consommation de carburant. C'est le même
cas de figure, par exemple, au 17e régiment de génie parachutiste de
Montauban.
Un peu partout, trop souvent, le travail d'entretien ne peut s'exécuter de
façon satisfaisante. Le matériel reste longtemps indisponible, car les
magasiniers sont contraints de substituer des « bons à valoirs » aux pièces de
rechanges, qui manquent sur les étagères et dont le réapprovisionnement ne peut
être effectif qu'après un long délai.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d'ajouter quelques mots sur le service
santé des armées.
Il affronte une déflation structurelle, je dirai naturelle, due à la
disparition des appelés, mais aussi au faible rendement du recrutement latéral
et des officiers de réserve servant en situation d'activité, les ORSA.
Le déficit de quatre-vingt-deux postes de médecins dans les unités se
prolongera jusqu'en 2015. Pourtant, le service de santé des armées doit veiller
à remplir les conditions, qui sont draconiennes pour ce qui concerne les moyens
en personnels, des accréditations qui s'imposent aux établissements
hospitaliers militaires comme aux établissements civils.
Par ailleurs, le décret réglant le recrutement des cinquante-six dentistes
professionnels qui doivent remplacer les deux cent trente appelés ne peut
entrer en vigueur car les limites d'âge de ce futur corps doivent être fixées
par la loi.
Monsieur le ministre, la loi sur les réserves prévoit-elle, comme on nous l'a
dit, un article qui règlerait cette situation particulière ?
Enfin, la trésorerie du service de santé des armées a été réduite à néant par
un abaissement, à notre avis excessif, des prix de journée.
Monsieur le ministre, pouvez-vous tenter de reconstituer ce volant de
trésorerie, parce qu'il est indispensable pour assurer les démarrages de début
d'année ?
De ces remarques, il ressort à nos yeux que la réforme des armées est
fragilisée sur plusieurs points essentiels : le personnel civil, la réduction
plus rapide que prévue du nombre des appelés, l'incertitude sur le
volontariat.
Monsieur le ministre, si je me trompe en disant cela, tant mieux pour les
armées. Si ce n'est pas le cas, faisons tout pour corriger. La réussite de la
professionnalisation est loin d'être acquise.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le rapporteur, c'est la conséquence de
votre vote en faveur de la professionnalisation !
M. François Trucy,
rapporteur spécial.
Certes, si ce n'est que, dans le détail,...
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Vous pouviez y songer dès ce moment-là ! Si vous
vous êtes trompé, c'est par deux fois !
M. François Trucy,
rapporteur spécial.
On peut se tromper en théorie - encore que ce ne soit
pas notre sentiment. En revanche, la cible de mon propos, c'est l'application
sur le terrain.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
La loi de programmation portait en elle
l'ensemble de ces conséquences !
M. François Trucy,
rapporteur spécial.
Certes, mais pas sur le terrain et dans tous les
détails. Or les détails sont aussi importants au niveau de ceux qui les
appliquent que les règles générales au niveau de ceux qui les votent !
La réussite de la professionnalisation est loin d'être acquise et je suis sûr
que vous êtes d'accord avec moi sur ce sujet. Par ailleurs, la diminution
continue des crédits de fonctionnement - comment ne seriez-vous pas d'accord
également sur ce point, monsieur le ministre ? - réduit de manière préoccupante
les activités, qui deviennent inférieures pour l'armée professionnelle à ce
qu'elles étaient pour l'armée mixte. Cela n'était peut-être pas prévisible pour
ceux qui ont légiféré.
Les militaires participent à la professionnalisation de leurs armées
respectives sans état d'âme. Cependant, le risque est grand que la
professionnalisation telle qu'elle est actuellement menée conduise à une armée
de métier - peut-être provisoirement - paradoxalement moins bien entraînée, ou
confinée plus longtemps dans ces casernements, ses ports ou ses bases parce que
des réductions interviennent dans tous les domaines.
Etre contraint à l'inactivité que ce soit dans le civil ou dans le militaire
n'a jamais engendré un bon état d'esprit.
Si le Sénat vote le budget de la défense, comme le lui propose la commission
des finances, il faudra interpréter sa décision non pas comme une approbation
globale de ce budget, mais bien comme la seule volonté de ne pas priver nos
armées des crédits dont elles ont besoin et de marquer l'estime et la
considération que tous ici nous ressentons pour les militaires, qui, du haut en
bas de la hiérarchie, et dans ces conditions difficiles, appliquent avec
détermination les décisions du Parlement :
cedant arma togae
.
Encore faut-il - et nous comptons sur vous pour cela, monsieur le ministre -
ne pas franchir la ligne jaune et rétablir dès que possible certains crédits à
leur juste niveau.
Si je dis « nous comptons sur vous », monsieur le ministre, c'est que nous
connaissons votre conviction, votre engagement et la détermination qui conduit
votre action.
Les crédits qui sont mis à votre disposition sont insuffisants dans bien des
secteurs, en particulier pour le titre III. Nous soutiendrons toujours vos
efforts pour les améliorer. Mais dans le cas contraire, monsieur le ministre,
si les années passent sans que la situation change, il faudra que nous ayons
tous le courage et l'honnêteté de réduire le format des armées et, surtout, les
missions que l'on croit devoir leur confier.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Je vais demander à mon collègue M. Gaudin de bien vouloir me remplacer pour
quelques minutes.
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Jean Faure au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Faure, rapporteur pour avis.
M. Jean Faure,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour le nucléaire, l'espace et les services communs.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits
du nucléaire, de l'espace et des services communs regroupés dans l'ancienne
section commune atteindront près de 49 milliards de francs en 1999. Ils
évolueront, globalement, comme les autres crédits de la défense, avec une
stabilité du titre III, combinant une hausse des rémunérations et des charges
sociales et une forte diminution des dépenses de fonctionnement courant, et des
crédits d'équipement qui retrouvent, après le recul de 1998, un niveau plus
satisfaisant et conforme aux choix opérés lors de la « revue de programmes
».
J'évoquerai tout d'abord la délégation générale pour l'armement, à propos de
laquelle la commission des affaires étrangères et de la défense a enregistré
certaines évolutions positives.
Des résultats significatifs ont été obtenus dans la réduction du coût des
programmes d'armement grâce à plusieurs types de mesures, allant de la
simplification des programmes au développement de nouveaux modes d'acquisition.
La procédure des commandes pluriannuelles devrait pouvoir contribuer plus
largement à cet effort. Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le point sur
les programmes qui, après les premiers jalons posés en 1997, pourront
bénéficier de cette procédure cette année et en 1999 ?
Un pas important a été franchi le 9 septembre dernier avec la signature de la
convention donnant une base juridique à l'Organisation conjointe de coopération
en matière d'armement, l'OCCAR. Ici encore, pouvez-vous préciser quels effets
concrets nous pouvons attendre de cette avancée sur les programmes conduits en
coopération et qui seront confiés à cet organisme ?
Moins positive est notre appréciation sur l'évolution de la direction des
constructions navales, la DCN. Malgré la très forte réduction des effectifs
engagée depuis deux ans, les mesures d'adaptation fondées sur le dégagement des
cadres et des mutations volontaires voient désormais leurs effets s'atténuer,
si bien que l'on perçoit mal comment la direction pourra réussir à rallier au
plus vite le format qui la rendrait compétitive.
Certes, d'importants succès à l'exportation ont été enregistrés en 1997 ;
mais, dès cette année, le marché s'est contracté. Quant à la diversification,
elle doit être poursuivie et encouragée, mais elle n'est pas, pour l'instant,
en mesure de fournir un apport significatif.
Notre inquiétude porte également sur la capacité de la DCN à rénover
profondément et rapidement ses modes de gestion, dont l'inadaptation a été mise
en lumière, en particulier lors de l'attribution de récents marchés de
réparation. Vous devez voir à quoi je fais allusion, monsieur le ministre. Nous
souhaiterions savoir sur ce point, ce que l'on peut attendre du plan
d'entreprise qui vous sera soumis.
J'en arrive au deuxième point de mon rapport, le renseignement.
Le projet de budget pour 1999 a le mérite de traduire très concrètement la
priorité reconnue au renforcement des moyens matériels et humains des services
de renseignement. Le budget de la DGSE, la direction générale de la sécurité
extérieure, progressera de 12 % et celui de la direction du renseignement
militaire de 25 %. Ces dotations permettront d'augmenter les effectifs au
rythme prévu, tout en rattrapant le retard pris l'an passé sur l'équipement et
les matériels.
Au-delà des aspects budgétaires, notre commission demeure préoccupée par la
question d'une meilleure implication éventuelle du Parlement dans le domaine du
renseignement, question qu'elle entend aborder de manière prudente et
pragmatique. Je pense que M. de Villepin y reviendra tout à l'heure.
J'ai précisé dans mon rapport écrit les grandes lignes qui, à notre avis et en
l'état actuel de nos réflexions, pourraient inspirer une éventuelle future
structure parlementaire pour les questions de renseignement, en insistant sur
le climat de confiance qu'il conviendrait d'assurer, ce qui suppose, me
semble-t-il, un effectif restreint, des attributions bien définies et un strict
respect des règles de confidentialité. Pourriez-vous, monsieur le ministre,
nous faire part des réflexions en cours au sein du Gouvernement dans ce domaine
?
J'en viens maintenant aux programmes spatiaux militaires, qui constituent
l'une des sources de déception majeure de ce budget même s'il ne s'agit que
d'une demi-surprise tant étaient perceptibles les difficultés de la coopération
européenne en la matière.
Les défections britannique, sur le programme de télécommunications, et
allemande, sur les programmes d'observation Hélios II et Horus, montrent que
nos partenaires ne partagent guère l'ambition française d'édifier une Europe
spatiale militaire, véritable outil de l'autonomie stratégique d'une future
Europe de la défense.
Dans un domaine où s'exerce pleinement la domination américaine, la France
paraît aujourd'hui bien isolée et ne pourra, dans l'immédiat, atteindre les
objectifs qu'elle s'était fixés.
Le budget spatial militaire traduit cet écart croissant entre les ambitions et
les réalisations. Il diminuera de 16 % en 1999, du fait notamment de l'abandon
du programme Horus. Nous serons très loin de l'enveloppe financière prévue par
la loi de programmation.
Je terminerai mon intervention en évoquant la dissuasion nucléaire, qui a été
affectée l'an passé par une « encoche » de 2,3 milliards de francs,
représentant 12 % de la dotation prévue par la loi de programmation.
La « revue de programmes » vient à son tour d'arrêter un ensemble d'économies
s'élevant à 3,4 milliards de francs sur la période 1999-2002.
Une part importante de ces économies provient du réaménagement du calendrier
d'équipement de la force océanique stratégique et de la simplification du
programme M 51. Il s'agit là d'une décision cohérente, qui permettra de
surcroît d'équiper deux années plus tôt que prévu nos sous-marins nucléaires du
futur missile stratégique M 51.
Je serai moins positif sur la nouvelle réduction des crédits de maintien en
condition opérationnelle, la réduction de 20 % des crédits d'études-amont, qui
me semble inquiétante pour l'avenir, ou encore la diminution des crédits de la
direction des applications militaires du CEA.
Certes, les programmes majeurs sont préservés, qu'il s'agisse de la
modernisation des composantes océanique et aéroportée ou du programme de
simulation. Pour autant, la forte contraction des crédits depuis 1998 a réduit
les marges sur tout un ensemble d'actions non immédiatement prioritaires, mais
pourtant nécessaires.
Non seulement le nucléaire ne bénéficiera pas de la progression des crédits
d'équipement constatée dans les autres secteurs de la défense, mais, avec le
budget 1999, sa dotation demeurera à un niveau historiquement bas, de 16,6
milliards de francs, inférieur de moitié en francs constants à celui de
1992.
L'actualité internationale, qu'il s'agisse des essais indiens et pakistanais,
des difficultés du processus Start 2 ou de la permanence des risques liés à la
prolifération, a démontré qu'un déclin rapide du nucléaire dans les questions
stratégiques internationales n'était pas encore à l'ordre du jour.
Aussi voudrions-nous être assurés que l'étiage désormais atteint par les
crédits de la dissuasion nucléaire ne remet nullement en cause la place de
celle-ci comme élément central de notre stratégie de défense.
En conclusion, malgré des lacunes, des imperfections et plusieurs motifs
d'inquiétude, le projet de budget pour 1999 inverse partiellement la tendance
de l'an passé. Dans la mesure où il accompagne la mise en oeuvre de la réforme
des armées définie en 1996, sans remettre en cause fondamentalement ses
objectifs et les étapes essentielles de son calendrier, la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis
favorable sur le projet de budget de la défense pour 1999.
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
(M. Jean Faure remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Paul Masson, rapporteur pour avis.
M. Paul Masson,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour la section Gendarmerie.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, personne ne conteste que la
gendarmerie entre dans une période d'ajustement difficile pour elle et pour
ceux qui en ont la charge. Je crois que c'est sous cet éclairage qu'il faut
examiner aujourd'hui votre projet de budget.
Je n'entrerai pas dans une analyse détaillée ; nos excellents collègues
rapporteurs spéciaux de la commission des finances l'ont fait. J'observe, sur
deux points particuliers, des difficultés inhérentes au dispositif que vous
proposez.
La dotation de fonctionnement courant du budget de la gendarmerie a été
réduite. On souhaite savoir exactement pourquoi, sauf si l'on se réfère à la
mécanique habituelle des services du budget qui ampute systématiquement un
certain nombre de dépenses courantes.
L'essentiel de l'économie réalisée est minime : 60 millions de francs. Mais
cette économie est douloureuse quand on est en situation d'étiage. De plus,
elle ne s'explique pas. En effet, elle est paradoxale au moment où le format de
la gendarmerie s'accroît - on va y revenir - et alors que son redéploiement est
à l'ordre du jour. Sur ce point, monsieur le ministre, pouvez-vous nous
indiquer si vous espérez une solution de rattrapage ? Le collectif de fin
d'année ne permettrait-il pas des dotations supplémentaires ? Elles seraient,
je crois, fort bienvenues. Peut-être nous répondrez-vous à cet égard tout à
l'heure.
Mon deuxième sujet de préoccupation concerne le titre VI.
La subvention allouée aux collectivités locales pour la construction des
logements et des locaux ne répond qu'à la moitié des besoins. Comme souvent
dans de telles situations, le Gouvernement suggère aux collectivités de faire
un effort supplémentaire. Notre Haute Assemblée a bien voulu attirer
l'attention du Gouvernement sur cette situation puisque, vous le savez, nous
avons adopté par voie d'amendement, sur les recettes, une disposition qui
ramènerait au taux de 5,5 % la TVA perçue sur les constructions et
réhabilitations de gendarmeries réalisées par les collectivités.
Je sais très bien ce que vous pensez de cette disposition, monsieur le
ministre, mais percevez-la comme un appel au Gouvernement et comme une volonté
d'attirer l'attention personnelle du ministre de la défense, plutôt que comme
une disposition qui nous paraîtrait tout à fait pérenne.
Mon propos portera, pour le reste, sur le contexte général dans lequel
s'inscrit aujourd'hui votre projet de budget. Nous sommes, en effet, au point
de départ de deux évolutions importantes pour la gendarmerie.
Il s'agit, d'une part, du recrutement des « volontaires » - notre excellent
collègue François Trucy en a parlé à l'instant - qui se substitueront
progressivement aux appelés et constitueront la seule ressource supplémentaire
dont disposera la gendarmerie sur la période de la loi de programmation.
Il s'agit, d'autre part, de ce fameux redéploiement du dispositif territorial
de la gendarmerie, qui suscite, vous le savez mieux que moi, monsieur le
ministre, quelque émotion sur le territoire.
S'agissant du recrutement des volontaires, je tiens à souligner les risques de
cette opération, que vous connaissez parfaitement. En 2002, 16 200 volontaires
- c'est tout de même ce qui est programmé - auront remplacé 12 000 gendarmes
auxiliaires. Il y a là un enjeu capital pour la gendarmerie. Ce recrutement
doit réussir, et vous en êtes bien conscient. Or il s'engage, il faut le
constater, dans un contexte incertain, et ce pour deux raisons.
D'une part, le volontariat renouvelable chaque année se développe en
concurrence avec d'autres formules mises en place par le Gouvernement au titre
du dispositif des emplois-jeunes. Citons, par exemple, les adjoints de sécurité
recrutés par la police nationale ou les agents locaux de médiation recrutés par
les collectivités.
D'autre part, ce volontariat suppose un certain nombre de contraintes
inhérentes à l'Arme, à savoir une affectation géographique à prédominance
rurale - ce qui peut ne pas forcément enthousiasmer les jeunes - un hébergement
en caserne - qui ne s'accorde guère avec les aspirations des candidats mariés
ou en instance de l'être et, enfin, une solde mensuelle des volontaires qui
n'est pas très motivante, il faut bien le reconnaître, par rapport à la «
concurrence ». Le décret du 24 novembre et l'arrêté du même jour décidant de
l'attribution d'une indemnité fixée à 13,7 % du traitement ne sont pas,
semble-t-il, incitatifs jusqu'aux grades de maréchal des logis et
d'aspirant.
Je suis certain, monsieur le ministre, que vos grands subordonnés ne devront
pas tarder à vous alerter sur les difficultés de recrutement qu'ils vont
connaître et qui ne pourraient se prolonger sans compromettre l'évolution de
l'Arme.
Permettez-moi de vous demander, monsieur le ministre, si des mesures
complémentaires sont envisagées. Permettez-moi aussi de profiter de cette
occasion pour vous demander de nous confirmer que les 800 volontaires recrutés
au second semestre de 1998 ne seront pas prélevés sur le contingent de 3 000
volontaires prévu en 1999.
La deuxième évolution majeure par laquelle je voudrais terminer ma brève
intervention concerne l'aménagement du dispositif territorial de la
gendarmerie. J'évoque assez longuement ce sujet dans l'avis que j'ai présenté
au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense. Je ne
préciserai donc ici que deux points. Mais comme nous allons nous retrouver
certainement sur ce dossier au cours de l'année 1999, je souhaite que les
positions du rapporteur soient bien claires.
Premièrement, il n'est pas question, dans mon esprit de remettre en cause la
nécessité d'adapter les effectifs de nos forces aux réalités de la
délinquance.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Très bien !
M. Paul Masson,
rapporteur pour avis.
La répartition des circonscriptions entre forces de
police et forces de gendarmerie n'est pas intangible ; elle ne l'a jamais été
et ne le sera jamais.
De même, il ne doit pas y avoir de logique propre à chacune des
administrations responsables de l'ordre public. Il s'agit d'une politique
gouvernementale globale à mettre en oeuvre en fonction d'objectifs
d'aménagement du territoire et, surtout, en considération essentielle de la
sécurité des gens. Il ne peut y avoir en cette matière ni privilège de
boutique, je le dis comme je le pense, ni privilège acquis.
M. Christian de La Malène.
Très bien !
M. Paul Masson,
rapporteur pour avis.
En revanche, je dois dire également avec la même
clarté, monsieur le ministre, que la méthode choisie ne me semble pas très
heureuse, tout au moins si l'on se réfère aux réactions enregistrées sur
l'ensemble du territoire national.
Après un conseil de sécurité intérieure qui s'est réuni le 27 avril dernier et
à partir des excellentes conclusions de la mission de MM. Hyest et Carraz, vos
administrations ont préparé une liste des brigades dont la suppression est
envisagée. Les préfets ont, selon les ordres reçus, présenté ces listes aux
intéressés - cela au terme d'une procédure qui, sans dialogue, a mis chacun
devant le fait accompli. Les préfets ont fait de même pour les commissariats.
Beaucoup de gens, et parmi eux un certain nombre de maire, ont appris par les
journaux que leur brigade serait supprimée. Vous imaginez l'émoi !
M. Jean-Claude Gaudin,
rapporteur pour avis.
Et tout cela en pleine campagne des sénatoriales
!
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Cela n'a pas changé grand-chose !
M. Paul Masson,
rapporteur pour avis.
Dans ce domaine particulièrement sensible, les
décisions ne sauraient reposer sur les seules statistiques des crimes et des
délits. Bien d'autres facteurs sont à prendre en compte : les évolutions
démographiques, bien sûr, et notamment l'accroissement prévisible de la
population dans certains cantons ; les investissements récents des
collectivités pour des infractructures qu'il revient à l'Etat de payer ; la
sécurité d'un espace territorial qui, même sans population, ou avec une
population faible, ne peut pas rester vide de toute surveillance. En un mot,
tout cela relève d'une concertation forte menée à la base et qui prend en
compte chaque situation locale.
C'est une procédure longue et peut-être fastidieuse, mais la France est ainsi
faite que rien de ce qui touche à la vie quotidienne et à la sécurité des gens
ne peut se faire d'en haut et par des décisions issues de la simple analyse
statistique si fondées fussent-elles.
Le Premier ministre a parfaitement perçu le malaise qui s'est vite emparé des
maires lorsque, le 17 novembre, il a déclaré devant le congrès des maires réuni
à Versailles : « la concertation sera aussi profonde que nécessaire. Les listes
qui ont été communiquées ne sont qu'indicatives... Aucune décision n'est
arrêtée. » Le Sénat ne saurait, vous vous en doutez, monsieur le ministre, se
désintéresser de cette affaire.
M. Jean-Claude Gaudin.
Et c'est tant mieux !
M. Paul Masson,
rapporteur pour avis.
C'est pourquoi j'ai proposé à la commission de la
défense, qui a bien voulu me suivre, qu'un débat sur le thème du redéploiement
puisse être organisé, spécifique et complet, au début de l'année prochaine. Je
pense qu'une forte participation sera assurée dans cette Haute Assemblée.
M. Christian de La Malène.
Très bien !
M. Paul Masson,
rapporteur pour avis.
Telles sont, monsieur le ministre, les observations
que m'inspire votre budget.
Ma conclusion sera brève. Une extrême vigilance s'impose dans les mois à venir
sur la mise en place des réformes très importantes que vous engagez et sur les
conditions d'exécution d'un budget évalué au plus juste et qui pourrait être la
première victime des aléas de la conjoncture si, comme on peut le craindre, les
prévisions sur lesquelles le budget national a été calculé ne sont pas au
rendez-vous.
Ces réserves étant formulées, je vous propose d'adopter les crédits de la
gendarmerie au sein du projet de budget de la défense pour 1999 parce que le
minimum requis pour le bon fonctionnement de l'Arme a été maintenu.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Vinçon, rapporteur pour avis.
M. Serge Vinçon,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour la section Forces terrestres.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, conformément à la
présentation du budget de la défense retenue par notre commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées, je consacrerai mon propos à la
dotation destinée aux forces terrestres au sein du projet de budget de la
défense pour 1999.
L'analyse de cette dotation me conduit tout naturellement à présenter un bilan
des mutations en cours dans l'armée de terre depuis 1997 dans le cadre de la
professionnalisation et de la restructuration de l'implantation territoriale
des forces terrestres.
Ces réformes visent à permettre à l'armée de terre de remplir le « contrat
opérationnel » qui lui a été fixé à la veille de la mise en oeuvre de la
programmation militaire et qui consiste à privilégier la projection, le cas
échéant dans un cadre multinational. La nécessité de disposer de forces de
projection immédiatement disponibles, opérationnelles, cohérentes et modernes,
qui sous-tend la professionnalisation - j'y reviendrai dans un instant - se
trouve également à l'origine des restructurations en cours.
Celles-ci sont en effet destinées à passer d'un système de grandes unités,
constituées de manière permanente dès le temps de paix, à un dispositif au
format réduit, fondé sur des structures opérationnelles modulaires, conçues en
fonction de circonstances.
Les restructurations effectuées de 1997 à 2002 conduiront donc, à la fin de la
période de transition, à une concentration très importante des forces
terrestres. Au total, entre 1997 et 1999, l'armée de terre aura dissous 110
formations et organismes. Elle aura également procédé au transfert de 196
organismes.
Nous connaissons tous, en tant qu'élus locaux, les difficultés économiques et
sociales causées dans nos communes par le départ d'un régiment ou d'un
établissement militaire. Mais nous devons aussi en être conscients, la
dissolution d'un régiment est vécue comme une épreuve morale par les
militaires, et je tiens, au nom de la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées à leur rendre hommage.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Très bien !
M. Serge Vinçon,
rapporteur pour avis.
En ce qui concerne la professionnalisation, l'année
1999 marquera une étape décisive. En effet, les effectifs de l'armée de terre
se situeront, à la fin de 1999, à mi-parcours des objectifs définis pour la fin
de la période de transition.
En ce qui concerne la réforme du service national, l'année 1999 sera une étape
symbolique, avec l'arrivée dans l'armée de terre des 1 335 premiers
volontaires.
Quel bilan peut-on tirer des deux premières années de la professionnalisation
et des perspectives d'ores et déjà prévisibles pour 1999 ?
Ce bilan est, comme vous pouvez l'imaginer, en demi-teinte.
Les aspects positifs sont probablement une déflation équilibrée et bien
conduite des effectifs d'officiers et de sous-officiers.
Les recrutements de militaires du rang engagés se déroulent de manière telle
qu'ils autorisent un certain optimisme, car on pouvait douter de la capacité de
l'armée de terre à recruter chaque année entre 8 000 et 9 000 engagés, alors
que les besoins se limitaient à 3 000 en 1994 et à 5 000 en 1995.
En revanche, un aspect fondamental de la professionnalisation me paraît
appeler les plus extrêmes réserves : il s'agit de l'insuffisante montée en
puissance de personnels civils, qui pourrait altérer le processus de
professionnalisation si elle contraignait l'armée de terre à affecter des
militaires du rang engagés à des fonctions de soutien, alors même que les
militaires devraient pouvoir se consacrer à des missions opérationnelles.
Autre sujet de préoccupation pendant la période de transition : le déficit en
appelés, qui tient non seulement à la libéralisation des reports pour étude et
pour formation professionnelle, mais aussi aux nouveaux reports destinés aux
titulaires d'un contrat de travail.
Si l'on peut donc, à ce jour, présenter un bilan positif de la
professionnalisation, les éléments de vulnérabilité d'ores et déjà perceptibles
dans sa mise en oeuvre paraissent pouvoir inspirer une certaine inquiétude sur
la poursuite du processus.
En ce qui concerne le projet de dotation des forces terrestres pour 1999, il
convient de souligner que l'augmentation prévue au cours du prochain exercice
permettra, dans une certaine mesure, de « lisser » les diminutions constatées
en 1998.
L'augmentation des crédits d'équipement des forces terrestres - de 6,5 % en
francs courants - traduit ainsi une certaine stabilisation du titre V, dans la
logique définie par la « revue de programmes » plutôt qu'un réel effort.
Rappelons que, pour l'armée de terre, les économies décidées dans le cadre de
la « revue de programmes » conduiront notamment à l'abandon du missile antichar
longue portée de troisième génération, destiné à équiper l'hélicoptère Tigre,
et à des prélèvements sur les infrastructures.
Je relèverai aussi que la « revue de programmes » revient à mettre en cause
les engagements souscrits dans le cadre de la loi de programmation 1997-2002,
sans recourir à une nouvelle loi, et donc sans requérir l'approbation du
Parlement, ce que je regrette vivement.
Je me permets de renvoyer à mon rapport écrit pour le commentaire détaillé des
crédits d'équipement des forces terrestres, me bornant aujourd'hui à déplorer
les économies réalisées sur des postes où les besoins sont importants et, plus
particulièrement, sur l'entretien programmé des matériels et les
infrastructures.
S'agissant des moyens de fonctionnement, leur stabilité en 1999 par rapport à
1998 recouvre de très importantes difficultés. Les dépenses de rémunérations et
de charges sociales atteindront, en 1999, 80 % du titre III de l'armée de
terre. En conséquence, les autres postes du titre III subissent des économies
souvent plus importantes que les économies liées à la réduction du format.
Ainsi, la baisse des objectifs d'activité des forces prévue pour 1999 paraît de
nature à affecter, à terme, tant le moral des personnels que les capacités
opérationnelles des unités, ce qui n'est pas sans poser quelques problèmes pour
une armée professionnelle.
Les tensions constatées sur le titre III invitent à douter de la possibilité
de conduire la professionnalisation sans actualiser, au moins de manière
transitoire, les dépenses de fonctionnement. En effet, le pari consistant à
réaliser la professionnalisation à titre III inchangé, qui sous-tendait la
programmation, aurait pu être gagné si l'équilibre du titre III n'avait pas été
altéré par les hypothèses ultérieurement retenues, notamment en matière de
rémunérations.
Il faut souligner que le titre III de l'armée de terre doit financer les
charges induites par la professionnalisation, tout en continuant à faire face
aux dépenses d'une armée qui demeurera mixte jusqu'en 2002.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées
propose, en adoptant le projet de budget de la défense pour 1999, de donner
acte au Gouvernement de la stabilisation des crédits d'équipement en 1999 par
rapport aux prélèvements effectués en 1998, qui ont été vivement dénoncés par
le Président de la République, tout en exprimant de vives réserves quant aux
risques liés à un titre III trop tendu pour que la professionnalisation se
poursuive dans les meilleures conditions.
(Applaudissements sur les travées
du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Gaudin, rapporteur pour avis.
M. Jean-Claude Gaudin,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour la section Air.
Monsieur le président, monsieur
le ministre, mes chers collègues, comme cela été excellement dit, le projet de
loi de finances pour 1999, en ce qui concerne la défense, n'efface pas l' «
encoche » opérée l'an passé sur la dotation « équipements ». Il permet
cependant une légère remontée des ressources par rapport à l'étiage de 1998.
Cette troisième annuité de la programmation militaire, sur le strict plan
budgétaire, n'est donc pas conforme à ce que nous avons voté voilà deux ans.
C'est que, dans l'intervalle, est intervenu l'exercice de la « revue de
programmes », proposé par le Gouvernement et dont les résultats ont été
approuvés par le Président de la République.
Le projet de budget de l'armée de l'air pour 1999 est donc la troisième
annuité d'une programmation révisée, qui entend toutefois confirmer la loi de
1996 dans ses objectifs majeurs.
Pour l'armée de l'air, la « revue de programmes » a conduit à une économie de
3,9 milliards de francs sur quatre ans, grâce aux décisions suivantes : l'arrêt
de la version « interdiction de zone » du programme de missile de croisière
Apache et l'aménagement de cinq programmes ou catégories d'équipements dans
leur échéancier ou dans leur contenu.
A cet égard, le retrait par anticipation en 2001 de deux escadrons Jaguar
pourrait entraîner une réduction temporaire de capacités de notre aviation de
combat. En effet, certaines spécificités techniques du Jaguar ne seront que
progressivement transférées sur les Mirage 2000 D.
S'agissant des données financières pour 1999, le titre III, à structures
constantes, ne progresse globalement que très légèrement, de 0,4 %, pour
s'établir à 15,5 milliards de francs. Il traduit d'ailleurs des évolutions
contraires au sein de ses principales structures : une hausse substantielle des
rémunérations et charges sociales, et une réduction, non moins substantielle,
des crédits de fonctionnement courant par rapport à 1998.
Si une part importante de cette diminution est liée mécaniquement à la
réduction des effectifs induite par la professionnalisation, elle ne s'y limite
pas ; l'armée de l'air, qui a déjà, au sein de chaque base aérienne, effectué
de gros efforts de productivité, devra encore les accroître. Or des limites
existent, d'autant que le recours à la sous-traitance en remplacement des
appelés du contingent pour les activités de soutien requiert une dotation
adaptée qui n'est pas encore au rendez-vous.
Mon rapport écrit précise les conditions dans lesquelles le projet de budget
pour 1999, notamment son titre V, permet à l'armée de l'air de poursuivre la
modernisation de sa flotte, compte tenu des économies réalisées en « revue de
programmes ».
Cette programmation révisée entend confirmer les objectifs majeurs votés par
le Parlement en 1996.
Le premier objectif est de réussir la professionnalisation.
Celle-ci, comme nous l'a expliqué le chef d'état-major, se déroule dans de
bonnes conditions pour l'armée de l'air. Quelque 4 500 MTA - militaires
techniciens de l'air - ont déjà été recrutés depuis deux ans et 2 371 postes
seront ouverts en 1999. Les bases aériennes disposent désormais d'une structure
de commandement adaptée, qui fait une large place à la gestion des personnels,
depuis le recrutement jusqu'à la reconversion des militaires techniciens de
l'air, à l'expiration de leur contrat, dans le civil.
La gestion des départs des officiers et sous-officiers s'est également
effectuée dans de bonnes conditions en 1998 grâce au dispositif incitatif mis
en place par la loi de 1996 sur les mesures d'accompagnement de la
professionalisation.
Cela étant, le recrutement de personnels civils se heurte encore à des
rigidités diverses, qui empêchent de pourvoir tous les postes ouverts.
De même, la vigilance s'impose quant à la disponibilité de la ressource «
appelés », dont l'armée de l'air a encore besoin, et que les nouveaux
mécanismes de report d'incorporation pourraient affecter à partir de 1999.
Le deuxième objectif de la programmation, outre la réussite de la
professionnalisation, est la modernisation des équipements de l'armée de l'air
en vue du modèle 2015.
L'armée de l'air disposera bien d'une flotte adaptée d'avions de combat de
génération intermédiaire, mais des incertitudes persistent néanmoins.
Tout d'abord, concernant le Rafale, il faut se féliciter de la décision de
principe d'une commande globale et ferme de vingt et un appareils pour l'armée
de l'air, dont le financement est intégré dans le projet de loi de finances
pour 1999. Toutefois, l'autorisation du lancement de cette commande est encore
attendue. Cette commande groupée, outre qu'elle favorisera des économies de
fabrication, sera également un signal positif pour l'exportation.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Très bien !
M. Jean-Claude Gaudin,
rapporteur pour avis.
Mais il convient aussi de prendre en compte le
poids financier que représentera, pour le budget de l'armée de l'air, l'entrée
en phase de fabrication du Rafale à partir de 2002.
A enveloppe constante, la contrainte financière risquerait bien de n'être pas
compatible avec un développement excessif du tire III, notamment du poste «
rémunérations et charges sociales ». Le risque de « bosse financière » peut-il
être écarté ? Je m'interroge. Pourrez-vous, monsieur le ministre, répondre à
notre préoccupation sur ce point ?
Une deuxième incertitude concerne le futur avion de transport. L'acquisition
d'un nouvel appareil fera suite à un choix entre trois propositions : celle du
FLA, celle de Lockheed Martin, avec les C 130 J et C 17, et enfin celle
d'Antonov.
Il reste que les performances de l'appareil tout comme l'enjeu industriel
plaident fortement en faveur du choix du projet européen. En tout état de
cause, l'année 1999 sera, nous l'espérons, celle de la décision. En effet,
c'est en 2005 qu'il faudra, sans délai de grâce cette fois-ci, retirer les
premiers Transall de notre flotte de transport.
Ma dernière observation portera sur l'entretien programmé des matériels et le
maintien en condition opérationnelle des aéronefs aujourd'hui en dotations dans
l'armée de l'air.
La « revue de programmes », en décidant un abattement uniforme de 5 %, est
venue consacrer une réduction régulière de la dotation dédiée à ces postes
depuis plusieurs années.
Une vingtaine de Mirage 2000 en 1997 et une trentaine en 1998 ont été ou sont
immobilisés du fait de l'impossibilité de procéder aux réparations ou contrôles
nécessaires.
Cette situation n'est évidemment pas saine. Il semble que la cause ne soit pas
seulement financière : des lenteurs et des délais liés à des procédures de
passation de contrats ou d'appels d'offres retardent les commandes - cela
rappelle ce qui se passe pour les collectivités territoriales ! - et sont
souvent à l'origine de ces immobilisations forcées, alors même que les crédits
sont disponibles.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous faut
cette année, pour apprécier le projet de budget de l'armée de l'air - comme
celui de la défense en général - changer de référence : à la loi de
programmation que nous avons votée en 1996 se substitue partiellement,
désormais, la « revue de programmes », conduite, elle, par le seul
Gouvernement.
Je ne m'étendrai pas sur la différence de nature juridique et politique qui
sépare, à mon avis, un texte de loi d'un simple exercice interministériel,
fût-il d'ailleurs habilement conduit.
(Sourires.)
Toutefois, tout nouvel exercice de même nature qui viendrait à nouveau
affecter cette programmation révisée discréditerait définitivement toute
logique de programmation militaire par les élus de la nation et réduirait à
rien la loi votée en 1996.
C'est sous ces réserves et sous le bénéfice des observations que j'ai pu
formuler au cours de cet exposé, que je vous invite néanmoins, mes chers
collègues, à voter les crédits de l'armée de l'air pour 1999.
Monsieur le ministre, je n'ai pas voulu intégrer dans mon propos une question
qui ne relève pas de l'armée de l'air, mais que vous posera tout à l'heure M.
Vallet.
La ville de Marseille connaît une situation invraisemblable avec son bataillon
des marins-pompiers. En effet, elle supporte, seule, 300 millions de francs de
dépenses par an pour assurer la sécurité des personnes et des biens. La
professionnalisation la contraindra à ajouter encore 25 millions de francs.
Pourquoi l'Etat ne se mettrait-il pas, un jour, à accomplir un effort dans ce
domaine ? Il l'a fait une fois, alors que le maire de Marseille était en même
temps ministre de l'intérieur.
(Sourires.)
Un sénateur des Républicains et Indépendants.
C'est ancien !
M. Jean-Claude Gaudin,
rapporteur pour avis.
C'est effectivement ancien, mais, à cette époque,
cela se faisait !
Si, d'aventure, M. le ministre de la défense pouvait étudier ce problème, ce
serait bien. Du moins pourrait-il répondre tout à l'heure à M. Vallet. En tout
cas, j'approuve tout à fait ce que ce dernier vous dira, monsieur le
ministre.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Vous ne souhaitez quand même pas que je devienne
maire de Marseille ?
(Nouveaux sourires.)
M. Alain Vasselle.
Pourquoi le maire de Marseille ne deviendrait-il pas plutôt ministre de
l'intérieur ?
M. le président.
La parole est à M. André Boyer, rapporteur pour avis.
M. André Boyer,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour la section Marine.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés à la marine
s'élèveront, en 1999, à 34 milliards de francs, soit 4 % de plus que le budget
de 1998.
Après une « encoche » de 2 milliards de francs l'an passé, les crédits
d'équipement retrouveront un niveau plus proche, bien qu'encore inférieur de 1
milliard de francs, de celui qui est prévu dans la loi de programmation. Les
dépenses ordinaires, pour leur part, seront marquées par une forte réduction
des crédits de fonctionnement courant.
Au-delà des chiffres, la commission des affaires étrangères et de la défense a
retenu, sur ce budget, trois observations principales portant sur la
professionnalisation, sur le fonctionnement des unités et l'entretien des
matériels, et sur le déroulement des programmes d'équipement.
La professionnalisation est désormais largement opérée dans la marine, en
particulier dans les unités projetables.
Le recrutement d'engagés par la formule des « contrats courts » pour remplacer
les appelés dans des emplois militaires peu qualifiés se déroule conformément
aux objectifs. Cependant, la marine éprouve certaines difficultés à concilier
son louable souci de contribuer ainsi à l'insertion de jeunes en difficulté
avec une totale satisfaction, sur le plan qualitatif, de ses besoins.
M. François Trucy,
rapporteur spécial.
Tout à fait !
M. André Boyer,
rapporteur pour avis.
La commission des affaires étrangères et de la
défense est beaucoup plus inquiète sur l'autre volet de la professionnalisation
de la marine, à savoir le recrutement des personnels civils qui effectueront, à
terre, des tâches non spécifiquement militaires jusqu'alors dévolues aux
appelés.
Cette évolution profonde des personnels de la marine devait s'effectuer sous
une contrainte majeure : le recours quasi exclusif à des mutations volontaires
de fonctionnaires ou d'ouvriers de la défense, en particulier de la direction
des constructions navales.
Dès l'an dernier, nous avions fait part de nos craintes. Elles se sont, hélas
! vérifiées, puisque l'essentiel des volontariats s'est manifesté la première
année et que, dès 1998, le flux des candidatures s'est tari.
Nous assistons, depuis le début de l'année, à une montée inquiétante du nombre
de postes vacants, qui pourrait dépasser 10 % des effectifs budgétaires de
personnels civils à la fin de 1998. On voit mal comment la situation pourrait
s'améliorer en 1999.
Ces vacances de postes commencent à poser de sérieuses difficultés dans le
fonctionnement des unités et risquent de compromettre la bonne marche de la
professionnalisation, d'autant que la sous-traitance, parfois présentée comme
une alternative au recrutement, ne dispose que de crédits très limités et ne
pourra pas être développée de manière significative.
Il semble évident que l'exercice consistant à vouloir résorber les
sureffectifs de la direction des constructions navales en opérant, sur la base
du volontariat, des reclassements dans la marine, a désormais atteint ses
limites. Sauf à pénaliser cette dernière, il devient nécessaire d'élargir les
possibilités de recrutements externes, seuls à même de pourvoir les postes
vacants.
M. François Trucy,
rapporteur spécial.
Hé oui !
M. André Boyer,
rapporteur pour avis.
La deuxième série d'observations de la commission
porte sur les crédits de fonctionnement courant et d'entretien programmé des
matériels.
Cette année, la conjoncture a permis de dégager une marge sur les crédits de
combustibles, pour faire face à une insuffisance des crédits évaluée à 150
millions de francs. Une telle marge ne se retrouvera pas en 1999, où l'on doit
donc s'attendre à une gestion particulièrement tendue du fonctionnement
courant, dont les crédits enregistrent une nouvelle diminution.
En matière d'entretien, la marine doit faire face à des coûts élevés, en
raison tant de l'utilisation de bâtiments anciens au-delà de leur durée de vie
normale que de la complexité des bâtiments récents.
Les crédits d'entretien programmé des matériels, qui avaiant été réduits de 13
% en 1998, progresseront légèrement en 1999, sans retrouver toutefois un niveau
totalement satisfaisant. Sans doute faudra-t-il espacer la périodicité des
grands carénages, diminuer le volume des travaux ou abandonner des opérations
d'entretien préventif, au risque, au bout du compte, d'augmenter
l'indisponibilité des bâtiments.
Cette tendance à la contraction de l'enveloppe d'entretien des bâtiments rend
d'autant plus indispensable la démarche de contractualisation entre la marine
et la direction des constructions navales, dont on peut espérer une réduction
du coût des opérations.
Enfin, notre troisième observation porte sur les crédits d'équipement. La «
revue de programmes » n'affecte que très marginalement la marche vers le
nouveau modèle de marine. Les programmes majeurs sont préservés et plusieurs
mesures d'économies résultent de démarches intéressantes d'optimisation de
programmes ou de mise en oeuvre de modes d'acquisition moins coûteux.
Notre préoccupation concerne le groupe aéronaval, après la décision de
désarmer le porte-avions
Foch
dès l'admission au service actif du
porte-avions nucléaire
Charles-de-Gaulle.
Certes, un grand nombre de
raisons techniques laissaient planer de sérieux doutes sur la notion de «
quasi-permanence » du groupe aéronaval, retenue par la loi de programmation. Il
n'en demeure pas moins que nous sommes désormais certains de ne pouvoir
disposer, au cours de la prochaine décennie, d'une capacité permanente de
projection à partir du groupe aéronaval.
Au-delà de ce constat, nos interrogations se portent, bien entendu, sur les
perspectives de construction d'un second porte-avions. Quels enseignements
tirer des réflexions en cours à ce sujet au Royaume-Uni ? Que peut-on espérer
d'une coopération éventuelle ou, en tout cas, d'une démarche parallèle des deux
marines ? Autant de questions, sur un sujet essentiel, auxquelles nous
souhaiterions, monsieur le ministre, que vous apportiez les premiers éléments
de réponse.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères et
de la défense a émis un avis favorable sur les crédits de la défense pour 1999.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, notre débat d'aujourd'hui dépasse, par son enjeu, le seul budget de
la défense pour 1999.
Tout d'abord, il nous permet de débattre, conformément à la loi, du rapport
sur l'exécution de la programmation militaire 1997-2002, déposé par le
Gouvernement voilà quelques semaines, et qui donne l'occasion de dresser un
premier bilan de la réforme majeure de notre défense engagée sur l'initiative
du Président de la République, en février 1996.
Ensuite, il constitue le premier budget militaire depuis la « revue de
programmes » dont le Gouvernement a pris l'initiative l'an dernier.
Ce projet de budget pour 1999 constituait un rendez-vous majeur pour l'avenir
de nos armées, après la brutale amputation des crédits d'équipement - la trop
fameuse « encoche » - qui avait caractérisé le budget de la défense de 1998. En
effet, comme l'avait très justement marqué le Sénat l'an dernier, la
prolongation de cette réduction des crédits militaires non seulement
condamnerait la loi de programmation votée en 1996, mais également remettrait
en cause tout l'édifice de la réforme de notre système de défense.
Le projet de budget pour l'année 1999 se présente, dans ses grandes lignes,
sous de moins funestes auspices. C'est ce qui a conduit la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées à ne pas reconduire
l'avis défavorable à l'adoption des crédits militaires qu'elle avait émis l'an
dernier. Elle l'a fait, après mûre réflexion, monsieur le ministre, et, je ne
vous le cacherai pas, après certaines hésitations, ce pour trois raisons
principales.
Tout d'abord, l'« encoche » de 1998, sans être effacée, encore moins
compensée, n'est pas reconduite dans les mêmes proportions et les crédits
d'équipement annoncés pour 1999 marquent une progression significative, de
quelque 5 % en francs constants.
Ensuite, malgré quelques modifications de périmètre, ces crédits s'inscrivent
dans le cadre des conclusions d'une « revue de programmes » qui, si elles
aboutissent à diminuer certaines de nos ambitions, n'affectent pas les
orientations essentielles de la loi de programmation et, surtout, prévoient la
stabilisation, pour les quatre prochaines années, des crédits d'équipement
militaire.
Enfin. le Sénat éprouve une grande réticence à rejeter les crédits militaires,
contrairement, vous me permettrez de le relever, à la pratique habituelle de la
majorité nationale d'aujourd'hui lorsqu'elle était encore l'opposition. En
votant le budget de la défense, nous souhaitons conforter la cohérence de la
démarche d'ensemble proposée par la commission des finances à l'égard du projet
de loi de finances pour 1999.
Cette décision, monsieur le ministre, ne saurait cependant occulter nos
réserves, qui sont importantes, et notre vigilance qui, soyez-en convaincu,
demeure intacte.
Je serai clair. Nous apprécions l'accroissement des crédits d'équipement d'un
an sur l'autre. Nous prenons acte des conséquences tirées de la « revue de
programmes », sans mésestimer toutefois la différence politique et juridique
entre un tel exercice gouvernemental et une loi de programmation votée par le
Parlement. Mais nous ne nous satisfaisons pas des réductions successives de
crédits par rapport aux prévisions, déjà très fortement contraintes, de la loi
de programmation.
Nous n'oublions pas qu'après un déficit d'au moins 9 milliards de francs pour
la seule année 1998, les économies supplémentaires résultant de la « revue de
programmes » - environ 20 milliards de francs sur la période 1999-2002 -
portent à une trentaine de milliards de francs - avant toute nouvelle
régulation budgétaire - les crédits manquant sur la durée d'exécution de la
programmation, soit un déficit d'environ 6 % par rapport aux crédits
initialement prévus.
La stabilisation au niveau minimal de 85 milliards de francs constants des
crédits d'équipement est donc rigoureusement indispensable pour ne pas porter
une atteinte inacceptable à la cohérence entre les missions assignées à nos
armées et les moyens qui leur sont accordés. C'est l'apport de la « revue de
programmes ».
Mais l'équilibre, déjà tendu, sur lequel reposait la loi de programmation est
aujourd'hui en danger. Il pourrait être rompu par toute nouvelle réduction de
crédits d'équipement. Cela me conduit, monsieur le ministre, à formuler trois
remarques qui, je l'imagine - j'en suis même certain -, ne vous surprendront
pas.
Nous vous demandons d'abord encore une fois, solennellement, que les crédits
militaires ne soient pas affectés, en cours d'année, par des régulations
budgétaires. En effet, de nouvelles annulations, comme celle qui vient d'être
annoncée pour 1998, feraient perdre toute valeur à la revue des programmes,
ôteraient toute crédibilité aux lois de programmation et, surtout,
compromettraient la réforme de notre système de défense. Or, j'éprouve, je ne
vous le cacherai pas, monsieur le ministre, de sérieuses craintes quant à
l'exécution du budget pour 1999, bâti sur un taux de croissance que je crois
trop optimiste. L'Allemagne, qui est d'ailleurs sur une autre longueur d'onde,
sera plus proche de la vérité.
Il m'apparaît donc indispensable que le budget des armées, arrivé à sa limite
de rupture, soit préservé de toute annulation et ne serve en aucun cas de
variable d'ajustement du budget de l'Etat.
Nous déplorons, ensuite, les dernières résistances, sans doute venues, comme
d'habitude, de Bercy, qui semblent encore freiner, malgré les premières
décisions prises, le développement des commandes pluriannuelles. Alors qu'elles
sont source d'économies, instrument de bonne gestion, et qu'elles constituent
un signal positif à l'exportation, l'insuffisance ou le retard de ces commandes
globales nous pénalise, sans aucune raison, par rapport à nos partenaires et
concurrents.
Comment expliquez-vous notamment que, en dépit, des annonces successives, à
demi confirmées mais sans cesse reportées, nous attendons encore, au moins
jusqu'au 31 décembre, monsieur le ministre, la commande groupée de
quarante-huit exemplaires du Rafale préparée par le précédent gouvernement ?
Nous n'attendons plus que votre stylo, monsieur le ministre !
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Ce sera dans la hotte du Père Noël !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Je souhaite, enfin,
monsieur le ministre, et le point est d'importance, recueillir aujourd'hui
votre sentiment sur les mesures qui seraient de nature à permettre la
consommation intégrale des crédits d'équipement disponibles. Nous savons bien
la difficulté d'atteindre cet objectif et le réglage extrêmement fin de la
consommation des crédits militaires qu'il suppose. Mais il ne nous paraît pas
acceptable que de simples changements de nomenclature aient des conséquences si
préjudiciables pour nos armées. Je suis très inquiet du chiffre de la
non-consommation de ces crédits pour cette année, monsieur le ministre. Si vous
vouliez bien le confesser à la tribune de la Haute Assemblée...
Au-delà de ces données générales sur les crédits d'équipement, le budget que
vous nous proposez suscite d'autres préoccupations importantes. La principale,
comme M. Trucy l'a très bien souligné, concerne les crédits de fonctionnement.
Considérés au sens strict, hors rémunérations et charges sociales, ces crédits
sont en effet appelés à diminuer en 1999 de 9,1 % en francs courants.
Cumulée avec celles des deux exercices précédents, cette baisse des dotations
de fonctionnement atteint 17,7 % en trois ans, alors que la diminution totale
prévue sur l'ensemble des six années de la programmation est de 20 %. Voilà un
bien mauvais démarrage !
Cette réduction des crédits de fonctionnement est ainsi trop rapide, plus
importante que celle des effectifs, alors même que, c'est l'évidence, certains
coûts restent constants malgré la décroissance des effectifs.
L'affaire est sans doute techniquement complexe, je le reconnais, et les
chiffres, sinon discutables, sont du moins toujours explicables. Il reste que
le chef d'état-major de nos armées, lui-même, a estimé qu'il manquait chaque
année environ un milliard de francs de crédits de fonctionnement. Ce déficit,
s'ajoutant aux tensions sur les crédits d'entretien programmé des matériels, a
des conséquences pratiques très concrètes et très inquiétantes.
L'armée de terre est ainsi contrainte, comme M. Vinçon l'a souligné, de
reconsidérer ses objectifs d'activité ; le nombre de jours annuel de sortie sur
le terrain diminuera une nouvelle fois ; le nombre annuel d'heures de vol des
pilotes d'hélicoptères sera également réduit.
La marine devra également restreindre ses frais de fonctionnement courant
tandis que certains bâtiments devront rester à quai et que les risques
d'indisponibilité augmenteront.
Enfin, l'armée de l'air, quoique moins atteinte, devra réduire le recours à la
sous-traitance, pourtant indispensable pour faire place au remplacement de
certains appelés ; de surcroît, et c'est vraiment pour moi une surprise,
monsieur le ministre, certains de ses appareils seront à nouveau immobilisés
par impossibilité de procéder aux réparations ou aux contrôles nécessaires, en
raison de lenteurs inacceptables liées, nous dit-on, à d'obscures procédures de
passation des contrats. Pourriez-vous nous révéler ce que cache
l'immobilisation de ces avions ? Qu'il s'agisse des Mirage 2000 ou des avions
d'entraînement, les chiffres sont réellement ahurissants.
Pour toutes ces raisons, qui concernent aussi la gendarmerie, pour laquelle
les crédits de fonctionnement courant des unités diminuera également, nous
souhaitons, monsieur le ministre, vous faire part de notre vive préoccupation
face à l'évolution des crédits de fonctionnement du ministère de la défense.
Leur diminution, excessive et trop rapide, nous paraît aller à l'encontre du
bon déroulement de la professionnalisation et de la logique même de cette
professionnalisation, fondée sur la constitution de forces, certes réduites,
mais mieux entraînées, pour être plus aisément projetables.
Je compléterai, monsieur le ministre, l'expression de cette inquiétude majeure
par deux interrogations supplémentaires sur le déroulement du processus de
professionnalisation.
S'agissant, d'abord, des appelés, qui restent nécessaires à nos armées durant
la période de transition, pouvez-vous nous préciser les conséquences réelles
des reports d'incorporation accordés aux titulaires d'un contrat de travail,
ainsi que les critères précis en fonction desquels ces reports sont, ou ne sont
pas, accordés ? Jamais, monsieur le ministre, je ne dirai assez de mal du
funeste amendement qui a été adopté par l'Assemblée nationale à ce sujet.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Il est clair, en effet, que nos armées, et d'abord l'armée de terre, qui a dû
faire face, au mois d'août, à un déficit de 12 %, ne sont pas aujourd'hui en
mesure de supporter une brutale diminution de la ressource appelée par rapport
à des prévisions déjà très tendues.
En ce qui concerne, ensuite, les personnels civils de la défense, dont la
professionnalisation suppose l'augmentation, une situation critique est en
train d'apparaître, vous la connaissez bien, en raison notamment de la
difficulté à transférer les excédents d'ouvriers de la DGA dans les armées. La
situation est sans doute contrastée selon les qualifications requises et les
zones géographiques considérées. Mais nous nous trouvons aujourd'hui devant un
déficit croissant et 6 500 postes restent vacants.
Avez-vous obtenu, monsieur le ministre, ce que je souhaite, les droits à
embauche indispensables qui vous ont été jusqu'à présent beaucoup trop
sévèrement comptés ? Sinon, comment comptez-vous combler ce déficit très
préoccupant des personnels civils qui pourrait altérer le processus de
professionnalisation lui-même ?
Je ne veux pas quitter cette tribune, mes chers collègues, sans évoquer, en
quelques mots, deux sujets que je crois déterminants pour l'avenir de notre
défense.
Le premier concerne l'indispensable maintien de liens étroits entre nos armées
et la nation, rendus encore plus nécessaires par la professionnalisation
complète de nos forces. La commission des affaires étrangères est unanime à ce
sujet.
Pouvez-vous à cet égard, monsieur le ministre, préciser devant le Sénat les
enseignements que vous êtes aujourd'hui en mesure de tirer des premières
semaines de sessions de l'appel de préparation à la défense ? Plusieurs de mes
collègues et moi-même assisterons à l'une de ces sessions samedi prochain, afin
de nous rendre compte par nous-mêmes et de faire le point.
Où en est, par ailleurs, la préparation du projet de loi, annoncé et
nécessaire, sur les réserves militaires ? Cette lenteur est bien mystérieuse
mais, si j'ai bien compris, elle est dans l'air du temps ! Ce projet de loi
sera-t-il déposé avant la fin de l'année ? Le Sénat sera-t-il en mesure de
l'examiner, ce qui me paraît souhaitable, au cours de la présente session ?
Pouvez-vous, enfin, nous donner des précisions sur les conditions et la qualité
du recrutement des premiers volontaires dans les armées, qui a déjà commencé
dans la gendarmerie, tout en laissant subsister des incertitudes ?
Un autre sujet capital pour la préparation à l'avenir concerne naturellement
la longue marche vers la construction d'une industrie et d'une politique
européennes de défense.
S'agissant des programmes conçus en coopération européenne, je ne vous
cacherai pas l'inquiétude et la déception que m'inspire l'évolution des
programmes relatifs à l'espace militaire, qui auraient pourtant dû constituer
un domaine de prédilection pour la concertation européenne.
La décision de l'Allemagne, qui en était le maître d'oeuvre potentiel, a
provoqué l'abandon du programme d'observation radar Horus. De son côté, la
Grande-Bretagne a abandonné, au profit sans doute d'une solution nationale,
voire américaine, le programme Trimisatcom de télécommunications par
satellites.
La France n'a-t-elle aujourd'hui d'autre choix que d'entériner ce
ralentissement, encore aggravé, dans le présent budget, par les contributions
de crédits spatiaux au financement de recherches dites duales, mais en fait
civiles ? Ou bien envisagez-vous, monsieur le ministre, ce qui serait
souhaitable, de reprendre l'initiative pour tenter de relancer des programmes
destinés à la prévention des crises et à doter l'Europe de demain de
l'autonomie stratégique qui lui sera indispensable pour exister sur la scène
internationale ?
En ce qui concerne, enfin, les restructurations industrielles, l'annonce
subite, au coeur de l'été, de la fusion entre Aérospatiale et Matra Hautes
Technologies, qui peuvent et qui doivent être rejoints par Dassault Aviation, a
pu être interprétée comme un facteur d'accélération de ces indispensables
restructurations. Mais bien des points demeurent à régler pour mener à bien ce
double processus, qui ne constitue lui-même qu'une étape vers les
rapprochements européens indispensables.
En effet, dans le même temps, tout indique que nos deux principaux
partenaires ou concurrents - je ne sais quel mot employer - européens, British
Aerospace et DASA, sont prêts à se rapprocher au sein d'un ensemble unique, qui
isolerait le groupe aéronautique français. J'y vois là une contradiction,
monsieur le ministre : je serais ravi de vous entendre sur ce sujet. N'est-il
pas, dès lors, nécessaire et urgent de reprendre l'initiative au plus vite ?
Est-il encore temps, sur le plan européen, de tracer la voie d'un grand groupe
de l'aéronautique et de la défense, au sein duquel l'industrie française
occuperait toute la place qu'elle mérite ?
L'accélération, que je crois nécessaire, du réaménagement du capital
d'Aérospatiale suffira-t-elle à éviter ces risques de mariage ou de PACS à deux
qui pourraient contraindre les groupes européens, faute d'avoir su mettre en
commun leurs moyens et leurs énergies, à rechercher séparément des alliés
outre-Atlantique, et qui feraient, finalement, de l'Europe la principale
perdante ?
Sous le bénéfice de ces observations, qui justifient l'extrême vigilance de la
commission des affaires étrangères, nous voterons, monsieur le ministre, les
crédits du ministère de la défense pour 1999.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures, selon l'ordre du jour fixé par la conférence des
présidents.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze
heures, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
CANDIDATURE
À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein d'un
organisme extraparlementaire.
La commission des affaires économiques et du Plan a fait connaître qu'elle
propose la candidature de M. Jean-Marie Rausch pour siéger au sein de la
commission supérieure du service public des postes et télécommunications.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9
du règlement, s'il n'y a pas d'opposition, à l'expiration du délai d'une heure.
4
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 1999
Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n° 89, 1998-1999), adopté avec
modifications par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture. [Rapport n° 90
(1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, nous entreprenons donc l'examen, en nouvelle
lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.
Avant d'évoquer le texte qui vous est soumis au retour de l'Assemblée
nationale, je souhaiterais, sans bien sûr entrer dans les détails, puisque nous
avons déjà eu un débat long et approfondi, rappeler les objectifs majeurs que
cherche à atteindre le Gouvernement à travers ce projet.
Ces objectifs sont les suivants : rétablir l'équilibre des comptes en 1999
sans augmenter les prélèvements ni diminuer les prestations ; élargir les
possibilités d'actions, notamment celles des partenaires conventionnels, pour
éviter les dépenses inutiles en matière de santé et mettre en place des
mécanismes d'ultime recours destinés à préserver, si nécessaire, l'assurance
maladie ; permettre surtout, par cette politique conventionnelle, une évolution
du système de santé plus ouvert à tous et améliorant la qualité et la sécurité
; affirmer la priorité donnée à la pérennité de nos régimes par répartition,
notamment en créant un fonds de réserve des retraites ; construire une
politique familiale rénovée, plus juste et solidaire, conformément aux
engagements de la conférence de la famille ; enfin, améliorer significativement
la prise en charge des maladies professionnelles.
Lors de la première lecture, la majorité sénatoriale avait profondément
transformé le texte émanant de l'Assemblée nationale.
En matière de retraite, j'ai bien entendu les appels de la majorité
sénatoriale pour une réforme profonde et rapide. Croyez bien que le
Gouvernement souhaite la mener, comme il l'a dit, après une phase de diagnostic
puis de concertation qui aura lieu en début d'année. Sur un sujet aussi majeur
et auquel nos concitoyens sont très attachés, j'espère, je le dis à nouveau,
que nous arriverons à dégager une solution en dépassant les clivages
politiques.
A cet égard, la majorité sénatoriale a approuvé, et je m'en félicite, le
principe même d'un fonds de réserve pour garantir les régimes par
répartition.
Elle a toutefois repoussé certaines de ses modalités d'application, notamment
celles qui introduisent un contrôle des partenaires sociaux, que l'Assemblée
nationale arétabli.
Vous nous avez dit par ailleurs - et c'est là où nous divergeons - que vous
souhaitiez apporter encore plus de rigueur de gestion. Néanmoins, comme j'ai
été amenée à le remarquer, les amendements que vous avez adoptés dégradent les
comptes. Construire une politique, nous le savons, c'est faire des choix, c'est
arbitrer entre des priorités, c'est céder à la facilité de s'exonérer de ce
devoir de responsabilité en transférant quelques milliards de francs de charges
de la sécurité sociale vers le budget de l'Etat. Je ne crois pas que ce soit
une bonne solution.
Ce qui m'a laissée perplexe, c'est lorsque cette rigueur s'est appliquée à
l'hôpital public. Nous avons entendu - pas par tout le monde, il est vrai,
puisque certains ont regretté que, dans notre pays, l'hôpital n'ait pas
suffisamment de moyens - des propos sur l'hôpital public, sur son insuffisant
effort d'adaptation, sur un laxisme prétendu de la politique hospitalière.
Contrairement à ces allégations, je crois que l'adaptation du secteur
hospitalier public est en cours, et qu'il faut d'ailleurs saluer l'ensemble des
personnels qui y concourent aujourd'hui. Je ne pense pas que ce soit en
réduisant d'un milliard de francs l'ONDAM, l'Objectif national de dépenses
d'assurance maladie, que nous la mettrons en oeuvre. Nous savons bien que l'on
ne peut pas avancer en serrant tous les freins, et que des marges de manoeuvre
sont nécessaires si on souhaite effectivement que l'évolution puisse avoir
lieu. C'est en tout cas ce que nous essayons de faire en élaborant des nouveaux
schémas d'organisation sanitaire qui répondent aux besoins, en créant des
réseaux de prise en charge, par exemple pour la périnatalité et la lutte contre
le cancer, en poursuivant la définition des contrats d'objectifs avec les
établissements.
Par ailleurs, vous le savez, le Gouvernement entend accélérer la réduction des
inégalités de dotations budgétaires entre régions et entre établissements.
En matière de médecine de ville, je pense que la majorité sénatoriale a refusé
des évolutions qui paraissent pourtant nécessaires pour moderniser notre
système de santé. J'ai apprécié qu'elle approuve la mise en place du fonds
d'aide à la qualité, mais je regrette qu'elle ait repoussé l'article qui visait
à élargir les possibilités d'avoir des partenaires conventionnels, à leur
permettre, par exemple, de mettre en place des filières et des réseaux, et de
développer la prévention, l'éducation sanitaire et l'évaluation.
Je le dis à nouveau aujourd'hui : notre conviction, c'est que, en France, le
système de soins et la politique de santé ne changeront pas sans le concours
des acteurs de la santé. Pour la médecine de ville, ces évolutions doivent
passer par la politique conventionnelle.
S'agissant des mécanismes de sauvegarde économique, nous étions d'accord, je
crois, pour considérer qu'ils doivent constituer des dispositifs d'« ultime
recours ». Encore faut-il que ce soit vraiment des « recours ». La majorité
sénatoriale nous a proposé un système censé individualiser la régulation, mais
en prévoyant de fixer des objectifs médecin par médecin, poste par poste. Il
s'agit là d'un système qui sera extrêmement bureaucratique et qui risque fort
de s'apparenter à un rationnement des soins pour un certain nombre de médecins.
On ne peut en appeler à la rigueur, proposer des diminutions de l'ONDAM et se
priver de toutes les dispositions qui permettent d'aboutir au respect des
objectifs votés par le Parlement.
Dans ces conditions, je me réjouis que l'Assemblée nationale ait rétabli le
texte qu'elle avait adopté en première lecture, avec quelques modifications à
la marge. Le débat à l'Assemblée nationale a, de plus, permis d'améliorer ce
texte, et je voudrais attirer votre attention sur les avancées plus
significatives.
En ce qui concerne la lutte contre le tabagisme, l'objectif du Gouvernement -
partagé, je crois, par les deux assemblées - est de faire reculer la
consommation de tabac, notamment chez les jeunes.
La hausse des prix, nous le savons, est, à cet égard, le moyen le plus
efficace.
On peut tenter d'obtenir cette hausse des prix par un accroissement de la
fiscalité proportionnelle ; tel était l'objet de l'amendement adopté par la
Haute Assemblée en première lecture.
Mais nous savons qu'accroître les droits proportionnels sur le tabac peut
entraîner une politique commerciale agressive et déboucher sur une guerre des
prix. Ne souhaitant pas prendre ce risque, nous vous proposons un nouveau
dispositif.
Tout d'abord, pour assurer la hausse des prix, que nous souhaitons tous, un
amendement dans le collectif budgétaire comportera un doublement de la part
fixe du droit de consommation et une augmentation du minimum de perception,
tant pour les tabacs blonds que pour les tabacs bruns. De plus, une mesure
spécifique sera proposée sur les tabacs à rouler, alignant le taux du droit de
consommation sur celui des cigarettes et augmentant à hauteur du maximum
autorisé par le droit communautaire le minimum de perception.
En pratique, cela devrait conduire à une hausse des prix de l'ordre de 5 %.
Pour concrétiser cette hausse des prix, le Gouvernement va, dans les prochains
jours, prendre des contacts avec les fabricants pour que les prix soient
modifiés dès le début de l'année 1999.
Nos débats de cette année, comme ceux de l'année passée, l'ont montré : il
importe de revoir en profondeur tant la fiscalité du tabac et son effet sur les
prix que l'affectation du produit des taxes, notamment sa répartition entre
l'Etat et la sécurité sociale. Une mission parlementaire sera chargée d'un
rapport sur ce sujet.
Nous engageons donc cette réflexion pour l'avenir tout en nous donnant les
moyens de réduire le tabagisme dès cette année. En ce domaine, nous sommes
parvenus, me semble-t-il, à un dispositif pertinent.
Les débats à l'Assemblée nationale ont également modifié substantiellement les
dispositions relatives au médicament. C'est un dispositif conventionnel rénové
qui vous est ainsi proposé.
Ainsi, nous entendons accroître la cohérence entre la politique
conventionnelle et les orientations définies dans la loi de financement de la
sécurité sociale. Chaque année, à l'issue de nos débats, le comité économique,
qui sera renforcé par ailleurs, recevra des orientations qui permettront de
traduire dans les conventions les exigences formulées par le Parlement en
matière de maîtrise de dépense, ainsi que les priorités de santé publique.
Les prérogatives mais aussi les moyens du comité économique seront renforcés.
Si le Gouvernement fait de la voie conventionnelle une priorité, vous le savez,
celle-ci doit s'inscrire dans notre politique structurelle du médicament.
Ainsi, si l'évolution des dépenses, l'évolution scientifique ou les
orientations nouvelles fixées au comité économique l'exigent - nous espérons
que ces circonstances sont exceptionnelles - le comité pourra modifier les
conventions.
Le contenu même des conventions doit être enrichi, celles-ci ne se bornant pas
à fixer des prix mais devant comporter un ensemble cohérent d'engagements en
matière de promotion, de recherche, de santé publique et de bon usage du
médicament. C'est ainsi que seules les conventions d'un type nouveau, qui
visent à mettre en place une véritable politique du médicament, signées après
le 1er janvier 1999 pourront entraîner exonération de la clause de
sauvegarde.
Les exigences nouvelles à l'égard des laboratoires qui souhaitent se
conventionner justifient que ces derniers soient soumis à un mécanisme de
régulation défini par leur propre convention et soient par conséquent exclus du
champ de la contribution générale.
C'est ce que la Haute Assemblée avait souhaité lors de la première lecture. Il
m'apparaît qu'après les débats en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale nous
sommes parvenus à un équilibre entre deux exigences : d'une part, la mise en
place d'un mécanisme protégeant effectivement l'assurance maladie contre
d'éventuelles dérives des dépenses du médicament et, d'autre part, la nécessité
d'une politique conventionnelle active donnant aux laboratoires la visibilité
dont ils ont besoin pour développer leurs activités sur le moyen terme.
J'en viens, enfin, à une dernière disposition importante, introduite par le
Gouvernement à l'Assemblée nationale : le droit à la cessation anticipée
d'activité pour les victimes de l'amiante.
Lors de la première lecture, vous avez approuvé des dispositions visant à
rouvrir les dossiers des victimes de l'amiante écartées de leurs droits en
matière de maladie professionnelle en raison de la prescription biennale.
En cohérence avec ces dispositions, le Gouvernement vous propose de franchir
une nouvelle étape pour rendre justice aux salariés qui, après avoir été
astreints à des travaux pénibles, sont maintenant fauchés par la maladie pour
avoir inhalé sur leur lieu de travail de la poussière d'amiante.
Ainsi, les personnes atteintes de certaines maladies professionnelles liées à
l'amiante pourront cesser leurs activités dès cinquante ans. Pour les personnes
qui ont travaillé dans les établissements de transformation de l'amiante, où le
taux d'empoussièrement est le plus fort, un tiers des années d'activité passées
dans le secteur de l'amiante sera déduit de l'âge légal de la retraite à
soixante ans.
Nous avons conscience que nous ne traitons pas ainsi le cas de tous les
salariés exposés à l'amiante. Nous allons continuer à travailler avec les
caisses régionales d'assurance maladie, les CRAM, et nos directions régionales
afin de trouver des critères objectifs pour ceux qui travaillent dans d'autres
secteurs.
Il fallait en effet prendre rapidement des mesures pour ceux qui sont victimes
de telles maladies. C'est ce premier pas que nous avons souhaité faire. Nous
vous invitons ainsi à exprimer une solidarité forte à l'égard des travailleurs
de l'amiante. Chacun connaît aujourd'hui la force des maladies qui les
atteignent mais aussi la douleur et la tristesse qui est la leur.
Cette disposition nous rappelle, si besoin était, que les lois de financement
de la sécurité sociale ne sont pas de simples lois comptables. Nous les
concevons comme un moyen de consolider et d'approfondir les solidarités
inscrites dans notre système de protection sociale. La protection sociale ne se
réduit pas à des flux financiers, même si nous savons que la pérennisation de
l'équilibre est une condition de son maintien à terme, mais elle constitue bien
un puissant vecteur de cohésion sociale et un outil majeur de solidarité.
C'est avec cette conviction - qui, je l'espère, est largement partagée sur vos
travées - que je reprends nos travaux sur ce projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de rappeler brièvement
la façon sont s'est déroulé ce débat sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999.
Au début, le texte du Gouvernement comportait trente-six articles ; en
première lecture, l'Assemblée nationale a introduit douze articles additionnels
; compte tenu du retrait d'un article par le Gouvernement - l'article 26, qui
n'était pas le moindre - le Sénat a été saisi, en première lecture, d'un texte
comportant quarante-sept articles.
Lors de l'examen du projet de loi en première lecture, les 12, 16 et 17
novembre dernier, nous avions, mes chers collègues, adopté quinze articles
conformes. Nous en avions modifié trente-deux - dont neuf de façon radicale
puisque nous les avions supprimés - et nous avions introduit quatre articles
additionnels.
Ces modifications importantes au texte adopté par l'Assemblée nationale ont
traduit le souci du Sénat et de votre commission des affaires sociales
d'affirmer quatre orientations que je tiens à vous rappeler, puisque c'est sur
elles que porte essentiellement notre désaccord avec le projet
gouvernemental.
La première consistait à utiliser, dans le domaine de l'assurance maladie, les
moyens disponibles à une adaptation de l'offre de soins, à mettre en place un
mécanisme de régulation des dépenses de santé simple, médicalisé, individualisé
et efficace.
Madame la ministre, vous venez de dire - je vous ai écoutée avec beaucoup
d'attention, comme je le fais toujours - que nous devions modifier nos rapports
avec les médecins.
Le problème des « sanctions collectives » - c'est ainsi qu'elles ont été
perçues par les médecins - est devenu un sujet hypersensible, sur lequel nous
devons revenir. Ces propos ne concernent d'ailleurs pas que l'actuel
gouvernement, puisque le gouvernement précédent, que je soutenais, avait lui
aussi prévu des sanctions collectives, et nous savons ce que cela lui a coûté !
Mais il nous faut, quoi qu'il en soit, sortir de cette logique si nous voulons
changer les rapports avec les professionnels de la santé : à cet égard, je suis
d'accord avec vous, madame la ministre.
A mon instigation, la Haute Assemblée a adopté un autre système. Je ne dis pas
qu'il est parfait, mais je prétends qu'il a le mérite d'offrir une voie pour
sortir de cette impasse, dont il nous faut, je tiens à le réaffirmer haut et
fort, absolument sortir.
Par ailleurs, nous voulions maintenir une véritable politique conventionnelle
du médicament et, comme vous venez de le rappeler mieux que je n'aurais su le
faire, madame la ministre, le texte qui est issu de la navette entre
l'Assemblée nationale et le Sénat nous semble satisfaisant à cet égard. Nous
présenterons, certes, quelques amendements à la marge, mais ils ne remettront
pas en cause l'équilibre du texte.
Notre deuxième orientation consistait à inciter à l'élaboration d'un projet
cohérent et complet sur les retraites arrêtant l'ensemble des mesures
structurelles nécessaires pour conforter les retraites par répartition -
auxquelles, je le réaffirme, nous sommes très attachés à l'horizon 2005 - mais
incluant, à l'instar des fonds de retraite que nous avions défendus naguère -
c'était un signal politique fort - des mesures permettant de mettre fin aux
déficits des régimes de retraites que nous connaissons aujourd'hui, de
clarifier la situation des régimes spéciaux, notamment de celui des
fonctionnaires. Sur ce point, nous étions, bien évidemment, en désaccord avec
le Gouvernement.
La troisième orientation consistait à traiter équitablement les familles, la
situation excédentaire de la branche famille ne justifiant aucunement, à nos
yeux, de nouvelles économies venant après les mesures d'une exceptionnelle
gravité qui avaient été mises en oeuvre l'an dernier et sur lesquelles le
Gouvernement est heureusement revenu : je pense notamment à la mise sous
condition de ressources des allocations familiales.
J'observe cependant aujourd'hui que la principale mesure d'économie du projet
de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 s'est transformée, un an
plus tard, en une aggravation des prélèvements fiscaux par la diminution du
plafond du quotient familial.
Nous considérons, pour notre part, qu'il n'y a pas lieu de toucher aux
avantages accordés aux familles, dans la mesure où la branche famille est
excédentaire de 3,5 milliards de francs. Sachant que les familles de notre pays
consentent déjà un effort - car avoir des enfants aujourd'hui, dans notre
société moderne, représente un réel effort - nous estimons que, quelle que soit
leur situation, il faut conforter les avantages que peut leur accorder la
collectivité. Il s'agissait donc, là aussi, d'un point de discordance avec le
Gouvernement, et je le déplore.
Enfin, la dernière orientation consistait à affirmer la nécessité d'une
clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.
J'insiste encore une fois sur le fait que mes critiques ne s'adressent pas
seulement au gouvernement actuel : j'ai tenu le même propos devant d'autres
gouvernements que je soutenais, et je crois qu'il est absolument indispensable
de se pencher sur cette question pour sauver notre système de protection
sociale et faire comprendre à l'opinion ce qu'est le budget de la sécurité
sociale.
Les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale sont marquées
actuellement par l'importance des charges indues, en gestion et en trésorerie,
qui pèsent notamment sur la branche famille, et par la remise en cause
systématique par le Gouvernement du principe, affirmé par la loi du 25 juillet
1994, de la compensation intégrale des exonérations de charges sociales décidée
par l'Etat.
Dans votre intervention, madame la ministre, vous venez de parler de sincérité
comptable. Je suis prêt à vous répondre : « Chiche ! » Nous voulons également
la sincérité comptable, mais si nous sommes d'accord sur les objectifs, nous
divergeons sur les analyses.
Par conséquent, la discussion du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999 a été l'occasion pour le Sénat de souligner la fragilité de
l'équilibre financier présenté par le Gouvernement.
Tout d'abord, il est évident - c'est un constat que personne ne peut nier -
que cet équilibre ne traduit pas l'assainissement de l'ensemble des branches de
la sécurité sociale. En effet, si certaines branches sont excédentaires,
d'autres demeurent déficitaires.
Lors du débat à l'Assemblée nationale, M. le secrétaire d'Etat à la santé a
réaffirmé - et nous le soutenons sur ce point - le principe de l'autonomie
financière des branches. Mais que signifie exactement l'autonomie financière
des branches ? Vous nous dites que les comptes de la sécurité sociale sont en
équilibre. Oui, mais c'est parce que vous additionnez des choux et des raves !
La branche retraites est déficitaire, la branche famille est excédentaire, la
branche maladie est juste à l'équilibre et la branche accident du travail est
excédentaire.
Quoi qu'il en soit, nous sommes, c'est une position constante de la commission
des affaires sociales, pour l'équilibre, mais nous affirmons qu'il doit s'agir
non d'un équilibre global - ce serait alors un faux équilibre - mais d'un
équilibre de chacune des branches.
Ensuite, l'équilibre que vous nous proposez repose sur l'hypothèse d'une
croissance forte des recettes : vous prévoyez 2,7 % d'augmentation du PIB. Nous
en discuterons en cours d'année et nous verrons bien si le Gouvernement a été
bien inspiré en préférant le volontarisme dans l'affichage de perspectives
économiques optimistes à la simple volonté de maîtrise des dépenses, qui nous
paraissait plus raisonnable !
Au demeurant, M. le Premier ministre, évoquant les hypothèses économiques
retenues pour 1999, déclarait, le 24 novembre dernier - c'était donc depuis la
première lecture au Sénat - que, « affirmer une perspective, c'est aussi se
donner plus de chances de l'atteindre ». Certes, c'est du volontarisme, mais
cela peut être aussi la méthode Coué ! Nous verrons bien, quoi qu'il en soit,
en cours d'année.
Notre débat de première lecture a permis également de constater que le projet
de loi était inabouti dans ses analyses, le Gouvernement renvoyant au premier
semestre de l'année prochaine, donc après l'adoption de la loi de financement
de la sécurité sociale pour cet exercice, un ensemble de réformes
indispensables et urgentes : mesures structurelles dans le domaine des
retraites - y compris la mise en place d'un mécanisme d'épargne-retraite -
institution d'une couverture maladie universelle ou réforme de l'assiette des
cotisations sociales à la charge des employeurs.
Réunie le jeudi 19 novembre 1998, la commission mixte paritaire n'est pas
parvenue, hélas ! à adopter un texte commun sur les dispositions restant en
discussion, en dépit de notre souhait d'aborder un certain nombre d'articles
sur lesquels un accord apparaissait possible et souhaitable.
Le fonctionnement des commissions mixtes paritaires pourrait, à cet égard,
être amélioré, dans la mesure où seuls quatre points de désaccord fondamentaux
demeuraient entre l'Assemblée nationale et le Sénat : sur le reste, une dizaine
ou une douzaine d'articles auraient pu faire l'objet d'un accord. Il faudra
bien nous habituer, dans une démocratie apaisée, à avancer dans ce sens plutôt
que de persévérer dans le rejet systématique, ce que fait l'autre assemblée.
Lors de l'examen en nouvelle lecture, le 26 novembre, l'Assemblée nationale a
adopté trois articles dans le texte du Sénat : l'article 5
bis
supprimant le prélèvement opéré par les services fiscaux sur certaines
contributions perçues au profit des organismes de sécurité sociale, l'article 9
relatif à la taxation des boissons dites « prémix » et l'article 11
ter
relatif à la situation des collaborateurs occasionnels des services publics
au regard des régimes de sécurité sociale.
Sur l'initiative de sa commission des affaires culturelles, familiales et
sociales - j'insiste sur ce point - mais aussi contre l'avis de cette dernière
et à la demande expresse du Gouvernement, l'Assemblée nationale est revenue à
son texte de première lecture sur quinze articles, alors qu'il s'agit
d'articles sur lesquels, je crois, les commissions compétentes des deux
assemblées auraient pu aboutir à un texte commun. Je déplore que le
Gouvernement ne l'ait pas souhaité et qu'il ait demandé à sa majorité de ne pas
permettre l'accord entre les deux commissions !
L'Assemblée nationale a, de surcroît, supprimé trois des quatre articles
additionnels introduits par le Sénat : l'article 3
quater,
qui visait à
exonérer de charges sociales au titre de leurs salariés affiliés au régime
agricole les associations d'aide à domicile, l'article 12 A, qui tendait à
réaffirmer la compensation intégrale des exonérations de charges consenties
dans le cadre de l'incitation à la réduction du temps de travail, et l'article
13
bis,
qui avait pour objet de maintenir à dix et à quinze ans les
majorations pour âge des allocations familiales.
L'Assemblée nationale a, en outre, souhaité modifier son texte de première
lecture sur quinze articles, s'inspirant parfois des orientations retenues par
le Sénat, notamment aux articles 24 et 25, qui concernent la politique
conventionnelle du médicament.
Sur ce point, je l'ai dit tout à l'heure après Mme la ministre, la solution
qui est finalement issue du débat parlementaire nous satisfait pleinement.
S'agissant, en revanche, de ce qu'il faut bien appeler les sanctions
collectives de l'article 21, qui institue des lettres clés flottantes et des
reversements - cela fait plus « chic » - à la charge des médecins libéraux,
l'Assemblée nationale n'a modifié son texte que pour satisfaire des
préoccupations que je qualifierai de cosmétiques.
Enfin, sur l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a introduit un
article additionnel 31
bis,
qui comporte un dispositif important de
cessation anticipée d'activité ouvert aux salariés et anciens salariés des
établissements de manufacture de l'amiante ou atteints d'une des maladies
professionnelles liées à l'amiante. Vous êtes d'ailleurs longuement intervenue
à l'instant sur ce point, madame la ministre.
Nous ne saurions, naturellement, être défavorables à ce dispositif très
attendu par les intéressés et dont la mise en oeuvre n'a que trop tardé.
Cependant, permettez-moi une remarque d'intérêt purement procédural - je ne
parlerai pas du fond - dans la mesure où l'article adopté est fragile au regard
de la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, qui proscrit, en
nouvelle lecture, les dispositifs sans lien direct avec les dispositions en
navette.
Il est donc regrettable - non pas sur le fond, j'y insiste, mais en termes de
procédure - que le Gouvernement ait attendu le stade ultime de la navette pour
introduire ce dispositif sous la forme d'un amendement déposé en séance en
nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.
J'ajoute, madame la ministre, que vous avez annoncé ce dispositif lors d'une
conférence de presse le 19 novembre, soit quarante-huit heures après la
première lecture du projet de loi au Sénat. Nous ne souhaitons pas faire preuve
de susceptibilité excessive, mais comprenez notre réaction !
Quoi qu'il en soit, cette disposition risque d'en rester au stade de la
gesticulation législative si le Conseil constitutionnel l'annule. Et nous le
déplorerions tous, pour les travailleurs de l'amiante notamment.
Vous allez me dire, madame la ministre, que l'on ne peut vouloir une chose et
son contraire. Je vous répondrai que le Gouvernement n'a pas trouvé de moyen
terme entre, d'un côté, des réformes différées - s'agissant notamment des
retraites ou des cotisations patronales - et, de l'autre, des amendements de
séance - s'agissant, par exemple, de la modification du régime des aides à
domicile, de la réforme de l'assurance veuvage ou de la mise en place d'une
cessation d'activité anticipée pour les travailleurs de l'amiante - et que nous
légiférons ainsi dans d'assez mauvaises conditions.
En conclusion, mes chers collègues, lors de la discussion des articles, je
vous proposerai de prendre en compte les modifications adoptées par l'Assemblée
nationale qui vont dans le sens des préoccupations que nous avions exprimées
et, pour le reste, de rétablir notre texte de première lecture, ouvrant ainsi à
l'Assemblée nationale, comme il est normal aux termes de notre Constitution, la
possibilité, lors de la procédure du « dernier mot », d'accomplir un nouveau
pas vers les positions du Sénat.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Je ne reviendrai pas après vous, madame le ministre, ni après vous, monsieur
le rapporteur, sur la description exhaustive des travaux des deux assemblées.
C'est pourquoi je serai bref : je m'en tiendrai aux trois progrès qu'a permis
la discussion parlementaire et qui ont particulièrement retenu mon
attention.
Je suis tout d'abord très heureux que, pour lutter contre la consommation de
tabac, le Gouvernement et l'Assemblée nationale en soient venus, finalement, à
supprimer l'article 11
bis
relatif à la majoration des droits sur le
tabac. En effet, le relèvement des taxes comportait un risque, celui de
provoquer, par des effets économiques pervers, une baisse des prix dont la
conséquence sur la consommation eût été contreproductive, allant à l'encontre
de l'objectif poursuivi.
La bonne solution - je reconnais que cela nous avait peut-être échappé en
première lecture - consistait, bien sûr, à relever directement le prix du tabac
en maintenant les taxes à leur niveau, assuré que l'on était ainsi d'obtenir le
résultat souhaité. C'est donc là une mesure à laquelle le groupe socialiste
souscrit pleinement.
Je suis également très satisfait que notre pays ait, enfin, décidé - car nous
n'avions, il faut l'avouer, que trop attendu - de reconnaître les maladies
professionnelles nées du contact avec l'amiante. Je suis d'autant plus
satisfait, madame le ministre, que vous avez choisi d'ouvrir un droit à
préretraite aux malades comme aux professionnels en contact avec l'amiante.
Ainsi, votre dispositif porte la marque de l'intérêt que nous accordons tous
au renforcement de la sécurité et de la protection sanitaire de nos
concitoyens. Cet acte tardif, mais fort, vaut mieux que les meilleures paroles
jamais suivies d'effet.
Je vous remercie, enfin, madame le ministre, d'avoir tenu vos engagements en
proposant à l'Assemblée nationale, qui l'a acceptée, une réécriture des
dispositions des articles 24 et 25 qui garantit à la fois la pérennité de notre
politique contractuelle du médicament et la participation de l'industrie à la
réalisation des objectifs de maîtrise des dépenses de santé.
Je note, à cet égard, que la commission n'a, sur ces articles, que repris
partiellement, contrairement à l'attitude qu'elle a adoptée par ailleurs sur ce
texte, ses amendements de première lecture, en soulevant seulement une petite
question qui porte sur la cohérence et la coordination entre l'article 24 et
l'article 25. Nous aurons l'occasion d'y revenir tout à l'heure, lors de la
discussion de ces articles.
En ce qui concerne les articles 3
bis
, 11
quater
et 36, qui ont
une incidence sur l'équilibre budgétaire de la CNRACL, je laisse le soin à mon
excellent collègue et ami Claude Domeizel, par ailleurs président de cette même
CNRACL, de vous faire part de ses craintes ou des questions qu'il se pose quant
à l'équilibre futur de cette caisse qui nous concerne tous puisque nous sommes
nombreux, sur ces travées, à être en même temps maires ou élus locaux.
Telles sont, madame le ministre, les observations très brèves que je
souhaitais faire avant la discussion des articles d'un projet de loi qui, ainsi
amélioré, recueille évidemment l'approbation du groupe socialiste.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après l'échec
de la commission mixte paritaire, le projet gouvernemental nous revient, en
deuxième lecture, rétabli, pour l'essentiel, dans sa version adoptée
initialement. L'Assemblée nationale a écarté des dispositions votées au Sénat
et que nous avions, pour notre part, rejetées.
Notre avis sur les amendements que la commission nous propose de réintroduire
aujourd'hui n'a pas changé. Aussi, s'ils étaient adoptés, nous voterions contre
le texte du Sénat.
Je pense, en particulier, aux retraites.
Cautionnant le principe de la création d'un fonds de réserve, la commission
des affaires sociales du Sénat s'était empressée de vider ce dispositif de sa
substance en supprimant, tout d'abord, les ressources affectées pour cette
année et les dispositions organisant le contrôle et la participation des
partenaires sociaux à la gestion de ce dernier.
Ensuite, dans le rapport annexé, la référence à l'abrogation de la loi Thomas
disparaissait, marquant ainsi la sympathie de la droite pour les fonds de
pension anglosaxons, qui, assortis d'exonérations de charges sociales et
d'avantages fiscaux, s'inscrivent dans une logique de substitution aux régimes
de retraite par répartition.
Profondément attachés à cette conquête sociale s'il en est, les parlementaires
communistes apprécient l'attitude du Gouvernement et de la majorité de nos
collègues de l'Assemblée nationale, qui ont refusé de donner quitus à la mise
en place des fonds de pension.
Nous n'entendons pas éluder le problème de l'avenir de nos régimes de
retraite, notamment l'échéance de 2005.
Nous pensons néanmoins que les premières préoccupations à avoir en la matière
sont celles de l'emploi et de l'assiette sur laquelle sont assis les
financements.
En même temps, les justifications tant démographiques qu'économiques ne
doivent pas servir à ébranler le dispositif existant. Nos inquiétudes sont
grandes, à ce sujet. Les discussions ont permis de les lever partiellement.
La réforme des cotisations patronales, annoncée pour le premier semestre de
1999, et le débat sur les fonds partenariaux de retraite doivent être
l'occasion de conforter l'attachement du Gouvernement aux retraites par
répartition.
Nous resterons vigilants pour que les fonds partenariaux de retraite soient
fortement réglementés, qu'ils ne servent pas uniquement à mobiliser l'épargne
dans l'économie, qu'ils soient collectifs, publics, accessibles à tous, qu'ils
associent étroitement les partenaires sociaux à la gestion.
Dès la première lecture, Mme la ministre annonçait un ensemble de mesures
propres à améliorer sensiblement le pouvoir d'achat des retraités, mis à mal
durant ces dernières années : le relèvement de 2 % du minimum vieillesse, la
revalorisation de 1,2 % des pensions vieillesse et le relèvement de 2 % des
pensions de réversion pour les veuves. Autant de pas positifs qui auraient pu
être plus signifiants si les ressources de la sécurité sociale étaient plus
importantes.
Je regrette que les dispositions introduites au Sénat tendant à optimiser la
réforme de l'allocation veuvage aient disparu.
Sur d'autres points, tels que les exonérations de cotisations patronales pour
l'embauche du premier salarié, la réduction de l'ONDAM, l'objectif national de
dépenses d'assurance maladie, les grandes orientations de notre politique de
santé publique et l'avenir de notre protection sociale, je suis satisfaite que
l'Assemblée nationale ait refusé de suivre le Sénat.
En revanche, beaucoup moins positif est le fait que les députés aient
finalement décidé d'exclure de la clause de sauvegarde les laboratoires
pharmaceutiques qui auront passé une convention avec le Comité économique du
médicament, qui voit ses compétences et moyens financiers renforcés.
Lorsqu'on sait que plus 90 % des laboratoires ont signé avec l'Etat un contrat
sur la période 1994-1996 et que, entre janvier et septembre, les dépenses de
médicaments remboursés ont augmenté de 7,6 %, on peut légitimement en conclure
que, jusqu'à présent, cette politique conventionnelle n'a pas permis de limiter
la dérive des dépenses médicamenteuses.
Je ne vois pas comment le dispositif nouveau, cette taxe spéciale, serait plus
efficace, étant observé que pratiquement tous les laboratoires sont exonérés !
Pourquoi ces derniers, contrairement à l'ensemble des acteurs du système de
santé, échapperaient-ils à leurs responsabilités sociales ?
Nous approuvons, bien entendu, le fait qu'un dispositif de retraite anticipée
destiné aux salariés exposés à l'amiante ait été institué.
Les personnes atteintes de maladies professionnelles liées à l'exposition à
l'amiante pourront, dès cinquante ans, prétendre à cette préretraite. Pour les
salariés et anciens salariés des manufactures concernées, l'âge de départ sera
calculé en déduisant, par rapport à l'âge légal fixé à soixante ans, un tiers
des années d'activité passées dans ces établissements.
Plusieurs milliers de personnes seront, dès 1999, concernées par ce dispositif
; j'espère néanmoins que celui-ci pourra être amélioré.
Il conviendrait aussi de se préoccuper de l'opportunité de la baisse des
cotisations patronales accident du travail et maladie professionnelle au regard
des sous-déclarations persitantes dans ce domaine et de l'effort de prévention
encore à réaliser.
Mon appréciation générale sur le texte, tel qu'il nous revient en deuxième
lecture, n'a pas changé.
Faute d'avoir encore résolu la question clé du financement assis sur
l'ensemble des richesses produites par l'entreprise en réformant les
cotisations sociales patronales, le Gouvernement se prive, pour l'instant, de
moyens importants destinés à mettre fin au sentiment fort d'insécurité sociale
partagé par une grande partie des Français.
Une étude réalisée récemment par la SOFRES met en relief le profond
attachement des Français aux valeurs du système de protection sociale.
La plupart craignent une dégradation du niveau de protection sociale,
l'apparition d'une médecine inégalitaire, la disparition du service public
hospitalier de proximité, le déficit de la sécurité sociale.
Sur ce dernier point, madame la ministre, en rétablissant, en 1999,
l'équilibre des comptes, vous apaisez leurs craintes et, par là même, barrez la
route aux tentatives de privatisation, de gestion par des assureurs privés, de
ce que je me refuse à appeler, pour ma part, le « marché de la santé ».
Cette question sensible du risque de démantèlement du monopole de la sécurité
sociale me tient particulièrement à coeur. Nous sommes farouchement opposés aux
projets des assureurs privés, qui, loin de baisser les coûts et d'améliorer la
prise en charge du risque maladie, conduisent inévitablement à la sélection et
à l'inégalité de traitement.
Face à la pauvreté persistante, au taux élevé de renoncements aux soins que
tout le monde connaît, aux conséquences graves du peu d'accès à la prévention,
il me semble impératif de lier le retour à l'équilibre des comptes à une
meilleure satisfaction des besoins sanitaires et sociaux existants ou
émergents.
Pour ce faire, en première lecture, nous avions fait des propositions visant à
accroître les ressources de notre protection sociale dans le souci de
consolider les régimes de retraite par répartition, d'attribuer les allocations
familiales dès le premier enfant, de revaloriser l'ensemble des prestations
familiales, d'indexer les retraites sur l'évolution des salaires et non des
prix, de créer un cinquième risque « dépendance », de mener de véritables
campagnes de santé publique, enfin, de desserrer l'étau qui enserre les
hôpitaux.
Malheureusement, dans l'immédiat, ces priorités n'ont pas été retenues. Je
doute que les mesures structurelles reconduites permettent, par exemple, à
notre service public hospitalier d'être plus sûr, plus efficace, plus humain.
C'est pourtant ce qu'attendent nos concitoyens.
Participant aux états généraux des malades du cancer, les nombreuses personnes
rassemblées ont témoigné de l'urgence de changer la relation entre malade et
médecin. Satisfaits en partie de la qualité des soins, grâce à notre système
public hospitalier, ils sont surtout demandeurs d'une meilleure considération,
de plus d'attention et de relais entre la médecine hospitalière et la médecine
de ville.
Comment accéder à ces demandes si ce n'est en maintenant et en perfectionnant
les services et équipes existants, si ce n'est en assurant plus de formation
aux intervenants hospitaliers et en augmentant leur nombre ?
L'élaboration des schémas régionaux d'organisation sanitaire, les SROS, de
deuxième génération, les regroupements de services, les fermetures d'hôpitaux
de proximité, de maternités et de services d'urgence réduisent les choix du
patient et augmentent les délais raisonnables d'accès aux soins. A terme, cela
renforcera le cloisonnement et la déshumanisation des structures ainsi que la
ghettoïsation des populations.
Les enveloppes régionales hospitalières viennent d'être rendues publiques :
265,3 milliards de francs sont à répartir.
Choisissant de concentrer vos efforts sur les régions considérées comme
sous-dotées pour lisser les disparités régionales, vous vous contentez d'un
taux d'évolution de 1,17 % pour les hôpitaux publics de la région
parisienne.
C'est admettre implicitement que les hôpitaux parisiens sont en surnombre et
trop chers par rapport à la province, ce que je réfute. C'est aussi nier les
réalités parisiennes.
Permettez-moi de me référer à la conférence de presse des quatre-vingts chefs
de service de l'Assistance publique, qui dénonçaient, au début de 1998, le
manque de moyens criants auxquels ils étaient confrontés.
La fédération hospitalière de France déclarait, quant à elle, qu'en 1999 une
évolution des budgets hospitaliers à 2,5 % permettrait tout juste de maintenir
l'emploi. C'est dire que 1,17 % pour Paris équivaut à une annonce de baisse des
effectifs et de suppression de postes.
Lors du vote de la loi de lutte contre les exclusions, vous avez réaffirmé
avec force votre attachement - je le partage - au rôle central et social de
l'hôpital. La couverture médicale universelle, la CMU, ira dans le même
sens.
Cela impliquerait de dégager des moyens budgétaires pour assumer ces missions
reconnues indispensables par tous.
La compression des hôpitaux publics franciliens induira inévitablement un
transfert d'activités et de moyens vers le secteur privé.
Or, comme notre région concentre la plus importante proportion de médecins du
secteur II pratiquant des honoraires libres, limiter le recours plus courant
qu'ailleurs aux services d'urgence renforcera le renoncement aux soins.
De plus, traitant de pathologies rares et complexes, les hôpitaux franciliens
contribuent à l'innovation, au progrès médical.
Par ailleurs, le poids des CHU en région parisienne, donc des dépenses de
formation et de recherche, n'est pas réellement pris en compte.
Je constate que la mise en service, l'an prochain, de l'hôpital européen
Georges-Pompidou commence déjà à perturber sérieusement le fonctionnement de
nombreux hôpitaux parisiens puisque cette opération se fait par redéploiement
interne aussi bien pour le financement que pour les personnels.
En première lecture, certains se plaignaient, ici, de l'insuffisance des
efforts d'adaptation de l'hôpital public. C'est être très loin des réalités du
terrain et faire peu de cas du devoir pour tout élu local de permettre à tous
l'accès à l'hôpital et à des soins de qualité.
Au cours des débats au sein de cette assemblée, très peu de collègues ont
abordé la question de la tenue des états généraux de la santé participant au
besoin de démocratie sociale. Pour ma part, je regrette que cette consultation
des Français sur les questions concernant la santé publique et l'organisation
de notre système de soins intervienne aussi tardivement après le vote de la
présente loi et la mise en place, par exemple, des filières de soins.
C'était en effet la condition pour définir une politique nationale de santé à
partir des besoins exprimés par les intéressés eux-mêmes, en liaison avec les
professionnels.
Nous ne pouvons, quant à nous, nous résigner à leur enlisement.
Je souhaite que les différents acteurs et le grand public s'impliquent le plus
possible pour que, rapidement, le Gouvernement traduise concrètement encore
mieux les implications et exigences de chacun pour une protection sociale
accrue.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau,
président de la commission.
Monsieur le président, avant d'aborder la
discussion des articles, je sollicite une brève suspension de séance afin de
permettre à la commission de se prononcer sur deux amendements qu'elle n'a pas
encore examinés.
M. le président.
A la demande de la commission, nous allons donc interrompre nos travaux
quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à quinze
heures cinquante.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous passons à la discussion des articles.
Réserve de l'article 1er et du rapport annexé
M. le président.
A la demande de la commission des affaires sociales et avec l'accord du
Gouvernement, la discussion de l'article 1er et du rapport annexé est réservée
jusqu'après l'examen de l'article 36 du projet de loi.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - I à III. - Non modifiés.
« IV. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° L'article L. 135-1 est ainsi modifié :
«
a)
Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
Le fonds a également pour mission de gérer un fonds de réserve pour les
régimes d'assurance vieillesse visés à l'article L. 222-1 et aux 1° et 2° de
l'article L. 621-3. »
«
a
bis) Au deuxième alinéa, les mots : "qui est assisté d'un comité de
surveillance composé notamment de membres du Parlement" sont remplacés par les
mots : "qui est assisté dans les missions mentionnées aux premier et deuxième
alinéas d'un comité de surveillance composé notamment de membres du Parlement,
de représentants des assurés sociaux désignés par les organisations syndicales
de salariés interprofessionnelles représentatives au plan national ainsi que de
représensants des employeurs et travailleurs indépendants désignés par les
organisations professionnelles d'employeurs et de travailleurs indépendants
représentatives", » ;
«
b)
Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
Les opérations du Fonds de solidarité vieillesse correspondant à chacune des
missions respectivement mentionnées au premier et au deuxième alinéa du présent
article sont retracées en deux sections distinctes. » ;
« 2° Au premier alinéa de l'article L. 135-2, les mots : "Les dépenses prises
en charge par le fonds visé à l'article L. 135-1 sont les suivantes" sont
remplacés par les mots : "Les dépenses prises en charge par le Fonds de
solidarité vieillesse au titre du premier alinéa de l'article L. 135-1 sont les
suivantes" ;
« 3° L'article L. 135-3 est ainsi modifié :
«
a)
Au premier alinéa, les mots : "Les recettes du fonds sont
constituées par" sont remplacés par les mots : "Les recettes du fonds affectées
au financement des dépenses mentionnées à l'article L. 135-2 sont constituées
par",
«
b)
Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les recettes et les dépenses du fonds de la première section doivent être
équilibrées, dans des conditions prévues par les lois de financement de la
sécurité sociale. » ;
« 4° Les articles L. 135-4, L. 135-5 et L. 135-6 deviennent respectivement les
articles L. 135-1-1, L. 135-4 et L. 135-5 ;
« 5° Après l'article L. 135-1-1, il est créé une section 1 intitulée :
"Opérations de solidarité" et comprenant les articles L. 135-2 à L. 135-5 ;
« 6° Après l'article L. 135-5, il est inséré une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Fonds de réserve
«
Art. L. 135-6.
- Les recettes du fonds affectées aux missions
définies au deuxième alinéa de l'article L. 135-1 sont constituées par :
« 1° Une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité
sociale et du budget, du solde du produit de la contribution sociale de
solidarité à la charge des sociétés visé au deuxième alinéa de l'article L.
651-2-1 ;
« 2° Tout ou partie du résultat excédentaire de la première section, dans des
conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du
ministre chargé du budget ;
« 3° Toute ressource affectée au fonds de réserve en vertu de dispositions
législatives. »
V. -
Supprimé.
»
Sur l'article, je suis saisi de quatre amendements déposés par M. Descours, au
nom de la commission.
L'amendement n° 1 vise, à la fin du texte proposé par le
a
du 1° du IV
de cet article pour être inséré après le premier alinéa de l'article L. 135-1
du code de la sécurité sociale, à supprimer les mots : « visés à l'article L.
222-1 et aux 1° et 2° de l'article L. 621-3 ».
L'amendement n° 2 a pour objet de supprimer le
a
bis du 1° du IV de
l'article 2.
L'amendement n° 3 tend à rédiger ainsi le texte proposé par le 6° du IV de
l'article 2 pour l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale :
«
Art. L. 135-6. -
Les recettes du fonds affectées aux missions
définies au deuxième alinéa de l'article L. 135-1 sont constituées par toute
ressource affectée en vertu de dispositions législatives. »
L'amendement n° 4 vise à rétablir le V de l'article 2 dans la rédaction
suivante :
« V. - Les missions, les statuts et les ressources du fonds de réserve
mentionné à l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale sont déterminés
par une loi tendant à assurer l'équilibre à long terme des régimes d'assurance
vieillesse, portant réforme des régimes fiscaux de retraite et instituant un
régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces quatre amendements.
M. Charles Descours,
rapporteur.
En première lecture, nous avions souligné que la décision de
créer un fonds de réserve pour les retraites par répartition présentait un
caractère à nos yeux inachevé : les objectifs de ce fonds semblaient flous, les
sommes affectées apparaissaient dérisoires par rapport aux besoins futurs, les
modalités de gestion restaient à définir.
Ayant pris acte du caractère « symbolique » de cette mesure, que j'ai rappelé
dans mon intervention initiale, nous n'avions pas pensé supprimer ce fonds de
réserve. Nous avons cependant jugé inutile de « faire semblant », comme le
projet de loi nous paraissait le faire, d'attribuer à ce fonds un seul embryon
de ressources - je rappelle qu'elles s'élevaient à 2 milliards de francs - et
de « peaufiner » la composition du comité de surveillance du FSV ou de préciser
les régimes bénéficiaires.
Pour notre Haute Assemblée, les différentes dispositions relatives au fonds de
réserve formaient un tout dont il n'était pas possible de dissocier certains
éléments.
L'Assemblée nationale a choisi de rétablir en nouvelle lecture le texte tel
qu'elle l'avait adopté en première lecture.
La commission vous propose par conséquent quatre amendements tendant à revenir
au texte adopté par le Sénat en première lecture.
L'amendement n° 1 vise à supprimer la liste des régimes de retraite
bénéficiaires du fonds de réserve. Cette liste est en effet quelque peu
arbitraire : pourquoi tel régime de retraite et pas tel autre ?
L'amendement n° 2 tend à supprimer les modifications apportées à la
composition du comité de surveillance du FSV. Ils nous semble en effet qu'il
convient d'approfondir la réflexion sur ce point au regard notamment de ce que
seront les ressources et les emplois de fonds.
L'amendement n° 3 a pour objet de supprimer l'affectation au fonds de réserve
des sommes provenant de la C 3 S et du FSV. Il s'agit de ces deux milliards de
francs qui, à la suite d'un jeu de piste, tombent enfin dans ce fonds de
réserve, si on ne les a pas perdus entre-temps.
Enfin, l'amendement n° 4 prévoit que les missions, les statuts et les
ressources du fonds de réserve seront déterminés par une loi tendant à assurer
l'équilibre à long terme des régimes d'assurance vieillesse par répartition
auxquels je continue à affirmer notre attachement ; mais il faut en même temps
réformer les régimes spéciaux de retraite et instituer un véritable régime de
retraite des fonctionnaires de l'Etat.
Tel est, monsieur le président, l'objet de ces quatre amendements.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 1, 2, 3 et 4 ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement est défavorable
à ces quatre amendements. J'ai longuement abordé ces sujets dans la discussion
générale ; je crois donc inutile d'y revenir.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
L'amendement n° 4 est très important. En effet, nous sommes à six ans de
l'explosion prévue de nos régimes de retraite - 2005 - et en six ans on ne peut
pas faire grand-chose !
Si nous continuons à nous voiler la face et à approcher de cette échéance en
reportant sans cesse les réformes, il est clair que nous n'aurons que deux
solutions : soit diminuer de manière drastique le montant des pensions de
retraite ; soit majorer fortement les cotisations pesant sur la population
active.
Dans le cadre de la monnaie unique, dans lequel nous serons rentrés avec les
impératifs de convergence de l'ensemble de nos politiques économiques et
sociales, cette affaire sera pour notre pays un risque majeur et je me
désespère de voir que le Gouvernement ne traite pas ce risque majeur.
Alors, on demande à des personnalités qualifiées d'établir des rapports ; on
ressuscite le commissariat du Plan pour faire des propositions - mais il ne se
passe rien.
Je viens d'entendre avec quelque terreur Mme Borvo nous dire que le comble de
l'horreur c'était l'épargne retraite et les fonds de pension. Or tous les pays
développés du monde, tous nos concurrents, notamment au sein de l'Union
européenne, ont depuis longtemps mis en place le système de l'épargne retraite,
qui vient en complément des régimes par répartition.
Par conséquent, je trouve que l'amendement de la commission va dans le bon
sens, puisqu'il s'agit de demander au Gouvernement de préparer un projet de loi
sur l'équilibre à long terme de notre régime de retraite, sur la nécessaire
réforme des régimes spéciaux et sur la création, enfin ! d'un régime de
retraite pour les fonctionnaires de l'Etat, puisque nous sommes dans une totale
obscurité à cet égard.
En effet, personne ne sait exactement ce que l'Etat dépense pour assurer les
retraites de tous ses fonctionnaires. On connaît parfaitement l'effort consenti
par les collectivités territoriales et les établissements hospitaliers, puisque
l'on connaît le taux des cotisations patronales et sociales qui pèse sur eux ;
en revanche, on ignore quel taux de cotisations est supporté par l'Etat au
titre du financement des retraites de ses fonctionnaires. Ce manque de clarté
contribue à aggraver la situation.
Je souhaite donc, mes chers collègues, que cet amendement soit adopté en
recueillant le plus de suffrages possibles. Il indique de manière claire que le
Sénat est lucide, que nous savons que nous nous dirigeons vers des remous
graves et que nous courons le risque de voir un certain nombre de personnes
actives s'installer ailleurs dans l'Union européenne, parce que les jeunes
générations n'accepteront pas de supporter des taux de prélèvements de plus en
plus élevés, au motif que les gouvernements en place avant 2005 auront été
incapables d'envisager des mesures de réforme.
(Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur
les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
bis
M. le président.
« Art. 3
bis. -
I. - L'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale
est ainsi rédigé :
«
Art. L. 241-10. - I. -
La rémunération d'une aide à domicile est
exonérée totalement des cotisations patronales d'assurances sociales,
d'accidents du travail et d'allocations familiales, lorsque celle-ci est
employée effectivement à leur service personnel, à leur domicile ou chez des
membres de leur famille, par :
«
a)
Des personnes ayant atteint un âge déterminé et dans la limite,
par foyer, et pour l'ensemble des rémunérations versées, d'un plafond de
rémunération fixé par décret ;
«
b)
Des personnes ayant à charge un enfant ouvrant droit au complément
de l'allocation d'éducation spéciale mentionné à l'article L. 541-1 ;
«
c)
Des personnes titulaires :
« - soit de l'allocation compensatrice pour tierce personne,
« - soit d'une majoration pour tierce personne servie au titre de l'assurance
invalidité, de la législation des accidents du travail ou d'un régime spécial
de sécurité sociale ou de l'article L. 18 du code des pensions militaires
d'invalidité et des victimes de la guerre ;
«
d)
Des personnes se trouvant, dans des conditions définies par
décret, dans l'obligation de recourir à l'assistance d'une tierce personne pour
accomplir les actes ordinaires de la vie et titulaires :
« - soit d'un avantage de vieillesse servi en application du présent code ou
du code rural,
« - soit d'une pension d'invalidité servie par un régime spécial de sécurité
sociale, sous réserve d'avoir dépassé un âge déterminé par décret,
« - soit d'une pension allouée aux militaires invalides au titre de l'article
L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre,
sous réserve d'avoir dépassé un âge déterminé par décret ;
e)
Des personnes remplissant, dans des conditions définies par
décret, la condition de degré de dépendance prévue à l'article 2 de la loi n°
97-60 du 24 janvier 1997 tendant à mieux répondre aux besoins des personnes
âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance.
« L'exonération est accordée sur la demande des intéressés par l'organisme
chargé du rcouvrement des cotisations dans les conditions fixées par arrêté
ministériel.
« Le bénéfice de ces dispositions ne peut se cumuler pour une même aide à
domicile avec l'allocation de garde d'enfant à domicile prévue à l'article L.
533-1.
«
II.
- Les personnes qui ont passé un contrat conforme aux
dispositions du cinquième alinéa de l'article 6 de la loi n° 89-475 du 10
juillet 1989 relative à l'accueil par des particuliers, à leur domicile, à
titre onéreux, de personnes âgées ou handicapées adultes sont exonérées
totalement, dans les conditions prévues à l'avant-dernier alinéa du I, des
cotisations patronales d'assurances sociales, d'accidents du travail et
d'allocations familiales dues sur la rémunération qu'elles versent à ces
particuliers.
«
III.
- Les rémunérations des aides à domicile employées sous contrat
à durée indéterminée par les associations admises, en application de l'article
L. 129-1 du code du travail, à exercer des activités concernant la garde
d'enfant ou l'assistance aux personnes âgées ou handicapées, les centres
communaux et intercommunaux d'action sociale et les organismes habilités au
titre de l'aide sociale ou ayant passé convention avec un organisme de sécurité
sociale sont exonérées totalement des cotisations patronales d'assurances
sociales, d'accidents du travail et d'allocations familiales pour la fraction
versée en contrepartie de l'exécution des tâches effectuées chez les personnes
visées aux
b, c, d
et
e
du I ou bénéficiaires de prestations
d'aide ménagère aux personnes âgées ou handicapées au titre de l'aide sociale
légale ou dans le cadre d'une convention conclue entre ces associations ou
organismes et un organisme de sécurité sociale.
« Un décret détermine les modalités d'application de l'exonération prévue par
l'alinéa ci-dessus, et notamment :
« - les informations et pièces que les associations, les centres communaux et
intercommunaux d'action sociale et les organismes visés au précédent alinéa
doivent produire auprès des organismes chargés du recouvrement des cotisations
de sécurité sociale du régime général ;
« - les modalités selon lesquelles les organismes chargés du recouvrement des
cotisations de sécurité sociale du régime général vérifient auprès des
organismes servant les prestations mentionnées aux
b, c, d
et
e
du I ou les prestations d'aide ménagère visées au précédent alinéa que les
personnes au titre desquelles cette exonération a été appliquée ont la qualité
de bénéficiaires desdites prestations.
« Les rémunérations des aides à domicile ayant la qualité d'agent titulaire
d'un centre communal ou inter-communal d'action sociale bénéficient d'une
exonération de 100 % de la cotisation d'assurance vieillesse due au régime visé
au 2° de l'article R. 711-1 du code de la sécurité sociale pour la fraction de
ces rémunérations remplissant les conditions définies au premier alinéa du
présent paragraphe.
«
IV.
- Par dérogation aux dispositions de l'article L. 131-7 du code
de la sécurité sociale, l'exonération prévue au III n'est pas compensée par le
budget de l'Etat.
«
V.
- Les dispositions du présent article sont applicables aux
périodes d'emploi postérieures au 31 décembre 1998 ; toutefois, la limite
prévue au
a
du I est applicable aux périodes d'emploi postérieures au 31
mars 1999. »
« II. - Au titre VII du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est
inséré un chapitre VII ainsi rédigé :
« Chapitre VII
« Action sanitaire et sociale des régimes
«
Art. L. 177-1.
- Les caisses de sécurité sociale procèdent, au moins
une fois par an, au contrôle, dans des conditions déterminées par décret, des
associations et organismes chargés de l'exécution des prestations à caractère
familial ou domestique dont elles assurent, en tout ou partie, le financement,
afin de s'assurer de la régularité des opérations financières et comptables et
d'apprécier la qualité des prestations servies. »
« IV. - Les pertes de recettes résultant du dernier alinéa du III de l'article
L. 241-10 du code de la sécurité sociale sont compensées à due concurrence par
une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code
général des impôts. »
Par amendement n° 5, M. Descours, au nom de la commission, propose :
A. - De rédiger ainsi le
a
du paragraphe I du texte présenté par le
paragraphe I de cet article pour l'article L. 241-10 du code de la sécurité
sociale :
«
a)
Des personnes ayant atteint un âge déterminé par décret ; »
B. - De rédiger ainsi le paragraphe IV du texte proposé par le paragraphe I de
cet article pour l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale :
« IV. - L'article L. 131-7 du présent code est applicable à 70 % de
l'exonération prévue au premier alinéa du III. »
C. - Dans le V du texte proposé par le paragraphe I de cet article pour
l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, de supprimer le membre de
phrase : « toutefois, la limite prévue au
a
du I est applicable aux
périodes d'emploi postérieures au 31 mars 1999. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il s'agit ici de l'exonération du versement de cotisations
sociales patronales pour les employeurs d'aides à domicile.
Nous rappelons que, en première lecture, le Sénat avait affirmé son opposition
au plafonnement de l'exonération de charges dont bénéficient les personnes
âgées de plus de soixante-dix ans. Nous sommes pour les exonérations de charges
sociales en faveur des personnes qui emploient une aide à domicile, y compris
lorsqu'elles ont plus de soixante-dix ans, et quelle que soit leur
condition.
Nous réaffirmons également la compensation par le budget de l'Etat de cette
majoration d'exonérations de charges en faveur des associations d'aides à
domicile.
Là encore, comme je l'ai dit dans mon exposé liminaire, il s'agit d'une
position constante de la commission des affaires sociales, qui souhaite que les
exonérations décidées par l'Etat soient compensées selon la loi du 25 juillet
1994.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Comme j'ai déjà été amenée à le
dire, le Gouvernement souhaite que le service à domicile soit lié à deux
caractéristiques : d'une part, la dépendance de la personne, quelle soit
physique, psychologique ou personnelle ; d'autre part, la dépendance
financière.
Je rappelle qu'en plafonnant à quinze heures par semaine l'exonération de
cotisations sociales nous ne touchons que 10 % des personnes âgées de plus de
soixante-dix ans qui occupent néanmoins 50 % des heures travaillées. Ne sont
pas touchées les personnes qui ont véritablement un besoin en termes de
dépendance, c'est-à-dire, par exemple, celles qui perçoivent la prestation
spécifique dépendance ou l'allocation aux adultes handicapés.
Il s'agit donc d'une mesure de solidarité à un moment où nous exonérons à 100
% les cotisations sociales pour les associations d'aides à domicile.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
M. Claude Domeizel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. Claude Domeizel.
Nous considérons que l'article 3
bis,
qui traite des conditions
d'exonération de cotisations sociales patronales pour l'emploi d'une aide à
domicile, est une excellente mesure, et le groupe socialiste l'approuve.
Cependant, s'agissant de l'alinéa 5 du paragraphe II de cet article, nous
souhaiterions que soit évalué tout d'abord le coût de cette mesure. Nous
souhaiterions également savoir combien d'agents sont concernés, dans quelle
mesure ce dispositif pourrait créer un précédent et, enfin, ce qui est prévu
pour la compensation, qu'elle soit par l'Etat ou par l'employeur.
Si je pose ces questions, c'est pour deux raisons. La première, vous l'avez
devinée, concerne les agents qui cotisent à la CNRACL. L'exonération signifie
en effet une perte de recettes pour la Caisse, c'est-à-dire une perte pour les
collectivités territoriales, mais également une perte pour le budget des
hôpitaux. Indirectement donc, cela a une incidence sur le budget de la sécurité
sociale.
D'une manière plus générale, ces périodes qui seront exonérées seront-elles
prises en compte pour le calcul de la retraite des agents concernés ? Je tiens
à rappeler que le code des pensions civiles stipule très clairement : « Aucune
pension ne peut être concédée si le versement des retenues exigibles n'a pas
été effectué. »
Nous comptons sur Mme le ministre pour obtenir une réponse à ces questions.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Bonnes questions !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, je
comprends parfaitement que vous désapprouviez cette disposition résultant de
l'adoption d'un amendement en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.
Vous aurez sans doute noté que le Gouvernement avait exprimé son opposition à
son adoption au motif - que vous avez d'ailleurs rappelé - que, la disposition
touchant aux recettes de la CNRACL, elle lui paraissait ne pas pouvoir être
adoptée avant que le conseil d'administration de cette caisse ait pu être saisi
du sujet.
Plus généralement, cette exonération de charges sociales ne concernera que les
agents titulaires à temps complet de la fonction publique territoriale qui
exercent comme aides-ménagères auprès des personnes âgées ou handicapées.
Leur nombre n'est donc sans doute pas considérable, puisque l'essentiel de ces
professionnels exercent à temps partiel, mais il nous a semblé qu'il aurait été
préférable de se donner le temps d'apprécier exactement les conséquences de la
disposition concernée pour la CNRACL et d'étudier les modalités possibles de
son application aux agents titulaires qui n'exercent cette activité que pendant
une partie de leur temps.
Je ne peux donc que partager votre souci et dire que le Gouvernement demeure
défavorable à ce texte.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je prends acte avec intérêt de la position de Mme le
ministre, mais je rappelle que, si elle était opposée au texte qui a été voté à
l'Assemblée nationale, rien ne lui interdisait de déposer ici un amendement que
nous aurions discuté et, pourquoi pas, approuvé puisque la CNRACL est l'objet
d'un souci constant dans cette assemblée.
En l'occurrence, je comprends très bien l'inquiétude du président de la
CNRACL.
M. Alain Gournac.
Oui !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Le Gouvernement, ayant toujours le droit de déposer un
amendement, il vient peut-être de manquer à l'instant l'occasion d'une
rectification !
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
A la lumière du débat - débat que nous avions d'ailleurs déjà eu en première
lecture - je veux confirmer l'abstention du groupe communiste républicain et
citoyen.
Les réserves qui ont été formulées par notre collègue M. Domeizel sont tout à
fait pertinentes et nous aurions souhaité obtenir des précisions sur ce
sujet.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3
bis,
ainsi modifié.
(L'article 3
bis
est adopté.)
Article 3 ter
M. le président.
L'article 3
ter
a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Article 3
quater
M. le président.
L'article 3
quater
a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, pour amendement n° 6, M. Descours, au nom de la commission, propose de
le rétablir dans la rédaction suivante :
« A. - Après l'article 1031-3 du code rural, il est inséré un article 1031-4
ainsi rédigé :
«
Art. 1031-4. -
I. - Les dispositions prévues au III de l'article L.
241-10 du code de la sécurité sociale sont applicables aux cotisations
patronales d'assurances sociales, d'accidents du travail et d'allocations
familiales, dues par les associations et organismes sur les rémunérations des
salariés affiliés au régime de protection sociale agricole, dans les conditions
mentionnées par cet article.
« Les conditions d'application de l'exonération prévue au III de l'article L.
241-10 du code de la sécurité sociale au bénéfice des associations et
organismes visés à l'alinéa ci-dessus sont fixées par décret. Celui-ci
détermine notamment les informations et pièces que les associations et
organismes précités doivent produire auprès des caisses de mutualité sociale
agricole ainsi que les modalités permettant aux caisses de mutualité sociale
agricole de vérifier la qualité de bénéficiaires des prestations mentionnées
aux
b, c, d
et
e
du I de l'article L. 241-10 précité ou des
prestations d'aide ménagère visées au III du même article.
« II. - Les caisses de mutualité sociale agricole procèdent auprès des
associations et organismes affiliés au régime agricole et bénéficiant de
l'exonération prévue à l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale à des
contrôles identiques à ceux réalisés par les caisses de sécurité sociale auprès
des associations et organismes relevant du régime général, afin de s'assurer de
la régularité des opérations financières et comptables et d'apprécier la
qualité des prestations servies.
« III. - Les dispositions du I sont applicables aux gains et rémunérations
versés postérieurement au 31 décembre 1998. »
« B. - La perte de recettes résultant du A ci-dessus est compensée à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575-A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement reprend, en tenant compte des modifications
introduites à l'article 3
bis
et en incluant des dispositifs de
contrôle, l'amendement de M. Louis Boyer, adopté par le Sénat en première
lecture, qui vise à donner aux associations d'aide à domicile intervenant en
milieu rural, dont les salariés dépendent du régime agricole, la même
exonération que celle des associations dont les salariés dépendent du régime
général. C'est une question d'équité.
Vous estimez, madame la ministre, qu'il s'agit d'un dispositif « illégal ». Si
c'est le cas, que fait la tutelle ? Pourquoi ne met-on pas fin à l'inscription
de ces salariés au régime agricole ?
Mais cette « illégalité » est loin d'être certaine. L'article 1144-7° du code
rural englobe parmi les assujettis du régime agricole les salariés « d'une
manière générale, de tout groupement professionnel agricole ». L'objet d'un «
groupement professionnel agricole », défini par la jurisprudence, peut être
très large. Certaines associations d'aide à domicile intervenant en milieu
rural sont des groupements professionnels agricoles.
D'autres associations de services aux personnes ont été constituées par des
caisses de mutualité sociale agricole au titre de l'action sanitaire et
sociale. Les salariés de ces caisses étant, selon la loi, affiliés au régime
agricole, il serait inopportun de prévoir un traitement différencié pour les
salariés d'associations dépendant des caisses.
Enfin, j'observe que les dispositions du projet de loi d'orientation agricole
actuellement en cours de discussion devant le Parlement ont pour effet de
favoriser une grande souplesse sur les critères d'affiliation au régime
agricole, dont nous connaissons les difficultés, ce qui a entraîné une légitime
inquiétude des artisans et des commerçants. La cohérence de la politique
gouvernementale sur le sujet ne m'apparaît pas évidente.
Telles sont les raisons qui ont conduit la commission des affaires sociales à
reprendre cet amendement.
Il s'agit là d'un amendement d'ordre technique sur lequel nous devrions
parvenir à un accord en commission mixte paritaire, s'il en allait
autrement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je rappelle la base du droit du
travail français : chaque personne adhère à une convention collective, donc à
un régime d'assurance maladie ainsi qu'à un régime de retraite en fonction de
son activité et non pas en fonction de la personne pour laquelle elle exerce
cette activité.
Une employée de maison, si elle travaille chez un marin pêcheur, ne va pas
dépendre du régime général des marins pêcheurs ; puis, si elle travaille chez
un commerçant, du régime général des commerçants. C'est pareillement vrai du
secteur agricole.
Il est exact que certaines associations d'aides ménagères, sous prétexte
qu'elles travaillent majoritairement ou principalement pour des agriculteurs,
ont pris l'habitude, malgré les contrôles qui ont été réalisés, de cotiser au
régime agricole. Ce n'est pas sain ; nous l'avons d'ailleurs rappelé à
plusieurs reprises.
Par ailleurs, j'indique à M. Descours que le groupement professionnel agricole
intervient dans l'activité agricole. On ne peut pas dire qu'une employée de
maison exerce une activité agricole et qu'elle relève donc de ce régime.
Puisque vous avez soulevé une vraie question, vous auriez pu étudier la
situation avec le ministère. Cela aurait peut-être permis de clarifier les
choses une fois pour toutes et d'appliquer aux employés de maison la convention
collective et le régime général, puisque c'est de celui-ci qu'elles relèvent et
non pas d'un régime particulier qui n'a rien à voir avec leur activité.
C'est ce que nous avons fait pour notre part, et nous sommes convenus, avec le
ministère de l'agriculture, de prévenir ces associations qu'elles sont dans
l'irrégularité et qu'elles relèvent du régime général.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3
quater
est rétabli dans cette rédaction.
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - I. - Le premier alinéa de l'article 6 de la loi n° 89-18 du 13
janvier 1989 portant diverses mesures d'ordre social est complété par les mots
: "afférentes à une fraction de la rémunération égale au salaire minimum de
croissance, par heure rémunérée dans la limite de la durée légale ou
conventionnelle du travail".
« II.
- Non modifié.
« II
bis. - Supprimé.
« III.
- Non modifié. »
Sur cet article, je suis saisi de deux amendements.
Tous deux sont déposés par M. Descours, au nom de la commission.
L'amendement n° 7 a pour objet de supprimer le paragraphe I de cet article.
L'amendement n° 8 vise à rétablir le paragraphe II
bis
de cet article
dans la rédaction suivante :
« II
bis
. - Les dispositions de l'article L. 131-7 du code de la
sécurité sociale s'appliquent à la prorogation, au-delà du 31 décembre 1998, du
dispositif d'exonération de cotisations patronales pour l'embauche d'un premier
salarié résultant du paragraphe II. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces deux amendements.
M. Charles Descours,
rapporteur.
L'amendement n° 7 vise à en revenir au texte adopté par le
Sénat.
Le texte qui nous est soumis vise à proroger l'exonération de cotisations
patronales de sécurité sociale pour l'embauche d'un premier salarié en la
plafonnant au niveau du SMIC.
Aujourd'hui, les petites entreprises qui créent des emplois - c'est le
sénateur de l'Isère qui s'exprime - sont des entreprises d'essaimage souvent
issues d'une université, et il est évident que le premier salarié qu'elles
embauchent sera rémunéré bien au-dessus du SMIC puisque, en règle générale, il
s'agira d'un ingénieur de haut niveau. Elles ne bénéficieront donc que très
partiellement du dispositif prévu à cet article. Nous vous proposons, par
conséquent, de supprimer le plafonnement.
Nous sommes ainsi en cohérence avec la réalité économique de notre pays
puisque, fort heureusement, il y a plus de créations de petites entreprises
hightech
que de sociétés de travail traditionnel.
L'amendement n° 8 tend à prévoir la compensation pour la sécurité sociale du
dispositif d'exonération de cotisations patronales, qui a été institué avant la
loi de 1994, mais que le Gouvernement aujourd'hui choisit de proroger au-delà
de la durée initialement prévue. De ce fait, si l'on veut parvenir à
l'équilibre de la sécurité sociale, comme vous l'avez annoncé tout à l'heure,
madame la ministre, il me semble que l'on tombe sous le coup de la loi de 1994
et que cette prorogation d'exonération de charges sociales devrait être
compensée par l'Etat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Dans une période de relance de
l'activité, comme c'est le cas aujourd'hui, l'exonération limitée au SMIC évite
les effets d'aubaine tout en permettant de maintenir une aide juste pour
chacun. Je suis donc défavorable à l'amendement n° 7.
Quant au second, je crois y avoir déjà répondu. Lorsque la loi de 1994 a été
votée, le précédent gouvernement aurait pu reprendre, au compte du budget de
l'Etat, 16 milliards de francs de cotisations de sécurité sociale exonérées, ce
qu'il n'a pas fait. Parmi celles-ci figurait l'exonération pour l'embauche du
premier salarié.
Il n'est pas souhaitable aujourd'hui de reprendre cette règle. Par conséquent,
je suis également défavorable à l'amendement n° 8.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
5
SOUHAITS DE BIENVENUE
À M. LE PRÉSIDENT DU PARLEMENT LETTON
M. le président.
J'ai le plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, de M. le
président du parlement letton.
(Mme le ministre, Mmes et MM. les sénateurs
se lèvent et applaudissent.)
Je lui souhaite la bienvenue et je forme des voeux pour la réussite de sa
visite en France.
(Applaudissements sur toutes les travées.)
6
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999
Suite de la discussion et adoption
d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
Nous reprenons la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999.
Dans la suite de la discussion des articles, nous en sommes parvenus à
l'amendement n° 46 rectifié, tendant à insérer un article additionnel après
l'article 5.
Article additionnel après l'article 5
M. le président.
Par amendement n° 46 rectifié, MM. Oudin, Doublet, Gérard, Bizet, Legrand et
Leclerc proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi
rédigé :
« Sous réserve des décisions juridictionnelles passées en force de chose
jugée, sont annulées les créances relatives à la contribution sociale
généralisée et à la contribution de remboursement de la dette sociale dues au
titre des bénéfices industriels et commerciaux réalisés par les propriétaires
embarqués ou les copropriétaires embarqués de navires de pêche artisanale. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
L'article 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999
transfère des URSSAF aux services fiscaux la compétence du recouvrement de la
CSG et de la CRDS assises sur les bénéfices industriels et commerciaux non
professionnels. Cette mesure d'apparence technique aura pour effet de rendre
effectif le paiement de la CSG et de la CRDS sur des revenus qui y sont déjà
assujettis en théorie, mais qui ne sont pas connus des URSSAF.
Dans son rapport écrit, M. Charles Descours souligne les conséquences de cette
mesure pour les propriétaires embarqués ou les copropriétaires embarqués de
navires de pêche artisanale. Tout en estimant inopportun d'exonérer de CSG et
de CRDS le secteur de la pêche artisanale, il estime souhaitable, afin d'éviter
les conflits juridiques nés de redressements sur les exercices antérieurs à
1999, de préciser la date d'entrée en vigueur du dispositif. C'est le fameux
principe de la non-rétroactivité.
Le présent amendement a pour objet de préciser, pour les propriétaires
embarqués ou les copropriétaires embarqués de navire de pêche artisanale,
qu'aucun rappel de CSG et de CRDS ne pourra intervenir au titre des exercices
antérieurs à 1999, ce qui nous apparaît de simple justice.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
La commission souhaiterait connaître l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cet article additionnel vise
les copropriétaires de navires qui sont imposés sur les bénéfices industriels
et commerciaux, mais comme ceux-ci ne sont pas assujettis aux cotisations
sociales, ces copropriétaires ne sont pas connus des URSSAF. De ce fait, ils ne
peuvent pas s'acquitter, comme ils le devraient, de la CSG et de la CRDS, alors
que les artisans pêcheurs y sont soumis.
Il nous est donc paru utile et naturel de généraliser ces recouvrements car,
comme vous le savez, la CSG est une contribution large qui s'applique à
l'ensemble des revenus.
Je dois rappeler que sont visés par le transfert non pas les revenus de
l'activité professionnelle, dite rémunération à la part, qui, eux, sont déjà
assujettis à la cotisation de sécurité sociale et à la CSG, mais bien
uniquement les revenus qui ont été perçus au titre des parts de copropriétés de
navires.
Pas plus qu'à vous, monsieur le sénateur, il ne m'apparaît opportun d'exonérer
de la CSG et de la CRDS cette catégorie de redevables.
En revanche, pour éviter d'exposer les copropriétaires de navires à des
redressements qui peuvent être lourds - et là, je rejoins le fond de votre
amendement - je m'engage à ce que soient données les instructions nécessaires
pour qu'il n'y ait pas de rappel de CSG et de CRDS, au titre des exercices
antérieurs, sur les revenus non professionnels. Donc, que les choses soient
bien claires, nous n'appliquerons pas la mesure sur les revenus des années
passées.
Je préfère éviter que soit inscrit dans la loi le fait que des créances
fiscales ne sont pas dues. Mais des instructions fiscales seront données en ce
sens. J'en prends l'engagement au nom du Gouvernement.
Je vous saurais donc gré, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre
amendement n° 46 rectifié à la suite de ces engagements.
M. le président.
Monsieur Oudin, maintenez-vous votre amendement ?
M. Jacques Oudin.
Les explications que Mme la ministre vient de donner sont parfaitement claires
et comprises de tous : il s'agit d'éviter une rétroactivité qui, chacun le
conçoit, n'est pas souhaitable.
L'engagement tout à fait ferme qu'elle a pris devant la Haute Assemblée nous
rassurant sur les intentions du Gouvernement, c'est bien volontiers que je
retire cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 46 rectifié est retiré.
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - I. -
Non modifié.
« II. - Il est rétabli, dans cette section 5, un article L. 243-14 ainsi
rédigé :
«
Art. L. 243-14
. - I. - Les entreprises ou les établissements d'une
même entreprise, redevables de cotisations, contributions et taxes d'un montant
supérieur à 6 millions de francs au titre d'une année civile, sont tenus de
régler par virement ou, en accord avec leur organisme de recouvrement, par tout
autre moyen de paiement dématérialisé, les sommes dont ils sont redevables
l'année suivante sur le compte spécial d'encaissement de l'organisme de
recouvrement dont ils relèvent.
«
II.
- Les entreprises autorisées à verser pour l'ensemble ou une
partie de leurs établissements les cotisations dues à un organisme de
recouvrement autre que celui ou ceux dans la circonscription desquels ces
établissements se trouvent situés sont soumises à la même obligation.
«
III.
- Le non-respect de l'obligation prévue au I entraîne
l'application d'une majoration de 0,2 % du montant des sommes dont le versement
a été effectué selon un autre mode de paiement.
«
IV.
- Les règles et les garanties et sanctions attachées au
recouvrement des cotisations de sécurité sociale sont applicables à la
majoration prévue au III.
« Les modalités d'application du présent article sont, en tant que de besoin,
fixées par décret en Conseil d'Etat. »
« II
bis
et III. -
Non modifiés
. » -
(Adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - I. - Le III de l'article 12 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier
1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équililbre
financier de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "dont sont retranchées les charges
comptabilisées au cours de la même période au titre des dépenses de recherche
afférentes aux spécialités pharmaceutiques éligibles au crédit d'impôt
mentionné à l'article 244
quater
B du code général des impôts" sont
supprimés ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le taux de cette contribution est fixé à 1,47 %.
« II. - Les sommes dues par les entreprises au titre des contributions prévues
à l'article 12 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 précitée modifiée
par le I du présent article s'imputent sur les sommes acquittées par les
entreprises au titre desdites contributions en application dudit article 12,
dans sa rédaction applicable antérieurement à l'entrée en vigueur de la
présente loi.
« L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, selon le cas, recouvre
ou reverse le solde. Dans le cas où les sommes dues en application du présent
article sont inférieures aux sommes acquittées au titre des contribuables
instituées par l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 précitée, dans sa
rédaction applicable antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi,
la différence donne lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est
celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement et ne sont
pas capitalisés.
« Dans le cas où les sommes dues en application du présent article sont
supérieures aux sommes déjà acquittées, un décret fixe les modalités de
versement de ces sommes par les entreprises redevables. »
Par amendement n° 9, M. Descours, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
La commission estime que cet article anticipe une éventuelle
annulation par la Cour de justice des Communautés européennes des dispositions
qui ont été prises par la France.
Cette démarche ne nous paraissant bonne ni sur le plan législatif ni sur le
plan juridique, nous avions décidé, en première lecture, de supprimer cet
article. En effet, il ne nous semblait pas opportun qu'en modifiant les
dispositions de l'ordonnance du 24 janvier 1996 la France donne des arguments
aux partisans d'une annulation qui n'a pas encore eu lieu.
Le Sénat avait aussi estimé que, sous le prétexte de rendre compatibles avec
le droit communautaire les dispositions de l'ordonnance du 24 janvier 1996 -
c'était la première ordonnance - le Gouvernement prenait, dans cet article du
projet de loi, de grandes libertés avec les principes constitutionnels comme
avec les principes du droit communautaire.
L'Assemblée nationale a rétabli cet article, que nous vous demandons de
supprimer.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ai déjà expliqué longuement
en première lecture pourquoi je n'étais pas favorable à cet amendement.
Je vous rappelle que je ne suis pas responsable de cette taxe qui sera jugée -
nous n'en doutons pas - illégale, ce qui risque de faire perdre 1,2 milliard de
francs de recettes à la sécurité sociale.
Nous ne reprenons aucun franc supplémentaire. Nous nous contentons d'éteindre
le contentieux en cours au Conseil d'Etat, ce qui me paraît utile.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement n° 9.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 7 est supprimé.
Article 11
bis
M. le président.
L'article 11
bis
a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 10, M. Descours, au nom de la commission, propose de
le rétablir dans la rédaction suivante :
« I. - Après l'article L. 245-12 du code de la sécurité sociale, il est
rétabli une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Taxe de santé publique sur les tabacs
« Art. L. 245-13. - Il est créé au profit de la Caisse nationale de
l'assurance maladie des travailleurs salariés une taxe de santé publique de 2,5
% sur les tabacs fabriqués en France et sur les tabacs importés ou faisant
l'objet d'une acquisition intracommunautaire et une taxe additionnelle de 7 %
sur les tabacs à fine coupe destinés à rouler les cigarettes. Ces taxes sont
assises et perçues sous les mêmes règles que la taxe sur la valeur ajoutée.
« Un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale
et du budget pris après avis du conseil d'administration de la Caisse nationale
de l'assurance maladie des travailleurs salariés fixe les conditions
d'application de ces taxes aux actions de prévention et notamment de lutte
contre le tabagisme. »
« II. - Les dispositions du I s'appliquent à compter du 1er janvier 1999. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je rappelle que si l'Assemblée nationale a supprimé l'article
11
bis,
les deux commissions concernées du Parlement étaient
d'accord.
Cet article vise la taxe sur le tabac. Le texte adopté par l'Assemblée
nationale en première lecture créait une augmentation du prix du tabac selon
les normes habituelles : 900 millions de francs pour le budget général et 100
millions de francs pour l'assurance maladie.
Nous avons considéré, ce qui a été largement repris dans la presse régionale,
qu'il valait mieux conserver cette augmentation du prix du tabac, sans
toutefois procéder selon la technique habituelle. Nous avons donc proposé la
création d'une taxe de santé publique, dont le produit, soit plus d'un milliard
de francs, irait en totalité à l'assurance maladie.
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée
nationale nous a suivis sur ce point.
Puis, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez annoncé un dispositif qui n'est
que virtuel, puisque ce n'est que demain qu'il sera concrétisé par un
amendement au projet de loi de finances rectificative pour 1998. Pour
l'instant, seules les grandes lignes en sont connues.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez déclaré à l'Assemblée nationale que
les discussions étaient en cours entre les ministères concernés et les
fabricants de tabac. Excusez-nous, mais le Parlement ne se prononce pas sur des
discussions ainsi en cours ! Il vote des projets de loi !
Cette taxe additionnelle, dites-vous, est contraire au droit communautaire ;
mais notre amendement n'est en rien contraire à la directive européenne du 25
février 1992 sur les droits d'accises.
Vous allez nous objecter que cette taxe déclencherait, en revanche, une guerre
des prix ; mais le Gouvernement peut, en compensation, baisser les droits qui
existent déjà sur le tabac !
De plus, vous essayez de nous donner mauvaise conscience en évoquant la
situation difficile de la SEITA, qui, je le rappelle, n'est plus une entreprise
nationalisée ; mais l'Etat, qui gagne beaucoup d'argent grâce au tabac, a les
moyens de financer un plan de restructuration.
Selon nous, cette taxe additionnelle doit bénéficier intégralement à la
principale victime financière des ravages du tabac, qui est l'assurance
maladie. Madame Aubry, monsieur Kouchner, nombre de nos collègues ici présents
qui ont, à l'époque, voté avec moi la loi Evin, savent parfaitement que les 60
000 morts dues au tabac coûtent extrêmement cher à l'assurance maladie. Je
trouve donc plus normal qu'au moment où nous votons une augmentation des droits
sur le tabac la taxe bénéficie non pas à Bercy, mais plutôt à l'assurance
maladie !
M. Alain Gournac.
C'est important !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je ne comprends pas, sauf injonction de Bercy et arbitrage à
Matignon, la position du ministère des affaires sociales.
M. Alain Gournac.
Elle n'est effectivement pas claire !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
J'arrive juste à
temps !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Oui, nous vous attendions !
M. le président.
Nous savons, au Sénat, coordonner les choses, monsieur le secrétaire d'Etat
!
(Sourires.)
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat
M. Descours sait très bien que, sur le fond, nous
sommes en plein accord avec lui sur la consommation tabagique dans notre pays
et sur ses ravages : il faut y mettre bon ordre. Mais c'est extrêmement
difficile.
Une des manières de faire baisser la consommation tabagique, en particulier
chez les jeunes - c'est une triste réalité, mais elle a été prouvée maintes
fois ! - c'est d'augmenter le prix du tabac et donc des paquets de
cigarettes.
Certes, la SEITA est en position difficile, mais, en tant que responsable de
la santé publique, je ne peux pas la considérer comme une entreprise tout à
fait comme les autres, même si je dois avoir, pour ses employés et pour tous
ceux qui sont inquiets en ce moment, de la considération.
Soyons clairs : sur le fond, nous sommes d'accord. Après l'adoption en
première lecture à l'Assemblée nationale de l'amendement que vous connaissez,
nous avons entrepris une longue réflexion, qui ne peut s'achever en quelques
jours, sur la taxation des produits du tabac afin que la situation dénoncée par
M. le rapporteur cesse en France.
Ce dernier a oublié d'ajouter - mais je crois que Mme Aubry en a parlé dans
son introduction qu'une commission parlementaire réfléchira sur la fiscalité du
tabac en général, ce qui est très important.
Quant au dispositif lui-même, monsieur le rapporteur, même si, sur le fond,
j'en conviens, il ne me plaît pas spécialement, je l'accepte pour une raison
très simple : nous avons obtenu dans un premier temps, après discussion, du
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, puis, dans un second
temps, à l'issue de nos négociations avec les fabricants de tabac,
l'augmentation substantielle de prix que nous recherchions, à savoir 5 % au
minimum. Cette augmentation entraînera, je l'espère, une baisse de la
consommation tabagique, en particulier chez les jeunes.
Nous avons également obtenu des résultats sur trois objectifs qui étaient à
nos yeux fondamentaux.
Tout d'abord, le produit de la taxation ira, pour une part, et pour moitié
avec une avance de l'Etat, à la retraite anticipée des travailleurs de
l'amiante. Vous savez combien cette mesure était nécessaire et combien elle a
été bien accueillie. Ensuite, 100 millions de francs - ce qui correspond à
l'augmentation de l'ONDAM à cette fin et, là encore, avec le relais du budget
de l'Etat - seront destinés à l'installation, dans les régions qui n'en
possèdent pas, d'équipes spécialisées dans les soins palliatifs. Cette année,
nous aurons donc, je l'espère, de quoi augmenter le nombre de ces équipes de
façon significative. Enfin, 70 millions de francs seront affectés à la
prévention antitabagique.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à cet
amendement.
Au demeurant, je crois que nous ne pouvons tous qu'être satisfaits, nous qui
l'avons tant réclamée, de la création de cette mission parlementaire qui va
être décidée par le Premier ministre. Puisse dorénavant - je vous donne raison
sur ce point - la taxation de la fiscalité sur le tabac se trouver un peu plus
en accord avec nos principes de santé publique.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
On vient de se réjouir, voilà cinq minutes, que nous
prenions en compte les travailleurs ayant souffert de l'exposition à l'amiante.
Sans vouloir faire de comptabilité nécrologique, je rappellerai à la Haute
Assemblée que, si ces travailleurs sont quelques centaines, voire quelques
milliers, ce sont 60 000 personnes qui meurent chaque année à cause du
tabac.
Les fabricants de cigarettes américains viennent de verser 360 milliards de
dollars au budget fédéral américain pour compenser les dégâts sur la santé
qu'ils entraînent. Nous en sommes encore loin !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 11
bis
est rétabli dans cette rédaction.
Article 11
quater
M. le président.
« Art. 11
quater.
- I. - Il est effectué, au profit du Fonds de
l'allocation temporaire d'invalidité des collectivités locales, un prélèvement
sur le fonds pour l'emploi hospitalier égal au montant des sommes nécessaires à
l'équilibre de ce fonds multiplié par le rapport entre, d'une part, les charges
occasionnées par le financement du congé de fin d'activité pour la fonction
publique hospitalière et, d'autre part, les charges occasionnées par le
financement du congé de fin d'activité pour les deux fonctions publiques
territoriale et hospitalière. Ce prélèvement, qui est opéré par arrêté, peut
faire l'objet d'acomptes provisionnels.
« II. - Il est effectué, également au profit du Fonds de l'allocation
temporaire d'invalidité des collectivités locales, un prélèvement sur le fonds
de compensation des cessations progressives d'activité égal au montant des
sommes nécessaires à l'équilibre de ce fonds multiplié par le rapport entre,
d'une part, les charges occasionnées par le financement du congé de fin
d'activité pour la fonction publique territoriale et, d'autre part, les charges
occasionnées par le financement du congé de fin d'activité pour les deux
fonctions publiques territoriale et hospitalière. Ce prélèvement, qui est opéré
par arrêté, peut faire l'objet d'acomptes provisionnels.
« III. - Dans le dernier alinéa de l'article 45 de la loi n° 96-1093 du 16
décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses
mesures d'ordre statutaire, les mots : "qui interviendra au plus tard le 31
décembre 2000," sont supprimés. »
Par amendement n° 11, M. Descours, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet article vise à assurer le financement du fonds alimentant
le congé de fin d'activité pour la fonction publique territoriale
hospitalière.
Mais, pour alimenter ce fonds, on opère des prélèvements sur deux fonds
différents. Cette politique du « sapeur Camembert », qui consiste à faire deux
trous pour en combler un troisième, nous semble un peu curieuse !
Par ailleurs, la pérennisation du congé de fin d'activité ne nous semble pas
relever d'une loi de financement de la sécurité sociale. C'est pourquoi nous
proposons de supprimer l'article 11
quater.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 11
quater
est supprimé.
Article 12 A
M. le président.
L'article 12 A a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 12, M. Descours, au nom de la commission, propose de
le rétablir dans la rédaction suivante :
« Les dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale
s'appliquent aux exonérations de charges sociales prévues par la loi n° 98-461
du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps
de travail. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il s'agit, en application de la loi du 25 juillet 1994, de
compenser les exonérations de charges sociales qui sont décidées par l'Etat.
Dans le cadre de la loi sur les trente-cinq heures, dite loi Aubry, nous avons
entendu certains partenaires sociaux dire que cette exonération de charges
sociales était complète, alors que d'autres estimaient qu'elle était incomplète
et qu'elle coûterait 2,5 milliards ou 3 milliards de francs à la sécurité
sociale.
Madame le ministre, soit en commission, soit en séance publique, vous avez
déclaré vouloir appliquer la loi de 1994 avant peut-être de la modifier - ce
que nous ne souhaitons pas, évidemment - nous nous en réjouissons, mais, dans
la mesure où nous avons entendu des bruits divers, nous préférons inscrire dans
la loi la compensation intégrale de l'exonération pour charges sociales de la
loi sur les trente-cinq heures.
M. Guy Fischer.
Mais vous enlevez 10 milliards, sinon plus, pour les trente-cinq heures dans
le budget général !
M. le président.
Monsieur Fischer, si vous le souhaitez, vous pourrez faire vos observations
lors des explications de vote, tout à l'heure.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ai déjà dit que, par rapport
à d'autres mesures, s'agissant de la réduction de la durée du travail, nous
avions l'avantage de connaître très exactement le nombre des emplois créés et
même le montant des cotisations qui reviendront à la sécurité sociale grâce aux
emplois créés par cette même réduction.
Aussi, il ne nous paraît pas aberrant qu'à terme on mette en place un
mécanisme permettant de réduire les charges sociales financées par le budget de
l'Etat au prorata des entrées qui s'opéreront dans les caisses de la sécurité
sociale.
Mais, comme je l'ai déjà dit, avant de s'engager dans cette voie, le
Gouvernement souhaite attendre les résultats du premier bilan de la loi auquel
il sera procédé avec les partenaires sociaux.
Telle est la raison pour laquelle, pour l'instant, je suis défavorable au
rétablissement de l'article 12 A.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 12 A est rétabli dans cette rédaction.
Article 12
M. le président.
«
Art. 12. -
Pour 1999, les prévisions de recettes, par catégorie, de
l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour
concourir à leur financement sont fixées aux montants suivants :
(En milliards
de francs.)
« Cotisations effectives 1 062,9
« Cotisations fictives 194,8
« Contributions publiques 63,8
« Impôts et taxes affectés 438,7
« Transferts reçus 5,2
« Revenus des capitaux 1,4
« Autres ressources 32,6
« Total des recettes 1 799,5 »
Par amendement n° 13 rectifié, M. Descours, au nom de la commission, propose
:
A. - A la première ligne (Cotisations effectives) du tableau figurant à cet
article, de remplacer la somme : « 1 062,9 » par la somme : « 1 068,6 » ;
B. - A la quatrième ligne (Impôts et taxes) dudit tableau, de remplacer la
somme : « 438,7 » par la somme : « 440,2 » ;
C. - A la cinquième ligne (Transferts reçus) dudit tableau, de remplacer la
somme : « 5,2 » par la somme : « 4,9 » ;
D. - En conséquence, à la dernière ligne (Total des recettes) dudit tableau,
de remplacer la somme : « 1 799,5 » par la somme : « 1 806,4 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination visant à tirer les
conséquences de l'adoption par le Sénat d'amendements précédents.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12, ainsi modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Article 13
bis
M. le président.
L'article 13
bis
a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 14, M. Descours, au nom de la commission, propose de
le rétablir dans la rédaction suivante :
« Le premier alinéa de l'article L. 521-3 du code de la sécurité sociale est
ainsi rédigé :
« Chacun des enfants à charge, à l'exception du plus âgé, ouvre droit à partir
de l'âge de dix ans et de quinze ans à une majoration des allocations
familiales. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Dans le texte qui nous est présenté par le Gouvernement, le
bénéfice de la majoration pour âge des allocations familliales est reporté du
dixième au onzième anniversaire et du quinzième au seizième anniversaire de
l'enfant concerné. Or, dans la mesure où la branche famille est excédentaire de
3 milliards de francs, nous considérons qu'il n'y a pas lieu de procéder à un
tel report.
Il s'agit vraiment d'un désaccord de fond avec le Gouvernement. C'est
d'ailleurs l'un des points sur lequel nous n'avons pu nous mettre d'accord avec
l'Assemblée nationale, semble-t-il, et je le regrette car il s'agit de l'un des
axes fondamentaux suivant lesquels nous avons orienté le débat en première
lecture.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 13
bis
est rétabli dans cette rédaction.
Article 16
M. le président.
« Art. 16. - I. - Dans le code de la sécurité sociale, sont insérés les
articles L. 161-28-1 à L. 161-28-4 ainsi rédigés :
«
Art. L. 161-28-1. - Non modifié.
«
Art. L. 161-28-2.
- Afin de garantir la qualité du recueil et du
traitement des données relatives aux dépenses d'assurance maladie, il est créé
auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale un conseil
pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie.
« Ce conseil est composé du président de la commission des affaires
culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale ou son
représentant, du président de la commission des affaires sociales du Sénat ou
son représentant, du secrétaire général de la commission des comptes de la
sécurité sociale, de représentants des caisses nationales d'assurance maladie,
des professions de santé et de personnalités qualifiées dans les domaines de
l'information de santé ou des statistiques.
« Les modalités d'application du présent article sont déterminées par
décret.
«
Art. L. 161-28-3.
- Le conseil pour la transparence des statistiques
de l'assurance maladie est chargé :
« 1° De veiller à la qualité du recueil et du traitement des informations
statistiques produites par l'assurance maladie relatives aux soins de ville
;
« 2° De donner un avis sur la qualité des informations statistiques produites
par les organismes d'assurance maladie dans le domaine des soins de ville et de
contribuer par ses avis à définir la nature et les destinataires des
productions statistiques dans le domaine des soins de ville, utiles à la
connaissance des pratiques de soins et des dépenses de santé ;
« Le conseil établit, chaque année, un rapport aux ministres chargés de la
santé et de la sécurité sociale. Pour l'information du Parlement, ce rapport
est rattaché à l'annexe visée au
b
du II de l'article LO 111-4.
«
Art. L. 161-28-4. -
Les organismes d'assurance maladie communiquent
au Conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie la
description précise des traitements des informations statistiques relatives aux
soins de ville qu'ils mettent en oeuvre ainsi que les informations statistiques
qu'ils produisent dans le domaine des soins de ville. »
« II et III. -
Supprimés.
»
Par amendement n° 15, M. Descours, au nom de la commission, propose :
A. - Dans le deuxième alinéa du texte précité par le paragraphe I de cet
article pour l'article L. 161-28-2 du code de la sécurité sociale, de supprimer
les mots : « du président de la commission des affaires culturelles, familiales
et sociales de l'Assemblée nationale ou son représentant, du président de la
commission des affaires sociales du Sénat ou son représentant, ».
B. - Dans le même alinéa du même texte, après les mots : « des professions de
santé », d'insérer les mots : « , des établissements de santé publics et
privés, des établissements médico-sociaux, des industries fabriquant des biens
remboursables par l'assurance maladie. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai
simultanément l'amendement n° 16.
M. le président.
Je suis en effet saisi d'un amendement n° 16, présenté par M. Descours, au nom
de la commission, ainsi conçu :
A. - A la fin du deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le paragraphe I de
l'article 16 pour l'article L. 161-28-3 du code de la sécurité sociale,
supprimer les mots : « relatives aux soins de ville ».
B. - Dans le troisième alinéa (2°) dudit texte, supprimer deux fois les mots :
« dans le domaine des soins de ville ».
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet article vise à créer un conseil pour la transparence des
statistiques de l'assurance maladie. Je trouve cela très bien, mais je
n'apprendrai à personne dans cette assemblée qu'il règne un extraordinaire
climat de suspicion entre les médecins de ville, notamment ceux qui travaillent
dans les cliniques privées, et les médecins des hôpitaux, s'agissant des moyens
respectifs alloués aux uns et aux autres.
J'assistais hier à un congrès des cliniques privées qui se tenait à la Porte
Maillot.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Il avoue.
(Sourires.)
M. Charles Descours,
rapporteur.
J'étais aussi en compagnie de l'un de vos amis, monsieur le
secrétaire d'Etat.
M. Alain Gournac.
Tiens, tiens ! Que c'est amusant !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Toujours est-il qu'il fut question, à ce congrès, de
transparence.
Le conseil pour la transparence ne serait compétent, dans le texte actuel, que
pour les soins de ville. Nous avons voulu faire que la compétence de ce conseil
soit étendue à l'ensemble des soins. Cela aidera à lever la suspicion qui
existe entre l'hospitalisation publique et l'hospitalisation privée.
Nous avions supprimé la mention relative aux soins de ville, l'Assemblée
nationale l'a réintégrée, nous la supprimons de nouveau, car la compétence de
ce conseil de transparence, dont nous soutenons le principe, ne doit pas être
réservée simplement à une partie des statistiques de l'assurance maladie.
Deuxièmement, au nombre des membres du conseil de la transparence figurent les
présidents des commissions des affaires sociales de l'Assemblée nationale et du
Sénat, ou leurs représentants, pour conseiller le Gouvernement. Je pense que ce
n'est pas le rôle des membres du Parlement que de conseiller le Gouvernement.
Il appartient au Parlement de voter la loi et de contrôler le Gouvernement. Le
Gouvernement dispose de toute manière d'une foule de conseillers très
compétents.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
C'est exact !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Si nous le conseillions, comment pourrions-nous ensuite le
contrôler ?
Nous ne souhaitons donc pas que les membres du Parlement participent aux
travaux de cette commission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Ce dispositif nous a été demandé par les médecins de
ville et, comme l'on dit selon une expression peu heureuse, il est « formaté »
pour cela. C'est pourquoi nous sommes défavorables à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 16 ayant déjà été défendu, quel est l'avis du Gouvernement
?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Egalement défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 17, M. Descours, au nom de la commission, propose d'insérer,
avant le dernier alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'article 16
pour l'article L. 161-28-3 du code de la sécurité sociale, un alinéa ainsi
rédigé :
« ... De donner un avis sur le périmètre des différents postes de dépenses
pris en considération dans la détermination et le contrôle du respect des
objectifs définis à la suite du vote du Parlement pour les soins de ville, la
pharmacie et les établissements. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement inspiré par notre collègue Claude
Huriet, qui voulait élargir les compétences du conseil pour la transparence des
statistiques de l'assurance maladie aux questions relatives au périmètre des
différents objectifs de dépenses opposables aux professionnels de santé.
Le Sénat avait suivi Claude Huriet en première lecture ; nous réaffirmons
notre position en nouvelle lecture.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 18, M. Descours, au nom de la commission, propose, dans le
texte présenté par le paragraphe I de l'article 16 pour l'articleL. 161-28-4,
de supprimer les mots : « relatives aux soins de ville » et les mots : « dans
le domaine des soins de ville ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement a le même objet que l'amendement n° 15 :
élargir à tous les soins et pas seulement aux soins de ville les compétences du
conseil.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 16, modifié.
(L'article 16 est adopté.)
Article 17
M. le président.
« Art. 17. - I A. - Après le cinquième alinéa (2°) de l'article L. 162-5 du
code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 2°
bis)
Le cas échéant, les conditions tendant à éviter à l'assuré
social de payer directement les honoraires aux médecins ;
« I B. - Après le sixième alinéa (3°) de l'article L. 162-5 du code de la
sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 3°
bis)
Le cas échéant, les conditions de promotion des actions
d'évaluation des pratiques professionnelles individuelles ou collectives ;
».
« I. - Après le 11° de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, il
est inséré un 12° et un 13° ainsi rédigés :
« 12° Le cas échéant,
«
a)
Les conditions particulières d'exercice propres à favoriser la
coordination des soins par un médecin généraliste choisi par le patient, et les
modes de rémunération, autres que le paiement à l'acte, y afférents ;
«
b)
Les conditions particulières d'exercice permettant la prise en
charge globale de patients dans le cadre de réseaux de soins, et les modes de
rémunération des médecins participant à ces réseaux ;
«
c)
Les droits et obligations respectifs des médecins, des patients et
des caisses, ainsi que des modalités d'évaluation associées aux formes
d'exercice et modes de rémunération mentionnés aux
a
et
b
ci-dessus ;
« 13° Le cas échéant, les modes de rémunération, autres que le paiement à
l'acte, des activités de soins ainsi que les modes de rémunération des
activités non curatives des médecins, et notamment de prévention, d'éducation
pour la santé, de formation, d'évaluation, d'études de santé publique, de
veille sanitaire, prévus par des contrats passés entre les médecins concernés
et les organismes d'assurance maladie et définissant les obligations relatives
aux conditions d'exercice qui en résultent pour les intéressés. »
« II. - L'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« Pour la mise en oeuvre des 12° et 13°, il peut être fait application des
dérogations mentionnées au II de l'article L. 162-31-1. »
« III. - Les dispositions du présent article sont applicables à compter du 10
juillet 1998. »
Par amendement n° 19, M. Descours, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il ne nous paraît pas acceptable que le Parlement soit
dessaisi, comme le prévoit cet article, au profit des partenaires
conventionnels - pour lesquels nous avons le plus grand respect - d'un certain
nombre de ses prérogatives, s'agissant notamment de la possibilité, pour
l'ensemble des médecins conventionnés, de déroger à des dispositions
essentielles du droit de la sécurité sociale.
D'ailleurs, le Parlement n'a pas le pouvoir de se dessaisir lui-même de ses
prérogatives.
C'est pourquoi nous proposons la suppression de l'article 17.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je ne comprends même pas l'argumentation de M. le rapporteur. L'article 17 a
pour objet de donner aux négociations conventionnelles une place beaucoup plus
large afin d'organiser les réseaux auxquels nous tenons tant et,
éventuellement, de mettre en place, à l'intérieur de ces réseaux, des formes de
prise en charge des patients - en particulier, les forfaits pour la douleur,
les soins d'accompagnement, etc. - qui coexisteront avec le paiement à
l'acte.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 17 est supprimé.
Article 18
M. le président.
« Art. 18. - I. - Avant le dernier alinéa de l'article 8 de la loi n° 93-8 du
4 janvier 1993 relative aux relations entre les professions de santé et
l'assurance maladie, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les sections constituant les unions des médecins exerçant à titre libéral
contribuent, en liaison avec l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation
en santé, à l'information des médecins libéraux sur les pratiques
professionnelles individuelles et collectives. Elles organisent des actions
d'évaluation des pratiques de ces médecins et contribuent à la diffusion des
méthodes et référentiels d'évaluation.
« Pour l'exercice de cette mission, les sections constituant les unions ont
recours à des médecins habilités à cet effet par l'Agence nationale
d'accréditation et d'évaluation en santé et notamment à des experts mentionnés
à l'article L. 791-4 du code de la santé publique. Les médecins habilités qui
exercent parallèlement une activité médicale procèdent à la demande des
médecins libéraux intéressés, à des évaluations individuelles ou collectives
des pratiques.
« Les sections constituant les unions établissent chaque trimestre, avec le
concours de l'union régionale des caisses d'assurance maladie, une analyse de
l'évolution des dépenses médicales et communiquent les conclusions à l'ensemble
des médecins libéraux de leur ressort ainsi qu'à l'Etat qui en assure la
synthèse et la diffusion à toutes fins utiles.
« Les modalités de mise en oeuvre des présentes dispositions sont fixées par
voie réglementaire. »
« II. -
Non modifié. »
Par amendement n° 20, M. Descours, au nom de la commission, propose :
A. - Au début du premier alinéa du texte présenté par le paragraphe I de cet
article pour insérer quatre alinéas avant le dernier alinéa de l'article 8 de
la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993, de remplacer les mots : « Les sections
constituant les unions » par les mots : « Les unions ».
B. - Au deuxième alinéa du même texte, de supprimer les mots : « les sections
constituant ».
C. - De rédiger comme suit le début du troisième alinéa du même texte :
« En utilisant les données transmises par les médecins mentionnées au présent
article, les unions établissent... »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je rappelle que les unions régionales de médecins, qui ont
été créées voilà quelques années, doivent recevoir, de même que les caisses
d'assurance maladie, les informations données par les médecins, notamment par
le biais de l'outil informatique.
Or l'article 18 prévoit que ce sont les sections des unions régionales,
c'est-à-dire soit la section des généralistes soit les sections de
spécialistes, qui bénéficieront des nouvelles compétences instituées par
l'article 18. Nous pensons qu'il est préférable de confier aux unions
régionales plutôt qu'aux sections les missions d'évaluation des pratiques
individuelles et collectives.
Nous profitons aussi de cette discussion, madame le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, pour vous dire combien nous regrettons que le décret qui
organise la transmission des données entre les médecins et les unions ne soit
pas encore publié.
Je vous ai écoutés souvent, et je vous ai crus parfois
(Mme le ministre et
M. le secrétaire d'Etat s'esclaffent),
lorsque vous avez fait part de votre
volonté d'améliorer les relations avec la profession médicale.
Pour avoir reçu les unions régionales, je sais combien elles ont le sentiment
d'être encore « doublées » par les caisses d'assurance maladie. Il faut donc
publier ce décret le plus vite possible, et j'espère que vous allez me dire
qu'il est en examen au Conseil d'Etat !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
M. le rapporteur sait déjà tout...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Absolument pas !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
... mais il aime nous entendre dire ce qu'il sait !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je ne le sais pas officiellement !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Eh bien, officiellement, monsieur le rapporteur, je
suis contre votre amendement. Mais cela n'est pas nouveau !
Cette disposition ne me semble pas de nature à améliorer l'efficacité du
dispositif. Il convient de permettre à chaque section d'organiser les actions
d'analyse ds dépenses. Et Dieu sait si cela est difficile ! Et Dieu sait si on
nous demande d'être au plus près du terrain pour le faire ! Nous nous y
efforçons.
M. Charles Descours.
rapporteur.
Pour faire plaisir à MG France !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Mais non ! Pour faire plaisir aux malades ! Les
médecins viennent après !
Chaque section doit également pouvoir organiser les actions d'information des
médecins et d'évaluation des pratiques. Cela n'empêche nullement d'engager des
actions communes, associant généralistes et spécialistes. Vous savez très bien
que, personnellement, j'en suis un partisan convaincu. Mais il se trouve que,
pour le moment, il existe, dans le corps médical, cette désunion.
Pour vous répondre précisément sur le décret, je vous indique que la
transmission aux unions par les médecins des données relatives à leur activité
est d'ores et déjà prévue par l'article 8 de la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993.
Ce sujet a été longuement abordé par les groupes STASSE.
Il en est ressorti les deux conclusions suivantes.
Les logiciels de télétransmission des feuilles de soins devront, à l'avenir,
inclure une fonctionnalité de « transmission aux unions ». Le GIE SESAM-Vitale
et le Centre national des professions de santé étudient les différents moyens
d'y parvenir sans compromettre le secret médical, puisque, bien entendu, la
confidentialité devra être assurée.
Par ailleurs, l'assurance maladie devra transmettre aux unions, sous une forme
appropriée, des données exploitables pour l'évaluation des pratiques de soins.
Le conseil pour la transparence institué à l'article 16 aura à se prononcer sur
ce point.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 21, M. Descours, au nom de la commission, propose, à la fin
du troisième alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'article 18 pour
insérer quatre alinéas avant le dernier alinéa de l'article 8 de la loi n° 93-8
du 4 janvier 1993, après les mots : « ainsi qu'à l'Etat », d'insérer les mots :
« et à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Selon le texte, les unions, une fois qu'elles ont reçu les
informations dont nous venons de parler, transmettent leurs analyses à l'Etat.
Nous pensions qu'elles devraient être plutôt trnasmises aux caisses nationales
d'assurance maladie puisque ce sont elles qui gèrent les dépenses maladies.
Nous proposons une synthèse entre les deux positions, et notre amendement
prévoit que les informations seront transmises à l'Etat et aux caisses
nationales d'assurance maladie.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18, modifié.
(L'article 18 est adopté.)
Article 19
M. le président.
« Art. 19. - I. - L'article 4 de la loi n° 88-16 du 5 janvier 1988 relative à
la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Au I, les mots : "avant le 31 décembre 1999" sont remplacés par les mots
: "avant le 31 décembre 2004" ;
2° Il est inséré, après le premier alinéa du I, un alinéa ainsi rédigé :
« A compter du 1er juillet 1999 l'allocation peut n'être attribuée que pour
certaines zones géographiques d'exercice, qualifications de généraliste ou de
spécialiste, ou spécialités compte tenu des besoins, appréciés par zone,
qualification ou spécialité ; elle peut être modulée selon les mêmes critères.
» ;
« 3° Le dernier alinéa du III est ainsi rédigé :
« A défaut de convention conclue dans un délai de six mois à compter de la
publication de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n° du
), les dispositions nécesaires à l'application du présent article, à compter
du 1er juillet 1999, sont fixées par décret. »
« I
bis
et II. -
Non modifiés.
»
Par amendement n° 22, M. Descours, au nom de la commission, propose, dans le
texte présenté par le 2° du I de cet article, pour insérer un alinéa après le
premier alinéa du I de l'article 4 de la loi n° 88-16 du 5 janvier 1988, de
remplacer la date : « 1er juillet 1999 » par la date : « 1er janvier 2000 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Le départ anticipé en retraite des médecins a remporté un si
grand succès qu'il a fallu revoir à la baisse les conditions de départ qui leur
avaient été offertes. Cependant, se pose évidemment le problème de la période
transitoire.
Dans le projet de loi qui nous est soumis, il est indiqué que les nouvelles
conditions, moins favorables, s'appliqueront à partir du 1er juillet 1999. Un
certain nombre de médecins nous ont fait part de leurs inquiétudes, compte tenu
des dispositions qu'ils avaient prises. Nous proposons que cette mesure ne
s'applique qu'à partir du 1er janvier 2000. Nous demandons en fait six mois de
sursis.
Je sais que M. le bourreau, du moins M. le secrétaire d'Etat, nous a expliqué
qu'il n'y aurait pas de décision couperet.
(Sourires.)
Mais nous
préférons avoir une certitude.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Il n'y a pas de couperet, donc il n'y a pas de
bourreau !
(Sourires.)
Mais pourquoi, monsieur le rapporteur, ne pas demander encore six mois de
plus, puis 2001, puis 2002 ?
De toute façon, cette mesure ne changerait rien puisque nous prenons tous les
dossiers en compte. Nous savons bien qu'un certain nombre de médecins ont
organisé leur vie de manière à prendre leur retraite anticipée, et nous
considérons ce fait avec beaucoup d'attention.
Pourquoi n'avons-nous pas pu maintenir le dispositif qui était en place ?
Parce qu'il n'y avait plus d'argent, monsieur Descours, vous le savez. Nous
avons donc rendu le système très légèrement moins avantageux, mais les
conditions demeurent extrêmement favorables. Je ne connais pas d'autres
professions dans lesquelles, à partir de cinquante-sept ans, on peut se
retirer, bénéficier d'une retraite - et, ici, la somme n'est pas du tout
négligeable - tout en ayant la possibilité d'exercer un autre métier.
Nous voulons simplement que le dispositif n'aggrave pas les situations
déficitaires que connaissent certaines spécialités ou certaines régions.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je fais confiance à l'Etat, qui est représenté par le
Gouvernement. Selon le décret, on avait prévu : « jusqu'en 2000 ». Les médecins
ont évidemment considéré que c'était : « jusqu'au 1er janvier 2000 ». Lorsque
je demande de prolonger du 1er juillet 1999 au 1er janvier 2000, je ne fais que
demander qu'on respecte ce que promettait le décret.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 22.
M. Dominique Leclerc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Je rejoins tout à fait M. le rapporteur.
Nous avons besoin de l'adhésion de tous les partenaires de santé aux mesures
que nous prenons. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est pas en occultant
notre volonté de transparence ou en essayant de dresser les uns contre les
autres, les patients contre certains praticiens, que nous parviendrons à ce
résultat. Pourquoi refuser cette transparence à l'ensemble des acteurs ?
Pourquoi, tout à l'heure, refuser aux unions régionales d'obtenir l'information
issue des praticiens ?
Et là, ne nous dites pas que la mesure a été formatée ! Je laisse à l'ensemble
des Français le soin d'apprécier ce propos !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 23, M. Descours, au nom de la commission, propose, dans le
texte présenté par le 3° du I de l'article 19 pour le dernier alinéa du III de
l'article 4 de la loi n° 88-16 du 5 janvier 1988, de remplacer la date : « 1er
juillet 1999 » par la date : « 1er janvier 2000 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est le même objet que précédemment.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Même avis !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 19, modifié.
(L'article 19 est adopté.)
Article 20
M. le président.
« Art. 20. - I. - Il est créé, pour une durée de cinq ans à compter du 1er
janvier 1999, au sein de la Caisse nationale de l'assurance maladie des
travailleurs salariés, un fonds d'aide à la qualité des soins de ville. Les
professionnels de santé exerçant en ville sont associés à la gestion du
fonds.
« II. - Le fonds finance des actions concourant à l'amélioration de la qualité
et de la coordination des soins dispensés en ville, par l'octroi d'aides à des
professionnels de santé exerçant en ville ou à des regroupements de ces mêmes
professionnels, et, le cas échéant, d'aides au développement de nouveaux modes
d'exercice et de réseaux de soins liant des professionnels de santé exerçant en
ville à des établissements de santé.
« III et IV. -
Non modifiés
. »
Par amendement n° 24, M. Descours, au nom de la commission, propose, à la fin
de la première phrase du paragraphe I de cet article, de remplacer les mots : «
un fonds d'aide à la qualité des soins de ville » par les mots : « un fonds
d'aide à la qualité des soins ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai
en même temps les amendements n°s 25 et 26, qui portent également sur l'article
20.
M. le président.
Bien sûr, monsieur le rapporteur.
Sur l'article 20, je suis en effet saisi de deux autres amendements présentés
par M. Descours, au nom de la commission.
L'amendement n° 25 tend, dans la seconde phrase du paragraphe I de cet
article, après les mots : « en ville », à insérer les mots : « et ceux qui
exercent dans les établissements de santé privés ».
L'amendement n° 26 vise à rédiger comme suit le paragraphe II de ce même
article :
« II. - Le fonds finance des actions concourant à l'amélioration de la qualité
et de la coordination des soins dispensés en ville ou dans les établissements
de santé privés, par l'octroi d'aides à des professionnels de santé ou à leurs
regroupements et, le cas échéant, d'aides au développement de nouveaux modes
d'exercice et de réseaux de soins liant les professionnels de santé exerçant en
ville à des établissements de santé. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les trois amendements.
M. Charles Descours,
rapporteur.
L'article 20 crée un fonds d'aide à la qualité des soins de
ville, comme il existe un fonds d'accompagnement social et un fonds
d'investissement pour les hôpitaux.
Nous proposons de faire en sorte que ce nouveau fonds d'aide à la qualité des
soins s'adresse à l'ensemble du secteur libéral et non aux seuls soins de
ville.
Je tiens à signaler, pour éviter toute mauvaise interprétation, que j'avais
déposé le même amendement en première lecture, donc avant de me rendre, hier,
au congrès des cliniques.
Il me paraît nécessaire que ce fonds d'aide à la qualité des soins puisse
bénéficier non seulement aux médecins libéraux qui sont installés en ville mais
aussi à ceux qui exercent dans les cliniques privées.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Hélas ! je ne peux être d'accord avec M. le
rapporteur. Aujourd'hui encore, viennent de nous parvenir des nouvelles
concernant une clinique mal gérée.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Justement, cela peut l'aider !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Non, on ne peut pas mettre sur le même plan le constat
d'une très mauvaise gestion, inspirée par la seule recherche du profit - dans
l'exemple qui me vient à l'esprit, c'est exactement de cela qu'il s'agit - et
la volonté d'améliorer la qualité des soins des médecins libéraux en ville. Ce
n'est pas le même sujet !
Le Gouvernement demande donc le rejet de ces trois amendements.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 20, modifié.
(L'article 20 est adopté.)
Article 21
M. le président.
« Art. 21. - I. - L'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale est
complété par un 11° ainsi rédigé :
« 11° Les dispositions permettant aux parties à la convention d'assurer un
suivi périodique des dépenses médicales et de prendre toutes mesures, notamment
d'ajustement des tarifs mentionnés à l'article L. 162-5-2, de nature à
permettre le respect des objectifs prévus au même article ; ».
« II. - L'article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé
:
«
Art. L. 162-5-2. - I. -
Chaque année, compte tenu de l'objectif des
dépenses de soins de ville, une annexe à la ou aux conventions prévues à
l'article L. 162-5 fixe, pour les médecins généralistes conventionnés, d'une
part, pour les médecins spécialistes conventionnés, d'autre part, l'objectif
des dépenses d'honoraires, de rémunérations, de frais accessoires et de
prescription. Cet objectif, dénommé « objectif des dépenses médicales »,
s'applique à compter du 1er janvier de l'année civile concernée. Il porte sur
les dépenses remboursables par les régimes d'assurance maladie, maternité,
invalidité et accidents du travail et permet d'établir le montant prévisionnel
des dépenses médicales.
« L'annexe annuelle fixe également la décomposition de ce montant en :
« 1° Un montant prévisionnel des dépenses d'honoraires, rémunérations et frais
accessoires des médecins ;
« 2° Un montant prévisionnel des dépenses de prescription des médecins, établi
notamment au vu des orientations relatives au médicament.
« L'annexe annuelle détermine, en outre, dans des limites définies par décret,
l'écart entre le montant prévisionnel des dépenses médicales et le montant
constaté à partir duquel il est fait application des dispositions des IV et V
du présent article ou des II, III et IV de l'article L. 162-5-3.
«
II.
- L'annexe annuelle fixe les tarifs des honoraires, rémunérations
et frais accessoires dus aux médecins par les assurés sociaux en dehors des cas
de dépassement autorisés par la ou les conventions.
« L'objectif des dépenses médicales peut comprendre une provision pour
revalorisation d'honoraires. Une revalorisation d'honoraires ne peut être
accordée si elle n'a été préalablement provisionnée.
«
III.
- L'annexe annuelle établit le montant constaté des dépenses
médicales des médecins conventionnés nécessaire à la mise en oeuvre des
dispositions des IV et V du présent article et de l'article L. 162-5-3. Ce
montant est arrêté par les parties à la convention, dans les conditions prévues
par l'avenant annuel à la convention d'objectifs et de gestion mentionné à
l'article L. 227-1, et après avis du secrétaire général permanent de la
commission des comptes de la sécurité sociale prévue à l'article L. 114-1.
«
IV.
- Lorsque le montant constaté des dépenses médicales de l'année
est inférieur à l'objectif mentionné au I, la différence est versée à un fonds
de régulation, selon des modalités de calcul et dans les limites déterminées
par décret en Conseil d'Etat, en fonction des dépenses constatées d'une part
sur les honoraires, rémunérations et frais accessoires et d'autre part sur les
prescriptions, et dans la limite du montant de la provision prévue au II.
«
V.
- Au vu du constat mentionné au III, l'annexe annuelle détermine
:
«
a)
La part des sommes versées au fonds de régulation affectées au
financement des actions non reconductibles de modernisation du système de
soins, et notamment des actions mentionnées au 12° de l'article L. 162-5 ;
«
b)
Les honoraires, rémunérations et frais accessoires des médecins
dont les tarifs seront revalorisés, ainsi que le niveau et la date d'effet de
ces revalorisations, à concurrence du montant global résultant de l'application
du IV.
«
VI.
- La charge des sommes versées au fonds de régulation est
répartie entre les régimes d'assurance maladie qui financent le régime des
praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés prévu à l'article L. 722-4
selon les modalités fixées au titre du même exercice pour l'application du
quatrième alinéa de l'article L. 722-4. »
« III. - L'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé
:
«
Art. L. 162-5-3. - I. -
Les parties à la convention effectuent le
suivi des dépenses médicales prévu au 11° de l'article L. 162-5 au moins deux
fois dans l'année, une première fois au vu des résultats des quatre premiers
mois de l'année, et une seconde fois au vu des résultats des huit premiers mois
de l'année. Lorsqu'elles constatent que l'évolution de ces dépenses n'est pas
compatible avec le respect de l'objectif fixé en application de l'article L.
162-5-2, elles déterminent les mesures de toute nature propres à garantir son
respect, sans que soit remis en cause le niveau de la prise en charge de la
dépense des soins par l'assurance maladie. Les mesures prises peuvent comporter
notamment des actions d'information des médecins, de promotion des références
médicales opposables et des recommandations de bonne pratique, d'évaluation des
pratiques ou, le cas échéant, des ajustements des tarifs pour une période
déterminée qui, sous réserve des dispositions du III de l'article L. 162-5-8,
ne saurait aller au-delà du 31 décembre de l'année en cours. Les parties à la
convention peuvent en outre proposer à l'Etat des mesures d'adaptation de la
nomenclature. L'ensemble des mesures prévues par cet alinéa peut être adapté
par spécialité médicale, notamment en fonction des évolutions constatées des
dépenses.
« Les nouveaux tarifs établis en application de l'alinéa précédent sont mis en
oeuvre par voie d'avenant à l'annexe annuelle prévue à l'article L. 162-5-2,
transmis au plus tard respectivement les 30 juin et 30 octobre pour
approbation. En l'absence de notification d'une opposition d'un des ministres
compétents à l'avenant dans le délai de quinze jours après sa transmission par
la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, l'avenant
est réputé approuvé.
« A défaut de constat établi ou de mesures proposées par les parties
conventionnelles, la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs
salariés ou une autre caisse nationale signataire de la convention mentionnée à
l'article L. 162-5 peut proposer, lorsque le montant des dépenses réalisées
n'est manifestement pas de nature à permettre le respect de l'objectif des
dépenses médicales, au plus tard respectivement les 15 juillet et 15 novembre,
à l'Etat de modifier, par arrêté interministériel pris au plus tard
respectivement les 31 juillet et 30 novembre, les tarifs mentionnés au premier
alinéa et leur durée d'application.
« Lorsqu'il apparaît que les mesures proposées au titre des trois alinéas
précédents ne sont manifestement pas de nature à permettre le respect de
l'objectif des dépenses médicales, un arrêté interministériel fixe, au plus
tard respectivement les 31 juillet et 30 novembre, après avis de la Caisse
nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, les tarifs
mentionnés au premier alinéa et leur durée d'application.
«
II.
- En cas de non-respect de l'objectif des dépenses médicales par
les médecins généralistes ou par les médecins spécialistes, les médecins
conventionnés généralistes ou spécialistes sont redevables d'une contribution
conventionnelle.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le
montant exigible de l'ensemble des médecins conventionnés, généralistes ou
spécialistes qui ne peut excéder le montant global du dépassement constaté, est
calculé en fonction des honoraires perçus et des prescriptions réalisées.
« Les sommes affectées au fonds de régulation, à l'exception de la part
mentionnée au
a
du V de l'article L. 162-5-2, sont, sans préjudice de
l'application des III et IV du présent article, imputées sur la somme ainsi
calculée.
« L'annexe annuelle prévue à l'article L. 162-5-2 fixe le montant global mis à
la charge de l'ensemble des médecins conventionnés généralistes ou
spécialistes.
«
III.
- La somme exigible est mise à la charge des médecins
conventionnés dans les conditions ci-après.
« La contribution conventionnelle est due par l'ensemble des médecins
généralistes ou spécialistes adhérents à la convention ou au règlement
conventionnel minimal prévu à l'article L. 162-5-9.
« La charge de cette contribution est répartie entre les médecins
conventionnés en fonction des revenus au sens de l'article L. 131-6 qu'ils ont
tirés de leurs activités professionnelles définies à l'article L. 722-1 au
cours de l'année pour laquelle le dépassement est constaté.
« Les médecins qui, au 31 décembre de l'année pour laquelle le dépassement est
constaté, justifient, depuis la date de leur première installation à titre
libéral, d'un nombre d'années d'exercice libéral au plus égal à sept ans, sont
exonérés de cette contribution. Toutefois, la ou les conventions prévues à
l'article L. 162-5 peuvent déterminer un plafond des revenus au sens de
l'alinéa précédent au-delà duquel ils ne peuvent bénéficier de cette
exonération.
« Le taux de la contribution conventionnelle est fixé par arrêté, au plus tard
le 31 juillet de l'année civile suivant celle pour laquelle le dépassement est
constaté, de telle façon que le produit global de la contribution représente
une somme égale à celle définie au dernier alinéa du II du présent article.
« La ou les conventions prévues à l'article L. 162-5 peuvent déterminer les
conditions dans lesquelles le taux de cette contribution est modulé en fonction
du niveau des revenus et du choix du médecin d'appliquer des honoraires
différents de ceux fixés par la convention, sous la réserve que le montant
global de cette contribution soit inchangé.
« Le montant de la contribution due par chaque médecin fait l'objet d'un
abattement forfaitaire déterminé par décret en Conseil d'état.
« La contribution conventionnelle est déductible du bénéfice imposable.
«
IV.
- La contribution conventionnelle est recouvrée et contrôlée par
les organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale du
régime général, selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables
au recouvrement des cotisations personnelles d'allocations familiales des
employeurs et travailleurs indépendants.
« Les modalités de versement de la contribution sont fixées par décret. Elles
peuvent prévoir le versement d'un acompte calculé, à titre provisionnel, sur la
base des revenus afférents à l'avant-dernière année, ou, le cas échéant, sur la
base de revenus forfaitaires définis par décret.
« Le produit de la contribution conventionnelle est réparti entre les
différents régimes d'assurance maladie qui financent le régime des praticiens
et auxiliaires médicaux conventionnés prévu à l'article L. 722-4 selon les
modalités fixées au titre du même exercice pour l'application du quatrième
alinéa de l'article L. 722-4. »
«
IV.
- L'article L. 162-5-4 du code de la sécurité sociale est ainsi
rédigé :
«
Art. L. 162-5-4.
- En cas de non-paiement, total ou partiel, par le
médecin, du montant de la contribution conventionnelle prévue à l'article L.
162-5-3 dans le délai de deux mois après sa date limite de paiement, les
organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale du
régime général en informent, dans les deux mois qui suivent, la caisse primaire
d'assurance maladie. Celle-ci peut, après que ce médecin a été mis en mesure de
présenter ses observations, le placer hors de la convention ou du règlement
conventionnel minimal, pour une durée de un à six mois. La caisse peut tenir
compte, pour établir la durée du déconventionnement, du montant de la
contribution conventionnelle. Les litiges relatifs à cette décision sont de la
compétence des tribunaux administratifs. »
Par amendement n° 27, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - Le paragraphe I de l'article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale
est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle met en place les instruments de maîtrise médicalisée de nature à
favoriser le respect de l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses par
l'ensemble des médecins conventionnés. »
« II. - L'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé
:
«
Art. L. 162-5-3. - I. -
Lorsque, à l'occasion de l'analyse annuelle
des résultats de l'exercice, les parties conventionnelles constatent un
dépassement de l'objectif prévisionnel, elles recensent les postes de dépenses
concernés et arrêtent, dans l'annexe annuelle mentionnée à l'article L.
162-5-2, la liste des contrats locaux d'objectifs et de moyens applicables à
ces postes pour l'année suivante.
« Avant le 1er mars de l'exercice suivant, les contrats locaux d'objectifs et
de moyens conclus dans chaque circonscription de caisse par les représentants
des parties conventionnelles fixent, pour chacun de ces postes, l'objectif
d'activité à ne pas dépasser par chaque médecin conventionné au cours dudit
exercice en fonction :
« 1° Du respect des objectifs mentionnés aux troisième (1°) et quatrième (2°)
alinéas de l'article L. 162-5-2 ;
« 2° De l'évolution du niveau relatif et des caractéristiques de l'activité du
médecin, notamment en ce qui concerne ses prescriptions ;
« 3° Des évaluations réalisées par l'union des médecins exerçant à titre
libéral et mentionnées à l'article 8 de la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993 ;
« 4° Des actions de formation médicale continue visées à l'article L. 367-2
;
« 5° De l'importance des dépassements d'honoraires ;
« 6° Du respect des références médicales opposables.
« Chaque médecin est informé, dans un délai de huit jours, des éléments
établis dans le contrat local d'objectifs et de moyens.
« En fin d'exercice, la progression moyenne de l'activité du médecin constatée
au cours de cet exercice et du précédent est comparée à celle de l'objectif
prévisionnel d'évolution des dépenses médicales au titre de ces deux exercices.
En cas de dépassement, le médecin est redevable, selon des modalités
déterminées par décret, de l'intégralité du dépassement.
«
II.
- Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans
lesquelles, en l'absence de dispositions conventionnelles prévues par le I
ci-dessus ou en cas de carence des parties à la convention, les organismes du
régime général de l'assurance maladie mettent en oeuvre les dispositions
prévues par le présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement constitue un des principaux points de
difficulté dans la discussion de ce projet de loi.
Le premier concernait, je le rappelle, le fonds de réserve, le deuxième, la
politique familiale, et voici le troisième ; il s'agit de ce qu'on appelle
pudiquement, en langage technocratique, le mécanisme de régulation des dépenses
reposant sur la mise en oeuvre de lettres clés flottantes et de sanctions
collectives. En tout cas, c'est ainsi que le système a été perçu par les
médecins.
Avec ces sanctions collectives, on est arrivé à un véritable butoir. C'était
vrai sous le gouvernement Juppé, c'est vrai sous le gouvernement Jospin. Il
faut en sortir !
La commission avait proposé, en première lecture, de substituer à ce
dispositif de régulation comptable des dépenses un mécanisme de maîtrise
médicalisée et individualisée, compatible avec le respect, à la fois de la
qualité des soins et des objectifs de dépenses définis à la suite du vote
annuel du Parlement.
L'Assemblée nationale n'a pas souhaité retenir ce dispositif. Elle a préféré
suivre le Gouvernement, qui semble s'être souvenu, à la suite de l'exposé des
arguments de la Haute Assemblée, de l'existence d'instruments de maîtrise
médicalisée des dépenses.
Conscient que l'institution du mécanisme des lettres-clés flottantes - même si
cette expression ne figure pas dans le projet de loi, madame la ministre -
était légitimement mal perçue par les médecins, le Gouvernement a procédé à une
espèce de dissimulation - moyennement habile - de cette institution par un
artifice de rédaction.
Aux termes du texte adopté par les députés en nouvelle lecture, en effet, les
partenaires conventionnels ou le Gouvernement pourront décider, en cours
d'année, en cas de dérapage des dépenses, toutes mesures de nature à garantir
le respect de l'objectif, et notamment « des actions d'information des
médecins, de promotion des références médicales opposables et des
recommandations de bonne pratique ou, le cas échéant, des ajustements de tarifs
».
Lorsqu'on parle d'ajustements de tarifs en médecine, il s'agit, je le répète,
de la lettre C, de la lettre K, de la lettre Z, etc. Par conséquent, ce sont
bien des lettres clés flottantes.
Afin de prendre en considération les revendications d'un syndicat de médecins
spécialistes, le Gouvernement a souhaité préciser que l'ensemble de ces mesures
pourrait être « adapté par spécialité médicale ». On comprend bien le désir du
Gouvernement de trouver quelqu'un pour signer une convention pour les
spécialistes. Mais cette précision n'apporte pas grand-chose, étant entendu que
l'une des caractéristiques majeures d'un dispositif de lettres clés flottantes
est de pouvoir être adapté par spécialité. Elle ne saurait donc être comprise
comme autorisant la fixation possible d'un objectif de dépenses par spécialité,
qui est reconnue aux partenaires conventionnels dans le droit en vigueur, comme
dans le texte adopté par le Sénat, qui ne l'a pas modifié sur ce point.
L'autre modification introduite par l'Assemblée nationale par rapport au texte
qu'elle a adopté en première lecture, elle aussi sur l'initiative du
Gouvernement, revêt une portée qui nous paraît symbolique. Elle consiste, en
effet, à prévoir que la contribution versée, en fin d'année, par les médecins «
fera l'objet d'un abattement forfaitaire déterminé par décret en Conseil d'Etat
».
Cette précision revêt une portée d'autant plus limitée que le texte initial du
projet de loi prévoyait déjà qu'« un décret en Conseil d'Etat détermine les
conditions dans lesquelles le montant exigible de l'ensemble des médecins
conventionnés... est calculé en fonction des honoraires perçus et des
prescriptions réalisées ».
Par conséquent, selon cette rédaction, même légèrement modifiée en nouvelle
lecture à l'Assemblée nationale par le Gouvernement, les médecins restent
soumis aux lettres clés flottantes et aux reversements. Ils pourront se
demander si, de surcroît, le Gouvernement ne les considère pas comme un peu
naïfs.
Dans ces conditions, je vous propose de rétablir le texte tel que nous
l'avions voté en première lecture. Il faut vraiment sortir des sanctions
collectives. Je rappelle que
errare humanum est, perseverare diabolicum
!
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur, vous ne
faites peur qu'à vous-même, car personne, y compris les syndicats de médecins,
n'a eu cette lecture du texte.
(M. le rapporteur s'exclame.)
Heureusement, les mots ont un sens ! Le mécanisme des lettres clés flottantes
- vous y êtes défavorable, mais le Gouvernement l'est également - entraînerait
une augmentation ou une diminution du prix du montant des lettres clés en
fonction de l'évolution des dépenses. Il s'agirait d'ajustements totalement
automatiques. Ce serait une aberration, je vous le concède. Nous n'avons donc
jamais pensé instaurer un tel mécanisme ! D'ailleurs, aucune organisation de
médecins n'a pensé que nous le ferions.
En revanche, nous avons dit qu'en présence de dérapages exceptionnels et en
l'absence d'accord conventionnel pour pouvoir y remédier, il était possible que
le Gouvernement modifie les lettres clés. Cette faculté a toujours existé, je
tiens à vous le rappeler, y compris avec les ordonnances Juppé. Vous ne vous
êtes jamais privés de cette possibilité ! Nous avons souhaité l'exprimer très
clairement dans la loi au moyen de l'adverbe « notamment », qui montrait bien
que cette modification n'était pas automatique, qu'il s'agissait d'une mesure
parmi d'autres.
Pour répondre à votre souhait - essentiellement au vôtre, d'ailleurs, monsieur
le rapporteur, car personne d'autre n'avait les mêmes craintes - nous avons
intégré dans le texte - mais je le regrette, puisque cela ne suffit pas à vous
convaincre, à moins que vous ne fassiez semblant de ne pas être convaincu - les
mesures que vous proposiez, assorties des indications orales que j'avais
données : lorsqu'il y aura dépassement, nous prendrons toutes les mesures
utiles pour « rentrer dans les clous », à savoir information des médecins,
références mieux appliquées, évaluation des pratiques et, dans des cas que
j'espère exceptionnels - peut-être ne se produiront-ils jamais ! - une
évolution des lettres clés.
Par conséquent, je croyais vous faire plaisir, monsieur le rapporteur. Je suis
désolée que cette rédaction, qui reprenait quasi intégralement ce que vous
aviez souhaité, ne vous donne toujours pas satisfaction. Décidément, il vous en
faut vraiment beaucoup ! Mais, heureusement, les syndicats de médecins, eux,
ont bien compris.
Aussi, je suis évidemment défavorable à votre amendement.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je souhaite tout de même rassurer Mme la ministre : depuis
que j'ai déposé cet amendement, j'ai reçu un certain nombre de félicitations de
syndicats de médecins, ce qui ne m'était pas arrivé depuis longtemps !
Par ailleurs, vous avez décidé de ponctionner 450 millions de francs aux
radiologues en juillet 1998, en faisant baisser de 13 % leur lettre clé.
Maintenant que ces 450 millions de francs sont récupérés, allez-vous augmenter
la lettre clé tout de suite ? Telle est la question que m'ont posée les
radiologues.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. le rapporteur a fait
l'exacte démonstration de ce que je viens de dire : si nous avons pu, au mois
de juillet, baisser la lettre clé des radiologues, c'est que cela était rendu
possible par les ordonnances Juppé, sans quoi nous n'aurions pas pu le
faire.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je ne suis pas contre !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Par conséquent, prévoir dans la
loi que le Gouvernement peut, dans des cas exceptionnels, baisser les lettres
clés n'est pas une innovation.
Nous rendrons peut-être publiques, dans quelques jours, les dépenses exactes
des spécialistes cette année. Vous verrez que les radiologues ont une part
majeure dans les dépassements actuels.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je sais !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
On ne peut pas à la fois prôner
la rigueur et accepter qu'une profession qui, à elle seule, compte pour moitié
dans les dépassements des honoraires n'accomplisse aucun effort.
D'ailleurs, si je n'avais pas pris cette mesure, vous me l'auriez reproché
!
Maintenant, la porte est ouverte ! Nous pouvons discuter avec les radiologues.
Nous pouvons voir avec eux comment mettre en place d'autres pratiques : que
l'auto-prescription n'entraîne pas systématiquement - pour certains - un
scanner quand on fait une radio, que nous puissions mieux travailler au
forfait, comme c'est le cas dans d'autres pays, bref, que nous évoluions vers
des pratiques beaucoup plus modernes.
Mon bureau est ouvert ; celui de Bernard Kouchner l'est aussi. Nous
discuterons avec les radiologues dès qu'ils accepteront de le faire. Mais nous
ne pouvons pas admettre que l'ensemble des spécialistes, notamment ceux qui
respectent totalement les règles fixées par le Parlement - je pense, par
exemple, aux pédiatres - paient pour ceux qui n'acceptent pas de rentrer dans
cette logique, alors même que la sécurité sociale solvabilise leurs clients.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 27, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 21 est ainsi rédigé.
Article 22
M. le président.
« Art. 22. - I. - Les objectifs des dépenses médicales et les provisions
applicables aux médecins généralistes et aux médecins spécialistes pour l'année
1998 sont ceux fixés par l'annexe IV à l'arrêté du 10 juillet 1998 portant
règlement conventionnel minimal applicable aux médecins en l'absence de
convention médicale.
« II. - En cas de respect de l'objectif des dépenses médicales mentionné au I,
et si l'écart entre cet objectif et le montant constaté des dépenses est
supérieur à un taux fixé par décret, la différence constatée est versée, à due
concurrence de la provision, au fonds de régulation mentionné au IV de
l'article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale.
« III. - En cas de non-respect de l'objectif des dépenses médicales mentionné
au I, et si l'écart entre cet objectif et le montant constaté des dépenses est
supérieur à un taux fixé par décret, le montant exigible de l'ensemble des
médecins conventionnés, mentionné au II de l'article L. 162-5-3 du code de la
sécurité sociale, est calculé, respectivement pour les médecins généralistes et
les médecins spécialistes, en fonction des honoraires perçus et des
prescriptions réalisées, selon des modalités fixées par décret en Conseil
d'Etat.
« La somme mise à la charge de chaque médecin conventionné est calculée et
recouvrée selon les modalités fixées aux III et IV de l'article L. 162-5-3 du
code de la sécurité sociale, tel qu'il résulte de la présente loi.
« IV. - Les dispositions des articles L. 162-5-2, L. 162-5-3 et L. 162-5-4 du
code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°
96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de
soins cessent de produire effet au 10 juillet 1998.
« V. - La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 162-5-9 du code de
la sécurité sociale est supprimée.
« Cette disposition prend effet au 10 juillet 1998. »
Par amendement n° 28, M. Descours, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet article 22 prévoit de sanctionner les médecins libéraux
en cas de dépassement de l'objectif en 1998. Nous ne savons pas dans quelles
conditions cette contribution sera demandée aux médecins. En outre, le seuil de
déclenchement n'est même pas connu. Nous ne pouvons donner un chèque en blanc
au Gouvernement. C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet
article.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 28.
M. Bernard Murat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
Madame le ministre, on ne peut pas laisser passer l'occasion de réaffirmer -
non pas dans un esprit polémique, mais simplement en raison de tout ce que nous
pouvons entendre dans nos permanences et sur le terrain - à quel point les
professions libérales, en particulier les médecins, sont blessées par cette
disposition.
Je tiens à réitérer ici ce que j'ai dit à l'Assemblée nationale à l'époque des
ordonnances Juppé : cette façon de considérer les médecins libéraux, en
particulier de se servir d'eux comme des boucs émissaires, dessert la
spécificité de la médecine en France.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 22 est supprimé.
Article 22
bis
M. le président.
« Art. 22
bis. -
I. - Un rapport sur l'état de la santé bucco-dentaire
de la population est joint à l'annexe
a
au projet de loi de financement
de la sécurité sociale. Sur la base des informations recueillies en application
de l'article L. 162-1-9 du code de la sécurité sociale, ce rapport fait état
des dépenses supportées par les patients, de leur niveau de remboursement et du
coût de réalisation des soins conservateurs, chirurgicaux et prothétiques.
« II. - A. - Après l'article L. 162-1-8 du code de la sécurité sociale, il est
inséré un article L. 162-1-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-1-9.
- Lorsqu'un chirurgien-dentiste ou médecin fait
appel à un fournisseur ou à un prestataire de services à l'occasion de la
réalisation des actes pris en charge par les organismes d'assurance maladie, il
est tenu de fournir au patient un devis préalablement à l'exécution de ces
actes puis une facture lorsque ces actes ont été réalisés.
« Un arrêté des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et de
l'économie fixe le contenu des informations devant figurer sur le devis et la
facture et, le cas échéant, les modalités particulières d'élaboration de ces
pièces et de leur transmission aux patients.
« Les infractions aux dispositions du premier alinéa sont constatées et
sanctionnées dans les mêmes conditions que les infractions aux arrêtés pris en
application de l'article L. 162-38.
« L'assuré communique à sa caisse, à l'occasion du remboursement, copie de la
facture.
« B. -
Supprimé
. »
Par amendement n° 29, M. Descours, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le paragraphe II de cet article :
« II. - A. - Après l'article L. 162-1-8, il est inséré dans le code de la
sécurité sociale un article L. 162-1-9 ainsi rédigé :
«
Art. L. 162-1-9 -
Lorsqu'un professionnel de santé fait appel à un
fournisseur ou à un prestataire de services à l'occasion de la réalisation des
actes pris en charge par les organismes d'assurance maladie, il est tenu de
fournir au patient un devis préalablement à l'exécution de ces actes puis une
facture lorsque ces actes ont été réalisés.
« Un arrêté des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et de
l'économie fixe le contenu des informations devant figurer sur le devis et la
facture et, le cas échéant, les modalités particulières d'élaboration de ces
pièces et de leur transmission aux patients.
« Les infractions aux dispositions du premier alinéa du présent article sont
constatées et sanctionnées dans les mêmes conditions que les infractions aux
arrêtés pris en application de l'article L. 162-38.
« L'assuré communique à sa caisse, à l'occasion du remboursement, copie de la
facture.
« B. - Les dispositions du A ci-dessus entrent en vigueur à compter de la date
d'entrée en vigueur de la modification de l'article premier de la section 1 du
chapitre VII du titre III de la Nomenclature générale des actes professionnels,
telle qu'elle était prévue par l'arrêté du 30 mai 1997. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet article concerne les chirurgiens-dentistes. Nous l'avons
rédigé complètement en première lecture. En effet, il ne nous semblait pas
convenable de montrer du doigt uniquement les chirurgiens-dentistes ou les
médecins.
Nous partageons, bien entendu, le souci de transparence du Gouvernement, mais
nous souhaitons que la transparence ne soit imposée aux chirurgiens-dentistes
que lorsque l'Etat respectera ses engagements, notamment ceux qui ont été pris
par la Caisse nationale d'assurance maladie en mai ou juin 1998.
En effet, après de nombreuses tergiversations et annulations de leurs
conventions par le Conseil d'Etat, les chirurgiens-dentistes avaient signé,
avec la Caisse nationale d'assurance maladie, une convention dans laquelle ils
prenaient un certain nombre d'engagements. Le Gouvernement de l'époque l'avait
approuvée par arrêté et, deux mois plus tard, il l'a annulée. Je comprends très
bien que les chirurgiens-dentistes soient excédés.
La rédaction que nous proposons ne supprime pas la transparence. Nous y somme
favorables, je le répète, mais elle ne doit pas être spécifique à cette
profession.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement est défavorable
à cet amendement, mais je tiens à rappeler les faits.
Tout d'abord, les changements de nomenclature relèvent non pas des
conventions, mais de l'Etat, même si nous apprécions qu'un accord soit
intervenu.
Ensuite, le Gouvernement n'a pas passé outre cet accord, puisqu'il a réalisé
les deux premières revalorisations de nomenclature, ce qui a entraîné un coût
non négligeable pour la sécurité sociale de 600 millions de francs. C'est
seulement la troisième revalorisation de nomenclature qui a été repoussée,
étant donné que, pour les quatre premiers mois de l'année, les dentistes ont
connu une progression de leur chiffre d'affaires de 5,9 %.
Cette mesure a simplement pour objet de faire en sorte que chacun respecte un
minimum de règles. Si vous comprenez les dentistes, pour ma part, je comprends
surtout les spécialistes qui, eux, observent les règles et n'acceptent pas que
certaines professions refusent de respecter ces règles.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 29.
M. Dominique Leclerc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Il est vrai que la Cour des comptes a été très critique, récemment, à l'égard
des dentistes, eu égard à leurs honoraires et au prix de revient des prothèses
dentaires. Nous savons tous que la pose des prothèses dentaires, le diagnostic,
le travail du chirurgien-dentiste représentent un coût, lequel est garant de la
qualité du travail effectué.
Il est sûrement souhaitable d'organiser une certaine transparence dans le coût
réel des soins. La fourniture d'un devis avant la réalisation des travaux est
une initiative positive, qui s'inscrit également dans la logique qui est la
nôtre de préserver les droits des patients. Cependant, cela ne doit pas se
traduire par des contraintes excessives pour cette profession.
Par ailleurs, je souhaite attirer votre attention sur les soins préventifs et
les effets dramatiques du remboursement médiocre de la sécurité sociale.
Souvent, le chirurgien-dentiste est obligé de consacrer au patient plus de
temps que ne le prévoit la nomenclature. Cela permet d'éviter les récidives et,
quelquefois, des traitements plus lourds, donc plus onéreux pour la
collectivité publique.
Or cette fameuse convention signée en 1997 prévoyait les révisions de
nomenclature que Mme la ministre a rappelées. Elle a été annulée dans des
circonstances qui ont largement été évoquées.
Aujourd'hui, sur l'initiative et de la commission des affaires sociales et de
notre groupe, le Sénat a voulu marquer que l'entrée en vigueur de nouvelles
règles de transparence, que nous attendons tous en termes de pratiques
médicales, soit conditionnée à la mise en place de cette nouvelle nomenclature
dans le cadre conventionnel. Cela me paraît aller dans le bon sens.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 22
bis,
ainsi modifié.
(L'article 22
bis
est adopté.)
Article 23
M. le président.
« Art. 23. - I. - Il est inséré, après l'article L. 512-2 du code de la santé
publique, un article L. 512-3 ainsi rédigé :
«
Art. L. 512-3
. - Le pharmacien ne peut délivrer un médicament ou
produit autre que celui qui a été prescrit qu'avec l'accord exprès et préalable
du prescripteur, sauf en cas d'urgence et dans l'intérêt du patient.
« Toutefois, il peut délivrer par substitution à la spécialité prescrite une
spécialité du même groupe générique à condition que le prescripteur n'ait pas
exclu cette possibilité, pour des raisons particulières tenant au patient, par
une mention expresse portée sur la prescription, et sous réserve, en ce qui
concerne les spécialités figurant sur la liste prévue à l'article L. 162-17 du
code de la sécurité sociale, que cette substitution s'effectue dans les
conditions prévues par l'article L. 162-16 de ce code.
« Lorsque le pharmacien délivre par substitution à la spécialité prescrite une
spécialité du même groupe générique, il doit inscrire le nom de la spécialité
qu'il a délivrée.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent
article. »
« II. - La première phrase du premier alinéa de l'article L. 601-6 du code de
la santé publique est remplacée par les deux phrases ainsi rédigées :
« Sans préjudice des dispositions des articles L. 611-2 et suivants du code de
la propriété intellectuelle, la spécialité générique d'une spécialité de
référence est définie comme celle qui a la même composition qualitative et
quantitative en principe actif, la même forme pharmaceutique et dont la
bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études de
biodisponibilité appropriées. La spécialité de référence et les spécialités qui
en sont génériques constituent un groupe générique. »
« III. - L'article L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'infraction, dans les conditions prévues au
b,
n'est pas constituée
en cas d'exercice par un pharmacien de la faculté de substitution prévue à
l'article L. 512-3 du code de la santé publique. »
« IV. - Les deuxième, troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article
L. 162-16 du code de la sécurité sociale sont remplacés par trois alinéas ainsi
rédigés :
« Lorsque le pharmacien d'officine délivre, en application du deuxième alinéa
de l'article L. 512-3 du code de la santé publique, une spécialité figurant sur
la liste prévue à l'article L. 162-17 autre que celle qui a été prescrite,
cette substitution ne doit pas entraîner une dépense supplémentaire pour
l'assurance maladie supérieure à un montant ou à un pourcentage déterminé par
arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et du
budget.
« En cas d'inobservation de cette condition, le pharmacien verse à l'organisme
de prise en charge, après qu'il a été mis en mesure de présenter ses
observations écrites, et si, après réception de celles-ci, l'organisme
maintient la demande, une somme correspondant à la dépense supplémentaire
mentionnée à l'alinéa précédent, qui ne peut toutefois être inférieure à un
montant forfaitaire défini par arrêté des ministres chargés de la sécurité
sociale, de la santé et du budget.
« Pour son recouvrement, ce versement est assimilé à une cotisation de
sécurité sociale. »
« V. - Les dispositions de l'article L. 365-1 du code de la santé publique
sont également applicables aux pharmaciens.
« VI. - 1. Le premier alinéa de l'article L. 138-9 du code de la sécurité
sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : "Ce plafond est porté à
10,74 % du prix fabricant hors taxes pour les spécialités génériques définies
au premier alinéa de l'article L. 601-6 du code de la santé publique."
« 2. Le deuxième alinéa de l'article L. 138-9 du code de la sécurité sociale
est ainsi rédigé :
« Les infractions aux dispositions prévues au présent article sont passibles
des sanctions pénales applicables aux infractions mentionnées à l'article L.
162-38. Les dispositions du titre VI de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre
1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence sont applicables à ces
mêmes infractions. »
Je suis saisi de trois amendements présentés par M. Descours, au nom de la
commission.
L'amendement n° 30 vise à rédiger comme suit le troisième alinéa du texte
proposé par cet article pour l'article L. 512-3 du code de la santé publique
:
« Lorsque le pharmacien délivre par substitution à la spécialité prescrite une
spécialité du même groupe générique, il fait mention expresse sur l'ordonnance
du générique délivré et appose son nom et sa signature. »
L'amendement n° 31 tend à rédiger comme suit les deux phrases proposées par le
paragraphe II de l'article 23 pour remplacer la première phrase du premier
alinéa de l'article L. 601-6 du code de la santé publique :
« Sans préjudice du droit relatif à la protection de la propriété industrielle
et commerciale, on entend par spécialité générique d'une autre spécialité
autorisée depuis au moins dix ans en France ou dans un autre pays membre des
Communautés européennes selon les dispositions communautaires en vigueur et
commercialisée en France, appelée spécialité de référence, une spécialité qui a
la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même
forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence
a été démontrée par des études appropriées de biodisponibilité. La spécialité
de référence et les spécialités qui en sont génériques constituent un groupe
générique. »
L'amendement n° 32 a pour objet de compléter le paragraphe VI de l'article 23
par un alinéa ainsi rédigé :
« 3. L'annexe prévue au
b
du II de l'article LO 111-4 du code de la
sécurité sociale présente un bilan sommaire du contrôle de l'application des
dispositions de l'article L. 138-9 du même code. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces trois amendements.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Ces trois amendements, rédigés sur l'initiative de M. Claude
Huriet, tendent à apporter une précision à propos du droit de substitution au
profit du pharmacien.
L'amendement n° 30 vise à améliorer la rédaction adoptée par l'Assemblée
nationale. Il a pour objet de préciser que le pharmacien mentionne sur
l'ordonnance le nom de la spécialité qu'il a délivrée dans le cas d'une
substitution par un générique.
Mais cet amendement prévoit aussi que le pharmacien, pour des questions de
responsabilité, devra apposer son nom et sa signature sur l'ordonnance. Ce
point nous paraît très important, car si nous ne prenons pas ces précautions,
des problèmes de responsabilité se poseront, y compris sur le plan pénal. Cet
amendement devrait pouvoir faire l'objet d'un consensus avec l'Assemblée
nationale.
L'amendement n° 31 prévoit, quant à lui, d'améliorer la définition des
médicaments génériques, en faisant référence aux protections conférées au titre
du code de la propriété intellectuelle et de l'autorisation de mise sur le
marché.
M. le secrétaire d'Etat nous avait dit, lors de la première lecture, qu'il
était prêt à largement diffuser la définition des médicaments génériques, afin
d'éviter qu'ils ne soient confondus avec des équivalents thérapeutiques ou avec
des médicaments moins chers, ce qui n'a rien à voir, contrairement à ce que
feint de croire tel ou tel organisme de remboursement.
Cet amendement avait donc été adopté en première lecture dans un souci de
précision, et nous souhaitons que le Sénat confirme ce vote.
S'agissant, enfin, de l'amendement n° 32, nous sommes attachés à ce que le
Parlement soit informé des conditions d'application des dispositions du code de
la sécurité sociale relatives au plafonnement des remises. Ce n'est pas aux
responsables de la santé que je vais expliquer à quel point ce problème est
complexe, mais comme il existe actuellement deux taux maximaux de remise, un
taux général et un taux spécifique pour les médicaments génériques, le
Parlement voudrait être informé chaque année de l'application de ces deux
taux.
Enfin, j'avais envisagé de déposer un autre amendement mais j'y ai renoncé.
Dans la mesure où le droit de substitution est total et général, il apparaît
que, même si le médecin prescrit un médicament non remboursable, le pharmacien
peut substituer à celui-ci un médicament générique remboursable. Il paraît que
ce cas de figure existe ; c'est un professeur en pharmacie qui me l'a
signalé.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 30
et 31, mais il émet, en revanche, un avis favorable sur l'amendement n° 32.
S'agissant de la dernière question posée par M. le rapporteur, je procéderai à
une petite enquête, car je ne pense pas qu'on puisse substituer à un médicament
non remboursable un médicament générique remboursable. Si tel était le cas, je
me trouverais dans une situation curieuse qu'il conviendrait d'étudier. En tout
cas, je n'en connais aucun exemple.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Ce n'est pas bon pour les comptes de la sécurité sociale !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
En effet !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 30.
M. Francis Giraud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Francis Giraud.
M. Francis Giraud.
L'article 23 met en place un droit de substitution qui va poser aux
professionnels de santé de multiples problèmes de responsabilité.
La prévention de tout risque contentieux exige donc de clarifier les règles
présidant à la substitution, mécanisme que, par ailleurs, j'approuve.
Mais le médecin prescrit. Il est le seul à pouvoir autoriser ou non de manière
formelle la substitution. Sa démarche doit être positive et son autorisation ne
peut être donnée « par défaut ».
La relation « médecin-patient » est le moment privilégié permettant d'obtenir
l'adhésion du patient à son traitement. Pour prévenir le doute et la confusion,
pour éviter la diminution de l'observance du traitement, pour conserver la
confiance du patient en son médecin, le mécanisme ultérieur de substitution ne
doit pas altérer cette relation.
L'Allemagne est souvent citée en exemple en matière de développement de
l'utilisation des génériques, laquelle atteint, là-bas, 20 %. Or, dans ce pays
de l'Union européenne, le médecin indique clairement, sur l'ordonnance, son
accord pour la substitution ou, s'il ne la souhaite pas, pour des raisons
tenant au patient, il raye cette mention lorsqu'elle est préimprimée sur le
modèle d'ordonnance. Cette démarche est positive.
Eu égard aux résultats obtenus en Allemagne, cette attitude ne peut en aucun
cas aller à l'encontre du développement souhaitable des génériques, mais elle
conserve au médecin le contrôle de la prescription, clarifie ses
responsabilités, évite d'opposer deux professions et de susciter le doute et la
confusion dans l'esprit du patient. Pourquoi ne pourrions-nous pas faire de
même en France ?
Médecin des hôpitaux publics depuis de très nombreuses années, je considère
que rien, pas même un texte, ne pourra modifier la responsabilité des médecins
quant à leurs prescriptions.
(MM. Gournac et Leclerc applaudissent.)
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
Avant de vous donner la parole, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous signale
que l'Assistance publique de Marseille rendra hommage au professeur Giraud, qui
vient de prendre sa retraite. C'est notamment lui qui a formé le professeur
Jean-François Mattei qui, de temps à autre, vous interpelle à l'Assemblée
nationale !
(Sourires.)
M. Jacques Peyrat.
Très bien !
M. le président.
Vous avez la parole, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, je m'associe volontiers à cet
hommage. Mais j'indique, en même temps, qu'à l'Assistance publique, justement,
cette pratique de la substitution fonctionne depuis des années et nul ne s'en
plaint. Dès lors, monsieur le sénateur, je ne vois pas pourquoi on citerait en
exemple ce qui fonctionne si bien tout en faisant le contraire en ville ! La
substitution fonctionne parce que les pharmaciens des hôpitaux sont très
responsables : ils recourent à cette pratique et tout le monde s'en trouve
bien.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 31.
M. François Autain.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Je veux faire part au Gouvernement de notre embarras. Nous avons, en
commission, voté l'amendement n° 31. Or, vous le savez, nous tenons chaque fois
que nous le pouvons - et c'est fréquent - à soutenir le Gouvernement.
Peut-être M. le secrétaire d'Etat pourrait-il expliciter davantage les raisons
pour lesquelles le Gouvernement est hostile à cet amendement, qui, nous
semble-t-il, donne une définition assez complète et pertinente de ce qu'est un
médicament générique et que nous ne verrions donc pas d'inconvénient à
adopter.
Nous sommes prêts, bien sûr, à revoir notre position si le Gouvernement nous
démontre qu'il n'a pas sa place dans ce texte ou, plus largement, qu'il ne
correspond pas à la définition qu'il entend donner des médicaments
génériques.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
L'amendement n° 31 entraînerait, s'il était adopté,
une confusion entre la définition des génériques et la protection
administrative des données. Cette protection est d'ores et déjà prévue et n'est
pas remise en cause ici. Mais, surtout, monsieur le sénateur, la condition
selon laquelle, par cet amendement, la spécialité de référence devrait être
commercialisée au moment où cette qualification lui est reconnue ne correspond
pas à la réalité.
En effet, il arrive que la spécialité à laquelle le générique est comparé ait
été mais ne soit plus commercialisée en France au moment de l'inscription du
générique dans le répertoire idoine. C'est d'ailleurs ce qui est prévu dans
l'actuel article R. 5143-8 du code de la sécurité sociale. Je réitère donc
l'avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 23, modifié.
(L'article 23 est adopté.)
Article 24
M. le président.
« Art. 24. - I. -
Non modifié.
« I
bis
. - L'article L. 162-17-3 du code de la sécurité sociale est
ainsi rédité :
«
Art. 162-17-3. -
Il est créé, auprès des ministres compétents, un Comité économique du
médicament. Le comité contribue à l'élaboration de la politique économique du
médicament. Il met en oeuvre les orientations qu'il reçoit des ministres
compétents, en application de la loi de financement de la sécurité sociale.
« Ces orientations portent notamment sur les moyens propres à assurer le
respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie mentionné à
l'article LO 111-3. En particulier, le comité applique ces orientations à la
fixation des prix des médicaments à laquelle il procède en application de
l'article L. 162-17-4.
« La composition et les règles de fonctionnement du comité sont déterminées
par décret.
« II. - Le Comité économique du médicament assure un suivi périodique des
dépenses de médicaments en vue de constater si l'évolution de ces dépenses est
compatible avec le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance
maladie.
« Ce suivi comporte au moins deux constats à l'issue des quatre et huit
premiers mois de l'année. »
« II. - L'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé
:
«
Art. L. 162-17-4. -
En application des orientations qu'il reçoit
annuellement des ministres compétents, le Comité économique du médicament peut
conclure avec des entreprises ou groupes d'entreprises des conventions d'une
durée maximum de quatre années relatives à un ou à des médicaments visés au
premier alinéa de l'article L. 162-17. Ces conventions déterminent les
relations entre le comité et chaque entreprise, et notamment :
« 1° Le prix de ces médicaments et, le cas échéant, l'évolution de ces prix,
notamment en fonction des volumes de vente ;
« 2° Le cas échéant, les remises prévues en application de l'article L. 162-18
;
« 3° Les engagements de l'entreprise visant à la maîtrise de sa politique de
promotion permettant d'assurer le bon usage du médicament ainsi que le respect
des volumes de vente précités ;
« 4° Les modalités de participation de l'entreprise à la mise en oeuvre des
orientations ministérielles précitées ;
« 5° Les dispositions conventionnelles applicables en cas de non-respect des
engagements mentionnés au 3° et au 4°.
« Lorsque les orientations reçues par le comité ne sont pas compatibles avec
les conventions précédemment conclues, lorsque l'évolution des dépenses de
médicaments n'est manifestement pas compatible avec le respect de l'objectif
national de dépenses d'assurance maladie ou en cas d'évolution significative
des données scientifiques et épidémiologiques prises en compte pour la
conclusion des conventions, le comité demande à l'entreprise concernée de
conclure un avenant permettant d'adapter la convention à cette situation. En
cas de refus de l'entreprise, le comité peut résilier la convention ou
certaines de ses dispositions. Dans ce cas, le comité peut proposer aux
ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et de l'économie de fixer
le prix de ces médicaments par arrêté, en application de l'article L.
162-16-1.
« Lorsqu'une mesure d'interdiction de publicité a été prononcée par l'Agence
du médicament dans les conditions prévues à l'article L. 551-6 du code de la
santé publique, le Comité économique du médicament peut demander à l'entreprise
concernée, dans le délai d'un mois à compter de la date de publication de la
décision d'interdiction au
Journal officiel,
la modification des prix
des médicaments fixés par convention faisant l'objet de l'interdiction de
publicité ou le versement, en application de l'article L. 162-18, de remises
sur le chiffre d'affaires de ces médicaments. Si l'avenant correspondant n'a
pas été signé dans un délai de deux mois à compter de la même date, le comité
peut résilier la convention ; ces prix sont fixés par arrêté des ministres
chargés de la sécurité sociale, de la santé et de l'économie, après avis du
comité. Cette modification des prix ne peut entraîner une dépense
supplémentaire pour l'assurance maladie. »
« Lorsque la mesure d'interdiction de publicité mentionnée à l'alinéa
précédent porte sur un médicament dont le prix est fixé par arrêté, le Comité
économique du médicament peut, dans le délai d'un mois à compter de la date de
publication de la décision d'interdiction au
Journal officiel,
proposer
à l'entreprise concernée de conclure une convention modifiant les prix des
médicaments faisant l'objet de l'interdiction de publicité ou prévoyant, en
application de l'article L. 162-18, le versement de remises sur le chiffre
d'affaires de ces médicaments. A défaut de conclusion d'une telle convention
dans un délai de deux mois à compter de la même date, ces prix sont modifiés
par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et de
l'économie, après avis du comité. Cette modification des prix ne peut entraîner
une dépense supplémentaire pour l'assurance maladie. »
« Les modalités d'application du présent article, et notamment les conditions
de révision et de résiliation des conventions, sont définies par décret en
Conseil d'Etat. »
Par amendement n° 33, M. Descours, au nom de la commission, propose :
A. - A la fin du premier alinéa du paragraphe II du texte présenté par le
paragraphe I
bis
de cet article pour l'article L. 162-17-3 du code de la
sécurité sociale, de remplacer les mots : « avec le respect de l'objectif
national de dépenses d'assurance maladie » par les mots : « avec les
orientations propres à assurer le respect de l'objectif national de dépenses
d'assurance maladie ».
B. - De procéder de même dans la première phrase du septième alinéa du texte
proposé par le paragraphe II de ce même article pour l'article L. 162-17-4 du
code de la sécurité sociale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
En première lecture, nous avions déploré que l'ONDAM qui
était opposable à l'industrie pharmaceutique était l'ONDAM général. L'industrie
pharmaceutique, de ce fait, ne bénéficiait pas des mêmes prérogatives que les
médecins hospitaliers ou les médecins de ville.
L'Assemblée nationale a rejoint notre point de vue. Elle a donc défini des
orientations annuelles tendant à assurer le respect de l'ONDAM et a rédigé, en
conséquence, le deuxième alinéa de l'article L. 162-17-3 du code de la sécurité
sociale.
Nous approuvons donc la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale et notre
amendement est un texte de cohérence avec cette rédaction.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 33.
M. François Autain.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Là aussi, nous sommes embarrassés.
M. le président.
Monsieur Autain, méditez la phrase d'Edouard Herriot : « Un bon discours m'a
quelquefois fait changer d'avis, jamais de vote » !
(Sourires.)
M. François Autain.
Nous n'en sommes pas encore là !
Je voulais simplement faire remarquer que l'amendement, tel qu'il est libellé,
ne fait que reprendre un membre de phrase qui figure à la fin du deuxième
alinéa de l'article 1er
bis
, tel qu'il a été adopté en nouvelle lecture
par l'Assemblée nationale et qui dispose : « ces orientations portant notamment
sur les moyens propres à assurer le respect de l'objectif national de dépenses
d'assurance maladie... ». Or cet amendement nous apparaissait donc comme un
texte de coordination.
On pourrait à la rigueur accuser cet amendement de redondance mais je ne pense
pas qu'il soit contraire à l'esprit du texte qui a été voté par l'Assemblée
nationale. C'est la raison pour laquelle, après avoir demandé et obtenu de M.
le rapporteur la modification de cet amendement, nous l'avions, bien entendu,
voté en commission des affaires sociales. Par conséquent, nous sommes, là
encore, très partagés sur la position que nous devons adopter. Mais doit-on,
selon le précepte d'Edouard Herriot, changer notre vote ? C'est la question que
je me pose et à laquelle je vais répondre dans quelques instants.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33, repoussé par le Gouvernement.
Mme Nicole Borvo.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 24, ainsi modifié.
(L'article 24 est adopté.)
Article 25
M. le président.
« Art. 25. - I. - Dans l'intitulé du chapitre VIII du titre III du livre Ier
du code de la sécurité sociale, le mot : "Contribution" est remplacé par le mot
: "Contributions".
« II. - Au même chapitre, il est créé deux sections :
« 1° La section 1, intitulée : "Contribution à la charge des établissements de
vente en gros de spécialités pharmaceutiques et des entreprises assurant
l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques au sens de
l'article L. 596 du code de la santé publique", et qui comprend les articles L.
138-1 à L. 138-9 ;
« 2° La section 2, intitulée : "Contribution à la charge des entreprises
assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques au sens
de l'article L. 596 du code de la santé publique", et qui comprend les articles
L. 138-10 à L. 138-19 ainsi rédigés :
«
Art. L. 138-10
. - Lorsque le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en
France, au cours de l'année civile, au titre des médicaments inscrits sur la
liste mentionnée à l'article L. 162-17, par l'ensemble des entreprises assurant
l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques au sens de
l'article L. 596 du code de la santé publique et n'ayant pas passé convention
avec le Comité économique du médicament, dans les conditions mentionnées au
troisième alinéa ci-après, s'est accru, par rapport au chiffre d'affaires
réalisé l'année précédente, au titre des médicaments inscrits sur ladite liste,
par l'ensemble de ces mêmes entreprises, d'un pourcentage excédant le taux de
progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie tel qu'il
résulte du rapprochement des lois de financement de la sécurité sociale de
l'année et de l'année précédente compte tenu, le cas échéant, des lois de
financement rectificatives, ces entreprises sont assujetties à une
contribution.
« Le montant total de cette contribution est calculée comme suit :
Taux d'accroissement du chiffre d'affaires T de l'ensemble des entreprises redevables |
Taux de la contribution globale
des entreprises redevables |
---|---|
T supérieur à K* et/ou égal à K + 1 point | 0,15 % |
T supérieur à K + 1 point et inférieur ou égal à K + 2 points | 0,65 % |
T supérieur à K + 2 points et inférieur ou égal à K + 4 points | 1,3 % |
T supérieur à K + 4 points et inférieur ou égal à K + 5,5 points | 2,3 % |
T supérieur à K + 5,5 points |
3,3 % |
* K = taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie arrondi à la décimale la plus proche.
« Ne sont pas redevables de cette contribution les entreprises qui ont conclu, postérieurement au 1er janvier 1999, une convention avec le Comité économique du médicament en application des articles L. 162-16-1 et suivants, en cours de validité au 31 décembre de l'année civile au titre de laquelle la contribution est due, à condition que cette convention fixe les prix de l'ensemble des médicaments mentionnés à l'article L. 162-17 exploités par l'entreprise et comporte des engagements de l'entreprise portant sur l'ensemble du chiffre d'affaires concerné ou sur le chiffre d'affaires de chacun des produits concernés, dont le non-respect entraîne soit un ajustement des prix, soit le versement d'une remise en application de l'article L. 162-18. La liste de ces entreprises est arrêtée par le Comité économique du médicament avant le 31 janvier de l'année suivant l'année civile au titre de laquelle la contribution est due.
« Pour le déclenchement de la contribution, ne sont pris en compte ni le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au titre des médicaments mentionnés à l'article L. 162-17 par les entreprises qui ne sont pas redevables de cette contribution ni le chiffre d'affaires de ces mêmes entreprises réalisé l'année précédente.
« Art. L. 138-11. - Le montant global de la contribution tel que calculé en application de l'article L. 138-10 est ainsi réparti :
« a) A concurrence de 30 %, sur le chiffre d'affaires des entreprises redevables tel que défini à l'article L. 138-10 ;
« b) A concurrence de 40 %, sur la progression du chiffre d'affaires tel que défini à l'article L. 138-10, réalisé en France par les entreprises redevables au titre des spécialités inscrites sur la liste mentionnée à l'article L. 162-17, par rapport au chiffre d'affaires réalisé en France au titre des spécialités inscrites sur ladite liste par les mêmes entreprises, lorsque cette progression est supérieure au taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie tel que défini à l'article L. 138-10 ;
« c) A concurrence de 30 %, sur les charges exposées par l'ensemble des entreprises redevables, au titre des dépenses de prospection et d'information visées à l'article L. 245-2.
« Les entreprises créées depuis moins de deux ans ne sont pas redevables de la part de la contribution mentionnée au b du présent article, sauf si la création résulte d'une scission ou d'une fusion d'une entreprise ou d'un groupe.
« Les règles d'exonération prévues par l'article L. 245-4 sont applicables au calcul de la part de la contribution prévue au c du présent article.
« Art. L. 138-12. - La fraction de la part de la contribution prévue au a de l'article L. 138-11, mise à la charge de chaque entreprise redevable, est égale au rapport entre son chiffre d'affaires, défini à l'article L. 138-10, et le montant total du chiffre d'affaires, défini à l'article L. 138-10, déclaré par l'ensemble des entreprises redevables, multiplié par le montant total de ladite part.
« La fraction de la part de la contribution visée au b de l'article L. 138-11, mise à la charge de chaque entreprise redevable, est égale au rapport entre la progression de son chiffre d'affaires et la somme des progressions de chiffres d'affaires supérieures au taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, déclarées par l'ensemble des entreprises redevables, multiplié par le montant total de ladite part.
« La fraction de la part de la contribution visée au c de l'article L. 138-11, mise à la charge de chaque entreprise redevable, est égale au rapport entre le montant versé par l'entreprise en application de l'article L. 245-1 et le montant total de la contribution versée au même titre par l'ensemble des entreprises redevables de la contribution prévue à l'article L. 138-10 à l'échéance du 1er décembre de l'année au titre de laquelle la contribution visée à l'article L. 138-10 est due, multiplié par le montant total de ladite part.
« Un arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget fixe les éléments nécessaires au calcul des parts de contribution susmentionnées.
« Le montant de la contribution ne peut excéder, pour chaque entreprise assujettie, 10 % du chiffre d'affaires hors taxes défini à l'article L. 138-10.
« Les entreprises exonérées de la contribution versée en application de l'article L. 245-1 sont exonérées de la fraction de la part de contribution visée au c de l'article L. 138-11.
« Art. L. 138-13. - Les parts de la contribution mentionnées au a et au b de l'article L. 138-11 font l'objet d'un versement au plus tard le 30 juin suivant l'année civile au titre de laquelle la contribution est due.
« La part de la contribution mentionnée au c de l'article L. 138-11 fait l'objet d'un versement provisionnel au plus tard le 30 juin de l'année suivant celle au titre de laquelle la contribution est due. Ce versement provisionnel est assis sur les sommes versées par les entreprises redevables, en application de l'article L. 245-1, le 1er décembre de l'année au titre de laquelle la contribution est due. Ce montant est régularisé le 30 juin de l'année suivant l'année au cours de laquelle est effectué le versement provisionnel. Cette régularisation est établie sur la base des sommes versées par les entreprises redevables, en application de l'article L. 245-1 le 1er décembre de l'année suivant celle au titre de laquelle la contribution est due.
« Art. L. 138-14. - La contribution est recouvrée et contrôlée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, dans les conditions prévues au 3° de l'article L. 225-1-1. Pour le contrôle, l'agence est assistée, en tant que de besoin, par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales.
« Art. L. 138-15. - Les entreprises redevables sont tenues d'adresser à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale les éléments nécessaires pour déterminer leur chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année au titre de laquelle la contribution est due, avant le 15 février de l'année suivante.
« Les éléments servant de base à l'établissement de la contribution prévue au c de l'article L. 138-11 sont ceux prévus pour l'établissement de la contribution prévue à l'article L. 245-1 ayant donné lieu aux versements effectués au 1er décembre de l'année au titre de laquelle la contribution prévue à l'article L. 138-10 est due.
« En cas de scission ou de fusion d'une entreprise ou d'un groupe, le champ des éléments pris en compte pour le calcul de la contribution est défini à périmètre constant.
« Art. L. 138-16. - En cas de non-déclaration dans les délais prescrits ou de déclaration manifestement erronée de certaines entreprises redevables, le taux de croissance du chiffre d'affaires de l'ensemble des entreprises redevables est déterminé par le rapport entre la somme des chiffres d'affaires valablement déclarés au titre de l'année civile et la somme des chiffres d'affaires réalisés par les mêmes entreprises au titre de l'année civile précédente.
« Art. L. 138-17. - Lorsqu'une entreprise redevable n'a pas produit les éléments prévus à l'article L. 138-15 dans les délais prescrits ou a produit une déclaration manifestement erronée, les trois parts de la contribution sont appelées à titre provisionnel :
« 1° Pour l'application de la part de la contribution mentionnée au a de l'article L. 138-11, sur la base du dernier chiffre d'affaires connu, majoré de 20 % ;
« 2° Pour l'application de la part de la contribution mentionnée au b de l'article L. 138-11, sur la base du dernier chiffre d'affaires connu, majoré de 20 % ;
« 3° Pour l'application de la part de la contribution mentionnée au c de l'article L. 138-11, sur la base du dernier versement effectué, majoré de 20 %.
« Lorsque l'entreprise redevable produit ultérieurement la déclaration considérée, le montant de la part de la contribution due au titre de l'année est majoré de 10 %. Cette majoration peut faire l'objet d'une demande de remise gracieuse.
« Art. L. 138-18. - Le produit de la contribution est réparti dans les conditions prévues par l'article L. 138-8.
« Art. L. 138-19. - Lorsqu'une entreprise assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques appartient à un groupe, la notion d'entreprise mentionnée à l'article L. 138-10 s'entend de ce groupe.
« Le groupe mentionné à l'alinéa précédent est constitué par une entreprise ayant publié des comptes consolidés au titre du dernier exercice clos avant l'année au cours de laquelle est appelée la contribution, en application des dispositions de l'article 357-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, sur les sociétés commerciales, et les sociétés qu'elle contrôle ou sur lesquelles elle exerce une influence notable au sens du même article.
« Toutefois, la société qui acquitte la contribution adresse à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, d'une part, une déclaration consolidée pour l'ensemble du groupe, et, d'autre part, pour chacune des sociétés du groupe, une déclaration contenant les éléments non consolidés y afférents. »
« III. - Les dispositions du présent article s'appliquent à compter de l'exercice 1999. »
Par amendement n° 34, M. Descours, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le début du premier alinéa du texte présenté par le 2° du paragraphe II de cet article pour l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale :
« Lorsque le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France, au cours de l'année civile, au titre des médicaments inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 162-17, corrigé en fonction des décisions de modification de son périmètre, par l'ensemble... »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Il s'agit de déterminer le chiffre d'affaires hors taxes réalisé par l'industrie pharmaceutique en France sur lequel est assise la contribution qui lui est demandée. Nous vous proposons, par cet amendement, que le chiffre d'affaires retenu tienne compte des variations de périmètre intervenues en cours d'année.
Ainsi, la sortie du jour au lendemain de la réserve hospitalière de médicaments, tels que la trithérapie, médicaments qui deviennent donc accessibles en achats externes, fait évidemment bondir le chiffre d'affaires d'un laboratoire, mais le périmètre n'est pas le même que l'année précédente.
Cet amendement vise à remédier à cet inconvénient. Il concerne simplement la définition de l'assiette.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne vois pas pourquoi on appliquerait aux laboratoires qui acceptent de signer une convention un périmètre défini qui ne se modifie pas avec le temps, et pourquoi ceux qui l'auraient refusée verraient prise en compte une modification du périmètre. Je ne peux donc qu'être défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 34, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 35, M. Descours, au nom de la commission, propose, dans la ligne (*K) figurant sous le tableau du texte présenté par le paragraphe II de l'article 25 pour l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, de remplacer les mots : « de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie » par les mots : « des orientations propres à assurer le respect de l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec le texte qui a été adopté par l'Assemblée nationale et l'amendement n° 33 qui a été présenté sur l'article 24 et que M. Autain a beaucoup mieux expliqué que je ne l'avais fait moi-même.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 35, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 25, modifié.
(L'article 25 est adopté).
Article 26
bis
M. le président.
« Art. 26
bis
. - L'article L. 712-12-1 du code de la santé publique est
complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la demande d'autorisation porte sur le changement de lieu
d'implantation d'un établissement existant, ne donnant pas lieu à un
regroupement d'établissements, le demandeur doit joindre à son dossier un
document présentant ses engagements relatifs aux dépenses à la charge de
l'assurance maladie et au volume d'activités, fixés par référence aux dépenses
et à l'activité constatée dans l'établissement. L'autorité chargée de recevoir
le dossier peut, dans un délai de deux mois après réception du dossier,
demander au requérant de modifier ses engagements. Le dossier n'est alors
reconnu complet que si le requérant satisfait à cette demande dans le délai
d'un mois.
« En cas de non-respect des engagements mentionnés à l'alinéa précédent,
l'autorisation peut être suspendue ou retirée dans les conditions prévues à
l'article L. 712-18. »
Par amendement n° 36, M. Descours, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Nous avions déjà proposé la suppression de cet article en
première lecture. Selon nous, ce texte, qui concerne la gestion des cliniques
au moment de leur transfert, n'a pas sa place dans un projet de loi de
financement de la sécurité sociale et il risque donc d'être retoqué par le
Conseil constitutionnel.
Cette disposition résulte d'un amendement qui avait été déposé par M. Claude
Evin. Mais dans un article paru dans
La Tribune
du 1er décembre,
celui-ci indique qu'« il est par exemple impossible de légiférer sur les
modalités de rapprochement entre les cliniques privées et les hôpitaux publics
». Je me réjouis qu'il tienne de tels propos, mais au moment de la discussion
parlementaire, il a fait le contraire puisqu'il a déposé un amendement.
Je confirme qu'une telle disposition n'a rien à faire dans un projet de loi de
financement de la sécurité sociale et qu'elle serait sans doute rejetée par le
Conseil constitutionnel. Aussi, je vous demande, mes chers collègues, de la
supprimer. Je suis cependant heureux de constater que M. Evin est d'accord avec
moi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 36, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 26
bis
est supprimé.
Article 27
M. le président.
« Art. 27. - I et I
bis
. -
Non modifiés.
« II. - Il est inséré, dans la même loi, un article 27-5 ainsi rédigé :
«
Art. 27-5. - I. -
Le financement de celles des prestations des
établissements et services sociaux et médico-sociaux publics et privés qui sont
à la charge des organismes de sécurité sociale est soumis à un objectif de
dépenses.
« Les ministres chargés de la sécurité sociale, de l'action sociale, de
l'économie et du budget fixent annuellement cet objectif, en fonction de
l'objet national de dépenses d'assurance maladie voté par le Parlement, et
corrélativement le montant total annuel des dépenses prises en compte pour le
calcul des dotations globales, forfaits, prix de journée et tarifs afférents
aux prestations correspondantes.
« Ce montant total est fixé par application d'un taux d'évolution aux dépenses
de l'année précédente au plus tard dans les quinze jours qui suivent la
publication de la loi de financement de la sécurité sociale.
« Ce montant total annuel est constitué en dotations limitatives régionales.
Le montant de ces dotations est fixé par les ministres chargés de la sécurité
sociale et de l'action sociale en fonction des besoins de la population, des
orientations définies par les schémas prévus à l'article 2-2, des priorités
définies au niveau national en matière de politique médico-sociale, en tenant
compte de l'activité et des coûts des établissements et services et d'un
objectif de réduction progressive des inégalités dans l'allocation des
ressources entre régions ; les dotations régionales sont réparties en dotations
départementales limitatives par le préfet de région, en liaison avec le
directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation et les préfets concernés ;
ces dotations départementales limitatives peuvent, dans les mêmes conditions,
être réparties par le préfet en dotations affectées par catégories de
bénéficiaires ou à certaines prestations dans des conditions fixées par
décret.
«
II.
- Les modalités d'application du présent article sont fixées par
décret. »
«
III
et
IV.
-
Non modifiés
. »
Par amendement n° 37, M. Descours, au nom de la commission, propose, dans la
seconde phrase du quatrième alinéa du I du texte présenté par le II de cet
article pour insérer un article 27-5 dans la loi n° 75-535 du 30 juin 1975
relative aux institutions sociales et médico-sociales, de remplacer les mots :
« par le préfet de région, en liaison avec le directeur de l'agence régionale
de l'hospitalisation », par les mots : « par le directeur de l'agence régionale
de l'hospitalisation, en liaison avec le préfet de région. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Le texte proposé par le Gouvernement prévoit un ONDAM
opposable aux établissements médico-sociaux. Il fait référence au préfet de
région, en liaison avec le directeur de l'agence régionale de
l'hospitalisation. Par cohérence avec ce qui se passe pour les autres
établissements, nous proposons de revenir au texte que le Sénat avait adopté en
première lecture, c'est-à-dire que le directeur de l'agence régionale de
l'hospitalisation soit saisi en premier, bien sûr en liaison avec le préfet de
région. Nous avons d'ailleurs rectifié cet amendement en commission pour que
tout le monde soit d'accord. C'est un texte assez administratif, mais de
cohérence.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 37.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Vous l'avez constaté, nous n'avons pas retardé les débats puisque nous avions
déjà largement exprimé notre opinion en première lecture. Mais sur ce point
précis, nous insistons à nouveau, puisque nous sommes le seul groupe à rejeter
l'article 27 qui pèsera fortement et instituera la régulation des dépenses des
établissement sociaux et médico-sociaux.
A la faveur de cette disposition, finalement on met en place un ONDAM. Que
l'évolution des dépenses soit discutée, cela me paraît normal, mais il me
semble que c'est mettre la charrue devant les boeufs.
S'agissant de la mesure proposée, vous disiez, madame la ministre, en réponse
au président de l'UNIOPSS, l'Union nationale interfédérale des oeuvres et
organismes privés sanitaires et sociaux, qu'« elle ne pouvait être retenue
indépendamment de la mise en place des règles modernes d'allocation des
ressources aux établissements. C'est pourquoi la refonte de la loi de 1975 sur
les institutions sociales et médico-sociales me paraît être le support
approprié pour une réforme de cette nature. » Tout le monde souhaite une
réforme de la loi de 1975.
Vous ajoutiez : « La révision de la loi de 1975 sera donc l'occasion de
définir de façon concertée entre l'ensemble des parties et avec l'ensemble des
financeurs de nouvelles règles. » Aujourd'hui, il nous semble que, tant au
Parlement qu'au sein des associations, si le projet de loi est connu, il n'a
pas fait l'objet d'une véritable concertation. Nous concevons que ce débat ne
peut avoir lieu que dans le cadre d'un projet d'ensemble ne dissociant pas le
choix des personnes et le contrôle des équipements.
Le problème de la tarification des établissements pour la prestation
spécifique dépendance, la PSD, est posé. Ce qui avait déjà fait l'objet de
propositions formulées par certains collègues - rappelez-vous les débats avec
M. Barrot, puis avec l'actuel gouvernement - entre aujourd'hui en action. Sont
concernées 22 000 associations, près de 800 000 personnes, dont 500 000
travaillant à plein temps. Ces dispositions auront certainement des
conséquences sur les conventions collectives qui régissent ces personnels. Cela
aura certainement aussi des conséquences sur les participations des familles.
On ne le dit pas directement, mais je crois qu'il y aura un problème à cet
égard. Pour notre part, nous estimons indispensable qu'une concertation
s'engage avec les parties concernées, afin que la loi préserve l'équilibre
entre les critères de besoins et de moyens qu'appelle, dans un Etat de droit,
la régulation des activités relevant de la sécurité sociale ou de l'aide
sociale obligatoire. Aussi, nous voterons contre cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 37, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 27, ainsi modifié.
(L'article 27 est adopté.)
Article 27
bis
M. le président.
« Art. 27
bis.
- Dans la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 précitée, il est
inséré un article 27-6 ainsi rédigé :
«
Art. 27-6.
- Des conditions particulières d'exercice des
professionnels de santé exerçant à titre libéral destinées notamment à assurer
l'organisation, la coordination et l'évaluation des soins, l'information et la
formation sont mises en oeuvre dans les établissements d'hébergement pour
personnes âgées dépendantes.
« Ces conditions peuvent porter sur des modes de rémunération particuliers
autres que le paiement à l'acte et sur le paiement direct des professionnels
par établissement.
« Un contrat portant sur ces conditions d'exercice est conclu entre le
professionnel et l'établissement.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application des
dispositions qui précèdent. »
Par amendement n° 38, M. Descours, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet article vise à payer autrement qu'à l'acte les médecins
exerçant dans les établissements qui hébergent des personnes âgées dépendantes.
C'est effectivement un problème qu'il faut soulever et dont nous pourrions
discuter. Toutefois, il pose une question de recevabilité, car il n'a rien à
voir avec un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Aussi, nous
proposons de supprimer cet article.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 27
bis
est supprimé.
Article 29
bis
M. le président.
« Art. 29
bis.
- Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« I. - Au premier alinéa de l'article L. 356-1, après les mots : "qui a été
affilié, à titre obligatoire ou volontaire, à l'assurance vieillesse du régime
général", sont insérés les mots : "au cours d'une période de référence et
pendant une durée fixées par décret en Conseil d'Etat".
« II et III. -
Non modifiés
.
« IV. - L'article L. 351-12 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette majoration est incluse dans les avantages personnels de vieillesse
dont le cumul avec une pension de réversion est comparé aux limites prévues au
dernier alinéa de l'article L. 353-1. »
« V. - Les mesures prévues au I et au II du présent article entrent en vigueur
le 1er mars 1999. »
Par amendement n° 39, M. Descours, au nom de la commission, propose :
A. - De supprimer le I de cet article.
B. - De rédiger ainsi le texte proposé par le IV de cet article pour compléter
l'article L. 351-12 du code de la sécurité sociale :
« Cette majoration n'est pas incluse dans les avantages personnels de
vieillesse dont le cumul avec une pension de réversion est comparé aux limites
prévues au dernier alinéa de l'article L. 353-1. »
C. - Dans le V de cet article, de supprimer les mots : « au I et ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
En l'occurrence, il s'agit de l'assurance veuvage.
Je propose que nous revenions au texte adopté par le Sénat en première
lecture. Nous avions alors supprimé le I de l'article 29
bis,
qui vise à
subordonner le bénéfice de l'assurance veuvage à des conditions de périodes de
référence et de durée d'affiliation.
S'agissant de l'assurance veuvage, la pension de réversion n'a jamais permis à
personne de faire fortune. Il faut être raisonnable. Il convient donc de
supprimer cette disposition.
Par ailleurs, cet amendement permet d'inscrire dans la loi que la majoration
de pension pour enfants ne doit pas être prise en compte pour déterminer la
limite de cumul entre un avantage propre et un avantage de réversion. Si nous
ne le faisions pas, cela signifierait que les veuves qui ont eu des enfants
seraient pénalisées par rapport à celles qui n'en ont pas eu.
Très sincèrement, madame la ministre, même si vous êtes contre cette
proposition, je ne comprends pas votre attitude.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cet article a pour objet non
pas de restreindre les conditions d'affiliation à l'assurance veuvage, mais de
les inscrire dans la loi, alors qu'elles étaient dans le cadre réglementaire et
ont été annulées par le Conseil d'Etat.
En outre, nous souhaitons inscrire dans la loi la pratique actuelle de la
CNAVTS.
Vous proposez une mesure qui sera favorable aux veuves les plus aisées.
(Murmures sur les travées du RPR.)
M. Charles Descours,
rapporteur.
Qu'est-ce que cela veut dire des « veuves aisées » ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Excusez-moi, on peut être veuf
et être aisé ; on peut être malheureux et être aisé ! Cela n'a rien à voir ! Je
pense que l'on ne doit pas faire preuve de démagogie en la matière.
Nous, nous avons préféré aider les veuves en situation modeste.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Nous proposons de les aider toutes !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous avons fait un effort en
faveur des 600 000 veuves les plus modestes en revalorisant le minimum de
réversion de 2 % au 1er janvier 1999 et en réformant l'allocation veuvage,
permettant ainsi une augmentation de plus de 1 000 francs par mois du montant
de la deuxième année et de 1 500 francs par mois du montant touché par les
veuves de plus de cinquante ans à compter de la troisième année.
Notre choix consiste à aider les veuves qui sont dans les situations les plus
difficiles. Vous préférez une mesure beaucoup plus large qui n'apporte ni aide,
ni solidarité. Chacun ses choix ! Mais comprenez que nous soyons en désaccord
avec votre amendement.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Madame la ministre, chacun jugera qui est le plus démagogue
de nous deux !
M. Alain Gournac.
Ah oui, c'est clair !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 39.
M. Jacques Machet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
J'ai écouté exposer avec beaucoup d'intérêt le problème posé par les veuves.
Je remercie le rapporteur, M. Charles Descours, des paroles qu'il a prononcées.
Responsable depuis un certain nombre d'années de l'Association des veuves
civiles, je dis très franchement que la situation des veuves est très
difficile. Je suis donc en plein accord avec M. le rapporteur.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 39, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 29
bis,
ainsi modifié.
(L'article 29
bis
est adopté.)
Article 31
bis
M. le président.
« Art. 31
bis.
- I. - Une allocation de cessation anticipée d'activité
est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication
de matériaux contenant de l'amiante, sous réserve qu'ils cessent toute activité
professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes :
« 1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés
ci-dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du
travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient
fabriqués des matériaux contenant de l'amiante ;
« 2° Avoir atteint un âge déterminé, qui pourra varier en fonction de la durée
du travail effectué dans les établissements visés au 1° sans pouvoir être
inférieur à cinquante ans.
« Ont également droit, dès l'âge de cinquante ans, à l'allocation de cessation
anticipée d'activité les salariés ou anciens salariés reconnus atteints au
titre du régime général d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante
et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail
et de la sécurité sociale.
« Le bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité ne peut se
cumuler ni avec l'un des revenus ou l'une des allocations mentionnées à
l'article L. 131-2 du code de la sécurité sociale ni avec un avantage de
vieillesse ou d'invalidité.
« II. - Le montant de l'allocation est calculé en fonction de la moyenne
actualisée des salaires mensuels bruts de la dernière année d'activité salariée
du bénéficiaire. Il est revalorisé comme les avantages alloués en application
du deuxième alinéa de l'article L. 322-4 du code du travail.
« L'allocation est attribuée et servie par les caisses régionales d'assurance
maladie.
« L'allocation cesse d'être versée lorsque le bénéficiaire remplit les
conditions requises pour bénéficier d'une pension de vieillesse au taux plein,
telle qu'elle est définie aux articles L. 351-1 et L. 351-8 du code de la
sécurité sociale.
« III. - Il est institué un fonds de cessation anticipée d'activité des
travailleurs de l'amiante. Ce fonds finance l'allocation créée au I. Ses
ressources sont constituées d'une contribution de l'Etat et d'un versement de
la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général
de la sécurité sociale au titre des charges générales de la branche. Un arrêté
des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget fixe
annuellement les montants de ces contributions.
« Un conseil de surveillance veille au respect des présentes dispositions. Il
examine les comptes et le rapport annuel d'activité. Il formule toutes
observations relatives au fonctionnement du fonds et les porte à la
connaissance des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du
budget. Il est composé de représentants de l'Etat, des organisations siégeant à
la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles et de
personnalités qualifiées.
« IV. - L'allocation de cessation anticipée d'activité est assujettie aux
mêmes cotisations et contributions sociales que les revenus et allocations
mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 131-2 du code de la sécurité
sociale.
« Les personnes percevant cette allocation et leurs ayants droit bénéficient
des prestations en nature des assurances maladie et maternité du régime
général.
« Le fonds des travailleurs de l'amiante assure, pendant la durée du versement
de l'allocation de cessation anticipée d'activité, le financement des
cotisations à l'assurance volontaire mentionnée à l'article L. 742-1 du code de
la sécurité sociale ainsi que le versement de l'ensemble des cotisations aux
régimes de retraite complémentaire mentionnés à l'article L. 921-1 du même
code.
« V. - Le salarié qui est admis au bénéfice de l'allocation de cessation
anticipée d'activité présente sa démission à son employeur. Le contrat de
travail cesse de s'exécuter dans les conditions prévues à l'article L. 122-6 du
code du travail. Cette rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié
ouvre droit, au bénéfice du salarié, au versement par l'employeur d'une
indemnité de cessation d'activité d'un montant égal à celui de l'indemnité de
départ en retraite prévue par le premier alinéa de l'article L. 122-14-13 du
code du travail et calculée sur la base de l'ancienneté acquise au moment de la
rupture du contrat de travail, sans préjudice de l'application de dispositions
plus favorables prévues en matière d'indemnité de départ à la retraite par une
convention ou un accord collectif de travail ou par le contrat de travail.
« VI. - Les différends auxquels peut donner lieu l'application du présent
article et qui ne relèvent pas d'un autre contentieux sont réglés suivant les
dispositions régissant le contentieux général de la sécurité sociale.
« VII. - Un décret fixe les conditions d'application du présent article. »
Sur l'article, la parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, je voudrais vous dire, au nom de mon collègue Alain Lambert et
en mon nom personnel, que nous voterons tout naturellement l'article 31
bis,
qui vise à instaurer un système de préretraite pour les travailleurs
victimes de l'amiante.
Nous considérons, en effet, qu'ils méritent de bénéficier de la solidarité
nationale et nous regrettons que leur situation n'ait pas été prise en compte
plus tôt - et j'insiste sur ce point - au vu de nos connaissances.
Un sénateur socialiste.
Nous, on a commencé !
M. Jean-Louis Lorrain.
Nous n'aurions pas pu le faire parce que politiquement, monsieur, nous
n'étions peut-être même pas nés à cette époque ! Pourtant, dans les questions
d'internat, pour ceux qui savent ce que cela signifie, le mésothéliome existait
depuis très longtemps et rien n'a été fait ! Je dis cela pour tout le monde
!
Or, je voudrais attirer l'attention sur les conséquences que pourrait
entraîner l'application de ces dispositions pour certaines entreprises qui ont
repris d'anciennes installations, qui ont conservé un personnel de très grande
qualité et ayant une certaine ancienneté, et qui ont massivement investi dans
le désamiantage, puis dans la modernisation de l'outil de production.
Ces entreprises vont se trouver dans la double obligation de remplacer
jusqu'aux quatre cinquièmes de leurs effectifs et de payer des indemnités de
cessation d'activité.
Autant dire qu'elles vont perdre leurs forces humaines dont le savoir-faire
est grand, risquant par là même d'être condamnées.
Nous souhaitons donc que le décret qui fixera les conditions d'application de
cet article prenne en compte les situations que je viens d'évoquer, afin que
cet indéniable progrès social, que j'approuve fortement, ne se transforme pas,
dans certains cas, en désastre économique.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 31
bis.
(L'article 31
bis
est adopté.)
Article 32
M. le président.
« Art. 32. - Pour 1999, les objectifs de dépenses par branche de l'ensemble
des régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants actifs
ou retraités titulaires de droits propres sont fixés aux montants suivants :
(En milliards
de francs)
«
Maladie-maternité-invalidité-décès
697,8
«
Vieillesse-veuvage
781,4
«
Accidents du travail
53,0
«
Famille
256,9
« Total des dépenses
1 789,1
»
Par amendement n° 40, M. Descours, au nom de la commission, propose :
A. - A l'avant-dernière ligne (famille) du tableau figurant à cet article, de
remplacer la somme : « 256,9 » par la somme : « 256,8 ».
B. - En conséquence, à la dernière ligne (total) dudit tableau, de remplacer
la somme : « 1 789,1 » par la somme : « 1 789,0 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination qui tient compte
des dispositifs financiers adoptés par le Sénat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 32, ainsi modifié.
(L'article 32 est adopté.)
Article 33
M. le président.
« Art. 33. - L'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble
des régimes obligatoires de base est fixé à 629,9 milliards de francs pour
l'année 1999.
« Avant la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité
sociale par l'Assemblée nationale, le Parlement est informé de la répartition
prévisionnelle de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. »
Par amendement n° 41, M. Descours, au nom de la commission, propose :
A. - Dans le premier alinéa de cet article, de remplacer le nombre : « 629,9 »
par le nombre : « 628,9 ».
B. - De compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« L'annexe prévue au
c
de l'article LO 111-4 du code de la sécurité
sociale précise l'impact prévisionnel des différentes mesures du projet de loi
de financement de la sécurité sociale sur les comptes, d'une part, du régime
général, et, d'autre part, des autres régimes obligatoires de base mentionnés
au
c
de l'article LO 111-4 précité ainsi que sur l'objectif national de
dépenses d'assurance maladie. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il s'agit, dans un premier temps, de tenir compte du fait que
l'Assemblée nationale a augmenté le montant de l'ONDAM de 100 millions de
francs, rendus disponibles par l'augmentation virtuelle des taxes sur le tabac,
pour développer les soins palliatifs.
Pour le reste, cet amendement, comme les suivants, tend au rétablissement du
texte adopté en première lecture par le Sénat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 41, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 33, ainsi modifié.
(L'article 33 est adopté.)
Article 34
M. le président.
« Art. 34. - Est ratifié le relèvement, par le décret n° 98-753 du 26 août
1998 portant relèvement du plafond des avances de trésorerie au régime général
de sécurité sociale, du montant dans la limite duquel les besoins de trésorerie
du régime général peuvent être couverts par des ressources non permanentes.
»
Par amendement n° 42, M. Descours, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Lors de la première lecture, nous avons longuement discuté de
la procédure perverse consistant à relever par décret le plafond d'avances de
trésorerie au régime général. Il existe, en effet, la possibilité du décret
d'avance, qui permet au Gouvernement de ne pas intégrer la majoration de
l'allocation de rentrée scolaire dans la loi de finances initiale.
Le décret d'avance du 21 août 1998 ouvre, par exemple, des crédits pour des «
frais de réceptions et de voyages exceptionnels », des « interventions en
faveur de l'information historique » et des « interventions culturelles
d'intérêt national ». La sécurité sociale vous remercie !
Il faut, à notre avis, cesser d'autoriser ce genre de facilités budgétaires !
Dans ces conditions, mes chers collègues, la commission vous propose de
supprimer l'article 34.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Avis défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 34 est supprimé.
Article 35
bis
M. le président.
« Art. 35
bis. -
I. - Les deux derniers alinéas de l'article L. 225-1
du code de la sécurité sociale sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret détermine les modalités d'application du présent article, ainsi
que les conditions de placement des excédents de trésorerie globalement
constatés pour l'ensemble des branches mentionnées au premier alinéa. »
« II. - Dans la première phrase de l'article L. 255-1 du même code, après la
référence : "L. 225-1", sont insérés les mots : "et les produits résultant de
celle prévue au dernier alinéa de cet article". »
« III. - Les pertes de recettes éventuelles pour des branches du régime
général sont compensées à due concurrence par des taxes additionnelles aux
droits visés à l'article 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 43, M. Descours, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Si le code de la sécurité sociale définit ce que sont les
excédents de trésorerie, la difficulté actuelle réside dans l'absence de
définition des excédents comptables. L'article 35
bis,
même s'il est
motivé par des objectifs louables, n'apporte qu'une solution partielle.
Dans ces conditions, et tant que le problème des excédents de trésorerie et
des excédents comptables n'est pas réglé, nous adoptons une attitude constante
: nous proposons la suppression de cet article.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 35
bis
est supprimé.
Article 36
M. le président.
« Art. 36. - Les besoins de trésorerie des régimes obligatoires de base
comptant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits
propres et des organismes ayant pour mission de concourir à leur financement
peuvent être couverts par des ressources non permanentes dans les limites
suivantes :
(En milliards
de francs.)
« Régime général
24,0
« Régime des exploitants agricoles
10,5
« Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales
2,5
« Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines
2,3
« Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat
0,5
« Les autres régimes obligatoires de base comportant plus de vingt mille
cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres, lorsqu'ils
disposent d'une trésorerie autonome, ne sont pas autorisés à recourir à des
ressources non permanentes. »
Par amendement n° 44, M. Descours, au nom de la commission, propose de
supprimer la troisième ligne du tableau figurant à cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement vise le problème de la Caisse nationale de
retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL, et est aussi
consensuel que le précédent.
Il vise à revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture. La CNRACL,
structurellement excédentaire, est tellement ponctionnée qu'elle est autorisée,
pour parvenir à l'équilibre, à réaliser des emprunts.
Nous proposons que la surcompensation soit revue à la baisse afin que la
CNRACL n'ait plus besoin d'emprunter. Je pense que tous les gestionnaires des
collectivités locales sont d'accord avec nous sur ce point.
En tout cas, nous avons été suivis par l'ensemble de nos collègues, et
j'espère que le Gouvernement fera de même.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement émet un avis
défavorable sur cet amendement. Je rappelle qu'une étude sur la surcompensation
est en cours avec des élus locaux et des fonctionnaires...
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Espérons...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous ne l'aviez pas faite
précédemment, et nous sommes donc obligés de nous en charger ! Si vous aviez
agi différemment, peut-être aurions-nous pu traiter de la question. J'espère
que ce sera le cas pour l'année prochaine. En tout cas, pour l'instant, nous
sommes en désaccord sur ce point.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 44.
M. Claude Domeizel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Monsieur le président, je serai bref : reprenant les mots d'Edouard Herriot,
que vous avez cités tout à l'heure, je dirai : même discours, même avis, même
vote !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets au voix l'amendement n° 44, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 36, ainsi modifié.
(L'article 36 est adopté.)
M. le président.
Nous en revenons à l'article 1er et au rapport annexé qui avaient été
précédemment réservés.
Article 1er et rapport annexé
(précédemment réservés)
M. le président.
« Art. 1er. - Est approuvé le rapport annexé à la présente loi relatif aux
orientations de la politique de santé et de sécurité sociale, et aux objectifs
qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la
sécurité sociale pour l'année 1999. »
Je donne lecture du rapport annexé :
« Rapport sur les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale
et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre
financier
« Notre système de protection sociale assure la garantie de droits
fondamentaux, constitue un outil majeur de solidarité et un puissant vecteur de
cohésion sociale.
« Le Gouvernement entend donc le renforcer et le consolider. Ainsi nos régimes
de retraites par répartition doivent être pérennisés et des mécanismes
d'épargnes privés ne sauraient s'y substituer. De même, l'introduction des
assurances privées dans la couverture maladie de base est refusée par le
Gouvernement, elle serait incompatible avec la volonté du Gouvernement de
promouvoir un égal accès de tous aux soins. Le retour à l'équilibre financier
de 1999 s'inscrit dans cette perspective ; notre protection sociale serait
menacée si elle devait vivre à crédit.
« Le Gouvernement entend approfondir les solidarités inscrites dans notre
système de protection sociale : l'instauration d'une couverture maladie
universelle, les réformes de l'aide publique apportées aux familles, la loi de
lutte contre l'exclusion, le progrès dans la couverture des maladies
professionnelles témoignent clairement de cette volonté.
« Enfin, la politique du Gouvernement en matière de sécurité sociale doit
s'inscrire dans la politique générale qu'il conduit en faveur de l'emploi.
Après la réforme des cotisations salariés, le Gouvernement souhaite engager une
réforme des cotisations patronales favorable à l'emploi.
« A. - Une politique de santé au service des populations
« La politique de santé du Gouvernement s'organise autour de sept objectifs
majeurs.
« 1. Associer nos concitoyens à la définition de la politique de la santé
« Le Gouvernement étudiera l'opportunité de donner les moyens financiers aux
observatoires régionaux de la santé pour remplir correctement leurs
missions.
« Les questions de santé concernent les professionnels de santé, les
associations, les élus et l'ensemble de nos concitoyens. Elles sont au coeur de
leurs préoccupations. Les associer à la redéfinition de notre politique de
santé est essentiel pour apporter une meilleure réponse aux besoins, améliorer
la qualité des prestations sanitaires, faire reconnaître les aspirations et les
droits des patients. En permettant un débat public sur les enjeux de la santé,
les Etats généraux constituent un élément essentiel de la démocratie sanitaire
que le Gouvernement entend bâtir.
« 1
bis
. Faire vivre et développer les droits du malade
« Le malade est un citoyen bénéficiant de l'ensemble des droits reconnus à
tout être humain. Ses droits à l'information sur son état de santé, au
consentement aux soins qui lui sont prodigués et au respect de sa dignité à
tous les stades de son traitement nécessitent une plus grande sensibilisation
et une formation adaptée des différents professionnels de santé à l'exercice de
ces droits.
« Le développement des procédures de conciliation doit permettre aux malades
s'estimant victimes du non-respect de leurs droits de trouver le plus
rapidement possible une réponse appropriée à leur situation.
« L'inégalité des malades victimes d'accidents sanitaires devant l'origine ou
la nature de ces accidents nécessite d'être étudiée ainsi que l'indemnisation
de l'aléa thérapeutique.
« 2. Renforcer la politique de santé publique.
«
a)
Accroître la sécurité sanitaire.
« Les trois institutions créées par la loi du 1er juillet 1998 - l'Institut de
veille sanitaire, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de
santé, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments - permettront de
mettre en oeuvre une politique active et cohérente de sécurité sanitaire.
« La sécurité et la qualité des actes de soins seront renforcées par une
politique active de lutte contre les infections nosocomiales, par le
renforcement des normes pour les activités de soins (périnatalité,
réanimation), par la diffusion de recommandations de bonnes pratiques tant en
ville qu'à l'hôpital.
« Le Gouvernement s'engage à présenter au Parlement un programme de lutte
contre les infections nosocomiales dès le début de l'année 1999.
«
b)
Accroître les efforts de prévention des causes de morbidité et de
mortalité évitables.
« Le Gouvernement a engagé une politique de lutte contre le saturnisme, les
mesures qui nécessitent une intervention législative ont été intégrées dans la
loi de lutte contre l'exclusion.
« La prévention du suicide chez les jeunes fait l'objet d'un programme
triennal de prévention chez les adolescents et les adultes jeunes, lancé début
1998. L'objectif retenu est de réduire de 10 % en l'an 2000 le nombre de décès
par suicide.
« Le Gouvernement mettra en place au début de l'année 1999 un dispositif
d'informations concernant la contraception et un programme de prévention des
grossesses non désirées des adolescentes.
« La prévention des dépendances (alcoolisme, tabagisme, toxicomanie) sera
renforcée. S'agissant de l'alcool, les centres d'hygiène alimentaire et
d'alcoologie seront renforcés par leur prise en charge par l'assurance maladie
à compter du 1er janvier prochain.
« Un programme national de dépistage des cancers a été engagé. Le projet de
loi de financement prévoit à cet égard la prise en charge à 100 % des actes de
dépistage. Le dépistage des cancers féminins sera généralisé dans les trois ans
et le dépistage du cancer du colon étendu. Ce dépistage reposera sur une
organisation permettant un contrôle de sa qualité à toutes les étapes.
« La France a été le premier pays à rendre disponibles à l'été 1997 les
traitements prophylactiques contre le sida. Progrès majeurs pour les patients,
les thérapies anti-rétrovirales sont maintenant dispensées en officine de
ville. Ces avancées sur le plan thérapeutique n'autorisent aucun relâchement de
l'effort en matière de prévention et d'information.
« L'année 1999 donnera lieu à un plan d'ensemble de lutte contre l'hépatite C.
Ce plan se fonde sur de nouveaux moyens consacrés à la recherche, un
élargissement des campagnes de dépistage, un accès facilité aux traitements. La
politique de lutte contre l'hépatite C sera organisée autour de pôles de
références associant établissements hospitaliers et médecins de ville.
« La lutte contre le dopage est reconnue comme une priorité nationale de
protection sociale et de la politique de santé publique.
« Dans le domaine de la protection de la santé des sportifs, le Gouvernement
étudiera s'il convient de procéder au remboursement de la consultation médicale
nécessaire à l'obtention de la première licence sportive. Cette préoccupation
permettrait de donner une vraie dimension de prévention à cette première
consultation. Celle-ci doit répondre à un cahier des charges précis.
«
c)
Mieux prendre en charge la douleur et les soins palliatifs.
« Le Gouvernement a mis en place un plan sur trois ans pour développer les
soins palliatifs et améliorer la prise en charge de la douleur. Ces deux plans
comportent à chaque fois une information large du public, un renforcement de la
formation initiale et continue des professionnels de santé et une amélioration
de l'organisation des soins. En ce qui concerne la lutte contre la douleur, le
carnet à souches sera supprimé à la fin de l'année et remplacé par des
ordonnances sécurisées qui seront utilisées pour toutes les prescriptions. Des
protocoles de traitement de la douleur, déléguant aux infirmiers la
prescription d'antalgiques, seront affichés dans les services d'urgence et de
chirurgie. Les outils permettant d'apprécier l'intensité de la douleur seront
généralisés.
«
d)
Mieux prendre en charge la compensation du handicap auditif.
« Le handicap auditif est aujourd'hui mieux maîtrisé tant par la précision
audiométrique que par l'évolution des techniques mises en oeuvre. Mais, en
revanche, le cadre réglementaire relatif à la prise en charge des matériels de
compensation du handicap auditif (audio-prothèses) reste insatisfaisant.
« C'est pourquoi le Gouvernement a engagé une étude permettant de dresser un
bilan des prix et des marges réellement pratiqués dans ce secteur qui sera
prochainement élargie à l'ensemble des problèmes posés par la prise en charge
actuelle de ces matériels.
« A partir des résultats de cette étude, des propositions visant à améliorer
la prise en charge des appareils destinés à compenser le handicap auditif
seront élaborées.
«
e)
Développer la prévention et les soins dentaires.
« Il est étendu aux centres de santé et plus généralement aux structures de
soins salariés des mesures équivalentes aux dispositions régissant les actions
de soins et de prévention prévues par la convention du 18 avril 1997, en
particulier l'actuel bilan de prévention et de suivi des soins dentaires
gratuits pour les jeunes de quinze ans.
«
f)
Engager une véritable politique gérontologique.
« Le Gouvernement s'engage en 1999 à défnir une véritable politique de
gériatrie et de gérontologie s'appuyant sur la formation de l'ensemble des
personnels de santé et sur la coordination des acteurs intervenant dans le soin
aux personnes âgées.
« 3. Permettre à tous d'accéder aux soins.
« La poursuite de cet objectif suppose de stabiliser, voire d'accroître dans
la mesure du possible, les niveaux de remboursement de l'ensemble de la
population mais suppose également d'apporter une attention particulière aux
personnes exclues de l'accès aux soins.
« Le Gouvernement présentera un projet de loi instaurant une couverture
maladie universelle. Dans le cadre de ce projet de loi, le Gouvernement
n'entend pas se limiter à garantir à tous les résidents une affiliation à un
régime de base. Il entend permettre réellement un égal accès aux soins en
assurant, aux plus modestes, le bénéfice d'une couverture complémentaire et du
tiers payant.
« Le rapport de M. Boulard, parlementaire en mission, rendu public en
septembre, permet d'éclairer le choix entre les diverses options pour la mise
en oeuvre du projet. Une concertation est engagée sur la base de ce rapport
avec l'ensemble des parties prenantes à ce projet. Le Gouvernement déposera un
projet de loi au cours de l'automne 1998.
« 4. Améliorer la sécurité au travail et mieux prendre en charge les maladies
professionnelles.
« Les cas de maladies professionnelles reconnues sont passés d'environ 5 000
en 1990 à 12 700 en 1996. Il n'en demeure pas moins que les maladies
professionnelles sont actuellement sous-déclarées et que la complexité des
procédures contrarie leur reconnaissance.
« Cette situation est inacceptable car elle fait obstacle à l'organisation de
la prévention et, pour certaines victimes, à l'exercice de leurs droits.
« Le Gouvernement entend donc :
« - Améliorer la sécurité au travail. La protection des travailleurs contre
les risques chimiques et cancérigènes sera consolidée ; les dispositions
relatives à la protection contre les rayonnements ionisants seront réaménagées.
L'action des médecins du travail dans la prévention des risques professionnels
doit être réaffirmée et développée. Les conditions de gestion et de
fonctionnement des services de médecine du travail seront clarifiées et
adaptées à partir de la concertation engagée avec les partenaires sociaux.
« - Garantir les droits des victimes. Le Gouvernement propose de revoir les
règles de reconnaissance des maladies professionnelles. La prescription qui
éteint les droits d'une victime ne doit plus courir à partir de la date de la
première constatation médicale de la maladie, mais à partir de la constatation
de l'origine professionnelle de la maladie. Les droits des victimes de
l'amiante seront réouverts. Les délais de réponse aux demandes de réparation au
titre des maladies professionnelles seront raccourcis.
« - Améliorer la réparation des maladies professionnelles. Le barème
d'invalidité en matière de maladies professionnelles sera rendu opposable aux
caisses de sécurité sociale. Ce document qui souffre de nombreux et importants
défauts sera réactualisé ; le haut comité médical de sécurité sociale en est
saisi. La réparation des pneumoconioses sera instruite selon le droit commun de
la réparation des maladies professionnelles. Les dispositions dérogatoires qui
figurent actuellement dans le code de la sécurité sociale seront supprimées.
Les tableaux des maladies professionnelles seront adaptés pour tenir compte de
l'évolution des connaissances notamment en matière de cancers professionnels.
Le tableau relatif aux lombalgies sera publié et entrera en application. Les
rentes accidents du travail seront mensualisées dès lors que le taux
d'incapacité du bénéficiaire est égal ou supérieur à 50 %. »
« 5. Améliorer la qualité des soins et utiliser de manière optimale les
ressources consacrées à la santé.
«
a)
Médecine de ville : moderniser notre système de soins avec les
professionnels de santé.
« Promouvoir le juste soin, améliorer la coordination des soins entre les
divers professionnels, évaluer la pertinence des pratiques tant individuelles
que collectives, adapter l'offre aux besoins, telles sont les politiques
structurelles qui permettront, en médecine ambulatoire, à la fois d'améliorer
la qualité des soins et d'utiliser de manière optimale les ressources
consacrées à la santé.
« La mise en oeuvre de ces politiques doit reposer sur une politique
conventionnelle forte. Un partenariat actif entre caisses et professionnels de
santé libéraux, au niveau national mais aussi, au plus près du terrain, dans
chaque circonscription de caisse, est à cet égard nécessaire.
« Le Gouvernement entend poursuivre la politique qu'il a engagée autour des
axes suivants :
« La connaissance de l'activité de notre système de soins ambulatoire doit
être améliorée. La réalisation d'une classification commune des actes est
accélérée. L'objectif est de pouvoir procéder au codage de l'ensemble des actes
et des prestations au cours de l'an 2000. Une commission pour la transparence
de l'information médicale est constituée afin de garantir la fiabilité et la
pertinence des informations sur l'évolution des dépenses.
« L'informatisation de notre système de santé doit être mise au service de la
qualité des soins et de la modernisation de la pratique médicale. En mettant en
place une mission pour l'informatisation du système de santé, l'Etat s'est
donné les moyens d'assurer la cohérence des initiatives diverses qui concourent
à ce projet. Le réseau santé social a été mis en place. Les applications
proposées sur ce réseau vont se développer, leur qualité sera garantie par une
procédure d'agrément. Le Gouvernement proposera au Parlement les dispositions
législatives nécessaires au développement de Vitale 2.
« L'évaluation des pratiques médicales et paramédicales doit être développée.
Les modalités d'action du contrôle médical sont en cours de rénovation.
L'évaluation des pratiques par les professionnels de santé sera développée en
s'appuyant notamment sur les unions régionales de médecins et les instances
professionnelles propres aux professions paramédicales. Le développement de
l'évaluation s'appuiera sur les recommandations de bonnes pratiques établies
par l'ANAES.
« Rendue obligatoire, la formation médicale continue des médecins n'a pas
connu les développements souhaitables. Le Gouvernement proposera au Parlement
les dispositions législatives nécessaires pour lui donner une nouvelle
impulsion. Une concertation est engagée sur ce thème avec les représentants des
médecins libéraux mais également avec les médecins hospitaliers et salariés.
« Notre système de santé souffre de cloisonnements excessifs qui nuisent à la
qualité des soins et sont source de dépenses inutiles. Le Gouvernement entend
soutenir et favoriser les initiatives visant à une meilleure coordination des
soins. Par ailleurs, le développement des réseaux pouvant associer médecine de
ville et hôpital, professions médicales et paramédicales, permet d'améliorer la
prise en charge des patients, de mieux concilier proximité et sécurité. Le
projet de loi de financement ouvre, en ce domaine, des possibilités d'actions
nouvelles aux partenaires conventionnels.
« L'exercice des professions paramédicales s'est profondément transformé au
cours de ces dernières années pour répondre aux besoins de la population et à
l'évolution de la science et des techniques. C'est pourquoi, le Gouvernement
entend clarifier les rôles respectifs des médecins et des professions
paramédicales dans la prise en charge des malades, par une adaptation des
textes les rendant conformes aux pratiques et à leur évolution souhaitable.
« Le Gouvernement s'engage par ailleurs à doter les professions concernées de
règles professionnelles et d'instances professionnelles propres permettant de
favoriser les conditions d'un exercice de qualité.
« Notre système de santé est trop exclusivement centré sur l'acte curatif. Le
projet de loi de financement ouvre la possibilité aux caisses de prendre en
charge d'autres activités telles que la prévention, l'évaluation, l'éducation
sanitaire. Il appartiendra aux caisses et aux professionnels de santé, dans le
cadre conventionnel, de définir les dispositifs adaptés.
« La maîtrise de la démographie médicale est essentielle pour garantir le
meilleur accès aux soins comme pour assurer la maîtrise des dépenses. Des
dispositions législatives sont proposées au Parlement pour accroître la
possibilité d'action des partenaires conventionnels en ce domaine et les
autoriser à mener des politiques sélectives adaptées à la diversité des
situations.
« Des moyens sont nécessaires pour promouvoir l'ensemble de ces évolutions de
notre système de soins ambulatoire. Un fonds d'aide à la qualité des soins de
ville est créé et doté de 500 millions de francs.
«
b)
Le médicament : rationaliser la prescription et les
remboursements.
« La France se caractérise par un niveau global de consommation de médicaments
très élevé, une surconsommation avérée pour certaines classes thérapeutiques
telles que les antidépresseurs ou les antibiotiques, un faible développement
des génériques. Cette situation est insatisfaisante au regard des exigences
d'efficience de notre système de santé et préjudiciable en termes de santé
publique. Les maladies iatrogènes représentent environ 1 million de journées
d'hospitalisation.
« Aussi le Gouvernement a-t-il engagé un ensemble de politiques structurelles
visant à :
« - lutter contre la surconsommation médicamenteuse. La taxe sur la promotion
pharmaceutique a été augmentée dès 1998. La politique conventionnelle conduite
par le Comité économique du médicament vise à obtenir une réduction du volume
des classes où la surconsommation est avérée. Le développement des
recommandations de bonnes pratiques permettra de réorienter les prescriptions
;
« - développer les génériques. Un répertoire complet des génériques est
disponible depuis juillet 1998. Le droit de substitution accordé aux
pharmaciens, sauf refus explicite des médecins, permettra le développement de
ce type de produit ;
« - médicaliser le remboursement. La sécurité sociale doit concentrer ses
efforts en matière de remboursement sur les médicaments dont l'efficacité
médicale est avérée. Les critères de prise en charge des médicaments seront
revus pour tenir compte tant de la gravité de la maladie que du service médical
rendu. Une réévaluation de l'apport thérapeutique de l'ensemble des médicaments
remboursables sera réalisée au cours des trois ans qui viennent.
« Pour conduire l'ensemble de ces évolutions, le Gouvernement entend s'appuyer
sur une politique conventionnelle active.
«
c)
L'hôpital : promouvoir la qualité et adapter l'offre aux
besoins.
« Promouvoir la qualité des soins, adapter notre offre hospitalière aux
besoins, favoriser les coopérations entre établissements et avec la médecine de
ville, améliorer l'efficience globale du système hospitalier, tels sont les
objectifs généraux de la politique hospitalière du Gouvernement.
« En particulier, dans un souci d'accroissement de la sécurité sanitaire et de
qualité des soins, la situation des professions hospitalières à forte
pénibilité (anesthésistes, urgentistes, obstétriciens) doit être prise en
compte. Des améliorations des conditions de travail de ces professions doivent
être envisagées, en particulier au regard de la législation européenne
(directive 93/104/CE) sur la question du temps de travail. Il importe
d'augmenter l'attractivité de ces professions afin d'apporter une réponse
allant dans le sens des conclusions du rapport Nicolas-Duret.
« La promotion de la qualité à l'hôpital passe notamment par le développement
de l'accréditation. Cette procédure permettra de vérifier sur la base d'une
méthodologie fiable, le niveau de performances sanitaires des établissements.
L'ANAES a établi un référentiel d'accréditation. Il est en cours de test sur le
terrain. Les premières démarches d'accréditation débuteront en 1999.
« Notre offre hospitalière doit poursuivre son adaptation. C'est dans ce souci
que la révision des schémas régionaux d'organisation sanitaire a été
entreprise. Cet exercice de planification sanitaire est conduit avec le souci
d'associer étroitement à la réflexion les établissements et leurs personnels,
mais également les représentants des usagers et les élus locaux. Il permettra
une meilleure prise en compte des besoins de santé.
« La garantie offerte à tous d'un accès à des soins de qualité passe par
l'organisation de réseaux entre établissements ou entre services qui
garantiront à chacun une orientation vers une structure adaptée à son cas. Une
telle organisation a été définie pour la sécurité périnatale et la
cancérologie. Le Gouvernement entend poursuivre dans cette voie pour d'autres
pathologies.
« Le Gouvernement poursuivra son effort de réduction des inégalités entre
régions. Les dotations régionales seront différenciées à partir des besoins
régionaux, des indicateurs sanitaires et des indicateurs d'efficience. La
régionalisation de l'objectif clinique privé, entamée en 1998, sera poursuivie.
De même, la réduction des inégalités de dotation entre les hôpitaux, notamment
à partir des indications fournies par le PMSI, sera poursuivie.
« Le Gouvernement présentera un rapport sur l'évolution et la place des
services de médecine non spécialisés à l'hôpital.
« 6. Assurer la régulation des dépenses.
« Le Gouvernement est convaincu que seules des politiques structurelles,
destinées tant à accroître la qualité des soins qu'à assurer une utilisation
optimale des ressources, permettront de maîtriser durablement l'évolution des
dépenses de santé. Toutefois, elles ne pourront porter leurs fruits que
progressivement.
« Il est donc nécessaire de maintenir des dispositifs assurant une régulation
globale des dépenses de soins, qui existent à l'hôpital depuis la mise en place
du budget global en 1983 et depuis 1991 pour les cliniques privées. Il serait
toutefois nécessaire d'apprécier au plus juste les dépenses hospitalières qui
ont été comptabilisées dans le poste des prescriptions réalisées en ville.
« Le Gouvernement propose dans le projet de loi de financement un tel
mécanisme de sauvegarde à partir des principes suivants :
« - la responsabilité de la régulation ne doit pas reposer sur les seuls
médecins. Ainsi, l'industrie pharmaceutique sera appelée à contribuer à
l'équilibre de l'assurance maladie en cas d'évolution excessive des dépenses de
médicament. De même, l'évolution des dépenses du secteur médico-social sera
encadrée par une enveloppe globale ;
« - les mécanismes de sauvegarde économique sont des dispositifs d'ultime
recours. Ainsi, le projet de loi de financement prévoit une obligation pour les
partenaires conventionnels de négocier en cours d'année pour dresser un bilan
de l'évolution des dépenses et prendre les mesures correctrices qui pourraient
s'avérer nécessaires ;
« - le dispositif proposé pour ce qui concerne les médecins, écarte toute idée
de sanction individuelle et constitue un mécanisme de régulation global
traduisant la solidarité économique des médecins et de notre système de
protection sociale.
« B. - Rénover la politique familiale.
« La politique familiale du Gouvernement s'appuie sur deux convictions : la
reconnaissance du rôle des familles dans la cohésion sociale, comme lieu de
solidarité et de construction de repères pour l'enfant ; l'importance d'une
politique d'appui aux familles, fondée sur la volonté de répondre à leurs
besoins et de conforter leurs capacités à exercer leurs obligations parentales.
Après une large concertation, le Gouvernement a défini les grands axes de sa
politique familiale lors de la Conférence de la famille du 12 juin.
« Cette politique s'articule autour de trois objectifs :
« - conforter les parents dans leur rôle éducatif. Le rôle des familles sera
renforcé dans tout processus éducatif, à l'école, dans le travail social, les
activités socioculturelles. Un réseau d'appui, d'écoute et de conseil aux
parents et aux familles, sera mis en place conjointement par l'Etat et la CNAF
;
« - faciliter la vie quotidienne des familles et concilier vie familiale et
vie professionnelle. Le logement est le besoin de base des familles. Afin de
faciliter l'accès des familles modestes au parc privé, les loyers plafonds de
l'ALF seront significativement augmentés dans les trois ans. Les aides des
caisses d'allocations familiales aux communes pour le développement des crèches
seront accrues et mieux orientées vers les communes les plus pauvres. Les
schémas locaux de développement de l'accueil des jeunes enfants seront
généralisés. Les contrats temps libres (mis en place par les caisses
d'allocations familiales) et les contrats éducatifs locaux (mis en place à
l'initiative du ministère de l'éducation nationale) seront développés de façon
coordonnée. Le Gouvernement entend mener une réflexion sur la mise en cohérence
des divers dispositifs d'aide à la garde des enfants ;
« - instaurer une politique d'aide aux familles plus juste. Après une large
concertation avec les associations familiales et les partenaires sociaux, le
Gouvernement poursuit sa démarche vers plus de justice dans l'aide aux familles
en proposant de rétablir les allocations familiales pour toutes les familles de
deux enfants et en plafonnant l'avantage fiscal lié au quotient familial.
L'impôt sur le revenu jouera ainsi pleinement son rôle dans la redistribution
des revenus et l'universalité des prestations familiales sera rétablie. Les
allocations familiales seront étendues pour tous les enfants à charge de leurs
parents, jusqu'à l'âge de vingt ans. L'ARS sera versée à toutes les familles
d'un enfant. « Les partenaires de la politique familiale doivent engager une
réflexion sur la modulation de l'ARS en fonction de l'âge de l'enfant afin de
tenir compte du coût effectif de la scolarité. Les titulaires du RMI percevront
les majorations pour âge. Les majorations pour âge seront exclues des
ressources prises en compte pour calculer le revenu minimum d'insertion. Le
Gouvernement entend mener une réflexion en profondeur sur les jeunes adultes
pour définir un dispositif adapté aux besoins de cette population qui prenne en
compte son nécessaire cheminement vers la pleine autonomie.
« Pour mettre en oeuvre cette politique, à la fois ambitieuse, durable et
cohérente, le Gouvernement a mis en place une délégation interministérielle
chargée d'animer et de coordonner l'action de l'ensemble des pouvoirs publics
et d'être l'interlocuteur des associations familiales et de toutes les parties
prenantes de notre politique familiale.
« C. - Faire face au défi du vieillissement
« 1. Consolider nos régimes par répartition
« La situation financière de nos régimes de retraite est déséquilibrée.
Ceux-ci devront faire face à partir de 2005 à l'arrivée à l'âge de la retraite
des générations nombreuses nées après la Seconde Guerre mondiale.
« Le Gouvernement entend aborder les évolutions nécessaires de nos régimes de
retraite sur la base d'un diagnostic précis des problèmes auxquels ils sont
confrontés. L'élaboration de ce diagnostic a été confiée au Commissariat
général du Plan. Il portera sur l'ensemble des régimes de retraite. Les
partenaires sociaux et les représentants des régimes sont associés à
l'établissement de ce diagnostic afin que l'ensemble des hypothèses qui
conditionnent l'avenir de nos systèmes de retraite soient prises en compte.
« C'est sur la base de ce diagnostic partagé que pourra s'ouvrir un dialogue
sur les réformes à entreprendre.
« Le Gouvernement prendra les décisions qui s'imposent, guidé par la volonté
:
« - de préserver notre système de retraite par répartition, garant de
solidarités essentielles entre actifs et retraités ;
« - de rechercher une meilleure équité tant entre les générations qu'entre les
régimes de retraite.
« Dès à présent, pour consolider nos régimes par répartition, un fonds de
réserve est créé. Doté initialement de 2 milliards de francs, ce fonds pourra
recevoir d'autres apports de ressource dès le courant de l'année 1999.
« La loi n° 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite ne
constitue pas une bonne solution pour l'avenir de notre système de retraite ;
elle favorise clairement les salariés aux revenus les plus élevés, privilégie
une approche individuelle et fragilise les comptes de la sécurité sociale. Elle
va à l'encontre de la politique qu'entend mener le Gouvernement dans le domaine
des retraites. En conséquence, le Gouvernement proposera au Parlement en 1999,
dès qu'un support législatif le permettra, l'abrogation de cette loi.
« 2. Améliorer la prise en charge de la dépendance
« La dépendance physique ou psychique touche aujourd'hui en France environ 700
000 personnes âgées. Ce chiffre est appelé à croître du fait de l'augmentation
du nombre de personnes âgées. Dès l'an 2000, nous atteindrons un million de
personnes de plus de quatre-vingt-cinq ans.
« Or, les dispositifs actuels de prise en charge de la dépendance à domicile
et en établissement apparaissent inadaptés. Ils relèvent de plusieurs autorités
publiques, ils sont très complexes, bureaucratiques et mal coordonnés.
« La loi du 24 janvier 1997 qui a créé la prestation spécifique dépendance
(PSD) ne constitue pas une réponse à la hauteur des besoins. De plus, sa mise
en oeuvre, au vu du rapport rendu public par le Comité national de coordination
gérontologique, ne paraît pas pleinement satisfaisante, notamment du fait des
inégalités de traitement en résultant selon les départements.
« D'ores et déjà, les dispositions législatives nécessaires ont été prises
pour permettre d'atténuer les différences excessives entre les montants de PSD
fixés par les conseils généraux pour les personnes âgées dépendantes
accueillies en établissement. Ce montant minimal ne prendra toutefois tout son
sens que lorsque la réforme de la tarification des établissements pour
personnes âgées dépendantes sera effective. Cette réforme, dont les décrets
devraient paraître cet automne, permettra de clarifier ce qui, dans les tarifs,
relève de l'hébergement, de la dépendance ou des soins.
« Par ailleurs, dans le cadre d'une politique globale de prise en charge des
personnes âgées, il conviendra aussi d'améliorer les conditions de
fonctionnement et de financement des dispositifs d'aide à domicile à la suite
du rapport de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection
des finances.
« D. - Favoriser l'insertion des handicapés
« Le Gouvernement conduit une politique pour l'intégration des personnes
handicapées qui prend en compte de manière globale, à tous les âges de la vie,
les différents aspects de l'existence et de la vie quotidienne. Cette politique
s'articule autour de trois axes principaux :
« - une socialisation et intégration des jeunes handicapés aussi précoces que
possible, en améliorant notamment leur niveau de formation générale et en
modernisant les dispositifs de formation professionnelle initiale de droit
commun et spécialisés ;
« - le développement des différents modes de soutien dans la vie à domicile et
la vie sociale, par un accès facilité aux aides techniques et par un
élargissement des missions des services et des établissements spécialisés ;
« - la nécessité d'apporter parallèlement une réponse adaptée et durable à
l'insuffisance chronique de solutions d'accueil pour les personnes lourdement
handicapées. Le Gouvernement a souhaité inscrire cet effort dans la durée en
prévoyant un programme pluriannuel (1999-2003) de création de 5 500 places
supplémentaires de maisons d'accueil spécialisées et de foyers à double
tarification, de 8 500 places de centre d'aide par le travail et de 2 500
places d'ateliers protégés. Ce plan est destiné notamment à mettre
définitivement un terme à la situation des jeunes adultes maintenus, faute de
places, dans des centres pour enfants. Les capacités rendues ainsi à nouveau
disponibles dans le secteur médico-éducatif devront être mobilisées en priorité
au profit des prises en charge présentant aujourd'hui le plus de difficultés
(polyhandicap, autisme, handicaps rares) ou méritant d'être encore développées
(services de soins et d'éducation à domicile). Par ailleurs, seront poursuivis
les programmes portant sur des formes spécifiques de prise en charge encore
insuffisamment développées (autisme, traumatisés crâniens, services de soins et
d'éducation spécialisée à domicile en appui à l'intégration scolaire).
« E. - Assurer l'équilibre du régime général et réformer son mode de
financement
« 1. Assurer l'équilibre du régime général
« Une sécurité sociale en déficit est une sécurité sociale affaiblie.
« Le Gouvernement a entrepris le redressement du régime général. Le déficit
passe de plus de 33 milliards en 1997 à 13 milliards en 1998. L'équilibre
devrait être atteint en 1999 pour la première fois depuis 1985. Ce
redressement, facilité par la croissance, tient pour l'essentiel aux mesures
prises dans le cadre de la loi de financement pour 1998 qui ont réduit de 21
milliards le déficit tendanciel du régime général.
« 2. Réformer le mode de financement de la protection sociale pour favoriser
l'emploi
« Une réforme d'ampleur a été engagée pour le transfert des cotisations
maladie vers la CSG. Cette réforme a permis :
« - un accroissement du salaire net de 1,1 % pour la grande majorité des
salariés ainsi qu'un accroissement du revenu de la grande majorité des
travailleurs indépendants ;
« - un rééquilibrage très important des contributions respectives des revenus
du travail et des revenus financiers.
« Cette réforme d'équité qui a contribué au soutien de la consommation et de
la croissance doit se prolonger par une réforme des cotisations patronales.
« Le Gouvernement souhaite engager une telle réforme avec pour objectif
d'assurer un financement de la protection sociale plus juste et plus favorable
à l'emploi.
« Cette réforme doit s'effectuer sans en faire supporter le coût aux ménages
et sans accroître globalement les prélèvements sur les entreprises. Cette
réforme aura pour objet de stabiliser le financement de la protection sociale
afin d'en assurer la pérennité, en recherchant une assiette moins sensible aux
variations de la masse salariale des entreprises.
« La concertation avec les organisations d'employeurs et de salariés sera
poursuivie en vue d'en fixer les orientations et les modalités précises avec
l'objectif d'aboutir à un projet de loi au premier semestre 1999. »
Par amendement n° 45, M. Descours, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le rapport annexé à cet article :
rapport sur les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et
les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre
financier
« Un projet de loi de financement de la sécurité sociale se doit d'être
prudent et convaincant dans les équilibres qu'il traduit, abouti dans les
analyses qu'il avance, cohérent dans les propositions qu'il formule.
« Compte tenu des enjeux actuels de la protection sociale, le projet de loi de
financement pour 1999 doit comporter des orientations claires.
« Pour l'utilisation des marges disponibles à l'adaptation de l'offre de
soins
« Comme l'estime le conseil d'administration de la CNAMTS, il convient
d'utiliser les marges disponibles pour adapter l'offre de soins, plutôt que de
se contenter d'accompagner l'évolution des dépenses. Aussi est-il proposé de
réduire d'un milliard de francs, par rapport à l'évolution retenue
initialement, le montant de l'ONDAM, et d'affecter ces crédits à
l'accompagnement social des opérations de restructuration hospitalière.
« Pour la mise en place de mécanismes de régulation des dépenses simples,
médicalisés et efficaces
« En matière de régulation des dépenses médicales, le dispositif de
reversements en vigueur, issu des ordonnances Juppé, posait problème. Alors que
le Gouvernement souhaite aller jusqu'au bout de la régulation comptable et
collective que ce dispositif comportait, il est proposé au contraire d'aller
jusqu'au bout de l'individualisation de la responsabilité des médecins à
laquelle il faisait aussi appel.
« Ainsi, tirant les leçons du passé, il est proposé d'instituer un mécanisme
simple, médicalisé et efficace de maîtrise des dépenses. Collectivement
organisé par les partenaires conventionnels, il laisse les médecins maîtres de
déterminer les conditions d'exercice de leur responsabilité individuelle.
« Garantissant le respect des objectifs tout en organisant l'amélioration des
pratiques médicales individuelles et collectives, il répond au double souci de
favoriser la qualité des soins dont bénéficient les Français et d'en limiter le
coût.
« Il tourne le dos aux usines à gaz comptables proposées par le
Gouvernement.
« Améliorer les conditions de la maîtrise des dépenses pharmaceutiques et le
bon usage des médicaments dans des conditions compatibles avec le développement
industriel, de la recherche et de l'emploi, et non entériner la mort de la
politique conventionnelle : tel doit également être l'objectif poursuivi par le
projet de loi. Il s'agit d'améliorer cette politique conventionnelle en
renforçant ses exigences pour les laboratoires dans le cadre d'un objectif
opposable de dépenses pharmaceutiques défini annuellement par le Gouvernement
en fonction de l'ONDAM.
« Sans rejeter le principe de la taxation, ni son assiette, ni son taux, le
projet de loi doit en faire un instrument encourageant les entreprises à
accepter une régulation conventionnelle sérieuse.
« Pour un projet cohérent et complet sur les retraites
« S'il convient de prendre acte de la mesure "symbolique" que constitue la
création d'un fonds de réserve pour les retraites par répartition, il est
inutile de "faire semblant", en attribuant à ce fonds un embryon de ressources,
en peaufinant la composition d'un comité de surveillance ou en précisant les
régimes bénéficiaires.
« Alors même que restent parfaitement indéterminés à la fois la nature des
"vraies" ressources qui l'alimenteront et qui devront se chiffrer en centaines
de milliards de francs, l'affectation de ces fonds, leur mode et leur horizon
de placement ou enfin les modalités de gestion qui devront être cohérentes tant
avec l'origine des ressources qu'avec l'objectif des emplois.
« En revanche, la mise en place d'un tel fonds de réserve relève, à
l'évidence, d'un texte d'ensemble, cohérent et complet, incluant des mesures
permettant de faire cesser les déficits d'aujourd'hui, de clarifier la
situation des régimes spéciaux et de définir un véritable régime des
fonctionnaires de l'Etat.
« Pour un traitement équitable de la branche famille
« La situation financière excédentaire de la branche famille ne justifie
aucunement de nouvelles économies : en conséquence, doit être rejeté le
décalage de la majoration d'âge pour les allocations familiales qui n'a aucun
fondement au regard des objectifs de la politique familiale.
« Afin de souligner le poids des charges indues pesant sur la branche famille
au titre des prestations qu'elle gère pour le compte de l'Etat, il est proposé
un abattement d'un milliard de francs sur les frais de gestion de la CNAF au
titre de la gestion et du contrôle du RMI.
« Pour l'affirmation sans ambiguïté de la compensation intégrale des
exonérations de cotisations
« Doit être réaffirmé solennellement le principe, posé par la loi du 25
juillet 1994, de la compensation intégrale pour la sécurité sociale des
exonérations de charges sociales postérieures à cette loi. Ce principe est l'un
des fondements de la clarification indispensable des relations et des
responsabilités entre l'Etat et les régimes sociaux.
« « La remise en cause de ce principe est inacceptable, que ce soit pour :
« « - les exonérations de cotisations dans le cadre d'incitation à la
réduction du temps de travail, au nom d'une prétendue "neutralité" de la mesure
;
« « - les dispositifs, antérieurs à 1994 et donc non compensés, qui sont
prorogés au-delà de leur échéance et modifiés, telle l'exonération des charges
liée à l'embauche d'un premier salarié ; dès lors qu'il y a novation juridique,
il doit y avoir compensation intégrale de ces nouvelles exonérations en
application de la loi de 1994 ;
« « - les dispositifs, également antérieurs à la loi de 1994, dont le taux
d'exonération est fortement majoré, telle l'exonération portée de 30 % à 100 %
pour les associations d'aide à domicile ; ces exonérations doivent être
compensées à hauteur de la majoration du taux.
« « Pour une vraie taxe de santé publique sur les tabacs :
« « Conformément aux objectifs de la politique de santé publique, il est
proposé de substituer à une majoration du taux de la taxe sur les tabacs en
l'état sans affectation précise, une « taxe de santé publique » directement
affectée à la CNAMTS.
« « Pour un projet de loi de financement rectificatif tirant les conséquences
d'un projet initial incertain :
« « Le respect de la lettre comme de l'esprit de la loi organique voudrait que
le Gouvernement soumette au Parlement, à la fin du printemps, un projet de loi
de financement rectificatif de la sécurité sociale pour 1999 :
« « - tirant, d'une part, les conséquences sur les équilibres de la sécurité
sociale des réformes urgentes que le Gouvernement renvoie au premier semestre
de l'année prochaine : mesures structurelles indispensables dans le domaine des
retraites dont il est nécessaire qu'elles interviennent dès le début de 1999,
projet de loi instituant une couverture maladie universelle dont le dépôt doit
intervenir avant la fin de l'année, réforme de l'assiette des cotisations
employeurs sur laquelle le Gouvernement annonce qu'il arrêtera sa position dans
les semaines qui viennent ;
« « - faisant le point, d'autre part, sur l'évolution des dépenses et des
recettes au vu, notamment, de l'évolution de la conjoncture, il ne serait guère
acceptable qu'une nouvelle fois le Parlement ne soit saisi d'une dérive des
comptes qu'à l'occasion de la seule ratification en fin d'année d'un décret
majorant le plafond de recours à l'emprunt par les régimes de sécurité
sociale.
« « Pour une réflexion sur l'évolution des lois de financement :
« « La réforme constitutionnelle de 1996, instituant les lois de financement
de la sécurité sociale, constitue un progrès considérable et l'amorce d'une
évolution profonde. A l'occasion de l'examen du troisième projet de loi depuis
cette réforme, il apparaît que cet instrument est perfectible et qu'une
réflexion doit être menée tendant à une amélioration de la présentation des
lois de financement et, au-delà d'une multiplication vaine des annexes, de la
qualité et de la cohérence des informations fournies au Parlement. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement vise à rédiger le rapport traditionnellement
annexé, qui traduit les grandes lignes de la politique pour le financement de
la sécurité sociale pour l'année à venir.
Nous avons constaté l'existence de divergences de fond avec le Gouvernement
sur un certain nombre de points. Les ayant exposées dans mon exposé liminaire,
je n'y reviens pas.
L'amendement n° 45 vise à en revenir au texte adopté en première lecture par
le Sénat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 45, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, le rapport annexé au projet de loi est ainsi rédigé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 1er et du rapport annexé, modifié.
(L'article 1er et le rapport annexé sont adoptés.)
M. le président.
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la nouvelle
lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Jean-Louis Lorrain, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Lorrain.
Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui avait fait l'objet de la
part du Sénat, en première lecture, d'un examen approfondi, en dehors de tout
esprit de polémique. Je note à ce propos que les amendements, adoptés sur
l'initiative de mon collègue et ami Claude Huriet, portant sur le droit de
substitution donné aux pharmaciens et la définition du générique n'ont été que
très partiellement repris par l'Assemblée nationale.
Je le regrette, mais je me félicite par ailleurs du rétablissement du texte
voté par le Sénat en première lecture. Le projet de loi ainsi modifié répond
aux préoccupations de mon groupe parlementaire.
Tout d'abord, s'agissant de la politique familiale, il nous semble
indispensable de faire un véritable geste politique à l'égard des familles, et
donc d'accroître l'effort social de la nation en leur faveur. La période
actuelle est en effet marquée par les incertitudes de la conjoncture. Ainsi,
l'année 1999 s'annonce plus difficile que prévu sur le plan économique et
social.
Mais au-delà de ces aléas, un malaise certain est perceptible au sein des
associations familiales, alors que le Gouvernement tente toujours d'obtenir
l'adoption du projet de loi instaurant le PACS, dont la mise en oeuvre
engendrerait une dépense évaluée à une dizaine de milliards de francs, soit
l'équivalent du coût du versement des allocations familiales dès le premier
enfant.
Nous souhaitons en outre le maintien des majorations pour âge des allocations
familiales selon les modalités actuelles. L'amendement correspondant avait été
voté dès la première lecture, sur l'initiative de mon collègue et ami Jacques
Machet, rapporteur pour la famille.
Un autre aspect majeur du projet de loi appelle également des correctifs : je
pense évidemment à l'ensemble du dispositif de maîtrise médicalisée des
dépenses de santé.
En ce qui concerne la cessation d'activité des médecins, un report d'un an de
la réforme envisagée nous semble indispensable. Sans remettre en cause les
principes guidant cette réforme, il faut absolument éviter un « effet couperet
», et donc prévoir des dispositions transitoires.
En revanche, malgré les amendements adoptés par l'Assemblée nationale, le
principe même de sanction collective doit, à nos yeux, être rejeté. Nous sommes
donc favorables à un système individualisé, dans un cadre conventionnel et
régional. Mais rien ne s'oppose concrètement à cette individualisation des
contrôles et des éventuelles sanctions.
Le régulation des dépenses de médecine de ville doit être fondée sur une
responsabilisation de tous - praticiens, médecins-conseil, gestionnaires des
caisses, sans oublier bien sûr les assurés eux-mêmes.
Enfin, s'agissant de la transparence des prix des prothèses dentaires, la
solution proposée par le Sénat paraît équitable et logique. Elle consiste à
lier cette nouvelle mesure à la réforme de la nomenclature prévue le 1er
juillet dernier et repoussée à plusieurs mois, apparemment sur l'initiative du
ministère de l'emploi et de la solidarité.
Pour toutes ces raisons, le groupe de l'Union centriste votera le projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, tel qu'il a été modifié
par le Sénat.
M. Bernard Murat.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
Comme mon collègue Jean-Louis Lorrain, j'essaierai d'apporter ma pierre à la
nouvelle lecture de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
1999. J'ai parlé tout à l'heure des veuves, mais je n'ai pas cité de chiffre :
on compte, en France, 2,5 millions de veuves. Voilà qui fait réfléchir !
(Eh oui ! sur les travées socialistes.)
Or, sachez que sur le prélèvement de 0,10 % du montant inscrit sur la
fiche de paie de chaque salarié, un très petit pourcentage va aux veuves, et le
reste est attribué aux personnes âgées. Il est donc nécessaire que nous
réfléchissions encore.
Par ailleurs, comme l'a dit M. Jean-Louis Lorrain, nous avons rétabli, en
adoptant l'amendement n° 14, l'article 13
bis
, introduit par le Sénat en
première lecture, qui maintient, pour chacun des enfant à charge, à partir de
dix ans et de quinze ans, à l'exception du plus âgé, la majoration pour âge des
allocations familiales. Le rapporteur de la commission des affaires sociales,
pour la famille, y est particulièrement sensible.
Voilà deux dispositions très importantes pour la vie de nos familles, qui en
ont terriblement besoin.
Telles sont les raisons primordiales pour lesquelles le groupe de l'Union
centriste votera le texte élaboré par le Sénat en nouvelle lecture, tel qu'il a
été présenté par M. Charles Descours. Je tiens d'ailleurs, au nom de mon
groupe, à remercier notre collègue de tout le travail qu'il a accompli en tant
que rapporteur.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, décidément, chaque jour davantage, au Sénat, le bégaiement
législatif tient lieu d'une deuxième lecture qui devrait être, en d'autres
circonstances, l'instrument privilégié du dialogue entre les deux assemblées et
le Gouvernement.
Puisque la commission, en la personne de son rapporteur, s'obstine à
poursuivre sa tentative de réhabilitation politique à la poursuite désespérée
de son électorat médical qui s'est senti trahi par le gouvernement Juppé, il
n'y a rien à ajouter, aujourd'hui, à ce qui a déjà été dit en première lecture
pour juger de cette tentative.
J'en viendrai donc, madame le ministre, à des considérations plus
générales...
M. Alain Gournac.
Il vaut mieux !
M. François Autain.
... sur les conditions dans lesquelles le Parlement est appelé à délibérer sur
le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
A l'évidence, vous avez contribué à améliorer sensiblement l'architecture du
projet de loi, favorisant ainsi la clarté de nos débats.
A l'évidence aussi, l'information du Parlement est mieux assurée par des
documents plus homogènes et plus précis à la fois. Il reste que cet instrument
mérite sûrement d'être encore amélioré.
Pour être plus complet encore, le contrôle du Parlement sur le budget social
de la nation doit s'exercer à chaque fois que les conditions de son
consentement initial sont modifiées. Le législateur organique l'avait bien
entendu ainsi en prévoyant la discussion éventuelle de projets rectificatifs.
(M. le rapporteur opine.)
Mais, comme c'est le cas en matière de
dépenses publiques, le pouvoir réglementaire se substitue trop souvent, dans
cette circonstance, au Parlement.
Pour être plus éclairé encore, le contrôle du Parlement doit s'exercer sur des
choix parfaitement énoncés. A cet égard, les conditions de délibération sur
l'équilibre général mériteraient d'être améliorées. A cet égard aussi, les
comptes de la protection sociale ne doivent pas se résumer à ceux du régime
général. A cet égard enfin, en se gardant toutefois de toute dérive et dans le
respect des dispositions relatives aux « cavaliers » sociaux, on devrait
pouvoir intégrer dans la loi de financement les articles qui, s'inscrivant à
l'intérieur de la contrainte financière, contribuent à l'amélioration de la
norme législative.
Précisément, pour être encore plus effectif, le contrôle du Parlement
mériterait de s'exercer moins sur le rapport annexé et davantage sur une
expression réellement normative des choix gouvernementaux.
Je regrette aussi que le temps n'ait pas été, jusqu'à présent, trouvé pour
préparer nos concitoyens à nos choix annuels par l'organisation d'un débat
d'orientation sur l'évolution de la protection sociale, préalable au débat
d'orientation budgétaire, au printemps.
A cet égard, je salue l'initiative prise par les commissions des affaires
sociales des deux assemblées de constituer des groupes de travail permanents
destinés à mieux préparer nos travaux tout en poursuivant la réflexion que mes
quelques propos avaient pour ambition d'introduire en conclusion de notre
discussion.
Telles sont, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, les quelques remarques que justifiait encore, sur la forme - faute
de revenir sans se répéter sur le fond - l'examen d'un projet de loi auquel le
groupe socialiste aurait apporté toutes ses voix si, comme à son habitude, la
commission ne l'avait, hélas ! dénaturé. C'est la raison pour laquelle le
groupe socialiste votera contre ce texte.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Je me suis déjà expliquée tout à l'heure en faisant part des réserves du
groupe communiste républicain et citoyen sur le texte du Gouvernement tel qu'il
nous est revenu de l'Assemblée nationale. Je serai donc très brève.
J'ai souhaité insister particulièrement sur le financement et sur la situation
des hôpitaux publics. Je crois qu'il était nécessaire de le faire, et j'espère
ne pas avoir à refaire le même discours l'année prochaine.
J'espère aussi que l'année qui vient nous permettra d'avancer, en particulier
en ce qui concerne la réforme des cotisations patronales.
Sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale tel qu'il nous est
revenu de l'Assemblée nationale, nous nous serions probablement abstenus, comme
l'ont fait nos collègues au Palais-Bourbon. Tel qu'il a été amendé aujourd'hui,
et comme j'ai eu l'occasion de le dire dans la discussion générale, nous ne
pourrons que voter contre.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous
voici parvenus au terme de la discussion du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999, et je ne reprendrai pas en cet instant les
différents arguments qui ont été échangés. Je tiens cependant à répondre à
quelques-uns de ceux qui se sont exprimés, notamment à M. Autain.
Tout d'abord, si nous pouvons discuter de façon très approfondie - même si
nous ne sommes pas toujours d'accord - des problèmes que pose le financement de
la sécurité sociale, c'est bien parce que, en 1996, une initiative a été prise
par la majorité de l'époque. Il faut tout de même le reconnaître ! Ainsi, une
révision de la Constitution est intervenue afin de formaliser la procédure
d'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Nous devons
en effet essayer de maîtriser des dépenses qui sont considérables et qui posent
des problèmes à toutes les majorités, qu'elles soient de droite ou de
gauche.
Sur l'objectif de maîtrise des dépenses, des convergences peuvent apparaître
entre la majorité et l'opposition, mais aussi entre la majorité sénatoriale et
le Gouvernement. Et, si des divergences existent sur les moyens, je constate
néanmoins que ceux qui sont actuellement proposés ressemblent - à s'y méprendre
pour certains - à ceux qui avaient déjà été mis en place.
Cela signifie que nous avons sans doute évolué de notre côté. Si nous ne
l'avions pas fait, vous nous auriez reproché de persévérer dans l'erreur !
Cela étant, vous nous avez reproché de bégayer. Mais, dans cette affaire, qui
bégaye, sinon la majorité à l'Assemblée nationale et l'opposition au Sénat, que
l'on a pas vu beaucoup évoluer sur les différents problèmes que nous avons à
examiner ?
Ainsi, en commission mixte paritaire, nous avons cherché par tous les moyens,
utilisant pour cela deux procédures différentes dans l'ordre d'examen des
articles, de trouver un certain nombre de points d'accord, même si nous
savions, certes, que cet accord serait partiel dans la mesure où nous
imaginions bien que nous nous heurterions à un moment donné à des difficultés
qui ne nous permettraient pas d'aboutir à un texte commun.
J'aimerais, à ce stade ultime du débat, évoquer l'avenir des lois de
financement de la sécurité sociale.
Nous souhaitons conduire une réflexion - nos collègues de l'Assemblée
nationale ont d'ailleurs un projet qui va dans le même sens - sur un certain
nombre d'aménagements dans les procédures pour que nous soyons à même
d'examiner plus en détail et de façon plus sereine - les quelques jours de
débat dont nous disposons ne nous le permettent guère - les mesures qui nous
sont proposées chaque année en la matière. Ainsi que vous l'avez rappelé,
monsieur Autain, la commission a décidé hier matin de créer un groupe de
travail chargé d'examiner toutes les modifications que nous pourrions être
amenés à proposer.
Quant au dépôt éventuel d'un projet de loi rectificatif en cours d'année,
évoqué par M. Autain, nous le souhaitons également, car les lois de financement
s'appuient sur un certain nombre d'hypothèses économiques qui, même si nous le
souhaitons tous, ne se réalisent pas toujours. Il faut donc pouvoir, en cours
d'année, « rectifier le tir ».
Pour m'en être entretenu avec mon homologue de la commission des affaires
sociales de l'Assemblée nationale, je puis vous dire également que le groupe de
travail que j'évoquais à l'instant est prêt naturellement à se concerter avec
nos collègues députés. Les propositions qu'il formulera auront d'autant plus de
chances d'aboutir.
Je remercie, en conclusion, nos différents rapporteurs. Ils ont effectué un
travail souvent difficile, soutenus en cela par nos collaborateurs de la
commission des affaires sociales.
Je vous adresse également mes remerciements, madame la ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, parce que cette discussion s'est déroulée, dans l'ensemble,
dans un bon état d'esprit, même si nous avons toujours su que, sur certains
points, nous n'arriverions pas à nous rejoindre.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
7
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
Je rappelle que la commission des affaires économiques et du Plan a proposé
une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucun opposition dans le délai d'une heure prévu par
l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Marie
Rausch membre de la commission supérieure du service public des postes et
télécommunications.
8
MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE
M. Jacques Bimbenet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet.
Monsieur le président, je souhaite effectuer une mise au point au sujet du
vote qui est intervenu, dans le cadre du projet de loi de finances pour 1999,
lors de l'examen des crédits de l'aménagement du territoire.
A la suite d'une erreur matérielle, notre collègue M. de Montesquiou a émis un
vote favorable alors qu'il souhaitait en réalité voter contre ce projet de
budget.
Je souhaiterais, monsieur le président, que le procès-verbal en fasse état.
M. le président.
Je vous donne acte de cette mise au point, mon cher collègue.
9
LOI DE FINANCES POUR 1999
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté
par l'Assemblée nationale.
Défense
(suite)
M. le président.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le ministère de la défense.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 39 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 28 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
L'armée de terre a amorcé une mutation formidable que chacun connaît, et vous
mieux que quiconque, monsieur le ministre, car elle se doit de passer d'une
armée de masse, à vocation territoriale, à une armée de professionnels, à
vocation de projection.
Outre les mutations dans les structures de commandement, cette révolution,
corollaire de la professionnalisation, implique de tels changements qu'il ne
faut pas perdre de vue que la réussite de la professionnalisation n'est pas une
certitude.
En effet, les nouvelles contraintes liées à la fin d'une armée mixte sont
lourdes. La diminution du nombre d'appelés puis la suppression de la
conscription vont entraîner une augmentation du recrutement de personnels
civils, ainsi qu'une augmentation du nombre de volontaires qui, en termes de
population, porteront le nombre des engagés au double de leur effectif
actuel.
A cet égard, la période de transition connaît des blocages et des goulets
d'étranglement dans certaines régions militaires, dont la mienne, où Mourmelon
et Suippes, villes de garnison des camps de Champagne, sont connues de milliers
de militaires qui ont eu l'occasion d'y séjourner.
Cette série de changements aura des conséquences budgétaires considérables sur
les crédits de fonctionnement de l'armée de terre et risque fort de se faire au
détriment de moyens financiers nécessaires à l'entraînement des forces, avec
des conséquences imprévisible à long terme.
De ce point de vue, il ne faudrait pas que la professionnalisation entraîne
un amoindrissement de la capacité opérationnelle de l'armée de terre en général
et des unités de l'arme blindée, qui semblent les plus à même de souffrir de
cette situation, en particulier.
Cette professionnalisation aura une autre conséquence, à savoir la déflation
des effectifs de l'encadrement constitué des officiers et sous-officiers, avec
les problèmes d'accompagnement financier des départs.
Elle instaure, par ailleurs, des perspectives de carrières courtes pour les
officiers et sous-officiers, ce qui suppose une révolution psychologique mais
aussi - il faut être réaliste - un problème de reconversion professionnelle
pour ces hommes et ces femmes qui auront, certes, acquis une formation dans
l'armée.
Je n'ignore pas, monsieur le ministre, que ces problèmes sont parfaitement
connus de vous et de vos services. Il faut toutefois qu'ils soient
définitivement traités afin que l'armée de terre, épine dorsale de la défense
française, ne soit pas frappée progressivement de blocages insidieux.
Nos jeunes qui ont choisi de s'engager dans l'armée - la nôtre, la vôtre,
monsieur le ministre - ne doivent pas être déçus par elle. Dès lors, prévoyons
pour eux des installations dignes de ce nom.
Si le monde européen est en paix, il n'en demeure pas moins ceinturé de
menaces qui, elles-mêmes, évoluent de façon non prévisible. Il ne faudrait pas
que, un jour, notre pays se réveille avec une capacité de riposte amoindrie.
Ce souci, monsieur le ministre, nous le partageons, je le sais, mais je tenais
à le réaffirmer avec force à l'occasion de l'examen de votre projet de
budget.
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les années
se suivent et les expressions se succèdent : après l'« encoche » budgétaire de
l'an dernier, dans laquelle nous ne pouvions que voir une entaille, nous
parvenons aujourd'hui à la « charnière ».
En effet, 1999 sera l'année charnière dans le processus de réforme et de
professionnalisation de nos armées engagé le 22 février 1996 par le Président
de la République.
Regrettant de ne pouvoir voter les crédits de votre ministère pour 1998, je
formais, l'an passé, le voeu de voir la défense retrouver, dès 1999, le niveau
des ressources prévu par la loi de programmation.
Ainsi, après une diminution drastique de 3,2 % en francs courants, imputable à
l'encoche de 7,7 milliards de francs qui, en 1998, a caractérisé les crédits
d'équipement, le budget de la défense pour 1999 progresse de 2,9 %.
Avec 243,5 milliards de francs, il est identique au budget que nous avions
voté pour 1997.
Dans ces conditions, le budget que vous nous présentez, monsieur le ministre,
n'est pas en conformité avec le cadrage de la loi de programmation.
La charnière « grince » ; les rapporteurs pour avis de la commission de la
défense l'ont excellemment démontré.
Je n'y reviendrai donc pas dans le détail. Je reprendrai simplement les deux
grandes interrogations que recèle l'exercice 1999 en ce qui concerne tant les
moyens de fonctionnement de nos forces que leur équipement.
La France a fait le choix d'une armée professionnelle à l'horizon 2002. Nous
en avons longuement débattu. C'était un choix raisonnable et raisonné qui,
outre une volonté de nous aligner sur nos partenaires occidentaux, traduisait
la nécessaire adaptation au contexte géopolitique.
Un tel choix impliquait inéluctablement de profondes restructurations de nos
armées. Celles-ci sont désormais bien engagées.
Toutefois, qui dit armée professionnelle dit armée avec de moindres effectifs,
mais armée composée de femmes et d'hommes bien encadrés, bien formés, bien
entraînés et bien équipés.
Or, la situation actuelle est source de bien des inquiétudes.
En effet, les crédits de fonctionnement du titre III diminueront de 9 % en
1999, ce qui aura, en particulier, des répercussions sérieuses sur l'activité
de nos forces et sur leur capacité opérationnelle.
A cet égard, nous ne pouvons qu'être inquiets de la réduction des objectifs
d'activité des forces terrestres, fixés à 70 jours de sortie, dont 35 avec
matériels, à comparer aux 80 jours, dont 40 avec matériels organiques, qui
correspondent au minimum indispensable.
De même, permettez-moi de rappeler l'impérieuse nécessité de maintenir le
niveau d'entraînement des pilotes de l'armée de l'air, dont l'objectif minimal
de 180 heures annuelles de vol pour les pilotes de combat et de 360 heures pour
les pilotes de transport reste le plancher en deçà duquel un risque certain est
pris.
La disponibilité des bâtiments et des aéronefs de la marine nationale
souffrira de la réduction de plus d'un milliard de francs des crédits
d'entretien, ce qui entraînera inévitablement le maintien à quai d'un nombre
accru d'unités opérationnelles.
Il y a donc urgence, monsieur le ministre, à rétablir un taux d'activité des
unités qui permette de motiver les personnels et de répondre aux exigences
d'une armée professionnelle.
Une autre exigence, et non des moindres, est la préparation de l'avenir, en
dotant nos armées des matériels indispensables à l'accomplissement des missions
qui leur ont été assignées.
Or, la nouvelle doctrine en la matière réside dans la « revue des programmes
», certes établie en accord avec les états-majors, mais en aucun cas conforme
aux prévisions de la loi de programmation.
Bien qu'augmentant de 6,17 % en francs courants, les crédits d'équipement des
armées ne correspondent pas à l'actualisation des annuités prévues, et accusent
un déficit de 5 milliards de francs.
Il en va ainsi des moyens consacrés aux conditions de vie des personnels au
titre de l'habillement, du campement, du couchage et de l'ameublement, dont la
sévère diminution ne peut que remettre en cause la participation de notre pays
à des opérations extérieures et la professionnalisation elle-même.
Dans le même esprit, les besoins en infrastructures, liés à la contraction du
format des armées et à l'entrée en service d'une nouvelle génération de
matériels d'armement, demeurent très importants et ne pourront qu'être
imparfaitement satisfaits en 1999.
Une fois encore, nous ne pouvons que regretter le report de certains
programmes et le décalage de certaines livraisons, par exemple celle du premier
Rafale Air, décalée de dix mois, et qui entraînera une diminution de vingt-cinq
à vingt-trois du nombre d'appareils livrés à la fin de 2005.
Tout aussi préoccupantes sont certaines réductions de cibles, telles que le
missile Mistral et les engins porte-blindés de la classe Leclerc, dont
seulement vingt-huit exemplaires seront livrés l'an prochain.
La décision d'abandonner l'industrialisation du missile antichar de
l'hélicoptère Tigre, quant à elle, est pour moi totalement incompréhensible,
quand on sait que le Tigre avait été conçu pour tirer le meilleur parti de ce
missile.
Dès lors, vous comprendrez que je partage sans réserve l'espoir de notre
éminent collègue Serge Vinçon que la « revue des programmes » ne préfigure pas
une nouvelle réduction des objectifs fixés aux armées en matière d'équipement.
Car alors - vous me permettrez ce mauvais jeu de mots - avec la « revue des
programmes », ce serait notre capacité opérationnelle qui serait « de la revue
» !
C'est aussi pourquoi j'adhère pleinement aux considérations qu'ont exposées
nos talentueux collègues Jean-Claude Gaudin et André Boyer pour l'équipement de
l'armée de l'air et de la marine.
Le Gouvernement s'est engagé à passer une commande globale de
Rafale
en
1999 - 28 fermes et 12 options - et je m'en félicite. Car c'est seulement au
moyen de commandes pluriannuelles que le programme
Rafale
trouvera son
équilibre financier et bénéficiera des effets positifs que pourra apporter son
exportation.
Le groupe des Républicains et Indépendants sera particulièrement vigilant au
choix qu'effectuera le Gouvernement pour l'avion de transport du futur, qui
conditionne l'objectif de projetabilité de nos forces, et soutient la solution,
préconisée par le rapporteur, d'un avion européen tel que le FLA, proposé par
Airbus Industrie.
Avec le même souci d'une défense opérationnelle, nous nous inquiétons,
monsieur le ministre, des conséquences qu'aura le retrait du porte-avions
Foch
sur la permanence du groupe aéronaval.
Le concept dit de « quasi-permanence » étant abandonné, il apparaît clairement
que la France sera privée de sa capacité de projection aéromaritime pendant les
dix-huit mois d'indisponibilité du
Charles-de-Gaulle
en 2004-2005 et de
nouveau en 2010-2011, ce qui pose avec acuité la question de la commande d'un
second porte-avions après 2002. Ce n'est qu'à ce prix que sera garantie la
permanence du groupe aéronaval après 2012.
Concernant la gendarmerie, je veux insister sur la nécessité de renouveler le
parc de blindés et la flotte d'hélicoptères - en particulier les
Alouette
III -
dont elle dispose, en veillant scrupuleusement à ce que les délais
observés dans les livraisons ne compromettent pas la sécurité du territoire.
A cet égard, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, quels moyens
transitoires vous comptez mettre en oeuvre pour que la gendarmerie nationale
préserve ses capacités d'intervention en montagne et en zone urbaine dans
l'attente de l'arrivée, en l'an 2000, des trois hélicoptères budgétés.
En outre, j'adhère pleinement à la proposition du rapporteur, notre éminent
collègue Paul Masson, d'organiser au Sénat un débat sur la réorganisation des
structures de la gendarmerie, afin de donner à la représentation nationale
l'opportunité de se faire mieux entendre sur des enjeux qui intéressent
étroitement la sécurité publique et les collectivités locales.
En conclusion, je ferai trois observations.
La première a trait à l'appel de préparation à la défense, dont je regrette
l'absence de réelle ambition que traduisent les trois heures et demie qu'y
consacrent
de facto
les jeunes concernés.
Autant dire qu'il paraît bien peu réaliste de susciter des vocations
militaires dans de telles conditions et qu'il faudra assez vite procéder à un
bilan exhaustif, en vue, le cas échéant, de densifier le contenu d'une telle
obligation.
Ma deuxième observation concerne les inquiétudes déjà exprimées sur le faible
recrutement des personnels civils que connaissent toutes les armes. Le taux de
postes vacants dans la marine atteindra 10 % des effectifs budgétaires à la fin
de l'année. Aussi, souhaiterais-je savoir, monsieur le ministre, quelles
dispositions particulières vous entendez prendre pour remédier à cet état de
fait qui compromet gravement la réussite de la professionnalisation.
Enfin, j'évoquerai d'un mot les réserves, auxquelles je suis très attaché.
L'adoption d'un nouveau statut est une nécessité que nul ne conteste. Je forme
le voeu, monsieur le ministre, que celui-ci voie le jour en 1999. Pouvez-vous y
répondre favorablement ?
Malgré les inquiétudes et les interrogations que soulève ce budget, je
considère que son adoption représente un signe indispensable à envoyer aux
personnels de nos armées, qui abordent les mutations en cours avec un
dévouement et une compétence auxquels nous rendons hommage.
Mais la réforme de nos armées étant au « milieu du gué », la réalisation de
l'exercice budgétaire à venir témoignera de la réelle détermination du
Gouvernement à poursuivre convenablement le processus engagé.
Et puisque nous sommes un 2 décembre, je ne résiste pas au plaisir d'évoquer
la victoire d'Austerlitz. Chacun sait que l'Empereur, resté sur le terrain,
félicita ses soldats d'une formule lapidaire et restée célèbre : « Soldats, je
suis content de vous ! » Mais il faut se souvenir aussi qu'il indiqua à
l'adresse de son beau-fils : « Il faut déployer plus de caractère en
administration qu'à faire la guerre ! »
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. André Boyer.
M. André Boyer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget pour 1999 qui nous est soumis a manifestement été marqué par la volonté
d'effacer l'« encoche » de 1998 induite par la nécessité de réduire le déficit
public.
La revue des programmes, à finalité essentiellement financière, succède ainsi
à une restriction très contraignante - qui de ce fait ne pouvait être que
passagère - des ressources consacrées à l'équipement des armées. Si les crédits
affectés à cet équipement couvrent l'ensemble des besoins définis par le
service des programmes, c'est au prix de certaines modifications de calendrier
qui ont permis d'aboutir à des économies de l'ordre de 20 milliards de francs
de 1998 à 2002. Il en va ainsi de l'« optimisation » du programme du quatrième
sous-marin lanceur d'engins nouvelle génération retardé d'un an, mais qui
bénéficiera, deux ans avant la date prévue, de la livraison du M 51.
C'est aussi au prix de la réduction des projets d'acquisition de certains
équipements - porte-chars ou missiles Mistral - ou de l'abandon de certains
programmes concernant les mines MACRED et le satellite d'observation radar
Horus pour lequel il faudra trouver un nouveau partenaire européen.
Ce dernier programme illustre - ce sera la première partie de mon intervention
- les interrogations que nous sommes amenés à soulever en matière de
coopération européenne.
Le nombre de matériels utilisés par plusieurs armées européennes ou conçus en
coopération reste en effet très faible.
Dans le projet de budget pour 1999, ce poste représentera un peu plus de 8
milliards de francs - chiffre à peine supérieur à celui de 1998 - sur les 66
milliards de francs consacrés aux forces classiques.
Il apparaît donc de plus en plus nécessaire, alors que les programmes de
coopération sont appelés à se développer, de privilégier une programmation
concertée des équipements avec nos partenaires européens.
En effet, les équipements militaires coûtent de plus en plus cher ; or les
budgets consacrés à la défense diminuent dans tous les pays d'Europe. Par
conséquent, les contraintes financières et budgétaires rendent nécessaires une
coopération accrue avec nos partenaires européens, qui seule permettra le
partage des coûts et l'accès à des marchés plus larges, et qui permettra aussi
de poursuivre l'effort de recherche et de technologie, lequel est de moins en
moins pris en charge par les Etats.
Certes, la notion de communautés d'intérêts et le développement d'une
véritable culture d'interopérabilité ont marqué des avancées significatives,
qu'il s'agisse de la division multinationale centrale, associant l'Allemagne,
la Belgique, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, de la force amphibie créée entre
le Royaume-Uni et les Pays-Bas, de la force aérienne déployable du Benelux, de
l'Eurocorps et de la brigade franco-allemande, ou qu'il s'agisse d'autres
initiatives moins connues, telles que les Euroforces, que la France a
développées avec l'Italie, l'Espagne et le Portugal, de l'Eurofor et de
l'Euromarfor définies en termes de capacité et dont la composition varie selon
la mission, ou du groupe aérien européen, d'abord franco-britannique, mais que
l'Italie a rejoint le 1er janvier de cette année.
Certes, notre stratégie en matière de programmes conduits en coopération s'est
traduite par la création, en novembre 1996, de l'Organisation conjointe de
coopération en matière d'armement, l'OCCAR, qui réunit la France, l'Allemagne,
l'Italie et la Grande-Bretagne.
Certes, la coopération industrielle est aussi engagée dans certains domaines,
mais nous pouvons déplorer que des conflits d'intérêts non résolus aient
conduit à la concurrence du Rafale et de l'Eurofighter.
Cet écueil paraissait évitable s'agissant du futur avion de transport
militaire européen, l'ATF, l'avion de transport du futur, qui répondait aux
besoins des armées de l'air de huit pays, dont la France, qui avaient défini
dans un document commun les caractéristiques de l'appareil. Le rapprochement
des industries aéronautiques de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne et de la
France semblaient donner les meilleures chances à ce projet. Malheureusement,
les négociations engagées bilatéralement par British Aerospace et DASA
paraissent compromettre sérieusement les espoirs que nous avons vus naître.
Peut-on espérer, monsieur le ministre, que la raison l'emportera dans ce
domaine porteur à la fois de symbole et de rationalité économique et
stratégique ?
Notre budget de la défense est conditionné également par nos alliances et par
les missions que nous devons assumer conjointement avec nos alliés.
Au printemps prochain, à Washington, à l'occasion du cinquantième anniversaire
de l'Alliance atlantique, sera présenté le nouveau concept stratégique de
l'OTAN, aux termes duquel, si l'on en croit le rapport présenté par le sénateur
Roth, président de l'assemblée de l'Atlantique Nord, le mois dernier à
Edimbourg, « les Etats-Unis et les Alliés européens doivent tenter de recenser
les secteurs dans lesquels la recherche-développement et l'acquisition peuvent
s'organiser sur une base transatlantique, et se mettre en quête de technologies
développées commercialement dont l'intégration coordonnée dans les forces de
l'OTAN peut promouvoir "l'interopérabilité". »
Pourrons-nous, mes chers collègues, être assez aveugles pour nous dissimuler
que, ici, l'interopérabilité plaidera en faveur du matériel américain si les
Européens ne sont pas capables de relever le défi ?
Telles sont les questions que nous avons le devoir de nous poser à l'occasion
de cette discussion budgétaire qui cerne les limites de nos propres
ressources.
Le réalisme nous conduit à penser que le maintien de nos forces nationales à
un niveau nécessaire implique que la construction européenne soit plus
largement étendue aux problèmes de défense.
Le deuxième point de mon intervention portera sur la gendarmerie.
M. le rapporteur pour avis, M. Masson, a parfaitement analysé le budget
présenté pour cette arme.
Je m'en tiendrai donc au problème du redéploiement des effectifs qui, au cours
de l'année 1998, s'est posé avec une acuité particulière et a suscité de très
vives réactions.
Permettez-moi deux remarques préalables.
Premièrement, pour ne pas entrer dans le débat pernicieux des équivalences
entre gendarmes et policiers, je ne ferai qu'évoquer la fermeture des
commissariats des petites villes et le redéploiement des zones de compétence
entre la gendarmerie et la police.
En réalité, en matière de sécurité quotidienne, si les fonctions des policiers
et des gendarmes, en zones urbaines, sont un peu différentes, c'est que le
contexte urbanistique, sociologique et démographique n'est pas le même.
Au-delà des impératifs de sécurité qui resteront en toute hypothèse inchangés,
c'est la prise en compte des facteurs psychologiques, sociaux et financiers des
personnels qui permettra de résoudre ce problème.
Deuxièmement, nous savons que la gendarmerie a vocation à assurer la sécurité
publique sur environ 90 % du territoire national pour plus de 50 % des
Français, mais que paraissent s'opposer des zones rurales peu peuplées et des
zones périurbaines plus denses où les comportements de délinquance
s'accroissent de façon inquiétante.
Nous sommes tous convaincus dans cette enceinte que les problèmes de sécurité
se posent de façon si aiguë dans ces zones urbaines ou périurbaines qu'il faut
y répondre rapidement par un accroissement des moyens.
Mais, monsieur le ministre, nous n'en sommes pas moins convaincus que les
redéploiements qui conduiront la gendarmerie à prendre en charge de nouvelles
zones ou à renforcer sa présence dans les secteurs périurbains de sa zone de
compétence ne doivent pas altérer le maillage territorial dans les zones
rurales.
La limite à ne pas dépasser nous paraît être définie par le maintien du
principe d'une brigade par canton et d'un délai d'intervention inférieur à la
demi-heure.
La maladresse, reconnue d'ailleurs, de la procédure engagée dans ce domaine,
le malentendu qui s'ensuivit et qui fut mal ressenti par les élus locaux ne
doivent pas occulter les réalités du terrain.
En effet, la vocation fondatrice de la gendarmerie concernant le maintien de
la sécurité publique ne se traduit pas seulement dans les zones rurales en
termes de police judiciaire traitant de crimes et délits, de contraventions, de
rassemblement de preuves et de recherches. Elle concerne aussi la police de la
circulation routière, la police rurale, la police sanitaire, le service
d'ordre, la protection civile.
La gendarmerie prête enfin son concours en matière de lutte contre le travail
clandestin, les atteintes à l'environnement et, surtout, la toxicomanie, qui se
développe trop rapidement chez les jeunes. La délinquance prospère aussi, hélas
! dans nos cantons ruraux, venue d'ailleurs souvent, mais réelle.
Tout cela nous conduit, monsieur le ministre, à souhaiter simplement que la
sécurité pour nos concitoyens, des villes ou des campagnes, soit assurée
partout et pour tous, et à vous demander, au terme de ce débat, de nous donner
quelques précisions sur les procédures qui seront engagées par le Gouvernement
à la suite des conclusions de M. Guy Fougier relatives au redéploiement, au
terme d'une consultation au cours de laquelle nous ne pourrons lui dire autre
chose que ce que nous disons aujourd'hui.
Depuis des années et des années, monsieur le ministre, on nous parle
d'aménagement du territoire. Mais plus personne n'y croit : d'année en année,
nous assistons à la disparition des services publics en zone rurale. Or nous
savons que leur maintien conditionne tout le reste.
J'en arrive à ma conclusion. Nous mesurons parfaitement, monsieur le ministre,
les difficultés de la réforme que vous conduisez avec courage et rigueur et qui
consiste, en maintenant les capacités opérationnelles des forces, à passer
d'une armée de conscription de 570 000 hommes à un format d'effectifs en
diminution de 25 % dans lequel les professionnels de défense, civils ou
militaires, représenteront plus de 95 % des effectifs.
Nous mesurons parfaitement les multiples problèmes posés par les
restructurations en termes d'adaptation des personnels auxquels nous rendons un
hommage mérité, mais aussi en termes d'aménagement du territoire car les
conséquences territoriales sont importantes. Et nous savons bien que les
contraintes budgétaires n'autorisent pas de fantaisie.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, les membre du groupe du
Rassemblement démocratique social et européen voteront le projet de budget qui
nous est présenté.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle.
Monsieur le président, mes chers collègues, je vous remercie de me laisser la
parole.
Monsieur le ministre, à une enseignante qui vous avait dit, je cite : « Vous
nous demandez d'assurer, en plus, une information sur la défense pour les
élèves de troisième. Nombre d'entre eux y sont très réticents. Cela heurtera
profondément leurs fortes convictions antimilitaristes »
(sic),
vous
avez répondu à juste titre : « Il n'y a pas de situation mondiale sans
agresseurs. Doit-on les laisser faire ? Nous sommes en république. Une loi a
été votée démocratiquement. Elle est devenue la loi de tous. Les convictions de
chacun sont respectables, mais, dans tous les domaines, celles-ci passent après
la mission de service public. Ce n'est pas en cédant à la violence qu'on la
fera disparaître. La supprimer n'est au pouvoir mental et intellectuel de
personne. »
Monsieur le ministre, je dois donc d'abord vous féliciter de n'avoir pas cru,
comme vos prédécesseurs socialistes, Jaurès en 1914, que l'internationale
ouvrière pourrait empêcher la guerre, et Blum en 1936, que le pacifisme et les
armes défensives suffiraient à maintenir la paix.
Du budget de la défense que vous présentez pour 1999, je ne discuterai pas les
chiffres, si ce n'est pour noter qu'ils marquent une progression de 2,8 % par
rapport au niveau bas de l'inquiétante année 1998, soit au total 190 milliards
de francs, à moins d'être à nouveau victimes d'arbitrages gouvernementaux, 190
milliards de francs, c'est-à-dire quatre fois moins que les dépenses directes
ou induites de l'immigration abusive chez nous.
(Exclamations sur les
travées socialistes.)
Les autres questions étant très complètement reprises par mes collègues, je
n'évoquerai aujourd'hui qu'une seule orientation fondamentale : le nucléaire,
en commençant par une annexe à ce chapitre, qui est le porte-avions
Charles-de-Gaulle.
Le porte-avions, comme nous le savons, est un moyen d'intervention outre-mer
par excellence, quoi qu'il soit aussi une incitation et que je sois d'avis de
limiter nos interventions extérieurs au minimum. Le porte-avions est aussi un
terrain d'aviation mobile plus difficile à neutraliser, qui prolonge vers la
mer l'espace de manoeuvre stratégique qui, pour la France, est fort court à
l'avant, sur le continent.
Le porte-avions
Charles-de-Gaulle
n'est pas une arme nucléaire
proprement dite, bien qu'il doive mettre en oeuvre des aéronefs qui peuvent
porter cette arme, mais c'est une centrale nucléaire, même si elle n'est pas
destinée à fournir du courant électrique au public, mais bien plutôt une
propulsion maritime de très grande durée sans ravitaillement.
Dans les années 1958-1961, le général de Gaulle avait fait terminer en
dix-huit mois le
Clemenceau,
premier porte-avions que nous construisions
depuis le
Béarn
des années trente et qui traînait depuis quatre ans, et
il avait fait construire le
Foch
dans les deux ans suivants.
Le porte-avions
Charles-de-Gaulle
est en chantier depuis dix ans faute de crédits et par
alourdissements successifs des dispositifs de sécurité qui en feront un
bâtiment de guerre répondant aux exigences des visites par les civils, à
quatre-vingts hommes près, comme dans les centrales à terre.
A la limite, on pourrait dire en caricaturant, en exagérant, qu'il
n'appareillera plus que pour assurer la sécurité de son équipage. Aussi sa
vitesse sera-t-elle limitée à vingt-huit noeuds et sa mise en service
n'est-elle prévue qu'au troisième millénaire. Pourquoi se presser d'ailleurs ;
puisqu'il n'y aura qu'un seul avion Rafale, pourtant le meilleur avion de
combat du monde, à la fin de l'année prochaine et, nous l'espérons,
quelques-uns de plus dans le courant du troisième millénaire ?
Enfin, tout le monde sait qu'il ne lui est prévu aucune relève lorsque
surviendront les échéances des visites techniques propres à tous les bâtiments.
On parle d'une plate-forme britannique, mais on ne voit pas très bien pourquoi
les Anglais en fourniraient une pour mettre en oeuvre d'autres avions que les
leurs, qui seraient d'ailleurs de caractéristiques différentes.
En revenant à l'essentiel stratégique de la commission des affaires étrangères
et de la défense, nous devons constater qu'autour de la France il n'y a pas de
désarmement nucléaire véritable. Son contrôle serait d'ailleurs illusoire.
C'est le moment de rappeler que l'atome a été le principal élément
stabilisateur dans la paix du monde, et qu'il le restera à condition pour nous
de maintenir les moyens qui ont toujours été l'ambition limitée de la France de
prévenir le braquage, j'allais dire le hold-up d'Etats pouvant avoir une
conception imprévisible, voire aventureuse, du rôle de ce nucléaire. A ce
propos, faut-il rappeler que la non-prolifération nucléaire n'est qu'une
conception angélique ? L'Inde, le Pakistan, et demain n'importe quelle petite
puissance en constituent ou en constitueront l'illustration.
En revanche, le processus américano-russe de réduction progressive de leurs
arsenaux surabondants exerce une pression sur la France pour l'amener à
diminuer ses forces nucléaires au-dessous d'un « seuil de suffisance » qu'elle
maintient à peine aujourd'hui avec quatre sous-marins lance-missiles
utilisables et quelques armes tactiques de la seule armée de l'air, puisque
nous avons malencontreusement mis au rancard celles, pourtant en très petit
nombre, de l'armée de terre. Précisons toutefois que le démantèlement des
missiles du plateau d'Albion, devenus périmés, ne me paraît pas contestable du
moment qu'on en conserve les terrains, péniblement acquis, pour un autre usage
militaire.
Le maintien d'une force française de dissuasion, gardant sa crédibilité,
apparaît dans le contexte international comme l'ultime garant de notre sécurité
en cas de menace grave en Europe ou hors d'Europe, dans le cas, par exemple, où
nos troupes seraient menacées par des armes biologiques et chimiques auxquelles
nous avons renoncé.
Bien que notre force de dissuation, comme celle de la Grande-Bretagne, suscite
encore des réserves de la part de nos alliés, en particuler au sein de
l'Alliance atlantique, nous devons faire comprendre qu'elle contribue à la
sécurité de nos partenaires, de l'Union européenne notamment.
Nous avons dit « dissuasion nucléaire », à condition d'en maintenir la
quantité minimale des moyens et les niveaux techniques par rapport aux
autres.
Or le démantèlement coûteux de la centrale expérimentale de Creys-Malville, la
mise en cause de Super-phénix à la Hague pour le traitement des déchets et le
refus de planifier la modernisation ou le remplacement dans la prochaine
décennie de la dizaine de nos plus anciennes centrales électriques sur les
cinquante-sept qui fournissent actuellement 80 % de notre énergie tendent à
démontrer que la France renonce à perfectionner, sinon à maintenir simplement,
une immense capacité, dans un domaine où elle a su acquérir le meilleur niveau
en Europe.
Sans parler d'une erreur fondamentale et suicidaire pour nous dans les
domaines industriel, économique et écologique, erreur trop considérable pour
faire l'objet, ici, dans ce débat, des réfutations que cette illusion
mériterait, on peut dire que, pour la seule défense, ces abandons affaiblissent
d'autant notre dissuasion.
Dans ces conditions et malgré les autres qualités de votre budget calculé au
plus que juste, monsieur le ministre, je crains de ne pas pouvoir le voter.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget pour 1999 ainsi que la politique de défense dont il est la traduction
chiffrée laissent perplexes et partagés, comme l'an dernier, les sénateurs du
groupe communiste républicain et citoyen.
Certes, globalement, la part des richesses nationales consacrées à l'effort de
défense est plus conforme que par le passé à l'environnement mondial, à ses
menaces, aux possibilités du pays et à la prise en compte d'autres priorités,
notamment sociales.
Si l'étau, serré un peu brutalement l'an dernier sur les dépenses
d'équipement, s'est heureusement desseré, cette opération n'allégeant pas pour
autant les projets de suppressions massives d'emplois et d'activités à la
Direction des constructions navales et au GIAT, il s'est malheureusement
singulièrement resseré au titre III car, comme nous le pensions et comme nous
l'avions dit, la professionnalisation complète de nos forces armées - nous ne
sommes pas convaincus de son bien-fondé - coûte plus cher que ce qui avait été
annoncé officiellement.
Le volume global des crédits du titre III restant constant, c'est - cela a été
dit - l'ensemble des moyens de fonctionnement, d'entraînement de nos forces et
d'entretien des matériels qui seront pénalisés, notamment dans la marine et
l'armée de terre.
Vous le savez, nous avons depuis longtemps exprimé le souhait que, dans les
budgets successsifs, soient considérés comme prioritaires les programmes
d'équipement visant à protéger notre espace national et à favoriser les
commandes aux arsenaux et aux établissements d'Etat qui sont fragilisés depuis
de longues années.
A de nombreuses reprises, nous avons demandé que la baisse des crédits
d'équipement affecte en premier lieu les crédits nucléaires, sans remettre en
cause bien évidemment notre capacité de dissuasion défensive.
Il est utile, de ce point de vue, de regarder en arrière pour tirer un premier
bilan, dont on peut dire qu'il est positif.
En effet, sans entamer, loin s'en faut, ses capacités fondamentales de
dissuasion nucléaire, notre pays a pu et a su faire d'utiles et importantes
économies sur les crédits consacrés aux forces nucléaires, en les diminuant de
moitié entre la loi de finances pour 1992 et le présent projet de budget : 32
milliards de francs contre 16 milliards de francs aujourd'hui.
La démonstration a été faite qu'il était possible de limiter sensiblement ces
dépenses sans remettre en cause l'essentiel.
Durant de nombreuses années, nous n'avons eu de cesse de faire cette
revendication. Nous avions alors essuyé certains qualificatifs peu reluisants
que nous pourrions retourner aujourd'hui à leurs auteurs, avec nos
compliments.
Rappelons-nous les mesures de réduction d'armement et d'équipement nucléaires
prises ces dernières années par notre pays qui, à sa façon, a accompagné le
mouvement engagé par les Etats-Unis et l'URSS, notamment sous Gorbatchev : la
fermeture du Centre d'expérimentation du Pacifique ; le démantèlement des
missiles nucléaires tactiques Hadès et de la composante stratégique sol-sol
installée au plateau d'Albion ; la fermeture des usines de production de
matières fissiles à usage militaire de Pierrelatte et de Marcoule.
J'ai dit à l'instant « à sa façon », car on peut aujourd'hui encore déplorer
que le Président de la République et le gouvernement de l'époque n'aient pas
englobé ces dispositions dans une démarche diplomatique d'envergure visant à
relancer le processus de réduction en cours, - à renforcer le traité de
non-prolifération et pourquoi pas ? - visant à commencer de préparer le futur
traité Start III.
Sommes-nous aujourd'hui au bout des efforts d'économies, de l'effort de
réflexion ? Sommes-nous condamnés à rester muets en attendant que la marche en
avant vers le désarmement nucléaire reprenne sous l'impulsion d'autres nations
? Bien évidemment, non !
Pour notre part, nous souhaitons une plus forte présence de la France sur ce
terrain car notre propre sécurité dépend tout autant des capacités de notre
outil de défense et de la qualité de ceux qui le servent que des initiatives
que notre pays saura mener pour relancer le mouvement de réduction des arsenaux
nucléaires et, surtout, conforter la non-prolifération.
C'est d'autant plus souhaitable et, ajouterais-je, attendu par de nombreux
pays dans le monde, que l'action de la France a été décisive, notamment sous ce
gouvernement, dans la conclusion de plusieurs traités : la convention
d'interdiction des armes chimiques, le traité interdisant les mines
anti-personnel, le traité d'interdiction des essais nucléaires et nous sommes
le premier pays possédant l'arme atomique à avoir ratifié ce dernier, je le
rappelle.
Il semble également que notre pays ait pris une part importante dans la
préparation du futur traité d'interdiction de production des matières fissiles
à utilisation militaire.
La France tend, depuis peu, à mieux occuper sur de nombreux terrains sa place
sur la scène internationale. Peu de pays, vraiment, nous feront le reproche
d'aller plus loin dans nos initiatives, notamment dans le domaine des armes
nucléaires.
D'autant que la dégradation de l'armement nucléaire russe - armement qui fut
la fierté affichée de l'Union soviétique - pose d'immenses problèmes.
Cette fierté est contestable au regard non seulement des pires imprudences
technologiques qui ont été commises dans la conception de la plupart des
centrales électriques, pour les réacteurs, qui sont mal isolés, pour les
sous-marins, qui ont entraîné, parmi les équipages, des pertes aussi sévères
que soigneusement dissimulées, mais aussi de l'irresponsabilité qui, trop
souvent, a présidé au stockage des déchets, tant civils que militaires, exposés
en plein vent dans des dépôts superficiels ou sur des fonds marins peu
profonds.
L'incroyable début de procès, heureusement ajourné sous la pression
internationale, intenté contre l'ex-capitaine Alexander Nikitine, illustre trop
bien l'énorme dossier de la pollution radioactive de la presqu'île de Kola.
Par ailleurs, l'accident qui est survenu le 11 septembre dernier sur un
sous-marin nucléaire russe, toujours dans cette zone de Mourmansk, et qui a
fait dix morts, montre - ce que nous savions déjà - à savoir la sinistre
possibilité d'un accident, d'une fausse manoeuvre aux conséquences bien plus
graves.
La plupart des experts indiquent que, dans moins de deux ans, la Russie ne
sera capable de disposer que de 1 000 têtes nucléaires opérationnelles. Cela
vaut ce que cela vaut, mais c'est déjà très en dessous des 3 500 têtes que
prévoyait le traité Start 2. La Russie est-elle en mesure de traiter cet
immense problème du démantèlement de milliers de têtes nucléaires ? Poser la
question, c'est déjà quasiment y répondre !
Selon nous, le futur traité Start 3 devrait, si possible, comporter des
dispositions visant à résoudre cette question d'intérêt mondial.
La France est, je crois, en position non seulement de pousser les Etats-Unis
et la Russie à accélérer, ou du moins à reprendre le processus de réduction des
armes nucléaires, mais aussi de donner au futur traité Start 3 un contenu à la
hauteur des enjeux actuels.
Passons d'autres pistes en revue. Chacun le sait, l'élargissement de l'OTAN à
trois pays anciens membres du pacte de Varsovie a été le facteur principal de
blocage de la ratification du traité Start 2 par la Douma russe.
A notre sens, cet élargissement est une faute politique et historique grave,
mais c'est désormais, hélas ! un fait en cours d'accomplissement.
Il faut, malgré cet obtacle, susciter des initiatives permettant de débloquer
le processus de désarmement en cours.
A ce propos, est-il vain de penser, monsieur le ministre, que la conclusion
d'un traité instaurant une zone dénucléarisée en Europe centrale et orientale
pourrait avoir des effets positifs, notamment en Russie ? La France ne
pourrait-elle pas être porteuse de cette idée ?
Par ailleurs, après l'allégement par le président Mitterrand, en 1992, du
niveau d'alerte de nos forces nucléaires, ne peut-on pas envisager des
propositions françaises de désactivation concertée, par étapes, des têtes
nucléaires ?
Il devrait être possible de conduire l'ensemble des arsenaux nucléaires de
l'état d'alerte à l'état de veille.
Ne serait-il pas souhaitable d'éviter l'emport de l'arme nucléaire sur le
porte-avions
Charles-de-Gaulle
? Certes, par mesure conservatoire, on
peut continuer de prévoir un emport dans la fabrication du Rafale marine
porteur de l'ASMP et, à bord du navire, au niveau des installations spéciales.
Mais ne serait-ce pas un geste positif de la France que d'annoncer pour le
moins la mise en sommeil de sa composante nucléaire aéronavale ?
S'agissant du futur missile stratégique M 51, vous connaissez nos
préventions.
Nous rejetons toute idée de désarmement nucléaire unilatéral de notre pays,
nous reconnaissons la force océanique sous-marine comme le noyau dur de notre
dissuasion, mais nous n'acceptons pas, par respect du processus de détente et
par souci de confirmer le traité de non-prolifération - notamment son article 6
- le développement et la production d'armes nucléaires nouvelles.
Comment prêcher la non-prolifération au monde entier, singulièrement à de
grandes nations comme l'Inde, et poursuivre dans le même temps pour nous-mêmes
la fabrication de nouveaux armements nucléaires ?
Après le M 51, on développera un autre missile portant plus loin, plus précis,
comportant plus de têtes nucléaires, elles-mêmes plus furtives et mieux dotées
de leurres pour échapper aux systèmes antimissiles, etc. Où tout cela
mènera-t-il ?
Cela dit, monsieur le ministre, nous savons aussi que, dans ce domaine,
décider un simple maintien en l'état équivaut à un désarmement dans quinze ans
ou vingt ans, et qu'il nous faut garder un potentiel scientifique et industriel
nécessaire à la fabrication de missiles.
Au milieu de tous ces éléments contradictoires, nous devons trouver une
position d'équilibre. L'a-t-on atteinte en maintenant la décision de
fabrication du M 51 ? Nous n'en sommes pas convaincus.
Quant à la simulation, s'il s'agit de passer purement et simplement des essais
grandeur nature aux essais grandeur laboratoire, on peut s'interroger sur
l'éthique d'une telle démarche et sur l'utilité finale du traité d'interdiction
des essais nucléaires souterrains, sauf à interdire les essais nucléaires à
ceux qui n'ont pas les moyens de se doter de laboratoires de simulation !
Cette situation ne tiendra pas longtemps, à supposer d'ailleurs que le traité
d'interdiction entre réellement en application.
Notre laser mégajoule est-il, oui ou non, susceptible d'avoir des applications
civiles ?
Dans l'affirmative, pourquoi ne pas, dès maintenant et dans certaines
conditions, associer la recherche civile ?
Dans la négative, qu'est-ce qui empêche notre futur laser mégajoule de se
rapprocher des dispositifs similaires qui sont en cours d'installation en
Allemagne et au Japon, et qui, jusqu'à nouvelle information, ne sont pas des
instruments militaires ?
Nous avons constaté, non sans amertume, le recul des crédits affectés au
spatial militaire, et nous savons bien que vous n'y êtes pour rien, ni même
Bercy.
Ce n'est pas ici qu'il est utile d'insister sur l'importance, pour une nation
comme la nôtre, d'avoir ses propres forces de renseignement, notamment grâce
aux programmes spatiaux en coopération avec des partenaires européens.
D'ailleurs, pourra-t-il y avoir un jour une réelle politique étrangère et de
sécurité commune en Europe et un début d'identité européenne de défense sans
source autonome de renseignements et d'informations des Américains ?
Là encore, poser la question, c'est déjà y répondre.
Le retrait des Britanniques du programme successeur du système Syracuse II et
la marche arrière, malgré les engagements pris, de l'Allemagne enclenchée sur
les programmes Helios II et Horus montrent, une fois de plus, les difficultés
qu'il y a à mener des nouveaux programmes portant sur des réalisations qui
viennent trop en concurrence avec la toute-puissance américaine.
S'agissant de notre industrie de défense, je me bornerai, compte tenu du temps
qui m'est imparti, à deux remarques.
Tout d'abord, concernant les regroupements à l'échelle européenne, nous sommes
bien sûr ouverts à toute réflexion, à tout projet qui renforcent la cohérence,
la coopération des alliances entre les différentes entreprises et sociétés de
l'industrie de défense.
Nous sommes parfaitement conscients de la nécessité de cet élargissement de la
coopération pour fabriquer à moindre coût pour les contribuables et pour
résister à la formidable puissance de la concurrence outre-Atlantique.
Mais il y a deux pistes que nous ne souhaitons pas suivre, ce sont celles qui
consistent à céder aux ultralibéraux, en privatisant « à tout va » notre outil
industriel de défense, et à accepter de dissoudre des éléments structurants de
notre industrie dans des nouveaux ensembles européens.
Coopération, alliance, cohérence, oui !
Intégration et perte de souveraineté, non !
Ma deuxième préoccupation portera, vous le devinez aisément, sur la situation
de la DCN et du GIAT.
Certes, et il faut s'en réjouir, la fin de la guerre froide, le recul des
menaces militaires classiques ont engendré une baisse des dépenses militaires
conventionnelles et une réduction du marché des armes à l'exportation.
Ce recul inéluctable s'est, hélas ! accompagné en France, pour nos
établissements d'Etat, de problèmes aggravants : la réduction du format de nos
armées, notamment de l'armée de terre ; la compression - qui se dessine de plus
en plus, notamment dans ce budget - des moyens de fonctionnement du fait du
coût réel de la professionnalisation ; la diversification des activités à dose
trop homéopathique, à notre avis ; les placements hasardeux en bourse ; la
nécessité de retour à l'équilibre financier après, pour le GIAT, un trou de
plus de 10 milliards de francs.
Il est inadmissible que les salariés doivent, une fois de plus, supporter les
conséquences d'événements et d'imprévoyances dont ils ne sont pas
responsables.
Avec ce nouveau plan de récession, le quatrième, qui supprime, d'ici à 2002, 4
000 emplois touchant le GIAT, le coup est rude, l'émotion est vive,
l'incompréhension est forte.
Nous sommes solidaires de la proposition de nos collègues de l'Assemblée
nationale visant à instaurer un moratoire sur la restructuration en cours afin
d'élaborer un plan de transition qui prenne en compte une nécessaire
diversification, l'application des trente-cinq heures, la nécessité de
préserver un savoir-faire de haut niveau et une activité symbole de
l'indépendance de notre défense.
Le temps me manque pour parler plus amplement de la souhaitable commande
pluriannuelle du Rafale, disposition importante dans l'immédiat pour notre
industrie et pour notre armée de l'air, mais aussi pour la crédibilité de nos
efforts d'exportation.
Le temps me manque pour parler des décisions positives que nous attendons, non
sans impatience, concernant l'ATF.
Le temps me manque assurément pour parler plus avant des autres points et des
autres faiblesses de votre projet de budget.
Au total, au regard des contrastes d'une politique de défense trop inspirée, à
notre avis, par les choix du Président de la République et du budget qui
l'alimente, l'ensemble des sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen s'abstiendra.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
(M. Jean Faure remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Delanoë.
M. Bertrand Delanoë.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un bon
projet de budget que nous examinons aujourd'hui. En effet, pour la première
fois depuis 1990, le budget des armées est revu à la hausse. Il permet de
répondre aux exigences de la défense de notre pays, il consacre la poursuite de
la mise en oeuvre de l'actuelle loi de programmation, après l'adaptation
consécutive à la revue des programmes, et il confirme, enfin, la priorité
donnée aux grands chantiers en cours.
Trois objectifs majeurs me paraissent fonder ces orientations.
Le premier objectif concerne la poursuite de l'adaptation et de la
modernisation de nos forces. Ainsi, conformément aux conclusions de la revue de
programmes, les capacités de prévention des crises ont été préservées. Les
grands programmes de cohérence interarmées ont été privilégiés et ont pu
bénéficier de l'augmentation des ressources des titres V et VI.
Malgré quelques difficultés rencontrées s'agissant de certains programmes dans
le domaine de l'espace, je note avec satisfaction que ce projet de budget
s'inscrit pleinement dans une perspective européenne. La priorité est donnée à
la poursuite des programmes en coopération, auxquels plus de huit milliards de
francs sont consacrés.
Le deuxième objectif porte sur la poursuite de la professionnalisation des
armées, dont la priorité est réaffirmée. Cette année verra, d'une part, une
forte diminution du nombre des appelés et des sous-officiers et, d'autre part,
la création d'emplois pour des militaires du rang professionnel, des civils,
mais aussi des premiers postes de volontaires. Toutes les dispositions ont
également été prises, y compris sur le plan budgétaire, pour permettre la
poursuite de la professionnalisation selon le calendrier défini par la loi de
programmation. Cependant - mais j'y reviendrai - le coût de la
professionnalisation a imposé des efforts accrus en matière de maîtrise des
dépenses de fonctionnement.
Enfin - c'est le troisième objectif - ce projet de budget consacre une
augmentation des crédits destinés à l'accompagnement des restructurations
militaires et industrielles.
Ces priorités s'inscrivent dans celles, plus vastes, qui ont été définies par
le Premier ministre. En effet, la lutte pour l'emploi se retrouve dans votre
budget, tout comme la recherche du renforcement de l'appareil industriel ou
encore le développement de la construction européenne. De plus, il s'intègre
dans l'optique générale de l'amélioration de la sécurité intérieure.
Toutefois, ce projet de budget suscite un certain nombre d'interrogations, au
premier rang desquelles figure l'évolution du titre III. Cette évolution est
double : d'une part, sa proportion dans la totalité du budget de la défense
augmente, pour atteindre 55 % des dotations initiales ; d'autre part, il
connaît une évolution interne assez préoccupante, avec une nouvelle
augmentation de 3 % des crédits de rémunérations et de charges sociales, qui
représentent désormais 80 % du titre III. Dès lors, une telle évolution s'opère
au détriment des crédits de fonctionnement, qui perdent 9 %.
Ces deux constatations renforcent nos interrogations sur le coût de la
professionnalisation. Ce coût tend à se réaliser au détriment non seulement des
crédits d'équipement, mais également du fonctionnement de nos forces et de leur
entraînement. Si, dans ce budget, un certain équilibre a pu être trouvé entre
ces différentes charges, sans qu'aucune d'elles en souffre trop, des craintes
subsistent pour l'avenir.
Les conditions requises pour le bon déroulement de la professionnalisation ont
été réunies. Les postes budgétaires nécessaires à la réduction du format des
armées ont été ouverts. les mesures d'accompagnement comme les aides au départ
ont été mises en place. Mais ces dispositions pèsent lourdement sur le budget,
plus lourdement que ce qui avait été prévu dans la phase de conception de la
professionnalisation. Cette mauvaise estimation, nous la dénoncions dès 1996 ;
c'est pourquoi je m'étonne que certains la découvrent et ne s'en inquiètent
qu'aujourd'hui.
J'espère néanmoins que le décalage ne sera pas trop important entre les
prévisions et les besoins réels. Sinon, hormis une réduction du format, ce
serait une nouvelle fois les crédits d'équipement qui en subiraient les
effets.
Puisque nous parlons de professionnalisation, je voudrais rappeler que
celle-ci reposait sur trois piliers : l'appel de préparation à la défense, mis
en place dès cette année avec succès, mais également le volontariat et les
réserves qui font encore défaut et rendent cette vaste réforme inachevée. Si
j'ai pris bonne note, monsieur le ministre, de ce que le projet de loi sur les
réserves devrait être présenté en conseil des ministres prochainement, je
tenais tout de même à souligner, de nouveau, l'importance de ces deux réformes
pour la refondation, la modernisation du lien entre les citoyens et leur
défense.
A présent, je voudrais mettre l'accent sur un autre point qui me paraît
essentiel : la restructuration de notre industrie de défense à l'échelon
européen. Je pense particulièrement au regroupement des industries
aéronautiques.
Je veux saluer l'action du Gouvernement, qui a su saisir avec détermination le
dossier de la restructuration des industries de défense.
Après avoir favorisé le rapprochement d'Aérospatiale et de Matra Haute
Technologie, il est parvenu, et ce n'était pas facile, à adjoindre à cet
ensemble Dassault Aviation. J'espère que ce pôle aéronautique français sera
achevé au début de 1999 en vue d'établir les partenariats nécessaires au niveau
européen. Seule la réunion d'un tel groupe avec DASA et BAe permettra aux
Européens de disposer d'un groupe de taille équivalente aux deux géants
américains Boeing et Lockheed Martin. C'est donc une première étape. Le
rapprochement BAe-DASA ne doit pas mettre Aérospatiale de côté.
J'appuie les efforts accomplis par le Gouvernement, avec ses partenaires
européens, pour réaliser ce projet. C'est en effet primordial, non seulement
pour la sauvegarde de notre industrie de défense, mais aussi pour
l'indépendance stratégique de l'Europe.
Certains signes encourageants vont d'ailleurs dans le sens d'une meilleure
coopération européenne. Je me réjouis, par exemple, de constater que les
industriels européens ont réaffirmé leur volonté de créer un groupement
aérospatial intégré. Mais, par-delà le point d'accord sur l'objectif à
atteindre, il reste à poursuivre les négociations pour la création de
l'European Aeronautic and Defence Company, l'EADC.
La signature par la France, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni de la
convention qui octroie à l'OCCAR la capacité juridique de contracter
directement avec l'industrie et de rationaliser la gestion des programmes
d'armement participe aussi de cette démarche, et je m'en réjouis.
Les difficultés rencontrées par certains programmes spatiaux en coopération
européenne ou comme celui de la frégate Horizon montrent, s'il en était besoin,
l'importance et l'urgence de ces évolutions.
Cette réflexion sur l'industrie de défense européenne en appelle une autre sur
l'avenir de la défense européenne et sur notre relation avec l'OTAN, les deux
étant selon moi, intimement liés.
Sur ces sujets aussi, nous devons établir un meilleur dialogue avec nos
partenaires européens. La volonté politique plus clairement pro-européenne des
gouvernements Schröder et d'Alema, les propos de Tony Blair ouvrent de nouvelle
opportunités.
L'Europe doit acquérir la volonté politique d'organiser des opérations
militaires sans l'aide américaine, car c'est de cette volonté politique
collective que dépend notre crédibilité en matière de défense et de
sécurité.
Ainsi, je pense comme vous, monsieur le ministre, qu'il faut instituer un
conseil permanent des ministres de la défense de l'Union européenne. Une telle
décision serait un signe politique très fort.
J'espère toutefois que la traduction dans les faits de ces nouvelles volontés
n'apparaîtra pas trop tardivement. Une position commune doit être élaborée, en
effet, à la veille du sommet de l'OTAN à Washington, lequel doit consacrer la
rénovation du concept stratégique de l'Alliance. Ces évolutions sont décisives
pour la préservation de l'avenir d'une défense européenne indépendante.
En effet, des conclusions de Washington sortiront non seulement une indication
sur ce que sera l'OTAN à l'avenir, mais aussi la définition de ce que pourrait
être le profil de la défense européenne. D'une organisation de défense
collective érigée face à un ennemi bien défini, l'Alliance prend le chemin
d'une organisation de sécurité pan-européenne. Il faudra donc que nous soyons
extrêmement vigilants. S'il convient de maintenir un lien transatlantique fort,
la définition de la zone de compétence de l'OTAN et surtout la nature de la
base juridique de ces opérations ne doivent, en aucun cas, être reléguées au
second plan.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je profite de ce débat budgétaire pour
vous demander des précisions sur la position de la France et pour vous dire mon
espoir qu'elle fera clairement entendre sa voix.
Dans cet esprit, je voudrais conclure mon propos en énonçant une piste de
réflexion pour l'avenir. En effet, le moment n'est-il pas venu, pour la France,
de proposer à ses partenaires européens que s'engagent maintenant des
discussions en vue d'élaborer un livre blanc européen ?
Vous le constatez, monsieur le ministre, le groupe socialiste se sent en
parfaite cohérence avec vos analyses et votre action. C'est le sens du vote
positif qu'il émettra sur votre budget.
J'ajouterai simplement que je me réjouis que ce vote rejoigne celui de la
majorité de la commission des affaires étrangères et de la défense. Si je ne
partage pas absolument toutes les réserves que formule cette dernières, il
m'est agréable que nous puissions, ensemble, soutenir l'effort de défense du
pays.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Branger.
M. Jean-Guy Branger.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion
de l'examen des crédits destinés au ministère de la défense, je souhaite
évoquer la situation de la gendarmerie nationale.
Depuis une génération, cette arme n'a cessé de voir croître ses missions et
ses charges. Or les moyens budgétaires et en hommes n'ont pas accompagné de
façon satisfaisante cette évolution, en tout cas depuis que je suis
parlementaire, c'est-à-dire depuis vingt ans, monsieur le ministre ; j'ai
l'honnêteté de dire que ce n'est pas d'aujourd'hui !
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Nous avons le même nombre d'heures de vol !
M. Jean-Guy Branger.
Exact, monsieur le ministre ! Je suis heureux de vous l'entendre dire.
La gendarmerie connaît donc des problèmes à un moment où la
professionnalisation des armées va modifier profondément son fonctionnement. La
progression des effectifs prévue par les crédits budgétaires affectés à la
gendarmerie est conforme à la loi de programmation militaire, mais elle n'a pas
été suivie d'une augmentation parallèle des crédits de fonctionnement.
Les services de la gendarmerie vont connaître des difficultés, notamment dans
le fonctionnement des unités. Je vous remercie de bien vouloir nous donner des
informations sur la diminution de 50 millions de francs des crédits
initialement prévus.
De même, le projet de budget pour 1999 de la gendarmerie s'avère insuffisant
pour ce qui concerne les infrastructures de l'arme. Pour accroître la sécurité
de nos concitoyens, il faut accélérer les moyens remarquables de communication
que sont les réseaux Rubis et Saphir. Il faut renouveler rapidement les parcs
automobiles, augmenter le nombre d'hélicoptères et renouveler les armements,
notamment les pistolets mitrailleurs.
Un autre point à soulever est celui des infrastructures du parc immobilier. Le
renouvellement de ce parc et sa modernisation sont beaucoup trop lents. Il
convient que les gendarmes, qui mènent une vie dure, difficile et dangereuse,
soient bien logés professionnellement et personnellement. C'est bien là le
minimum de reconnaissance que la nation leur doit.
Concernant les infrastructures, je me permettrai, monsieur le ministre, de
vous poser une question qui concerne plus particulièrement mon département. Le
départ de l'école des fourriers de Rochefort, que le Gouvernement a décidé,
sera-t-il compensé par l'installation d'une importante école de gendarmerie ?
Pourriez-vous, à l'occasion de cette discussion budgétaire, me confirmer le
caractère définitif de cette annonce ?
Par ailleurs, au moment où une concertation est conduite sur l'ensemble du
territoire pour optimiser les forces de sécurité, gendarmerie et police
nationale, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous mettre en garde quant
aux conséquences graves qui découleraient de décisions hâtives et
insuffisamment réfléchies.
Je ne souscris pas aux propositions faites dans mon département. Ne détruisez
pas ce qui marche bien ! Globalement, le monde rural manque de gendarmes. Les
élus que nous sommes sont prêts à collaborer objectivement pour que soit
assurée la sécurité des Françaises et des Français. Sur ce point, il ne faut
pas faire de démagogie.
N'oubliez pas que les gendarmes sont des collaborateurs permanents et
disponibles pour les maires et élus que nous sommes tous.
Enfin, monsieur le ministre, je pense que le rôle joué par la gendarmerie dans
la vie quotidienne du pays et l'importance des missions multiples nécessitent
qu'un jour un débat soit organisé au sein de notre Haute Assemblée pour mieux
identifier les problèmes de cette arme présente sur tout le territoire.
Monsieur le ministre, voilà quelques instants, nous avons tous deux fait état
de notre long passé de parlementaires. Pour ma part, je me rappelle avoir dit -
mais bien d'autres le disaient aussi - aux différents gouvernements qui se sont
succédé : « Attention, il y a des problèmes dans la gendarmerie ! » On nous a
toujours écoutés poliment ! Mais, pour que les dernières décisions importantes
soient prises, il a fallu attendre le « grand frisson » - c'était d'ailleurs un
peu plus qu'un frisson - de la fin des années quatre-vingt.
Alors, de grâce, ne recommençons pas ! Lorsque les parlementaires ont les
cheveux grisonnants, il faut les prendre au sérieux !
M. Henri de Raincourt.
Les autres aussi !
(Sourires.)
M. Jean-Guy Branger.
Je vous dis cela avec beaucoup de sympathie, mais aussi avec beaucoup de
détermination.
Pour les élus locaux que nous sommes tous ici, ce débat que je réclame aurait,
dans mon esprit, pour seule finalité de mieux aider une gendarmerie, qui, elle,
aide en permanence, au quotidien, la France.
Pour conclure, une cruelle information : j'apprends que, hier, pendant la
réunion du comité central d'entreprise, les dirigeants de la société Cummin's
Warsilla ont annoncé qu'était maintenue leur décision de fermer le site de
Surgères, où est produit le moteur du char Leclerc. Si l'on ajoute aux 252
emplois directs ceux de la sous-traitance, ce sont aujourd'hui, dans cette
ville dont je suis le maire, environ 400 emplois qui sont ou seront supprimés,
c'est-à-dire 40 % des emplois industriels : un véritable drame humain.
Nous nous connaissons depuis longtemps, monsieur le ministre. Permettez-moi de
compter sur votre soutien actif pour venir au secours d'une population tout
entière.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Peyrat.
M. Jacques Peyrat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que voilà un
budget en trompe-l'oeil ! Certes, il enregistre une légère augmentation, mais
on reste loin des niveaux prévus dans la loi de programmation militaire.
Comme l'ont déclaré le chef d'état-major des armées, celui de l'armée de terre
et celui de l'armée de l'air, ce budget est arrivé à sa limite de rupture, s'il
ne l'a pas déjà dépassée. Et je comprends que cinq généraux d'armée aient pu
démissionner récemment, si du moins l'information qui a été lancée par un
journal est avérée ; mais vous nous le direz tout à l'heure.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je peux vous le dire tout de suite : c'est tout à
fait inexact !
M. Jacques Peyrat.
Mais il existe une menace supplémentaire qui pèse sur son exécution. Car le
budget de la France a été établi à partir d'un taux de croissance élevé,
peut-être hasardeux. Le risque est grand de compenser l'insuffisance éventuelle
des rentrées fiscales par de nouvelles coupes dans le budget de la défense,
comme cela a été fait dans les années précédentes.
Oh ! je sais que rien n'a été facile pour vous, mais l'insuffisance des
crédits m'inspire deux craintes : elle menace à la fois notre capacité
opérationnelle et notre capacité stratégique, c'est-à-dire notre
indépendance.
La menace qui plane sur notre capacité opérationnelle est due essentiellement
à la baisse du titre III, baisse d'autant plus importante que la part des
rémunérations et charges sociales ne cesse d'augmenter, ce qui limite les
autres crédits de fonctionnement, tels que l'entretien, et l'entraînement.
L'entraînement et l'activité des forces souffriront en effet de cette
situation : des unités de l'armée de terre resteront dans leur casernement, des
navires resteront à quai et des appareils de l'armée de l'air resteront au sol.
Cela se traduira malheureusement, obligatoirement, par une baisse de la
capacité opérationnelle de nos forces, alors qu'une des justifications
primordiales de la professionnalisation réside, à mon avis, dans la certitude
de posséder des unités, certes plus petites, mais dotées de moyens modernes et
puissants, qu'elles savent mettre en oeuvre.
La menace qui pèse sur notre capacité opérationnelle s'explique aussi par les
décisions en matière d'équipement.
L'amiral de Gaulle soulignait tout à l'heure, et c'est bien normal, qu'un seul
porte-avions ne nous permet plus de prétendre à une capacité de réaction
efficace en cas de crise, notamment sur des théâtres étrangers et lointains. Il
ne nous reste plus qu'à prier pour que les grandes crises dans lesquelles la
France serait amenée à intervenir ne se produisent pas quand le
Charles-de-Gaulle
sera immobilisé pour sa maintenance.
Une même critique peut être formulée concernant l'armée de l'air et sa
capacité de projection.
Il est clair que la France a un grand besoin d'un nouvel avion de transport
pour succéder au Transall ; vous le savez, monsieur le ministre, et vous n'êtes
d'ailleurs pour rien dans la situation qui prévaut actuellement à cet égard.
En 1985, nous étions tous les deux députés. André Giraud occupait alors les
fonctions qui sont les vôtres aujourd'hui. On parlait déjà de la nécessité d'un
nouvel appareil de transport.
Celui-ci s'impose d'autant plus aujourd'hui que l'objectif affirmé de l'armée
opérationnelle est de devenir « projetable ». Comment projeter si l'on n'a pas
les moyens de le faire ?
Notre capacité stratégique, pourtant gage de notre indépendance, est également
mise en cause.
Depuis la mise en oeuvre du satellite d'observation optique Helios, la France
s'est dotée d'une capacité autonome d'appréciation dans la prévention et la
gestion des crises. Il est donc nécessaire de poursuivre dans cette voie. Or le
budget pour 1999 introduit une rupture avec les tendances précédentes.
Le budget de l'espace diminue de plus de 15 % avec l'abandon ou l'interruption
de deux grands programmes : Horus avec l'Allemagne et Trimilsatcom avec la
Grande-Bretagne. De telles décisions sont dommageables compte tenu de
l'importance de ces systèmes qui éclairent les décisions politiques, assurent
l'indépendance d'appréciation et sont en cohérence avec les objectifs majeurs
de la programmation militaire.
Il en va de même pour les crédits de la recherche, qui sont en baisse
constante depuis maintenant six ans alors qu'ils sont d'une importance
stratégique majeure. La préparation de l'avenir est ainsi sacrifiée à la
recherche à court terme d'économies budgétaires.
Quelle est la réalité depuis trois ans ? En 1997, annulation de crédits pour
3,9 milliards de francs ; en 1998, encoche de 8,9 milliards de francs ; en
1999, premiers effets de la « revue de programmes », avec 19,2 milliards de
francs d'économies sur trois ans. Voilà trois décisions majeures qui nous
écartent chaque fois un peu plus de la loi de programmation et de son objectif
: réussir la professionnalisation.
Avec cette « revue de programmes », vous êtes allé, monsieur le ministre, par
force, jusqu'aux limites extrêmes du tolérable pour la défense de notre nation.
Il ne subsiste plus dorénavant aucune marge de manoeuvre.
Nicolas Machiavel, c'était il y a près de cinq siècles, écrivait : « Le Prince
doit avoir une bonne armée et de bons amis ; lorsqu'il a une bonne armée, il a
toujours de bons amis. »
C'est un effet secondaire que votre budget à venir ne devrait pas, monsieur le
ministre, sous-estimer.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais
aborder un problème qui a déjà été évoqué ce matin à cette même tribune par le
maire de Marseille : celui du bataillon des marins-pompiers de Marseille.
Les deux plus grandes agglomérations de notre pays sont défendues, pour des
raisons historiques, par des unités de pompiers militaires : la brigade des
sapeurs-pompiers pour Paris et les départements limitrophes, le bataillon des
marins-pompiers pour la ville de Marseille, ses ports et son aéroport.
Ces unités comptent traditionnellement, dans leurs effectifs, une part
important d'appelés du contingent, 1 100 sur 7 200 à Paris, 500 sur 1 900 à
Marseille.
La réforme du service national va entraîner, dans les trois ans qui viennent,
la disparition totale des appelés. Il est prévu de les remplacer par des
volontaires du service national, et cela en totalité à Marseille, à raison de
30 % à Paris et dans les départements limitrophes.
Le différentiel de solde entre ces catégories de personnel et les anciens
appelés du contingent représente, au minimum, 50 000 francs par an et par
appelé pour Marseille, qui supporte seule la charge de son service
d'incendie.
Le surcoût global s'élèverait donc, au minimum, à 25 millions de francs par
an, auxquels viendraient s'ajouter le coût de certains spécialistes de haut
niveau, comme des médecins et officiers spécialistes devant occuper certains
postes jusque-là confiés à des appelés.
L'Etat, monsieur le ministre, a toujours opposé une fin de non-recevoir aux
demandes de participation émanant de la ville de Marseille, au motif que le
droit commun met le financement des services d'incendie à la charge des seules
collectivités territoriales.
La seule exception, constituée par la brigade des sapeurs-pompiers de Paris,
s'explique, bien sûr, par les risques particuliers qu'impose à cette ville sa
fonction de capitale. Outre que ce financement dérogatoire s'applique non
seulement à la ville de Paris, mais également aux trois départements de la
petite couronne, qui ne subissent pas les mêmes contraintes, il convient de
souligner que ce principe n'est plus opposable aujourd'hui.
En effet, M. le ministre de l'intérieur a récemment annoncé qu'il allait
mettre à la disposition des services départementaux d'incendie et de secours
entre 3 000 et 5 000 emplois-jeunes - et donc financés par l'Etat à hauteur de
80 % - afin de pourvoir des emplois administratifs, logistiques ou
d'enseignement du secourisme.
Le texte prévoyant ces recrutements précise que ces jeunes gens pourront
souscrire en même temps un engagement en tant que sapeur-pompier volontaire.
Cette mesure revient donc à créer autant de sapeurs-pompiers « permanents »,
pris en charge par l'Etat, pour un budget annuel global variant de 276 millions
à 460 millions de francs.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, rien ne semble s'opposer à ce que
l'Etat accepte que soient financés sur l'enveloppe globale consacrée aux
emplois-jeunes les quelque 500 volontaires du service national qui serviront au
bataillon des marins-pompiers de Marseille, sous statut militaire, je me
permets de vous le rappeler.
Il est à noter qu'une démarche similaire a permis de mettre à la disposition
de la police nationale plusieurs milliers d'adjoints de sécurité, qui sont
venus renforcer les effectifs de la police nationale sans pour autant remplir
les critères initiaux attachés aux emplois-jeunes.
Nous aimerions, monsieur le ministre, que vous rapportiez les mesures qui ont
été prises de telle manière que la ville de Marseille ne soit pas pénalisée.
Puisque je n'ai pas épuisé le temps de parole qui m'est dévolu, je souhaite
aborder un autre sujet, sans quitter pour autant le domaine militaire.
Maire de la ville de Salon-de-Provence, je suis particulièrement irrité par
les protestations et autres pétitions émanant de membres de l'intelligentsia
parisienne qui, séjournant dans le Lubéron, ne peuvent plus supporter que les
avions de l'école de l'air de Salon-de-Provence survolent ce territoire ; sans
doute préféreraient-ils qu'ils survolent les HLM de Salon-de-Provence,
d'Avignon ou d'Aix-en-Provence !
Voilà trente ans que les avions de l'écode de l'air survolent le Lubéron et,
jusqu'à une époque récente, personne ne s'est jamais plaint.
Pour nous, la présence de l'école de l'air à Salon-de-Provence fait partie de
notre histoire. Nous tenons à ce que cette histoire continue, nous tenons à ce
que l'école de l'air soit préservée et surtout, monsieur le ministre, nous
tenons à ce que vous ne donniez pas suite à ces protestations, qui sont, de mon
point de vue, un peu trop relayées à Paris par vos amis politiques.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Ce sont vos anciens amis politiques, monsieur le
sénateur !
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos
portera sur l'avenir de la direction des constructions navales, la DCN, et sur
ses problèmes de gestion, notamment en ce qui concerne ses contrats à
l'exportation. En effet, de nombreux parlementaires ont dû être alertés, comme
moi-même, par un article publié dans une revue qui leur est destinée.
Cet article, en fait, reprend des éléments du rapport Boucheron aux termes
duquel la DCN accumulerait les pertes sur les contrats à l'exportation et
serait incapable de mener à bien les restructurations nécessaires pour
affronter la concurrence dans de bonnes conditions de compétitivité. La raison
en serait une totale incapacité à connaître ses coûts.
Ce triste constat ne peut laisser sans réaction au moment du vote du budget de
la défense. Aussi me semble-t-il opportun d'apporter un contrepoint à cette
musique funèbre.
J'observe d'ailleurs au passage que ce constat est fortement démobilisateur
pour une industrie en pleine réorganisation, qui a fait des efforts
considérables d'adaptation depuis deux ans et qui est encore appelée à
poursuivre cet effort.
C'est pourquoi il me semble indispensable aujourd'hui de procéder à une
analyse approfondie du contexte dans lequel la DCN exerce son activité, ainsi
que de ses atouts et de ses handicaps, qui ne sont pas tous de son fait. Il
restera à définir le plus clairement possible les objectifs et les missions qui
lui sont assignés, et j'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez nous
éclairer sur ces points.
Pour en revenir à l'appréciation catastrophique des contrats à l'exportation
portée dans le rapport Boucheron, il semble qu'elle procède d'un point de vue
partiel, pour ne pas dire partial.
L'exemple cité est celui du contrat Mouette, conclu avec l'Arabie saoudite et
qui aurait généré 1,2 milliard de francs de pertes. Or ce contrat fait partie
d'une chaîne dans lequel il faut le replacer. Il faut savoir qu'il s'agissait
d'un contrat de carénage, c'est-à-dire de révision périodique, faisant suite à
un contrat de vente de navires neufs vendus en 1980 à l'Arabie saoudite, le
contrat Sawari 1.
En outre, ce contrat Mouette a fait l'objet d'une négociation conjointe avec
un contrat Sawari 2, bien plus important puisqu'il était d'un montant de 15
milliards de francs, qui représente une charge de travail d'au moins quatre ans
pour la DCN de Lorient, ce qui, vous en conviendrez, en termes d'emploi, est
loin d'être négligeable, notamment au regard du coût économique et social de
leur disparition. Pour en apprécier l'impact réel, on ne peut dissocier
l'ensemble de ces contrats.
Il faut également savoir que d'autres contrats à l'exportation ont généré
d'importants profits, notamment le contrat Bravo, portant sur la vente de
frégates à Taïwan, et que le ministère des finances a récupéré 1,4 milliard de
francs sur les produits financiers de ce contrat, qui auraient dû normalement
rentrer dans le bilan.
On ne peut juger honnêtement des résultats d'une entreprise en ne présentant
que les pertes subies sur certaines réalisations ponctuelles et en les isolant
des profits réalisés par ailleurs. Si de plus, pardonnez-moi de le dire, l'Etat
lui subtilise ces profits à son bénéfice, ce qu'il aime beaucoup faire, aucune
appréciation globale des résultats n'est crédible. Tout le monde en a
conscience en matière d'exportation, il faut savoir se placer sur les marchés
que l'on veut conquérir. C'est le premier acte.
A ce titre, le contrat de vente au Chili de sous-marins Scorpene est sans
doute à la limite de la rentabilité. Mais je rappellerai simplement qu'il
s'agissait de vendre à l'exportation un bateau qui n'existait que sur le papier
ou sur écran informatique et que, pour des raisons de coût, il n'est pas
possible de réaliser un premier de génération, c'est-à-dire un prototype aussi
complexe et ne correspondant pas à un besoin précis. Dans ces conditions, c'est
tout de même un exploit de l'avoir vendu.
Il n'y avait pas d'autre choix, pour aller plus loin, que de trouver un client
prêt à investir sur un produit innovant. C'est ce caractère innovant qui a
permis de remporter le marché. D'où l'équilibre d'un premier contrat qui peut
paraître précaire, mais qui, incontestablement, doit ouvrir des marchés, alors
que, par ailleurs, les études de réduction des coûts sont en cours.
Dans ce domaine, il faut de la continuité, de la persévérance et accepter une
part de risque. La construction et l'expérimentation d'un prototype quasi
financé par sa vente me paraissent devoir être portées à l'actif de la DCN.
Par ailleurs, d'après les informations que j'ai pu recueillir dans une revue,
il ne faut peut-être pas avoir trop de complexes, car les sous-marins
américains qui sont construits par des chantiers privés coûteraient 20 % à 30 %
plus cher que les nôtres.
Le challenge pour la DCN est donc de gagner en productivité, tout en évitant
les pertes de compétence, c'est-à-dire de savoir-faire et de matière grise,
permettant des performances technologiques ayant peu d'équivalent dans le
monde.
Parallèlement, il faut résoudre la question de ce que l'on appelle la
variabilité, c'est-à-dire prendre en compte le fait qu'il y aura moins de
bateaux à construire dans l'avenir, au moins à l'échelon national, mais qu'ils
seront plus complexes.
Cela m'amène à nuancer quelque peu l'idée très répandue que l'export n'a
d'intérêt que si l'on y gagne de l'argent. C'est en partie vrai, bien sûr, mais
c'est aussi une source irremplaçable d'évaluation comparative et
d'innovation.
L'export est également vital pour maintenir le niveau d'activité et d'emploi,
ainsi que les moyens propres à satisfaire les besoins de notre marine
nationale. Or, dans ce domaine national, les contraintes budgétaires obligent à
moduler la cadence des marchés, de façon qui n'est pas toujours optimale.
On sait que les retards coûtent cher ; la Cour des comptes l'a d'ailleurs
souligné. Ils interdisent les commandes de séries, sources d'économies,
démobilisent les personnels et privent de lisibilité les prévisions à moyen
terme dont ont besoin les industriels.
Je rappelle ici que, par exemple, la première tôle du SNLE-NG
Le
Triomphant
a été découpée en 1986, après de longues années d'études, et que
le dernier sous-marin de cette série - ils ne sont pas nombreux - sera, en
principe, livré en 2008, c'est-à-dire vingt ans plus tard.
Or il faut aussi savoir que les délais sont totalement de nature financière et
absolument pas de nature technique.
Certes, la productivité ne doit pas être réservée au secteur privé, mais la
grande différence avec l'administration - et je rappelle que la DCN en est une
- porte sur la notion de rentabilité.
En effet, dans le privé, on rentabilise un capital investi, alors que, dans le
public, on affecte des ressources budgétaires. Il faut donc avoir des coûts
compatibles avec la contrainte budgétaire qui, de plus, est annuelle, ce qui
est gênant.
Or l'Etat, dans cette affaire, a des exigences contradictoires, puisqu'il se
veut à la fois client, dans l'exercice de son rôle régalien de garant de la
défense, actionnaire, aménageur du territoire et responsable d'une politique
sociale. Que l'Etat cumule l'ensemble de ces fonctions n'est pas simple, mais
c'est ainsi.
A cet égard, la séparation entre la DCN étatique, maître des programmes, et la
DCN industrielle n'a rien changé, puisqu'elle ne correspond à aucune réalité
juridique. La DCN n'a pas l'autonomie d'un établissement public ; elle doit se
soumettre à toutes les contraintes de gestion adminitrative, dont la lourdeur
n'est malheureusement pas compatible avec la souplesse de réaction nécessaire à
toute entreprise dans une économie de marché, qui plus est internationale, car
nos concurrents ne sont pas des entreprises nationales.
Monsieur le ministre, pensez-vous - et cette question est importante - que
l'adaptation du format de la DCN aux besoins de la marine, assurée par une
véritable politique industrielle compétitive, qui est nécessaire, pourra être
menée dans le cadre des institutions actuelles ?
Je sais bien que, après une longue phase de conception et de concertation,
l'essentiel d'une nouvelle dynamique commence seulement à se faire sentir, mais
je tenais ici à souligner les problèmes que nous avons à résoudre.
Il nous faut absolument arriver à marier l'excellence économique à
l'excellence technologique. C'est le grand défi !
La DCN possède de réelles compétences et elle sait remporter de remarquables
succès. Je pense, quant à moi, qu'elle peut et qu'elle doit pouvoir relever ce
défi, mais encore faut-il que son avenir soit lisible et qu'on ne la démotive
pas dans son effort d'évolution en lui imposant un carcan qui l'empêche de
fonctionner et de remplir les missions qui lui sont assignées.
J'espère, monsieur le ministre, que, à l'avenir, de nouvelles solutions
pourront être trouvées pour lui donner la souplesse qui lui manque, ce qui
n'interdit nullement, bien évidemment, les contrôles.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Auban.
M. Bertrand Auban.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons
voter ce budget pour 1999 qui apparaît, après « l'encoche » de 1998, comme
étant un bon budget. Il préserve l'avenir et il permettra au ministre de la
défense de poursuivre ses grands travaux, à savoir la réforme de la gestion
financière du ministère, la montée en puissance de la professionnalisation, la
refonte des réserves et la réorganisation industrielle.
Il faut se réjouir que le mouvement continue de réduction des crédits
d'équipement soit enrayé grâce à la hausse globale de 7,5 % du titre V.
« L'encoche » réalisée en 1998 n'est cependant que partiellement résorbée,
puisque les dotations des titres V et VI, soit 86 milliards de francs, restent
inférieures de plus de 3 milliards de francs à la référence de la programmation
militaire. Il n'empêche que, si cette tendance est confirmée et maintenue après
1999, nous pourrons dire que le budget présenté cette année marque un tournant
significatif.
Cette réorientation budgétaire, à mettre au crédit de votre ténacité, monsieur
le ministre, permet de fixer un niveau de crédits constant pour le titre V sur
quatre ans. Il convient de souligner deux aspects de la démarche de votre
ministère, à savoir les commandes pluriannuelles et la revue de programmes de
mars dernier.
Utilisées avec discernement, les commandes pluriannuelles donnent une bonne
visibilité aux industriels et facilitent la planification des ressources.
La construction d'une industrie de défense européenne forte est une priorité.
Il s'agit notamment de permettre à l'Europe de maîtriser les technologies clés
et à nos armées de bénéficier des meilleurs matériels au meilleur coût.
Le Gouvernement s'est attelé à cette tâche dès le mois de juillet 1997. Ainsi,
un premier résultat significatif a été la déclaration conjointe des trois
gouvernements allemand, britannique et français du 9 décembre 1997.
Depuis, le processus d'adaptation de l'industrie européenne de défense s'est
révélé difficile. L'ancienne majorité n'avait pas fait, en la matière, du bon
travail.
Les difficultés, nous les connaissons. Il s'agit, d'abord, d'adapter nos
industries à l'évolution des marchés, marchés qui sont moins porteurs et sur
lesquels s'exerce une vive concurrence internationale, notamment de la part des
Etats-Unis, qui profitent de leurs avantages politiques et industriels pour
essayer d'écarter, de marginaliser les Européens.
Il y a, ensuite, la question de la liberté de choix et de l'autonomie de
décision de la France mais aussi des Européens. Les Américains ne souhaitent
pas partager certaines technologies. Voilà qui ne doit pas nous surprendre ; en
revanche, cela doit nous inciter à persévérer dans la voie que la France a
tracée depuis longtemps, à savoir l'autonomie et la liberté de choix pour nous
et pour l'Europe.
Puis, il y a les réticences de nos partenaires européens. Ils n'ont pas tous
la même vision en la matière et certains succombent à la facilité d'une
sécurité garantie par d'autres puissances.
Enfin, il y a les intérêts contradictoires des entreprises industrielles
elles-mêmes, souvent plus réceptives aux intérêts de la Bourse qu'aux exigences
de l'intérêt général.
Il n'est donc pas simple de moderniser et de restructurer l'outil industriel
de l'armement.
Je veux faire remarquer que l'industrie de défense constitue un atout
économique majeur dans notre pays. Il y a, bien entendu, l'emploi et les
économies régionales. Mais ce n'est pas tout. Nous devons aussi prendre en
compte la place de cette industrie dans le développement scientifique et
technique. Il s'agit des secteurs stratégiques où les enjeux politiques,
économiques et financiers sont déterminants pour définir la place de l'Europe
au XXIe siècle.
Bien sûr, nous ne partons pas de zéro ; il existe déjà des entreprises
européennes de défense qui ont une taille significative et qui obtiennent de
bons résultats. Le mouvement est lancé et nous avons pu assister depuis
plusieurs mois à des rapprochements qui sont actuellement en voie
d'intégration. A l'échelle européenne aussi, les choses bougent et de nombreux
projets communs prennent une importance croissante : hélicoptères, frégates,
avion de transport futur.
Cependant, l'objectif le plus ambitieux du Gouvernement reste encore à
réaliser. Il s'agit, bien entendu, de la création d'un groupe européen
aéronautique et spatial de défense.
Cet objectif, qui semble partagé par tous, soulève des questions de stratégie
financière, d'intérêts nationaux et d'intérêts de firmes. Nous craignons qu'il
n'y ait en réalité des intérêts divergents ou, en tout cas, une mauvaise
interprétation de l'intérêt commun. Les tensions, rumeurs, campagnes de presse
plus ou moins spontanées semblent prouver que tous les acteurs ne jouent pas le
même jeu.
Monsieur le ministre, parlant au nom du Gouvernement, vous avez expliqué que
la France avait adopté sur ce dossier une démarche pragmatique : d'une part, le
rapprochement Thomson-Dassault Electronique-Alcatel, qui est déjà opérationnel
; d'autre part, le rapprochement Matra-Aerospatiale-Dassault, qui va être
réalisé dans les tout prochains mois. L'Etat actionnaire, anciennement
majoritaire, maintiendra le capital ouvert pour favoriser des partenariats plus
larges. Vous avez aussi déclaré que le gouvernement français était ouvert « à
la discussion sur un changement de formule concernant le rôle de l'actionnariat
public dans le capital de ces entreprises ».
Face aux résistances rencontrées chez nos interlocuteurs et partenaires, aussi
bien en Grande-Bretagne qu'en Allemagne, il convient de s'interroger sur
l'avenir de la stratégie de notre gouvernement. Cette discussion budgétaire
pourra vous permettre, monsieur le ministre, d'expliciter vos intentions.
Par ailleurs, je voudrais insister sur la nécessaire prise en compte des
inquiétudes des salariés de ces entreprises françaises confrontées à des
bouleversements sociaux considérables, avec en toile de fond la menace du
chômage. Les considérations financières ne doivent pas faire oublier les
problèmes humains et sociaux.
Nous nous interrogeons sur l'avenir de l'actionnaire public français au sein
de cette entreprise. Concrètement, où en sont les négociations engagées en vue
de bâtir un grand ensemble européen ?
L'Etat détient une large part du capital d'Aérospatiale. Or certains
partenaires de la future alliance contestent cette présence de l'Etat. Nous,
nous la revendiquons et, comme vous l'avez rappelé à plusieurs reprises, «
l'Etat actionnaire n'a pas à s'excuser du rôle qu'il a joué dans l'ouverture
aéronautique et spatiale de ces dernières années ». Alors, comment préserver
les intérêts français, les intérêts d'Aérospatiale tout en faisant avancer son
intégration dans un ensemble européen ?
En ce qui concerne notre tissu industriel, nous devons aussi manifester notre
inquiétude devant la situation de nos arsenaux. GIAT et DCN - direction des
constructions navales - sont au beau milieu d'une restructuration qui prend
parfois des allures préoccupantes pour les personnes et pour les secteurs
économiques touchés, et en particulier, dans un département qui me tient à
coeur, pour le site GIAT de Toulouse. Le diagnostic a été fait, vos services
ont beaucoup et bien travaillé, la représentation nationale s'est penchée à de
nombreuses reprises sur la situation de cette industrie. Nous sommes maintenant
à l'heure des choix, des remèdes et des solutions.
Plusieurs pistes sont et doivent être explorées.
Un effort très important doit être consenti en faveur de la diversification de
nos industries de défense. Monsieur le ministre, en novembre 1997, vous avez
indiqué votre volonté de soutenir la diversification de nos industries de
défense ; quels crédits, quel résultats ?
La délégation ministérielle aux restructurations de la défense doit poursuivre
son travail dans les bassins d'emploi les plus menacés. Nous savons que le
délégué disposera, en 1999, de quelque 700 millions de francs, si l'on inclut
les crédits européens ; nous voudrions savoir quelle stratégie offensive sera
mise en oeuvre en la matière.
Les efforts faits pour que les réductions d'effectifs de GIAT s'effectuent
sans licenciements ont été payants ; toutefois, on peut s'interroger sur la
possibilité de tenir longtemps sur cette ligne. Concrètement, le nouveau plan
statégique et social comportant de nouvelles mesures d'adaptation proposé par
la direction de GIAT Industries a-t-il des chances de réussir et d'arrêter
l'hémorragie ?
Pouvez-vous nous assurer que ce nouveau plan garantira la pérennité des sites,
de l'emploi et du savoir-faire pour l'ensemble des centres restants ?
Comment redonner confiance aux personnels et faire en sorte que le groupe
industriel GIAT soit compétitif ? Quand seront publiés les textes relatifs aux
mesures d'âge ?
Pour la DCN, l'avenir ne semble pas s'éclaircir. Le Gouvernement affirme qu'il
n'a pas l'intention de proposer un changement du statut de la DCN. Cependant,
tout le monde s'accorde pour dire qu'une évolution est nécessaire. La marge de
manoeuvre est donc étroite. Toutefois, l'essentiel serait de savoir où l'on va.
Faire de la DCN une véritable entreprise industrielle est une bonne idée. Mais
quelle est la stratégie industrielle de cette entreprise ? Là aussi, quelles
sont les intentions du ministère ? Quelle latitude aura la DCN internationale
pour lui permettre de mieux affronter la concurrence ? Comment rassurer les
personnels, naturellement inquiets, face à l'ampleur des transformations en
cours ?
Dialogue et concertation nous semblent les maîtres mots pour faire avancer ce
délicat dossier. C'est ce que vous avez entrepris.
Pour conclure, monsieur le ministre, je me permets de vous poser deux
questions : quel est l'état actuel du programme ATF ?
Quel est l'état actuel du programme d'hélicoptère Tigre ? A cet égard, le
changement de gouvernement en Allemagne va-t-il changer la donne ? La
notification du marché pourra-t-elle avoir lieu avant la fin de l'année ?
Au-delà de quelques interrogations bien naturelles, le groupe socialiste
approuve vos propositions et émettra, bien sûr, un vote positif.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Monsieur le président de la commission, monsieur le ministre, j'ai bien
compris que vous souhaitiez achever l'examen de ce fascicule budgétaire avant
le dîner. Toutefois, le personnel travaille depuis quinze heures, soit plus de
cinq heures d'affilée, et la séance, comme c'est le cas depuis lundi, se
prolongera tard dans la nuit.
Aussi, comme nous entendons travailler dans de bonnes conditions, notamment
pour que les comptes rendus soient rédigés dans la bonne humeur, je vais
interrompre nos travaux, au risque de me faire des ennemis et de mécontenter
mon excellent ami Philippe Marini maintenant qui souhaitait intervenir dès à
présent.
Nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze. Je vous demande, mes chers
collègues, de bien vouloir être alors présents pour entendre M. le ministre,
car il serait tout à fait regrettable qu'il s'exprimât devant des fauteuils
vides.
10
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
Par accord entre le Gouvernement et la commission des finances, la discussion
des crédits affectés à l'emploi sera inscrite en tête de l'ordre du jour de la
séance de demain, jeudi 3 décembre, avant la discussion des crédits affectés à
la santé et à la solidarité.
L'ordre du jour de la séance de demain est modifié en conséquence.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures
quinze, sous la présidence de M. Jacques Valade.)
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
11
LOI DE FINANCES POUR 1999
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté
par l'Assemblée nationale.
Défense
(suite)
M. le président.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le ministère de la défense.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le ministre de la défense, je souhaiterais
intervenir sur un dossier qui est aujourd'hui tout à fait essentiel et crucial
et dont vous êtres saisi en tant que ministre de tutelle d'Aérospatiale, je
veux parler de la structuration de l'industrie aéronautique européenne.
Des annonces venues d'un peu partout - et même certaines réactions de membres
du Gouvernement - laissent à penser que la France se résignerait peut-être à
une fusion entre British Aerospace et DASA.
Faut-il, monsieur le ministre, face à ce probable événement qui pourrait
trouver des prolongements du fait de l'attraction exercée par ce nouvel
ensemble sur d'autres constructeurs européens - CASA, par exemple - et pourquoi
pas sur certains concurrents américains de Boeing, adopter la sérénité
peut-être un peu condescendante que certaines déclarations ont affichée ?
Nous sommes au Sénat, et nous nous inquiétons car une telle sérénité n'est pas
de mise ici. Nous sommes enclins à penser que l'isolement est, en cette matière
comme en d'autres, la pire des choses et peut faire le lit de la
marginalisation.
Le Gouvernement rappelle volontiers que le rapprochement germano-britannique
n'aurait pas d'incidence sur le fonctionnement d'Airbus du fait du statut de
groupement d'intérêt économique de ce consortium.
Mais comment le Gouvernement français - qui n'en a, je le suppose, pas la
moindre intention - pourra-t-il bloquer le processus de constitution de la
société Airbus alors même qu'il l'aura initié ? Comment Aérospatiale
sera-t-elle en mesure de rejoindre le bloc qui se forme sans elle ?
Il convient, me semble-t-il, d'apporter les aménagements financiers
nécessaires pour permettre à Aérospatiale de négocier en bonne position sans
perdre une partie substantielle des avantages que cette entreprise aurait pu
exploiter du fait de son excellence industrielle et technologique.
L'incertitude dans laquelle nous sommes actuellement ne peut durer, monsieur
le ministre. Elle conduit à s'interroger sur l'annonce de la privatisation
d'Aérospatiale. Ou alors faut-il croire qu'il ne s'agit que d'une annonce ?
En tout cas, cette incertitude nous paraît inadmissible pour la France, car
elle appauvrit un élément important de son patrimoine commun. Mais elle
présente également des risques pour l'Europe, car elle mine la réussite d'un
projet réellement européen, à savoir la constitution d'un grand pôle
aéronautique à partir de nos propres forces pour affronter la concurrence de
Boeing.
Sur tous ces points, monsieur le ministre, je pense que vous serez en mesure
d'apporter à la représentation nationale et à vos anciens collègues sénateurs
des éclaircissements qui seront à même, je le souhaite, de répondre à nos
préoccupations.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je tiens tout d'abord à saluer la qualité des contributions très
diverses du président de la commission des affaires étrangères, du rapporteur
spécial de la commission des finances, des différents rapporteurs pour avis et
de l'ensemble des intervenants qui ont pris part à cette discussion.
De nombreuses questions et observations très pertinentes ont été formulées, la
plupart - pas toutes, bien sûr - dans un esprit constructif. Je crois que c'est
un type d'échange qui satisfait les besoins démocratiques de notre pays,
surtout quand on pense aux fortes responsabilités internationales qui sont les
siennes.
Quelques-uns d'entre vous ont bien voulu noter les efforts de présentation et
de ponctualité du Gouvernement dans la préparation de ce projet de budget pour
l'information des deux chambres du Parlement. Je leur sais gré de ces
indications positives.
J'indiquerai tout d'abord brièvement le contexte international dans lequel
s'inscrit notre pays pour mieux faire comprendre, je l'espère, les missions
assignées à notre outil de défense et pour expliquer nos choix quant aux
équipements qui doivent y concourir.
L'évolution politique internationale dans laquelle nous sommes entrés en 1989
est incertaine et plus complexe qu'auparavant. Les situations géopolitiques
régionales évoluent en permanence et il n'est du pouvoir de personne d'arrêter
le cours de cette évolution. La première chose à faire est de bien l'analyser,
le défi est d'y adapter sans relâche notre outil de défense.
Le cadre le plus important pour nous est celui de la construction européenne.
Après l'euro, étape essentielle - c'est le sentiment du Gouvernement depuis son
entrée en fonction et cet avis est maintenant très largement partagé - se
présente maintenant à nous l'étape de l'Europe de la sécurité commune.
Pourquoi sommes-nous nombreux à la souhaiter ? Parce que nous estimons que
l'équilibre mondial et le progrès d'un certain nombre de valeurs auxquelles
nous croyons dans l'ordre international postulent une multipolarité, un
équilibre : nous ne croyons pas qu'il soit avantageux pour la paix du monde,
pour la coopération et pour le progrès qu'une seule superpuissance soit en
charge des principales responsabilités de régulation. Nous pensons que
l'ensemble des capacités qu'apporte l'Europe au monde mérite une influence
réelle sur les grands choix.
Comment se construit aujourd'hui cette Europe de la défense ?
Vous savez que l'Union européenne dispose dès à présent, avec l'article J 4-2
du traité de Maastricht, de la possibilité de recourir à des capacités
autonomes européennes, lesquelles existent actuellement au sein de l'UEO.
Certes, les Européens n'y font que faiblement appel. Comme je l'ai dit à mes
collègues ministres de la défense de l'Union européenne, à Vienne puis à Rome,
dans le cadre de l'UEO, il est temps d'examiner sans détours les raisons - pour
l'essentiel politiques - qui expliquent cette hésitation ou cette réticence à
employer des moyens proprement européens, y compris lorsque l'opportunité
pratique s'en est présentée.
Je crois que cela est à mettre en relation avec une diversité d'approche qui
subsiste entre Européens quant aux ambitions collectives que nous pouvons
avoir. M. le président de Villepin et M. Delanoë ont souligné cette diversité
et je voudrais souligner mon intérêt pour la proposition esquissée par M.
Delanoë d'un Livre blanc européen qui permettrait un débat sur les objectifs de
défense. Nous saurions alors quels sont les points, déjà nombreux, sur lesquels
les Européens ont la même volonté et quels sont les sujets sur lesquels il nous
faut encore convaincre.
Quoi qu'il en soit, notre objectif est d'utiliser davantage ces moyens
communs, qui sont déjà constitués, au service des intérêts collectifs européens
et pour l'influence de l'Europe, dans le sens d'un meilleur équilibre.
L'une des voies qu'il serait intéressant d'explorer est la mise de ces moyens
au service de l'Union européenne. C'est l'idée que suggérait le Président de la
République, il y a quelques semaines, lorsqu'il parlait de la constitution
d'une agence au service de l'Union européenne.
L'expérience récente des crises dans lesquelles nous avons fait le choix
d'intervenir montre l'intérêt majeur de la coordination et de l'analyse des
situations, qui permettent aux Européens d'exercer une influence positive dès
le moment où la crise se prépare. La dimension préventive est l'une des voies
de progrès que nous pouvons aborder le plus facilement entre Européens.
Sans qu'on puisse se satisfaire de la situation actuelle, il est clair que le
temps de réaction collectif des Européens à la crise du Kosovo représente, même
si nous le trouvons encore trop long, un progrès frappant pour tous ceux qui
ont vécu les deux ou trois années de tiraillements, souvent tragiques, qui ont
empêché l'Europe de jouer un rôle efficace lors du déclenchement de la crise
bosniaque.
Le pilotage diplomatique d'une crise - on l'a vu avec le fonctionnement du
groupe de contact sur la crise du Kosovo - n'atteint sa pleine efficacité que
si les diplomates peuvent user de pressions militaires crédibles pour soutenir
leurs propositions. Il nous faut donc définir pragmatiquement - tel est l'objet
des débats qui se sont ouverts ces temps derniers - les moyens qui permettront
cette expertise, puis cette capacité d'action militaire commune.
Les prises de position du Président de la République, lors de son discours
devant les ambassadeurs, à la fin du mois d'août, et du Premier ministre,
quelques jours après, devant l'Institut des hautes études de la défense
nationale, montrent que notre pays s'est mis en mouvement aujourd'hui pour
participer au débat constructif quant aux capacités de défense commune de
l'Europe.
Ce débat s'est débloqué récemment avec les positions nouvelles de la
Grande-Bretagne sur le sujet, qui changent utilement les données du problème,
et ce mouvement est appelé à prendre de l'ampleur.
Je veux simplement souligner que seront au coeur des propositions du
Gouvernement, des propositions de la France, au travers de l'ensemble de ses
autorités, le fait que les options de défense, au sein de l'Union européenne,
relèvent de tâches intergouvernementales, que chaque pays doit garder la
maîtrise de son outil militaire, mais aussi que nous voulons pouvoir décider en
temps réel, avec une articulation suffisante entre les moyens diplomatiques et
les moyens de pression militaires.
Je rappelle par ailleurs que nous avons déjà à notre disposition, avec les
décisions prises à Berlin voilà deux ans, des possibilités nouvelles
utilisables une fois qu'auront abouti les accords entre l'UEO et l'OTAN : un
mécanisme de consultation pour l'analyse des situations et la préparation de
décisions touchant les deux organisations ; un accord-cadre, qui est en bonne
voie, pour le transfert des moyens de l'Alliance, favorisant la conclusion
d'accords spécifiques entre l'Union de l'Europe occidentale et l'Alliance,
adaptés à chaque crise.
Il serait d'ailleurs très utile que les discussions en cours sur ces sujets
entre l'UEO et l'OTAN aboutissent avant le prochain sommet de Washington.
Je veux montrer, à travers ces quelques exemples, que l'on ne peut pas se
contenter de grandes proclamations sans suite et que l'attitude de la France
consiste, au contraire, à mener un travail concret et constructif partout où
existe une démarche d'évolution positive au sein des institutions
existantes.
Nous avons aussi, depuis plusieurs années, des forces multinationales
européennes de nature et de format différents, susceptibles d'intervenir comme
le fait le corps européen, dont une partie de l'état-major travaille au sein de
la SFOR en Bosnie. Notre objectif est, bien sûr, de conforter, en mettant
l'accent sur leurs atouts propres, la flexibilité et la souplesse d'emploi de
ces forces proprement européennes.
Ce constat de la nécessité de construire l'Europe de la défense, fait par la
plupart de nos partenaires, même si les problématiques sont encore distinctes,
ressort plus clairement encore lorsqu'on aborde la situation en ex-Yougoslavie,
et plus précisément au Kosovo, puisque c'est cette zone de crise qui se trouve
aujourd'hui au centre de l'actualité.
Les partenaires européens ont su, en quelques semaines, définir ensemble les
objectifs à atteindre : l'établissement d'une autonomie respectant les droits
collectifs des Kosovars, le refus d'une indépendance déstabilisatrice pour la
région, l'ouverture d'une négociation véritable pour déboucher sur un processus
démocratique assurant une paix durable dans cette province et, bien entendu, le
retour des réfugiés et des personnes déplacées.
Les Européens ont montré qu'ils avaient retenu et exploité la leçon de la
Bosnie.
L'opération menée actuellement a pour cadre une résolution des Nations unies
qui fixe l'ensemble des impératifs politiques. Cette résolution a été adoptée
sur proposition de deux pays européens : la Grande-Bretagne et la France. Elle
a fixé un objectif de règlement de cette crise auquel se sont associés les
Etats-Unis et qu'a accepté la Russie. Un mois ou deux auparavant, peu de gens
auraient parié qu'on puisse parvenir à une telle convergence et que ce seraient
les Européens qui auraient permise !
Nous participons aujourd'hui activement à l'opération de surveillance aérienne
et nos observateurs, tout comme leurs homologues d'autres pays, sont en phase
de déploiement sur le terrain pour constituer la mission de vérification sous
l'égide de l'OSCE.
Mais nous sommes allés plus loin encore dans la concrétisation de notre
ambition européenne.
Nous avons en effet bâti au sein de l'Alliance, mais sur une initiative
européenne suggérée par la France, une force de sécurisation. Stationnée en
Macédonie, dès que l'accord de principe, déjà donné, aura été formellement
confirmé, cette force, placée sous le commandement du général Valentin, aura
pour mission d'assurer la sécurité de tous les vérificateurs de l'OSCE envoyés
sur le terrain au Kosovo.
C'est une occasion concrète, opérationnelle, de montrer que l'Europe est
capable de résoudre les problèmes qui se posent chez elle.
Cette crise a montré le rôle croissant de l'Europe dans sa propre sécurité,
même si elle s'appuie, pour l'emploi éventuel de la force, sur les structures
collectives de l'Alliance atlantique. Mais dans le cas de cette force de
sécurisation, ce sont des moyens européens - français pour une grande part -
qui seront engagés.
Le développement de la dimension de sécurité et de défense de l'Union
européenne n'est en effet pas contradictoire avec un renforcement de la
contribution des Européens, mais d'Européens solidaires, autour d'une volonté
politique commune au sein de l'Alliance atlantique.
C'est ce que la France entend exprimer dans la négociation du nouveau concept
stratégique de l'Alliance, menée sous la responsabilité de mon collègue Hubert
Védrine, ministre des affaires étrangères.
Je souhaite toutefois en dire un mot pour répondre, en particulier, aux
observations tout à fait judicieuses de M. Delanoë.
L'objectif est d'inclure dans le nouveau concept stratégique les évolutions
intervenues dans l'environnement international au cours des dernières années et
de mettre en cohérence des décisions d'adaptation prises les unes après les
autres depuis 1991. Pour nous, concrètement, ces objectifs se résument à quatre
priorités.
Premièrement, préserver la spécificité de l'OTAN comme alliance à la fois
politique et militaire, centrée sur la défense collective, n'étendant pas son
ambition à des missions qui ne relèvent pas réellement de sa responsabilité.
Deuxièmement, réaffirmer que cette organisation assure la sécurité de la zone
euro-atlantique, en coopération avec d'autres organismes régionaux, en
particulier l'Union de l'Europe occidentale et l'OSCE, et ce dans le respect
des prérogatives du Conseil de sécurité des Nations unies.
Troisièmement, préserver les acquis du développement d'une Europe de la
sécurité et de la défense dans l'Alliance mais aussi sur ses propres moyens.
Quatrièmement, enfin, préserver les intérêts légitimes des industries
européennes de défense, qui pourraient être discutés au travers des débats sur
l'interopérabilité des matériels ou la coopération industrielle.
Il est clair que le développement du partenariat pour la paix avec les pays
qui ne sont pas membres de l'Alliance, mais qui contribuent à la stabilité de
l'Europe de l'Est, a représenté un engagement positif que la France a
pleinement soutenu. Cela entraîne d'ailleurs quelques charges supplémentaires
que nous avons acceptées et qui trouvent leur contrepartie dans des crédits
inscrits dans la présente loi de finances.
De même, l'élargissement de l'Alliance, que nous avons soutenu, avec la
première vague d'entrées de la Pologne, de la République tchèque et de la
Hongrie, représente pour nous une augmentation de l'ordre d'une quarantaine de
millions de francs de notre contribution à l'Alliance. Cette augmentation, nous
la supportons de bon gré, car - le Sénat l'a confirmé en ratifiant à une très
large majorité l'adhésion de ces trois pays - il s'agit là d'un gain de
sécurité et de stabilité pour l'Europe tout entière.
La crise au Kosovo a démontré que l'intégration à l'Alliance des Etats
périphériques à l'ex-Yougoslavie était un élément clé pour assurer une fonction
de dissuasion contre toute menace pour la stabilité de l'Europe.
Le sommet de Washington devra prendre en compte ce besoin d'élargissement, qui
doit se poursuivre. En tout cas, ce sommet peut être une occasion pour avancer
des objectifs internationaux majeurs de la France, à savoir jouer tout notre
rôle dans l'Alliance, mais en permettant à l'Europe d'y développer son identité
et sa volonté politique collective.
Je ne voudrais pas quitter les questions de stratégie et de relations
internationales sans noter l'intérêt des réflexions balancées et tout à fait
responsables de M. Bécart sur l'élargissement du désarmement.
M. Bécart a rappelé, à juste titre, que notre pays avait joué un rôle actif
et préservé l'équilibre des forces dans plusieurs négociations ayant abouti au
cours des derniers mois. Je veux simplement confirmer, à cette occasion,
faisant suite également aux propos de l'amiral de Gaulle, que la dissuasion
nationale crédible est, à nos yeux, un facteur de stabilisation, que les
objectifs de désarmement qui ont été fixés dans les traités ne pourront
s'appliquer à notre pays que lorsque les pays détenteurs des arsenaux les plus
massifs auront accompli une part suffisante de l'effort qui leur incombe et
que, dans l'intervalle, cette dissuasion constitue un élément clé de notre
sécurité nationale. Les derniers mouvements qui se sont produits dans
différentes zones du globe nous conduisent d'ailleurs à nous renforcer dans
cette conviction.
J'en viens à la politique d'équipement.
Je tiens d'abord à souligner, à propos de la revue de programmes, qu'une tâche
importante a été accomplie pendant plusieurs mois par les services du
ministère, avec la contribution dynamique de tous les états-majors et de la
délégation générale pour l'armement.
Ces travaux ont permis de formuler des propositions susceptibles à la fois de
garantir le respect des priorités et des besoins de l'ensemble des équipements
prévus dans la loi de programmation, et de réaliser 20 milliards de francs
d'économies réelles, c'est-à-dire assorties de choix consistant à supprimer des
charges pour la période 1999-2002.
Le Gouvernement a tenu, en effet, à ne pas recourir à la solution, simpliste
mais coûteuse, qui était devenue une tradition, et consistant à repousser les
objectifs correspondants au-delà de la période examinée.
Je relève, en outre, - j'ai souvent besoin de le rappeler ! - qu'en plus des
20 milliards d'économies réelles, correspondant à des recadrages d'objectifs de
dépense que nous avons retenus pour les dépenses programmées entre 1999 et
2002, les mesures adoptées par le Gouvernement rapporteront encore environ 20
milliards d'économies supplémentaires au-delà de 2002, en réduisant, par
conséquent, la surcharge envoyée sur la loi de programmation militaire
ultérieure - c'était, vous le savez. l'un des inconvénients des multiples
ajustements qui étaient intervenus antérieurement.
Sur la base des propositions que nous avons ainsi établies, le Gouvernement,
avec l'assentiment du Président de la République, a arrêté les choix de notre
politique d'équipement militaire, dont le budget 1999 - plusieurs orateurs ont
bien voulu le souligner - est la première traduction concrète. Je tiens à
rappeler qu'ils respectent les grandes orientations de la loi de programmation
militaire.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a choisi de ne pas considérer
cet exercice comme une nouvelle loi de programmation militaire. Tel a été
également le sentiment du chef de l'Etat.
Tout en reconnaissant que les choix qui ont été faits peuvent prêter à
discussion - c'est bien naturel ! - je tiens à faire observer que, dans la
durée, compte tenu de l'engagement du Gouvernement de maintenir les crédits au
niveau que je vais évoquer ensuite, l'exécution de la loi de programmation
militaire adoptée en 1996, et qui se sera déroulée sous deux législatures
correspondant à deux majorités différentes, a toutes les chances de bien
supporter la comparaison avec le niveau d'exécution de précédentes lois de
programmation militaire en matière d'équipement.
Ce budget, en effet, représente bien la volonté politique de poursuivre la
programmation de nos équipements de défense sur la base de 85 milliards de
francs annuels, en francs constants 1998, ce qui donne, pour cette année, 86
milliards de francs.
Ainsi, pour la première fois depuis 1990, les crédits d'équipement du
ministère de la défense augmentent en francs constants d'une loi de finances
initiale à l'autre. La progression est de 6,2 % en francs courants. Les crédits
pour 1999 vont donc garantir la cohérence souhaitée dans la modernisation des
équipements.
Cela rétablit une continuité et une visibilité de la politique d'équipement
militaire, qui est indispensable à tous les partenaires et qui garantit la
crédibilité de notre effort de défense.
Je veux, à cet égard, revenant un instant sur la situation européenne,
souligner que nous sommes actuellement, avec la Grande-Bretagne, le pays de
l'Union européenne qui fait l'effort d'équipement de défense de loin le plus
important ; même si les situations et les engagements politiques sont
différents au sein de l'Union européenne, nous ne pouvons espérer jouer un rôle
international à la hauteur de nos ambitions et de la crédibilité politique qu'a
atteint l'Europe dans d'autres domaines - je pense au domaine monétaire - que
si s'établit une certaine convergence des efforts de défense des autres pays et
si, par exemple, des pays presque aussi importants que la France en termes de
richesse économique consacrent un niveau de ressources à leurs équipements de
défense supérieur à la moitié ou au tiers de ce que fait la France aujourd'hui
- et c'est le cas d'un certain nombre de nos partenaires.
Cette volonté de continuité et de consolidation des programmes est visible
pour le nucléaire, avec la convergence, en 2008, du calendrier du dernier
sous-marin de nouvelle génération et du missile M 51, qui permettra, pour des
prestations améliorées - le système M 51 sera disponible deux ans plus tôt que
ce que prévoyait la loi de programmation militaire - de faire environ 6
milliards de francs d'économies.
Dans le domaine de la projection, les grands programmes sont maintenus, tout
en connaissant des aménagements.
Le porte-avions
Charles-de-Gaulle
effectuera, en 1999, ses essais à la
mer en vue de sa mise en service opérationnelle. Ce bâtiment assumera, ensuite,
l'ensemble des missions dévolues au groupe aéronaval.
Je voudrais apporter ici une précision à la suite des indications ou des
questions qui ont été formulées dans le débat d'aujourd'hui, aussi bien par M.
de Gaulle que par M. André Boyer, sur la disponibilité du groupe aéronaval.
Celle-ci ne sera pas totale. Mais c'est une situation que nous connaissons
déjà.
Je prendrai l'exemple de la crise du Kosovo. Aux côtés de nos forces aériennes
stationnées en Italie, le groupe aérien du
Foch
a été mis en mouvement
pour participer à d'éventuelles frappes militaires sur le Kosovo et sur le sud
de la Serbie, pour le cas où le règlement exigé des autorités yougoslaves
n'aurait pas été atteint. Lors de cette opération, en relation avec nos alliés,
nous avons choisi de déployer une force aérienne à partir du groupe aéronaval,
alors que les autres alliés le font à partir des forces aériennes stationnées
en Italie.
Si une crise comme celle-ci éclatait à un moment d'indisponibilité du
porte-avions, nous aurions à nous situer, comme le font nos autres alliés, avec
les moyens de ravitaillement correspondants, sur une base terrestre.
Cela dit, nos amis britanniques étudient la possibilité de se doter d'un
groupe aéronaval ayant le même type de spécifications que celles du
Charles-de-Gaulle.
On peut donc réfléchir, à terme, à une certaine
complémentarité entre les éléments des grands groupes aéronavals européens. Je
veux noter ici l'ouverture de nos partenaires britanniques sur une réflexion
sur ce sujet.
Les programmes majeurs de l'armée de terre sont, de leur côté, poursuivis,
qu'il s'agisse du Leclerc, du futur véhicule blindé de combat d'infanterie ou
des hélicoptères Tigre et NH 90, ce dernier hélicoptère intéressant également
la marine.
Le calendrier de réalisation des Rafale qui équiperont l'armée de l'air a été
aménagé pour des raisons d'économie ; le retrait anticipé de deux escadrons
Jaguar, avions en fin de vie, et ce dès 2001, a été décidé. L'armée de l'air
rejoindra ainsi son format d'avions de combat prévu pour 2015 de façon
anticipée, mais sans perdre de capacités militaires. En effet, et je tiens à
rassurer sur ce point M. Jean-Claude Gaudin, dont le rapport était empreint
d'un esprit constructif, les Mirage 2000 D et F1 CR pourront réaliser les
missions aujourd'hui assignées aux Jaguar.
S'agissant de la disponibilité des avions de combat, M. le président de la
commission et plusieurs rapporteurs ont évoqué les difficultés dans ce domaine.
Elles s'expliquent, pour une part, par le changement de responsabilité entre
les structures et les services de maintenance de l'armée de l'air. Le choix,
qui paraissait judicieux pour l'avenir, avait été fait depuis plusieurs années
de confier une part substantielle de la maintenance principale et des grosses
réparations aux constructeurs, et il a été difficile de s'ajuster avec eux. Je
voudrais cependant souligner que, ces derniers mois, la tendance est
globalement à l'amélioration.
Au cours du premier semestre de l'année 1999, sera mise en place une structure
intégrée DGA-armées destinée à rénover notre système de suivi et
d'approvisionnement et à fournir à nos armées la réactivité logistique
nécessaire à une gestion moderne des aéronefs.
Puisque nous parlons d'indicateurs d'activité, je voudrais rappeler,
concernant l'armée de terre, que le chiffre de soixante-dix jours d'activité
pour 1999 cité à deux reprises ne prend pas en compte les opérations
extérieures, dans lesquelles sont engagées, pour une part croissante, nos
forces armées.
Puisque M. Machet, parmi d'autres orateurs, a soulevé le problème, je crois
pouvoir indiquer que la rotation régulière de nombreuses unités
professionnalisées dans les opérations extérieures contribue à l'élévation du
niveau de capacité de nos forces et sert aussi le moral de nos militaires.
Quant au nombre mensuel moyen d'heures de vol des pilotes d'hélicoptère de
l'ALAT pour 1999, il reste constant par rapport à 1998 et il est très supérieur
aux indicateurs d'activité aérienne des armées de terre étrangères
comparables.
Le Gouvernement confirme en outre la nécessité de doter nos forces d'un avion
de transport futur, lequel, je le rappelle au passage, n'a été ni inscrit, ni
financé dans la loi de programmation militaire.
Nous devons cependant nous mettre en position de préparer cet achat.
Le Transall, je veux le souligner, est un bon avion tactique, mais ses
performances sont limitées, en particulier en termes de distances
franchissables, son problème principal étant son autonomie.
En revanche, c'est à l'heure actuelle pratiquement le seul avion à pouvoir se
rendre sur certains théâtres d'opérations compte tenu de ses performances, qui
restent étonnantes, en distance d'atterrissage et de décolage. Nous pourrons
donc, dans le cadre des responsabilités qui sont les nôtres dans le domaine de
la défense, mener des interventions particulièrement exigeantes avec ces
appareils - dont certains ont été modernisés - au cours des prochaines
années.
Cela dit, nous avons en effet conclu un accord de spécification commune avec
sept autres pays, et nous nous sommes mis d'accord sur un objectif de mise en
concurrence pour obtenir la meilleure réponse possible en matière de
spécification.
Les parlementaires français, ici comme à l'Assemblée nationale, souhaitent
bien entendu que la formule Airbus Industrie sorte gagnante de cette
compétition.
Je suis en effet convaincu que le groupement Airbus mobilisera toutes ses
capacités pour présenter une proposition de haut niveau. Mais il faudra que les
huit pays débattent et se mettent d'accord. Sans doute sera-t-il difficile
qu'ils le fassent sur un ensemble de critères aboutissant d'emblée à ce que le
choix d'Airbus s'impose.
Il ne nous faut donc pas penser trop vite que les autres éléments du choix
sont exclus. Il y a parmi les Etats acheteurs d'autres partenaires, qui
considèrent que les deux autres possibilités pour l'avion de transport futur
sont également à explorer, et nous aurons à débattre avec eux.
Les programmes de coopération dont plusieurs orateurs ont parlé, et qui sont
en effet restructurants pour l'Europe de la défense, ont été, pour l'essentiel,
confirmés par la revue de programmes.
Compte tenu de la place importante qu'ils occupent désormais au sein de notre
budget d'équipement, ils ne pouvaient certes pas rester totalement à l'écart de
l'effort d'économie.
Nous avons donc procédé à quelques ajustements limités et nous en avons
informé directement nos partenaires.
Je veux souligner par ailleurs, puisque M. Blin s'est inquiété de la
non-industrialisation du missile antichar de troisième génération, pour lequel,
en revanche, nous poursuivons l'effort de développement, que nous avons fait ce
choix, d'abord, en réservant l'avenir et, ensuite, en constatant que, dans des
conditions économiques beaucoup plus avantageuses, des missiles de même nature
permettaient de donner toutes ses capacités à l'hélicoptère de combat.
Je voudrais revenir enfin, pour conclure sur cette partie équipement, sur les
difficultés que présente la mise en oeuvre d'une coopération européenne
d'espace militaire.
Bien sûr, il faut constater, comme l'ont fait d'autres orateurs, en
particulier M. Jean Faure, que les décisions prises par certains de nos
partenaires retardent ou compliquent le lancement de certains projets. C'est le
cas dans les télécommunications avec le programme successeur de Syracuse II,
Trimilsatcom. Le choix des Britanniques de ne pas participer à ce nouveau
programme, annoncé au mois d'août dernier, nous conduit à le revoir très
substantiellement avec nos partenaires allemands.
Je voudrais toutefois préciser que l'intention commune de la République
fédérale d'Allemagne et de notre pays est bien de poursuivre ce programme et de
le mener à son terme parce que nous reconnaissons la grande utilité de cette
capacité nouvelle des télécommunications militaires.
En ce qui concerne l'observation militaire, la France, qui devrait bientôt
être rejointe par l'Espagne - ce pays nous a donné des assurances à cet égard -
a lancé de manière irréversible la réalisation de Hélios 2 ; c'est la seule
solution technologique acceptable pour prendre la relève de Hélios 1 à partir
de 2004.
En revanche, le non-lancement de la coopération franco-allemande en matière
d'observation nous a poussés à arrêter le programme de satellite-radar
Horus.
Nos amis allemands font, il est vrai, un effort d'équipement de défense qui
est inférieur à la moitié du nôtre, alors qu'ils ont un produit intérieur brut
supérieur de près du tiers à celui de la France. Ils ont donc été conduits à
limiter leurs ambitions, compte tenu de leurs choix, en matière de matériels
terrestres ou d'avions de combat.
Ils devaient avoir la part prépondérante des engagements et des retombées
technologiques quant aux satellites-radars et il n'était pas réaliste que la
France prétende mener ce programme de façon unilatérale.
En revanche, pour l'avenir, une expertise des nouvelles technologies et du
potentiel technique, déjà développée par des industriels, nous permet
d'envisager à terme des solutions plus économiques, avec de petits
satellites-radars. C'est dans ce cadre que nous voulons relancer les
discussions avec nos partenaires européens, ce qui démontre que la volonté
politique du gouvernement français reste intacte à ce égard.
En 1999, les crédits de recherche et de développement du ministère s'élèveront
à 21 milliards de francs. Contrairement à ce que j'ai cru entendre à certains
moments du débat, ils enregistrent une augmentation de 10 % par rapport à 1998.
Ils se répartisent entre 15 milliards de francs pour les développements de
nouveaux équipements, 1 100 millions de francs pour les études spatiales, 1 760
millions de francs pour la recherche liée à la dissuasion et 3 200 millions de
francs pour les recherches et développements sur les armements classiques.
Les études de recherche font partie des dépenses de ce ministère puisqu'elles
ont pour finalité la préparation des forces armées. Le critère principal qui
caractérise l'effort de recherche de la défense est sa destination,
c'est-à-dire la préparation des futurs programmes d'investissement.
Il doit donc être orienté selon des critères de coût et d'efficacité et non
pas simplement vers la quête de la connaissance scientifique.
Même si les crédits de recherche pure sont réduits - il est vrai que cela
correspond à la maturité d'un certain nombre d'objectifs de recherche - je veux
souligner que notre effort de recherche et de développement place la France
dans le peloton de tête des nations occidentales.
Cet effort de la France, il faut le comparer à celui des Etats-Unis. Ces 21
milliards de francs consacrés à la recherche et au développement en France
représentent peu de chose par rapport aux 250 milliards de francs engagés par
le Pentagone, qui constituent un effort sans commune mesure avec celui d'aucun
autre pays du monde occidental. Il s'agit là de la politique à la fois
militaire, scientifique et industrielle des Etats-Unis.
Les comparaisons avec nos principaux partenaires européens - je me permets
d'appeler l'attention du Sénat sur ce point - me paraissent plus
pertinentes.
La France partage avec le Royaume-Uni la première place pour les crédits de
recherche et de développement, dont le montant atteint dans les deux pays
environ 21 milliards de francs. L'Allemagne, quant à elle, fournit un effort de
quelque 10 milliards de francs, c'est-à-dire la moitié de ce que nous faisons.
Quant aux douze autres pays de l'Union, ils totalisent 10 milliards de francs à
eux tous.
Autrement dit, si les pays européens dans leur ensemble fournissaient le même
effort de recherche que la France et la Grande-Bretagne, nous serions
collectivement à la moitié de l'effort des Etats-Unis, ce qui établirait un
certain rapport de force. Aujourd'hui, nous n'en sommes qu'au quart.
Il me semble, lorsqu'on s'interroge sur l'effort que fait la France - ce qui
est bien légitime - qu'il faut aussi avoir ces éléments de comparaison bien
présents à l'esprit.
La construction d'une industrie européenne de défense forte et compétitive est
une priorité du Gouvernement. Elle doit permettre à l'Europe de maîtriser les
technologies clés, de ne pas être dépendante de l'extérieur pour l'accès aux
savoirs qui sont les plus déterminants afin d'acquérir la supériorité
militaire, et elle doit permettre aux armées de bénéficier des meilleurs
matériels aux meilleurs coûts.
La cohérence politique de cette démarche a été définie dans la déclaration du
9 décembre 1997, signée conjointement avec les gouvernements britannique et
allemand. Je veux d'ailleurs souligner la bonne analyse qu'en a faite M.
Bertrand Auban tout à l'heure.
Sur ces sujets industriels, le Gouvernement a donné la priorité à la stratégie
technologique et industrielle, et non aux considérations financières à court
terme,
a fortiori
aux prises de position idéologiques.
Je veux donc rappeler à M. le rapporteur général, qui s'en est enquis tout à
l'heure, que ce gouvernement, s'intéressant aux dossiers qui avaient pris du
retard en matière de restructuration et de préparation de l'avenir dans les
industries françaises de défense, a opéré des regroupements rationnels d'actifs
industriels, en excluant toute idée de vente aux enchères d'entreprises
publiques.
Notre objectif fondamental est de construire des alliances d'envergure au
niveau européen, pour équilibrer les fortes concentrations réalisées par
l'industrie de défense américaine. Cet objectif se traduit par la constitution,
maintenant achevée, en à peine un an, d'un pôle d'électronique professionnelle
et de défense autour de Thomson-CSF, Alcatel et Dassault Electronique, qui est
au premier rang européen et qui est, par conséquent, dans la meilleure
situation pour négocier des accords équilibrés avec d'autres partenaires
européens, je tiens à le souligner.
Par ailleurs, après seulement quelques mois de travail - et alors que beaucoup
de partenaires m'ont dit que ce dossier était en sommeil depuis près de vingt
ans - nous avons organisé la structuration d'un pôle aéronautique et spatial
autour d'Aérospatiale-Matra, qui coopérera avec Dassault, ces deux ensembles
étant déjà bien engagés dans des accords européens significatifs.
Je voudrais appeler l'attention du Sénat sur la méthode qui a été suivie dans
ces opérations de restructuration qui ont été conduites et menées à bien en
privilégiant un réel dialogue : aucun grand industriel ni aucun responsable
syndical n'a été tenu à l'écart de la réflexion, ce qui fait qu'aucune
contestation de fond ne s'est exprimée à l'encontre de nos choix de la part des
acteurs concernés.
C'est désormais une question de semaines, la fusion d'Aérospatiale avec Matra
haute technologie est en bonne voie. Elle sera organisée dès les premières
semaines de 1999, c'est-à-dire dans un délai qui, là encore, se compare
avantageusement avec les tentatives infructueuses qui avaient été développées
sur ce thème au cours des années précédentes.
Nous avons en même temps clarifié la position française vis-à-vis de nos
interlocuteurs gouvernementaux européens. La lettre d'intention que j'ai
signée, le 6 juillet dernier à Londres, avec mes cinq collègues européens
concrétise un important travail réalisé dans ce sens. Cette démarche
substantielle des six pays européens effectivement engagés dans l'industrie de
défense pour donner une base efficace au regroupement des forces industrielles
est portée par un soutien politique constant.
Quant aux discussions entre entreprises, je ne souhaite pas aller beaucoup
plus loin dans l'élaboration des positions du Gouvernement qui, selon moi, sont
déjà bien connues.
En ce qui concerne l'industrie électronique, ainsi que je l'ai mentionné, la
réorganisation de Thomson CSF donne aujourd'hui à cette dernière l'initiative
en matière de contact avec d'autres Européens.
Quant à Aérospatiale Matra, toute la question est de savoir si nous
parviendrons à un accord équilibré avec les deux autres partenaires. Ainsi que
nous l'avons dit, la France, notamment ses industries publiques et privées -
mais surtout publiques, monsieur le rapporteur général - a suffisamment
accumulé de capacités technologiques, commerciales et industrielles pour que
nous soyons assurés, dans le cas où deux partenaires choisiraient de s'entendre
préalablement, de disposer de suffisamment de travail pour constituer un pôle
européen. Si, en matière d'aménagement et d'implantation notamment, qui
correspondent, je crois, à une lecture unanime de l'intérêt national, les
conditions d'équilibre sont satisfaites par les structures sur lesquelles nous
avons fait des propositions pour un regroupement européen, alors nous
constituerons directement ce pôle.
Nos partenaires savent qu'il peut y avoir des avantages à se rassembler à
deux, qu'ils ne représentent pas la suprématie de l'industrie européenne. Mais
ils savent aussi qu'une autre démarche présenterait des inconvénients, car elle
nécessiterait de mener l'opération en deux fois. Or, j'attire votre attention
sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs, il n'est pas sûr que les
industries françaises soient les plus pénalisées par cette démarche en deux
étapes.
En tout cas, pour ce qui nous concerne, le pôle français regroupant toutes les
capacités aéronautiques et spatiales sera opérationnel, j'y insiste, dans
quelques semaines.
Les synergies entre Etats acheteurs vont par ailleurs se développer grâce à la
création maintenant conclue de l'OCCAR, qui conduira les programmes en
coopération, au nom des quatre principaux Etats membres de l'Union
européenne.
Enfin, dernier outil que je voudrais citer ce soir sur la politique
d'équipement : les commandes pluriannuelles sont en effet un mode d'acquisition
rénové, rendant plus efficace la dépense d'investissement en matériels de
défense. Elles permettent aux industriels d'avoir une visibilité de leur plan
de charge et de profiter à plein des économies de l'effet de série.
C'est ce gouvernement, alors que bien d'autres en avaient fait l'annonce, qui
a réalisé les premières commandes pluriannuelles. Cinq commandes ont été
passées par le ministère de la défense au cours de l'année 1997. Je vous en ai
parlé l'année dernière. Six autres commandes ont été conclues depuis le début
de 1998, la modernisation des moyens de transmission des bases aériennes, ainsi
que des garnisons terrestres, les dépanneurs du Leclerc puis le char Leclerc,
lui-même, le développement du missile PAAMS pour la frégate Horizon, enfin les
prochaines années de développement du missile M 51.
L'extension de ce dispositif de commandes globales à des programmes majeurs -
je pense plus particulièrement au M 51 et au Leclerc - renforce l'assise de ces
projets en garantissant aux industriels concernés une cohérence dans la
conduite de ces programmes. Nous allons poursuivre dans cette voie, ce qui va
tout à fait dans le sens souhaité par M. Jean Faure dans son avis.
Je signale par ailleurs que la commande groupée d'avions Rafale fait
actuellement l'objet de travaux approfondis entre mes services, le ministère de
l'économie et des finances et les industriels concernés. Je suis confiant sur
notre capacité à notifier cette commande début 1999.
Enfin, pour répondre à M. Bertrand Auban, qui m'interrogeait sur ce point,
nous pourrons notifier la commande sur le Tigre dans les tout premiers jours de
janvier 1999. Nous venons de nous mettre d'accord, mon nouveau collègue
allemand et moi-même, lors de notre rencontre à Potsdam voilà quelques
jours.
Le projet de budget qui vous est soumis prévoit une augmentation sensible de
l'ensemble des dépenses de défense : 2,9 % par rapport à 1998. Comme je
l'indiquais, c'est l'un des efforts les plus élevés parmi les pays de l'Union
européenne.
Il comporte évidemment un aspect majeur pour le système d'hommes que
représente l'armée professionnelle. Déjà, la loi de finances pour 1998
traduisait cette priorité.
La phase de transition dans laquelle nous sommes entrés supprime un effectif
de près de 200 000 appelés pour arriver à zéro en 2002. Il nous faut donc
maîtriser la transition et je voudrais développer un instant cette
préoccupation.
La loi portant réforme du service national traduit la volonté du Gouvernement
de concilier la priorité qu'il accorde à l'emploi des jeunes, axe central de
son action, et le besoin en appelés pendant la phase de transition.
Nous avons donc, d'une part, protégé l'emploi des jeunes appelés pendant leur
service national, en modifiant à cette fin le code du travail, et, d'autre
part, élargi les conditions d'octroi de certains reports d'incorporation et de
dispenses.
La possibilité d'un report d'incorporation pour les jeunes titulaires d'un
contrat de travail existe. Je rappelle d'ailleurs qu'à l'Assemblée nationale
elle n'a fait l'objet d'aucune opposition. Si cette assemblée-ci a pris une
position différente, c'est seulement dans l'hypothèse où l'insertion
professionnelle du jeune serait compromise par l'appel sous les drapeaux.
Cette disposition s'applique. Après les premiers examens de dossiers par les
commissions compétentes, une circulaire a été établie par mes services. Elle
tient compte de la jurisprudence sur laquelle les tribunaux administratifs
saisis se sont prononcés dans le sens souhaité et recommandé par le
Gouvernement. Chacun peut voir dans quelles conditions, avec un souci non
seulement d'équité, mais aussi de réalisme par rapport aux besoins des armées,
s'applique cette disposition.
Par rapport aux besoins inscrits dans la loi de programmation en effectif
d'appelés au milieu de l'année 1998 - c'est ainsi que doit s'apprécier un
effectif budgétaire - je souligne que le besoin inscrit dans la loi est de 137
000 appelés. L'effectif réalisé en milieu d'année est de 133 000. Il y a donc
des différences qui sont légèrement supérieures pour la marine - 159 appelés de
plus que ceux qui sont inscrits - et pour la gendarmerie - 161 de plus. Il y a
des différences qui sont quasi invisibles dans l'armée de l'air et dans les
services.
En revanche, c'est vrai, l'écart est un peu inférieur à 5 % pour les effectifs
d'appelés de militaires du rang dans l'armée de terre, mais cela a été compensé
par un appel accru aux volontaires du service long.
Dans ces conditions, la situation des effectifs appelés et engagés des armées,
plus particulièrement de l'armée de terre, se caractérise par un niveau
quantitatif et qualitatif satisfaisant.
Le sens civique des appelés, démontré au quotidien, est partagé par les jeunes
nés après le 1er janvier 1980 qui ont participé aux journées d'appel de
préparation à la défense.
En réponse à M. de Villepin et à M. Serge Vinçon, je souhaite rappeler que les
appréciations que portent les jeunes convoqués à cette journée de contact
direct avec la défense attestent le succès de cette formule. Plus de 80 000
jeunes ont déjà suivi cette journée depuis le début du mois d'octobre, avec un
taux de participation de 92 % sur les six premières journées. Aucun incident
n'a été signalé, et plus de 84 % de ces jeunes se sont déclarés satisfaits de
cette journée. Bien entendu, il faut rester à l'écoute. Je remercie les
nombreux élus et parlementaires qui ont visité des sessions d'appel de
préparation à la défense, ainsi que votre commission des affaires étrangères,
de la défense et des forces armées, qui a l'intention d'en faire autant dans
les jours qui viennent. Je crois que nous avons bien réussi le lancement de ce
dispositif, et chassé les incertitudes qui entouraient le dispositif
antérieurement imaginé, que, semble-t-il, personne ne regrette.
Nous pourrons, dès le début de 1999, tirer les premiers enseignements du
dispositif d'accompagnement des jeunes détectés en grande difficulté de lecture
grâce au dispositif de l'APD.
Les orientations budgétaires traduisent la priorité qui est accordée au
système d'hommes. Elles permettent une évolution des effectifs conforme à la
programmation, notamment en renforçant les mesures d'accompagnement social et
matériel.
Permettez-moi, à cet égard, de revenir sur quelques observations qui ont été
faites à propos de l'augmentation des rémunérations et charges sociales dans ce
budget.
Je ne considère pas comme une mauvaise nouvelle qu'elles soient en
augmentation de 2,9 %. Selon un principe que personne, je crois, n'envisage de
remettre en question, les rémunérations des armées sont rigoureusement indexées
sur les rémunérations de l'ensemble des fonctionnaires et agents de l'Etat. Le
statut général des militaires ne donne pas à la communauté militaire les mêmes
moyens de défense professionnelle qu'aux fonctionnaires civils. Personne ne le
demande non plus. Ils ont, en revanche, cette garantie législative fondamentale
que, en toutes circonstances, les rémunérations de la communauté militaire
évoluent comme celles des fonctionnaires civils.
La professionnalisation se déroule conformément aux prévisions en quantité et
en qualité. Les rémunérations évoluent positivement. C'est un élément important
de la condition militaire, et c'est précisément une garantie de succès quant au
niveau et à la motivation des candidats au recrutement qui viendront compléter
les effectifs de l'armée professionnelle.
Je souligne à cet égard que le ministère de la défense ouvrira environ 16 000
postes nouveaux en 1999, 8 800 militaires professionnels, 4 800 volontaires et
2 400 postes d'agents civils.
La gendarmerie nationale, de son côté, accroît sensiblement ses moyens humains
avec 3 000 gendarmes adjoints recrutés en 1999 parmi ces 4 800 volontaires. Ils
s'ajoutent, monsieur Masson, ainsi que le Premier ministre l'a rappelé lors de
sa visite à la gendarmerie à Melun, à laquelle vous participiez, aux 800
gendarmes adjoints recrutés au cours du dernier trimestre 1998.
L'arrivée de ces gendarmes adjoints contribuera à consolider l'implantation de
la gendarmerie sur l'ensemble du territoire. Je souligne à l'intention de M.
Trucy que, la première année, ces gendarmes adjoints bénéficieront de
vingt-cinq jours de permission. C'est identique à un appelé qui ferait douze
mois qui ouvrent droit à vingt et un jours, auxquels peuvent s'ajouter quatre
jours de bon soldat, bien connus de notre jeunesse.
Cela me permet de répondre aux préoccupations du président de Villepin, à MM.
Masson et Trucy. Le recrutement en nombre et en qualité de gendarmes adjoints
est un défi important que la gendarmerie nationale saura relever, j'en suis
convaincu. Le personnel de la gendarmerie ne s'y est pas trompé et réserve à
ces jeunes une qualité d'accueil et de formation qui, me semble-t-il, prépare
le succès de cette formule.
J'ai demandé à la gendarmerie de prendre les mesures nécessaires à des
conditions de logement satisfaisantes. Pour vous donner une indication, sans
effort de publicité, déjà 2 500 dossiers de candidature ont été reçus pour les
recrutements à venir, ce qui constitue un démarrage prometteur.
A propos du volontariat dans les armées, je rappelle qu'il était bien dans
l'intention du Gouvernement que cette opportunité donnée à nos jeunes
concitoyens offre de réelles perspectives d'insertion professionnelle. Ces
jeunes sont des militaires à part entière, auxquels sont offertes des
conditions de rémunération au moins équivalentes au SMIC. En réalité, elles
sont supérieures compte tenu des avantages en nature. Cette formule offre
aussi, ce qui est très important pour les jeunes intéressés et concernés par ce
type d'emploi, des possibilités de valorisation ultérieure de cette expérience
professionnelle.
Nous le savons tous, les armées ont montré leur capacité à sortir de l'ornière
des jeunes à faible formation initiale et à les accoutumer à une discipline et
à une méthode de travail, qui font que ces jeunes sont ensuite très fortement
appréciés sur le marché du travail.
MM. Boyer et Trucy ont évoqué les contrats courts Marine. C'est un aspect
important de la professionnalisation de la marine. Les choix de recrutement qui
sont faits assurent la solidarité des armées envers une partie de notre
jeunesse en situation parfois précaire.
Au bout de dix-huit mois de mise en application, la formule donne des
résultats très satisfaisants. C'est un élément important du dispositif d'«
ascenceur social » que les armées continuent à assurer.
De nombreux orateurs se sont intéressés, à juste titre, aux personnels civils,
dont le rôle croissant est un des éléments importants de la
professionnalisation. Les recrutements ont été, en 1998, d'un niveau nettement
supérieur à celui de 1997 : 159 fonctionnaires avaient été recrutés en 1996, et
384 l'an dernier, mais une partie l'ont été un peu plus tard au titre de 1998.
Il faut, en redressant le décalage, indiquer que les chiffres auraient été en
réalité de 700 recrutements en 1997, c'est-à-dire cinq fois plus qu'en 1996, et
de 1 800 en 1998. Nous serons très certainement au-dessus de 2 000 recrutements
en 1999.
La comparaison des situations en fin d'exercice fait apparaître, pour cette
année, une diminution de près d'un millier du sous-effectif de la défense en
fonctionnaires, et cela malgré la création de plus de 1 200 postes, ce qui
constitue forcément un défi supplémentaire pour pourvoir les postes au titre de
1998.
Cette amélioration est particulièrement sensible pour les armées où le
sous-effectif a été ramené de 1 350 fin 1997 à seulement 250 fin 1998. Des
procédures de concours ont encore lieu à l'heure actuelle.
Concernant les postes d'ouvriers d'Etat, les recrutements, qui avaient été de
129 en 1996, ont été portés à 294 au cours de l'année 1997 et ils ont été de
638 cette année. Je me fixe l'objectif d'un niveau au moins égal pour l'année
prochaine.
Contrairement à ce qui s'est écrit parfois, des mouvements importants de
mutation de personnels ont eu lieu entre les services excédentaires de la DGA
et les armées, ainsi qu'en provenance de GIAT Industries. Ces mouvements visent
à réduire les sureffectifs existants pour les réaffecter vers les
établissements, unités ou sites en sous-effectifs. Plus de 1 000 personnes ont
ainsi été mutées en 1997 et, d'ores et déjà, 800 l'ont fait au titre de l'année
1998, nous en sommes sûrs.
Bien entendu, la lenteur et l'effort de conciliation entre les intérêts
individuels des agents et les besoins des services aboutissent, pendant une
période d'adaptation, à un certain nombre d'emplois non pourvus. Mais qui
pourrait comprendre que des établissements industriels de l'Etat, des
entreprises publiques ayant du personnel sous statut d'ouvrier de l'Etat, se
trouvant en sureffectif, organisent la reconversion de leurs agents aux frais
du contribuable, et y engagent des crédits très importants, alors que des
postes nouveaux sont vacants, sans que l'Etat fasse l'effort d'organiser la
transition des uns avec les autres ?
Je voudrais à cet égard observer que la résorption des sureffectifs de la DCN
aurait dû être menée avec plus de détermination au cours des années
précédentes. J'ai vérifié les chiffres : entre 1993 et 1997, le sureffectif de
la DCN, qui était de 24 000 postes, n'a été réduit que de 3 000 emplois en
quatre ans. Cet effort n'a pas été suffisant. Pourtant, chacun connaît
l'importance des problèmes de la DCN. Le Gouvernement auquel j'appartiens a
accentué cet effort, et il est vrai que le retard accumulé pose des problèmes
de réaffectation des personnels civils. Cela prouve qu'il est nécessaire de
réaliser un effort constant dans ce domaine.
Je ne peux pas terminer sur ce chapitre, qui porte sur ce qui est à mon avis
l'essentiel, à savoir la communauté humaine de la défense, sans dire, comme
l'ont fait plusieurs orateurs, que je remercie, à quel point les personnels,
militaires et civils, engagés dans cette réforme sont motivés.
Pour répondre aux remarques formulées à propos de la relative tension sur les
crédits de fonctionnement, notamment par M. de Villepin, je rappellerai d'abord
que la loi de programmation militaire est construite pour ce qui concerne le
titre III de cette façon : la professionnalisation induit une augmentation des
rémunérations et charges sociales, ce qui comprime d'autant plus le
fonctionnement qu'elle entraîne un appel accru à la sous-traitance, qui est la
démarche de toutes les armées professionnalisées. Une armée professionnalisée
n'a pas forcément besoin d'avoir des effectifs de titulaires permanents pour
tondre les pelouses des infrastructures militaires !
Les outils de gestion tels que décrets d'avances et les décrets de virements
nous permettent en cours d'année de corriger les éventuelles insuffisances en
construction.
L'ensemble de ces dispositifs nous aura permis en 1998 d'abonder au total les
dotations de rémunérations et charges sociales des armées et de la gendarmerie,
pour laquelle un effort tout particulier a été accompli, ce qui va dans le sens
souhaité par M. Paul Masson, à hauteur de 4,4 milliards de francs et celles de
fonctionnement de 940 millions de francs.
Ainsi, je réponds à la question qui m'a été posée sur les crédits de
fonctionnement de la gendarmerie. L'avance est rétablie grâce au collectif
budgétaire pour 1998 et l'entrée dans l'exercice 1999 s'en trouvera largement
améliorée.
Je souhaiterais apporter deux précisions sur la gestion de 1998. Je
rappellerai qu'en raison du fait que le gage des crédits du décret d'avances de
cet été, 3,8 milliards de francs, s'est effectué sur les reports de crédits de
fin 1997, la perte réelle sur le titre V en 1998 ne porte que sur 3,5 milliards
de francs. Ce chiffre est à comparer aux annulations des exercices antérieurs :
11,9 milliards de francs en 1995, 8,5 milliards de francs en 1996, 5 milliards
de francs en 1997, malgré les efforts d'ajustement liés à la construction
européenne.
Cette année, il n'y a pas eu de régulation budgétaire. En conséquence, les
3,5 milliards de francs d'annulation n'ont aucune conséquence physique sur le
déroulement de l'exercice 1998.
Je veux dire un mot des difficultés d'exécution du budget de 1998 en
investissements, qui donnera lieu à des reports de crédits. Il faut y voir
essentiellement le résultat des actions de réduction de coût de la délégation
générale pour l'armement, réduction saluée par M. Jean Faure, qui a cité le
chiffre de 43 milliards de francs d'économie. Personne ne peut penser,
mesdames, messieurs les sénateurs, que de tels efforts d'économie peuvent se
réaliser sans un travail massif de négociation et de réexamen des contrats, ce
qui entraîne, il est vrai, quelques délais supplémentaires dans l'exécution des
dépenses. Mais que voulons-nous ?
Vous avez voté, pour une large majorité d'entre vous, une loi de programmation
militaire dans laquelle était inscrit un objectif de réduction de 30 % du coût
des armements.
Cet effort est en train d'être accompli. Le Gouvernement le fait sien. Il
entraîne nécessairement des procédures de marché et des procédures de mise en
paiement qui sont beaucoup plus rigoureuses, beaucoup plus vigilantes
qu'auparavant.
Je souhaite, par ailleurs, poursuivre les réformes de bonne gestion des
derniers publics qui sont à l'oeuvre à l'heure actuelle au sein du ministère en
insistant sur la mise en concurrence, comme le recommandent depuis des années
tous les rapports parlementaires. Cela entraîne, c'est vrai, des prolongations
de délais. Si quelqu'un veut m'expliquer comment on peut à la fois rendre
l'ensemble des services beaucoup plus vigilants sur la consommation des crédits
et les consommer plus vite, je suis, naturellement, intéressé par la
recette.
La réforme des réserves est un objectif important du Gouvernement. Ce dossier,
je crois, nous rassemble dans ses objectifs. Il faut apporter aux armées, à la
gendarmerie le complément opérationnel et la contribution de citoyens
extérieurs à la défense, mais désireux d'y jouer un rôle de partenaire qui leur
est indispensable.
Cette réserve sera un facteur efficace de renouvellement du lien entre l'armée
et la nation.
Monsieur le président de Villepin, un projet de loi vous sera présenté en
1999. Il résulte de discussions approfondies entre le ministère de la défense
et ses partenaires civils, publics et privés. Cette nécessité explique le délai
de préparation.
J'ai mené une concertation méthodique avec les associations de réservistes -
tous ceux parmi vous qui sont des partenaires assidus de ces associations le
savent - au sein d'un conseil supérieur d'études des réserves qui a été créé à
cet effet.
Le projet a fait également l'objet de travaux réguliers de discussions avec
les organisations d'employeurs que nous allons conclure dans les jours qui
viennent.
J'entends en outre, comme je l'avais fait l'année dernière sur le projet de
loi du service national, rencontrer les représentants des groupes
parlementaires avant même de déposer le projet de loi au Parlement pour prendre
en compte les observations des uns et des autres.
Toutes ces réformes ne peuvent s'accomplir sans un effort important en termes
d'accompagnement. J'avais annoncé l'année dernière le redynamisation de la
délégation interministérielle aux restructurations de défenses. Un nouveau
délégué interministériel, Pierre Pouessel, a été nommé au début de cette année.
Il a effectué plus de trente déplacements pour mettre en place les comités de
site que j'avais annoncés, associant l'ensemble des partenaires. Tous ceux
parmi vous qui ont participé aux travaux de ces comités de site ou qui s'en
sont informé savent que du bon travail s'y fait.
M. Branger a fait état de difficultés particulières qui touchent son
département. Je crois que c'est par cette procédure qu'elles pourront être
traitées, et j'ai déjà pris de nombreux contacts avec les partenaires locaux.
Je crois que l'état d'esprit constructif existe dans la Charente-Maritime comme
ailleurs.
Le nombre de créations d'emplois aidés dans les sites en conversion est passé
à 1 400 cette année contre moins de 700 l'année dernière. Par conséquent, les
500 millions de francs de crédits qui ont été mis à disposition en 1998, et qui
atteindront 700 millions de francs en 1999, sont employés efficacement.
S'agissant du groupe GIAT-Industrie et de la DCN, je veux souligner que les
diminutions d'effectifs auxquelles nous sommes obligés de procéder pour rendre
ces entreprises efficaces s'effectuent sans aucun licenciement. Vous savez,
mesdames, messieurs les sénateurs, que la direction du groupe GIAT-Industrie,
après avoir cédé sa filiale Herstal en début d'année - ce qui lui a permis
d'alléger ses charges - a élaboré un plan stratégique que le Gouvernement a
approuvé. Ce plan a été adopté par le troisième comité central d'entreprise, le
22 octobre dernier, après une négociation sociale réelle. Il est exigeant pour
les bassins d'emplois concernés, c'est vrai, mais il comporte des
réorganisations industrielles fortes. En effet, l'absence de réorganisation
obérait la capacité du groupe GIAT à nouer des stratégies d'alliance avec nos
partenaires, alors que la qualité technique du GIAT a déjà permis des
négociations avec d'autres professionnels de l'armement terrestre.
Je rappelle que l'objectif d'éviter tout licenciement sera scrupuleusement
atteint.
Quant à la DCN, à propos de laquelle Mme Heinis a bien voulu rappeler un
ensemble de données dont elle reconnaît le caractère partiellement
contradictoire, le Gouvernement, sur la base des propositions de la direction,
travaille sur un projet de plan d'entreprise qui sera conclu dans les tout
prochains mois. Il mettra fin, là aussi, à une absence de décisions qui n'a que
trop duré, donnant une vision d'ensemble de l'avenir aux différents acteurs.
L'intention du Gouvernement n'est pas de changer le statut de la DCN ni celui
des personnels ; j'observe d'ailleurs qu'aucun des partenaires proches du
dossier ne le demande. Ce statut comporte en effet des capacités d'adaptation
qui doivent être utilisées pleinement pour faire évoluer la DCN et la mettre en
situation d'affronter la concurrence en nouant des partenariats stratégiques.
Seule une véritable compétitivité permettant à la DCN de faire la course aux
contrats à l'exportation et de poursuivre la diversification rendra possible le
maintien d'un outil industriel d'une capacité supérieure aux stricts besoins de
la marine.
En ce qui concerne enfin le redéploiement des effectifs de la police et de la
gendarmerie, je voudrais dire que je souscris, sinon peut-être à certaines
critiques, du moins aux deux conclusions principales présentées tout à l'heure
par M. Masson dans son rapport, que j'ai trouvé extrêmement positif de par son
approche d'une démarche de modernisation qui a un peu tardé. Par conséquent, je
retiens le souhait exprimé par M. de Villepin d'organiser un débat public sur
ce thème devant la Haute Assemblée en début d'année prochaine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la France a aujourd'hui la chance de vivre
en paix et nos concitoyens sont principalement préoccupés par les problèmes
d'emploi et de violences urbaines. Pourtant, il était de notre devoir de
rénover en profondeur l'outil de défense de la France et de l'adapter aux
exigences des temps futurs dont personne ne sait s'ils seront aussi calmes que
nous le souhaitons. La politique de défense est élaborée dans de bonnes
conditions, en relation permanente avec l'ensemble des autorités, le chef de
l'Etat et le Parlement. Elle s'inscrit dans la longue durée et la cohérence. Le
débat qui nous a réunis était un débat pluraliste. Il a naturellement donné
lieu à des critiques souvent constructives, quelquefois un peu surprenantes, en
tout cas en décalage par rapport à l'annonce de votes positifs.
La réforme des armées dont presque tous ici vous avez reconnu les grandes
lignes comme valables répond à des intérêts profonds et durables du pays. Elle
est menée dans l'ordre et dans la méthode avec une coopération scrupuleuse des
autorités compétentes, en suivant les principes annoncés par M. le Président de
la République, chef des armées. Comme lui, je crois qu'il faut insister sur les
choses qui avancent et sur les étapes franchies positivement.
Vous allez être nombreux à le montrer par le vote que vous allez émettre. Je
remercie l'ensemble des sénateurs, sur toutes les travées, qui vont voter ce
projet en donnant un élan supplémentaire à la réforme de nos armées. Je les
remercierai encore plus d'employer leur crédit et leur influence morale pour,
certes, rappeler ce qui pourrait aller mieux, mais pour faire aussi partager à
nos concitoyens, au-delà de nos divergences politiques du moment, le soutien à
un effort de défense qui constitue le socle de notre présence et de notre
influence dans le monde.
(Applaudissements.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère
de la défense et figurant aux articles 47 et 48.
Article 47
M. le président.
« Art. 47. - I. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 1999, au titre
des mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires, des
autorisations de programme s'élevant à la somme de 1 322 692 000 francs,
applicables au titre III "Moyens des armes et services".
« II. - Pour 1999, les crédits de mesures nouvelles de dépenses ordinaires des
services militaires applicables au titre III "Moyens des armes et services"
s'élèvent au total à la somme de 1 031 676 000 francs. »
La parole est à M. de La Malène.
M. Christian de La Malène.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la
deuxième fois, je ne pourrai pas voter le budget de la défense nationale. Ce
n'est pas de gaieté de coeur, je vous prie de le croire, ni dans un esprit
partisan.
La discussion devant notre assemblée des lois de programmation et de
professionnalisation de nos armées nous avait laissé des sentiments de regret
et d'espoir.
Le regret provenait de ce que ces réformes s'accompagnaient d'une diminution
brutale des crédits - ce n'était pas de votre fait, monsieur le ministre.
L'espoir venait de ce que nous pensions entrer dans un monde nouveau, celui de
la programmation et de l'armée professionnelle, et que, compte tenu des
garanties solennelles qui nous étaient données, de la nouvelle règle du jeu, de
la nouvelle philosophie qui devait accompagner l'instauration d'une armée
professionnelle, nous espérions que les prévisions de crédits seraient
tenues.
Cet espoir a été déçu.
Quand nous additionnons les crédits du titre V sur deux années, 1998 et 1999,
en y intégrant le collectif de 1998, nous constatons qu'il nous manque 21
milliards de francs.
Or, 21 milliards de francs, c'est le coût approximatif d'un deuxième
porte-avions.
Nous pensions que les services et tous les responsables, à tous les niveaux,
devant le monde nouveau que constitue l'armée professionnelle, allaient
abandonner leurs errements anciens : gels ou retards dans les engagements, dont
on voit déjà le résultat dans le collectif de 1998.
Hélas ! il n'en est rien !
J'appartiens à une génération qui a fait la dernière guerre : j'ai été engagé
volontaire. Nous avons pu voir quels désastres signifiaient pour la nation les
retards et les insuffisances dans le domaine de la préparation.
M. Michel Charasse.
Du fait des états-majors !
M. Christian de La Malène.
Aujourd'hui, chacun s'en va disant que le monde est plus dangereux qu'hier,
même si ce n'est pas de la même façon.
Et quelle réponse opposons-nous à ce monde dangereux ? Devant la commission de
la défense nationale, nous apprenons que les crédits du titre III sont rognés à
toutes les lignes ! Nous apprenons que, cette année, nos forces aériennes ne
seront étoffées que d'un avion Rafale, un seul, et qui pourrait probablement
être opérationnel depuis plus de deux ans ! Nous apprenons encore que notre
force navale, autour de notre porte-avions nucléaire, ne sera opérationnel que
huit mois sur douze, et que l'on cherche, sans les trouver, les moyens de
pallier cette insuffisance !
Que pouvons-nous alors dire, nous membres de la commission de la défense
nationale, à ceux qui nous ont fait confiance ? Que nous sommes satisfaits et
qu'ils peuvent être rassurés ?
(Applaudissements sur quelques travées du
RPR.)
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je veux simplement dire à M. de La Malène que
toutes les opinions sont respectables et que, parmi les parlementaires qui vont
se prononcer dans quelques instants, nombreux sont ceux qui ont la même
préoccupation que lui de la préparation de l'avenir mais qui émettront un vote
différent.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
36:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 301 |
Majorité absolue des suffrages | 151 |
Pour l'adoption | 299 |
Contre | 2 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 47.
(L'article 47 est adopté.)
Article 48
M. le président.
« Art. 48. - I. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 1999, au titre
des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des
autorisations de programme ainsi réparties :
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Titre V
"Equipement"
83 476 900 000 F
«
Titre VI
:
"Subventions d'investissement accordées par l'Etat"
2 523 100 000 F
« Total
86 000 000 000 F
. »
« II. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 1999, au titre des
mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des
crédits de paiement ainsi répartis :
«
Titre V
"Equipement"
22 844 680 000 F
«
Titre VI
:
"Subventions d'investissement accordées par l'Etat"
2 090 800 000 F
« Total
24 935 480 000 F
. »
Personne ne demande la parole ?...
Jer mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement
figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement
figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 48.
(L'article 48 est adopté.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le ministère de la défense.
Affaires étrangères et coopération
II. - COOPÉRATION (ET FRANCOPHONIE)
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
les affaires étrangères et la coopération : II. - Coopération (et
francophonie).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, à cette heure tardive, je m'efforcerai d'être
bref et d'aller à l'essentiel.
Ma tâche sera facilitée pour le fait que, devant la commission des finances,
le 10 juin dernier, le ministre des affaires étrangères s'est engagé à
présenter son budget à structures constantes, pour nous permettre de
distinguer, à l'intérieur du budget global des affaires étrangères, ce qui
correspondait à l'ancien budget de la coopération.
Ainsi, nous pouvons constater que les crédits de la structure « coopération »
sont en baisse de 7,73 % en moyens de paiement, passant de 6,50 milliards de
francs à 5,98 milliards de francs.
Les autorisations de programme s'élèvent à 2,597 milliards de francs, en
diminution de 100,4 millions de francs par rapport à 1998, ce qui correspond à
une baisse de 0,38 %.
Cette diminution des crédits provient, pour l'essentiel, de la poursuite de la
baisse de l'assistance technique, avec la suppression de 170 postes de
coopérants, représentant une réduction de 91 millions de francs, et d'une
diminution de 305 millions de francs des concours financiers.
En revanche, les dons-projets du FAC, le fonds d'aide et de coopération,
augmentent de 3 millions de francs.
S'agissant des concours financiers, leur régression tient à deux facteurs
convergents, mais aux implications opposées : elle provient à la fois de
l'extinction des crédits d'ajustement structurel destinés à accompagner
autrefois la dévaluation du franc CFA, dont l'impact globalement positif est
aujourd'hui avéré, et de la situation de troubles prévalant dans plusieurs pays
d'Afrique sud-saharienne, qui rend inopérante toute forme de coopération. La
commission des finances voit d'ailleurs là, monsieur le ministre, un motif de
vive préoccupation pour l'avenir de ces régions.
L'évolution de ces crédits doit cependant être mise en perspective, car la
politique française d'aide publique au développement, l'APD, ne se réduit pas
aux seuls crédits du ministère de la coopération, qui ne représentaient, en
1998, que 10 % du total de l'effort fourni par notre pays.
Cette année, la France a consacré 34,7 milliards de francs à l'aide publique
au développement, soit 0,41 % de son PIB, contre 0,45 % en 1997. Ainsi, malgré
cette légère réduction, la France est le pays du G7 qui consacre la plus
importante part de sa richesse nationale à l'aide au développement, devançant
nettement l'Allemagne, qui lui consacrait 0,28 % de son PIB en 1997, le Japon,
avec 0,22 %, les Etats-Unis, avec 0,08 %.
En termes bruts, ce montant d'aide publique au développement place notre pays
au deuxième rang mondial des grands pays industrialisés donateurs, derrière le
Japon, mais largement devant les Etats-Unis et l'Allemagne.
L'essentiel de l'aide publique française passe par des aides bilatérales, qui
représentent 60 % du total. Le reste est affecté à l'aide multilatérale,
essentiellement européenne ; j'y reviendrai.
Quelles sont les observations formulées par la commission des finances ?
Tout d'abord, le rapprochement des deux ministères, affaires étrangères et
coopération, ou plutôt l'absorption du second par le premier, vise à concentrer
les moyens dont dispose la France pour l'aide au développement et à en
accroître l'efficacité. C'est en tout cas l'intention affichée par le
Gouvernement.
Mais la baisse des crédits dévolus à la coopération pour 1999, après plusieurs
années marquées par cette même tendance, fait craindre à la commission des
finances que, si cette réduction se poursuit, les crédits de coopération ne
finissent par jouer le rôle d'une variable d'ajustement du budget global du
ministère des affaires étrangères. En d'autres termes, monsieur le ministre, ne
vous laissez pas grignoter par ce gros voisin !
(Sourires.)
Ce rapprochement était certes réclamé de longue date par nos ambassadeurs en
poste dans les « pays du champ ». La dualité du pouvoir, politique, dans leurs
mains, et financier, dans celles du chef de mission de coopération, faisait
parfois de ceux de nos postes diplomatiques ne bénéficiant pas - monsieur le
président de la commission des affaires étrangères, je vais employer un
langage... diplomatique - d'un ambassadeur au savoir-faire exceptionnel et
s'impliquant personnellement, une sorte de théâtre d'ombres.
(M. le
président de la commission des affaires étrangères sourit.)
Autrement dit, dans les pays où l'ambassadeur était en dessous du niveau de la
mer, cela ne se passait pas très bien !
(Nouveaux sourires.)
La légitime prééminence de l'ambassadeur pouvait ainsi être contredite et
contrariée par la concentration des moyens financiers d'intervention au profit
des chefs de mission de coopération, malgré les termes très clairs du « décret
Sauvagnargues », jamais appliqué.
Cette situation complexe était contre-productive vis-à-vis de nos
interlocuteurs du champ et donnait une image brouillée de la France.
C'est pourquoi la réforme entreprise cette année est l'aboutissement d'une
réflexion menée par des gouvernements successifs d'horizons politiques divers,
démarche à laquelle le Président de la République a d'ailleurs souscrit.
De surcroît, l'organisation des structures ministérielles relève de la
compétence gouvernementale, et le Parlement aura à juger, non des intentions,
qui semblent bonnes, mais les résultats, qui sont encore à venir. C'est
pourquoi toute appréciation serait, à ce stade de la réforme, prématurée.
En revanche, il est d'ores et déjà possible de décrire les avantages et les
risques potentiels de cette évolution.
En ce qui concerne les avantages, il est indéniable que notre action au
bénéfice de nos partenaires africains a souffert de la dispersion des centres
de décision en matière d'action extérieure, tant en France que sur le
terrain.
Il est également certain que la sollicitude de notre pays envers ses
partenaires traditionnels a pu produire des effets mutuellement pervers : la
France a trop longtemps ignoré, nous semble-t-il, l'Afrique australe et
orientale, alors que la plupart des pays de ces zones souhaitent diversifier
leurs alliances traditionnelles et, pour tout dire, sortir du carcan
anglais.
En retour, l'assurance de trouver en France des appuis indéfectibles, quelles
que soient les vicissitudes de la conduite de leurs affaires, a conduit bien
des pays africains à conserver envers l'ancienne métropole une relation de
dépendance économique et financière qui n'a pas toujours éclairé leur
avenir.
Les risques tiennent essentiellement à l'utilisation des crédits affectés à la
coopération comme variable d'ajustement des besoins - et ils sont grands ! - du
ministère des affaires étrangères. Comment garantir que les arbitrages qui sont
inévitables se feront toujours au bénéfice de partenaires étrangers
traditionnels dont l'influence, variable, ne pourra pas toujours contrebalancer
des besoins financiers immédiats ailleurs dans le monde ?
Cette crainte est vive dans les opinions publiques africaines, qui redoutent
un désengagement de la France à leur égard, et les propos tenus récemment à ce
sujet lors du dernier sommet franco-africain n'ont pas toujours été explicites
et rassurants.
Mais le risque de saupoudrage et de banalisation des crédits affectés à l'APD
est également réel.
En effet, notre pays, qui reste une puissance moyenne, ne saurait utilement
intervenir dans de multiples Etats, dont les besoins sont certes légitimes,
mais qui ne tireraient alors aucun bénéfice réel d'un appui français trop
saupoudré et donc peu significatif.
Par ailleurs, alors que les crédits relevant du ministère délégué à la
coopération décroissent régulièrement, l'essentiel de notre APD transite de
plus en plus par le ministère des finances, qui la gère suivant des normes qui
sont sans doute un peu trop exclusivement financières et qui ne sauraient, à
elles seules, guider notre action extérieure. En d'autres termes, la politique
extérieure relève du ministre des affaires étrangères et du ministre délégué à
la coopération, et non de la direction du Trésor.
Cela rend donc encore plus impératif le renforcement du contrôle parlementaire
sur ces sommes, ainsi que sur leurs modalités d'utilisation.
Mais il faut bien constater que la réforme entreprise cette année, loin de
clarifier cet état de fait, en accentue l'opacité en confiant des crédits et un
rôle croissant à l'Agence française de développement, l'AFD, l'ancienne Caisse
française de développement, qui n'est au fond que l'un des bras armés de la
direction du Trésor - je parle sous le contrôle de l'ancien ministre de la
coopération, notre collègue et ami M. Pelletier - qui est toujours un peu
secrète et jalouse d'une indépendance que, à mon avis, trop de ministres ont eu
la faiblesse de lui accorder.
M. Jacques Legendre.
Très bien !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Il importe particulièrement de clarifier son action
alors que baisse le montant de l'APD française, car la part relative de cette
aide gérée, directement ou indirectement, par la direction du Trésor, en est
accrue d'autant.
A cet égard, il conviendrait que les membres du comité directeur du fonds
d'aide et de coopération, le FAC, qui siègent sous votre présidence, monsieur
le ministre, soient précisément informés de l'évolution des projets autorisés
par le comité directeur, et dont la réalisation est déléguée à l'Agence
française de développement.
L'absence totale d'informations sur leur calendrier de réalisation, qui est la
règle actuelle, est en effet choquante sur le plan démocratique. Après avoir
autorisé des projets portant, pour certains, sur des sommes considérables, le
comité directeur est totalement dessaisi de moyens de contrôle sur leur
réalisation. Il s'agit là d'une autre forme d'opacité des procédures.
Il est essentiel, mes chers collègues, de maintenir l'aide publique française
au développement à un haut niveau, en dépit des contraintes budgétaires qui
pèsent sur notre pays et dont nous avons tous conscience.
L'aide apportée par la France au développement est légitime ; elle est
mutuellement profitable ; elle est conforme à son rôle traditionnel sur la
scène internationale. Cette aide conforte des liens culturels importants avec
l'Afrique ; elle soutient la francophonie ; elle passe aussi de façon
croissante, même si les sommes en jeu restent encore très modestes, par les
canaux de la coopération décentralisée qui implique les acteurs de terrain, et
irrigue la France et les pays partenaires dans la profondeur de leur tissu
humain et social.
La France est le premier contributeur à l'aide européenne au développement,
mais la commission des finances du Sénat s'inquiète de la confusion qui marque
les objectifs de cette aide. Alors que le montant global de l'aide européenne
stagne, le nombre de ses bénéficiaires ne cesse de croître sans qu'aucune ligne
directrice ait été adoptée dans ce domaine.
Je rappelle que le VIIIe fonds européen de développement, le FED, couvrant la
période 1995-2000, n'a enregistré une légère progression de ses moyens
financiers - 13,3 milliards d'écus contre 12 milliards pour le VIIe FED - que
grâce à l'action décisive de la France en 1995 à l'arrivée du Président Chirac
et alors même que l'Union européenne accueillait trois nouveaux membres, à
savoir l'Autriche, la Finlande et la Suède.
Notre pays a, en effet, maintenu son apport à 24,3 % du total, soit 3,120
milliards d'écus, alors que l'Allemagne, l'Italie et surtout le Royaume-Uni,
qui étaient tous d'accord pour un accroissement de l'aide extérieure de la
Communauté, ont sensiblement réduit leur contribution.
Ce désengagement financier est d'autant plus préoccupant que l'Union
européenne a considérablement élargi le champ de son aide, avec l'accord de je
ne sais qui d'ailleurs. Je pense que les bureaux, notamment ceux de la DG-VIII,
jouent un rôle plus important que le Conseil des ministres, mais M. le ministre
nous le précisera tout à l'heure.
Ainsi, aux soixante et onze pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique,
bénéficiaires initiaux de l'aide et des dispositions commerciales de la
convention de Lomé, qui était quand même la convention sur les pays
traditionnels d'intervention, se sont successivement ajoutés les pays en
développement d'Amérique latine et d'Asie passe encore puis les pays tiers
méditerranéens - pourquoi pas ? - et, enfin, selon la nouvelle mode européenne,
les pays d'Europe centrale et orientale. Bientôt, peut-être, la lune
bénéficiera-t-elle de l'aide européenne !
Il faut ajouter à cette extension continue, mais dépourvue de priorités, les
conditions incertaines dans lesquelles s'engagent les négociations sur le
contenu de la Ve convention de Lomé et l'incrédulité rencontrée, dans les pays
de la zone franc, sur le caractère durable de la parité du franc CFA lorsque le
franc français aura cédé la place à l'euro, incrédulité qui, monsieur le
ministre, vous le savez, persiste en dépit de l'assurance formelle exprimée sur
ce point à plusieurs reprises non seulement par le gouvernement français, mais
aussi par la Commission européenne, le 24 novembre dernier.
Nous avons beau répéter à nos partenaires africains que le franc CFA est
maintenu, que l'Europe accepte son maintien, que la France en supportera seule
budgétairement les conséquences en matière de change, nous ne parvenons pas à
les convaincre.
Monsieur le ministre, votre habileté et votre intelligence sont grandes, mais
je ne sais pas ce que l'on peut faire, après leur avoir dit et répété la même
chose, sinon attendre tranquillement le 1er janvier 1999 et quand ils verront
que tout marche bien, ils changeront sans doute de discours.
Mais, il faut le dire et le répéter, le franc CFA pour l'instant n'est pas
menacé. Paradoxalement, d'ailleurs, je rencontre constamment des chefs d'Etat
de pays africains hors zone franc qui demandent à y entrer alors que leur
voisin d'à côté qui, lui, est dans la zone franc s'interroge sur les
conséquences du passage à l'euro.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
N'y mettons pas le Zaïre !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
C'est un autre problème !
Enfin, la cinquième et dernière observation de la commission des finances est
consacrée à la situation des retraités français d'Afrique qui ont été durement
éprouvés par la dévaluation du franc CFA, alors que leur faible nombre
justifierait un geste significatif et durable des pouvoirs publics, en sus de
ce qui a déjà été fait en leur faveur.
En effet, ceux de nos compatriotes qui ont accompli tout ou partie de leur
carrière sur ce continent reçoivent des caisses locales de protection sociale
des pensions libellées dans cette monnaie : leur montant a donc été divisé de
moitié en valeur après le 14 janvier 1994.
A cette réduction s'ajoutent des aléas considérables dans les versements qui
leur sont destinés, du fait de la gestion parfois un peu folklorique de ces
caisses locales.
Certes, les pouvoirs publics français ont attribué à certains pensionnés
particulièrement démunis une aide forfaitaire exceptionnelle, à la suite des
réclamations répétées des commissions du Sénat et des sénateurs représentant
les Français de l'étranger.
Puis une mission d'évaluation, comprenant des représentants de l'inspection
générale des affaires sociales et des ministères des affaires étrangères et de
la coopération a présenté des propositions, qui ont fait l'objet d'une
concertation interministérielle. Les mesures arrêtées visent à « sécuriser les
droits de nos compatriotes sans peser sur les finances de la sécurité sociale
française ».
Ces intentions sont excellentes, mais on comprend qu'elles ne donnent pas
satisfaction à nos compatriotes retraités. D'autant plus, monsieur le ministre
- et je reprends ma citation - que lorsque vous écrivez « sans peser sur les
finances de la sécurité sociale française », cela fait sourire car ces mesures
représentent trois fois rien. Il faudrait sortir de ce raisonnement un peu
étroit pour donner enfin à ces pauvres gens le minimum vital qui leur est
nécessaire.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Très bien !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission
des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la
coopération pour 1999, tels qu'ils sont présentés par le Gouvernement.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Brisepierre, rapporteur pour avis.
Mme Paulette Brisepierre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour l'aide au développement.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite de la fusion des budgets
des ministères des affaires étrangères et de la coopération, la commission des
affaires étrangères a souhaité étudier tout particulièrement les moyens
consacrés, dans ce budget, à l'aide au développement, aide qui constitue, ne
l'oublions pas, le coeur même de notre politique de coopération.
Le débat budgétaire nous amène à nous poser plusieurs questions.
La réforme entreprise par le Gouvernement permettra-t-elle de conduire une
coopération plus efficace avec les pays en développement ?
Les crédits inscrits dans le projet de budget correspondent-ils bien à la
priorité affirmée par le Premier ministre en faveur de l'aide au développement
?
En ce qui concerne les conséquences de la réforme de la coopération, seule
l'expérience nous permettra naturellement d'en juger l'efficacité.
Toutefois, si j'approuve, monsieur le ministre, la volonté qui vous a animé
d'adapter et de moderniser un dispositif qui souffrait de nombreux
dysfonctionnements, je dois cependant vous faire part de trois grandes
interrogations, pour ne pas dire d'inquiétudes.
Première interrogation la réforme s'engage dans un contexte international
préoccuppant. En effet, l'aide publique au développement n'a cessé de se
réduire au cours des dernières années : elle représente aujourd'hui 0,22 % du
PIB des pays de l'OCDE, soit le niveau le plus bas jamais atteint, bien loin de
l'objectif de 0,7 % fixé par les Nations unies.
Si la France occupe encore le premier rang du groupe des sept pays les plus
industrialisés, son effort se relâche chaque année et ne devrait représenter
que 0,36 % du PIB en 1999, contre 0,40 % en 1997. Au-delà de cette réduction
des moyens financiers, c'est l'efficacité, voire le principe même de l'aide,
qui se trouve parfois contestée.
Ainsi, au risque de passer par pertes et profits les responsabilités de l'Etat
et tous les efforts engagés dans le passé, le commerce et le libre-échange sont
de plus en plus mis en avant comme les meilleurs instruments du développement.
C'est d'ailleurs là l'une des orientations majeures de la renégociation de la
convention de Lomé à l'échéance du deuxième millénaire.
Que l'essor du commerce constitue un facteur favorable du développement, nul
ne le conteste, au contraire, mais qu'il serve de justification à une réduction
de l'aide pourtant indispensable pour de nombreux pays, compte tenu de la
fragilité de leur économie, ce n'est pas acceptable.
J'en viens à ma deuxième interrogation : la création d'un comité
interministériel de la coopération internationale et du développement, le
CICID, permettra-t-elle de donner une véritable dimension interministérielle à
notre politique d'aide ? Le CICID devrait se réunir pour la première fois après
le sommet franco-africain de la semaine dernière.
Jusqu'à présent, les efforts de coordination se sont heurtés aux résistances
des administrations, en particulier de Bercy, jaloux de ses prérogatives en
matière de gestion des prêts aux pays en développement. Or la réforme de 1998
n'affecte en rien les compétences du ministère de l'économie et des finances,
en particulier la tutelle prépondérante exercée sur l'Agence française de
développement. Des conditions d'ordre purement financier peuvent ainsi primer
sur les priorités diplomatiques ou politiques. On ne peut que le regretter.
La mise en place d'une instance d'arbitrage sous l'autorité du Premier
ministre répond donc à un besoin. Mais le CICID jouera-t-il ce rôle ? Il y a là
une incertitude que vous pourrez peut-être lever, monsieur le ministre.
Par ailleurs, la mise en place d'un Haut Conseil de la coopération
internationale vise à mieux articuler l'action des pouvoirs publics et celle de
la société civile. Mais pourquoi ne pas avoir prévu, au sein de cette instance,
la présence de parlementaires qui pourraient utilement lui apporter leur
expérience et leur connaissance du terrain ?
Ma troisième et dernière interrogation porte sur les contours de la « zone de
solidarité prioritaire », dont la définition incombera au CICID. Cette notion
de « zone de solidarité prioritaire » est appelée à se substituer à celle de «
champ », champ d'ailleurs paradoxalement élargi au cours des dernières années à
l'ensemble des pays ACP alors que le budget de la coopération n'a cessé de
diminuer.
La nouvelle zone couvrira en principe les pays les moins développés qui n'ont
pas un accès facile aux marchés de capitaux. Cette nouvelle zone apparaît très
large puisqu'elle recouvre, grosso modo, la catégorie des pays les moins
avancés telle qu'elle a été définie par les Nations unies.
En revanche, la définition pourrait sembler exclure,
a priori,
les pays
à revenu intermédiaire, comme le Gabon et la Côte-d'Ivoire. S'il paraît certes
acquis, dans un premier temps tout au moins, que ces pays figureront dans la
zone de solidarité prioritaire, la reconnaissance de nos liens traditionnels
tissés par l'histoire, pourra-t-elle encore prévaloir à l'avenir ?
Quoi qu'il en soit, l'extension du champ d'intervention comporte un risque de
dilution de notre aide, et donc de notre efficacité. Plutôt que de faire acte
de présence dans tous les pays en développement sur les cinq continents ce qui
nous amène à nous confondre avec les autres bailleurs de fonds, ne vaudrait-il
pas mieux apporter un soutien significatif à un nombre plus limité de pays et
garder auprès de ceux-ci notre statut de partenaire privilégié ? En ce qui nous
concerne, la réponse est catégorique.
Aussi, au terme de cette rapide analyse de la réforme, voudrais-je insister
sur la nécessité de la définition de « priorités géographiques fortes ». Je
m'inscrirai, pour ma part, dans la continuité des convictions que j'ai toujours
défendues au Sénat. J'estime que nous devons concentrer notre action sur
l'Afrique et, dans la mesure de nos possibilités, sur une Afrique élargie aux
zones anglophone et lusophone.
Cette position est fondée sur quatre éléments déterminants.
En premier lieu, l'influence de la France sur le continent constitue un
élément essentiel de notre rayonnement international. Ce point est à la fois
indiscutable et indiscuté, et le récent sommet France-Afrique en est une preuve
supplémentaire.
En effet, quel autre pays aurait pu réunir dans sa capitale, pendant près
d'une semaine, pratiquement tous les chefs d'Etat africains, malgré les graves
dissensions, pour ne pas dire plus, qui existent entre certains d'entre eux, en
englobant ainsi, pour la première fois dans une même entité, le Maghreb,
l'Afrique de l'Ouest, l'Afrique centrale, l'Afrique orientale et l'Afrique
australe ?
Nous sommes très largement sortis de ce qu'il était convenu d'appeler notre «
pré carré », pour prendre une dimension nouvelle, étendant ainsi notre
rayonnement sur toute l'Afrique.
N'est-ce pas suffisant, et ne vaut-il pas mieux consacrer nos possibilités
d'aide à ce continent, pour y asseoir cette nouvelle dimension ?
En deuxième lieu, l'Afrique a renoué avec la croissance. Depuis 1995, les pays
de la zone franc en particulier connaissent une progression annuelle du PIB de
4 %. En 1999, d'après les prévisions du FMI, le Fonds monétaire international,
c'est l'Afrique qui, pour la première fois, connaîtra le plus fort taux de
croissance : 3,7 %, contre 1,8 % pour l'Asie et 2,7 % pour l'Amérique latine.
Ainsi, face aux incertitudes asiatiques, le pari sur l'Afrique peut et doit se
révéler gagnant. Il serait donc paradoxal de banaliser la place de l'Afrique
dans nos préoccupations, et de perdre ainsi l'avantage de tant d'années
d'efforts et d'investissements.
En troisième lieu, la place de l'Afrique dans le monde doit également
s'apprécier au regard des perspectives démographiques : le continent africain
comptera ainsi 1 250 000 000 d'habitants en 2025, soit 18 % de la population
mondiale. Il y a là une promesse, mais aussi un défi, car il faudra contribuer
au développement harmonieux du continent. Notre effort doit donc s'inscrire
dans le long terme.
Enfin, en quatrième lieu, la France dispose d'atouts inappréciables sur ce
continent, au premier rang desquels figure notre communauté française, forte de
près de 150 000 personnes. Pourtant, nous devons admettre que nos compatriotes
n'ont pas toujours bénéficié de l'attention qui leur est due de la part des
pouvoirs publics ; les exemples sont malheureusement nombreux à cet égard, et
je pense notamment au problème récurrent des pensions des retraités français
ayant exercé en Afrique, qui a été évoqué par notre collègue Michel Charasse.
Il y aurait pourtant une solution logique et rapide pour le résoudre :
précompter sur l'aide budgétaire versée à certains pays africains les montants
correspondant aux sommes dues à nos compatriotes par les caisses de retraites
défaillantes, et les leur verser directement.
Autre exemple, s'agissant des petites entreprises, j'insisterai une nouvelle
fois sur la nécessité de mettre en place des instruments financiers plus
adaptés. Pourquoi ne pas utiliser, dès maintenant, une part des excédents
réalisés par l'Agence française de développement, excédents qui sont
statutairement mis en réserve, pour mettre en place, sans attendre, un
dispositif de prêts à intérêts bonifiés en faveur de ces entreprises ?
N'oublions pas que conforter la situation des Français établis en Afrique est
le meilleur moyen d'encourager nos entreprises à investir sur le continent.
J'en viens à l'analyse des crédits dévolus à l'aide au développement au sein
du projet de budget des affaires étrangères. L'évolution des dotations apparaît
pour le moins paradoxale. Alors même qu'il est décidé de donner au champ de
notre coopération une extension sans précédent, les crédits baissent de nouveau
cette année de plus de 8 %.
En plus, les économies portent sur les deux principaux instruments de notre
politique d'aide : l'assistance technique et l'aide-projet !
S'agissant de l'assistance technique, la suppression de cent soixante-dix
postes prévue pour 1999 portera les effectifs en deçà du seuil de 2 500
coopérants. Si jusqu'à une période récente la réduction reposait sur le souci
légitime de limiter le nombre de coopérants dits « de substitution », la
poursuite du mouvement revient aujourd'hui à remettre en cause une
caractéristique essentielle de notre coopération : le maintien d'une forte
présence humaine en Afrique. Cette présence ne répond pas seulement aux
souhaits de nos partenaires sur ce continent, elle constitue aussi le gage
d'une excellente expérience du terrain et d'une utilisation satisfaisante de
l'aide apportée.
Veut-on revenir sur cette dimension essentielle de notre coopération ? Du
moins faudrait-il alors ouvrir un véritable débat, plutôt que de procéder
chaque année à une baisse insidieuse des effectifs qui porte une atteinte
profonde au rôle que nous jouons en Afrique.
L'évolution des crédits destinés à l'aide-projet n'appelle pas des
commentaires plus positifs. Les moyens affectés au Fonds d'aide et de
coopération, le FAC, baissent de 11,4 %. Par ailleurs, la part des dons
destinés à financer les projets dans les pays les plus pauvres se contracte,
quant à elle, de près de 20 %. Le Gouvernement explique une partie de ces
économies par la sous-consommation des crédits observée chaque année. Il existe
en effet malheureusement trop souvent un décalage entre l'instruction d'un
dossier au sein du comité directeur du FAC, la prise de décision et sa
réalisation effective. Mais ce problème doit conduire à réformer le mode de
fonctionnement du FAC et à lutter contre les lenteurs administratives plutôt
qu'à réduire nos concours alors même que les besoins sur place apparaissent
considérables.
Et je n'insisterai jamais assez sur l'indispensable rapidité d'exécution des
mesures lorsqu'elles sont décidées. Cette rapidité constitue le facteur clé de
la réussite. Des décisions excellentes perdent tout leur impact si leur
réalisation se dilue dans le temps comme cela arrive trop souvent, soit par
manque de volonté politique, soit par excès de bureaucratie, de manque de suivi
ou d'inertie. En outre, on ne doit pas l'oublier, ces retards ne sont pas sans
conséquences pour nos finances publiques.
En conclusion, les ambitions affichées par la réforme susciteraient l'adhésion
si une progression des moyens budgétaires accompagnait l'extension du champ
d'intervention de notre aide au développement. Or, non seulement les crédits
n'augmentent pas, mais ils subissent une sévère contraction. C'est la cohérence
même de la réforme qui est ici en cause. Dès lors, à vouloir être présents
partout avec des moyens réduits, nous risquons, à l'évidence, de perdre nos
positions fortes sans en gagner aucune en retour. Il faut donc, dans le
contexte budgétaire que l'on sait, privilégier un nombre limité de pays, où
nous devons nous employer à rester ou à devenir les partenaires de référence.
C'est à cette condition que la France demeurera un acteur influent sur la scène
internationale.
La commission des affaires étrangères a exprimé sa préoccupation quant à
l'évolution inquiétante des crédits consacrés à l'aide au développement. Elle a
cependant apprécié ces dotations dans un cadre plus large, formé par le budget
des affaires étrangères dans son ensemble, budget sur lequel elle a porté un
jugement nuancé, mais a émis tout de même un avis favorable.
Je me rallierai donc à cet avis, tout en insistant sur le fait que les moyens
étant limités, il est d'autant plus impératif de valoriser ce budget au
maximum, en évitant la dispersion de notre aide et en réduisant les délais,
trop souvent excessifs, entre décision et exécution.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la
francophonie.
« Le français a été pour moi une chance. Il m'a ouvert
l'esprit, m'a apporté un savoir, une certaine rigueur intellectuelle. J'ai
rencontré des auteurs et des textes fabuleux que je n'aurais jamais découverts
si je n'avais pas eu accès à la langue française. Descartes, Zola, Hugo, le
théâtre de Racine ou la poésie de Baudelaire, pour ne citer que quelques
exemples. Tous ces écrivains ont modifié le regard que je portais sur le
monde... Cet apprentissage a été bénéfique, constructif. J'ai le sentiment de
posséder quelque chose d'important et de précieux. »
L'homme qui témoignait ainsi de l'importance de la langue française dans son
livre
Rebelle,
paru en 1995, s'appelait Lounès Matoub. Il a été
assassiné le 25 juin dernier près de Tizi Ouzou. C'était un chanteur, le
chantre de l'identité kabyle et de la culture berbère, mais il nous rappelait
que la langue française, bien loin d'aliéner sa personnalité, pouvait se
combiner avec sa culture arabe et berbère pour l'aider à s'ouvrir au monde.
On le constate, la francophonie n'est pas un repli identitaire frileux. Elle
est tout au contraire un instrument de dialogue et de liberté. Elle est un
choix au service de valeurs.
M. Lucien Neuwirth.
Très bien !
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
Aujourd'hui, la langue française a cessé d'être
notre bien propre, à nous, Français, pour devenir la propriété, le « butin »,
disait Mohamed Dib, de tous ceux qui l'ont choisie. Tout cela devrait nous
obliger à traiter sérieusement de la francophonie.
La France consacre-t-elle à la francophonie des moyens suffisants ? Le
rapporteur que je suis est chargé d'examiner les moyens budgétaires des
services placés sous l'autorité du ministre délégué à la coopération et à la
francophonie.
En 1998, les crédits d'intervention gérés par le service des affaires
francophones s'élevaient à 61,605 millions de francs. En 1999, ils devraient
rester constants, soit 61,6 millions de francs, dont 53,7 millions de francs
affectés au Fonds multilatéral unique qui finance les actions décidées au
sommet de la francophonie.
Les crédits des services placés sous l'autorité du ministre délégué à la
coopération et à la francophonie ne représentent qu'une partie des crédits
affectés à la francophonie.
D'autres ministères y contribuent : l'éducation nationale, la culture,
l'industrie, la justice, les PME-PMI, l'emploi et la solidarité, l'aménagement
du territoire.
L'article 102 de la loi de finances pour 1987, à l'instigation du regretté
Maurice Schumann, invite le Gouvernement a dressé, chaque année, l'inventaire
des crédits consacrés par les pouvoirs publics à la défense de la langue
française et au développement de la francophonie. C'est là un exercice
difficile et un peu arbitraire. En effet, où s'arrêtent les dépenses en faveur
de la francophonie ?
Il faut déplorer que cette année ce recensement ait été particulièrement
délicat - ce n'est pas votre faute, monsieur le ministre, je le reconnais très
volontiers - les chiffres n'ayant été communiqués par le ministère des finances
qu'à la veille même de l'examen en commission.
De même, le rapporteur que je suis regrette qu'un budget déclaré exempt
d'annulations de crédits le 5 novembre en commission par vous-même, monsieur le
ministre, ait fait l'objet, après cette date, le 18 novembre, d'une annulation
de 16,52 millions de francs en crédits de paiement.
Mais allons à l'essentiel. On peut estimer néanmoins que l'enveloppe de la
francophonie s'élève à 5 267,57 millions de francs en dépenses ordinaires et
crédits de paiement, soit une diminution de 14,98 millions de francs, les
autorisations de programme progressant de 2,5 millions pour atteindre 123,63
millions de francs.
Ainsi donc la francophonie s'affirme de sommet en sommet, mais ses crédits
stagnent.
L'année 1998 aura été marquée par la grande réforme des services diplomatiques
français.
Votre rapporteur avait toujours affirmé que la diplomatie française se devait
d'être réunie sous une autorité unique. Il approuve donc cette évolution, tout
en confirmant qu'il y aurait place, sous l'autorité du ministre des affaires
étrangères et au côté du ministre délégué à la coopération, sans doute pour un
ministre délégué chargé de la francophonie, des relations culturelles et de
l'audiovisuel extérieur.
Il réaffirme, en particulier, la nécessité de mettre la DGRCST - direction
générale des relations culturelles, scientifiques et techniques - qui va
devenir la DGCID - direction générale de la coopération internationale et du
développement - sous la responsabilité directe du ministre délégué.
Les institutions de la francophonie multilatérale se sont, elles aussi,
profondément réformées, en application de la charte adoptée à Hanoï, en
novembre 1997.
La préparation et le suivi des sommets sont assurés par la conférence
ministérielle de la francophonie. La prochaine s'ouvre vendredi à Bucarest.
L'ACCT, l'Agence de coopération culturelle et technique, née d'un accord
international signé à Niamey en 1970, est devenu l'Agence de la francophonie,
tandis que AUPELF - UREF prend le nom d'Agence universitaire de la
francophonie. L'AIPLF, l'Association internationale des parlementaires de
langue française, quant à elle, clairement reconnue maintenant comme
l'assemblée consultative, prend le nom d'Assemblée parlementaire de la
francophonie.
Cette rationalisation des structures prend tout son sens avec la mise en place
d'un secrétaire général de la francophonie, porte-parole politique et
représentant officiel de la francophonie au niveau international.
Le choix de M. Boutros Boutros Ghali, ancien secrétaire général de l'ONU,
marque l'ambition de faire du secrétaire général de la francophonie un
personnage de premier plan.
Dès sa prise de fonction, M. Boutros Boutros Ghali a entendu tenir ce rang. Il
a mis sur pied, avec un succès inégal, des missions de bonne volonté qui se
sont rendues au Togo, en République démocratique du Congo. Il a travaillé en
liaison étroite avec le Commonwealth, avec l'OUA, avec l'ONU.
Ainsi s'esquisse une francophonie véritablement politique.
Le prochain sommet des chefs d'Etat et de gouvernement, prévu à Moncton dans
le Nouveau-Brunswick en septembre 1999, sera l'occasion d'un premier bilan en
même temps qu'il sera le point culminant d'une grande année de la francophonie
en Amérique du Nord, marquée aussi par le tricentenaire de l'arrivée des
Français dans le delta du Mississippi, en Louisiane, et par le congrès mondial
acadien qui se tiendra dans cet Etat américain.
Cette présence internationale forte ne doit pas occulter les menaces qui
pèsent sur la francophonie.
En France, la loi sur la langue française, dite loi Toubon, est inégalement
appliquée, malgré les efforts de la délégation à la langue française et de
quelques associations valeureuses, auxquelles il faut rendre hommage.
Dans les institutions internationales, le français continue à régresser
doucement. L'Union européenne, dans ses rapports avec les pays candidats à
l'élargissement, s'exprime essentiellement en anglais, et c'est inacceptable.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Lucien Neuwirth.
C'est une attitude scandaleuse !
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
Chez beaucoup de nos amis francophones, un doute
persiste : la France prend-elle vraiment la francophonie au sérieux ?
Avec vingt-trois sénateurs appartenant à tous les groupes du Sénat, j'ai
proposé de répondre à cette interrogation, à ce doute, par un geste fort : la
constitutionnalisation de la francophonie à l'occasion de la révision
constitutionnelle nécessitée par le traité d'Amsterdam. J'espère, monsieur le
ministre, que cette demande consensuelle, ressentie au sein de tous les groupes
du Sénat, sera entendue à l'occasion du prochain débat constitutionnel qui se
tiendra dans notre assemblée !
En conclusion, j'ai proposé à la commission des affaires culturelles d'inviter
le Gouvernement à déposer un amendement constitutionnel en faveur de la
francophonie, de lui demander d'intervenir avec la plus grande fermeté auprès
de la Commission de Bruxelles et des instances de l'Union européenne pour y
défendre la place du français et de faire respecter par les pays membres de la
francophonie les engagements en faveur du français dans les institutions
internationales, car tel n'est pas toujours le cas dans ce domaine.
Enfin, la commission des affaires culturelles s'est prononcée en faveur de
l'adoption des crédits de ce budget, sous réserve que ceux-ci ne fassent, en
1999, l'objet d'aucune mesure de régulation ou de gel.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 18 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 19 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart.
Monsieur le ministre, les sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen approuvent votre projet de budget pour 1999.
Les crédits de la coopération figurent pour la première fois dans l'ensemble
des crédits du ministère des affaires étrangères, suite logique de la réforme
de la coopération.
Nous nous réjouissons, par ailleurs, de vous voir passer de l'état de
secrétaire d'Etat à celui de ministre délégué, ce qui, certes, correspondait
mieux à vos talents, mais aussi ce qui redonne à la coopération une place mieux
en rapport avec son importance.
Vous le savez, nous avions souhaité,
a priori,
voir se construire un ministère du développement disposant de
l'autorité politique et des principaux leviers de commande financiers pour
mener à bien l'action de la France dans ce domaine.
Mais je reconnais bien volontiers que la présente réforme de la coopération
et, plus largement, la vision politique du Gouvernement à l'égard de son action
vers les pays du Sud vont dans le bon sens.
La création du comité interministériel de la coopération internationale et du
développement, qui définira les grands axes de la politique que le Gouvernement
entend suivre, et du Haut Conseil de la coopération internationale, qui
réunira, entre autres, élus locaux, représentants de la société civile - mais
pas de parlementaires, et c'est dommage - montre que l'on est loin désormais de
la politique africaine parfois obscure, souvent décidée de l'Elysée et dont
certaines dérives furent dramatiques pour le devenir de certains pays et pour
l'image de la France.
L'actuel gouvernement, en mettant en place sa propre politique de coopération,
montre également que le « domaine réservé présidentiel » n'avait, sur le sujet,
ni fondement constitutionnel ni raison d'être.
Nous approuvons pleinement les principes réaffirmés par M. le Premier ministre
et par vous-même concernant l'évolution de la position de la France vis-à-vis
des pays africains.
La « non-ingérence » et la « non-indifférence » permettent le respect mutuel
et le développement de relations bien plus équilibrées que par le passé.
Il était bien de réaffirmer que la première responsabilité de la sécurité des
Africains revenait aux Africains eux-mêmes, qui peuvent, bien sûr, compter sur
le soutien de la France et sur sa capacité à aider à la création et à
l'intervention d'organisations régionales de maintien de la paix.
Cette orientation politique ne manquera pas de porter ses fruits.
Nous sommes nombreux à espérer par ailleurs un nouvel ordre mondial fondé sur
la justice et la coopération, sur la souveraineté et sur les rapports entre le
Nord et le Sud fondés sur l'équité, à espérer un nouvel ordre économique et
financier régi par des règles limitant les pouvoirs des marchés financiers,
tout-puissants aujourd'hui, et démocratisant les organismes internationaux, à
voir se promouvoir une véritable politique de codéveloppement profitable aussi
bien aux pays du Sud qu'à nous-mêmes.
Quand nous aidons l'Afrique, nous nous aidons nous-mêmes. Combien de salariés
français produisent des marchandises achetées par les populations africaines ?
Il faut moins de charité, car c'est avant tout de justice dans les rapports
internationaux que les habitants du Sud ont besoin pour rester vivre chez
eux.
Depuis longtemps, le Sud subit les lois de l'iniquité. Producteur de matières
premières, il a toujours été exclu des décisions fixant le prix de ses propres
produits.
Pendant que ces prix fluctuaient, souvent à la baisse, ceux des produits
industriels, que le Nord lui envoie, connaissaient des hausses continues.
Les analystes sérieux, faisant le bilan de l'impact des précédentes
conventions de Lomé, indiquaient l'échec complet de l'ambition affichée, au
départ, de mieux insérer les pays ACP dans le marché européen. Il ne pouvait en
être autrement.
Même avec cette baisse de 7 % des crédits par rapport à ceux de l'an passé,
notre pays fait plus que beaucoup d'autres dans ce domaine. Pour autant, il ne
saurait changer à lui seul l'actuelle logique des rapports internationaux. A
cet égard, le niveau européen est plus adapté.
Les principaux pays européens en ont-ils la volonté ? Sauront-ils, sur ce
point, résister aux inévitables pressions américaines qui ont imposé, dans un
passé récent, une interdiction du système des préférences commerciales inclus
dans les anciennes conventions de Lomé ?
Les heureux changements intervenus récemment dans la composition des
gouvernements de certains pays européens auront-ils d'heureuses répercussions
dans ce domaine ? Espérons-le. Il faut, en tout cas, y travailler.
Mais comment ne pas être inquiets devant la prétention de certains
négociateurs de la future convention de Lomé V de créer, à partir de 2005, des
rapports de libre-échange entre l'Europe et les pays ACP, organisés
préalablement en zones régionales ?
Certes, cette incitation aux coopérations, voire aux intégrations régionales
volontaires, est une excellente initiative qui porte en elle-même des ferments
de stabilité et de remède, face à cet émiettement d'Etats qui ne facilite pas
un développement cohérent.
Mais cette ouverture de leurs frontières sera incompatible avec leur
développement et pénalisante pour leurs politiques intérieures, avec la
disparition de recettes douanières.
Je reconnais volontiers le rôle positif que la France joue, que vous jouez,
monsieur le ministre, ainsi que vos représentants, dans ces négociations en vue
de Lomé V.
J'aurais voulu que, au-delà des volets de base de cette négociation, pour
lesquels il faut notamment faire reculer les tentations que peuvent avoir
certains partenaires européens de baisser les crédits, on puisse convaincre les
pays ACP et européens de renforcer encore plus sensiblement le « volet
politique », en allant plus loin dans le domaine de la prévention des conflits,
de la lutte contre l'instabilité et l'insécurité, du déminage et de
l'application stricte du traité d'Amsterdam,... que dis-je ! du traité sur
l'interdiction des mines anti-personnel !
(Rires.)
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
C'est de l'obsession
!
M. Jean-Luc Bécart.
Ne riez pas trop, mes chers collègues !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
A cette heure-ci, tout vous sera pardonné !
M. Jean-Luc Bécart.
Merci, monsieur le rapporteur spécial.
J'aurais également voulu que l'on aille plus loin dans le domaine de la
limitation des ventes d'armes et des budgets militaires - l'aide internationale
crée des écoles, des hôpitaux, des infrastructures, et certains pays ainsi
aidés utilisent leurs propres ressources pour acheter des armes - et j'aurais
voulu que l'on aide à renforcer l'OUA et à créer des organisations régionales,
non seulement à vocation économique, ce qui est prévu, mais aussi à vocation de
sécurité collective.
Cette baisse de 7 % des crédits de la coopération - même si une partie de ce
repli est explicable, notamment au titre de l'ajustement structurel lié à la
dévaluation du CFA - ne nous réjouit pas, d'autant plus que, depuis 1994, le
recul cumulé est sensible, et donc préoccupant.
Si, depuis quelques années, le PIB de la plupart des pays africains du « champ
» - de ceux, évidemment, qui ne subissent pas la guerre civile - connaissent
une croissance moyenne annuelle de 4 à 6 % - donc supérieure à leur croissance
démographique - cela ne doit pas nous cacher la stagnation, voire le recul des
conditions matérielles d'existence des populations.
Nous ne perdons pas de vue que plusieurs centaines de millions de personnes
peuplent des pays en voie de marginalisation, au bord du chaos ou en guerre
civile périodique, et que les trois personnes les plus riches du monde
possèdent une fortune équivalente à la somme des PIB des quarante-huit pays les
plus pauvres. Près de trois milliards d'humains vivent avec moins de dix francs
par jour et un cinquième des enfants de la planète ne peuvent accéder à la
ration calorique reconnue comme minimale.
Que penser, dans ce contexte, de l'attitude des Américains visant à supprimer
la contribution de leur pays au Fonds des Nations unies pour les populations,
sinon que cela ne manque pas de créer de nouvelles difficultés dans le domaine
de la santé maternelle et infantile dans les pays bénéficiaires ?
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Le procureur Starr coûte très cher !
M. Jean-Luc Bécart.
A ce propos, monsieur le ministre, il y a un an, à l'invitation de nos amis d'
« Equilibres et populations », plusieurs parlementaires s'étaient fait les
porteurs, au sommet de la francophonie de Hanoï, de l'Appel de Paris, adopté à
l'issue de la première rencontre parlementaire francophone sur la population et
le développement. Il s'agissait de demander aux instances de la francophonie
d'inscrire en permanence dans leurs travaux et leurs actions le soutien aux
politiques de populations telles qu'elles ont été définies lors de la
conférence internationale du Caire.
Dans la foulée de ce premier appel, l'assemblée parlementaire de la
francophonie, réunie à Abidjan en juillet dernier, a adopté à son tour une
recommandation qui demande notamment aux sommets de la francophonie à venir «
de prendre en compte de façon systématique la dimension de la population dans
l'élaboration de tous les programmes de développement ».
A la veille du prochain sommet, qui se déroulera à Moncton, comme l'a rappelé
M. le rapporteur spécial, début septembre 1999 et qui sera consacré à la
jeunesse, l'assemblée parlementaire de la francophonie évoque la nécessité « de
développer et financer des programmes d'information et d'éducation auprès des
jeunes sur la santé et les droits liés à la procréation ». Je crois savoir par
ailleurs que le Gouvernement français est favorable à la venue à Moncton du
directeur du Fonds des Nations unies pour la population.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où nous en sommes de l'ordre du
jour de ce sommet et quelle place il fera aux questions de populations ?
Le continent africain est obligé de dépenser, en moyenne, quatre fois plus
pour le remboursement de sa dette que pour ses services de santé.
Le ministre de la santé du Burkina Faso disait récemment que la dévaluation du
franc CFA avait entraîné une chute de 50 % des importations de médicaments dans
son pays et, selon lui, dans l'ensemble de la zone franc.
D'ailleurs, chacun sait que les maladies endémiques « traditionnelles » des
pays subsahariens - je pense à celles qui sont liées à l'insalubrité de l'eau,
comme le paludisme - ne sont pas en recul, loin s'en faut. Quant à d'autres
fléaux comme le sida et la tuberculose, la progression est continue, chacun le
sait.
Voilà, monsieur le ministre, ce que j'avais envie de vous dire dans le court
instant qui m'était imparti, en regrettant de ne pouvoir me livrer à une revue
des différents aspects d'un budget dont les points forts l'emportent largement
sur les faiblesses. Pour l'heure, nous serons à vos côtés pour soutenir
activement votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen. - M. Pelletier applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le
rassemblement du ministère des affaires étrangères et du ministère de la
coopération en une seule entité était et reste une gageure.
C'est une décision courageuse que les Français établis à l'étranger sont
nombreux à saluer, et nous savons bien que toutes sortes d'ajustements devront
être effectués dans les prochaines années pour que le nouveau dispositif
fonctionne.
Notre principal regret, concernant les structures - il est de taille ! - est
que le ministère de l'économie et des finances reste totalement à l'extérieur
du dispositif, préservant jalousement ses crédits et ses prérogatives en
matière d'aide au développement.
MM. Michel Charasse,
rapporteur spécial,
et Jacques Chaumont.
Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mais un pas important a été accompli. Nous sommes enfin dotés d'une
construction rationnelle : un ministre délégué simultanément en charge de la
francophonie, de la coopération et de l'aide humanitaire, qui a autorité sur
l'ensemble des administrations chargées de mettre sa politique en oeuvre et qui
dispose de la part du budget correspondante. Il y manque encore le Haut Conseil
de la coopération internationale, dont vous nous direz peut-être, monsieur le
ministre, quand il sera nommé, car nous avons constaté un certain retard sur ce
point.
Mais enfin, par cette mise en cohérence d'une direction politique, d'une
administration et d'un budget pour l'action culturelle extérieure et l'aide au
développement, il nous semble que l'Etat se donne l'un des moyens d'adapter sa
diplomatie à la mondialisation.
Nous connaissons les capacités et la détermination des acteurs de cette
réforme, mais nous savons que rien ne sera facile, ni pour vous, monsieur le
ministre, ni pour les responsables, ni pour les agents des administrations
centrales qui vont changer de métier et d'affectation, ni pour les personnels
de terrain.
Mais surtout - j'en viens au point délicat - rien ne sera facilité par le
budget global affecté à ce ministère pour réaliser la réforme.
En effet, dans le cadre d'un budget sous-dimensionné depuis plusieurs années,
les priorités politiques et les adaptations de statuts et de rémunération des
agents sont intégralement financées par redéploiement. Cela signifie qu'il y a
des secteurs sacrifiés. J'en donnerai quelques exemples.
La priorité donnée à l'audiovisuel et aux nouvelles technologies s'imposait
avec la force d'une évidence. Elle n'a toutefois pu être financée qu'au
détriment des institutions culturelles traditionnelles et des enveloppes de
crédit des postes. La contrainte budgétaire place ainsi en opposition les deux
supports indissociables de la diffusion linguistique et culturelle.
Il faut, certes, des programmes de télévision diffusés sur tous les vecteurs
possibles, adaptés aux publics divers par le doublage ou le sous-titrage ; il
faut des sites Internet français, des méthodes d'apprentissage du français par
ordinateur. Mais la médiation d'une personne qui enseigne sa langue et sa
culture, communique avec passion ses connaissances, la médiation de
l'enseignant et de l'animateur sont tout aussi indispensables. Or, force a été,
sous l'effet de la contrainte budgétaire, de sacrifier l'un à l'autre. C'est
regrettable !
La promotion de l'enseignement supérieur français est aussi une priorité bien
choisie. La création d'Edufrance est un exemple utile de collaboration entre
deux ministères qui, naguère, il faut bien le dire, s'ignoraient. Mais si les
viviers d'étudiants que sont le public des écoles de l'Agence pour
l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, des centres culturels, des
Alliances françaises se restreignent, par perte des moyens affectés à
Edufrance, l'efficacité de cette nouvelle agence n'en sera-t-elle pas réduite
d'autant ?
Par ailleurs, les contraintes budgétaires pèsent lourdement sur les agents,
auxquels on n'a cessé de demander plus de compétence, de souplesse, de
productivité, et qui doivent apprendre à changer de métier, sans que l'on
puisse leur donner toutes les contreparties qu'ils sont en droit d'attendre.
Ainsi, pour mettre à niveau les rémunérations des deux centrales, ce qui était
indispensable, il a fallu supprimer 170 postes d'assistants techniques.
Monsieur le ministre, quel plan social est prévu pour ceux d'entre eux qui vont
connaître le chômage ?
Quel est, par ailleurs, l'avenir de notre aide au développement sur le terrain
si les personnes qui sont capables de l'accomplir continuent à être écartées
?
Au total, dans tous les secteurs, on perçoit bien que la contrainte budgétaire
globale est l'écueil qui menace le plus la réussite de la nécessaire et
intelligente réforme du dispositif de diplomatie culturelle et d'aide au
développement que vous avez initiée.
Pour réussir et produire, à terme, des économies d'échelle, la réforme aura
besoin, dans les années à venir, d'un budget taillé bien plus large que le
corset qui l'enserre actuellement ; sinon, elle échouera.
Il faudrait, par exemple, un budget qui permette d'adapter la zone de
solidarité prioritaire pour y intégrer, le temps nécessaire, des pays en crise
de façon provisoire, comme actuellement les pays d'Amérique centrale ravagés
par le cyclone
Mitch.
Il faudrait, pour l'avenir, que les priorités soient financées par des moyens
supplémentaires.
Il faudrait, enfin, que le ministère des affaires étrangères reçoive, comme un
certain nombre d'autres, les dotations budgétaires supplémentaires
correspondant aux missions nouvelles que le Gouvernement lui confie.
Ainsi, s'il doit développer l'audiovisuel extérieur, cela suppose qu'une part
substantielle des crédits de l'audiovisuel public lui soit affectée.
De même, s'il lui revient de réaliser la montée en puissance des bourses
Eiffel, cela exige l'affectation de crédits nouveaux garantis sur une longue
période. Sinon, ce ne sera qu'un soufflé !
Par ailleurs - j'y insiste - le renforcement de notre action culturelle et de
développement ne se fera qu'avec du personnel qualifié et motivé. Il faut des
assistants techniques confirmés ; il faut des animateurs culturels et des
enseignants spécialisés ; il faut de jeunes professionnels.
Il est temps de penser à la création d'un nouveau statut des assistants
techniques adapté à la coopération de projets. Le statut actuel, qui date des
années soixante-dix et qui était destiné à l'ancienne coopération de
substitution, est obsolète.
Quand le statut des personnels contractuels du réseau culturel cessera-t-il de
se précariser ? Il est insupportable de constater dans tous les pays où l'on
passe que ce sont vraiment ces agents qui paient le plus lourd tribut aux
contraintes budgétaires.
Enfin, où en est le projet de loi sur le nouveau volontariat ? Notre réseau ne
pourra pas fonctionner si la réserve des coopérants du service national n'est
pas assurée.
Et je m'inquiète, monsieur le ministre, qu'on envisage de mêler dans un même
volontariat civil des engagements pour un service en France et à l'étranger. Un
volontariat international spécifique, clairement identifié, correspond mieux,
de mon point de vue, aux conditions de vie et de travail de jeunes expatriés
temporaires.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Absolument !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Enfin, monsieur le ministre, quel est l'avenir des écoles du réseau de l'AEFE
? L'augmentation du budget est sensible, je le reconnais, mais elle ne couvre
même pas l'alourdissement des charges salariales provoqué par le glissement
vieillesse technicité puisque l'on supprime encore soixante-dix postes
d'expatrié cette année.
Le discours triomphaliste sur ce réseau masque, me semble-t-il, une réalité
qui s'assombrit. Comme l'Etat ne s'est jamais engagé à la hauteur nécessaire au
financement d'un réseau scolaire qui subit les mêmes contraintes que
l'éducation nationale, les personnels sont de plus en plus précarisés et les
familles paient de plus en plus cher.
De ce fait, nous perdons les élèves issus des intelligentsias étrangères,
surtout en Europe et en Amérique latine. Nous pouvons constater de plus en plus
que les parents étrangers choisissent l'école française non par francophilie,
mais au vu d'un rapport qualité-prix qui leur paraît supérieur à celui des
écoles privées de niveau comparable. Le résultat, c'est que, une fois les
études secondaires terminées dans une école française, on envoie les enfants
faire leurs études supérieures aux Etats-Unis ! Le choix des parents n'est pas
du tout dicté par la francophilie, parce que nous n'avons plus les enfants des
intelligentsias, qui, elles, n'ont pas les moyens de payer des droits de
scolarité totalement hors de leur portée.
Quant aux enfants de la classe moyenne française, nous le répétons, quand ils
n'ont pas accès aux bourses, c'est-à-dire si la part du revenu familial
consacrée à la scolarité ne dépasse pas 25 %, ils sont exclus. On voit souvent
des familles de la classe moyenne, celle qui constitue la majorité des Français
de l'étranger, qui mettent un premier enfant à l'école française et qui y
renoncent pour les suivants.
Il faut donc regarder la réalité en face : l'AEFE remplit de moins en moins
bien la double mission qui lui a été confiée par la loi de scolariser des
élites étrangères et les enfants français de l'étranger.
Par ailleurs, nous continuons à supprimer des postes d'expatrié, alors qu'à
l'évidence il n'y a plus de viviers locaux d'enseignants contractuels ou
titulaires résidents pour les remplacer. Hors de l'Europe et du bassin
méditerranéen, les établissements sont confrontés à la pénurie d'enseignants et
à la rotation accélérée de ceux qu'ils recrutent, en France, aux marges de la
légalité, avec des statuts de « faux recrutés locaux » et de « faux résidents
». Le système a encore belle apparence, mais il est réellement fragilisé.
Comme vous le savez, nous souhaitons, nous, Français de l'étranger, la
cotutelle de l'AEFE par le ministère des affaires étrangères et celui de
l'éducation nationale, parce qu'il nous semble que cela seul permettrait
d'améliorer le financement et l'adaptation pédagogique de ce réseau d'écoles
auquel nous tenons, tant pour sa mission diplomatique que parce qu'il scolarise
nos enfants. Peut-on espérer une avancée sur ce point dans l'année qui vient ?
Je terminerai sur le souhait, emprunté à un texte d'orientation de
l'Association démocratique des Français à l'étranger, que les Français établis
à l'étranger soient mieux associés à la politique culturelle et de
développement de la France ; qu'ils en soient les acteurs, plus écoutés et plus
respectés ; qu'ils en soient les destinataires, surtout en la personne de leurs
enfants, binationaux maintenant à 70 %, privés de tout accès à la langue et à
la culture françaises quand l'école française leur est inaccessible ; qu'ils en
soient les partenaires, consultés, associés ; que leur présence multiforme, que
la pluri-appartenance culturelle de la majorité d'entre eux servent de levier
aux échanges culturels et à l'action pour le développement que notre diplomatie
rénovée veut promouvoir.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Ferrand.
M. André Ferrand.
Monsieur le ministre, je souhaite, à mon tour, aborder un sujet particulier
dont vous avez beaucoup entendu parler et que je regrette de devoir évoquer
encore une fois ce soir devant vous.
Mme Paulette Brisepierre,
rapporteur pour avis.
Jamais trop !
M. André Ferrand.
La dévaluation du franc CFA du 12 juin 1994 a réduit de moitié les retraites
et pensions dont bénéficiaient quelque trois mille Français ayant servi et
travaillé dans les pays de la zone franc.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Exact !
M. André Ferrand.
Par ailleurs, les caisses de sécurité sociale de plusieurs de ces Etats sont
dans une situation financière telle que nos compatriotes qui en dépendent ne
perçoivent pas les retraites auxquelles de nombreuses années de cotisation leur
donnent cependant droit.
Ce sont donc deux catégories de problèmes différentes, qu'il convient de bien
distinguer afin d'éviter toute confusion peu propice à une solution attendue,
vous le savez, depuis longtemps.
De très nombreuses interventions au Conseil supérieur des Français de
l'étranger, ici même au Sénat, de multiples actions de la part d'associations
d'anciens d'Afrique francophone, une mission d'étude conduite par l'inspection
générale des affaires sociales, des lettres, des suppliques, rien n'y a fait,
et, comme on dit en Afrique, « le palabre est toujours debout » !
(Sourires.)
Malgré un certain nombre de succès enregistrés, ces problèmes ne sont, à ce
jour, pas résolus.
Il n'est qu'à lire les réponses apportées aux questions posées pour se rendre
compte de l'embarras des malheureux rédacteurs.
Il est vrai que les cas relevant de ces deux problèmes sont complexes et
divers. Ils soulèvent des questions de principe ; on craint, dans les
ministères de créer des précédents et d'ouvrir la boîte de Pandore !
Récemment, les manifestations organisées à l'occasion du cinquantième
anniversaire du Conseil supérieur des Français de l'étranger ont permis
d'exposer ces problèmes directement aux plus hautes autorités de l'Etat. Ainsi,
outre vous-même et le ministre des affaires étrangères, le chef de l'Etat et le
Premier ministre ont été personnellement mis au courant de ces graves
problèmes. Vous le savez, monsieur le ministre, la nature particulière des
liens qui nous unissent aux pays concernés, la part que nous avons prise dans
la décision de dévaluer, le fait que nous ne pouvions alors ignorer la
conséquence prévisible d'une telle mesure nous obligent à assumer une
responsabilité particulière à l'égard de nos compatriotes lésés ou menacés.
Il ne faut pas accepter que se pérennise cet abcès. Il faut le résorber.
On nous dit qu'il y a encore bien des incertitudes sur les chiffres, que les
instruments d'intervention ne sont pas adaptés aux besoins et que les deux
autres ministères concernés, celui de l'économie, des finances et de
l'industrie ainsi que celui des affaires sociales camperaient sur des positions
de principe, insensibles qu'ils sont à la nature particulière de ce problème «
africain » que j'ai déjà évoqué.
Monsieur le ministre, voulez-vous accepter notre aide et utiliser, à la fois,
le renfort de la pression forte et constante que nous comptons exercer et la
caution que vous devriez facilement obtenir des hautes autorités citées tout à
l'heure pour dégager la solution attendue ?
Il ne m'appartient pas, bien entendu, de dire à vos service ce qu'il faut
faire. Mais, des contacts que j'ai établis pour préparer mon intervention, j'ai
retiré au moins deux conclusions : tout d'abord, les intéressés, directement ou
à travers leurs représentants, sont conscients des réalités et des contraintes
existantes ; ensuite, les montants en cause ne paraissent pas
extraordinairement élevés, comme l'a dit M. Charasse, et, quelles que soient
les mesures finalement retenues, ils semblent tout à fait à la portée des
budgets des départements ministériels concernés.
Dans ces conditions, n'est-il pas possible de faire en sorte que soit
réouverte une ligne de crédits destinés à pourvoir aux besoins urgents de nos
compatriotes les plus défavorisés ? Il s'agirait d'une mesure identique à celle
qui, en 1994, avait permis d'attribuer à certains d'entre eux une allocation
forfaitaire exceptionnelle.
Par ailleurs, tout ce qui concerne le passé, notamment les arriérés, ne
pourrait-il être régularisé dans des délais aussi brefs que possible ? En
effet, si on imagine facilement qu'une dernière évaluation de la situation sera
nécessaire, il ne faudrait pas donner l'impression qu'il s'agirait d'une mesure
destinée à repousser encore l'échéance.
Enfin, des assurances précises pourraient être données quant à l'avenir. Votre
action de coopération a permis d'assainir la situation d'un certain nombre de
caisses mais, apparemment, pas de toutes, loin s'en faut ! Il paraît nécessaire
de dire clairement quelle est la situation exacte afin de mettre en place des
solutions adaptées à chaque cas.
Comme vous l'avez compris, monsieur le ministre, ce n'est pas une
régularisation globale que nous vous demandons.
Toutefois, bientôt cinq ans après la dévaluation du franc CFA, toutes les
parties concernées par ce délicat et souvent douloureux problème souhaitent
qu'une décision à la fois juste et généreuse soit prise sans tarder.
Au moment où l'arrivée prochaine de l'euro fait naître un nouveau trouble dans
les esprits de nos compatriotes - certains y voient des raisons de craindre un
nouveau changement de parité avec le franc CFA -, il faut, monsieur le
ministre, les rassurer.
Les Français d'Afrique, qui ont parfois le sentiment de devenir des mal-aimés,
en seront reconnaissants à leur ministre.
(Applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat
budgétaire d'aujourd'hui intervient à un moment important pour l'avenir de
notre politique en matière d'aide au développement.
Je parlerai peu du rôle que la France doit continuer à jouer en faveur de
l'Afrique ou des pays sous-développés. Nos excellents rapporteurs et les
orateurs qui m'ont précédé l'ont très bien fait avant moi.
De plus, l'actualité immédiate nous a clairement prouvé la place que la France
continue à jouer sur le continent africain, à la demande de nos partenaires :
le sommet Afrique-France, qui s'est tenu au Louvre voilà quelques jours, a
connu une affluence inégalée, même si certains dirigeants n'y avaient, à mon
sens, peut-être pas leur place.
Le hasard du calendrier fait que c'est également le moment où la coopération
française entreprend une mutation. Nous connaissons le système que nous
quittons, avec ses avantages et ses défauts, mais nous ne sommes pas encore en
mesure de juger concrètement le dispositif qui va se mettre en place dans
quelques semaines, voire dans quelques mois.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Cruelle incertitude !
M. Jacques Pelletier.
Si je suis d'accord avec les principes de la réforme, je crois qu'il est très
important que vous veilliez, monsieur le ministre, à ce que la priorité
africaine de la France ne soit jamais oubliée.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Jacques Pelletier.
Lors de sa déclaration de politique générale, M. le Premier ministre avait
annoncé sa volonté de modifier la politique de coopération. Le conseil des
ministres du 4 février 1998 a adopté les principes d'une réforme administrative
importante qui, peu à peu, se met en place.
La Caisse française de développement, qui est devenue l'Agence française de
développement, est l'instrument technique unique de mise en oeuvre des
politiques. Celles-ci sont définies par deux grands pôles de décision, le pôle
des affaires étrangères, auquel est intégré l'ancien ministère de la
coopération, et le pôle de Bercy.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Glacial !
M. Jacques Pelletier.
Ces deux pôles se regrouperont dans le comité interministériel de la
coopération internationale et du développement pour définir les grands axes de
notre politique de coopération.
Cette rationalisation administrative, qui était attendue depuis très
longtemps, est une bonne chose.
Permettez-moi cependant d'exprimer un regret et une crainte. Je regrette que
la grande organisation administrative que vous avez entreprise ne concerne pas
davantage les fonctions qu'exerçait et qu'exerce toujours et encore le
ministère des finances dans la définition et la conduite de la politique de la
coopération.
Je m'aperçois sans surprise excessive que, quels que soient les gouvernements,
il est très difficile de faire abandonner par Bercy quelques-unes de ses
prérogatives.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Eh oui !
M. Jacques Pelletier.
Plus des deux tiers de l'aide publique au développement sont gérés par Bercy,
c'est tout à fait anormal.
(M. Lucien Neuwirth approuve.)
J'espère néanmoins que le ministère des affaires étrangères pourra faire
entendre fortement sa voix dans les institutions de Bretton Woods.
Ma crainte concerne les personnels du ministère de la coopération.
Monsieur le ministre, vous connaissez, comme moi, leur formidable motivation
et l'excellence de leur compétence, ce qui permet à la France d'avoir une
expertise reconnue par le monde entier.
Je ne suis pas inquiet pour le statut de ces personnels. Vous avez su résoudre
l'essentiel des problèmes qui se sont posés. Mais je ne souhaiterais pas que,
peu à peu, ce pôle d'excellence se dilue dans l'immense machine administrative
que constitue le Quai d'Orsay.
Evitons de créer un pâté d'alouette où l'alouette serait le ministère de la
coopération et le cheval le ministère des affaires étrangères.
Je connais votre volonté affirmée ainsi que celle de M. Hubert Védrine de «
mettre le développement au coeur de notre diplomatie » et de faire de chaque
agent du Quai d'Orsay un agent du développement. Si je ne doute pas de vos
intentions, je souhaite que vos successeurs aient les mêmes.
M. Lucien Neuwirth.
Il n'est pas pressé d'avoir des successeurs !
M. Jacques Pelletier.
Cette réforme administrative importante s'appuyait, bien sûr, sur un projet
politique dont je partage les objectifs et que l'on peut synthétiser par la
notion de partenariat.
Il s'agit de mettre en place le partenariat avec les pays étrangers
d'abord.
Avec les pays d'Afrique par exemple, nous sommes passés, au moment de
l'indépendance, de relations de type colonial à celles d'assistance. Puis, de
l'assistance, nous sommes passés à la coopération. Aujourd'hui, compte tenu de
l'évolution des relations internationales et de la transformation profonde des
pays en voie de développement, il est important de passer de la coopération au
partenariat, ce qui suppose un rapport beaucoup plus égalitaire entre les
Etats.
Je me réjouis donc que vous ayez déjà signé, avec le Mali et la Mauritanie,
ces nouveaux accords de partenariat et de solidarité. Mais je crois aussi que
nous devons aider en priorité les pays qui sont aujourd'hui démocratiques - et
il y en a - ainsi que les pays qui ont véritablement mis en route un processus
démocratique sérieux et qui respectent les droits de l'homme.
Vous avez aussi souhaité développer le partenariat avec les différents acteurs
qui agissent en faveur de la solidarité internationale.
Avec l'appui de votre ministère et le concours de l'ensemble des réseaux de la
coopération non gouvernementale, j'ai organisé, voilà un peu plus d'un an, en
tant que président du Comité français pour la solidarité internationale, les
Assises de la coopération et de la solidarité internationale.
Ce travail important, qui a mobilisé des milliers de personnes, a abouti à des
conclusions intéressantes. Permettez-moi de rappeler deux d'entre elles, en
vous renvoyant pour le reste, au Livre blanc qui a été publié après ces
assises.
En premier lieu, la coopération du xxie siècle ne sera efficace que s'il
existe une diversité des acteurs et une complémentarité de leurs
interventions.
Collectivités territoriales, entreprises, organismes socio-professionnels,
associations ne sont pas substituables en termes d'action de coopération, pas
plus que les pouvoirs publics nationaux ne peuvent intervenir dans tous les
domaines et à tous les échelons. Il existe une complémentarité entre le niveau
international, sur lequel s'établissent les relations interétatiques, et
l'échelon local ou sectoriel, animé par les relations entre sociétés
civiles.
La coopération ne peut plus être un accord entre deux gouvernements sans que
l'ensemble des forces sociales ne soit concerné.
Il faut renouveler nos interlocuteurs et réussir à travailler avec les
nouvelles forces vives qui émergent très rapidement.
Tous, que nous agissions au titre de la coopération publique ou de la
coopération non gouvernementale, nous devons apprendre à passer de la notion de
« faire » à celle de « faire faire ».
Par ailleurs, il nous est apparu clairement à tous qu'il fallait améliorer la
concertation entre les acteurs, qu'ils soient publics ou privés, nationaux ou
locaux, gouvernementaux ou non gouvernementaux. L'efficacité de chacun peut
être accrue grâce à une meilleure liaison entre les différents acteurs.
C'est la raison pour laquelle vous aviez annoncé, lors de ces assises, votre
accord pour la création d'un Haut Conseil de la coopération internationale. Mme
Cerisier-ben Guiga l'a rappelé tout à l'heure.
Sachez, M. le ministre, que tous les participants à ces assises attendent avec
une grande impatience la mise en place de cette structure de dialogue. Je suis
persuadé que vous allez pouvoir rassurer ceux qui commencent à exprimer des
inquiétudes.
Je pense du reste que la mise en place simultanée du Comité interministériel
de la coopération internationale et du développement et du Haut Conseil de la
coopération internationale serait un signal très fort en direction de tous les
acteurs du terrain.
Le dernier point important de votre réforme que je voudrais évoquer, c'est la
détermination des pays dans lesquels la France souhaite intervenir. Cette
question a soulevé des inquiétudes chez certains de nos amis africains.
Je comprends tout à fait que la notion rigide du champ et du hors-champ soit
dépassée. Ce n'est pas un décret au moment de la création d'un gouvernement qui
doit définir les pays dans lesquels le FAC peut être utilisé.
J'approuve donc la méthode qui consiste à laisser au comité interministériel
de la coopération internationale et du développement le soin de déterminer et
de faire évoluer constamment les pays qui seront inclus dans la zone de
solidarité prioritaire.
Bien sûr, il n'y aura pas que des pays africains. Je suis cependant persuadé
que beaucoup de pays de l'ancien champ continueront à bénéficier de l'appui du
gouvernement français.
Il est important de réunir rapidement ce comité interministériel pour que nos
amis connaissent le statut qui leur sera appliqué.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de faire une comparaison entre la
politique du développement et la politique européenne de la France. Dans les
deux cas, je suis fermement convaincu que l'élargissement et
l'approfondissement vont de pair.
Bien sûr, la politique de la France en faveur des pays pauvres ne peut pas et
ne doit pas se limiter à nos anciennes colonies.
Mais en même temps que vos fonctionnaires s'intéressent à de nouveaux pays,
ils doivent améliorer, approfondir leurs relations avec les anciens pays du
champ. Pour des raisons historiques, morales, géopolitiques et économiques,
l'Afrique doit rester au coeur de notre dispositif et au coeur de nos
préoccupations.
Nous ne pouvons pas, hélas ! aider de façon significative chacun des nombreux
pays en développement à travers le monde.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Naturellement !
M. Jacques Pelletier.
Enfin, je présenterai deux remarques sur ce premier budget commun de la
coopération et des affaires étrangères. Compte tenu de la nouvelle
présentation, la lecture en est difficile, il faut bien le dire. Il semble
cependant que l'on puisse constater que la baisse des crédits consacrés au
ministère des affaires étrangères a été ralentie par un transfert de crédits
provenant du ministère de la coopération.
J'espère que ce mouvement de crédits ne se renouvellera pas l'année prochaine
ou même en cours d'année, s'il faut procéder à un gel des dépenses publiques.
Nous devons continuer à donner l'exemple en matière d'aide publique au
développement, comme nous le faisons depuis de nombreuses années.
J'ai constaté aussi avec plaisir que, dans votre budget, augmentaient les
crédits consacrés à l'appui à la coopération décentralisée et aux associations
de solidarité internationale.
Connaissant depuis longtemps votre engagement en ce domaine, je me réjouis de
voir la politique dynamique que vous menez sur ces questions.
En conclusion, monsieur le ministre, je voudrais vous dire que le groupe du
RDSE votera votre budget, car nous sommes tous persuadés de l'importance de
l'action dont vous êtes chargé.
A titre personnel, permettez-moi de vous dire que je soutiens l'action
courageuse que vous menez. Je crois qu'il était nécessaire d'adapter notre
appareil administratif, les orientations que vous avez définies devraient
améliorer les choses.
Ce n'est que l'année prochaine, une fois que toutes les structures se seront
mises en place, que nous pourrons réellement juger de votre réforme. Cependant,
comme les objectifs sont bons, comme je connais votre attachement à l'Afrique
et que j'apprécie l'importance que ce gouvernement porte aux questions de
développement, je pense que tout devrait bien se dérouler.
Soyez persuadé en tout cas que la représentation nationale est prête à vous
aider pour que votre réforme conduise à une plus grande efficacité de la
politique de solidarité internationale, en particulier de celle qui est menée
en faveur de l'Afrique.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
permettez-moi, sur un plan personnel, mais aussi en tant que président du
groupe d'études sénatorial « Démographie et population mondiale », de mettre
l'accent sur le formidable défi pour l'humanité que vont représenter les
problèmes de population dans les prochaines années.
La population mondiale devrait atteindre 6 milliards de personnes en 1999, et
9 milliards en 2050. Ce sont les pays en voie de développement qui supporteront
la majeure partie de cette croissance.
Même dans l'hypothèse de fécondité la plus basse, la population de l'Afrique
subsaharienne, par exemple, devrait tripler d'ici à 2050. Chacun conçoit les
problèmes dramatiques que cette évolution démographique ne manquera pas de
soulever. Comment ces nations, déjà appauvries, pourraient-elles répondre aux
besoins les plus élémentaires de leurs populations, alors que, dans le même
temps, la Conférence mondiale sur l'eau nous apprend que, déjà, un milliard et
demi d'individus n'ont plus accès à l'eau potable ?
Il convient par conséquent d'agir sans tarder. L'année 1999 sera, à cet égard,
particulièrement importante pour les questions de population.
Ce sera tout d'abord l'année du bilan de la Conférence internationale sur la
population et le développement, qui s'est tenue au Caire en septembre 1994. Un
premier bilan de l'action des différents pays dans le domaine de la population
sera ainsi dressé par l'ONU en juin 1999, lors d'une session extraordinaire de
l'assemblée générale.
Or, en 1994, notre pays avait pris des engagements financiers très précis
quant aux sommes consacrées annuellement aux programmes de population. A la
lumière des travaux les plus récents du Comité d'aide au développement de
l'OCDE, il semble, monsieur le ministre, que la France soit loin d'avoir
respecté l'ensemble des engagements souscrits en 1994.
Généreuse dans sa politique d'aide aux pays en développement, la France
consacre des moyens encore très limités aux politiques de population. Or,
l'important, ne sont-ce pas les populations ?
Dans ces conditions, monsieur le ministre, entre nous, quel bilan quinquennal
de son action notre pays pourra-t-il dresser dans sept mois à la tribune des
Nations unies ? Quelles actions comptez-vous mener pour satisfaire aux
engagements souscrits par la France en 1994 ? L'année 1999 sera également celle
du 8e sommet de la francophonie, à Moncton, dans le Nouveau-Brunswick, au
Canada, qui se tiendra en septembre prochain et qui sera consacré au thème de
la jeunesse.
En collaboration avec l'Association internationale des parlementaires de
langue française, le groupe d'études sénatorial et le groupe d'études «
Populations » de l'Assemblée nationale avaient organisé, les 22 et 23 septembre
1997, à l'Assemblée nationale, la première rencontre parlementaire francophone
sur les politiques de population.
A cette occasion - notre collègue M. Bécart l'a souligné - nous avons été plus
d'une centaine de parlementaires francophones à adopter, à l'unanimité, un
texte intitulé « l'Appel de Paris », qui énonce les mesures prioritaires à
engager en matière de démographie et de développement.
Cet appel confirme les principes déjà formulés lors de la conférence du Caire
de 1994 ; il demande également à nos chefs d'Etats respectifs d'accorder
davantage d'attention aux questions de population, notamment de les inscrire à
l'ordre du jour du prochain sommet de la francophonie de Moncton.
Réunie à Abidjan en juillet dernier, l'Assemblée parlementaire de la
francophonie a adopté à son tour une recommandation invitant les gouvernements
francophones à respecter les engagements pris à la conférence du Caire. Elle a
en outre recommandé que les sommets des chefs d'Etat et de gouvernements de la
francophonie prennent en compte de manière systématique la dimension «
population » dans l'élaboration de tous les programmes de développement, et non
pas seulement ceux d'une économie strictement marchande.
Notre groupe d'études sénatorial considère que la francophonie peut et doit
jouer un rôle privilégié dans ce domaine, en favorisant notamment la
coopération sud-sud.
Par conséquent, nous souhaitons vivement que l'ordre du jour du sommet de
Moncton accorde la place qu'elles méritent aux questions de population.
Enfin, je veux attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité
d'augmenter la contribution française au Fonds des Nations unies pour les
activités en matière de population. Ce fonds est le principal organisme des
Nations unies chargé du suivi et de la mise en oeuvre des recommandations du
programme d'action de la conférence du Caire. Il fournit une assistance aux
pays en développement et aux pays en transition. Il a la particularité de ne
disposer pour seules ressources que des contributions volontaires des Etats. Or
celle de la France est d'un montant dérisoire : 6 millions de francs. La France
n'arrive aujourd'hui qu'au quatorzième rang mondial des contributeurs !
J'ajoute que l'action que mène ce fonds risque d'être durablement affectée par
la décision du Congrès des Etats-Unis - peut-être influencée par un certain M.
Starr - de refuser tout soutien financier au fonds en 1999. Cela devrait se
traduire par une diminution de plus de 100 millions de francs des moyens dont
dispose le FNUAP.
Ce fonds a donc particulièrement besoin de l'appui de la France. Notre
contribution à ce programme n'est pas digne aujourd'hui du rôle que notre pays
entend jouer sur la scène internationale.
Les contributions volontaires de la France aux organismes internationaux
relevant des Nations unies augmenteront de 50 millions de francs en 1999. Je
m'en réjouis. Peut-on par conséquent espérer, monsieur le ministre, que notre
contribution au Fonds des Nations unies pour les activités en matière de
population progressera sensiblement, sans pouvoir, hélas ! compenser la perte
américaine ?
Le groupe sénatorial d'étude « Démographie et population mondiale » est plus
qu'inquiet. Nous vous demandons de faire en sorte que les efforts de la France
en matière de politique de population soient réellement à la hauteur des
enjeux. Si rien ne change, notre inquiétude deviendra de l'angoisse.
Sachons être lucides et responsables pendant qu'il en est encore temps. Aidons
à l'évolution de la condition féminine dans ces malheureux pays et au
développement de l'éducation sanitaire et sociale. Les épouvantables images du
Soudan sont bouleversantes. Elles nous sensibilisent, mais aussi elles nous
accusent. Il est temps de changer d'attitude. Nous comptons sur vous.
Retrouvons la mission fraternelle et civilisatrice de la France.
(Très bien
! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre
collègue M. Penne devait, en complément des propos de Mme Cerisier-ben Guiga,
présenter un certain nombre d'observations au nom du groupe socialiste. Mais,
comme il se trouve dans l'impossibilité d'être présent ce soir, c'est à moi
qu'incombe cette mission que, bien entendu, je ne mélangerai pas, en quoi que
ce soit, avec celle que j'ai assumée voilà quelques instants au nom de la
commission des finances.
Je reprendrai les observations de M. Penne et de mon groupe sans forcément les
faire toutes miennes, mais cela, c'est la règle du jeu qui s'impose au
rapporteur spécial !
Monsieur le ministre, la fusion a malheureusement un coût et, pour qu'elle se
réalise dans de bonnes conditions, M. Penne et ses collègues du groupe pensent
qu'il aurait fallu accorder des moyens supplémentaires pour renforcer le nombre
des agents, favoriser leur adaptation à leurs nouvelles conditions de travail
et anticiper la réduction du temps de travail vers les trente-cinq heures.
Sans entrer dans ces détails-là, je voudrais aborder rapidement quatre ou cinq
points.
S'agissant du Fonds d'aide et de coopération, est-il exact que la diminution
des soutiens à l'exécution des projets sera compensée par la trésorerie de
l'Agence française de développement ?
Quant à l'Agence française de développement, ses ressources sont en diminution
régulière depuis plusieurs années. En 1998, elle n'a pu répondre à tous les
financements qui lui ont été présentés. Quelles mesures envisagez-vous,
monsieur le ministre, pour amoindrir les conséquences de cette évolution en
1999 ?
De plus, ce constat doit être mis en regard d'une extension du champ
d'intervention, qui a doublé depuis le début de la décennie, et de
l'élargissement aux projets sociaux des secteurs d'intervention de l'Agence.
Ces deux décisions sont une bonne chose, mais ne risquent-elles pas d'accroître
les difficultés de financement que je viens de rappeler ?
Enfin, l'agence devrait pouvoir poursuivre son action pour compléter ses
ressources, notamment en développant les cofinancements avec d'autres bailleurs
de fonds, bilatéraux et multilatéraux, et il nous paraît indispensable qu'elle
puisse être autorisée à lever des ressources supplémentaires sur les marchés
financiers, ce qui, d'ailleurs, limiterait pour l'Etat le coût à celui de sa
garantie.
En matière d'action humanitaire - c'est le troisième point - l'action du
Gouvernement s'est développée depuis quelques mois : présence en Malaisie, au
Vietnam et au Brésil ; présence sur tous les incendies dus à
El Nin~o
;
présence également auprès des grands brûlés de Yaoundé et énorme opération
consécutive à l'ouragan Mitch, qui a redonné à la France son rôle éminent en
matière d'aide d'urgence.
Les crédits, hélas ! ne suivent pas puisque, en 1999, moins de 70 millions de
francs seront consacrés à l'humanitaire, ce qui correspond au montant de la
seule opération Mitch à ce jour.
La France est incontestablement un leader d'opinion en matière humanitaire.
Elle dispose d'une culture, d'un savoir-faire, de porte-parole, d'acteurs
reconnus dans le monde.
D'une manière générale, il faut ouvrir des crédits quand on avance une idée.
L'exemple de l'annulation de la dette proposée par le Président de la
République en Amérique centrale et en Amérique latine, comme l'avait fait
François Mitterrand à Dakar autrefois, est suivi par d'autres pays.
Si nous comparons avec les autres pays européens, il est clair que nous ne
mobilisons pas suffisamment de crédits pour faire, par exemple, levier sur les
crédits de l'Office européen d'aide humanitaire, dit ECHO.
Comparons avec quelques autres Européens, sur une moyenne de 200 millions de
francs : les Italiens apportent 40 millions de dollars ; les Allemands : 220
millions de francs ; les Néerlandais : 180 millions de francs et les Suédois :
400 millions de francs.
De ce fait, nous mettons en péril nos ONG, qui sont déstabilisées dans le
champ multilatéral, car nous n'avons pas les moyens de les soutenir. Je
rappelle que nos ONG obtiennent environ un tiers des crédits de l'Office
européen d'aide humanitaire et 40 % des crédits multilatéraux. Ces proportions
peuvent monter à 70 % si nous y incluons leurs filiales.
Nous devons nous redonner les moyens qui existaient encore en 1993, puisque le
fonds d'urgence humanitaire était doté alors de 150 millions de francs.
J'aimerais enfin connaître le positionnement de la cellule d'urgence. Nous
sommes un certain nombre à l'avoir vu naître, en 1985, lorsque nous étions dans
d'autres lieux, investis d'autres missions, et aux travaux de laquelle M. Guy
Penne et moi-même avons participé.
Cette cellule s'est avérée à nouveau, au moment de Mitch, être un outil
remarquable, qui doit être préservé avec toutes ses potentialités. Mais est-ce
bien le cas ?
Ce regain d'activité sur l'humanitaire vous impose sans doute de vous montrer
plus strict sur la définition des opérations qui relèvent de l'aide d'urgence.
Mais certaines actions, qui relèvent plus de la lutte contre la pauvreté que de
l'action d'urgence, risquent ainsi de ne plus recevoir de réponses.
Ne peut-on envisager d'ouvrir un FAC spécifique à la lutte contre la pauvreté
? On a déjà tellement de mal à préserver celui qui existe que ce serait encore
un nouveau front pour se battre. Mais pourquoi pas ?
Cette solution aurait, de plus, l'avantage de donner une plus grande
lisibilité à notre action dans un domaine qui est une priorité affichée de
votre ministère.
S'agissant des accords de défense, nous savons qu'un certain nombre de pays
africains en ont signé entre eux et qu'ils couvrent les troubles intérieurs.
C'est dans ce contexte que, par exemple, la Guinée Conakry et le Sénégal sont
intervenus aux côtés du président Vieira de Guinée Bissao. Le président Eyadéma
semble en être le chef de file.
Certains membres de mon groupe s'interrogent : est-ce que cela a eu une
influence pour son élection à la présidence de la Communauté économique des
Etats de l'Afrique de l'Ouest, la CEDAO ?
Pour nos accords mutuels de défense avec certains pays - dont je signale au
passage qu'ils sont loin d'avoir tous été ratifiés par le Parlement, mais ça,
c'est une autre histoire - confirmez-nous, monsieur le ministre, que nous ne
risquons pas d'être entraînés dans la lutte contre des troubles intérieurs ? Et
dites-nous pourquoi il est encore nécessaire - cela intéresse certains membres
de mon groupe - que nos experts militaires portent l'uniforme des armées des
pays dans lesquels ils sont affectés ?
Ce qui ne veut pas dire que nous préférions, même dans les pays chauds, la
tenue de plage !
(Sourires.)
Une lecture fine de ces textes doit sans doute être opérée, afin de s'assurer
que nous ne risquons pas d'être pris dans des spirales involontaires.
Veillons à ce que les armées que nous formons soient bien le reflet des
sociétés civiles dont elles sont l'émanation dans leur structure sociale,
culturelle et ethnique. Il serait dommageable que nous contribuions à la
formation d'armées par trop mono-ethniques, ce qui, en cas de maintien de
l'ordre, risquerait, par la suite, de nous être reproché.
Enfin, au sujet de la francophonie, mon groupe souhaite reformuler exactement
la question qui a été posée par notre collègue rapporteur M. Jacques Legendre,
tout à l'heure. Nous nous rappelons, comme lui, la réunion des vingt-trois
sénateurs, la position prise par le Président de la République à Cotonou en
1995, l'amendement constitutionnel déposé en 1996 à l'Assemblée nationale par
M. Chevènement pour construire un espace francophone,...
M. Lucien Neuwirth.
Tout à fait !
M. Michel Charasse.
... la démarche effectuée dans le même sens en 1996 au Sénat par feu notre
regretté doyen Maurice Schumann.
Les débats à l'Assemblée nationale ont semblé couper court très récemment aux
discussions relatives à la francophonie.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelle est la position du
Gouvernement ?
J'ajouterai à cette question qui avait été préparée par M. Penne une
observation personnelle : encore faudrait-il, mes chers collègues, que la
commission des lois ne nous recommande pas un vote conforme, nous mettant dans
la situation de refuser ici ce que nous demandons par ailleurs.
Voilà, monsieur le président, les quelques questions complémentaires que mon
groupe souhaitait soulever.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici en effet aujourd'hui
au premier rendez-vous budgétaire prenant en compte les conséquences de la
réforme de notre dispositif de coopération, et je ne suis pas surpris - j'en
suis même heureux - que la plupart des intervenants y aient fait largement
allusion.
Au mois de février dernier, le Premier ministre a rendu public le schéma
qu'Hubert Védrine et moi-même pour le pôle diplomatique, Dominique Strauss-Kahn
pour le pôle économique - dont vous avez, les uns et les autres, souligné
l'importance - sommes chargés de mettre en oeuvre à partir du 1er janvier
prochain.
Depuis lors, nous avons construit le nouveau dispositif, formalisé nos
procédures et établi ce premier projet de budget, désormais partie intégrante
de celui des affaires étrangères. Je sais que ce changement rendait ardue
l'analyse de nos crédits, et je soulignerai donc la qualité du travail accompli
par les rapporteurs du Sénat, qui ont certainement rencontré cette année des
difficultés particulières.
Vous m'avez donné l'occasion de détailler devant vos commissions, mesdames,
messieurs les sénateurs, les transformations substantielles de structures
administratives que nous avons conduites, notamment la création de la direction
générale de la coopération internationale et du développement. Je n'y
reviendrai donc qu'incidemment, mais je reste bien entendu à votre disposition
pour répondre à vos questions après cette discussion générale, en dépit de
l'heure déjà très avancée.
Par conséquent, 1999 sera l'an « I » de la réforme, l'année où les projets
prennent corps, où l'esprit d'une maison se construit. L'exercice est délicat,
tant les sensibilités étaient prononcées - thématiques du développement d'un
côté, de la diffusion de notre culture de l'autre. Je sais que M. Jacques
Pelletier est très attentif au respect de ces deux identités, et qu'il craint
que l'une d'entre elles en particulier ne disparaisse ou en tout cas ne
s'affadisse. J'aurai l'occasion d'y revenir tout à l'heure.
En tout état de cause, ce n'est pas une administration sans ambition ni moyens
qui vient enrichir notre ensemble diplomatique. C'est au contraire une
structure porteuse d'un projet, dotée des moyens humains et financiers pour
coopérer, bien au-delà du seul continent africain, avec l'ensemble des pays du
monde.
C'est pourquoi chaque étape a été définie en concertation avec l'ensemble des
personnels intéressés. C'est aussi pourquoi nous avons été très attentifs à ce
que nos moyens de fonctionnement et d'intervention soient suffisants - j'allais
dire « malgré tout » - à un moment aussi important de la vie de nos
services.
Il est vrai que le budget des affaires étrangères progresse peu en 1999 :
c'est un choix qui résulte de priorités nationales fortes et qui nous a
conduits à pratiquer des arbitrages. Vos rapporteurs ont d'ailleurs bien noté
que la stabilité globale de ce budget recouvre une progression relative des
crédits des affaires étrangères et une diminution de ceux de la coopération.
J'ai compris, pour ma part, que vous ne souhaitez pas que le concept de
solidarité s'applique en quelque sorte à un transfert de crédits de la
coopération vers ce qui était naguère les affaires étrangères.
Le projet de budget pour 1999 donne des moyens de fonctionnement adaptés aux
nouveaux services de la coopération internationale et sauvegarde, je voudrais
essayer de vous en faire la démonstration, leur capacité globale
d'intervention.
Une appréciation du niveau global s'impose tout d'abord.
Les crédits de coopération internationale ont été individualisés en chapitres
spécifiques au sein du budget des affaires étrangères. Ainsi, vous en
conviendrez, l'effort de notre pays dans ce secteur sera-t-il plus visible,
plus lisible même, par vous-même et par nos partenaires, bénéficiaires des
projets. Ces crédits correspondent, au-delà des évolutions spécifiques, à
chaque type d'opérations, à la somme des crédits mis en oeuvre jusque-là par
les services de la coopération et de la direction générale des relations
culturelles, scientifiques et techniques, la DGRCST, diminuée des crédits de
fonctionnement des services de coopération.
Globalement, les chiffres ont été rappelés par les rapporteurs, cette
sommation permet d'identifier une masse de 8,2 milliards de francs dédiés à la
coopération internationale et au développement, soit environ 40 % des crédits
des affaires étrangères. Si l'on y ajoute certains crédits du titre III
relevant du champ de compétence de la nouvelle DGCID, je pense à l'AEFE, le
total avoisine les 10,5 milliards de francs.
La réforme de la coopération participe, comme vous pouvez l'imaginer, de
l'effort général d'augmentation de l'efficacité des services de l'Etat. Pour
autant, elle ne se traduit pas par des économies immédiates. Ni les emplois des
services de la coopération ni les moyens de fonctionnement des services n'ont
été sacrifiés sur l'autel de la réforme. Le budget de l'année 1999 devrait nous
permettre sa mise en oeuvre dans des conditions satisfaisantes. J'en veux pour
preuve que les crédits de fonctionnement des services de la coopération, qui
sont agrégés au titre III des affaires étrangères, sont en augmentation de 4,7
%.
S'agissant des choix budgétaires proprement dits, nous avons décidé, vous le
savez, de maintenir le montant de notre aide aux projets.
Les autorisations de programme au titre du FAC sont stabilisées à 2,3
milliards de francs, dont 1,3 milliard de francs sont mis en oeuvre par la
DGCID et 1 milliard de francs par l'AFD. Après une longue période - stoppée en
1998 - de réductions annuelles, cette stabilisation mérite d'être soulignée.
Les crédits de coopération militaire sont au niveau de 1998 et les crédits de
coopération civile, hors assistance technique - nous y reviendrons - sont à peu
près maintenus. Les économies réalisées par ailleurs portent essentiellement
sur les crédits d'ajustement structurel - pour 300 millions de francs -, sur le
financement de l'assistance technique - pour 85 millions de francs -, et sur
les crédits de paiement du FAC.
Comme les années précédentes, l'amélioration de la situation budgétaire de nos
partenaires a entraîné la sous-consommation de nos crédits d'ajustement
structurel. Nous ne devons pas nous en émouvoir. Au contraire, nous pouvons,
dans une certaine mesure, nous en réjouir.
Les perspectives restent semblables pour l'an prochain, sous réserve, bien
sûr, de l'évolution de la conjoncture internationale, laquelle reste
préoccupante. Je pense à l'effondrement de certains marchés asiatiques, à la
baisse des prix du pétrole, du bois et d'autres matières premières, à celle du
dollar et au ralentissement général de la demande mondiale. En sens inverse,
toutefois, la naissance de l'euro et la sécurisation des échanges qui en
résultera devraient profiter à nos partenaires de la zone franc et à l'ensemble
des pays ACP.
En tout état de cause, nous serions en mesure, si la situation de certains
pays se dégradait par trop, de porter nos concours financiers au niveau
adéquat.
Les effectifs de l'assistance technique civile et militaire ne baisseront que
de 194 unités l'an prochain. Certains estiment que c'est déjà beaucoup, mais,
en 1998, la baisse a été de 305 unités.
Au demeurant, cette évolution s'inscrit dans la logique de transformation de
notre assistance technique, entamée depuis une dizaine d'années déjà, comme
vous avez pu le noter lors de débats budgétaires antérieurs. Je souligne
simplement le ralentissement de cette baisse des effectifs.
Il reste que, parfois, ni nos partenaires, ni les personnels, ni les
rapporteurs ne sont entièrement convaincus par la logique de « renforcement de
l'expertise nationale ». Je souhaite que les enjeux de cette évolution soient
clairement explicités. J'ai donc confié à un haut fonctionnaire, bon
connaisseur de notre dispositif de coopération, une mission de réflexion en vue
de la redéfinition des missions, des statuts et des conditions d'exercice de
l'assistance technique. Il me rendra ses conclusions au début de l'an prochain,
après concertation avec les intéressés et les pays concernés, où certains de
nos interlocuteurs nous disent ne pas être non plus complètement satisfaits de
la manière dont les choses se passent aujourd'hui. Il s'agit aussi de tenter de
répondre à leurs demandes.
Cependant, nous avons obtenu, dès cette année, qu'une partie de l'économie
réalisée en 1999 du fait de la baisse des effectifs soit recyclée pour
améliorer la situation indemnitaire des coopérants en poste.
Le niveau des crédits de paiement du FAC sur l'exercice de 1999 correspond à
nos besoins réels.
J'ai déjà eu l'occasion de signaler l'allongement progressif de la durée
d'exécution de nos projets, tant sur les projets exécutés par mes services que
par l'AFD, et les conditions difficiles propres à certains pays qui nous ont
conduits à interrompre ou annuler des programmes. Les échéanciers de crédits de
paiement couvrant nos autorisations de programmes sont donc modifiés en
conséquence, sans que cela interfère dans la réalisation effecive des
projets.
Au total, je considère donc que ce budget de 8,5 milliards de francs, le
premier du genre, nous permettra de servir les ambitions réaffirmées de notre
politique de coopération internationale.
Une politique ambitieuse, c'est avant tout des priorités affichés, dotées de
moyens humains et financiers importants.
J'en évoquerai quatre : développer notre capacité d'influence extérieure,
identifier et fidéliser les élites chez nos partenaires, confirmer notre
position sur la coopération au développement, associer la société civile.
Développer notre influence suppose d'abord de conforter notre langue, notre
culture et nos images dans le monde.
Cela nous a conduits à renforcer notre pôle audiovisuel extérieur : des
crédits en hausse, des hommes nouveaux, un projet correspondant à l'état des
techniques et de la concurrence. Voilà qui devrait relancer les choses !
L'audiovisuel extérieur bénéficiera, pour la première fois, de crédits
dépassant le milliard de francs. Il est vrai que c'est une des priorités fortes
de ce budget.
Ce dernier apporte l'essentiel de la contribution française à la francophonie
: 273 millions de francs pour TV 5, 286 millions de francs pour le service des
affaires francophones et la future DGCID. Notre langue, notre image, nos
vecteurs de culture française et francophone auront enfin des moyens suffisants
- le seront-ils jamais ? Notre rôle ne se limite cependant pas à payer toujours
plus. L'action des principaux opérateurs de la francophonie va aussi être
évaluée.
Développer notre influence supose aussi d'être plus présents dans les
institutions multilatérales.
C'est pourquoi nous augmentons de 50 millions de francs nos contributions
volontaires aux organisations internationales et nous nous apprêtons à y
intervenir de façon plus marquée, qu'il s'agisse de l'ONU, de Bretton Woods,
des divers organismes multilatéraux dédiés au développement ou des institutions
de la francophonie.
A Hanoï, à l'automne dernier, nous avions décidé d'affecter 43 millions de
francs de mesures nouvelles au financement de deux programmes majeurs : la
promotion du français qui en a grand besoin dans les organisations
internationales et le développement des nouvelles technologies de l'information
dans l'espace francophone. Ces programmes sont lancés. Au total, ce sont près
de 700 millions de francs que nous dédions à la francophonie sur ce budget. Ils
sont mis en oeuvre par les opérateurs que vous connaissez : l'agence de la
francophonie, l'agence universitaire de la francophonie - ex-AUPELF-UREF -,
l'AIMF, l'AIPLF, TV 5.
Développer notre influence, c'est aussi, une meilleure présence géographique
de notre coopération. Il s'agit d'une réorientation progressive d'une partie de
nos moyens vers de nouveaux partenaires.
Soutenir le renforcement de l'état de droit aux marches de l'Europe - j'ai
entendu les doutes émis par certains sur la fiabilité de cette démarche - ou
dans les républiques de la CEI, c'est aussi sécuriser une région encore
potentiellement instable ; c'est encore ouvrir de nouveaux marchés à nos
industriels, pour qui la paix est une condition prélable à l'investissement et
au commerce.
Je reviendrai tout à l'heure sur la fidélité que nous devons à l'Afrique.
Deuxième priorité : identifier et fidéliser les élites futures chez nos
partenaires.
Il s'agissait déjà cette année d'une priorité pour la coopération comme pour
les affaires étrangères, quoique d'une façon différente. Ce sera demain un
thème transversal essentiel pour l'ensemble des services.
Notre politique des bourses, en particulier de bourses d'études, verra ses
moyens renforcés. Notre politique des visas participera également de ce
meilleur accueil des étudiants étrangers.
Je sais qu'il y a encore parfois quelques « bavures » dans la délivrance de
ces visas. Nous essayons d'y remédier. N'hésitez pas, mesdames, messieurs les
sénateurs, quand vous êtes informés de tels dysfonctionnements, à nous les
signaler.
Cette priorité se traduira également par la recherche de partenariats plus
riches entre institutions de formation françaises et étrangères.
A ce propos, je vous invite à considérer la création d'Edufrance comme
répondant à cette ambition. Ce groupement d'intérêt public, regroupant les
services de l'Etat - affaires étrangères, coopération, éducation, recherche et
technologie - avec les établissements d'enseignement supérieur qui le
souhaitent, doit promouvoir le potentiel de formation et d'expertise française
à l'étranger. Sa démarche sera commerciale, sa réussite se mesurera en termes
de parts du marché international de la formation supérieure, un marché qu'on
évalue aujourd'hui à 130 milliards de francs par an. C'est un bel enjeu,
surtout lorsqu'on mesure à quel point la fidélisation des élites étrangères
passe par leur formation initiale.
Le fait d'avoir affiché que ce projet entend rééquilibrer notre part du marché
de la formation - j'emploie à dessein cette terminologie commerciale - en Asie
ou en Amérique latine ne doit surtout pas conduire les Africains à considérer
qu'ils ne sont pas concernés. Peut-être y a-t-il eu là un problème de
communication.
J'évoque ce problème d'autant plus volontiers que, ce matin, le Président de
la République, en conseil des ministres, a souligné qu'il était nécessaire de
préciser, à l'intention des Africains, qu'Edufrance leur était aussi
destiné.
Nos universités, nos écoles de commerce, nos chambres de commerce et
d'industrie, nos chambres de métiers, nos entreprises, nos écoles militaires
sont des coopérants en puissance. Il nous faut y recourir plus
systématiquement. La coopération militaire nous en fournit de bons exemples,
comme l'ouverture dans les environs d'Abidjan, en 1999, d'un centre régional de
formation au maintien de la paix.
Troisième grande priorité : confirmer la place de la France dans l'aide
publique au développement.
Cela signifie d'abord qu'il nous faut confirmer le niveau de notre effort.
La réussite des économies asiatiques a pu, un temps, faire douter certains de
la pertinence de l'aide publique au développement. L'investissement privé
suffisait, pensait-on. Mais la crise récente et les fragilités constatées dans
ces pays, notamment en matière d'infrastructures, de formation ou de gestion
des affaires publiques, ont fait justice de cette illusion.
Lors des dernières assemblées annuelles du FMI ou de la Banque mondiale, j'ai
ainsi constaté une évolution significative du discours sur l'aide publique au
développement. Le développement humain, la lutte contre la pauvreté,
l'enseignement de base et la formation en général, la restauration de l'état de
droit y ont été clairement réaffirmés comme conditions du développement durable
des pays sous ajustement.
La France a fait sienne cette analyse depuis longtemps et, contrairement à
d'autres, s'y est tenue. Même si nous devons regretter - car je le fais comme
vous - l'érosion enregistrée ces dernières années, en 1997, le niveau de notre
aide - 37 milliards de francs, soit 0,45 % du PIB - nous maintenait au premier
rang des pays du G8 en termes de taux d'effort et au deuxième, derrière le
Japon, en termes de volume. Ne faisons la leçon à personne, mais permettez-moi
de comparer cette situation au taux 0,08 % du PIB consacré par les Etats-Unis à
l'APD.
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
L'année 1999 sera celle de la renégociation des accords
de Lomé.
Nous avons défendu âprement la préservation de ce lien privilégié entre
l'Europe et les pays en développement, notamment africains. La future
convention devra tenir compte de deux nouveautés : désormais, l'OMC existe,
l'Europe politique et monétaire aussi.
Pour ce qui est de l'OMC, nous avons rappelé l'objectif d'intégration des pays
ACP dans l'économie mondiale, mais aussi le besoin d'un calendrier et de
modalités appropriées selon les régions.
Quant à l'euro, il consolidera le lien économique et commercial avec les pays
ACP, et non pas seulement avec les pays de la zone franc.
Il faudra aussi, en 1999, réfléchir concrètement à une meilleure utilisation
des canaux de l'aide multilatérale, en particulier lorsque nous ne disposons
pas du personnel français nécessaire sur le terrain. J'attends d'ailleurs
beaucoup du rapport - j'ai commencé d'en prendre connaissance - que le député
Yves Tavernier transmet au Premier ministre sur l'articulation de nos actions
bilatérales et multilatérales.
D'une manière générale, la France a besoin de mieux mobiliser ses forces. La
mondialisation rend les pays du Sud plus sensibles à la concurrence et à la
multiplicité des initiatives ; elle les rend d'autant plus attentifs à toutes
les formes de partenariat susceptibles d'augmenter leurs chances de
réussite.
Associer plus activement la société civile à notre politique de coopération
internationale reste, bien sûr, un impératif ; c'est notre quatrième priorité
d'action.
La coopération que l'on qualifie de « hors l'Etat » - M. Jacques Pelletier y a
fait largement allusion - est au coeur des nouvelles dynamiques. Les moyens que
nous y consacrons, en augmentation sensible, sont appelés à soutenir des
initiatives très diverses. Une structure spécifique a été créée au sein de la
DGCID, pour rendre plus visible et aisément identifiable cette volonté
politique forte dans notre dispositif de coopération.
La coopération décentralisée s'affirme chaque jour davantage comme répondant à
une attente de nos partenaires. Elle apporte au développement la relation
humaine, j'oserai dire charnelle, qui permet des partenariats durables et
proches des populations.
Nous encourageons l'élargissement de son champ d'action et la diversité de ses
intervenants. Dans le même temps, nous sommes particulièrement désireux d'une
coordination plus grande entre les actions des collectivités territoriales, des
acteurs de la solidarité internationale et de l'Etat.
Des rencontres nationales de la coopération décentralisée consolideront, en
avril prochain, ces outils de la présence française.
Aux côtés des collectivités publiques, c'est le tissu associatif, bien sûr,
mais aussi les entreprises et les organisations professionnelles qui
s'engagent.
Des actions comme la journée de promotion de l'investissement en zone franc -
450 entreprises présentes, la création du site Internet le plus riche sur
l'entreprise en zone franc, consulté cinquante fois par jour depuis la
mi-octobre - témoignent d'une heureuse synergie entre l'Etat et le secteur
privé. J'attends aussi que la négociation des contrats de plan Etat-région
comporte une dimension de promotion du tissu économique - la projection des
PME-PMI - dans sa composante internationale.
Les organisations de solidarité internationale ont, quant à elles, une
tradition établie de coopération dans les secteurs les plus divers. Notre souci
est de les voir se renforcer, d'encourager une réunion des moyens et une
professionnalisation qui les rendront aussi efficaces que leurs homologues
étrangères. A cet égard, nous avons encore, il faut bien l'avouer, un peu de
retard.
Enfin, les confédérations syndicales, de salariés ou d'employeurs, constituent
un terrain de coopération particulièrement fertile. Aussi y consacrerai-je de
l'énergie et des moyens supplémentaires en 1999.
Je voudrais maintenant vous rendre attentifs aux échéances pour l'année à
venir, qui vont jalonner la concrétisation de nos ambitions.
Début janvier - et je réponds là d'ores et déjà à des interrogations portant
sur le calendrier - le Premier ministre réunira le premier comité
interministériel de la coopération internationale et du développement, le
CICID. Il arrêtera le texte portant création du Haut Conseil de la coopération
internationale, que nous pourrons alors installer. Je serai, bien entendu, à la
disposition de votre assemblée pour faire le point sur ces sujets et vous
préciser la nature et le contenu de notre zone de solidarité prioritaire. Je
répondrai volontiers aux invitations que vos commissions voudront
éventuellement m'adresser.
Fidélité et ouverture en seront les maîtres mots : la fidélité à notre
histoire, à la géographie, à nos liens culturels, à nos frères et à nos amis
nous conduit au renforcement - j'y insiste - de nos partenariats traditionnels
; quant à l'ouverture, elle doit se faire en direction de l'autre Afrique, de
l'ensemble des pays en développement, des autres cultures, parce que c'est elle
qui accompagnera le mieux l'ouverture au monde de nos partenaires
traditionnels.
Au delà, fixons-nous pour objectif de proposer à la société française, dans
les six prochains mois, un débat de fond pour qu'à la réforme de la coopération
dont vous connaissez l'architecture réponde la mobilisation dont elle porte
l'esprit. Dans quelques mois, je proposerai au Haut Conseil le document de
référence autour duquel le débat pourrait s'engager.
Je ne doute pas que nous saurons alors rencontrer les aspirations de nos
concitoyens à une plus grande ouverture sur le monde et mobiliser ainsi le
gisement de générosité que la société française recèle Je voudrais maintenant
répondre, d'une manière aussi exhaustive que possible, aux questions qui ont
été posées par les différents orateurs, étant entendu que les points que je
pourrais omettre de traiter pourront faire l'objet de réponses écrites.
Monsieur Charasse, vous êtes un excellent connaisseur de cette coopération à
laquelle, je le sais, que vous consacrez beaucoup de soins et d'efforts. Vous
avez redouté que celle-ci ne devienne une sorte de « variable d'ajustement ».
Croyez bien que je m'efforcerai d'écarter cette funeste perspective !
Je vous remercie d'avoir insisté sur la meilleure articulation entre
ambassadeurs et missions. Il nous paraît indispensable, en effet, qu'il y ait
un « pilote dans l'avion ». La réforme a aussi cette ambition de donner à
l'ambassadeur une capacité de diriger l'ensemble des moyens de la France dans
un pays donné.
Cette relation-là doit valoir également pour l'AFD, ce qui explique qu'un avis
soit systématiquement demandé à l'ambassadeur sur les projets que l'AFD
envisage de conduire dans un pays donné. Cela me semble répondre à la
préoccupation que certains d'entre vous ont exprimée sur ce besoin de «
rééquilibrage des pôles », entre le diplomatique et l'économique.
Plusieurs d'entre vous, notamment M. Charasse, Mme Brisepierre et M. Ferrand,
ont évoqué l'euro et le franc CFA. A cet égard, je dois vous dire mes regrets
de constater que nos efforts n'ont pas encore été couronnés de succès. Ces
efforts, ce sont ceux de Dominique Strauss-Kahn, de moi-même et du Gouvernement
en général, mais aussi du Président de la République. Or ils sont parfois
contrecarrés par certaines déclarations françaises. Lorsque celles-ci émanent
d'une autorité ayant exercé, même si c'est un peu ancien, des responsabilités
importantes en Afrique, elles viennent malheureusement affaiblir notre propre
démonstration, qui est pourtant imparable.
Il n'y a pas de raison économique à une nouvelle dévaluation, qu'il s'agisse
des taux de croissance, des grands équilibres, qui sont meilleurs, des grands
indicateurs. Il n'y a pas, non plus, de raison juridique, vous l'avez rappelé.
C'est un lien budgétaire et non pas bancaire. Ajoutons à cela que les autorités
européennes partagent ce point de vue, et le président d'ECOFIN est venu le
dire à la dernière réunion des ministres de la zone franc.
Nous avons toujours pensé que ce serait seulement après l'entrée en vigeur de
l'euro que nous finirons par être entendus.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
C'est une affaire de trois semaines !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Continuons donc dans cette direction !
M. Charasse et Mme Brisepierre ont beaucoup insisté sur la situation
douloureuse de certains Français victimes de la dévaluation du franc CFA. J'ai
moi-même évoqué cette question lors de la rencontre des communautés françaises
à Brazzaville et depuis, j'ai reçu un courrier nourri des intéressés. Mme
Brisepierre était à mon côté quand cette question a été soulevée dans la
capitale du Congo, voilà quelques jours.
Cette question est importante et je vous remercie de l'avoir clarifiée en
rappelant qu'elle recouvre deux réalités différentes : d'une part, la situation
financière des organismes de protection sociale et, le cas échéant, leur
mauvaise gestion et, d'autre part, la diminution des rentes en francs français
du fait de la dévaluation de 1994.
Nous pouvons considérer que nous avons mis en place les conditions de
règlement du premier problème avec nos partenaires africains. La
restructuration des organismes de protection sociale, la définition d'une
réglementation commune à l'ensemble des pays francophones, en particulier sur
les règles prudentielles applicables, constituent des garanties pour l'avenir
de ces régimes et la sécurité du service des rentes acquises.
Reste la question des arriérés accumulés qui appelle des réponses
spécifiques.
Une commission mixte
ad hoc
est programmée avec le Gabon pour le
premier trimestre 1999 sur ce sujet. Nous espérons parvenir à une solution
comme nous l'avons fait avec le Mali, la Côte d'Ivoire et le Sénégal.
S'agissant des autres pays, je suis prêt à suivre l'idée, émise par M. Ferrand,
d'une évolution fine des implications financières sur les caisses du Congo et
du Cameroun et de la réunion d'une table ronde rassemblant les principaux
intéressés pour envisager le traitement définitif du dossier.
Quant aux conséquences de la dévaluation du franc CFA, je ne puis vous faire
de telles propositions. Le système d'allocation forfaitaire mis en place en
1994 est certes restrictif, mais il a permis de donner satisfaction aux cas
socialement les plus délicats. J'ai le regret de vous dire qu'il n'est pas
envisagé, pour l'instant, d'aller au-delà ni pour les personnes physiques ni
pour les entreprises qui ont, elles aussi, subi les conséquences de la
dévaluation sur leurs avoirs en francs CFA.
Madame Brisepierre, vous avez évoqué la baisse de 0, 36 % de l'APD pour 1999.
Je vous ai dit ce qu'il en était. Mais peut-être intégrez-vous déjà la sortie
des chiffres de l'aide concernant les départements et territoires d'outre-mer
qui, en effet, va réduire, optiquement en quelque sorte, la part de notre aide
publique au développement.
Je n'anticiperai pas sur les amendements dont nous allons débattre tout à
l'heure. Je rappellerai simplement ce qu'il en est du partage entre le pôle
diplomatique et le pôle économique car cette question est bien évidemment très
importante.
S'agissant de la zone de solidarité prioritaire, la ZSP, s'il y a ouverture,
il y a aussi la fidélité dans les critères d'appartenance à cette zone. Je vous
dis tout net que, selon nos informations, l'ensemble des pays de l'Afrique
francophone feront partie de cette zone, ainsi que d'autres pays d'ailleurs. Il
est préférable d'avoir une ZSP un peu plus étendue à l'intérieur de laquelle
nous pourrons utiliser de manière appropriée toute la gamme des outils de
coopération en tenant compte de la situation des différents pays. Nous sommes
conscients, comme vous, qu'il faut éviter la dilution mais, d'un autre côté, un
nombre trop limité de pays risquerait d'entraver l'intégration économique
régionale que nous souhaitons promouvoir. Il faut aider ces pays à se
développer mais la « peau de léopard » ne serait pas, en l'espèce,
appropriée.
Par ailleurs, il ne faudrait pas tirer argument d'une insuffisante
consommation des crédits du fonds d'aide à la coopération pour diminuer encore
ces crédits et nous en satisfaire. Nous sommes aussi responsables d'une bonne
consommation de ces crédits.
Mme Paulette Brisepierre,
rapporteur pour avis.
Absolument !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
En tout cas, il s'agit d'une de mes préoccupations dans
le cadre d'une réforme des procédures du FAC.
Monsieur Legendre, je connais votre passion pour la francophonie. Vous avez
rappelé que les crédits qui lui sont consacrés ne sont pas encore à la hauteur
des enjeux. Mais, dans ce domaine, il en sera toujours ainsi. La
restructuration des outils de la francophonie permet d'espérer une utilisation
plus efficace des crédits. Certains chapitres en particulier connaîtront, en
1999, une augmentation sensible.
La dimension politique de la francophonie est une question importante. Elle
sera évoquée, à partir de vendredi, à Bucarest. Je m'en suis ouvert à M.
Boutros Boutros Ghali. De nombreux pays francophones demandent la mise en place
de procédures d'information préalables mais aussi et surtout
a
posteriori
.
La question des critères d'éligibilité à la francophonie est un autre problème
que nous avons évoqué en aparté. Je pense que la réunion de Bucarest permettra
d'avancer sur ce point.
S'agissant de la « constitutionnalisation » de la francophonie, nous
comprenons votre souci. Le Gouvernement n'y est pas insensible. A l'Assemblée
nationale, M. Wiltzer a déposé un amendement en ce sens et Mme Guigou s'est
exprimée sur ce sujet.
L'engagement de la France pour la francophonie est important. J'ai rappelé les
moyens qu'elle y consacre, mais c'est surtout aux actes que cet engagement se
mesure. La décision d'intégrer la réalité de cette solidarité francophone dans
notre acte fondamental demande une réflexion approfondie. Mais est-ce une
notion qui doit être inscrite dans la Constitution alors que les engagements de
la France sont nombreux et que la Constitution ne se modifie, d'abord, qu'au
regard des difficultés qu'elle opposerait pour les tenir ? A ce stade, nous les
honorons sans difficulté particulière et, je le répète, le Gouvernement donne
la priorité aux dispositions concrètes.
L'intégration de cette notion dans la Constitution mérite une réflexion
approfondie que je ne crois pas mûre en l'état, mais à laquelle nous restons
bien évidemment ouverts.
Monsieur Bécart, je vous remercie de votre adhésion au principe de la réforme
de la coopération.
Il est vrai qu'il existe une logique forte de solidarité à l'égard de
l'ensemble du monde. C'est un débat que nous avons eu avec nos partenaires. A
Bruxelles, j'ai rappelé à ceux qui ne voulaient qu'on aide que les pays les
plus pauvres que la sécurité sociale n'a pas été inventée seulement pour les
pauvres.
Il en va un peu de même en ce qui concerne notre politique de coopération au
développement, parce que la France a vocation à une diplomatie un peu
universelle. Il nous revient, néanmoins, d'opérer des choix afin d'éviter la
dispersion que nous évoquions à l'instant.
La nouvelle convention de Lomé, monsieur Bécart, va introduire une certaine
souplesse dans le calendrier, ce qui permettra aux différents pays ou aux
différentes régions d'intégrer l'économie mondiale au rythme qui leur convient
et avec des modalités qui leur sont adaptées. En effet, un calendrier brutal
serait, de ce point de vue, tout à fait suicidaire pour certains.
A partir de 2005, puisque l'accord que nous avons négocié va jusque-là, il y
aura donc, selon des rythmes différents, une intégration progressive de ces
pays à l'économie mondiale. Et c'est là que la discussion avec l'OMC prend
toute sa signification.
Mais, vous avez raison, il ne faut pas aller trop vite ni agir n'importe
comment au nom de je ne sais quel concept libre-échangiste. Nous partageons
votre préoccupation en ce domaine.
Vous avez également évoqué la prévention des conflits et les mines
anti-personnel. Nous célébrons en ce moment même l'anniversaire de la signature
de la convention d'Ottawa, dont la France a été l'un des premiers signataires.
Je rappelle aussi que nous avons pris l'engagement de détruire, avant la fin de
1999, le stock de mines anti-personnel, qui est estimé à 1,4 million. Nous en
avons détruit 700 000 pour l'instant. Par ailleurs, nous respectons depuis
longtemps l'engagement de non-production, mais aussi de non-emploi et
évidemment de non-transfert de ces mines anti-personnel. Nous regrettons que
certains pays - et non des moindres, puisqu'il s'agit des Etats-Unis, de la
Russie, de la Chine et du Pakistan, aient encore refusé de signer cette
convention. Celle-ci ne vaudra que si tous les pays y adhèrent. Mais nous
persistons dans cette direction.
S'agissant de la francophonie, l'ordre du jour du sommet de Moncton sera
arrêté lors de la réunion ministérielle de Bucarest. Nous pourrons donc vous
donner de plus amples informations à ce moment-là.
Par ailleurs, j'ai entendu votre mise en garde à propos de la mise à
disposition des médicaments dans les pays les plus pauvres. Ce problème nous
préoccupe beaucoup.
Vous m'avez interrogé, madame Cerisier-ben Guiga, sur la date de réunion du
Haut Conseil. Celle-ci se tiendra peu après le CICID, qui nous permettra
précisément de l'installer. Autrement dit, on peut penser qu'il se réunira à la
fin du mois de janvier ou au début du mois de février, si l'agenda du Premier
ministre permet de tenir ce CICID dans le courant de ce mois.
Vous avez également évoqué les contraintes budgétaires et parlé d' « un budget
taillé plus large ». J'ai bien aimé cette expression, à laquelle j'adhère
pleinement. Le secrétaire d'Etat au budget est très attaché à une ligne près du
corps, si je puis employer cette expression.
(Sourires.)
Peut-être faudrait-il chercher une solution dans le choix de
nouveaux matériaux qui permettraient un peu plus de flexibilité et
d'élasticité. C'est sans doute cela qu'il nous faut plutôt que le corset qui,
évidemment, est par trop inconfortable. Mais nous allons réfléchir avec M.
Sautter à la recherche d'un matériau approprié.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Vous avez le crédit d'impôt-recherche !
(Sourires.)
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Mme Cerisier-ben Guiga et M. Penne, par la voix de M.
Charasse, ont évoqué l'assistance technique et la mise en oeuvre de l'APD. De
quelle assistance technique avons-nous besoin pour mettre en oeuvre l'APD ? Il
revient à M. Jean Nemo, haut fonctionnaire que j'ai chargé de cette recherche,
de nous aider à mieux répondre à cette question. Nous aurons l'occasion d'en
reparler.
Vous m'avez également demandé ce que deviennent les assistants techniques dont
les contrats ne sont pas renouvelés. Les recrutements sont effectués sur la
base de fiches de poste qui précisent les qualifications techniques des
candidats. La très grande spécialisation des techniciens impose des
recrutements ouverts sur le marché du travail, compte tenu de l'inexistence de
tels profits dans l'administration. Si l'on prend en compte les conditions de
recrutement, la durée moyenne des contrats et les effets de la limitation du
temps de séjour, il faut convenir que les temps de coopération sont de plus en
plus des étapes d'une vie professionnelle et pas forcément une vie
professionnelle.
Les assistants techniques, dont la moyenne d'âge a d'ailleurs baissé en même
temps que leur technicité augmentait, terminent leur contrat, repartent sur le
marché du travail en valorisant leur expérience hors de nos frontières.
Souhaitons que les entreprises sachent mieux reconnaître la plus-value apportée
par ces expériences hors de nos frontières. Mais la « mue » n'est pas terminée
; certains agents ne peuvent parfois être reclassés sur le marché français, en
dépit des mécanismes de soutien que nous avons mis au point. Nous les traitons
alors au cas par cas.
Plusieurs d'entre vous, notamment Mmes Brisepierre et Cerisier-ben Guiga ainsi
que M. de Villepin, m'ont interrogé, hier, lors de la discussion du budget des
affaires étrangères, sur le volontariat civil.
Vous avez raison d'être impatients : la disparition du service national est
pour l'an 2000 ! Il faut donc désormais faire vite.
Le Gouvernement travaille à une solution de substitution qui devrait aboutir à
un projet de loi sur le volontariat civil. Normalement, en termes de
calendrier, puisque les assises avec les ONG sont programmées le 20 ou le 21
février prochain, c'est sans doute après que nous pourrons déposer le texte,
c'est-à-dire donc au printemps. Les parlementaires que vous êtes savent les
difficultés que nous avons à gérer un calendrier parlementaire particulièrement
chargé. Mais il faut que nous nous engagions à ce que ce texte soit déposé au
Parlement avant juin 1999. C'est vraiment la limite si l'on veut que le texte
puisse s'appliquer au moment où la réforme du service national produira tous
ses effets.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Moins il y aura d'articles, plus cela ira vite !
(Sourires.)
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
C'est aussi ce que nous pensons !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Déposez d'abord le
texte au Sénat !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
C'est peut-être par vous, en effet, qu'il conviendrait
de commencer, car je vous sais très attentif à ce dossier.
Sur l'AEFE, plusieurs d'entre vous ont posé de nombreuses questions. Je
rappellerai d'abord que les crédits de cette agence augmentent de 5,6 %, ce qui
n'est pas si mal dans le contexte budgétaire que vous savez. Une mesure
nouvelle de 20 millions de francs en faveur des bourses - d'aucuns l'ont
rappelé, je crois l'avoir dit aussi - s'y ajoute, ce qui n'est pas rien.
Le réseau continue d'ailleurs d'attirer les élèves étrangers. On dénombre tout
de même plus de 90 000 élèves. La demande ne cesse d'augmenter. C'est un signe
de bonne santé. Si on a en effet supprimé soixante-dix postes d'expatriés, on a
créé soixante-dix postes de résidents et on a mis aussi soixante-dix autres
recrutés sur des emplois enfin stables.
Bien sûr, on pourrait espérer des frais de scolarité moins élevés pour attirer
les enfants des classes moyennes. J'ai en effet souvent rencontré sur place des
familles qui m'ont fait part de leur difficulté d'inscrire leur deuxième
enfant, comme vous le dites vous-même. Nous voulons nous engager dans la voie
de la réduction des frais de scolarité.
S'agissant des rapports avec le ministère de l'éducation nationale, les
groupes de travail que MM. Védrine et Allègre ont mis en place ont engagé une
réflexion qui n'est pas terminée. Elle vise précisément à une plus grande
implication du ministère de l'éducation nationale dans la vie de l'agence à
tous les niveaux : équipement, recrutement et financement.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
C'est bien le
financement qui compte !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Evidemment, compte tenu de son importance, le budget de
l'éducation nationale pourrait probablement sans douleur - c'est en tout cas
l'analyse que j'ai tendance à faire - nous aider davantage, mais nous aurons
l'occasion d'en reparler.
Quant à la participation des Français établis à l'étranger à la politique de
coopération internationale, elle est en effet nécessaire. Le Haut Conseil de la
coopération internationale devrait permettre cette participation aussi bien des
patrons que des salariés, des enseignants, des étudiants, des fonctionnaires,
bref de tous ceux qui ont en plus des choses à nous dire dans ce domaine.
Monsieur Ferrand, s'agissant de la dévaluation et de l'effet sur les
retraites, j'ai déjà eu l'occasion de répondre ; je n'insiste donc pas. Vous
avez parlé, vous aussi, de l'euro. Il nous faut en effet continuer à convaincre
; je vous l'ai dit à l'instant.
Monsieur Pelletier, la priorité africaine de la France, oui, et s'il y avait
besoin d'une raison supplémentaire de nous en convaincre ce serait le sommet
franco-africain qui vient de se réunir. Celui-ci a illustré la réforme de la
coopération car sans l'Afrique anglophone certains débats, et non des moindres,
n'auraient pas pu se tenir. Je crois que tout le monde a bien voulu reconnaître
que ce sommet avait une signification forte parce que toute l'Afrique y était
présente.
M. Chirac n'a d'ailleurs pas manqué d'y faire allusion, c'est une réponse à
ceux qui se complaisent à dire que la présence française en Afrique
s'affaiblit, d'aucuns allant même jusqu'à dire que nous y serions remplacés par
les Américains.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Radins comme ils sont, ce n'est pas demain la veille
!
(Sourires.)
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Je crois que la manière dont les choses se passent sur
la période récente nous convainc évidemment du contraire. On peut regretter
d'ailleurs la déception des Africains, compte tenu du peu de retombée qu'a eu
finalement ce voyage si médiatisé du président Clinton voilà quelques mois.
Nous souhaitons, je le répète, que les Américains soient plus présents pour
mieux nous aider dans le développement de ce continent. Nous n'avons pas à nous
opposer, au nom de je ne sais quelle légitimité plus ancienne à une éventuelle
intervention.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Il faut qu'ils soient partout, et pas seulement chez
les riches !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
C'est un bon résumé !
Je reviendrai tout à l'heure sur le pôle économique, qui est très important.
Il est vrai que la France a une position un peu singulière de ce point de vue.
Elle n'est pas tout à fait la seule à agir ainsi.
J'en viens à la crainte de la perte d'identité des personnels. Pour ma part,
je fais confiance à ces personnels qui ont un enracinement très fort dans cette
réalité du développement, qui en ont fait une culture.
« Paté d'alouette », je ne le crains pas ! D'abord, le Quai d'Orsay n'est pas
une administration à ce point importante que l'on puisse s'y perdre. Je veux
bien retenir le piment, pour prendre une image plus exotique. Vous savez que le
piment, même en petite quantité, peut parfois modifier complètement la saveur
d'un plat. Espérons que la « fertilisation croisée », une autre expression que
nous avons employée, produira ses effets ! Nous allons, car je crois que c'est
essentiel, donner à chaque diplomate cette préoccupation du développement. Je
reste convaincu qu'une diplomatie qui ne se préoccupe pas du développement,
c'est une diplomatie de l'instant ; elle ne s'inscrit pas dans la durée, alors
que c'est tout à fait essentiel.
En ce qui concerne la coopération civile, j'ai répondu et je ne crois pas
nécessaire d'y insister. Vous avez raison, c'est l'an prochain que nous
pourrons mieux juger des effets de la réforme.
Monsieur Neuwirth, le FNUAP représentait 3,5 millions de francs en 1995, 4
millions de francs en 1996, 5 millions de francs en 1997 et 6 millions de
francs en 1998. On est sans doute encore loin du compte.
M. Lucien Neuwirth.
Au quatorzième rang !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Cela témoigne cependant de notre volonté d'avoir
progressivement une participation plus convenable. J'espère qu'en 1999 nous
pourrons essayer d'y exister mieux en quelque sorte, car je sais qu'il y est
fait du bon travail.
Je voudrais tout de même attirer votre attention sur une difficulté :
l'absence, dans la plupart des pays africains partenaires, d'une véritable
politique nationale de population. Dans un domaine comme celui-là, il est
difficile de travailler sans partenaire. Les choses commencent à aller mieux.
Je pense à la Côte d'Ivoire et à Madagascar, où deux projets se
réalisent « en multi-bi » avec le FNUAP, qui comporteront un volet de
planification représentant 60 % des engagements. C'est une première que nous
allons suivre de près.
Faut-il rappeler l'important programme de prévention de la transmission du VIH
sida, et notamment l'information en direction des jeunes ? La France est très
leader sur ce fonds thérapeutique sida, que le Président de la République et M.
Bernard Kouchner, à Abidjan, avaient annoncé voilà quelques mois et qui se met
en place. Cela étant, je ne travestirai pas la réalité. La France, d'ailleurs
comme la plupart de ses partenaires occidentaux, est en retard par rapport aux
réglementations du Caire.
C'est une bonne initiative d'en parler à l'occasion du prochain sommet qui
aura lieu à Moncton. Il y sera d'ailleurs plus facile d'évoquer ce sujet avec
nos partenaires francophones en dehors du contexte de l'ONU. Nous allons
utiliser ce forum de Moncton pour aller dans la direction que vous
souhaitez.
La coopération Sud-Sud - je ne développerai pas ce point - nous paraît tout à
fait intéressante. A partir de la Tunisie, en particulier, un certain nombre de
projets sont actuellement examinés par nos services, et ils vont certainement
être poussés.
Au Soudan, c'est surtout la paix qu'il faudrait. J'aimerais que tous, en
particulier ceux qui ont quelque influence extérieure sur ce dossier, puissent
mesurer les conséquences de certains soutiens.
J'en viens à la trésorerie de l'AFD : nous entrons là dans des considérations
très techniques, qui ne sont pas de nature à effrayer M. Charasse. Je
rappellerai que, s'agissant de la trésorerie de cette agence, il peut y avoir
de la trésorerie disponible en cas de retard dans l'exécution de certains
projets dont le principe a été arrêté en comité directeur du FAC et dont les
crédits ont été délégués à l'AFD en fonction du calendrier théorique
d'exécution pour paiement sur place. Il n'est pas absurde que le niveau des
crédits de paiement soit ajusté en fonction des prévisions effectives de
dépenses sur l'année. Je pourrai d'ailleurs répondre plus complètement par
écrit à M. Guy Penne. Je veux simplement rappeler que, jusqu'à ce jour, nous
utilisons l'AFD comme payeur local des dépenses exécutées par les missions de
coopération au titre des projets FAC. A partir de 1999, les dépenses du FAC
vont progressivement revenir dans le circuit des payeurs de France.
En ce qui concerne l'action humanitaire, là aussi, il me semble préférable de
faire une réponse écrite très complète à M. Guy Penne. Je rappelle simplement
que l'interministérialité dont la cellule d'urgence est porteuse depuis 1985
est certainement le gage de son efficacité et de la visibilité de l'action
menée. Elle sera préservée, et je veux l'en assurer.
S'agissant des accords de défense et des troubles intérieurs, le risque
envisagé par M. Guy Penne existe mais il est, je crois, maîtrisé. Nous en avons
fait la preuve en plusieurs occasions récemment, en ne prenant pas part à des
conflits intérieurs bien que nous ayons des accords avec certains pays.
Quant à la coopération militaire, la question a été posée du port de
l'uniforme du pays ou de l'uniforme français. La distinction est à rechercher
dans la mission qui est effectuée. Lorsqu'il s'agit de faire en quelque sorte
de nos agents des agents de l'administration aidée, tout naturellement ils
portent l'uniforme de l'administration en question. Au contraire, quand ils
sont responsables de projets de la coopération française et qu'ils rendent
compte au poste diplomatique, comme le font les autres coopérants, ils doivent
alors bien sûr garder leur propre uniforme.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai conscience que,
sur un sujet aussi passionnant, nous aurions pu continuer à débattre. Je
souhaite, en tout cas, vous exprimer ma conviction, tout d'abord, que
l'unification de la politique extérieure de la France est bien engagée, ce qui
va permettre de gagner en lisibilité et, je l'espère, en mobilisation de
l'opinion, dont nous avons besoin. Je voudrais aussi vous remercier de
l'intérêt que vous portez à ces questions et du soutien que vous voulez bien
accorder aux efforts que nous avons entrepris. En tout cas, vous pouvez compter
sur ma bonne volonté pour venir, chaque fois que vous le souhaiterez, évoquer
ces questions avec vous.
(Applaudissements.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant les affaires étrangères et la coopération.
Je rappelle que les crédits concernant les affaires étrangères inscrits à la
ligne « affaires étrangères et coopération » ont été examinés le mardi 1er
décembre.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 596 998 172 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : moins 482 665 868 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 281 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 91 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 316 500 000 francs ;
« Crédits de paiement : 410 100 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
Articles additionnels avant l'article 75 A
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements présentés par M. Charasse, au nom de la
commission des finances.
L'amendement n° II-98 tend :
I. - Avant l'article 75 A, à insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les projets dont la réalisation incombe à l'Agence française de
développement et qui sont financés en tout ou partie sur les crédits qui lui
sont délégués après délibération du comité directeur du Fonds d'aide et de
coopération ne peuvent être mis en oeuvre qu'après avoir été approuvés par
ledit comité directeur. »
II. - En conséquence, à faire précéder cet article d'une division ainsi
rédigée : « Affaires étrangères et coopération ».
L'amendement n° II-99 vise à insérer, avant l'article 75 A, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Les crédits disponibles à l'issue de l'achèvement des projets financés sur
les dotations du Fonds d'aide et de coopération sont réintégrés sans délai dans
la masse desdites dotations de l'année. Le comité directeur du Fonds d'aide et
de coopération en est informé à sa plus prochaine réunion. »
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre ces deux
amendements.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Ces deux amendements sont d'une portée différente.
L'amendement n° II-98 tire les conséquences sur les procédures actuelles de la
réforme intervenue avec la fusion des deux budgets, puisqu'une partie des
crédits qui sont actuellement mis en oeuvre par le ministère de la coopération,
après passage devant le comité directeur du fonds d'aide et de coopération - au
sein duquel le Parlement est largement représenté, du moins l'Assemblée
nationale, qui a trois représentants, alors que le Sénat n'en a qu'un - va
désormais être déléguée à l'Agence française de développement, qui sera chargée
de mettre ces crédits en oeuvre projet par projet.
La procédure de consultation projet par projet qui existe aujourd'hui ne
fonctionnera plus, et l'opérateur sera l'Agence française de développement, qui
a des relations aussi étroites avec le ministère de la coopération qu'à ces
heures tardives et depuis plusieurs jours nous pouvons en avoir avec nos
conjoints.
(Sourires.)
Par conséquent, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition qui
vous est faite au nom de la commission des finances est de dire que l'Agence
française réalisera certes les projets sur des crédits que le FAC va
globalement lui déléguer, mais qu'au moment d'arrêter ceux-ci projet par projet
ils ne pourront être mis en oeuvre qu'après avis favorable du comité directeur
du FAC. C'est-à-dire, monsieur le ministre, que cela revient chez vous, pour
que l'on soit bien sûr les uns et les autres que tout le monde est bien
d'accord.
Tel est donc l'objet de l'amendement n° II-98.
Sur l'amendement n° II-99, je serai beaucoup plus rapide.
Je me suis aperçu, à l'occasion des contrôles sur place et sur pièces que j'ai
effectués au nom de la commission des finances, que la procédure comptable
actuelle du FAC est telle que, lorsqu'un projet est terminé, par exemple, le 15
février de l'année, le chef de mission attend le 31 décembre pour rendre le
reliquat de crédits disponibles non consommés. Ce n'est donc que l'année
suivante que ce reliquat peut être remis à la disposition du FAC pour donner
lieu à de nouvelles affectations.
Ainsi se constitue une sorte de trésorerie dormante inutile dans les caisses
des missions de coopération.
Si l'amendement que nous proposons est adopté, dès qu'une opération sera
achevée, les crédits disponibles seront rendus aussitôt au ministère,
réintégrés dans le FAC et pourront être réutilisés immédiatement, c'est-à-dire
lors de la plus prochaine réunion du comité directeur.
Tels sont les deux amendements qui ont été adoptés cet après-midi à
l'unanimité par la commission des finances.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
M. le rapporteur spécial propose que la loi confie au
comité directeur du FAC l'examen des projets mis en oeuvre par l'AFD sur les
crédits inscrits au budget des affaires étrangères.
Je pense, comme lui, que le comité directeur du FAC a besoin d'une information
plus fine sur l'utilisation des crédits délégués à l'AFD pour la réalisation de
projets qui s'inscrivent dans l'action extérieure de la France au titre de
l'aide publique au développement.
Toutefois, le régime juridique du Fonds d'aide et de coopération relève du
seul domaine réglementaire, aux termes du décret du 1er juillet 1959 modifié.
C'est donc par la voie réglementaire qu'il devrait être, le cas échéant,
modifié.
Après consultation des spécialistes, il semble bien que l'amendement soit
irrecevable de ce point de vue.
Pour autant, monsieur le rapporteur spécial, je partage votre préoccupation.
Comme je vous l'ai déjà dit en d'autres lieux, j'ai l'intention de procéder à
la modification des statuts du FAC en tenant compte, comme c'est évidemment
nécessaire, des évolutions provoquées par la réforme de notre coopération,
notamment avec la disparition de toute référence à un champ géographique
particulier.
Dans la logique de votre amendement, monsieur le rapporteur spécial, j'ai
décidé de proposer que, pour l'ensemble des projets dont la réalisation incombe
à l'Agence française de développement et qui sont précisément financés sur les
crédits du Fonds d'aide et de coopération, il soit arrêté une procédure
appropriée permettant au comité directeur du FAC d'assurer un contrôle réel sur
l'utilisation des crédits délégués à l'AFD. Par ailleurs, il sera rendu compte
annuellement de l'exécution de ces projets.
Je rappelle que le comité d'orientation des programmations, le COP, créé par
MM. Bérégovoy et Pelletier, débat de la nature des programmes et de leur
orientation géographique et sectorielle. Là aussi, cela répond à une
préoccupation que vous développiez à l'instant. L'AFD en est membre, et les
orientations que nous y définissons conduisent nos actions respectives.
En clair, il faut qu'en effet la conception, que les orientations en matière
de politique de développement soient bien conduites, en tout cas dans le plein
exercice des responsabilités qui sont celles du ministère des affaires
étrangères.
Les orientations en question seront d'ailleurs largement prédéterminées par le
CICID et la ZSP. Il faut que chacun les respecte, mais le comité directeur du
FAC a droit à une information plus spécifique. C'est ce que vous souhaitiez, et
je pense que la réforme de la procédure que nous allons proposer devrait y
contribuer.
J'ajoute enfin que nous sommes présents à l'AFD. Un débat a même eu lieu sur
ce point lorsque nous avons réformé cette institution : l'ensemble affaires
étrangères et coopération y a trois sièges, le ministère des finances deux.
Peut-être aussi est-ce à nous de mieux utiliser cette présence que nous ne
l'avons fait jusqu'à maintenant pour peser sur le fonctionnement de l'agence
!
Telles sont les observations que je voulais faire à propos de votre amendement
n° II-98. Vous aurez compris, puisque je le juge irrecevable, que j'aimerais
que vous le retiriez, monsieur le rapporteur spécial !
L'amendement n° II-99 concerne un sujet que M. Charasse connaît bien pour
avoir constaté l'existence de crédits disponibles dans les missions de
coopération qu'il lui arrive de contrôler.
Mais il aura également observé, lors des comités directeurs auxquels il
assiste et participe activement - je lui en donne bien volontiers acte - que
les services de la coopération proposent quasi systématiquement, désormais, des
opérations de réintégration des autorisations de programme et des crédits de
paiement inutilisés. Ainsi, le comité directeur de juillet dernier a réintégré
40 millions de francs de crédits inutilisés ou devenus inutilisables - c'était
le cas au Rwanda - au titre de trente-huit projets interrompus ou achevés.
Bref, la pratique de la réintégration est d'ores et déjà la règle, mais
j'admets volontiers que nous pouvons aller plus loin et plus vite : comme le
souhaite M. Charasse, il devrait être possible d'opérer la réintégration dès
que l'achèvement du projet est constaté. Je peux en prendre l'engagement dès
aujourd'hui devant votre Haute Assemblée.
Je souhaite que cette réponse donne satisfaction à M. le rapporteur spécial et
l'incite également à retirer un amendement qui encourt lui aussi
l'irrecevabilité que j'évoquais tout à l'heure.
M. le président.
Les amendements sont-ils maintenus, monsieur le rapporteur spécial ?
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
En ce qui concerne l'amendement n° II-99, concernant
le rythme de consommation des crédits du FAC - et qui n'a pas la même
importance que l'amendement n° II-98 - si M. le ministre confirme l'engagement
qu'il vient de prendre et selon lequel les crédits disponibles sur tout projet
achevé seront immédiatement réintégrés, en application d'un règlement financier
du FAC très prochainement modifié, je pense que la commission des finances
m'autorisera à retirer cet amendement. Mais il est bien entendu, monsieur le
ministre, que je ne souhaite pas retrouver, lors de mes prochains contrôles,
des crédits dormant dans des missions de coopération et attendant le 31
décembre pour repartir à Paris !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Je le confirme, monsieur le rapporteur spécial.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Dans ces conditions, je retire l'amendement n°
II-99.
M. le président.
L'amendement n° II-99 est retiré.
Et qu'en est-il de l'amendement n° II-98, monsieur le rapporteur spécial ?
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
S'agissant de l'amendement n° II-98, je ne suis pas
d'accord avec M. le ministre, et la commission des finances ne le serait
certainement pas non plus.
Aujourd'hui, lorsqu'un projet relatif à la santé, par exemple, est établi par
le ministre chargé de la coopération, ce dernier doit le soumettre au comité
directeur du FAC, pour approbation. Or, demain, ce même projet ne passera plus
en comité directeur, il sera inclus sans qu'on connaisse le détail de son
utilisation dans des crédits globaux délégués par le FAC à période régulière,
en cours d'exercice, par paquets de 200 ou 300 millions de francs, à l'Agence
française de développement, laquelle mettra l'ensemble en oeuvre projet après
projet - un projet santé ici, un autre projet santé là, un projet éducatif à un
autre endroit, etc. - sans que le comité directeur n'en sache rien.
Selon M. le ministre, nous aurons des comptes rendus. Certes, monsieur le
ministre, mais
a posteriori
!
Quant à l'argument selon lequel cet amendement serait de nature réglementaire,
permettez-moi de vous répondre que la réglementation financière actuelle du
FAC, qui résulte d'un décret, est parfaitement contraire à l'ordonnance de
1959, mais que c'est comme cela, et que c'est l'exécutif - pas celui
d'aujourd'hui, mais un lointain prédécesseur - qui en est l'auteur. En effet,
il n'est pas d'exemple que les ministres aient besoin de l'autorisation d'un
comité Martin, Dupont ou Théodule pour engager leurs crédits. Or au FAC - au
FIDOM et au FIDES aussi, d'ailleurs - c'est le cas.
A partir du moment où c'est l'exécutif lui-même qui a décidé de mettre en
oeuvre cette procédure, où un comité directeur comportant des représentants de
diverses administrations et de diverses institutions - le Conseil économique et
social et le Parlement - a été mis en place pour assister le ministre dans sa
mission d'ordonnateur des dépenses, je crois que le Parlement lui-même peut,
dans le cadre des dispositions de l'article 42 de l'ordonnance de 1959
concernant le contrôle parlementaire, préciser les conditions dans lesquelles
il veut participer, lui, Parlement, représenté au comité directeur du FAC, au
contrôle qui incombe à ce comité.
C'est la raison pour laquelle je ne pense pas que l'amendement de la
commission soit irrecevable sous prétexte qu'il relèverait du domaine
réglementaire. Ou alors il faudrait, monsieur le ministre, aller jusqu'au bout
de votre raisonnement et reconnaître que la procédure du FAC est totalement
contraire à l'ordonnance de 1959, ce que je reconnais bien volontiers, mais
c'est ainsi depuis longtemps, nous n'en sommes pas les auteurs et elle me
paraît difficilement révocable.
Par ailleurs, une fois que le comité directeur du FAC aura délégué, sur
proposition du ministre, une part de ses crédits à l'Agence française de
développement, ce sera fait et, même si le comité reçoit un compte rendu après,
la belle affaire !
Pardonnez-moi, monsieur le président, d'insister à cette heure tardive, mais
je me souviens d'un débat au comité directeur du FAC sous la présidence de M.
Josselin, au printemps dernier. Pour la première fois, j'y ai vu le ministre de
l'économie et des finances opposer son veto - puisqu'il a un droit de veto :
c'est un des rares domaines dans lesquels le mot « veto », qui avait disparu
depuis Louis XVI, est écrit noir sur blanc dans un texte réglementaire - à
l'attribution de trois millions de francs pour aider à combattre le sida au
Cambodge, tout cela parce qu'une sorte de petit sous-chef de bureau de la
direction du Trésor avait été froissé par le fait que ce pays, sur une bricole
- peut-être un ou deux sacs de riz - n'avait pas rempli une conditionnalité à
laquelle ce petit sous-chef de bureau tenait particulièrementet d'une façon
quasiment maladive.
(Sourires.)
J'ai assisté à cette réunion, monsieur le ministre, que vous présidiez. Le
représentant du ministère des affaires étrangères se battait bec et ongles pour
obtenir ces trois millions de francs - une misère, monsieur le ministre ! -
pour l'action contre le sida au Cambodge, et la direction du Trésor, enfermée
dans la suffisance du petit sous-fifre dont je parlais tout à l'heure, était en
train d'expliquer que, tant que celui-ci n'aurait pas obtenu satisfaction, la
lutte contre le fléau du sida au Cambodge attendrait.
Eh bien, monsieur le ministre, nous ne sommes pas disposés ici à laisser
reculer le contrôle parlementaire et à nous retrouver demain à l'Agence
française de développement dans la même situation humiliante que le ministre
des affaires étrangères, ce jour-là, même si nous disposons de comptes rendus
a posteriori.
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
C'est la raison pour laquelle je suis navré de vous
dire que je ne souhaite pas retirer mon amendement.
En conséquence, les responsables, d'ailleurs souvent excellents, de l'Agence
française de développement doivent se mettre dans la tête que les crédits du
FAC sont inscrits au budget des affaires étrangères - aux dignités concernant
la coopération - et que la politique étrangère de la France se décide à
l'Elysée, à Matignon ou au ministère des affaires étrangères, ainsi que, pour
certaines parties purement techniques, dans d'autres ministères, dont le
ministère des finances n'est qu'un parmi d'autres. En tout état de cause, les
administrations financières ne sauraient en aucun cas se substituer à la
compétence du ministère des affaires étrangères et de son ministre délégué à la
coopération.
C'est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement, monsieur le
ministre. Et si vous entendiez soulever l'article 41 de la Constitution, il
appartiendrait alors au président du Sénat de statuer. L'examen et le vote de
cet amendement seraient donc renvoyés après que le président du Sénat aurait
donné son avis sur la recevabilité.
Mais on se trouverait, alors, dans une situation très amusante. En effet, si
le président du Sénat considère que l'article 41 est applicable, cela voudra
dire, indirectement, que la procédure réglementaire qui a été mise en place
pour la gestion des crédits du FAC est d'une nature vraiment contraire à
l'ordonnance de 1959.
Par conséquent, je pense qu'il est de votre intérêt, monsieur le ministre, et
de l'intérêt des institutions de la République, dans lesquelles les vaches
doivent être bien gardées par ceux qui en ont la charge (
sourires
),
d'accepter que ces projets mis au point par l'Agence française de développement
vous reviennent et qu'après que vous les aurez vous-même approuvés, pas
seulement au sein de l'agence mais aussi dans votre ministère ou dans les
services dont vous avez la charge, vous puissiez dire au comité directeur : «
Je vous propose de les ratifier afin qu'ils soient exécutés. »
Cela veut dire que, contrairement à ce que nous avons pu croire les uns et les
autres, cette promenade du pouvoir en matière de coopération et de politique
extérieure partant désormais du Quai d'Orsay jusqu'au sixième étage de Bercy
n'a pas fait l'objet d'un voyage retour au moment de la réforme du début de
l'année. Là, au fond, l'amendement de la commission remplace l'aller simple du
mois de février dernier par le billet aller et retour !
(Applaudissements.)
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Rassurez-vous, monsieur le président, je sais l'heure
qu'il est et je n'abuserai donc pas.
M. le président.
Je n'ai fait aucune observation à cet égard, monsieur le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Certes, mais je sais que nombre de ceux qui sont ici
présents ont dans la tête l'idée qu'il est temps d'aller...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Remplir son devoir conjugal !
(Rires.)
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Monsieur Charasse, l'exemple que vous avez donné du
droit de veto, c'est, si je puis dire, la situation inverse de celle à laquelle
votre amendement entend remédier. En effet il s'agit là non plus d'empêcher le
veto de Bercy, mais de permettre aux ministères des affaires étrangères et de
la coopération de rendre en quelque sorte un jugement sur un projet conduit par
l'agence avec des crédits qu'ils lui auraient délégués.
Je veux, d'abord, vous faire observer que la réforme a tout de même pour
ambition de donner plus d'efficacité à nos outils et d'éviter d'alourdir les
procédures. De ce point de vue, je crains que ce que vous préconisez ne
conduise à un ralentissement dans la conduite de certains projets. Ce n'est pas
ce que nous cherchons.
Désormais, des dossiers d'infrastructure d'éducation et de santé vont être
conduits par l'agence alors qu'il s'agit bien là de coopération-développement
au sens le plus classique.
Je veux vous dire l'importance que j'attache à l'implication de l'ambassadeur
sur le terrain. Il est exclu que nous ne soyons pas informés à l'avance des
projets que l'agence va présenter dans ses propres instances. Cela nous laisse
la possibilité de réagir à temps et de mettre en alerte nos représentants,
précisément, à l'agence.
Autrement dit, si les orientations géographiques et sectorielles sont fixées -
le COP est fait pour cela - si notre ambassadeur est, dès le début, impliqué -
son avis sera nécessairement requis sur ces projets - nous en serons
nécessairement prévenus et nous aurons donc la possibilité, je le répète, de
réagir soit directement auprès du directeur de l'agence avec lequel, Dieu merci
! - les relations sont excellentes - soit de permettre à nos représentants de
s'opposer à un projet qui, sur le terrain, n'apparaîtrait pas conforme aux
objectifs que nous nous fixons.
Bref, les précautions que nous prenons répondent assez largement à la
préoccupation que vous avez exprimée au travers de cet amendement.
Et, puisque aussi bien votre argumentation n'a pas modifié le jugement que je
portais sur l'irrecevabilité du texte, je persévère dans ma demande de retrait
de l'amendement.
Cela étant, j'ai fait la mise en garde que je devais faire, mais l'assemblée
est évidemment souveraine.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-98.
M. Lucien Neuwirth.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth.
Je voterai, bien entendu, avec enthousiasme cet amendement.
Mais puisqu'il s'agit d'une question de procédure, je profite d'une invitation
que nous a faite M. le ministre tout à l'heure pour évoquer une autre question
de procédure, car le Gouvernement se prépare, à cet égard, à commettre une
erreur historique.
Tout à l'heure, monsieur le ministre, disant tout le bien que vous pensiez de
la francophonie, vous avez fait allusion à la nécessité d'inscrire l'espace
francophone dans la Constitution.
Or, nous allons peut-être modifier la Constitution pour ratifier le traité
d'Amsterdam. Rentrant ainsi dans le processus de la véritable construction
européenne, pensez-vous que nous pourrons, ensuite, une fois que nous serons
dans cette Europe, modifier notre Constitution pour y inclure la notion
d'espace francophone ? Vous savez combien la francophonie agace un certain
nombre de nos amis européens.
Voilà pourquoi je pense qu'il convient, d'abord, de faire entrer l'espace
francophone dans l'espace constitutionnel, après quoi nous ratifierons le
traité d'Amsterdam. Mais nous aurons notre tranquillité, nous saurons que la
francophonie, qui ne nous appartient pas en propre, qui appartient à 250
millions d'habitants, mais que nous avons, en revanche, le devoir de défendre,
existera !
Puisque nous parlions de procédure, j'ai voulu, moi aussi, parler de
procédure. Je suis très attaché - on sait pourquoi - à tout ce qui touche à
notre Constitution. Je sais ce qu'elle représente, je sais aussi qu'une fois
que sous serons entrés dans un processus européen les choses seront totalement
différentes.
Pourrons-nous encore modifier notre loi constitutionnelle pour l'ouvrir, par
exemple, sur la francophonie ? Je n'en suis pas certain. Alors, pendant que
nous le pouvons, faisons-le !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Monsieur Neuwirth, j'ai déjà eu l'occasion de dire à M.
Legendre quelle était notre analyse sur ce point.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-98, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, avant l'article 75 A.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la coopération et la francophonie.
12
DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement (CE) du Conseil portant suspension temporaire
totale ou partielle des droits autonomes du tarif douanier commun pour certains
produits de la pêche (1999).
Cette propositon d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1177 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlemenent (CE) n°
730/98 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires
communautaires autonomes pour certains produits de la pêche.
Cette propositon d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1178 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la
décision du 19 décembre 1996 portant adoption d'un programme d'action pour la
douane dans la Communauté « Douane 2000 ».
Cette propositon d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1179 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil portant attribution d'une aide
macrofinancière à la Bosnie-Herzégovine.
Cette propositon d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1180 et
distribuée.
13
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. James Bordas un rapport fait au nom de la commission des
affaires culturelles sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale,
relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage
(n° 75, 1998/1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 94 et distribué.
14
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, fixée à
aujourd'hui, jeudi 3 décembre 1998, à onze heures quarante-cinq, quinze heures
et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 65 et 66, 1998-1999) (M. Philippe Marini, rapporteur
général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Emploi et solidarité :
I. - Emploi (et articles 80 et 81) :
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 18) ;
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(travail et emploi, avis n° 70, tome IV) ;
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales (formation professionnelle, avis n° 70, tome IV).
II. - Santé et solidarité (et articles 82, 83 et 84) :
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 19) ;
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(solidarité, avis n° 70, tome I) ;
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(santé, avis n° 70, tome II).
Aménagement du territoire et environnement :
II. - Environnement :
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial (rapport n° 66, annexe n° 5) ;
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
et du Plan (avis n° 68, tome XVII) ;
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (avis n° 67, tome III).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
budgétaires pour le projet de loi de finances pour 1999
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 1999 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie,
non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 1999
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour
1999, est fixé au vendredi 4 décembre 1998, à dix-sept heures.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif
au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée
de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux (n° 81, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 8 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la protection de
la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage (n° 75, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 8 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, portant modification de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945
relative aux spectacles (n° 512, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 8 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur l'aménagement du
territoire.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 9
décembre 1998, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Claude
Estier et des membres du groupe socialiste et apparentés portant modification
de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans
le corps des sapeurs-pompiers (n° 85, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 9 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M.
Christian Bonnet et des membres du groupe des Républicains et Indépendants
tendant à sanctionner de peines aggravées les infractions commises sur les
agents des compagnies de transport collectif de voyageurs en contact avec le
public (n° 86, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 9 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 3 décembre 1998, à deux heures quarante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
M. Louis Souvet a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n° 87
(1998-1999) sur la proposition de lignes directrices pour les politiques de
l'emploi des Etats membres pour 1999.
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL,
DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Pierre Fauchon a été nommé rapporteur du projet de loi constitutionnelle n°
92 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant les articles 88-2
et 88-4 de la Constitution dont la commission des lois est saisie au fond.
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
Lors de sa séance du 2 décembre 1998, le Sénat a désigné M. Jean-Marie Rausce
pour siéger au sein de la commission supérieure des postes et
télécommunications, en remplacement de M. Bernard Joly, démissionnaire.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Mise en oeuvre de l'instruction budgétaire
et comptable M 14
390.
- 2 décembre 1998. -
M. Nicolas About
attire l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur la récente publication au
Journal officiel
des derniers décrets
relatifs à l'instruction budgétaire et comptable M 14 des collectivités
locales. Cette publication, beaucoup trop tardive, va fortement pénaliser les
communes qui ont fait le choix, depuis plusieurs années, de voter leur budget
au mois de décembre. Elles seront pénalisées, car elles n'auront pas les moyens
matériels de s'adapter. Le simple travail d'adaptation des logiciels
informatiques réclamera en moyenne cinquante jours pour les sociétés
prestataires de services. Les nouvelles maquettes budgétaires ne seront donc
pas disponibles avant le mois de février 1999 ! Les communes qui auront voté
leur budget en décembre sur la base de la précédente nomenclature devront donc
transposer leur budget dans sa nouvelle version, annuler celui de décembre et
revoter le budget primitif pour 1999, et ce avant le 31 mars 1999. A titre de
curiosité, il serait intéressant de savoir comment les communes, et notamment
celles qui ont moins de 5 000 habitants, pourront, dans un laps de temps si
court, gérer la période de transition de trois mois que leur concède l'Etat.
Au-delà des difficultés matérielles qui vont inévitablement se poser, il
dénonce les changements perpétuels de nomenclature que l'Etat fait subir aux
collectivités locales depuis dix ans. Bien sûr, il est louable de vouloir
ajuster la M 14 aux réalités fonctionnelles des communes, plutôt que de s'en
tenir à la nomenclature fonctionnelle des administrations (NFA). Mais,
aujourd'hui, cette instabilité de textes est une véritable calamité pour les
petites communes qui ont bien d'autres charges à assumer. Conscient que ces
textes ont fait l'objet d'une concertation avec le comité des finances locales,
il lui rappelle tout de même que la gestation de la M 14 s'est faite en dix
ans. Ne pouvait-on prévoir une solution durable dès le départ ? Quand donc les
préoccupations réelles des acteurs locaux seront-elles prises en compte ? Il
lui demande surtout quand l'Etat respectera enfin le principe fondamental de la
libre administration des collectivités locales, inscrit dans notre
Constitution, et pourtant si souvent écorné.
Dégradations dues aux graffitis
391.
- 2 décembre 1998. -
M. Alain Gournac
appelle l'attention de
Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement
sur l'ampleur des dégradations des façades de nos bâtiments, tant publics que
privés, dues aux graffitis. Avec notre patrimoine architectural ancien ou
moderne, c'est l'image de notre pays tout entier qui est en permanence
atteinte. Aucune région n'échappe à ce fléau. Bien entendu, il faut ajouter à
ce patrimoine architectural le mobilier urbain (cabines téléphoniques, abribus,
panneaux de signalisation) et les moyens de transport en commun (métro, RER,
trains). Le nettoyage qui coûte très cher à la collectivité est une histoire
sans fin. Les élus locaux le savent et demeurent désemparés, partageant la
colère et l'indignation de leurs administrés. Si les inscriptions sur les murs
ne sont pas apparues avec la mise sur le marché des bombes aérosols, elles se
sont considérablement développées avec ce produit à la fois maniable et
dissimulable. Il appelle son attention non seulement sur ces marquages qui
dégradent l'environnement quotidien de nos villes, de nos lieux de promenade,
de nos moyens de transports, mais aussi sur cette dégradation en tant qu'elle
contribue au sentiment de malaise, voire d'insécurité de nos concitoyens. Il
lui fait remarquer que ce problème est fort préoccupant car ces dégradations,
qui sont sans cesse sous les yeux de nos concitoyens, finissent par apporter
aux violences urbaines de toutes sortes un décor qui semble insidieusement les
autoriser. Il lui demande s'il ne conviendrait pas de réglementer la vente de
ces produits, et ce à l'échelle européenne. Il lui demande également quelles
mesures d'accompagnement, notamment en matière d'éducation civique, pourraient
être envisagées pour mettre un terme à cette pratique encouragée par le laxisme
ambiant quand ce n'est pas par une démagogie prête à tout justifier.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 2 décembre 1998
SCRUTIN (n° 36)
sur l'article 47 du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée
nationale (budget de la Défense - Titre III).
Nombre de votants : | 318 |
Nombre de suffrages exprimés : | 300 |
Pour : | 298 |
Contre : | 2 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Abstentions :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
22.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
94.
Contre :
2. _ MM. Philippe de Gaulle et Christian de La Malène.
Abstention :
1. _ M. Michel Caldaguès.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Christian Poncelet, président du
Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Pour :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
46.
Abstention :
1. _ M. Jean Puech.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
6.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Gérard Delfau.
Ont voté pour
François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber
Ont voté contre
MM. Philippe de Gaulle et Christian de La Malène.
Abstentions
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Michel Caldaguès
Michel Duffour
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Gérard Le Cam
Pierre Lefebvre
Paul Loridant
Hélène Luc
Jean Puech
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès
N'a pas pris part au vote
M. Gérard Delfau.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 301 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 151 |
Pour l'adoption : | 299 |
Contre : | 2 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.