Séance du 6 décembre 1998
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'équipement, les transports et le logement : IV. - Mer.
La parole et à M. le rapporteur spécial.
M. Marc Massion, en remplacement de M. Claude Lise, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour la marine marchande. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la marine marchande a été présenté pendant plusieurs années par notre collègue René Régnault, avec une grande compétence. Je souhaitais rendre hommage à son travail, que j'évoquerai d'ailleurs au cours de la présentation.
Cette année, mon collègue Claude Lise devait présenter ce budget devant vous ; il en est empêché par des obligations impératives en Martinique et vous prie de l'en excuser. Je vous présente donc son rapport à sa place, en souhaitant être fidèle à ses remarques.
Le budget de la marine marchande correspond au fascicule « Mer » du budget de l'équipement, des transports et du logement, abstraction faite des crédits consacrés aux ports maritimes, que je vous présenterai tout à l'heure.
Ainsi définis, les crédits inscrits au budget de la marine marchande pour 1999 s'élèvent à 5,6 milliards de francs, en augmentation de 1 % par rapport au budget voté en 1998.
Cette très faible augmentation recouvre une évolution contrastée : les dépenses ordinaires progressent en effet de 4,1 % alors que les dépenses en capital régressent de 61,3 %. Cette situation s'explique essentiellement par les modifications du dispositif de soutien à la flotte de commerce.
Comme chaque année, le budget est représenté, à plus de 80 %, par la subvention de l'Etat au régime social des marins, géré par l'Etablissement national des invalides de la marine, l'ENIM, pour un total de 4,7 milliards de francs. Je ne reviens pas sur cette subvention, qui permet d'équilibrer un régime structurellement déséquilibré par la diminution des cotisants, mais aussi par les allégements de cotisations. Je note toutefois que la réforme du statut de l'ENIM, qui est actuellement une direction d'administration centrale gérant un établissement public administratif, a été abandonnée, et je le regrette, car le statut actuel est peu satisfaisant.
Mais les changements majeurs de ce budget concernent d'abord la flotte de commerce.
Le premier changement, c'est l'instauration d'un nouveau régime de soutien à la marine marchande.
Jusqu'à présent, le plan « Marine marchande » conclu en 1990 et reconduit jusqu'en 1997 s'appliquait. Il comprenait trois volets essentiels : l'aide à l'investissement, l'aide à la consolidation et à la modernisation - ACOMO - et le remboursement de la part maritime de la taxe professionnelle.
Cependant, la Commission européenne a demandé, en juillet 1997, que soit abandonnée la notion de subvention d'investissement, assise sur la valeur du navire.
Vous avez donc indiqué, monsieur le ministre, que le soutien à la flotte de commerce prendra exclusivement la forme de diminutions ou d'annulations de charges fiscales et sociales applicables aux marins des compagnies maritimes.
Le projet de budget pour 1999 intègre en effet un nouveau dispositif de remboursement par l'Etat des contributions sociales patronales afférentes aux risques vieillesse, maladie et accidents du travail versées aux organismes chargés du recouvrement de ces cotisations par les entreprises employant des personnels qui naviguent sur des navires de commerce battant pavillon français.
Sont éligibles au remboursement les entreprises directement confrontées à la concurrence internationale.
Le remboursement pourra aller jusqu'à la totalité des charges patronales, sous certaines conditions. L'effort des entreprises devra porter sur un plan de formation professionnelle continue, ainsi que sur la formation professionnelle initiale - embarquement des marins et officiers.
Ce lien entre une aide publique et des obligations de formation est très intéressant, notamment si l'on tient compte des exigences de la qualification professionnelle maritime. Toutefois, je souhaiterais que vous puissiez nous donner des explications complémentaires sur les critères exacts sur lesquels s'appuieront les décisions d'octroi des compensations de charges sociales.
Une autre question se pose. Dans le projet de budget pour 1999, 81 millions de francs sont prévus pour ce nouveau dispositif. Or, l'aide à la consolidation et à la modernisation et l'aide à l'investissement, qui sont supprimées, représentaient 173 millions de francs l'an dernier. Des crédits supplémentaires figureront dans le projet de loi de finances rectificative pour 1998, ces crédits étant reportés en 1999. Je souhaiterais que vous puissiez nous préciser le montant de ces crédits et les raisons pour lesquelles ils sont inscrits en loi de finances rectificative.
Enfin, le soutien à la marine marchande comprend désormais le système dit des « GIE fiscaux », adopté par la loi du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, système qui représente environ les deux tiers de l'avantage fiscal anciennement procuré par le dispositif des quirats.
Le deuxième changement concernant la flotte de commerce tient à des modifications issues de l'Union européenne.
La flotte de commerce française s'établit à 206 navires au 1er juillet 1998, pour une capacité de 6,4 millions de tonnes de port en lourd, soit encore une légère diminution par rapport au début de cette année.
Le déclin de notre flotte de commerce depuis vingt ans doit être enfin enrayé. Je remarque, à ce titre, que l'ensemble des pays ayant une vocation maritime ont un régime de soutien élaboré, souvent plus complet que le nôtre.
Or, vous le savez, 1999 risque d'être une année particulièrement difficile sur certains segments d'activité de notre flotte : la libéralisation définitive du cabotage intracommunautaire au 1er janvier pourra avoir une incidence sur certaines liaisons, comme celles de la société nationale Corse-Méditerranée, et la fin du régime de vente hors taxe au 1er juillet devrait mettre en difficulté les liaisons transmanche déjà fort éprouvées par la montée en puissance du trafic d'Eurotunnel. Je souhaiterais donc que vous puissiez nous apporter des précisions sur la politique que vous entendez mettre en oeuvre en faveur des compagnies maritimes concernées, monsieur le ministre.
En deuxième lieu, j'aborderai la question de l'enseignement maritime.
L'an dernier, le rapporteur du budget de la marine marchande, M. René Régnault, avait mené un travail très approfondi sur les écoles d'enseignement maritime.
Parmi ses observations, M. Régnault avait noté que l'entretien du patrimoine immobilier des écoles était insuffisant. Je remarque une légère augmentation des dotations pour 1999, mais insuffisante toutefois pour répondre à la réalité des besoins. Aussi serait-il souhaitable d'aller plus loin dans les prochains budgets. Une véritable rénovation est en effet indispensable, et il importe qu'elle soit réalisée le plus tôt possible.
Par ailleurs, au sein des décisions du comité interministériel de la mer du 1er avril dernier, figure le lancement d'une mission conjointe interministérielle en vue d'une intégration de l'enseignement maritime et aquacole à l'enseignement public.
Le lancement de cette mission est bienvenu, car la question du passage des personnels des écoles maritimes et aquacoles dans un statut public se pose depuis de nombreuses années et doit être résolue rapidement.
Dès 1996, un rapport rédigé par le directeur de l'administration générale et des gens de mer mettait en valeur la nécessité de ce passage sous statut public en stigmatisant les difficultés engendrées par le système actuel : le système est en effet compliqué, car les personnels relèvent de statuts juridiques divers ; il est rigide, car les contrats privés ne permettent pas une grande mobilité ; il est surtout coûteux, car les frais de gestion de l'association pour la gérance des écoles maritimes et aquacoles s'ajoutent à des salaires supérieurs à ceux du secteur public.
J'en viens maintenant à la question de la sécurité maritime.
Le domaine de la sécurité maritime a connu des évolutions majeures depuis quelques années. Suite à l'accident de l' Estonia , en 1994, une révision très importante des règles de sécurité a été établie en 1995 par l'Organisation maritime internationale, l'OMI. Toutes les mesures nouvelles sont applicables aux navires construits à partir du 1er juillet 1997.
De plus, le code international de la gestion de sécurité entre en vigueur à compter de 1998, avec bientôt le nouveau système mondial de détresse et de sauvetage en mer, le SMDSM, dont la mise en place est fixée au 1er février 1999.
Le contrôle des navires est assuré par les inspecteurs et contrôleurs des quinze centres de sécurité des navires, avec le concours des unités des affaires maritimes. Je salue donc les efforts réalisés par votre ministère pour améliorer les dotations en moyens et en personnel des centres de sécurité et des unités littorales des affaires maritimes. De nouveaux postes d'inspecteurs et de contrôleurs sont en effet créés, et la généralisation de l'implantation sur le littoral des unités littorales des affaires maritimes est poursuivie pour aboutir en 2001. Je remarque, par exemple, que la Martinique sera dotée en décembre 1998 et la Guadeloupe, en 1999.
Enfin le projet de budget pour 1999 prévoit une revalorisation substantielle des moyens de fonctionnement des centres régionaux opérationnels de sauvetage et de sécurité, les CROSS. Il s'agit à la fois de compléter leurs infrastructures de communication et de remplacer les appelés du contingent qui disparaîtront avec la réforme du service national. Le projet de budget pour 1999 s'inscrit entièrement dans ce plan de professionnalisation, avec la transformation de vingt-quatre emplois.
Je ne peux que me réjouir de l'effort budgétaire réalisé en direction de la sécurité maritime, les dotations pour 1999 confirmant celles de 1998. Je souhaite évidemment qu'il soit poursuivi, tant ce domaine est important et nécessite des moyens.
Cependant, je voudrais vous alerter sur un point, monsieur le ministre, car les chiffres qui m'ont été communiqués par votre ministère montrent un accroissement du nombre de personnes décédées ou disparues en mer : 259 en 1997, contre 183 en 1994, soit une augmentation de 41 % sur trois ans. Sans doute faudrait-il accentuer l'effort en ce domaine.
Le budget de la marine marchande pour 1999 augmente faiblement. On peut regretter que des moyens supplémentaires n'aient pas été attribués au secteur maritime, qui représente un atout essentiel pour la compétitivité, mais aussi pour l'équilibre économique et pour la position stratégique de notre pays. Mais au-delà de ce constat, il faut remarquer une volonté certaine de progresser dans certains domaines, comme celui de la sécurité. Il conviendra donc que, à l'avenir, cette volonté s'étende à tous les domaines du secteur de la mer qui nécessitent une action déterminée, qu'il s'agisse de la flotte de commerce ou de la protection du littoral, que je n'ai pas eu le temps d'évoquer mais dont les moyens sont encore par trop symboliques.
La commission des finances a proposé de voter le budget de la marine marchande sous réserve de l'adoption de deux amendements visant à réduire la progression des titres III et IV du budget de la mer.
M. le président. Monsieur Massion, je vous demande de ne pas quitter la tribune, car je vous donne maintenant la parole en qualité de rapporteur spécial pour les ports maritimes.
M. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les ports maritimes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget des ports maritimes correspond à l'essentiel de l'agrégat 05 « Ports maritimes et littoral » du fascicule « IV-Mer » du projet de budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement.
Ainsi définis, les crédits inscrits au projet de budget des ports maritimes s'élèvent, pour 1999, à 603,5 millions de francs, en hausse de 1,8 % par rapport au budget voté en 1998.
Cette hausse fait suite à l'augmentation de 1 % enregistrée l'an dernier et à la diminution de 3,1 % constatée en 1997.
Je ne détaillerai pas ces dotations, puisqu'elles le sont dans le rapport qui a été distribué, mais je ferai quelques observations.
Tout d'abord, je remarque que ce budget s'inscrit dans un contexte économique différent de celui de l'an dernier. En effet, la situation économique et financière des ports maritimes s'est nettement redressée. Le trafic des ports de commerce français a ainsi atteint 323,9 millions de tonnes de marchandises en 1997, en progression de 8,6 % par rapport à 1996. Le trafic des ports autonomes progresse de 5 %, celui des ports d'intérêt national de 22,6 %. Les chiffres pour les six premiers mois de 1998 montrent que le trafic s'est encore accru de 2,5 %.
Le principal fait nouveau pour les années 1997 et 1998 est donc la nette amélioration de la situation financière des ports français.
Globalement, l'endettement diminue sensiblement, en raison de l'amélioration du climat économique, mais surtout grâce à une politique volontariste de désendettement, notamment à Dunkerque, au Havre et à Rouen. Ainsi, l'enveloppe annuelle de recours à l'emprunt pour la couverture des dépenses d'infrastructures et de superstructures n'est plus que de 85 millions de francs en 1998, alors qu'elle s'élevait encore à 212 millions de francs en 1996.
Cependant, je remarque que cette amélioration est fragile.
Elle l'est tout d'abord en raison de certaines incertitudes pesant sur la conjoncture internationale, liées notamment à l'impact de la crise asiatique.
Elle l'est également parce qu'il apparaît que cette amélioration est non pas le reflet de gains de parts de marché par nos ports, mais l'effet du redressement de l'ensemble du trafic maritime, amélioration dont on sait qu'elle peut être conjoncturelle.
Or, dans ce contexte, le projet de budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, marque une continuité.
Je ne rappellerai pas la faiblesse structurelle du budget des ports maritimes, qui dépasse tout juste les 600 millions de francs, mais je relèverai quelques points.
En matière de dépenses de fonctionnement, l'an passé, les dépenses d'entretien pour les ports d'intérêt national avaient progressé de 14 % : en 1999, elles sont seulement consolidées.
Pour les ports autonomes, la dotation est stable depuis deux ans, ce qui traduit une diminution en termes réels. Une revalorisation serait donc indispensable pour simplement maintenir la dotation en termes réels. La France consacre 400 millions de francs à l'entretien de cinq ports maritimes, alors qu'à titre de comparaison la Belgique consacre 600 millions de francs à trois ports maritimes, dont 260 millions de francs pour le seul port d'Anvers.
En matière d'investissement, l'augmentation des autorisations de programme en 1998 pour les investissements exécutés par l'Etat laissait espérer la préparation d'un nouveau programme d'investissement. Le projet de loi de finances pour 1999 en tire d'ailleurs les conséquences, puisque les crédits de paiement pour les investissements réalisés par l'Etat progressent de 10 millions de francs.
Cependant, cet accroissement des dotations, pour réel qu'il soit, apparaît trop timide pour qu'une rénovation du patrimoine des ports autonomes et des ports d'intérêt national puisse être entreprise, notamment parce que les crédits d'engagement stagnent.
Depuis 1995, vous le savez, les crédits d'équipement des ports maritimes ont connu une diminution constante renforcée par de régulières mesures d'annulation. Le lancement de programmes d'investissement sur plusieurs années doit donc s'accompagner d'une revalorisation des moyens d'engagement.
En réalité, la revalorisation risquera d'être brutale avec le lancement du projet Port 2000, au Havre, qui est prévu pour la fin de l'année 1999.
Il s'agit là d'un projet ambitieux, mais indispensable, à l'échelon tant national que régional, et qui va nécessiter un important engagement financier de l'Etat.
Je sais, monsieur le ministre, qu'une décision sera bientôt prise concernant ce projet. Je peux vous assurer qu'elle est très attendue par tous les élus et la population de Haute-Normandie, et qu'elle marquera votre volonté d'investir sur l'avenir de notre filière portuaire.
J'aborderai maintenant la gestion financière des ports.
Je salue, monsieur le ministre, vos efforts pour accroître la transparence de cette gestion financière. Vos services ont largement répondu aux remarques formulées par la Cour des comptes visant précisément à améliorer le cadre comptable de la gestion des ports, ainsi que la réflexion sur le lancement des programmes d'investissement. Le comité interministériel de la mer du 1er avril dernier a pris des décisions qui, je l'espère, seront mises en oeuvre rapidement : les procédures d'adhésion des ports autonomes à des groupements ou associations, comportant une participation financière, seront simplifiées, de même que la possibilité pour les ports de détenir des filiales, de prendre et de céder des participations.
J'estime que toutes ces mesures sont bienvenues, car elles permettront plus de souplesse dans la gestion des ports, à condition que les règles de prudence et de contrôle soient respectées.
Cette question de la transparence financière est très importante, notamment au regard des observations formulées par l'Union européenne.
En effet, la Commission européenne a publié, le 10 décembre dernier, un Livre vert relatif aux ports et aux infrastructures maritimes.
Ce document, très attendu bien que n'ayant pas de caractère normatif, définit les axes de réflexion de la Commission européenne en matière de politique portuaire et devrait servir de base à de futures actions, notamment à des directives.
La Commission européenne déclare assigner deux objectifs à la définition d'une politique portuaire européenne : intégrer les ports dans des réseaux transeuropéens et assurer le respect d'une concurrence libre et loyale dans l'Union européenne.
Le 8 avril dernier, la commission des finances a approuvé d'une manière générale les objectifs définis par le livre vert, tout en exprimant cependant quelques réserves.
Tout d'abord, l'introduction d'une concurrence transparente entre les ports ne peut qu'être approuvée. Il est en effet légitime d'introduire dans la comptabilité des ports une distinction entre les missions d'intérêt général et les fonctions commerciales.
Cependant, différents éléments ont retenu notre attention.
La Commission européenne propose un recensement des financements publics. Nous estimons, pour notre part, que l'aide publique au financement des infrastructures ne devra pas être contrainte par un cadre trop strict, chaque Etat devant garder la possibilité d'apprécier le montant de son aide. Ainsi, le recensement des financements publics dans les ports maritimes ne devra pas entraver les projets de développement que les ports mettent actuellement en place, tel le projet Port 2000 au Havre.
Par ailleurs, la Commission européenne propose de « recenser les ports susceptibles d'améliorer l'intégration du maillon portuaire dans la chaîne multimodale ».
Ce recensement paraît quelque peu difficile à réaliser, et il risque de privilégier les grands ports du Nord de l'Europe que sont Rotterdam et Anvers.
En conclusion, suivant le principe de subsidiarité, il ne semble pas que la Commission européenne soit la mieux à même de définir un cadre rigide pour les redevances et investissements portuaires des différents Etats membres.
En revanche, un élément très positif de l'action menée au niveau communautaire est la mise en oeuvre de corridors de fret ferroviaire.
Ainsi, votre volonté, monsieur le ministre, d'engager les ports français dans le système européen de réseaux de transport doit se traduire par des actions concrètes, notamment sur le plan national.
Lors du dernier comité interministériel de la mer, vous vous êtes engagé à prendre des mesures pour accroître la compétitivité de la filière portuaire et la qualité des services, mais aussi pour améliorer la desserte terrestre des ports maritimes.
Il est donc indispensable que les futurs schémas de service de transport, prévus dans le cadre du projet de loi d'aménagement durable du territoire qui a été présenté en conseil des ministres le 29 juillet dernier, prennent en compte les ports dans une approche intégrée avec les autres modes de transport.
Le projet de loi semble aller dans ce sens, puisqu'il substitue aux cinq schémas sectoriels de transport de la loi pour l'orientation et le développement du territoire deux schémas multimodaux de services collectifs de transport concernant, l'un, les personnes, l'autre, les marchandises. Encore faudra-t-il préciser expressément la fonction centrale des ports dans ce schéma multimodal et traduire cette situation dans les schémas de transport européens.
En conclusion, je tiens à souligner que les crédits budgétaires ne sauraient constituer à eux seuls une politique portuaire. L'importance des enjeux, en termes d'emplois et d'aménagement du territoire, impose une démarche globale d'intégration des ports français dans des réseaux de transports.
De leur dynamisme dépendent de nombreuses activités industrielles et commerciales, qui contribuent à l'équilibre de nombreuses régions dotées d'une façade maritime et au développement de l'ensemble du territoire national.
Il est donc impératif, monsieur le ministre, que le soutien des pouvoirs publics à la compétitivité des ports soit régulièrement confirmé et que la prise en compte de leur importance dans la politique d'aménagement du territoire soit effective.
Enfin, je vous indique que la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits des ports maritimes, sous réserve de deux amendements réduisant l'augmentation des crédits des titres III et IV du budget de la mer. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Anne Heinis, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec 5 500 kilomètres de côtes, balayant à la fois la Manche, l'Atlantique et la Méditerranée, la France est le pays de l'Europe continentale qui a la plus grande longueur de côtes.
Je me demande parfois ce qu'auraient fait les Hollandais avec de tels atouts ! Lorsque le grand paquebot qui s'appelait le France à son baptême s'avança majestueusement pour la première fois dans la mer, le général de Gaulle - et je l'entends encore - commença son discours par cette phrase mémorable : « Le France a épousé la mer. »
Depuis longtemps déjà, le France s'appelle le Norway : nous l'avons vendu aux Norvégiens, qui, eux, ont su le rentabiliser.
La France, une fois encore, avait oublié la mer, alors qu'elle fait la richesse de nos voisins, pourtant moins bien dotés au départ que nous.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ce n'est pas ma faute ! (Sourires.)
Mme Anne Heinis, rapporteur pour avis. Je n'ai pas dit cela !
Le surcoût de notre pavillon national, de 25 % à 30 % supérieur aux pavillons étrangers, a fait passer notre flotte de commerce du dix-neuvième au vingt-septième rang mondial, alors que nous sommes le quatrième pays exportateur du monde, dont la moitié du commerce en volume transite par nos ports.
Avec un budget global de 6,212 milliards de francs, dont les trois quarts sont affectés à l'Etablissement national des invalides de la marine, organisme de gestion de la sécurité sociale et des retraites des marins, l'ensemble des dotations allouées à la mer atteint tout juste 1,5 milliard de francs.
Dans le court délai qui m'est imparti, je n'insisterai pas sur les chiffres, M. le rapporteur de la commission des finances les a parfaitement rappelés. J'aborderai succinctement les points essentiels, toutes les informations complémentaires se trouvant dans mon rapport écrit.
Je rappellerai simplement que la somme de 1,5 milliard de francs que j'ai évoquée concerne à la fois les ports et le littoral, la flotte de commerce, la sécurité maritime, les affaires maritimes, les gens de mer, les personnels et leur formation. Cela fait peu pour chacun !
Dans le cadre de ce très modeste budget, le Gouvernement affiche six priorités, mais je m'interroge sur leur traduction concrète.
Il est question, en premier lieu, du renforcement de la sécurité dans les ports maritimes et de l'accélération de la réalisation des équipements portuaires.
J'observerai simplement que le retrait de l'Etat par rapport à ses obligations légales dans les contrats de plan Etat-région perdure d'année en année et que, de plus, des annulations de crédit frappent la réalisation de ce budget.
Si la situation des ports n'est pas trop mauvaise, c'est grâce à l'implication des collectivités locales et à l'autofinancement, mais il nous faut aller vite si nous ne voulons pas que marchandises et passagers aillent ailleurs.
Une autre priorité est l'amélioration de la desserte terrestre des ports maritimes.
Ici encore, il me faut rappeler les retards dramatiques qui ont été pris.
Les ports français sont en voie de marginalisation, parce qu'ils ne sont pas reliés par des corridors ferroviaires dans les projets européens, alors que Rotterdam l'est avec toute l'Europe.
Ainsi, l'autoroute des Estuaires, vitale pour les ports de la façade Manche-Atlantique et déclarée en 1993 comme première priorité en matière d'aménagement du territoire, devait être achevée en l'an 2000. Nous en sommes à l'horizon 2005 !
La priorité suivante est le soutien à la flotte de commerce et à l'emploi maritime.
Notre flotte marchande totalisait 210 unités au 1er janvier 1998. Ce chiffre a pu se maintenir grâce au pavillon des Terres australes et antarctiques françaises, qui constitue 44 % en unités et 82 % en capacité de transport et contribue à limiter le surcoût du pavillon national, tout en sauvegardant l'essentiel du savoir-faire maritime français et des équipages.
Par ailleurs, la suppression du duty free mettra en péril les armateurs de car-ferries. Il conviendrait de suivre sur ce point le rapport Capet !
Quant aux nouvelles mesures qui remplacent les subventions directes dites ACOMO et les quirats, nous les jugerons sur leurs effets.
J'en viens à la sécurité en mer et au dispositif de formation, gérés par la direction des affaires maritimes et des gens de mer. Nous avons, dans ce domaine, deux motifs d'espérance.
Depuis la signature du mémorandum de Paris, entré en vigueur en 1982 et qui rassemble dix-huit pays d'Europe et le Canada, le contrôle des navires étrangers tient une place prépondérante dans le dispositif français.
Avec des moyens malheureusement extrêmement limités, les quinze centres de sécurité n'ont visité que 1 363 navires en 1997, dont 178 ont été immobilisés.
Cette situation est d'autant plus paradoxale que l'OMI a décidé de confier à la France le fichier informatique EQUASIS, qui va gérer la flotte de commerce mondiale, c'est-à-dire l'identification des navires avec enregistrement des accidents et avaries.
Il serait désastreux que la France ne soit pas en mesure de remplir ses engagements faute de personnel, alors qu'à ma connaissance elle a reçu 5 millions d'écus pour cette mission et que celle-ci, bien conduite, ne peut être que profitable à la France au sein de l'OMI.
La formation constitue notre deuxième grande source d'espoir, car nous sommes considérés - il faut le dire - comme les meilleurs formateurs au niveau international. Nos voisins européens, qui n'ont pas d'école de ce type, envoient d'ailleurs leurs élèves chez nous. De plus, l'OMI serait sur le point d'habiliter sur le plan international les enseignants et les diplômes dispensés par nos écoles.
Dans le cadre des orientations nouvelles de la formation, il existe une opération d'envergure tout à fait intéressante, à la fois de spécialisation, mais aussi d'ouverture vers d'autres métiers de nos écoles.
Votre rapporteur pour avis se propose d'aller étudier sur place l'avenir de nos écoles, qui me paraissent constituer pour nous une source d'espérance.
Pour ce qui est de la protection du littoral, nous relevons, monsieur le ministre, une bonne nouvelle, les dotations sont en progression sensible pour faire face aux pollutions éventuelles, et je m'en félicite.
N'oublions pas pour autant la lutte contre l'érosion marine et la définition d'une fiscalité spécifique pour les communes du littoral, qui nécessitent à la fois une étude et des textes.
Le Président de la République a fait de « l'ambition maritime » de la France un de ses thèmes de campagne pour l'élection présidentielle. Vous-même, monsieur le ministre, avez compris l'intérêt de renouer avec une politique de la mer, hélas abandonnée depuis longtemps.
Il s'agit maintenant de renverser les perspectives et de substituer à la logique du déclin une démarche ambitieuse et volontariste qui parie sur les atouts maritimes exceptionnels de notre pays au sein de l'Europe.
Cette redynamisation de la politique de la mer sera une oeuvre de longue haleine, car il n'est certes pas facile de définir une stratégie dans un domaine où la politique est fragmentée et la législation parcellaire.
La définition d'une stratégie reposant sur une vision du futur, la mise en cohérence de la dépense publique, actuellement répartie dans différents secteurs pour promouvoir une meilleure efficacité, me paraissent pourtant constituer les moyens de mobiliser les talents pour une nouvelle politique de la mer répondant aux attentes de nos concitoyens et à une vocation de la France trop longtemps et trop systématiquement oubliée.
J'aurais voulu dire un mot des fast ships, mais je laisse aux orateurs inscrits dans cette discussion le soin de le faire.
M. le président. Je crains en effet que vous n'ayez épuisé votre temps de parole !
Mme Anne Heinis, rapporteur pour avis. Pour toutes ces raisons, la commission des affaires économiques s'en remet à la sagesse du Sénat. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 7 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, très brièvement, en essayant de ne pas dépasser les dix-neuf minutes qui me sont imparties, j'aborderai quatre points qui me tiennent à coeur.
Auparavant, vous me permettrez de féliciter nos rapporteurs, mais tout particulièrement - M. Massion ne m'en voudra pas - Mme Anne Heinis, puisqu'elle représente au Sénat le même département que moi et qu'elle rapportait ce budget pour la première fois.
Prolongeant ce que je vous ai dit tout à l'heure en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur le budget annexe de l'aviation civile, je vous dirai que la duty free est un problème important. Il l'est dans le transport aérien, mais il l'est peut-être plus encore pour les ferries. C'est ainsi que 8 000 articles sont vendus à bord des bateaux de Britanny Ferries, mais que les droits d'accise sont différents selon le lieu de destination. Ainsi, pour respecter le règlement, les personnels de bord devraient changer 8 000 étiquettes au milieu de la Manche, et cela deux fois par jour.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. A l'aller et au retour !
M. Jean-François Le Grand. Oui, à l'aller et au retour ! Ou, alors, il faudrait retourner les boîtes, qui devraient comporter deux étiquetages ! Quoi qu'il en soit, c'est un problème extrêmement délicat.
Ne pourrait-on définir des zones spéciales de commercialisation où l'on pourrait vendre les produits à des prix réduits ? Cette piste me semble devoir être explorée, puisque nous ne pouvons pas, aux termes de la loi, contourner la disparition des duty free.
De plus, permettez-moi de vous rappeler que 41 % des produits vendus dans les boutiques duty free sont d'origine française. Ce sont des produits de luxe : alcools, tabac, mais aussi un certain nombre d'objets vestimentaires ou d'accompagnement vestimentaire.
Après cette première préoccupation, j'en viens - rapidement, pour tenir dans le cadre de mes dix-neuf minutes - à la deuxième, qui concerne les remorqueurs de haute mer. Je souhaite, monsieur le ministre, attirer particulièrement votre attention sur ce point.
Mme Heinis a fait allusion tout à l'heure à un rapport que j'avais eu l'honneur de présenter devant le Sénat concernant la sécurité des zones littorales du fait d'événements de mer.
Chacun se souvient de l'épisode des détonateurs sur les côtes de Vendée ou encore des pesticides sur les côtes de la très très belle - je le dis sans chauvinisme aucun - presqu'île du Cotentin. Il est donc nécessaire d'intervenir, et les remorqueurs sont l'un des éléments du dispositif destiné à assurer la sécurité en mer.
Actuellement, la compagnie Abeille est propriétaire de deux bateaux : l'Abeille Flandre basé à Brest, et l'Abeille Languedoc, basé à Cherbourg. Ces bateaux fonctionnent bien et leurs équipages doivent être félicités et remerciés de la veille qu'ils exécutent vingt-quatre heures sur vingt-quatre au bénéfice des équipages et des collectivités territoriales.
Ces bateaux ne sont pas obsolètes, mais il convient d'en adapter au moins un. En effet, six cents bateaux naviguent dans le sens est-ouest dans la seule mer de la Manche, convergeant ou repartant du détroit du pas de Calais. Dans le même temps, les ferries naviguent sur un axe nord-sud. Statistiquement, un accident se produira forcément un jour, c'est inévitable ! D'ailleurs, nous en avons connu quelques-uns, notamment lorsque le Quiberon a pris feu en mer et a été sauvé par l'Abeille Flandre.
Les Abeille sortent plus d'une fois par mois, exécutant une vingtaine d'opérations par an, dont une fois au moins pour un risque majeur. Or ces bateaux ne sont pas adaptés pour ce que l'on appelle en anglais le rescue, c'est-à-dire le sauvetage des passagers. Par conséquent, un bateau plus long, mieux adapté et disposant éventuellement d'une plate-forme d'héliportage serait nécessaire.
Ces bateaux ne sont pas, je le rappelle, subventionnés. Je ne vous demande pas une subvention, mais j'attire votre attention sur le fait qu'ils fonctionnent selon un système d'affrètement d'heures passé pour un an et renouvelable pour trois ans.
Si un bateau tel que celui que je viens de décrire était construit, il faudrait donc convenir d'un affrètement minimum de cinq ans pour que puissent être assurés et sa rentabilité et son amortissement.
Pourquoi, à cet égard, ne pas envisager une action du Gouvernement français ou une action conjointe de la Grande-Bretagne et de la France, puisqu'il y va aussi de la sécurité d'un certain nombre de bateaux britanniques ?
Si ces conditions étaient réunies, la rentabilité du bateau serait assurée et la compagnie pourrait lancer la construction. Si le processus démarrait maintenant, comme il faut compter un an de procédure et un an de construction, à la fin de l'an 2000, nous disposerions d'une sécurité sinon maximale, en tout cas améliorée sur le trafic Transmanche.
S'agissant du fast ship, je veux d'abord vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que la direction des ports de votre ministère, d'avoir suivi avec beaucoup d'intérêt l'évolution de ce dossier, qui n'est pas clos, qui connaît toujours une évolution.
De toute façon, on va toujours vers une réduction de l'espace-temps, et il y a fort à parier que le trafic transatlantique Nord connaîtra une accélération. Il faudra donc prévoir la sortie des marchandises, et c'est là que le problème peut se poser, à Cherbourg comme ailleurs.
Pour ce qui est de Cherbourg, je veux vous remercier, monsieur le ministre, de m'avoir adressé tout récemment - il y a deux jours - un courrier m'informant que la RN 74 serait inscrite en priorité dans le contrat de plan Etat-régions et que vous y veilleriez personnellement.
Mais, dans le même temps, il nous faudra développer le multimodal, car c'est, à l'évidence, l'intermodalité qu'il convient de privilégier si l'on ne veut pas que les marchandises perdent sur le parcours terrestre le temps qu'elles auraient gagné sur le parcours maritime.
Je n'entrerai pas dans le détail du multimodal autour de Cherbourg, encore qu'il y aurait lieu de parler du contournement est de cette ville et de bien d'autres choses.
Ce sujet me permet, en tout cas, de faire la transition vers le problème plus général de l'intermodalité des transports, qui constituera le dernier point de mon intervention.
Lorsque l'on considère, au Havre, le projet « Port 2000 », mais surtout lorsque l'on va, un peu plus loin, voir le projet « Rotterdam 2010 », on prend conscience qu'il s'agit de quelque chose de fabuleux et que, malheureusement - j'en demande pardon à mes amis bretons -, la France est quelque peu en voie de « finistérisation » en matière de multimodalité. « Rotterdam 2010 », ce sont 1 500 hectares de zones industrielles, ce sont des voies navigables à six pistes - trois montantes et trois descendantes -, ce sont les fright ways, c'est-à-dire les transports dédiés ferroviaires, qui partent vers l'Orient, vers le sud de l'Europe et vers le sud-ouest de l'Europe, mais qui évitent la France. La seule fright way dont dispose la France part du Havre ; l'autre, en projet, partira du sud, de Marseille vers Turin.
Au moment où Mme le ministre de l'aménagement du territoire dit : « Pas question de faire le canal Rhin-Rhône, pas question d'augmenter le nombre d'autoroutes, pas question de faire ceci ou cela... », on peut se poser la question de savoir ce qu'il faut faire ! Du triporteur ? De la bicyclette ? Pour faire de la multimodalité, c'est un peu court !
Il y aurait donc lieu d'y réfléchir, en posant l'ensemble des problèmes de manière cohérente et correcte afin qu'en France aussi on puisse bénéficier de la manne qui existe.
Je me permets de rappeler - ce sera ma conclusion - que 20 % du trafic maritime mondial transite par la Manche et la mer du Nord. Or, notre situation géographique - nous n'y sommes pour rien ! - fait que nos ports viennent fort opportunément avant ceux d'Anvers et de Rotterdam. Le Havre et Cherbourg, ainsi que quelques autres ports français, peuvent donc encore tirer leur épingle du jeu.
Mais, pour cela, il faut mettre les choses à plat, sortir de ces conceptions quelque peu philosophiques, voire militantes sur les bords, pour élaborer quelque chose de cohérent en matière de multimodalité. C'est un enjeu fort, aussi fort que le devenir des plates-formes aéroportuaires. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La paroles est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mer pour 1999 nous donne l'occasion, comme chaque année, d'évoquer la politique maritime de notre pays, d'une part, et le devenir de la filière maritime et portuaire, d'autre part.
Force est de constater que les crédits mobilisés en faveur de ce secteur d'activité, bien qu'en progression de 66 millions de francs, sont sans commune mesure avec le rang auquel notre pays peut prétendre sur le plan international.
La France dispose en effet d'atouts considérables. Outre l'étendue de notre façade maritime, qui confère à notre pays une position stratégique dans les échanges entre pays de l'Atlantique Nord et ceux du littoral méditerranéen, la France jouit également de savoir-faire humains et technologiques non négligeables.
Une politique maritime digne de ce nom doit se donner pour objectif de valoriser ces atouts. C'est pourquoi nous souscrivons pleinement aux priorités fixées par ce budget, tout en ayant conscience des efforts qu'il reste à produire sur le long terme.
Les efforts consentis en direction de la sécurité, en mer et dans les ports, notamment, le doublement des crédits affectés au fonctionnement des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les CROSS, ne peuvent que favoriser les conditions d'un développement de l'activité maritime et portuaire.
Ensuite, le soutien à la formation et à l'éducation maritime, caractérisé par l'augmentation de 13 % des crédits affectés aux écoles nationales de la marine marchande, traduit la priorité donnée au facteur humain. De même, les dotations à la caisse de retraite de la marine marchande, l'ENIM, sont augmentées et représentent l'essentiel du budget de la mer.
Il est à noter, enfin, le doublement des subventions aux entreprises d'intérêt national, à hauteur de 200 millions de francs, et le maintien des fonds destinés à la rénovation des infrastructures portuaires.
Compte tenu des perspectives de progression du commerce maritime international, la nécessité d'un soutien public massif en faveur de la construction navale et de la modernisation de notre marine marchande est plus que jamais justifiée.
En effet, l'embellie observée ces dernières années, embellie encore fragile et subordonnée aux aléas de la crise financière internationale, ne saurait nous faire oublier les difficultés et les contradictions de notre politique maritime et portuaire.
La libéralisation du cabotage et l'ouverture à la concurrence menacent de détourner les activités maritimes vers les grands ports ayant une dimension internationale et capables de fournir les coûts les plus bas. Les orientations du Livre vert de la Commission européenne, dans la mesure où elles organisent le désengagement programmé des Etats membres, hypothèquent ainsi toute relance de notre flotte et des infrastructures portuaires.
Comment ne pas évoquer ici le sort réservé aux Chantiers navals du Havre ? Alors que des solutions de reprise des ACH étaient envisageables, alors que le Gouvernement avait accepté de ne pas exclure toute proposition de rachat, la Commission européenne a, tout récemment, fait savoir que les aides apportées par la puissance publique sont illégales et qu'ainsi, tout repreneur se verrait dans l'obligation de restituer les sommes perçues. Par conséquent, délibérément, l'Union européenne condamne par avance toute perspective de reprise des ACH et contraint le gouvernement français à accélérer la fermeture des chantiers navals et le licenciement des 2 000 salariés du Havre.
Le drame havrais traduit une volonté de Bruxelles d'accélérer les effets dévastateurs du libéralisme et interdit, de surcroît, à l'Etat d'intervenir pour sauver le deuxième chantier naval civil de notre pays, capital pour l'avenir de la filière maritime.
Il convient de développer l'ensemble de la filière maritime, de renforcer la desserte terrestre des ports et de lancer au Havre le projet Port 2000, qui est capital pour le développement économique de la région et que tout le monde attend, en particulier mon ami Thierry Foucaud, sénateur de Seine-Maritime.
Le gouvernement français doit, selon nous, réaffirmer haut et fort son ambition de conserver le contrôle de la filière française et se donner les moyens de son développement.
Le mémorandum du Gouvernement et les mesures décidées par le comité interministériel de la mer du 1er avril 1998 indiquent qu'il est possible de rompre avec le dogme du « tout libéral ». Le budget de la mer s'inscrit dans cette dynamique et conforte les choix opérés l'an dernier.
En outre, le développement des ports français dépend tout autant de notre capacité à valoriser les infrastructures portuaires qu'à les intégrer dans le territoire national. Je veux parler, vous l'aurez compris, des dessertes routières, mais aussi et surtout des dessertes ferroviaires des ports maritimes.
L'Etat doit obtenir de Réseau ferré de France et de la SNCF des engagements précis pour assurer la desserte des ports français, en coopération avec les chambres de commerce et d'industrie, qui gèrent la plupart des infrastructures portuaires.
Votre politique en faveur du transport combiné, monsieur le ministre, et les schémas de services collectifs de marchandises et de personnes, annoncés par la loi d'aménagement du territoire de Mme Voynet, sont en cohérence avec ce souci de désenclaver les zones portuaires.
Le développement des ports repose sur leur capacité à mettre en adéquation le trafic maritime et l'évolution des infrastructures terrestres. Ainsi, il s'agit d'inventer un nouveau type de développement économique garantissant l'aménagement du territoire et le respect de l'environnement.
En conclusion, le groupe communiste républicain et citoyen votera ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, tout d'abord, de me réjouir, à mon tour, de l'amélioration de l'activité de nos ports maritimes depuis quelques années.
Les comptes de nos ports sont globalement équilibrés, en dépit d'un tassement de l'excédent brut d'exploitation ; ils se désendettent tout en accroissant leurs capacités d'autofinancement.
Néanmoins, le caractère très concurrentiel du transport maritime et les récentes fluctuations de l'économie mondiale ont entraîné une réduction de la demande de la part des chargeurs ainsi qu'une contraction de leur marge qui les contraint à une baisse permanente des coûts et à une concentration des armements.
Dans ce contexte difficile, les politiques doivent poursuivre leur effort de modernisation des ports français, en s'efforçant de concilier les objectifs des utilisateurs et les options publiques de développement équilibré et d'aménagement du territoire.
Concernant le budget des ports maritimes, je ne reviendrai pas sur l'analyse faite par le rapporteur spécial, mon collègue et ami Marc Massion. Elu, comme lui, de Haute-Normandie, je serai très attentif à la réponse que vous lui ferez, monsieur le ministre, ainsi, d'ailleurs qu'aux réponses que vous apporterez à notre collègue Gérard Le Cam concernant Port 2000 et les investissements que la puissance publique prévoit pour venir au secours de cette région, aujourd'hui durement éprouvée, et pour promouvoir le développement du port du Havre, qui peut être considérable en raison de son emplacement et de son potentiel.
Je tiens, moi aussi, à souligner l'importance de l'intégration des ports français dans le système européen des réseaux de transports terrestres. Le double mouvement de réduction du nombre d'escales et de leur massification implique une extension des régions eurpéennes desservies à partir du port. On assiste donc à un accroissement du recours aux modes de transports privilégiés pour les grandes quantités et les grandes distances que sont notamment les transports fluviaux et ferroviaires. L'évolution récente du commerce international renforce donc l'importance du train, et je sais que vous y êtes particulièrement sensible, monsieur le ministre.
Malheureusement, 85 % environ des pré- et post-acheminements des ports français se font par la route, ce qui constitue, à l'évidence, une faiblesse. Nous devons aussi constater qu'il existe une trop faible synergie entre les transports maritimes et ferroviaires, d'autant plus préjudiciable que nos voisins européens sont parvenus, eux, à développer une desserte ferroviaire de qualité de leurs ports nationaux, comme l'a rappelé avec talent notre collègue Anne Heinis, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je mets donc Anne Heinis et Marc Massion ex aequo pour l'excellence de leur contribution. (Sourires.)
La SNCF et RFF doivent participer pleinement au développement des acheminements ferroviaires des ports français, qui, au regard de notre retard, offrent un potentiel de croissance particulièrement important.
En ce qui concerne le nouveau régime de soutien à la flotte de commerce française, je ne reviendrai pas non plus sur l'exposé fait par Marc Massion, en lieu et place du rapporteur spécial pour la marine marchande, Claude Lise, et qui a mis en évidence le souci du Gouvernement de maintenir un régime de soutien important à la flotte de commerce. Celui-ci a d'ailleurs été fortement réaffirmé lors du comité interministériel de la mer du 1er avril dernier.
L'aide à la flotte prendra désormais, on l'a dit, exclusivement la forme de réductions ou de remises de charges fiscales et sociales applicables aux équipages, conformément à la réglementation européenne.
La mesure la plus innovante, dans ce projet de budget, est l'instauration d'un dispositif de remboursement par l'Etat des contributions sociales patronales afférentes aux risques vieillesse, maladie et accident du travail versées par les entreprises qui emploient des personnels navigants sur des navires de commerce battant pavillon français. Corrélativement à ces mesures, l'effort des entreprises devra porter aussi sur la formation professionnelle.
A ce sujet, et comme cela a été rappelé, un travail important et excellent a été effectué par l'ancien rapporteur du budget de la marine marchande, mon ami René Régnault, qui avait conduit une mission de contrôle sur les écoles d'enseignement maritime en avril 1998.
L'augmentation des moyens alloués à la rénovation du patrimoine des écoles, dont René Régnault avait noté la dégradation, sera-t-elle suffisante, monsieur le ministre ? D'autres que moi se sont inquiétés de cette question à cette tribune.
Quant au statut des personnels de l'enseignement maritime, j'ai pris acte des déclarations que vous avez faites en répondant à Yolande Boyer à propos du projet de budget de la pêche, le 27 novembre dernier, à cette tribune : ce personnel doit être doté d'un statut public, et il faut impérativement, si nous voulons être à la hauteur de notre ambition maritime pour la France, rehausser le niveau de formation, compte tenu de la modernisation des techniques mises en oeuvre à bord des navires.
Pour conclure, j'évoquerai deux points : la disparition programmée des ventes hors taxes et l'effort de rajeunissement des effectifs des dockers entrepris par le Gouvernement.
La disparition programmée des ventes hors taxes a été suffisamment évoquée par les orateurs qui m'ont précédé, et je n'y reviendrai pas, par manque de temps.
Quant à l'effort de rajeunissement des effectifs de dockers entrepris par le Gouvernement et consacré par le comité interministériel de la mer du 1er avril dernier, il se traduit par la mise en oeuvre de différentes mesures d'âge et par des embauches corrélatives. Ainsi, la possibilité de partir en préretraite progressive est ouverte à tous les dockers volontaires nés avant le 1er février 1948. Ils pourront bénéficier, dans leur cinquante-cinquième année, d'une dispense d'activité jusqu'à l'âge du départ en retraite. Ainsi, l'embauche de jeunes sera favorisée ; or, comme vous le savez, mes chers collègues, ceux-ci sont nombreux à se presser pour prendre la relève.
Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, d'une part, si vous avez l'intention de pérenniser ou d'étendre ce dispositif aux années ultérieures, d'autre part, si vous considérez que l'adoption de mesures d'âge plus hardies, à partir de cinquante ans, est envisageable.
Ces quelques observations n'enlèvent rien à l'ampleur et à la valeur des réformes que ce projet de budget prévoit pour un secteur vital, mais particulièrement exposé, et auquel nous sommes tous attachés. C'est pourquoi nous le voterons bien volontiers. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. le rapporteur spécial et Mme le rapporteur pour avis applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, madame le rapporteur pour avis, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d'abord, je veux vous informer de la fin du conflit social à la Société nationale maritime Corse-Méditerranée, la SNCM, dont vous avez tous entendu parler.
M. Jean-Pierre Fourcade. Ah !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. L'assemblée générale vient de se réunir à l'instant et a décidé d'appeler à la reprise du travail dès lundi matin sur la Corse et sur le Maghreb.
A mon avis, trois considérations essentielles ont permis de sortir de la situation de blocage.
La première concerne l'avenir de l'entreprise publique. Le Gouvernement a réaffirmé sa volonté de voir l'ensemble constitué par la SNCM et la Compagnie méridionale de navigation, la CMN, être en situation d'emporter l'appel d'offres de la continuité territoriale, d'une part, et de maintenir les capacités de la SNCM affectées à ses activités internationales, en particulier vers le Maghreb, d'autre part.
La deuxième considération concerne la composition de la flotte et les moyens à mettre en oeuvre pour sa modernisation et son renouvellement. Un groupe de travail a été constitué, qui tiendra sa première réunion dès la fin de la semaine prochaine et qui devra rendre ses conclusions, comme je l'ai proposé dans une lettre adressée à tous les partenaires, au plus tard le 31 mars 1999.
La troisième considération est la recherche et l'étude de solutions en faveur de l'emploi. Naturellement, au terme de ce travail commun, l'Etat examinera, avec la direction de l'entreprise, les différentes options financières qui en découlent, et le plan d'entreprise sera modifié pour prendre en compte les décisions prises par le Gouvernement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'en avais appelé à l'esprit de responsabilité des partenaires sociaux pour que, au plus tôt, les engagements de l'Etat à l'égard de la Corse puissent être tenus et que donc le trafic reprenne. Je me félicite, vous le comprendrez, que cet appel ait été entendu par tous et que le dialogue social l'ait finalement emporté.
J'en viens à vos interventions.
Je veux vous remercier à mon tour, madame Heinis. J'espère qu'avec tout ce que vous m'avez demandé tout à l'heure, vous ne proposerez pas des réductions de moyens... (Sourires.)
Mme Odette Terrade. Eh si !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si peu ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... en particulier pour la formation. Mais je ne développe pas - je ne veux pas, monsieur le président, dépasser mon temps.
Je tiens donc, madame Heinis, monsieur Massion, à vous remercier ainsi que tous les intervenants qui ont consacré une partie de ce dimanche à des problèmes sérieux, importants, ceux qui se posent dans ce secteur d'activités qu'est la mer.
S'agissant du domaine maritime et portuaire, vous avez souligné, toutes et tous, que les crédits étaient insuffisants. Je dois préciser qu'ils sont maintenus, avec une légère augmentation, à 6,3 milliards de francs.
La sécurité étant, dans ce domaine comme dans les autres, une de mes principales priorités, je n'étais pas totalement satisfait de la reconduction des crédits destinés à l'entretien des chenaux d'accès et des avant-ports, ainsi qu'aux investissements nouveaux.
Aussi, je puis vous dire qu'ils seront complétés dans le collectif budgétaire de fin d'année par une dotation de 38,5 millions de francs, si le Parlement en est d'accord, grâce au regroupement sur les chapitres appropriés de l'ensemble des crédits nécessaires à l'entretien des chenaux d'accès maritimes.
Dès lors que ne seront plus amputés sur des chapitres d'investissement les dragages d'entretien, des crédits supplémentaires seront mobilisables pour l'investissement. Ce complément permettra, d'une part, de rattraper les retards qu'ont pu subir par le passé certaines opérations inscrites dans les contrats de plan Etat-région et, d'autre part, de remettre en état des infrastructures portuaires dont l'entretien a été délaissé ; nous répondons ainsi à une exigence de sécurité.
La sécurité, c'est aussi le contrôle des règlements de sécurité, notamment pour améliorer la sauvegarde des vies humaines en mer et la prévention de la pollution.
Je dirai un mot à cet égard tout à l'heure pour répondre à M. Le Grand ; mais je peux dire tout de suite que ce sont des moyens en personnels, avec dix emplois supplémentaires d'inspecteur des affaires maritimes, qui sont prévus dans le projet de loi de finances pour 1999.
En 1999, nous commencerons à mettre en oeuvre un programme pluriannuel de création de vingt-cinq emplois, comme il en a été décidé lors du comité interministériel de la mer en avril dernier.
Le sauvetage et la surveillance du trafic maritime constituent une autre mission essentielle de l'Etat. Les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les CROSS, bénéficieront d'un doublement de leurs crédits de fonctionnement.
En ce qui concerne les phares et balises, le programme de remplacement des navires de l'Etat chargés du balisage - le baliseur du Havre - et de modernisation des bouées sera poursuivi en 1999. Je puis vous dire que cela fait partie des objectifs qui mobilisent notre administration et son directeur.
Le deuxième objectif est la modernisation du service public maritime.
L'inversion de tendance dans le domaine de l'emploi, comme vous l'avez dit, monsieur Massion, est confirmée par le projet de loi de finances pour 1999, qui stabilise les effectifs dans l'ensemble des affaires maritimes.
Un programme d'équipement en vedettes côtières et embarcations légères tractables est mis en place, avec une première tranche de cinq unités de douze à quinze mètres.
Le programme global d'investissement comprendra la construction d'une quinzaine de vedettes de douze à quinze mètres et l'acquisition de vingt-cinq embarcations légères tractables. Ces mesures s'inscrivent dans un dispositif d'ensemble qui est indiscutablement positif.
S'agissant de la formation maritime, dont a parlé Mme le rapporteur pour avis, elle s'inscrit dans une perspective de création d'emplois et d'une économie maritime redynamisée permettant de préparer notre communauté maritime aux métiers du futur en jouant la carte de la place et du rôle de la France dans ce domaine - je partage votre avis sur ce point.
Les crédits obtenus au titre de 1999 pour les écoles nationales de la marine marchande sont en nette augmentation.
Je vous précise, monsieur Le Cam, que le Gouvernement a confirmé sa volonté d'intégrer pleinement les écoles maritimes et aquacoles dans le service public de l'éducation. Les modalités sont actuellement en discussion et, pour passer à cette phase, le Gouvernement sera amené, au cours de l'année 1999, à proposer un projet de loi pour tirer définitivement les conséquences des lois de décentralisation de 1982, qui répartissent les compétences entre l'Etat et les régions, et pour faire prendre en charge par l'Etat ses propres missions au lieu de les confier à une association. Cela suppose d'aller vers la suppression, à terme, de l'association pour la gestion des écoles maritimes et aquacoles, l'AGEMA, et d'organiser l'accueil dans un statut public des personnels de ces écoles. Cela répond également à la préoccupation de M. Weber.
Le troisième objectif, c'est l'amélioration de l'efficacité de la filière portuaire.
Un comité interministériel de la mer, réuni en avril 1998, sous la présidence de M. le Premier ministre, a arrêté un ensemble de mesures destinées à créer les conditions d'un environnement économique plus favorable pour renforcer la compétitivité de nos ports. Il s'agit maintenant de les mettre en oeuvre comme vous l'avez souligné, monsieur Massion.
Chaque fois que je me rends sur le terrain, les élus, comme les responsables économiques et professionnels, me disent, comme vous, messieurs Le Cam, Weber et Le Grand, que l'amélioration de la chaîne « transports terrestres » à destination et en provenance des ports maritimes est majeure. C'est ainsi que nos ports gagneront en compétitivité.
La desserte ferroviaire en particulier constitue un enjeu essentiel, qui exige - j'en suis d'accord avec vous, monsieur Le Cam - une politique volontariste de RFF et de la SNCF. Il en est de même de l'accroissement de la qualité des services offerts dans la chaîne portuaire en même temps que de la réduction des coûts.
Monsieur Le Grand, un schéma de services, ce n'est pas le choix entre la route et le triporteur ! Il s'agit de savoir comment on va utiliser et réaliser les meilleures infrastructures de manière complémentaire pour qu'elles soient le plus efficaces possible.
Monsieur Massion, les schémas de services auquels nous travaillons, et qui vont faire l'objet de discussions, devront être l'occasion de replacer les ports dans une approche intégrée des transports.
Mes orientations de travail portent sur l'ensemble des professions portuaires : qu'il s'agisse du pilotage, du remorquage, du lamanage, de la manutention portuaire et, bien entendu, des ouvriers dockers. A cette heure avancée de l'après-midi, je n'entrerai pas dans de plus amples précisions.
Enfin, il appartient aux ports de faire des efforts en matière d'efficacité, notamment en matière de simplification des pratiques administratives, d'harmonisation au niveau européen ; des plans d'action sont menés avec l'administration des douanes ou avec le ministère de l'agriculture dans le but de réduire les distorsions de concurrence dans les ports européens, ce qui est indispensable.
Vous avez souligné les uns et les autres l'enjeu que constitue la mise en place d'une concurrence saine et loyale dans ce domaine. Tous nos ports manisfestent un dynamisme qui accompagne la reprise des trafics et qui doit s'ouvrir sur une perspective de progrès. Je pense notamment à plusieurs projets de haut niveau que l'Etat soutiendra.
Permettez-moi à ce propos de citer le projet Port 2000, au Havre, que vous avez évoqué les uns et les autres et qui vise à positionner ce port comme site d'accueil de premier plan pour le trafic de conteneurs.
Messieurs Massion et Le Cam, j'ai signé aujourd'hui même la prise en considération du projet Port 2000, avec une première phase de quatre postes à quai externes et deux postes internes au port existant, permettant de recevoir des conteneurs.
En conséquence, l'étude d'impact va être lancée dans les meilleurs délais. Le projet devra pouvoir être déclaré d'utilité publique à la fin de l'année 1999, pour permettre aux quatre premiers postes à quai d'être livrés en 2003.
Les discussions vont s'engager entre l'Etat, le port, les collectivités locales et l'Union européenne pour définir à présent les modalités de financement.
Dernier grand objectif pour le ministre chargé de la mer : le soutien à la flotte de commerce et à l'emploi maritime.
La flotte de commerce française a connu une forte décroissance depuis les années soixante-dix.
Madame Heinis, il me semble avoir perçu comme un sentiment de frustration lorsque vous évoquiez l'abandon du France . Rappelez-moi l'année ? En 1973 ?
M. Christian Bonnet. Non, c'était en 1979 !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'hésitais entre 1973 et 1979 ; mais je savais que cela s'était passé dans les années soixante-dix, et je tenais à vous le rappeler.
La flotte de commerce se stabilise aujourd'hui, difficilement, légèrement au-dessus de 200 navires.
A cet égard, je suis particulièrement attentif à l'avenir de nos grands armements, notamment aux Antilles, et aux difficultés particulières de la Compagnie générale maritime, la CGM, que la privatisation n'a à l'évidence pas permis de redresser ; c'est un constat.
Lors du comité interministériel de la mer du 1er avril dernier, le Gouvernement a arrêté toute une série de mesures.
En premier lieu, il a décidé de reconduire pour 1999 et pour les deux années suivantes le remboursement de la part maritime de la taxe professionnelle. Cette mesure figure dans le projet de loi de finances rectificative.
En second lieu, le projet de budget pour 1999 intègre un dispositif de prise en charge par l'Etat des contributions sociales patronales conforme aux exigences communautaires. Ce dispositif est destiné à faire face à la concurrence internationale et à soutenir l'emploi.
Sont éligibles au remboursement de charges les entreprises qui emploient des personnels naviguant sur des navires de commerce battant pavillon français et qui sont ou seront directement confrontées à la concurrence internationale. Il s'agit d'une garantie qui permet de défendre à la fois les emplois et les droits sociaux.
Sur le plan budgétaire, les fonds nécessaires à ces dépenses en 1999 sont constitués aussi bien par les crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 1999 - 80 millions de francs - que par des crédits supplémentaires prévus en loi de finances rectificative, je viens de le dire.
L'éligibilité des entreprises est subordonnée à un engagement de leur part sur la définition d'objectifs concernant l'emploi, la formation professionnelle, initiale et continue, et la configuration de la flotte sous pavillon français.
Enfin, je rappelle que la loi du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a mis en place, en lieu et place des quirats - qui ont beaucoup fait parler d'eux - un nouveau dispositif, le groupement d'intérêt économique fiscal et que des entreprises sont déjà en train de constituer des dossiers en ce sens.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est beaucoup moins efficace que les quirats, beaucoup moins !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je vous informe que les armateurs ont particulièrement apprécié que, conformément aux engagements pris par le Gouvernement, que j'avais renouvelés devant la représentation nationale, un système soit substitué aux quirats. Lorsque je le leur ai annoncé, ils ont manifesté leur satisfaction par des applaudissements qui étaient, me semble-t-il, tout à fait sincères.
Mais vous pouvez leur poser la question, si vous en doutez !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quand on s'attend à ne rien avoir et qu'on a quelque chose, c'est normal !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ce nouveau système va permettre aux armateurs de renouveler et de développer la flotte battant pavillon français dans des conditions financières avantageuses.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous m'avez également interrogé sur la suppression des ventes hors taxes, les fameux duty free , qui est programmée pour le 1er juillet prochain.
Le Gouvernement s'est beaucoup mobilisé sur cette question.
Je suis intervenu en conseil européen des ministres des transports et, avec certains de mes collègues, j'ai demandé qu'une étude d'impact soit réalisée avant que le couperet ne tombe.
Ensuite, lors du dernier conseil ECOFIN, M. Strauss-Kahn a confirmé la demande d'un délai de cinq ans. Les représentants de six pays partagent cet état d'esprit. Malheureusement, l'unanimité est requise pour une révision et, aujourd'hui, nous en sommes là. Rien ne permet de savoir !
A cet égard aussi, je pourrais rappeler à quel moment la décision a été prise et raviver les souvenirs de chacun. Mais je ne veux pas remuer le couteau dans les plaies. (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. A chacun ses souvenirs !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Rien ne permet de dire que la date du 1er juillet pourra être reportée en ce qui concerne les accises.
Par ailleurs, M. le Premier ministre a confié à M. Capet une mission chargée de faire des propositions.
Par conséquent, je ne peux pas ne pas penser que les prochaines réunions, y compris le sommet de Vienne, ne seront pas l'occasion de poser à nouveau ce problème.
Les dernières négociations entre ministres européens montrent que les préoccupations de plusieurs gouvernement sont très fortes à l'égard de cette question et qu'une certaine évolution pourrait intervenir ; mais je ne veux pas en dire plus pour l'instant, afin de ne pas créer d'illusions.
En tout état de cause, il conviendra, quel que soit le sort du dossier, de veiller à ce que des régimes d'aides nationales ou communautaires puissent être mis en place de manière spécifique, notamment dans les régions et les ports maritimes de la Manche.
Vous le constatez, ce projet de budget marque clairement, à la suite du comité interministériel de la mer et après de nombreuses années, voire des décennies, de déclin - le sort du France a été évoqué - la volonté du Gouvernement de redresser, sans discours incantatoires mais par des actes, la situation des ports et de la flotte de commerce.
Je répondrai maintenant plus précisément aux intervenants.
M. Massion a évoqué la question des disparus en mer. Je suis d'accord avec vous, monsieur le sénateur, d'une part, pour déplorer que, malgré les efforts du Gouvernement, le nombre des disparitions en mer et les situations dramatiques qui en résultent reste très important, d'autre part, pour dire que s'il n'y avait qu'un seul disparu, ce serait encore trop.
Nous poursuivons nos efforts en matière de sécurité.
J'ai par ailleurs été amené à constater la situation des veuves de disparu et, dans la dernière période, le Gouvernement leur a apporté, ainsi qu'à leurs enfants, un soutien un peu plus important.
Monsieur Le Grand, je suis favorable à toute initiative conduisant à renforcer de façon concrète les politiques de sécurité. Le projet de navire Abeille 2000 doit effectivement intégrer tous les équipements de sécurité nécessaires, notamment ceux qui permettent la récupération des naufragés, conformément au souci que vous avez exprimé.
Je vais demander à la direction des affaires maritimes et des gens de mer d'étudier les modalités qui permettraient d'intégrer ces matériels.
Je vous livre par ailleurs une information toute récente, puisqu'elle date de la rencontre que je viens d'avoir avec le vice-Premier ministre britannique, M. Prescott : je souhaite que notre démarche s'inscrive dans le projet que nous devons réaliser en partenariat avec les responsables de sécurité britanniques.
Qu'il s'agisse du tunnel, de la mer, des bateaux, voire des avions, nous devons réfléchir et travailler ensemble au développement d'un partenariat qui soit favorable à tous et qui intègre la sécurité.
S'agissant de la préretraite progressive des dockers, monsieur Weber, le Gouvernement a arrêté un dispositif sur cinq ans. Ce dispositif est intéressant, puisqu'il répond, d'une part, au problème de ceux qui sont en situation difficile du point de vue physique et, d'autre part, à l'objectif de préretraite progressive qui permet d'embaucher des jeunes.
Je plaiderai pour que ce dispositif, instauré par le comité interministériel de la mer du 1er avril, soit reconduit. Mais, bien évidemment, il faudra procéder à son évaluation. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Le Grand applaudit également.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'équipement, les transports et le logement.
Je vous rappelle que le Sénat a déjà examiné, le vendredi 4 décembre, les crédits affectés au tourisme, à l'urbanisme, au logement et aux transports terrestres et, aujourd'hui, les crédits affectés au transport aérien et à la météorologie.
ETAT B