Séance du 5 décembre 1998







La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Madame la ministre, mes chers collègues, je souhaiterais aborder avec vous deux aspects significatifs des difficultés de ceux qui ont en charge la culture dans notre pays - en dehors de vous, naturellement, madame la ministre - notamment les collectivités territoriales. Je veux parler du statut des structures culturelles et de la fiscalité des associations.
Nous savons bien que le caractère associatif résulte très souvent de l'absence de statut juridique adapté. C'est le cas de l'école supérieure d'art du Fresnoy, devenue « Le Fresnoy, studio national des arts contemporains », qui attend toujours l'adoption de statuts publics adaptés à ses missions. On lit même, madame la ministre, dans un rapport de l'inspection générale des affaires culturelles, que la structure n'a jamais été créée et qu'elle n'existe pas en tant qu'institution, même si elle existe matériellement et fonctionnellement. La voilà devenue en quelque sorte un « sans-papiers » parmi les structures culturelles.
Le maintien d'un statut associatif est un pis-aller qui entraîne d'importantes difficultés : retards de versements et diminution de subventions malgré leur inscription au contrat de plan Etat-région ; absence de présidence, puisque la présidence étant prévue en alternance par la convention Etat-région, désormais le représentant de l'Etat ne siège plus dans l'exécutif des structures ; impossibilité pour la structure d'obtenir la qualification d'« école nationale supérieure », celle-ci étant notamment conditionnée à l'adoption du statut d'établissement public, qui nous est refusé par ailleurs. Vous voyez qu'Ubu n'est pas mort.
Pourtant, Le Fresnoy tourne à plein régime depuis la rentrée : effectifs d'étudiants complets sur les deux promotions, ouverture permanente au public.
L'autre inquiétude des associations culturelles, mais aussi des élus locaux car il ne faut pas oublier que derrière ces associations le plus souvent se trouvent des communes, des départements et de régions, est celle qui a trait à la fiscalité des associations. Celle-ci reste unobstacle en dépit de la circulaire du 15 septembre dernier. N'étant plus assujetties à la TVA à taux réduit, les associations culturelles perdront leurs crédits de TVA et, en outre, seront assujetties dans le même temps à la taxe sur les salaires.
Dans un secteur où l'essentiel de l'activité repose sur un fort taux de main-d'oeuvre et donc sur une masse salariale importante, la perte pour des structures importantes pourra dépasser plusieurs millions de francs.
Cette mesure pèsera donc sur l'emploi et ira à n'en pas douter renforcer encore les rangs des intermittents du spectacle. Autant d'éléments qui ne serviront pas à la création culturelle dans notre pays.
La circulaire du 15 septembre met gravement en péril l'existence des associations culturelles et, une nouvelle fois, va pénaliser les collectivités qui les subventionnent largement.
Ces deux questions méritent que l'on s'attelle à répondre vite à une harmonisation des structures culturelles.
Le statut associatif répond par défaut, serais-je tenté dire de, aux missions culturelles, les structures en régie directe manquent de souplesse et ne sont pas adaptées aux particularités de la vie culturelle. A cette fin, madame la ministre, j'ai déposé, vous le savez, une proposition de loi créant une nouvelle catégorie de structure : les établissements publics à caractère culturel.
Peut-être ce texte est-il à parfaire. Néanmoins, il est réellement urgent de légiférer en la matière, afin d'aboutir à un système mixant fonds publics, fonds privés, personnel de droit public, personnel de droit privé, et qui permettrait de sortir souvent de la précarité du statut associatif, le statut d'établissement public culturel mariant la souplesse de fonctionnement d'une association et la rigueur de gestion d'un établissement public. Encore que le statut associatif ne soit pas synonyme de dérive dans la gestion.
Je connais de nombreuses associations qui sont gérées de façon exemplaire. Je pense en particulier aux grands orchestres symphoniques. M. le président. Par amendement n° II-9, M. Gaillard, au nom de la commission des finances, propose de réduire les crédits du titre IV de 47 837 973 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Cet amendement est le petit frère du précédent et il sera sans doute aussi détestable pour madame le ministre.
Je ne reprendrai pas la théorie qu'a développée avec le talent qu'on lui connaît M. le rapporteur général tout au long de la journée et je dirai simplement que cet amendement vise à réduire de 1 % les crédits inscrits au titre IV, soit de plus de 47 millions de francs.
M. le président. Madame le ministre, à vingt-trois heures quinze, estimez-vous nécessaire de reprendre votre raisonnement ou adoptez-vous la même position que précédemment ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je souhaite m'exprimer, monsieur le président.
M. le président. Je m'efforçais seulement de vous et de nous ménager.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, lorsque l'on attaque le budget de la culture, je ne saurais me taire. Et, puisque M. le rapporteur général s'entête, je m'entêterai plus encore.
M. Yann Gaillard, en présentant cet amendement, me paraissait triste, et s'il était réellement triste, je comprendrais sa tristesse. En effet, si l'on est honnête envers soi-même, on ne peut pas défendre de bon coeur, on ne peut pas défendre autrement qu'en service commandé un tel amendement.
Cet amendement vise en effet à contester des mesures nouvelles en proposant des économies sur les crédits inscrits au titre IV. Or ce titre est le plus fragile puisqu'il concerne l'action culturelle, c'est-à-dire les institutions qui sont en contact avec le public.
Annuler près de 48 millions de francs de mesures nouvelles par rapport à ce qui est présenté dans le projet de loi de finances pour 1999 reviendrait à ne prévoir aucun moyen nouveau pour les enseignements artistiques.
Mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d'entre vous m'ont reproché de ne pas en faire assez en faveur de l'enseignement artistique. Mais voter cet amendement reviendrait à supprimer tous les moyens.
Adopter un tel amendement reviendrait également à ne prévoir aucun moyen nouveau pour les exclus, pour les plus démunis d'entre nous. Si l'on estime que la culture doit, comme le stipule la Constitution, être un droit fondamental pour tous, je considère que cet amendement porte atteinte au droit constitutionnel de l'accès pour tous à la culture. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteurgénéral.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame le ministre, la culture : oui ! Mais l'immobilier : non ! Et le fait de regrouper des services qui attendent des locaux depuis de nombreuses années dans un immeuble qui sera, effectivement, parfaitement fonctionnel, ne nous dites pas que c'est lutter contre l'exclusion, parce que ce n'est pas vrai. (Protestations sur les travées socialistes.)
Quand une entreprise, quelle qu'elle soit, est en difficulté et qu'elle doit concentrer ses moyens sur ce qui est essentiel, elle fait des économies sur son siège social. Et c'est, je crois, ce que vous devriez faire vous aussi, en tant que ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. C'est ce que je fais !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous en prie ! Pour un coût d'investissement de 395 millions de francs, il est indiqué dans la fiche de réponse à notre questionnaire, que « l'opération peut donc être tenue pour financée avant actualisation ».
Je ne sais pas ce que veut dire « avant actualisation », surtout si je me refère à une opération précédente, à la réinstallation, fort belle - oh, oui ! fort belle - de la direction des musées de France, rue des Pyramides.
Je ne sais plus quel était le devis initial, mais je sais que le devis final en a été très éloigné. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-9.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Réduire de 47,8 millions les crédits d'intervention du titre IV, c'est priver de 1 % de leurs moyens les institutions culturelles et donc, en définitive, les artistes. A moins que vous ne proposiez, monsieur le rapporteur général, que l'on réduise les crédits de la formation aux disciplines culturelles dont votre collègue, M. Maman, demandait il y a un instant, avec conviction, un renforcement important des moyens.
Cet amendement, comme le précédent, nous semble, en fait, être l'affirmation d'une position dogmatique. Et, monsieur le rapporteur général, cela ne vous surprendra pas, le groupe socialiste s'y opposera et demandera un scrutin public.
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. L'année dernière, avant son grand départ, le président Schumann, accueillant François Jacob à l'Académie française, avait eu cette expression : « Il y a une chose que l'on ne pardonne jamais, c'est de mépriser les rêves. »
Je trouve que les propositions répétées d'économies, avec toutes les arguties qui les entourent, sont vraiment du mépris pour les rêves. Nous voterons contre cet amendement.
M. Franck Sérusclat. Très bien !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Puisque l'on parle d'économies et que l'on a fait référence aux budgets des collectivités territoriales, je voudrais rassurer M. le rapporteur général quant au souci de bonne gestion qui est le mien.
En effet, ayant dirigé une collectivité, je n'ai cessé de la désendetter tout en augmentant le budget de la culture. Aujourd'hui, je fais la même chose dans les fonctions qui sont les miennes.
Si le budget de la culture dans la ville que j'ai pu diriger un temps est supérieur à 20 % du budget total, c'est par volonté politique et grâce à une bonne gestion. De même, lorsque je propose de reconduire l'arbitrage de M. Juppé sur le regroupement des services du ministère rue des Bons-Enfants, alors que je n'avais pas approuvé les coupes claires qu'il avait pratiquées dans le budget de la culture, s'agissant par exemple des crédits du patrimoine, c'est parce que c'est un vrai choix d'économies. Eviter une dépense de 40 millions de francs, par an en loyers et charges diverses, c'est une économie.
Se donner la possibilité de rembourser en dix ans un investissement - et un investissement n'est pas une mauvaise dépense - en rationalisant le travail des agents, en faisant des économies qui seront bien sûr reportées sur les exercices suivants jusqu'au terme des dix années de remboursement, je crois que c'est de la bonne gestion.
Je souhaite simplement redire ici qu'il faut tout de même réfléchir à ce choix alternatif que la commission des finances a proposé. On ne peut pas parler d'immobilier sans évoquer ce qui se passe à l'intérieur des bâtiments, sans se soucier de l'impact des décisions prises.
Cela voudrait dire que l'on décide de tout en une année, alors que nous devons construire un service public dans la durée, en nous souciant de la pérennité des investissements et du bien des Français.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-9, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des finances, l'autre, du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?..
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 43:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 314
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 213
Contre 101

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 966 290 000 francs ;