Séance du 17 février 1999
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Fournier, pour explication de vote.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me permettrez de rappeler que la mise en place des polices municipales dans le paysage policier français est liée à la conjonction de plusieurs phénomènes, mais surtout à l'aggravation de la petite et moyenne délinquance et à la multiplication de certains comportements qui concourent au sentiment d'insécurité.
L'examen, aujourd'hui, de ce texte en deuxième lecture intervient - vous avez eu raison de le souligner, monsieur le rapporteur - à un moment où les problèmes posés par l'insécurité ont pris une acuité toute particulière. Les dernières statistiques en matière de délinquance sont préoccupantes puisqu'on relève une augmentation de 2,6 % en un an. Plus préoccupant encore, les délinquants sont de plus en plus jeunes et les actes qu'ils commettent de plus en plus violents.
Or, dans ce contexte difficile, la loi ne décrit ni l'organisation ni les fonctions des polices municipales, en dépit d'une amélioration rédactionnelle en 1995. Elle ne fixe pas précisément les attributions de ces agents.
Une remise en ordre de l'environnement juridique dans lequel les fonctions d'agent de police municipale s'exercent s'impose donc. Mais cette remise en ordre ne saurait en aucun cas remettre en cause les prérogatives régaliennes de l'Etat en matière de sécurité.
En effet, permettez-moi de rappeler une nouvelle fois, au terme de ce débat, que la sécurité est de la seule compétence de l'Etat et que seule l'insuffisance des moyens accordés par ce dernier à sa police conduit à la mise en place des polices municipales.
Aussi, nous nous réjouissons de la démarche pragmatique de notre rapporteur, qui a recherché à instaurer un véritable partenariat équilibré entre l'Etat et les communes afin de promouvoir l'efficacité des polices municipales et qui a su, par ses remarques, ses observations et ses propositions, d'une part, répondre aux légitimes préoccupations de nos concitoyens en matière de sécurité et, d'autre part, relever le défi posé par l'évolution des relations entre l'Etat et nos communes.
Au terme de ce débat, je n'aborderai qu'un point particulier : le dispositif retenu par le Sénat et relatif à l'armement des agents de police municipale selon la nature de leur mission ou les risques auxquels ils sont exposés.
Nous nous félicitons, sur ce point, du rapprochement des positions de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il aurait été paradoxal d'introduire un principe de non-armement, alors même que les adjoints de sécurité, qui sont, je le rappelle, des emplois-jeunes, sont autorisés à porter une arme après seulement une formation de deux mois.
Je souhaite que l'Assemblée nationale, qui a fait un premier pas vers le Sénat, en fasse un second et accepte la rédaction du Sénat, qui est moins restrictive que la sienne.
Le port d'une arme constitue un attribut de la force publique, qui, nous en sommes persuadés, peut avoir, dans certains cas, un effet dissuasif.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe du Rassemblement pour la République voteront ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux de notre Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy. Voilà quelques jours, un groupe d'habitants de la ville de Rennes a cru devoir manifester contre le maire en le mettant en cause parce qu'il n'avait pas « assuré la sécurité dans les rues ».
Un événement de ce genre s'ajoute à une kyrielle d'incidents qui font que les maires se trouvent mis en cause à tout propos, et plus particulièrement au titre de la sécurité. Voilà qui devrait tous nous interpeller dans cette enceinte !
Au moment où l'insécurité, les violences urbaines et la délinquance, en général, constituent malheureusement l'actualité quotidienne, la discussion de ce projet de loi paraît d'autant plus pertinente et opportune.
Tout le monde reconnaît que la police municipale, police de proximité, a un rôle à jouer en la matière. Celle-ci a déjà fait la preuve de son utilité et de son efficacité, même si, dans certaines communes, elle est rudimentaire.
Mais, au-delà de ce dispositif intéressant qui comblera le flou du cadre juridique qui prévalait jusqu'ici pour les policiers municipaux, la question qui se pose aujourd'hui est de savoir si les moyens mis en oeuvre pour lutter contre la délinquance répondent à une situation critique.
Diverses mesures ont été annoncées par le Gouvernement. Attendons de savoir si elles parviennent, à elles seules, à modifier profondément les données de ce grave problème, qui préoccupe de plus en plus nos concitoyens.
Je tiens, au passage, à souligner que, dans le relevé des décisions prises par le Gouvernement au terme du conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999, était développée l'idée d'approfondir la coordination entre les services de police nationale, la gendarmerie et d'autres services, comme les douanes ou les services fiscaux, afin d'améliorer l'efficacité de la réponse aux actes de délinquance.
Nous regrettons, dans notre groupe, que l'accent n'ait pas alors été mis sur la complémentarité entre toutes les polices.
L'article 2 du projet prévoit l'élaboration d'une convention de coordination, qui définira notamment l'organisation des relations entre les policiers municipaux, la police nationale et la gendarmerie. Cette coordination est essentielle, surtout si l'on veut combattre efficacement la délinquance. Les efforts de tous ne seront pas de trop !
La navette parlementaire a permis, notons-le, un rapprochement des points de vue du Sénat et de l'Assemblée nationale. C'est assez peu fréquent pour qu'on le souligne en s'en félicitant.
Certaines divergences demeurent, mais les amendements adoptés par la Haute Assemblée complètent, à notre avis, de façon très mesurée et équilibrée le dispositif prévu dans le projet de loi. Un consensus devrait donc pouvoir être trouvé avec l'Assemblée nationale.
Nous tenons, enfin, à saluer le travail et les avis éclairés de notre excellent rapporteur, M. Delevoye.
Pour toutes ces raisons, vous l'avez compris, le groupe des Républicains et Indépendants votera ce texte tel qu'amendé par la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous félicitons de la décision du Gouvernement de nous faire légiférer sur les polices municipales, dont le rôle doit être le complément de celui de la police nationale, elle aussi police de proximité, car cette notion ne saurait être réservée aux seules polices municipales.
Notre philosophie nous a conduits à considérer le texte originel du Gouvernement comme étant le mieux à même de faire face aux défis actuels. Depuis, ce texte a été travaillé, j'en donne acte à M. le rapporteur. Pour autant, je ne pense pas qu'il ait été enrichi, et je le regrette.
L'Assemblée nationale a fait un pas vers la Haute Assemblée. Nous aurions aimé que l'inverse soit également vrai. Nous ne voterons pas le projet tel qu'il a été amendé aujourd'hui, car il s'éloigne malheureusement trop du texte initial.
M. le président. La parole est à M. Charmant.
M. Marcel Charmant. Pour le groupe socialiste, c'est malheureusement souvent une habitude de se trouver un peu en contradiction au moment du vote final.
Nous sommes, comme nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, tout à fait satisfaits que ce gouvernement ait proposé d'encadrer par un texte législatif - on le demandait depuis fort longtemps et aucun gouvernement ne l'avait fait jusqu'à ce jour - l'activité des polices municipales et à intégrer ces dernières dans le dispositif de sécurité dont l'Etat a la responsabilité.
Le texte proposé par le Gouvernement et amendé par l'Assemblée nationale nous convenait fort bien, et nous aurions souhaité le manifester par un vote positif en l'instant.
Malheureusement, la majorité sénatoriale, à laquelle nous avons pourtant demandé de faire un pas en direction de l'Assemblée nationale, d'autant que - M. le rapporteur l'a noté - les députés ont fait beaucoup d'efforts pour tenter un rapprochement, ne nous le permettra pas.
Par conséquent, bien qu'étant favorables au projet de loi du Gouvernement, nous voterons contre le texte qui, sur l'initiative de la majorité de droite de cette assemblée, sort à ce point modifié de nos travaux.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après M. le ministre de l'intérieur, je voudrais à mon tour me réjouir de la tenue de ce débat. Le travail a été approfondi, l'échange a eu lieu. Il y a eu certes des convergences, mais des divergences non négligeables subsistent. J'espère, avec Jean-Pierre Chevènement, que les phases ultérieures du débat parlementaire permettront de les atténuer, et qu'un rapprochement se fera, malgré tout, sur les points qui paraissent essentiels au Gouvernement.
Pour conclure, monsieur le président, je tiens à vous remercier, ainsi que M. le rapporteur et l'ensemble des membres de la Haute Assemblée, pour la qualité de ce débat.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
4