Séance du 8 décembre 1998
M. le président. Par amendement n° II-161, Mme Beaudeau, MM. Loridant et Foucaud, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 74 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 1636 B sexies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 1636 B sexies. - Sous réserve des dispositions des articles 1636 B septies et 1636 B decies , les conseils régionaux autres que celui de la région d'Ile-de-France, les conseils généraux, les conseils municipaux et les instances délibérantes des organismes de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre votent chaque année les taux des taxes foncières, de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle. »
« II. - Dans le I de l'article 1636 B septies du même code, les mots : "deux fois et demie" sont deux fois remplacés par les mots : "deux fois".
« III. - Dans le IV du même article, les mots "deux fois" sont remplacés par les mots : "deux fois et demie".
« IV. - Les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence. »
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Cet amendement a trait aux conditions de fixation des taux d'imposition des différents impôts locaux par les assemblées délibérantes des collectivités locales.
Nous avions déposé, lors de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances, un amendement relatif aux possibilités de majoration des taux d'imposition à la taxe professionnelle, dans les communes où ces taux étaient particulièrement faibles.
Par cet amendement, nous prolongeons cette réflexion dans le cadre plus général des relations que les collectivités locales doivent avoir avec l'Etat, singulièrement, dès lors que trouve à s'appliquer le principe de libre administration des collectivités locales inscrit au frontispice des lois de décentralisation.
Nous estimons, en particulier, nécessaire que toute liberté dans le cadre suffisamment précis offert par l'article 1636 B septies du code général des impôts doit être laissée aux collectivités locales pour déterminer les taux d'imposition appliqués à chacune des quatre taxes locales.
Cette liberté, nous en sommes convaincus, ne sera pas utilisée de manière exorbitante, les élus locaux étant suffisamment responsables pour percevoir les limites objectives de tout relèvement inconsidéré des taux d'imposition.
Cet amendement est également, pour nous, l'occasion de relever qu'il existe dans notre législation quelques anomalies qui ne sont pas sans effet sur la situation de certaines communes.
En effet, en application des dispositions de l'article 18 de la loi de finances rectificative de juillet 1982, un certain nombre de communes, faiblement dotées en taxe professionnelle, se voient contraintes de participer à la dotation de compensation de la taxe professionnelle créée en 1986 dans le cadre de la mise en place de l'allègement transitoire tout simplement parce que l'insuffisance de leurs ressources fiscales et de leurs bases d'imposition les a contraintes à appliquer des taux d'imposition trop élevés.
C'est là l'un des effets pervers du plafonnement des taux votés par les collectivités locales qui veut que des communes, par ailleurs éligibles aux dotations de solidarité, se retrouvent dans l'obligation de contribuer à compenser les pertes de produit fiscal induites par l'allègement de 16 %, et dont les principales bénéficiaires sont des communes plus richement dotées.
Quand on connaît, de surcroît, les conditions les plus récentes d'évolution de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, on appréciera la portée de la mesure.
Pour ce qui nous concerne, nous persistons à penser que la clarification des rapports entre l'Etat et les collectivités locales passe immanquablement par les dispositions que nous préconisons.
J'avancerai une dernière justification de cette différenciation, que nous proposons pour l'article 1636 B septies , entre la taxe professionnelle et les taxes dues par les particuliers.
Dans la mesure où il est manifeste que les inégalités de potentiel fiscal sont beaucoup plus fortes en matière de taxe professionnelle que pour les autres taxes locales, il est logique que nous procédions à cette différenciation.
C'est donc sous le bénéfice de ces observations que je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. En l'occurrence, nos collègues reprennent un des débats importants en matière de fiscalité locale, celui de la liaison ou de la déliaison des taux d'imposition. Nous avions déjà évoqué cette question à l'occasion de l'examen d'un amendement présenté sur la première partie du présent projet de loi de finances. Nous la retrouverons à nouveau lorsque, d'ici à quelques mois, nous examinerons le projet de loi relatif à l'intercommunalité ; c'est en effet bien dans ce contexte qu'il faudra revoir cette question, en particulier pour ce qui concerne la déliaison à la baisse susceptible d'accompagner la mise en place de nouveaux dispositifs d'intercommunalité à fiscalité intégrée.
La commission ne peut, à ce stade, partager complètement la démarche du groupe communiste républicain et citoyen. Aussi émet-elle un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. La déliaison des taux est un vaste sujet.
Certes, M. Bret l'a dit très clairement, la plupart des collectivités locales sont bien gérées. A preuve, le fait qu'elles dégagent globalement un excédent financier.
Cela étant dit, si cet amendement était adopté, monsieur Bret, certaines collectivités locales, constatant que le taux de la pression fiscale locale sur les particuliers serait limité et que le taux de la taxe professionnelle serait, si je puis dire, entièrement libéré, auraient tendance,...
M. Michel Charasse. La tentation !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... auraient effectivement la tentation, monsieur Charasse, de majorer fortement le taux de leur taxe professionnelle, avec les conséquences qui en résulteraient, à savoir que les entreprises ne viendraient plus s'implanter dans la collectivité considérée ou en partiraient.
Le mécanisme que vous proposez, qui répond certainement à une bonne intention, pourrait accentuer les différences de taxe professionnelle entre communes, et, par voie de conséquence, inciter les entreprises à s'installer dans telle localité plutôt que dans telle autre.
Comme l'a souligné M. le rapporteur général, ce sujet relève de l'intercommunalité, qui prévoit des incitations très fortes pour aller vers une taxe professionnelle à taux unique afin d'éviter la concurrence qui résulte de l'application de taux différents en matière de pression fiscale locale pesant sur les entreprises.
Je vous invite donc, monsieur Bret, à retirer cet amendement, sinon je demanderai au Sénat de le rejeter.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-161.
M. Michel Charasse. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. On ne comprendrait pas qu'il n'y ait pas de frissons qui parcourent cette assemblée dans la perspective effrayante du vote de cet amendement relatif à la taxe professionnelle. En effet, le déverrouillage s'effectue également pour le non-bâti, puisque la taxe sur le foncier non-bâti est, elle aussi, actuellement verrouillée. Il y a d'un côté les entreprises et, de l'autre, les agriculteurs. Il faut bien que quelqu'un pense aux agriculteurs dans ce débat ! (Sourires.)
Nous ne voterons pas cet amendement.
M. Jean Delaneau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delaneau.
M. Jean Delaneau. Comme l'a dit M. le rapporteur général, il s'agit d'un débat intéressant et important, qu'il faudra bien trancher.
Je ne pense pas que ce qui gêne les communes ce soit le fait qu'elles ne puissent pas remonter comme elles veulent le taux de la taxe professionnelle. Elles ont bien conscience de l'équilibre qu'il faut maintenir. Mais il est certain que les verrouillages, cette sorte d'attelage permanent entre taxe professionnelle et taxe d'habitation, génèrent parfois des difficultés relativement grandes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, peut-être pourriez-vous examiner ce qui s'est passé ou ce qui se passe actuellement dans les communautés de communes qui ont choisi comme dispositif fiscal celui des communautés de villes, c'est-à-dire de transférer à la communauté de communes l'intégralité - et seulement cela - de la taxe professionnelle. Cela permet alors à la communauté de communes de modifier le taux de la taxe professionnelle comme elle l'entend, puisqu'il n'y a plus d'autres références. Elle peut donc monter ou descendre le taux, mais la tendance est, me semble-t-il, plutôt à le baisser. Il serait intéressant d'examiner, sur le plan national, quelles ont été les répercussions sur les taux de taxe professionnelle.
Cela étant dit, en l'état actuel de l'amendement, je ne prendrai pas part au vote.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-161, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 74 ter