Séance du 16 décembre 1998
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Candidatures à des organismes extraparlementaires
(p.
1
).
3.
Conseils régionaux.
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture (p.
2
).
Article 3 (suite) (p. 3 )
Amendement n° 11 de la commission et sous-amendement n° 36 de M. Raffarin. -
MM. Paul Girod, rapporteur de la commission des lois ; Jean-Pierre Raffarin,
Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur
par intérim ; Guy Allouche. - Retrait du sous-amendement ; adoption de
l'amendement.
Amendement n° 12 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre,
Jean-Pierre Raffarin, Michel Mercier. - Adoption.
Amendement n° 13 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Guy
Allouche, Jean-Pierre Raffarin. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 2 (précédemment réservé) (p. 4 )
Amendement n° 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Raffarin, Patrice Gélard, Josselin de Rohan, Michel Mercier, Guy Allouche. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 4 (p. 5 )
Amendements n°s 14 à 16 de la commission. - Adoption des trois amendements.
Motion n° 1 de la commission tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à
certaines dispositions de l'article. - MM. le rapporteur, Guy Allouche, le
ministre, Robert Bret, Jean-Pierre Raffarin, Patrice Gélard, Michel Mercier. -
Adoption.
Amendement n° 17 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre,
Jean-Pierre Raffarin, Robert Bret,Josselin de Rohan, Guy Allouche, Jean Clouet,
Claude Estier, Patrice Gélard, Christian Bonnet. - Adoption.
Amendement n° 39 de M. Raffarin. - MM. Jean-PierreRaffarin, le rapporteur. -
Retrait.
Amendement n° 18 de la commission et sous-amendement n° 37 de M. Raffarin. -
MM. le rapporteur, le ministre, Guy Allouche. - Retrait du sous-amendement ;
adoption de l'amendement.
Amendement n° 19 de la commission et sous-amendement n° 38 de M. Raffarin. -
MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Raffarin. - Retrait du
sous-amendement ; adoption de l'amendement.
Adoption de l'article modifié.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
Article 5 (p.
6
)
Amendement n° 20 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 5 (p. 7 )
Amendement n° 21 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Jacques Larché, président de la commission des lois. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles 6 et 7. - Adoption (p.
8
)
Article 8 (p.
9
)
M. Jean-Pierre Raffarin.
Adoption de l'article.
Articles 9 et 10. - Adoption (p.
10
)
Article 11 (p.
11
)
Amendement n° 22 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 12 (p. 12 )
Amendement n° 23 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 13 et 14. - Adoption (p.
13
)
Article 15 (p.
14
)
Amendement n° 24 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 16 (p. 15 )
Amendement n° 25 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Raffarin. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 16 bis (p. 16 )
Motion n° 2 de la commission tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à l'article. - MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Raffarin, le président de la commission, Patrice Gélard. - Adoption de la motion entraînant le rejet de l'article.
Article 17. - Adoption (p.
17
)
Article 18 (p.
18
)
Amendement n° 26 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 19 (p. 19 )
Amendement n° 27 de la commission. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 20 (p. 20 )
Amendement n° 28 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Intitulé du titre III (réserve) (p. 21 )
Demande de réserve. - MM. le rapporteur, le ministre. - La réserve est ordonnée.
Article 21 (p. 22 )
Motion n° 3 de la commission tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à l'article. - MM. le rapporteur, Guy Allouche, le ministre, Jean-Pierre Raffarin, Patrice Gélard, Paul Girod. - Adoption de la motion entraînant le rejet de l'article.
Article 22 (p. 23 )
Amendement n° 30 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 22 bis (p. 24 )
Amendement n° 31 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Guy Allouche, le président de la commission, Josselin de Rohan, Henri de Raincourt, Jean-Pierre Raffarin, Christian Bonnet, Hilaire Flandre, Patrice Gélard. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 22 ter (p. 25 )
Amendement n° 32 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 22
quater (supprimé)
Intitulé du titre III
(précédemment réservé)
(p.
26
)
Amendement n° 29 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'intitulé.
Article 23 (p. 27 )
Amendement n° 33 de la commission. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 24 (p. 28 )
Amendement n° 34 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre.
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
MM. Guy Allouche, le président de la commission, le rapporteur, Jean-Claude Gaudin, le ministre, Jean-PierreRaffarin. - Adoption de l'amendement n° 34 rédigeant l'article.
Intitulé du projet de loi (p. 29 )
Amendement n° 35 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
MM. Guy Allouche, le rapporteur. - Adoption de l'amendement modifiant l'intitulé.
Vote sur l'ensemble (p. 30 )
MM. le rapporteur, Josselin de Rohan, Jean-Pierre Raffarin, Lucien Lanier, Guy
Allouche, Michel Duffour, Serge Vinçon.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
4.
Nomination de membres d'organismes extraparlementaires
(p.
31
).
Suspension et reprise de la séance (p. 32 )
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
5.
Modification des articles 88-2 et 88-4 de la Constitution.
- Discussion d'un projet de loi constitutionnelle (p.
33
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires
européennes ; Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois ; Jacques
Larché, président de la commission des lois ; Xavier de Villepin, président de
la commission des affaires étrangères ; Michel Barnier, président de la
délégation du Sénat pour l'Union européenne.
6.
Rappel au règlement
(p.
34
).
Mme Hélène Luc, le président.
7.
Modification des articles 88-2 et 88-4 de la Constitution.
- Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle (p.
35
).
Discussion générale
(suite)
: MM. Patrice Gélard, Hubert
Durand-Chastel.
8.
Frappes américaines en Irak
(p.
36
).
MM. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes ; le
président.
9.
Modification des articles 88-2 et 88-4 de la Constitution.
- Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle (p.
37
).
Discussion générale
(suite)
: MM. Michel Duffour, Robert Badinter.
Renvoi de la suite de la discussion.
10.
Transmission d'un projet de loi constitutionnelle
(p.
38
).
11.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
39
).
12.
Dépôt d'une résolution
(p.
40
).
13.
Dépôt de propositions d'acte communautaire
(p.
41
).
14.
Dépôt de rapports
(p.
42
).
15.
Dépôt d'un avis
(p.
43
).
16.
Ordre du jour
(p.
44
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
CANDIDATURES À DES ORGANISMES
EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de
trois organismes extraparlementaires.
La commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose les
candidatures de :
- M. Philippe Richert pour siéger au sein du conseil d'administration de la
société de radiodiffusion et de télévision pour l'outre-mer ;
- M. Charles de Cuttoli pour siéger au sein du conseil d'administration de la
société nationale de programme Radio France internationale ;
- et M. Daniel Eckenspieller pour siéger au sein du conseil d'administration
de l'Institut national de l'audiovisuel.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à
l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai
d'une heure.
3
CONSEILS RÉGIONAUX
Suite de la discussion
et adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n°
81, 1998-1999), modifié par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif
au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers de l'Assemblée
de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux. [Rapport n° 95
(1998-1999).]
Au cours de sa séance du 9 décembre dernier, le Sénat avait commencé l'examen
de l'article 3.
Article 3
(suite)
M. le président.
« Art. 3. - L'article L. 338 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 338. -
Les conseillers régionaux sont élus dans chaque région
au scrutin de liste à deux tours, avec dépôt de listes comportant autant de
candidats que de sièges à pourvoir, sans adjonction ni suppression de noms et
sans modification de l'ordre de présentation.
« Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la
majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal au quart du
nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. Cette attribution
opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la
représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous
réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après.
« Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolu des suffrages exprimés au
premier tour, il est procédé à un second tour. Il est attribué à la liste qui a
obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à
pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. En cas d'égalité de suffrages entre les
listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les
candidats ont la moyenne d'âge la moins élevée. Cette attribution opérée, les
autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation
proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de
l'application du quatrième alinéa ci-après.
« Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés ne sont
pas admises à la répartition des sièges.
« Les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation sur
chaque liste.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège,
celui-ci revient à la liste qui a obenu le plus grand nombre de suffrages. En
cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au moins âgé des candidats
susceptibles d'être proclamés élus. »
Au sein de cet article, nous en sommes parvenus à l'examen de l'amendement n°
11.
Par amendement n° 11, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose, dans le
quatrième alinéa du texte présenté par cet article pour l'article L. 338 du
code électoral, de remplacer les mots : « 3 % des suffrages exprimés », par les
mots : « 5 % des suffrages exprimés dans la région ».
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 36, présenté par M.
Raffarin et les membres du groupe des Républicains et Indépendants et tendant,
dans le texte de l'amendement n° 11, à remplacer les mots : « 5 % des suffrages
exprimés » par les mots : « 5 % des inscrits ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 11.
M. Paul Girod,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Cet
amendement tend à fixer de manière raisonnable les seuils d'admission à la
répartition des sièges. J'avais eu l'occasion de dire, lors de la discussion
générale, que l'Assemblée nationale, en abaissant les seuils de façon
importante, avait en fait changé l'esprit même du texte, et que celui-ci, loin
de permettre l'émergence de majorités stables au sein des conseils régionaux,
allait aboutir, par des biais et des chausse-trappes, à assurer des majorités
de convenance à la majorité actuelle de l'Assemblée nationale.
En réalité, il s'agit donc d'élaborer un texte nouveau.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois a souhaité relever de 3 %
à 5 % les seuils des suffrages exprimés dans les régions.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin, pour défendre le sous-amendement n° 36.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le ministre, lors de précédents débats, j'ai déjà exprimé mes doutes
quant à la sincérité du Gouvernement s'agissant de ce projet de loi.
Le Président de la République, dans son discours de Rennes, a parlé de la
modernisation de la vie politique et a demandé que l'on chasse toutes
arrière-pensées. Or ce texte en est un florilège !
Disant cela, monsieur le ministre, c'est non pas le président de l'association
des présidents de conseils régionaux de France qui s'exprime, mais le sénateur
de la Vienne et le président de la région Poitou-Charentes. Vous ne pouvez pas
convaincre les Français que vous ne cherchez pas, en fait, avec un scrutin
proportionnel à deux tours et des seuils très bas, à placer le Front national
en position d'arbitre ! Lorsque nous vous rétorquons - nous ne nous en sommes
pas privés - que votre texte n'est pas convenable, vous nous renvoyez à
l'exemple des élections municipales, en disant que cela fonctionne.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, pour prouver que vous êtes sincère,
pourquoi ne retenez vous pas les seuils des élections municipales, plutôt que
de les fixer au plus bas comme vous l'avez fait dans ce texte ?
L'idée de deuxième tour est pour moi inacceptable - je n'en connais d'ailleurs
aucun exemple dans le monde - mais si vous souhaitez copier le système des
élections municipales, retenez au moins des seuils qui ne permettent pas, au
second tour, de placer le Front national en position d'arbitre !
La commission propose un seuil de 5 % des suffrages exprimés ; je propose un
seuil de 5 % des inscrits. Je me soumettrai à l'avis de M. le rapporteur sur
mon sous-amendement. Ce que je voulais surtout exprimer ici, c'est ma déception
face au manque de sincérité du Gouvernement.
M. le président.
Quel l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 36 ?
M. Paul Girod,
rapporteur.
La majorité de la commission des lois partage l'analyse de M.
Raffarin quant au caractère tendancieux - c'est le moins que l'on puisse dire -
du texte tel qu'il nous arrive de l'Assemblée nationale non pas des mains du
Gouvernement mais des mains des députés. En effet, le Gouvernement, qui avait
exprimé dans ce domaine d'énormes réserves et avait, autant que je m'en
souvienne, proposé un autre texte s'en est benoîtement remis - monsieur le
ministre, vous me pardonnerez de vous le dire, certains pensent, peu
courageusement - à la sagesse de l'Assemblée nationale s'agissant de
l'abaissement des seuils.
C'est dire que, dans son esprit, le sous-amendement de M. Raffarin va dans le
même sens que les réflexions de la commission.
A ce stade ultime du débat, je voudrais insister sur le fait que l'Assemblée
nationale ne peut que reprendre son propre texte ou adopter un texte comprenant
les amendements qu'elle accepte du Sénat.
Nous sommes donc à l'ultime mise en garde contre une manoeuvre à propos de
laquelle les qualificatifs péjoratifs peuvent s'accumuler sans difficulté !
M. le président.
N'accumulez rien, mon cher collègue !
(Sourires.)
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je ne dis rien, monsieur le président ; je m'en garde bien
car je serais probablement excessif.
Cela dit, il faut que de la délibération de la Haute Assemblée émane un
amendement qui soit suffisamment raisonnable, et en même temps le plus efficace
possible, afin que l'Assemblée nationale soit réellement placée devant ses
responsabilités.
En effet, ce sera soit son texte soit le nôtre et, sur ce point précis, je
demanderai à M. Raffarin de comprendre que la commission en appelle à la
sagesse du Sénat et à la sienne pour souhaiter le retrait de son
sous-amendement car, si nous votions le seuil de 5 % des inscrits, nous
atteindrions un degré d'affrontement avec l'Assemblée nationale qui lui
permettrait d'esquiver ses responsablités en cette matière et, par conséquent,
d'écarter d'un revers de main cette disposition comme étant excessive d'autant
que la loi municipale prévoit également un seuil de 5 % des suffrages
exprimés.
Monsieur le président, si notre collègue acceptait de retirer son amendement
tout en recueillant l'expression de la solidarité de pensée de la commission,
il permettrait au Sénat de se prononcer sur un texte qui mette vraiment
l'Assemblée nationale face à ses responsabilités.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 11 et le sous-amendement
n° 36 ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
M.
le rapporteur a rappelé que, lors de la présentation du projet de loi, le
Gouvernement avait retenu le seuil traditionnel de 5 % des suffrages exprimés,
qui est le seuil applicable en matière de répartition des sièges pour la
plupart des scrutins.
L'Assemblée nationale a souhaité abaisser ce seuil à 3 % des suffrages
exprimés, et le Gouvernement s'en est remis à la sagesse des députés.
Ce nouveau seuil ne compromet pas, même s'il comporte des risques
d'émiettement, le principe majoritaire, puisque la prime majoritaire existe
toujours. Par conséquent, l'équilibre du mode de scrutin tel que nous l'avons
imaginé est maintenu.
Par ailleurs, le scrutin à deux tours, c'est le scrutin municipal, monsieur
Raffarin. Or, aujourd'hui, tout le monde s'y est rallié. En effet, s'il n'est
pas parfait, il permet d'obtenir le meilleur résultat : une majorité et une
représentation des oppositions satisfaisante.
M. le président.
Monsieur Raffarin, après avoir entendu M. le secrétaire d'Etat, accédez-vous à
la demande de M. le rapporteur ?
M. Jean-Pierre Raffarin.
J'ai trouvé les propos de M. le rapporteur plus convaincants que ceux de M. le
ministre !
Dans cette discussion, je souhaite que la Haute Assemblée exprime son message
avec le plus de sincérité possible. C'est pourquoi, je me plie à la demande de
notre collègue M. Paul Girod et je retire le sous-amendement n° 36.
En outre, monsieur le ministre, si vous ne voulez vraiment pas placer le Front
national en position d'arbitre, retenez au moins le seuil fixé pour les
élections.
Si votre construction s'effondre, si votre argumentation ne tient pas, c'est
parce que vous prenez ce qui vous intéresse dans la loi municipale et que, pour
les seuils, vous privilégiez votre stratégie électorale, qui consiste à mettre
le Front national en position d'arbitre.
M. le président.
Le sous-amendement n° 36 est retiré.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod
rapporteur.
Monsieur le ministre, s'en remettre à la sagesse du Sénat,
c'est bien. Se référer à la loi municipale, c'est intéressant également. Mais,
dans cette loi, la prime majoritaire est de 50 % des sièges. C'est une sécurité
de majorité absolue. Or, en l'espèce, ce n'est pas tout à fait le cas, puisque
la prime majoritaire serait limitée à 25 % des sièges.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Je voudrais d'abord rappeler à notre excellent rapporteur que, jusqu'à preuve
du contraire, c'est le Parlement qui fait la loi.
(Ah ! sur les travées du RPR.).
Quels que soient les projets que propose le Gouvernement, c'est le
Parlement qui fait la loi.
Même quand on soutient un Gouvernement, à certains moments, on peut exprimer
un désaccord, sans remettre pour autant en question son soutien.
M. Josselin de Rohan.
Ne vous gênez pas !
M. Guy Allouche.
Ce n'est pas nous qui avons dit...
M. Josselin de Rohan.
C'est le moment !
M. le président.
Monsieur Allouche, veuillez exposer les raisons pour lesquelles vous êtes
contre l'amendement n° 11.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, ma réplique fait partie de mon explication !
Ce n'est pas nous qui avons inventé le mot « godillots ». Je vous en laisse la
paternité, monsieur de Rohan.
A certains moments, disais-je, sur tel ou tel point, nous ne sommes pas
d'accord avec nos amis du Gouvernement et nous l'exprimons, ce qui ne remet
nullement en question le soutien fondamental que nous apportons au
Gouvernement.
C'est le Gouvernement qui fait la loi...
M. Patrice Gélard.
Non, c'est le Parlement !
M. Guy Allouche.
Pardonnez-moi, c'est effectivement le Parlement qui fait la loi !
Je me réjouis de voir, avec un effet retard que je souligne, avec quel
engouement M. Raffarin défend aujourd'hui le scrutin municipal.
Souvenons-nous en effet de ce qui s'est dit à l'époque du vote de la loi, de
toutes les catastrophes qui étaient annoncées.
Relisez les débats de 1982 sur le scrutin municipal, monsieur Raffarin !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je ne le soutiens pas, je le tolère !
M. Guy Allouche.
Ce que vous dites aujourd'hui, c'est du « sucre d'orge » par rapport à ce qui
se disait en 1982 !
Aujourd'hui donc, vous vous faites tous et toutes, mesdames et messieurs de la
majorité, les chantres de ce scrutin municipal !
MM. Henri de Raincourt et Michel Mercier.
Mais non !
M. Guy Allouche.
Tant mieux ! Ce scrutin a fait la démonstration de ses vertus et de ses
qualités !
Quant aux seuils qui sont critiqués, je tiens à rappeler à nos collègues que
le but premier de ce projet de loi est de dégager une majorité stable, un fait
majoritaire incontestable.
A partir du moment où une majorité est capable de diriger une région, pendant
cinq ans selon le projet de loi et six ans selon vous, ce texte remplit sa
mission.
Quant aux minorités, vous affirmez que cet abaissement de seuil favorisera
l'émergence des extrêmes.
Pardonnez-moi de répéter ce que j'ai déjà dit dans la discussion générale, les
extrêmes, que ce soit les Savoisiens, Lutte Ouvrière ou les chasseurs - je ne
multiplierai pas les exemples - n'ont pas attendu l'abaissement des seuils de 5
% à 3 % pour exister et font parfois des scores nettement supérieurs aux 5 %
que propose M. le rapporteur.
Dès lors, mes chers collègues, si ce projet de loi permet de dégager une
minorité capable de gouverner les assemblées régionales pendant la durée de la
mandature, l'objectif est atteint.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Allouche.
Le groupe socialiste vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 12, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose, à la
fin de l'avant-dernier alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article
L. 338 du code électoral, de remplacer le mot : « liste » par les mots : «
section départementale ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
L'amendement n° 12 est une conséquence de l'adoption de la
section départementale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Il
s'agit d'un amendement de conséquence, auquel le Gouvernement est
défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 12.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Nous souhaitons vraiment que la décentralisation puisse se dérouler dans la
sérénité. C'est pourquoi la conciliation de la dimension régionale et de la
dimension départementale me paraît constituer une bonne approche de la
décentralisation en sorte que les différents niveaux travaillent ensemble
plutôt que de s'affronter.
C'est pourquoi je soutiendrai l'amendement n° 12.
M. Michel Mercier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier.
Je voudrais simplement indiquer à M. le ministre - mais il le sait bien -
ainsi qu'à M. Allouche que le scrutin municipal, qu'ils viennent de nous
présenter comme étant le modèle de ce projet de loi, a lieu, dans les grandes
villes, par arrondissements.
Ce que recherche M. le rapporteur, comme vient de le souligner M. Raffarin,
c'est de ne pas éloigner les conseillers régionaux de la réalité et établir un
équilibre entre les départements et la région. Dès lors qu'on reconnaît la
région comme la circonscription finale, je ne vois pas pourquoi on rejetterait
par principe les sections départementales, d'autant qu'une disposition de même
nature existe pour les très grandes villes et que l'on devrait s'en
inspirer.
Je constate, au fil de la discussion, que les propositions de M. le
rapporteur sont beaucoup plus proches de la réalité du scrutin municipal, qu'il
s'agisse de la prime majoritaire, du seuil au-delà duquel on peut se présenter
au second tour, que le texte défendu par le Gouvernement.
M. le président.
Cela ne vous surprend pas, monsieur Mercier, que M. le rapporteur soit près
des réalités !
M. Michel Mercier.
Ce qui m'étonne, c'est que M. le ministre ne veuille pas s'en rapprocher.
M. le président.
Laissez le temps au temps !
M. Robert Bret.
Il doit y avoir plusieurs réalités, alors !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 13, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose, dans la
seconde phrase du dernier alinéa du texte présenté par cet article pour
l'article L. 338 du code électoral, de remplacer le mot : « moins » par le mot
: « plus ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je souhaiterais faire un bref commentaire sur le vote qui
vient d'intervenir.
Si, dans cette difficile marche vers la décentralisation, ce débat pouvait
être un instant où se regroupent régionalistes et départementalistes, que l'on
oppose trop souvent et qui, parfois, par arguments s'opposent entre eux, il
aurait permis à cette grande idée de progresser de façon importante.
S'agissant de l'amendement n° 13, monsieur le ministre, je comprends bien le «
jeunisme », mais il ne faut pas exagérer et faire fi de toutes les traditions
de la vie républicaine.
Depuis Athènes, on a toujours dit qu'en cas d'égalité des voix entre deux
personnes c'était le plus âgé,
a priori
le plus expérimenté, qui était
élu. En tout cas c'est le critère le plus neutre, le plus certain, voire le
plus provisoire.
M. Charles Descours.
Il vaut mieux cela que Brutus !
M. Paul Girod,
rapporteur.
L'Assemblée nationale préfère le « jeunisme ». Comme je l'ai
déjà demandé dit, au train où nous collons, lorsqu'un colonel sera tué au
combat, ce sera le soldat le moins expérimenté, le plus jeune, le plus
nouvellement arrivé qui prendra instantanément le commandement de l'unité.
Sans aller jusque-là, l'Assemblée nationale persiste dans l'idée de donner la
priorité au plus jeune en cas d'égalité de suffrages. Pour des raisons qui
tiennent à la fois à la tradition, au sérieux, et peut-être à des aspects
constitutionnels - mais nous verrons bien ! - la commission des lois souhaite
respecter la tradition républicaine et maintenir le bénéfice de l'âge pour le
plus âgé des candidats susceptibles d'être élus et pour non pas le plus
jeune.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer ministre de l'intérieur par intérim.
Dans
son projet de loi initial, le Gouvernement avait proposé un texte qui
maintenait la tradition de l'élection du plus âgé en cas de stricte égalité -
cas relativement rare - des suffrages entre les deux listes.
La disposition adoptée par l'Assemblée nationale ne met pas en cause
l'équilibre général du projet. C'est pourquoi le Gouvernement, tout en étant
favorable à son texte initial, c'est-à-dire au respect de la règle du plus âgé,
s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Au cours d'un échange de vues que nous avons eu, voilà quelques jours, sur ce
point précis, mon collègue M. Legendre et moi-même nous nous sommes retrouvés
sur la même longueur d'ondes, si je puis m'exprimer ainsi.
Le groupe socialiste va s'abstenir sur cet amendement parce que - c'est vrai
- les arguments soutenus en faveur du plus jeune présentent beaucoup
d'inconvénients. Evitons le « jeunisme » dont on parle tant !
En revanche, et nous nous retrouvons sur ce point avec M. Jacques Legendre, si
l'idée selon laquelle le doyen l'emporterait en cas d'égalité de suffrages
correspondait à une réalité, cela n'est plus le cas aujourd'hui.
J'ai invité M. le rapporteur à engager une réflexion au sein de la commission
des lois pour remédier à cette difficulté. Peut-être parviendrons-nous, un
jour, à retenir la moyenne des âges de chaque liste pour prendre l'âge médian
ou l'âge moyen de la liste !
Il est exact qu'il faut avoir quelque expérience pour diriger une assemblée
locale, départementale ou régionale.
Il est vrai aussi que, si le doyen a peut-être l'âge pour diriger une
assemblée, il n'en a peut-être pas toutes les qualités !
Par conséquent, aujourd'hui, je m'abstiens, mais je réitérerai ma proposition
en commission des lois. En effet, si l'on écarte le plus jeune, je ne souhaite
pas que l'on retienne à l'avenir le plus âgé car, si le jeune manque
d'expérience, le plus âgé présente également de nombreux défauts.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je souhaite simplement bien faire remarquer à notre collègue
Guy Allouche que, si une partie de l'assemblée est appelée à proposer le plus
âgé en cas d'égalité de suffrages, c'est parce que l'autre partie de
l'assemblée a proposé celui qui était juste au-dessous.
Mais rien n'oblige à envoyer le plus âgé de son camp à la compétition ! Par
conséquent, l'argument selon lequel le plus âgé est trop vieux vaut également
pour le vice-doyen.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je voterai pour cet amendement n° 13, présenté par M. le rapporteur.
J'apprécie la position de réserve de M. Allouche, et je partage son idée
d'engager une réflexion sur ce sujet. Toutefois, celle-ci devrait être conduite
non seulement par la commission des lois, mais également par la commission des
affaires culturelles.
En effet, la place de l'expérience est un élément majeur de l'équilibre de nos
sociétés. Elle va au-delà du simple processus de fonctionnement et
d'organisation juridique de nos travaux démocratiques. Elle fait partie de la
civilisation à laquelle notre pays reste attaché !
M. Guy Allouche.
Vous avez raison !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
M. Guy Fischer.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Guy Allouche.
Le groupe socialiste également.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 2
(précédemment réservé)
M. le président.
Nous en revenons à l'article 2, qui avait été précédemment réservé.
J'en donne lecture :
« Art. 2. - L'article L. 337 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 337
. - L'effectif de chaque conseil régional est fixé
conformément au tableau n° 7 annexé au présent code. »
Par amendement n° 5, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit cet article :
« L'article L. 337 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 337. -
L'effectif des conseils régionaux et la répartition
des sièges à pourvoir entre les sections départementales sont fixés
conformément au tableau n° 7 annexé au présent code.
« La révision du nombre des conseillers régionaux a lieu au cours de la
session ordinaire du Parlement qui suit la publication des résultats du
recensement général de la population. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
L'article 2 traitait de l'effectif des conseils régionaux. Il
était, selon le projet de loi, cohérent avec le système du scrutin dans la
circonscription régionale.
A partir du moment où le Sénat s'orientait vers la création de sections
départementales, il était logique que cet article fût harmonisé avec l'article
3. Voilà pourquoi la commission vous propose cet amendement n° 5, qui
introduit, dès l'article 2, la notion de section départementale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Le
Gouvernement est défavorable à cet amendement. En effet, d'après la
présentation qui en a été faite par M. le rapporteur, par M. Raffarin et par M.
Mercier, cet amendement vise à introduire des listes de sections
départementales.
D'abord, on risque de neutraliser le principe de la prime majoritaire. En
effet, les départements qui, de par leurs tendances politiques, s'opposeront,
annuleront les effets destinés à donner une stabilité de gestion à la
région.
Ensuite, et ce point me paraît important à ce niveau du débat, en passant à la
circonscription régionale, nous allons donner à la région une dimension plus
perceptible pour les électeurs.
L'élection a lieu au mode de scrutin départemental mais, nous l'avons vu lors
des dernières élections, on s'intéresse de plus en plus à la dimension
régionale, et la liaison entre le scrutin départemental et la dimension
régionale n'est pas évidente pour les électeurs.
Aujourd'hui, si l'on veut que les régions s'affirment, il faut que la taille
du scrutin de mode régional donne une véritable légitimité au suffrage
universel exprimé dans ce cas.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je veux soutenir l'amendement de M. le rapporteur et dire à M. le ministre que
j'ai un désaccord de fond avec lui sur ce sujet.
Si vous voulez affirmer le fait régional contre le département, dites-le tout
de suite ! Vous croyez vraiment que notre démocratie sera viable avec des
échelons qui se combattent et qui sont incapables d'avoir des politiques
contractuelles ?
Si je comprends bien, le Gouvernement choisira les territoires avec qui il
passera des contrats et la région choisira les départements avec qui elle
passera des contrats ? Tout cela sera une chicaya généralisée ! Où allons-nous
alors que, nous le savons très bien, l'avenir est au partenariat et donc au
travail en commun ?
Dans la démarche proposée par M. le rapporteur, je trouve intelligent le fait
que l'on affirme la région pour elle et pour ses projets, et non contre le
département, et que l'on rapproche l'élu régional de son territoire. Voilà
pourquoi je soutiens l'amendement n° 5 de la commission.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Je voudrais également exprimer mon désaccord avec le point de vue de M. le
ministre.
Le scrutin régional tel qu'on nous le présente actuellement est un mauvais
scrutin. L'électeur ne s'y retrouve pas, car il ne connaît pas les candidats
qui sont sur la liste, contrairement à ce qui se passe dans le cadre
départemental. On l'a bien vu pour des scrutins proportionnels de plus en plus
étendus ; je pense, par exemple, au scrutin européen. L'électeur ne s'y
retrouve pas et, en fin de compte, tout lien direct est coupé entre l'électeur
et l'élu.
Par conséquent, le cadre départemental doit subsister, ou alors, comme le
disait M. Raffarin, qu'on affiche la couleur et qu'on dise clairement que l'on
ne veut plus du département, et que l'on veut seulement de la région ! C'est
une façon de faire !
Mais il en est une autre, monsieur le ministre, qu'on aurait pu utiliser,
comme je l'ai déjà dit. On aurait pu prévoir un scrutin mixte au niveau
régional, garder les circonscriptions uninominales, où chacun connaît son
candidat, et répartir d'autres sièges à la proportionnelle. C'est ce qui se
fait dans les
Lander
allemands et cela marche très bien ! On se
reconnaît dans l'élu, parce qu'on le connaît et qu'on l'a choisi.
Mais, entre nous soit dit, vais-je vraiment connaître le dix-septième candidat
de la liste issu d'un département distant de deux cents kilomètres de l'endroit
où je suis ? Non !
En réalité, on va couper l'élu de l'électeur et, une fois de plus, c'est la
porte ouverte à n'importe quelle manipulation en coulisse ! On connaît déjà
tous les méfaits du scrutin proportionnel. Alors que l'on ne nous en chante pas
ici les louanges !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste
et des Républicains et Indépendants.)
M. Josselin de Rohan.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
M. de Rohan.
Je voudrais à mon tour soutenir l'amendement de la commission pour une raison
qui n'a pas été développée par les orateurs qui m'ont précédé, bien qu'ils
aient avancé des arguments tout à fait excellents en faveur du département : à
mon sens, il ne faut pas couper les élus des territoires, et il faut assurer
une représentation égale des territoires dans la région.
Je préside une région dont la superficie est étendue puisque la distance qui
sépare Brest de Rennes est la même que celle qui sépare Rennes de Paris ! Il
est extrêmement important que tous les territoires aient des défenseurs, des
représentants, au sein du conseil régional. Or, dans votre système, monsieur le
ministre, les partis chercheront naturellement à désigner des élus potentiels
là où les électeurs sont les plus nombreux. On privilégiera ainsi les zones les
plus peuplées au détriment de celles qui le sont moins.
On pourrait parfaitement aboutir à une situation, s'il y a une circonscription
unique, - puisque vous avez inventé, monsieur le ministre, une loi électorale
qui crée l'extrême diversité, l'extrême pluralité - dans laquelle les têtes de
listes risquent d'être à peu près toutes élues dans les zones les plus
peuplées. Ainsi, des territoires entiers ne seront pas représentés, parce que
l'on n'aura pas jugé utile d'y désigner des élus potentiels, du fait qu'ils ne
comptaient pas suffisamment d'électeurs.
Le second vice de votre système est inhérent à vos propres conceptions. Ce qui
sous-tend votre loi, c'est la partitocratie : c'est l'idée, en définitive,
qu'il faut détacher autant que faire se peut l'électeur de l'élu et rattacher
l'élu au parti, lequel distribuera les investitures et dépendra de vous !
C'est d'ailleurs pourquoi on fait en sorte, sur de telles listes, de désigner
très souvent des hommes d'appareil, des hommes de fonction, dont on sait très
bien que, s'ils affrontaient directement l'électeur à l'occasion d'un scrutin
cantonal, ils seraient battus !
Avec ce système, vous casez très souvent la plupart de vos idéologues, que
nous avons le plaisir de retrouver dans nos assemblées régionales, où ils
discutent et théorisent sur des faits qu'ils connaissent fort mal.
Ces deux points étant l'illustration de votre système, vous souffrirez que
nous préférions le système de M. le rapporteur au vôtre !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. Claude Estier.
Et pourquoi avez-vous refusé la réforme du scrutin proportionnel ?
M. Paul Girod,
rapporteur.
Vous aussi !
M. Michel Mercier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier.
M. le ministre vient de nous dire que cette loi électorale avait pour objet
d'assurer l'émergence de la région au sein des collectivités territoriales. Je
pense, personnellement, que la proposition qui nous est faite aujourd'hui est
le fruit des non-choix du Gouvernement illustrés par les deux prochains textes
dont nous allons avoir à discuter - celui qui sera soutenu par Mme la ministre
de l'aménagement du territoire et celui qui le sera par M. le ministre de
l'intérieur - textes qui me semblent procéder de philosophies différentes quant
à l'organisation territoriale de notre pays.
Le fait que l'on ne fasse pas de choix clairs conduit à des résultats comme
celui que nous observons dans la région Rhône-Alpes : honnêtement, dans une
telle région, se trouver avec une liste de plus de 157 noms sera-t-il de nature
à rapprocher véritablement l'électeur du conseiller régional ?
On voit bien que tout cela va complètement déconnecter les conseillers
régionaux des électeurs, qui vont avoir un bulletin de vote grand comme un
journal !
M. le président.
209 noms, en Ile-de-France.
M. Michel Mercier.
Ils s'arrêteront de le lire au troisième ou au quatrième nom. En fait, ils ne
regarderont que le titre.
On ne cherche pas véritablement à faire vivre la collectivité territoriale
région. Si cela avait été le cas, vous auriez pu imaginer un scrutin prévoyant
l'élection des conseillers régionaux dans le cadre des agglomérations, dont
vous nous parlez régulièrement, ou dans celui des pays, dont vous nous parlez
aussi régulièrement. On aurait pu ne pas être d'accord, mais au moins il y
aurait eu un vrai choix sur l'organisation territoriale de notre pays.
Je crois que ce non-choix, solution qui nous est proposée pour rechercher une
majorité, est tout à fait mauvais et que la proposition du rapporteur va
permettre de donner une consistance concrète au bulletin de vote. C'est aussi
ce que recherchent les électeurs s'ils veulent construire une vraie
majorité.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Vous pouvez contester le principe de la liste régionale mais, à partir du
moment où vous voulez défendre les sections départementales. De grâce, trouvez
d'autres arguments !
Quand j'entends M. de Rohan, je crois rêver ! Il appartient à une formation
politique qui vient de découvrir les bienfaits du suffrage universel direct des
militants après quarante années de centralisme démocratique, et il parle du
rôle des partis !
M. Josselin de Rohan.
Cela vole bas !
M. Guy Allouche.
On découvre d'un coup les joies du suffrage des militants et dans le même
temps on critique les partis politiques !
Je ne critique pas les partis politiques parce que nous en avons besoin !
M. Josselin de Rohan.
Vous savez très bien ce que je veux dire !
M. Guy Allouche.
D'ailleurs, ils font partie de notre droit fondamental !
Quant à M. Gélard,...
M. Patrice Gélard.
Oui !
M. Guy Allouche.
... qui évoque la distance qui rapproche l'élu du citoyen, de l'électeur,
qu'il me permette de dire que parfois les électeurs d'une même ville ne
connaissent pas tous les candidats d'une liste municipale, les quartiers étant
tellement dispersés.
Je serais étonné qu'à Rouen ou au Havre tous les électeurs des différents
quartiers connaissent les différents candidats ! Si c'est possible, tant mieux
pour eux !
M. Patrice Gélard.
Mais ils font campagne !
M. Guy Allouche.
Très bien !
J'invite M. Gélard à se rendre dans le département de mon ami Bel, l'Ariège ;
il constatera que la distance est telle qu'on peut ne pas connaître tout le
monde. Mais si l'exemple de l'Ariège ne le convainc pas, je l'invite chez moi,
dans le Nord, un département qui s'étale sur 271 kilomètres et où l'on compte
2,6 millions d'habitants ! Votre argumentation tombe, monsieur Gélard !
M. Charles Descours.
Avec votre système, c'est pis !
M. Guy Allouche.
Même vos sections départementales ne rapprocheront pas davantage le candidat
de l'électeur. Je crois qu'il faut trouver d'autres arguments.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - L'article L. 346 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 346
. - Une déclaration de candidature est obligatoire pour
chaque liste de candidats avant chaque tour de scrutin.
« Chaque liste assure la parité entre candidats féminins et masculins.
« Seules peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au
premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 5 % du total des suffrages
exprimés. La composition de ces listes peut être modifiée pour comprendre des
candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que
celles-ci aient obtenu au premier tour au moins 3 % des suffrages exprimés et
ne se présentent pas au second tour. En cas de modification de la composition
d'une liste, le titre de la liste et l'ordre de présentation des candidats
peuvent également être modifiés.
« Les candidats ayant figuré sur une même liste au premier tour ne peuvent
figurer au second tour que sur une même liste. Le choix de la liste sur
laquelle ils sont candidats au second tour est notifié à la préfecture de
région par le candidat tête de la liste sur laquelle ils figuraient au premier
tour. »
Par amendement n° 14, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
rédiger ainsi le premier alinéa du texte présenté par cet article pour
l'article L. 346 du code électoral :
« Une déclaration de candidature est obligatoire avant chaque tour de scrutin
pour chaque liste, présentant les candidats répartis entre les différentes
sections départementales. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
C'est un amendement de conséquence.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Avis défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 15, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose, après
le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article L. 346 du
code électoral, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Elle résulte du dépôt à la préfecture de région d'une liste comportant
autant de candidats qu'il y a de sièges à pourvoir dans la région divisée en
sections départementales. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il s'agit également d'un amendement de conséquence.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Avis défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 16, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose, après
le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article L. 346 du
code électoral, d'insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Sur cette liste, chaque candidat doit mentionner son rattachement à un seul
département de la région, dans lequel il est éligible au conseil général en
application du deuxième alinéa de l'article L. 194.
« Toutefois, pour les sections départementales comportant un nombre de sièges
à pourvoir égal ou inférieur à cinq, la liste comporte un nombre de candidats
égal au nombre de sièges à pourvoir augmenté de deux. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Même s'il entre un peu plus dans le détail que les
précédents, cet amendement est également un amendement de conséquence.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi, par M. Paul Girod, au nom de la commission, d'une
motion n° 1 tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à certaines
dispositions de l'article 4.
Cette motion est ainsi rédigée :
« Considérant que les dispositions du deuxième alinéa du texte proposé par
l'article 4 du projet de loi pour l'article L. 346 du code électoral comportent
une distinction entre candidats, en raison de leur sexe, contraire aux
principes constitutionnels énoncés à l'article 3 de la Constitution et à
l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, réaffirmés
par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 novembre 1982, le Sénat,
en application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, déclare irrecevable le
deuxième alinéa du texte proposé par l'article 4 du projet de loi adopté par
l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, relatif au mode d'élection des
conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au
fonctionnement des conseils régionaux pour l'article L. 346 du code électoral.
»
Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative
ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour
quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie
au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une
durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Paul Girod, auteur de la motion.
M. Paul Girod,
rapporteur.
J'ai l'impression que nous sommes en train d'utiliser pour la
première fois une disposition qui figure au deuxième alinéa de l'article 44 du
règlement du Sénat et aux termes de laquelle la commission saisie au fond et le
Gouvernement, et eux seuls, peuvent soulever l'exception d'irrecevabilité
constitutionnelle partielle sur un texte. C'est ce que fait, en cet instant, la
commission des lois à l'égard du deuxième alinéa de l'article du présent texte
visant à assurer la parité entre hommes et femmes dans les listes de candidats
aux élections de conseillers régionaux.
Il s'agit là d'un sujet important, qui agite beaucoup notre société en ce
moment et qui va faire l'objet d'un débat d'ordre constitutionnel maintenant en
instance devant le Sénat.
Je tiens en cet instant à m'élever contre des propos surprenants qui auraient
été tenus à propos de l'alinéa en question, y compris en cette enceinte, et qui
voudraient que, à partir du moment où l'Assemblée nationale aurait pris
position, le problème constitutionnel ne se poserait plus.
Si c'était vrai, il y aurait lieu de se demander pourquoi il y a une
Constitution, un Parlement, des procédures et, à la limite, un peuple qui
vote.
Dans cette affaire, en introduisant cette notion de parité, l'Assemblée
nationale a froidement ignoré le texte actuel de notre Constitution, et ce
d'une manière maladroite dans la mesure où elle parle de la parité des
candidats, ce qui n'assure nullement la parité des élus puisqu'on peut
parfaitement concevoir que, même si les candidats étaient parfaitement répartis
à parité entre les deux sexes, les élus ne le seraient nécessairement pas dans
la même proportion.
Passons sur la maladresse et rappelons que la Constitution prévoit en son
article 3 :
« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses
représentants et par la voie du référendum.
« Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer
l'exercice.
« Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la
Constitution. Il est toujours universel, égal et secret.
« Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les
nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et
politiques. »
Déjà, en 1982, une disposition votée par le Parlement a été annulée par le
Conseil constitutionnel dans sa décision n° 82-146 du 18 novembre 1982 au motif
qu'une règle fixant pour l'établissement des listes soumises aux électeurs une
distinction entre des candidats en raison de leur sexe était contraire aux
principes constitutionnels. C'est la conclusion à laquelle a abouti le Conseil
constitutionnel en procédant au rapprochement de l'article 3 de la Constitution
et de la dernière phrase de l'article VI de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen.
Voilà pourquoi la commission des lois demande au Sénat de déclarer
irrecevable le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 4 du projet de
loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au mode
d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse
et au fonctionnement des conseils régionaux, pour l'article 346 du code
électoral.
Mes chers collègues, je crois avoir apporté la démonstration que cet alinéa
n'est pas conforme au texte actuel de notre Constitution, qui reste le texte
fondamental régissant les principes que nous appliquons, pour notre part, à la
vie républicaine.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche contre la motion.
M. Guy Allouche.
On ne peut que donner acte à M. le rapporteur des arguments qu'il a avancés et
de son rappel de la loi fondamentale, dont on ne peut que reconnaître
l'exactitude.
Mais peut-être nos collègues députés ont-ils voulu anticiper ! En effet, un
texte dont nous allons débattre dans quelques semaines a été voté hier, à
l'unanimité, à l'Assemblée nationale. Certes, je ne peux préjuger le vote
qu'émettra la Haute Assemblée. Mais enfin...
Il n'en reste pas moins qu'en droit normatif, on ne peut pas encore intégrer
cette mesure.
Après tout, c'est le Conseil constitutionnel qui peut trancher. Mais s'il
n'est pas saisi de la question, il ne pourra le faire.
Je reconnais que les arguments avancés par le rapporteur sont fondés.
Toutefois, en la circonstance, dans la mesure où une majorité importante semble
se dégager en faveur de l'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions et
mandats électifs, je pense que nous aurions pu nous permettre le luxe
d'anticiper.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je rappelle à M. Allouche que, en 1982, le Conseil
constitutionnel n'avait pas été saisi sur ce point précis. C'est lui qui,
examinant un texte comportant cette disposition, est allé débusquer l'anomalie
qui s'y trouvait.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Mesdames, messieurs les sénateurs, hier soir, l'Assemblée nationale a examiné
la réforme constitutionnelle portant sur la parité entre hommes et femmes.
Cette réforme a été votée à l'unanimité des quatre-vingt-deux députés présents,
après qu'une exception d'irrecevabilité sur ce texte eut été repoussée à la
quasi-unanimité, à l'exception de celui qui l'avait présentée.
Il est vrai que, à la lettre, le Conseil constitutionnel pourrait se prononcer
comme en 1982, mais je pense qu'il pourrait prendre en considération les
intentions du législateur et le fait que, en inscrivant ces dispositions dans
la loi, on anticipe une réforme qui me paraît portée, au moins aujourd'hui, par
l'Assemblée nationale et, je l'espère, dans quelques semaines, par le Sénat.
(Murmures sur les travées du RPR.)
M. Michel Mercier.
On n'a qu'à attendre !
M. Josselin de Rohan.
Pour qui prenez-vous les législateurs ?
M. le président.
Je vais mettre aux voix la motion n° 1.
M. Robert Bret.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les
sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre la motion
d'irrecevabilité présentée par la droite sénatoriale, qui revêt de forts
relents de machisme.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Le projet de loi anticipe, vous l'avez dit, monsieur le ministre, sur la
réforme constitutionnelle qui doit introduire dans la Constitution le concept
de parité entre les hommes et les femmes sur le plan des fonctions
électives.
Cette anticipation constitue selon nous une très bonne chose. D'une certaine
manière, le vote, dès maintenant, d'une loi intégrant la reconnaissance de la
place des femmes dans la vie politique, ou du moins la volonté de cette
reconnaissance, est un appel à tenir les engagements pris.
Nous savons que la majorité sénatoriale n'est pas toujours à l'avant-garde de
la défense des droits des femmes, les débats sur l'interruption volontaire de
grossesse intervenus ces dernières années sont malheureusement là pour le
rappeler.
Voter contre la parité aujourd'hui - c'est de cela qu'il s'agit, en dépit de
toutes les explications de M. le rapporteur - risque fort de confirmer l'aspect
rétrogade que revêt le Sénat aux yeux de l'opinion publique.
Aussi, je lance un appel au Sénat, à toutes ses composantes, pour refuser, à
l'aube du xxie siècle, un amendement qui se situe à contre-courant de
l'évolution de notre société.
(Très bien ! sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Ce qui vient d'être dit est absolument inacceptable !
M. Jean-Claude Gaudin.
Bien sûr !
M. Jean-Pierre Raffarin.
La Haute Assemblée est tout aussi moderne que l'Assemblée nationale, et ce
n'est pas le groupe communiste républicain et citoyen qui peut prétendre lui
montrer le chemin du modernisme !
Que les choses soient bien claires : il s'agit simplement d'un problème de
respect du législateur. Je ne suis pas dans cette assemblée depuis très
longtemp, mais j'ai trop de respect pour le travail qui y a été réalisé pendant
des années et des années pour considérer qu'un texte peut anticiper sur nos
décisions.
C'est la raison pour laquelle je soutiens la position de M. le rapporteur.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Je serai très bref ; je ne répéterai pas ce que j'ai déjà dit à propos de ce
débat.
On ne peut pas préjuger ce que sera la révision constitutionnelle ni même si
elle sera.
Je rappelle les dispositions de l'article 89 de la Constitution : « Le projet
ou la proposition de révision doit être voté par les deux assemblées en termes
identiques. »
Je déplore, monsieur le ministre, que vous agissiez comme la presse qui, trop
souvent, semble dire que la loi est adoptée parce que l'Assemblée nationale l'a
votée. Je rappelle que le Parlement est bicaméral, et heureusement ! car je ne
sais pas très bien où en serait la démocratie s'il ne l'était pas.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Claude Gaudin.
Très bien !
M. le président.
Je vous remercie, monsieur Gélard, de rappeler l'intérêt du Sénat pour
l'équilibre de nos institutions.
M. Michel Mercier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier.
Monsieur le président, je voudrais dire à M. le ministre et à nos collègues de
la minorité sénatoriale que la question qui nous est posée est une question de
fond.
Si le législateur, lui-même, ne respecte pas la Constitution, je me demande
bien qui la respectera.
Le Gouvernement - on l'a rappelé à plusieurs reprises ces derniers jours - a
la maîtrise de l'ordre du jour des assemblées. Rien ne l'empêchait d'inscrire à
l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et du Sénat la réforme
constitutionnelle prévoyant un égal accès des hommes et des femmes aux
fonctions électives. Nous aurions pu en débattre, réformer la Constitution et,
ensuite, adopter éventuellement la disposition qui fait l'objet de la présente
motion d'irrecevabilité.
Aujourd'hui, M. le ministre nous dit : la Constitution n'a pas beaucoup
d'importance... on verra bien dans quelques jours ce qui arrivera... Pour
l'instant, nous avons une loi fondamentale. Elle s'impose à nous et ce que nous
a dit M. le rapporteur doit nous conduire à suivre l'avis de la commission.
Demain, nous montrerons à tous nos collègues et à l'ensemble de nos concitoyens
que le Sénat n'est ni « ringard » ni hostile à l'accès de qui que ce soit aux
mandats politiques.
M. Claude Estier.
Vous voterez pour la parité alors ?
M. Michel Mercier.
Bien entendu !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du deuxième alinéa du texte
proposé par l'article 4 du projet de loi pour l'article L. 346 du code
électoral.
(La motion est adoptée.)
M. le président.
En conséquence, le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 4 du projet
de loi pour l'article L. 346 du code électoral est rejeté.
Par amendement n° 17, M. Girod, au nom de la commission des lois, propose,
dans la première phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 4
pour l'article L. 346 du code électoral, de remplacer le pourcentage : « 5 % »
par le pourcentage : « 10 % ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Nous retrouvons le problème des seuils qui a déjà été traité
tout à l'heure.
La commission des lois propose au Sénat de revenir aux seuils qui avaient été
envisagés par le Gouvernement. Ils sont raisonnables. Ils permettent le
maintien au second tour des listes ayant reçu un minimum d'adhésion populaire.
Cela donnera une prime de 25 % et non pas de 50 %, comme pour les élections
municipales, et permettra d'aboutir à une majorité stable. Par ailleurs, cela
évitera l'éparpillement des suffrages et des listes, la confusion dans
l'expression de la volonté populaire. Bref, nous aurons un scrutin
raisonnable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Le
Gouvernement avait initialement proposé un dispositif qui se rapprochait de
celui que vient de présenter M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Non, c'était exactement le même !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
L'Assemblée nationale a souhaité modifier le seuil et le Gouvernement s'en est
remis à sa sagesse. J'adopterai ici la même position, étant entendu que,
s'agissant d'un scrutin régional, il convient de concilier le pluralisme et la
diversité de la représentation, d'une part, la recherche d'une stabilité
majoritaire, d'autre part.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 17.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Cet article 4 est bien l'article le plus ambigu du texte, pour ne pas dire le
plus coupable.
Il est évident que, avec la question de la présence au second tour, nous
sommes devant une manoeuvre visant à placer le Front national en position
d'arbitre.
Souvenez-vous de l'argumentation du président Giscard d'Estaing sur ce sujet !
Deux présidents de la République vous ont demandé de chasser les
arrières-pensées dans cette affaire. Réfléchissez : la situation est grave !
Pourquoi ne faites-vous pas confiance aux procédures démocratiques ?
Si l'amendement est adopté, l'électeur ayant voté pour le Front national au
premier tour, dans un grand nombre de cas, n'aura plus de candidat Front
national au second tour. Il devra donc faire lui-même l'arbitrage entre la
gauche plurielle et la droite républicaine : ce ne seront pas les élus qui
devront faire le choix et on n'assistera pas à toutes ces « magouilles » que
vous avez dénoncées.
En fixant de nouveau le seuil à 10 %, l'amendement oblige l'électeur à sortir
de l'ambiguïté et à arbitrer. Au premier tour, il proteste ; au second, il
choisit et il assume une responsabilité démocratique. Ainsi, il n'y a plus de «
magouilles » !
Puisque nous voulons tous lutter contre les « magouilles » et tous lutter
contre l'influence du Front national, il faut accepter ce seuil de 10 %.
J'avais proposé que ce soit 10 % des inscrits, mais je suis prêt à me rallier à
un seuil de 10 % des suffrages exprimés. Ainsi, nous aurons au moins la même
règle que pour les élections municipales.
Au demeurant, pour ma part, monsieur Allouche, je n'apprécie pas cette règle
pour les élections municipales. Je pense d'ailleurs que, lors du prochain
scrutin municipal, il y aura des problèmes. Cela permettra peut-être d'engager
un débat pour revoir cette question.
En tout état de cause, j'ai noté que c'était là l'argument du Gouvernement
pour justifier de sa bonne foi. Si le Gouvernement est vraiment sincère sur ce
sujet, il doit prendre position -
a fortiori,
eu égard à l'actualité -
en faveur d'un seuil de 10 %. Tout autre choix montrerait qu'il se satisfait de
la situation.
Autrefois, du temps de M. Mitterrand, on parlait d'« instrumentalisation ».
M. Claude Estier.
C'est vous qui en parliez !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Il semble que, sur cette stratégie, il n'y ait pas de rupture avec le
passé.
Vraiment, monsieur le ministre, je vous invite à méditer ces propos de M.
Giscard d'Estaing : « Si le Gouvernement s'accroche à son projet et refuse
toute modification, le masque vertueux tombe. Il devient évident qu'il s'agit
non d'assurer la prééminence des valeurs tolérantes et républicaines, mais de
recourir à une manoeuvre tortueuse pour conquérir le pouvoir régional ».
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. Claude Estier.
Millon et Soisson ne sont pas chez nous !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur Estier, vous n'avez rien à nous reprocher sur ce sujet ! J'ai pris
très clairement position sur ce point, et je vous prie donc de ne me faire
aucun reproche.
M. Josselin de Rohan.
De qui Soisson a-t-il été ministre ?
M. Claude Estier.
De Giscard, précisément !
M. Josselin de Rohan.
Et de Mitterrand !
M. Jean-Pierre Raffarin.
En ce qui concerne le dernier paragraphe de l'article, je reprendrai à mon
compte les propos que tenait tout à l'heure M. de Rohan sur la « partitocratie
». Il y est indiqué que le candidat tête de liste est habilité à annoncer avec
quelle autre liste la sienne va fusionner en vue du second tour. Il me paraît
tout de même étrange qu'on donne un tel pouvoir aux têtes de listes, dans la
mesure où il pourrait y avoir débat préalable entre l'ensemble des candidats
inscrits sur la liste. En fait, on donne aux chefs de parti la possibilité de
prendre seuls une décision extrêmement importante.
Il y a d'ailleurs là une contradiction avec l'article 8, qui prévoit que la
déclaration de retrait est signée par la majorité des candidats de la liste.
Ainsi, on considère que, pour fusionner, il suffit de l'avis de la tête de
liste, c'est-à-dire de l'appareil politique, mais que, pour retirer la liste,
la décision doit être prise à la majorité. Sur ce plan aussi, l'article 4
manque de sincérité.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. Robert Bret.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Notre groupe ne peut que saluer la sagesse dont a fait preuve l'Assemblée
nationale...
M. Josselin de Rohan.
C'est pour vous sauver du désastre !
M. Robert Bret.
... en décidant d'abaisser ce seuil. Ainsi sont assurés à la fois une majorité
stable et un véritable pluralisme. Or le pluralisme est un élément fort de la
démocratie dans notre pays, et il va à l'encontre de la bipolarité que vous
souhaitez trop souvent, messieurs de la droite.
Et vous, monsieur Raffarin, de quel Front national nous parlez-vous ? De celui
de M. Mégret ou de celui de M. Le Pen ? Demain, quelle sera votre attitude,
face à ce problème ?
M. Jean-Pierre Raffarin.
Avec 3 % chacun, ils pourront fusionner et être présents au second tour !
MM. Robert Bret et Claude Estier.
Et avec qui vont-ils fusionner ?
M. Josselin de Rohan.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Je voudrais d'abord féliciter M. Raffarin pour la pertinence de son analyse.
Nous sommes bien là au coeur du débat parce que c'est là qu'apparaissent le
clientélisme sous-jacent, les « magouilles »...
M. Robert Bret.
Vous vous y connaissez en magouilles !
M. Guy Fischer.
Ce sont des spécialistes !
M. Josselin de Rohan.
... et l'intention totalement perverse des auteurs de cette superbe
invention.
En effet, il s'agit évidemment de préserver, pour le second tour, un certain
nombre de gens qui pourront gêner l'opposition républicaine. Car c'est bien
dans ce but que cela a été inventé !
D'ailleurs, votre invention vous échappe : vous souhaitiez un Front national
et, maintenant, vous en avez deux pour le prix d'un seul !
(Sourires.)
Je ne sais pas très bien comment vous allez débrouiller tout cela mais ce que
je sais, c'est que, si vous aviez voulu empêcher le Front national d'exister,
vous auriez pu le faire en l'interdisant au motif qu'il diffuse des idées
contraires aux principes républicains,...
M. Claude Estier.
Et vous, pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
M. Josselin de Rohan.
... ainsi que vous n'arrêtez pas de le dire !
En tout cas, vous avez voulu instituer dans la loi, avant que le Front
national n'implose, les moyens de nous obliger à choisir entre la résignation
et la compromission. Voilà ce qu'était votre démarche !
Cela dit, avec le dispositif que vous avez imaginé, vous nous avez beaucoup
rajeunis !
Pendant la guerre, je n'étais pas très âgé, mais je me souviens que, lorsqu'on
voulait se procurer une motte de beurre, il fallait aller chez le coiffeur. Là,
on pouvait recevoir la motte de beurre que l'on ne trouvait pas à la crémerie,
à condition de partir avec un lot de dix ou douze peignes en simili-mica.
(Sourires.)
C'est très exactement le système que vous êtes en train d'essayer de nous
« vendre », parce que, avec ces apparentements, vous allez fabriquer des
majorités de bric et de broc, et cela dans une perspective purement
électoraliste.
Il s'agit de sauver du naufrage un certain nombre de groupuscules, d'extrême
gauche notamment, avec qui vous allez essayer de faire une majorité dite de la
« gauche plurielle ». Et vous prétendez, avec cela, constituer des majorités
cohérentes pour administrer les régions ? Mais c'est se moquer du monde !
Monsieur Queyranne, je voudrais que, pendant une seule seconde - une seule
parce que je ne veux pas de mal à la région Rhône-Alples ! - vous ayez à vivre,
en tant que président de région, le système que vous êtes en train d'essayer de
nous faire avaliser : ce serait la juste punition de tous vos péchés ! Mais
j'espère bien que nos amis feront en sorte que vous ne soyez jamais président
d'une région.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Sur un sujet comme celui qui nous réunit aujourd'hui, je souhaite que la Haute
Assemblée retrouve sa sérénité.
M. Serge Vinçon.
Elle ne l'a pas perdue !
M. Hilaire Flandre.
Une partie de la Haute Assemblée !
M. Guy Allouche.
Je suis en effet frappé par la médiocrité des arguments qui sont avancés.
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains
indépendants.)
M. Jean Chérioux.
C'est l'éternelle leçon !
M. Guy Allouche.
Nous entendons parler de « magouilles », de manoeuvres.
M. Josselin de Rohan.
Vous en êtes, bien sûr, incapables...
(Sourires sur les travées du
RPR.)
M. Guy Allouche.
M. Raffarin ne peut pas expliquer un vote sans aussitôt évoquer le Front
national. Avec M. de Rohan, c'est encore autre chose. Moi, je considère qu'il y
a des faits incontestables.
M. Jean Chérioux.
Alors, il ne faut pas qu'ils viennent de vous !
M. Guy Allouche.
Monsieur Chérioux, prenez patience, et soyez beaucoup plus prudent.
J'ai souvenir - cela n'est pas si ancien - que celui qui a fait appliquer pour
la première fois la proportionnelle à des élections européennes et qui a fait
émerger, à près de 9 %, une formation extrémiste,...
M. Josselin de Rohan.
C'est Mitterrand !
M. Guy Allouche.
... c'est M. Giscard d'Estaing, en 1979.
M. Philippe Marini.
Mais c'est en 1983 que...
M. Jean-Pierre Raffarin.
En 1981, Le Pen n'était pas au second tour !
M. Guy Allouche.
En 1979, pour la première fois, les élections européennes étaient à la
proportionnelle et une formation d'extrême droite a réalisé un score que chacun
peut vérifier. Que je sache, nous n'étions, alors, ni au gouvernement ni à
l'Elysée !
M. Gérard Cornu.
Mais, après, vous avez étendu le mal !
M. Guy Allouche.
Je vais maintenant m'arroger la qualité de porte-parole de la formation
politique à laquelle j'appartiens pour vous dire que nous souhaitons ardemment
la disparition politique tant des hommes que des idées de ce parti d'extrême
droite.
M. Josselin de Rohan.
Alors, prenez vos responsabilités !
M. Guy Allouche.
Nous en souhaitons la disparition totale afin que la France républicaine
redevienne complètement ce qu'elle doit être.
M. Josselin de Rohan.
Alors, ne votez pas la loi !
M. Guy Allouche.
Il y a ceux qui reprochent à la gauche, notamment aux socialistes, d'avoir
favorisé un parti d'extrême droite,...
M. Philippe Marini.
Parce que c'est la vérité !
M. Guy Allouche.
... et c'est une façon comme une autre de se dédouaner ou de se disculper.
Bien entendu, ce reproche est infondé, et l'on peut le prouver.
Il y a aussi ceux qui pactisent - et ils ne sont pas dans le camp de la gauche
- et ceux qui ne pactisent pas mais qui ont récupéré les thèses et les idées.
Ceux-là, vous le savez parfaitement, se trouvent dans votre camp.
Plusieurs sénateurs du RPR.
Scandaleux !
M. Josselin de Rohan.
Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. Guy Allouche.
Monsieur de Rohan, je vais vous rafraîchir la mémoire.
M. Gérard Cornu.
Soixante et onze députés de gauche ont été élus grâce au Front national !
C'est scandaleux !
M. Jean Chérioux.
C'est de la provocation, monsieur le président !
M. le président.
Monsieur Allouche, n'interpellez pas vos collègues ! Adressez-vous au
président.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, je m'adresse à vous et, à travers vous, à la majorité
sénatoriale de droite.
En 1983, ce n'est quand même pas la gauche qui a fait alliance à Dreux avec le
Front national pour battre une socialiste ! Cela aussi méritait d'être rappelé
!
(Vives protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Enfin, je voudrais dire à M. Raffarin que nous n'avons pas à nous lancer
à la figure des leçons de morale et de vertu.
(Rires sur les mêmes travées.)
M. Philippe Marini.
Les leçons de morale, c'est vous qui les donnez, habituellement !
M. Guy Allouche.
Je dis cela parce que M. Raffarin a parlé de vertu.
D'ailleurs, monsieur Raffarin, ce que je vais dire ne vous vise nullement, car
je sais ce que vous pensez, et je vous félicite pour l'attitude que vous avez
eue vis-à-vis de certains de vos amis qui ont pactisé.
M. Alain Joyandet.
Des leçons, encore des leçons, toujours des leçons !
M. Guy Allouche.
Car enfin, je ne peux oublier que l'ancien Président de la République que vous
avez cité n'a pas manqué de recevoir M. Millon au lendemain de son élection ;
et, à ma connaissance, il n'a pas désavoué son attitude.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - Protestations sur les travées du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. Josselin de Rohan.
C'est n'importe quoi !
M. Jean Chérioux.
C'est scandaleux !
M. Jean Clouet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet.
Je suis un paysan du Danube...
M. Robert Bret.
De la Marne !
M. Jean Clouet.
... et je ne suis pas sûr d'avoir entendu M. Allouche évoquer l'expulsion des
communistes par le gouvernement de Paul Ramadier
(Exclamations amusées sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Il se peut que je me trompe !
M. Guy Allouche.
Où étais-je, à ce moment-là !
M. Jean Clouet.
Vous n'étiez pas né, monsieur Allouche !
(Sourires.)
Peut-être est-ce un événement qui ne s'est jamais produit !
Reste que, devant le texte qui nous est proposé, je me demande où en est
arrivé le parti communiste qui, un temps, flirtait avec les 30 % et qui est
aujourd'hui obligé de s'accrocher à 3 % !
C'est affligeant, messieurs ! Le « petit père des peuples » doit se retourner
dans sa tombe : 3 % au parti communiste ! Mais personne n'aurait rêvé une chose
pareille. Alors, j'ai du mal à comprendre !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. Robert Bret.
Réglez les problèmes de l'Alliance, après, on verra !
M. Guy Fischer.
Oui, laissez-nous gérer nos affaires ! Nous ne comptons pas sur vous pour le
faire chez nous !
M. Claude Estier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Après tout ce que vient de dire mon collègue et ami Guy Allouche, je voudrais
simplement répondre encore une fois à cette accusation insupportable...
M. Philippe Marini.
Parce qu'elle vous gêne !
M. Claude Estier.
... que vous reprenez à chaque fois, à savoir que nous serions complices du
Front national !
(Oui ! et vives exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants,
du RPR et de l'Union centriste.)
Mais, vous le savez très bien, il n'en
est rien !
M. Josselin de Rohan.
C'est votre complice objectif !
M. Claude Estier.
Monsieur de Rohan, permettez-moi de vous livrer une information que je viens
de lire sur le téléscripteur de l'Agence France-Presse
( Ah ! sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. Ducarre, conseiller régional de la région Rhône-Alpes et qui appartient à
votre parti, a déclaré aujourd'hui qu'il soutiendrait M. Millon, quand celui-ci
serait de nouveau candidat.
(Vives exclamations sur les travées du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux.
Et alors ?
M. Hilaire Flandre.
M. Millon n'est pas membre du Front national, que je sache !
M. Gérard Cornu.
M. Ducarre fait ce qu'il veut !
M. Claude Estier.
Je voudrais que vous vous expliquiez sur ce qui est bien un collusion au moins
indirecte avec le Front national.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Tout de même, revenons un peu les pieds sur terre,...
M. Francis Giraud.
Très bien !
M. Patrice Gélard.
... revenons au scrutin proportionnel et aux seuils.
Il est un devoir classique qui est proposé à tout étudiant de science
politique ou de première année de droit et qui consiste à comparer les mérites
respectifs de la proportionnelle et du scrutin majoritaire. Il en ressort
généralement que la proportionnelle est un mode de scrutin impossible, sauf
s'il existe des seuils.
Or les seuils que vous nous proposez sont les mêmes que ceux que la Pologne
avait instaurés au départ et qui ont amené quarante-huit partis à la Diète
polonaise, de sorte qu'il a fallu modifier le dispositif pour revenir à 5 %. Et
tous les pays qui ont adopté récemment la proportionnelle se sont naturellement
fixés sur des seuils raisonnables. Or, ni le seuil de 3 % pour la répartition
ni celui de 5 % pour le maintien au deuxième tour ne sont raisonnables.
Non, vraiment, monsieur le ministre, tout cela ne tient pas la route, et vous
le savez bien.
Si nous adoptons de tels seuils, les premiers à s'en mordre les doigts seront
ceux qui n'auront pas de majorité ou qui verront apparaître une multitude de
partis. Dès lors, j'en fais le pari, il faudra que l'on revienne devant nous
pour modifier ces seuils, à moins qu'il ne faille modifier complètement la loi,
tellement elle est mal faite et tellement, du reste, elle n'était pas à faire !
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Christian Bonnet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bonnet.
(M. Christian Bonnet s'avance tenant à la main un journal.)
M. le président.
J'espère que vous n'allez pas nous lire le journal, mon cher collègue !
(Sourires.)
M. Christian Bonnet.
Il s'agit d'un numéro d'un grand quotidien du soir, daté du 12 juin 1979,
monsieur le président. J'y ai cherché trace du Front national, dont nous avons
entendu dire à l'instant qu'il avait réalisé un score de 9 % aux élections
européennes, et n'en ai trouvé aucune, et pour cause, puisque ce parti n'y
figurait pas même !
(M. Guy Allouche s'exclame.)
Je suis désolé de prendre la mémoire de
notre collègue en défaut. J'ai couru à la bibliothèque, car je n'avais pas
gardé le souvenir d'un tel résultat.
Je puis même vous donner les chiffres exacts, tels qu'ils ont été publiés par
ce quotidien. Je lis, sous le titre : « Elections européennes du 10 juin 1979
», que l'extrême gauche obtient 622 506 voix, soit 3,09 %.
(Exclamations sur
les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. Jean-Claude Gaudin.
Vive Arlette !
M. Christian Bonnet.
Que le parti communiste obtient 4 148 276 voix, soit 20,59 %.
(Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Philippe Marini.
C'était avant Mitterrand, ça !
M. Christian Bonnet.
Je poursuis ma lecture : pour le parti socialiste et le Mouvement des radicaux
de gauche, 4 749 850 voix, soit 23,58 %.
Plusieurs sénateurs du RPR.
C'est trop !
M. Christian Bonnet.
Pour le RPR, 3 271 967 voix, soit 16,24 %.
Plusieurs sénateurs du RPR.
Ce n'est pas assez !
(Rires.)
M. Christian Bonnet.
Pour l'UDF et la majorité présidentielle, 5 543 287 voix, soit 27,52 %. Pour
les écologistes, 866 819 voix, soit 4,40 %. Pour la Défense
interprofessionnelle, 281 097 voix, soit 1,39 %. Et pour l'Eurodroite - je ne
sais pas ce que c'est - 265 071 des voix, soit 1,31 %. C'est à peu près le
score de M. Le Pen en 1981, avant d'être installé par François Mitterrand en
1983 !
Voilà les principaux résultats. Vous le voyez, mes chers collègues, il n'était
pas question du Front national, et moins encore de 9 % !
(Vifs
applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste.)
Un sénateur sur les travées du RPR.
M. Allouche se tait !
M. le président.
Tout cela confirme que le Sénat possède de très bonnes archives !
(Sourires.)
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 39, M. Raffarin et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants proposent, à la fin de la première phrase du troisième alinéa du
texte présenté par l'article 4 pour l'article L. 346 du code électoral, de
remplacer les mots : « des suffrages exprimés » par les mots : « des inscrits
».
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je ferai part au président Valéry Giscard d'Estaing de cette mise au point de
M. Bonnet, qui montre le manque de sincérité de notre collègue s'exprimant
précédemment sur ce sujet.
(Exclamations ironiques sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jean Chérioux.
C'est une erreur !
M. Robert Bret.
Cela lui rappellera de bons souvenirs !
M. Hilaire Flandre.
Ils ont la mémoire sélective, les socialistes !
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'était justement l'objet de l'amendement qu'a soutenu le président Valéry
Giscard d'Estaing à l'Assemblée nationale que de prévoir, pour le maintien au
second tour, un seuil de 10 % des « inscrits ». Si M. le rapporteur, qui a une
plus grande expérience, pense préférable, de manière que l'Assemblée nationale
soit devant un choix plus simple et plus acceptable, d'en rester à 10 % des
suffrages « exprimés », j'accepte de retirer mon amendement. Je choisirai la
formule recommandée par M. le rapporteur.
M. le ministre fonde son argumentation sur la loi municipale. Eh bien ! il
serait tout à l'honneur du Gouvernement, pour montrer sa sincérité, d'accepter
ce seuil des 10 % des suffrages « exprimés ».
Par conséquent, je me soumettrai à l'avis de M. le rapporteur.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Girod,
rapporteur.
Nous sommes dans la même situation que précédemment, quand je
faisais appel à la sagesse du Sénat en général et à celle de notre collègue M.
Jean-Pierre Raffarin en particulier. La commission des lois, dans sa majorité,
ne considère pas que son argumentation soit mauvaise - en réalité, il a
totalement raison - mais il s'agit, encore une fois, d'un problème de procédure
: le Sénat en est à l'ultime lecture de ce projet de loi ; l'Assemblée
nationale a voté un texte inacceptable dans lequel elle s'est enfermée
elle-même car, en dernière délibération, elle ne peut plus le modifier qu'en
acceptant des amendements votés par le Sénat.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que nous en restions à 10 % des
votants et non pas à 10 % des inscrits. Le texte serait ainsi tout à fait
identique à celui du Gouvernement et nous serions relativement proches d'une
solution qui peut apparaître encore raisonnable et que l'Assemblée nationale ne
pourrait donc refuser que pour des motifs purement idéologiques et de
circonstance.
C'est pourquoi je souhaiterais que M. Jean-Pierre Raffarin retire cet
amendement, comme il a retiré tout à l'heure le sous-amendement à l'article
précédent, et ce pour les mêmes raisons.
Encore une fois, il s'agit non pas d'une question de fond, mais d'une question
de procédure. C'est un ultime appel, une ultime mise en garde que nous
adressons à l'Assemblée nationale, qui s'apprête, semble-t-il, à voter, contre
toute logique, un texte d'une folle imprudence.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Monsieur Raffarin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je le retire, monsieur le président. Un acte de sincérité est demandé au parti
socialiste, cela vaut beaucoup de sacrifices !
(Exclamations sur les travées
socialistes.)
M. Jean-Patrick Courtois.
Vous êtes trop gentil !
M. le président.
L'amendement n° 39 est retiré.
Par amendement n° 18, M. Paul Girod propose, au nom de la commission, dans la
première phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 4 pour
l'article L. 346 du code électoral, après les mots : « suffrages exprimés »,
d'ajouter les mots : « dans la région et 5 % du total des suffrages exprimés
dans chacun des départements composant la région ».
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 37, présenté par M.
Raffarin et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, et tendant,
dans le texte de l'amendement n° 18, à remplacer les mots « 5 % du total des
suffages exprimés » par les mots : « 5 % du total des inscrits ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 18.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Toujours sur la question des seuils, il s'agit cette fois du
seuil de maintien, dont nous souhaitons qu'il soit fixé à 10 % des suffrages
exprimés dans la région et 5 % des suffrages exprimés dans chaque département
de la région.
D'ailleurs, monsieur le ministre, vous avez vous-même remarqué devant
l'Assemblée nationale qu'étant donné les seuils adoptés par nos collègues, même
des listes exclues du remboursement de leurs frais de campagne se retrouvaient
avec des élus. Ce serait tout de même monumental !
C'est la raison pour laquelle nous cherchons à maintenir des seuils
raisonnables, aussi bien pour la possibilité de maintien que pour la
possibilité de fusion, comme nous le verrons.
M. le président.
Monsieur Raffarin, en sera-t-il pour le sous-amendement n° 37 comme pour le
sous-amendement précédent ?
M. Jean-Pierre Raffarin.
Tout à fait, monsieur le président !
M. le président.
Le sous-amendement n° 37 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 18 ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Le
Gouvernement maintient son avis défavorable sur un amendement qui tend à
réintroduire une analyse des suffrages à l'échelon des départements.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 18.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, tout à l'heure un de nos collègues a dit que je me
taisais parce que je ne pouvais pas répondre à la mise au point de M. Christian
Bonnet.
En effet, je n'ai pas pu reprendre la parole, parce que je m'étais déjà
exprimé en explication de vote. J'attendais la prochaine occasion, et c'est
chose faite.
Je fais donc amende honorable, monsieur Bonnet, pour l'erreur que j'ai
commise.
(Rires sur les travées du RPR.)
Nous sommes ici entre gens sincères, je l'espère.
M. le président.
Faute avouée est pardonnée !
(Sourires.)
M. Jean-Patrick Courtois.
A moitié !
M. Guy Allouche.
J'attends l'autre moitié !
(Nouveaux sourires.)
Ce que je voulais dire, c'est que l'apparition réelle du parti d'extrême
droite et de son leader a été le fait de l'introduction du mode de scrutin à la
proportionnelle aux élections européennes.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Aux législatives !
M. Guy Allouche.
Monsieur Bonnet, je vous invite à aller vérifier qui a institué en France le
mode de scrutin à la proportionnelle intégrale pour les élections européennes.
Si c'est François Mitterrand, je ferai de nouveau amende honorable, mais si
c'est M. Giscard d'Estaing, de grâce, dites-le !
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas le problème !
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'est de la mauvaise foi !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 19, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose, dans la
deuxième phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 4 pour
l'article L. 346 du code électoral, de remplacer les mots : « 3 % des suffrages
exprimés » par les mots : « 5 % des suffrages exprimés dans la région ».
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 38, présenté par M.
Raffarin et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, et tendant,
dans le texte de l'amendement n° 19, à remplacer les mots : « 5 % des suffrages
exprimés dans la région » par les mots : « 5 % des inscrits dans la région
».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 19.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il s'agit cette fois du seuil de fusion, mais l'argumentation
est la même que pour le seuil de maintien. Il faut toute de même un peu de
sérieux dans l'expression du suffrage et ne pas organiser de petites manoeuvres
de deuxième, troisième ou cinquième ordre entre les deux tours !
Le deuxième tour d'un scrutin à la proportionnelle est déjà difficile. Vouloir
le compliquer à ce point-là, non !
M. le président.
Monsieur Raffarin, par souci de cohérence, vous voudrez sans doute retirer le
sous-amendement n° 38 ?
M. Jean-Pierre Raffarin.
Sensible à cet appel à la cohérence, je le retire, monsieur le président.
M. le président.
Le sous-amendement n° 38 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 19 ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Le
Gouvernement s'est déjà exprimé sur ce sujet et maintient son avis
défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 19.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
J'approuve M. le rapporteur et je tiens à dire combien accepter un tel seuil
serait adopter une position coupable au regard du débat démocratique, une
position qui, surtout, risque de fragiliser la région.
Alors que, dans une assemblée, il faut dégager des convictions communes, on
rechercherait systématiquement l'émiettement ? Alors que, pour établir les
listes du premier tour, on en appelle à des personnes susceptibles de partager
les mêmes convictions, il faudrait entre les deux tours aller trouver à
l'extérieur des listes des candidats n'ayant pas les mêmes convictions qui, une
fois élus à l'assemblée, devraient participer, à des majorités ? Et l'on
voudrait nous faire accepter cela ?
M. Jean-Claude Gaudin.
C'est scandaleux !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Tout cela n'est pas sérieux au regard du fait régional.
Donc, vraiment, là encore, je dis qu'il y a manque de sincérité. D'un côté on
dit que l'on défend le fait régional et, de l'autre, on organise sa dispersion.
Vraiment, cet article 4 est une faute.
Mais je poursuis l'échange commencé avec M. Allouche. Monsieur Allouche, vous
avez fait une deuxième erreur.
M. Guy Allouche.
Ah !
M. Jean-Pierre Raffarin.
En effet, pour l'élection au suffrage universel des membres au Parlement
européen, le mode de scrutin retenu est la proportionnelle. C'est l'Europe qui
a exigé que tous les scrutins soient à la proportionnelle...
M. Patrice Gélard.
Il y a des délais !
M. Jean-Pierre Raffarin.
... et nous avons des délais pour nous y conformer.
M. Claude Estier.
En Grande-Bretagne, il n'y a pas de scrutin à la proportionnelle.
M. le président.
Consultez nos archives ; elles sont en ordre. Vous trouverez l'explication.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - L'article L. 347 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 347
. - La déclaration de candidature résulte du dépôt à la
préfecture de région d'une liste répondant aux conditions fixées aux articles
L. 338, L. 346 et L. 348.
« Elle est faite collectivement pour chaque liste par le candidat tête de
liste ou par un mandataire porteur d'un mandat écrit établi par ce candidat.
Elle indique expressément :
« 1° Le titre de la liste présentée ;
« 2° Les nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile et profession de
chacun des candidats.
« Pour chaque tour de scrutin, la déclaration comporte la signature de chaque
candidat, sauf, pour le second tour, lorsque la composition d'une liste n'a pas
étémodifiée. »
Par amendement n° 20, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose, dans le
quatrième alinéa (2°) du texte présenté par cet article pour l'article L. 347
du code électoral, de remplacer les mots : « domicile et profession » par les
mots : « domicile, profession et département de rattachement ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Avant d'exposer cet amendement, je souhaite relever un
changement d'attitude de la part du Gouvernement. En effet, alors qu'il s'en
est remis tout à l'heure à la sagesse du Sénat s'agissant des seuils, il s'est,
sur l'article 4, bel et bien rallié à la position de l'Assemblée nationale. Ce
point méritait d'être versé au débat.
En ce qui concerne l'amendement n° 20, il s'agit d'un texte de coordination
avec l'institution, à l'article 3, de la section départementale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Par
coordination, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, ainsi modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article additionnel après l'article 5
M. le président.
Par amendement n° 21, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose
d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 348 du code électoral est ainsi modifé :
« I. - Le premier alinéa est complété
in fine
par les mots : "ou dans
plusieurs sections départementales de la même liste".
« II. - Le second alinéa est complété
in fine
par les mots : "ou dans
plusieurs sections départementales". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
La commission des lois tient à ce que l'électeur puisse
facilement identifier les candidats. Il n'est, bien entendu, pas question
d'accepter des listes comprenant 209 noms. Mais il faut éviter toute équivoque
et les candidatures multiples. C'est une tradition républicaine.
L'amendement n° 21 tend donc à introduire une précaution : nous voulons être
certains qu'il n'y aura pas, au détour d'un système relativement complexe, j'en
conviens, mais qui est au plus proche de la plupart des électeurs, des
anomalies résultant de candidatures multiples.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Etant défavorable à la création de sections départementales, que le Sénat a
adoptée, le Gouvernement est hostile à cet amendement.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Nous sommes confrontés à un problème
extrêmement important. Nous avons essayé de trouver une solution qui tienne
compte des perspectives et, somme toute, de volontés différentes. Mais le
système gouvernemental, tel qu'il a été voulu et confirmé par l'Assemblée
nationale, confine à l'absurde. Je me demande comment il sera possible de
présenter demain dans la région parisienne une liste de 209 candidats. Sur le
ton de la boutade, l'un d'entre nous disait qu'il faudra trouver des urnes aux
dimensions adaptées à des bulletins de cette taille.
Monsieur le ministre, réfléchissez ; je suis persuadé que, au fond de
vous-même, vous vous rendez compte du « non-sens » dans lequel vous voulez
engager notre pays : une liste de 209, de 160 ou de 170 noms n'a aucune
signification politique. Si vous voulez, demain, favoriser un peu plus
l'abstentionnisme que nous constatons déjà, hélas ! à l'heure actuelle, vous
n'avez qu'à vous engager dans cette voie. Si vous le faites, vous en porterez
la responsabilité.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, repoussé par le Gouvernement.
M. Robert Bret.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 5.
Articles 6 et 7
M. le président.
« Art. 6. - L'article L. 350 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 350
. - Pour le premier tour, les déclarations de candidature
sont déposées au plus tard le quatrième lundi qui précède le jour du scrutin, à
midi. Il en est donné récépissé provisoire.
« Elles sont enregistrées si les conditions prévues aux articles L. 339, L.
340, L. 341-1 et L. 346 à L. 348 sont remplies. Le refus d'enregistrement est
motivé.
« Un récépissé définitif est délivré par le représentant de l'Etat dans la
région, après enregistrement, au plus tard le quatrième vendredi qui précède le
jour du scrutin, à midi.
« Pour le second tour, les déclarations de candidature sont déposées au plus
tard le mardi suivant le premier tour, à dix-huit heures. Récépissé définitif
est délivré immédiatement aux listes répondant aux conditions fixées aux
articles L. 346 et L. 347. Il vaut enregistrement. Le refus d'enregistrement
est motivé. » -
(Adopté.)
« Art. 7. - L'article L. 351 du code électoral est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Pour les déclarations de candidature avant le premier tour, le candidat
placé en tête de liste, ou son mandataire, dispose d'un délai de quarante-huit
heures pour contester le refus d'enregistrement devant le tribunal
administratif dans le ressort duquel se trouve le chef-lieu de la région, qui
statue dans les trois jours. » ;
« 1°
bis
Dans le deuxième alinéa, après la référence : "L. 340", est
insérée la référence : ", L. 341-1" ;
« 2° Il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour les déclarations de candidature avant le second tour, le candidat placé
en tête de liste, ou son mandataire, dispose d'un délai de vingt-quatre heures
pour contester le refus d'enregistrement devant le tribunal administratif dans
le ressort duquel se trouve le chef-lieu de la région, qui statue dans les
vingt-quatre heures de la requête. Faute par le tribunal d'avoir statué dans ce
délai, la candidature de la liste est enregistrée.
« Dans tous les cas, les décisions du tribunal administratif ne peuvent être
contestées qu'à l'occasion d'un recours contre l'élection. » -
(Adopté.)
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - L'article L. 352 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 352
. - Aucun retrait volontaire ou remplacement de candidat
n'est accepté après le dépôt d'une liste.
« Les listes complètes peuvent être retirées, avant le premier tour, au plus
tard le quatrième samedi précédant le scrutin, à midi ; avant le second tour,
avant l'expiration du délai de dépôt des candidatures. La déclaration de
retrait est signée par la majorité des candidats de la liste. Il est donné
récépissé des déclarations de retrait. »
Sur l'article, la parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je tiens simplement à faire observer que l'article 8 précise que la
déclaration de retrait est signée par la majorité des candidats de la liste,
alors que l'article 4 dispose que le choix de la liste sur laquelle ils sont
candidats au second tour est notifié par le candidat tête de la liste sur
laquelle ils figuraient au premier tour. J'y vois donc là une incohérence.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Articles 9 et 10
M. le président.
« Art. 9. - L'article L. 353 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 353
. - La campagne électorale est ouverte à partir du
deuxième lundi qui précède le jour du scrutin. »
- (Adopté.)
« Art. 10. - L'article L. 359 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 359
. - Le recensement des votes est fait, pour chaque
département, au chef-lieu du département, en présence des représentants des
listes, par une commission dont la composition et le fonctionnement sont fixés
par décret en Conseil d'Etat.
« Le recensement général est fait par la commission, prévue par l'alinéa
précédent, compétente pour le département où se trouve le chef-lieu de la
région. Les résultats sont proclamés au plus tard à dix-huit heures, le lundi
suivant le jour du scrutin. »
- (Adopté.)
Article 11
M. le président.
« Art. 11. - La dernière phrase du quatrième alinéa de l'article L. 360 du
code électoral est ainsi rédigée :
« Toutefois, si le tiers des sièges d'un conseil régional vient à être vacant
par suite du décès de leurs titulaires, il est procédé au renouvellement
intégral du conseil régional dans les trois mois qui suivent la dernière
vacance pour cause de décès, sauf le cas où le renouvellement général des
conseils régionaux doit intervenir dans les trois mois suivant ladite vacance.
»
Par amendement n° 22, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
rédiger ainsi cet article :
« I. - Dans la première phrase de l'article L. 360 du code électoral, les mots
: "dernier élu" sont remplacés par les mots : "dernier élu dans la même section
départementale".
« II. - La dernière phrase du quatrième alinéa de l'article L. 360 du code
électoral est ainsi rédigée :
« Toutefois, si le tiers des sièges d'un conseil régional vient à être vacant
par suite du décès de leurs titulaires, il est procédé au renouvellement
intégral du conseil régional dans les trois mois qui suivent la dernière
vacance, sauf le cas où le renouvellement général des conseils régionaux doit
intervenir dans les trois mois suivant ladite vacance. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Par cet amendement, la commission propose que, en cas de
vacance d'un siège de conseiller régional, à la suite de décès successifs, le
remplacement soit assuré par le suivant de liste de la même section
départementale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Etant défavorable à ce mode de scrutin, le Gouvernement ne peut qu'être
défavorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 11 est ainsi rédigé.
Article 12
M. le président.
« Art. 12. - L'article L. 361 du code électoral est ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa, les mots : "du département" sont remplacés par
les mots : "de la région" ;
« 2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le même droit est ouvert au représentant de l'Etat dans la région s'il
estime que les formes et conditions légalement prescrites n'ont pas été
respectées. »
Par amendement n° 23, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
compléter
in fine
cet article par les dispositions suivantes :
« 3° Dans le quatrième alinéa, les mots : "de liste" sont remplacés par les
mots : "de la même section départementale". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Cet amendement tire également les conséquences de
l'institution des sections départementales.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12, ainsi modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Articles 13 et 14
M. le président.
« Art. 13. - L'article L. 363 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 363
. - En cas d'annulation de l'ensemble des opérations
électorales dans une région, il est procédé à de nouvelles élections dans cette
région dans un délai de trois mois. »
- (Adopté.)
« Art. 14. - L'article L. 4432-3 du code général des collectivités
territoriales est abrogé. »
- (Adopté.)
Article 15
M. le président.
« Art. 15. - Au premier alinéa de l'article L. 364 du code électoral, les mots
: "pour six ans" sont remplacés par les mots : "pour la même durée que les
conseillers régionaux". »
Par amendement n° 24, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Nous franchissons la Méditerranée et nous arrivons dans l'île
de Beauté qui est également concernée par le présent projet de loi.
Nous avons supprimé l'article 1er, qui réduisait de six à cinq ans la durée du
mandat des conseils régionaux. Par voie de conséquence, nous proposons de
supprimer l'article 15, qui réduit également à cinq ans la durée du mandat des
conseillers de l'Assemblée de Corse.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Il
n'y a pas lieu de faire une différence entre la durée du mandat des conseillers
de l'Assemblée de Corse et celle du mandat des autres conseillers régionaux.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Vous êtes donc favorable à l'amendement...
(Sourires.)
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Non
! Le Gouvernement y est défavorable, puisqu'il s'est prononcé en faveur d'un
mandat de cinq et non de six ans.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 15 est supprimé.
Article 16
M. le président.
« Art. 16. - L'article L. 366 du code électoral est ainsi modifié :
« 1° Dans l'avant-dernière phrase du deuxième alinéa, le mot : "plus" est
remplacé par le mot : "moins" ;
« 2° Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés ne sont
pas admises à la répartition des sièges.
« Les dispositions des deux derniers alinéas de l'article L. 338 sont
applicables à l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse. »
Par amendement n° 25, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit cet article :
« Le dernier alinéa de l'article L. 366 du code électoral est remplacé par
trois alinéas ainsi rédigés :
« Les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation sur
chaque liste.
« Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés ne sont
pas admises à la repartition des sièges.
« Les dispositions du sixième alinéa de l'article L. 338 sont applicables à
l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Nous continuons l'homothétie entre l'Assemblée de Corse et
les conseils régionaux en matière de seuil. Nous proposons ainsi de maintenir
le bénéfice de l'âge à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus
élevée ou au plus âgé des candidats susceptibles d'être élus.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Le
Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 25.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le rapporteur, je suis perplexe. En effet, l'article 16 dispose que,
pour être admises à la répartition des sièges, les listes doivent avoir obtenu
au moins 5 % des suffrages exprimés. Or, pour le continent, nous avons adopté
un taux de 10 %.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Pour la Corse, nous maintenons le système actuel.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 16 est ainsi rédigé.
Article 16
bis
M. le président.
« Art. 16
bis.
- L'article L. 370 du code électoral est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« Chaque liste assure la parité entre candidats féminins et masculins. »
Je suis saisi, par M. Paul Girod, au nom de la commission, d'une motion n° 2,
tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à l'article 16
bis.
Cette motion est ainsi rédigée :
« Considérant que les dispositions du texte proposé par l'article 16
bis
du projet de loi pour l'article L. 370 du code électoral comportent
une distinction entre candidats en raison de leur sexe, contrairement aux
principes constitutionnels énoncés à l'article 6 de la Constitution et à
l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, réaffirmés
par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 novembre 1982, le Sénat,
en application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, déclare irrecevable
l'article 16
bis
du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des
conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux.
»
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du
règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de
l'initiative ou son représentant, un orateur d'opinion contraire, pour cinq
minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le
Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote pour une
durée n'excédant pas cinq minutes à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur, auteur de la motion.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Cette motion est semblable à celle que j'ai défendue tout à
l'heure à propos de la parité sur les listes pour l'élection des conseillers
régionaux. En effet, l'article 16
bis
est relatif à la parité pour
l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse. Cette disposition est aussi
inconstitutionnelle que celle que nous avions condamnée tout à l'heure. Je
n'insisterai pas davantage.
Je tiens, par ailleurs, à dire à certains de nos collègues, qui ont tout à
l'heure accusé le Sénat d'être rétrograde que nous sommes dans un Etat de
droit. Combien de fois ces trois mots ont été prononcés et pas toujours à bon
escient pendant quatorze ans par la plus haute autorité de l'Etat. Cet Etat de
droit impose d'abord le respect de la Constitution !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Le
Gouvernement s'est déjà exprimé sur cette question.
M. le président.
Je vais mettre aux voix la motion n° 2.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Bien évidemment, je soutiens la motion défendue par M. le rapporteur. A propos
de l'Etat de droit, je me permets de rappeler qu'à Rennes M. le Président de la
République a évoqué l'idée d'un serment des élus de respecter la Constitution.
Si nous adoptions cette belle règle, nous devrions suivre non pas le
Gouvernement mais M. le rapporteur, faute de quoi nous serions en contradiction
avec la Constitution. Nous ne faisons donc qu'appliquer ce serment
constitutionnel et nous donnons ainsi raison à M. le Président de la
République.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je prie M. le ministre de m'excuser car je
vais m'exprimer par ouï-dire. Si je suis dans l'erreur, il voudra bien me
l'indiquer immédiatement.
Il me revient, monsieur le ministre, que vous auriez estimé que, compte tenu
du vote intervenu hier à l'Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel
pourrait peut-être modifier sa position.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Me
permettez-vous de vous interrompre, monsieur le président de la commission ?
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de M. le président de la
commission.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
J'ai dit que le Sénat pouvait toujours anticiper en tenant compte de ce que
Montesquieu appelait « l'esprit des lois ».
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il n'en parle pas !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Voilà ce que je tenais à dire et le Conseil constitutionnel interprétera.
Mais que retiendra l'opinion ? Elle retiendra que, hier, l'Assemblée
nationale, à l'unanimité, s'est prononcée pour la parité et que, le lendemain,
le Sénat, à une très large majorité, sur un texte qui n'est pas de
circonstance, s'y est déclaré défavorable.
M. Patrice Gélard.
Non !
M. Jean Chérioux.
Non, c'est de la démagogie !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Je
pense que l'opinion interprétera.
M. Robert Bret.
C'est vrai !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
C'est tout ce que j'ai voulu dire, mais je laisse au Conseil constitutionnel le
soin, s'il est saisi de cette question, de se faire une religion.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je constate que mon information n'était pas
aussi inexacte que cela ; peut-être était-elle simplement quelque peu résumée.
Mais, sur le fond, l'opinion retiendra que le Sénat applique la
Constitution.
Certes, le Parlement est en train de la réviser. Nous avons engagé la
réflexion dès ce matin et le travail est bien entamé.
Mais une Constitution, monsieur le ministre, ne se présume pas. S'il peut y
avoir présomption d'innocence, il n'y a en aucun cas présomption
constitutionnelle.
La Constitution est ce qu'elle est. Nous entendons l'appliquer, et c'est
exactement le message qui sera, à mon sens, retenu par l'opinion publique,
laquelle attend toujours du Sénat une démarche de cet ordre.
M. François Trucy.
Chaque chose en son temps.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Dans le projet de loi adopté cette nuit à l'Assemblée nationale, il n'est en
aucun cas question de parité. En effet, il est simplement précisé : « La loi
détermine les conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès des femmes
et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. »
M. Henri de Raincourt.
Voilà !
M. Patrice Gélard.
Il ne s'agit donc pas de parité, monsieur le ministre !
(Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 2, repoussée par le Gouvernement.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de l'article
16
bis
du projet de loi.
(La motion est adoptée.)
M. le président.
En conséquence, l'article 16
bis
est rejeté.
Article 17
M. le président.
« Art. 17. - I. - L'article L. 371 du code électoral est abrogé.
« II. - Au premier alinéa de l'article L. 372 du même code, la référence à
l'article L. 349 est supprimée. »
- (Adopté.)
Article 18
M. le président.
« Art. 18. - L'article L. 380 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 380
. - Les dispositions de l'article L. 360 sont applicables
dans les conditions suivantes : les mots : "en Corse", "de l'Assemblée de
Corse" et "conseiller à l'Assemblée de Corse" sont substitués respectivement
aux mots : "dans la région", "du conseil régional" ou "des conseils régionaux"
et "conseiller régional". »
Par amendement n° 26, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit cet article :
« L'article L. 380 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 380. -
Les dispositions de l'article L. 360 sont applicables
dans les conditions suivantes : les mots : "en Corse", "de l'Assemblée de
Corse", "conseiller à l'Assemblée de Corse" et "dernier élu" sont substitués
respectivement aux mots : "dans la région", "du conseil régional" ou "des
conseils régionaux", "conseiller régional" et "dernier élu dans la même section
départementale". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il s'agit toujours d'homothétie entre les conseils régionaux
et l'Assemblée de Corse. Cet amendement vise à tirer la conséquence des votes
qui sont intervenus antérieurement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Pour des raisons qui ont déjà été exprimées, le Gouvernement est opposé à cet
amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 18 est ainsi rédigé.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMPOSITION
DU COLLÈGE ÉLECTORAL ÉLISANT LES SÉNATEURS
Article 19
M. le président.
« Art. 19. - L'article L. 280 du code électoral est ainsi modifié :
« 1° Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° Des conseillers régionaux et des conseillers de l'Assemblée de Corse
désignés dans les conditions prévues par le titre III
bis
du présent
livre ; ».
« 2° Le deuxième alinéa est supprimé. »
Par amendement n° 27, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit cet article :
« L'article L. 280 du code électoral est ainsi modifié :
« 1° Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° Des conseillers régionaux de la section départementale ou, dans les deux
départements de Corse, des conseillers à l'Assemblée de Corse désignés dans les
conditions prévues par le titre III
bis
du présent livre.
« 2° Le dernier alinéa est supprimé. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il s'agit de l'harmonisation, cette fois en ce qui concerne
les délégués sénatoriaux, entre l'Assemblée de Corse et les conseils
régionaux.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 27, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 19 est ainsi rédigé.
Article 20
M. le président.
« Art. 20. - Le titre III
bis
du livre II du code électoral est ainsi
rédigé :
« TITRE III bis
« DÉSIGNATION DES DÉLÉGUÉS DES CONSEILS RÉGIONAUX ET DES DÉLÉGUÉS DE L'ASSEMBLÉE DE CORSE
«
Art. L. 293-1
. - Dans le mois qui suit leur élection, les conseils
régionaux et l'Assemblée de Corse procèdent à la répartition de leurs membres
entre les collèges chargés de l'élection des sénateurs dans les départements
compris dans les limites de la région ou de la collectivité territoriale de
Corse.
« Le nombre de membres de chaque conseil régional à désigner pour faire partie
de chaque collège électoral sénatorial est fixé par le tableau n° 7 annexé au
présent code.
« Le nombre de membres de l'Assemblée de Corse à désigner pour faire partie
des collèges électoraux sénatoriaux de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse est
respectivement de 24 et de 27. »
«
Art. L. 293-2
. - Le conseil régional ou l'Assemblée de Corse désigne
d'abord ses membres appelés à représenter la région ou la collectivité
territoriale au sein du collège électoral du département le moins peuplé.
« Chaque conseiller ou groupe de conseillers peut présenter avec l'accord des
intéressés une liste de candidats en nombre au plus égal à celui des sièges à
pourvoir.
« L'élection a lieu au scrutin de liste sans rature ni panachage. Les sièges
sont répartis à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus
forte moyenne.
« Il est ensuite procédé de même pour désigner les conseillers appelés à faire
partie du collège électoral des autres départements, dans l'ordre croissant de
la population de ces derniers ; aucun conseiller déjà désigné pour faire partie
du collège électoral d'un département ne peut être désigné pour faire partie
d'un autre.
« Lorsque les opérations prévues aux alinéas précédents ont été achevées pour
tous les départements sauf un, il n'y a pas lieu de procéder à une dernière
élection ; les conseillers non encore désignés font de droit partie du collège
électoral sénatorial du département le plus peuplé.
« Celui qui devient membre du conseil régional ou de l'Assemblée de Corse
entre deux renouvellements est réputé être désigné pour faire partie du collège
électoral sénatorial du même département que le conseiller qu'il remplace. »
«
Art. L. 293-3
. - Le représentant de l'Etat dans la région ou dans la
collectivité territoriale de Corse notifie au représentant de l'Etat dans
chaque département de la région ou de la collectivité territoriale les noms des
conseillers désignés pour son département en vue de l'établissement du tableau
des électeurs sénatoriaux mentionné à l'article L. 292. »
Par amendement n° 28, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il s'agit, là encore, d'un amendement de conséquence, sur la
nouvelle délégation de l'Assemblée de Corse.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
En
conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 20 est supprimé.
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES
AU FONCTIONNEMENT
DES CONSEILS RÉGIONAUX
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Monsieur le président, je demande la réserve de la division
et de l'intitulé du titre III jusqu'après l'examen de l'article 22
quater.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Le
Gouvernement ne s'oppose pas à cette demande.
M. le président.
La réserve est de droit.
Article 21
M. le président.
« Art. 21. - L'article L. 4311-1 du code général des collectivités
territoriales est ainsi modifié :
« 1° Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L'adoption de l'ensemble des chapitres ou des articles vaut adoption du
budget, sauf si le président du conseil régional met en oeuvre la procédure
prévue à l'alinéa suivant. » ;
« 2° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« A l'issue de l'examen du budget primitif, le président du conseil régional
peut soumettre à un vote d'ensemble du conseil régional le projet de budget
initial, qu'il peut modifier après accord du bureau par un ou plusieurs des
amendements soutenus ou adoptés au cours de la discussion. Cette procédure peut
également s'appliquer à deux autres délibérations budgétaires relatives au même
exercice hormis le compte administratif. » ;
« 3° Au dernier alinéa, le mot : "Toutefois," est supprimé. »
Je suis saisi par M. Paul Girod, au nom de la commission, d'une motion n° 3,
tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à l'article 21.
Cette motion est ainsi rédigée :
« Considérant que les dispositions de l'article 21 du projet de loi violent
les principes constitutionnels au rang desquels figure notamment la libre
administration des collectivités locales par des conseils élus, le Sénat, en
application de l'article 44, alinéa 2 du règlement, déclare irrecevable
l'article 21 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des
conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux.
»
Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative
ou son représentant, un orateur d'opinion contraire, le président ou le
rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote pour une durée
n'excédant pas cinq minutes à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur, auteur de la motion.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je m'exprime depuis cette tribune, comme tout à l'heure
s'agissant de la parité dans les conseils régionaux, pour marquer la solennité
avec laquelle la commission des lois entend faire adopter par le Sénat, s'il
veut bien la suivre, cette motion tendant à offrir l'exception d'irrecevabilité
constitutionnelle à l'article 21.
Cet article prévoit que l'adoption des budgets dans les conseils régionaux
interviendra dans des conditions tout à fait particulières. En effet, cet
article 21 dispose que l'adoption par chapitre ou par article du budget vaut
vote sur l'ensemble. Par ailleurs, il précise, que nonobstant les conclusions
positives du conseil régional, le président dudit conseil, peut soumettre, par
un vote bloqué, un budget soit identique au budget qu'il avait déposé, soit
modifié par quelques amendements adoptés ou proposés pendant la discussion, y
compris des amendements qui ont été expressément refusés par le conseil
régional au cours de ses délibérations. J'insiste sur cet aspect précis : le
président, seul exécutif jusqu'à cet instant, prépare un budget et le présente
; le conseil régional le vote, article par article ou chapitre par chapitre,
avec des modifications provenant d'amendements adoptés, ou des modifications
refusées provenant d'amendements proposés mais non adoptés par le conseil
régional, et, par conséquent, dans des conditions de débat parfaitement
claires.
A partir du moment où le vote sur le dernier chapitre est intervenu, le budget
est considéré comme adopté dans sa globalité. Cependant, le président du
conseil régional peut, de sa seule initiative, après avoir fait approuver sa
démarche par le bureau, proposer de nouveau un budget qui n'est pas celui qui
vient d'être adopté par l'assemblée : c'est soit celui qu'il avait proposé,
soit celui qu'il avait proposé assorti d'amendements, que ces amendements aient
été ou non acceptés par le conseil régional.
La commission considère qu'il s'agit d'une rupture avec le principe énoncé à
l'article 72 de la Constitution et selon lequel les collectivités territoriales
s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues
par la loi.
Nous sommes dans un Etat de droit. La Constitution ne donne pas la possibilité
au législateur de dissocier les mots « librement par des conseils élus ».
M. Guy Allouche.
Et dans les conditions prévues par la loi !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Par le passé, dans un nombre de cas limités, les conseils
régionaux ont refusé les budgets ou ne les ont pas votés en temps et heure. A
ce moment-là intervenait la procédure de règlement d'office par le préfet, que
nous avons longuement examinées à l'automne dernier et qui a abouti à une loi
qui est entrée en vigueur le 7 mars 1998, c'est-à-dire récemment. Celle-ci
permettait au conseil régional, sur l'initiative de son président ou si
celui-ci était contré par une majorité absolue des membres du conseil régional
déposant une motion de renvoi et la votant ensuite dans les mêmes conditions,
sans d'ailleurs mettre en cause le président, de voter un autre budget que
celui qui avait été présenté par le président. Il s'agissait alors d'un autre
budget, qui faisait l'objet d'un vote du conseil régional. Par conséquent, nous
étions bien dans le cadre de la libre administration par un conseil élu.
Alors que le texte comportait un certain nombre d'aspects un peu discutables,
le Conseil constitutionnel, saisi par nos soins, a considéré que cette
disposition n'était pas contraire à la Constitution, au motif qu'elle rendait
au conseil régional, par rapport à la procédure de règlement par le préfet, une
prérogative que le système antérieur lui avait retirée. Le Conseil a donc
considéré que l'on allait bien dans le sens de l'article 72 conférant aux
conseils régionaux librement élus, et à eux seuls, la possibilité de gérer les
affaires de la région. Cela constituait un progrès.
En l'occurrence, il s'agit non plus du préfet, mais du président du conseil
régional, hors le bureau. On peut d'ailleurs discuter à perte de vue sur le
bureau dont les membres n'ont de véritable existence que dans la mesure où le
président leur a consenti une délégation, ce qui signifie qu'il les tient.
Qu'en est-il de l'aspect collégial ? En effet, les délégations sont
unipersonnelles et
intuitu personae ;
elles sont accordées, sur
signature, par le président du conseil régional et sont révocables à tout
moment. On peut donc s'interroger sur le degré d'indépendance des membres du
bureau par rapport au président du conseil régional.
Il s'agit là d'une petite astuce, qui permet de couvrir d'un peu de
collégialité une démarche par laquelle on dessaisit en réalité le conseil
régional de la responsabilité majeure que lui reconnaît l'article 72 de la
Constitution.
Nous verrons d'ailleurs dans quelques instants que ce texte entraîne une série
de conséquences, y compris sur le vote des impôts. Là encore, on méconnaît le
principe fondamental de la loi républicaine fondée sur la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen, et selon lequel tout citoyen peut faire
contrôler par ses représentants le bien-fondé des impôts qu'on lui impose et
des dépenses que l'on décide avec les ressources ainsi soustraites à son libre
arbitre.
Pour toutes ces raisons, que j'ai simplement résumées, la commission vous
demande, mes chers collègues, d'adopter cette motion tendant à opposer
l'exception d'irrecevabilité constitutionnelle. Je souligne la solennité du
vote que vous allez émettre. En effet, la mesure concernée vise, pour la
première fois, à transposer, dans les règles de fonctionnement des
collectivités territoriales librement administrées par des conseils élus -
article 72 de la Constitution - les dispositions de l'article 44-3 de ladite
Constitution, et qui ont été prévues au seul bénéfice du Gouvernement.
Si le constituant a pris la précaution de rédiger un tel article, c'est
précisément pour rompre, s'agissant uniquement des rapports entre le
Gouvernement et le Parlement, la prééminence de l'assemblée élue par rapport au
Gouvernement, pour des raisons qui découlent d'ailleurs en grande partie des
pratiques de la IVe République, elles-mêmes issues d'autres pratiques dont on a
longuement discuté tout à l'heure à propos de la proportionnelle. C'est
uniquement au bénéfice du Gouvernement que cette rupture a été acceptée.
Le fait que cette disposition ait été prévue au seul bénéfice du Gouvernement
condamne, selon nous, son extension aux conseils régionaux, au détriment de la
libre administration des collectivités territoriales par des conseils élus, et
du libre contrôle des citoyens sur les impôts qu'ils doivent acquitter.
C'est pourquoi la commission espère que cette motion soit votée et que les
dispositions visées seront sanctionnées plus tard.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche contre la motion.
M. Guy Allouche.
Dans la démonstration qu'il avait faite lors de la discussion de la loi du 7
mars 1998, M. le rapporteur avait mis en avant le fait que certaines
dispositions étaient contraires à la Constitution. Le Conseil constitutionnel
s'est prononcé : il n'a pas « cassé » lesdites dispositions, pour reprendre la
terminologie employée.
Aujourd'hui, M. le rapporteur développe une argumentation un peu similaire.
Cependant, il a tronqué, en quelque sorte, l'article 72 de la Constitution.
Certes, comme le prévoit cet article, les collectivités s'administrent
librement par des conseils élus, mais - et, pour moi, c'est l'élément essentiel
du deuxième alinéa de l'article 72 - elles le font « dans les conditions
prévues par la loi ». En effet, si ce membre de phrase ne figurait pas, chaque
collectivité ferait ce que bon lui semble. En l'occurrence, une loi doit
déterminer les conditions et c'est bien l'objet du projet de loi.
Aussi, l'argumentation que M. le rapporteur a présentée ne résiste pas, selon
moi, à l'analyse juridique, car c'est la loi qui définit les conditions dans
lesquelles les collectivités s'administrent librement.
Monsieur le rapporteur, je vous renvoie aux explications fournies par le
Conseil constitutionnel lorsqu'il avait été saisi du texte qui est devenu la
loi du 7 mars 1998. S'agissant du présent projet de loi, j'attends, pour ma
part, très sereinement, la décision du Conseil constitutionnel, puisque nous
savons d'ores et déjà qu'il sera saisi. Nul doute qu'il ne déclarera pas
contraire à la Constitution cette disposition, car il appartient au législateur
de déterminer les conditions dans lesquelles les collectivités
s'administrent.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
La loi, certes, mais dans le respect de la Constitution. Je
le répète, il est des mots que l'on ne peut dissocier.
Je souhaite apporter une précision. A plusieurs reprises et de manière
lancinante a été énoncé, par des orateurs de l'opposition sénatoriale et par le
Gouvernement, l'argument selon lequel il s'agit d'éviter que le préfet ne
règle... Depuis la loi de mars 1998, le préfet ne règle plus. En effet, les
présidents de conseil régional ont entre les mains les moyens de faire en sorte
que le préfet ne règle pas. On m'objectera que tel a pourtant été le cas dans
deux conseils régionaux. Certes, mais c'est uniquement parce que les présidents
concernés n'avaient pas lu le texte de la loi de mars 1998.
Par conséquent, il ne faut pas nous dire - j'y insiste parce que cet élément
pèsera lourd dans les délibérations du Conseil constitutionnel - que l'article
21 vise à éviter l'intrusion du préfet. En effet, le dispositif permettant de
prévenir celle-ci est déjà en place. Il s'agit donc non pas de cela, mais bel
et bien de transformer la réalité du pouvoir du président du conseil régional,
qui maintenant s'impose à son propre conseil nonobstant la volonté clairement
exprimée de celui-ci, c'est cela qui est inconstitutionnel !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Je
voudrais tout d'abord inviter M. le rapporteur à relire la décision du Conseil
constitutionnel de 1998.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je l'ai fait !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Il
nous a lu tout à l'heure la décision du Conseil constitutionnel de 1982
concernant les questions d'égalité d'accès des hommes et des femmes en matière
de fonctions politiques, et je voudrais donc lui rappeler la décision par
laquelle le Conseil constitutionnel, saisi de la loi du 7 mars 1998, a validé
la procédure dérogatoire d'adoption sans vote des budgets, en s'appuyant sur
deux motifs : cette loi vise à « assurer le respect du principe de continuité
des services publics » en permettant aux collectivités régionales de disposer
d'un budget lorsque la composition de leur conseil serait de nature à y faire
obstacle et, concomitamment, elle tend à mieux assurer le principe de libre
administration des collectivités territoriales en évitant que les conseils
régionaux ne soient dessaisis au profit du représentant de l'Etat. Telle est
l'analyse du Conseil constitutionnel.
L'article 21 va-t-il au-delà de cette jurisprudence récente ? Je ne le crois
pas !
En effet, cet article comporte deux dispositions.
Il vise tout d'abord à clarifier les points de procédure, c'est-à-dire à
préciser que l'adoption de l'ensemble des chapitres et des articles vaut
adoption du budget. On peut comprendre cette précision dans la mesure où le
budget est l'acte majeur d'une collectivité territoriale, et donc le support
que les citoyens sont en droit d'attendre pour la gestion de leurs élus.
Cet article vise ensuite à ouvrir une nouvelle modalité d'adoption du budget,
nouvelle modalité tendant à doter la collectivité régionale d'un véritable
budget, dans la mesure où le président peut provoquer une seconde délibération
du conseil régional par un vote bloqué sur un projet de budget primitif auquel
auront été intégrés, le cas échéant, certains des amendements soutenus au cours
du débat, après accord du bureau. Il s'agit là d'une possibilité
supplémentaire, avant de passer à la procédure dérogatoire d'adoption du budget
sans vote, dont je vous signale, monsieur le rapporteur, que le Conseil
constitutionnel a admis la constitutionnalité.
Nous respectons donc bien le principe de libre administration des
collectivités territoriales, puisqu'il n'y a aucune obligation de mise en
oeuvre, mais qu'une faculté supplémentaire est simplement donnée au conseil
régional pour l'adoption du budget. Bien entendu, l'assemblée reste libre
d'adopter ou de rejeter ce nouveau projet, et elle n'est donc pas dessaisie de
ses attributions.
J'ajoute que cet article ne saurait être apprécié isolément, puisqu'il prévoit
de mettre en phase une nouvelle procédure qui, en tant qu'elle est enserrée
dans un délai, ne nous paraît pas mettre en cause les prérogatives de
l'assemblée régionale, en l'occurrence.
M. le président.
Je vais mettre aux voix la motion n° 3.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
J'approuve la position de M. le rapporteur et je tiens à souligner combien il
s'agit là d'un passage en force. Franchement, c'est à nouveau un mauvais coup
porté aux régions !
Monsieur le ministre, voilà dix ans que je préside un conseil régional : si
vous croyez que l'on tire autorité de la force, vous n'êtes pas du côté de la
modernité !
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
. La modernité, c'est
au contraire de pouvoir travailler avec des assemblées ouvertes. Quel est ce
paradoxe qui vous conduit à être laxiste avant l'élection
(Très bien ! sur
les travées du RPR.)
, à faire en sorte que tout le monde puisse entrer dans
l'assemblée pour, après, fermer tous les verrous et organiser les passages en
force ?
M. Josselin de Rohan.
C'est complètement incohérent !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Si vous êtes courageux et sincère, organisez une assemblée véritablement
représentative et, ensuite, que l'assemblée domine, y compris son président
!
Aujourd'hui, avec des seuils de 3 % ou de 5 % des suffrages exprimés, vous
organisez des assemblées dispersées qui sont ingouvernables et, ensuite, vous
allez chercher des moyens coercitifs pour donner des pouvoirs extrêmes au
président ! Une telle démarche va vraiment à l'encontre de la démocratie
représentative !
Faites donc en sorte qu'une assemblée soit composée d'élus ayant atteint un
seuil de crédibilité, et le seuil de 10 % des suffrages exprimés que nous avons
proposé tout à l'heure me paraît satisfaisant à cet égard. Nous trouverons
alors des majorités et nous pourrons faire en sorte qu'aient vraiment lieu,
dans l'assemblée, des débats démocratiques, sans passage en force.
J'ai entendu évoquer l'intervention du préfet comme quelque chose d'infamant.
Le républicain que je suis ne considère absolument pas que, pour une assemblée
en situation de blocage, l'appel au préfet soit infamant.
M. Lucien Lanier.
Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Cela n'a rien d'extraordinaire, et l'on ne va pas inventer des choses pour
déposséder celui qui est le partenaire quasiment quotidien de la
contractualisation ! Si le fait de savoir que, pendant que les membres de
l'assemblée retrouvent leur sérénité, quelqu'un va provisoirement faire le
travail peut inciter ceux qui sont attachés à l'autonomie de la collectivité à
dégager un accord, cela n'a cependant rien d'une infamie !
Voilà pourquoi, M. le rapporteur, dans son argumentation, voit à mon avis
juste et clair.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Je vais tenter de convaincre M. le ministre !
(Exlamations sur les travées
du RPR.)
Un sénateur du RPR.
Vous avez fort à faire !
M. Patrice Gélard.
Monsieur le ministre, vous avez pour ambitions légitimes d'améliorer le
fonctionnement des conseils régionaux et de rendre la démocratie plus efficace
; malheureusement, vous utilisez des méthodes et des moyens qui vont exactement
à l'inverse de l'objectif recherché !
Ce qui m'inquiète le plus, c'est que les propositions que vous avez acceptées
remettent en cause les acquis républicains de deux siècles de démocratie !
J'évoquerai un point précis : que voulez-vous faire avec la parité si ce n'est
rétablir les états tels qu'ils existaient avant 1789 ? Alors qu'il y avait,
auparavant, la noblesse, le clergé et le tiers état, il y aura maintenant les
hommes, les femmes, et peut-être autre chose après !
(Protestations sur les
travées socialistes.)
Que voulez-vous faire avec l'abaissement des seuils si ce n'est remettre en
cause des règles que nous avons lentement dégagées après avoir commis des
erreurs dans les modes de scrutin que nous avons choisis ? Nous étions tous
d'accord. L'unanimité s'était dégagée sur ces seuils. Personne ne les remettait
en cause, sauf, naturellement, les partis marginaux qui espéraient ainsi
arriver plus vite à la représentation. Là, c'est une règle républicaine acquise
de longue date qui est remise en cause !
En outre, vous montez une usine à gaz tout à fait extraordinaire qui a pour
particularité de revenir à la charte de Jean Sans Terre : vous allez rétablir
des barons locaux vaguement contrôlés par les membres d'un conseil, et si ces
derniers ne donnent pas leur consentement à l'impôt le baron pourra lui-même
décider de l'impôt à lever.
J'ai découvert avec beaucoup de satisfaction que la loi précédente a été
bizarrement appliquée. Quand on voit un président de conseil régional voter
contre son propre budget pour pouvoir faire ensuite ce qu'il veut avec, on
rétablit ni plus ni moins les baronies.
En fait, que faites-vous, monsieur le ministre ? Avec les meilleures
intentions du monde et en faisant des déclarations mettant en avant la
démocratie, vous remettez en cause, en permanence, tous les principes sur
lesquels cette démocratie est fondée !
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Paul Girod,
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, je m'exprime maintenant au nom du groupe du RDSE.
Il y a des choses qu'un homme politique peut difficilement entendre ! Voilà un
instant, M. le ministre nous a fait une lecture particulière d'une décision du
Conseil constitutionnel. Je lui rappellerai quand même que cette décision est
en grande partie fondée sur l'idée de la continuité des services publics.
Encore une fois, s'il n'y avait pas eu la loi de 1998, on aurait pu, à la
limite, vaguement entrer - cela aurait cependant été très difficile - dans la
voie qu'il nous trace.
Mais ce gouvernement a fait adopter la loi du 7 mars 1998. Le Conseil
constitutionnel l'a validée parce qu'elle représentait un progrès par rapport
au système antérieur. Elle n'a même pas été appliquée, et on fait valoir
maintenant l'inconvénient d'une loi dont on ne parle plus pour nous expliquer
un nouveau système qui compromet totalement la libre administration par un
conseil d'élus.
Très honnêtement, monsieur le ministre, je ne peux vous suivre, et la grande
majorité de mon groupe, au nom duquel je m'exprime en cet instant, votera la
motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, présentée par la
commission des lois.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du
RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 3, repoussée par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet de l'article 21 du projet
de loi.
(La motion est adoptée.)
M. le président.
En conséquence, l'article 21 est rejeté.
Article 22
M. le président.
« Art. 22. - L'article L. 4311-1-1 du code général des collectivités
territoriales est ainsi rédigé :
«
Art. L. 4311-1-1
. - Sous réserve des dispositions du troisième alinéa
de l'article L. 1612-2, si le budget a été rejeté au 20 mars de l'exercice
auquel il s'applique ou au 30 avril de l'année de renouvellement des conseils
régionaux, le président du conseil régional communique aux membres du conseil
régional, dans un délai de dix jours à compter du vote de rejet, un nouveau
projet sur la base du projet initial, modifié le cas échéant par un ou
plusieurs des amendements soutenus lors de la discussion. Ce projet est
accompagné de projets de délibérations relatives aux taux des taxes visées au
1° du
a
de l'article L. 4331-2 et au 1° de l'article L. 4414-2 ainsi
que, le cas échéant, des taxes visées aux 2°, 3° et 4° du
a
de l'article
L. 4331-2. Le nouveau projet et les projets de délibérations ne peuvent être
communiqués aux membres du conseil régional que s'ils ont été approuvés par son
bureau au cours du délai de dix jours susmentionné.
« Ce projet de budget et les projets de délibérations relatives aux taux sont
considérés comme adoptés à moins qu'une motion de renvoi, présentée par la
majorité absolue des membres du conseil régional, ne soit adoptée à la même
majorité. La liste des signataires figure sur la motion de renvoi.
« La motion est déposée dans un délai de cinq jours à compter de la
communication du nouveau projet du président aux membres du conseil régional et
comporte un projet de budget et des projets de délibérations relatives aux taux
des taxes visées au 1° du
a
de l'article L. 4331-2 et au 1° de l'article
L. 4414-2 ainsi que, le cas échéant, des taxes visées aux 2°, 3° et 4° du
a
de l'article L. 4331-2, qui lui sont annexés. Elle mentionne le nom du
candidat aux fonctions de président et comporte la déclaration écrite prévue
par le dernier alinéa de l'article L. 4133-1.
« Le projet de budget annexé à la motion est établi conformément aux
dispositions des articles L. 4311-1 à L. 4311-3. Il est transmis, un jour franc
après le dépôt de la motion de renvoi, par le président du conseil régional au
conseil économique et social régional qui émet un avis sur ses orientations
générales dans un délai de sept jours à compter de sa saisine. Le même jour, et
par dérogation aux dispositions de l'article L. 4132-18, le président convoque
le conseil régional pour le neuvième jour qui suit ou le premier jour ouvrable
suivant. La convocation adressée aux conseillers régionaux est assortie de la
motion de renvoi déposée et du projet de budget ainsi que des projets de
délibérations relatives aux taux des taxes visées au 1° du
a
de
l'article L. 4331-2 et au 1° de l'article L. 4414-2 et, le cas échéant, des
taxes visées aux 2°, 3° et 4° du
a
de l'article L. 4331-2, qui lui sont
annexés.
« Le vote sur la motion a lieu par scrutin secret au cours de la réunion
prévue au quatrième alinéa.
« Si la motion est adoptée, le projet de budget et les projets de
délibérations relatives aux taux sont considérés comme adoptés. Le candidat aux
fonctions de président entre immédiatement en fonction et la commission
permanente est renouvelée dans les conditions fixées par l'article L.
4133-5.
« Le budget est transmis au représentant de l'Etat au plus tard cinq jours
après la date à partir de laquelle il peut être considéré comme adopté
conformément au deuxième alinéa ou de la date de l'adoption ou du rejet de la
motion de renvoi. A défaut, il est fait application des dispositions de
l'article L. 1612-2.
« Les dispositions du présent article, à l'exception de celles de la dernière
phrase des troisième, sixième et septième alinéas, sont également applicables à
deux autres délibérations budgétaires relatives au même exercice, qui font
l'objet d'un vote de rejet par le conseil régional, hormis le compte
administratif. Dans ce cas, le président du conseil régional peut communiquer
un nouveau projet de budget aux membres du conseil régional, dans un délai de
dix jours, sur la base du projet initial, modifié le cas échéant par un ou
plusieurs des amendements présentés ou adoptés lors de la discussion sur les
propositions nouvelles ; ce projet ne peut être soumis au conseil régional que
s'il a été approuvé par son bureau au cours du délai de dix jours
susmentionné.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables à la
collectivité territoriale de Corse. »
Par amendement n° 30, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Le Sénat vient de supprimer l'article 21 par l'adoption d'une
motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité constitutionnelle.
L'amendement n° 30 de la commission, pour sa part, vise à supprimer l'article
22 qui modifie prématurément le dispositif issu de la loi du 7 mars 1998.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Le
Sénat ayant rejeté l'article 21 en adoptant la motion tendant à opposer
l'exception d'irrecevabilité, il me semble logique qu'il veuille maintenant
supprimer l'article 22.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 22 est supprimé.
Article 22
bis
M. le président.
« Art. 22
bis.
- L'article L. 4133-4 du code général des collectivités
territoriales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les séances de la commission permanente sont publiques.
« Néanmoins, sur la demande de cinq membres ou du président du conseil
régional, la commission peut décider, sans débat, à la majorité absolue des
membres présents ou représentés, qu'elle se réunit à huis clos. »
Par amendement n° 31, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
L'article 22
bis
prévoit la publicité systématique des
délibérations de la commission permanente.
Là encore, il y a beaucoup à dire, même sur le plan constitutionnel. En effet,
qu'est-ce que la commission permanente, sinon un organe restreint de
l'assemblée qui contrôle l'exécutif dans ses décisions d'exécutif ? Par
conséquent, la commission permanente a besoin de sérénité et de confidentialité
dans un certain nombre de cas pour pouvoir régler des problèmes
particuliers.
Un conseil régional peut bien sûr décider librement que, pour des raisons qui
lui sont propres, toutes les séances de la commission permanente seront
publiques. Mais il paraît entièrement imprudent d'imposer
a priori
une
telle règle pour toutes les délibérations...
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Paul Girod,
rapporteur.
... sauf exceptions, qui, bien évidemment, attireront
immédiatement l'attention sur la délibération à l'ordre du jour ! Tout cela ne
peut déboucher que sur l'indifférence ou sur l'excès d'attention. Selon le
vieil adage, on ne mérite jamais ni cet excès d'honneur ni cet excès
d'indignité !
Les commissions permanentes ont donc besoin, pour être efficaces, de préserver
la confidentialité de leurs délibérations. J'ajoute que, lors de ces dernières,
bien des informations concernant des situations personnelles sont mises au
jour. Au nom de quoi ces situations, qui sont même quelquefois couvertes par le
secret professionnel, pourraient-elles être mises à la disposition du public
n'importe comment ?
Par conséquent, si un conseil régional peut bien sûr décider que les séances
de la commission permanente seront publiques, il nous paraît excessif de le lui
imposer
a priori
. Voilà pourquoi l'amendement n° 31 vise à supprimer
l'article 22
bis.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Monsieur le rapporteur, la commission permanente n'est pas l'exécutif de
l'assemblée.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Elle contrôle l'exécutif !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Elle assure le contrôle de l'exécutif.
M. Paul Girod,
rapporteur.
C'est ce que j'ai dit !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
C'est une reproduction à la proportionnelle de l'assemblée régionale.
La grande majorité des régions ont introduit la publicité des débats. Or, la
publicité qui s'applique à l'assemblée régionale vaut aussi, à mon avis, pour
la commission permanente. Je ne vois vraiment pas quelles raisons pourraient
conduire à la repousser par principe.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit simplement que, « sur la
demande de cinq membres ou du président du conseil régional, la commission peut
décider, sans débat, à la majorité absolue des membres présents ou représentés,
qu'elle se réunit à huis clos ». Or la commission permanente peut comprendre un
nombre très important de membres, et donc ne plus être une formation réduite de
l'assemblée régionale mais un organe comptant pratiquement autant de
membres.
A ce titre, le fait qu'il y ait publicité des débats ne me semble pas entraver
le principe de la bonne administration, d'autant qu'un verrou a été prévu par
l'Assemblée nationale.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 31.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. Hilaire Flandre.
Contre ? C'est mission impossible !
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le rapporteur, que craignez-vous? Qu'ont à cacher les assemblées
élues ?
M. René-Georges Laurin.
Ce n'est pas pour cacher, c'est pour travailler !
M. Josselin de Rohan.
La transparence, cela vous va bien !
M. Guy Allouche.
Monsieur de Rohan, je crois que vous devriez être beaucoup plus prudent dans
votre expression !
(Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. Josselin de Rohan.
Pas du tout : je persiste !
M. Guy Allouche.
Les assemblées élues n'ont rien à cacher ! Vous dites, monsieur le rapporteur,
que la commission permanente a, entre autres fonctions, le contrôle de
l'exécutif. Raison de plus ! Le contrôle de l'exécutif doit se faire au grand
jour quand c'est nécessaire !
Les réunions seront publiques, aux termes mêmes de la loi. Toutefois - M. le
ministre vient de le rappeler - si le président de l'assemblée régionale ou si
cinq membres de la commission permanente demandent le huis clos, il sera
décidé.
(Murmures sur les travées du RPR.)
M. Hilaire Flandre.
Il faut voter à la majorité !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Oui, le vote doit se faire à la majorité !
M. Guy Allouche.
S'il s'avère qu'une délibération d'une commission permanente porte sur des
personnes, les élus régionaux savent ce qu'ils ont à faire ! Ne les prenez pas
pour des demeurés ou des débiles !
Mais s'il s'agit, comme c'est le cas dans 99 % des délibérations, de décisions
politiques, de subventions à accorder, etc., en quoi est-il gênant que ces
délibérations aient lieu en public ?
Par ailleurs, nous savons bien qu'après la réunion de l'exécutif les
porte-parole des groupes politiques vont rencontrer la presse pour tout lui
relater !
(Exclamations sur les mêmes travées.)
Au Sénat, nous délibérons en séance publique. Pourquoi n'en irait-il pas
de même dans les commissions permanentes ? Pendant quinze ans, j'ai été membre
d'une assemblée régionale, au sein de laquelle j'ai exercé certaines
responsabilités. Eh bien je puis vous dire qu'il nous est arrivé de décider que
nos délibérations se dérouleraient en public ! La loi ne le prévoyait pas et
nous aurions pu être sanctionnés, certes, pour vice de forme. Mais nous avions
voulu donner un caractère exceptionnel à certaines réunions lorsqu'il
s'agissait de contrats de plan, d'infrastructures particulières ou de dossiers
importants pour la vie économique et sociale de la région.
En la circonstance, de l'exception qui était la règle jusqu'à ce jour nous
voulons faire une règle prévue par la loi. Et, dans des cas précis, si le huis
clos s'impose, de grâce ! faisons confiance à nos collègues élus régionaux pour
en décider !
Prévoir que le huis clos s'impose en toute circonstance, tout d'abord, ce
n'est pas accomplir un effort d'information civique à l'égard de nos
concitoyens, qui peuvent s'intéresser à la vie d'une commission permanente ;
ensuite, cela peut éveiller la suspicion.
(Protestations sur les mêmes travées.)
M. Hilaire Flandre.
Il faut supprimer les assemblées et instaurer le forum permanent !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je constate que, au fur et à mesure que le
débat sur ce texte progresse, apparaît l'intention du Gouvernement de
compliquer ce qui, jusqu'à ce jour, a pu fonctionner de manière relativement
simple et sans susciter la moindre critique.
M. Allouche vient de nous dire que, certaines fois, nous avons décidé que la
commission permanente siègerait en public. Très bien ! Personne n'a trouvé à y
redire, et c'était l'affaire de chaque conseil régional.
Maintenant, vous inventez, monsieur le ministre, une procédure supplémentaire
qui devra être engagée à la veille de la réunion d'une commission permanente.
Il suffira, dites-vous, que cinq membres de la commission permanente demandent
le huis clos pour l'obtenir. J'ignore le nombre de membres de la commission
permanente de la région d'Ile-de-France...
M. Henri de Raincourt.
Quarante-cinq à cinquante membres !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Avec deux cent neuf conseillers régionaux,
une commission permanente de quarante-cinq à cinquante membres me semble en
effet dans l'ordre des choses !
Une fois que ces cinq membres de la commission permanente auront demandé le
huis clos, la commission permanente devra voter à la majorité absolue, mais la
moitié de la séance va être consacrée à l'examen des raisons, bonnes ou
mauvaises, pour lesquelles il y a lieu de tenir une séance publique ou bien, au
contraire, de siéger à huis clos !
Monsieur le ministre, je ne sais pas si vous avez une expérience suffisante
des règles de fonctionnement des collectivités territoriales, mais sachez que
ces dernières ont besoin de règles simples, et il ne faut pas que les décisions
qu'elles prennent déclenchent je ne sais quel soupçon : « Comment ? La
commission permanente a délibéré à huis clos ? Mais pourquoi ? Que se
passe-t-il ? »
Honnêtement, monsieur le ministre, je me demande où est la cohérence, où est
la volonté politique du Gouvernement. Nous avons tous le sentiment que les
institutions régionales sont essentielles ! Or vous êtes en train d'en vicier
et le fonctionnement à la base et les règles d'élection en donnant - M. le
rapporteur l'a parfaitement montré - un pouvoir exorbitant au président du
conseil régional.
Vous soumettez cette institution, que nous connaissons bien, à des règles
préalables qui n'ont aucune nécessité et qui vont, encore une fois, compliquer
son fonctionnement.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, faites attention ! En cet instant,
peut-être avec un peu plus de force qu'il y a quelques jours, je vous
rappellerai en effet les propos de François Mitterrand, qui déclarait en
substance qu'une loi électorale mal bâtie, une loi électorale obéissant à des
perspectives particulièrement partisanes, risquait de se retourner très
certainement et très rapidement contre ceux qui l'avaient instituée.
Nous sommes très attachés au mode de fonctionnement des collectivités
territoriales et nous vous mettons en garde une fois encore contre ce que vous
êtes en train de faire. Mais vous allez le faire, nous le savons bien, même si
nous gardons un espoir avec le Conseil constitutionnel.
Si, par malheur, votre projet de loi est voté sans être modifié, il se
traduira par un affaiblissement de la région. Je crois que vous prenez une
lourde responsabilité !
(Applaudissements sur les travées des Républicains
et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. René-Georges Laurin.
Ce sera la chienlit !
M. Josselin de Rohan.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Tous ceux qui ont siégé dans une commission permanente comprennent le
caractère particulièrement pernicieux de la disposition qui nous est
soumise.
Monsieur le ministre, la commission permanente est un lieu où règne,
contrairement à ce qui a pu être dit, une certaine sérénité. Si, dans les
débats publics d'une assemblée, on échange des arguments - parfois des
invectives, parce qu'on parle sous le contrôle du public ou de la presse et
qu'on est quelquefois porté à quelque exagération - on a dans l'ensemble le
souci de travailler avec objectivité dans les commissions permanentes et il n'y
a pas de pression extérieure.
Certains conseils régionaux peuvent prévoir, dans leur règlement intérieur, la
possibilité - exceptionnelle - d'associer le public aux délibérations de la
commission permanente, mais ce n'est qu'une faculté. C'est d'ailleurs fort
sage, car on imagine bien que ces conseils régionaux n'entendent pas que
l'exception devienne la règle. Or vous, monsieur le ministre, vous voulez faire
de la publicité une règle.
Dès lors, que va-t-il se passer ? Lorsque l'on voudra polémiquer et tirer
argument contre la majorité qui gère le conseil régional, eh bien ! on
convoquera, sur telle ou telle décision de la commission permanente, tel ou tel
groupe de pression, telle ou telle association, devant lesquels on se livrera à
la petite comédie à laquelle on se livre souvent en public. On va ainsi
transformer en micro parlement ou en micro assemblée une commission qui
travaillait sérieusement et qui pouvait échanger un certain nombre d'arguments
parce que cela se passait relativement confidentiellement.
Le président de région que je suis a toujours pu donner à des conseillers
régionaux d'opposition des précisions sur tel ou tel dossier délicat au sein de
la commission permanente, parce qu'il savait que personne n'irait publier à
l'extérieur les propos qu'il tenait alors.
Les conseillers régionaux sont responsables, et si des tiers sont présents et
se montrent bien décidés à exploiter tout ce qui pourra être dit au sein de la
commission permanente pour en tirer argument soit contre la majorité du conseil
régional, soit contre son président, le débat aura complètement changé de
nature.
Il est extrêmement dangereux de s'engager dans cette voie ! Cela revient en
effet à détruire une atmosphère de travail qui existe dans les commissions
permanentes, et vous prenez là une lourde responsabilité.
Nous n'avons rien à cacher, c'est évident ! Les décisions que nous prenons
sont publiques, elles sont contrôlées par la tutelle et, si nous faisions quoi
que ce fût d'illégal, nous serions sanctionnés.
L'important, c'est la liberté des propos tenus au sein de la commission
permanente, où certaines choses peuvent être dites et certaines autres tues.
M. René-Georges Laurin.
C'est exact !
M. Josselin de Rohan.
Et c'est cela que vous voulez changer !
Enfin, expliquez-moi pourquoi les seuls conseils régionaux seraient astreints
à ce type de publicité. Pourquoi n'étendez-vous pas cette règle aux conseils
généraux, voire aux conseils municipaux ?
M. Guy Allouche.
Nous le ferons après !
M. Josselin de Rohan.
Après tout, le raisonnement est le même ! Appliquez-le partout !
M. Hilaire Flandre.
Et même au conseil des ministres !
M. Josselin de Rohan.
Je n'irai pas jusque-là,...
M. Henri de Raincourt.
Et pourquoi pas ?
M. Josselin de Rohan.
... mais, si vous voulez être transparents, soyez-le jusqu'au bout ! Mais
soyez surtout un peu sérieux !
(Très bien ! et applaudissements sur les
travaées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Henri de Raincourt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne suis
pas sûr de pouvoir ajouter grand-chose à ce que vient d'exprimer excellemment
mon ami Josselin de Rohan, mais il est quand même des moments où le bon sens et
la politique ne font pas forcément bon ménage.
Nous avons vraiment le sentiment, alors que nous discutons de ce texte depuis
déjà un certain nombre d'heures, que nous sommes dans une telle circonstance et
c'est, au fond, assez grave, parce qu'il va y avoir dans cette affaire deux
victimes : la première sera l'institution régionale, que certains prétendent
vouloir faire monter en puissance dans le fonctionnement de nos institutions
nationales, et la seconde sera tout simplement - et sans forcer le trait - la
démocratie elle-même.
M. René-Georges Laurin.
Très juste !
M. Henri de Raincourt.
Les éléments que nous a livrés Josselin de Rohan sont tout à fait fondés. J'y
ajouterai simplement cette interrogation : que se passera-t-il, en pratique,
si, par hypothèse, les commissions permanentes des conseils régionaux
deviennent systématiquement publiques ? S'il y a encore des gens suffisamment
raisonnables dans les conseils régionaux - ce que je crois - ils se réuniront
sous une forme informelle, entre eux, pour préparer la réunion de la commission
permanente.
Cette dernière perdra, de ce fait, sa mission de contrôle de l'exécutif, elle
se bornera à entériner, au cours d'une séance purement formelle, ce sur quoi on
se sera préalablement mis d'accord. La démocratie n'y gagnera ni efficacité, ni
transparence, ni progrès.
Par ailleurs, si, effectivement, on procède ainsi pour les conseils régionaux,
pourquoi n'étendrait-on pas le dispositif aux assemblées territoriales ?
En tant que président de conseil général, je dois, à chaque réunion de la
commission permanente, évoquer devant mes collègues des sujets personnels.
M. René-Georges Laurin.
Bien sûr !
M. Henri de Raincourt.
Lorsque le conseil général aura à protéger des enfants contres des agissements
d'adultes et à défendre leurs intérêts, devrons-nous, au titre de la publicité
des débats, jeter le nom des uns et des autres en pâture à l'opinion publique
?
De même, lorsqu'on nous demandera, tout à fait normalement d'ailleurs, de
remettre des dettes sociales contractées par un certain nombre de personnes
auprès du département, devrons-nous humilier encore davantage lesdites
personnes en citant leur nom, qui sera ainsi publié dans le journal ?
M. René-Georges Laurin.
Très bien !
M. Henri de Raincourt.
La non-publicité systématique des débats des commissions permanentes, c'est le
respect de la démocratie, c'est le respect des personnes, avec, naturellement,
au titre de la transparence - je présume que c'est quasiment partout la même
chose - un relevé des décisions publié à l'issue des travaux.
Franchement, ce sur quoi on nous demande notre avis est quasiment indigne d'un
pays qui, sur le plan démocratique, a la prétention d'être civilisé !
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du
RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souscris
aux propos que viennent de tenir MM. de Raincourt et de Rohan.
Au fond, monsieur le ministre, si l'on ne voit pas exactement quelle est votre
vision de l'institution régionale, on voit bien quelle est votre vision du
comportement des élus régionaux : toujours plus de politisation !
M. Josselin de Rohan.
Exactement !
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'est cela qui est très important, et c'est cela qui va donner lieu à de
profondes divergences.
En effet, l'assemblée régionale est-elle un parlement régional, avec des
débats politiques au niveau régional, comme on le voit dans un certain nombre
de pays fédéraux ? La région est-elle une portion de nation ? Je ne le crois
pas.
Ce qui est intéressant, dans la région, c'est sa différence. Dans un système
républicain où l'Etat joue un rôle important, il faut que ledit Etat écoute la
différence régionale par rapport à sa politique nationale, qu'il écoute
l'Alsace, qu'il écoute la Franche-Comté, qu'il écoute l'Aquitaine, qu'il tienne
compte de leur avis et qu'après l'on discute, l'on assume des
coresponsabilités.
Mais si nous voulons que la Bretagne, le Poitou-Charentes ou l'Aquitaine
puissent faire passer leur message à l'Etat, encore faut-il que nous dépassions
certains clivages. Je n'ai jamais été aussi fort, dans une négociation, que
lorsque, avec le maire socialiste de La Rochelle, avec le maire de Poitiers ou
celui de Châtellerault, avec le président du conseil général, nous avons,
dépassant les uns et les autres nos clivages, élaboré ensemble des dossiers
pour défendre un intérêt supérieur de notre territoire auprès de l'Etat.
M. Claude Estier.
Qu'est-ce qui l'empêchera ?
M. Jean-Pierre Raffarin.
Cela passe forcément par la négociation, par l'explication et par la
décrispation.
Que se produit-il, avec cette publicité systématique ? Pour la première fois,
les élus régionaux se regroupent en associations - associations de droite,
associations de gauche - et les ordres viennent maintenant des partis, des
appareils nationaux pour que l'on transfère au niveau local les débats
nationaux. Autrement dit, avec la politisation, on fait de la recentralisation.
C'est préoccupant !
Ce qui compte vraiment pour le débat régional, c'est cette musique spécifique
qui ne peut se faire entendre que dans la discussion. C'est à cela que sert la
commission permanente !
La commission permanente, comme le disait M. de Raincourt, c'est ce dialogue
direct, et non pas un dialogue sur écran de télévision. Ce n'est pas du cinéma,
du marketing, de la publicité ou de la propagande, c'est de l'écoute, de
l'authenticité, de la sincérité.
Ce dont le fait régional a besoin, c'est de sincérité. Or, dès lors que seront
suspects tous les débats qui se tiendront à huis clos, parce qu'ils auraient
pu être publics, en raison même de cette suspicion, on perdra cet atout de la
sincérité. Voilà pourquoi je rejoins ceux qui viennent de me précéder à la
tribune dans leur vote.
(Applaudissements sur les travées des Républicains
et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Je me réjouis déjà à l'idée que l'Assemblée nationale rétablira ce que le
Sénat s'apprête à supprimer.
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jean Chérioux.
Alors, ce n'est pas la peine de prendre la parole ! On gagnera du temps !
M. Guy Allouche.
Cher Henri de Raincourt, je vous ai écouté, comme toujours, avec attention et
intérêt.
M. Henri de Raincourt.
Mes propos étaient modérés !
M. Guy Allouche.
Voilà neuf ans, vous-même, Gérard Larcher et moi-même, nous avons beaucoup
oeuvré pour que les réunions des commissions permanentes du Sénat soient de
temps en temps ouvertes au public. Nous avons fait un rapport, unanimes.
Après quoi, nous avons dû, d'abord avec nos groupes respectifs, ensuite dans
les commissions et, enfin, en séance plénière, convaincre l'ensemble de nos
collègues qu'à l'approche de cette fin de siècle il fallait changer les
méthodes, s'ouvrir sur l'extérieur. Déjà à l'époque, on nous avait accusés de «
jeunisme » parce que nous faisions montre d'une certaine modernité !
Puis, la mesure a été décidée. Notre pouvoir de conviction a été tel que nous
avons réussi à convaincre l'ensemble de nos collègues.
Mais l'ouverture au public n'était pas systématique.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Ah !
M. Guy Allouche.
Sur décision des commissions...
M. Jean Chérioux.
C'est toute la différence !
M. Guy Allouche.
Laissez-moi terminer, prenez patience, monsieur Chérioux. Vous me faites
penser à une bouilloire, sur votre siège !
M. Jean Chérioux.
C'est de vous entendre qui me fait bouillir !
M. Guy Allouche.
Entendu, c'est l'heure du thé, mais prenez patience. Vous êtes toujours là,
prêt à bondir !
Un sénateur du RPR.
Il y a de quoi !
M. Guy Allouche.
Aujourd'hui, je suppose que Henri de Raincourt et Gérard Larcher sont, comme
moi-même, heureux de constater que, lorsque les sujets le nécessitent, lorsque
nous avons à montrer à l'opinion publique comment le Sénat travaille, de quelle
façon s'échangent les idées dans la courtoisie, la sérénité,
(M. Hilaine
Flandre rit.)
Oui, vous pouvez rire, monsieur Flandre !
M. Hilaire Flandre.
Je ris pour la « sérénité » !
M. Guy Allouche.
Le public vient effectivement voir comment nous débattons entre nous et
comment se confectionne la loi.
Aujourd'hui donc, c'est sinon courant, du moins accepté par tous, Il en sera
de même, demain, dans les régions.
Nous sommes des hommes et des femmes élus, libres de nos propos, et nous
n'avons rien à cacher. Encore une fois, mes chers collègues, faisons confiance
à l'esprit de responsabilité de nos collègues présidents de région et membres
de commissions permanentes : si certains sujets exigent la discrétion, ils
seront unanimes à demander un huit clos.
Mais, dans la majeure partie des cas, je suis persuadé que les exécutifs
régionaux seront fiers de l'ouverture au public, et notamment à la presse, de
ces commissions permanentes, car cela leur permettra de mettre en avant les
mesures qu'ils préconisent pour leur région.
Je le répète, mes chers collègues, le Sénat va supprimer cette disposition,
l'Assemblée nationale la rétablira...
M. René Ballayer.
A quoi servons-nous, alors ?
M. Guy Allouche.
... et, dans quelques années, vous serez bien contents qu'elle existe !
M. Christian Bonnet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. de
Raincourt a évoqué les risques qu'il pouvait y avoir à donner trop de publicité
à des affaires concernant des personnes physiques. Cette soif de publicité est
intrinsèquement malsaine.
M. Hilaire Flandre.
C'est vrai !
M. Christian Bonnet.
Malsaine, elle l'est aussi pour les personnes morales. Soit, en effet, une
entreprise en difficulté qui ne souhaite pas en faire état, notamment auprès
des établissements de crédit auxquels elle fait appel ; au moment où l'on
débattra du soutien à lui apporter pour lui permettre de survivre, ne sera-t-il
pas souhaitable de garder la confidentialité ?
M. Josselin de Rohan.
Naturellement !
M. Christian Bonnet.
S'agissant non plus du soutien à une entreprise en difficulté, mais d'une
implantation d'entreprise, la révélation du choix d'un site ne risquera-t-elle
pas de susciter la surenchère dans une autre collectivité ?
Votre loi, monsieur le ministre est, une loi de circonstance...
M. Henri de Raincourt.
Exactement !
M. Christian Bonnet.
... au bénéfice des affidés d'un pouvoir en place. Elle aboutit à une
parcellisation de la politique régionale génératrice de confusion,
d'incohérence, de compromissions, et là, c'est la cerise sur le gâteau !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. Hilaire Flandre.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre.
J'ai été pendant douze ans conseiller régional de la région Champagne-Ardenne
et, si je ne le suis plus, c'est pour respecter la limitation du cumul des
mandats.
Je m'interroge sur la motivation qui sous-tend à la présente disposition. On
semble vouloir soumettre les décisions de la commission permanente à la
pression des porteurs de pancartes...
M. Josselin de Rohan.
Très bien !
M. Hilaire Flandre.
C'est un véritable danger.
J'ajoute que, si telle n'est pas la motivation, c'en est une autre qui est
malsaine, comme le disait M. Bonnet, et qui ressemble à de l'exhibitionnisme ou
à du voyeurisme ; je n'ai de penchant ni pour l'un ni pour l'autre !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole, pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le ministre, cette disposition va vous contraindre à faire travailler
un peu plus les renseignements généraux et les préfets, car il faudra,
naturellement, se renseigner pour savoir qui sera présent lors des réunions de
la commission permanente publique !
Depuis quelques mois, ma région et mon département connaissent des difficultés
économiques. Il n'est pas une seule réunion publique du conseil régional, du
conseil général ou du conseil municipal des villes importantes où ne surgissent
une délégation ou des porteurs de pancartes !
M. René-Georges Laurin.
Bien sûr !
M. Patrice Gélard.
Il n'est pas une seule fois où nous ne soyons obligés de suspendre la séance
pour auditionner lesdites délégations !
La commission permanente se réunit souvent : une fois par mois au minimum. Si,
chaque fois, nous sommes obligés de suspendre les séances pour écouter telle
délégation, telle autre, puis telle autre encore - car telle sera bien la
conséquence ! - eh bien, je crains que la commission permanente ne puisse plus
travailler, alors que c'est là, précisément, son rôle !
M. Jean Chérioux.
C'est évident !
M. Patrice Gélard.
M. Allouche a fait une très bonne comparaison, tout à l'heure. C'est vrai,
certaines réunions de nos commissions sont publiques, mais on les choisit
soigneusement, on en discute avant.
M. Josselin de Rohan.
C'est une faculté et non pas une obligation !
M. Patrice Gélard.
C'est effectivement une faculté. Pourquoi ne pas avoir simplement laissé la
faculté, en l'espèce ?
En réalité, on va rendre impossible le fonctionnement des commissions
permanentes. Et, quand un organe ne peut pas fonctionner correctement, il y en
a un autre, clandestin, lui, qui se met en place !
(Applaudissements sur
certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Guy Allouche.
Il y aura la loi !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
M. Gélard, il y a un instant, a repris au vol ce qu'avait dit
M. Allouche. A cet égard, je veux, au nom de la commission des lois, apporter
une précision.
Une commission permanente du Parlement est une commission d'étude et
d'élaboration des textes. La commission permanente d'une collectivité
territoriale, ce n'est pas du tout cela. S'il y a homothétie de vocabulaire, la
signification est différente.
M. Henri de Raincourt.
Absolument !
M. Paul Girod,
rapporteur.
C'est l'endroit où l'on autorise le président du conseil
général, du conseil régional ou le maire à prendre des décisions individuelles
concernant parfois des personnes physiques, des personnes morales, ou d'autres
décisions d'exécution. Tel n'est pas le cas, je le répète, des commissions
permanentes des assemblées. En l'espèce, la comparaison n'est donc vraiment pas
raison.
Je souhaite également verser au dossier un extrait d'un rapport public de 1995
émanant du Conseil d'Etat, qui n'est pas spécialement considéré comme une
assemblée de plaisantins : « Certes, la société a le droit de demander compte à
tout agent public de son administration, mais ce n'est pas pour cela qu'il faut
condamner les responsables publics à une surveillance de tous les instants et
au renoncement de l'indépendance d'esprit et de la liberté de manoeuvre, qui
sont au nombre des conditions d'exercice de la fonction. » Mes chers collègues,
je vous renvoie à ce rapport.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jean Chérioux.
C'est un abus de politisation !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Je
demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Je
veux rappeler à la Haute Assemblée le rôle de la commission permanente tel que
le définit le code : « Le conseil régional peut déléguer une partie de ses
attributions à sa commission permanente, à l'exception de celles relatives au
vote du budget, à l'approbation du compte administratif et aux mesures de même
nature que celles visées à l'article L. 1612-15. »
La commission permanente est donc non pas l'exécutif de l'assemblée, mais un
modèle réduit de l'assemblée. Et comme il n'est pas fixé de limite numérique à
la composition de la commission permanente, le conseil régional peut fort bien
décider que cette commission permanente comprend tous ses membres. C'est
d'ailleurs, je le signale, ce qui se passe dans une région.
(Exclamations
sur les travées du RPR.)
M. Guy Vissac.
Ce n'est pas un modèle !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 22
bis
est supprimé.
Article 22
ter
M. le président.
« Art. 22
ter.
- L'article L. 4133-8 du code général des collectivités
territoriales est ainsi rédigé :
«
Art. L. 4133-8
. - Le bureau est formé du président, des
vice-présidents et, le cas échéant, des membres de la commission permanente
ayant reçu délégation en application de l'article L. 4231-3. »
Par amendement n° 32, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
M. Paul Girod,
rapporteur.
L'article 22
ter
a été introduit par l'Assemblée
nationale en première lecture, et modifié par elle-même, mais sans en changer
le fond, en nouvelle lecture. Il dispose que la mise en place d'un bureau est
une obligation.
Il s'agit évidemment du corollaire de l'engagement par le président de cette
procédure particulière prévue par l'article 21 lui permettant d'imposer des
modifications refusées par l'assemblée lors de l'examen non seulement du budget
primitif mais également de deux autres délibérations en cours d'année.
J'observe d'ailleurs que ces dernières étant des décisions modificatives,
l'action publique n'est pas interrompue. Il ne faut pas ajouter des notions
contradictoires entre elles, en faire un « paquet » qui, à la différence de la
cuisine chinoise, se révèle plein de contrastes et immangeable !
L'obligation de constituer un bureau a pour objet de donner une espèce de
couleur de collégialité au coup de force du président contre sa propre
assemblée. Or le bureau n'est composé que de personnes qui dépendent du
président.
Très honnêtement, en imposer de manière absolue l'existence dans tous les
conseils régionaux est excessif. Le président est seul responsable : s'il y a
un problème, lui seul sera inquiété ! Par conséquent, lui imposer d'avance la
mise en place d'un bureau, alors qu'il peut parfaitement décider de travailler
seul, je le répète, est excessif.
Pour refuser cette fausse collégialité de l'exécutif et pour protéger
l'indépendance d'esprit des présidents de conseils régionaux, je le répète,
seuls responsables, nous proposons la suppression de l'article 22
ter.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Le
Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Dans la mesure où le bureau est associé à la procédure budgétaire que nous
avons examinée précédemment, il nous paraît logique que le bureau soit défini :
il comprend, ce qui est classique, d'ailleurs, dans les conseils régionaux, les
vice-présidents et, éventuellement, les membres de la commission permanente qui
ont reçu des délégations.
Nous entérinons en droit une pratique largement répandue dans la
quasi-totalité des conseil régionaux.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Bien sûr, mais cela c'est autre chose !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 22
ter
est supprimé.
Article 22 quater
M. le président.
L'article 22
quater
a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Intitulé du titre III
(précédemment réservé)
M. le président.
Nous en revenons à l'amendement n° 29, précédemment réservé, par lequel M.
Paul Girod, au nom de la commission, propose de supprimer la division et
l'intitulé du titre III.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Cet amendement tire la conséquence des votes qui viennent
d'intervenir. Nous avons vidé le titre III de son contenu : nous en proposons
donc la suppression.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Le
Gouvernement est défavorable à l'amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, repoussé par le Gouvernement.
M. Claude Estier.
Le groupe socialiste vote contre !
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, la division et l'intitulé du titre III sont supprimés.
TITRE IV
DISPOSITIONS FINALES
Article 23
M. le président.
« Art. 23. - I. - L'intitulé du tableau n° 7 annexé au code électoral est
ainsi rédigé : "Effectif des conseils régionaux et répartition des conseillers
régionaux entre les collèges électoraux chargés de l'élection des sénateurs
dans les départements". »
« II. - L'intitulé de la dernière colonne du tableau n° 7 annexé au code
électoral est ainsi rédigé : "Nombre de conseillers régionaux à désigner pour
faire partie du collège électoral sénatorial des départements". »
Par amendement n° 33, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit cet article :
« I. - L'intitulé du tableau n° 7 annexé au code électoral est ainsi rédigé :
"Effectif des conseils régionaux et répartition des conseillers régionaux entre
sections départementales".
« II. - L'intitulé de la dernière colonne du tableau n° 7 annexé au code
électoral est ainsi rédigé : "Nombre de conseillers régionaux composant les
sections départementales". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination à la suite de la
mise en place des sections départementales.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Le
Gouvernement était opposé à la mise en place des sections départementales : il
est donc défavorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 23 est ainsi rédigé.
Article 24
M. le président.
« Art. 24. - I. - Les dispositions de l'article 1er de la présente loi
entreront en vigueur pour le premier renouvellement général des conseils
régionaux qui suivra sa publication.
« II. - L'article 21 de la présente loi sera abrogé à compter de la date du
prochain renouvellement général des conseils régionaux. Il cesse également
d'être applicable à tout conseil régional renouvelé avant cette date. Il n'est
pas applicable à la collectivité territoriale de Corse.
« III. - Les dispositions de l'article L. 4311-1-1 du code général des
collectivités territoriales sont applicables dans les régions dont le budget ne
peut être considéré comme adopté, à la date de promulgation de la présente loi,
soit en application des deux premiers alinéas de l'article L. 4311-1-1 du code
général des collectivités territoriales dans sa rédaction initiale, soit en
application des quatre alinéas suivants.
« L'article L. 4311-1-1 du même code sera abrogé à compter de la date du
prochain renouvellement général des conseils régionaux. Il cesse également
d'être applicable à tout conseil régional renouvelé avant cette date. »
Par amendement n° 34, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit cet article :
« I. - Les titres Ier et II et l'article 23 de la présente loi sont
applicables à compter du prochain renouvellement général des conseils
généraux.
« II. - L'article L. 4311-1-1 du code général des collectivités territoriales
est abrogé à compter de la date du prochain renouvellement général des conseils
régionaux. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
L'article 24 est relatif à l'entrée en vigueur de la loi.
Nous avons déjà évoqué cette question dès le début de l'examen de ce texte. Ce
fut l'occasion d'un débat en première lecture au cours duquel la commission des
lois avait fait part de ses réflexions et de ses inquiétudes. A la suite de ce
débat et des arguments échangés sur les différentes travées de notre assemblée,
et avec le Gouvernement, les présidents de groupes de la majorité sénatoriale
avaient décidé de déposer une motion tendant à opposer la question
préalable.
Le Gouvernement nous avait expliqué qu'il était urgent de délibérer sur ce
projet de loi qui, en réalité, comporte deux textes réunis, pour les besoins de
la cause, en un seul : un texte sur le code électoral et un texte sur le
fonctionnement des conseils régionaux, le second étant nécessaire pour mettre
fin au désordre. Or, s'il y a désordre, c'est parce qu'on n'applique pas la loi
qui a été votée au mois de mars dernier, et dont certaines dispositions ont été
sanctionnées tout à l'heure par le Sénat qui a adopté une motion
d'irrecevabilité constitutionnelle.
Puisqu'il y avait urgence sur la partie du texte relatif au fonctionnement, il
devait également y avoir urgence sur la partie du texte relatif au code
électoral. Le Gouvernement avait promis de réformer le code électoral aussitôt
après les élections régionales. Il a déposé un texte. Dont acte !
Pour autant, il n'était pas obligé de hâter les choses de manière inconsidérée
pour nous faire adopter ledit texte dans la mesure où les prochaines élections
régionales n'auraient lieu qu'en 2004.
M. Guy Allouche.
Le Gouvernement tient ses promesses !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Non ! Il fait une promesse raisonnable et tient une promesse
déraisonnable !
La promesse raisonnable était de déposer un texte. Ce qui est déraisonnable,
c'est d'en empêcher la discussion sérieuse alors qu'il s'agit d'un sujet
délicat.
M. Guy Allouche.
C'est un engagement tenu !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Non, le Gouvernement avait promis de déposer un texte. Il
n'avait jamais dit qu'il en imposerait l'adoption aux forceps.
M. Claude Estier.
Quand on dépose un texte, c'est pour le faire adopter, quand même !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Mais pas n'importe comment, vous le savez aussi bien que moi
!
M. Hilaire Flandre.
Et pas sur n'importe quoi !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Puis nous découvrons dans le dernier article du projet de loi
que l'on veut rendre le code électoral applicable tout de suite, ce qui, entre
nous soit dit, va créer des situations ubuesques.
M. Patrice Gélard.
In cauda venenum
!
M. Paul Girod,
rapporteur.
Bien entendu, on avait probablement prévu qu'un conseil
régional, Dieu sait lequel ? - monsieur le président, vous qui êtes plus haut
que nous, vous avez peut-être des lumières sur la question -, ne pouvant plus
fonctionner serait dissous, que l'on pourrait lui appliquer la nouvelle loi et
que cela fonctionnerait beaucoup mieux pour certains, encore que, quelquefois,
les choses se retournent...
Mais entre-temps se profile une décision du Conseil d'Etat visant - alors que
la loi, si j'ai bien compris l'intention de ses auteurs, devrait être
définitivement votée le 22 décembre et promulguée si cela est possible avant le
1er janvier - à annuler une élection dans un certain département.
Selon quel système sera organisé le scrutin si la loi est d'application
immédiate et si l'annulation de l'élection dans ce département intervient après
la promulgation de la loi nouvelle ? L'ancien système est mort ; les
conseillers régionaux ne peuvent donc être élus dans une circonscription
régionale.
Cela prouve bien que tout cela est fait dans des conditions circonstancielles
excessives et que, dans cette affaire, il y a des arrière-pensées un peu
partout.
De la même manière, il n'est pas raisonnable de prévoir des applications
différenciées dans le temps avec un terme pour la partie du texte concernant le
fonctionnement des conseils régionaux qui disparaîtra le jour du prochain
renouvellement général des conseils régionaux. Il n'est pas raisonnable non
plus de prévoir une application immédiate d'une loi électorale alors que le
contentieux des élections précédentes n'est pas apuré.
Ces anomalies déjà, à elles seules, justifient l'amendement de la commission
des lois qui prévoit de revenir à des notions plus sérieuses : application du
nouveau système électoral au moment du renouvellement général de tous les
conseils régionaux.
M. Jean-Patrick Courtois.
Très bien !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Si vous êtes tellement persuadé de l'efficacité de votre loi,
rien ne vous empêche, monsieur le ministre, de déposer sur le bureau d'une
assemblée un projet de loi de dissolution générale des conseils régionaux. En
cette matière, seules les dissolutions affectant certains conseils régionaux
sont du ressort du Gouvernement - elles sont prises en conseil des ministres -
mais je vous rappelle qu'une dissolution générale est toujours possible par le
biais de l'adoption d'une loi particulière, à condition que celle-ci soit de
portée générale.
Par conséquent, je crois qu'il n'y a pas de raison d'accepter le dispositif
qui nous est proposé, d'autant plus que nous nous trouverions, au cas où le
nouveau système électoral serait applicable tout de suite et où une dissolution
ponctuelle serait prononcée, avec des conseils régionaux administrant des
collectivités identiques mais issus de systèmes d'élection différents, ce qui
ne s'est jamais vu dans l'histoire de la République. On a même différé l'entrée
en vigueur de réformes électorales concernant les villes nouvelles et un
certain nombre d'établissements de cet ordre jusqu'au renouvellement des
conseils municipaux, pour ne pas créer de distorsions.
Entre nous, comment pourrait-on concevoir, puisque cette loi est si bonne et
que le conseil régional qui serait élu selon la nouvelle loi électorale serait
si supérieur aux autres, qu'il soit traité de la même manière que les autres
dans l'optique des contrats de plan ?
Il y a donc rupture de l'égalité, et c'est la raison pour laquelle la
commission des lois propose au Sénat d'adopter l'amendement, qui tend à
reporter l'entrée en vigueur des différentes parties de la loi, y compris du
code électoral, au prochain renouvellement général des conseils régionaux.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Le
Gouvernement est hostile à cet amendement, parce qu'il pense, et le texte le
prévoit, que le principe de l'application immédiate d'une loi nouvelle est un
principe général de la loi. En conséquence, pourquoi ne s'appliquerait-il pas
aux dispositions relatives au fonctionnement des conseils régionaux et à
l'élection de ceux-ci ?
M. Girod demande quel système serait appliqué en cas d'annulation des
élections dans un département pour de nouvelles élections. Le Conseil d'Etat
sera consulté.
Nous sommes dans l'hypothèse d'une annulation d'élections dans un département
particulier. Les membres du conseil régional, élus dans les autres
départements, conserveront leur mandat. Le mode de scrutin pour les nouvelles
élections sera celui qui était en vigueur le 15 mars 1998, c'est-à-dire le jour
où avaient eu lieu ces élections.
Dans l'hypothèse d'une dissolution d'un conseil régional, qui est décidée par
le conseil des ministres, en cas de blocage généralisé de l'institution, il me
paraît alors tout à fait logique, le blocage résultant d'une situation
politique, en particulier d'un mode de scrutin, que le renouvellement complet
du conseil régional se fasse avec un mode de scrutin qui permette l'émergence
d'une nouvelle majorité.
Telle est la logique du projet de loi, et je n'y vois aucune contradiction, ni
aucune rupture d'égalité née du mode de l'élection.
(M. Jacques Valade remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la
présidence.)PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 34.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Je regrette que l'on ne puisse pas avoir connaissance de l'avis du Conseil
d'Etat sur ce projet de loi, car il aurait été intéressant sur cette
disposition.
En général, la presse se fait toujours l'écho d'un avis, surtout lorsqu'il est
favorable, du Conseil d'Etat sur tel ou tel projet de loi. Or, à ma
connaissance, je n'ai rien lu de tel.
M. Hilaire Flandre.
Pas de nouvelle, bonne nouvelle !
M. Guy Allouche.
M. le ministre vient de nous donner une explication ; j'ose espérer que
celle-ci tient compte de l'avis du Conseil d'Etat.
Monsieur le rapporteur, vous faites référence à ce qui s'est toujours fait.
Mais si c'est pour faire toujours la même chose, à quoi servons-nous ? Pourquoi
élaborer de nouvelles lois ? de nouvelles dispositions si, chaque fois que l'on
veut faire autre chose pour tenir compte de situations contentieuses,
conflictuelles, voire parfois dépassées, on nous dit que ce n'est pas dans les
habitudes ?
Nous sommes là pour faire évoluer la loi et, selon mes modestes connaissances
juridiques, le Conseil d'Etat dit le droit existant. Il n'est pas là pour faire
le droit à notre place.
Nous sommes le législateur. Nous modifions les lois afin que le Conseil d'Etat
puisse se prononcer différemment si, un jour, il est appelé à le faire.
Enfin, et ce sera ma dernière remarque, je veux bien vous suivre, monsieur le
rapporteur, mais donnez-moi des arguments percutants à l'égard d'une opinion
publique qui, depuis le mois de mars dernier, s'est aperçue qu'avec un mode de
scrutin donné, celui que nous réformons, cela ne fonctionne pas dans certaines
assemblées régionales.
M. Josselin de Rohan.
C'est vous qui l'avez inventé !
M. Guy Allouche.
Monsieur de Rohan, en 1986 et en 1992, le scrutin régional a bien fonctionné,
puis, en 1998, le contexte politique a changé. Cela prouve que les modes de
scrutin ne doivent pas être gravés dans le marbre ou coulés dans le bronze.
(M. de Rohan s'exclame.)
Les modes de scrutin doivent évoluer avec la société et avec le contexte
politique. Nous ne pouvons pas préjuger, aujourd'hui 16 décembre 1998, ce qui
se fera dans dix ans ou dans quinze ans. Ni vous ni moi ne sommes en en mesure
de le prévoir !
M. Josselin de Rohan.
Voilà pourquoi votre fille est muette !
M. Guy Allouche.
Les Français s'aperçoivent que, depuis plus de huit mois, un certain nombre de
conseils régionaux ne fonctionnent pas, en raison d'un mode de scrutin
inadapté. Si nous suivions M. le rapporteur, si ces conseils régionaux, à la
suite de dysfonctionnements graves, devaient être dissous par décision
gouvernementale, comment expliquer aux Français que les conseillers seront élus
avec le même outil, alors qu'il ne convient plus ?
Nos concitoyens ne comprendraient pas, et nous serions taxés
d'irresponsabilité.
Voilà pourquoi, mes chers collègues - et je ne veux pas anticiper sur une
décision qui sera prise par le Conseil constitutionnel - lorsque les
circonstances l'exigent, lorsque la preuve, ô combien éclatante a été faite
qu'un mode de scrutin génère de graves dysfonctionnements au sein de certains
conseils régionaux, il faut changer l'outil électoral.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je voudrais revenir très brièvement sur ce
que disait M. le ministre voilà un instant quant aux perspectives éventuelles
d'une annulation du scrutin régional dans un département.
Un journal, semble-t-il mieux renseigné que vous et moi, monsieur le ministre,
indique ce soir que, confronté aux conséquences politiques de sa décision, le
Conseil d'Etat s'interrogerait.
Je note, simplement en passant que, confronté à d'autres conséquences
politiques d'une autre décision, lorsqu'il a procédé à l'annulation de
l'élection d'un président de région, il n'a pas fait preuve des mêmes
scrupules. Mais il s'agit là d'une simple constation.
Il n'en reste pas moins que nous sommes dans une impasse. Il ne s'agit pas
d'un avis du Conseil d'Etat. Il est en train de statuer au contentieux. Je ne
sais pas ce qu'il fera.
Mais admettons que, demain, il annule les élections dans l'ensemble du
département des Bouches-du-Rhône et que cette loi soit en vigueur. Comment
votera-t-on ? Suivant quelles modalités ? Quelle sera la loi applicable ?
Si, demain, l'élection est annulée dans un seul département, quelle décision
prendrez-vous ? Par quel mécanisme résoudrez-vous ce problème ?
Le cas échéant, permettrez-vous une sorte de résurrection d'une loi caduque
pour parvenir à régler la difficulté à laquelle vous serez confrontés ? Après
tout, pourquoi pas ?
Vous n'êtes pas à cela près, me direz-vous. Mais je ne vois pas comment vous
allez vous en sortir si tant est que le Conseil d'Etat - cela lui arrive
quelquefois - ne vous rende pas le service que vous semblez attendre de lui.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Sans vouloir faire de procès d'intention, je commence
néanmoins à me demander si ce projet de loi n'avait pas cet unique objet : on
cherchait au fond à savoir quel était le conseil régional que l'on voulait
dissoudre, on avait tous les yeux braqués sur l'un d'entre eux, mais c'était
peut-être vers un autre qu'il fallait regarder.
L'article 24 prévoit que les dispositions de l'article 1er de la présente loi
entreront en vigueur pour le premier renouvellement général des conseils
régionaux qui suivra sa publication.
M. Josselin de Rohan.
C'est l'aveu !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il prévoit des dates précises pour toutes ces parties de la
loi.
A contrario
cela signifie que tout le reste de la loi s'applique
immédiatement et que tout le système électoral ancien est balayé.
Par conséquent, s'il y a une annulation dans les Bouches-du-Rhône au 15
janvier et que la loi est en vigueur depuis le 13 janvier, il ne sera plus
possible d'organiser des élections selon l'ancien système.
C'est à ce moment-là que le conseil des ministres constatera que le conseil
régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur est bloqué et que l'on aboutira à sa
dissolution alors que l'on croyait que les arrière-pensées visaient un autre
conseil régional.
Je commence à me demander si toute la loi n'est pas faite pour cela. J'en
connais qui vont être contents !
M. Guy Allouche.
Vous anticipez beaucoup !
M. Jean-Pierre Raffarin.
L'un n'exclut pas l'autre.
M. Jean-Claude Gaudin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaudin.
M. Jean-Claude Gaudin.
Monsieur Allouche, quand il y a blocage dans des conseils municipaux, il
arrive que le conseil des ministres procède à l'annulation et on organise de
nouvelles élections en appliquant le système électoral. On ne refait pas un
système électoral parce qu'il peut y avoir des difficultés.
J'ai présidé pendant douze ans la région que citait à l'instant M. le
rapporteur - la région Provence-Alpes-Côte d'Azur - où je ne me suis pas
représenté devant les électeurs parce que je souhaitais, et chacun le savait en
Provence, en particulier à Marseille, rejoindre la Haute Assemblée et j'ai été
consterné par le débat portant sur la nécessité de rendre publique les réunions
des commissions permanentes.
C'est de la folie ! Plusieurs sénateurs avant moi ont essayé de vous en
convaincre, monsieur le ministre.
A partir du moment où la commission permanente décide d'attributions
financières, quelquefois considérables, il n'est pas normal que ses débats
soient publics.
Vous savez bien comment fonctionnent les assemblées régionales. Le conseil
régional siège d'abord, avec les effets de manche des uns et des autres, parce
que la presse est là.
A la réunion de commission permanente qui suit l'assemblée plénière,
l'atmosphère est plus calme, plus raisonnable, avec un nombre plus restreint de
conseillers régionaux. Un certain nombre de décisions sont prises alors et
vouloir rendre cela public, c'est de la folie !
Mais tel n'était pas l'objet de mon intervention. Je souhaite rejoindre les
propos de M. le président de la commission des lois et de M. le rapporteur.
On vient d'apprendre - c'est peut-être une bonne chose d'ailleurs - que le
Conseil d'Etat entend se donner du temps avant de savoir s'il va annuler les
élections régionales dans le seul département des Bouches-du-Rhône.
Un premier problème se pose : on fait sortir les quarante-neuf élus dont
l'élection sera annulée si le Conseil d'Etat suit les conclusions du
rapporteur...
M. Michel Charasse.
Le commissaire du Gouvernement !
M. Jean-Claude Gaudin.
... effectivement, c'est le commissaire du Gouvernement, qui n'a d'ailleurs
rien à voir avec le Gouvernement !
M. Michel Charasse.
Absolument !
M. Jean-Claude Gaudin.
On fait sortir ces quarante-neuf élus des Bouches-du-Rhône. Dès lors, dans la
foulée, procède-t-on à l'élection d'un nouveau président, d'une commission
permanente et, éventuellement, d'un bureau, comme le recommande le commissaire
du Gouvernement ?
Si tel est le cas, les conseillers régionaux qui restent élisent un nouveau
président, une nouvelle commission permanente et, éventuellement, un nouveau
bureau. L'élection a lieu ensuite.
Imaginons que l'élection n'ait lieu que dans le seul département des
Bouches-du-Rhône : quarante-neuf nouveaux élus viennent donc siéger au conseil
régional. Mais qui dit que le président précédemment élu va démissionner ? Rien
de tel n'est prévu dans la loi. A ce moment-là, vous êtes en situation de
blocage.
(M. Allouche s'exclame.)
J'ai bien compris que c'était ce qui inquiétait particulièrement nos collègues
du groupe socialiste. En effet, en l'occurrence, le président sortant, qui m'a
succédé et qui est le président actuel, est socialiste et il ne pourrait même
plus prétendre à revenir, il serait exécuté.
(M. Allouche proteste à
nouveau.)
Qu'est-ce que cela veut dire ? Et quelle explication donne-t-on ?
Dans un conseil municipal, lorsqu'il faut élire un nouveau maire, il faut que
le conseil municipal soit au complet.
M. Michel Charasse.
Exact !
M. Jean-Claude Gaudin.
Selon les conclusions du commissaire du Gouvernement en tout cas, il devrait
être procédé à l'élection d'un nouveau président avec des conseillers régionaux
sortants.
M. Michel Charasse.
Avec les conseillers précédents !
M. Jean-Claude Gaudin.
Nous demandons des explications. Nous voulons savoir.
A moins, comme vient de dire M. le rapporteur et si ce projet de loi n'était
pas déféré au Conseil constitutionnel - ce qui ferait éventuellement gagner au
moins un bon mois - que l'on adopte le scrutin inique et scandaleux que l'on
est en train d'essayer de nous faire avaler, vous sanctionneriez les cinq
autres départements de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, où les élections
se sont, naturellement, bien déroulées.
Pour quelques difficultés, qui ne sont d'ailleurs pas assimilées à une
tricherie, et qui se limitent au seul département des Bouches-du-Rhône, vous
annuleriez les élections dans une région de 4,5 millions d'habitants.
Ce serait balayer d'un trait le vote des électeurs. A vrai dire, comme les
résultats de ces élections ne nous avaient pas été très favorables, ils ne
pourraient à l'avenir qu'être meilleurs.
Mais il y a toutes les embûches scandaleuses que vous avez prévues entre les
deux tours pour mettre la droite républicaine en difficulté avec le Front
national. Monsieur le ministre, on revient toujours au même piège.
Sans anticiper sur cette éventualité, dont j'ose tout de même espérer qu'elle
n'était pas dans l'esprit du Gouvernement, pouvez-vous nous dire comment on
procéderait dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur si le Conseil d'Etat
in fine
décidait d'annuler les élections dans les Bouches-du-Rhône ? Qui
sera le président de la région ?
Le premier vice-président assurera-t-il l'intérim ou faudra-t-il, comme le
recommande - je le répète pour la troisième fois ! - le commissaire du
Gouvernement, organiser une nouvelle élection ?
Et comment ferez-vous partir le président qui sera nouvellement élu lorsque
les quarante-neuf nouveaux élus arriveront ?
C'est de la folie ! Et cela montre bien que les textes sont souvent flous et
incomplets.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Je
demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Monsieur Gaudin, le code général des collectivités locales prévoit qu'en cas de
vacance du siège du président pour quelque cause que ce soit - prenons
l'hypothèse que vous évoquez, mais qui n'est aujourd'hui qu'une hypothèse car,
je le rappelle, le Conseil d'Etat n'a pas rendu sa décision - les fonctions de
président sont provisoirement exercées par un vice-président, dans l'ordre des
nominations et, à défaut, par un conseiller régional désigné par le conseil.
La logique fait que si le mandat du président est annulé par une décision en
matière électorale, le premier vice-président, s'il n'est pas dans le même cas,
prendra la succession et, si le premier vice-président est dans le même cas, on
poursuivra la liste, dans l'ordre prévu par le code.
Par conséquent, le code a bien prévu cette situation, et c'est ainsi que
s'exercera la continuité du conseil général dans l'attente qu'il soit à nouveau
complété.
Quelle est la loi applicable ? C'est la loi qui a régi le scrutin annulé,
c'est-à-dire la loi qui était en vigueur le 15 mars et qui est toujours en
vigueur aujourd'hui.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Mais non !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
J'indique que, dans mon esprit - le débat sera peut-être posé au niveau du
Conseil d'Etat - il faut distinguer entre une annulation, partielle en
l'occurrence, puisqu'elle ne porte que sur un des six départements composant la
région Provence-Alpes-Côte d'Azur, et une dissolution qui porterait sur
l'ensemble du conseil régional.
Il s'agit là, me semble-t-il, d'une lecture claire du texte, mais qui demande
à être confirmée. Sur ce plan, le Gouvernement ne peut pas se substituer au
Conseil d'Etat.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je voterai l'amendement n° 34 de M. le rapporteur.
Au fond, ce texte comporte deux parties complètement différentes. Monsieur le
ministre, rien ne vous empêche de prendre votre temps pour les dispositions
électorales. En revanche, si vous estimez que l'urgence est nécessaire pour
l'article 49-3, progressons sur ce point, car on peut comprendre qu'il puisse y
avoir désaccord. Le Sénat a dit ce qu'il en pensait. L'Assemblée nationale se
prononcera et le Gouvernement décidera.
Sur la loi électorale, si vraiment, comme l'a dit hier encore, à RTL, M. le
Premier ministre, il n'y a pas d'arrière-pensées, alors, monsieur le ministre,
faites un geste ! En effet, si vous ne faites aucun geste sur ce texte, vous
serez suspect aux yeux des Français de placer le Front national en arbitre
(Protestations sur les travées socialiste.)
, comme si vous tiriez profit
de cette position.
Ce que je vous dis là vous sera répété à chaque instant lors de chaque
élection, partout, parce que c'est la vérité !
M. Jean-Claude Gaudin.
Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Faites un geste sur le seuil, sur l'urgence ou sur le scrutin à deux tours ou
à un seul tour pour montrer la sincérité du Gouvernement ! Sinon, vous ne
pourrez pas vous empêcher d'apparaître très suspect aux yeux des Français !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR, et de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 34, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 24 est ainsi rédigé.
Intitulé du projet de loi
M. le président.
Par amendement n° 35, M. Paul Girod, au nom de la commission, propose, à la
fin de l'intitulé du projet de loi, de supprimer les mots : « et au
fonctionnement des conseils régionaux ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Cet amendement, qui procède du même esprit que celui qui
supprimait le titre III, tend à réécrire l'intitulé du projet de loi pour le
cantonner exclusivement au problème électoral.
En effet, s'agissant du fonctionnement des conseils régionaux, nous avons
considéré que rien ne pouvait être accepté dans le texte qui nous avait été
soumis.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Le
Gouvernement est défavorable à cette modification.
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Jacques Valade au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 35.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Je voudrais, une nouvelle fois, souligner l'incohérence de notre rapporteur et
de la commission des lois avec ce qui est proposé.
En effet, tout au long des débats, nous avons entendu que la majorité
sénatoriale reconnaissait qu'il fallait remédier aux dysfonctionnements, mais
que le mode de scrutin était prévu pour plus tard, en l'an 2004.
On nous propose alors de supprimer tout ce qui a trait au mauvais
fonctionnement des conseils régionaux pour nous intéresser uniquement au mode
de scrutin !
Je tiens à souligner cette incohérence. On reconnaît qu'il est urgent de
débattre du fonctionnement et non du mode de scrutin, mais, dans les
dispositions, on fait exactement l'inverse !
M. Josselin de Rohan.
Vous n'avez rien compris !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
On peut dire ce qu'on veut, mais il ne faut pas exagérer !
M. Guy Allouche.
Comment ça ?
M. Paul Girod,
rapporteur.
Non ! Ce n'est pas parce qu'il y a urgence sur le
fonctionnement, d'après vous, simplement parce qu'une loi existante n'est pas
appliquée, qu'il faut voter dans l'urgence n'importe quoi.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Exactement !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Nous aurions pu examiner des dispositions raisonnables,
sérieuses, coordonnées et ne contrevenant pas à la Constitution. Ce n'est pas
le cas ; alors nous les écartons. A vous d'en trouver de meilleures. S'il y a
urgence, on verra bien.
S'agissant du code électoral, sauf à vouloir absolument introduire des
distorsions entre des assemblées comparables, élues pour la même durée, sur le
même mode de scrutin, en prononçant la dissolution d'une et en appliquant à
certaines autres un code électoral nouveau, rien ne justifie l'urgence !
Qu'il soit urgent de déposer un texte pour des motifs symboliques, peut-être !
Entre nous, je me permets de vous renvoyer aux pages 37 et 63 du rapport du
groupe de travail du Sénat sur le sujet ; vous y trouverez des déclarations
intéressantes d'un membre éminent du parti socialiste, qui siège sur nos bancs
et qui, à l'époque, trouvait que l'urgence n'était pas justifiée et que la
modification était la dernière des choses qu'il fallait faire !
M. Guy Allouche.
C'était en 1996 !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Oui, en 1996.
Que vous nous disiez que les élections de 1998 ont apporté un élément de
jugement complémentaire, personne ne vous dira le contraire.
Personne ne vous a dit non plus que le Gouvernement n'avait pas tenu sa parole
en déposant, tout de suite après les élections, un projet de réforme du scrutin
régional.
Deux choses, en revanche, vous ont été dites et redites en permanence.
La première, c'est qu'il ne doit pas s'agir d'une loi scélérate, d'une
manoeuvre de second ordre. Certains vous l'ont exprimé sur un ton tout à fait
péremptoire et avec des arguments qui sont loin d'être faux. Le contexte
politique dans lequel vous agissez vous sera, c'est vrai, souvent reproché.
La seconde, c'est qu'une loi ne doit pas être élaborée ces, sans que les deux
assemblées aient le temps normal de l'examiner.
Rien n'impose au Gouvernement ni l'urgence ni même la convocation d'une
commission mixte paritaire. On peut parfaitement concevoir, sur un sujet aussi
délicat, qu'il y ait deux, trois, quatre navettes avant que le Gouvernement
demande qu'une commission mixte paritaire soit réunie et, éventuellement, que
l'Assemblée nationale tranche en dernier ressort.
On aurait pris notre temps ; on aurait pu confronter différents systèmes,
demander des simulations au lieu de procéder à cette conquête à la hussarde !
Murat disait, je le sais bien, qu'un hussard qui n'était pas mort à trente ans
ne valait pas grand-chose, mais ce n'est pas une raison pour tuer les systèmes
électoraux n'importe comment !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 35, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'intitulé du projet de loi est ainsi modifié.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je demande la parole à
M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Avant le vote sur l'ensemble, je voudrais recentrer le
débat.
La vérité de ce texte se situe sur les seuils. Au moment d'achever la dernière
délibération du Sénat, nous cherchons, dans une sorte d'appel solennel, à
attirer l'attention de notre assemblée sur les exagérations du texte qu'elle a
voté. Un certain nombre de dispositions ne sont en effet pas acceptables, nous
l'avons dit.
Mais le vrai problème, s'agissant du code électoral, est celui des seuils.
S'il ne doit rester de nos délibérations qu'une seule chose dans l'esprit de
nos collègues députés, c'est cet appel de la commission des lois, que le Sénat
a bien voulu reprendre, à se ressaisir face aux tentations de déformation de la
sanction des électeurs, du sérieux du débat démocratique, qui se trouvent
derrière les seuils qui ont été adoptés. C'est là qu'est le coeur du débat !
Au nom de la commission des lois, juste avant le vote sur l'ensemble du projet
de loi, pour lequel la commission demandera un scrutin public, j'insiste donc
sur ce point crucial qui fait tout le sérieux de l'affaire !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. de Rohan pour explication de vote.
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a déclaré l'urgence sur ce texte, et
l'on comprend bien ses motivations. En effet, quand on fait un mauvais coup, on
ne s'attarde pas sur les lieux du méfait.
M. Guy Allouche.
Parole d'expert !
M. Josselin de Rohan.
Que vous vouliez en terminer vite, parce que vous avez présenté un texte qui
est un véritable scandale et un défi à la démocratie, et que vous vouliez
tourner la page rapidement, nous pouvons le concevoir. Mais, nous, nous sommes
heureux que, grâce au travail patient de M. le rapporteur et aux interventions
d'un très grand nombre de nos collègues, vous ayez été débusqué et mis au jour,
monsieur le ministre, et que vos intentions soient apparues avec plus de clarté
!
Il y a de cela à peu près un siècle, le savant Cosinus avait inventé un
appareil qu'il avait dénommé
l'anémélectroreculpédalicoupeventombrosoparacloucycle. La version moderne de
cet appareil a été donnée par le très regretté Coluche : c'était le
schmilblick. Votre projet de loi, monsieur le ministre, emprunte largement à
ces deux inventions, et l'on peut se demander, de temps en temps, si les
inspirateurs de certaines dispositions du projet ne sont pas à la fois le père
Ubu et les marxistes de la tendance Groucho.
En tout cas, votre projet de loi est un extraordinaire catalogue de mesures
burlesques, comme celles qui visent à promouvoir le choix, en cas d'égalité de
voix, du conseiller le plus jeune. Figurez-vous que, si pareille éventualité se
présentait à l'heure actuelle dans ma région, ce serait une jeune conseillère
de vingt-cinq ans qui se verrait propulsée à la tête de la région
Bretagne...
M. Michel Duffour.
Quelle horreur, ce serait une femme !
(Sourires.)
M. Josselin de Rohan.
Elle est absolument charmante, mais je doute fort qu'elle jouisse de
l'expérience nécessaire pour mener cette assemblée !
M. Guy Allouche.
Vous êtes bien président, vous ! Pourquoi ne le serait-elle pas ?
M. Josselin de Rohan.
Il y a aussi des mesures cyniques, celles que M. le rapporteur a bien mises en
lumière avec le 49-3 et le vote bloqué.
Pourquoi sont-elles cyniques ? Parce que vous dites carrément qu'elles devront
prendre fin en 2004, qu'elles ne seront plus utiles à cette date. Evidemment,
vous aurez alors fait main basse sur toutes les régions et vous n'aurez donc
plus besoin de l'usine à gaz que vous avez inventée ! On ne peut pas être plus
clair !
On a vu ce que donnaient les mesures pernicieuses avec les commissions
permanentes. Il y a aussi les mesures odieuses, plus exactement le dispositif
électoral que vous avez imaginé et dont on voit très bien pourquoi il a été
conçu.
Il est d'abord le moyen de sauver du naufrage un certain nombre de
groupuscules, naturellement de gauche ou d'extrême gauche, qui pourront vous
aider à former une majorité que vous n'avez pas dans certaines régions. Il est
ensuite, et surtout, le moyen de faire en sorte que nous soyons acculés à
choisir entre la compromission avec le Front national et la résignation ou la
capitulation devant votre majorité plurielle.
M. Patrice Gélard
La peste et le choléra !
M. Josselin de Rohan.
Il va de soi que nous avons parfaitement percé vos intentions !
Seulement voilà : le scénario a des accrocs ! Maintenant, vous n'avez plus un
Front national ; vous en avez deux ! L'épouvantail va donc faire moins peur et
il est surtout devenu moins utile. Seulement, vous serez quand même obligé de
vivre avec la difficulté.
Il reste un autre problème : le Cohn-Bendit nouveau est arrivé, et ce joyeux
compère est un renard qui va manger vos poules; mais cela, c'est votre affaire
!
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, vous qui m'avez si aimablement
comparé à un athlète de foire, vous me faites penser, pour ma part, à ce
personnage d'un film d'épouvante, le Docteur Mabuse, qui avait inventé un
monstre, un robot, qui s'est précipité sur lui et qui l'a dévoré ! Voilà à quoi
va aboutir votre projet de loi.
De toute façon, nous avons très bien compris que cette loi était une arme de
combat, une machine de guerre contre l'opposition républicaine. C'est aussi une
vision électoraliste de ce que doit être la région, une vision clientéliste.
C'est pourquoi, je vous le répète en toute sérénité, monsieur le ministre :
comptez sur nous pour dénoncer cette loi, pour la combattre et pour l'abroger
dès que nous reviendrons aux affaires.
M. Guy Allouche.
Tel que vous êtes partis, ce n'est pas pour demain !
M. Josselin de Rohan.
Dans cette perspective, nous avons l'intention d'élaborer une proposition de
loi qui montrera ce que doit être la réforme régionale.
Elle doit d'abord redéfinir les compétences de la région afin de clarifier ces
dernières et de bien distinguer ce qui doit revenir au département, ce qui doit
demeurer à l'Etat et ce qui doit incomber à la région.
Elle doit ensuite améliorer le mode de fonctionnement de l'assemblée et
distinguer mieux les pouvoirs de l'exécutif de ceux du conseil.
Elle doit, enfin, établir une véritable fiscalité régionale - cela n'existe
plus - et clarifier quelque peu les financements croisés.
C'est cette réforme-là qu'il aurait fallu faire ! Mais ce n'est pas cela qui
vous intéresse. Ce qui vous intéresse, c'est de monter une machine de guerre
qui vous permettra de vous approprier 22, 23, voire 24 régions, et même
pourquoi pas toutes ?
On aurait gagné du temps si l'on avait proclamé comme principe que les bonnes
lois sont celles qui font élire les socialistes et les mauvaises celles qui ne
le permettent pas !
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
En tout cas, puisque le moment est venu de conclure, permettez-moi de vous
dire, monsieur le ministre, que, en tant que responsable par intérim, vous
deviendrez durablement coupable pour avoir proposé le texte que vous défendez.
Je le regrette parce que j'aurais souhaité pour vous un meilleur sort que celui
d'attacher votre nom à celui d'un projet de loi aussi misérable, qui sera
véritablement une loi scélérate et qui ne fait pas honneur à ceux qui l'ont
conçue.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Raffarin pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le ministre, au terme de ce débat qui a été rude, on peut maintenant
se consacrer à l'essentiel.
Si le débat a été rude, c'est parce que le fait régional est aujourd'hui l'une
des solutions qui permet à la société française de régler au mieux un grand
nombre de problèmes. Nous sommes nombreux ici à faire confiance au fait
régional pour l'avenir, en cohérence avec le fait départemental, pour que la
région s'affirme comme un échelon de solution.
En peu de temps, depuis leur création en 1972 et depuis le vote des
différentes lois qui leur ont confié des responsabilités, les régions ont
montré leur capacité d'action.
On le voit aujourd'hui dans la crise des lycéens : c'est ce qui a été fait par
les régions qui, finalement, a été le moins contesté par les jeunes. Pour le
règlement d'un grand nombre de problèmes difficiles, l'Etat lui-même fait appel
à l'échelon régional.
La SNCF est en crise : on pense à la région. La sécurité sociale est en crise
: on pense au fait régional. L'université est en crise : on a besoin des
régions pour réaliser le plan U 3M.
Les citoyens ont compris cette exigence et adhèrent fortement à l'idée
régionale.
Il faut donc faire en sorte que, tous ensemble, nous puissions bâtir cet
échelon-solution pour régler un certain nombre de problèmes de la société
française qui ne peuvent plus être résolus dans un Etat trop centralisé, qui
doit être à la fois déconcentré et décentralisé. Telle est l'ambition que nous
partageons les uns et les autres.
Or, monsieur le ministre, il ressort des débats que la dimension politique que
vous donnez à ce texte va fragiliser le fait régional. En effet, les
dispositions qu'il contient conduisent à cette politisation extrême qui fera de
la région une assemblée paralysée par les tensions politiques.
Depuis une dizaine d'années, on voit augmenter les budgets consacrés aux
groupes politiques ; on voit leurs moyens se développer. Dès que l'on est trois
dans un conseil, on veut ses deux attachés et des fonds supplémentaires pour la
communication, pour les déplacements, tout cela pour se rapprocher le plus
possible de ce qui se passe au Palais-Bourbon. C'est une mauvaise évolution.
Nous devons en revenir à ce qui est pour nous l'important, dans une république
comme la nôtre : essayer de dégager un consensus autour du fait régional.
Pourquoi n'y aurait-il pas entre nous consensus sur un échelon de décision ?
Si vous le souhaitez pour l'avenir, faites un geste de façon que nous puissions
partager un bout de chemin au service du fait régional.
Il est évident que, si nous avons finalement à nous prononcer sur un texte de
cette nature, vous serez coupable. Vous serez coupable d'avoir eu des
arrière-pensées et, dans une période, où tout le monde pense que la
modernisation de la vie politique passe par une plus grande responsabilité,
d'avoir organisé la non-responsabilité dans les régions.
M. le rapporteur a fait une proposition à laquelle je me rallie. Au point où
nous en sommes, si vous voulez un consensus minimal, il vous faudrait revenir
sur les seuils, en tout cas sur le seuil du second tour. Ce faisant, vous
n'auriez pas notre adhésion sur le fond mais, au moins, vous feriez en sorte
que toute la loi électorale ne soit pas systématiquement contestée en tant
qu'arme politicienne. Si, au moins, vous consentiez à ce que, pour être présent
au second tour, il faille recueillir 10 % des suffrages exprimés, comme nous le
proposons, comme c'est le cas pour les élections municipales qui sont votre
référence, vous montreriez à l'Assemblée nationale et au Sénat que le
Gouvernement veille à ce que les lois électorales ne favorisent pas la
séparation complète de la vie politique de notre pays en deux blocs qui ne
peuvent se comprendre.
Tel est l'appel très fort qui vous a été lancé tout à l'heure ; essayez d'y
répondre !
Nous ne sommes pas d'accord sur bien des sujets, mais vous ne pouvez pas nous
demander d'être silencieux après tout le débat qui a eu lieu en France sur le
Front national.
Nous ne serons pas silencieux si vous ne bougez pas car, si vous ne bougez
pas, c'est que vous vous nourrissez des difficultés du pays !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Lanier pour explication de vote.
M. Lucien Lanier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne veux
pas allonger un débat qui a été assez dense ni revenir sur tous les arguments
qui ont été échangés, mais près de quatorze ans de labeur régional, en tant que
représentant de l'Etat, puis comme élu, me permettent peut-être d'émettre une
opinion.
Je voterai bien sûr le projet de loi tel qu'il a été amendé par notre
excellent rapporteur de la commission des lois. Je le ferai car ce projet de
loi tel qu'il nous est soumis n'est pas raisonnable. Il est en outre mal
présenté, mal rédigé, abscons et donc peu clair. C'est pourquoi, sans employer
de termes emphatiques, je dirai tout bonnement qu'il est bête !
(Rires sur
les travées du RPR.)
Or, rien n'est plus dangereux qu'un projet de loi bête et qu'une loi bête si
elle est votée en l'état.
Bête, pourquoi l'est-il ? Parce qu'il va faire prendre à ceux dont vous
sollicitez les suffrages des vessies pour des lanternes.
Mais ce projet est non seulement bête, il est surtout empreint de fourberie.
Il est fourbe d'emblée, dès l'article 1er, qui réduit à cinq ans le mandat du
conseil régional.
Pourquoi cette réduction ? La question fut posée au ministre qui vous
remplaçait, M. Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.
M. Josselin de Rohan.
Vaillant, le bien nommé !
M. Serge Vinçon.
C'est vrai qu'il est courageux !
M. Lucien Lanier.
Cette réduction est-elle véritablement destinée à assurer une meilleure marche
de l'institution régionale ? Non ! Comme l'a dit le Gouvernement lui-même, par
la voix de M. le ministre des relations avec le Parlement, qui n'a peut-être
pas tout à fait mesuré son propos à ce moment-là, il s'agit d'imposer
l'ouverture du processus de réduction de tous les mandats électifs à cinq
ans.
Alors jusqu'au mandat suprême ? « Il faut bien commencer par quelque chose »,
telle a été la réponse de M. Vaillant.
Est-ce sérieux d'essayer d'introduire ainsi, non par de glorieux cavaliers,
mais par de minables monte-en-l'air, une réforme, certes chère au Gouvernement,
mais qui mérite autre chose qu'un débat à la sauvette, qui mérite que l'on
respecte ses interlocuteurs sans les prendre pour des totons.
Je citerai un autre exemple. A l'article 4, en plaçant le seuil à 3 % des
suffrages exprimés, vous cherchez à introduire d'une manière très subreptice,
sous forme de chausse-trappe, une dose de proportionnelle qui annule le remède
recherché par ce projet pour établir un minimum de majorité dans les assemblées
régionales, qui en ont bien besoin. Maints autres exemples qui ont été cités,
et peuplent ce projet de loi sont autant de chausse-trappes.
La contradiction est donc flagrante avec vous, monsieur le ministre, et je
regrette, étant donné l'estime que je vous porte personnellement, que ce soit
vous qui ayez eu à défendre un tel projet.
Voilà pourquoi j'ose dire que ce projet de loi, tel qu'il a été conçu par le
Gouvernement, veut être malin, alors qu'il n'est que trompeur. Ne vous étonnez
donc pas que, personnellement, je le refuse et que, bien entendu, j'aie voté
les amendements raisonnables proposés par notre excellent rapporteur.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche pour explication de vote.
M. Guy Allouche.
Beaucoup de choses ont été dites ; c'est pourquoi cette explication de vote,
que je ferai au nom du groupe socialiste, sera assez brève.
Naturellement, nous allons voter contre le texte issu des travaux du Sénat.
Nous avons dit que nous soutiendrions le projet du Gouvernement, même amendé.
Mais le texte qui résulte des votes de la Haute Assemblée est vraiment pour
nous inacceptable.
Des mots parfois excessifs ont été employés pendant ce débat. On a entendu
parler de « bétonnage du pouvoir », de « stratégie guerrière », de « dictature
».
M. Patrice Gélard.
C'est vrai !
M. Guy Allouche.
On a entendu des mots très durs ; il paraît que c'est la richesse du débat
parlementaire !
Notre rapporteur a lancé un appel solennel à l'Assemblée nationale.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Oui !
M. Guy Allouche.
Et vous avez raison, monsieur le rapporteur, c'est très bien de lancer ainsi
un SOS à nos collègues députés. Mais quelle inconséquence d'avoir voté une
question préalable en première lecture !
M. Patrice Gélard.
Pas du tout !
M. Guy Allouche.
Mais si ! Car si le Sénat avait délibéré, avait fait connaître ses positions
et ses souhaits, il est fort probable que l'Assemblée nationale n'aurait pas
agi ainsi qu'elle l'a fait. Je vous avais mis en garde en réponse à la question
préalable : le Sénat a laissé le soin à l'Assemblée nationale de décider seule.
Elle ne s'en est pas privée ; à qui la faute ?
Nous avons entendu M. de Rohan prononcer une explication de vote, au nom de
son groupe.
Il nous a répété : lorsque nous reviendrons au pouvoir, nous veillerons à
remplacer ce texte.
M. Josselin de Rohan.
Certainement !
M. Guy Allouche.
Mes chers collègues, j'aurais souhaité, de 1993 à 1997, débattre avec vous
d'un projet issu des travaux du gouvernement Balladur, d'abord, du gouvernement
Juppé, ensuite. Ce débat n'a pas eu lieu parce que vous n'avez jamais été en
mesure de proposer le moindre article sur quelque texte relatif à la réforme
des conseils généraux.
Aujourd'hui, M. le rapporteur a donné acte au Premier ministre de l'engagement
qui a été pris et qui est respecté.
M. Josselin de Rohan.
Et de quelle manière !
M. Guy Allouche.
J'ai envie de dire deux choses à M. de Rohan. Tout d'abord, je paraphraserai
une formule célèbre, que je ne citerai pas en italien bien que je le puisse : «
Paroles, paroles, paroles... »
Il est vrai qu'aujourd'hui, monsieur de Rohan, le seul ministère que vous
occupiez est celui de la parole.
M. Josselin de Rohan.
C'est cela l'opposition ! Je ne demande qu'à prendre la place de certains.
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
Je constate qu'il y a une équipe qui agit et d'autres qui parlent, et
j'emploie le verbe « parler » pour ne pas dire autre chose, car je veux être
respectueux des hommes et des fonctions.
Il y en a qui agissent et, forcément, l'action est toujours sujette à
critique, et il y a ceux qui parlent. Et vous, vous parlez !
Monsieur de Rohan - et je conclurai là mon propos - vous portez encore une
fois des accusations ; nous connaissons la tactique qui consiste à accuser les
autres de ses propres turpitudes.
J'aurais aimé avoir votre avis sur les propos qu'a tenus tout à l'heure, avec
force, M. Estier : que dites-vous lorsqu'une dépêche de l'AFP confirme que vos
amis du RPR vont soutenir M. Millon lors du prochain vote dans la région
Rhône-Alpes ? Vous allez voter avec le Front national ! Voilà la réalité !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Comme vous dans sept régions !
M. Henri de Raincourt.
Et hier en Bourgogne !
M. Guy Allouche.
Vous nous accusez de ce que nous ne faisons pas, et vous vous taisez sur ce
que vous faites !
En tout cas, monsieur de Rohan, je constate que vos amis vont soutenir M.
Millon, qui a fait appel aux voix du Front national.
(Applaudissements sur
les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Duffour pour explication de vote.
M. Michel Duffour.
Ayant acquiescé à la sagesse de l'Assemblée nationale, nous ne pourrons, bien
sûr, que voter contre le projet de loi tel qu'il ressort des travaux du
Sénat.
M. Hilaire Flandre.
Evidemment ! Vous n'êtes pas suicidaires !
M. Michel Duffour.
Je crois que l'attitude de la majorité sénatoriale est assez pathétique parce
qu'elle est extrêmement politicienne.
(Rires et exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Nous avons entendu M. de Rohan nous brosser un tableau apocalyptique et
nous dire que, une fois la droite revenue au pouvoir, elle s'empresserait
d'abroger cette loi. Mais on peut se demander comment car, jusqu'à présent,
elle n'a pas fait la démonstration de son unité sur quoi que ce soit.
Nous avons ensuite entendu M. Lanier nous expliquer que le texte était faible
et fourbe, après que M. le rapporteur de la commission des lois eut lancé un
vibrant appel pour que le débat soit bien cadré, que le Sénat se contente
d'adresser en quelque sorte un signal minimal à l'Assemblée nationale.
Je constate que, comme en première lecture, il n'a guère été suivi que par M.
Raffarin.
En effet, lors de la première lecture, M. le rapporteur, qui souhaitait que le
projet soit discuté, avait été désavoué par trois des présidents des groupes de
la majorité sénatoriale, dont M. de Rohan. Eh bien, aujourd'hui, d'une certaine
façon, nous voyons se dérouler le même scénario !
M. Robert Bret.
Ah ! elle est belle, la majorité sénatoriale !
M. Michel Duffour.
C'est donc bien une attitude politicienne, et cela prouve la difficulté que
vous éprouvez à adopter une démarche constructive, alternative par rapport à ce
que nous proposons.
Après tout ce que nous avons entendu aujourd'hui dans cette enceinte, il me
paraît nécessaire de faire certaines mises au point.
Je rappellerai d'abord - mais chacun ici le sait bien, car nous ne nous en
sommes jamais cachés - que le groupe communiste républicain et citoyen est
partisan de la proportionnelle, qu'il s'agisse des élections régionales ou
d'autres élections.
Dans sa sagesse, l'Assemblée nationale a permis à des minorités importantes
d'être représentées dans les conseils régionaux, ce qui me semble nécessaire au
regard de l'exigence de pluralisme qui caractérise la démocratie.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Jusqu'à un seuil de 3 % ?...
M. Michel Duffour.
Monsieur Raffarin, en Ile-de-France, par exemple, le texte voté par
l'Assemblée nationale, bien loin de pousser à un éparpillement des forces,
aboutira à réduire le nombre des « petites » listes, précisément parce que les
mouvements politiques en cause voudront vraiment atteindre le seuil de 3 %.
Aux élections de 1998, par rapport à celles de 1992, seules deux listes
supplémentaires, une « divers droite » et une d'extrême gauche, ont dépassé le
seuil de 3 %, mais ce fut grâce à une addition de voix. Pour réussir à dépasser
ce seuil au niveau régional, des courants politiquement proches devront
constituer des listes uniques, alors qu'ils ne sont même pas tentés de le faire
à l'heure actuelle.
Le système adopté par l'Assemblée nationale incite donc les représentants des
courants très minoritaires à se regrouper pour avoir quelques chances d'avoir
des élus. Loin d'assister à un éparpillement, nous constaterons certainement
que beaucoup moins de listes diverses se présentent.
En première lecture, M. Raffarin s'était exclamé : « Mais comment peut-on être
ministre quand on représente 3 %, 4 % ou 5 % des électeurs ? Est-ce bien
responsable ? » Je ne sais pas, monsieur Raffarin, qui vous visiez en disant
cela : M. Chevènement ? M. Gayssot ? Mme Voynet ?
En tout cas, pour ma part, je considère qu'il est bon que ces personnalités
politiques puissent être parties prenantes dans tous nos débats, y compris à ce
niveau de responsabilité.
D'ailleurs, si l'on établissait un tel bilan à propos des différents
gouvernements que vos amis ont dirigés - vous-même avez fait partie de l'un
deux -, je suis persuadé qu'on trouverait un certain nombre de ministres ou de
secrétaires d'Etat qui, électoralement, « pesaient » moins de 3 %, 4 % ou 5 %
!
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Raffarin.
J'ai simplement dit qu'avec 5 % des voix, on pouvait devenir ministre sans
être maire !
M. Michel Duffour.
Par ailleurs, tout à l'heure, M. de Rohan s'est élevé avec force contre l'idée
qu'une jeune femme puisse devenir président du conseil régional de Bretagne.
M. Jean-Patrick Courtois.
Il faut une expérience !
M. Michel Duffour.
Cela résume tout ! Avec une telle attitude, vous passez totalement à côté des
exigences de notre époque !
(Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
M. Serge Vinçon.
Vous êtes de mauvaise foi !
M. le président.
Monsieur Duffour, vous avez très mal compris ce qu'a dit M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Absolument ! Vous êtes un provocateur !
M. le président.
M. de Rohan évoquait un principe. Il ne visait pas cette élue, pour qui il
n'a, au contraire, que de l'estime !
La parole est à M. Vinçon pour explication de vote.
M. Serge Vinçon.
Je veux à mon tour indiquer que je voterai le texte tel qu'il a été amendé par
le Sénat, qui a, en l'occurrence, suivi les propositions très judicieuses du
rapporteur de la commission des lois.
Mais, je tiens aussi à rétablir quelque peu la vérité s'agissant de la dépêche
de l'agence France-presse concernant M. Ducarre, ...
M. Guy Allouche.
Un membre du RPR !
M. Serge Vinçon.
... à laquelle M. Allouche a fait allusion.
En effet, une face de la réalité est demeurée cachée, car on ne nous a pas lu
l'intégralité de la dépêche. Il y est fait allusion au fait que M. Ducarre a
été vivement sollicité pour signer un communiqué réclamant le retrait de M.
Millon. Ce que ne nous ont dit ni M. Estier ni M. Allouche, c'est que cette
invitation adressée à M. Ducarre émanait des instances nationales du
Rassemblement pour la République. Vous voyez, mes chers collègues, que ce n'est
pas tout à fait la présentation qui a été faite tout à l'heure !
M. Claude Estier.
« Les élus RPR présents ont solennellement refusé d'accéder à cette réquête.
»
M. Serge Vinçon.
Je voulais rétablir la vérité : les instances nationales du RPR ont demandé à
M. Ducarre de ne pas soutenir M. Millon. Telle est la vérité !
(Très bien !
et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
55:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 218 |
Contre | 99 |
4
NOMINATION DE MEMBRES
D'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
Je rappelle que la commission des affaires culturelles a proposé des
candidatures pour trois organismes extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par
l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. Philippe Richert membre du conseil d'administration de la Société de
radiodiffusion et de télévision pour l'outre-mer ;
- M. Charles de Cuttoli membre du conseil d'administration de la société
nationale de programme Radio France internationale ;
- M. Daniel Eckenspieller membre du conseil d'administration de l'Institut
national de l'audiovisuel.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous
allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une
heure trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et
une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
MODIFICATION DES ARTICLES 88-2 et 88-4
DE LA CONSTITUTION
Discussion d'un projet de loi constitutionnelle
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle (n°
92, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant les articles 88-2
et 88-4 de la Constitution. [Rapport n° 102 (1998-1999)].
Dans le discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, comme je l'ai dit devant l'Assemblée
nationale le 24 novembre dernier, le Gouvernement souhaite que le Parlement
ratifie le traité d'Amsterdam signé le 2 octobre 1997. Neuf de nos partenaires
l'ont déjà ratifié. La France ne doit pas être la dernière à le faire.
Ce traité, même s'il n'apporte pas toutes les réponses, notamment sur la
réforme des institutions, constitue une nouvelle avancée significative de
l'Union et va dans le sens de notre conception de l'Europe. Ce sont ces
nouveaux progrès qu'il faut approuver, sachant que d'autres devront être
réalisés.
Votre rapporteur, M. Fauchon, énumère avec beaucoup de justesse les principaux
points importants du traité : l'extension des prérogatives du Parlement
européen et du vote à la majorité qualifiée, les stipulations relatives au
nouveau titre sur l'emploi et le protocole social désormais intégré au traité
instituant la Communauté européenne, l'approfondissement de la politique
étrangère et de sécurité, qui aura plus de visibilité à travers son haut
représentant, et enfin la coopération policière et judiciaire en matière
pénale, qui sera renforcée.
C'est la raison pour laquelle je pense que, même si le traité d'Amsterdam a
ses lacunes, il comporte aussi des points positifs qui justifient amplement son
approbation.
Je saisis d'ailleurs l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de saluer
l'important travail de la délégation du Sénat pour l'Union européenne,
délégation que je connais bien, qui a consacré au moins trois réflexions
détaillées au traité d'Amsterdam, celle de M. de La Malène, en octobre 1997,
celle de M. Lanier, plus ciblée, sur l'opportunité de modifier l'article 88-4
de la Constitution, et, bien entendu, le rapport de M. Fauchon intitulé
Le
Sénat face au Traité d'Amsterdam,
qui a très bien identifié les questions
que pose la révision constitutionnelle à laquelle nous devons procéder.
En effet, pour que le Parlement puisse ratifier le traité d'Amsterdam, il faut
au préalable réviser la Constitution, et c'est pourquoi nous sommes réunis,
ici, ce soir.
Examinons d'abord la décision du Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel qui, je le rappelle, avait été saisi conjointement
par M. le Président de la République et par M. le Premier ministre, a jugé,
dans sa décision du 31 décembre 1997, que l'application éventuelle, dans cinq
ans, des procédures de codécision avec le Parlement européen et de majorité
qualifiée au sein du Conseil de l'Union européenne aux règles de franchissement
des frontières intérieures de la Communauté, aux modalités de contrôle des
personnes aux frontières extérieures de l'Union ainsi qu'aux politiques d'asile
et d'immigration constituait un transfert de compétences.
Il faut donc, si l'on veut ratifier le traité d'Amsterdam, modifier la
Constitution pour la rendre compatible avec le traité.
Le projet de loi constitutionnelle que le Gouvernement a soumis à l'Assemblée
nationale les 24 et 25 novembre derniers tirait les conséquences de cette
décision. Se référant aux seules dispositions déclarées contraires à la
Constitution, sans introduire une clause générale autorisant par avance des
transferts de compétences ultérieures, le projet de loi se « calait » très
précisément sur la décision du Conseil constitutionnel.
Par conséquent, le texte soumis à l'Assemblée nationale modifiait et
complétait le seul article 88-2 de la Constitution de façon que puissent « être
consentis les transferts de compétences nécessaires à la détermination des
règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui
sont liés ». Cette expression renvoie très directement aux modalités du traité
et à l'intitulé du titre III A : « Visas, asile, immigration et autres
politiques liées à la libre circulation des personnes ».
Sur le fond des dispositions que l'on trouve au titre III, je crois que nous
sommes tous d'accord avec M. le rapporteur, M. Fauchon, qui écrit que «
l'ouverture des frontières intérieures, corollaire naturel de l'Union
économique, rend en pratique inopérants les contrôles dans le cadre national et
entraîne une homogénéité du territoire européen, dont la seule frontière
opérationnelle ne peut être que le réseau des frontières extérieures ».
D'ailleurs, un certain nombre d'événements récents - je pense surtout ici à
l'Italie - montrent que le contrôle des frontières doit en effet se gérer en
commun. Non pas que les frontières nationales soient désormais totalement
obsolètes, ce n'est pas le cas, mais parce que, sur un certain nombre de
points, notamment la circulation des personnes, nous devons faire prévaloir nos
contrôles aux frontières extérieures.
Dans ces conditions, je crois que nous n'avons rien à craindre d'un éventuel
passage à la majorité qualifiée, dans cinq ans, dans le domaine des politiques
d'immigration, d'asile ou, plus généralement, de libre circulation des
personnes dans la mesure où, nous le savons, nos intérêts ne sont pas
différents de ceux de l'Allemagne ou de l'Italie, par exemple, et dans la
mesure aussi où la procédure de l'unanimité est facteur d'inertie.
Il est clair que les pays européens étant confrontés à d'importantes poussées
d'immigration, ils ressentent tous la nécessité de définir des règles en commun
pour y faire face. Or ils doivent parvenir à surmonter l'unanimité pour
pouvoir, à la majorité, définir ces règles en commun.
De même que nous n'avons pas eu à souffrir depuis près de cinquante ans
maintenant de la règle de la majorité pour ce qui est de la politique agricole,
je ne vois pas pourquoi nous aurions à souffrir en ces matières de la règle de
la majorité qualifiée à partir du moment où nous avons les mêmes intérêts que
nos partenaires.
Je tiens à souligner - et c'est très important - que le traité d'Amsterdam
maintient les clauses de sauvegarde qui permettent aux Etats membres de prendre
les mesures qu'ils peuvent juger nécessaires pour le maintien de l'ordre public
et la sauvegarde de la sécurité intérieure. En clair, s'il est nécessaire de
fermer nos frontières intérieures, nous pouvons, le cas échéant, le faire.
L'Assemblée nationale a approuvé le texte de la révision constitutionnelle qui
modifie l'article 88-2 de la Constitution, et je me félicite que votre
commission ait fait de même.
Voilà quelle était la signification du projet de loi soumis par le
Gouvernement à l'Assemblée nationale, qui se limitait à un article unique,
l'article 88-2 de la Constitution, et qui, lui-même, avait fait l'objet des
remarques du Conseil constitutionnel. Toutefois, à l'Assemblée nationale est
venue se greffer une nouvelle discussion sur la modification de l'article 88-4
de la Constitution.
En effet, l'Assemblée nationale a estimé que la révision devait s'accompagner
d'un perfectionnement du dispositif qui permet au Parlement d'être associé à
l'ensemble des aspects de la construction européenne. Nous avions déjà
considéré ce problème au moment de la révision constitutionnelle précédant la
ratification du traité de Maastricht. Les questions européennes prenant
naturellement une importance plus grande, il est normal, me semble-t-il, que le
Parlement français souhaite augmenter son contrôle sur la construction
européenne.
L'Assemblée nationale a donc ajouté un second article au texte présenté par le
Gouvernement, qui modifie la rédaction de l'actuel article 88-4 de la
Constitution. Ainsi, en substituant à l'expression « propositions d'actes
communautaires » l'expression « projets ou propositions d'actes des Communautés
européennes et de l'Union européenne », l'Assemblée nationale a bien marqué sa
volonté de pouvoir voter des résolutions tant sur les matières du premier
pilier que sur celles qui font l'objet d'une coopération intergouvernementale,
telles la politique étrangère et de sécurité ou celles qui mettent en oeuvre,
dans le cadre du troisième pilier, la coopération policière et judiciaire.
En effet, il a paru indispensable à l'Assemblée nationale que le Parlement
soit associé plus étroitement à la construction européenne, comme le prévoit
d'ailleurs le traité lui-même, qui inclut un protocole sur le rôle des
parlements nationaux dans l'Union européenne. J'ai exprimé, au nom du
Gouvernement, mon accord sur ce point, et l'Assemblée nationale a adopté
l'amendement déposé par M. Nallet.
Grâce à la nouvelle rédaction de l'article 88-4, le Parlement pourra donner,
en amont, son sentiment sur un acte à l'état de projet comportant des
dispositions qui, en droit interne, relèveraient de sa compétence parce
qu'elles touchent au domaine de la loi et dont il aura, le cas échéant, à
assurer la transposition en droit interne. Les résolutions s'inscriront donc
dans le processus conduisant à l'adoption de l'acte.
L'Assemblée nationale a également estimé que le Gouvernement devait pouvoir
soumettre au Parlement un certain nombre de projets ou de documents de
consultation de la Commission européenne.
Ces documents - et M. le rapporteur insiste sur ce point dans son rapport
écrit ainsi que dans ses interventions devant la commission des lois, dont j'ai
bien entendu pris bonne note - tels que les livres blancs, les livres verts et
les communications de la Commission traitent de questions importantes pour
l'évolution future de l'Union. La communication intitulée « Agenda 2000 », par
exemple, traite de problèmes intéressant l'élargissement de l'Union, l'avenir
des politiques communes ou de la révision des perspectives financières.
Il va de soi - et je souhaite rassurer le Sénat sur cette question - que les
documents de consultation de la Commission font partie des documents que le
Gouvernement peut soumettre aux assemblées pour qu'elles votent des résolutions
si elles le souhaitent. Il va de soi aussi que, en vertu du protocole annexé au
traité, ces documents sont transmis rapidement aux Parlements nationaux pour
leur information.
Mais recevoir tous les documents à titre d'information, comme l'exige le
protocole du traité, est une chose, en être saisi sur le fondement de l'article
88-4 pour voter des résolutions en est une autre.
Je pense que, le plus souvent, le Gouvernement ne verra pas d'obstacle à
soumettre, au titre de l'article 88-4, ces textes qui engagent l'avenir de la
construction européenne pour permettre au Parlement de voter des
résolutions.
Est-ce à dire qu'il faut graver une obligation faite au Gouvernement dans le
bronze de la Constitution ? A la réflexion, la commission des lois du Sénat n'a
pas estimé que c'était indispensable.
Je crois, comme l'a indiqué M. Fauchon dans son rapport écrit, que la «
rédaction retenue par l'Assemblée nationale a toutefois le mérite d'éviter que
les assemblées se voient soumettre l'ensemble des documents émanant des
institutions européennes. Une telle soumission risquerait d'avoir plus
d'inconvénients que d'avantages, compte tenu de la difficulté de gérer un tel
dispositif ».
Je partage cette opinion et je me réjouis que la commission des lois du Sénat
ait adopté le projet de loi constitutionnelle dans sa rédaction issue des
travaux de l'Assemblée nationale qui, elle-même, l'avait adopté à une très
large majorité.
Quelles sont les questions qui restent en débat ?
L'amendement qui tend à rédiger l'article 88-4 de la Constitution est le seul
qui a été adopté par l'Assemblée nationale et le Gouvernement estime que nous
sommes parvenus à un bon équilibre. Je me réjouis bien entendu que la
commission des lois du Sénat ait adopté le même point de vue.
Je veux, malgré tout, revenir sur deux questions importantes qui demeurent en
débat puisqu'elles ont été posées devant l'Assemblée nationale et que certains
sénateurs les soulèvent à nouveau devant la Haute Assemblée.
La première question porte sur le fait de savoir si le Parlement doit pouvoir
se prononcer à nouveau dans cinq ans sur le passage à la majorité qualifiée et
à la procédure de codécision. C'est ce qu'il est convenu d'appeler «
l'habilitation législative ».
Comme je l'ai fait devant la commission des lois, j'attire votre attention sur
le fait que si nous révisons la Constitution aujourd'hui, c'est bien parce que
le Conseil constitutionnel a souligné que le passage de la règle de l'unanimité
à celle de la majorité qualifiée et à la procédure de codécision ne
nécessitera, le moment venu, aucun acte de ratification ou d'approbation
nationale et ne pourra ainsi pas faire l'objet d'un contrôle de
constitutionnalité sur le fondement de l'article 54 ou de l'article 61, alinéa
2, de la Constitution. C'est donc bien parce qu'il ne doit pas y avoir une
nouvelle habilitation législative que nous devons réviser la Constitution
aujourd'hui.
Si nous subordonnions aujourd'hui l'action du Gouvernement au vote d'une loi
dans cinq ans, nous rendrions totalement inutile et inopérante la révision
constitutionnelle que nous engageons.
M. Paul Masson.
Cela n'a rien à voir !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'ajoute qu'une habilitation législative est sans aucun
doute - en tout cas pour moi, mais je soumets cette question à votre réflexion
- contraire au traité d'Amsterdam lui-même, qui, je le rappelle, a été approuvé
et signé par le précédent gouvernement, par celui-ci et par le Président de la
République. M. Fauchon, dans son rapport écrit, fait une analyse d'une grande
clarté et j'avais tenu moi-même des propos identiques devant votre commission
le 8 décembre dernier.
En effet, le Conseil constitutionnel n'a pas déclaré inconstitutionnel
l'article K 14 du traité sur l'Union issu du traité d'Amsterdam qui prévoit que
le Conseil peut décider à l'unanimité que les actions concernant la coopération
policière et judiciaire en matière pénale relèveront du traité communautaire.
S'il ne l'a pas fait, c'est parce que le Conseil de l'Union recommande
l'adoption de cette décision par les Etats membres conformément à leurs règles
constitutionnelles internes. Voilà qui fait toute la différence.
Ainsi, dans un cas, l'article K 14 prévoit explicitement la nécessité de
consulter les organes constitutionnels avant de passer à ces nouvelles
procédures. Dans l'autre cas, celui qui nous intéresse, cette obligation n'est
pas prévue dans le traité. C'est la raison pour laquelle le Conseil
constitutionnel nous indique qu'il faut réviser la Constitution avant de
ratifier le traité.
Je veux citer ici intégralement la conclusion qu'en tire M. le rapporteur, car
elle me paraît lumineuse.
M. Josselin de Rohan.
Timeo Danaos et dona ferentes !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'ai souvent entendu au Sénat cette maxime. Je crains,
pour ma part, les Grecs et leurs présents. J'ignore toutefois qui sont les
Grecs ici mais, pour ma part, je ne fais de présents à personne. Je me contente
d'analyser la Constitution.
Je cite donc le rapport :
« On peut donc en déduire que si le traité avait imposé l'adoption par les
Etats membres selon leurs procédures constitutionnelles respectives de la
décision de passer au vote à la majorité qualifiée et à la procédure de
codécision en matière d'asile, d'immigration et de franchissement des
frontières intérieures des Etats membres, les stipulations du traité relatives
aux modalités d'exercice de ces compétences n'auraient pas été déclarées
contraires à la Constitution.
« On peut également conclure de la comparaison entre les mécanismes prévus
dans le titre III A et ceux figurant dans l'article K 14 que les chefs d'Etat
et de gouvernement ont volontairement écarté l'hypothèse d'une approbation par
les Etats selon leurs règles constitutionnelles respectives de la décision de
passage à la majorité qualifiée pour la libre circulation des personnes et les
matières qui lui sont liées, dans la mesure où ils ont prévu une telle
approbation dans d'autres domaines. »
Je n'ai, pour ma part, aucun correctif à apporter à cette analyse, qui rejoint
celle que je faisais voilà un instant. J'apporterai toutefois une précision. Le
Parlement ne sera en aucun cas privé de son droit de se prononcer dans cinq ans
puisque, en tout état de cause, comme le rappelle votre rapporteur « au moment
où serait envisagée la décision de passer à la majorité qualifiée, dans les
matières liées à la libre circulation, les assemblées pourraient adopter des
résolutions ».
(M. Pasqua lève les bras au ciel.)
M. Charles Pasqua.
Les résolutions !...
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je vois M. Pasqua lever les bras au ciel à l'évocation
des résolutions, mais convenez que, dans la mesure où le gouvernement qui sera
en place dans cinq ans gardera le pouvoir d'opposer éventuellement son veto au
passage à la majorité qualifiée, la résolution qui sera votée par le Parlement
aura bien évidemment un poids politique extrêmement important, comparable à
celui de la résolution qui a été votée à propos de l'euro.
Enfin, je souscris entièrement à l'opinion exprimée par votre collègue M.
Jean-Jacques Hyest, qui, rappelant que l'Assemblée nationale avait adopté à une
très large majorité le projet de loi constitutionnelle, affirmait que « le
Sénat émettrait un signal négatif en adoptant un amendement visant à prévoir
une loi d'habilitation avant le passage à la majorité qualifiée ».
(Protestations sur certaines travées du RPR.)
La seconde question portait sur le fait de savoir s'il convenait d'instituer
un contrôle de constitutionnalité du droit dérivé. Vous savez, mesdames,
messieurs les sénateurs, que le droit communautaire dérivé se présente sous la
forme d'actes unilatéraux, tels que les règlements, les directives ou les
décisions émanant des organes européens.
S'agissant des règlements, qui sont d'applicabilité directe, chaque Etat peut
en contester la légalité devant la Cour de justice des Communautés européennes,
et ce en vertu de l'article 173 du traité de Rome qui est en vigueur depuis
plus de quarante ans.
S'agissant des projets de directive qui ne sont pas d'application directe, le
Gouvernement peut saisir le Conseil d'Etat lorsqu'il a des doutes sur leur
constitutionnalité. L'avis de celui-ci sert à faire valoir le point de vue des
normes internes pour obtenir des institutions européennes une modification du
projet. J'ajoute que, dans la mesure où les directives, une fois adoptées,
doivent faire l'objet d'une loi de transposition, le Conseil constitutionnel
peut être saisi de celle-ci, ce qui s'est déjà produit à trois reprises.
Je pense, en outre, que le droit communautaire dérivé est la stricte mise en
oeuvre des traités européens qui, la plupart du temps, ont fait l'objet d'un
contrôle de constitutionnalité, en vertu de l'article 54 de la Constitution.
Nous venons de le vivre à deux reprises avec les traités de Maastricht et
d'Amsterdam.
Je pense, enfin, qu'aucun Etat membre de l'Union ne peut être juge, à lui tout
seul, de la conformité à la Constitution d'un acte de droit dérivé. Une telle
solution serait contraire à la construction européenne et la paralyserait à
terme ; le Gouvernement ne le veut pas.
Ce n'est pas le traité d'Amsterdam qui affirme la primauté du droit
communautaire et qui pourrait légitimer la mise en oeuvre d'une procédure de
veille constitutionnelle. Ce sont le traité de Rome et la jurisprudence de la
Cour, tels que la France les accepte depuis plus de quarante ans. Quand je dis
« la France », j'entends ses pouvoirs, exécutif et législatif, ses
juridictions, des plus hautes aux plus petites, et, pour tout dire, son peuple
qui a manifesté son adhésion à plusieurs reprises.
En conclusion, il faut se garder de toute modification constitutionnelle qui,
sans être rigoureusement exigée pour ratifier le traité d'Amsterdam, risquerait
de mettre en cause les équilibres institutionnels définis par la Constitution
de 1958. Une réflexion sur ces équilibres est sans doute légitime, mais elle ne
doit certainement pas être menée à l'occasion de la ratification d'un traité
qui a un autre objet.
Je rappelle que ces équilibres concernent les pouvoirs du chef de l'Etat de
négocier les traités et les accords internationaux et d'en ratifier certains,
ceux du Gouvernement de déterminer et de conduire la politique de la nation et,
enfin, ceux du Parlement de ratifier ou non certains traités et de contrôler
l'action du Gouvernement.
Le projet de loi constitutionnelle qui vous est proposé aujourd'hui respecte à
mon avis ces équilibres. Il permet par ailleurs l'évolution indispensable pour
que le Parlement puisse exercer un contrôle accru légitime sur les actes de
l'exécutif au sein de l'Union européenne. Il rend aussi possible la
ratification du traité d'Amsterdam. C'est pourquoi, mesdames, messieurs les
sénateurs, je vous demande, à la suite de la commission des lois, de l'adopter.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - MM. Aymeri de Montesquiou
et Jacques Machet applaudissent également.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, nous poursuivons aujourd'hui le débat en vue
de réviser les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution.
Une étape importante a été franchie, le 1er décembre, avec l'adoption, par
l'Assemblée nationale, à une très large majorité, du projet de loi de révision
constitutionnelle. Je ne doute pas que le débat que nous allons mener
aujourd'hui et demain sera aussi riche et aussi constructif que celui que nous
avons eu à l'Assemblée nationale, et j'espère - j'en suis même sûr - qu'il
donnera lieu à l'expression d'une large adhésion du Sénat à cette nouvelle
étape de la construction européenne. En effet, c'est bien cela que nous devons
avoir à l'esprit, et cette importante révision doit être clairement replacée
dans son contexte, qui justifie qu'elle soit bien circonscrite. Il s'agit d'un
préalable au règlement d'une autre question, que nous ne devons pas perdre de
vue : la ratification du traité d'Amsterdam.
Ne nous trompons ni d'objectif ni de débat. Nous nous sommes engagés - le
Président de la République et le Premier ministre se sont engagés - à ratifier
ce traité. La révision constitutionnelle dont nous débattons aujourd'hui ne
saurait être considérée comme un acte séparé. Elle découle directement du
traité d'Amsterdam.
Mme le garde des sceaux vient de vous parler de la révision, et je vous
entretiendrai donc du traité.
Ce traité est imparfait, nous le savons, nous l'avons dit. Il a fait, depuis
sa signature, le 2 octobre 1997, l'objet de nombreux commentaires critiques,
souvent fondés, parfois excessifs. Il est vrai que son abord est assez malaisé,
même si cet aspect n'a nullement gêné les membres de votre assemblée qui, tant
au sein de la commission des affaires étrangères que de la commission des lois
et de la délégation pour l'Union européenne, ont effectué un travail tout à
fait remarquable.
Je pense notamment aux rapports de M. Fauchon. Je fais allusion ici, monsieur
le sénateur, non seulement au rapport que vous aviez fait, en mai dernier, sur
le traité lui-même et qui est devenu une référence, mais aussi au rapport sur
le projet de révision constitutionnelle dont nous traitons ce soir. Vous avez
ainsi contribué d'une maniètre très importante, que je tiens à saluer ici, à la
préparation de notre débat.
Je pense évidemment aussi aux rapports de M. de Villepin et de M. de La
Malène, qui, ayant surmonté l'abord totalement rébarbatif, il faut bien le
reconnaître, du traité d'Amsterdam, ont fourni de ce texte une analyse fine et
approfondie.
Au-delà de cet aspect formel, il est vrai que le contenu de ce traité n'est
pas entièrement satisfaisant. Surtout, à l'heure où l'Europe se prépare à
relever le défi historique de l'élargissement à dix pays d'Europe centrale et
orientale qui, dotés désormais d'institutions démocratiques et, bientôt, d'une
économie de marché viable, aspirent à rejoindre la famille européenne, l'Union
- il faut le reconnaître clairement - n'a pas été en mesure de réformer ses
institutions. C'est là, sans aucun doute, la lacune majeure du traité
d'Amsterdam. J'y reviendrai plus longuement un peu plus tard.
Mais je veux être franc : le traité d'Amsterdam qui, dans sa plus grande
partie, n'a pas été négocié par le Gouvernement auquel j'appartiens, n'est pas
si mauvais.
Il comporte des avancées utiles dont nous nous sommes déjà emparés, et, au
fond, il pèche plus par ce qui lui manque que par les dispositions qu'il
contient.
J'aimerais donc insister, d'abord, sur ce que ce traité contient et sur ce
qu'il apporte : il est, à mon sens, à la fois un complément et une correction
au traité deMaastricht.
En quoi corrige-t-il le traité de Maastricht ?
Il le corrige d'abord en contrebalançant la dimension fortement monétaire -
certains disent « monétariste » - du traité de 1992. Comme vous le savez, à
Maastricht, l'avancée majeure était la perspective de la monnaie unique et la
définition des conditions pour y parvenir. Mais, de ce fait, le processus de
construction européenne se trouvait presque exclusivement centré sur la
dimension financière, à travers les fameux critères de convergence que nous
avons respectés pour faire l'euro.
Au Conseil européen d'Amsterdam, le souci de la France a été de mettre
l'accent en priorité sur l'emploi, d'une part, en complétant le pacte de
stabilité et de croissance négocié à Dublin, en décembre 1996 - il ne fait pas
partie du traité - par une résolution sur la croissance et l'emploi ; d'autre
part, en obtenant l'introduction, dans le traité lui-même, d'un chapitre
entièrement nouveau consacré à l'emploi, à la coordination et au suivi des
politiques nationales dans ce domaine, ainsi qu'au développement d'une
stratégie commune européenne. L'union monétaire s'est trouvée ainsi clairement
rééquilibrée, la stabilité économique et la lutte pour l'emploi étant désormais
mises politiquement sur le même pied.
Ce rééquilibrage, le gouvernement de Lionel Jospin, aux côtés du Président de
la République, n'a eu de cesse, depuis sa constitution, en juin 1997, de le
promouvoir. Nous avons pesé pour que l'euro se fasse dans des conditions
conformes à ce que nous avions proposé aux Français. L'euro sera un euro large,
avec un conseil de l'euro, instance politique, dont le rôle sera de coordonner
étroitement les politiques économiques. Et cette coordination se fera en
soutien à la croissance et à l'emploi. J'ai rappelé ce que nous avions obtenu à
Amsterdam, je pourais aussi mentionner les acquis du sommet de Luxembourg, à
savoir un sommet européen exclusivement consacré à l'emploi. Mais je veux
surtout insister sur ce que nous avons fait le week-end dernier à Vienne : le
Conseil européen de Vienne, en ouvrant la perspective d'un pacte européen pour
l'emploi, sur la proposition conjointe de M. le Président de la République, M.
Jacques Chirac, et du chancelier Gerhard Schroeder, a apporté la confirmation
du nouvel esprit qui s'était manifesté à Pörtschach et qui place le soutien à
la croissance économique et la lutte contre le chômage au centre de la
construction européenne.
Pour en revenir au traité d'Amsterdam, constatons qu'il comporte d'autres
avancées. Il comprend ainsi un chapitre social : il s'agit du protocole que
nous avions défendu à Maastricht et qui n'avait pu être intégré au traité, à
cause du refus du gouvernement britannique d'alors ; grâce à l'accord du
gouvernement de Tony Blair, il fait désormais partie intégrante du nouveau
traité, et ses dispositions sur le rapprochement de législations et sur le
dialogue social s'appliqueront à tous. En outre, il est complété par de
nouvelles dispositions permettant au conseil d'adopter, à la majorité qualifiée
- c'est, à mon avis, une bonne chose - des mesures de lutte contre l'exclusion
sociale, ainsi que des mesures visant à assurer l'application du principe
d'égalité des chances et d'égalité de traitement.
Relevons aussi, toujours dans le champ des droits civiques et sociaux, des
dispositions relatives à la santé et à l'environnement, l'affirmation de la
spécificité des services publics, à laquelle, vous le savez, les Français
tiennent substantiellement - l'actualité, à cet égard, montre combien ces
dispositions répondent à une forte nécessité - le renforcement des dispositions
relatives aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, de la clause de
non-discrimination et du principe d'égalité entre hommes et femmes, ainsi que
des droits sociaux fondamentaux.
Voilà en quoi le traité d'Amsterdam corrige le traité de Maastricht. Je vais
dire maintenant en quoi il le complète.
Au-delà de ces avancées vers l'Europe sociale, vers l'Europe des citoyens, le
traité d'Amsterdam enregistre aussi quelques progrès - encore trop limités,
mais significatifs - dans un secteur où l'on n'avait pas pu suffisamment
avancer à Maastricht : dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité
commune, la PESC, l'Union s'est ainsi dotée de moyens qui renforceront sa
capacité d'agir sur la scène internationale.
La PESC aura un visage et une voix, grâce à un haut représentant - Monsieur ou
Madame Pesc - qui devra être un véritable responsable politique et qui sera
nommé au prochain Conseil européen de Cologne.
Elle aura les moyens de mieux définir sa politique : nous pouvons nous
féliciter de l'amélioration des procédures, notamment de la création d'un
nouvel instrument, la stratégie commune, dont les dispositions d'application
pourront être adoptées là encore à la majorité qualifiée et qui permettra de
définir, de façon globale, les relations de l'Union avec de grands partenaires
ou des zones géographiques proches de nous, comme la Russie, l'Ukraine, la
Méditerranée, les Balkans, ainsi que vient de la confirmer le Conseil européen
de Vienne.
La capacité d'action de l'Union s'en trouvera renforcée et le Conseil
disposera d'une structure d'analyse et de prévision.
Enfin, les dispositions concernant la sécurité, le maintien de la paix et la
défense sont améliorées, ce qui devrait permettre des progrès dans le sens que
nous avons toujours préconisé. La démarche commune franco-britannique actée à
Saint-Malo, qui a recueilli, à Vienne, le soutien de nos partenaires européens,
est une première illustration de ces avancées vers l'Europe de la défense, à
laquelle nous tenons.
J'en viens maintenant à ce que l'on appelle, en jargon européen, « le
troisième pilier », c'est-à-dire la justice et les affaires intérieures ; c'est
précisément l'un des domaines où le traité d'Amsterdam apporte, par rapport à
celui de Maastricht, les compléments les plus importants. Ce sont d'ailleurs
ces dispositions nouvelles qui justifient, pour le Conseil constitutionnel, la
révision de la Constitution. Permettez-moi de les énoncer très brièvement, car
Mme Guigou vient d'en parler.
Le traité d'Amsterdam prévoit le transfert des politiques liées à la
circulation des personnes au sein de l'Union - asile, visas, immigration - dans
la sphère de compétence communautaire.
Je rappellerai que c'était une proposition du chancelier Kohl, à laquelle le
Président de la République avait, dans une lettre commune, donné son accord
avant même l'ouverture de la conférence intergouvernementale. Tout le travail a
consisté ensuite à préciser les modalités de cette communautarisation, afin
qu'elle se fasse de manière prgressive et cohérente, c'est-à-dire en adéquation
avec l'objectif de créer un espace de liberté, de sécurité et de justice.
Je veux être réaliste. Nous le savons tous ici, l'évolution des phénomènes
migratoires que nous connaissons aujourd'hui appelle des réponses non seulement
coordonnées, mais aussi assises sur des orientations politiques communes et des
mécanismes adaptés. J'ai la conviction que seule une harmonisation progressive
de nos législations en la matière nous permettra à l'avenir de traiter
efficacement ces problèmes. L'actualité récente montre qu'aucun Etat de l'Union
n'est en mesure d'apporter seul une réponse et qu'il est de notre intérêt de
rechercher des solutions communes et équilibrées.
Avec le traité d'Amsterdam, ces matières seront communautarisées ; mais le
passage au vote à la majorité qualifiée - Mme Guigou vient d'en parler - ne se
fera que dans cinq ans, et à condition que le Conseil en décide ainsi à
l'unanimité. Il ne s'agit donc que d'une possibilité.
Sur le fond, il faut se garder de diaboliser cette communautarisation, du seul
fait qu'elle touche les politiques d'immigration.
D'abord, je le rappelle, nous ne partons pas de rien : l'intégration de
Schengen dans le traité permettra de bénéficier des bienfaits, mais aussi de
corriger les lacunes d'un dispositif qui a fait ses preuves. Ensuite, le
passage à la majorité qualifiée sera, j'en suis sûr, une avancée, car c'est le
seul et le meilleur moyen de progresser dans la construction européenne, comme
nous le savons tous. D'ailleurs, nous le revendiquons, lorsque nous parlons de
la réforme à venir des institutions européennes. Pourquoi ne
l'envisagerions-nous pas dans ce domaine ?
Hormis ce point, bien sûr essentiel, quelles avancées apporte le traité
d'Amsterdam dans le troisième pilier ?
Il permet une approche globale qui favorise la mise en place d'un espace de
liberté, de sécurité et de justice. Parallèlement aux travaux qui seront menés
dans les matières liées à la libre circulation, la sécurité sera renforcée,
grâce au développement de la coopération policière et judiciaire. L'accent est
ainsi mis par le traité sur la lutte contre trois grands fléaux : la
criminalité organisée internationale, la drogue et le terrorisme.
Je dirai un mot, enfin, sur la coopération judiciaire civile, qui est
également communautarisée dans la mesure où elle est liée à la libre
circulation au sein du marché intérieur. Cela permettra des avancées dans le
domaine des conflits touchant les entreprises, mais aussi en droit de la
famille.
Le traité comporte toutefois - je vous l'ai dit d'emblée - une lacune
essentielle qu'il faudra combler : l'absence de réforme institutionnelle de
l'Union européenne. Cette lacune est sérieuse et grave, car la réforme
institutionnelle était précisément l'objectif premier de la conférence
intergouvernementale. Or, sur ce plan, aucun des points essentiels n'a pu faire
l'objet d'un accord à Amsterdam.
Aujourd'hui, cette nécessité, évoquée gouvernement après gouvernement, depuis
Maastricht, est devenue une urgence. En effet, alors que le processus
d'élargissement est lancé, nous ne pouvons plus nous permettre de continuer à
travailler dans les conditions actuelles. Nous savons qu'à quinze l'Union est
déjà menacée de blocage, voire de paralysie. Imaginons ce qui se passerait dans
une europe à vingt ou à vingt-cinq !
Nous avons donc, avec nos partenaires belges et italiens, élaboré une
déclaration annexée au traité, constatant l'insuffisance des réformes dans le
domaine institutionnel et rappelant que des progrès en la matière devraient
être accomplis avant la conclusion des premières négociations d'adhésion. Peu à
peu, l'ensemble de nos partenaires s'est rallié à notre position. Cette
évolution a pu être actée dès le Conseil européen de Luxembourg.
Ce principe d'une réforme institutionnelle avant l'élargissement est désormais
admis de façon tout à fait officielle et a été inscrit dans les conclusions de
Vienne. Un rendez-vous a été fixé pour prendre de premières décisions de
méthode, à Cologne, en juin prochain. Nous devrons ensuite traduire ces
engagements dans les faits.
Je tiens à redire avec force, à cette tribune, que le Parlement pourra avoir
la possibilité, lors de la ratification du traité, de s'associer
solennellement, sous la forme d'un article additionnel à la loi de
ratification, à l'exigence posée par les autorités françaises, avec l'appui des
gouvernements belge et italien.
Nous avons nous-mêmes suggéré, en termes de méthode, de distinguer deux temps
pour réformer les institutions.
Il y aura d'abord les réformes que nous pouvons engager dès à présent parce
qu'elles ne supposent aucune modification des traités. Elles concernent le
fonctionnement du conseil des ministres des affaires étrangères, qui doit
retrouver un rôle de coordination. Elles concernent aussi le Conseil européen,
dont la fonction d'impulsion et d'orientation doit être confortée. Elles
concernent, enfin, la Commission, qui doit recouvrer, c'est l'évidence, une
vraie collégialité, notamment à l'occasion de son renouvellement d'ensemble à
partir du mois de juin prochain.
Il y aura aussi les réformes plus profondes, qui nécessiteront la mise en
place d'un processus plus lourd, sans pour autant que nous reprenions le même
schéma que celui qui a échoué à Amsterdam et qui pourrait conduire aux mêmes
effets.
Ces réformes de fond concernent, nous le savons, trois champs.
D'abord, elles concernent la Commission, dont le format doit être revu si nous
voulons qu'elle reste ce qu'elle était au départ, à savoir un organe collégial
et efficace.
Ensuite, elles concernent le vote à la majorité qualifiée : comme l'ont
souhaité le Président de la République et le Gouvernement après Amsterdam, ce
mode de prise de décision doit être quasi-systématiquement étendu et, à notre
sens, cette règle doit pouvoir prévaloir dans des domaines comme
l'environnement, l'industrie, la culture et la fiscalité. C'est le seul moyen
de progresser dans l'Union en donnant tout son sens à la notion de souveraineté
partagée, qui constitue le fondement même des politiques communautaires.
Enfin, en liaison avec ce dernier point, il faudra envisager une meilleure
pondération des voix au sein du Conseil.
Malgré cette lacune essentielle dans le domaine institutionnel, le traité
d'Amsterdam apporte tout de même quelques progrès dans ce champ politique. Je
pense ainsi à la mise en place de coopérations renforcées entre les Etats
membres qui souhaiteront aller plus avant et plus vite dans la construction
européenne. C'est un événement fondamental, j'en suis sûr, pour l'avenir de la
construction européenne.
L'euro est, certes, le premier exemple de coopération renforcée, mais cela
pourrait être le cas demain pour la culture, pour l'éducation et pour la
recherche.
J'ajoute que, grâce au traité d'Amsterdam - tout le monde n'en sera pas ravi,
mais je pense que c'est positif -, le président de la Commission aura plus de
poids politique et d'autorité sur le collège, puisque sa nomination devra être
approuvée par le Parlement européen et que le président désigné sera, dès le
prochain renouvellement, associé au choix des autres commissaires.
Des trois grandes institutions politiques de l'Union, c'est le Parlement
européen qui tire le plus de bénéfices de ce traité : grâce à une
simplification des procédures et à une extension du champ de la codécision avec
le Conseil, il voit son rôle significativement renforcé. C'est une contribution
à la réduction du déficit démocratique en Europe, si souvent dénoncé.
Dans le même temps, les Parlements nationaux seront plus étroitement associés
aux travaux de l'Union. Je voudrais insister sur ce dernier point, qui va me
permettre de revenir à la révision constitutionnelle.
Le traité d'Amsterdam contient un protocole sur le rôle des parlements
nationaux. La France a beaucoup contribué à son adoption. Il nous paraissait
fondamental, en effet, que, dès lors que, dans des matières essentielles qui
relèvent du domaine législatif, des compétences nouvelles étaient transférées -
ou plutôt partagées - les parlements nationaux soient associés plus étroitement
aux travaux communautaires.
Ce protocole prévoit, d'abord, une amélioration des délais de transmission et
de consultation. Il envisage, ensuite, un rôle renforcé pour la Conférence des
organes spécialisés des assemblées de la Communauté, la COSAC. J'y vois, pour
les parlements nationaux, des possibilités à exploiter afin d'assurer un suivi
plus précis des travaux menés dans le cadre de l'Union européenne. Nous avons,
en effet, deux aspects complémentaires : d'un côté, la procédure de
collaboration avec le Parlement européen, à travers la COSAC que je viens
d'évoquer ; de l'autre, la procédure de l'article 88-4, introduite en 1992 et
qu'il s'agit aujourd'hui de réformer.
Mme Elisabeth Guigou vient d'esquisser la position du Gouvernement sur les
aspects constitutionnels de nos débats : le Gouvernement s'est conformé à la
décision du Conseil constitutionnel sur le traité d'Amsterdam. Son projet ne
portait donc que sur l'article 88-2 de la Constitution. Toutefois, conscient de
la nécessité d'élargir les possibilités de consultation du Parlement, le
Gouvernement a donné son plein accord au texte adopté par l'Assemblée
nationale, sur proposition de sa commission des lois et que votre propre
commission des lois a adoptées, à son tour, à une large majorité.
Aux termes de ces dispositions, comme l'a rappelé Mme Elisabeth Guigou, la
procédure de consultation existante sera étendue aux deuxième et troisième
piliers. En outre, le Gouvernement pourra communiquer aux assemblées, s'il le
juge utile, tout autre document susceptible de les intéresser : je pense
notamment, je le redis après Mme le garde des sceaux, aux documents dits de
consultation. En ma qualité de responsable au sein du Gouvernement de
l'application de l'article 88-4, je partage les préoccupations de M. le
rapporteur à cet égard.
C'est d'ailleurs, à mon sens, dans le cadre de cette procédure de l'article
88-4 que devrait être transmis aux deux assemblées le projet de décision que
pourrait prendre le Conseil, dans cinq ans, d'introduire le vote à la majorité
qualifiée dans les matières de l'immigration et de l'asile. Il s'agira là - j'y
insiste - d'une décision du Conseil, à l'unanimité, et non d'un acte
intergouvernemental, soumis à ratification.
Le principe de la communautarisation sera acquis dès lors que le traité sera
ratifié au mois de mars prochain et les modalités de sa mise en oeuvre, qui
seront graduelles, donneront lieu à un large débat puisque le Parlement sera
consulté sur le projet de décision dans le cadre de la procédure élargie de
l'article 88-4.
Pour ceux - j'ai déjà entendu cet argument à l'Assemblée nationale, mais aussi
à l'occasion de mon audition par votre commission des lois - qui seraient
sensibles aux exemples de l'étranger, je précise que c'est également ainsi que
procéderont la plupart de nos partenaires, qui ont prévu de débattre, dans le
cadre de leurs procédures habituelles de consultation de leur Parlement sur les
questions européennes, du projet de décision de passage à la majorité
qualifiée.
En revanche, prévoir à cette occasion une procédure législative particulière,
une seconde ratification ou une loi d'habilitation, serait à la fois non
conforme au traité, redondant par rapport à la révision qui nous occupe et
contradictoire avec la demande d'amélioration de l'article 88-4.
N'ayant pas à m'étendre davantage sur la révision constitutionnelle, j'en
termine en soulignant la portée du vote qu'émettra la Haute Assemblée. Ne
perdons pas de vue, en effet, que nous révisons la Constitution de manière
limitée pour pouvoir ratifier le traité d'Amsterdam et que celui-ci, malgré une
lacune majeure que j'ai longuement évoquée, ne contient rien qui justifierait
qu'on ne le ratifie point.
Il n'est pas, j'en conviens bien volontiers, le traité fondateur de l'Europe
politique et sociale vers laquelle nous souhaitons aller. Mais, je l'ai dit,
les avancées qu'il contient, pour éclatées, parcellaires et insuffisantes
qu'elles soient, ne doivent pas être rejetées. Au contraire, sur ces bases,
nous pouvons fonder des progrès à la fois dans la construction européenne et
dans la manière dont la France avance.
Evitons donc les discours réducteurs. Il n'y a pas, d'un côté, les défenseurs
de la souveraineté nationale et, de l'autre, ceux qui la dilapideraient.
Reconnaissons, au contraire, qu'un partage de souveraineté, librement consenti,
peut être profitable à tous. L'euro en est déjà la preuve, et nous pouvons
aller plus loin.
L'enjeu de ce débat sur la révision constitutionnelle est bien la ratification
du traité d'Amsterdam. Et quelles seraient les conséquences d'une
non-ratification par la France du traité d'Amsterdam, dont nous savons
heureusement qu'elle ne se produira pas ? Nous ouvririons une crise grave avec
nos partenaires, sans pour autant garantir d'une façon quelconque un rebond
vers l'Europe que nous appelons de nos voeux. La France risquerait plutôt de se
mettre en marge du jeu européen, au moment même où elle reprend la main et
avance, avec ses partenaires, dans le domaine de l'emploi, dans le domaine
social, mais aussi dans le domaine de la défense... et demain, j'en suis sûr,
dans le domaine de la réforme des institutions.
Parce que je ne souhaite ni le recul de l'Europe ni le recul de la France, je
vous appelle donc, mesdames, messieurs les sénateurs, sans aucun état d'âme -
et c'est l'attitude du Gouvernement - à ratifier le traité d'Amsterdam et, pour
cela, car c'est une condition nécessaire, à procéder dès aujourd'hui à la
révision constitutionnelle qui vous est soumise.
(Applaudissements sur les
travées socialistes. - M. Machet applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers
collègues, il y a peu de chances, me semble-t-il, que le traité d'Amsterdam
soit jamais considéré comme marquant une étape décisive de la construction
européenne.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Ah !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Vous l'avez d'ailleurs dit dans des termes assez voisins,
monsieur le ministre, même si c'était de façon moins pessimiste, mais il est
vrai que vous étiez dans votre rôle de ministre chargé des affaires
européennes.
Les mesures que ce traité recèle, et dont il est d'ailleurs malaisé de
discerner la portée à la seule lecture du texte, témoignent à tout moment d'un
singulier mélange de réticences, pour ne pas dire de paralysie, en même temps
que d'une sorte d'aveu de la nécessité d'inscrire dans les perspectives
ouvertes par le traité d'Union des dispositions qui ne soient pas de pure forme
et qui témoignent, à défaut d'une volonté d'action immédiate - car,
pratiquement, tout est différé -, du moins de la conscience de ce qu'il
conviendrait de faire pour répondre aux défis du temps présent sur des fronts
aussi importants pour l'Union que la politique sociale et l'emploi - c'est le
premier pilier -, la politique extérieure et de défense - c'est le deuxième
pilier -, ou, enfin, la politique de sécurité intérieure - c'est le troisième
pilier -, à laquelle est associé l'ensemble des questions posées par le
franchissement de frontières intérieures et extérieures.
Ce dernier domaine est précisément celui à propos duquel les dispositions du
traité présentent des difficultés de caractère constitutionnel, et c'est à cela
que se limite notre débat.
Il s'agit, pour l'essentiel, de prévoir, du moins dans ces domaines, le
passage de la procédure de type intergouvernemental à la procédure
communautaire, ce qui se traduira formellement par la création d'un titre
nouveau au sein du traité instituant les Communautés européennes,
originellement appelé « traité de Rome ».
Ce titre nouveau, intitulé « Visas, asile, immigration et autres politiques
liées à la libre circulation des personnes », comporte tout d'abord l'analyse
détaillée des diverses mesures à prendre ou à envisager - je ne les reprendrai
pas, ce serait trop compliqué - avec, pour chacune d'elles, ses
caractéristiques particulières.
Tout devra être réalisé, en tout cas, dans un délai de cinq ans à compter de
la ratification du traité.
Durant cette période de cinq ans, et à l'exception de quelques points très
particuliers, les décisions continueront d'être prises à l'unanimité, après
consultation du Parlement européen, et l'initiative en reviendra concurremment
aux Etats membres et à la Commission.
Passé cette période - car il faut tout prévoir, et c'est ici le point
essentiel qui nous occupe -, les Etats pourront décider à l'unanimité de passer
au système décisionnel normal de la Communauté : décisions prises à la majorité
qualifiée - soit 70 % -, initiative réservée à la Commission, en accord avec le
Parlement européen dans le cadre d'une codécision qui, M. le ministre délégué
l'a rappelé, est clarifiée et renforcée. C'est ce que l'on peut appeler, par
souci de simplicité, la « communautarisation ».
C'est précisément ce passage à la majorité qualifiée que le Conseil
constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution, parce que celui-ci «
pourrait conduire à ce que se trouvent affectées les conditions essentielles
d'exercice de la souveraineté nationale », et ce parce que, comme le Conseil a
tenu à le souligner, ce passage ne nécessitera, le moment venu, « aucun acte de
ratification ou d'approbation nationale et ne pourra ainsi pas faire l'objet
d'un contrôle de constitutionnalité ».
Bien entendu, ce changement de système décisionnel n'est retenu pour
inconstitutionnalité que parce qu'il concerne des domaines et des modalités
autres que ceux qui sont d'ores et déjà visés à l'article 88-2 de la
Constitution - car nous avons déjà autorisé un pas important dans cette
direction - et parce que ces domaines concernent la souveraineté nationale, ce
qui n'est pas le cas d'un assez grand nombre d'autres questions.
Ainsi, des mesures concernant la coopération judiciaire en matière civile, qui
pourront connaître cependant la même évolution de processus décisionnel que
celle que je viens de décrire, ne relèvent pas de l'exercice de la souveraineté
nationale et ne sont donc pas visées par le Conseil constitutionnel parce qu'il
s'agit simplement de mesures de procédure, qui n'ont évidemment pas
l'importance des questions concernant les visas, l'immigration, le statut des
personnes réfugiées, etc.
Il convient, enfin, de préciser que l'adoption d'un tel dispositif aurait pour
effet de priver le système Schengen - je me tourne vers notre collègue Paul
Masson, spécialiste de ce système si complexe qu'est Schengen - de sa raison
d'être, en quelque sorte, ce qui conduit le traité à organiser le transfert à
la Communauté de ce qu'on appelle, dans une formule simple, les « acquis » de
Schengen, avec, naturellement, les adaptations rendues nécessaires, en
particulier du fait que les signataires du traité sur les Communautés ne sont
pas tout à fait les mêmes que les signataires du traité de Schengen.
La question qui se pose, et qui nous est posée, pour l'essentiel - et la
commission a souhaité s'en tenir à l'essentiel ! - est donc de savoir s'il
convient ou non de rendre constitutionnel ce processus de « communauta-risation
».
Que penser d'une telle novation ?
Il paraît difficile de nier l'intérêt d'une politique commune en matière de
franchissement des frontières intérieures et extérieures des Etats membres. Les
politiques nationales d'immigration, en particulier, ont trouvé leurs limites,
et le cadre européen paraît offrir des perspectives meilleures pour exercer une
politique efficace en cette matière, à condition qu'on soit d'abord et avant
tout soucieux d'efficacité.
Il est bien évident - qu'on le veuille ou non, car c'est là une situation de
fait - que l'ouverture des frontières intérieures, corrolaire naturel,
inévitable, de l'Union économique et que nous vivons tous les jours dès lors
que nous voyageaons, rend en pratique inopérants les contrôles dans le cadre
national et entraîne une homogénéité du territoire européen dont la seule
frontière véritablement opérationnelle ne peut être que le réseau des
frontières extérieures. Il importe, dès lors, que le contrôle de celles-ci soit
géré en commun.
Il faut cependant constater que la méthode intergouvernementale, que l'on a
essayée,...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Eh bien voilà !
M. Pierre Fauchon
rapporteur.
... qui est appliquée depuis l'entrée en vigueur du traité de
Maastricht, n'a pas donné des résultats réellement probants. Elle ne le pouvait
d'ailleurs pas, par définition, étant donné les questions qu'il s'agissait de
traiter, et qui ne peuvent pas être traitées par la méthode
intergouvernementale.
Dans ces domaines, une politique efficace n'est possible que par la mise en
oeuvre de mécanismes tels que ceux qui sont prévus par le traité instituant la
Communauté européenne, l'expérience ayant montré que, en dépit de la complexité
des problèmes, il permettait de concilier l'exigence d'efficacité et la prise
en compte des points de vue nationaux, qui finalement - je me permets de le
rappeler - prévalent au travers des décisions des différents conseils
spécialisés ou du Conseil européen.
En ce qui concerne le passage à la majorité qualifiée, quelles que soient les
conditions de ce passage, il constitue, pour l'essentiel, un moyen de rendre
plus efficace le processus communautaire de décision. C'est un système qui
constitue une incitation pour les Etats à négocier sérieusement pendant la
période de cinq ans où l'unanimité est de rigueur. Au terme de cette période,
nous passerons dans la phase de décision majoritaire, ce qui est plus sûr que
l'unanimité, dont on sait par expérience qu'elle est un facteur d'inertie ou de
marchandages - et de marchandages de toutes sortes !
Avons-nous en matière de visas, d'asile, d'immigration, des intérêts si
différents de ceux de l'Allemagne ou de l'Italie, par exemple, que nous
puissions craindre d'être mis en minorité sur des textes qui auraient pour eux
de graves conséquences ?
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Bien sûr !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Avons-nous des raisons de le craindre alors que, en réalité,
la réglementation de ces pays est plus protectrice que la nôtre ? Car on oublie
de faire cette comparaison, et je pourrais citer des exemples qui en
surprendraient plus d'un, ne serait-ce qu'en ce qui concerne la durée du droit
de rétention, qui n'est nulle part aussi courte qu'en France !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Ce n'est pas nous qui l'avons fait !
M. Pierre Fauchon.
rapporteur.
Dans la plupart des cas, le passage à la majorité qualifiée
et à la procédure de codécision sera décidé à l'unanimité par le Conseil de
l'Union européenne, ce qui permettra à ce dernier de définir les domaines
auxquels s'appliqueront les nouvelles modalités.
Cela se fera progressivement. On peut bien penser, en effet, que le Conseil ne
décidera pas un passage en bloc de l'ensemble des questions visées dans le
titre dont j'ai parlé tout à l'heure.
Soulignons que la majorité qualifiée n'est pas la majorité simple. Dans le
cadre de ce système, 70 % des voix sont nécessaires pour qu'une décision puisse
être adoptée, chaque Etat disposant d'un certain nombre de voix en rapport avec
son poids démographique. Je rappelle que cette pondération mérite d'être
révisée et qu'une disposition du traité prévoit expressément la révision de
cette pondération au moment de l'élargissement, dont elle fait une
condition.
Il convient enfin de mentionner - il me semble qu'on ne l'a pas assez dit -
qu'une sécurité est prévue par le traité. Ainsi, aucune des mesures adoptées
dans le cadre du nouveau titre du traité instituant la Communauté européenne ne
devra porter atteinte à l'exercice des responsabilités qui incombent aux Etats
membres pour le maintien de l'ordre public et la sauvegarde de la sécurité
intérieure.
Il y a donc là une sécurité qui donnera éventuellement la possibilité de
s'évader de ces procédures dans les hypothèses qui concerneraient le maintien
de l'ordre public ou la sauvegarde de la sécurité intérieure, notions assez
larges et dans lesquelles, éventuellement, même le droit d'asile pourrait
figurer.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que la commission s'est prononcée en
faveur de l'adoption du projet de loi constitutionnelle.
Elle ne l'a pas fait, cependant, je dois le dire, à l'unanimité, car une
importante minorité s'est manifestée, regroupant, d'une part, ceux qui, par
principe, et pour des raisons qui sont tout à fait concevables, sont hostiles
au processus de communautarisation et ceux, plus nombreux tout de même, qui,
tout en acceptant ce principe, considèrent que le fait de lever l'hypothèque de
l'inconstitutionnalité ne devrait pas priver le Parlement d'un droit de regard
sur les conditions dans lesquelles, le moment venu, notre Gouvernement pourrait
être amené à accepter cette communautarisation.
M. Paul Masson.
C'est la Constitution même !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
C'est ce qu'on a appelé l'habilitation parlementaire.
Nous reviendrons sur cette question à l'occasion de l'examen des articles et
des amendements. Je crois cependant, après les ministres qui sont intervenus,
qu'il convient d'éclairer dès maintenant le débat sur cette question qui a
cristallisé une grande partie de la discussion à l'Assemblée nationale et qui
cristallisera certainement une grande partie de notre propre discussion.
On peut être un Européen résolu, comme je le suis, sans ignorer ce qu'il y a
de légitime dans le refus de voir le Parlement dépossédé de sa compétence
naturelle dans le domaine dont nous parlons, du seul fait que la réforme de la
Constitution rendra possible la décision de transférer ces questions dans le
domaine communautaire.
M. Paul Loridant.
Hélas !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
On peut penser que rendre ce transfert possible
constitutionnellement est une chose et que le réaliser effectivement en est une
autre, encore que la distinction puisse apparaître quelque peu artificielle,
sinon artificieuse, en tout cas difficilement compréhensible pour le public, et
plus spécialement le public européen. C'est peut-être le point le plus
important.
C'est ce dernier aspect de la question qui a emporté la décision d'une
majorité de la commission, soucieuse avant tout - c'est ce qui explique sa
ligne de conduite à l'égard de tous les amendements - de donner par ce vote aux
Français et aux Européens un signal clair, un signal non équivoque de
l'adhésion du Sénat à la partie du traité d'Amsterdam qui est tout à la fois la
plus « consistante » et la plus évidemment nécessaire.
J'ajouterai, le moment venu, un ou plusieurs arguments juridiques qui ont déjà
été évoquées et qui consistent à essayer de montrer...
M. Paul Masson.
A « essayer » !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il faut, en effet, être modeste dans ce genre d'entreprise
!
M. Paul Masson.
Parfait !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je tâcherai donc de montrer qu'un tel aménagement serait, en
fait, contraire au traité et reviendrait à amender celui-ci, ce que notre
Constitution ne permet pas. De plus, cela apparaîtrait inévitablement, au
passage, comme une sorte de blâme à l'égard des négociateurs et signataires du
traité,...
M. Paul Masson.
Bien sûr !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
... c'est-à-dire, tout de même, les plus hautes autorités de
l'Etat.
Le souci de clarté qui a inspiré la commission ne pouvait cependant pas aller
jusqu'à oublier les améliorations qu'il convient d'apporter à l'article 88-4 de
notre Constitution pour corriger certains inconvénients résultant de la
rédaction actuelle de cet article, qui organise la participation du Parlement à
l'élaboration de la politique européenne, et plus spécialement des textes qui
l'incarnent.
Dans sa rédaction actuelle, que les membres de la délégation du Sénat pour
l'Union européenne connaissent bien - n'est-il pas vrai, monsieur Barnier ? -
l'article 88-4 prévoit que le Gouvernement « soumet » aux assemblées « les
propositions d'actes communautaires comportant des dispositions de nature
législative », ce qui permet le vote de résolutions par lesquelles s'exprime -
selon moi, fort utilement - l'avis de chaque assemblée.
Dans l'interprétation actuelle de ce texte, celui-ci ne concerne que les actes
communautaires
stricto sensu
- cela a été dénoncé successivement par MM.
Lanier et de La Malène, en particulier - c'est-à-dire les actes du premier
pilier, ce qui exclut très fâcheusement et les actes relevant du second et du
troisième pilier, et les « documents de consultation », qui sont cependant ceux
à propos desquels il serait très important pour les assemblées d'être en mesure
de voter des résolutions.
Telle est la situation, par exemple - c'est un cas tout à fait évident - pour
l'Agenda 2000, qui contient des vues très intéressantes et très importantes,
par exemple, en ce qui concerne la PAC, mais aussi beaucoup d'autres domaines.
C'est peut-être, finalement, le plus intéressant des documents que nous ayons à
connaître et à l'égard duquel nous aurions souhaité pouvoir voter des
résolutions au début du processus de réflexion, parce que c'est à ce moment-là
que les résolutions ont quelque chance d'être intégrées dans les démarches et
dans les recherches gouvernementales.
J'ai déjà eu l'occasion - on a bien voulu le rappeler - de déplorer cette
situation dans un précédent rapport de 1997, dont je ne fais ici, d'ailleurs,
que prolonger strictement les conclusions.
En ce qui concerne la première catégorie d'actes visés - ceux des deuxième et
troisième piliers - un amendement adopté par l'Assemblée nationale avec
l'accord du Gouvernement donne satisfaction puisqu'il prévoit la communication
des actes non seulement « des Communautés européennes » mais aussi de « l'Union
européenne », ce qui inclut les trois piliers.
A quoi l'amendement de l'Assemblée nationale, et donc le texte qui nous est
soumis, ajoute la possibilité, pour le Gouvernement, de soumettre aux
assemblées « les autres projets ou propositions d'actes ainsi que tout document
émanant d'une institution de l'Union européenne ». Ces communications
pourraient donc faire l'objet de résolutions, en vertu de l'alinéa suivant, que
je n'ai pas besoin de citer.
Il est permis de regretter - d'ailleurs, en s'en étonnant - que l'Assemblée
nationale n'ait pas expressément visé les « documents de consultation » dont
j'ai parlé tout à l'heure, alors que leur « transmission rapide aux parlements
nationaux » est expressément prévue dans un protocole annexé au traité et qui
rend cette communication obligatoire.
Il ne semble pas, cependant, que cette lacune soit très grave de conséquence,
dès lors, précisément, que cette transmission est rendue obligatoire par le
traité. Je pense que le Gouvernement s'y prêtera, comme on a bien voulu le dire
tout à l'heure, et non pas « le plus souvent », mais purement et simplement.
Encore faut-il cependant - cette précision a son importance, car mieux vaut
s'assurer de ne pas se trouver dans une équivoque - qu'il soit formellement et
clairement entendu et dit que ces transmissions de tous les documents de
consultation se fera au titre de l'article 88-4 et plus spécialement de la
dernière phrase de son premier alinéa d'où il s'en suivra automatiquement que
ces documents pourront faire l'objet de résolutions.
Je me permets, madame le garde des sceaux - nous sommes sur un terrain
juridique - de dire que je ne sais pas en quel sens il fallait entendre
l'expression « le plus souvent » que vous avez employée tout à l'heure. Je
suppose que vous avez voulu dire que « le plus souvent » les assemblées
voteraient des résolutions. Je ne sais si elles en voteront souvent ou pas
souvent, ou moyennement souvent ; il suffit que nous soyons bien d'accord pour
dire qu'elles peuvent en voter, ensuite, elles verront si elles veulent en
voter souvent ou pas.
Nous avons besoin d'être sûrs que tous les documents de caractère préparatoire
tels qu'ils sont visés au protocole seront transmis au titre de la dernière
phrase du premier alinéa de l'article 88-4, d'où il résultera qu'ils pourront
tous - souvent ou pas souvent, je n'en sais rien : ce sont les assemblées qui
en décideront - faire l'objet de résolutions.
Telle est l'interprétation de la commission. Il paraît difficile, en toute
bonne foi, d'en imaginer une autre, et je ne pense pas qu'il y en ait d'autres
dans l'esprit du Gouvernement. Mais il importe que celui-ci veuille bien nous
confirmer à nouveau son accord et je prie M. Moscovici de bien vouloir excuser
cette insistance. Il a résumé son avis dans une formule qui nous satisfait.
Je souhaite que, sur ce point, nous éliminions toute espèce de doute afin que
nous puissions considérer comme pleinement satisfaisant l'amendement voté par
l'Assemblée nationale.
Sous cette importante réserve, mes chers collègues, la commission des lois
vous propose d'adopter la rédaction actuelle de l'article 88-4 dont
l'imperfection rédactionnelle se trouverait suffisamment « couverte » par
l'interprétation qu'en donnerait le Gouvernement.
Telles sont, sous cette forte réserve, les raisons pour lesquelles la
commission des lois invite la Haute Assemblée à voter le texte du projet de
réforme constitutionnel tel qu'il a été adopté à une très large majorité par
l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RDSE, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers
collègues, nous voici confrontés à une nouvelle étape de la construction
européenne.
Je dois dire qu'en cet instant je ne peux pas ne pas me souvenir de cette
époque, hélas ! lointaine, où le président Paul-Henri Spaak avait demandé à
chacun des Etats qui devaient participer à la première étape de la construction
européenne de l'assister dans la rédaction du traité de Rome.
Comment oublier ce soupir de soulagement quand, vers cinq heures ou à six
heures du matin, dans le petit château de Val-Duchesse, Paul-Henri Spaak - lui
qui nous disait souvent qu'il était aussi français qu'un bon belge pouvait
l'être - s'est tourné vers nous et nous a dit : « Maintenant, tout est à faire
! » ? Tout était à faire effectivement et on a fait beaucoup, en franchissant
des étapes difficiles, en empruntant des chemins qui n'ont pas toujours été
commodes.
Il y a eu des tentations de rupture, des crises, et il y a eu finalement cette
prise de conscience. Elle s'est ajoutée, jour après jour, au sentiment que nous
pouvions avoir dans les premiers temps de la construction européenne - nous
étions très près de la guerre - de dominer les haines et les peurs de
l'instant, pour aller de l'avant.
Nous abordons cette nouvelle étape - c'est presque naturel - dans un climat
qui a souvent présidé à nos discussions et qui suscite entre nous - il faut le
dire en cet instant - un certain nombre de divergences, non pas sur l'objectif
final mais au moins sur les modalités nécessaires.
Nous le savons, si demain nous voulons ratifier le traité d'Amsterdam -
certains se demandent s'ils le feront, ce qui est une question légitime -, il
nous faut modifier la Constitution en vertu d'une disposition constitutionnelle
à laquelle nous ne pouvons nous dérober.
Mais, si l'on y réfléchit bien, le caractère relativement paradoxal de cette
disposition constitutionnelle apparaît. Il suffit, pour s'en rendre compte,
d'en énumérer les étapes. Elles sont simples et elles comportent en elles-mêmes
une vertu contraignante à laquelle nous sommes en cet instant confrontés.
Le Gouvernement s'engage par un traité, il y fait figurer des dispositions
dont il ne peut ignorer le caractère non constitutionnel ; à sa demande, cette
inconstitutionnalité est constatée par le Conseil constitutionnel.
La route de Versailles est ouverte...
M. Paul Loridant.
Une autoroute !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... à la condition toutefois que la
révision soit votée.
C'est peut-être effectivement une route à quatre voies ; nous l'avons déjà
empruntée pour le traité de Maastricht, pour le traité de Schengen, et la
répétition de cette procédure est préoccupante.
Elle entraîne inévitablement une certaine confusion dans la portée du débat :
de quoi s'agit-il, de la Constitution, que l'on veut réviser, ou du traité, que
certains d'entre nous souhaitent accepter ?
Il ne faut pas se le dissimuler, cette répétition provoque inévitablement une
certaine impression de fragilité constitutionnelle. Cet édifice fondamental de
notre droit ne le demeurera que s'il dispose d'une certaine pérennité.
Si, demain, nous devons aborder une nouvelle étape de la construction
européenne, faudra-t-il envisager de suivre la route que nous aurons déjà
empruntée ou bien ne faudra-t-il pas peut-être, mais c'est là un énorme
problème, envisager une insertion permanente dans nos règles constitutionnelles
de l'ensemble communautaire ?
Quoi qu'il en soit, à ce stade du débat, je voudrais non seulement exprimer
l'approbation que, bien évidemment, je porte sur le travail remarquable
accompli par notre rapporteur, mais également souligner les raisons qui, dans
le climat qu'il a parfaitement décrit, ont conduit la commission des lois à
proposer un vote conforme.
Nous sommes la majorité sénatoriale et nous souhaitons, je crois que c'est
important, conforter par notre vote, non pas celui de la majorité de
l'Assemblée nationale, mais celui auquel ont participé positivement nos
collègues de l'opposition à l'Assemblée natinonale.
Cette position, nous le savons, il n'a pas été commode pour eux de l'adopter.
Ils ont manifesté des inquiétudes légitimes et cette question ne peut pas être
éludée. Nous aurons l'occasion d'en parler.
Le problème est simple et nos divergences sont claires et honorables.
Engageons-nous la France dans une sorte de processus qui aboutirait
inévitablement, comme certains le craignent, à une sorte de disparition qui
viendrait la frapper, en tant qu'Etat et en tant que nation ?
Puis-je dire que ceux qui font le choix aujourd'hui de l'approbation et donc
du vote conforme du texte qui nous vient de l'Assemblée nationale ne le pensent
pas ?
Il n'y a pas parmi nous, quel que soit le choix de chacun, je ne sais quelle
volonté d'abdication. Mais nous savons que la construction européenne suppose,
pour tous ceux qui y participent, une certaine confiance, une certaine volonté
commune, dans des domaines qui deviendront de plus en plus importants.
Compte tenu du débat qui est le nôtre et des questions que nous nous posons,
j'en viens à me demander si nous avons pris nettement conscience de la
véritable révolution que nous avons précédemment adoptée.
M. Paul Loridant.
Nous, nous en avons pris conscience !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Chacun a sa conscience pour lui !
Cette véritable révolution que nous avons adoptée, n'est pas simplement
monétaire, mais elle est authentiquement culturelle.
A partir du moment où nous aurons une monnaie commune...
MM. Charles Ceccaldi-Raynaud et Charles Pasqua.
Unique !
Mme Hélène Luc.
Il a dit « commune » !
M. Paul Loridant.
Ce n'est pas la même chose !
M. Charles Pasqua.
Expliquez-nous cela, monsieur Loridant ?
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je veux dire une monnaie unique. Je
vous remercie de me signaler cette erreur : j'avais la volonté de dépasser la
monnaie commune pour participer à la monnaie unique.
Mes chers collègues, nous avons eu des divergences lors de l'adoption du
traité de Maastricht.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Cela oui !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Bon nombre de ceux qui les avaient
exprimées ont su les surmonter.
Au-delà de ce que nous déciderons aujourd'hui, demain, nous le savons, nous
devrons nous rassembler.
Une élection européenne nous attend. Nous nous y déterminerons, et nous
exprimerons nos choix, non seulement - et nous le savons bien - en fonction de
l'Europe que nous voulons, mais aussi en fonction des problèmes d'ensemble
auxquels nous souhaitons tous ensemble apporter des solutions différentes de
celles qui nous sont proposées aujourd'hui.
Je n'ai pas apprécié, pour ma part, que certains croient bon de se livrer à
une sorte d'ostracisme sur tel ou tel d'entre nous.
Je respecte pour ma part les choix de chacun, j'émets le voeu qu'au-delà de
nos divergences d'aujourd'hui, demain nous sachions nous rassembler.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur
le ministre, mes chers collègues, notre débat aujourd'hui a de la hauteur.
D'abord, parce que, comme toute révision constitutionnelle, il situe le Sénat
au sommet de ses droits et de ses prérogatives.
M. Charles Pasqua.
Très bien !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Ensuite parce qu'il
constitue le préalable indispensable à la ratification d'un traité qui prendra
place, quelles qu'en soient les faiblesses, dans l'histoire des accords qui ont
jalonné la construction européenne.
Je remercie très vivement notre commission des lois constitutionnelles - et,
en premier lieu, son président et son rapporteur - de la très grande qualité de
leurs travaux qui éclairent parfaitement, sur un sujet délicat où la passion ne
doit pas l'emporter sur la raison, les délibérations de notre Haute
assemblée.
J'ai toutefois tenu à redire aujourd'hui brièvement à cette tribune les
raisons essentielles pour lesquelles j'ai déjà eu l'occasion de plaider devant
notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées en
faveur de la ratification du traité d'Amsterdam.
Beaucoup de temps a été perdu, sans aucun bénéfice ni pour l'Europe, ni pour
la France. Notre pays sera ainsi, selon toute vraisemblance, le dernier des
quinze Etats membres à accomplir un geste nécessaire qui ne mérite, selon moi,
ni excès d'honneur ni indignité.
Je souhaite en effet que l'enjeu du traité d'Amsterdam soit évalué sereinement
et apprécié à sa juste mesure, sans être mésestimé ni gratuitement dramatisé.
Le débat ainsi abordé, sa conclusion ne me paraît devoir faire aucun doute : le
traité qui nous est proposé doit être ratifié, sans enthousiasme, compte tenu
des lacunes qui le caractérisent, mais avec résolution, compte tenu des
dispositions positives qu'il contient. Il comporte, en effet, grâce en
particulier aux efforts de la diplomatie française - et je tiens à remercier à
cet égard M. Michel Barnier - des évolutions positives et des progrès réels.
C'est le cas dans le domaine des politiques communes, où l'intégration du
protocole social au traité et le nouveau titre sur l'emploi sont des premiers
pas appréciables pour conforter la dimension sociale de l'Union et lui
permettre de mieux conjuguer les objectifs économiques et des préoccupations
plus proches des citoyens.
C'est le cas aussi dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité
commune, où, malgré certaines timidités, le traité d'Amsterdam permet d'aller
de l'avant, avec notamment des stratégies communes, une unité de planification
et un haut représentant qui pourrait contribuer à doter la politique étrangère
et de sécurité commune, la PESC, d'une voix et d'un visage.
C'est le cas, enfin et surtout, dans le domaine du troisième pilier, relatif à
la justice et aux affaires intérieures, qui est précisément le domaine où les
avancées du traité d'Amsterdam sont les plus significatives.
Je souhaiterais insister en particulier sur la communautarisation progressive
des politiques liées à la circulation des personnes - asile, visas,
immigration... - qui justifient la révision constitutionnelle qui nous est
soumise aujourd'hui. Permettez-moi de formuler à cet égard quatre
observations.
En ce qui concerne la première, je peux comprendre le souci de ceux qui
préféreraient une sorte de clause générale d'habilitation européenne aux
révisions constitutionnelles spécifiques qui nous sont désormais imposées,
contrairement à la plupart de nos partenaires, après chaque avancée européenne
d'envergure. Il est vrai qu'une telle révision générale marquerait de façon
spectaculaire et durable l'engagement européen de la France.
M. Paul Loridant.
Européiste !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Mais je crois aussi
que ces débats constitutionnels successifs, par leur solennité même, peuvent
être l'occasion de débats très utiles sur l'Europe pour mieux éclairer les
Français sur les enjeux et les progrès de la construction européenne.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Le référendum nous aurait en effet éclairés !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Ma deuxième
observation portera sur la disposition même qui justifie la présente révision,
à savoir la possibilité ouverte par le traité, après un délai d'au moins cinq
ans, de passer de l'unanimité à la majorité qualifiée dans certains domaines
relatifs à la libre circulation des personnes.
La France a beaucoup oeuvré à l'aboutissement des négociations sur ce point
pour assurer une plus grande sécurité des citoyens en Europe en luttant plus
efficacement à quinze contre des phénomènes qui, chacun le sait, ne connaissent
pas les frontières. La majorité qualifiée est un gage d'efficacité,
particulièrement nécessaire dans une matière comme la sécurité où l'action doit
être collective.
A contrario,
l'unanimité réduit nécessairement l'action
commune au plus petit dénominateur commun, fût-il imposé par le plus laxiste ou
le plus petit, comme on a pu le voir dans le domaine de la lutte contre la
drogue.
Il s'agit donc non pas - ce sera ma troisième observation - d'abdiquer notre
souveraineté nationale, ...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Si !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
... mais, au
contraire, de reconquérir au travers de l'Europe une véritable maîtrise dans
bien des domaines où le fait d'agir seuls nous condamnerait à l'impuissance.
L'Europe ne nous affaiblit pas. Elle doit être au contraire elle est déjà un
amplificateur de puissance sans égal pour les nations qui la composent. Je
crois, mes chers collègues, que, tout en prenant les précautions nécessaires,
nous devons prendre garde de polariser à l'excès nos débats sur les transferts
de souveraineté, d'ailleurs limités, proposés par le traité au risque d'oublier
les vraies questions qu'il pose, je l'ai dit bien souvent, à savoir l'absence
de réforme institutionnelle ; c'est pour moi le point le plus grave.
Ma dernière observation enfin a trait au légitime renforcement des
prérogatives du Parlement dans le domaine communautaire, dont la présente
révision constitutionnelle fournit l'occasion. L'extension du champ
d'application de l'article 88-4 me paraît en particulier tout à fait naturelle
pour permettre une meilleure information et un meilleur contrôle du Parlement.
Je souhaite que députés et sénateurs soient ainsi mieux à même de connaître,
d'apprécier et de faire comprendre à nos concitoyens des textes communautaires
qui, chacun le sait, occupent une place sans cesse croissante.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Ils le savent !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Ils doivent aussi
être en mesure de critiquer et d'alerter notre Gouvernement sur des
propositions inadaptées. Les garde-fous nécessaires doivent donc être prévus,
avec pour objectif d'améliorer la législation communautaire, mais non de la
bloquer. Veillons donc à ne pas créer des mécanismes qui auraient en réalité
pour objet ou pour résultat de multiplier les obstacles sur la voie de
l'élaboration des normes communautaires.
Je voterai donc la révision constitutionnelle indispensable à la ratification
par la France du traité d'Amsterdam. Mais l'autorisation de cette ratification
par le Parlement devra être l'occasion pour notre pays de marquer
solennellement l'importance cruciale d'une véritable réforme institutionnelle
de l'Union européenne, menacée de paralysie par ses élargissements
successifs.
Car le traité d'Amsterdam, sur ce point - le plus important -, a failli à ses
objectifs qui figuraient, pourtant, au premier rang des missions de la
Conférence intergouvernementale.
Chacun sait que la marche de la Communauté est déjà devenue très laborieuse à
quinze avec des institutions conçues pour six pays. Qu'en serait-il à vingt ou
vingt-cinq, lorsqu'un simple tour de table au Conseil n'exigera pas moins de
quatre heures ? Tel est le principal problème auquel devra faire face, demain,
l'Union européenne. Nous le savons. Nous devons y répondre ! Elargir dans les
conditions actuelles serait faire le choix de la paralysie. Personne n'y a
intérêt, sauf ceux qui spéculent sur le recul de l'Union, la dilution de ses
politiques communes et sa réduction à une simple zone de libre-échange.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Oui !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Merci.
La réforme des institutions constitue donc une incontestable priorité avant
tout nouvel élargissement. La France, l'Italie et la Belgique l'ont affirmé
dans une déclaration annexée au traité d'Amsterdam. C'est un premier pas. Il
est insuffisant.
Nos objectifs sont connus.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Ils le sont, en effet !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Ils sont pragmatiques
: renforcer la collégialité de la Commission, faciliter l'extension de la
majorité qualifiée qui, pour le premier pilier, devrait devenir la règle et non
plus l'exception, et établir un nouveau système de pondération des voix, plus
juste et plus efficace.
Comment y parvenir ? Nous devons d'abord saisir l'occasion de la ratification
du traité d'Amsterdam pour réaffirmer, monsieur le ministre, cette exigence.
J'ai plaidé, il y a déjà six mois, devant la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées, pour l'adjonction
exceptionnelle d'un article 2 au projet de loi de ratification. Cet article
devrait être élaboré par le Gouvernement en concertation avec le Parlement pour
bénéficier du soutien le plus large possible.
Je me réjouis, monsieur le ministre, de l'accord que vous avez donné à une
telle démarche. Nous ne devons pas, je crois, mésestimer la valeur que pourrait
avoir un tel article 2. Il aurait juridiquement force de loi. Et,
politiquement, un tel texte, engageant le Gouvernement vis-à-vis du Parlement,
conforterait la position du gouvernement français dans les négociations qui
s'engageront vis-à-vis de nos partenaires. Souvenons-nous de la portée qu'avait
eu, en son temps, l'adjonction faite par le Parlement allemand, hélas ! en
1963, au traité de l'Elysée...
Rien ne sera pour autant acquis avec l'adoption de cet article additionnel.
Nous devrons ensuite élargir le cercle de nos soutiens à cet objectif d'une
véritable réforme institutionnelle. Certains progrès semblent avoir été faits à
cet égard, sur le plan des positions de principe, depuis la déclaration
franco-italo-belge. Il reste à passer aux actes.
Cela supposera non seulement de clarifier et de faire partager à nos
partenaires notre propre conception de la réforme, mais encore de choisir le
bon moment pour cette négociation institutionnelle préalable à l'élargissement.
Il faudra enfin, sans doute, prendre l'initiative de proposer une méthode
susceptible d'être plus efficace que celle de la Conférence
intergouvernementale, qui a montré ses limites.
Pour le moment, il nous appartient de montrer que la France, à l'heure du
choix, est prête, une fois encore, à faire celui de l'espérance, celui d'une
Union européenne ouverte sur l'avenir, et à rejeter la frilosité d'un pays
affaibli et replié sur lui-même.
Monsieur le président, mes chers collègues, le Sénat n'a jamais jusqu'ici
marchandé son soutien à l'oeuvre historique que constitue la construction
européenne.
Mme Hélène Luc.
Ça c'est vrai !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Ne brisons par l'élan
! Je suis convaincu qu'une fois encore la Haute Assemblée fera le choix de
l'avenir.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées socialistes et du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Barnier, président de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne.
M. Michel Barnier,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Monsieur le
président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers
collègues, l'examen par la Haute Assemblée de ce projet de révision de la
Constitution me donne l'occasion, dans un premier temps, de dire mon sentiment
sur le traité d'Amsterdam lui-même, qui impose et justifie cette révision, et
sur les enjeux de sa ratification.
Mais, dans un second temps, je réfléchirai à l'occasion qui nous est donnée
grâce à cette révision - occasion que nous ne devrions pas manquer - de rendre
plus démocratique, plus proche des gens, l'Europe qui se construit, cette
ambition étant indissociable d'une ambition plus haute : celle de construire
désormais l'Europe politique !
Evoquons d'abord la révision de la Constitution, passage obligé vers la
ratification du traité d'Amsterdam. « Passage obligé » est en effet la formule
qui me vient immédiatement à l'esprit, madame le garde des sceaux, monsieur le
ministre, tant la démarche du Gouvernement est apparue depuis des mois comme
ployant sous la contrainte.
Contrainte du temps d'abord ; en effet, le temps presse puisque, comme vient
de le rappeler M. de Villepin, la France sera probablement bonne dernière à
mettre en oeuvre, à la veille de Noël, son processus de ratification.
Contrainte politique ensuite ; le Gouvernement, permettez-moi de vous le dire
franchement, donne l'impression de transporter ce projet sous le manteau, et il
a pour l'heure dépensé davantage d'efforts à ne rien revendiquer - ou quasiment
rien - du traité d'Amsterdam qu'à susciter l'adhésion à son sujet.
Et pourtant, nous sommes nombreux ici, madame le garde des sceaux, monsieur le
ministre, souvenez-vous en, à avoir fait preuve d'une autre ardeur à l'époque
pour expliquer et défendre le traité de Maastricht que nous n'avions pourtant
ni négocié ni signé.
Est-ce pour les mêmes raisons que vous nous invitez, madame, monsieur le
ministre, à tailler, aujourd'hui, à la sauvette, dans la belle robe de la
Constitution de 1958 ? Une retouche par-ci, pas de retouche par-là, et le tour
serait joué...
Belle robe certes, mais vingt fois recousue, un peu comme les traités
fondateurs de l'Union européenne confèrent cette impression d'être cent fois
ravaudés. Au risque d'égratigner notre tradition juridique, je crois qu'il faut
s'interroger - je ne suis pas le premier à le faire ici - sur la double logique
qui conduit, d'une part, à mettre notre Constitution en chantier si souvent et,
d'autre part, à laisser les traités européens devenir ce magna juridique
indescriptible.
A cet égard - M. le président Larché l'a fait tout à l'heure, comme M. le
rapporteur et M. de Villepin - il y a peut-être lieu d'étudier, à l'échelon
national, la possibilité - c'est une possibilité qu'approuverait alors le
peuple, et lui seul - d'adapter durablement notre Constitution aux transferts
de compétences impliqués par notre participation à l'Union européenne. C'est
d'ailleurs ce que pratique sans état d'âme l'Allemagne, par exemple.
Sur le plan européen, il y a peut-être lieu aussi d'appeler à une politique de
codification accrue conduisant - pourquoi pas ? Philippe Séguin l'a évoqué
l'autre jour - à une véritable constitution européenne à laquelle les citoyens
comprendraient enfin quelque chose.
Vous l'avez compris, mes chers collègues, après ces quelques mots, nous
souhaitons - nous sommes nombreux, sans doute unanimes, à le souhaiter - que se
déroule ici et maintenant un véritable débat, sans outrance et sans tabou, sur
le traité d'Amsterdam et les conditions de sa ratification. Ni la démocratie,
ni l'idéal, ni même votre gouvernement n'ont quoi que ce soit à gagner à
escamoter ce débat.
Certes, monsieur le président, mes chers collègues, ce traité n'a rien pour
déchaîner l'enthousiasme,...
MM. Charles Ceccaldi-Raynaud et Paul Masson.
Ah ?...
M. Michel Barnier,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
... mais la
chose est rare en matière européenne.
Néanmoins, et c'est bien là l'essentiel, permettez-moi de le dire avec
humilité mais aussi avec conviction, ce traité possède quelques solides
qualités qu'il serait injuste de passer sous silence.
En fait, pour essayer de les embrasser d'une seule formule, je dirai que le
traité d'Amsterdam solde les critiques de l'après-Maastricht.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Tiens ?...
M. Michel Barnier,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
On nous
disait que la construction européenne s'était enfermée dans une logique
exclusivement économico-monétaire ; voilà un traité qui ne parle que de
politique !
On nous disait que l'Union européenne était devenue sourde aux réalités
sociales, qu'elle consacrait la loi du plus fort ; voilà un traité qui intègre
le protocole social dans le socle des règles communes, qui reconnaît les
missions de services publics - et je peux témoigner que nous l'avons obtenu
grâce à la détermination du Président de la République et du Premier ministre
Alain Juppé - voilà encore un traité qui protège les régions faibles et
périphériques, tels nos départements d'outre-mer.
On nous disait que la politique étrangère et de sécurité commune, à peine
enfantée à Maastricht, était déjà morte à Sarajevo ; voilà un traité qui la
dote de nouveaux outils stratégiques, de nouvelles procédures de décision, d'un
haut représentant - vous l'avez évoqué monsieur Moscovici - la voix et le
visage de l'Union.
Il y aura désormais un tableau de bord de la politique étrangère et un pilote
devant ce tableau de bord. Je fais observer, mes chers collègues, qu'il n'est
pas indifférent pour l'idée que nous nous faisons de l'Europe politique que ce
tableau de bord et ce pilote se trouvent placés sous l'autorité du Conseil
européen, conseil des chefs d'Etat et de Gouvernement et, naturellement, aux
côtés du conseil des ministres, c'est-à-dire là où se situe réellement la
légitimité démocratique, le lieu de l'impulsion politique, ce qui n'exclut
d'ailleurs pas que ce haut représentant travaille, comme ce sera nécessaire, en
cohérence avec la Commission, notamment pour la mise en oeuvre des crédits très
importants qu'elle gère pour l'action extérieure de l'Union.
On nous disait que l'Union européenne se fichait de l'emploi. Celui-ci est,
aujourd'hui, au coeur de la problématique européenne, comme on l'a vu à Vienne
sous l'impulsion commune du Président de la République, du Premier ministre et
du chancelier Schroeder. Rappelons que c'est Jacques Chirac, qui, le premier,
en a exprimé le souhait dans le mémorandum pour le modèle social européen.
On nous disait enfin que l'Union européenne serait incapable de réagir face
aux menaces contre sa sécurité intérieure, qu'elle serait inévitablement
débordée à ses frontières extérieures, que les « nouveaux barbares »
préparaient l'invasion. Non seulement le cataclysme n'a pas eu lieu, mais voilà
un traité qui donne une véritable impulsion aux politiques dites du troisième
pilier - sécurité, police, justice, immigration - et fait naître l'espoir d'une
réponse efficace et commune.
Voilà pour le traité d'Amsterdam. Il est simplement, ce n'est pas si mal, une
étape positive dans la construction de l'Europe, et nous souhaitons, dans notre
grande majorité, que la France franchisse cette étape sans tarder davantage.
Permettez-moi maintenant, avec un peu plus de liberté, au-delà de la mission
qui est la mienne à la tête de la délégation, de vous livrer mon sentiment non
seulement sur ce traité - que je connais bien pour l'avoir négocié presque
jusqu'au bout - mais aussi sur l'opportunité, peut-être historique, qu'il nous
offre de changer notre rapport à la politique européenne.
Oui, c'est vrai, le traité d'Amsterdam n'apporte pas de réponse de fond au
risque de blocage des institutions européennes : raison de plus pour redoubler
d'efforts dans ce sens.
Non, il est faux de prétendre que le traité d'Amsterdam engendrerait une sorte
de super Etat européen. Il recrée simplement, pour la sécurité des citoyens,
une capacité d'agir mieux ensemble qu'en restant chacun chez soi, chacun pour
soi.
Que personne ne se trompe pourtant ! Je le dis à tous ceux qui voudront
l'entendre : si cette politique commune, un jour communautaire, de la sécurité
est mise en oeuvre dans des conditions à la fois sérieuses, efficaces et
satisfaisantes pour la démocratie, les élus du Rassemblement pour la
République, dans leur très grande majorité, la soutiendront sans réserve.
Quel que soit votre souci d'aller vite, monsieur le ministre - trop vite, me
semble-t-il - quelles que soient la prudence de certains et l'habileté de
quelques autres, on aurait tort, sur ce sujet européen, de chercher - parce que
ce serait en vain - à mettre le groupe du Rassemblement pour la République dans
un coin, comme s'il devait être le mauvais élève de la classe européenne.
Au contraire, puisque l'Assemblée nationale, saisie de vertige majoritaire,
s'est contentée bien rapidement de la « petite réforme » que vous nous
soumettez aujourd'hui, n'est-ce pas à nous, mes chers collègues, au-delà de tel
ou tel groupe, ensemble, ici et maintenant au Sénat, d'avoir de l'ambition pour
le Parlement tout entier ?
L'histoire, d'ailleurs, se répéterait si nous y parvenions, madame le garde
des sceaux, monsieur le ministre : déjà, lors du processus de ratification du
traité de Maastricht, on attendait, on souhaitait que le Parlement enregistre à
la va-vite les modifications constitutionnelles comme une lettre à la poste, et
c'est du Sénat qu'est venue cette première avancée démocratique que constitue
le vote de résolution sur les actes et projets d'actes communautaires.
Notre délégation a beaucoup discuté. Elle l'a fait, d'ailleurs, dans le
prolongement des travaux et des débats lancés voilà plusieurs mois par les
rapports de nos collègues MM. Pierre Fauchon, Lucien Lanier, Christian de La
Malène et Jacques Genton. Nous avons eu une discussion ouverte sur plusieurs
propositions d'amendements que je m'étais permis de suggérer. Finalement, nous
proposerons trois amendements qui devraient, en toute logique, être ceux du
Sénat tout entier, et qui seront soutenus par nos collègues Patrice Gélard et
Paul Masson.
Ces propositions sont raisonnables ; elles sont porteuses de plus de
démocratie et elles verront le jour tôt ou tard, permettez-moi de vous le
dire.
Je suis même prêt à parier, madame le garde des sceaux, quoi que vous ayez dit
tout à l'heure, s'agissant du troisième amendement, qui suscite le plus de
débat et qui consisterait à prévoir que, dans cinq ans, une loi autorise le
Gouvernement à passer de l'unanimité à la majorité qualifiée, c'est-à-dire à
renoncer à son droit de veto sur une partie de la politique du troisième
pilier, c'est-à-dire sur la communautarisation de Schengen, je suis prêt à
parier, que dis-je, quel que soit le gouvernement à cette époque, cette
décision sera précédée au Sénat et à l'Assemblée nationale d'un débat et d'un
vote que nous demandera le Gouvernement après nous avoir proposé le projet de
politique communautaire.
Madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, je vous le dis avec
beaucoup de respect, vous avez eu tort tout à l'heure de caricaturer ces
amendements. Lorsque le traité ne prévoit pas expressément de procédure
d'approbation nationale, c'est-à-dire lorsque ne s'applique pas le fameux
article K 14, qui est devenu l'article 42, cela signifie simplement que la
décision devient exécutoire dès que le Conseil l'adopte.
En revanche, le processus interne selon lequel un Etat, un gouvernement se
détermine pour le vote de son représentant à Bruxelles reste de la compétence
de chaque Etat.
Ne vous faites pas peur à vous-même et, de grâce, n'évoquez pas quelque
mauvais signal que nous donnerions à nos partenaires. C'est une fable !
Regardons autour de nous.
Au Danemark, le
Folketing
peut donner un mandat au ministre compétent.
En Allemagne, le
Bundesrat
peut prendre une décision contraignante pour
le ministre si l'on se trouve dans le domaine des compétences exclusives des
länder.
Aux Pays-Bas, c'est une disposition que vient de voter le
parlement à propos du traité d'Amsterdam, la deuxième chambre peut désormais
user d'un pouvoir d'approbation si cela entre dans les domaines transférés, par
le traité d'Amsterdam, du troisième pilier au premier pilier.
Donc, je vous en prie, pas de caricature ! Examinons ces amendements pour ce
qu'ils sont, c'est-à-dire raisonnables et somme toute assez modestes, même
s'ils sont significatifs.
Cependant, si ces amendements devaient ne pas être adoptés, je pense que nous
aurions tous à le regretter, et peut-être plus tôt que prévu. Le Gouvernement
regretterait sans doute un jour de n'avoir pas fait confiance au Parlement, et
le Parlement surtout regretterait de ne pas s'être fait confiance à
lui-même.
Après vous avoir écoutés attentivement, madame le garde des sceaux, monsieur
le ministre, nous n'arrivons toujours pas à comprendre pourquoi il serait
dangereux, ou mauvais, ou grave que le Parlement soit pleinement associé à la
conduite au jour le jour de la politique du Gouvernement.
Nous n'arrivons pas à comprendre pourquoi vous refusez que soient transmis au
Parlement tous les documents qui sont nécessaires à son travail de législateur,
et pourquoi vous refusez qu'il se prononce, alors qu'il a précisément été élu
pour cela.
Comme j'ai eu la chance et l'honneur d'être député puis membre du
Gouvernement, je peux bien dire que vous commettez un erreur en ne faisant pas
davantage confiance au Parlement. C'est une erreur de ne pas vous entourer de
ce conseil, de cet avis, de cette contribution que peuvent apporter des
parlementaires, qui sont sur le terrain, en vue de l'élaboration, quand il en
est encore temps, de certains textes européens, de certaines directives.
Si de telles procédures d'avis et de consultation modernes avaient été prévues
à l'époque, je ne suis pas certains que nous aurions de telles difficultés
aujourd'hui pour appliquer telle directive sur la qualité de l'eau, telle
directive sur le traitement des déchets ménagers, telle directive sur la
chasse. A propos de la chasse, je vous ai interpellé plusieurs fois pour vous
prévenir des difficultés que nous allions rencontrer compte tenu du manque
d'anticipation dont fait preuve votre gouvernement sur cette question.
Je ne suis donc pas certain que, sur tous ces textes - mais je pourrais en
citer d'autres - notre pays connaîtrait aujourd'hui les mêmes difficultés
d'application concrète si le Parlement avait été, à l'époque, mieux associé.
Alors, tenons compte de ces erreurs ou de ces insuffisances et apportons les
correctifs nécessaires, puisque nous en avons la possibilité.
Permettez-moi, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, de vous poser
une question : sincèrement, en conscience, les propositions que nous soutenons
vous choquent-elles vraiment ? Etes-vous donc à ce point attachés, cramponnés,
à la Ve République qu'il vous faille refuser de l'adapter à la réalité ? Ou
seriez-vous victimes, vous aussi, de cet archaïsme - je pèse le mot - qui fait
croire que la politique européenne de la France serait toujours de la politique
étrangère, et que sa conduite appartiendrait exclusivement et pour l'éternité
au chef de l'Etat, au Gouvernement, le Parlement faisant figure de simple
témoin ?
Soyons sérieux ! La politique agricole, les transports, les échanges
commerciaux, monétaires, industriels, ce serait donc de la politique étrangère
?
L'environnement, la chasse, la santé, les normes de sécurité, ce serait encore
de la politique étrangère ?
L'immigration, les visas, la justice, la sécurité des personnes, ce serait
toujours de la politique étrangère ?
Non, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, cela ne peut plus durer
ainsi, alors que, partout ailleurs en Europe, républiques ou monarchies, Etats
fédéraux ou Etats unitaires, régimes parlementaires ou non, la politique
européenne a cessé d'être - plus que chez nous - la seule affaire des
diplomates, des fonctionnaires et des ministres.
Mes chers collègues, m'adressant au Gouvernement mais aussi à certains d'entre
vous, je veux dire que ce serait une erreur que de rejeter ce texte pour aller
vite, pour se décerner je ne sais quel brevet de « plus européen que moi, tu
meurs ». Oui, ce serait certainement une erreur.
Personne ne peut mettre en cause l'attachement qui est le mien et la
combativité qui restera la mienne pour construire une Europe plus intégrée et
plus politique. Je crois sincèrement, je le répète, que ce serait une erreur de
manquer cette nouvelle occasion de rapprocher un peu plus et un peu mieux les
citoyens de l'Europe et de leurs représentants.
Ce serait d'ailleurs la deuxième erreur que nous commettrions. En effet, le
Gouvernement, par manque de détermination, s'est déjà heurté à la conjonction
de plusieurs conservatismes ; je veux ici parler du refus d'élaborer un nouveau
mode de scrutin pour l'élection des députés européens.
M. Claude Estier.
Oh !
M. Paul Loridant.
Alors, faisons l'Europe des régions !
M. Michel Barnier,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Le traité
d'Amsterdam est utile, mais il est aussi insuffisant. Il faut le ratifier, et
il faut le dépasser.
Je conclurai en évoquant la direction que nous devons prendre après l'avoir
ratifié et dépassé.
C'est le débat sur l'Europe politique que je vise ici, car c'est ce débat
qu'il faut amplifier.
En vérité, mes chers collègues, ce débat n'a fait que commencer à
Amsterdam.
Puis-je le dire, en tant que l'un des acteurs de cette négociation, il était
sans doute trop tôt, et l'effort qu'impliquait l'entrée dans la monnaie unique
pour chaque pays, à cet instant de la négociation d'Amsterdam, était trop
proche dans le temps et trop exigeant pour aller au-delà.
Comme l'a d'ailleurs dit un jour Raymond Barre, en homme d'expérience, «
l'Europe ne peut faire bien qu'une seule chose à la fois ».
M. Christian Poncelet.
Elle s'occupe de l'euro !
M. Michel Barnier,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Mes chers
collègues, l'Europe politique, ce n'est pas seulement une union qui fonctionne
bien ou mieux, avec une Commission efficace, collégiale, un système de vote
plus juste, plus représentatif du poids et de la population de chaque Etat, et
le vote unanime réservé aux sujets les plus graves. Je rejoins sur ces trois
points M. de Villepin.
L'Europe politique, c'est une union qui veut « faire de la politique »,
développer une action extérieure commune, construire une identité de défense
qui lui soit propre.
Mes chers collègues, prenons garde : si cette volonté faisait défaut, personne
ne devrait alors s'étonner que l'organisation politique de notre continent se
fasse dans le seul cadre de l'OTAN, c'est-à-dire sous l'égide des Américains.
C'est là le véritable enjeu.
Voulons-nous, pour le prochain siècle, d'une Europe européenne, alliée et
solidaire des Etats-Unis, mais européenne, c'est-à-dire indépendante et
souveraine ?
Oui, et c'est au nom de cette ambition que nous avons été nombreux, sur toutes
les travées, à approuver la création de l'euro, parce que la monnaie unique est
bientôt, est déjà un instrument de notre indépendance.
Mais jamais notre idée, jamais notre idéal européen ne se résumeront à un
marché et à une monnaie. A nos yeux, la monnaie et le marché ne pouvaient que
précéder l'union politique, sans laquelle ils n'auraient pas de sens
durable.
C'est donc maintenant, et au plus tard en l'an 2000, qu'il faut réussir la
réforme des institutions européennes, en toute hypothèse avant que ne s'engage
l'élargissement vers l'Europe centrale, orientale et baltique. A cet égard, si
je vous ai bien compris, le Gouvernement rédigera un article additionnel au
projet de loi de ratification du traité d'Amsterdam.
Qui donnera cette impulsion politique ? Qui permettra à l'Union de devenir
progressivement une puissance au moment où elle accueillera de nouveaux membres
?
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
L'Etat !
M. Michel Barnier,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Qui donnera
cette impulsion politique ? Le Royaume-Uni s'y prépare. C'est ainsi qu'il faut
entendre, mes chers collègues, le récent discours de Tony Blair sur la
défense.
M. le président.
Mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir conclure.
M. Michel Barnier,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Je conclus
en vous remerciant de votre compréhension, monsieur le président.
Comme l'a proposé et voulu le Président de la République, nous devons prendre
notre part et jouer notre rôle dans la nouvelle dynamique qui se dessine. Pour
cela, l'Allemagne et la France doivent mieux travailler ensemble.
Vers cette union politique, notre pays, partenaire des plus grands, doit, mais
sans arrogance à l'égard des plus petits, entraîner, convaincre, et d'abord
proposer.
Madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, vous avez exprimé assez
souvent depuis quelques semaines votre grande joie que tant de gouvernements
soient issus, en ce moment, d'une majorité social-démocrate. Une joie telle,
d'ailleurs, que l'ancien Premier ministre socialiste a osé parler d'Europe de
gauche, comme si l'Europe était de gauche, de droite ou du centre.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Bien sûr que non !
M. Michel Barnier,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Je veux
souhaiter que votre gouvernement, au-delà des timidités qui sont les siennes ou
des habiletés que démontre le débat d'aujourd'hui, sache lui aussi entraîner et
convaincre les autres gouvernements dont vous vous dites si proches, pour
construire avec nous cette Europe politique et indépendante, cette Europe unie
des Etats, comme l'a dit récemment le Président de la République.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
6
RAPPEL AU RÈGLEMENT
Mme Hélène Luc.
Je demande la parole pour un rappel au réglement.
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Mon intervention se fonde sur l'article 36 de notre règlement.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes
chers collègues, nous apprenons à l'instant que des frappes américaines
viennent de se produire en Irak.
Ce fait est grave, car un embrasement du Moyen-Orient est maintenant à
redouter.
Nous attendons du Gouvernement qu'il informe la représentation nationale. Je
vous demande donc, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, de nous
fournir les explications nécessaires.
Quant à nous, nous protestons solennellement, car ces frappes ont eu lieu
alors même que le Conseil de sécurité est réuni pout tenter de trouver une
solution pacifique. Nous protestons énergiquement.
(Applaudissements.)
M. Charles Pasqua.
Que dit le Gouvernement ?
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Les communistes sont applaudis !
7
MODIFICATION DES ARTICLES 88-2 ET 88-4
DE LA CONSTITUTION
Suite de la discussion
d'un projet de loi constitutionnelle
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 92,
1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant les articles 88-2 et
88-4 de la Constitution.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 45 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes
chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner le projet de
révision constitutionnelle rendu nécessaire par la décision du Conseil
constitutionnel, qui a estimé que le traité d'Amsterdam contenait des
dispositions exigeant une révision de la Constitution.
Ce n'est ni en spécialiste du droit communautaire ni en exégète du traité
d'Amsterdam que j'entends, au nom du groupe du RPR, m'exprimer maintenant. Ce
n'est pas non plus en tant que porte-parole d'un programme ou en fonction
d'échéances électorales que je m'exprimerai. Je tiens seulement à attirer votre
attention sur le fait que nous discutons d'une révision constitutionnelle ;
c'est donc sur le plan constitutionnel que je vais me situer.
Par deux fois déjà, nous avons été tenus de réviser notre loi fondamentale, en
1992, pour permettre la ratification du traité de Maastricht et, en 1993, de
Schengen. Nous n'avons pas fait, alors, ce qu'il aurait fallu faire : nous
avons continué de bâtir la construction européenne en utilisant les règles de
ratification des traités vieilles de près de deux siècles. En d'autres termes,
nous continuons d'utiliser les outils du maréchal-ferrant pour réparer une
formule 1.
Les traités qui ont édifié, les uns après les autres, l'Union européenne,
depuis le traité de Rome de 1957, ont été ratifiés selon les règles de
ratification des traités classiques. Or, les traités classiques, même ceux qui
mettaient en place des organisations internationales, comme l'ONU, l'OTAN, le
Conseil de l'Europe ou l'Union de l'Europe occidentale, se différencient
fondamentalement de ceux qui instituent l'Union européenne : ils ne soulèvent
pas de problème de souveraineté et n'impliquent pas de délégation de
souveraineté.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Et voilà !
M. Patrice Gélard.
Nous sommes toujours, en matière de traité, des monistes. Cela signifie que
les traités régulièrement ratifiés ont, en vertu de l'article 55 de la
Constitution, une autorité supérieure aux lois sous réserve de réciprocité.
Certes, nous avons, dans le passé, atténué ce principe moniste en soumettant la
ratification à l'autorisation du Parlement depuis la IIIe République, pour les
matières jugées les plus importantes et, depuis la Constitution de 1958, pour
celles qui relèvent maintenant du domaine de la loi.
Tout cela est parfaitement défendable dans un cadre classique mais devient
inopérant, inefficace, critiquable voire attentatoire aux attributions et aux
droits du Parlement lorsqu'on est appelé à effectuer une construction nouvelle
encore inclassable, atypique comme la construction européenne. L'Union
européenne n'est ni une confédération ni une organisation régionale, générale
ou spécialisée. Elle n'est pas non plus une forme encore à déterminer de
fédéralisme.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Cela viendra.
M. Patrice Gélard.
Elle est une union d'Etats
sui generis
qui emprunte aux règles de
fonctionnement d'une organisation régionale et d'une confédération ainsi qu'à
certains éléments du fédéralisme. Mais, en même temps, elle souffre d'une
extraordinaire carence de démocratie et d'une montée en puissance d'une
technostructure naturellement européenne parce que actuellement
irresponsable.
M. Jacques Legendre.
Très juste !
M. Patrice Gélard.
Bien sûr, il y a un Parlement européen que le traité d'Amsterdam va renforcer,
mais il demeure profondément éloigné des électeurs compte tenu d'un mode de
scrutin totalement inadapté. Je regrette, comme l'a fait tout à l'heure M.
Barnier, que nous n'ayons pas soumis à l'approbation du Parlement la
proposition de loi qu'avec d'autres il avait déposée.
Bien sûr, il y a le Conseil des ministres et le Conseil des chefs d'Etat et de
gouvernement, mais ils ont trop souvent tendance, à l'issue de négociations
marathon, à suivre
in fine
les recommandations des fonctionnaires de
Bruxelles, qui eux, au moins, bénéficient de la permanence et de la
technostructure.
Il faut donc inventer des règles nouvelles pour assurer la construction
européenne dans le respect de nos règles juridiques qui découlent de notre
Constitution et en même temps combler un déficit démocratique qui risque
d'accentuer le hiatus entre l'idéal européen que nous partageons tous et la
réalité sur le terrain, où l'on ne peut que constater qu'une part croissante de
notre droit est dorénavant d'origine communautaire.
Nos partenaires européens ne sont pas aussi démunis que nous. Soit, comme en
Grande-Bretagne, ils demeurent dualistes, ce qui signifie que le droit
communautaire ne peut s'intégrer dans leur droit interne qu'en vertu d'une loi
; soit leur Constitution permet de mieux associer leur Parlement national à
chacune des étapes de la construction européenne grâce à des procédures
spécialement mises en place ; soit, ils sont tenus, constitutionnellement, de
requérir à chaque étape l'accord de leur Parlement.
Nous sommes en retard, madame le garde des sceaux, par rapport à tous les
autres Etats européens en matière d'association du Parlement à la construction
européenne.
(Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Nous avons donc eu le tort de ne pas mettre en place, dès le
traité de Maastricht, des dispositions constitutionnelles qui auraient permis
de mieux associer notre Parlement.
Il faut se féliciter de l'article 88-4 mais, comme nous le savons tous, il est
encore notoirement insuffisant et je m'interroge toujours sur la valeur
juridique des résolutions.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Elles n'en ont aucune !
M. Patrice Gélard.
Le Parlement - faut-il le rappeler ? - assure la représentation nationale et
il est, par voie de conséquence, le délégataire de la souveraineté nationale
lorsque le peuple souverain ne l'exerce pas par voie de référendum.
Aujourd'hui, le Gouvernement et la commission nous demandent d'accepter
conforme la révision de la Constitution en avançant deux arguments.
Le premier serait que le traité n'a pas expressément prévu d'associer le
Parlement, représentant, je le rappelle, de la souveraineté nationale, à
chacune des étapes qu'il a prévues. Or, il n'a pas expressément prévu que, lors
du passage au vote à la majorité qualifiée, les Parlements nationaux devraient
intervenir. Dès lors, qu'il me soit permis de répondre.
Tout d'abord, un traité, quel qu'il soit, ne peut en aucun cas limiter le
pouvoir constituant ni se mêler du fonctionnement interne de nos
institutions...
MM. Josselin de Rohan et Michel Barnier,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Très bien
!
M. Patrice Gélard.
... du moins tant qu'il n'a pas été ratifié.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Exactement !
M. Patrice Gélard.
Il y aurait un scandale juridique attentoire aux règles les plus élémentaires
de la souveraineté des Etats s'il était passé outre à ce principe.
Le second argument qu'a présenté tout à l'heure Mme le garde des sceaux serait
que tout amendement porterait atteinte à la répartition des compétences entre
le Président de la République, le Gouvernement et le Parlement. Mais, là
encore, madame le garde des sceaux, il n'est pas possible de limiter le pouvoir
du constituant.
Il est d'ailleurs étonnant de constater que, dans ce domaine, le Parlement
français soit celui qui dispose de moins de pouvoirs et qui reçoit le moins de
documents.
Tout veut donc que le Parlement soit mieux informé et mieux associé à la
construction européenne. Nous ne sommes pas moins Européens que d'autres, mais
nous n'acceptons pas que, au nom de la sacro-sainte nécessité de ratifier le
traité d'Amsterdam dans les plus brefs délais, nous ne prenions pas le temps de
réfléchir au fait qu'il est impératif d'envisager, dans le cadre de cette
construction européenne, un meilleur respect de la souveraineté nationale, donc
des électeurs et du Parlement qui les représente. (
Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR.)
Je m'étonne qu'on ait prêté au Président de la République des propos qu'il n'a
jamais tenus. Il s'est en effet toujours déclaré favorable à la ratification du
traité d'Amsterdam, mais, à ma connaissance, il ne s'est jamais opposé à ce que
nous améliorions, au cours de ce débat, les règles de fonctionnement et
d'association du Parlement à la construction européenne. Je mets donc mes
collègues en garde contre les dangers que représente la mise à l'écart du
Parlement dans le processus de construction européenne.
Alors que des pans entiers de notre vie quotidienne sont maintenant gérés à
l'échelon communautaire, alors que des habitudes, des usages, des traditions
sont bousculés, malmenés voire supprimés par Bruxelles, pourra-t-on toujours
répondre à nos électeurs que nous avons un jour ratifié un traité au nom des
grands principes, que par voie de conséquence nous ne sommes plus responsables
de ce qui se passe, que c'est le Gouvernement et Bruxelles qui décident ?
Pourra-t-on leur dire que tout n'est pas parfait, bien sûr, mais que nous n'y
sommes pour rien et que, sûrement demain, on rasera gratis.
C'est pourquoi le groupe du RPR a déposé trois amendements auxquels il est
très attaché. Ils ne remettent nullement en cause le traité lui-même mais ils
visent seulement à améliorer la place du Parlement dans la construction
européenne.
Mes chers collègues, dans cette construction européenne, nous ressemblons trop
au voyageur perdu dans un labyrinthe. Il sait qu'il existe quelque part une
sortie, mais il a perdu sa boussole et la carte lui permettant de la
trouver.
Soyons lucides et conscients dans cet effort commun. Un plus grand respect de
la hiérarchie des normes en restituant les normes européennes par rapport à
notre norme constitutionnelle, une meilleure association du Parlement à la
construction européenne, la rénovation et la démocratisation des institutions
européennes sont autant de repères dans la construction européenne que nous
voulons mettre en place pour faire face aux difficultés que nous rencontrerons
dans les étapes suivantes, telles que l'élargissement et la réforme
institutionnelle.
Je suis certain que ceux qui, aujourd'hui, rejettent nos amendements le
regretteront demain.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent
projet de loi constitutionnelle, rédigé sur l'initiative du Président de la
République, Jacques Chirac, sur proposition du Premier ministre, Lionel Jospin,
a été juridiquement recommandé par le Conseil constitutionnel afin de permettre
la ratification du traité d'Amsterdam. Ce traité a été négocié, pour
l'essentiel, par le gouvernement de M. Alain Juppé, notamment par notre
excellent collègue, M. Michel Barnier, avant d'être conclu par le Président de
la République et le Premier ministre qui, côte à côte à Amsterdam, se sont
engagés à le faire ratifier.
Aujourd'hui, le Sénat examine le texte adopté par l'Assemblée nationale qui,
s'il est voté en l'état, pourra être soumis au Congrès à Versailles en janvier
prochain. Ainsi, après le traité de Maastricht, la seconde étape de la
construction de l'Union européenne aboutira avec le traité d'Amsterdam, dont
l'innovation essentielle est la « communautarisation » des matières liées à la
circulation des personnes, en permettant les transferts de compétence
nécessaires.
L'action isolée des Etats-Unis est, en effet, devenue de plus en plus
laborieuse depuis l'institution du traité de Rome voilà plus de quarante ans,
et il s'avère indispensable d'établir, pour y remédier, un partage de
souveraineté efficace, avec une condition de réciprocité des autres Etats
participants. La pleine souveraineté des Etats se trouve d'ailleurs très
largement réduite par l'interdépendance existant de fait entre tous les Etats,
à la suite notamment du développement considérable des communications et des
transports, ainsi que de l'intensification des pressions migratoires au sud
comme à l'est de l'Europe.
En cette matière, la France ne peut rester une exception. Il s'agit non pas
d'un abandon de souveraineté,...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Ça, c'est faux !
M. Hubert Durand-Chastel.
... mais d'une délégation de compétences que notre pays continuera d'exercer
en commun et en plein accord avec ses partenaires ; il y aura, au contraire, un
meilleur exercice de notre souveraineté pour des résultats tangibles.
Durant les deux années de négociation du traité d'Amsterdam, c'est la France,
traditionnellement rétive en matière de transferts de souveraineté, qui s'est
le plus battue pour les changements, notamment pour l'extension du champ des
décisions pouvant être arrêtées à la majorité qualifiée, car l'obligation de
recueillir l'unanimité conduit inéluctablement à la paralysie.
Des décisions prometteuses sur un espace judiciaire européen, sur le
renforcement de la politique de sécurité intérieure, de la lutte contre le
crime organisé, le trafic de drogue, la corruption, le terrorisme avaient bien
été prises, mais elles exigent une action collective, inexistante dans le
traité de Maastricht.
Si les Belges, les Néerlandais et les Italiens étaient favorables à la «
communautarisation », les Britanniques, les Irlandais et les
Länder
allemands insistaient, au contraire, sur le maintien des contrôles à leurs
frontières. Un compromis a dû être trouvé et, heureusement, quelques avancées
figurent dans le traité d'Amsterdam, telles qu'un chapitre social dans un
protocole, ainsi que des dispositions sur la santé, l'environnement, les droits
de l'homme et l'action humanitaire.
Le reproche qui peut donc être adressé au traité est d'avoir été trop timoré
et, surtout, de ne pas avoir inclus la réforme institutionnelle de l'Union
européenne, lacune qu'il va falloir combler rapidement, si l'on veut poursuivre
dans la voie de l'élargissement dans des conditions efficaces de fonctionnement
des rouages européens.
Un aspect important dans le traité est l'accroissement des prérogatives du
Parlement européen. La procédure de codécision entre le Parlement et le Conseil
européen est étendue à tous les domaines dans lesquels le Conseil statue à la
majorité qualifiée, excepté pour la politique agricole commune et la politique
commerciale commune, ainsi qu'à quelques domaines dans lesquels le Conseil
statue à l'unanimité. Le Parlement européen peut donc rejeter définitivement un
texte et, dans ces domaines précis, le Conseil et le Parlement sont désormais
placés à égalité. Cette extension du rôle du Parlement va dans le sens d'une
démocratisation des institutions et d'une construction européenne plus proche
des citoyens.
Enfin, le législateur peut se demander s'il est judicieux de ne modifier la
Constitution que par petites touches à chaque ratification de traités
européens, comme cela a été le cas pour le traité de Maastricht, comme c'est le
cas aujourd'hui pour le traité d'Amsterdam, et comme ce sera certainement le
cas à l'avenir pour les prochaines avancées de l'Union européenne. Une formule
plus générale permettant de couvrir de nouveaux traités n'aurait-elle pas été
préférable, d'autant que le caractère quasi sacré de notre Constitution,
véritable bible de notre vie politique, la rend presque intouchable, sauf
nécessité impérieuse et limitée ? Il en a été décidé autrement, et c'est une
révision strictement limitée aux seuls besoins du traité d'Amsterdam qui a été
choisie. La contrepartie positive de ces révisions à répétition est qu'elles
instaurent un débat dans notre représentation nationale sur la construction
européenne, ce qui est plutôt sain pour la démocratie.
Avec un grand nombre de mes collègues, nous profitons de l'occasion de cette
révision constitutionnelle pour présenter un amendement dont l'objet est
d'inscrire la défense de la francophonie dans notre loi fondamentale.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
Très bien !
M. Hubert Durand-Chastel.
Il semble qu'un accord sur ce point soit possible, et je vous remercie donc de
confirmer votre assentiment, madame la garde des sceaux.
En conclusion, je ratifierai le traité d'Amsterdam, si insuffisant soit-il,
et, pour cela, je voterai le projet de loi constitutionnelle qui le
conditionne. Qu'arriverait-il, du reste, si le traité était refusé ? Une grave
crise s'ensuivrait avec tous nos partenaires qui l'ont tous déjà ratifié et on
assisterait à un recul sérieux de l'Union européenne, dont nous avons été les
promoteurs. De même, qu'adviendrait-il de l'euro qui sera créé dans quelques
jours et qui est indispensable à notre époque de mondialisation ? Ce
renversement serait tout à fait contraire à notre politique ; aussi, je voterai
le projet de loi constitutionnelle.
(Applaudissements sur les travées du RPR
et de l'Union centriste.)
8
FRAPPES AMÉRICAINES EN IRAK
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué
Je souhaite intervenir à la suite du rappel au règlement
fait par Mme Luc. Vous voudrez d'ailleurs bien m'excuser, madame, de ne pas
vous avoir répondu immédiatement ; mais il me fallait, pour ce faire, disposer
de toutes les informations nécessaires.
On se souvient que deux crises internationales ont déjà impliqué l'Irak et que
les solutions à cet égard ont été extrêmement acrobatiques et obtenues dans des
conditions difficiles, presque à la dernière seconde.
On se souvient aussi que la solution trouvée la dernière fois était
conditionnée au rendu de deux rapports : un document de l'UNSCOM, commission
spéciale des Nations unies, et un autre de l'Agence internationale pour
l'énergie atomique.
Dans son rapport, qui était très attendu, le chef de la commission spéciale de
l'ONU, M. Richard Butler, avait affirmé, mardi, que Bagdad n'avait pas
pleinement coopéré avec l'ONU, et l'on savait que cela risquait d'ouvrir la
voie à des frappes américaines et britanniques.
Nous venons tous d'apprendre ce soir, pendant cette séance, l'annonce, par le
porte-parole de la Maison Blanche, de l'engagement d'une frappe militaire
substantielle contre l'Irak : elle est en cours ou vient de s'achever.
Je voudrais donc vous livrer la réaction des autorités françaises - dans ce
domaine, il s'agit du Président de la République, du Premier ministre et du
ministre des affaires étrangères - sur ce point auquel nous avions d'ailleurs
déjà réfléchi ce matin, en conseil des ministres : « La France déplore
l'engrenage qui a conduit aux frappes militaires américaines contre l'Irak et
les graves conséquences humaines qu'elles pourraient avoir pour la population
irakienne. Elle regrette que les dirigeants irakiens n'aient pas su faire
preuve de l'esprit de complète coopération qu'appelait la mise en oeuvre du
mémorandum d'accord du 23 février 1998 entre le secrétaire général de l'ONU et
M. Tarek Aziz, et qui aurait rendu possible l'examen global du désarmement
irakien prévu par la résolution 1194 du Conseil de sécurité. »
Voilà ce que je peux vous dire à cette heure, madame le sénateur.
Mme Hélène Luc.
Merci, monsieur le ministre.
9
MODIFICATION DES ARTICLES 88-2 ET
88-4 DE LA CONSTITUTION
Suite de la discussion d'un projet de
loi constitutionnelle
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par
l'Assemblé nationale, modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la
Constitution.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers
collègues, la discussion sur le projet de modification constitutionnelle,
préalable à la ratification du traité d'Amsterdam, nous amène donc à débattre
une nouvelle fois de l'Europe et de sa construction.
Il y a, entre nous, des divergences importantes sur la construction
européenne. Nous ne l'avons jamais caché au sein de la gauche plurielle. Nos
choix, ces dernières années, ne furent pas, en règle générale, les mêmes ; nos
votes, cette fois-ci encore, ne seront pas identiques. Mais l'écoute est
réciproque. Nous avons ensemble l'ambition que les questions sociales prennent
le pas sur la politique ultra-libérale de régression.
Je ne crois pas qu'il en soit tout à fait ainsi dans l'opposition. La droite a
fait le maximum pour escamoter les enjeux. N'êtes-vous pas nombreux, sur les
travées de la majorité sénatoriale, à ne pas mener ce débat de fond de peur de
réveiller de vieux démons ? N'est-il pas étonnant de constater à quel point M.
Séguin, notamment, craint ses propres propos d'hier ?
Nous pensons, pour notre part, qu'il n'y aura pas d'avancées progressistes
majeures en France sans avancées analogues en Europe.
Si nous avons été très sévères avec le contenu du traité de Maastricht et si
nous le restons, c'est bien parce que ce traité érige, avec la monnaie unique,
la soumission des pays de l'Union européenne et de leurs peuples aux dogmes
d'une Europe libérale et nous prive d'une partie de nos libertés de choix.
J'entends déjà des réactions : « Amsterdam n'est pas Maastricht ! » Certes, et
nous ne nous trompons ni de traité ni de rendez-vous ; mais nous ne sortons
toujours pas, avec ce traité, des logiques dominantes.
Que personne ne compte sur une quelconque frilosité de notre part dans notre
volonté de construire une autre Europe.
Mais l'unification monétaire, sous sa forme actuellement engagée, est un
handicap pour tous ceux qui rêvent d'un projet européen qui soit une
construction volontaire où l'un ne cherche pas à dominer l'autre. Pour nous, la
contradiction est si patente entre, d'une part, les nécessités de la lutte
contre le chômage et, d'autre part, la logique récessive du pacte de stabilité
et des missions de la Banque centrale européenne qu'il faut cesser à tout prix
de faire dépendre un projet européen de la toute puissance des marchés
financiers.
Nous estimons qu'il est indispensable de réorienter en profondeur la
construction européenne.
Nous sommes preneurs de tout ce qui peut amorcer une progression, même minime,
d'une prise en compte par l'Europe des problèmes les plus cruciaux.
Après le sommet de Luxembourg, nous avions souligné que, pour la première
fois, les chefs d'Etat et de Gouvernement se reconnaissaient une part de
responsabilité dans les solutions à mettre en oeuvre pour promouvoir l'emploi,
et nous avions appuyé en particulier l'engagement qu'ils avaient pris afin de
faciliter aux jeunes chômeurs l'accès à un emploi, à une formation ou à une
aide à l'insertion au bout de six mois de chômage.
Est-on quitte avec ce qui s'est déroulé depuis ?
Alors que l'Europe a été, elle aussi, secouée par la crise financière, le
sommet de Vienne aurait dû afficher de l'ambition. Les modifications politiques
intervenues dans plusieurs pays de l'Union européenne permettaient de
l'espérer. Il faut bien admettre qu'il n'en a rien été.
« Il n'y eut certes pas de mauvaise surprise », a dit Jacques Delors, « en ce
sens qu'aucun chef des gouvernements n'a prononcé de parole définitive qui
aurait gâché le climat, mais pas de bonne surprise concédé, non plus », a-t-il
concédé « pour ceux qui espéraient que les pays européens, prenant acte des
conséquences négatives de la crise financière sur le cycle de croissance,
décideraient de mesures prises à l'échelle européenne pour renforcer les
chances d'une expansion assez forte pour réduire le chômage et bénéficier à
plein de la vague de progrès techniques. »
D'autres options pourtant sont possibles qui créeraient une toute autre
dynamique européenne.
Le traité d'Amsterdam, malheureusement, ne s'inscrit pas dans cette voie.
Il faut être très partisan pour trouver dans ce traité de grands motifs de
satisfaction. Les différents orateurs qui m'ont précédé hésitent d'ailleurs
beaucoup pour dégager des priorités. Je ne provoquerai pas nos amis alsaciens,
mais le bilan d'Amsterdam est bien maigre pour que M. Barnier place, lors d'une
très récente intervention dans
Valeurs actuelles
, le maintien du
Parlement à Strasbourg au premier rang des avancées importantes du traité !
Oui, nous critiquons ce traité, car il vise à valider Maastricht et à opérer
des abandons importants de souveraineté sans que notre peuple ait son mot à
dire ! Notre position n'a rien de défensive, bien au contraire. Les accents
d'assiégé de M. de Villiers ne sont pas les nôtres. Mais en quoi les
dispositions d'entrée et de séjour des étrangers ont-elles à gagner à être
communautaires ? Pourquoi accepter les principes de « normes minimales » qui ne
sont pas définies ? Pourquoi notre pays, avec ses fortes traditions
démocratiques, accepterait-il de limiter un droit d'aide que nous avons
redéfini voilà un an ? Pourquoi tout cela doit-il en fait échapper au contrôle
des peuples ?
Nous ne sommes pas, par principe, opposés à tout partage consenti de
souveraineté, mais ce partage ne doit pas s'exercer sur n'importe quel sujet et
doit être réversible et décidé dans le cadre de consultations populaires.
Il est possible de faire l'Europe en s'appuyant sur les aspirations des
peuples au changement.
Cela nécessite une réorientation de cette construction en utilisant autrement
l'argent pour l'emploi et le progrès social, un contrepoids politique à la
Banque centrale ainsi qu'une redéfinition de ses pouvoirs et de ses missions,
la taxation des capitaux financiers et des mouvements internationaux pour
soutenir une politique monétaire et de crédit socialement et économiquement
efficace et, enfin, des droits nouveaux pour les citoyens dans le processus
d'élaboration et de mise en oeuvre des décisions communautaires.
Sur de grandes questions, sur des défis communs, les rapports avec
l'hémisphère Sud, le désarmement, l'environnement, l'immigration, la sécurité,
l'espace, la recherche, l'énergie, les transports, nous sommes favorables à une
collaboration étroite au sein de l'Union européenne.
Travailler ensemble, mais sur un pied d'égalité. Qui décide aujourd'hui ? Les
citoyens et leurs représentants élus ? Personne ne peut soutenir cela.
L'Europe est un processus qui appelle l'intervention des peuples, qui appelle
des citoyens acteurs partie prenante des décisions qui conditionnent
l'avenir.
Quand il s'agit de décisions concernant la souveraineté nationale, c'est au
peuple souverain d'en décider. Ce n'est ni une question technique ni une
question tactique. Un peuple, notre peuple, ne peut accepter un abandon ou un
transfert de souveraineté sans le décider en toute connaissance de cause.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Michel Duffour.
J'en viens à l'article 88-4 de la Constitution et aux possibilités de contrôle
qui s'offrent au Parlement.
Madame la ministre, vous nous avez dit que le Gouvernement était d'accord pour
renforcer le rôle du Parlement. Je vous en donne acte.
La rédaction choisie par l'Assemblée nationale reste toutefois bien floue. Je
ne crois pas d'ailleurs que les amendements proposés par le groupe du RPR
échappent à cette faiblesse. L'un d'entre eux prévoit que le Gouvernement
prenne en considération les résolutions qui seraient votées. C'est la moindre
des choses !
Nous vous proposons, pour notre part, d'être beaucoup plus clairs et
contraignants. Le Gouvernement, disons-nous dans notre amendement, s'exprime et
vote au Conseil des Communautés dans le respect des résolutions adoptées dans
le cadre des deux alinéas précédents par le Parlement. Mais est-ce là vraiment
quelque chose de contraignant, ou est-ce un renforcement de la vie
parlementaire ? Quel sens donnons-nous à cela ?
Nous considérons que les ministres concernés devraient venir avant chaque
conseil des ministres européens devant la commission compétente de l'Assemblée
nationale et du Sénat pour présenter la politique qu'ils entendent mener dans
les négociations sur les grands dossiers.
La commission devrait pouvoir voter une résolution, valant mandat de
négociation et fixant le cadre que le ministre doit respecter et les points
dont l'acceptation ou le refus seraient déterminants pour la France. A la suite
du Conseil européen, le ministre viendrait rendre compte des négociations
devant la même commission.
Nous allons voter « non » au projet de loi constitutionnelle qui nous est
proposé aujourd'hui, parce que la révision constitutionnelle prépare la
ratification du traité d'Amsterdam qui poursuit, à nos yeux, la logique
libérale actuelle de la construction européenne, parce que, aussi, nous voulons
construire une Europe capable de répondre aux grands défis de notre temps et
parce que, enfin, il appartient au peuple de consentir ou non à partager telle
ou telle compétence qui relève de sa souveraineté. C'est la cohésion nationale,
quand on l'oublie, qui est en jeu.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes
chers collègues, discuter d'une révision constitutionnelle à cette heure
tardive relève du paradoxe. Je m'en tiendrai donc à l'essentiel.
Il s'agit d'abord, chacun le sait, d'une révision qui est nécessaire. Je veux
dire par là que, si la majorité de la Haute Assemblée est décidée à voter la
ratification du traité d'Amsterdam, il lui faut passer par cette étape de la
révision constitutionnelle, conformément à la décision qui a été rendue par le
Conseil constitutionnel le 31 décembre 1997.
Donc, cette révision était nécessaire. Mais c'est aussi une révision qui ne
semble apparemment pas devoir susciter de grandes passions.
Je ne parlerai pas ici du traité d'Amsterdam : demain, notre excellent ami M.
Estier s'exprimera plus longuement sur les avantages et les mérites du traité,
sur l'avenir européen qu'il offre et sur ce que nous devrons faire ensuite.
S'agissant, donc, d'une révision nécessaire, il est quand même paradoxal de
noter que ce traité a été pour l'essentiel négocié par l'ancienne majorité.
Ensuite, vous l'avez trouvé, madame la ministre, non pas dans la « corbeille de
mariage »
(Sourires),
mais dans les affaires en cours. Par conséquent, l'actuel
gouvernement, le vôtre, l'a signé.
Le Président de la République, de par sa mission institutionnelle, n'a
évidemment pas cessé d'être partie prenante aux négociations et à la
conclusion. De plus, la saisine du Conseil constitutionnel a été conjointe,
puisque et le Président de la République et le Premier ministre en sont à
l'origine.
A partir de là, on aurait pu penser qu'aucune difficulté ne viendrait
perturber la révision en cours. J'ai pourtant le sentiment que, comme toujours,
il y a çà et là des arrière-pensées et que l'occasion paraît belle à certains
d'aller bien au-delà de la révision.
Je me souviens aussi qu'il n'y a pas si longtemps je saluais l'alizé qui
emportait la révision constitutionnelle relative au Conseil supérieur de la
magistrature vers le port. Depuis lors, le vent est tombé, nous sommes en
panne. Espérons que, ce soir, il se renforcera.
Si cette révision est nécessaire, elle était aussi prévisible, car quiconque
avait en mémoire la décision du 9 avril 1992 pouvait décrypter ce que serait la
décision du Conseil constitutionnel du 31 décembre 1997. C'était évident !
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 avril 1992, avait donné de
la souveraineté une conception ouverte et avait marqué aussi dans quels cas,
s'agissant de transferts de compétences susceptibles d'affecter les conditions
essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'on pouvait être amené à
considérer qu'il y avait lieu à révision constitutionnelle.
L'application de cette grille de décryptage était simple, il suffisait
d'étudier les derniers considérants de la décision d'avril 1992. Dès l'instant
où l'on passait de la règle de l'unanimité à la règle de la majorité qualifiée,
à la procédure de codécision, il y avait lieu de procéder à la révision de la
Constitution.
Dans la mesure où, s'agissant du troisième pilier, on faisait passer une
partie de celui-ci - je dirai même l'essentiel de celui-ci - sous le signe de
la même procédure que celle qui est applicable au premier pilier, c'est-à-dire
à ce qui avait été déjà visé dans le traité de Maastricht, la décision devait
être la même. Elle l'a été.
Révision nécessaire, révision prévisible, c'est aussi une révision limitée.
J'approuve ce choix. En effet, comme l'a dit M. de Villepin avec éloquence, on
aurait très bien pu concevoir une révision constitutionnelle telle que nous
aurions accepté par principe et par une clause générale les transferts de
compétences nécessaires pour la réalisation de l'Union. Il est bien évident,
cependant, qu'une décision aussi importante aurait appelé un très grand débat
d'ampleur nationale et probablement, à mon sens, la soumission au référendum,
car nous aurions pris, en l'occurrence, une décision riche en perspectives
d'avenir. La voie parlementaire, fût-ce au Congrès, n'aurait pas été
suffisante.
En effet, s'agissant de ce qui est la conséquence évidente du traité de
Maastricht, c'est-à-dire son prolongement dans le traité d'Amsterdam, il valait
mieux tailler au plus serré, travailler sur mesure et ajuster la révision
constitutionnelle très exactement aux besoins de la ratification du traité
d'Amsterdam. Tel a été le choix du Gouvernement et, pour ma part, j'y souscris
pleinement. Cela permet par surcroît au Parlement de mieux apprécier pas à pas
l'évolution de la construction européenne.
Cette révision nécessaire, prévisible et limitée, est aussi équilibrée,
soulignons-le, parce que vous avez eu le souci, madame la garde des sceaux -
et, là aussi, je vous en fais compliment - de ne point aller au-delà de
l'indispensable, de ne point entreprendre, à cette occasion, quelques avancées,
anticipations ou innovations constitutionnelles de nature à compromettre
l'équilibre fondamental de nos institutions.
Cette question, nous la reprendrons demain, lors de l'examen des amendements
présentés par M. Gélard. Mais, d'ores et déjà, madame la garde des sceaux, vous
avez dit l'essentiel, et notre excellent rapporteur s'en est également très
bien expliqué. En effet, ce qui nous est proposé dans ces amendements, et qui
n'est pas utile pour pouvoir procéder à la ratification du traité d'Amsterdam,
laisse perplexe sur l'idée que certains se font de ce que devraient être les
pouvoirs respectifs, dans la Constitution, du Président de la République, du
Gouvernement et du Parlement s'agissant de la ratification des traités et de la
conduite des relations extérieures.
Tout le monde s'emploie à dénoncer, à grand luxe d'adjectifs, le déficit
démocratique de l'Union européenne. Je dis très clairement que, si déficit
démocratique il y a, on ne doit pas trouver sa solution dans un retour en
arrière, par un contrôle de plus en plus étroit exercé par les parlements
nationaux de chaque évolution de cette construction : ce n'est pas ainsi que
vous rapprocherez la construction européenne des citoyens européens ; vous la
ramènerez, au contraire, vers des tendances nationalistes qui aboutiront tout
simplement à arrêter sa marche. C'est la direction opposée à celle qu'il faut
prendre ! Il faut, en effet, une construction européenne plus démocratique,
mais c'est au niveau des institutions européennes et non pas en amont que vous
devez chercher ce surcroît de démocratie.
Mme Hélène Luc.
De quelle démocratie parlez-vous ?
M. Robert Badinter.
A cette heure tardive, je n'irai pas plus loin, mais chacun comprendra.
Dès lors consistant à prévoir qu'il faudrait retourner devant le Parlement,
afin que le Gouvernement - le Président de la République aussi d'ailleurs :
l'exécutif tout entier ! - puisse compter le passage de l'unanimité à la
majorité qualifiée, cette idée est, je dois le dire, tout à fait singulière
pour moi.
Elle l'est d'abord au regard de la position arrêtée par le Conseil
constitutionnel. Ce dernier a en effet estimé qu'il s'agissait là d'un acte qui
n'était susceptible en aucune manière d'être soumis à un contrôle quel qu'il
soit, qu'il soit parlementaire ou constitutionnel.
On ne peut vous demander de dire aujourd'hui que peut-être demain on décidera
! Il convient dès maintenant de savoir si l'on ouvre à l'autorité compétente,
au regard des articles 52 et 20 de la Constitution - qui ne peut être que celle
que nous connaissons - le pouvoir de prendre cette décision dans le cadre de la
négociation européenne à venir. C'est tout !
Ce n'est pas pour autant que le Parlement soit sans pouvoir : il a, dans ce
domaine, bien des prérogatives, qu'il s'agisse des questions qu'il posera, des
débats qu'il suscitera ou encore des résolutions qu'il votera. Et l'on peut
même évoquer jusqu'à la perspective de la motion de censure ! Mais là, j'ai le
sentiment que l'on évoque les armes ultimes, qui ne servent, chacun le sait,
jamais sous la Ve République, ou qui n'ont pas servi depuis si longtemps qu'on
en a oublié l'usage.
Disons-le clairement, nos institutions ne prévoient pas de mandat impératif
donné par le Parlement à l'exécutif pour négocier les traités.
On nous répondra que l'Union européenne n'est plus un traité, que c'est autre
chose. Non !
Nous nous trouvons là dans un domaine qui, d'un point de vue constitutionnel,
demeure celui de la politique extérieure. Il n'y a donc pas lieu d'accepter
cette sorte de révision constitutionnelle uniquement destinée, en réalité, à
permettre ensuite de ralentir la construction européenne sous le prétexte qu'il
faudrait permettre au Parlement d'exercer un contrôle qui n'a pas de raison
d'être. Le Parlement, je le répète, a déjà d'autres moyens d'exercer ce
contrôle.
Quant à la suggestion - je n'ose pas dire la proposition - aux termes de
laquelle le Conseil constitutionnel recevrait du constituant le pouvoir
d'apprécier la constitutionnalité des projets ou propositions - car il ne
s'agit que de cela - d'actes de droit communautaire dérivé, je dois dire
qu'elle me laisse fort étonné, et j'emploie ici une litote.
Je n'ai pas besoin de rappeler que le Conseil constitutionnel n'est jamais
consulté pour donner un simple avis sur la constitutionnalité d'un futur projet
de loi. C'est au Conseil d'Etat qu'incombe cette mission. Le Conseil
constitutionnel, pour sa part, examine les textes définitivement votés, mais
avant leur promulgation.
Par ailleurs, je voudrais que l'on mesure bien ce que cela signifierait si
nous entrions dans cette voie. Le Conseil constitutionnel serait conduit à
apprécier la conformité à la Constitution française de la législation
européenne. Non ! Cette compétence appartient à la Cour de Luxembourg et à elle
seule, et ce pour une raison qu'il faut garder en mémoire : il s'agit de
conserver l'unité d'interprétation nécessaire à la construction européenne.
C'est d'ailleurs pourquoi ses pouvoirs ont été accrus en matière de
subsidiarité.
Si cet exemple était suivi par les autes Etats membres, chacun voit où nous
irions ! Chaque cour constitutionnelle européenne serait conduite à apprécier
la conformité du droit communautaire dérivé à la Constitution de chacun des
Etats européens. Je n'ai pas besoin de dire quelle tour de Babel juridique
s'élèverait promptement au sein de l'Union européenne ! La cacophonie serait
totale. Je rappelle d'ailleurs que, aux termes du traité de Maastricht, la Cour
de justice doit prendre en compte la conformité de ces actes à ce que l'on
considère être les principes généraux du droit communautaire tels qu'ils
résultent de la tradition constitutionnelle des Etats de l'Union. C'est une
garantie nécessaire.
Donc, cette charge que l'on voudrait donner au Conseil constitutionnel, rien
ne la justifie, ni au regard de nos institutions ni au regard des institutions
de l'Union européenne elle-même.
Reste, alors, la question de l'extension de l'article 88-4. Il est évidemment
souhaitable qu'une meilleure communication soit assurée, afin que le Parlement
soit parfaitement informé de tout ce qui se prépare, de tout ce qui s'élabore
au sein de l'Union européenne.
A cet égard, vous l'avez justement rappelé, monsieur le rapporteur, un
protocole annexé au traité prévoit que les documents - on pense, en
particulier, aux Livres blancs ou verts et aux communications - doivent être
transmis par l'Union européenne aux différents gouvernements pour qu'ils les
communiquent aux fins d'information à leurs parlements. Cette obligation est
donc déjà inscrite dans le traité d'Amsterdam.
Pour ce qui est du reste, c'est-à-dire les actes qui n'ont pas cette nature
législative, disons que le choix fait par l'Assemblée nationale et accepté par
le Gouvernement est le bon : il n'y a aucune raison de surcharger, d'accabler
les parlements, voire la délégation du Sénat pour l'Union européenne, avec tout
ce qui se prépare au niveau de tels actes.
De ce point de vue, il revient effectivement au Gouvernement de choisir les
documents de consultation susceptibles de faire l'objet d'une résolution.
Veillons, nous parlementaires, à ce qu'on nous donne l'information qui
convient, conformément au traité d'Amsterdam, et tenons-nous-en là. Nous avons
déjà assez à faire à vérifier de très près, comme il convient, l'évolution de
la législation communautaire dérivée.
Résumons-nous : ce n'est pas une grande affaire que nous réglons ce soir.
C'est, je le répète, une révision dictée par la nécessité : nous ne pouvons pas
procéder autrement sans méconnaître nos règles constitutionnelles. Le
Gouvernement a travaillé au plus juste, et il a bien fait.
La vraie question n'est pas, ce soir, l'étendue de la révision
constitutionnelle ; tout ce que l'on veut y ajouter n'a pas sa place dans ce
débat. La vraie question, c'est de savoir si nous voulons ou non ratifier le
traité d'Amsterdam.
Si oui, il faut procéder à la révision constitutionnelle dans la limite fixée
très exactement par la décision du Conseil ; si non, ceux qui veulent arrêter à
la construction européenne n'auront qu'à voter contre la révision, et l'on aura
compris.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.
10
TRANSMISSION D'UN PROJET
DE LOI CONSTITUTIONNELLE
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi
constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité entre
les femmes et les hommes.
Le projet de loi constitutionnelle sera imprimée sous le numéro 130, distribué
et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
11
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Philippe François une proposition de loi relative à
l'organisation d'une police intercommunale.
La proposition de loi sera imprimé sous le numéro 131, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
12
DÉPÔT D'UNE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu, en application de l'article 73
bis,
alinéa 8, du règlement,
une résolution, adoptée par la commission des affaires sociales, sur la
communication de la Commission, proposition de lignes directrices pour les
politiques de l'emploi des Etats membres pour 1999 (n° E 1171).
Cette résolution sera imprimée sous le numéro 124 et distribuéee.
13
DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
Programme de travail de la Commission pour 1999. - Les priorités
politiques.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 1186 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
Programme de travail de la Commission pour 1999. - Initiatives législatives
nouvelles.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 1187 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
Programme de travail de la Commission pour 1999. - Liste indicative des
actions envisagées.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 1188 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité
économique et social et au comité des régions sur l'aménagement du temps de
travail dans les secteurs et activités exclus du champ d'application de la
directive 93/104/CE du 23 novembre 1993. Propositions de directives du Conseil
modifiant la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, - concernant
certains aspects de l'aménagement du temps de travail afin de couvrir les
secteurs et activités exclus de ladite directive - relative à l'aménagement du
temps de travail des travailleurs mobiles exécutant des activités de transport
routier ainsi que des conducteurs indépendants. - Concernant l'accord relatif à
l'organisation du temps de travail des gens de mer, conclu par l'Association
des armateurs de la Communauté européenne (ECSA) et la Fédération des syndicats
des transporteurs de l'Union européenne (FST). Concernant l'application de la
durée du travail des gens de mer à bord des navires faisant escale dans les
ports de la Communauté. Recommandation de la Commission concernant la
ratification de la convention n° 180 de l'OIT sur la durée de travail des gens
de mer et les effectifs des navires et la ratification du protocole de 1996
relatif à la convention sur la marine marchande (normes minima), 1976.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 1189 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil modifiant l'article 3 de la décision
(98/198/CE) du Conseil du 9 mars 1998.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1190 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
Proposition de directive du conseil modifiant la directive 77/388/CE en ce qui
concerne la détermination du redevable de la taxe sur la valeur ajoutée.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1191 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution : proposition de règlement (CE) du Conseil portant
modification du règlement (CE) numéro 70/97 relatif au régime applicable aux
importations, dans la Communauté, de produits originaires des Républiques de
Bosnie-Herzégovine et de Croatie, ainsi qu'aux importations de vins originaires
de l'ancienne République yougoslave de Macédoine et de la République de
Slovénie.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1192 et
distribuée.
14
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. André Jourdain un rapport fait au nom de la commission des
affaires sociales sur la proposition de loi de M. André Jourdain, relative au
multisalariat en temps partagé (n° 394, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 125 etdistribué.
J'ai reçu de M. Philippe Marini, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au
nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion sur le projet de loi de finances
rectificative pour 1998.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 126 etdistribué.
J'ai reçu de M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur :
- le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de
coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une
part, et la République d'Azerbaïdjan, d'autre part (n° 561, 1997-1998) ;
- le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de
coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une
part, et la République d'Ouzbékistan, d'autre part (n° 562, 1997-1998) ;
- le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de
coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une
part, et la République d'Arménie, d'autre part (n° 563, 1997-1998) ;
- le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de
coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une
part, et la Géorgie, d'autre part (n° 564, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le n° 127 et distribué.
J'ai reçu de M. Daniel Goulet un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur la proposition de
loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la validation législative
d'actes pris après avis du comité technique paritaire du ministère des affaires
étrangères (n° 109, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 128 et distribué.
J'ai reçu de M. Michel Souplet un rapport fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan sur le projet de loi d'orientation agricole,
adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 18,
1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 129 et distribué.
15
DÉPÔT D'UN AVIS
M. le président.
J'ai reçu de M. Albert Vecten un avis présenté au nom de la commission des
affaires culturelles sur le projet de loi d'orientation agricole, adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 18, 1998-1999).
L'avis sera imprimé sous le n° 132 et distribué.
16
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, jeudi 17 décembe 1998 :
A neuf heures quarante-cinq :
1. Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 92,
1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant les articles 88-2 et
88-4 de la Constitution.
Rapport (n° 102, 1998-1999) de M. Pierre Fauchon, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Aucun amendement à ce projet de loi constitutionnelle n'est plus recevable.
La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à un scrutin public
à la tribune lors du vote sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Examen d'une demande conjointe des présidents des commissions des finances,
des lois, des affaires culturelles, des affaires économiques et des affaires
sociales tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission
d'information commune chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de
proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences
locales.
4. Examen d'une demande présentée par la commission des affaires étrangères,
de la défense et des forces armées tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de
désigner une mission d'information au Mexique afin de recueillir des
informations sur la situation politique et économique de ce pays et sur les
relations bilatérales franco-mexicaines.
5. Suite de l'ordre du jour du matin.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi de finances
pour 1999 :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
jeudi 17 décembre 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 17 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des
animaux (n° 111, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 21 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la
validation législative d'actes pris après avis du comité technique paritaire du
ministère des affaires étrangères (n° 109, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 21 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la protection de
la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage (n° 75, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 21 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi de finances
rectificative pour 1998 :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 22 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Eventuellement, deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle modifiant
les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 22 décembre 1998, à
dix-sept heures.
Je vous rappelle par ailleurs, mes chers collègues, que, à quatorze heures
quinze, dans la salle des séances, M. le président du Sénat procédera au
dévoilement de la plaque commémorative à l'effigie de Michel Debré.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 17 décembre 1998, à zéro heure
trente-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
Lors de sa séance du 16 décembre 1998, le Sénat a désigné :
M. Philippe Richert pour siéger au sein du conseil d'administration de la
Société de radiodiffusion et de télévision pour l'outre-mer ;
M. Charles de Cuttoli pour siéger au sein du conseil d'administration de la
Société nationale de programme Radio-France internationale ;
M. Daniel Eckenspieller pour siéger au sein du conseil d'administration de
l'Institut national de l'audiovisuel.
Par ailleurs, en application de l'article 9 du règlement, M. le président du
Sénat a été informé que, lors de sa réunion du 16 décembre 1998, la commission
des affaires sociales a désigné M. Serge Franchis pour siéger, en qualité de
suppléant, au sein du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale en
remplacement de M. Jean-Louis Lorrain, démissionnaire.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 16 décembre 1998
SCRUTIN (n° 55)
sur l'ensemble du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des
conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils
régionaux.
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 317 |
Pour : | 218 |
Contre : | 99 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
17.
Contre :
4. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer et
Yvon Collin.
Abstention :
1. _ M. Lylian Payet.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
98.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
45.
Abstention :
1. _ M. Jean-François Humbert.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean-Claude Gaudin, qui présidait
la séance.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
6.
Contre :
1. _ M. Gérard Delfau.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeammrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
MM. Jean-François Humbert et Lylian Payet.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jean-Claude Gaudin, qui
présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.