Séance du 4 février 1999







M. le président. La parole est à M. Hugot.
M. Jean-Paul Hugot. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le ministre, le taux de 40 % d'illettrés vient marquer aujourd'hui les limites d'une formation nationale dont les échecs se perçoivent aussi au travers d'un fort chômage d'inadaptation : un grand nombre de jeunes n'accèdent pas à l'emploi parce qu'ils ont reçu une mauvaise formation alors que de nombreux autres jeunes, qui s'orientent vers une formation supérieure, ne peuvent espérer atteindre les responsabilités de cadres auxquelles ils aspirent.
Dans ces circonstances, vos déclarations intempestives depuis plus de dix-huit mois sur le personnel de l'éducation nationale ont créé un climat de mécontentement rarement égalé au sein de votre ministère.
La montée en puissance de l'hostilité de ce personnel à l'égard de votre politique et de vos méthodes de travail pour la conduire ont fait naître des contestations de toutes parts. Les mouvements de grèves se succèdent sur tous les thèmes, parfois contradictoires.
Malgré votre récente stratégie de séduction, notamment à l'égard des représentations syndicales, il vous sera très difficile de sortir de l'impasse où vous vous êtes enfermé, monsieur le ministre. Les conséquences sont déjà perceptibles. Vous lancez des chantiers tous azimuts, sur les lycées, sur la charte pour l'école du xxie siècle, sur le statut des enseignants chercheurs. Mais, sur le terrain, rien ne se passe ! En braquant le corps enseignant, vous aboutissez finalement à l'immobilisme.
Les annonces de réformes, qui non seulement ne sont pas motivées mais laissent également de nombreuses zones d'ombre, sont insupportables pour les acteurs du système.
Ainsi, vous ne pouvez annoncer l'arrivée massive d'intervenants extérieurs et de coûteux emplois-jeunes dans les écoles sans redéfinir la mission exacte des instituteurs. De même, vous ne pouvez alléger les programmes des lycées, diminuer les volumes horaires et transformer la mission d'enseignement des professeurs en mission d'éducateur sans leur faire craindre le pire.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Hugot.
M. Jean-Paul Hugot. Je le répète, monsieur le ministre : l'exaspération est à son comble.
Quelles mesures comptez-vous prendre pour que les esprits se calment et que de vraies réformes soient négociées et mises en oeuvre ? (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur, vous commencez votre propos en critiquant les performances de l'école et, ensuite, vous déclarez qu'il ne faut pas la réformer !
Ces critiques, que vous avez d'ailleurs reprises d'un journal paru ce matin, sont absolument dénuées de tout fondement et participent à des attaques contre le service public de l'éducation et l'école de la République auxquels nous sommes totalement attachés.
M. Emmanuel Hamel. Nous aussi !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Il s'agit là d'une tentative de déstabilisation de cette école, tentative fondée sur des chiffres tout à fait fantaisistes quant à l'illettrisme ou aux performances.
Notre école - je tiens à le dire - est performante, même si nous devons encore l'améliorer pour être en situation de compétitivité.
Par ailleurs, nous réformons. Or, toute personne opérant des réformes se heurte à des conservatismes, et c'est pourquoi une telle idée a souvent été abandonnée par le passé.
Il faut donc traiter ce problème avec attention et sérieux en ne perdant pas de vue les objectifs.
Vous dites, monsieur Hugot, que les fruits des réformes ne sont pas encore perceptibles. C'est peut-être vrai sur certains points, du fait de la nécessité de respecter la loi : dans le domaine de l'éducation nationale, un certain nombre de mesures, tels les changements de programmes et de manuels, par exemple, ne peuvent être prises avant un certain délai, car il faut laisser aux éditeurs le temps d'imprimer les nouveaux livres.
Toutefois, certaines évolutions sont déjà perceptibles : ainsi - tous les parents d'élèves le savent, d'ailleurs - les classes sans enseignants sont tombées de 13 % à 2,5 %, en outre, la déconcentration est maintenant en mouvement, comme on le verra à la rentrée prochaine.
L'école du xxie siècle dont vous parlez a été négociée depuis des mois et entrera en application à la rentrée de février ; la réforme des lycées sera appliquée en octobre, et, dans le domaine des nouvelles technologies, nous sommes passés de la dernière place, en Europe, à la deuxième. Tels sont les résultats !
Nous réformons et nous nous heurtons à un certain conservatisme, comme c'est la loi de tout réformateur ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)

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