Séance du 3 décembre 1998







M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'emploi.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen du budget de l'emploi et de la formation professionnelle revêt, à un double titre, une importance particulière.
D'une part, les masses budgétaires en jeu, importantes, s'élèvent à près de 162 milliards de francs. De fait, ce budget est l'un des plus importants budgets de l'Etat.
D'autre part, la discussion sur l'affectation des crédits est l'occasion, pour chaque formation politique, de donner son sentiment sur l'opportunité et l'efficacité des politiques publiques d'aide à l'emploi décidées et conduites par le Gouvernement au regard du coût pour la collectivité de ces dernières.
Soutenue par le Gouvernement, la reprise économique constatée depuis l'an dernier, couplée à une politique novatrice de l'emploi, a permis d'inverser la tendance à la hausse du chômage.
Les derniers chiffres publiés témoignent d'une certaine embellie persistante sur le marché de l'emploi. Selon le Bureau international du travail, le taux de chômage, en baisse de 0,1 % point, s'établit à 11,6 % de la population active.
Si le chômage des jeunes baisse de 11,9 % sur un an, d'autres indicateurs sont néanmoins moins encourageants. Je pense non seulement aux chômeurs de longue durée, qui sont plus nombreux qu'il y a un an, mais aussi à la situation particulière des femmes et des chômeurs de catégorie 6 qui exercent une activité occasionnelle réduite.
Cela me conduit à relativiser quelque peu l'amélioration constatée sur le marché de l'emploi, amélioration qui a produit en surnombre des emplois précaires.
Comment rester indifférent à l'explosion et à la persistance de formes de travail atypique que sont les contrats intérimaires ou les contrats à durée déterminée ?
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Guy Fischer. Comment ne pas faire le lien entre la précarité au sein de l'entreprise, les ravages du temps partiel, la dégradation des conditions de travail et la grande pauvreté d'un certain nombre de nos concitoyens ou chômeurs qui vivent dans une angoisse profonde ? Seul le Mouvements des entreprises de France, le MEDEF, s'y refuse.
Depuis 1996, ce phénomène de précarisation de l'emploi est allé en s'accentuant, l'intérim et l'emploi en contrats à durée déterminée enregistrant respectivement une hausse de 51 % et 15 %.
Aujourd'hui, 90 % des embauches s'effectuent par le biais de ces contrats ! Evidemment, ceux-ci contribuent à la reprise de l'emploi salarié, mais devons-nous accepter, comme aux Etats-Unis, un haut niveau de précarité ?
Dangereuse pour la personne dont le statut est quasiment inexistant au sein de l'entreprise, facteur d'incertitude personnelle et de blocage de projet de vie, la précarité de l'emploi prive de surcroît de nombreux chômeurs, notamment les jeunes, d'un droit à l'indemnisation.
Conséquence des décisions prises par l'UNEDIC en 1993, durcissant les conditions de durée d'activité ouvrant les droits, seuls 42 % des chômeurs sont actuellement indemnisés.
Les parlementaires communistes se sont toujours farouchement opposés aux attaques en règle venant de la droite, destinées à introduire dans la législation du travail plus de souplesse et moins de garanties pour les salariés. Je vous renvoie aux débats de la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle.
Sans cesse nous avons dénoncé les dangers du travail à temps partiel subi, des CDD, le recours systématique et massif de certains secteurs tels que l'automobile et le bâtiment aux intérimaires.
Il est inacceptable, madame la ministre, que des entreprises intègrent la précarité comme un mode normal de gestion de l'emploi, surtout qu'en plus, bien souvent, elles se servent aussi des licenciements comme d'une variable d'ajustement.
Nous partageons les préoccupations du Gouvernement, qui entend dissuader les entreprises qui recourent massivement et anormalement, sans justification économique, au travail précaire.
Madame la ministre, j'espère que la solution retenue, à savoir l'augmentation de l'indemnité de précarité à la charge de l'employeur ou l'instauration d'une contribution pour les entreprises dépassant certains seuils d'emplois précaires par rapport à leur effectif global, permettra réellement d'inciter les employeurs à recourir à l'emploi stable et correctement rémunéré et qu'elle ne donnera pas aux entreprises qui abusent de l'intérim ou des CDD un quitus pour continuer.
De plus, il est primordial qu'un dispositif contribue à responsabiliser les chefs d'entreprise et que ces derniers soient éventuellement pénalisés en fonction de la dangerosité de leurs comportements en matière de risque de chômage.
Priorité doit être donnée au renforcement des moyens de contrôle de l'administration du travail. Ce projet de budget, en permettant la création de 100 postes pour les services de l'inspection du travail, va dans le sens désiré.
D'ailleurs, les réactions négatives du MEDEF face à votre intention de limiter le recours abusif aux contrats à durée déterminée et au travail intérimaire témoignent bien d'une stratégie inacceptable faisant de la souplesse du marché du travail son credo.
Il convient de dynamiser l'emploi et la formation et d'enrayer le chômage de masse.
L'augmentation très sensible - 3,9 % - que connaissent les crédits de votre ministère doit être saluée comme témoignant de la volonté du Gouvernement de continuer à faire de la lutte contre le chômage une de ses priorités.
Il faut toutefois noter que cette progression des crédits globaux est liée assez étroitement à un changement de périmètre budgétaire. En effet, les crédits précédemment inscrits au budget des charges communes pour compenser les exonérations de cotisations sociales des entreprises, à hauteur de 4,3 milliards de francs, sont budgétisés en 1999 dans les crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité.
Si des moyens nouveaux sont dégagés pour financer des mesures nouvelles prévues notamment dans la loi de lutte contre les exclusions telles que le programme TRACE, Trajet d'accès à l'emploi, et la création de nouveaux contrats emplois consolidés, des redéploiements internes ont conduit à diminuer de façon significative certaines lignes de crédits. C'est le cas, par exemple, des dépenses qui financent le retrait d'activité mais aussi de certaines dépenses actives d'aide à l'emploi comme les contrats emploi-solidarité et les contrats initiative-emploi.
Ultérieurement, j'aurai l'occasion de porter une appréciation sur le bien-fondé de tels arbitrages.
Les crédits figurant au titre III enregistrent une progression non négligeable, supérieure à 700 millions de francs, qui couvre les effets des protocoles salariaux de la fonction publique et les créations nettes d'emplois qui atteignent au total 218 agents. Il est en effet important de faire en sorte que le ministère lui-même dispose de moyens à la hauteur des missions qui lui incombent.
A priori, cet argument est loin d'être partagé par tous sur ces travées, et surtout pas par la commission des finances, qui propose d'amputer les crédits de fonctionnement consacrés à l'emploi.
C'est au regard du titre IV de ce projet de budget, dont les crédits ouverts s'élèvent à 152 milliards de francs, que l'on prend la mesure et la teneur des interventions publiques pour l'emploi.
Les mutations internes au titre traduisent assez nettement les orientations nouvelles du Gouvernement en matière d'emploi et de formation professionnelle. Vous donnez la priorité à des outils tels que la réduction du temps de travail, les emploi-jeunes. Vous faites le choix de financer l'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi. Vous dynamisez la formation en alternance.
Le présent projet de budget est en rupture par rapport aux pratiques des années précédentes, dont l'objectif était uniquement centré sur la baisse du coût du travail par le biais des exonérations de charges sociales, et nous l'apprécions donc positivement.
Contrairement à la commission des affaires sociales, nous validons la traduction budgétaire des politiques volontaristes menées par le Gouvernement, ne doutant pas de leur capacité à faire reculer le chômage.
Concernant tout d'abord la réduction du temps de travail, une provision de 3,5 milliards de francs est inscrite au projet de budget, provision à laquelle s'ajoutent des reports de la dotation prévue au titre de 1998 et les crédits destinés à l'élaboration de conventions.
N'en déplaise à certains, l'utilité de cette loi n'est plus à démontrer.
Adoptant une attitude différente de celle qui est prônée par le MEDEF, nombreuses sont les entreprises, les branches à avoir enclenché ou mené à terme les négociations.
Il est souhaitable qu'une large mobilisation au sein des entreprises concoure à la réussite des 35 heures, disposition plus créatrice en emplois que l'annualisation du temps de travail.
Concernant ensuite le « programme emplois-jeunes », je me félicite de l'inscription de 14 milliards de francs cette année.
Après un an d'application de cette loi, un consensus existe pour affirmer que le bilan est plutôt positif ; le cap des 150 000 emplois-jeunes devrait être franchi. Mais un effort reste à faire en direction des jeunes des quartiers en difficulté.
La droite a dû se résigner aux réalités locales, aux attentes et aux espoirs des jeunes qui semblent en partie satisfaits.
Qualitativement, le dispositif demeure perfectible. En effet, comme j'ai eu l'occasion de le noter lors des discussions sur le texte, des efforts importants en termes de qualification et de formation doivent être faits rapidement.
Il convient de privilégier la professionnalisation. De plus, il est nécessaire de clarifier les rapports entre ces emplois et la fonction publique. Enfin, nous devons tous nous investir pour pérenniser ces emplois afin d'éviter un éventuel effet boomerang !
Le deuxième axe fort de ce projet de budget est le financement prioritaire du volet emploi contenu dans la loi de lutte contre les exclusions, adoptée en juillet dernier.
Ainsi, le programme TRACE d'accompagnement personnalisé vers l'emploi en faveur des jeunes se voit doté de 90 millions de francs.
Le projet de loi de finances prévoit 60 000 contrats emplois consolidés, l'ouverture des contrats de qualification aux adultes, le doublement des postes d'insertion et l'extension des plans locaux pour l'insertion et l'emploi, les PLIE. Ce sont autant de dispositions qui emportent notre aval.
Je tiens à rappeler ici que la réussite de ces dispositifs comme les engagements de la France sur le plan européen, s'agissant du suivi des chômeurs âgés, nécessitent un renforcement des moyens de notre service public de l'emploi. La grève des agents de l'ANPE, en dehors du problème de la protection sociale, démontre bien que, avant tout, les agences souffrent d'un manque criant d'effectifs.
Le Gouvernement s'est engagé à créer 500 postes supplémentaires en 1999. Je doute que cela suffise à combler le déficit des effectifs statutaires au regard des engagements de l'Etat dans le contrat de progrès avec l'ANPE.
Enfin, au-delà des outils nouveaux mis en oeuvre, le Gouvernement s'est attaché à remodeler, recentrer les dispositifs de contrats aidés sur les personnes qui en ont le plus besoin. Ainsi, les crédits consacrés tant aux contrats emploi-solidarité qu'aux contrats initiative-emploi sont en baisse.
Prétextant un bilan coût-efficacité manifestement négatif tant sur la réduction du temps de travail et les emplois-jeunes que sur les mesures ciblées en faveur des publics prioritaires, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur le projet de budget de l'emploi. Nous ne pouvons partager cette conclusion.
Surtout, nous ne pouvons souscrire aux propos du rapporteur qui déplore l'absence dans ce projet de budget « de signes forts en faveur d'un renforcement des allégements de charges sociales sur les bas salaires ».
A notre avis, la part des exonérations de cotisations sociales liées aux mesures d'emploi est assez ample, et son efficacité parfois douteuse au regard de son coût exorbitant commande plutôt une décroissance.
Une réflexion est en cours sur la réforme de l'assiette des cotisations patronales ; je ne doute pas que le Gouvernement choisira la solution favorable à l'emploi, à la formation professionnelle et aux salaires.
Il est impératif de ne pas relâcher notre attention, de poursuivre l'effort d'encadrement de divers abus : temps partiel subi, licenciements déguisés, tant les diverses dispositions de la loi quinquennale ont conduit à déstructurer la situation juridique du salarié au sein de l'entreprise.
L'actualité reste plus que jamais marquée par le retour de lourdes restructurations industrielles et par l'annonce de plans de licenciements : Philips a annoncé la fermeture d'un tiers de ses usines ; Siemens se restructure, Rhône-Poulenc et Hoechst créent Aventis, Total absorbe Petrofina, Sanofi et Synthélabo ne formeront plus qu'une unité. Attention à l'onde de choc !
Madame la ministre, contrairement aux engagements de M. le Premier ministre et à nos attentes, vous avez annoncé récemment qu'il n'y aurait pas de loi sur les licenciements, le durcissement des dispositifs préventifs actuels concernant les plans sociaux ayant votre préférence. Je vous rappelle que le groupe communiste républicain et citoyen a déposé sur le bureau de cette assemblée une proposition de loi relative à la prévention des licenciements économiques, proposition que nous réactualisons à la lumière des récentes évolutions.
Jusqu'à maintenant, seule la jurisprudence s'est attachée à mettre en évidence une obligation de reclassement à la charge de l'employeur pour tout licenciement économique et sanctionne, par la nullité, le plan social et les licenciements qui en découlent, faute de respect de cette obligation.
Toutefois, le contrôle du juge intervient a posteriori. Pourquoi ne pas faire de cette obligation de reclassement une condition au licenciement quel qu'il soit et définir le contenu de cette obligation comme nous le proposons ?
Je ne nie pas l'importance des évolutions jurisprudentielles en ce domaine ; je constate seulement que certains plans sociaux très lourds ne sont pas contestés devant les tribunaux, les employeurs disposant de nombreux moyens pour éviter tout contentieux. Nous souhaitons donc une législation plus ferme, empêchant l'employeur d'avoir recours aux licenciements sans risque. Donnez la possibilité aux représentants du personnel, aux responsables syndicaux de contester efficacement, en s'appuyant sur la loi, des mesures qui vont à l'encontre des intérêts du pays !
A défaut de renforcer la législation sur les plans sociaux, vous entendez rendre plus difficile pour les entreprises le départ des salariés âgés de plus de cinquante ans en doublant la contribution Delalande acquittée par l'employeur en cas de licenciement et en étendant cette dernière aux conventions de conversion. Ainsi est assuré un certain rééquilibrage entre le coût d'un licenciement et d'une préretraite ; cette démarche est positive.
Enfin, nous prenons acte des justifications avancées à l'Assemblée nationale concernant la très forte baisse de crédits pour les préretraites : allocation spéciale du Fonds national de l'emploi ou préretraite progressive. Evidemment, madame la ministre, nous partageons votre volonté de privilégier les négociations sur la réduction du temps de travail. Il convient de faire supporter à l'entreprise le coût des licenciements qu'elle déguise. Nous espérons seulement que les salariés ne seront pas pénalisés.
Pour en terminer avec les préretraites, le MEDEF, ayant refusé l'aide financière proposée par l'Etat afin de rendre possible l'extension de l'ARPE, l'allocation de remplacement pour l'emploi, aux salariés entrés dans la vie active à quatorze ou à quinze ans, je m'inquiète des conditions de reconduction du dispositif.
J'en termine avec ce qui concerne la formation professionnelle, dont les crédits progressent de 5,3 % par rapport à 1998. La création d'un secrétariat d'Etat à la formation professionnelle témoigne de l'importance que revêt l'acquisition, la valorisation des savoirs et des qualifications, non seulement pour accéder à l'emploi, mais aussi pour se maintenir sur le marché du travail.
Les efforts de ce projet de budget sont centrés sur la formation professionnelle des publics rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi en raison de leur manque de qualification. Pour ce faire, le Gouvernement augmente de manière significative les contrats de formation en alternance et les contrats d'apprentissage.
A noter qu'afin de limiter la sélectivité croissante exercée par les employeurs, les aides à l'embauche sous contrat d'apprentissage seront désormais réservées aux jeunes les moins qualifiés.
Les changements au sein de l'entreprise, l'évolution des technologies nécessitent un accès permanent à la formation professionnelle. Enjeu au sein de l'entreprise, mais aussi enjeu personnel de l'homme en quête perpétuelle de développement de ses capacités, la formation tout au long de la vie nécessite des moyens nouveaux, une logique différente qui, je l'espère, sous-tendront la réforme voulue par le Gouvernement.
Au regard des intentions de la majorité sénatoriale, dont les amendements amputent très largement ce projet de budget, notamment les crédits destinés à financer les 35 heures et les emplois-jeunes, le groupe communiste républicain et citoyen ne pourra pas voter cette réécriture. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Gournac. Soutien très critique !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, excellent !
M. Alain Gournac. Très critique !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. M. Fischer, au moins, a fait une analyse sérieuse !
M. le président. La parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet. Madame la ministre, avec le vote de trois textes fondamentaux, vous aviez donné une orientation très nette à votre politique en faveur des jeunes, pour la réorganisation du travail et la lutte contre les exclusions.
Nous examinons aujourd'hui un projet de budget de l'emploi et de la formation professionnelle qui confirme cette orientation et vient lui donner les moyens de son application, de même qu'il réaffirme la priorité absolue qu'est l'emploi pour le Gouvernement.
A l'heure où nous débattons, nous pouvons constater que la situation de l'emploi s'est améliorée. Ainsi, avec 42 900 demandeurs d'emploi de moins qu'en septembre 1998, le taux de chômage confirme la tendance à la baisse constatée depuis un an. La baisse sur un an est de 5 % et atteint le niveau de chômage le plus bas depuis octobre 1995, régression incontestable quel que soit le mode de calcul. Les créations d'emploi dans le secteur privé augmentent de 2,2 %. Cette évolution concerne l'ensemble des catégories de demandeurs d'emploi, y compris les chômeurs de longue durée dont le nombre a diminué de 1 % sur un mois pour la première fois.
Ce constat nous permet d'affirmer, madame la ministre, que les dispositifs mis en place vont dans le bon sens, qu'ils répondent aux attentes et aux besoins de la population. C'est pourquoi j'ai constaté avec satisfaction que ce projet de budget s'appuyant sur une amélioration de la croissance et orientant la majorité de ses interventions en direction des publics prioritaires permettait le financement de ces dispositifs au niveau attendu.
Ainsi, la loi « nouveaux emplois - nouveaux services », adoptée après des débats un peu vifs, atteint pour cette première année l'objectif que vous vous étiez fixé : 150 000 emplois ont été agréés et sont en passe d'être effectivement occupés. Quant à la dotation de 13,92 milliards de francs, elle permettra de répondre aux prévisions de montée en charge du dispositif selon le cadencement que vous aviez défini.
Outre l'éducation nationale, avec les emplois d'aides éducateurs, mais aussi la police et La Poste, qui instaurent ainsi une nouvelle relation avec les usagers fondée sur l'accueil et la médiation, ces emplois sont portés par les collectivités et le monde associatif.
Cette démarche a permis de mettre en place de nouvelles approches, de mettre en synergie des réflexions sur les moyens d'actions en direction des publics ciblés pour élaborer des profils de postes correspondant aux besoins non satisfaits jusqu'alors.
Au sein même des collectivités, la confrontation transversale des services a permis d'enrichir les fonctionnements et d'améliorer l'intervention auprès du public. Comme bon nombre de conseils régionaux et généraux, le conseil général du Pas-de-Calais, que je préside, s'est engagé résolument et fortement dans ce programme, les objectifs fixés étant progressivement atteints.
Aujourd'hui, les effets positifs apparaissent clairement en termes d'amélioration des services, mais aussi et surtout de réelle satisfaction des jeunes recrutés.
Pour avoir rencontré quelques-uns de ces accompagnateurs de démarches administratives, de ces animateurs de randonnées, de ces médiateurs de la petite enfance, employés soit par le département dans ses propres services, soit dans les communes ou les associations, je puis vous assurer, madame la ministre, que, loin de considérer leur emploi comme de peu d'intérêt, ces jeunes se sont totalement impliqués dans ce qu'ils considèrent être un véritable métier.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Absolument !
M. Roland Huguet. Ils ont conscience d'apporter une véritable réponse aux personnes qui s'adressent à eux. Ils s'attachent à se former le plus possible pour répondre au plus près aux attentes.
Je me tourne maintenant vers mon collègue M. Gournac, dont j'admire la fougue lorsqu'il intervient.
M. Alain Gournac. Merci !
M. Roland Huguet. S'il mettait cette fougue au service des mêmes opinions que moi, cela me faciliterait d'ailleurs les choses ! (Rires.)
M. Jean Chérioux. Il ne faut pas trop lui en demander !
M. Roland Huguet. Ce matin, M. Gournac nous a donné un exemple d'emplois-jeunes.
Pour ma part, je suis allé voir des jeunes occupant ces emplois sur le terrain avec des représentants de la presse, à qui j'avais, bien entendu, laissé toute liberté de poser les questions qu'ils voulaient.
Un représentant de la presse, s'adressant à une jeune femme à qui l'on n'avait pas non plus dit, bien sûr, ce qu'il fallait répondre, lui a demandé : « Vous qui venez de nous dire que vous aviez une maîtrise et qu'on vous payait au SMIC, ne vous sentez-vous pas dévaluée ? » Elle lui a répondu : « Monsieur, c'est avant que j'étais dévaluée ; maintenant, je ne le suis plus, car j'ai un emploi, et je vais m'efforcer, à partir de là, de rebondir. »
On pourra vérifier la véracité de mes dires dans la presse puisque le journaliste en question s'est objectivement fait l'écho de cette interview.
M. le président. Vous pourriez inviter M. Gournac, monsieur Huguet. (Sourires.)
M. Roland Huguet. C'est très volontiers que je l'invite à venir voir tous les jeunes qui bénéficient d'un emploi-jeune dans mon département. Il choisira lui-même les endroits où il veut aller. Je peux même l'inviter à déjeuner s'il le souhaite ! (Sourires.)
Un sénateur socialiste. C'est trop !
M. Alain Gournac. Quelle générosité !
M. Roland Huguet. J'en reviens à mon propos.
Ces emplois-jeunes donnent un nouveau sens à la vie associative, développent son action. De même, ils complètent parfaitement les services à la personne dispensés par les collectivités. Par cet impact tant sur la vie sociale quotidienne que sur le développement local, ils anticipent et préfigurent des métiers solvables du futur proche, contribuant ainsi activement à la démarche de pérennisation.
L'un des intérêts majeurs de ce programme, c'est son ouverture à tous les niveaux de qualification. C'est ce qui a redonné espoir et possibilité d'accéder à l'emploi à des jeunes ayant de réelles capacités mais butant pour diverses raisons sur l'entrée dans le marché du travail. Je pense, par exemple, aux emplois véritablement innovants occupés par des jeunes sans diplôme mais porteurs d'une passion, d'un savoir-faire, dans des domaines comme l'environnement. Ces activités, d'un intérêt indéniable pour chacun, mais non solvables économiquement, ont pu être mises en place grâce à cette loi, et tout le monde s'en félicite.
Pourtant, madame la ministre, ce qui constitue un atout nous oblige à être particulièrement attentifs au devenir de ces emplois. C'est pourquoi je tiens à attirer votre attention sur la nécessité de relancer, dans le cadre des plates-formes régionales de professionnalisation, la validation des acquis pour les jeunes ayant les plus bas niveaux de qualification. Ces derniers ont souvent connu l'échec scolaire et trouvent dans leur emploi les ressources personnelles nécessaires à un nouvel effort de formation. Cet effort doit aboutir impérativement à la qualification.
Je pense qu'il conviendra, à cet effet, de réactiver la démarche de certification de compétences professionnelles mise en sommeil depuis plusieurs années.
Il en est de même pour la professionnalisation des métiers émergents, pour lesquels il faudra bien définir les contenus et élaborer un programme de formation.
Ce travail très important doit être engagé. Il donnera sa crédibilité au programme et les moyens de pérennisation aux emplois. Mais je sais, madame la ministre, que vous partagez ma pensée dans ce domaine ; votre budget en est la preuve.
La deuxième grande loi à laquelle je faisais référence au début de mon propos concerne l'aménagement et la réduction du temps de travail.
Les médias se sont focalisés sur quelques accords d'orientation de grandes branches professionnelles aux contenus très différents, sans réellement rendre compte de l'important mouvement de négociations lancé dans les entreprises.
Certains disent que le nombre de conventions signées cinq mois après la publication de la loi est faible. Ce ne peut être que pour mettre en doute et son efficacité et son utilité ! Car, chacun le sait, un bon accord suppose une phase d'analyse initiale.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Absolument !
M. Roland Huguet. La concertation et l'analyse prennent du temps. Le Gouvernement l'a bien compris. C'est pourquoi il aide financièrement cette phase préparatoire consacrée à la négociation. Pour cela, il faut, en effet, mettre en place une ingénierie forte.
C'est ce que nous avons fait dans la région Nord - Pas-de-Calais, où une action volontariste de soutien à la réflexion visant à la réduction du temps de travail a été lancée depuis plusieurs années. Les assises pour l'emploi ont permis de mettre en évidence et d'accompagner les premières mesures d'application de l'aménagement du temps de travail, tout en apportant aux entreprises et aux salariés l'amélioration attendue de ces modifications. La région vient de contractualiser avec les organisations syndicales une aide à la formation de leurs responsables afin de les former à l'information sur la loi, de les aider, au sein des entreprises, à inciter à l'aménagement et à la réduction du temps de travail ainsi qu'à élaborer les conventions.
Je considère, quant à moi, que le bilan actuel des 640 accords signés dans les six premiers mois d'application, et qui ont pu mener à la création de 8 % d'emplois supplémentaires dans les entreprises concernées, alors que la loi n'en impose que six, est très encourageant et montre que la dynamique est lancée.
L'année 1999 devra être mise à profit pour observer son accélération dans la perspective de la préparation de la deuxième loi.
Mais certaines activités nécessitent plus que d'autres la mise en place d'un accord collectif de branche en raison des contraintes particulières liées au temps partiel. Je veux parler, par exemple, du transport public de voyageurs et du problème particulier des coupures durant le temps de travail.
La situation dans ce domaine est complexe, car, faute de l'intervention de l'accord avant fin décembre, les entreprises pourraient se voir contraintes soit de suspendre les ramassages scolaires, soit d'en augmenter le prix dans des proportions de l'ordre de 20 % à 30 %. La Fédération nationale du transport de voyageurs, la FNTV, a sensibilisé bon nombre de collègues conseillers généraux à ce sujet.
On peut, bien sûr, considérer que les accords collectifs de branche conclus antérieurement à la loi du 13 juin 1998 demeurent applicables, dès lors qu'ils respectent les nouvelles dispositions. C'est le cas pour le transport de voyageurs, avec l'accord de branche de 1992.
Cependant, force est de constater que l'on ne négocie plus de contrats d'intermittents. Le temps partiel est devenu un objet de flexibilité dans les entreprises, parfois avec un nombre d'heures supplémentaires qui fait que, tous comptes faits, l'activité du salarié approche un temps complet.
Cela pose un problème grave et m'amène à penser qu'il faut sortir rapidement de cette situation qui fait peser actuellement des menaces sur l'exercice du service public. Les partenaires doivent, sans tarder, engager une véritable négociation. Dans cette profession, le temps partiel est une nécessité. Cependant, les conditions d'exercice fractionné du temps de travail justifient la mise en place de contreparties spécifiques, dans l'esprit de l'article 10 de la loi.
Devant la multiplication des conflits, les organisations syndicales ont formulé des propositions à la FNTV. La discussion n'est, cependant, toujours pas ouverte. Il est urgent que les parties se rencontrent afin d'élaborer un accord de branche étendu, correspondant aux véritables enjeux de la profession. J'aimerais, madame la ministre, que vous apportiez une très grande attention à ce problème.
Je vais aborder maintenant le troisième axe directeur de votre budget, à savoir le renforcement de la solidarité envers les plus éloignés de l'insertion professionnelle.
Le programme TRACE vise à amener les jeunes des quartiers en difficulté et des zones rurales isolées à la qualification et à l'emploi grâce à un parcours d'une durée adaptée à leur situation de l'ordre de dix-huit mois. Sont engagées dans la mise en place de ce programme les missions locales et l'ANPE. L'impact de cette mesure sera important. Les acteurs locaux n'en doutent pas, et déjà ils se mobilisent pour l'appliquer. Des demandes d'ouverture de places supplémentaires remontent des bassins d'emploi les plus exposés, alors que le dispositif ne fait que démarrer.
Parallèlement, vous recentrez les dispositifs existants sur les publics prioritaires. Ainsi, les 425 000 contrats emploi solidarité devraient profiter, pour 80 % d'entre eux, à ces publics comportant un taux maximal d'aide à 95 %. En outre, 60 000 contrats emplois consolidés seront mis en place, soit un doublement par rapport à 1998, 70 % étant réservés aux publics les plus en difficulté, et la prise en charge publique s'élevant à 80 % sur cinq ans. Il en est de même pour les contrats initiative-emploi.
Je relève également qu'un effort important portera sur l'insertion par l'économique, dont les crédits passent à 363 millions de francs en 1999.
Ces différentes enveloppes permettront de répondre pleinement aux objectifs fixés par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.
Point extrêmement positif aussi que le rétablissement du dispositif d'aide à la création d'entreprise sous la forme d'avance remboursable par les jeunes, les allocataires du RMI et les titulaires de l'allocation de solidarité spécifique ou bien encore de l'allocation de parent isolé.
Dans ce domaine, il importera de faire intervenir rapidement les textes d'application, et ce notamment pour le dispositif EDEN, inscrit dans la loi emplois-jeunes, dispsitif qui renforce la prise de responsabilité des jeunes dans notre économie et les incite, lorsqu'ils le peuvent, à créer des entreprises.
Comme vous le savez, madame la ministre, notre pays connaît actuellement un recul sensible de la démarche de création. Ce programme devrait constituer un réel moyen de relance.
Enfin, dans ce contexte de croissance amorcée, où près de 300 000 emplois ont été créés en un an dans le secteur privé, le chômage de longue durée reste dramatiquement stable. Souhaitons que le léger recul constaté sur un mois, comme je le disais en début de mon propos, se confirme ; je pense, madame la ministre, que les priorités que vous avez arrêtées y contribueront.
J'en viens maintenant au dernier point que je voulais relever tout particulièrement, à savoir l'augmentation des moyens des services pour la deuxième année consécutive.
Vous décidez de la création ou de la régularisation de trois cent quinze emplois. La hausse programmée de 10,8 % des crédits de fonctionnement de l'ANPE permettra le recrutement de cinq cents agents affectés au suivi des publics les plus en difficulté, conformément aux engagements de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions et du plan national d'action présenté à Luxembourg en novembre 1997. Cet effort sera d'ailleurs accru dans les prochaines années, comme vous venez de le confirmer il y a quelques jours.
Vous poursuivez également les politiques d'allégement de cotisations sociales consenties aux employeurs, ce qui représente, au total, 80 milliards de francs. Cet effort portera sur près de 40 % des emplois salariés, ce chiffre relativisant, à mon sens, la demande, sans cesse réitérée, du patronat de réduction massive des charges sociales.
Je note aussi avec satisfaction, madame la ministre, que le Gouvernement a accepté de maintenir l'exonération de cotisations d'allocations familiales au bénéfice des entreprises situées en zone de revitalisation rurale ainsi qu'aux entreprises publiques concernées. Dans quelques instants, vous allez nous proposer, par voie d'amendement, d'étendre cette mesure aux entreprises nouvelles exonérées d'impôt sur les bénéfices ainsi qu'aux salariés, occasionnels ou non, des exploitants agricoles. Ce sera, madame la ministre, une excellente mesure.
Une action visant un impact structurel et les chiffres du chômage en diminution sur le long terme confirment l'opportunité de vos choix. L'INSEE indique qu'entre juin 1997 et septembre 1998 le nombre des demandeurs d'emploi, selon la définition du Bureau international du travail, a diminué de 221 000, retrouvant ainsi le niveau du début de l'année 1996.
Madame la ministre, la politique que vous développez a également une visée préventive.
En effet, devant le constat que les plus de cinquante ans bénéficient le moins de la baisse du chômage, vous décidez de peser sur les entreprises licenciant des salariés de plus de cinquante ans. Nous savons tous la difficulté qu'il y a à se réinsérer professionnellement à cet âge. Pour ce faire, vous proposez de doubler la cotisation dite Delalande que doivent verser aux ASSEDIC les entreprises procédant au licenciement de salariés de plus de cinquante ans, selon des modalités progressives afin d'éviter tout effet pervers. Ainsi, l'équilibre entre le coût d'un licenciement et celui d'une préretraite pour une entreprise sera rétabli. Cela devrait éviter le drame du chômage à nombre de salariés.
Cependant, la montée de l'intérim et du temps partiel reste une caractéristique importante de la reprise. Le nombre des intérimaires a augmenté de 83 000 entre mars 1997 et mars 1998. Ce sont les entreprises de plus de 200 salariés qui sont les plus créatrices de ce type d'emplois : plus 4,2 % contre plus 1 % pour les autres. Or ces entreprises sont les plus à même d'offrir des contrats à durée indéterminée.
Devant cette évolution préoccupante, vous venez de décider de réagir préventivement en envisageant des mesures de nature à remener le recours à l'intérim à un plus juste niveau.
Madame la ministre, nous retrouvons les mêmes orientations pour la formation professionnelle. A structure constante, ce budget augmente de 5,3 % et atteint 26,42 milliards de francs en marquant une poursuite de l'effort en faveur de l'alternance et en privilégiant les niveaux inférieurs au niveau V. Il concentre les dispositifs en faveur des publics prioritaires avec le programme TRACE, que j'ai déjà évoqué, concernant les jeunes en difficulté. Cette mesure mobilisera l'ensemble des acteurs : les missions locales, les ANPE et les conseils régionaux.
L'extension à titre expérimental du contrat de qualification aux adultes demandeurs d'emploi de plus de six mois en difficulté d'insertion sociale et professionnelle a pour objectif l'insertion durable sur le marché du travail. Ce dispositif reçoit d'ailleurs déjà un accueil très favorable.
Vous poursuivez le recentrage de la formation professionnelle des adultes - stages d'insertion et de formation à l'emploi et stages d'accès à l'emploi - en direction des publics en difficulté que sont les chômeurs de longue durée, les allocataires du RMI, les femmes isolées, eu égard aux bons résultats de l'expérimentation sur les SIFE collectifs - stages d'insertion et de formation à l'emploi - pour lesquels on constate que 40 % des stagiaires sont insérés six mois après leur sortie de stage.
Vous donnez aux missions locales, permanences d'accueil, d'information et d'orientation, les PAIO, et ateliers pédagogiques personnalisés - les moyens d'assumer le suivi du programme TRACE et de répondre aux sollications qui se multiplient en matière d'orientation, en renforçant leur dotation.
Vous augmentez de façon substantielle les moyens de fonctionnement de l'AFPA, de près de 124 millions de francs, pour répondre aux nouveaux objectifs assignés par le contrat de progrès, soit plus de 3 %. Cela devrait lui permettre de réorienter son activité, d'avoir une gestion plus transparente, surtout plus exigeante, et d'assurer une meilleure articulation avec l'ANPE.
Enfin, on constate une baisse du nombre de propositions de contrat d'apprentissage des jeunes de niveau V ou inférieur de plus de 4 % au cours des cinq dernières années de 78 % à 74 %.
Vous avez la volonté, madame la ministre, d'enrayer cette situation préoccupante et, pour ce faire, vous proposez de limiter le bénéfice de la prime à l'embauche aux jeunes apprentis de niveau VI, V bis et V ainsi qu'aux jeunes de niveau classe terminale.
Je partage votre préoccupation, mais je m'interroge sur les conséquences de cette réorientation sur le secteur des métiers.
M. Alain Gournac. Moi aussi, c'est vrai !
M. Roland Huguet. Celui-ci recrute, il est vrai, majoritairement des niveaux CAP et BEP. Pourtant, la poussée de l'innovation et le développement technologique font que, de plus en plus, ce secteur fait appel également à des niveaux IV et même au-delà. Cela est d'ailleurs très souhaitable dans des domaines comme la domotique et l'électronique et ne peut que faire évoluer positivement l'image de l'apprentissage.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Roland Huguet. C'est pourquoi je crains que cette mesure ne vienne enrayer cette évolution vers le haut des niveaux dans l'artisanat. Ne pourrait-on envisager une application plus sélective plutôt qu'une mesure de portée générale ? Mais il va sans dire que je partage pleinement votre souci de relancer immédiatement l'embauche d'apprentis de faible niveau et de stopper le mouvement actuel de fort ralentissement de cette embauche.
Avec ce budget, madame la ministre, vous ancrez votre politique, vous définissez des priorités fortes pour le développement de l'emploi et la lutte contre le chômage - priorités inscrites dans la durée - et des mesures d'ensemble qui vont à l'opposé de celles que nous avons trop longtemps connues antérieurement.
En 1999, votre action sera guidée par deux nouveaux chantiers importants.
Le premier consistera à élaborer le Livre blanc de la formation professionnelle, préalable à la réforme de la loi de 1971, et aura pour objet de corriger les inégalités d'accès à la formation tout au long de la carrière et de permettre l'adaptation aux évolutions d'une économie marquée par le progrès technologique et le développement des nouveaux modes de communication. Dans notre pays, 40 % de la population active actuelle a un niveau de formation initiale inférieure au CAP. C'est pourquoi la formation sera, dans les prochaines années, un levier essentiel de l'adaptation appelée à se développer de façon importante.
Le second chantier sera l'élaboration de la deuxième loi sur la réduction du temps de travail à la lumière des résultats de la démarche de négociation en entreprises et dans les branches professionnelles.
Ces deux réformes marqueront sans aucun doute l'évolution du monde du travail, son organisation mais aussi les relations dans notre société. Elles constitueront les enjeux majeurs pour le futur.
Dans ces conditions, vous comprendrez aisément, madame la ministre, que le groupe socialiste de la Haute Assemblée approuve sans réserve votre projet de budget et souhaite votre réussite dans la lutte absolument prioritaire que vous avez engagée contre le chômage, premier problème à résoudre dans notre pays et qui devrait tous ici nous rassembler. Je déplore, après ce que j'ai parfois entendu, notamment ce matin, que tel ne soit pas le cas. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
(M. Paul Girod remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la progression des crédits du budget de l'emploi pour 1999 est de 4 %. Pour moi, ce n'est pas un motif de satisfaction. Non pas que j'aurais voulu plus ou moins, mais parce que ce projet de budget traduit, à mon sens, une mauvaise politique de l'emploi.
M. René-Pierre Signé. Ça y est !
M. André Jourdain. Certes, les solutions miracles n'existent pas, mais, pour autant, je ne crois pas que la création des emplois-jeunes, qui représente une dépense de 35 milliards de francs par an, soit une réponse pertinente au chômage des jeunes. Du reste, le bilan de ces prétendus « nouveaux emplois » est assez mitigé : 128 000 au total, dont 35 000 sont affectés à l'éducation nationale, c'est nettement moins que ce que vous annonciez.
M. René-Pierre Signé. C'est nettement plus que ce que vous avez fait !
M. André Jourdain. Encore une fois, je regrette vivement que ces contrats ne puissent pas être étendus aux entreprises, sous certaines conditions, cela va de soi. Je pense notamment aux start up, ces petites entreprises en phase de démarrage dont le créateur doit assumer seul toutes les fonctions. En effet, dans la majorité des cas, il ne dispose pas de fonds suffisants pour pouvoir embaucher et former du personnel. Il lui est même parfois impossible de se verser un salaire et, à plus forte raison, d'en servir un deuxième ! En outre, depuis la suppression de l'ACCRE, aucun dispositif efficace n'a été mis en place pour aider ces entreprises.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est vous qui l'avez supprimée !
M. André Jourdain. Par ailleurs, l'extension des emplois-jeunes à ce type d'entreprises permettrait aux jeunes d'acquérir une véritable expérience professionnelle dans le secteur privé et, par conséquent, de s'insérer durablement dans la vie active.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. André Jourdain. En effet, nous ignorons actuellement quel sera leur avenir au terme des cinq années passées dans ces emplois. Je suis pour ma part assez pessimiste quant à leur future place dans notre société.
M. Alain Gournac. Moi aussi !
M. André Jourdain. En effet, sans formation ni expérience reconnues par le marché du travail, que deviendront-ils ? J'aimerais connaître, madame le ministre, votre analyse sur cette question.
Je voudrais également aborder la loi des trente-cinq heures, en particulier ce qu'il est convenu d'appeler son second volet. En effet, un certain nombre de questions, et non des moindres, demeurent en suspens.
Ainsi, nous ne savons toujours pas si un second SMIC sera mis en place. Nous ignorons également comment seront appréhendées les heures supplémentaires, comment sera appliquée la loi pour les cadres...
C'est donc dans un contexte totalement flou et incertain que doivent se faire les négociations en entreprise. On comprend alors pourquoi, dans certains accords, comme ceux de la métallurgie ou du textile, aucun engagement n'est pris en matière de créations d'emplois. Du reste, les négociations portent surtout sur l'annualisation du temps de travail et le contingentement d'heures supplémentaires car les entreprises sont bien obligées de trouver une compensation aux trente-cinq heures.
D'une manière générale, le cadre extrêmement strict de cette loi confisque le dialogue social en le vidant de son contenu. La loi a enfermé la négocation dans un carcan étroit, négociation qui est en outre soumise à votre censure, madame le ministre, qui jugez des bons et mauvais accords.
Les entreprises ont le sentiment d'être bafouées, tandis que les salariés ne savent pas très bien à quoi s'en tenir. La question de la compensation salariale, là encore, est laissée en suspens.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. André Jourdain. Enfin, s'agissant des emplois que cette loi prétend sauvegarder, voire créer, je crois qu'elle n'aura pas les conséquences que vous attendez. L'augmentation des coûts salariaux est en effet inévitable, que la réduction du temps de travail soit compensée ou non.
Vous négligez les solutions simples et qui ont fait leur preuve, comme l'allégement des charges sociales, pour privilégier une voie unique et, de ce fait, inadaptée à des situations très diverses.
Pourquoi ne pas avoir permis de favoriser l'aménagement du temps de travail négocié, entreprise par entreprise ? Cette voie était certainement plus réaliste, plus adaptée à la réalité des entreprises. Elle permettait en outre d'éviter des recours trop nombreux aux heures supplémentaires, même si celles-ci demeurent indispensables en cas de supplément d'activité. J'aimerais, là encore, connaître votre opinion sur la question de l'annualisation du temps de travail.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. André Jourdain. S'agissant de la formation professionnelle, nous sommes nombreux, sur ces travées, à déplorer les dispositions de l'article 80 qui suppriment la prime d'embauche pour les formations au-delà du CAP et du BEP. Cette mesure va limiter considérablement le développement de la formation en alternance alors que tout devrait être fait pour la favoriser.
Par ailleurs, vous créez un nouveau prélèvement sur les fonds de l'alternance. Lors de la discussion du dernier projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, j'avais déjà déploré que les prélèvements exceptionnels deviennent un moyen de régulation budgétaire. J'attends donc avec impatience la réforme du financement de la formation professionnelle, annoncée depuis un certain temps déjà... Mais si c'est comme l'article 80 en montre la voie, pour limiter la formation en alternance, il vaut mieux attendre.
M. Alain Gournac. Ah !
M. André Jourdain. Je souhaite aborder maintenant un sujet qui me tient particulièrement à coeur, celui du multi-salariat ou travail à temps partagé.
Voilà quelques mois, j'ai déposé une proposition de loi afin de définir un statut juridique pour les multisalariés. Ce statut concerne de plus en plus de salariés et d'entreprises.
Pour les salariés, un tel statut leur permettrait d'organiser, de choisir leur temps d'activité au service de plusieurs employeurs, à la différence du temps partiel qui est effectivement généralement subi. Ce serait un autre mode de vie au travail, fondé sur l'autonomie et l'acquisition de compétences simultanées.
Pour les entreprises, le temps partagé ouvre la possibilité d'accéder à des compétences qui lui sont indispensables, mais qui ne requièrent pas un travail à temps plein. Elles peuvent par ce biais engager des collaborateurs de haut niveau à la hauteur de leurs besoins.
Mon objectif, c'est de permettre d'accroître la compétitivité de nos entreprises, surtout des petites, par cette nouvelle forme de travail. J'aimerais connaître également votre avis et vos projets éventuels en la matière, madame le ministre.
En conclusion, monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur la politique de l'emploi fondée sur une stratégie défensive, qui consiste uniquement à vouloir redistribuer l'emploi ou à le financer par des fonds publics. Je ne peux qu'être hostile à une politique marquée par un esprit d'assistance et non pas par un esprit d'offensive et de dynamisme,...
M. René-Pierre Signé. Et vous, qu'avez-vous fait ? C'est scandaleux.
M. André Jourdain. ... ce qui hypothèque largement l'avenir.
Partageant totalement l'analyse de nos excellents rapporteurs, Mme Annick Bocandé, M. Louis Souvet et M. Joseph Ostermann, je voterai contre le projet de budget que vous nous présentez et pour les amendements qui seront proposés par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur avec Mme Nicole Péry de présenter à votre assemblée les crédits de l'emploi et de la formation professionnelle pour 1999.
Ce projet de budget traduit la priorité essentielle du Gouvernement : lutter contre le chômage et contre les exclusions, en s'appuyant effectivement, comme M. Roland Huguet en particulier l'a souligné, sur les grands textes votés par le Parlement depuis un an et portant sur les emplois-jeunes, la réduction du temps de travail, la prévention et la lutte contre les exclusions.
Ce projet de budget s'appuie aussi sur une dynamique de mobilisation, des élus notamment. A cet égard, je me réjouis que, sur le terrain, les pratiques des élus diffèrent des discours tenus ici, notamment sur les emplois-jeunes. Le Gouvernement s'appuie aussi sur les acteurs de terrain, sur les partenaires sociaux et, bien entendu, sur le service public de l'emploi, qui sera très largement conforté par ce budget.
Je voudrais tout d'abord, mesdames, messieurs les sénateurs, en première réponse aux analyses de votre rapporteur spécial, réaffirmer que, pas plus que lui, je ne considère la croissance quantitative d'un budget comme une fin en soi, ni comme un critère d'excellence des choix budgétaires. Nous sommes bien d'accord pour dire que faire un budget, c'est passer au crible les contraintes qui semblent inévitables et, effectivement, définir des priorités.
Nous avons fait des choix, défini des priorités et dégagé des marges de manoeuvre grâce au redéploiement d'un certain nombre de crédits. Ainsi, sur 17 milliards de francs de mesures nouvelles, 13 milliards de francs résultent de redéploiements ; je remercie M. Ostermann de l'avoir souligné.
La croissance substantielle du projet de budget qui vous est présenté est finalement supérieure à la croissance du budget global, puisqu'elle atteint 4 %.
Je m'en réjouis car, comme M. Fischer l'a dit, ce secteur représente la priorité du Gouvernement. Je précise, bien évidemment, que nous avons essayé de bien utiliser les crédits qui nous sont confiés par les Français.
Si la politique menée par le Gouvernement et les priorités qu'il affiche sont les plus mauvaises - à en croire du moins les critiques que j'ai longuement entendues ce matin - elles apportent en tout cas des résultats : 300 000 emplois créés en un an, 182 000 chômeurs de moins, diminution de 15 % du chômage chez les jeunes et, très récemment - M. Huguet l'a dit - décrue du chômage de longue durée et réduction de l'ordre de 26 % des licenciements économiques.
C'est peut-être l'inverse de ce qu'il fallait faire, mais je ne doute pas que les Français apprécieront ces résultats !
Il faut avoir le courage de dire très simplement aujourd'hui, comme Fischer a eu raison de le rappeler, que la croissance est un processus inégalitaire qui crée d'abord de la précarité.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, sans nier la légitimité des contrats à durée déterminée et les justifications des missions de travail temporaire qui répondent à de réels besoins - lancement d'un nouveau produit, surcroît temporaire d'activité, utilisation d'une nouvelle machine, remplacement des absents - compte bien, si les partenaires sociaux ne souhaitent pas s'en saisir eux-mêmes, faire en sorte que l'emploi précaire ne devienne pas le mode permanent de gestion de l'emploi. Or, certains secteurs comptent aujourd'hui en permanence 10 %, 15 %, 20 %, voire 25 % de salariés sous contrat précaire.
Ce n'est bon ni pour les entreprises ni pour les salariés et, en tout cas, cela a un coût pour la collectivité.
Après une concertation qui sera menée, avant Noël, avec les partenaires patronaux et syndicaux et en fonction des intentions de ces derniers, le Gouvernement prendra ses responsabilités en la matière. Sur ce point également, je rejoins donc M. Fischer.
La croissance est importante et il fallait la relancer. Mais nous savons qu'elle ne peut pas tout. Nous devons donc mettre en place des mesures structurelles pour la rendre plus créatrice d'emplois et mobiliser les mécanismes d'insertion dans l'emploi pour aider ceux qui sont les plus éloignés du coeur de notre société.
Nos priorités, sont, en premier lieu, les politiques structurelles qui ont donné lieu à des lois votées, au cours des derniers mois par la majorité du Parlement.
Il s'agit, d'abord, de l'aide à la réduction de la durée du travail.
Plusieurs orateurs ont fait état de leurs doutes sur ce sujet. Certains ont dit, tout à la fois, qu'ils ne croyaient pas à la réduction de la durée du temps de travail et qu'ils s'étonnaient que les crédits mis en place par l'Etat soient insuffisants ; cela me paraît pour le moins contradictoire. Ils ont fait part de leurs doutes quant à la mise en place du dispositif.
Devant le Sénat, je tiens à dire comment je vois le déroulement du processus de la réduction de la durée du travail sur le terrain.
Aujourd'hui, 20 % des entreprises négocient, 3 % à 4 % ont déjà signé un accord, 20 % ont déclaré qu'elles allaient démarrer les négociations dans les semaines qui viennent, enfin 30 % sont en train d'analyser les conditions de cette négociation.
Dans les entreprises françaises où l'on négocie, pour la première fois - et je suis heureuse de les entendre le reconnaître - des chefs d'entreprise disent clairement ce dont ils ont besoin pour que l'entreprise fonctionne mieux en termes de compétitivité, par rapport au marché et par rapport aux clients : meilleure utilisation des équipements, plus large ouverture des services à la clientèle, modulation des horaires pour prendre en compte une certaine saisonnalité. En face, des salariés disent aussi comment ils veulent mieux travailler, dans des conditions de travail meilleures, plus qualifiantes, leur permettant de progresser dans leur carrière professionnelle et, en même temps, plus en adéquation avec leur vie familiale.
Enfin, les uns et les autres - je le constate lors de chacune de mes visites dans des entreprises qui ont signé des accords sur la durée du travail - ont la fierté de faire entrer des chômeurs dans l'entreprise.
Certains intervenants ont critiqué les résultats d'aujourd'hui. Pourtant, à peine quatre mois après le vote de la loi, dont deux mois d'été, plus de 765 accords ont été signés, ce qui représente une augmentation des effectifs de 8 % en moyenne, soit une hausse supérieure aux 6 % prévus par la loi. Je rappelle que la loi Robien, dix-huit mois après son adoption, n'avait engendré la signature que de 500 accords, malgré une aide qui était beaucoup plus importante.
Personnellement, ce qui m'intéresse plus encore, c'est le mouvement qui s'engage. A ce titre, comme M. Huguet, je me réjouis que certains conseils régionaux appuient notre démarche, particulièrement, et d'une manière exemplaire, je le relève, la région Nord - Pas-de-Calais, qui nous est chère à tous les deux.
En ce qui concerne les accords de branche - je réponds là à M. Jourdain - il me paraît difficile de dire que la réglementation sur la durée du travail est un carcan, qu'elle est stricte et, dans le même temps, qu'elle est floue et qu'on ne sait pas comment négocier. Il faut choisir ! On ne peut pas nous reprocher une chose et son contraire.
La vérité, c'est que cette loi fait confiance à la négociation, qu'elle a fixé un cap. J'aurais préféré que la négociation fixe elle-même ce cap, comme en Allemagne et aux Pays-Bas. Mais, en France, c'est ainsi, il faut que l'Etat, décide.
Les négociations ont désormais lieu et, comme je l'ai dit, elles sont un moment fort dans la vie des entreprises.
Pour ce qui est des accords de branche, personne ne peut prétendre qu'ils ne m'intéressent pas. Il ne me paraît cependant pas anormal qu'on ne puisse pas fixer des montants de créations d'emplois au niveau des branches. Si tel était le cas, le système n'aurait rien à voir avec le système dans lequel nous vivons, et chaque entreprise se verrait signifier par une fédération professionnelle qu'elle doit créer tant d'emplois.
Les accords de branche me paraissent avoir un intérêt pour inciter à la négociation, pour ouvrir des voies, pour proposer des solutions, comme la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment l'a fait pour l'artisanat du bâtiment en proposant aux petites entreprises quatre solutions pour réduire la durée du travail à 35 heures.
Les accords de branche me paraissent donc intéressants, dès lors qu'ils incitent effectivement à appliquer la loi.
M. Souvet m'a reproché de faire des commentaires sur ces accords. Je suis étonnée qu'un parlementaire me reproche de dire qu'un accord est contraire à une loi. Nous sommes en effet tous ici pour affirmer que les lois qui ont été votées par le Parlement doivent être appliquées par la nation, et, lorsqu'un accord est contraire à cette loi, il me paraît de la responsabilité du ministre compétent de le dire. Je pense m'être contentée d'agir ainsi.
En revanche, je partage l'avis de M. Jourdain sur le fait que nous devons étudier la question de l'emploi partagé. J'ai d'ailleurs demandé à M. Michel Praderie, qui m'a remis un rapport il y a très exactement quarante-huit heures, de travailler sur les groupements d'employeurs. Il s'agit de rendre ce dispositif plus flexible, plus facile à mettre en place, notamment dans les petites entreprises, dans le commerce et l'artisanat. Il s'agit aussi de permettre aux salariés qui le souhaitent de travailler dans plusieurs entreprises dans de meilleures conditions.
Je compte tirer de ce rapport, dès la discussion du projet de loi portant diverses mesures d'ordre social si des modifications législatives sont nécessaires, un certain nombre de réponses qui peuvent permettre effectivement de développer l'emploi partagé, dès lors qu'il est choisi et non pas subi.
A propos de la durée du travail, M. Ostermann a critiqué le calibrage du financement des trente-cinq heures, sans que je comprenne s'il y avait trop ou pas assez de crédits.
Comme l'année dernière, nous avons inscrit des crédits provisionnels car ni vous, ni nous ne sommes capables de dire combien d'entreprises signeront un accord.
Les 3,5 milliards de francs qui sont affectés à l'aide incitative seront complétés par les reports de la provision de 1998. La loi ayant été votée plus tardivement que prévu, il y aura des reports.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Reste à savoir combien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne suis pas devin ! Je ne connais pas le nombre d'accords qui seront signés avant la fin de l'année.
Toutefois, dans la mesure où vingt-huit jours nous séparent de la fin de l'année, nous serons fixés très rapidement.
De toute façon, si le mouvement de réduction de la durée du travail est ample, s'il génère des emplois, l'aide de l'Etat étant liée à la création d'emplois, je pense que nous serons unanimes pour considérer qu'il faut augmenter les crédits et adopter un collectif.
En ce qui concerne la répartition du coût des exonérations entre la sécurité sociale et l'Etat, j'ai été amenée à dire, pas plus tard qu'hier, devant la Haute Assemblée, que le Gouvernement, comme il s'y était engagé, discuterait à mi-année de cette répartition avec les partenaires patronaux et syndicaux. C'est au regard de ce premier bilan que nous déciderons de la part de réduction des cotisations sociales qui sera prise en charge par le budget de l'Etat et de celle qui pourrait être supportée par la sécurité sociale.
J'en viens aux emplois-jeunes.
Nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, n'y croyaient pas. Je tiens à dire qu'à la fin du mois de novembre 152 750 emplois-jeunes ont été créés et que plus de 110 000 jeunes occupent effectivement un emploi, dont 54 % dans des collectivités locales et des associations.
Comme l'a dit M. Souvet, les collectivités locales et les associations ont pris le relais de l'éducation nationale et de la police. Elles ont commencé lentement. Mais peut-être ont-elles ainsi pu répondre au souhait de M. Clouet : vérifier la qualité des emplois créés et ne pas créer des emplois de fonctionnaires bis.
Personnellement, les critiques que j'ai entendues portaient non pas sur le laxisme de l'Etat mais, bien au contraire, sur l'application trop stricte des règles et sur le refus des emplois qui ne correspondraient pas véritablement à de nouveaux besoins.
A cet égard, je dois dire que j'ai été assez étonnée des critiques émises par M. Gournac. Une enquête vient d'être réalisée, non par le ministère, mais par un institut extérieur, auprès des bénéficiaires emplois-jeunes : plus de 90 % d'entre eux se disent très satisfaits.
Mes visites sur le terrain me conduisent, comme M. Huguet, à rencontrer des jeunes qui sont contents non seulement d'avoir un emploi, mais aussi de l'avoir pour cinq ans ! En effet, hormis les sénateurs, peu de gens sont sûrs de garder leur emploi au-delà de cinq ans ! (Sourires.)
M. Alain Gournac. Et encore !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Moi-même, je ne suis pas sûre d'être encore là dans cinq ans !
Par conséquent, le fait, pour ces jeunes, d'avoir effectivement, cinq ans devant eux pour se professionnaliser et pérenniser leur emploi est tout à fait essentiel par rapport à ce qui existe aujourd'hui.
J'en viens maintenant à la formation. Elle est essentielle. Mais la formation pour la formation n'a pas grand sens. Mettre des jeunes en formation, c'est facile ; tout le monde sait faire ! Il faut, dans ce domaine, s'assurer qu'il s'agit bien de métiers d'avenir, que les filières de formation peuvent effectivement préparer aux métiers de demain.
Ce travail est aujourd'hui poursuivi au sein des plates-formes de professionnalisation régionales après avoir été préparé avec l'ensemble des ministères, secteur par secteur - culture, environnement, sécurité... - afin de cerner les métiers de demain et de vérifier comment il est possible de les professionnaliser.
Là encore, il faut faire preuve de sérieux. Ces jeunes ont droit à une formation qui soit digne de ce nom, c'est-à-dire qui leur permette non seulement d'avoir un vrai métier, mais de le poursuivre dans l'avenir !
S'agissant de la pérennisation - je réponds là à M. Jourdain - je suis heureuse de constater - et encore la semaine dernière en Dordogne - qu'un certain nombre de jeunes ont d'ores et déjà réussi, grâce aux clients qu'ils ont trouvés, à financer leur propre emploi et qu'ils envisagent même de se voir accompagnés par d'autres. Ce travail de recherche de nouveaux clients sera plus aisé au fur et à mesure que les services rendus apparaîtront à nos concitoyens comme étant de bonne qualité.
Je partage complètement le point de vue de M. Fischer selon lequel les jeunes des quartiers en difficulté comme ceux des zones de revitalisation rurale doivent être prioritaires pour les emplois-jeunes. Quand on veut le faire, on peut le faire !
A cet égard, pardonnez-moi de citer à nouveau l'exemple de Lille, mais nous avons réussi à créer dans cette ville 250 emplois, dont 81 % pour des jeunes provenant de quartiers en difficulté. Cela prouve bien qu'on peut le faire quand on veut ! Cela a été fait aussi en Seine-Saint-Denis, et j'espère que les maires, puisque ce sont eux, en règle générale, qui sont concernés, entreront dans cette logique.
Troisième élément de cette politique majeure en matière d'emploi après les emplois-jeunes et la réduction de la durée du travail : la baisse des charges sociales sur les bas salaires.
Je ne ferai que redire ici ce qui a déjà été dit.
Le Gouvernement s'est engagé, à la suite de l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale, à déposer au cours du premier semestre de 1999 un projet de loi reprenant le dispositif de la ristourne dégressive afin, je l'espère, de l'élargir et de le rendre plus juste. Il ne doit pas être une « trappe » à bas salaires, comme c'est le cas aujourd'hui. Par conséquent, réduire les charges qui pèsent sur l'emploi, oui, mais à condition qu'il y ait des contreparties en matière d'emploi. Telle est la logique qui est la nôtre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous reprenez nos idées !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, je ne reprends pas vos idées, car la ristourne dégressive coûte aujourd'hui 43 milliards de francs, soit beaucoup plus - le double ! - que les emplois-jeunes et la réduction de la durée du travail réunis. Or, jusqu'à preuve du contraire - et je cite là les chiffres qu'avait donnés M. Barrot -, ce dispositif n'a permis de créer que 40 000 emplois, et ce pour un coût de 45 milliards de francs. Vous reconnaîtrez avec moi que c'est bien coûteux, et quand je vous entends critiquer les emplois-jeunes et la réduction de la durée du travail, je ne comprends pas que vous n'adoptiez pas le même raisonnement s'agissant de la ristourne dégressive !
La deuxième priorité est de mettre l'accent sur les mesures destinées aux personnes les plus éloignées de l'emploi, celles qui aujourd'hui, malgré le retour de la croissance, resteraient autrement sur le bord du chemin.
Nous avons tout d'abord renforcé ou créé des dispositifs adaptés pour répondre aux besoins de ces adultes ou de ces jeunes les plus éloignés de l'emploi. Je ne reviendrai pas sur les détails, car vous les connaissez, nous en avons largement parlé lors de l'examen de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.
Là encore, certains s'étaient demandés si le Gouvernement respecterait ses engagements. Dans le projet de budget de cette année, nous avons tenu compte de l'ensemble des engagements que nous avions pris lors du vote de la loi dont je parlais : la création d'un contrat emploi consolidé pour 60 000 personnes financé à 80 % par l'Etat et pour une durée de cinq ans pour ceux qui ne pourraient pas sortir du RMI ou des revenus de solidarité sans ce type d'emploi ; l'élargissement du contrat de qualification aux adultes sans qualification, dont Nicole Péry s'occupe et pour lequel certaines professions ont déjà signé des accords ; un programme TRACE pour les jeunes très éloignés de l'emploi, qui concerne déjà 10 000 d'entre eux, qui en concernera 40 000 en 1999 et qui est destiné à les mener vers la qualification et l'emploi.
Tels sont les outils nouveaux, auxquels nous devons ajouter le renforcement des outils traditionnels ; je pense notamment à l'insertion par l'économique, dont les moyens budgétaires seront doublés, qu'il s'agisse des structures d'insertion par l'économique ou des plans locaux d'insertion par l'économique. Je pense aussi - certains d'entre vous l'ont souligné à juste raison - à l'appui à donner aux jeunes et aux bénéficiaires de minima sociaux pour qu'ils créent leur entreprise. Le texte concernant ce mécanisme d'aide est actuellement examiné par le Conseil d'Etat et devrait, je l'espère, être publié avant la fin de l'année.
Il faut aussi renforcer et recentrer les dispositifs classiques vers ces publics en grande difficulté.
Je commencerai par les contrats emploi-solidarité, en rassurant M. Joly : pour moi, il ne s'agit évidemment pas de contrats de seconde zone.
Si l'Etat s'investit d'une façon aussi importante en termes de financement, c'est bien pour aider les personnes qui, sans de tels contrats, ne trouveraient pas un emploi, public ou privé. Le recentrage que j'ai réalisé à cet effet dès mon arrivée au ministère a permis de faire passer la proportion des bénéficiaires chômeurs de longue durée et RMIstes de plus d'un an de 56 % en 1997 à 67 % actuellement. J'espère que nous atteindrons 75 % en 1999.
Nous retrouverons ainsi la vocation initiale des contrats emploi-solidarité, qu'il n'est pas, bien évidemment, question de supprimer. Au contraire, il faut les recentrer sur les personnes qui en ont le plus besoin. Nous procédons de même pour les contrats initiative-emploi ainsi que pour les offres de formations et de stages pour les chômeurs de longue durée et, plus généralement, pour les chômeurs.
Globalement, ce sont 120 000 actions complémentaires qui sont proposées dans le projet de budget pour 1999 en faveur des chômeurs de longue durée, des RMIstes, des personnes âgées de plus de cinquante ans ou des personnes handicapées. Il s'agit donc bien d'un budget axé sur ceux qui en ont le plus besoin, ceux qui aujourd'hui, malgré la croissance et les créations d'emplois, resteraient au bord de la route si nous ne décidions pas en leur faveur un soutien tout particulier. C'est pourquoi nous avons souhaité le faire de manière très forte.
Nous facilitons les transitions des minima sociaux vers l'emploi. Vous avez connaissance de la récente réforme qui est entrée en application le 1er décembre et qui permettra le cumul des minima sociaux et d'un salaire pendant un an, cumul intégral pendant trois mois et à 50 % pendant les neuf mois suivants.
Avant d'aborder, pour conclure, les moyens du ministère du travail, je voudrais d'un mot rassurer M. Fischer sur les préretraites.
Les crédits consacrés aux préretraites baissent de manière assez considérable dans ce budget, c'est vrai, mais pour plusieurs raisons.
D'abord, beaucoup de personnes qui étaient entrées en préretraite à l'époque où les licenciements étaient nombreux arrivent aujourd'hui à l'âge de la retraite et quittent donc le dispositif. Le stock diminue de manière considérable, et plus de la moitié de la réduction constatée est liée à ce phénomène.
Ensuite - et heureusement ! - la croissance revenue entraîne une réduction des licenciements qui ont baissé de 26 % depuis juin 1997, et donc des préretraites.
En outre, j'ai souhaité, dès mon arrivée, que les préretraites soient accordées de manière privilégiée dans les secteurs en grande difficulté, dans les entreprises en difficulté et dans les régions en difficulté, considérant que ce n'est pas à l'Etat de payer les restructurations d'entreprises qui ont les moyens par ailleurs de financer, par exemple, des reclassements ou la formation des salariés. Cela aussi explique une partie de cette réduction.
Enfin, j'ai augmenté la part de contribution des entreprises au Fonds de préretraite, de sorte que, globalement, ce ne sont pas les salariés qui vont faire les frais de cette réduction de crédits. Ce sont bien les entreprises, lorsqu'elles le peuvent, qui contribueront plus à des préretraites, dispositif que, encore une fois, l'amélioration de la situation de l'emploi rend un peu moins nécessaire cette année que les années passées.
Je veux aussi dire à M. Fischer que le Gouvernement n'a pas renoncé à légiférer en matière de licenciement.
A cet égard, je poursuis actuellement avec Mme Péry une réflexion qui s'ordonne selon trois axes : d'abord, la prévention des licenciements ; ensuite, l'amélioration forte et le contrôle des plans sociaux ; enfin, le soutien et le suivi des personnes privées d'emploi à la fois en termes de reclassement et en termes de formation.
Je suis convaincue que certaines des propositions que nous formulons nécessiteront effectivement des modifications législatives, et je tiens à le redire devant vous.
De manière plus précise, nous consultons à l'heure actuelle les partenaires sociaux afin de renforcer le dispositif de la contribution, dite contribution Delalande, que doivent verser les entreprises aux ASSEDIC lorsqu'elles licencient un salarié de plus de cinquante ans. Aujourd'hui, le coût de cette contribution est en effet deux fois moins élevé que celui de la préretraite, ce qui a pour résultat d'accroître les licenciements des salariés de plus de cinquante ans alors même qu'ils ont, nous le savons, très peu de chances de retrouver un emploi.
Par ailleurs, le Gouvernement accueillera favorablement la proposition de loi déposée par le groupe communiste à l'Assemblée nationale - elle viendra en débat le 10 décembre - visant à étendre la contribution Delalande aux conventions de conversion.
Je rappelle que ce projet de budget intègre bien évidemment l'ensemble des améliorations des minima sociaux qui ont été décidées et annoncées par le Gouvernement.
J'en termine en évoquant les mesures substantielles contenues dans le projet de budget en vue de renforcer les moyens du service public de l'emploi.
Nous savons très bien que ces structures ministérielles ont, en règle générale, moins de moyens que d'autres alors qu'elles voient arriver l'ensemble des personnes en grande difficulté. Après une année où les fonctionnaires ont beaucoup travaillé, au niveau central comme au niveau local, non seulement pour préparer les textes de loi, mais aussi pour les faire appliquer, nous nous devons de répondre aux demandes qui sont faites, avec juste raison, en ce qui concerne les moyens tant quantitatifs que financiers de nos services.
Aussi la subvention de l'ANPE augmentera-t-elle de 11 % cette année. Cette agence disposera ainsi de 1 000 agents supplémentaires, dont 500 ont été recrutés par anticipation en 1998. C'est absolument essentiel si nous voulons que les chômeurs de longue durée et les détenteurs de revenus de solidarité soient non seulement reçus, mais accompagnés dans leur recherche d'emploi et de qualification, dans le cadre restant du programme « nouveaux départs ».
Ce programme concerne d'ores et déjà 55 000 chômeurs de longue durée et RMIstes qui ont été reçus depuis un mois pour le lancement du processus. Il devrait toucher 850 000 personnes en 1999, conformément aux engagements que la France a pris au Luxembourg.
Je laisse le soin à Nicole Péry de vous préciser les moyens mis en oeuvre pour l'AFPA et pour les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation, que nous confortons parce qu'elles auront à gérer le programme TRACE. Nous proposerons 450 emplois cofinancés par les collectivités locales qui le souhaiteront.
Je n'oublie pas le ministère.
Les moyens en personnel seront renforcés à la fois par la création de 140 postes de contrôleur et de 10 postes d'inspecteur du travail en plus des 15 postes créés en 1998.
J'ai souhaité, cette année, porter un effort particulier sur la situation des agents de catégorie C - dont beaucoup, dans ce ministère, remplissent en fait des missions relevant de la catégorie B - à la fois par des mesures substantielles de repyramidage du corps et d'augmentation de l'enveloppe des primes.
Enfin, il nous faut résorber les emplois précaires. Le projet de budget pour 1999 termine l'intégration des coordonnateurs emploi-formation par la création de 185 emplois budgétaires et la poursuite de la titularisation des agents précaires relevant du plan Perben. Nous sommes le ministère le plus avancé dans cette voie ; je m'en réjouis parce qu'il nous faut combattre la précarité partout, y compris chez nous, et je pense que M. Fischer me comprend bien.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les remarques que je souhaitais faire.
M. Clouet nous a dit qu'il apporterait un soutien sans enthousiasme au projet de budget amendé par les rapporteurs : je le comprends car, une fois les amendements votés, il ne restera plus rien dans ce budget !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une vision complètement caricaturale ; nous en ferons la preuve !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si l'on supprime la formation professionnelle, les emplois-jeunes, la réduction de la durée du travail et la lutte contre l'exclusion, il ne reste effectivement qu'un budget croupion,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voyons !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... qui montre peut-être le sens de la priorité que vous souhaitez accorder à l'emploi !
En tout cas, hormis des critiques, je n'ai entendu aucune proposition qui permette un véritable débat démocratique. Pour nous, la priorité, c'est l'emploi. Les résultats, je crois, commencent à le montrer et les Français apprécieront !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous n'écoutez pas ce qui n'est pas votre avis !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous n'avez pas parlé ! J'ai donc eu beaucoup de mal à vous écouter !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous avez entendu les rapporteurs !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai effectivement entendu l'ensemble des intervenants et j'ai essayé de leur répondre.
Je terminerai en disant que, heureusement, beaucoup d'entre vous ont, sur le terrain, des pratiques différentes des discours qu'ils nous tiennent. Je sais que tel ou tel va voir telle entreprise qui a réduit la durée du travail, que tel autre crée des emplois-jeunes dans sa collectivité, son conseil général, son conseil régional.
Finalement, je pense que les sénateurs ne seront pas les derniers à considérer que cette politique porte ses fruits, et je m'en réjouis, car vous contribuez ainsi à réduire le chômage. J'espère que, sur ce terrain-là au moins, notre objectif est commun ! (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez d'aller à l'essentiel et de caler mon intervention sur les commentaires, les réflexions et les critiques que vous avez pu formuler.
Le noyau dur du projet de budget de la formation professionnelle s'élève en 1999 à 26,42 milliards de francs, ce qui représente une hausse de 5,3 % par rapport à 1998.
L'essentiel de cette hausse porte sur le financement des formations en alternance. Ce point ayant été évoqué par chacun d'entre vous, je m'y attarderai quelques instants.
Ce financement prend en compte l'objectif général de recentrage de l'ensemble des dispositifs de la politique de l'emploi et de la formation professionnelle sur les publics rencontrant des difficultés particulières ou n'ayant pas acquis un niveau de formation suffisant.
Le Gouvernement est déterminé à augmenter le nombre de contrats de formation en alternance, que ce soit l'apprentissage ou la qualification. L'augmentation en volume est le signe dynamique d'une croissance présente, d'un retour de la confiance et de la politique de l'emploi que nous avons menée. En effet, ces dispositifs offrent de véritables chances de qualifications et d'insertion professionnelle aux jeunes qui en bénéficient.
De janvier à octobre 1998, ces dispositifs ont connu une progression importante : plus de 2 % pour l'apprentissage ; 8 % pour les contrats d'adaptation ; 10 % pour les contrats de qualification et plus de 77 % pour les contrats d'orientation.
Ainsi, le nombre de contrats de qualification est porté à 130 000 pour 1999. Cela représente un montant d'intervention de 2,95 milliards de francs.
Par ailleurs, contrairement à la pratique des années précédentes, les primes à l'embauche seront dûment inscrites en loi de finances, ce qui évitera les retards observés dans leur versement.
Les contrats d'apprentissage seront portés à 230 000 en 1999. Cela représente 9,25 milliards de francs inscrits au projet de loi de finances. J'ajoute que l'Etat, à travers ce dispositif d'incitation financière, a pris en charge, en 1997, près de 52 % des dépenses liées à l'apprentissage, les régions, quant à elles, en assumant un peu plus de 25 %. Mais le Gouvernement a aussi la volonté de limiter la sélectivité croissante exercée par les employeurs en réservant les aides forfaitaires à l'embauche des jeunes les moins qualifiés. J'ai bien entendu vos critiques à ce propos, monsieur Ostermann ; nous allons nous en expliquer.
La part des jeunes de niveaux V - CAP, BEP - et de niveaux inférieurs en contrats de qualification a chuté entre 1990 et 1997 ; elle est passée de 67 % à 43 %. C'est cette évolution que nous voulons corriger.
A cet effet, les primes à l'embauche seront désormais réservées, vous l'avez rappelé, aux jeunes titulaires d'un brevet d'études professionnelles - BEP - ou d'un certificat d'aptitude professionnelle - CAP - et, disons plus largement, aux jeunes sans diplôme. Seront ainsi concernés notamment les jeunes sortant du système scolaire sans le baccalauréat.
Cette mesure a déjà été mise en oeuvre pour les contrats de qualification avec l'assentiment de la plupart des partenaires sociaux, notamment des syndicats de salariés. Un décret du 12 octobre 1998 et une circulaire du 14 octobre 1998 en précisent les modalités.
Afin de ne pas créer de disparités entre les deux grandes mesures de formation en alternance sous contrat de travail que sont les contrats de qualification et les contrats d'apprentissage, dans le projet de loi de finances est proposée une mesure identique pour les aides à l'embauche du contrat d'apprentissage.
Ce phénomène est de moindre ampleur pour les contrats d'apprentissage, qui, à plus de 84 % en 1997, étaient conclus avec des jeunes de niveaux V et inférieurs.
Le recentrage des primes ne devrait donc pas concerner le développement de l'apprentissage dans le secteur des métiers, secteur auquel je suis particulièrement attachée et qui accueille 71 % des apprentis, pour l'essentiel de niveau du CAP et du BEP.
Je précise que ce recentrage ne concerne pas les aides à la formation, pas plus que les exonérations de charges sociales très importantes, et ce quel que soit le niveau de formation.
Pour ne pas avoir à y revenir tout à l'heure lorsque nous examinerons l'amendement qui a été déposé à l'article 80, je pense utile de rappeler le montant des efforts réalisés en faveur de l'apprentissage, pour montrer que ce système sera incitatif, quels que soient les niveaux. Ainsi, la prime à la formation, qui est annuelle, s'établit autour de 10 000 francs et les exonérations de charges - j'ai effectué mes calculs à partir d'un traitement égal à 65 % du SMIC - représenteront, sur deux ans, un allègement de 50 000 francs. Il s'agit donc d'aides massives d'autant plus que et la prime à la formation et les exonérations de charges sont attribuées quel que soit le niveau de formation des jeunes.
Ce dispositif - je m'adresse là également à M. Huguet - demeure indéniablement incitatif pour tous ceux qui veulent s'engager dans le développement de l'apprentissage, y compris dans l'enseignement supérieur. C'est pourquoi je me suis permis d'insister sur le niveau des aides.
Je tiens à vous assurer de ma volonté de ne pas contenir l'apprentissage dans une image passéiste de métiers faiblement qualifiés.
Je suis convaincue que cette filière peut répondre aux attentes de certains jeunes qui veulent aller plus loin dans leur qualification professionnelle.
Je souhaite m'arrêter un instant sur un point évoqué par Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. L'étude récente de la DARES à laquelle vous faites référence, madame, fait état de l'efficacité des aides à l'embauche pour l'apprentissage. Mais cette étude, dont j'ai attentivement pris connaissance, confirme que ces aides ont un impact significatif surtout sur le recrutement des personnes peu qualifiées qui, justement, ne sont pas concernées par le recentrage des primes.

Je voudrais conclure sur ce premier point consacré aux formations professionnelles en alternance en évoquant le transfert de 500 millions de francs qui sera opéré par les partenaires sociaux gestionnaires de l'AGEFAL au profit d'un fonds de concours rattaché au budget de la formation professionnelle.
Je note avec satisfaction, madame Bocandé, que vous considérez que le transfert proposé est entouré des garanties nécessaires, j'y ai personnellement veillé, pour assurer le développement des formations en alternance, garanties que vous avez rappelées et qui constituent un progrès.
Le manque de fluidité des fonds de l'alternance, ainsi que les transferts de fonds opérés par les partenaires sociaux vers l'apprentissage - 1 milliard de francs sur 6 milliards de ressources - rendent nécessaire la redéfinition des règles de financement des formations en alternance, en concertation avec les partenaires sociaux, mais également avec les régions. Cette redéfinition entre dans la réflexion de fond que Martine Aubry et moi-même menons actuellement sur le système de formation professionnelle.
Sans détailler toutes les mesures du Fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale, le FFPPS, permettez-moi d'insister sur les contrats de qualification pour les adultes.
Cette mesure était attendue et répond à des préoccupations majeures, à savoir la nécessité de prévenir l'exclusion à laquelle sont exposés les chômeurs de longue durée, l'absence, en dehors de l'AFPA, de dispositifs d'accès à la qualification pour les demandeurs d'emploi adultes, enfin, l'utilisation de la pédagogie de l'alternance bien adaptée pour ceux qui n'adhèrent pas aux pédagogies classiques. Le décret du 18 novembre 1998 fixe le montant des aides à l'embauche et des exonérations de charge.
Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit 248 millions de francs pour financer les exonérations et 100 millions de francs pour les primes. Cela correspond à un volume de 10 000 contrats.
J'ai également entendu vos interrogations sur les modalités du contrat adultes. Elles seront bien entendu adaptées aux modalités du contrat jeunes. Personnellement, je me réjouis de voir les partenaires sociaux se mobiliser dès à présent au sein du conseil paritaire national de la formation professionnelle chargé du suivi des grandes négociations interprofessionnelles sur la formation.
J'aborderai maintenant directement, de manière évidemment très synthétique, puisque le temps m'est compté, quelques axes de réflexion sur le projet de réforme de la formation professionnelle. M. Fischer a d'ailleurs intégré ce point dans son intervention.
Le Premier ministre et Martine Aubry m'ont demandé de préparer, en étroite concertation avec les principaux acteurs de la formation professionnelle, une évaluation du système actuel et une remise en mouvement de cette politique prenant en compte les défis nouveaux de l'organisation économique et sociale de notre société.
Cela m'a conduit à procéder à un diagnostic. C'est sur ces bases que je poursuivrai dans les semaines à venir le débat déjà engagé avec l'ensemble des acteurs, notamment les partenaires sociaux et les régions.
En effet, il me semble important d'évaluer objectivement l'efficacité globale du système.
Le sentiment d'une mobilisation non optimale des fonds de la formation professionnelle domine ; nous devons traiter le problème. En 1996, le montant des dépenses consacrées à la formation professionnelle s'élevait à 138,2 milliards de francs répartis entre l'Etat pour 56 milliards de francs, les entreprises pour 55 milliards de francs, les régions pour 13 milliards de francs, l'UNEDIC, les autres partenaires pour 14 milliards de francs.
Toutefois, nous ne devons pas pour autant perdre de vue l'essentiel, c'est-à-dire la nécessité de redéfinir ensemble les enjeux d'une politique de formation professionnelle, tant les besoins sont importants.
Beaucoup reste à faire - je tiens à le rappeler - même si beaucoup de choses ont été faites grâce à la loi de juillet 1971. Trente ans après, 40 % de la population active a encore un niveau de formation initiale inférieure au CAP ; c'est là une donnée trop souvent oubliée.
Le système de formation génère de fortes inégalités d'accès ; ainsi, les femmes, les salariés des petites entreprises et ceux dont la qualification est faible accèdent difficilement à la formation professionnelle.
Les chiffres sont significatifs : 80 % des salariés non qualifiés n'accèdent pas à la formation continue contre 50 % des ingénieurs et des cadres. L'accès à la formation continue des ouvriers qualifiés varie du simple au double entre les hommes et les femmes. Dois-je ajouter que cela se produit au détriment des femmes ?
M. Louis Boyer. Pauvres femmes !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Par ailleurs, 91 % des salariés des entreprises de moins de vingt personnes - et vous connaissez la réalité du tissu économique de notre pays - n'accèdent pas à la formation continue, alors que, globalement, 50 % des employés des grandes entreprises de plus de 500 salariés accèdent à la formation tout au long de leur vie.
Une autre donnée doit être absolument intégrée dans notre réflexion : l'accroissement notable de la mobilité durant ces dernières années. Moi-même, j'ai été surprise par les chiffres qui m'ont été fournis.
Un salarié sur quatre a changé d'entreprise en cinq ans ; un actif sur trois a changé de catégorie socio-professionnelle ou de métier pendant la même période.
De plus, le modèle français est marqué par une séparation nette entre le temps de la formation initiale et celui de la formation continue, à la différence de nos partenaires européens, Cette césure est aggravée par la difficulté de valider et de faire reconnaître socialement l'expérience professionnelle. On ne compte pas plus de 5 000 validations d'acquis professionnels, telles qu'elles sont prévues dans la loi de 1992.
La formation n'est pas suffisamment considérée pour les demandeurs d'emploi comme une période d'activité mise à profit pour acquérir une qualification ou développer des compétences.
Face à ces constats, il nous faut réfléchir avec les partenaires sociaux et les régions à un système de formation qui ménage des passerelles entre les situations d'activité et d'inactivité, qui produise un droit effectif à la formation, individuel, transférable d'une situation à une autre.
Le système de formation doit être mis résolument au service des salariés, des demandeurs d'emploi et des entreprises. Il doit s'attacher à réduire les risques et nous devons réfléchir à leur mutualisation.
Pour conduire ces changements, je m'inscrirai dans le respect de la culture originale du système fondé sur l'articulation entre la négociation des partenaires sociaux, la loi et la concertation avec les régions.
Vous serez, je n'en doute pas, les relais naturels et actifs de cette réflexion. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame la ministre, vous nous avez dit que les amendements présentés par la commission des finances et dont M. Ostermann, rapporteur spécial, a présenté la substance, allaient faire de votre budget un « budget croupion ».
Je voudrais donc donner à nos collègues quelques éléments d'appréciation afin qu'ils puissent juger en toute connaissance de cause.
Je serais tenté de vous dire, madame la ministre, face aux propos à mon avis quelque peu excessifs que vous avez tenus...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous n'entendez pas les vôtres, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je serais donc tenté de vous dire : « Pas vous et pas ça ! »
Pourquoi ?
Tout d'abord, notre démarche, qui s'inscrit dans le recadrage de la politique des finances publiques et de la politique économique que nous estimons nécessaire, vise à réaliser 10,5 milliards de francs d'économie.
Or il se trouve que le Gouvernement, en préparant ce budget de l'emploi et de la solidarité, a lui-même réalisé 11 milliards de francs d'économies. Mais, là, vous ne parlez pas de « budget croupion » ; vous parlez de recentrage.
Ce recentrage, il a tout de même porté sur un certain nombre de points sensibles, et c'est un effort méritoire de remise en question ; 4,5 milliards de francs sur les préretraites, 3,6 milliards de francs sur les contrats initiative-emploi, 1,6 milliard de francs sur les contrats emploi-solidarité.
Rappelons que les chiffres que nous évoquons doivent être rapportés à une masse globale de 152 milliards de francs pour le titre IV. Compte tenu du « recentrage », reste un budget de 141 milliards de francs. S'agit-il d'un « budget croupion » ? Permettez-moi tout de même de vous poser la question.
En outre, madame la ministre, j'ai eu la curiosité d'aller voir ce que contenait le projet de loi de finances rectificative pour 1998, que la commission des finances n'a pas encore examiné. J'y ai trouvé près de 15 milliards de francs de crédits annulés, dont 7,72 milliards de francs, c'est-à-dire environ la moitié, concernent le ministère de l'emploi et de la solidarité.
J'observe même que, sur ces 7,72 milliards de francs, l'essentiel, à savoir 7,5 miliards de francs, vise le chapitre 44-74 : « Insertion des publics en difficulté ». Y sont incluses notamment les aides pour les chômeurs de longue durée et les contrats initiative-emploi, certes, mais aussi les contrats emploi consolidé, les contrats emploi-solidarité, les versements au titre des préretraites.
Je me suis référé, madame la ministre, à nos débats de l'année dernière, puisque nous avons déjà eu le plaisir d'avoir ce même dialogue. A l'époque, je remplaçais le rapporteur spécial, M. Emmanuel Hamel. Vous m'aviez indiqué que vous espériez bien que l'on ne ferait aucune économie sur le chapitre 44-74, précisant : « je le comprendrais assez mal », compte tenu de votre préoccupation, que nous partageons, face à l'augmentation du chômage de longue durée.
Vous l'auriez mal compris et, pourtant, vous l'avez fait : à hauteur de 7,5 milliards de francs !
Peut-on objecter à la majorité sénatoriale la politique qu'elle défend tout en observant finalement le même réalisme budgétaire ? Les chiffres sont les chiffres, pour vous comme pour nous !
Il est certains rappels qui méritent vraiment d'être faits et de bien s'inscrire dans vos mémoires, mes chers collègues. L'effort d'économie que demandait le Sénat voilà un an sur le titre IV s'élevait à 6,2 milliards de francs. Vous en aviez, madame la ministre, réfuté la pertinence, nous enjoignant d'énoncer la liste des conséquences dangereuses de notre choix.
Et voilà que, après vous être étonnée de notre volonté de réaliser des économies, nous découvrons que ces économies, vous les faites, non pas à hauteur de 6,2 milliards de francs, mais à hauteur de 7,72 milliards de francs !
Peut-être cet élément est-il de nature à revitaliser l'expression de « budget croupion » que vous avez utilisée tout à l'heure, madame la ministre.
L'année dernière, vous vous étonniez que le Sénat puisse vous proposer une économie de 1 milliard de francs sur l'enveloppe des emplois-jeunes. Or vous nous indiquez aujourd'hui qu'il existe des reports de crédits, au titre de ces mêmes emplois-jeunes, de 1998 à 1999. Cela ne veut-il pas dire que la dotation pour 1998 était surcalibrée, comme nous le pensions, et que l'économie que nous avions proposée l'année dernière, loin d'être excessive, était tout simplement réaliste ?
Je me dois enfin de préciser que l'économie proposée cette année par la commission des finances en ce qui concerne les emplois-jeunes n'entraînera la suppression d'aucun emploi-jeune existant. De même, nos propositions n'empêcheront pas le Gouvernement, s'il le souhaite, d'embaucher les 100 000 nouveaux emplois-jeunes qui correspondent à son objectif.
Au total, mes chers collègues, il est utile, me semble-t-il, que le Sénat juge les actes et pas seulement les paroles. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur général, pour que le Sénat puisse juger les actes, je vais m'efforcer de répondre à vos questions.
Peut-être aurais-je dû parler non pas de « budget croupion » mais plutôt de « politique de l'emploi croupion ». J'ai voulu éviter d'être par trop désagréable, et j'ai sans doute eu tort.
Quand on supprime la totalité de la politique de réduction de la durée du travail, quand on supprime toutes les entrées des emplois-jeunes, quand on supprime une partie de la politique que nous entendons mener en matière de formation des jeunes, c'est bien d'une « politique de l'emploi croupion » qu'il s'agit.
Moi aussi, monsieur le rapporteur général, je pense qu'il faut dire les choses telles qu'elles sont. L'année dernière, je vous ai indiqué que nous ne ferions pas d'économies là où vous souhaitiez nous les voir faire, c'est-à-dire sur ce qui dépend de nous dans la lutte contre le chômage de longue durée. Ce qui dépend de nous, ce sont notamment les contrats emploi-solidarité et les contrats emploi consolidé.
Si nous avons fait des économies dans la gestion de notre budget, je pense que vous ne pouvez pas nous le reprocher. D'ailleurs, M. Ostermann, qui parle en général en termes mesurés, a eu la gentillesse de les reconnaître.
Ces économies, elles sont rendues possibles parce qu'une gestion correcte a été pratiquée, mais aussi parce que deux faits sont intervenus, qui ont entraîné la réduction de dépenses inscrites au chapitre 44-74.
Le premier, c'est la baisse des préretraites. J'ai effectivement souhaité que la contribution des entreprises au financement des préretraites soit plus importante, ce qui induit une moindre dépense pour l'Etat. C'est une des parties des 7,5 milliards de francs que vous avez évoqués.
Le second fait réside dans des économies de constatation sur le CIE, le contrat d'initiative-emploi. Quand on veut être honnête, il faut l'être jusqu'au bout, monsieur le rapporteur général ! Il y a en effet eu des ruptures à un taux extrêmement élevé - 30 % - ce qui n'était jamais arrivé auparavant. M. Barrot avait prévu un budget pour les CIE plus important que ce dont nous avons eu effectivement besoin.
Vous savez que, dans le cas des CIE, ce sont les entreprises qui embauchent, l'Etat n'intervient pas. Lorsque quelqu'un trouve un emploi, parce que nous avons relancé la croissance et créé des emplois de meilleure qualité, nous ne pouvons que nous en réjouir. Et si, de surcroît, l'Etat dépense moins de crédits, je ne peux aussi que m'en réjouir.
Il n'y a donc pas eu d'économies sur le dos des chômeurs de longue durée. Il y a simplement eu deux faits : un qui ne dépend pas de nous, qui est lié à ce taux de rupture du CIE ; et un qui dépend de nous, car nous avons effectivement la volonté de faire financer les préretraites un peu plus par les entreprises et un peu moins par l'Etat.
Je peux donc redire ce que j'ai dit l'année dernière : il n'y aura pas d'économies au détriment des chômeurs de longue durée, contrairement à ce qui aurait résulté de ce que vous nous aviez proposé.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous ne l'avons jamais demandé, madame la ministre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais si !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Jamais de la vie !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si ! Quand vous proposez, comme cette année, de supprimer toute la politique de réduction de la durée du travail, toutes les nouvelles entrées sur les emplois-jeunes, vous vous en prenez en fait aux chômeurs de longue durée.
Vous savez bien que beaucoup des personnes qui vont entrer dans les entreprises et occuper des emplois sont des chômeurs et que, parmi ceux-ci, il y aura des chômeurs de longue durée.
Vous proposez de supprimer ces lignes, et vous avez évidemment tout à fait le droit de le faire, puisque vous défendez une politique qui est différente de la nôtre, mais ayez le courage d'assumer vos propositions ! De toute façon, les résultats trancheront et les Français décideront. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Roland Huguet. Réponse très bien argumentée !
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'emploi et la solidarité : I. - Emploi.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 720 092 915 francs. »