Séance du 5 décembre 1998







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la jeunesse et les sports.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je citerai quelques chiffres avant de présenter les principales observations que m'inspire ce projet de budget.
Les crédits budgétaires de la jeunesse et des sports s'élèvent, pour 1999, à 3 milliards de francs.
Comparé à la loi de finances de 1998, ce budget progresse de 3,4 % alors qu'il avait diminué de 2,1 % l'année dernière.
Le budget de la jeunesse et des sports ne représente que 0,19 % du budget général, contre 0,18 % l'an dernier.
Les moyens attribués à la jeunesse et aux sports comprennent également deux comptes spéciaux du Trésor : le Fonds national de développement du sport, le FNDS, et le Fonds national de développement de la vie associative, le FNDVA.
Le projet de loi de finances pour 1999 prévoit une stabilisation de leurs crédits. Je me réjouis particulièrement que, cette année, la progression du budget soit suffisante pour que l'on n'ait pas recours à l'augmentation de ces comptes spéciaux.
Les moyens dont disposera le ministère de la jeunesse et des sports s'élèveront donc à 4 milliards de francs en projet de loi de finances pour 1999 contre 3,9 milliards de francs en loi de finances initiale pour 1998, soit une progression globale de 2,5 %.
Le projet de budget « Jeunesse et sports » pour 1999 est marqué par une sensible majoration des dépenses de personnel et une reprise de la progression des crédits de fonctionnement.
Les dépenses de personnel progressent de 3,7 % pour atteindre 1,6 milliard de francs.
Les crédits de fonctionnement augmentent de 4,6 % pour atteindre 323 millions de francs en 1999.
Les crédits d'intervention, le titre IV, en forte diminution de 13,8 % en 1998, principalement en raison de l'impact de la diminution de la charge du financement de la Coupe du monde, sont en augmentation sensible de 3,8 % pour 1999, pour atteindre 1 milliard de francs.
Les dépenses en capital, les titres V et VI, enregistrent une diminution de 6,9 % pour atteindre 108 millions de francs. Les subventions d'équipement diminuent de 13,6 millions de francs. Elles avaient progressé de 45 millions de francs en 1998, à la suite d'une mesure exceptionnelle d'attribution d'une dotation complémentaire aux villes d'accueil de la Coupe du monde de football.
Les crédits du Fonds national pour le développement du sport, le FNDS, s'élèvent à 1 milliard de francs, soit une reconduction des crédits ouverts pour 1998.
Cependant, en 1998, le fonds avait dû financer la rénovation des stades de province à hauteur de 91,5 millions de francs. Pour 1999, cette somme ne sera pas entièrement réaffectée à des dépenses d'investissement. Au total, les dépenses d'investissement du fonds diminueront donc de 41 millions de francs par rapport à 1998.
Cette diminution sera toutefois entièrement compensée par une augmentation des dépenses de fonctionnement du FNDS qui portera intégralement sur l'aide au sport de masse, cette dernière passant à 611 millions de francs. Je regrette d'autant plus que les moyens d'investissement ne soient pas privilégiés que les crédits d'investissement sur le budget général diminuent également. Mais je le comprends mieux lorsque je note que les crédits d'investissement sur le FNDS ne sont consommés qu'à hauteur de 35 %. Sans doute faudrait-il améliorer cette consommation, car le risque est grand d'une annulation de crédits, comme nous l'avons vu l'an dernier.
Pour mesurer l'enjeu des dépenses d'investissements, je rappellerai simplement que, selon une étude menée en 1997 par le Centre national de la fonction publique territoriale, la seule mise à niveau sur les plans de la sécurité et de l'hygiène, hors modernisation des équipements sportifs, coûterait 40 milliards de francs, dont 18 milliards de francs pour les salles de sport et 15 milliards de francs pour les stades.
Par ailleurs, comme les trois années précédentes, le Fonds national pour le développement de la vie associative, le FNDVA, sera doté, en 1999, de 24 millions de francs.
L'an dernier, j'avais attiré votre attention sur la gestion de ce fonds qui nécessite un meilleur affichage de ses priorités, une clarification du dispositif institutionnel, une gestion plus lisible et une stabilisation de ses ressources.
Cette démarche semble en voie d'être concrétisée, ce dont je me réjouis puisque vous présidez vous-même, madame la ministre, le conseil de gestion du FNDVA.
Je ferai maintenant quelques observations.
Premièrement, le budget de la jeunesse et des sports marque un soutien affirmé à la création de nouveaux emplois.
En 1999, il ne sera pas créé d'emplois budgétaires nouveaux, mais les principales mesures en faveur de l'emploi concerneront les moyens d'interventions auprès des associations et du milieu sportif, en direction des jeunes.
Le ministère de la jeunesse et des sports mettra en place, en 1999, un dispositif d'accompagnement des emplois-jeunes.
Le ministère a en effet signé 23 accords-cadres avec de nombreuses fédérations et associations, correspondant à la création attendue de 15 000 emplois en fin d'année 1998, soit un large dépassement de l'objectif initial.
Si ces emplois sont financés sur le budget du ministère de l'emploi et de la solidarité, le ministère de la jeunesse et des sports devrait toutefois soutenir ce dispositif par des mesures de formation et de professionnalisation, pour un coût total de 26,5 millions de francs.
En 1998, le plan Sport-emploi avait bénéficié d'un doublement de ses crédits pour atteindre 117 millions de francs.
Pour 1999, une mesure nouvelle de 20 millions de francs devrait permettre la création de 300 emplois.
L'an dernier, j'estimais qu'une réflexion devait s'engager afin d'instaurer une cohérence entre ce dispositif et celui des emplois-jeunes, dans la mesure où le public et les associations visés par le plan Sport-emploi pouvaient entrer dans le cadre plus favorable du plan d'emploi des jeunes.
Il apparaît qu'en 1998 la mise en application des dispositions « nouvelles activités pour l'emploi des jeunes » a effectivement conduit le ministère de la jeunesse et des sports à revaloriser le régime d'intervention du plan Sport-emploi en augmentant le montant et la durée du financement avec effet sur les contrats déjà conclus.
Deuxièmement, une politique volontariste sera conduite en faveur de l'insertion des jeunes.
Le ministère de la jeunesse et des sports mettra en place une série de dispositifs destinés à permettre l'accès des jeunes aux activités sportives et associatives.
Le ticket-sport devrait permettre à des jeunes de découvrir des activités sportives pendant les vacances scolaires.
Le coupon-sport, délivré par les directions départementales de la jeunesse et des sports, servira à abaisser les coûts d'adhésion aux clubs sportifs. Sur le même modèle, un coupon-loisirs devrait permettre de leur faciliter l'accès aux activités sportives ou culturelles.
Enfin, les fêtes du sport et de la jeunesse permettront de continuer l'action entreprise en 1998 sous la forme d'animation autour de la Coupe du monde, en direction d'un public moins favorisé.
Une nouvelle impulsion a été donnée à la politique de la jeunesse avec les rencontres nationales de la jeunesse à Marly-le-Roi en novembre 1997. Un Conseil permanent de la jeunesse et des conseils départementaux ont été créés au début de l'année 1998 pour suivre la mise en oeuvre des mesures annoncées et faire de nouvelles propositions.
Par ailleurs, le réseau d'information jeunesse sera modernisé grâce à une mesure nouvelle de 10 millions de francs.
Enfin, un guide des droits des jeunes sera diffusé. Cette mesure correspond à une décision prise lors des rencontres nationales de la jeunesse.
Toutes ces initiatives ont pour objet de faire connaître à la jeunesse ses droits et de favoriser son intégration dans la société.
Troisièmement, une réorganisation des rythmes de vie et des contrats locaux est prévue.
Pour 1999, le ministère propose de fondre l'ensemble des contrats locaux existants - l'aménagement des rythmes de vie de l'enfant et du jeune, l'ARVEJ, les contrats d'animation rurale, les CAR, les contrats locaux d'animation, de sports, d'expression et de responsabilité, les LASER, les projets locaux d'animation jeunesse, les PLAJ, les projets locaux d'animation sportive, les PLAS - et de créer des contrats locaux éducatifs et sociaux, les CLES, pour les jeunes jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans.
La fusion de l'ensemble des contrats locaux en un seul dispositif aura l'avantage de rendre plus lisible la politique de contractualisation du ministère de la jeunesse et des sports avec les collectivités locales et d'optimiser les moyens de l'Etat. En 1998, un pemier rapprochement avait eu lieu entre ces contrats aux caractéristiques très proches, préfigurant une fusion de ces dispositifs.
Au sein du CLES figure le contrat éducatif local, le CEL, qui a été défini par l'instruction interministérielle du 9 juillet 1998 et qui concerne l'aménagement des rythmes de vie de l'enfant.
De 1995 à 1997, les crédits consacrés à l'aménagement des rythmes scolaires avaient connu une montée en puissance, et le ministère de la jeunesse et des sports avait souhaité que l'année 1998 soit une année de transition et d'évaluation du dispositif.
En effet, le financement du dispositif d'aménagement des rythmes de vie montre une prédominance de la part des communes - 55 % - et du budget de la jeunesse et des sports - 25 % -, les autres ministères, ceux de l'éducation nationale et de la culture, entre autres, contribuant au total à moins de 5 % du coût du dispositif.
L'année scolaire 1997-1998 a donc permis une réflexion interministérielle qui a abouti à la création de ces contrats éducatifs locaux. Ces nouveaux contrats devraient ainsi permettre d'adapter la participation financière du ministère de la jeunesse et des sports selon les projets et de ne prendre en charge que le temps périscolaire et extrascolaire.
Quatrièmement : la pousuite de la moralisation de la pratique sportive par la lutte contre le dopage.
Comme en 1998, le projet de budget pour 1999 comporte un certain nombre de mesures nouvelles destinées à accroître les moyens de la lutte antidopage. Au total, 14,5 millions de francs supplémentaires seront consacrés à cet objectif, soit une augmentation des crédits de 58 %.
Ayant mené une mission de contrôle sur les crédits du Laboratoire national de dépistage du dopage, je note que, contrairement à 1998, année où la subvention de fonctionnement avait été doublée, les moyens du laboratoire ne seront pas relevés en 1999. Je souhaite donc que l'effort en matière de lutte contre le dopage puisse se prolonger dans les années à venir, mais je tiens, madame la ministre, à saluer votre détermination dans ce domaine.
Cinquièmement : le bilan de la Coupe du monde est une histoire un peu inachevée, puisque, au total, son organisation aura coûté 9,4 milliards de francs, dont 5,4 milliards de financements publics et 3,1 milliards de financement pour l'Etat.
Même s'il n'est pas encore possible d'établir un bilan détaillé des répercussions de la Coupe du monde sur l'économie française, il est certain que les dépenses d'investissement associées ont permis de rénover le patrimoine sportif de la France. Cependant, la Coupe du monde pèse encore pour plus de 50 millions de francs dans le projet de budget pour 1999.
Tout d'abord, le ministère versera le solde de la subvention aux villes organisatrices pour leurs actions d'animation ; ensuite, et c'est un réel problème, il devra assumer le coût budgétaire provenant de l'absence de club résident du Stade de France.
En effet, en application du contrat de concession conclu le 29 avril 1995 entre l'Etat et la société Consortium Stade de France, le concédant garantit la présence au Stade de France d'un ou plusieurs clubs résidents de football. A défaut, une indemnité compensatrice de préjudice égale à 50 millions de francs jusqu'en 2000 et 68 millions de francs les années suivantes devra être versée. Comme je l'avais déjà indiqué l'an passé, il est urgent de trouver une solution afin que l'Etat n'ait pas à prendre en charge le coût du fonctionnement de l'ouvrage pour les années à venir.
Avec 4 milliards de francs, les moyens accordés à la jeunesse et aux sports pour 1999 sont globalement satisfaisants. Ce budget témoigne d'une volonté de faire du ministère de la jeunesse et des sports un instrument d'action au service de la jeunesse, mais aussi le fer de lance de la moralisation du sport - à travers la lutte contre le dopage - et de la promotion du sport pour tous.
Toutefois, les critères de répartition entre les actions financées sur crédits budgétaires et celles des comptes spéciaux du Trésor restent encore à préciser, de même que la nomenclature budgétaire.
Il est enfin possible de regretter que l'effort d'investissement réalisé à l'occasion de l'organisation de la Coupe du monde de football ne soit pas complètement poursuivi en 1999, tant le patrimoine sportif exige des efforts importants d'entretien et de rénovation.
En conclusion, mes chers collègues, je vous indique que la commission des finances vous propose d'adopter le budget de la jeunesse et des sports sous réserve de deux amendements - que, à titre personnel, je regrette -...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ils sont symboliques !
M. Michel Sergent, rapporteur spécial. ... réduisant l'augmentation des crédits des titres III et IV de ce budget. Mais nous y reviendrons ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. James Bordas, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet du budget pour 1999 de la jeunesse et des sports, qui s'élève à 3 021 millions de francs, bénéficie d'une nette augmentation de ses crédits et du dégagement de marges de manoeuvres nouvelles, puisqu'il n'est plus obéré, comme il l'a été pendant quatre ans, par les dépenses liées à la Coupe du monde de football.
Nous nous en souvenons tous, mes chers collègues, mon prédécesseur, M. François Lesein, avait coutume de rappeler que ces dépenses exceptionnelles devaient recevoir des financements exceptionnels et non peser sur le budget du ministère et sur le FNDS.
C'est une remarque que nous avons faite à tous les gouvernements, et que nous pouvons réitérer à celui d'aujourd'hui, à propos des dépenses d'indemnisation de l'exploitant du Stade de France - 52 millions de francs pour 1999. Est-il normal que ces dépenses soient à la charge du budget de la jeunesse et des sports ? Je pourrais d'ailleurs faire la même observation à propos du budget de fonctionnement du futur Conseil de prévention et de lutte contre le dopage.
Néanmoins, madame la ministre, votre ministère retrouvera en 1999 une aisance qu'il n'avait pas connue depuis plusieurs années, et ce n'est pas une mauvaise chose.
Cependant, comme le rappelait en commission notre collègue Jean-Pierre Fourcade, l'augmentation des dépenses ne suffit pas à faire un bon budget, et le vôtre, madame la ministre, ne nous satisfait pas entièrement.
Certes, il comporte, et nous le reconnaissons volontiers, des aspects positifs.
Nous apprécions ainsi l'effort fait pour soutenir la rénovation du patrimoine sportif des collectivités territoriales et des associations. Cet effort est bien nécessaire et devra être poursuivi : le montant total des travaux de rénovation des équipements sportifs locaux est estimé à quelque 40 milliards de francs.
J'ajoute, madame la ministre, qu'il serait vain de vouloir créer des emplois sportifs durables si l'on ne développe pas les investissements sportifs.
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. James Bordas, rapporteur pour avis. Nous approuvons aussi l'effort de remise en ordre des contrats d'animation locale, dont nous espérons qu'il se traduira par une simplification bien nécessaire, et aussi par un financement plus équilibré des actions d'aménagement du temps de l'enfant, actuellement supportées à 55 % par les communes.
Enfin, nous approuvons, bien sûr, l'augmentation des crédits de lutte contre le dopage - mais nous reparlerons de ce sujet la semaine prochaine. Je voudrais cependant insister sur la nécessité de progresser rapidement dans la mise en place du suivi médical des sportifs de haut niveau.
Mais, à côté de ces aspects positifs, nous avons aussi eu l'impression, madame la ministre, que cette aisance retrouvée faisait un peu oublier la nécessité d'optimiser la gestion des crédits et de resserrer les priorités du ministère de la jeunesse et des sports.
Nous nous inquiétons, par exemple, de l'augmentation des dépenses d'administration générale, qui représentent le tiers du budget, ce qui est beaucoup.
Nous nous interrogeons aussi sur le foisonnement des initiatives, et sur la multiplication des dispositifs qui ne peut qu'être préjudiciable à leur efficacité.
Pour les initiatives, je prendrai l'exemple du projet « 1, 2, 3... à vous de jouer ». Il est à coup sûr très sympathique, mais avec les crédits qui lui seront consacrés - 17 millions de francs au total - n'aurait-on pu soutenir un grand nombre de petits projets locaux d'animation ou de projets présentés par des jeunes ?
Pour les dispositifs, je prendrai l'exemple du coupon-sport et du coupon-loisirs. Je suis tout à fait favorable au développement des aides à la personne. Mais ces nouvelles aides ne s'analysent-elles pas, finalement, comme des aides indirectes aux fédérations ou aux organismes de loisirs ? Et a-t-on étudié leur cohérence avec les aides, souvent beaucoup plus importantes, qu'accordent les collectivités territoriales ou les caisses d'allocations familiales ?
Pour ces raisons, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles n'a pu approuver sans réserves le budget pour 1999 de la jeunesse et des sports ; elle s'en remettra à la sagesse du Sénat pour son adoption ou son rejet. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 10 minutes ;
Groupe socialiste : 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 23 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Le budget que vous nous présentez aujourd'hui, madame la ministre, renoue avec la hausse, après une baisse de 2,1 % l'année écoulée.
Cette hausse, appréciable, permet de remettre les compteurs à zéro par rapport au budget pour 1997. Cette hausse, je l'espère, ne sera pas amputée une fois encore par des annulations de crédits en cours d'année étant donnée la faiblesse des crédits en valeur absolue au regard de l'importance du secteur de la jeunesse et des sports pour la cohésion sociale de notre pays.
Je souhaiterais formuler quatre remarques à l'égard de la politique que vous proposez de financer au travers de ce budget.
Tout d'abord, je tiens à reconnaître à sa juste valeur l'effort que vous menez en faveur du regroupement fonctionnel des services déconcentrés, regroupement visant à réunir les directions régionales et départementales implantées dans une capitale régionale.
Une telle mesure facilitera la lisibilité des services par les usagers.
Je ne peux que vous encourager dans cette voie, que beaucoup de vos collègues pourraient d'ailleurs suivre.
Je souhaiterais toutefois obtenir des garanties quant au caractère global de ces regoupements. Il me semble important, en effet, de ne pas se cantonner à un simple regroupement « physique » de ces structures déconcentrées, mais aussi et surtout de procéder à une réorganisation du service même afin d'en améliorer la qualité et de devenir de plus en plus efficace.
Par ailleurs, la poursuite de l'effort de contractualisation des relations entre votre administration centrale et les services déconcentrés va, à mon sens, dans la bonne direction et constitue une voie intéressante d'amélioration du service public.
Il convient, néanmoins, de prendre garde à ce qu'une telle mesure de contractualisation ne serve pas de prétexte à une réduction globale des crédits alloués à un ministère déjà faiblement doté.
Je vous encourage donc à poursuivre cet effort de réorganisation.
Toutefois, permettez-moi de souligner un certain nombre de contradictions de la politique que vous menez dans ce domaine.
Ainsi, parallèlement à cet effort de rationalisation et de simplification, vous mettez en place, cette année, de nouveaux dispositifs d'une lourdeur et d'une certaine complexité comme la nouvelle opération « 1, 2, 3... à vous de jouer », destinée à prolonger l'esprit de la Coupe du monde en organisant des actions et des animations visant à impliquer les jeunes. L'idée est louable mais la méthode est critiquable. Vous prévoyez en effet que les candidatures seront examinées par un comité national de parrainage qui sélectionnera les projets.
Pourquoi ne pas suivre sur ce point également le mouvement de déconcentration en examinant les dossiers à l'échelon local ?
Le second point que je souhaite aborder concerne la contribution de votre ministère à la politique de l'emploi.
Le secteur associatif constitue sur ce point un gisement potentiel extraordinaire. Ainsi, pour le seul secteur sportif, on estime que les 170 000 associations existantes peuvent rémunérer 15 000 animateurs vivant de ce salaire à titre principal et 100 000 autres à titre complémentaire.
Je reviendrai sur les engagements financiers associatifs dans quelques instants.
Vous poursuivez le financement à concurrence de 20 millions de francs en mesures nouvelles du plan sport-emploi créé par votre prédécesseur Guy Drut, plan qui a largement prouvé son efficacité. Les chiffres l'attestent : entre 1996 et 1998, ce plan a permis de créer 4 425 emplois.
Le principe sur lequel repose ce plan est, en effet, intelligent et parfaitement adapté aux attentes des associations en réduisant le coût des emplois créés et en simplifiant les formalités administratives.
Vous poursuivez également le financement de postes FONJEP - Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire - visant à la rémunération d'animateurs permanents mais, malheureusement, à un niveau nettement inférieur à celui de 1998, puisque vous ne prévoyez que 132 postes nouveaux contre 350 en 1998, ce qui est dommage.
Le financement de ces deux dispositifs, plan sport-emploi et postes FONJEP étant en recul, on peut se demander si vous ne procédez pas, de cette façon, à un transfert de crédits vers les emplois-jeunes. Il est ainsi à craindre que vous ne déshabilliez Pierre pour habiller Paul, ce qui serait regrettable.
En effet, les emplois-jeunes, contrairement aux deux dispositifs précédents, posent un grave problème de compétence, notamment au niveau des animateurs ou des entraîneurs, et ce malgré les crédits de formation nouvellement inscrits au budget. On ne peut laisser l'animation entre les mains d'amateurs qui, pour certains, découvrent la vie associative, au risque de voir se reproduire des drames que les médias nous rappellent régulièrement ; le stage de voile en Bretagne nous a tous très fortement interpellés en tant que responsables.
C'est pourquoi, nous souhaiterions, madame la ministre, obtenir l'assurance que le plan sport-emploi et les postes FONJEP ne sont nullement menacés par le plan emploi-jeunes, qui, comme le démontre un récent article paru dans un grand quotidien du soir, commence déjà à susciter des problèmes en matière de formation, mais aussi un sentiment d'inquiétude et de désarroi de la part des jeunes concernés quant à leur avenir à l'issue des cinq ans.
Mme Hélène Luc. Ne votez pas les suppressions de crédits, alors !
M. Joseph Ostermann. Nos associations attendent de vous une politique en faveur de l'animation véritablement offensive. Il convient de ne pas les décevoir, car les animateurs constituent le socle de la vie associative et se sentent terriblement négligés. Les collectivités locales ne peuvent, à elles seules, porter l'animation et la vie associative.
Par ailleurs, s'il est important d'exploiter les gisements potentiels d'emplois et de professionnaliser les associations, il convient néanmoins de préserver et d'encourager le bénévolat, vecteur de valeurs essentielles telles que le don de soi. Le bénévolat constitue l'action de proximité par excellence, mais les réglementations et les responsabilités à assumer découragent les bénévoles.
Je sais, madame la ministre, que vous êtes chargée d'un travail de réflexion et de proposition sur le statut du bénévolat que vous devez présenter en janvier. Les bénévoles assument un patient mais de plus en plus coûteux travail de lien social au côté des élus locaux.
Cette reconnaissance et cette valorisation doivent, à mon sens, passer par l'adoption de plusieurs mesures fortes telles que la définition d'un mécanisme général de couverture des risques encourus par les bénévoles au cours de leur activité, à savoir une protection sociale moyennant une cotisation forfaitaire unique.
Il convient par ailleurs de leur reconnaître certains droits positifs tels que la prise en compte dans le calcul des droits à la retraite des années de travail effectuées de manière volontaire et représentant un apport pour la collectivité.
Attention toutefois ! L'exemple des sapeurs-pompiers ne doit pas, madame la ministre, vous inspirer. En effet, l'administration et le Gouvernement décident ; les collectivités locales, quant à elles, paient notamment les allocations de vétérance.
Ne pourrait-on pas enfin encourager les entreprises à favoriser la participation de leurs salariés à la vie associative en leur permettant d'inclure dans leurs dons déductibles au sens du code des impôts les salaires et charges correspondant aux absences de leurs salariés pour raison associative ?
Vous paraît-il envisageable, au regard de la réflexion que vous menez actuellement, de mettre en oeuvre de telles mesures ?
Enfin, j'ai appris qu'une récente décision du Conseil d'Etat du 30 novembre dernier aurait annulé le décret du 8 août 1996, qui permettait aux clubs sportifs d'ouvrir des buvettes dans les stades au cours de dix manifestations sportives par an.
Si cette décision devait être confirmée, c'est l'équilibre financier, déjà bien fragile, et le dynamisme de notre vie associative et sportive qui seraient gravement menacés.
Le décret d'août 1996 permettait de concilier les objectifs de santé publique et la préservation des ressources des petits clubs.
Madame la ministre, que l'on arrête d'opposer le fonctionnement des buvettes à la santé publique ! M. Evin ne connaissait sans doute pas les zones rurales où, autour d'un club house , s'articule l'animation de nombreuses petites communes dans lesquelles, trop souvent, le dernier restaurant a disparu. Il faut modifier cette loi, dont les dispositions sont totalement hypocrites.
En effet, l'équilibre enfanté dans la douleur de débats parlementaires houleux, voilà deux ans, serait ainsi brisé au détriment des associations sportives, dont chacun d'entre nous connaît le rôle majeur dans le développement de la convivialité et en matière d'intégration. Les associations constituent un vecteur irremplaçable de la formation de nos jeunes, mais aussi de l'animation de nos villes et de nos villages.
Compte tenu des conséquences particulièrement graves qu'aurait une telle décision, pouvez-vous nous dire ce qu'il en est vraiment, ainsi que ce que vous comptez faire pour régler cette question ?
Pour terminer, je souhaite évoquer l'épineuse question du financement de l'entretien et de la rénovation des équipements sportifs et socio-éducatifs des collectivités locales et des associations. Pour 1999, il est prévu 60,3 millions de francs, soit, si l'on ne tient pas compte des crédits exceptionnels votés pour la Coupe du monde, plus du double par rapport à 1998. C'est un effort important, mais je tiens malgré tout à émettre deux réserves.
Premièrement, pouvez-vous nous assurer, madame la ministre, que cette augmentation des crédits ne sera pas amputée par des annulations et des reports en coursd'année, comme ce fut le cas pour 1998, avec des conséquences fâcheuses telles que l'absence de réalisation des opérations prévues de rénovation des centres de vacances et de loisirs ?
Deuxièmement, malgré cette progression, ces crédits sont malheureusement bien insuffisants au regard de l'ampleur des besoins de rénovation du parc sportif français : la moitié des salles de sport, les trois quarts des patinoires et la plupart des piscines ont plus de vingt ans. Ces installations souffrent ainsi de l'effet conjoint du vieillissement, des lacunes de la maintenance et de l'évolution incessante des normes de sécurité notamment.
En outre, comme le souligne une étude récente, la seule mise à niveau sur le plan de la sécurité, de l'hygiène, de la santé et de l'environnement, hors modernisation, coûterait 40 milliards de francs.
Or les communes, selon une enquête de l'Association des maires de France, sont déjà le premier financeur public du sport, avec 27 milliards de francs en 1997, soit 28,9 % du total de la dépense sportive.
Il apparaîtrait donc tout à fait normal qu'elles soient davantage soutenues par l'Etat dans ce domaine, d'autant plus que votre ministère nous oppose régulièrement des circulaires, des instructions, des transformations, toutes à la charge des communes, qu'il s'agisse de piscines, de terrains de jeux, d'agrès sportifs, des buts de terrains de football, de handball ou des paniers de basketball. Les réglementations européennes se superposent aux réglementations nationales, tout cela devient lassant !
Ne pourriez-vous pas dégager des moyens plus importants en réglant le problème de l'occupation du Stade de France, qui grève considérablement votre budget, l'Etat devant verser une indemnité compensatrice d'un montant de 50 millions de francs jusqu'en 2000, puis de 68 millions de francs les années suivantes ? A situation exceptionnelle, financements exceptionnels ! Comment entendez-vous régler cette question ?
En conclusion, madame la ministre, sous réserve de réponses aux divers éclaircissements que j'ai demandés et de l'adoption des amendements qui nous seront soumis, je voterai votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants).
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le miroir sportif de l'année qui s'achève resteront gravés des événements d'une rare intensité et d'une rare portée pour toute la France. L'année 1998 aura confirmé, si besoin était, que le domaine de responsabilité qui est le vôtre, madame la ministre, se voit investi en permanence d'une actualité fertile en faits de société aux retentissements multiples.
Dans la hiérarchie des exploits, la Coupe du monde de football, avec la victoire inoubliable de l'équipe d'Aimé Jacquet et avec une organisation remarquablement réussie, l'emporte à coup sûr. La France en est fière !
Dans le même temps, et à l'opposé, il y a, hélas ! le dopage, avec des développements très préoccupants, mais aussi, comme élément positif, la dislocation du mur du silence que vous contribuez à briser par votre action courageuse.
Et puis, si l'on considère la dimension jeunesse de votre ministère, il y eut ce formidable mouvement lycéen d'octobre, qui interpelle toute la société avec sa lucidité et son exigence citoyenne de considération et d'avenir ! On y retrouve les aspirations déjà exprimées dans les rencontres locales et nationales que vous avez organisées l'an passé, qui se prolongent dans les comités créés dans les départements et qui se trouvent traduites dans votre politique, comme les 20 000 emplois-jeunes de votre ministère, pour lesquels il faut vraiment consolider le volet formation. C'est ce que vous proposez en inscrivant 26 millions de francs à cette fin, nous nous en réjouissons.
Concernant les filières de formation aux métiers du sport, pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, où en est le projet de réforme, sachant que les étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives, STAPS, et les responsables universitaires et sportifs sont évidemment très intéressés.
Bien d'autres exploits, bien d'autres palmarès nationaux et internationaux pourraient venir compléter ce tableau.
Mais, loin des projecteurs et des médias, partout, de la capitale au petit village, il y a le mouvement sportif et associatif avec ses millions de participants, de dirigeants et d'éducateurs qui déploient souvent dans l'anonymat et le bénévolat, tout à la fois, leur enthousiasme, leur dévouement et leur abnégation. Ce grand mouvement fonde, en complémentarité de la haute compétition, un socle solide et irremplaçable pour l'épanouissement humain, la solidarité et la cohésion sociale.
Domaines passionnants et complexes à la fois, dans lesquels s'entrechoque le poids de l'argent, des médias, de comportements et de valeurs humaines élevées, le sport et la jeunesse appellent sans contexte une action forte, cohérente, lisible et assise sur des moyens significatifs. La progression de votre budget franchissant la barre des 3 milliards de francs - c'est une première ! - en est, à cet égard, un signe tangible.
Madame la ministre, depuis votre prise de fonctions, vous impulsez des orientations, vous ouvrez et conduisez des chantiers, vous prenez des décisions et des mesures qui portent la marque d'une véritable politique du sport et de la jeunesse que notre pays attendait.
Ne disposant que de quelques minutes, je ne peux entrer dans une analyse détaillée de votre budget, mais je tiens à faire ressortir les créations de 300 emplois aux associations sportives, les 132 postes FONJEP rompant avec les suppressions des années antérieures, ainsi que la progression de 58 % des crédits pour lutter contre le dopage. Des crédits d'investissements nouveaux pour les équipements des collectivités territoriales soulageront ces dernières, mais leurs contributions restent trop élevées encore, compte tenu de leurs ressources.
Nous apprécions votre volonté de développer le droit des jeunes aux loisirs et au sport et d'engager des initiatives, afin de ne pas laisser retomber l'enthousiasme suscité par le Mondial.
Votre budget est sous-tendu par une affirmation de mission de service public. Nous apprécions le retour de cette ligne directrice, dont il n'aurait jamais fallu s'écarter.
Je souhaite également attirer votre attention sur l'importance du travail engagé, et même très avancé, sur le projet de loi relatif au sport. Celui-ci est très attendu du mouvement sportif. Les dispositions qu'il prévoit et qui ont été élaborées dans le cadre d'une concertation approfondie et à laquelle vous avez associé, dès le départ, la représentation parlementaire, je veux le souligner, sont de nature à répondre à des questions cruciales sur l'évolution et le devenir du sport, dans nombre de ses dimensions.
C'est pourquoi je me fais l'interprète de nombreux partenaires pour demander avec insistance que soit débattu au Parlement, et dans les délais les plus rapprochés possible, ce texte important. Il y a urgence, en effet, sur de nombreux sujets.
Madame la ministre, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen avaient prévu de voter le budget de la jeunesse et des sports tel que vous le proposez. C'était sans compter sur une majorité sénatoriale qui, emportée par sa frénésie ultralibérale (Protestations sur les travées du RPR),...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mais non !
Mme Hélène Luc. ... n'a de cesse, au cours de cette session budgétaire, d'opérer des coupes aveugles sur les dépenses publiques utiles. Mais vous pouvez encore vous rattraper ! (Sourires.)
La commission des affaires culturelles du Sénat a souvent, je le dis sincèrement, fait preuve d'esprit de responsabilité. Je vous demande, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, de retirer vos amendements de suppression des crédits. Je veux croire que la sagesse que notre rapporteur a recommandée l'emportera.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous en parlerons tout à l'heure !
Mme Hélène Luc. Mesdames, messieurs de la droite, si vous votez ces amendements, il faudra bien aller vous expliquer devant les dirigeants de vos clubs sportifs et devant les jeunes de vos communes ! Cela n'empêchera pas pour autant vos amis - mais ils n'en sont plus à une contradiction près - de se plaindre, localement, de l'insuffisance des dotations budgétaires.
Si vous maintenez vos amendements - mais j'ai bon espoir (Sourires), puisque, pour le budget de l'agriculture, la commission des affaires économiques a retiré l'amendement qu'elle avait déposé - nous voterons contre le contre-budget de la majorité sénatoriale et les graves suppressions de crédits qu'il prévoit.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous voterez contre le budget !
Mme Hélène Luc. Madame la ministre, revenons au projet de budget initial, le vôtre. La plupart des lignes qui y figurent, même si on souhaite toujours plus - et il faudrait plus ! - portent la marque d'un renversement de tendance prometteur autant que nécessaire, et je veux vous en féliciter. Votre budget vient conforter une action dans laquelle on reconnaît, à l'instar de celle qui a abouti à la grande victoire de juillet, la détermination, la sincérité et l'authenticité.
Notre soutien vous est assuré, madame la ministre, et, après la réussite de cette première étape, nous voulons vous encourager à prolonger l'effort pour faire gagner tout le sport et répondre aux espoirs de la jeunesse. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures quinze.)