Séance du 16 décembre 1998
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je demande la parole à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Avant le vote sur l'ensemble, je voudrais recentrer le débat.
La vérité de ce texte se situe sur les seuils. Au moment d'achever la dernière délibération du Sénat, nous cherchons, dans une sorte d'appel solennel, à attirer l'attention de notre assemblée sur les exagérations du texte qu'elle a voté. Un certain nombre de dispositions ne sont en effet pas acceptables, nous l'avons dit.
Mais le vrai problème, s'agissant du code électoral, est celui des seuils. S'il ne doit rester de nos délibérations qu'une seule chose dans l'esprit de nos collègues députés, c'est cet appel de la commission des lois, que le Sénat a bien voulu reprendre, à se ressaisir face aux tentations de déformation de la sanction des électeurs, du sérieux du débat démocratique, qui se trouvent derrière les seuils qui ont été adoptés. C'est là qu'est le coeur du débat !
Au nom de la commission des lois, juste avant le vote sur l'ensemble du projet de loi, pour lequel la commission demandera un scrutin public, j'insiste donc sur ce point crucial qui fait tout le sérieux de l'affaire ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. de Rohan pour explication de vote.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le ministre, le Gouvernement a déclaré l'urgence sur ce texte, et l'on comprend bien ses motivations. En effet, quand on fait un mauvais coup, on ne s'attarde pas sur les lieux du méfait.
M. Guy Allouche. Parole d'expert !
M. Josselin de Rohan. Que vous vouliez en terminer vite, parce que vous avez présenté un texte qui est un véritable scandale et un défi à la démocratie, et que vous vouliez tourner la page rapidement, nous pouvons le concevoir. Mais, nous, nous sommes heureux que, grâce au travail patient de M. le rapporteur et aux interventions d'un très grand nombre de nos collègues, vous ayez été débusqué et mis au jour, monsieur le ministre, et que vos intentions soient apparues avec plus de clarté !
Il y a de cela à peu près un siècle, le savant Cosinus avait inventé un appareil qu'il avait dénommé l'anémélectroreculpédalicoupeventombrosoparacloucycle. La version moderne de cet appareil a été donnée par le très regretté Coluche : c'était le schmilblick. Votre projet de loi, monsieur le ministre, emprunte largement à ces deux inventions, et l'on peut se demander, de temps en temps, si les inspirateurs de certaines dispositions du projet ne sont pas à la fois le père Ubu et les marxistes de la tendance Groucho.
En tout cas, votre projet de loi est un extraordinaire catalogue de mesures burlesques, comme celles qui visent à promouvoir le choix, en cas d'égalité de voix, du conseiller le plus jeune. Figurez-vous que, si pareille éventualité se présentait à l'heure actuelle dans ma région, ce serait une jeune conseillère de vingt-cinq ans qui se verrait propulsée à la tête de la région Bretagne...
M. Michel Duffour. Quelle horreur, ce serait une femme ! (Sourires.)
M. Josselin de Rohan. Elle est absolument charmante, mais je doute fort qu'elle jouisse de l'expérience nécessaire pour mener cette assemblée !
M. Guy Allouche. Vous êtes bien président, vous ! Pourquoi ne le serait-elle pas ?
M. Josselin de Rohan. Il y a aussi des mesures cyniques, celles que M. le rapporteur a bien mises en lumière avec le 49-3 et le vote bloqué.
Pourquoi sont-elles cyniques ? Parce que vous dites carrément qu'elles devront prendre fin en 2004, qu'elles ne seront plus utiles à cette date. Evidemment, vous aurez alors fait main basse sur toutes les régions et vous n'aurez donc plus besoin de l'usine à gaz que vous avez inventée ! On ne peut pas être plus clair !
On a vu ce que donnaient les mesures pernicieuses avec les commissions permanentes. Il y a aussi les mesures odieuses, plus exactement le dispositif électoral que vous avez imaginé et dont on voit très bien pourquoi il a été conçu.
Il est d'abord le moyen de sauver du naufrage un certain nombre de groupuscules, naturellement de gauche ou d'extrême gauche, qui pourront vous aider à former une majorité que vous n'avez pas dans certaines régions. Il est ensuite, et surtout, le moyen de faire en sorte que nous soyons acculés à choisir entre la compromission avec le Front national et la résignation ou la capitulation devant votre majorité plurielle.
M. Patrice Gélard La peste et le choléra !
M. Josselin de Rohan. Il va de soi que nous avons parfaitement percé vos intentions !
Seulement voilà : le scénario a des accrocs ! Maintenant, vous n'avez plus un Front national ; vous en avez deux ! L'épouvantail va donc faire moins peur et il est surtout devenu moins utile. Seulement, vous serez quand même obligé de vivre avec la difficulté.
Il reste un autre problème : le Cohn-Bendit nouveau est arrivé, et ce joyeux compère est un renard qui va manger vos poules; mais cela, c'est votre affaire !
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, vous qui m'avez si aimablement comparé à un athlète de foire, vous me faites penser, pour ma part, à ce personnage d'un film d'épouvante, le Docteur Mabuse, qui avait inventé un monstre, un robot, qui s'est précipité sur lui et qui l'a dévoré ! Voilà à quoi va aboutir votre projet de loi.
De toute façon, nous avons très bien compris que cette loi était une arme de combat, une machine de guerre contre l'opposition républicaine. C'est aussi une vision électoraliste de ce que doit être la région, une vision clientéliste.
C'est pourquoi, je vous le répète en toute sérénité, monsieur le ministre : comptez sur nous pour dénoncer cette loi, pour la combattre et pour l'abroger dès que nous reviendrons aux affaires.
M. Guy Allouche. Tel que vous êtes partis, ce n'est pas pour demain !
M. Josselin de Rohan. Dans cette perspective, nous avons l'intention d'élaborer une proposition de loi qui montrera ce que doit être la réforme régionale.
Elle doit d'abord redéfinir les compétences de la région afin de clarifier ces dernières et de bien distinguer ce qui doit revenir au département, ce qui doit demeurer à l'Etat et ce qui doit incomber à la région.
Elle doit ensuite améliorer le mode de fonctionnement de l'assemblée et distinguer mieux les pouvoirs de l'exécutif de ceux du conseil.
Elle doit, enfin, établir une véritable fiscalité régionale - cela n'existe plus - et clarifier quelque peu les financements croisés.
C'est cette réforme-là qu'il aurait fallu faire ! Mais ce n'est pas cela qui vous intéresse. Ce qui vous intéresse, c'est de monter une machine de guerre qui vous permettra de vous approprier 22, 23, voire 24 régions, et même pourquoi pas toutes ?
On aurait gagné du temps si l'on avait proclamé comme principe que les bonnes lois sont celles qui font élire les socialistes et les mauvaises celles qui ne le permettent pas ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
En tout cas, puisque le moment est venu de conclure, permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que, en tant que responsable par intérim, vous deviendrez durablement coupable pour avoir proposé le texte que vous défendez. Je le regrette parce que j'aurais souhaité pour vous un meilleur sort que celui d'attacher votre nom à celui d'un projet de loi aussi misérable, qui sera véritablement une loi scélérate et qui ne fait pas honneur à ceux qui l'ont conçue. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Raffarin pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le ministre, au terme de ce débat qui a été rude, on peut maintenant se consacrer à l'essentiel.
Si le débat a été rude, c'est parce que le fait régional est aujourd'hui l'une des solutions qui permet à la société française de régler au mieux un grand nombre de problèmes. Nous sommes nombreux ici à faire confiance au fait régional pour l'avenir, en cohérence avec le fait départemental, pour que la région s'affirme comme un échelon de solution.
En peu de temps, depuis leur création en 1972 et depuis le vote des différentes lois qui leur ont confié des responsabilités, les régions ont montré leur capacité d'action.
On le voit aujourd'hui dans la crise des lycéens : c'est ce qui a été fait par les régions qui, finalement, a été le moins contesté par les jeunes. Pour le règlement d'un grand nombre de problèmes difficiles, l'Etat lui-même fait appel à l'échelon régional.
La SNCF est en crise : on pense à la région. La sécurité sociale est en crise : on pense au fait régional. L'université est en crise : on a besoin des régions pour réaliser le plan U 3M.
Les citoyens ont compris cette exigence et adhèrent fortement à l'idée régionale.
Il faut donc faire en sorte que, tous ensemble, nous puissions bâtir cet échelon-solution pour régler un certain nombre de problèmes de la société française qui ne peuvent plus être résolus dans un Etat trop centralisé, qui doit être à la fois déconcentré et décentralisé. Telle est l'ambition que nous partageons les uns et les autres.
Or, monsieur le ministre, il ressort des débats que la dimension politique que vous donnez à ce texte va fragiliser le fait régional. En effet, les dispositions qu'il contient conduisent à cette politisation extrême qui fera de la région une assemblée paralysée par les tensions politiques.
Depuis une dizaine d'années, on voit augmenter les budgets consacrés aux groupes politiques ; on voit leurs moyens se développer. Dès que l'on est trois dans un conseil, on veut ses deux attachés et des fonds supplémentaires pour la communication, pour les déplacements, tout cela pour se rapprocher le plus possible de ce qui se passe au Palais-Bourbon. C'est une mauvaise évolution.
Nous devons en revenir à ce qui est pour nous l'important, dans une république comme la nôtre : essayer de dégager un consensus autour du fait régional.
Pourquoi n'y aurait-il pas entre nous consensus sur un échelon de décision ? Si vous le souhaitez pour l'avenir, faites un geste de façon que nous puissions partager un bout de chemin au service du fait régional.
Il est évident que, si nous avons finalement à nous prononcer sur un texte de cette nature, vous serez coupable. Vous serez coupable d'avoir eu des arrière-pensées et, dans une période, où tout le monde pense que la modernisation de la vie politique passe par une plus grande responsabilité, d'avoir organisé la non-responsabilité dans les régions.
M. le rapporteur a fait une proposition à laquelle je me rallie. Au point où nous en sommes, si vous voulez un consensus minimal, il vous faudrait revenir sur les seuils, en tout cas sur le seuil du second tour. Ce faisant, vous n'auriez pas notre adhésion sur le fond mais, au moins, vous feriez en sorte que toute la loi électorale ne soit pas systématiquement contestée en tant qu'arme politicienne. Si, au moins, vous consentiez à ce que, pour être présent au second tour, il faille recueillir 10 % des suffrages exprimés, comme nous le proposons, comme c'est le cas pour les élections municipales qui sont votre référence, vous montreriez à l'Assemblée nationale et au Sénat que le Gouvernement veille à ce que les lois électorales ne favorisent pas la séparation complète de la vie politique de notre pays en deux blocs qui ne peuvent se comprendre.
Tel est l'appel très fort qui vous a été lancé tout à l'heure ; essayez d'y répondre !
Nous ne sommes pas d'accord sur bien des sujets, mais vous ne pouvez pas nous demander d'être silencieux après tout le débat qui a eu lieu en France sur le Front national.
Nous ne serons pas silencieux si vous ne bougez pas car, si vous ne bougez pas, c'est que vous vous nourrissez des difficultés du pays ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Lanier pour explication de vote.
M. Lucien Lanier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne veux pas allonger un débat qui a été assez dense ni revenir sur tous les arguments qui ont été échangés, mais près de quatorze ans de labeur régional, en tant que représentant de l'Etat, puis comme élu, me permettent peut-être d'émettre une opinion.
Je voterai bien sûr le projet de loi tel qu'il a été amendé par notre excellent rapporteur de la commission des lois. Je le ferai car ce projet de loi tel qu'il nous est soumis n'est pas raisonnable. Il est en outre mal présenté, mal rédigé, abscons et donc peu clair. C'est pourquoi, sans employer de termes emphatiques, je dirai tout bonnement qu'il est bête ! (Rires sur les travées du RPR.)
Or, rien n'est plus dangereux qu'un projet de loi bête et qu'une loi bête si elle est votée en l'état.
Bête, pourquoi l'est-il ? Parce qu'il va faire prendre à ceux dont vous sollicitez les suffrages des vessies pour des lanternes.
Mais ce projet est non seulement bête, il est surtout empreint de fourberie. Il est fourbe d'emblée, dès l'article 1er, qui réduit à cinq ans le mandat du conseil régional.
Pourquoi cette réduction ? La question fut posée au ministre qui vous remplaçait, M. Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.
M. Josselin de Rohan. Vaillant, le bien nommé !
M. Serge Vinçon. C'est vrai qu'il est courageux !
M. Lucien Lanier. Cette réduction est-elle véritablement destinée à assurer une meilleure marche de l'institution régionale ? Non ! Comme l'a dit le Gouvernement lui-même, par la voix de M. le ministre des relations avec le Parlement, qui n'a peut-être pas tout à fait mesuré son propos à ce moment-là, il s'agit d'imposer l'ouverture du processus de réduction de tous les mandats électifs à cinq ans.
Alors jusqu'au mandat suprême ? « Il faut bien commencer par quelque chose », telle a été la réponse de M. Vaillant.
Est-ce sérieux d'essayer d'introduire ainsi, non par de glorieux cavaliers, mais par de minables monte-en-l'air, une réforme, certes chère au Gouvernement, mais qui mérite autre chose qu'un débat à la sauvette, qui mérite que l'on respecte ses interlocuteurs sans les prendre pour des totons.
Je citerai un autre exemple. A l'article 4, en plaçant le seuil à 3 % des suffrages exprimés, vous cherchez à introduire d'une manière très subreptice, sous forme de chausse-trappe, une dose de proportionnelle qui annule le remède recherché par ce projet pour établir un minimum de majorité dans les assemblées régionales, qui en ont bien besoin. Maints autres exemples qui ont été cités, et peuplent ce projet de loi sont autant de chausse-trappes.
La contradiction est donc flagrante avec vous, monsieur le ministre, et je regrette, étant donné l'estime que je vous porte personnellement, que ce soit vous qui ayez eu à défendre un tel projet.
Voilà pourquoi j'ose dire que ce projet de loi, tel qu'il a été conçu par le Gouvernement, veut être malin, alors qu'il n'est que trompeur. Ne vous étonnez donc pas que, personnellement, je le refuse et que, bien entendu, j'aie voté les amendements raisonnables proposés par notre excellent rapporteur. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Allouche pour explication de vote.
M. Guy Allouche. Beaucoup de choses ont été dites ; c'est pourquoi cette explication de vote, que je ferai au nom du groupe socialiste, sera assez brève.
Naturellement, nous allons voter contre le texte issu des travaux du Sénat. Nous avons dit que nous soutiendrions le projet du Gouvernement, même amendé. Mais le texte qui résulte des votes de la Haute Assemblée est vraiment pour nous inacceptable.
Des mots parfois excessifs ont été employés pendant ce débat. On a entendu parler de « bétonnage du pouvoir », de « stratégie guerrière », de « dictature ».
M. Patrice Gélard. C'est vrai !
M. Guy Allouche. On a entendu des mots très durs ; il paraît que c'est la richesse du débat parlementaire !
Notre rapporteur a lancé un appel solennel à l'Assemblée nationale.
M. Paul Girod, rapporteur. Oui !
M. Guy Allouche. Et vous avez raison, monsieur le rapporteur, c'est très bien de lancer ainsi un SOS à nos collègues députés. Mais quelle inconséquence d'avoir voté une question préalable en première lecture !
M. Patrice Gélard. Pas du tout !
M. Guy Allouche. Mais si ! Car si le Sénat avait délibéré, avait fait connaître ses positions et ses souhaits, il est fort probable que l'Assemblée nationale n'aurait pas agi ainsi qu'elle l'a fait. Je vous avais mis en garde en réponse à la question préalable : le Sénat a laissé le soin à l'Assemblée nationale de décider seule. Elle ne s'en est pas privée ; à qui la faute ?
Nous avons entendu M. de Rohan prononcer une explication de vote, au nom de son groupe.
Il nous a répété : lorsque nous reviendrons au pouvoir, nous veillerons à remplacer ce texte.
M. Josselin de Rohan. Certainement !
M. Guy Allouche. Mes chers collègues, j'aurais souhaité, de 1993 à 1997, débattre avec vous d'un projet issu des travaux du gouvernement Balladur, d'abord, du gouvernement Juppé, ensuite. Ce débat n'a pas eu lieu parce que vous n'avez jamais été en mesure de proposer le moindre article sur quelque texte relatif à la réforme des conseils généraux.
Aujourd'hui, M. le rapporteur a donné acte au Premier ministre de l'engagement qui a été pris et qui est respecté.
M. Josselin de Rohan. Et de quelle manière !
M. Guy Allouche. J'ai envie de dire deux choses à M. de Rohan. Tout d'abord, je paraphraserai une formule célèbre, que je ne citerai pas en italien bien que je le puisse : « Paroles, paroles, paroles... »
Il est vrai qu'aujourd'hui, monsieur de Rohan, le seul ministère que vous occupiez est celui de la parole.
M. Josselin de Rohan. C'est cela l'opposition ! Je ne demande qu'à prendre la place de certains. (Sourires.)
M. Guy Allouche. Je constate qu'il y a une équipe qui agit et d'autres qui parlent, et j'emploie le verbe « parler » pour ne pas dire autre chose, car je veux être respectueux des hommes et des fonctions.
Il y en a qui agissent et, forcément, l'action est toujours sujette à critique, et il y a ceux qui parlent. Et vous, vous parlez !
Monsieur de Rohan - et je conclurai là mon propos - vous portez encore une fois des accusations ; nous connaissons la tactique qui consiste à accuser les autres de ses propres turpitudes.
J'aurais aimé avoir votre avis sur les propos qu'a tenus tout à l'heure, avec force, M. Estier : que dites-vous lorsqu'une dépêche de l'AFP confirme que vos amis du RPR vont soutenir M. Millon lors du prochain vote dans la région Rhône-Alpes ? Vous allez voter avec le Front national ! Voilà la réalité !
M. Jean-Pierre Raffarin. Comme vous dans sept régions !
M. Henri de Raincourt. Et hier en Bourgogne !
M. Guy Allouche. Vous nous accusez de ce que nous ne faisons pas, et vous vous taisez sur ce que vous faites !
En tout cas, monsieur de Rohan, je constate que vos amis vont soutenir M. Millon, qui a fait appel aux voix du Front national. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Duffour pour explication de vote.
M. Michel Duffour. Ayant acquiescé à la sagesse de l'Assemblée nationale, nous ne pourrons, bien sûr, que voter contre le projet de loi tel qu'il ressort des travaux du Sénat.
M. Hilaire Flandre. Evidemment ! Vous n'êtes pas suicidaires !
M. Michel Duffour. Je crois que l'attitude de la majorité sénatoriale est assez pathétique parce qu'elle est extrêmement politicienne. (Rires et exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Nous avons entendu M. de Rohan nous brosser un tableau apocalyptique et nous dire que, une fois la droite revenue au pouvoir, elle s'empresserait d'abroger cette loi. Mais on peut se demander comment car, jusqu'à présent, elle n'a pas fait la démonstration de son unité sur quoi que ce soit.
Nous avons ensuite entendu M. Lanier nous expliquer que le texte était faible et fourbe, après que M. le rapporteur de la commission des lois eut lancé un vibrant appel pour que le débat soit bien cadré, que le Sénat se contente d'adresser en quelque sorte un signal minimal à l'Assemblée nationale.
Je constate que, comme en première lecture, il n'a guère été suivi que par M. Raffarin.
En effet, lors de la première lecture, M. le rapporteur, qui souhaitait que le projet soit discuté, avait été désavoué par trois des présidents des groupes de la majorité sénatoriale, dont M. de Rohan. Eh bien, aujourd'hui, d'une certaine façon, nous voyons se dérouler le même scénario !
M. Robert Bret. Ah ! elle est belle, la majorité sénatoriale !
M. Michel Duffour. C'est donc bien une attitude politicienne, et cela prouve la difficulté que vous éprouvez à adopter une démarche constructive, alternative par rapport à ce que nous proposons.
Après tout ce que nous avons entendu aujourd'hui dans cette enceinte, il me paraît nécessaire de faire certaines mises au point.
Je rappellerai d'abord - mais chacun ici le sait bien, car nous ne nous en sommes jamais cachés - que le groupe communiste républicain et citoyen est partisan de la proportionnelle, qu'il s'agisse des élections régionales ou d'autres élections.
Dans sa sagesse, l'Assemblée nationale a permis à des minorités importantes d'être représentées dans les conseils régionaux, ce qui me semble nécessaire au regard de l'exigence de pluralisme qui caractérise la démocratie.
M. Jean-Pierre Raffarin. Jusqu'à un seuil de 3 % ?...
M. Michel Duffour. Monsieur Raffarin, en Ile-de-France, par exemple, le texte voté par l'Assemblée nationale, bien loin de pousser à un éparpillement des forces, aboutira à réduire le nombre des « petites » listes, précisément parce que les mouvements politiques en cause voudront vraiment atteindre le seuil de 3 %.
Aux élections de 1998, par rapport à celles de 1992, seules deux listes supplémentaires, une « divers droite » et une d'extrême gauche, ont dépassé le seuil de 3 %, mais ce fut grâce à une addition de voix. Pour réussir à dépasser ce seuil au niveau régional, des courants politiquement proches devront constituer des listes uniques, alors qu'ils ne sont même pas tentés de le faire à l'heure actuelle.
Le système adopté par l'Assemblée nationale incite donc les représentants des courants très minoritaires à se regrouper pour avoir quelques chances d'avoir des élus. Loin d'assister à un éparpillement, nous constaterons certainement que beaucoup moins de listes diverses se présentent.
En première lecture, M. Raffarin s'était exclamé : « Mais comment peut-on être ministre quand on représente 3 %, 4 % ou 5 % des électeurs ? Est-ce bien responsable ? » Je ne sais pas, monsieur Raffarin, qui vous visiez en disant cela : M. Chevènement ? M. Gayssot ? Mme Voynet ?
En tout cas, pour ma part, je considère qu'il est bon que ces personnalités politiques puissent être parties prenantes dans tous nos débats, y compris à ce niveau de responsabilité.
D'ailleurs, si l'on établissait un tel bilan à propos des différents gouvernements que vos amis ont dirigés - vous-même avez fait partie de l'un deux -, je suis persuadé qu'on trouverait un certain nombre de ministres ou de secrétaires d'Etat qui, électoralement, « pesaient » moins de 3 %, 4 % ou 5 % ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Raffarin. J'ai simplement dit qu'avec 5 % des voix, on pouvait devenir ministre sans être maire !
M. Michel Duffour. Par ailleurs, tout à l'heure, M. de Rohan s'est élevé avec force contre l'idée qu'une jeune femme puisse devenir président du conseil régional de Bretagne.
M. Jean-Patrick Courtois. Il faut une expérience !
M. Michel Duffour. Cela résume tout ! Avec une telle attitude, vous passez totalement à côté des exigences de notre époque ! (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
M. Serge Vinçon. Vous êtes de mauvaise foi !
M. le président. Monsieur Duffour, vous avez très mal compris ce qu'a dit M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Absolument ! Vous êtes un provocateur !
M. le président. M. de Rohan évoquait un principe. Il ne visait pas cette élue, pour qui il n'a, au contraire, que de l'estime !
La parole est à M. Vinçon pour explication de vote.
M. Serge Vinçon. Je veux à mon tour indiquer que je voterai le texte tel qu'il a été amendé par le Sénat, qui a, en l'occurrence, suivi les propositions très judicieuses du rapporteur de la commission des lois.
Mais, je tiens aussi à rétablir quelque peu la vérité s'agissant de la dépêche de l'agence France-presse concernant M. Ducarre, ...
M. Guy Allouche. Un membre du RPR !
M. Serge Vinçon. ... à laquelle M. Allouche a fait allusion.
En effet, une face de la réalité est demeurée cachée, car on ne nous a pas lu l'intégralité de la dépêche. Il y est fait allusion au fait que M. Ducarre a été vivement sollicité pour signer un communiqué réclamant le retrait de M. Millon. Ce que ne nous ont dit ni M. Estier ni M. Allouche, c'est que cette invitation adressée à M. Ducarre émanait des instances nationales du Rassemblement pour la République. Vous voyez, mes chers collègues, que ce n'est pas tout à fait la présentation qui a été faite tout à l'heure !
M. Claude Estier. « Les élus RPR présents ont solennellement refusé d'accéder à cette réquête. »
M. Serge Vinçon. Je voulais rétablir la vérité : les instances nationales du RPR ont demandé à M. Ducarre de ne pas soutenir M. Millon. Telle est la vérité ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 55:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 218 |
Contre | 99 |
4